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Remarque 2 : La mobilité sociale est une idée moderne : C.Bouglé oppose deux modèles de sociétés :
• dans le premier, l’identité est assignée à la naissance, comme dans les anciennes civilisations de castes et
d’ordre.
• Dans le second, l’identité est acquise et modifiable comme dans les sociétés modernes.
Remarque 3 : Pour les sociétés traditionnelles on peut distinguer deux types dominants :
• les castes présentent un système hiérarchique rigide ( les différents groupes sont inégaux en droit ), clos (chaque
groupe est replié sur lui-même: homogamie stricte); le statut social est héréditaire (il se transmet de génération en
génération.
• Le système d’ordres est de même nature mais il y a une différence de degré : il peut y avoir mobilité sociale,
limitée et contrôlée par l’Etat (anoblissement, achat de charge).
• Ce sont donc des sociétés rigides dans lesquels la mobilité sociale est soit inexistante soit marginale. Le statut
social est assigné à l’individu par la société.
Cette distinction est importante pour l’évaluation qu’on peut faire des flux de mobilité :
• En effet , si la distribution sociale des positions ne changeait pas , il n’y aurait pas
de mobilité structurelle ; toute la mobilité observée serait nette . Dans ce cas et
seulement dans ce cas , une immobilité totale est possible .
• La mobilité nette suppose que les flux s’équilibrent : si quelqu’un connaît une
mobilité sociale ascendante , un autre connaît une mobilité sociale descendante
• Tandis que , si la distribution des catégories a changé , il est nécessaire qu’une
quantité minimale de mobilité , dite structurelle , se soit produite .
• Dans la mobilité structurelle , il n’ y a pas forcément de compensation : tous
peuvent avoir une mobilité sociale ascendante ou descendante .
Cette idée qu’il existerait 2 types de mobilité est contestable . Une nouvelle distinction
a donc été établie qui considère que les phénomènes de mobilité sociale doivent être
étudiés selon 2 points de vue différents et complémentaires :
- celui des taux absolus de mobilité, encore appelés mobilité observée consiste à
analyser la mobilité telle qu’elle est affectée par l’évolution de la distribution
socioprofessionnelle des fils comparativement à celle des pères
- celui de la fluidité sociale ou taux relatif de mobilité vise à étudier la force du lien
entre l’origine et la position sociale indépendamment de l’évolution de la distribution
socioprofessionnelle des fils comparativement à celle des pères . Afin de mesurer la
fluidité sociale , les sociologues calculent le rapport des chances relatives ( ou odds
ratios) : supposons que sur 100 fils de cadres , 80 deviennent cadres et 20 ouvriers ,
que sur 100 fils d’ouvriers , 75 deviennent ouvriers et 25 deviennent cadres , alors :
Cela signifie que les fils de cadres ont 12 fois plus de chances de devenir cadres
qu’ouvriers que les fils d’ouvriers .
Les changements sociaux qui affectent les effectifs des groupes , interfèrent
nécessairement avec la mobilité des individus et ont aussi des effets sur le classement
social des groupes :
• D’une période à l’autre , la signification sociale de l’appartenance à une catégorie
sociale donnée peut varier sensiblement .
• Ex : les instituteurs étaient des notables sous la III° République . Avec la
généralisation de l’enseignement secondaire et la forte croissance des autres
professions supposant un niveau de diplôme équivalent au leur , ces groupes
professionnels ont vu décliner leur prestige et leur place relative dans l’espace
social.
• Dès lors , on doit se demander si , dans l’analyse de la mobilité individuelle , il
convient de tenir pour immobile , par exemple , un professeur fils de professeur , ou
pour mobile ascendant un professeur fils ou petit-fils d’instituteur .
Conclusion : La mobilité sociale est non négligeable, néanmoins la viscosité sociale demeure réelle .
Le bilan est moins favorable depuis une dizaine d’années (on ne dispose pas encore des données concernant les
femmes) :
Champ : Hommes actifs ayant un emploi, ou anciens actifs ayant un emploi, de 40 à 59 ans dans un découpage en six
catégories.
La mobilité observée a cessé de progresser durant les dix dernières années, elle a même légèrement régressé mais de
manière non significative.
Champ : hommes actifs ayant un emploi ou anciens actifs ayant eu un emploi, âgés de 40 à 59 ans en 1977, 1993 et
2003.
Il s’ensuit que la mobilité nette a diminué depuis 1977. A quoi cela peut-il être dû ? Stéphanie Dupays ("En un quart de
siècle, la mobilité sociale a peu évolué", dans Données Sociales, 2006) explique cette évolution par une diminution de la
mobilité professionnelle (intragénérationelle). Par exemple, 40% des employés interrogés en 2003 sont dans la même
position professionnelle que lorsqu’ils ont débuté (contre 30% en 1993). Cette moindre mobilité professionnelle est due
à un contexte économique moins favorable.
C’est alors toute la question du verre à moitié vide ou à moitié plein qui est posé :
• selon certains , comme L.A.Vallet : « on détecte pour la société française une érosion lente et statistiquement très
significative du niveau général de l’inégalité des chances sociales . Cette évolution paraît si régulière qu’elle peut
même être résumée par un paramètre unique qui décrit alors une tendance linéaire . Cela conduit à dire que le
niveau général de la fluidité sociale s’est accru au rythme de 0,5 % par an durant 40 ans . ( … ) Parmi les quelques
12 millions de français âgés de 35 à 59 ans et qui ont un emploi en 93 , près d’un demi-million , c’est-à-dire à peu
près 4 % occupent des positions sociales qui n’auraient pas été les leurs en l’absence de cette augmentation de la
fluidité sociale en 40 ans » . On peut aussi constater qu’en 1953 les chances relatives de devenir cadre supérieur
qu’ouvrier sont 1333 fois plus fortes chez les fils de cadres que chez les fils d’ouvriers . La dernière enquêtre de
1993 montre que les chances relatives ne sont plus que 20,7 fois plus grandes chez les fils de cadres que chez les
fils d’ouvriers . L’inégalité des destins sociaux mesurée par cet indicateur reste importante , mais fait apparaître
une diminution marquée .
• Mais , comme le note D.Merllié « globalement , au rythme constaté sur 40 ans , il faudrait 2 siècles pour qu’on
arrive à une société où les destins sociaux ne dépendraient plus des origines » .Pour une société démocratique
basée sur l’égalité des chances , cela est surprenant .Les chances d’arriver à ce résultat sont d’ailleurs d’autant
moins certaines que depuis la crise , l’ascenseur social semble en panne .
B ) ET STRUCTURELLE ( 6 p 128)
Constat : La différence des résultats entre table de destinée et de recrutement trouve son origine dans le fait que la
mobilité sociale est avant tout structurelle .
Second exemple : La mobilité structurelle explique aussi les différences de résultats pour les cadres :
• 52 % des fils de cadres sont devenus cadres ( destinée)
• et 24 % des cadres sont fils de cadres .
• L’augmentation du nombre de postes de cadres (en particulier pendant les 30 glorieuses) a donc permis à la fois
aux fils de cadres de devenir cadres mais a aussi créé un appel d’offre pour d’autres catégories .
Conséquence : Ce qui explique donc d’abord la mobilité sociale , c’est principalement la transformation de la nature
des emplois qui résulte de 4 effets
il y a eu une translation vers le haut de la structure des emplois : une baisse de la part des agriculteurs et des ouvriers et
une augmentation de la part des cadres , employés , professions intermédiaires . Les fils ne peuvent donc plus occuper la
même position sociale que leur père ; et les emplois offerts sont à un niveau hiérarchique supérieur , ce qui permet une
mobilité sociale ascendante .Selon L.Chauvel : « au cours de la période de très forte croissance économique des 30
Glorieuses , il s’est produit une véritable révolution de la structure sociale . D’où un appel d’air extraordinaire pour les
enfants nés dans les années 40 ( … ) Pour ces générations , l’escalator social a connu une prodigieuse accélération . Mais
pour les suivantes , il s’est arrêté , voire inversé . C’est cette panne qu’ont connu dans les années 80 , les jeunes nés entre
1955 et 1965 . Résultat , on commence à voir des accidents de parcours chez les enfants de cadres et de plus en plus de
jeunes en situation plus difficile que leurs parents »
2 - la fécondité différentielle
4 - l’apport de l’immigration
La mobilité sociale des jeunes français a été d’autant plus facilité pendant les trente glorieuses que les immigrés
prenaient la place (laissée libre par des jeunes qui s’élevaient dans la société) en occupant les emplois les plus mal payés
et les moins valorisants
Mais depuis les années 70 , pour lutter contre le chômage , la France a fermé ses frontières à l’immigration . Dès lors , il
faut bien que quelqu’un occupe les emplois que ne peuvent plus prendre les immigrés , d’où une mobilité descendante
pour une partie des jeunes français .
Conclusion : En résumé on peut dire que la mobilité sociale a certes progressé mais que cette mobilité :
• s’effectue par trajets courts ,
• qu’elle est horizontale
• mais qu’elle résulte essentiellement des changements de structure plutôt que d’une plus grande fluidité de la
population et d’une réduction des inégalités ,
• que cette mobilité structurelle dépend énormément du contexte économique et social , et que depuis 20 ans , elle
est beaucoup moins forte qu’elle ne l’était par le passé
PARTIE III : LES ANALYSES THEORIQUES DE LA MOBILITE
SOCIALE
INTRODUCTION
2 agents, essentiellement, interviennent dans le processus de la mobilité sociale : la famille et l’école , dans les sociétés
qui ont généralisé un système de formation extérieur à la famille . Le rôle du système scolaire a fait l’objet de
controverses :
• pour P.Bourdieu et J.C.Passeron , l’école reproduit les inégalités sociales
• selon R.Boudon c’est le choix rationnel des individus en fonction de leur position sociale qui explique la
mobilité sociale
En 1995 , « The Bell Curve » signé par C.Murray et R.Herrenstein et publié aux USA a apporté une réponse
concernant l’origine des inégalités de revenu ou de prestige .
Postulat de base : La thèse centrale de leur livre est que , de plus en plus , :
• l’accès au pouvoir financier , économique est déterminé par l’intelligence de l’individu donc par un facteur
naturel, et de moins en moins par des facteurs exogènes comme la classe sociale ou la fortune .
• Or , selon les auteurs , l’intelligence mesuré par le QI n’est pas seulement inégalement réparti suivant les groupes
ethniques : les noirs ont un QI moyen inférieur aux blancs , elle est aussi essentiellement héréditaire .
A ) LA CONCEPTION MERITOCRATIQUE
Constat : Jusqu’à la fin du XIX° siècle , en Europe , l’éducation reproduisait fidèlement la stratification sociale :
• d’une part des écoles privées et payantes réservées aux classes supérieures ,
• d’autre part des écoles publiques financées par l’Etat ou par les collectivités et destinées aux classes populaires .
• Il ne peut donc y avoir de mobilité sociale car au départ il y a inégalité des chances .
conséquences : Ainsi le choix du type de scolarité dépend du calcul rationnel des individus :
• ils comparent le coût d’une année de scolarité supplémentaire avec son bénéfice .
• Pour 2 enfants de réussite scolaire identique médiocre , il est rationnel pour l’enfant de
classe supérieure de continuer des études longues ; et pour un enfant de classe populaire ,
de faire des études courtes .
Conséquences : plus il y a des points de bifurcation , plus l’influence du choix aura un effet
important : il a un effet démultiplié .
La démocratisation, comme l’indiquait A de Tocqueville (cf. chapitre précédent) résulte du fait que « les idéaux
démocratiques dont était porteuse la révolution de 1789 ne pouvaient s’arrêter à l’exercice formel d’une égalité politique
(…) ainsi à l’égalité politique du citoyen devait pouvoir correspondre une égalité sociale, non pas des situations elles-
mêmes, mais des conditions de leur accès ».
3° ) LE PARADOXE D’ANDERSON
Constat : Or , c’est le contraire que l’on remarque Ainsi, on remarque que « 70 % des fils ont
un niveau de diplôme supérieur à celui de leur père, mais seulement 39 % ont un statut social
supérieur . » Ces chiffres indiquent que, étant donné les catégories considérées, la structure
sociale s’est déplacée vers les catégories supérieurs mais avec une intensité moins grande que
la structure éducationnelle »
Conclusion : L’inflation des diplômes est donc un effet pervers de l’action rationnelle des
individus :
• il est rationnel pour les individus de continuer leurs études ;
• mais de ce fait , ils réduisent la valeur de leur diplôme .
• on observe un effet d’agrégation des comportements individuels qui génère un
résultat non attendu et non souhaité de la part d’individus pourtant rationnels : on parle
alors d’effets pervers ou contra-productifs.
INTRODUCTION
Définiti on : La conception républicaine considère que le savoir est en soi un facteur
de promotion :
• l’école ,en tant qu’institution chargée de dispenser le savoir à tous les citoyens ,
sans distinction d’origine ni d’appartenance , devait contribuer à la disparition des
inégalités sociales et des privilèges .
• L’école devait récompense les meilleurs .
Remarque : Cette croyance s’est d’autant plus enracinée que l’on connaît de nombreux exemples de réussite .
Conclusion : Les enfants des classes populaires sont donc désavantagés car ils ne disposent
pas du langage utilisé par l’école (le langage formel) : pour réussir , il faut qu’ils en apprennent
un nouveau
Ces trois types de capital n’ont pas la même influence sur la réussite scolaire :
• Selon P Bourdieu c’est le capital culturel qui explique principalement l’inégale réussite
scolaire .
• P. Clerc a ainsi montré que , à diplôme égal , le revenu n’exerce aucune influence propre
sur la réussite scolaire . A revenu égal , la réussite dépend d’abord des diplômes du père
et de la mère.
• Le capital culturel a donc un rôle plus important que le capital économique : c’est le
niveau culturel global de la famille qui est important .
Bourdieu peur alors en conclure que l’individu n’est pas un acteur rationnel qui décide
de la poursuite d’études en fonction d’une analyse coût-bénéfice opérée sous
contraintes . En effet , il écrit : « Les attitudes à l’égard de l’école , de la culture scolaire
et de l’avenir proposé par les études sont pour une grande part l’expression du système
de valeurs implicite ou explicite qu’ils doivent à leur appartenance sociale . En fait , tout
se passe comme si les attitudes des parents ( … ) étaient avant tout l’intériorisation du
destin objectivement assignée à l’ensemble de la catégorie sociale à laquelle ils
appartiennent » .
• Bourdieu oppose , sur ce point , les enfants d’ouvriers à ceux qui sont issus des
classes moyennes :
• les familles ouvrières ont ,selon Bourdieu , intériorisé même si
elles ne les connaissent pas , les forts risques d’échec de leurs
enfants qui cherchent à accéder à l’enseignement supérieur
( seulement 2 % réussissent ) . Les parents ne sont pas alors
incités à valoriser une poursuite longue d’études , craignant les
déceptions futures .
• inversement , les enfants issus des classes moyennes ont des
probabilités d’accès aux études supérieures beaucoup plus
importantes . Ils vont donc développer un ethos de classe , basé
sur l’ascension sociale et l’aspiration à la réussite à l’école par
l’école . Ils vont donc pousser leurs enfants à réussir leurs études
.
• Sur le même principe , le groupe des pairs joue un rôle essentiel : les jeunes , du
fait de l’homogénéité sociale assez importante des collèges et lycées , ont une
forte probabilité de se retrouver avec des enfants issus de leur groupe social
d’origine qui vont redoubler l’influence du milieu familial , en incitant leurs
membres à développer par rapport à l’école des espérances raisonnables : « c’est-
à-dire , bien souvent , au renoncement espéré » .
Conclusion : Selon l’origine sociale , les enfants ne sont donc pas dans la même situation : il y
a donc inégalité de départ face à l’école
Conséquences : Il y a donc une grande légitimité accordée à ceux qui détiennent les postes
clés : ils sont seuls responsables de leurs résultats . Cette approche est partagée par toute la
population : des exemples de déchéance sociale ou au contraire d’ascension sociale sont
toujours mis en exergue pour montrer la neutralité de l’école .
Conclusion : Le rôle de l’école est donc de transformer selon P.Bourdieu « ceux qui héritent en
ceux qui méritent »
2° ) LE RACISME DE L’INTELLIGENCE.
Critiques :
- Bourdieu constate que les tests d’intelligence sont apparus au moment où les
enfants de classes populaires commençaient à poursuivre des études qui avaient
une forte probabilité de déboucher sur un échec . 2 solutions étaient alors
applicables :
• soit l’école développe un enseignement qui n’est pas neutre et qui valorise
la culture bourgeoise ; elle doit alors se réformer afin d’assurer une réelle
égalité des chances
• soit l’échec quasi systématique des enfants des classes populaires
s’explique par une insuffisance de capacités naturelles , c’est-à-dire
d’intelligence
- selon Bourdieu , c’est le second choix qui a été opéré ; les tests d’intelligence ne
peuvent être donc considérés comme des outils neutres et objectifs , puisque :
« l’intelligence c’est ce que mesurent les tests d’intelligence , c’est-à-dire ce que
mesure le système scolaire » .
- Bourdieu peut alors en conclure que les tests d’intelligence sont une forme de
manipulation qui permet aux privilégiés dont « le pouvoir repose , en partie , sur la
possession de titres qui , comme les titres scolaires , sont censés être des titres
d’intelligence » de justifier leur position en se sentant d’une naissance supérieure .
On peut alors parler d’un racisme de classe : « le classement scolaire est un
classement social euphémisé , donc naturalisé , un classement social qui a déjà subi
une censure ( … ) tendant à transformer les différences de classe en différences
d’intelligence , de dons , c’est-à-dire en différence de nature » .
- Ces tests ne mesurent donc pas l’intelligence mais la capacité d’adaptation à l’école . Or
cette capacité est différente selon l’origine sociale : forte pour les enfants des classes
supérieures , faible pour les enfant des classes populaires qui doivent opérer une
acculturation . Cela expliquerait donc les résultats du QI sans mettre en cause l’intelligence
des classes populaires .
Mesures préconisées pour lutter contre les inégalités : Pour démocratiser le système
scolaire , les instruments employés sont la réduction des inégalités de revenu : c’est le système
de bourses qui permet de compenser la faiblesse des revenus des classes populaires .
conclusion : Les enfants des classes populaires sont donc désorientés face à cet univers
brouillé de filières multipliées :
• ils sont donc contraints à s’abandonner aux conseils de conseillers d'orientation
professionnels ou bénévoles qui ne font , le plus souvent , que renforcer leurs inclinations
(socialement constituées) à choisir les voies les plus sûres à leurs yeux , c’est-à-dire les
plus courtes et les plus scolaires .
• Or ce choix ne les laisse pas à l’abri d’une dévaluation de leur diplôme pour un
investissement scolaire souvent fort
constat : La stratégie des enfants des classes supérieures est différente car ils disposent d’une
meilleure connaissance du système :
• soit ils disposent des compétences scolaires nécessaires pour faire des études « nobles »
et donc rares : on constate qu’entre 1981 et 1991 :
- les fils de cadres supérieurs et assimilés représntent80% des admis au concours
externe(la voie royale ) et seulement 16 % des jeunes.
- Les fils d’ouvriers au contraire représentent 38% des jeunes et seulement 1.5 % des
reçus.
• soit ils vont contourner l’obstacle scolaire pour un résultat nettement plus efficace que
celui des enfants des classes moyennes et inférieures :
- Ils vont s’orienter vers les formations les moins autonomes et les moins contrôlés
scolairement de l’espace scolaire , c’est-à-dire vers les écoles refuges qui se sont
multipliées au cours des 20 dernières années , surtout dans le domaine de la gestion
( où simultanément la pression de la demande se faisait aussi sentir )
- La naissance de ces écoles résulte de l’accroissement du nombre de diplômés , qui
tend à déterminer l’exclusion des non -diplômés et des autodidactes . Pour les
enfants des classes supérieures en échec scolaire , ces écoles sont la solution pour
obtenir un diplôme et éviter la déchéance sociale .
conséquences :
• La caractéristique de ce type d’enseignement est d’être a-scolaire : il est bien adapté à la
population qui se présente dans ces écoles car ils sont en échec scolaire; on s’intéresse à
la personnalité du candidat et non à ses performances scolaires
• Les diplômés de ce type d’école vont être en concurrence avec les diplômés traditionnels
(BTS , IUT ) .. Malgré des performances scolaires moins bonnes , ils sont mieux armés pour
trouver un emploi et éviter la dévaluation de leur diplôme : leur diplôme est rare et surtout
ils disposent d’un capital social important .
Conséquences :
• Ainsi , la démocratisation de l’enseignement a plus servi aux mauvais élèves des classes
supérieures ( qui peuvent maintenant obtenir un diplôme et le convertir en position sociale
grâce à leurs relations )
• qu’aux bons élèves des classes moyennes et populaires ( qui ont fait des investissements
scolaires , qui ne se traduisent pas forcément par de la mobilité sociale ) .
E ) LE CONFLIT CULTUREL .
Constat :
• Les enfants des classes populaires ont donc des difficultés pour réussir leur scolarité : ils
doivent opérer une déculturation ( abandonner leur culture d’origine ) pour réussir leur
acculturation ( apprentissage d’une autre culture )
• En revanche , pour les enfants des classes supérieures , la scolarité est facilitée par un
processus d’enculturation ( renforcement de leur propre culture ) .
Explications : Les enfants des classes populaires qui réussissent scolairement sont confrontés
à une dualité culturelle . Comme le dit R.Hoggart dans « La culture du pauvre » , le boursier
appartient à deux mondes à la fois :
• il subit , plus que tout autre élève, l’influence de l’école et des valeurs scolaires ,
• mais il n’en reste pas moins attaché à la vie du groupe familial et à ses valeurs .
Conclusion : Cette dualité culturelle aboutit souvent à des difficultés d’intégration dans un
groupe social : il est difficile de rester dans son milieu d’origine et l’insertion franche dans le
milieu social d’accueil est à la fois perçue comme impossible et délibérément refusée (cf.
l’exemple d’A Ernaux)
F ) L’HABITUS (2 p140)
L’influence du groupe familial sur l’individu est développé par P.Bourdieu à travers son concept
d’habitus .
Définition :
• Il désigne un système de dispositions durables et transposables à beaucoup de situations
qui fonctionne comme une guide de perceptions , d’appréciations ou d’actions .
• L’habitus montre donc, que contrairement aux visions déterministes de type marxistes et
durkheimienne, l’individu n’est pas totalement passif, qu’il contribue par sa liberté d’action
, à la construction de son histoire ;
• Mais le rôle du mileu social et familial reste essentiel : l’habitus est en effet élaboré dans
le cadre de la famille et surtout lors de la prime enfance (socialisation primaire)
• Il est variable selon la classe d’appartenance ( populaire , moyenne ou supérieure )
• et trouve sa source dans l’expérience passée des générations .
• L’individu agit mais il n’est pas libre de ses actions : elles sont influencées par son son
habitus et par sa socialisation au sein d’une classe sociale qui sont largement intériorisés
donc inconscient
Critiques :
• Si cette thèse a le mérite de mettre en valeur une socialisation différentielle selon les
classes ,
• elle apparaît démunie quant à l’approche du changement social : le changement social
modifie l’horizon des possibilités objectives des enfants . Ces derniers peuvent trouver
ainsi des marges de manœuvre que l’intériorisation des valeurs et des normes parentales
ne supprime pas totalement
Remarque : a partir des années 80, pour tenir compte de l’évolution de la société, P Bourdieu
a amendé la notion d’habitus afin d’insister davantage sur la liberté de l’individu,
particulièrement quand celui-ci connaît une mobilité sociale qui l’éloigne de son groupe
d’origine, ou quand la société connaît des bouleversements ( ex la chute du mur de Berlin et
ses répercussions sur la culture communiste), mais Bourdieu contrairement à Boudon rejette
toujours l’idée que l’individu serait un acteur social totalement libre et agissant uniquement en
fonction de son intérêt personnel par un calcul rationnel.
La publication dans la synthèse annuelle de l’INSEE "France portrait social" (édition 2000-2001)
d’un article intitulé "La persistance du lien entre pauvreté et échec scolaire" a suscité une
discussion intéressante. Les auteurs, Dominique Goux et Éric Maurin il s’agit de montrer que
« Plus le revenu d’une famille sont élevés, plus les parents sont à même d’offrir à leurs enfants
des conditions de vie favorables à leur développement et il s’agit d’un déterminant
fondamental. Le revenu des parents n’est sans doute pas le seul facteur de réussite scolaire, ni
même peut-être le plus important, mais il n’en a pas moins un effet considérable sur la qualité
des scolarités dans le primaire et au collège, effet plus important et stable dans le temps que
ne le suggèrent les corrélations habituellement analysées dans la littérature sur l’inégalité des
chances. »
Les données sont éloquentes : « Tout se passe comme si les enfants naissant dans les
familles appartenant aux 20% les plus riches partaient avec une ou deux années de maturité
supplémentaires sur les enfants naissant dans les familles appartenant aux 20% les plus
pauvres. » C’est ainsi que « 62% des enfants de 15 ans appartenant aux 20% des familles les
plus modestes sont en retard en troisième, contre seulement 17% des adolescents appartenant
aux 20% des familles les plus aisées. »
La conclusion de cette étude ramène le lecteur aux positions qui étaient défendues avant la
publication des travaux de Bourdieu et Passeron : « une réduction de l’inégalité des chances
entre enfants passe sans doute d’abord par une amélioration des conditions de vie matérielles
de ces enfants, avant d’être une question d’organisation du système scolaire et de l’effort
pédagogique. » Cette conclusion est assez forte pour que la méthode soit discutée.
Il est évident qu’il y a un lien entre le niveau de diplôme des parents et leurs revenus.
Comme la sociologie de l’inégalité des chances établit un lien entre niveau de diplômes des
parents et réussite scolaire, on peut penser que la corrélation entre revenus des parents et
réussite scolaire est la simple traduction des corrélations traditionnelles. Conscients de cette
difficultés, Dominique Goux et Éric Maurin cherchent à éliminer le biais en travaillant sur
l’hypothèse suivante : il faut comparer les résultats d’enfants différant selon le statut social des
grands-parents, parce que c’est un facteur déterminant le revenu des parents, mais qui n’a pas
en soi d’effets directs importants sur les performances actuelles des enfants. L’indicateur de
réussite scolaire retenu est le taux de redoublement au collège.
L’utilisation des PCS est mal adaptée aux études de l’inégalité des chances parce que ce
classement traduit mal les écarts de revenu.
• Application : il existe des corrélations assez fortes entre réussite scolaire des enfants et
diplômes des parents (corrélation positive) ou nombre de frères et sœurs (corrélations
négatives). Ces corrélations ne sont pas forcément interprétables comme des causalités :
le chopix du n ombre d’enfants peut-être lié au désir de mieux soutenir le travail scolaire
- ce n’est pas une cause de la réussite c’est un élément d’une même stratégie.
• En utilisant des tests statistiques les auteurs tentent de repérer la part des "effets vrais"
du revenu, des diplômes des parents et de la taille de la famille. L’effet du revenu
domine largement celui du capital scolaire des parents, et le nombre de frères et sœurs
reste une cause importante de la réussite scolaire des enfants.
Dans une analyse critique de cette étude Arnaud Parienty insiste sur deux faiblesses :
• Si le redoublement au collège concerne souvent des enfants vivant dans des familles
pauvres, cette pauvreté est fréquemment associée à d’autres éléments (instabilité
familiale et résidentielle, difficultés psychologiques des parents...) dont il ne semble pas
que les auteurs aient pris la précaution de contrôler l’éventuelle influence. Les auteurs ne
cherchent à aucun moment à fournir une explication, un mécanisme reliant pauvreté et
échec scolaire, comme si la "causalité" statistique pouvait suffire.
• Il propose alors une explication de cette influence. Derrière le revenu il y a une autre
variable susceptible d’influencer la réussite scolaire : le lieu de résidence. « La qualité
des établissements scolaires joue un rôle croissant dans la détermination des prix de
l’immobilier. En matière de réussite scolaire, l’argent sert d’abord à habiter au "bon"
endroit, pour bénéficier de "bons" établissements (c’est-à-dire d’établissements
fréquentés par des élèves de bonne famille !) ; à défaut, à échapper aux établissements
à mauvaise réputation par le recours au privé. »
Conclusion :
Les études plus récentes montrent que les analyses de Bourdieu et de Boudon doivent être
prises en compte toutes les deux, mais surtout qu’elles doivent être complétées. La perspective
de Bourdieu s’appliquerait bien au niveau primaire tandis que celle de Boudon concernerait
plutôt la suite du cursus scolaire.
Dans un livre récent, Les Inégalités sociales à l’école : genèse et mythes, (PUF, 2002), Marie
Duru-Bellat fait le point. prenant acte du maintien des inégalités devant l’école, l’auteur
indique que l’origine sociale n’explique qu’une partie de ces inégalités. Ainsi, 20 % des enfants
d’ouvriers ont un diplôme de l’enseignement supérieur quand 15 % des enfants de cadres
n’obtiennent même pas le baccalauréat.
L’auteur insiste sur l’effet du contexte, la progression des élèves étant variable selon
l’établissement et la classe fréquentés. Cette observation permet de penser que les inégalités
scolaires peuvent et doivent être combattues.
Des enquètes menées au niveau de la moyenne section sur les prérequis en lecture,
vocabulaire, structuration spatiale ou temporelle, soulignent que les pratiques éducatives des
familles, liées notamment à leurs conditions matérielles de vie et à leur niveau scolaire, sont
inégalement stimulantes. Des situations d’inégalités qui vont aller en s’accroissant car on
apprend d’autant mieux qu’on a déjà les instruments pour apprendre. Comme par un effet
"boule de neige", les écarts se creusent, doucement, à travers les apprentissages puis, à partir
du collège, par les options et les filières suivies. Les inégalités sont donc "cumulatives".
Le contexte est essentiel car les milieux scolaires sont aussi des milieux sociaux. On observe
aujourd’hui - ce qu’on étudiait peu auparavant - que des élèves, à situation de départ
comparable, progressent différemment selon leur contexte de scolarisation.
Ce contexte peut être défini par deux types de dynamiques, l’une pédagogique, l’autre entre
les élèves.
La dimension pédagogique se caractérise par un "effet maître" et un "effet établissement".
C’est surtout le premier qui joue en primaire. Les études mettent en évidence l’importance de
la gestion du temps par les enseignants (avec une très grande variété) d’une part, et celle des
"attentes" qu’ils ont vis-à-vis des élèves d’autre part. L’optimisation des temps d’apprentissage
et la conviction de l’éducabilité de tous sont déterminantes. Il n’y a pas de profil type de
l’enseignant "efficace", si ce n’est une certaine ancienneté.
À cela se conjuguent les relations entre élèves puisqu’ils apprennent aussi entre eux. La
composition sociale et scolaire du milieu agit dans la création d’un groupe-classe avec ses
normes, ses valeurs et ses comportements. Il apparaît clairement que l’homogénéité des
origines sociales et/ou des niveaux scolaires des élèves accentue les inégalités. Elle a, en
particulier, un effet très négatif sur les performances des élèves en difficultés. Ces derniers ont
vraiment intérêt à l’hétérogénéité, à la mixité sociale et scolaire car ils y "gagnent" deux fois
plus que ce que les très bons élèves perdent à ne pas rester entre eux.
En complément pour les plus motivés : l’ancien thème d’enseignement de spécialité sur :
DOCUMENT 1 :
Selon J.G. Padioleau.« le schéma de l'action met en relief les éléments suivants
— des acteurs, individus ou groupes,
— engagés dans une situation dont les caractéristiques sont plus ou moins contraignantes,
— poursuivent des buts et, pour ce faire,
— manipulent des ressources qui se traduisent en des
— comportements significatifs. » (J.G. Padioleau, 1986, 47)
L'atome logique de l'analyse sociologique est donc l'acteur individuel. Bien entendu cet acteur n'agit pas dans
un vide institutionnel et social. Mais le fait que son action se déroule dans un contexte de contraintes, c'est-à-
dire d'éléments qu'il doit accepter comme des données qui s'imposent à lui ne signifie pas qu'on puisse faire de
son comportement la conséquence exclusive de ces contraintes. Les contraintes ne sont qu'un des éléments
permettant de comprendre l'action individuelle. Plusieurs des analyses (déjà réalisées) suggèrent que la
compréhension des relations de causalité que le sociologue décèle entre les propriétés des systèmes
d'interaction et le comportement des individus n'est généralement possible que si ces comportements sont
conçus comme des actions dotées de finalité.
L'individualisme méthodologique se dresse avec vigueur contre tous les courants sociologiques qui font, selon
lui, la place trop belle aux contraintes et aux normes sociales et accuse ceux-ci de déterminisme sociologique.
La critique porte autant sur le « despotisme des structures sociales » que sur l'intériorisation des normes,
qualifiée de « conception hypersocialisée de l'homme » : « l'acteur social est souvent conçu comme une pâte
molle sur laquelle viendraient s'inscrire les données de son environnement, lesquelles lui dicteraient ensuite
son comportement dans telle ou telle situation » (R. Boudon, 1986 a, 57). Padioleau fustige à son tour l'homme
unidimensionne! d'H. Marcuse ou « l'individu apparaît sous le visage d'un automate et d'une décalcomanie de
la « société », carapaçonné et manipulé par le « système ». (Padioleau, 1986, 37).
En résumé, dans les limites autorisées par les contraintes, l'individu est un être agissant (Padioleau) dont
l'action possède une finalité, ou plus précisément une rationalité (Boudon). Expliquer le comportement
rationnel d'un acteur, « c'est mettre en évidence les bonnes raisons qui l'ont poussé à adopter ce comportement,
tout en reconnaissant que ces raisons peuvent, selon les cas, être de type utilitaire ou téléologique, mais aussi
bien appartenir à d'autres types » (R. Boudon, 1986 b, 25). Parmi ces bonnes raisons, R. Boudon privilégie très
nettement le paradigme ulitariste hérité de Bencham selon lequel tout comportement obéit à un calcul des
plaisirs et des peines; dans la recherche par l'individu, de ses intérêts les plus immédiats.
DOCUMENT 3 :
A : 10 p 538..
B:
D'où proviennent donc ces effets inexplicables par les handicaps culturels et cognitifs des classes
défavorisées ? La réponse la plus simple à cette question, celle qui permet de retrouver ces effets dans leur
complexité et notamment de comprendre les effets d'interaction (i.e. le fait que l'influence de l'origine sur
l'orientation soit plus ou moins intense selon la réussite ou selon l'âge), peut être commodément présentée à
l'aide de l'exemple suivant.
Supposons que l'on numérote les statuts sociaux du plus bas au plus élevé comme s'ils formaient un
conitinuum. Le niveau social S 1 serait plus bas que le statut social S 2. Faisons de même pour les niveaux
scolaires où le niveau N 1 représenterait un niveau plus bas que N 2.
Considérons maintenant deux individus : l'un, I 1, est d'origine sociale S 1 et a atteint le même niveau scolaire
N 1 ; l'autre, 1 2. est d'origine sociale S 2 et a atteint le même niveau scolaire N 1. L'un et l'autre (eux-mêmes
et/ou leur famille) sont confrontés au problème de savoir s'ils doivent s'arrêter au niveau scolaire N 1 ou s'ils
doivent au contraire chercher à atteindre le suivant, soit N 2.
Leur décision va d'abord dépendre des risques tels qu'ils les perçoivent. Si la chance de décrocher le niveau N
2 est faible, l'on hésitera davantage que si elle est forte. L'hésitation sera par ailleurs d'autant plus grande que
les coûts sont plus grands. Or. les coûts ont toutes chances d'être plus lourds dans des milieux défavorisés.
Il existe donc une première raison, celle qu'indiquent les économistes, pour que 1 1 ait moins de chances de
tenter d'aller en N" 2 que 1 2. même si ses chances sont égales.
Mais la théorie économique est impuissante à expliquer le détail des effets statistiques observés. Pour les
retrouver, il est indispensable de faire appel à une théorie sociologique classique, la théorie des groupes de
référence. Suivant cette théorie, l'on peut faire l'hypothèse que
lorsque la famille définit plus ou moins confusément . le statut qu'elle considère que le jeune peut
légitimement chercher à obtenir, elle se détermine dans une large mesure par référence à son propre statut. Il
en va de même du jeune lui-même : pour un individu donné, l'intérêt relatif de tel ou tel statut est normalement
déterminé, dans une certaine mesure du moins, à partir du statut provisoire que sa famille lui confère Un
instituteur sera normalement satisfait si son Fils est professeur du secondaire ; un professeur de faculté risque
d'en être déçu.. De même, une fille d'instituteur aura facilement l'impression d'avoir réussi si elle devient elle-
même professeur dans le secondaire. Cela
ne sera pas le ça. pour le fils d'un professeur d'université. Ces analyses sont si évidentes qu’il est peu utile d’y
insister : comme il n’existe pas de façon objective de déterminer le staut de destination qu’il est bon de
redhercher, le statut d’origine s’impose presque de lui même comme un statut naturel.
Supposons maintenant que le niveau scolaire N 1 conduise avec une probabilité forte — par exemple 6, 7 ou 8
chances sur 10 — à l'ensemble des statuts sociaux compris entre.S 1 et S 2 et que nos individus 1 1 et 1 2 aient
une connaissance plus ou moins confuse de ce fait. Dans ce cas, l'individu 1 1 (I 1 et/ou sa famille : plutôt sa
famille au début du cursus, plutôt lui à la fin) risque de se tenir un discours comme le suivant : « Avec le
niveau scolaire N 1, j'ai une très fone chance d'avoir un statut social aussi enviable que celui de ma famille.
Donc, je ne continue que si les risques ne sont pas trop grands. Une manière de mesurer ces risques consiste à
prendre comme indicateur la réussite présente. Mon niveau présent de réussite étant bon, je prends des risques
limités en continuant. Je tente donc d'atteindre N 2. » « Mon niveau de réussite étant moyen et le pronostic
incertain, mieux vaut peut-être s'arrêter », dira un autre 1 1. « Mon niveau actuel de
réussite étant mauvais et mon retard scolaire déjà important, arrêtons les frais », dira un troisième 1 1. En
revanche, toutes choses égales d'ailleurs, un 1 2 se dira : « Même si ma réussite présente n'est pas très bonne,
de route façon les coûts sont supportables. D'un autre côté (et ce point de l'argumentation que je prête à mon 1
2 est sans doute le plus important), le statut que j'ai des chances d'obtenir en m'en tenant à N 1 a toutes chances
d'être moins enviable que celui dont je bénéficie dans ma famille. Celle-ci risque de m'en vouloir, de me
regarder de haut. Je suis exposé à avoir un mode de vie moins intéressant que celui auquel i'ai été habitué, etc.
Donc, même si les risques ne sont pas négligeables, je continue. » Bien sûr, un autre 1 2, dont le niveau de
réussite serait très médiocre et qui serait très en retard, se dira peut-être que les risques sont trop grands et
qu'en dépit de l'intérêt d'aller en N 2, il est préférable de s'arrêter.
Ces analyses psychologiques sont bien sûr très élémentaires ec doivent: être prises comme des caricatures de
processus de décision concrets. J'utilise en recourant a ces simplifications une méthodologie traditionnelle :
celle que recommande Max Weber et qui consiste à se donner des acteurs sociaux idéal-typiques et à
rechercher les raisons les plus plausibles qu'ils ont de se comporter comme ils le font.
En tout cas, si l'on reprend à la théorie économique son hypothèse très acceptable d'une variation des cours en
fonction de l'origine (je suis. Je le confesse, plus sceptique sur la réalité de la variation de l'escompte du temps
avec le milieu), si d'autre part on tire de la théorie des groupes de référence les hypothèses que Je viens
d'esquisser, l'on reconstitue sans difficulté la raison expliquant le fort degré d’inégalité.
Pour résumer, ces études font apparaître deux mécanismes fondamentaux :
1) d'une part, le milieu social dans lequel est élevé le jeune produit des avantages/désavantages cognitifs et
culturels qui se traduisent
par des distributions plus ou moins favorables en termes de réussite et de retard ;
2) d'autre part et indépendamment, la situation sociale des familles fait qu'elles apprécient différemment les
risques, les coûts et les avantages de l'investissement scolaire.
SOURCE : R Boudon, les causes de l’inégalité des chances scolaires, pbs économiques, n°2221.
QUESTIONS :
- A partir du doc A , indiquez quels sont les 3 paramètres à prendre en compte pour expliquer la réussite
scolaire.
- Explicitez à partir du doc B la théorie des groupes de référence en différenciant les I1 et les I2.
- En utilisant le doc B indiquez à quels courants Boudon fait référence.
DOCUMENT 4 :
A:
L'on peut alors .se poser la question de savoir lequel des deux facteurs est le plus important : les inégalités scolaires reflètent-elles
surtout l'influence du fait que les élèves des milieux défavorisés sont — d'un point ce vue cognilif et culturel — moins préparés aux
exercices que leur propose l'école ? Ou bien sont-elles dues surtout à ce que les coûts et avantages de l'investissement scolaire sont
appréciés de façon variable selon les milieux sociaux ?
L'on peut répondre à cette question en se livrant à des expériences de simulation simples. Elles consistent dans
leur principe à supposer que par un coup de baguette magique l'on peut éliminer le premier de ces deux
facteurs sans toucher au second, puis le second sans toucher au premier et à se demander ensuite laquelle des
deux hypothèses correspond à une réduction plus grande des inégalités. Ainsi, l'on supposera que les
différences dans la réussite et l'âge dues à l'origine sociale sont abolies et que, par exemple, les fils d'ouvriers
oni la même distribution en madère de réussite que les fils de cadres supérieurs.
Prenons un exemple arithmétique fictif pour faire apparaître la nature de ces simulations. Dans la réalté,
lorsqu'on compare les enfants d'ouvriers et de cadres supérieurs du point de vue de la réussite, on observe,
selon l'enquête de l'INED, les distributions vivantes :
Tableau 1. La réussite scolaire en fonction de l'origine et du milieu social d'origine
Ouv Cadres
riers supérieurs
Bons Moyens Faibles Bons Moyens Faibles
35% 35% 30 % 62% 28% 10 %
D'autre part, les fréquences de passage dans le secondaire long et court (première ligne du tableau suivant), et
dans le seul secondaire long (deuxième ligne) pour les élèves de chacun des niveaux de réussite sont
grossièrement les suivantes (ces chiffres stylisent les données de l'enquête de l'INED, respectant seulement les
ordres de grandeur, mais non le détail numérique) :
En effectuant les calculs, on voit qu'en donnant aux ouvriers le niveau de réussite des cadres supérieurs, l'on
fait passer le pourcentage de ceux qui rentrent dans le secondaire (long ou court) de 48,5 % à 64,6 %, et le
nourceniage de ceux qui rentrent au lycée de 18,1 % à 25.8 %. Mais l'on peut aussi faire l'opération symétrique
et supposer :
- que le niveau de réussite reste différent entre ouvriers et cadres supérieurs ;
2) que l'on a réussi à éliminer les différences entre classes sociales dans l'appréciation des risques, des coûts
et des avantages de l'investissement scolaire. Dans ce cas, le pourcentage des enfants d'ouvriers rentrant dans
le secondaire passe de 48,5 % à 85,75% , le pourcentage de ceux qui rentrent au lycée passant de son coté de
18,1% à 57,5 %.
On voit donc que le second mécanisme est beaucoup plus important que le premier.
Un mécanisme exponentiel
II y a plus. Il importe de voir que la différence d'importance entre les deux types de mécanismes est
sensiblement plus marquée dans le temps que dans l'instant : elle apparaît encore plus grande lorsqu'on
considère, non comme je l'ai fait jusqu'ici, l'orientation à un moment donné, mais la carrière scolaire d'un
ensemble d'élèves.
Pourquoi ? Parce que, au fur et à mesure qu'on avance dans le cursus, la relation enire classe sociale et réussite
tend à disparaître pour une raison simple : par le jeu de la différence d'appréciation des coûts, des avantages et
des risques, l'autosélection est d'autant plus forte qu'on descend plus bas dans l'échelle des classes. Les
différences de réussite en fonction du milieu ont donc tendance à s'atténuer ei éventuellement à s'inverser à
mesure qu'on considère des points plus avancés du cursus.
En revanche, l'autre mécanisme ne s'éteint pas dans le temps. A chaque fois que le système scolaire propose, à
la fin de la cinquième (comme il le faisait encore naguère), de la troisième, après le bac, après le D.È.U.G.,
etc., aux enfants puis aux adolescents de décider s'ils veulent continuer ou arrêter, emprunter une voie longue
ou une voie courte, une filière associée à de grandes ou à de petites espérances, etc., la différence dans les
appréciations des risques, des coûts et des avantages que l'enquête de l'INED observe au début du secondaire
réapparaît et exerce ses effets a tous ces points de bifurcation.
En France, un bel article de Marie Duru et Alain Mingat (« Facteurs institutionnels de la diversité des carrières
scolaires », Revue française de sociologie, XXVHI, 1987, 3-16) étudie le palier d'orientation" de la cinquième
a la quatrième à partir d'un échantillon important (2 500 élèves scolarisés observés en 82-83 dans le cadre
d'une enquête longitudinale). Il montre bien que c'esi « dans le moment de l'orientation que se produit
l'essentiel des différences en fonction de l'origine sociale et que les inégalités de réussite n'ont qu'un faible
impact ».
SOURCE : op cité.
B : 12 p 539.
QUESTIONS :
- Comment Boudon procède t’il pour déterminer lequel des deux paramètres est le plus important ?
Réexpliquez sa démarche .
- En utilisant le doc B expliquez ce qu’entend BOUDON Par : « un mécanisme exponentiel »(doc A)
- Quel est selon Boudon, des deux paramètres, celui qui influence le plus la réussite scolaire ?
- Boudon est donc conduit à différencier deux facteurs afin d’expliciter l’inégale
réussite scolaire :
• un handicap cognitif et culturel résultant d’éducation familiale plus ou
moins favorable selon le milieu social
• un investissement inégal selon le milieu familial fonction d’une analyse
coût-bénéfice.
• A partir d’un exemple , il réussit à montrer que le second facteur joue un
rôle plus important que le premier
- Les effets de ce second facteur joue de manière exponentielle :
• Boudon différencie deux facteurs :
° la sursélection : c’est à dire que le système scolaire par son
enseignement ( les références culturelles implicites auxquelles il fait appel)
favorise les classes sociales les plus aisées au détriment des classes
populaires
° l’auto-sélection qui est le mécanisme par lequel les enfants de
classes populaires à partir de l’analyse de leur situation s’auto-éliminent
consciemment du système scolaire en décidant précocement de s’orienter
vers des études courtes.
* Selon Boudon le premier mécanisme joue peu et seulement en début de
cursus scolaire (il conduit à l’élimination des enfants de classe populaire les
plus faibles) . Par contre le second mécanisme joue continuement et fait sentir
ses effets de manière exponentielle car à chaque stade d’orientation les
enfants de classe populaire en fonction de leurs résultats scolaires et de leur
groupe de référence vont proportionnellement être beaucoup plus nombreux
que les enfants de classes supérieures à s’orienter vers des études courtes.
DOCUMENT 5 :
La structure des chances attachée à chaque niveau scolaire à une période donnée dépend de la structure sociale
et de la distribution
des individus en fonction du niveau scolaire.
Toutes choses égales d'ailleurs, si la structure sociale (distribution des positions sociales disponibles) se
déplace moins vite que la structure scolaire (distribution des individus en fonction du niveau scolaire), la
structure des chances attachée à chaque niveau scolaire se modifie dans le temps. Or, lorsque la demande
d'éducation est principalement déterminée par des facteurs endogènes on doit s'attendre à un déplacement plus
rapide de la structure scolaire. [...]
Il en résulte que les bénéfices tirés par les individus des classes moyennes et inférieures de la lente
démocratisation de l'enseignement
sont, dans une certaine mesure, rendus illusoires par l'augmentation générale de la demande d'éducation.
De façon générale, l'augmentation considérable des taux de scolarisation et la démocratisation de
l'enseignement n'impliquent ni que la mobilité doive augmenter, ni que la structure soit modifiée dans le temps
• Le rendement d’un diplôme est élevé si celui ci est rare c’est à dire si son
offre est inférieure à sa demande ( et ce quelque soit le niveau du diplôme)
• En raison de la démocratisation du système scolaire (de sa massification ?)
on a constaté une augmentation du nombre de diplômés (la structure des
diplômes s’est déformée vers le haut) plus rapide que l’accroissement des
postes requérant les qualifications obtenues. Ainsi la rareté des diplômes a
chuté. Ceux ci ne peuvent plus jouer leur rôle de filtre (cf. la théorie de
Spence in chapitre marché du travail)
• La conséquence est le résultat obtenus par Anderson (cf cours) : du fait de
l’autosélection qui les caractérise , les individus qui appartiennent aux
classes populaires cessent plus précocement leurs études que les élèves
issus des classes supérieures : ils sont alors proportionnellement plus
victimes de la détérioration du pouvoir de mobilité du diplôme résultant de
l’inflation . Ainsi avec un diplôme supérieur à celui de leurs parents ils ont
un fort risque d’occuper une place inférieure.
• Contrairement aux espoirs soulevés , la démocratisation du système
scolaire ne se traduit pas mécaniquement par un accroissement de la
mobilité sociale.
CONCLUSION : LES SOLUTIONS PRECONISEES PAR BOUDON AFIN DE
REDUIRE LES INEGALITES SCOLAIRES.
DOCUMENT 6 : 13 p 539.
QUESTIONS :
- Comment Boudon explique t’il l’inégalité scolaire dans ce passage ?
- Répondez à la question 2.
En fait, les agents sociaux, élèves qui choisissent une filière ou une discipline, familles qui choisissent un établissement pour leurs
enfants, etc., ne sont pas des particules soumises à des forces mécaniques et agissant sous la contrainte de causes; ils ne sont pas
davantage des sujets conscients et connaissants obéissant à des raisons et agissant en pleine connaissance de cause, comme le croient
des défenseurs de la Rational Action Theory (Je pourrais montrer, si J'en avais le temps, que ces philosophies, en apparence
totalement opposées, se confondent en fait puisque, si la connaissance de l'ordre des choses et des causes est parfaite et si Je choix
est complètement logique, on ne voit pas en quoi il diffère de la soumission pure et simple aux forces du monde, et en quoi, par
conséquent, il reste un choix)
Si l'on accepte de se livrer à cet exercice de style consistant à comparer la sociologie de Boudon et la
sociologie de Bourdieu [...1, on doit souligner très fortement que, contrairement à ce que répète Boudon, les
deux sociologies sont, l'une comme l'autre, déterministes, holistes et constructivistes.
La sociologie des effets pervers est tout d'abord une sociologie déterministe et non une sociologie de la liberté.
L'acteur rationnel de Boudon n'est évidemment pas libre, puisque son comportement est conditionné par la
logique de la situation : l'acteur est pris dans une structure d'interaction qui lui laisse seulement l'illusion de la
liberté. [...1 L'acteur apparaît d'ailleurs d'autant moins libre que le résultat de sa décision - Boudon le démontre
surabondamment - est, dans la plupart des cas, contraire à ce qu'il recherchait, par la logique même de l'effet
pervers. Quoique par des voies différentes, la sociologie de Boudon ne le cède donc en rien à celle de
Bourdieu quant au déterminisme.
Toutes les deux sont également holistes, puisqu'elles tiennent pour assuré que la structure de l'ensemble
qu'elles considèrent a des propriétés qui ne résident pas dans les éléments de l'ensemble, pris un à un. En ce
sens, Boudon et Bourdieu pourraient être dits « structuralistes » : tous deux pensent que l'agencement des
éléments d'un système a des effets déterminants [...), tous deux admettent que si un seul élément du système
est modifié, l'ensemble du système l'est de ce seul fait.
Enfin, les deux sociologies sont - comme toute sociologie - constructivistes, dans la mesure où toutes deux
vont - quoique là encore de manière extrêmement différente - du rationnel au réel. Elles ne donnent pas la
primauté à l'observation ou à l'enregistrement passif du « réel » (ou de ce qui en apparaît...), mais elles
s'imposent toutes deux de construire des systèmes de relations qui éclairent le fonctionnement du réel social
sans avoir la prétention d'en fournir une description exhaustive.
SOURCE : P Favre: nécessaire mais non suffisante, la sociologie des effets pervers de R Boudon,revue
française de sciences politiques, déc 1980.
QUESTIONS :
- Montrez que malgré les apparences les sociologies de Bourdieu et de Boudon ont des points communs .
- Quelle est le paradoxe de la sociologie de BoudoN ?
DOCUMENT 9 :
Ayant dû réussir une entreprise d'acculturation pour satisfaire au minimum incompressible d'exigences
scolaires en matière de langage, les étudiants des classes populaires et moyennes qui accèdent à
l'enseignement supérieur ont nécessairement subi une plus forte sélection,
et selon le critère même de la compétence linguistique, les correcteurs étant le plus souvent contraints, à l'agrégation comme au
baccalauréat, de rabattre de leurs exigences en matière de savoirs et de savoir-faire pour s'en tenir aux exigences de forme.
Particulièrement manifeste dans les premières années de la scolarité où la compréhension et le maniement de la largue constituent le
point d'application principal du jugement des maîtres, l'influence du capital linguistique ne cesse jamais de s'exercer : le style reste
toujours pris en compte, implicitement ou explicitement, à tous les niveaux du cursus et, bien qu'à des degrés divers, dans toutes les
carrières universitaires, même scientifiques. Plus, la langue n'est pas seulement un instrument de communication, mais elle fournit,
outre un vocabulaire plus ou moins riche, un système de catégories plus ou moins complexe, en sorte que l'aptitude au déchiffrement
et à la manipulation de structures complexes, qu'elles soient logiques ou esthétiques, dépend pour une part de la complexité de la
langue transmise par la famille. II s'ensuit logiquement que la mortalité scolaire ne peut que croître à mesure que l'on va vers les
classes les plus éloignées de la langue scolaire, mais aussi que, dans une population qui est le produit de la sélection, l'inégalité de la
sélection tend à réduire progressivement et parfois à annuler les effets de l'inégalité devant la sélection : de fait, seule la sélection
différentielle selon l'origine sociale, et en particulier la sur-sélection des étudiants d'origine populaire, permettent d'expliquer
systématiquement toutes les variations de la compétence linguistique en fonction -de la classe sociale d'origine et, en particulier,
l'annulation ou l'inversion de la relation directe (observable à des niveaux moins élevés du cursus) entre la possession d'un capital
culturel (repéré à la profession du père) et le degré de réussite.
- Selon Bourdieu le langage représente un capital qui est influencé par le milieu
familial et social (cf. l’analyse vue en cours de Bernstein). Il détermine :
• les capacités de l’individu à déchiffrer des textes
• à manipluler des structures complexes (figures de styles par exemple)
• à s’exprimer dans un styles requis par le système scolaire.
- Tout ceci détermine une mortalité scolaire très inégale suivant la distance de la
famille par rapport au langage requis par l’école.
- On est donc confronté selon Bourdieu à un mécanisme de sursélection :
• la majorité des enfants de classes populaires qui manient une langue
éloignée de celle utilisée à l’école sont éliminés car ils ne correspondent
pas aux attentes des enseignats ( par rapport au style, au vocabulaire, etc.)
• un minorité qui se sont acculturés obtiennent eux des résultats très bons ,
voire meilleures que ceux des enfants issus des classes supérieures car ils
ont subi une sélection beaucoup plus sévère.
DOCUMENT 10 :
Les différences primaires, celles qui distinguent les grandes classes de conditions d'existence, trouvent leur
principe dans le volume global du capital comme ensemble des ressources et des pouvoirs effectivement
utilisables, capital économique, capital culturel, et aussi capital social : les différentes classes (et fractions de
classe) se distribuent ainsi depuis celles qui sont les mieux pourvues à la fois en capital économique et en
capital culturel jusqu'à celles qui sont les plus démunies sous ces deux rapports.
Les membres des professions libérales qui ont de hauts revenus et des diplômes élevés, qui sont issus très
souvent (52,9 %) de la classe dominante (professions libérales ou cadres supérieurs), qui reçoivent beaucoup
et consomment beaucoup, tant des biens matériels que des biens culturels, s'opposent à peu prés sous tous les
rapports aux employés de bureau, peu diplômés, souvent issus des classes populaires et moyennes, recevant
peu, dépensant peu et consacrant une part importante de leur temps à l'entretien de leur voiture et au bricolage
et, plus nettement encore, aux ouvriers qualifiés ou spécialisés, et surtout aux manœuvres et salariés agricoles,
dotés des revenus les plus faibles, dépourvus de titres scolaires et issus en quasi-totalité (à raison de 90,5 %
pour les salariés agricoles et de 84,5 % pour les manœuvres) des classes populaires
DOCUMENT 11 :
La propension à investir en travaile et en zèle scolaires ne dépend pas exclusivementdu volume du capital
scolaire possédé : les fractions des classes moyennes les plus riches en capital culturel (les instituteurs) ont
une-propension à investir sur le marché scolaire imcomparablement plus forte que les fractions dominantes de
la classe dominante, qui ne sont pourtant pas moins riches en capital culturel. A,la différence des fils
d'instituteurs qui tendent à concentrer tous leurs investissements sur le marché scolaire, les fils de patrons de
l'industrie et du commerce qui, ayant d'autres moyens et d'autres voies de réussite, ne dépendent pas au même
degré de la sanction scolaire, investissent moins d'intérêt et de travail , dans leurs études et n'obtiennent pas le
même rendement scolaire (la même réussite) de leur capital culturel.
C'est dire que la propension à l'investissement scolaire, : un des facteurs de la réussite scolaire (avec le capital
culturel), dépend non seulement de la réussite actuelle ou escomptée (i.e. des chances de réussite promises à la
catégorie dans son ensemble étant donné son capital culturel) mais aussi du degré auquel la reproduction de la
position de cette classe d'agents dépend - dans le passé comme dans l'avenir - du capital scolaire comme forme
socialement certifiée et garantie du capital culturel. L'intérêt qu'un agent ou une classe d'agents porte aux
"études" dépend de sa réussite scolaire et du degré auquel la réussite scolaire est, dans son cas particulier,
condition nécessaire et suffisante de la réussite sociale. La propension à investir dans le système scolaire qui,
avec le capital culturel dont elle dépend partiellement, commande la réussite scolaire, dépend donc elle-même
du degré où la réussite sociale dépend de la réussite scolaire. Ainsi, étant donné d'une part qu'un groupe
dépend d'autant moins complètement du capital scolaire pour sa reproduction qu'il est plus riche en capital
économique et d'autre part que le rendement économique et social du capital scolaire dépend du capital
économique et social qui peut être mis à son service, les stratégies scolaires (et plus généralement l'ensemble
des stratégies éducatives, même domestiques) dépendent non seulement du capital culturel possédé, un des
facteurs déterminant de la réussite scolaire et par là de la propension à l'investissement scolaire, mais du poids
relatif du capital culturel dans la j structure du patrimoine, et ne peuvent donc être isolées , de l'ensemble des
stratégies conscientes ou inconscientes , par lesquelles les groupes essaient de maintenir ou d 'améliorer leur
position dans la structure sociale.
- Néanmoins selon Bourdieu l’étude du volume du capital doit être complété par une
analyse de sa structure :il oppose alors le comportement des fils d’instituteurs à
celui des fils de patrons :
• les fils d’instituteurs qui sont seulement bien dotés en capital culturel se
caractérisent par une forte propension à investir sur le marché scolaire sur
lequel ils concentrent tous leurs efforts
• les fils de patrons sont bien dotés en capital culturel comme les fils
d’instituteurs , mais ils se distinguent de ces derniers par une forte dotation
en capital économique. Ayant d’autres voies de réussite que l’école ils ne
vont pas concentrer tous leurs efforts dans la réussite scolaire
• Bourdieu peut alors en conclure que : « ainsi étant donné d’une part qu’un
groupe (…) d’améliorer leur position dans la structure sociale »
3- LA RECONVERSION DU CAPITAL ECONOMIQUE EN CAPITAL CULTUREL .
DOCUMENT 12 : 6 p 536.
DOCUMENT 12 :
Les attitudes des memores des différentes classes sociales, parents ou enfants, et, tout particulièrement les
attitudes à l'égard de l'École, de la culture scolaire et de l'avenir proposé par les études sont pour une grande
part l'expression du système de valeurs implicites ou explicites qu'ils doivent à leur appartenance sociale. (...)
En fait, tout se passe comme si les attitudes des parents à l'égard de l'éducation des enfants, attitudes qui se
manifestent dans le choix d'envoyer les enfants dans un établissement d'enseignement secondaire ou de les
laisser dans une classe de fin d'études primaires, de les inscrire dans un lycée (ce qui implique le projet
d'études longues, au moins jusqu'au baccalauréat) ou dans un collège d'enseignement général1 (ce qui suppose
que l'on se résigne à des études courtes, jusqu'au brevet par exemple), étaient avant tout l'intériorisation du
destin objectivement assigné (et mesurable en termes de chances statistiques) à l'ensemble de la catégorie
sociale à laquelle ils appartiennent. Ce destin leur est sans cesse rappelé par l'expérience directe ou médiate et
la statistique intuitive des échecs ou des demi-réussites des enfants de leur milieu. (...)
Les ouvriers peuvent tout ignorer de la statistique objective qui établit qu'un fiis d'ouvrier a deux chances sur
cent d'accéder à l'enseignement supérieur, leur comportement se règle objectivement sur une estimation
empirique de ces espérances objectives, communes à tous les individus de leur catégorie. Aussi comprend-on
que la petite bourgeoisie, classe de transition, adhère plus fortement aux valeurs scolaires, puisque l'École lui
offre des chances raisonnables de combler toutes ses attentes en confondant les valeurs de la réussite sociale et
celles du prestige culturel.
À la différence des enfants originaires des classes populaires, qui sont doublement désavantagés, sous le
rapport de la facilité à assimiler la culture et de la propension à l'acquérir, les enfants des classes moyennes
doivent à leur famille non seulement des encouragements et des exhortations à l'effort scolaire, mais un etbos
de l'ascension sociale et de l'aspiration à la réussite à l'École et par l'École. (...)
De façon générale, les enfants et leur famille se déterminent toujours en fonction des contraintes qui les
déterminent. Lors même que leurs choix leur paraissent obéir à l'inspiration irréductible du goût et de la
vocation, leurs choix trahissent l'action transfigurée des conditions objectives. (...)
Si l'on sait en outre "que les idéaux et les actes de l'individu dépendent du groupe auquel il appartient et des
buts ou des attentes de ce groupe' (Lewin), on voit que l'influence du groupe des pairs, qui tend toujours à être
relativement homogène sous le rapport de l'origine sociale - puisque, par exemple, la distribution des enfants
entre les collèges d'enseignement général1, les collèges techniques et les lycées, et, à l'intérieur de ceux-ci,
entre les sections, est très étroitement fonction de la classe sociale des enfants - vient redoubler le handicap des
plus défavorisés. Lorsqu'on prend en compte l'influence du groupe des pairs,,on oublie souvent d'en considérer
la composition sociale. Or on sait qu'un enfant a toutes les chances de-participer à des groupes composés
d'enfants de son milieu puisque les enfants d'un-même milieu ont les mêmes chances d'être dans un lycée ou
un collège, d'être internes ou externes, de faire des études classiques ou des études modernes et tout semble en
outre suggérer que les groupes électifs se constituent toujours sur la base d'affinités de goûts et de style de vie
liées à l'origine commune : on voit que les influences de ces groupes ne peuvent que redoubler l'influence du
milieu d'origine.
Ainsi, tout concourt à rappeler ceux qui n'ont pas comme on dit, d'avenir, à des espérances "raisonnables", ou,
comme- dit Lewin, « réalistes », c'est-à-dire, bien-souvent, au renoncement à espérer.
- Selon Bourdieu , l’individu n’est pas un acteur rationnel qui décide de la poursuite
d’études en fonction d’une analyse coût-bénéfice opérée sous contraintes . En effet ,
il écrit : « Les attitudes à l’égard de l’école , de la culture scolaire et de l’avenir
proposé par les études sont pour une grande part l’expression du système de
valeurs implicite ou explicite qu’ils doivent à leur appartenance sociale . En fait , tout
se passe comme si les attitudes des parents ( … ) étaient avant tout l’intériorisation
du destin objectivement assignée à l’ensemble de la catégorie sociale à laquelle ils
appartiennent » .
- Bourdieu oppose , sur ce point , les enfants d’ouvriers à ceux qui sont issus des
classes moyennes :
• les familles ouvrières ont ,selon Bourdieu , intériorisé même si elles ne les
connaissent pas , les forts risques d’échec de leurs enfants qui cherchent à
accéder à l’enseignement supérieur ( seulement 2 % réussissent ) . Les
parents ne sont pas alors incités à valoriser une poursuite longue d’études ,
craignant les déceptions futures .
• inversement , les enfants issus des classes moyennes ont des probabilités
d’accès aux études supérieures beaucoup plus importantes . Ils vont donc
développer un ethos de classe , basé sur l’ascension sociale et l’aspiration à
la réussite à l’école par l’école . Ils vont donc pousser leurs enfants à réussir
leurs études .
- Sur le même principe , le groupe des pairs joue un rôle essentiel : les jeunes , du fait
de l’homogénéité sociale assez importante des collèges et lycées , ont une forte
probabilité de se retrouver avec des enfants issus de leur groupe social d’origine qui
vont redoubler l’influence du milieu familial , en incitant leurs membres à développer
par rapport à l’école des espérances raisonnables : « c’est-à-dire , bien souvent , au
renoncement espéré » .
CONCLUSION :
Bourdieu peut alors en conclure : « lors même que leurs choix paraissent obéir à l’inspiration
irréductible du goût et de la vocation , leurs choix trahissent l’action transfigurée des conditions
objectives » .
DOCUMENT 13 :
A:
Si, pour éliminer les classes les plus éloignées de la culture scolaire, les systèmes d'enseignement recourent de
plus en plus souvent aujourd'hui à la « manière douce », pourtant plus coûteuse en temps et en moyens, c'est
que, au titre d'institution de police symbolique, vouée à décevoir chez certains les aspirations qu'elle
encourage chez tous, le système d'enseignement doit se donner les moyens d'obtenir la reconnaissance de la
légitimité de ses sanctions et de leurs effets sociaux, en sorte que des instances et des techniques de
manipulation organisée et explicite ne peuvent manquer d'apparaître lorsque l'exclusion ne suffit plus par soi à
imposer l'intériorisation de la légitimité de l'exclusion.
Ne pouvant invoquer le droit du sang — que sa classe a historiquement refusé à l'aristocratie — ni les droits de
la Nature — arme autrefois dirigée contre les distinctions nobiliaires qui risquerait de se retourner contre la «
distinction » bourgeoise — ni les vertus ascétiques qui permettaient aux entrepreneurs de première génération
de justifier leur succès par leur mérite, l'héritier des privilèges bourgeois doit en appeler aujourd'hui à la
certification scolaire qui atteste à la fois ses dons et ses mérites. L'idée contre nature d'une culture de naissance
suppose et produit la cécité aux fonctions de l'institution scolaire qui assure la rentabilité du capital culturel et
en légitime la transmission en dissimulant qu'elle remplit cette fonction. Ainsi, dans une société où l'obtention
des privilèges sociaux dépend de plus en plus étroitement de la possession de titres scolaires, l'Ecole n'a pas
seulement pour fonction d'assurer la succession discrète à des droits de bourgeoisie qui ne sauraient plus se
transmettre d'une manière directe et déclarée. Instrument .privilégié de la sociodicée bourgeoise qui confère
aux privilégiés le privilège suprème de ne pas s’apparaître comme privilégiés, elle parvient d’autant plus
facilement à convaincre les déshérités qu’ils doivent leur destin scolaire et social àleurs défauts de dons ou de
mérites qu’en matière de culture la dépossession absolue exclut la conscience de la dépossession.
B :3 p 535
QUESTIONS :
- Peut-on dire que la reproduction a disparu dans les sociétés démocratiques ? Explicitez.
- Quel rôle occupe l’autonomie du système scolaire dans la légitimation de la réussite scolaire ?
B - LE RACISME DE L’INTELLIGENCE
DOCUMENT 14 :
Ce racisme est propre à une classe dominante dont la reproduction dépend, pour une part, de la transmission du capital culturel,
capital hérité qui a pour propriété d'être un capital incorporé, donc apparemment naturel, inné. Le racisme de l'intelligence est ce par
quoi les dominants visent à produire une «théodicée de leur propre privilège», comme dit Weber, c'est-à-dire une justification de
l'ordre social qu'ils dominent. Il est ce qui fait que les dominants se sentent justifiés d'exister comme dominants ; qu'ils se sentent
d'une essence supérieure. Tout racisme est un essentialisme et le racisme de l'intelligence est la forme de sociodicée caractéristique
d'une classe dominante dont le pouvoir repose en partie sur la possession de titres qui, comme les titres scolaires, sont censés être des
garanties d'intelligence et qui ont pris la place, dans beaucoup de sociétés, et pour l'accès même aux positions de pouvoir
économique, des titres anciens comme les titres de propriété et les titres de noblesse.
L'intelligence, c'est ce que mesurent les tests d'intelligence, c'est-à-dire ce que mesure le système scolaire.
Voilà le premier et le dernier mot du débat qui ne peut pas être tranché aussi longtemps que l'on reste sur le
terrain de la psychologie, parce que la psychologie elle-même (ou, du moins, les tests d'intelligence) est le
produit des déterminations sociales qui sont au principe du racisme de l'intelligence, racisme propre à des
«élites» qui ont partie liée avec l'élection scolaire, à une classe dominante qui tire sa légitimité des classements
scolaires.
Le classement scolaire est un classement social euphémisé, donc naturalisé, absolutisé, un classement social
qui a déjà subi une censure, donc une alchimie,une transmutation tendant à transformer les différences de
classe en différences d'«intelligence», de «don», c'est-à-dire en différences de nature. Jamais les religions
n'avaient fait /aussi bien. Le classement scolaire est une discrimination ' sociale légitimée et qui reçoit la
sanction de la science. C'est là que l'on retrouve la psychologie et le renfort qu'elle a apporté depuis l'origine
au fonctionnement du , système scolaire. L'apparition de tests d'intelligence comme le test de Binet-Simon est
liée à l'arrivée dans le système d'enseignement, avec la scolarisation obligatoire, d'élèves dont le système
scolaire ne savait pas quoi faire, parce qu'ils n'étaient pas «prédisposés», «doués», c'est-à-dire dotés par leur
milieu familial des prédispositions que présuppose le fonctionnement ordinaire du système scolaire : un capital
culturel et une bonne volonté à l'égard des sanctions scolaires.- Des tests qui mesurent la prédisposition sociale
exigée par l'école -d'où leur valeur prédictive des succès scolaires- sont bien faits
pour légitimer à l'avance les verdicts scolaires qui les légitiment.
- Bourdieu constate que les tests d’intelligence sont apparus au moment où les
enfants de classes populaires commençaient à poursuivre des études qui avaient
une forte probabilité de déboucher sur un échec . 2 solutions étaient alors
applicables :
• soit l’école développe un enseignement qui n’est pas neutre et qui valorise
la culture bourgeoise ; elle doit alors se réformer afin d’assurer une réelle
égalité des chances
• soit l’échec quasi systématique des enfants des classes populaires
s’explique par une insuffisance de capacités naturelles , c’est-à-dire
d’intelligence
- selon Bourdieu , c’est le second choix qui a été opéré ; les tests d’intelligence ne
peuvent être donc considérés comme des outils neutres et objectifs , puisque :
« l’intelligence c’est ce que mesurent les tests d’intelligence , c’est-à-dire ce que
mesure le système scolaire » .
Bourdieu peut alors en conclure que les tests d’intelligence sont une forme de
manipulation qui permet aux privilégiés dont « le pouvoir repose , en partie , sur la
possession de titres qui , comme les titres scolaires , sont censés être des titres
d’intelligence » de justifier leur position en se sentant d’une naissance supérieure . On
peut alors parler d’un racisme de classe : « le classement scolaire est un classement
social euphémisé , donc naturalisé , un classement social qui a déjà subi une censure
( … ) tendant à transformer les différences de classe en différences d’intelligence , de
dons , c’est-à-dire en différence de nature » .