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PHILOSOPHIE OCCIDENTALE - 1022 1023 - PHILOSOPI

FORFAITURE

• E. BETH, Formai Methods. An Introduction to Symbolic Logic and to thé Study


Ce système est un p<
FORFAITURE [jur.]
subs. jém. of Effective Opérations in Arithmetic and Logic, Dordrecht, Boston, D. Reidel beaucoup car lui aussi
Publ. Co., 1962. — H. CURRY, Outlines of a Formatât Philomphy of Mathema- théorèmes de la théorie
A l'époque féodale, la forfaiture est la violation du ser- tics, Amsterdam, North Holland Publ. Co., 1958 ; Foundations of Mathema-
1933 en a construit ur
ment de foi et hommage prêté au seigneur par ses vassaux. tical Logic, New York, MacGraw-Hill, 1963. — D. DUBARLE, Logos itforma-
lisation du langage, Paris, Klincksieck, 1977. — S.C. KLEENE, Introduction to dire non isomorphe à :
C'est donc une trahison, une félonie. La conséquence en Metamathematics, Amsterdam, North-Holland Publ. Co., 1952 ; Mathemati- de tel n'existe pour l'i
était la vacance du fief. Le terme est entré dans le droit cal Logic, New York, London, Sydney, J. Wiley & Sons, 1967, tr. fr., Logi- En revanche, il a un a
moderne pour désigner la faute grave que commet un que mathématique, Paris, A. Colin, 1971. — P. LORENZEN, Einfûhrung in die
operative Logik und Mathematik, Berlin, Heidelberg, New York, Springer-
formalisation complète
fonctionnaire public lorsqu'il viole les devoirs de sa Verlag, 1969. — R. MARTIN, Logique contemporaine et formalisation, Paris, PUF, mel, c'est-à-dire l'ens<
charge. Cette violation entraînant une véritable déchéance 1964. — A. TARSKI, Introduction to Logic and to thé Methodology of Deductive d'utiliser, est fixé : il '
morale est punie au moins par la dégradation civique. Sciences, Oxford, Oxford University Press, 1941, tr. fr., Introduction à la logique,
(par exemple 3, qui !
Paris, Gauthier-Villars, Louvain, Nauwelaerts, 1969.
(S. Goyard-Fabre.) « implique ») et les syi
—^ Axiomatique, Axiome, Formalisme, Forme, Interprétation, Logique,
—> Devoir, Faute, Serment, Trahison. — III : LOCKE. Métalangage, Syntaxe (— logique), Système (— formel).
introduits. Un énom
— III : BETH, BOOLE, CARNAP, CURRY, DUBARLE, KLEENE, LORENZEN, considéré comme une
R. MARTIN, RUSSELL, TARSKI. pour avoir une signifj
FORMALISATION [épist. gêné.] obéir à des règles de s
subs. Jém. Formalisation (— de l'arithmétique) [math.] facile de coder ces suit
L'arithmétique occupe une place centrale en mathématique, pre- (arithmétisation de la s
Opération qui transforme un système de signes dans un autre
système de signes. Dans le système de départ, la signification des mièrement à cause du caractère naturel des problèmes que posent veut dire qu'il y a de
termes joue un rôle important dans la manière dont ils sont les nombres entiers, deuxièmement parce que ceux-ci sont néces- qu'un ordinateur cor
employés et dont ils sont combinés entre eux. Dans le système qui saires pour définir les nombres réels, donc pour développer toute effectuer, et qui perme
résulte de la transformation — du moins dans le cas où il s'agit l'analyse. Il n'est donc pas étonnant qu'elle ait été une des pre- ver son code, et étant
d'une formalisation complète — le rôle joué par les significations mières théories à être formalisée : reprenant des travaux de
Dedekind, Giuseppe Peano publie en 1889 ses Arithmetics princi- du code d'une formule
des termes est complètement éliminé. Le résultat d'un processus échéant. Le pas suivaj
de formalisation est un « calcul » (calculas dans la terminologie pia où sont exposés ses fameux axiomes.
anglaise) ou un « système logistique », c'est-à-dire un système qui démonstration : ce ne
Les axiomes de Peano utilisent la notion de classe. On succédant de façon ris
est entièrement caractérisé par sa syntaxe. Il existe trois types de
procédures de base pour la construction d'un calcul. Le plus cou- dirait de nos jours que ce sont des axiomes du second le langage de l'arithn
rant est le système syntaxique de Kleene. Les deux autres sont Vob ordre. Ils emploient comme symboles primitifs le signe = , Dem (n), dépendant c
System de Curry et le système algorithmique de Lorenzen. la classe N* des entiers strictement positifs, la constante 1 tion est que l'entier n
et la fonction à une place qui à n fait correspondre n + 1. peut démontrer à part
On obtient un système du type des systèmes syntaxiques
Si on laisse de côté les axiomes purement logiques, il en réussi à refléter l'aritl
de Kleene de la manière suivante : a) on indique quels sont
reste cinq, qui s'expriment comme suit lorsqu'ils sont tra- Cette situation mène à
les symboles admis (ces symboles sont donnés comme les
duits en langage moderne : nous pouvons énumé
éléments d'un ensemble S), b) on stipule quelles sont les
(1) 1 est dans N*
combinaisons qui sont admises entre les symboles de S (ces a / Le théorème de Gode
(2) si a est dans N*, il en est de même de a+ 1
combinaisons forment un ensemble CP), c) on choisit dans Prenons une form
(3) si a et b sont dans N*, e t a + l = b + l , alors a = b.
l'ensemble CP un sous-ensemble A ; ce sous-ensemble (4) si a est dans N*, alors a + 1 ^ 1 exemple, et disons, pi
contient les axiomes du système, d) on stipule quelles sont (5) si k est une classe contenant 1 et telle que, pour tout 3307500. On appeler
les règles de transformation admises ; ces règles détermi- x de N *, x appartient à k implique x + 1 appartient à La formule <p signifie
nent la manière dont on peut, à partir d'une construction k, alors N* est inclus dans k. blé à partir des axiomi
donnée (p. ex. un axiome), engendrer une nouvelle Le dernier axiome est appelé l'axiome d'induction. Il niers ne sont pas con
construction (un théorème ou une construction équiva- justifie les raisonnements par récurrence, et, à ce titre, c'est tement évident. Pour
lente). Ce processus de formalisation, c'est-à-dire de trans- la clef de voûte de l'arithmétique. C'est le seul à faire appel <p elle-même n'était pz
formation d'un système concret en un système abstrait (ou à la notion de classe. On remarque aussi que l'addition et axiomes de Peano : ce
« calcul »), s'oppose au processus inverse, l'interprétation la multiplication ne font pas partie des symboles primitifs. prouvable. En fait, c
d'un calcul. La démarche d'interprétation consiste à cons- Il faut les définir à partir des autres. Il s'agit donc, comme équation diophantien
truire, à partir d'un calcul, un modèle de ce calcul, sous on le voit, d'une axiomatisation relativement simple. En nam, J. Robinson et
la forme d'un système plus concret. La procédure de for- principe, elle permet de développer toute la théorie des b / Non-définissabilité i
malisation a commencé avec Averroes (1126-1198) et, via nombres. En principe seulement : on a vu comment cette Intéressons-nous rr
Lullus Raymondis (1235-1315), Hobbes et Leibniz, elle a science faisait appel à presque toutes les ressources des des formules qui sont
trouvé sa première consécration avec Boole (The Mathema- mathématiques. Il existe plusieurs variantes de ces axio- se passe pour les forn
tical Analysis of Logic, 1847). Elle se situe dans le cadre de mes. Une des plus intéressantes est ce qu'on appelle les nissable dans le lang;
la standardisation et de la spécialisation de la vie sociale. axiomes de Peano du premier ordre. Une première diffé- ment, il n'y a pas de
Elle présente beaucoup d'avantages, mais aussi des désa- rence est que l'on ajoute l'addition et la multiplication satisfaite par les élén
vantages comme toute standardisation. Les avantages de comme symboles primitifs, accompagnés des axiomes qui
la formalisation sont qu'elle permet une meilleure systé- c / Indécidabilité de l '&
les définissent :
matisation et une meilleure communicabilité de la connais- Pour tout a et b, ((a + b) + 1) = a + (b + 1) Une autre conséque
sance. Ses désavantages, par contre, sont qu'elle rend la Pour tout a et b, a x (b + 1) = (a x b) + a maticien, est qu'il n'<
connaissance plus rigide et aussi plus indépendante des si une proposition esi
L'autre différence est beaucoup plus importante ; c'est elle
situations dans lesquelles elle est produite. Cela peut impli- qui évitera l'usage de la notion de classe. Elle consiste à résultat est vrai entre
quer un manque de dynamisme, une relative incapacité à remplacer le cinquième axiome par une infinité d'autres : pour les énoncés aritl
adapter la connaissance au changement des circonstances. axiomes de Peano ; p
à chaque fois que l'on a une propriété P(x) exprimable
Et d'autre part la compréhension de la connaissance for- dans le langage (sans classe !) que l'on vient de décrire, conque à partir des si
malisée est réservée aux spécialistes, qui sont familiarisés on ajoute l'axiome suivant : du calcul des prédicz
avec les formalismes particuliers utilisés dans les différents Si P(l) est vrai et si, pour tout entier x, P(x) implique • R. DEDEKIND, Was sind ;
contextes où ils se révèlent efficaces. (F. Vandamme.) P(x +1), alors P(x) est vrai pour tout entier x. K. GôDEL, « Ùber formai
:iDENTALE - 1022 1023 - PHILOSOPHIE OCCIDENTALE FORMALISATION

Symbolic Logic and to thé Study Ce système est un peu plus faible que le précédent ; pas und verwandter Système I », Monotshefe fur Mathematik und Physik, 38, 1931,
ordrecht, Boston, D. Reidel beaucoup car lui aussi permet de montrer la plupart des 173-198, repr. in Collectée! Works, vol. 1. Publications 1929-1936 (S. Feferman
muKsl Philosop/y ofMatkema- et ai , eds.), New York, Oxford University Press, Oxford, Clarendon Press,
'58 ; Foundations of Mathema-
théorèmes de la théorie des nombres. Toutefois Skolem en 144-195, tr. angl. in VAN HEIJENOORT 1967, 596-616. — Y. MATIJASEVIÔ,
• D. DUBARLE, Logos etforma- 1933 en a construit un modèle « non standard », c'est-à- « Solution of thé tenth problem of Hilbert », Matematicai Lapok, 1970. — G.
S.C. KLEENE, Introduction to dire non isomorphe à nos entiers familiers, alors que rien PEANO, Arithmetics pnncipia, nova methodo exposita, Turin, 1889, tr. angl. in
'ubl. Co., 1952 -Mathemati- VAN HEIJENOORT, 1967. — A. TARSKI, « Pojecie prawdy w jezykach nauk
de tel n'existe pour l'axiomatisation originale de Peano. dedukcyjnych », Comptes rendus de la Société des Sciences et des Lettres de Varsovie,
• &Sons, 1967, tr. tr.,Logi-
LORENZEN, Einfûhrung in die
En revanche, il a un avantage immense : il se prête à une Cl. III, 34, 1933, tr. fr. in Logique, sémantique, me'tamathématique 1923-1944,
*rg, New York, Springer- formalisation complète. Expliquons-nous : Le langage for- t. I, Paris, A. Colin, 1972. — J. VAN HEIJENOORT, Front Frege to Gôdel. A
ne # formalisation, Paris, PUF mel, c'est-à-dire l'ensemble des signes qu'on est en droit Source Book in Mathematical Logic, 1879-1931, Cambridge, Mass., Harvard
1 'lu Methodology of Deductiae University Press, 1967.
d'utiliser, est fixé : il y a les symboles purement logiques
T. fr., Introduction à la logique
. 1969. (par exemple 3, qui se lit « il existe », ou _> qui se lit —» Arithmétique, Démonstration (théorie de la —), Gôdel (théorème
de —), Limitation (théorèmes de —), Modèle (théorie des —s), Nombre.
« implique ») et les symboles primitifs qui viennent d'être
e. Interprétation, Logique, — III : GÔDEL, LADRIÈRE, NAGEL, PEANO.
Système (— formel). introduits. Un énoncé mathématique peut alors être
«LE, KLEENE, LORENZEN, considéré comme une suite de ces signes. Evidemment, Formalisation (— des théories linguistiques) [ling.]
pour avoir une signification, une suite de symboles doit
obéir à des règles de syntaxe bien précises. De plus, il est La mise en place d'un système formel associé à une
e) [math.] facile de coder ces suites par des entiers de façon effective théorie intuitive donnée s'analyse en plusieurs moments :
en mathématique, pre- (arithmétisation de la syntaxe de Gôdel par exemple). Cela 1) la théorisation, chargée d'un contenu intuitif ; 2) la for-
s problèmes que posent veut dire qu'il y a des méthodes purement mécaniques, malisation proprement dite de la théorie intuitive part de
que ceux-ci sont néces- qu'un ordinateur convenablement programmé pourrait cette dernière pour n'en retenir que les formes, les rela-
pour développer toute effectuer, et qui permettent à partir d'une formule de trou- tions, les mécanismes de combinaison, en vue de construire
Ue ait été une des pre- un système formel dans lequel on puisse effectuer tous les
:nant des travaux de
ver son code, et étant donné un entier de décider s'il s'agit
du code d'une formule et de retrouver cette dernière le cas calculs et transformations sur les symboles ; ce système a
9 ses Ârithmetics princi-
échéant. Le
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FORMALISATION

Embolie Logic and ta thé Study


Ce système est un peu plus faible que le précédent ; pas
«drecht, Boston, D. Reidel und verwandter Système I », Monatshefte jur Mathernatik und Physik, 38, 1931,
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beaucoup car lui aussi permet de montrer la plupart des 173-198, repr. in Colkcted Works, vol. I. Publications 1929-1936(5. Feferman
'38 ; Foundation, of Malkema- théorèmes de la théorie des nombres. Toutefois Skolem en et ai , eds.), New York, Oxford University Press, Oxford, Clarendon Press,
1023 - PHILOSOPHIE OCCIDENTALE

Ce système est un peu plus faible que le précédent ; pas


beaucoup car lui aussi permet de montrer la plupart des und verwandter Système I », MonatshefteJur Mathematik undPhysik, 38, 1931,
173-198, repr. in Collectai Works, vol. I. Publications 1929-1936(5. Feferman
théorèmes de la théorie des nombres. Toutefois Skolem en et ai, eds.), New York, Oxford University Press, Oxford, Clarendon Près:
1933 en a constri 144-195, tr, anal ,„ V.,, u- •—
DENTALE - 1022 1023 - PHILOSOPHIE OCCIDENTALE FORMALISATION
Ce système est un peu plus faible que le précédent ; pas und verwandter Système I », Monatshefte fur Mathematik und Physik, 38, 1931,
beaucoup car lui aussi permet de montrer la plupart des 173-198, repr. in Collected Works, val. I. Publications 1929-1936 (S. Feferman
théorèmes de la théorie des nombres. Toutefois Skolem en et al., eds.), New York, Oxford University Press, Oxford, Clarendon Press,
144-195, tr. angl. in VAN HEIJENOORT 1967, 596-616. — Y. MATIJASEVIC,
1933 en a construit un modèle « non standard », c'est-à- « Solution of thé tenth problem of Hilbert », Matematicat' Lafok, 1970. — G.
dire non isomorphe à nos entiers familiers, alors que rien PEANO, Anthmetics principia, nova methodo exposita, Turin, 1889, tr. angl. in
de tel n'existe pour l'axiomatisation originale de Peano. VAN HEIJENOORT, 1967. — A. TARSKI, « Pojecie prawdy w jezykach nauk
dedukcyjnych », Comptes rendus de la Société des Sciences et des Lettres de Varsovie,
En revanche, il a un avantage immense : il se prête à une CI. III, 34, 1933, tr. fr. in Logique, sémantique, métamathsmatique 1923-1944,
formalisation complète. Expliquons-nous : Le langage for- t. I, Paris, A. Colin, 1972. — J. VAN HEIJENOORT, From Frege ta Gôdel. A
mel, c'est-à-dire l'ensemble des signes qu'on est en droit Source Book in Mathenwtical Logic, 1879-1931, Cambridge, Mass., Harvard
University Press, 1967.
d'utiliser, est fixé : il y a les symboles purement logiques
(par exemple 3, qui se lit « il existe », ou -> qui se lit —» Arithmétique, Démonstration (théorie de la —), Gôdel (théorème
« implique ») et les symboles primitifs qui viennent d'être de —), Limitation (théorèmes de —), Modèle (théorie des —s), Nombre.
— III : GÔDEL, LADRIÈRE, NAGEL, PEANO.
introduits. Un énoncé mathématique peut alors être
considéré comme une suite de ces signes. Evidemment,
Formalisation (— des théories linguistiques) [ling.l
pour avoir une signification, une suite de symboles doit
obéir à des règles de syntaxe bien précises. De plus, il est La mise en place d'un système formel associé à une
facile de coder ces suites par des entiers de façon effective théorie intuitive donnée s'analyse en plusieurs moments :
(arithmétisation de la syntaxe de Gôdel par exemple). Cela 1) la théorisation, chargée d'un contenu intuitif ; 2) la. for-
veut dire qu'il y a des méthodes purement mécaniques, malisation proprement dite de la théorie intuitive part de
qu'un ordinateur convenablement programmé pourrait cette dernière pour n'en retenir que les formes, les rela-
effectuer, et qui permettent à partir d'une formule de trou- tions, les mécanismes de combinaison, en vue de construire
ver son code, et étant donné un entier de décider s'il s'agit un système formel dans lequel on puisse effectuer tous les
du code d'une formule et de retrouver cette dernière le cas calculs et transformations sur les symboles ; ce système a
échéant. Le pas suivant consiste à formaliser la notion de pour but de vérifier la cohérence (non-contradiction) des
démonstration : ce ne sont que des suites de formules, se apparences conceptualisées dans la théorie intuitive ;
succédant de façon rigide. On peut alors construire dans 3) l'interprétation reprend chaque formule du système for-
le langage de l'arithmétique un énoncé, que l'on notera mel et tente de leur attribuer un contenu exprimable dans
Dem (n), dépendant du paramètre n, et dont la significa- la théorie formalisée ; ce retour à l'intuitif et à la théorie
tion est que l'entier n est le code d'une formule que l'on de départ et aux objets empiriques amène alors à rectifier
peut démontrer à partir des axiomes de Peano. On a donc les conceptions théoriques initiales, à réorganiser le réseau
réussi à refléter l'arithmétique à l'intérieur d'elle-même. des propositions théoriques, à entrevoir de nouveaux
Cette situation mène à des conséquences paradoxales, dont protocoles expérimentaux, à formuler de nouvelles hypo-
nous pouvons énumérer les plus importantes : thèses... et donc à poursuivre la théorisation. Lorsque
l'interprétation attribue une signification intuitive (dans la
a / Le théorème de Gôdel théorie) à toute formule démontrée du système formel et
Prenons une formule notoirement fausse, 1 = 2 par que l'on a la réciproque, on parle d'adéquation. En fait, on
exemple, et disons, pour fixer les idées, que son code est a toujours une plus ou moins grande adéquation. Les
3307500. On appelera (p la négation de Dem (3307500). démonstrations d'équivalence entre théories apparemment
La formule cp signifie donc que 1 = 2 n'est pas démontra- différentes deviennent possibles lorsqu'il y a formalisation
ble à partir des axiomes de Peano, c'est-à-dire que ces der- des théories par un même système formel. Cette démar-
niers ne sont pas contradictoires, ce qui semble complè- che a été utilisée de façon exemplaire par N. Chomsky qui
tement évident. Pourtant Gôdel a prouvé que la formule a proposé divers types de grammaires formelles correspon-
(p elle-même n'était pas démontrable, toujours à partir des dant à divers systèmes formels. Formaliser oblige à donner
axiomes de Peano : ce qui est vrai n'est pas nécessairement une formulation très précise (souvent de forme mathé-
prouvable. En fait, on peut donner à (p la forme d'une matique) pour autoriser ensuite des calculs et des traite-
équation diophantienne (travaux de M. Davis, H. Put- ments formels, puis à pousser la formulation jusqu'à ses
nam, J. Robinson et Y. Matijasevic). ultimes conséquences. En général, le processus de forma-
b / Non-définissabilité de la vérité (Tarski, 1935) lisation met en défaut la théorisation proprement dite et
Intéressons-nous maintenant à l'ensemble V des codes la faiblesse de la conceptualisation. Les balancements conti-
des formules qui sont vraies. Alors, contrairement à ce qui nuels entre intuitif et formel sont les caractéristiques d'une
se passe pour les formules démontrables, V n'est pas défi- attitude formalisante oscillant entre, d'un côté, la théori-
nissable dans le langage de l'arithmétique ; plus précisé- sation reposant sur l'observation et la vérification et, de
ment, il n'y a pas de formule cp(x) de ce langage qui soit l'autre, le formel et « le mathématique à la source de la
satisfaite par les éléments de V et eux seuls. pensée expérimentale » (G. Bachelard). A côté d'une for-
malisation d'une théorie globale, il est souvent plus fruc-
c / Indécidabilité de l'ensemble des formules démontrables tueux de mathématiser les concepts relatifs au langage. Par
Une autre conséquence, plutôt rassurante pour le mathé- exemple, si la logique (les opérateurs et les opérandes, les
maticien, est qu'il n'existe pas d'algorithme pour décider prédicats, les propositions...) est un outil tout à fait adé-
si une proposition est un théorème ou non (Church). Ce quat pour l'étude de la prédication, il semble bien que ce
résultat est vrai entre autres dans les deux cas suivants : soit plutôt la topologie des étendues et des intervalles qui
pour les énoncés arithmétiques démontrables à partir des conviendrait beaucoup mieux à l'étude des catégories de
axiomes de Peano ; pour les énoncés dans un langage quel- l'espace, du temps et de l'aspect des langues naturelles. Il
conque à partir des seuls axiomes logiques (indécidabilité faut alors saisir le signifié de ces catégories et tenter de le
du calcul des prédicats). (D. Lascar.) décrire en termes mathématiques en suivant le paradigme
• R. DEDEKIND, Was sind und was sollen dir Zahlen ?, Brunswick, 1888. —
de la physique qui s'attache plus à une mathématisation
K. GÔDEL, « Ûber forma] unentscheidbare Sâtze der Principia Mathematica des concepts physiques qu'à une formalisation globale de
FORMALISME PHILOSOPHIE OCCIDENTALE - 1024 1025 -

la physique. Les sciences humaines doivent encore affir- boles et de règles élémentaires, et d'un calcul de type algé- Godei. A Source
mer leurs concepts en utilisant éventuellement les mathé- brique, dans certains cas confiable à une machine. D'où Harvard Univ
matiques (algèbre, logique, topologie), pour en donner une une interprétation de la théorie scientifique tenant pour —» Arithmét
essentielle à celle-ci la possibilité d'être réduite à un (— de l'arithm
forme beaucoup plus manipulable. (J.-P. Desclés.) Logique (—
système formel. Si l'accomplissement effectif d'une telle (— formel). —
• J.-P. DESCLÉS, « Quelques réflexions sur les rapports entre mathémati-
ques et linguistiques » in Penser les mathématiques, Paris, Le Seuil, 1982, réduction n'a de sens que localement et se heurte à des obs- GÔDEL, HlLBE

p. 89-107. — A.V, GLADKIJ, I.A. MEL'CUK, Eléments de linguistique mathéma- tacles majeurs — une formalisation totale du raisonnement
tique, Paris, Dunod, 1972. — G.-G. GRANGEK, Langages et épistémologie, Paris, le plus élémentaire de théorie des ensembles est une tâche Formalism
Klincksieck, 1979. — Z.S. HARKIS, Structures mathématiques du langage, Dunod,
matériellement démesurée — ces obstacles ne sont recon-
1971 ; A Grammar of Englisk on Mathematical Principles, New York, John Wiley, En esthé
1982. — S.K. SHAUMYAN, Applîcational Grammar as a Semantic Theory of Naturel nus que comme d'ordre pratique et l'exigence est main- rants forma
Language, Chicago, The University of Chicago Press, 1977. tenue à titre d'idéal théorique : ainsi l'exposé bourbakiste de Fiedler e
—>• Catégorie, Grammaire (— catégorielle), Grammaire (— formelle), des mathématiques se donne-t-il pour contrainte de ména- et celui qui
Système (— formel). — III : CHOMSKY, HARKIS, SCHAUMYAN, ger à tout moment, dans la superposition des structures et courants se
l'enchaînement des propriétés, la possibilité de revenir aux d'une part
signes et assemblages élémentaires. La thèse formaliste dont l'art es
FORMALISME [épist. gêné.] s'exprimerait comme réductibilité de droit du contenu de
suos. masf. part avec le
la théorie scientifique à un langage formalisé, condition de
Historiquement la notion a d'abord désigné toute doctrine qui son exposition comme système formel. Une telle thèse reste taltisme) est
assumait la prédominance de la forme sur son opposé, que celui- philosophiquement neutre au sens où elle n'implique pas
ci soit conçu comme substance, comme fond ou comme contenu.
par Ehrenfe
On désigne aujourd'hui par formalisme tout système de signes résul-
d'interprétation dernière quant à la vérité des énoncés ou Selon cette
tant de la formalisation. De là vient que le terme désigne parti- à la nature des êtres ; elle reste en particulier compatible que ou d'un
culièrement en épistémologie toute doctrine pour laquelle l'essence avec la croyance en une objectivité de la science qui inter- pie addition
de la démarche scientifique serait à chercher dans l'élaboration de dirait de l'identifier à un pur et simple jeu de symboles, structure m
formalismes. (Ed.) aussi raffiné soit-il. De ce point de vue, l'attribution à Hil-
Historiquement et structurellement, le formalisme dérive de la
l'exemple d
mise en œuvre, pour la constitution de la logique, des méthodes
bert d'une véritable doctrine formaliste prête à confusion : transpositio
de formalisation introduites à la fin du siècle dernier dans cette outre que la réduction formaliste des théories n'est qu'une utilisé le ter
discipline, avec pour visée et pour résultat son renouvellement total, pièce, préalable, de son « programme » inspiré quant au repris par l'
par Frege, Russell et Peano. De leurs efforts naît en même temps choix des moyens mathématiques pour les démonstrations Certains est
la tentative dite « logiciste », de dépassement de la logique dans métamathématiques de consistance par une théorie d'ail-
une théorie de la science d'ambition totalisatrice, où la formali-
taltisme po
sation reçoit un sens absolu : formaliser, c'est remonter à l'essence, leurs originale du signe et une conception du nombre plus d'art comm
au nécessaire, c'est fonder ; « la théorie de la science se confon- proche de celle de Kronecker que de celle de Dedekind, d'ensemble
drait avec le système de tous les formalismes possibles, elle l'essentiel était bien pour lui, semble-t-il, après la crise née comprises.
absorberait la totalité des démonstrations — donc de la science — de la mise au jour des paradoxes au cœur de la théorie des qui reste as
formalisables » (J. Cavaillès, Sur la logique et la théorie de la science}.
Tel est sans doute le sens le plus fort qu'on puisse donner au for-
ensembles et face à la critique intuitionniste, d'assurer défi- mique, le t
malisme, qui, paradoxalement, l'oppose à un formalisme vulgaire, nitivement l'installation du mathématicien dans la tradi- tes et des th
déniant au symbolisme des sciences tout contenu de sens, et contre tion de sa science par la mise à l'abri de la plus grande par- de R. Jakob
lequel il arrive à Frege de polémiquer. tie des mathématiques « classiques » (celle-ci comprenant nov, B. To
Pour des raisons qui tiennent d'abord à l'histoire de la la théorie cantorienne du transfini), menacées d'amputa- futuristes, c
logique formelle elle-même (développement de la séman- tion par Brouwer. D'autre part, le formalisme se trouve- matériau —
tique avec Tarski, théorèmes gôdeliens de limitation), mais rait légitimé à interpréter les autres théories, notamment arts plastiq
qui pourraient aussi s'exprimer quant au fond (voir l'écrit physiques : les physiciens parlent volontiers, à propos de l'emploi mu
de Cavaillès cité plus haut), le formalisme ne pourrait la mécanique classique ou quantique, de « formalisme phonétiques
aujourd'hui être revendiqué qu'en un sens plus faible. Le hamiltonien » ou de « formalisme de l'algèbre des opé- particulière
choix premier reste celui d'une langue artificielle, pour- rateurs », entendant par là un certain usage, facteur chez Fiedle
vue de symboles en nombre suffisant et de règles de for- puissant de simplification et d'unification, de concepts s'agit d'élab
mation et de dérivation permettant d'écrire des expressions mathématiques fonctionnant pour ainsi dire à la manière vaillant ave
qui, si elles sont correctement écrites, sont des formules, d'algorithmes, dans l'abstraction de la signification expé- indépendam
et des formules qui, si elles sont correctement dérivées, sont rimentale des termes symboliques ; mais les théories ou jectives. Ce
des thèses : c'est l'ensemble de ces écritures qui prend le portions de théories spécifiques dont le physicien fait une analyse
nom de « système formel ». Formaliser une théorie, sup- l'emploi demeurent des parties du corps entier des mathé- turalisme f
posée déjà axiomatisée mais qui se trouve alors assignée matiques, contraintes à la rigueur et à la limite formali- s'est efforcé
à un état donné de naïveté intuitive, consiste à réduire ses sables. (A. Michel.) formalisme
termes aux symboles de la langue et à traduire ses axio- fécondes, l'a
• R. BLANCHE, La logique et son histoire, Paris, A. Colin, 1970. — J . CAVAIL-
mes en expressions du système de manière à en dériver, LÈS, Méthode axiomatique et formalisme, Paris, Hermann, 1938, 3 vol. (t. 1, Le
C'est égale
conformément aux règles, les traductions des énoncés de problème du fondement des mathématiques, t. II, Axiomatique et système formel, t. III, théorie de l
la théorie. Dans la pratique, on se place en général dans La non-contradiction de l'arithmétique) ; Sur la logique et Ui théorie de la science, Paris, lité d'interp
un système formalisant la logique usuelle (« calcul des pré-
PUF, 1947. — H. CURRY, Outlines of a Formalistic Philosophy of Mathematics, sens traditio
Amsterdam, North Holland Publ. Co., 1958 ; Foundations of Mathematical
dicats du premier ordre »), enrichi de symboles et d'axio- Logic, New York, MacGraw-Hill, 1963. — D. DUBARLE, Initiation à la
la réception
mes propres (et aussi, le plus souvent, par le biais de défi- logique, Paris, Gauthier-Villars, Louvain, Nauwelaerts, 1957 ; Logos et • Th. W. A
formalisation du langage, Paris, Klincksieck, 1977. — G. FREGE, « Logische BAKHTINE, La p
nitions, de procédés d'abréviation des écritures). Ainsi Untersuchungen », in Nachgelassene Schriften, éd. par H. Hermès et — R. BARTHES
obtient-on par exemple, à partir de l'arithmétique axioma- F. Kambartel, Hamburg, 1969, trad. fr. par C. Imbert, « Recherches logi- munications, n°
tisée par Peano, une théorie formelle du premier ordre ques >., in Ecrits logiques et philosophiques, Paris, Le Seuil, 1971. — R. MAR- men kùnsllerischer
TIN, Logique contemporaine et formalisation, Paris, PUF, 1964. — A. TARSKI,
qu'on peut appeler « arithmétique formelle ». C. Roux de Bé
Introduction to Logic and to thé Methodology of Deductive Sciences, Oxford, Oxford (1927), J J. Pa
Comme objet, le formalisme se condense ainsi dans la University Press, 1941, trad. fr., Introduction a la logique, Paris, Gauthier- Cologne, 1977
donnée d'une langue, réduite à un inventaire de sym- Villars, Louvain, Nauwelaerts, 1969. — J. VAN HEIJENOORT, From Frege to GENETTE, Figu

ENC PHILOS II -
JENTALE - 1024 1025 - PHILOSOPHIE OCCIDENTALE FORMALISME

calcul de type algé- Gidel. A Source Book in Mathemalical Logique, 1879-1931, Cambridge, Mass., Dos Problem der Form in der bildenden Kunst, Strasbourg, 1893. — G. LUKÂCS,
une machine. D'où Harvard University Press, 1967. L'âme et les formes (1911), trad. G. Haarscher, Gallimard, 1974 ; La théorie
tifique tenant pour du roman (1916), Denoël-Gonthier, 1963 ; Philosophie de l'an (1912-1914),
—> Arithmétique, Axiomatique, Axiome, Formalisation, Formalisation
Klincksieck, 1981. — G. MULLER, Morpholagische Poetik, Tû'bingen, 1968. —
'être réduite à un (— de l'arithmétique), Limitation (théorèmes de —), Logicisme, Logique,
V.J. PROPP, Morphologie du conte (1928), Seuil, 1965, 1970. — A. RIEGL, Die
Logique (— classique), Métalangage, Métamathématique, Système
effectif d'une telle (— formel). — III : BOURBAKI, CAVAILLÈS, CURRY, DUBARLE, FREGE, Entstehung der Barockkunst in Rom, Vienne, 1908. — R. SALVINI (éd.), La critica
se heurte à des obs- GôDEL, HlLBERT, KÔRNER, PEANO, RuSSELL, TARSKI. d'arle delta pura visibilité et del formalisme, Florence, 1945 ; 2e éd., Milan, 1977,
trad. fr., 1988. — T. TODOROV (éd.), Théorie de la littérature. Textes des for-
ile du raisonnement malistes russes, Seuil, 1966. — H. WÔLFFLIN, Principes fondamentaux de l'histoire
mbles est une tâche Formalisme [esth.J de l'art (1915), trad. C. et M. Raymond, Pion, 1952.
icles ne sont recon- —^ Forme.
En esthétique, on peut distinguer au moins trois cou-
exigence est main-
rants formalistes : celui qui se réclame de Herbart, puis
exposé bourbakiste Formalisme [math., doct.]
de Fiedler et Wôlfflin ; celui qui se rattache au gestaltisme
ontrainte de ména- et celui qui est issu du formalisme russe. Les deux premiers
)n des structures et Le formalisme est une thèse fondationnelle en logique et en mathé-
courants se sont surtout intéressés aux arts plastiques, matiques dont on attribue la paternité à D. Hilbert. Cette thèse
ilité de revenir aux d'une part avec Fiedler et sa théorie de la « visibilité pure » ne se résume pas à l'idée de la formalisation, bien que ce soit avec
a thèse formaliste dont l'art est supposé approfondir la connaissance, d'autre la métamathématique ou théorie des démonstrations de Hilbert
roit du contenu de part avec les principes formels dégagés par A. Hildebrand, qu'est apparue la méthode axiomatique. Hilbert invoquait des rai-
alise, condition de sons philosophiques dans son programme formaliste : fonder les
H. Wôlfflin et H. Focillon. La théorie de la forme (ges- mathématiques dans la certitude (Sicherung) en établissant la
'ne telle thèse reste raltisme) est un courant de la psychologie moderne, fondé consistance ou la non-contradiction des mathématiques, en par-
Ile n'implique pas par Ehrenfels (1890), W. Kôhler, Koffka et Wertheimer. ticulier de l'analyse et de la théorie des ensembles. Hilbert avait
ité des énoncés ou Selon cette théorie, les propriétés d'un phénomène psychi- inauguré son projet en s'attaquant à la géométrie élémentaire et
iculier compatible que ou d'une œuvre culturelle ne résultent pas de la sim- c'est Gentzen qui, plus tard et s'inspirant de Hilbert, démontrera
science qui inter- ple addition des propriétés de leurs éléments, mais de leur la consistance de la théorie des nombres élémentaire ou arithmé-
jeu de symboles, tique. Quant à l'analyse et à la théorie des ensembles, il ne sem-
structure même, perçue en tant que telle (on cite souvent ble pas qu'elles soient accessibles à une preuve de consistance, à
attribution à Hil- l'exemple de la mélodie qui reste identique à travers ses moins d'être considérablement réduites (dans des sous-systèmes
rête à confusion : transpositions modales ou rythmiques). Goethe avait déjà des systèmes classiques).
jries n'est qu'une utilisé le terme de Gestalt dans un sens analogue, qui sera
inspiré quant au Si on a souvent confondu formalisme et finitisme, c'est
repris par l'esthétique morphologique (Propp, G. Mùller).
que Hilbert a insisté sur le caractère fini des systèmes for-
s démonstrations Certains esthéticiens (R. Arnheim) se sont inspirés du ges-
mels et des preuves qu'on pouvait y dériver. Ainsi les
me théorie d'ail- taltisme pour souligner la nécessité d'envisager l'œuvre
objets idéaux (Idéale Eléments) et les concepts transfinis de
i du nombre plus d'art comme une totalité cohérente ayant une signification
la théorie des ensembles pourraient être éliminés dans les
Ile de Dedekind, d'ensemble sans laquelle ses parties ne peuvent être
preuves qui sont toujours finies et les problèmes de fon-
après la crise née comprises. C'est surtout le formalisme russe (1915-1930)
dement s'évanouiraient d'eux-mêmes. C'est là la version
de la théorie des qui reste associé au concept de formalisme. D'abord polé-
forte du formalisme : les mathématiques sont un forma-
e, d'assurer défi- mique, le terme se dirigeait contre le groupe des linguis-
lisme, un assemblage de symboles concrets dont la mani-
:n dans la tradi- tes et des théoriciens du langage poétique (opoïaz) autour
pulation ne requiert qu'un nombre fini d'étapes, et la théo-
plus grande par- de R. Jakobson, B. Eikhenbaum, V. Chklovski, J. Tynia-
rie des démonstrations a pour but de mettre en évidence
e-ci comprenant nov, B. Tomachevski, puis de M. Bakhtine. Proches des
le caractère fini du contenu constructif des théories mathéma-
icées d'amputa- futuristes, ces théoriciens appliquent à la littérature, à son
tiques. Ce programme originel de Hilbert devra être modi-
lisme se trouve- matériau — le langage —, les méthodes des formalistes des
fié, comme l'a bien montré G, Kreiscl. Les résultats
ies, notamment arts plastiques. Ils étudient les techniques narratives,
d'incomplétude de Gôdel exigent que l'on admette des
•rs. à propos de ï'emploi musical du langage, les rapports entre structures
notions abstraites, comme celles de fonction et fonction de
le « formalisme phonétiques et structures sémantiques, avec une attention
fonction, à côté des symboles concrets, si l'on veut une
Igèbre des ope- particulière pour les innovations et les invariants. Comme
preuve de consistance de l'arithmétique. Reste à savoir si
usage, facteur chez Fiedler, l'ambition est ici d'ordre scientifique : il
ces preuves, celle de Gentzen entre autres, conservent le
n, de concepts s'agit d'élaborer une science objective de la littérature, tra-
contenu constructif qui était au cœur même de l'entreprise
re à la manière vaillant avec des faits bien établis et des lois contrôlables,
hilbertienne. Il est certain que la stature mathématique de
iification expé- indépendamment des interprétations hasardeuses et sub-
Hilbert a joué considérablement dans la survie du forma-
les théories ou jectives. Ce courant a contribué à orienter l'esthétique vers
lisme, baptisé ainsi par Brouwer qui y opposait son intui-
physicien fait une analyse de la forme autonome de l'œuvre. Le struc-
tionnisme. Mais on ne peut minimiser l'apport de la méta-
tier des mathé- turalisme français (R. Barthes, G. Genette, T. Todorov)
mathématique dans la question des fondements et
limite formali- s'est efforcé de surmonter les abstractions opérées par le
formalisme russe, tout en lui empruntant ses approches l'influence qu'à exercée le projet hilbertien sur toute la pos-
térité logique et mathématique. Au-delà des fameux pro-
fécondes, l'attention à l'organisation objective des textes.
:970. — J. CAVAIL- blèmes que Hilbert a formulés et qui ont dominé depuis
C'est également de ce courant formaliste qu'est issue la
'38, 3 vol. (t. I, Le la grande majorité des travaux en logique (et une bonne
ystèmc formel, t. III,
théorie de la « forme ouverte » qui se prête à une plura-
part des travaux en mathématiques), le contrecoup des
f de lu science, Paris, lité d'interprétations en renonçant à achever l'œuvre au
résultats de Gôdel n'était possible que dans une perspec-
phy of Matkematics, sens traditionnel. Le formalisme prépare ici la théorie de
ons of Mathematical tive hilbertienne (c'est-à-dire finitaire). Herbrand, Skolem,
la réception esthétique et de « l'acte de lire ». (R. Rochlitz.)
ÎLE, Initiation à la Gentzen et Kreisel ont continué l'œuvre de Hilbert dans
,. 1957 ; Logos et • Th. W. ADORNO, Théorie esthétique (1970), trad. M. Jimenez, 1974. — M. le même esprit, si ce n'est avec les mêmes moyens. Sur le
FREGE, « Logische BAKHTINE, La poétique de Dostoïevski (1929), trad. I. Kolitcheff, Seuil, 1970.
H. Hermès et
plan philosophique, des logiciens comme Curry et Robin-
— R. BARTHES, « Introduction à l'analyse structurale des récits », in Corn-
• Recherches logi- Twnications, n° 8/1966. — A.E. BRINCKMANN, Plastik und Raum aïs Grundfor- son ont repris la même attitude fondationnelle de scepti-
1971. — R. MAR- •nm kunstlerischer Gestaltimg, Mùnchen, 1922. — U. Eco, L'œuvre ouverte, trad. cisme vis-à-vis des concepts abstraits des mathématiques.
4. — A. TARSKI, C. Roux de Bézieux, 1962, Le Seuil, 1965. — E. FAURE, L'esprit des formes Mais ici, ce scepticisme confine souvent à un refus pur et
. Oxford, Oxford 1927), JJ. Pauvert, 1964. — K. FIEDLER, Schriflen ûber Kunst (1876-1887),
Paris, Gauthier- Cologne, 1977. — H. FOCILLON, La aie des formes (1934), PUF, 1947. — G.
simple d'aborder la question des fondements — on peut
DRT, From Frege to GENETTE, Figures I-II1, Seuil, 1966, 1969, 1972. — A.V. HILDEBRAND, trouver un exemple dans certains écrits de Bourbaki où le
:\ PHILOS II - 33
FORMALISME PHILOSOPHIE OCCIDENTALE - 1026 1027 - PHILO

formalisme est davantage une caution qu'une vocation. Le un principe qui détermine la matière et en fait une essence déter- n° 1, 1986, p. 59-80.
praticien en général se contentera souvent d'une vague minée (forma dat esse ni). Dans ce contexte, on oppose la forme Kunst. Uberlegungen
substantielle, qui détermine l'essence d'une matière, et la forme acci- und Allgemeine Kunstw
profession de foi, s'en remettant à quelque idéal de « neu- dentelle, qui donne à une chose déjà existante une détermination H. MARKIEWICZ, « Poln
tralité idéologique » quand ce n'est pas à un esthétisme supplémentaire, sans en changer la nature. La naissance de la Littérature (Amsterdam
désuet. mécanique, qui a bouleversé l'ontologie traditionnelle, a considé- R. MOHR, « Philtbus
L'essentiel de la tradition formaliste ne réside pas dans rablement restreint l'usage du terme, qui signifie souvent la figure Philosophy, 9, suppl., 1
le rejet des totalités infinies (voir Ueber dos Unendlichè}, rejet externe (grec skherm) ou la structure des corps. La principale uti- argument », Phronesis (P
lisation du concept concerne, aujourd'hui, le domaine de la repré- BRENNAN, « Is Aristotle
que Hilbert partage avec Brouwer ou dans le travail n° 2, 1981, p. 80-95.
concret des fondements des mathématiques (cf. Grundlagen sentation abstraite (v. Formalisme), suivant en cela une tradition
Aristotle's Metaphysics
der Mathematik, avec P. Bernays) ou de la logique (cf. Grund- qui remonte à la logique classique. La Logique de Port-Royal oppo- p. 57-82. — R. PATTER
sait la forme des propositions (leur structure logique) à leur fur GeschichU der Philosoph
zùge der theoretischen Logik, avec W. Ackermann), mais dans matière, c'est-à-dire la façon dont une partie logique — par exem- « Emil Lasks Kategorien
l'insistance sur la constructivité en mathématiques. Les ple, le sujet — peut être réalisée par un complexe de mots — par Kant-Studien (AU.), 75
mathématiques contemporaines ne s'éloignent pas du pro- exemple, Tout homme heureux. Kant opposait la forme des connais- « Esthétique et ontologie
jet hilbertien, mais s'en rapprochent ; on n'a qu'à penser sances (la structure conceptuelle a priori de la pensée) à leur matière thèse de doct. 3e cycle/
que théorie des preuves et syntaxe formelle sont la même (le donné perceptif, sans lequel la connaissance est vide). (Ed.) « The universal in Aris
chose pour reconnaître que la notion de preuve, de la Le terme de « forme » est certes présent dans à peu près —» Catastrophe (théor
géométrie algébrique arithmétique à la théorie de la logie, Système (— form
tous les domaines de l'expression scientifique. Il ne sem- (md.) ; Xing (chin.).
complexité logique en informatique théorique, renvoie à
ble pas pour autant fonctionner comme un concept ni THOMPSON D^AROY, WA
des fondements constructivistes de la logique et des mathé-
matiques. (Y. Gauthier.) même comme une catégorie de l'objet scientifique,
mais plutôt comme un concept philosophique au sens Forme [hg.]
• N. BOURBAKI, Eléments de mathématique. Théorie des ensembles, Paris, « transconceptuel » qu'il avait déjà chez le Stagirite, ou
Hermann, 1954-1956 ; Éléments d'histoire des mathématiques, Paris, Hermann, Dans le contexte des
1960, — L.EJ. BROUWER, Collectée! Works, t. I, Amsterdam, North-Holland, de concept « flou », « à ressemblance de famille », de caractérise le statut d
1975- — J. CAVAILLÈS, Méthode axiomatique et formalisme, 2 t., Paris, Wittgenstein. On peut cerner sa vertu interprétative par que ces objets ont un
Hermann, 1938 ; Sur la logique et la théorie de la science, Paris, PUF, 1947. — la dualité d'un accent positif mis sur la forme-configuration de leurs « supports »
G. FREGE, Begriffschrift, Halle, Verlag von L. Nebert, 1879, tr. angl. dans
individuée opposée, comme l'ordre au chaos, à la matière être considérée indép
VAN HEIJENOORT ; Die Grundlagen der Arithmetik, Breslau, M. und H. Marcus, elle se réalise. Les de
1884 ; tr. fr., G. Imbert, Les Fondements de l'arithmétique, Paris, Seuil, 1969 ; dont fait abstraction la sensation animale et humaine, pertinente sont ceux
Nachgelassene Schriften und wissenschafthcher Bnejwechsel, vol. 1, Hamburg, depuis Aristote jusqu'aux modèles de « reconnaissance des
F. Meiner, 1969. — K. GÔDEL, « Uber formai unentscheidbare Sàtze der
formes », aux théories de la Gestalt, mais aussi à la méca- La logique est l'é
Principia mathematica und verwandter Système I » (1931), in Kurt Godel. rect. Elle s'occupe
Collected Works. Volume 1 (éd. by S. Feyerman et ai), New York, Oxford Un. nique des particules ou à la biologie moléculaire, qui
Press, 1986. — D. HILBERT, Ùber das Unendlichè », in Malhematische s'aident de la machinerie puissante des systèmes formels. indépendant du co
Annalen, vol. 95, 1925, p. 161-190 ; Gesammelte Abhandlungm, vol. 3, Berlin, Ce qui nous amène à l'accent négatif mis sur la forme oppo- ce raisonnement m
J. Springer, 1935. — D. HILBERT et P. BERNAYS, Grundlagen der Mathematik, « matière »), c'est-à
Berlin, J. Springer, vol. 1, 1934 ; vol. 2, 1939. — R. MARTIN, Logique sée à un contenu, comme le vide au plein selon l'image
assurent, dans un r
contemporaine et formalisation, Paris, 1965. — J . VAN HEIJENOORT, From Frege traditionnelle de la vacuité interne des formalismes, vivace
to Godel, Cambridge, Harvard Un. Press, 1967. — J. VON NEUMANN, validité supposée de
dans le récent positivisme logique ou dans la conception
Collected Works, vol. 1, Oxford-London-New York-Paris, 1961-1963. — A.N. finale. La représen
WHITEHEAD et B. RUSSELL, Principia mathematica, Cambridge, University
saussurienne de la langue comme forme. La morphologie
par les règles de dédu
Press, 3 vol., 1910-1913. générale de R. Thom tend, à la manière platonicienne, à
passer d'une ou plu
« tout individuer » et à fondre ces deux accents par
—^ Axiomatique, Démonstration (théorie de la —), Fondement (—s des sition, dont la form
mathématiques), Limitation (théorèmes de —), Logicisme. — III : BROU- l'emploi de la théorie mathématique des catastrophes,
des propositions pr
WER, CURRY, GENTZEN, HILBERT. appliquée sans dénivellation sur un même terrain de la position est déterm
science. C'est le concept philosophique de « transcendan- truite, à partir de co
Formalisme [mor., doct.] tal » qui opère la fusion, de Kant à Carnap, en faisant de rôle d'indéterminée
On qualifie ainsi toute théorie morale qui reprend les la forme l'anticipation, la réflexion ou la « constitution > les règles spécifient
conceptions kantiennes, c'est-à-dire fait de l'impératif logique d'une expérience. Il semble possible de mettre en tent ces opérateurs
« agis de telle manière que la maxime de ton action puisse vedette, plus clairement que Carnap, et plus distinctement comme constituant
toujours être valable en même temps comme principe que R. Thom, le rôle du symbolisme dans la constitution (Ainsi la règle pour
d'une législation universelle » le critère de l'évaluation de des formes telles que les appréhende notre espèce, et dont que, si on dispose d
la moralité de l'action. Cela suppose d'une part que l'esprit de l'homme relativise le rapport à un contenu, dans et B, sous certaines
l'action morale soit toujours accomplie par respect de la les sciences, strictement formelles ou définies par la visée vation de la proposi
règle morale (et non en fonction d'une intention ou d'un de l'individuel. C'est là l'intérêt du concept récemment positions.) La « logiq
penchant sensibles) et d'autre part que sa moralité soit avancé de « contenu formel », précision et approfondisse- des séquents ») don
indépendante aussi bien de sa réussite que de ses consé- ment apportés par G.-G. Oranger à une « philosophie du suggestive du rôle d
quences, comme action réelle dans le monde. C'est évi- style ». (E. Schwartz.) de la forme en logiqu
demment ce dernier point (qu'on peut résumer par sur des propositions
• R. CARNAP, Der hgische Aufbau der Welt, Hamburg, Félix Meiner Verlag
l'expression : « seule l'intention compte », entendue au (décrites par des for
1928, tr. angl. de R.A. George, The Logical Structure of thé World <m:
sens de la valeur morale de l'intention) qui fait problème Pseudoproblems in Philosophy, London, Routledge & Kegan Paul, 1967. — dérivable de la suite
et caractérise le formalisme moral. (Ed.) G.-G. GRANGER, Essai d'une philosophie du styk, Paris, A. Colin, 1968. — E comment une situati
KANT, Critique de la raison pure, tr. fr. de A. Tremesaygues et B. Pacauc.
—> Morale. une autre.
Paris, PUF, 1944. — R. THOM, Stabilité structural* et morphogenèse. Essai d'ur^
théorie générale des modèles, Reading, Mass., W.A. Benjamin, 1972, 2e éd . Le cadre le plus gê
revue, Paris, Interéditions, 1984. la structure formelle
FORME [philo, gêné., épist. gêné.] • G. FINE, « Plato and Aristotle on form and substance », Proceedings o/tv les propriétés de déd
subs. Jém. Cambridge Philological Society (G-B), n° 209, 1983, p. 23-47. — A. JOBERT.
« René Thom et la théorie des catastrophes : vers un nouvel idéalisme ? *
du système formel.
Du latin forma (au sens propre, moule de cordonnier), ce mot sert Nouvelle École (Fr.), n° 42, 1985, p. 129-131. — M. LAOARCE-DARBON, « Le Les mathématique
à traduire les termes grecs eîdos, morphë et ousta (v. ces mots). principe de convenance », Revue de l'enseignement philosophique, 32, n° 2 res, étudient des obje
Dans la scolastique — en référence à la problématique aristotéli- 1981-1982, p. 27-33. — J. LARGEAULT, .. La philosophie de la nature à l'Age sont reconnus comm
cienne —, la forme n'est pas l'apparence externe des choses, c'est classique », in Philosophie-Sciences, Revue philosophique de la France et de l'étrangr
dant des configuratio
:CIDENTALE - 1026 1027 - PHILOSOPHIE OCCIDENTALE FORME

n° 1, 1986, p. 59-80. — R. LUTHE, ,. Die Diktatur des Schônen und der rés) en lesquelles ils s'exemplifient. En définissant des opé-
Kunst. Uberlegungen zur Logik des Asthetizismus », Zeitschnftjur Asthetik rations sur ces objets et en étudiant leurs propriétés, elles
und AUgemtine Kunstwissenschaft (Ail.), 25, n° 2, 1980, p. 163-171. —
H. MARKIEWICZ, « Polnische Dîskussionen ùber Form und Inhalt », Russian ont réussi, par thématisation et généralisation, à constituer
Littérature (Amsterdam), 13, n° 3, Polisk issue I, 1983, p. 233-268. — des objets d'un statut d'abstraction de plus en plus élevé,
R. MOHR, « Philebus 55C-62A and revisionism », Canadian Journal of qui ont de plus en plus le caractère de « formes » par rap-
Philosophy, 9, suppl., 1983, p. 165-170. — M. MORRIS, « Socrate's last
argument », Phronesis (P.-Bas), 30, n° 3, 1985, p. 223-248. — S. O'FLYNN port à leurs exemplifications possibles (qui sont elles-mêmes
BRENNAN, « Is Aristotle's Prime Mover a Pure Form ? », Apeiron (Aust.), 15, d'ailleurs constituées d'objets mathématiques). La notion
n° 2, 1981, p. 80-95. — C. PAGE, « Predicating forms of matter in de structure permet de caractériser de façon très générale le
Aristotle's Melaphjisics », Reviwi of Metaphysics (E-U), 39, n° 153, 1985,
p. 57-82. — R. PATTERSON, « On thé eternality of platonic Forms », Archiv
statut de ces objets ; elle peut être considérée comme la
fur Geschichte der Philosophie (AU.), 67, n° 1, 1985, p. 27-46. — M. SCHWEITZ, représentation la plus adéquate, à l'heure actuelle, de la
- Emil Lasks Kategorienlehre vor dem Hintergrund der Kopernikanischen », notion de forme mathématique. Le cadre dans lequel cette
Kant-Studien (AU.), 75, n° 2, 1984, p. 213-227. — P. SIMMARAND,
« Esthétique et ontologie », patronné par France, Université d'Aix-Marseille,
notion est formulée est celui de la théorie des ensembles.
thèse de doct. 3' cycle/philosophie, F. Meyer, dir., 1981. — H. TELOH, Un objet mathématique d'une espèce donnée peut être
« The universal in Aristotle », Apeiron (Aust.), 13, n° 2, 1979, p. 70-78. représenté comme un élément a d'un ensemble £
—> Catastrophe (théorie des —s), Constitution, Construction, Morpho- construit à partir de certains ensembles de base au moyen
logie, Système (— formel) ; Eîdos, Hûlë (grec) ; Unitas (lat. méd.) ; Rupa de deux opérations ensemblistes, la formation de l'ensem-
(ind.) ; Xing (chin.). — III : GOLDSTEIN, ORANGER, KANT, THOM,
THOMPSON D'ARCY, WADDINGTON.
ble produit de deux ou de plusieurs ensembles (ensemble
des couples ou des n-uples formés d'objets appartenant à
Forme [log.] ces ensembles), et la formation de l'ensemble des parties
d'un ensemble donné. L'objet considéré est caractérisé au
Dans le contexte des sciences dites « formelles », la notion de forme moyen d'une relation R entre les ensembles de base et a.
caractérise le statut des objets que ces sciences étudient, en tant
que ces objets ont un statut d'abstraction qui les rend séparables
En imposant à la relation R d'être indépendante de la base
de leurs « supports », à la manière dont une forme spatiale peut choisie (ce que traduit la condition « R est transportable »),
être considérée indépendamment des objets concrets en lesquels on arrive la r, |
:iDENTALE - 1026 1027 - PHILOSOPHIE OCCIDENTALE FORME

n° 1, 1986, p. 59-80. — R. LÛTHE, « Die Diktatur des Schônen und der rés) en lesquelles ils s'exemplifient. En définissant des opé-
Kunst. Uberlegungen zur Logik des Àsthetizismus », Zeitschrift fur Âslketik
•jnd Allgemeine Kunstwissenschafî (AH.), 25, n° 2, 1980, p. 163-171. —
rations sur ces objets et en étudiant leurs propriétés, elles
H. MARKIEWICZ, « Polnische Diskussionen ùber Form und Inhalt », Russiem ont réussi, par thématisation et généralisation, à constituer
Littérature (Amsterdam), 13, n° 3, Palish issue I, 1983, p. 233-268. — des objets d'un statut d'abstraction de plus en plus élevé,
R. MOHR, « Philebus 55c-62A and revisionism », Canadian Journal of qui ont de plus en plus le caractère de « formes » par rap-
Philosophy, 9, suppl., 1983, p. 165-170. — M. MORRIS, .. Socrate's last
argument », Phronesis (P.-Bas), 30, n° 3, 1985, p. 223-248. — S. O'FLYNN port à leurs exemplifications possibles (qui sont elles-mêmes
BRENNAN, « Is Aristotle's Prime Mover a Pure Form ? », Apeiron (Aust.), 15, d'ailleurs constituées d'objets mathématiques). La notion
n° 2, 1981, p. 80-95. — C. PAGE, .. Predicating forms of matter in de structure permet de caractériser de façon très générale le
Aristotle's Metaphysics », Review of Metaphysics (E-U), 39, n° 153, 1985,
p. 57-82. — R. PATTERSON, « On thé eternality of platonic Forms », Archiv statut de ces objets ; elle peut être considérée comme la
•5r Geschichte der Philosophie (Ail.), 67, n° 1, 1985, p. 27-46. — M. SOHWEITZ, représentation la plus adéquate, à l'heure actuelle, de la
" Emil Lasks Kategorienlehre vor dem Hintergrund der Kopernikanischen », notion de forme mathématique. Le cadre dans lequel cette
Kant-Studien (Ail.), 75, n° 2, 1984, p. 213-227. — P. SIMMARAND,
- Esthétique et ontologie », patronné par France, Université d'Aix-Marseille,
notion est formulée est celui de la théorie des ensembles.
thèse de doct. 3e cycle/philosophie, F. Meyer, dir., 1981. — H. TELOH, Un objet mathématique d'une espèce donnée peut être
• The universal in Aristotle », Apeiron (Aust.), 13, n° 2, 1979, p. 70-78. représenté comme un élément a d'un ensemble ï
—» Catastrophe (théorie des —s), Constitution, Construction, Morpho- construit à partir de certains ensembles de base au moyen
logie, Système (— formel) ; Eîdos, Hûlë (grec) ; Unitas (lat. méd.) ; Rûpa de deux opérations ensemblistes, la formation de l'ensem-
•ind.); Xing (chin.). — III: GOLDSTEIN, GRANGER, KANT, THOM,
THOMPSON D'ARCY, WADDINGTON. ble produit de deux ou de plusieurs ensembles (ensemble
des couples ou des n-uples formés d'objets appartenant à
Forme [log.] ces ensembles), et la formation de l'ensemble des parties
d'un ensemble donné. L'objet considéré est caractérisé au
Dans le contexte des sciences dites « formelles », la notion de forme moyen d'une relation R entre les ensembles de base et o.
caractérise le statut des objets que ces sciences étudient, en tant
que ces objets ont un statut d'abstraction qui les rend séparables En imposant à la relation R d'être indépendante de la base
de leurs « supports », à la manière dont une forme spatiale peut choisie (ce que traduit la condition « R est transportable »),
être considérée indépendamment des objets concrets en lesquels on arrive à la notion d'espèce de structure, qui caractérise un
elle se réalise. Les deux domaines pour lesquels cette notion est type structural et non une structure déterminée. (Ainsi, en
pertinente sont ceux de la logique et des mathématiques.
un sens tout à fait général, la notion de groupe est celle
La logique est l'étude des formes du raisonnement cor- d'une espèce de structure. Un groupe particulier est une
rect. Elle s'occupe de ce qui, dans un raisonnement, est certaine structure, appartenant à cette espèce). La notion
indépendant du contenu particulier des propositions que d'espèce de structure peut être reformulée dans le cadre
ce raisonnement met en jeu (et qui en constituent la de la théorie des catégories ; cette formulation met très bien
« matière »), c'est-à-dire des liens déductifs comme tels, qui en évidence l'indépendance de la structure par rapport aux
assurent, dans un raisonnement correct, le transfert de la objets « concrets » qui lui servent de support, et par le fait
validité supposée des propositions initiales à la proposition même aussi le caractère « formel » des structures, et donc
finale. La représentation de ces liens déductifs est donnée des objets mathématiques. (Une espèce de structure est un
par les règles de déduction, qui indiquent comment on peut certain foncteur, c'est-à-dire une correspondance entre
passer d'une ou plusieurs propositions à une autre propo- catégories associant à tout objet de l'une un objet de l'autre
sition, dont la forme est déterminée en fonction de celles et à tout morphisme entre deux objets de l'une un mor-
des propositions prémisses. Comme la forme d'une pro-
phisme entre deux objets de l'autre.) (J. Ladrière.)
position est déterminée par la manière dont elle est cons-
truite, à partir de composantes élémentaires (qui jouent le • N. BOURBAKI, Éléments de mathématique, I, Les Structures fondamentales de
rôle d'indéterminées), au moyen des opérateurs logiques, l'analyse, \ I, Théorie des ensembles, chap. 4, Structures, Paris, Hermann, 1957.
— R. CARNAP, Logische Syntax der Sprache, Wien, Julius Springer, 1934 ; tr.
les règles spécifient, en fait, la manière dont se compor- angl., rev. et aug., de A. Smeaton, The Logical Syntax of Language, London,
tent ces opérateurs et elles peuvent donc être considérées Kegan Paul, Trench, Trubner & Co., 1937. — H.B. CURRY, Foundatiora of
comme constituant une théorie des opérateurs logiques. Mathematical Logic, New York, San Francisco, Toronto, London, McGraw-
(Ainsi la règle pour l'introduction de la conjonction stipule Hill Book Co., 1963. — J. Dopp, Logiques construites par une méthode de déduction
naturelle, Louvain, E. Nauwelaerts, Paris, Gauthier-Villars, 1962. —
que, si on dispose de dérivations pour les propositions A C. EHRESMANN, Catégories et structures, Paris, Dunod, 1965. — G. GENTZEN,
et B, sous certaines présuppositions, alors on a une déri- Recherches sur la déduction logique, tr. et comm. par R. Feys et J. Ladrière,
vation de la proposition (A & B), sous les mêmes présup- Paris, PUF, 1955. — R. GOLDBLATT, Topoi. The Categorial Analysis ojLogic,
positions.) La « logique de la déduction naturelle » (« calcul rev. éd. (1" éd. 1979), Amsterdam, New York, Oxford, North-Holland
Publ. Cy, 1984. — B. MITCHELL, Thtory of Catégorie, New York and
des séquents ») donne une présentation particulièrement London, Académie Press, 1965. — R.M. SMULLYAN, Theory of Formai
suggestive du rôle des règles, et par là de la signification Systems, rev. éd., Princeton, New Jersey, Princeton University Press, 1961.
de la forme en logique. Ses règles agissent non directement — D. VAN DALEN, Logic and Structure, 2' éd. (1" éd. 1980), Berlin,
sur des propositions mais sur des situations inférentielles Heidelberg, New York, Tokyo, Springer-Verlag, 1983. — S. VASILACH,
Ensembles, Structures, Catégories, faisceaux, Québec, Les Presses de l'Université
(décrites par des formules du type « La proposition A est Laval, Paris, Masson, 1977.
dérivable de la suite de propositions FI »). Elles indiquent
—» Catégorie, Ensemble (théorie des —s), Formalisation, Formalisme,
comment une situation inférentielle peut se transformer en Forme (— et structure), Logique, Mathématique, Règle, Séquent (calcul
une autre. des _ s ) j Structure, Système (— formel). — III : BouRBAKl, BRUTER,
Le cadre le plus général dans lequel peut être représentée CAVAILLÈS, CURRY, DIEUDONNÉ, DOPP, FREGE, GENTZEN, HILBERT, HUSSERL,
la structure formelle d'une théorie déductive (c'est-à-dire LE LIONNAIS, LE Roy, R. MARTIN, SMULLYAN, SPEISER, SPENCER-BROWN.
les propriétés de déductibilité qu'elle comporte) est celui
du système formel, Forme [biol.]
Les mathématiques, en leurs parties les plus élémentai- Terme désignant à la fois le principe d'intelligibilité et la figure
res, étudient des objets — les nombres et les figures — qui d'un objet. Le rapport entre ces deux sens a fluctué au cours de
sont reconnus comme ayant un statut tout à fait indépen- l'histoire des sciences naturelles et constitue un paramètre intéres-
dant des configurations concrètes (collections, objets figu- sant pour la comparaison des théories biologiques.
FORME PHILOSOPHIE OCCIDENTALE - 1028 1029 - PHILO

Chez Aristote, la forme désigne le principe d'organisa- Forme [esth.] Forme (— et stn
tion de la matière, doué de priorité à la fois ontologique La forme autonome, ayant en elle-même son sens et
(la forme préexiste à la matière) et épistémologique (la sa fonction, est l'élément distinctif de l'œuvre d'art, à
matière ne peut être connue que par la forme). Mais le
la différence du beau naturel qui est un aspect contingent
terme de forme recouvre aussi l'espèce au sens moderne,
des êtres et des choses dont la finalité est l'autoconser-
c'est-à-dire l'ensemble de caractères permettant de classer
vation ou la vie sociale. Jusqu'au XVIIIe siècle, c'est le
les individus. A la suite d'Aristote, les sciences naturelles
concept de beau qui domine en esthétique. La forme artis-
se sont beaucoup préoccupées de la forme dans leurs des-
criptions morphologiques des êtres vivants (voir Classifi- tique n'est alors que ce qui s'ajoute au sujet et au maté-
cation). Au début du XIX= siècle, les paléontologistes ont riau pour en faire une œuvre d'art ; elle s'inspire avant
choisi un critère morphologique pour l'exploration du tout des canons de l'Antiquité. La forme est l'analogue
passé, qu'il s'agisse du « principe de corrélation des êtres humain de la Création, imitation seconde jusqu'à Rous-
vivants » ou règle de la constance des proportions dans une seau et Kant.
espèce donnée (Cuvier, 1812), ou du « principe des De Shaftesbury à Herder et Goethe, c'est la forme
connexions » (fixité de la disposition relative des organes, comme organisme vivant qui se substitue à cette concep-
Geoffroy Saint-Hilaire, 1818). A la fin du siècle dernier, tion traditionnelle ; elle est la loi d'un développement
les darwiniens ont soumis la sélection naturelle aux interne, quasi naturel. Chez les romantiques et chez Hegel,
contraintes d'une forme paradigmatique, comprise non elle acquiert un statut nouveau, grâce à une réévaluation
plus comme constante, mais comme coefficient de varia- de l'activité de l'esprit.
tion. Au cours des débats contemporains dans le cadre de La forme perd progressivement ses connotations orga-
la théorie synthétique de l'évolution, on retrouve la ten- niques pour être considérée comme un ensemble de rela-
sion entre ceux qui privilégient la continuité et la varia- tions internes ayant une portée signifiante. A la différence
tion dans le développement des êtres vivants et ceux qui de cette forme intérieure révélée par l'analyse, la. forme exté-
mettent l'accent sur les limitations, voire les ruptures impo- rieure est une notion classique qui fait l'objet de nombreuses
sées aux organismes. Une péripétie dans l'histoire de la descriptions, tout en contribuant parfois à la théorie des
forme a été marquée par l'apparition de la notion de gène, genres ; mais à travers les considérations techniques des
catégorie logique, et de celle, statistique, de population, esthétiques d'atelier, la théorie de la forme intérieure
mathématisable mais non aisément saisissable dans l'intui- rejoint la forme extérieure.
tion. Jusqu'à présent, le devenir des espèces était aisé à Dans l'esthétique traditionnelle, on parle de forme sous
suivre dans l'espace (répartition géographique) et dans le trois aspects extérieurs : l'aspect perceptible (dans les arts
temps (lignée). La génétique des populations a donné plastiques), l'élément conventionnel et la technique
l'exemple d'un formalisme mathématique non figuratif. La employée. Dans les arts du visible, on parle de la beauté
vogue de la notion de paysages adaptatifs (Sewall Wright, de la forme, de son élégance ou de sa grossièreté, de sa
1932), représentations graphiques des variations de l'adap- légèreté ou de sa lourdeur, etc. La forme est aussi ce qui
tation d'un organisme en fonction des conditions ambian-
définit le type, le modèle ou le genre d'une œuvre. Elle
tes, témoigne probablement du besoin des biologistes de
désigne par ailleurs les règles canoniques que l'artistique
figurer leurs intuitions autant que de leur désir de mathé-
doit respecter et qui sont propres à chaque genre : les trois
matiser la nature (voir Thompson d'Arcy, On growth and
unités de la tragédie classique, la perspective en peinture,
form, 1917).
les règles de la métrique ou de la versification. D'une façon
La préoccupation de la forme est également présente en
générale, les éléments formels sont souvent identifiés à la
biologie moléculaire, laquelle s'est développée sous
l'influence de la cristallographie, de 1930 à 1960. Deux technique employée, aux conquêtes formelles et aux inno-
exemples : le primat donné à la complémentarité des struc- vations du langage artistique.
tures spatiales pour la réactivité biologique (voir Récepteur) Apparaissant pour la première fois chez Plotin (to endon
et les considérations sur le problème forme-fonction posé eîdos, Enn., I, 6, 3), dérivée de l'Idée platonicienne, la
depuis Russell, à partir des phénomènes dits d'allostérie forme intérieure est dès l'époque de la Renaissance asso-
(modifications de la configuration des sous-unités d'une ciée à la vision intérieure de l'artiste, plus belle que l'œuvre
macromolécule par suite de la fixation d'un ligand essen- effective qui n'en est que le pâle reflet. Sans l'associer à
tiel à une fonction physiologique, cas classique de l'hémo- l'art, Shaftesbury emploie la formule d'inwardform, d'une
globine et de l'oxygène, modèle de Monod-Wyman- puissance créatrice et structurante ; Herder semble avoir
Changeux, 1965). Cependant, en dépit de son attraction été le premier à l'appliquer à l'œuvre d'art. La forme inté-
pour les architectures moléculaires et du rôle qu'elle a fait rieure est liée à l'individualité de l'artiste, à son époque,
jouer à la forme dans nombre de ses théories, la biologie à son pays, etc.
moléculaire n'a pas encore réussi à couronner l'analyse Si Kant en souligne le rapport d'adéquation à nos facul-
détaillée des gènes et des métabolismes par un formalisme, tés subjectives, Hegel déploie la diversité articulée des for-
représentable ou non géométriquement, qui en incar- mes selon leur signification historique. Dans la seconde
nerait l'unité et permettrait de comprendre l'origine moitié du XIX< siècle, l'esthétique commence, grâce à l'an
du code génétique et la maximisation de l'information. pour l'art, à approfondir les aspects techniques des œuvres
(A.-M. Moulin et M. Zouali). comme non scien
(K. Fiedler, H. Wôlfflin, etc.), recherche qui sera déve-
• C. DEBRU, Philosophie moléculaire, Monod, Wyman, Changeux, Paris, Vrin, loppée dans les esthétiques de la modernité et des avant-
1987. — J. GAYON, La forme, objet critique pour une biologie populaliannelle de gardes (le jeune Lukâcs, W. Benjamin, Th. W. Adorno).
l'évolution (à paraître). — M. GRENE, « Aristotle and modem biology », in
La forme devient chez eux le « sismographe » des chan-
Topics in thé philosopky of Biology, M. Grene and E. Mendelsohn, Boston, Rei-
del, 1976, p. 3-36. gements historiques. (R. Rochlitz.)
—» Fonction, Formalisme. — III : DEBRU, HuiL, F, JACOB, NEEDHAM, —^ Canon, Formalisme, Lecture, Organique, Réception (esthétique de
THOMPSON D'ARCY, WADDINGTON. la —), Relation, Type.
ENTALE - 1028 1029 - PHILOSOPHIE OCCIDENTALE FORME

Forme (— et structure) [math.] ni schématisation et il ne peut donc pas prétendre à la


Les travaux de René Thom (développés en particulier dans dignité d'une catégorie de l'expérience (malgré ses rapports
l'ouvrage fondateur Stabilité structurelle et morphogenèsé) ont suscité évidents avec la troisième catégorie de la relation qu'est
un vaste débat. Pour l'une des premières fois en effet des progrès la catégorie de détermination réciproque). Le jugement
mathématiques importants permettaient de donner une pertinence téléologique relève de l'usage réfléchissant, non détermi-
scientifique à des réflexions et des conceptualisations considérées
nant, de l'entendement. Bien qu'« objective », l'idée de
jusqu'ici comme purement philosophiques. Ces travaux ont fait
confluer les deux traditions des vitalismes néo-aristotéliciens et des finalité interne n'appartient pas à l'essence de l'objectivité
structuralismes formalistes dans l'unité théorique d'un structura- et n'est pensable qu'à partir d'une systématique et d'une
lisme topologico-dynamique permettant de constituer un nouveau architectonique de la raison.
niveau de réalité, le niveau morphologico-structural. 3) Les conquêtes de la phénoménologie husserlienne ont
Pour en mesurer la signification philosophique, il est permis de notablement déplacer la question. Dans de nom-
souhaitable de revenir sur certains caractères généraux de breux textes et notamment dans la troisième Recherche logi-
la conception moderne de la scientificité. Quels que soient que, Husserl a montré comment on pouvait constituer une
les conflits qui ont pu opposer et qui opposent encore les analytique transcendantale des relations de dépendance
rationalismes critiques de type kantien (jusqu'au néo- liant les parties dans un tout et comment on pouvait en
kantisme et au rationalisme poppérien), les rationalismes intégrer l'analytique formelle à l'ontologie formelle. Aban-
mathématiques (jusqu'à Einstein, Heisenberg et une donnant le projet d'une « physique » de l'organisation, on
grande partie de la physique fondamentale contempo- s'est donc tourné vers une « logique » de l'organisation.
raine), les phénoménismes empiristes et positivistes (de Ce déplacement est à l'origine du structuralisme.
Mach jusqu'aux héritiers de l'empirisme logique et du 4) Sous ses aspects phénoménologiques (développés entre
positivisme logique) et les divers naturalismes, la physique autres par Jakobson) et formalistes (développés entre autres
mathématique a essentiellement développé une cosmolo- par Hjelmslev), le structuralisme est une reprise de la ques-
gie et une théorie de la matière et du rayonnement qui font tion de l'organisation appliquée cette fois non plus aux
de la réalité objective l'expression dynamique de la géo- phénomènes matériels mais aux phénomènes linguistiques,
métrie de l'espace-temps. Mais, si l'on admet la généalo- sémiotiques et symboliques.
gie conduisant de la phûsis grecque à la physique moderne, 5) En ce qui concerne le problème physicaliste de l'orga-
on peut dire que cette dernière n'explicite expérimentale- nisation, des progrès notables semblent avoir été accom-
ment, mathématiquement et rationnellement que la « moi- plis avec des théories abstraites comme la cybernétique et
dé » de la première. Elle laisse en effet hors champ deux la théorie générale des systèmes. Mais il faut bien voir
problématiques fondamentales, d'ailleurs intimement liées. qu'ils sont en partie trompeurs tant que l'on n'arrive pas
La première concerne l'explication de l'organisation, de à les relier explicitement à la physique des substrats
.a diversification et de la complexification des phénomè- concernés.
nes naturels. On sait que les lois de la physique fondamen-
tale classique (mécanique et thermodynamique) ne permet- Corrélative de la triple problématique de l'organisation,
tent pas d'accéder à une telle explication. La question de de la diversification et de la complexification des substrats
la structuration morphologique de la matière est donc, bien matériels, existe également la problématique de la struc-
que centrale, demeurée en souffrance. Indissolublement turation qualitative du monde en formes, en objets, en
scientifique et philosophique, elle constitue l'un des obs- événements, en états de choses perceptibles et linguistique-
tacles épistémologiques majeurs de l'objectivité post- ment descriptibles. Le monde organisé est un monde
çaliléenne. De nombreux penseurs ont néanmoins tenté de qualitativement structuré qui apparaît et se manifeste
^ui conférer un statut. comme un monde dont il y a perception et dont il y a lan-
1) Une première « réponse » est néo-aristotélicienne. gage. Cette question, que l'on pourrait appeler la question
Pour expliquer l'organisation manifestée par les phénomè- phénoménologique, se situe à l'intersection de courants
nes naturels, il faut, puisqu'une explication « mécaniste » relevant de la phénoménologie, de la philosophie du lan-
réductionniste) n'est pas atteignable, introduire des for- gage et de la psychologie de la perception (de la Gestalttheorie
mes substantielles, des entéléchies, c'est-à-dire un principe au mentalisme computationnel des sciences cognitives
?rganisateur interne à la matière. Ce point de vue est actuelles).
encore celui de Leibniz. Après la coupure kantienne le ren- 1) Depuis Husserl, Wittgenstein et le linguistic tum, il est
iant incompatible avec la constitution transcendantale de convenu de considérer que la forme qualitative du monde
I objectivité, il a réémergé soit comme vitalisme spécula- est une forme logico-linguistique ontologiquement disjointe
tif chez des philosophes comme Schelling et Goethe, soit de la réalité physique objective. C'est une forme de pen-
:omme vitalisme sémiotique chez des épistémologues sée, une forme conceptuelle projetée sur la manifestation
romme Peirce, soit comme vitalisme méthodologique chez phénoménale pour l'organiser, une forme objective dont
des biologistes comme Driesch et Spemann. Mais, dans la l'objectivité idéale n'est pas celle de la réalité physique.
mesure où l'on ne voit pas comment l'idée d'organisation Dans une telle conception, le rapport entre langage et
peut composer avec la matière et se déployer spatio- monde se réduit à un rapport de dénotation et l'« ontolo-
temporellement, ces approches ont toujours été considérées gie » se rabat sur des problèmes (éventuellement fort
;omme non scientifiques et ont été proscrites malgré sophistiqués) de sémantique formelle.
. incontournable difficulté théorique dont elles sont le 2) Et quant à la perception elle sera traitée comme un
symptôme. processus cognitif (couplé au langage) processé par un
2) Dans la Critique de la faculté de juger, Kant a montré appareil spécialisé (éventuellement une intelligence artifi-
tomment l'idée d'organisation — le concept de finalité cielle). On voit que dans cette conception générale de la
interne objective — devait être traitée. Il s'agit là d'un réalité physique, de la logique des faits et du partage entre
Réception (esthétique de roncept nécessaire à la compréhension de la nature, mais l'objectif et le subjectif trois questions critiques demeurent
;'un concept non constitutif. Il n'en existe ni déduction, ouvertes :
FORME PHILOSOPHIE OCCIDENTALE - 103:

a) Comment la matière mathématiquement décrite par témologie de la théorie des catastrophes est structurale et
la physique en vient-elle à s'(auto)organiser ? donc non réductionniste. Mais à ce moment-là on ne voit pas
b) Comment l'apparaître phénoménal en vient-il à émer- pourquoi les biologistes acceptent des modèles systémiques
ger de ce processus irréversible d'(auto)organisation ? qui, contrairement à ceux de la théorie des catastrophes.
c) Comment, converti en apparences subjectives-relatives ne sont même pas dérivables de la physique des substrats.
3) En ce qui concerne la linguistique et la sémiotique. —*• Ptrcc
et traité par le complexe perception-langage, l'apparaître
en vient-il à contraindre par ses structures qualitatives les des progrès notables ont au contraire été accomplis. Le
structures de la perception et du langage ? point de vue topologique et dynamique de René Thom a
FORMU
René Thom a proposé la première réponse rationnellement profondément pénétré certains cercles et, récemment, s'est
fondée et mathématiquement explicitée à ces questions redouta- trouvé corroboré par les travaux sur les représentation?
Form
bles qui, depuis des siècles, ont hanté les plus grands mentales en intelligence artificielle (cf. les travaux de Wolf-
:cnvenu
esprits scientifiques et philosophiques (v. Catastrophe). Il est gang Wildgen, Jean-Pierre Desclés et de nous-méme).
ÎÏT un t
donc naturel que la théorie des catastrophes soit solidaire 4) Enfin, sur le plan épistémologique, l'impact de la -LT; rem
de leurs contextes respectifs. C'est pourquoi on peut la voir théorie des catastrophes se révèle chaque jour plus impor- :irie for
préoccupée par la morphogenèse biologique, le structura- tant. Il conduit à une critique décidée du linguistic turn de rue. rés
lisme sémiolinguistique et la phénoménologie de l'appa- la philosophie moderne et à une remise en chantier de z;«5ant
raître sensible. Mais en unifiant ces divers aspects dans nombreux problèmes fondamentaux de théorie de la :ere ex
l'unité ontologique d'un nouveau niveau de réalité, elle se connaissance (cf. par exemple certains travaux d'Hervé •^ de p
distingue fondamentalement des traditions qu'elle relaye. Barreau, Pierre Delattre, Fernando Gil, Giulio Giorello. icileme
D'où la difficulté qu'il y a à en évaluer la véritable por- Jean Largeault, Krzystof Pomian et de nous-même). Il a
—^ Apho
ainsi ouvert la voie à un morphological turn de la pensée.
tée tant scientifique que philosophique. Les physiciens y
(J. Petitot.)
reconnaîtront un important progrès dans la compréhension
des phénomènes de structuration qualitative, mais en G C.-P. BRTJTER, Topolagû et perception, t. I, Bases mathématiques et philosophi-
FORTU
-*:: *em.
dénonceront comme spéculative la composante linguisti- ques, Paris, Maloine, 1985, 2e éd. ; t. II, Aspects neurophysiologiques, 1976 -
t. III, Considérations socio-psychologiques et linguistiques, 1986. — E. HUSSERL. La n
que et épistémologique. Les biologistes y apprécieront Logische Untersuchungen, Erster Band, Prolegomena zur reinen Logik, Halle a.d.S-,
l'effort de mathématiser les processus de morphogenèse délimita
Max Niemeyer, 1913, 2< éd. (1™ éd. 1900), Zweiter Band, I. Teil, Untersu-
embryologique, mais en proscriront les références « vita- chungen zur Pkanomfnologie und Théorie der Erkenntnis, 1913, 2e éd. (lre éd. 1901 '••.
est réfé
Zweiter Band, II. Teil, Eléments einer phanomenologischen Aufklârung der Erhenm- - intérie
listes », même si celles-ci concernent un vitalisme métho-
nis, 1921, 2" éd. (1" éd. 1901), réédité in Husserliana, Band XVIII, Band la fortun
dologique et géométrique et non pas spéculatif. Les linguis- XIX/1 et Band XIX/2, Den Haag, Martinus Nijhoff, 1975, 1981 et 1984 . -jne s'e
tes et les sémioticiens y admireront le développement trad. fr. Recherches logiques ; t. I, Prolégomènes à la logique pure, trad. de H. Elle.
peut êtr
d'un structuralisme dynamique mais en suspecteront l'anti- Paris, PUF, 1959 ; t. II, Recherches pour la phénoménologie et la théorie de le.
connaissance, trad. par H. Elie avec la collaboration de L. Kelkel et R. Sché- - intérie
logicisme et, surtout, le réalisme perceptif, etc. On rer, 1" partie, 1961, ï' partie, Paris, PUF, 1962 ; t. III, Eléments d'une élu- .'œuvre
comprend alors pourquoi les controverses ont pu être si cidation phénoménologique de la connaissance, trad. par H. Elie avec la collabo- peuvent
vives et si confuses. La difficulté vient du fait que l'opé- ration de L. Kelkel et R. Schérer, Paris, PUF, 1963. — E. KANT, Kritik der
Vrteilskraft [1790], Hrsg. von K. Vorlander, Hamburg, Verlag von Félix
par Aris
ration théorique promue par la théorie des catastrophes Meiner, 7e éd., 1924, trad. fr. de J. Gibelin, Critique du jugement, Paris, Vrin. recouvre
n'est pas tant de nature interdisciplinaire que systématique 1946, trad. de A. Philolenko, Critique de la faculté de juger, Paris, Vrin, 1968 volontai
au sens transcendantal du terme. Elle est par conséquent — R. THOM, Stabilité structurelle et morphogenèse. Essai d'une théorie générale de: que com
modèles, Reading Massachusetts, W.A. Benjamin, 1972 ; Modèles mathémati-
inintelligible en dehors d'une conscience philosophique ques de la morphogenèse (coll. 10/18), Paris, Union Générale d'Editions, 1974 .
auraient
aiguë de ce qu'est un système rationnel. C'est en défini- Paraboles et catastrophes. Entretiens sur les mathématiques, la science et la philosophie. cause pa
tive l'éclipsé de la théorie de la connaissance et l'impéra- réalisés par G. Giorello et S. Morini, Paris, Flammarion, 1983 (version ita- quand c
lienne, Milan, II Saggiatore, 1980), — B.C. ZEEMAN, Catastrophe Theory. • Physique
tif de spécialisation des sciences qui font doublement
Sdected Papers 1972-1977, Reading, Massachusetts, Addison-Wesley Publ.
obstacle à sa compréhension authentique. Co., 1977.
p. 278).
qu'il s'y
Toutefois, après les polémiques du milieu des années 70, —> Catastrophe, Complexité, Cybernétique, Entéléchie, Finalité, Forme.
lité inte
les choses ont évolué plus en profondeur et l'on peut Linguistique, Mécanisme, Modèle, Morphologie, Organisation, Phénomé-
nologie, Rationalité (— scientifique), Réductionnisme, Sémiotique, Struc-
l'union d
semble-t-il en faire le bilan suivant. turalisme, Structure, Symétrie (— et supersymétrie), Système (théorie mais les
1) En ce qui concerne les problématiques physico- des —s), Topologie, Vitalisme (— et matérialisme). — III : BERTALANFFY. d'une dé
madiématiques (théories des singularités, des bifurcations, DANCHIN, DELATTRE, GOLDSTEIN, HJELMSLEV, HUSSERL, JAKOBSON, KANT. s'est fait
LABORIT, LEIBNIZ, PEIRCE, SCHELLING, THOM, THOMPSON D'ARCY, WADDING-
des ruptures de symétrie, des transitions de phases, etc.) TON, WlTTGENSTEIN.
but, mai
les idées de la théorie des catastrophes ont été puissamment se prome
développées et font désormais partie intégrante du patri- Forme (psychologie de la — ) [psycho.] logique é
moine scientifique. Elles ont participé de façon éminente pas irrat
à cette « révolution » conceptuelle qui, à travers l'étude des Famille de théories psychologiques qui s'est développée une prem
phénomènes critiques, des attracteurs « étranges », du essentiellement en Allemagne (Gestalttheorie) autour des pro-
• P. AUBEN
blèmes de perception, et qui a mis l'accent sur le carac- totle on thé
chaos déterministe, etc., a rapidement, profondément et
tère totalisant de celle-ci. Le principe le plus connu de ces p. 173-196
durablement transformé l'image traditionnelle de la
théories, celui selon lequel « le tout n'est pas équivalent à commentai
physique.
la somme des parties », sans être rejeté en tant que tel, a —> Hasard
2) En ce qui concerne la biologie (et aussi la psychophy- été ultérieurement critiqué en ce qu'il pouvait conduire à
sique), les choses en vont hélas tout autrement. Certes des une attitude, en matière de recherche, qui fasse renoncer
biologistes « structuralistes » comme Yves Bouligand, à l'analyse des phénomènes. Le problème de la relation FOULE
Brian Goodwin ou Pierre Delattre ont fortement contri- sues. fém.
entre le tout et ses parties, ou entre une entité et ses attri-
bué à clarifier certaines propositions de René Thom. Mais buts, est abordé aujourd'hui de façon très différente. Ensem
on ne peut que prendre acte du fait que, dans leur majo- L'apport empirique des chercheurs se réclamant de la un mêm
rité, les biologistes sont ouvertement hostiles à la théorie psychologie de la forme a cependant été considérable. exemple
des catastrophes. Cela semble être dû au fait que l'épis- (J.-F. LeNy.) pliraient
DCCIDENTALE - 1030 PHILOSOPHIE OCCIDENTALE FOURIÉRISME

strophes est structurale et • G. BONNET, La perception visuelle, Paris, Bibliothèque « Pour la Science », de la spécificité de ces actions que G. Le Bon a proposé
:984. — P. GUILLAUME, La psychologie de la forme, Paris, Flammarion, 1937. la notion de foule psychologique (1895). Il s'intéresse aux
moment-là on ne voit pas — K. KOFFKA, Principes of Gestalt Psychology, New York, Harcourt and Brace,
t des modèles systémiques 1935. — W. KÔHLER, Die physiscken Gestalten in Rube und in stationâren Zus- transformations que subit l'individu dans le phénomène de
théorie des catastrophes, xnd, Braunschweig, 1920. — M. MERLEAU-PONTY, La Structure du comporte- la foule (contagion mentale, suggestibilité, régression des
•ant, Paris, PUF, 1942. acquisitions individuelles au profit du « patrimoine incons-
la physique des substrats,
listique et la sémiotique, —> Perception, Wùrzburg (Ecole de —). cient de la race »), sans répondre à la question de savoir
itraire été accomplis. Le ce qui transforme les individus en foule. C'est à cette ques-
unique de René Thom a tion que s'attachera Freud dans son essai Psychologie collective
FORMULE [philo, gêné.] et analyse du moi (1921 ; trad. fr. dans les Essais de psycha-
rcles et, récemment, s'est :-J)s. fera.
c sur les représentations nalyse) tout en critiquant Le Bon : « une foule primaire se
Forme déterminée d'expression que l'on est tenu ou présente comme une réunion d'individus ayant tous rem-
(cf. les travaux de Wolf-
convenu d'employer en certaines circonstances. « Formule placé leur idéal du moi par le même objet, ce qui a eu pour
lés et de nous-même).
est un terme de médecine, c'est la règle suivant laquelle conséquence l'identification de leur propre moi ». Ce sont
ilogique, l'impact de la un remède doit être fait » (Condillac). Plus généralement,
chaque jour plus impor- donc les meneurs qui identifient les foules primaires (cel-
une formule est une expression concise, souvent symboli- les qui ne sont pas organisées). Cette définition peut paraî-
:idée du linguistic turn de que, résumant un résultat, exprimant un jugement ou défi-
• remise en chantier de tre circulaire, dans la mesure où c'est dans la constitution
nissant des opérations à suivre. Dans la langue ordinaire, de la foule qu'émergé le meneur. La constitution des foules
taux de théorie de la cette expression est généralement courte et construite à par-
rtains travaux d'Hervé :ir de procédés rhéto
«des
11
1031 - PHILOSOPHIE OCCIDENTALE FOURIÉRISME
CCIDENTALE - 1030

* C. BONNET, La perception visuelle, Paris, Bibliothèque « Pour la Science », de la spécificité de ces actions que G. Le Bon a proposé
rophes est structurale et
1984. — P. GUILLAUME, La psychologie de la forme, Paris, Flammarion, 1937. la notion de Joule psychologique (1895). Il s'intéresse aux
loment-là on ne voit pas — K. KOFFKA, Principes of Gestalt Psychology, New York, Harcourt and Brace,
transformations que subit l'individu da
des modèles systémiques 1935. — W. KÔHLER, Die pkysiscken Gestalten in Rube und in stationaren Zus-
béorie des catastrophes, •Jtnd, Braunschweig, 1920. — M. J
CIDENTALE - 1030 T31 - PHILOSOPHIE OCCIDENTALE FOURIÉRISME

• C. BONNET, La perception visuelle, Paris, Bibliothèque « Pour la Science », de la spécificité de ces actions que G. Le Bon a proposé
-~34. — P. GUILLAUME, La psychologie de la forme, Paris, Flammarion, 1937. la notion de foule psychologique (1895). Il s'intéresse aux
— K. KOFFKA, Principes of GestaU Psychology, New York, Harcourt and Brace,
--:35. — W. KôHLER, Die physischen Gestalten in Rube und in sîationâren Zus-
transformations que subit l'individu dans le phénomène de
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—» Perception, Wùrzburg (Ecole de —). cient de la race »), sans répondre à la question de savoir
ce qui transforme les individu
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* C. BONNET, La perception visuelle, Paris, Bibliothèque « Pour la Science », de la spécificité de ces actions que G. Le Bon a proposé
:^4. — P. GUILLAUME, La psychologie de la forme, Paris, Flammarion, 1937. la notion de foule psychologique (1895). Il s'intéresse aux
— K. KOFFKA, Principes of Gestalt Psychology, New York, Harcourt and Brace,
-^35. — W. KÔHLER, Die physischen Gestalten in Rube und in stationàren Zus- transformations que subit l'individu dans le phénomène de
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—* Perception, Wùrzburg (Ecole de —). cient de la race »), sans répondre à la question de savoir
ce qui transforme les individus en foule. C'est à cette ques-
tion que s'attachera Freud dans son essai Psychologie collective
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nalyse) tout en critiquant Le Bon : « une foule primaire se
Forme déterminée d'expression que l'on est tenu ou présente comme une réunion d'individus ayant tous rem-
:onvenu d'employer en certaines circonstances. « Formule placé leur idéal du moi par le même objet, ce qui a eu pour
tst un terme de médecine, c'est la règle suivant laquelle conséquence l'identification de leur propre moi ». Ce sont
-m remède doit être fait » (Condillac). Plus généralement, donc les meneurs qui identifient les foules primaires (cel-
•nie formule est une expression concise, souvent symboli- les qui ne sont pas organisées). Cette définition peut paraî-
rje, résumant un résultat, exprimant un jugement ou défi- tre circulaire, dans la mesure où c'est dans la constitution
nissant des opérations à suivre. Dans la langue ordinaire, de la foule qu'émergé le meneur. La constitution des foules
;ette expression est généralement courte et construite à par- et des actions collectives est essentielle pour la compréhen-
7-r de procédés rhétoriques permettant de la mémoriser
sion des phénomènes sociaux, problème auquel s'attache
racilement. (Ed.)
la Critique de la raison dialectique (I960) de Sartre. Da
—> Aphorisme ; Dhâranï, Mantra (ind.).
•;.31 - PHILOSOPHIE OCCIDENTALE FOURIÉRISME
ENTALE - 103C

• C. BONNET, La perception visuelle, Paris, Bibliothèque « Pour la Science », de la spécificité de ces actions que G. Le Bon a proposé
---<3-t. — P. GUILLAUME, La psychologie de la forme, Paris, Flammarion, 1937. la notion de foule psychologique (1895). Il s'intéresse aux
— K. KOFFKA, Principes ofGestalt Psychology, New York, Harcourt and Brace,
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—* Perception, Wùrzburg (Ecole de —). cient de la race »), sans répondre à la question de savoir
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nalyse) tout en critiquant Le Bon : « une foule primaire se
Forme déterminée d'expression que l'on est tenu ou présente comme une réunion d'individus ayant tous rem-
convenu d'employer en certaines circonstances. « Formule placé leur idéal du moi par le même objet, ce qui a eu pour
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_m remède doit être fait » (Condillac). Plus généralement, donc les meneurs qui identifient les foules primaires (cel-
une formule est une expression concise, souvent symboli- les qui ne sont pas organisées). Cette définition peut paraî-
que, résumant un résultat, exprimant un jugement ou défi- tre circulaire, dans la mesure où c'est dans la constitution
nissant des opérations à suivre. Dans la langue ordinaire,
de la foule qu'émergé le meneur. La constitution des foules
cette expression est généralement courte et construite à par-
et des actions collectives est essentielle pour la compréhen-
:ir de procédés rhétoriques permettant de la mémoriser
sion des phénomènes sociaux, problème auquel s'attache
facilement. (Ed.)
la Critique de la raison dialectique (1960) de Sartre. Dans cette
—t Aphorisme ; Dhâranî, Mantra (ind.). problématique on pourrait dire que la foule, en quelque
sorte, résulte du passage du groupement sériel à une inté-
FORTUNE [philo, gêné.
- PHILOSOPHIE OCCIDENTALE FOURIÉRISME

• C. BONNET, La perception visuelle, Paris, Bibliothèque « Pour la Science », de la spécificité de ces actions que G. Le Bon a proposé
_.H:4 — P. GUILLAUME, La psychologie de la forme, Paris, Flammarion, 1937. la notion de foule psychologique (1895). Il s'intéresse aux
— X. KOFFKA, Principes of Gestalt Psychology, New York, Harcourt and Brace,
transformations que subit l'individu dans le phénomène de
^~-~:~ — W. KÔHLER, Die physischen Gestalten in Rube und in stationaren Zus-
JE&T. Braunschweig, 1920. — M. MERLEAU-PONTY, La Structure du comporte- la foule (contagion mentale, suggestibilité, régression des
rez- Paris, PUF, 1942.
acquisitions individuelles au profit du « patrimoine incons-
—» Perception, Wûrzburg (Ecole de —). cient de la race »), sans répondre à la question de savoir
ce qui transforme les individus en foule. C'est à cette ques-
tion que s'attachera Freud dans son essai Psychologie collective
FORMULE [philo, gêné.] et analyse du moi (1921 ; trad. fr. dans les Essais de psycha-
a;: 'fm.
nalyse') tout en critiquant Le Bon : « une foule primaire se
Forme déterminée d'expression que l'on est tenu ou présente comme une réunion d'individus ayant tous rem-
xrxvenu d'employer en certaines circonstances. « Formule placé leur idéal du moi par le même objet, ce qui a eu pour
ï5- un terme de médecine, c'est la règle suivant laquelle conséquence l'identification de leur propre moi ». Ce sont
^ remède doit être fait » (Condillac). Plus généralement, donc les meneurs qui identifient les foules primaires (cel-
^ne formule est une expression concise, souvent symboli- les qui ne sont pas organisées). Cette définition peut paraî-
que, résumant un résultat, exprimant un jugement ou défi-
tre circulaire, dans la mesure où c'est dans la constitution
—ssant des opérations à suivre. Dans la langue ordinaire,
de la foule qu'émergé le meneur. La constitution des foules
:m:e expression est généralement courte et construite à par-
et des actions collectives est essentielle pour la compréhen-
tir de procédés rhétoriques permettant de la mémoriser
sion des phénomènes sociaux, problème auquel s'attache
scilement. (Ed.)
la Critique de la raison dialectique (1960) de Sartre. Dans cette
—* Aphorisme ; Dhdranï, Mantra (ind.). problématique on pourrait dire que la foule, en quelque
sorte, résulte du passage du groupement sériel à une inté-
FORTUNE [philo, gêné.] gration active. La psychologie sociale a remis en question
Ttr: ftm. l'idée que les comportements de foule seraient spontanés
et inorganisés : tout comme la conduite individuelle sup-
La notion de fortune (grec tûkhl) est constituée par
i-élimitations : 1) elle est une espèce du hasard, lorsqu'il pose des modèles propres à chaque culture, les comporte-
^r: référable à l'activité humaine ; 2) au sens étroit (à ments collectifs ont également un aspect conventionnel et
. intérieur du genre) le hasard est l'espèce qui s'oppose à régulier. (Ed.)
.2 fortune comme événement simplement spontané. La for- • D. ANZIEU, « Etude psychanalytique des groupes réels », Les Temps moder-
Tuae s'en différencie en tant que l'activité humaine (praxis) nes, n° 242, 1966. — H. CANDRIL, The Psychology of Social Movements, New
York, Wiley, 1941. — R.K. MERTON, Social Leaming and Imitation, Londres,
peut être dite heureuse ou malheureuse. Elle se produit à Kegan Paul, 1945. — J . STOETZEL, La Psychologie sociale, Paris, Flammarion,
. intérieur des faits qui peuvent avoir une fin car étant 1967.
. ïuvre de la pensée ou de la nature, et lorsque ceux-ci
—» Groupe, Pratico-inerte, Serment.
peuvent être conformés à un projet (dans l'exemple utilisé
par Aristote, rencontrer un débiteur au marché et ainsi
recouvrer une dette). Ils ne sont pas hors du champ du
volontaire, même si la décision opportune n'est survenue FOURIÉRISME [pol., doct.]
sues. masc.
pue comme leur conséquence. On dira alors que ces faits
ïLîraient pu être l'objet d'un choix : « La fortune est la Le fouriérisme part du principe selon lequel un ordre social, pour
lause par accident de faits susceptibles d'être des fins rendre réalisable le bonheur des êtres, devrait se foncier sur les
désirs, sur les passions et en rendre possible la satisfaction. Une
puand ces 'faits relèveraient de la pensée et du choix »
science des passions est donc fondamentale, et Fourier construit
Physique I I , 3, 197a5, trad. Hamelin, Le système d'Aristote, un inventaire de ces passions depuis les sensitives jusqu'aux « dis-
p. 278). Ce qui fait donc que la fortune est une cause, c'est tributives ». Il distingue les passions de l'amour qui poussent à
qu'il s'y manifeste, plutôt qu'elle ne manifeste, une fina- l'union et les passions querelleuses qui poussent aux rivalités et
liîé intentionnelle. La fortune et le hasard supposent il en aperçoit les ambivalences. Un monde sociétaire bien conçu
. union dans le même événement de causes contingentes, serait celui où toutes ces passions pourraient s'épanouir selon des
mais les faits de fortune sont, par accident, susceptibles combinaisons sociales indéfiniment changeantes et renouvelées.
i une détermination causale complète. Le recouvrement C'est dans une communauté de quelque 1 600 person-
• est fait alors que j'étais allé au marché non pas dans ce nes que pourraient se réaliser cette harmonie changeante
but, mais dans un autre (mais pas sans intention : même des relations interindividuelles et sociales, ces combinai-
se promener n'est pas sans but). Une détermination téléo- sons passionnelles comparables aux séries et aux combi-
iogique était donc posée en sorte que le fait de fortune n'est naisons mathématiques. Le travail y serait rendu
pas irrationnel : une finalité s'est substituée ou ajoutée à « attrayant » par l'organisation de petits groupes et des
une première qui était au moins latente. (P. Thierry.) séances courtes ; chacun pourrait, selon ses goûts, passer
• P. AUBENQJJE, La Prudence chez Aristote, PUF, 1963. —J-M. COOPER, « Aris- d'un travail agricole à un travail industriel ou artistique.
"tle on thé Goods of Fortune », Philosophical Remew (E-u), 1985, 94, n° 2, Les enfants seraient éduqués collectivement selon un pro-
; 173-196. — O. HAMELIN, Le système d'Aristote, 3' éd., Vrin, 1985 el le
gramme correspondant à leur développement. La vie
:ommentaire à l'édition séparée de Physique, II (même éd.).
amoureuse, totalement libérée des entraves, se réaliserait
—> Hasard, Prudence ; Tûkhè (grec) ; Baxt/Biboxt (Eur.).
selon les particularités de chacun. Dès avant la révolution
de 1830, des disciples, animés par Victor Considérant, des
FOULE [soc.] journaux, Le Phalanstère, La Phalange, firent connaître le
:-*bs. Jém. fouriérisme. De nombreuses tentatives furent faites de
Ensemble d'individus réunis en nombre important en 1830 à 1860 en France, en Algérie, aux Etats-Unis,
un même lieu et susceptibles d'actions de groupe (par au Brésil, en Roumanie et jusqu'en Russie, pour fonder
exemple lynchage) que la plupart du temps ils n'accom- des phalanstères ; aucune ne réussit complètement mais
pliraient pas s'ils étaient seuls. C'est pour rendre compte elles donnèrent lieu à de multiples expériences et publi-
FRAGMENT PHILOSOPHIE OCCIDENTALE - 1032 1033 - PHILO

cations d'inspiration communautaire. Intellectuellement, veler un marxisme ballotté entre le dogmatisme de la IIIe philosophy of thé Fra
l'influence de Fourier a largement dépassé le cercle de ses Internationale et le positivisme plat de la social-démocratie. (E-U), 24, n° 3, 198
disciples ; au XIX- siècle, toute l'Ecole socialiste française L'Institut s'intéresse à la psychanalyse, à la psychologie réception aesthetics », ,
Studies (E-U), n° 28, 19
en est marquée ; Marx, Engels, Herzen, Tchernychevski sociale pour mieux cerner les problèmes de la conscience
theory" of society an
s'y réfèrent. Au XX' siècle, le surréalisme puis les mouve- ouvrière et de l'action collective, trop souvent abordés dans philosophy of thé Fra
ments communautaires ont redécouvert l'inspiration fou- une perspective « économiste » par les marxistes. A l'ini- (E-U), 24, n° 2, 1985,
tiative de l'Institut sont lancées des enquêtes sur la classe 1977. — M. JIMENEZ.
riériste. (P. Ansart.)
Francfort », Revue à
ouvrière et la famille. Ce travail est, sinon interrompu, du p. 367-389. — J.B. M
• A. BBBEL, Charles Fourier, Sein Leben itnd seine iheorien, Bonn, Godesberg,
1973. _ A. BRETON, Ode à Charles Fourier, Paris, Klincksieck, 1961. — S. moins fortement perturbé par l'arrivée au pouvoir d'Hit- Studies in Soviet Thought
DEBOUT-OLESZKIEWICZ, L'Utopie de Charles Fourier : l'« illusion réelle », Paris, ler et des nazis en 1933. L'Institut doit s'exiler à Genève, KRAUZE, « Critica d
Payot, 1979. — H. DESROCHE, La société'festive : du fouriérisme écrit aux fourié- puis à New York, et faire face à d'importantes difficultés redencionismo histôric
risme* pratiqués, Paris, Seuil, 1975. — G. FOURIER, Œuvres complètes, Paris, MOROZOV, Z. IAVUREK
matérielles. Il est surtout confronté à de graves problèmes contemporary philosop
Anthropos, 1966-1967, 12 vol. — INSTITUTO GIANGIACOMO FELTRINELLI, //
socialisme utopistico, t. I, Charles Fourier e la scuola societaria (1801-1922), 1957. de réorientation. Quelles conclusions faut-il tirer de la Frankfurt School » (p
— E. LEHOUCK, Fourier, aujourd'hui, Paris, Denoël, 1966. — N.V. RIASA- défaite du mouvement ouvrier allemand ? Que penser de 1985-1986, p. 22-74.
NOVSKY, The teaching of Charles Fourier, Los Angeles, University of Califor- l'évolution de l'Union soviétique à partir de 1934-1935 ^ Francfort : implications
nia Press, 1969. 'Montréal), 19, n° 3, «
Progressivement, le marxisme de l'Institut se tranforme en - L'Ecole de Francfor
« théorie critique », critique à la fois de la société contem- and thé social world
poraine et de ses tendances à la barbarie, et du marxisme P.-Bas), 26, n° 4, 1
FRAGMENT [esth.] condition post-modem
subs. masc.
comme théorie inadéquate et insuffisante des processus
marxisme cent ans apr
sociaux effectivement à l'œuvre. Les Francfortois refusent Francfort. Humanism
On appelle fragment toute œuvre inachevée, pour des de se réconcilier avec le monde tel qu'il est, mais ils renon- révolution sexuelle »,
raisons externes ou internes, qui peuvent être fort diver- cent peu à peu à le transformer. Après la Seconde Guerre Francoforte e la sua sto
ses. Cependant, si l'on parle de fragment au sens fort, ce 1981, p. 156-172. — N
mondiale, l'Ecole de Francfort se débat dans les apories. :i B. D'AMORE et A. A
terme désigne alors une œuvre inachevée pour des raisons
les apories de la raison toujours menacée par le retour au " = Congresso Interna2
qui tiennent à la pensée de l'auteur, à son esprit aphoris- mythe, les apories des aspirations à l'émancipation qui Rome, vol. 1, 1982, p.
tique ou à son penchant pour des « formes ouvertes » concourent à reproduire l'oppression, les apories du pro- La catastrofe del totali
(Fr. Schlegel, Lucinde ; R. Musil, L'homme sans qualités). Les grès économique et technique qui peut basculer dans la
— A. WELLMER, « Re
Praxis International (G-B)
Pensées de Pascal ne s'assument pas comme telles, étant régression culturelle et sociale. Retournés en Allemagne au p. 83-107.
conçues pour constituer un ouvrage achevé ; les Essais de début des années 50 (RFA), les deux protagonistes de —> Critique (théorie
Montaigne seraient un exemple plus adéquat. Les roman- l'Ecole, M. Horkheimer et T.W. Adorno, redonnent la vie
tiques allemands, notamment Friedrich Schlegel et Nova- à l'Institut pour la recherche sociale, mais il n'est plus
lis, ont cultivé la forme du fragment dans leurs aphoris- question pour eux de promouvoir une entreprise de renou-
mes et en ont fait la théorie. Le fragment, selon eux, FRANC-MAÇON
vellement du marxisme. Leur préoccupation fondamentale :ubs. fém.
exprime une pensée trop riche, trop porteuse d'infini, pour est de critiquer le positivisme des sciences sociales et les
s'achever extérieurement : « Nombre d'œuvres des Si l'on s'en tient,
tendances de la philosophie à se réconcilier avec le monde commun aux maçon
Anciens sont devenus fragments. Nombre d'œuvres des des procès de Moscou, d'Auschwitz et d'Hiroshima. La -.iquant différents rit
Modernes le sont dès leur naissance » (Athenaum, frgt 24 ) ; dialectique qu'ils manient est une dialectique négative qui une société initiatiq
« les fragments seraient la forme même de la philosophie met au jour les forces de désagrégation et de déclin du sujet objet est la rechercha
universelle » (ibid., frgt 259). Selon les romantiques d'Iéna, mel et social de l'hur
à l'œuvre derrière la progression d'un ordre social chosi-
toute œuvre d'art, si achevée qu'elle soit, est au fond frag- ie respect de l'autre
fié et administré. Dans un monde de plus en plus refermé
mentaire, dans la mesure où la limitation de sa particu- Pour comprend
sur lui-même, les seules échappées possibles relèvent de
larité l'éloigné de l'Idée universelle ; elle n'est réalisée que signification profo
l'art et de sa capacité à reconnaître le non-identique
par la critique qui achève l'œuvre idéalement. Les roman- En bref : dans sa
(l'autre de la pensée et de la volonté dominatrices), mais
tiques privilégient des formes extérieurement peu rigou- maçonnerie appai
l'art lui-même est menacé de mort par l'industrie cultu-
reuses, ouvertes, comme le roman, qui ne sont limitées que Angleterre qui soi
relle et des tentations récurrentes à tomber dans la
par leur réflexion interne, ce qui les rapproche de l'idée politiques. Le te;
réification.
de fragment. (R. Rochlitz.) Constitutions d'Ane
Depuis la mort d'Adorno (1969) et de Horkheimer
• W. BENJAMIN, Le concept de critique esthétique dans le romantisme allemand, trad. (1973), l'Ecole a cessé en fait d'exister, même si sa posté- finalité : « Un Ma
Ph. Lacoue-Labarthe et À.-M. Lang, Paris, Flammarion, 1986. — rité est nombreuse. L'élève le plus connu de Horkheimer à la loi morale, e
Ph. LACOUE-LABARTHE et J.-L. NANCY, L'absolu littéraire, Paris, Seuil, 1978. jamais Athée stupi
et Adorno, Habermas, reprend un certain nombre des thè-
—> Finito, Œuvre (— ouverte).
mes de ses maîtres, mais il ne retient pas leur philosophie dans les temps anc
pessimiste de l'Histoire. (J.-M. Vincent.) que Pays d'être de
ou de cette Nation
FRANCFORT (École de -) [soc., don.] • T.W. ADORNO, Dialectique négative, Paris, 1978. — B. ACGER, .. The plus expédient de
exp. can. Jém. dialectic of désire : thé Holocaust, monopoly capitalism and radical
anamnesis », Dialectical Anthropology (P.-Bas). 8, n° 1-2, 1983, spéc. « The
sur laquelle tous le
L'Ecole de Francfort doit son nom à l'Institut pour la recherche Jewish Question », p. 75-86. — H. ALBERT, « Scienza e ragione critica ». cun ses propres of
sociale de Francfort fondé en 1923 par des intellectuels proches du Rivista di Filosofia (It.), 72, n° 2, 1981, p. 171-191. — D. ALEKSANDROWICZ. de bien et loyaux, ]
mouvement ouvrier. Sous la direction de Cari Grùnberg, il se « La controverse sur le positivisme dans la sociologie allemande en tant que que soient les dénc
consacre d'abord à des travaux d'histoire et d'économie. A par- conflit de modèles de rationalité », Studio filozoficzne (Pol.), n° 4, 1984.
p. 157-165. — B.N. BESSONOV, «The Frankfurt School and thé social
à les distinguer ; p
tir de 1931, l'orientation change lorsque l'Institut est pris en main le centre de l'unio
conceptions of thé contemporary pelty-bourgeois left-radical movement »
par le philosophe Max Horkheimer. Sous son impulsion, la théorie
philosophique et la sociologie prennent de plus en plus d'impor-
(chap. 10), in P. MORAN (éd.), « The social philosophy of thé Frankfun cère entre les pers<
School » (part V), Soviet Studies in Philosophy (E-U), 24, n° 4, 1986, p. 3-46.
tance dans les programmes de recherche ainsi que dans les pro- pétuellement étrar
— T.J. BLAKELEY, « Lukâcs and thé Frankfurt School in thé Soviet Union ».
grammes d'enseignement (l'Institut devient à ce moment-là par- Studies m Soviet Thought (P.-Bas), 31, n° 1, 1986, p. 47-51. — H. DUBIEL. sont indissociables
tie intégrante de l'Université de Francfort). Wissenschaftsorganisation und politische Erfahrung, Francfort, 1978. — G. PAYE. transformations qi
« La problématique moderne de la raison ou la querelle de la rationalité ». sique. Quelques n
L'ambition de Max Horkheimer est de développer des Nouvelle Ecole (Fr.), n° 41, 2, « Littérature et idéologie », 1984, p. 63-89. —
siècle, la philosopl:
recherches matérialistes interdisciplinaires pour renou- V.I. GARADZHA, « "Critical theory" and Cristian theology », in « The social
sait aussi que, sur
:iDENTALE - 1032 1033 - PHILOSOPHIE OCCIDENTALE FRANC-MAÇONNERIE

dogmatisme de la IIIe philosophy of thé Frankfurt School » (part IV), Soviet Studies in Philosophy cartes avait dû s'exiler ; que le pieux Malebranche avait
de la social-démocratie, •E-U), 24, n° 3, 1985-1986, p. 3-21. — P.V. HOHENDAHL, « Beyond été soupçonné de spinozisme ; que Spinoza avait choisi la
dyse, à la psychologie réception aesthetics », New Germon Critique. An înterdisciplinary Journal o/German
Studies (E-U), n° 28, 19B3, p. 108-146. — M.V. IAKOVLEV, •< The "critical
clandestinité. Dans le même temps on sait qu'en contes-
lèmes de la conscience theory" of society and thé total critique of ideology »>, in « The social tant l'autorité de Rome en matière de dogme, la Réforme
p souvent abordés dans philosophy of thé Frankfurt School » (part III), Soviet Studies in Philosophy avait fracturé la Remania, et que les physiciens ont mon-
les marxistes. A l'ini- E-u), 24, n° 2, 1985, p. 3-40. — M. JAY, L'Imagination dialectique, Paris, tré, en s'aidant des seules ressources de la lunette et du cal-
enquêtes sur la classe 1977. — M. JIMENEZ, « Réception et interprétation actuelles de l'Ecole de
Francfort », Revue d'esthétique (Fr.), n° 3-4, « Pour l'objet .., 1979,
cul, que l'Univers était infini. Le déisme — qui se déve-
. sinon interrompu, du p. 367-389. — J.B. MAIER, « Georg Lukâcs and thé Frankfurt School », loppe surtout dans la seconde moitié du XVII' siècle,
ivée au pouvoir d'Hit- Studies in Soviet Thought (P.-Bas), 31, n° 1, 1986, p. 53-57. — J. MAIER, E. même si le mot apparaît vers 1563 — résulte de l'effon-
doit s'exiler à Genève, KRAUZE, « Critica de los profetas. La escuela de Francfort y el drement de l'ontologie traditionnelle ; il représente une
importantes difficultés redencionismo histôrico », Vuelta (Mex.), 9, n° 97, 1984, p. 31-34. — S.M.
MOROZOV, Z. IAVUREK, « The social philosophy of thé Frankfurt School and
position moyenne entre l'orthodoxie et l'athéisme. A l'ins-
à de graves problèmes contemporary philosophical revisionism » in « The social philosophy of thé tar des précepts du De Veritate de Herbert de Cherbury, il
ons faut-il tirer de la Frankfurt School » (part IV), Soviet Studies in Philosophy (E-U), 24, n° 3, propose aux chrétiens sans Eglise une religion qui ne
riand ? Que penser de 1985-1986, p. 22-74. — R.A. MORROW, « La théorie critique de l'Ecole de
DENTALE - 1032 •:33 - PHILOSOPHIE OCCIDENTALE FRANC-MA ÇONNEFtIE

i^ilosophy of thé Frankfurt School » (part IV), Soviet Studies in Philosophy cartes avait dû s'exiler ; que le pieux Malebranche avait
ï-v), 24, n° 3, 1985-1986, p. 3-21. — P.V. HOHENDAHL, « Beyond été soupçonné de spinozisme ; que Spinoza avait choisi la
réception aesthetics », New German Critique. An Interdisciplinary Journal of German
ivf:« (E-u), n° 28, 1983, p. 108-146. — M.V. IAKOVLEV, .< The "critical
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~eory" of society and thé total critique of ideology », in « The social tant l'autorité de Rome en matière de dogme, la Réforme
icilosophy of thé Frankfurt School » (part III), Soviet Studies in Philosophy avait fracturé la Remania, et que les physiciens ont mon-
I V ) , 24, n° 2, 1985, p. 3-40. — M. JAY, L'Imagination dialectique, Paris, tré, en s'aidant des seules ressources de la lunette et du cal-
'.-77. — M. JIMENEZ, « Réception et interprétation actuelles de l'Ecole de
Francfort .., Revue d'esthétique (Fr.), n° 3-4, « Pour l'objet », 1979,
cul, que l'Univers était infini. Le déisme — qui se déve-
- 367-389. — J.B. MAIER, .< Georg Lukâcs and thé Frankfurt School », loppe surtout dans la seconde moitié du XVII1 siècle,
5cj*« in Soviet Thought (P.-Bas), 31, n° 1, 1986, p. 53-57. — J. MAIER, E. même si le mot apparaît vers 1563 — résulte de l'effon-
K=.AUZE, « Critica de los profetas. La escuela de Francfort y el drement de l'ontologie traditionnelle ; il représente une
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MOROZOV, Z. IAVUREK, « The social philosophy of thé Frankfurt School and
position moyenne entre l'orthodoxie et l'athéisme. A l'ins-
::ntemporary philosophicai revisionism » in « The social philosophy of thé tar des précepts du De Veritate de Herbert de Cherbury, il
rrankfurt School » (part IV), Soviet Sludies in Philosophy (E-U), 24, n° 3, propose aux chrétiens sans Eglise une religion qui ne
: J85-1986, p. 22-74. — R.A. MORROW, « La théorie critique de l'Ecole de retient que ce qui est coextensif à l'humanité. Car, si le
?:ancfort : implications pour une sociologie de la littérature », Etudes françaises
Monde n'est plus le Monde clos de la tradition (le « cos-
Montréal), 19, n° 3, .. Sociologie de la littérature », 1983-1984, p. 35-49,
. L'Ecole de Francfort, son histoire, ses suites ». — J . W . MURPHY, « Art mos »), mais un univers infini, Dieu n'est plus Dieu — le
ENTALE - 1032 1033 - PHILOSOPHIE OCCIDENTALE FRANC-MAÇONNERIE

philosophy of thé Frankfurt School » (part IV), Soviet Studies in Philosophy cartes avait dû s'exiler ; que le pieux Malebranche avait
E-U), 24, n° 3, 1985-1986, p. 3-21. — P.V. HOHENDAHL, « Beyond été soupçonné de spinozisme ; que Spinoza avait choisi la
réception aesthetics », New Germon Critique. An Interdisciplinary Journal of German
Studies (E-U), n° 28, 1983, p. 108-146. — M.V. IAKOVLEV, « The "critical clandestinité. Dans le même temps on sait qu'en contes-
-Jieory" of society and thé total critique of ideology », m « The social tant l'autorité de Rome en matière de dogme, la Réforme
philosophy of thé Frankfurt School » (part III), Soviet Studies in Philosophy avait fracturé la Remania, et que les physiciens ont mon-
E-u), 24, n° 2, 1985, p. 3-40. — M. JAY, L'Imagination dialectique, Paris, tré, en s'aidant des seules ressources de la lunette et du cal-
1977. — M. JIMENEZ, « Réception et interprétation actuelles de l'Ecole de
Francfort », Revue d'esthétique (Fr.), n° 3-4, « Pour l'objet », 1979,
cul, que l'Univers était infini. Le déisme — qui se déve-
p. 367-389. — J.B. MAIER, « Georg Lukâcs and thé Frankfurt School », loppe surtout dans la seconde moitié du XVII' siècle,
Studies in Sooiet Thought (P.-Bas), 31, n° 1, 1986, p. 53-57. — J. MAIER, E. même si le mot apparaît vers 1563 — résulte de l'effon-
KRAUZE, « Critica de los profetas. La escuela de Francfort y el drement de l'ontologie traditionnelle ; il représente une
redencionismo historiée », Vuelta (Mex.), 9, n° 97, 1984, p. 31-34. — S.M.
MOROZOV, Z. IAVUREK, « The social philosophy of thé Frankfurt School and
position moyenne entre l'orthodoxie et l'athéisme. A l'ins-
rontemporary philosophical revisionism » in « The social philosophy of thé tar des précepts du De Veritate de Herbert de Cherbury, il
Frankfurt School » (part IV), Soviet Studies in Philosophy (E-U), 24, n° 3, propose aux chrétiens sans Eglise une religion qui ne
1985-1986, p. 22-74. — R.A. MORROW, .< La théorie critique de l'Ecole de retient que ce qui est coextensif à l'humanité. Car, si le
Francfort : implications pour une sociologie de la littérature », Etudes françaises
Montréal), 19, n° 3, « Sociologie de la littérature », 1983-1984, p. 35-49,
Monde n'est plus le Monde clos de la tradition (le « cos-
• L'Ecole de Francfort, son histoire, ses suites ». — J - W . MURPHY, « Art mos »), mais un univers infini, Dieu n'est plus Dieu — le
and thé social world : thé Frankfurt School », Studies in Soviet Thought Dieu de la tradition augustinienne, Dieu d'Abraham,
P.-Bas), 26, n° 4, 1983, p. 279-285. — G. RAULET, « Marxisme et d'Isaac et de Jacob. Il devient un Grand Architecte, un
condition post-moderne », Philosophiques (Can.), 10, n° 2, 1983, « Le
marxisme cent ans après Marx », p. 289-313. — R. SIEBERT, « L'Ecole de
Grand Horloger, autrement dit : un principe architecto-
Francfort. Humanisme et sexualité », Concilium (Fr.), n° 193, « La nique. C'est dans ce contexte latitudinaire que la maçon-
révolution sexuelle », 1984, p. 53-69. — M. SINATRA, « Sulla Scuola di nerie apparaît, et il n'est pas surprenant qu'elle ait pu
Francoforte e la sua storîa », Rivista critica di storia délia filosofia (It.), 36, n° 2, s'imposer dans l'Angleterre d'après la Glorious Révolution
1981, p, 156-172. — N. URSUA, « Filosofia de la ciencia y hermeneutica »,
:i B. D'AMORE et A. ALES BELLO (éd.), Metafisica e scienze dell'uomo, 2 vol.,
et, plus spécialement, dans les milieux newtoniens.
~ - Congresso Internazionale, 4-9 sept. 1980, Bergamo, Edizioni Borla, Introduite en France vers 1725, la maçonnerie y
Rome, vol. 1, 1982, p. 278-293. — R. VINCO, « Teoria critica e marxisme. connaîtra un brillant développement puisqu'elle comptera
La catastrofe del totalitarisme », Aquinas (It.), 26, n° 1-2, 1983, p. 53-83.
plus de 600 loges à la veille de la Révolution. Son évolu-
— A. WELLMER, « Reason, utopia and thé dialectic of enlightenment »,
Praxis International (G-B), 3, n° 2, 1983, « The critique of critical theory »,
tion idéologique en terre gallicane et antipapiste est
p. 83-107. intéressante car si l'on voit que contre la tentative de
—> Critique (théorie —).
Ramsay, qui voulait en faire une religion universelle
crypto-catholique, beaucoup de loges réagissent en affir-
mant l'indépendance de l'ordre à l'égard des religions,
FRANC-MAÇONNERIE [rel.] dans le même temps — mais surtout dans les années
~jbs, Jém. soixante — on voit apparaître une maçonnerie « rouge »
des hauts grades (l'« écossisme ») où se mêlent des rémi-
Si l'on s'en tient, pour la clarté de l'exposé, à ce qui paraît
niscences bibliques, templières, ésotériques, mystiques,
commun aux maçons appartenant aux diverses obédiences et pra-
:iquant différents rites, on peut dire que la franc-maçonnerie est occultistes, etc.
une société initiatique, philadelphique et philanthropique. Son Doctrine : La maçonnerie aujourd'hui, comme hier,
objet est la recherche de la vérité et le perfectionnement intellec- oscille entre ces deux pôles. A quelque obédience qu'ils
mel et social de l'humanité. Son principe est la tolérance mutuelle, appartiennent, les maçons ont en partage initiation et
le respect de l'autre et de soi-même. symbolisme. L'initiation marque l'appartenance au
Pour comprendre le phénomène maçonnique dans sa groupe, le symbolisme (emprunté à dix courants religieux
signification profonde, il faut le rapporter à son histoire. et profanes) est ce qui rassemble les « frères » (ou les
En bref : dans sa formule moderne (« spéculative »), la « sœurs ») entre eux. L'objectif commun est la « recher-
maçonnerie apparaît vers la fin du XVIIe siècle dans une che de la Lumière ». Tout change — philosophiquement
Angleterre qui sort à peine de graves conflits religieux et parlant — selon que le symbole est considéré comme un
politiques. Le texte fondateur de l'ordre que sont les moyen, ou vécu comme une fin. Si la plupart des maçons
Constitutions d'Anderson (1723) en précise clairement la sont des rationalistes (le plus souvent agnostiques, « kan-
finalité : « Un Maçon est obligé, de par sa tenure, d'obéir tiens »), il existe une minorité sensible de frères qui sont
à la loi morale, et s'il comprend bien l'Art, il ne sera des rationalistes mystiques ou des mystiques tout court, le
jamais Athée stupide ou libertin irréligieux. Mais quoique plus souvent ils cohabitent dans les mêmes loges, réalisant
dans les temps anciens les Maçons fussent tenus dans cha- ainsi le « Centre de l'Union » prôné par Anderson. Tou-
que Pays d'être de la Religion, quelle qu'elle fût de ce Pays tefois, on doit remarquer — et cette évolution est surtout
ou de cette Nation, néanmoins il est maintenant considéré sensible en France ou dans les maçonneries regroupées
plus expédient de seulement les astreindre à cette religion autour du CLIPSAS [Centre de Liaison et d'Information
sur laquelle tous les hommes sont d'accord, laissant à cha- des Puissances maçonniques signataires de l'Appel de
cun ses propres opinions, c'est-à-dire d'être des hommes Strasbourg, 1961] — que plusieurs Grands Orients ou
de bien et loyaux, hommes d'honneur et de probité, quelles Grandes Loges (31 en 1985) ont décidé de se rassembler,
que soient les dénominations ou les confessions qui aident estimant que l'universalisme maçonnique était contradic-
à les distinguer ; par suite de quoi la Maçonnerie devient toire avec l'obligation imposée par certaines obédiences
le centre de l'union et le moyen de nouer une amitié sin- (anglo-saxonnes en particulier) de croire en un dogme ou
cère entre les personnes qui n'auraient pu que rester per- en une vérité première. Le partage du monde maçonni-
pétuellement étrangères. » II est clair que ces Constitutions que se fait aujourd'hui entre les obédiences dites « régu-
sont indissociables du mouvement général des idées et des lières » (reconnues par la Grande Loge de Londres), et les
transformations que les sciences connaissent à l'Age clas- obédiences « irrégulières ». Les unes exigent de leurs adep-
sique. Quelques remarques : on sait que, jusqu'au XVII* tes la croyance en un Dieu révélé, les autres (« laïques »)
siècle, la philosophie était la servante de la théologie ; on se contentent de respecter leurs opinions en les rassemblant
sait aussi que, sur le continent, malgré sa prudence, Des autour du symbole du GADLU [Grand Architecte de
c u système de
phénomène extérieur à la science : elle nécessite une com- un système de
tés » n étant en l'occurrence que « purement extérieure »
pétence scientifique, elle s'adresse en premier lieu à la com- ments de la dé
(Hegel, Grundlinien der Philosophie des Rechts, § 87). Par
munauté scientifique, qui est collectivement responsable de comme un lan
extension, la fraude sera assimilée à l'infidélité aux enga-
l'élaboration des découvertes. On peut la considérer
gements pris, elle correspondra à un manquement à la • S. FREUD, Entw
comme un dysfonctionnement des mécanismes de contrôle, 1895/1950 ;Jensei
« bonne foi » avec laquelle les conventions doivent être exé-
que l'inflation de la production scientifique et sa spéciali- ùber den « WunderU
cutées (cf. en Angleterre, Statuts offrauds, 1667). La fraude L'Ethique de la psyc
sation rendent très difficile à éliminer. « Le dernier garde-
peut enfin viser les droits des tiers ou l'application d'une
fou de la science n'est ni le contrôle des pairs, ni le système
règle impérative aux effets estimés indésirables. Ou bien
des référées, ni la reproduction des expériences, ni l'univer-
les parties s'entendent pour soustraire à un créancier FRESISON [
salisme qui se retrouve de manière implicite dans ces trois exp. mnémo.
commun une partie de leur patrimoine menacé de saisie
mécanismes. Ce dernier garde-fou, c'est le temps. En défi-
par des cessions de complaisance ; c'est la plus ancienne Représentati
nitive, les mauvaises théories ne marchent pas et les idées
hypothèse de fraude, celle de lafraus creditorum que sanc- concluant de l
frauduleuses n'expliquent pas le monde aussi bien que les
tionnait le préteur à Rome. Ou bien les parties veulent évi- lise aussi Fresi
vraies >. (Broad & Wade, p. 117). (Ed.)
ter une loi qui serait normalement applicable en conférant sesomorum. (F
une qualification erronée à leur contrat (donation dégui- • S. AUROUX, « L'affaire de la langue taensa », Ammndia, n° 6, p. 145-179.
1984. — M. BLANC, G. CHAPOUTHIER et A. DANCHIN, « Les fraude? —* Figure, Mode
sée sous une vente pour faire échec à la loi fiscale) ou en
scientifiques .., La Recherche, n° 113, p. 858-868, 1980. — A. BRANNIGAN.
changeant artificiellement l'élément de rattachement à un The Social Basis of Scientiftc Discoveries, Cambridge University Press, 1981. —
système législatif (acquisition de la nationalité étrangère W. BROAD & N. WADE, La Souris truquée. Enquête sur la fraude scientifique
FREUDO-MAR
afin d'obtenir un divorce que la loi nationale prouvera sans (Betrayers of thé Truth, New York, 1982), Paris, Le Seuil, 1987. — subs. masc.
P. FESCHOTTE, Les Illusionnistes. Essai sur le mensonge scientifique, Lausanne.
conteste que « la valeur d'un acte est inséparable de son
l'Aire, 1985. — R.R. NEWTON, The Crime ofClaudius PtoUmy, Baltimore, The Le freudo-marxis
but du moment que celui-ci est établi » (H. Batiffol, Traité Johns Hopkins University Press, 1977. — M. DE PRACONTAL, L'Imposlurt faire la révolutio
de droit international priée, LGDJ, n. 372). D'une façon ou scientifique en dix leçons, Paris, La Découverte, 1986. promotion d'un
d'une autre, « un homme sort ainsi du champ d'applica- —> Connaissance (sociologie de la —), Ethique (— scientifique). la libido ? Le rap
tion de la loi. On ne peut plus prétendre qu'il viole la loi Recherche, Science (— et éthique), Symétrie (principe de —). la notion d'alién

1
FRA TEHNITÉ-TERREUR PHILOSOPHIE OCCIDENTALE - 1034 1035 -

l'Univers] (Grande Loge de France), ou d'une déclaration par son acte ; il ne la viole que par son intention » FRAYAGE
sues, musc.
de principe (« Liberté, Egalité, Fraternité »), comme le (G. Ripert, La règle morale dans les obligations civiles, LGDJ,
Grand Orient de France. Ces dernières maçonneries, sont 1925, n. 173). Si les philosophies morales ont eu sur ces Le terme de
dites « libérales ». (C. Porset.) solutions une influence bénéfique, l'idée réaliste romaine psychologie sci
d'avantage indu, de rupture de la justice-égalité (impli- laissée par le
• II existe une vaste littérature de « philosophie » maçonnique, qui n'a rien contact qui s
de philosophique. Ce sont, la plupart du temps, des morceaux d'édification.
quant par exemple que l'on se contente de mesurer l'enri- neurone suiv
Historiquement, la maçonnerie a beaucoup à voir avec les cercles newto- chissement du débiteur par rapport à l'appauvrissement sage des exci
niens. Bon exposé dans Margaret JACOB, The Radical Enlightenment : Pan- du créancier fraudé) a cependant joué un rôle tout aussi diminution p
fàeists, Freemasons and Republuans, London, 1981. Sur Ramsay, on se repor-
utile. (J.-M. Trigeaud.) de contact. L
tera à Pierre CHEVALLIER, La première profanation du Temple maçonnique ou Louis à emprunter
XV et la Fraternité, 1737-1755, Paris, 1968 ; et du même, la précieuse His- un réseau de
toire de la Franc-Maçonnerie française, Paris, 1974-1975, 3 vol. ; sur les courants Fraude (— scientifique) [épist. gêné.] résistance qui
mystiques, ouvrage fondamental de R. LE FORESTIER, La Franc-Maçonnerie
Toute activité ou résultat, accomplis ou obtenus par les scientifi- tiel qui les op
templière et occultiste, Paris, 1970 et les travaux plus récents de Robert FAIVRE.
ques, en contradiction flagrante avec la déontologie de la science, de la mémoir
Enfin, vue d'ensemble dans le Dictionnaire de la Franc-Maçonnerie publié sous
la direction de Daniel Licou, Paris, PUF, 1937. Bibliographie thématique et en particulier son objectivité. On peut répartir les fraudes scien- de Freud, un
critique internationale, José A. FERRE-BENIMELI, Bibliografia de la masoneria, tifiques en fraudes de sécurité (dans le cadre de recherches dangereu- Les auteu
Madrid, 1978. ses, les chercheurs négligent les mesures de sécurité nécessaires), d'une ultim
—> Déisme, Illuminisme, Théosophie. vols de propriété scientifique (lorsqu'un chercheur s'attribue indûment
un travail fait par autrui) et falsifications de résultats. modèle phy
En ce qui concerne ces dernières, on peut les répartir entre ignoré le sen
deux extrêmes, que seraient d'un côté l'invention de résultats agi que d'u
FRATERNITÉ-TERREUR -> Serment permettant de trancher de façon spectaculaire des questions ils y ont vu
cruciales, et la « cuisine de laboratoire » (ajustement des résultats pation génia
expérimentaux en fonction de ce que la théorie prédit), dont logie, et plu
certains aspects sont tolérés par la communauté scientifique. l'appareil ne
FRAUDE [jur.]
suas, fém. (G. Chapov.thieretJ.-J. Matras.) particulier M
L'acte frauduleux peut porter sur des choses, opérant Les fraudes scientifiques remontent à la plus haute Anti- dans le cham
quité. On a récemment pu montrer que l'astronome Pto- prétation to
une modification de leur nature et viciant leur qualifica-
lémée avait « emprunté » ses observations à Hipparque de adéquate à
tion juridique, ce qui pose le problème de la falsification
Rhodes et qu'il avait vraisemblablement « accordé » ses l'ensemble d
(s'agissant d'espèces monétaires ou de biens d'art). La ce texte com
fraude expose alors son auteur à la justice répressive qui résultats à sa théorie. Elles concernent toutes les discipli-
nes : depuis les sciences de la nature, jusqu'aux observa- une métapho
s'attachera à des constatations matérielles et objectives. d'une théori
Mais elle peut consister surtout dans l'intention de celui tions anthropologiques et aux statistiques proposées pour
montrer l'hérédité de l'intelligence. On a même proposé gestation che
qui contracte, appelant le juge civil à une investigation ment qu'en
psychologique afin d'annuler l'accord des consentements. à des congrès savants l'analyse de langues qui n'existaient
mais que, pa
L'acte se confond alors avec une manœuvre destinée à pas.
que de la vé
induire en erreur l'autre partie (c'est un dol caractérisé) La fraude ne devient un phénomène important qu'avec
tenait pour v
ou à abuser de sa faiblesse (cas du prêt usuraire ; ce qu'a l'institution de la science moderne, sa professionnalisation
sera efforcé
partiellement réprouvé l'éthique canoniste dans le domaine et sa bureaucratisation (il n'est pas sûr que Ptolémée eût appel à des m
du crédit, la moralité commerciale n'a eu de cesse de le pu être sensible à la déontologie qui condamne le plagiat). rapprocher d
justifier). Le contrat qu'entaché la fraude respecte les for- Le rôle des découvertes dans les carrières, la concurrence, l'écriture et d
mes de la loi ; c'est le contenu téléologique de l'une des les intérêts pécuniaires, symboliques et idéologiques en jeu interprète le
sont autant d'incitations à la fraude. Celle-ci n'est pas un du système d
volontés qui devient suspect ; la « communauté des volon-
phénomène extérieur à la science : elle nécessite une com- un système d
tés » n'étant en l'occurrence que « purement extérieure »
pétence scientifique, elle s'adresse en premier lieu à la com- ments de la d
(Hegel, Grundlinien der Philosophie des Rechts, § 87). Par
munauté scientifique, qui est collectivement responsable de comme un la
extension, la fraude sera assimilée à l'infidélité aux enga-
l'élaboration des découvertes. On peut la considérer
gements pris, elle correspondra à un manquement à la • S. FREUD, En
comme un dysfonctionnement des mécanismes de contrôle, 1895/1950 -Jens
« bonne foi » avec laquelle les conventions doivent être exé-
que l'inflation de la production scientifique et sa spéciali- ûbtr dm « Wunder
cutées (cf. en Angleterre, Statute ofjrauds, 1667). La fraude L 'Ethique de la ps
sation rendent très difficile à éliminer. « Le dernier garde-
peut enfin viser les droits des tiers ou l'application d'une
fou de la science n'est ni le contrôle des pairs, ni le système
règle impérative aux effets estimés indésirables. Ou bien
des référées, ni la reproduction des expériences, ni l'univer-
les parties s'entendent pour soustraire à un créancier FRESISON
salisme qui se retrouve de manière implicite dans ces trois exp. mnémo.
commun une partie de leur patrimoine menacé de saisie
mécanismes. Ce dernier garde-fou, c'est le temps. En défi-
par des cessions de complaisance ; c'est la plus ancienne Représenta
nitive, les mauvaises théories ne marchent pas et les idée?
hypothèse de fraude, celle de \afmus creditorum que sanc- concluant de
frauduleuses n'expliquent pas le monde aussi bien que les
tionnait le préteur à Rome. Ou bien les parties veulent évi- lise aussi Fres
vraies » (Broad & Wade, p. 117). (Ed.)
ter une loi qui serait normalement applicable en conférant sesomorum. (
une qualification erronée à leur contrat (donation dégui- • S. AUROUX, « L'affaire de la langue taensa », Amerindia, n° 6, p. 145-17Ç
1984. — M. BLANC, G. CHAPOUTHIER et A. DANCHIN, « Les frauda —•» Figure, Mod
sée sous une vente pour faire échec à la loi fiscale) ou en
scientifiques », La Recherche, n° 113, p. 858-868, 1980. — A. BRANNIGAV
changeant artificiellement l'élément de rattachement à un The Social Basis of Scientific Discoveries, Cambridge University Press, 1981. —
système législatif (acquisition de la nationalité étrangère W. BROAD & N. WADE, La Souris truquée. Enquête sur la fraude scientifique
FREUDO-MA
afin d'obtenir un divorce que la loi nationale prouvera sans (Betrayers of thé Tmth, New York, 1982), Paris, Le Seuil, 1987. — sues. masc.
P. FESCHOTTE, Les Illusionnistes. Essai sur le mensonge scientifique, Lausanne
conteste que « la valeur d'un acte est inséparable de son
l'Aire, 1985. — R.R. NEWTON, The Crime ofCIaudius Ptalemy, Baltimore, Tk Le freudo-marx
but du moment que celui-ci est établi » (H. Batiffol, Traité Johns Hopkjns University Press, 1977. — M. DE PRACONTAL, L'ImpostL.-? faire la révoluti
de droit international privé, LGDJ, n. 372). D'une façon ou scientifique en dix leçons, Paris, La Découverte, 1986.
promotion d'un
d'une autre, « un homme sort ainsi du champ d'applica- —^ Connaissance (sociologie de la —), Ethique (— scientifique la libido ? Le ra
tion de la loi. On ne peut plus prétendre qu'il viole la loi Recherche, Science (— et éthique), Symétrie (principe de —). la notion d'alié
OCCIDENTALE - 1034 1035 - PHILOSOPHIE OCCIDENTALE FFtEUDO-MARX/SME

que par son intention » FRAYAGE [psycha.] mondiale. Sans hommes nouveaux, pas de socialisme, dit en
subs. meisc. substance le freudo-marxisme. Si la révolution socialiste est la
les obligations civiles, LGDJ, condition préalable de la révolution sexuelle, cette dernière est en
les morales ont eu sur ces Le terme de frayage est tout à fait central dans VEsquisse pour une retour nécessaire pour en consolider les acquis. La révolution
ue, l'idée réaliste romaine psychologie scientifique (1895). Freud l'utilise pour désigner la trace sexuelle se trouve dans toute pratique authentiquement révolution-
laissée par le forçage des excitations au niveau des barrières de naire ; le freudo-marxisme se fonde sur la sexualité définie comme
e la justice-égalité (impli- contact qui séparent les terminaisons axonales des dendrites du force révolutionnaire : il faut que l'homme secoue ses condition-
ontente de mesurer l'enri- neurone suivant et qui opposent une certaine résistance au pas- nements inconscients, il faut qu'il brise les ancrages affectifs-
>port à l'appauvrissement sage des excitations nerveuses. Cette trace se manifeste comme une idéologiques déterminés en lui par une éducation répressive.
nt joué un rôle tout aussi diminution permanente de la résistance au niveau des barrières
de contact. Les excitations ultérieures auront tendance, par la suite, Dans les faits, cependant, le rapprochement fut loin
à emprunter les voies de moindre résistance. Il se constitue ainsi d'être évident. En Hongrie, en 1919, le gouvernement de
un réseau de frayages qui ne valent pas tant par le potentiel de Bêla Kun offre à S. Ferenczi d'enseigner la psychanalyse
st. gêné.] résistance qui caractérise chacun, que par les différences de poten-
tiel qui les opposent les uns aux autres. Le système des frayages à l'université. Ferenczi n'est pas marxiste, mais ses idées
s ou obtenus par les scientifi- de la mémoire est donc bien pour Freud, et dans les termes mêmes progressistes vont bien avec la révolution. Pour le reste,
: la déontologie de la science, de Freud, un système de différences. dans le camp marxiste orthodoxe, les réticences sont vives.
Mit répartir les fraudes scien- La psychanalyse y est traitée comme un « phénomène de
adre de recherches dangereu- Les auteurs qui ont interprété l'Esquisse dans le sens
ures de sécurité nécessaires), d'une ultime tentative de la part de Freud pour créer un décomposition de la bourgeoisie », une idéologie décadente
hercheur s'attribue indûment modèle physiologique de l'appareil psychique ont ou bien visant à justifier les mœurs d'une classe en déclin. Après
liions de résultats. ignoré le sens et la portée de l'Esquisse comme s'il ne s'était 1935, tous les partis communistes, suivant le modèle sovié-
s. on peut les répartir entre agi que d'un dernier sursaut scientiste de Freud, ou bien tique, défendent un pavlovisme généralisé, et condamnent
côté l'invention de résultats définitivement les découvertes freudiennes (seuls les par-
spectaculaire des questions ils y ont vu, comme Pribram et Merton Gill, une antici-
pation géniale des théories modernes de la neurophysio- tis communistes de l'Ouest — en France et en Italie su
re » (ajustement des résultats
jue la théorie prédit), dont logie, et plus précisément i
)CCIDËNTALE - 1034 1035 PHILOSOPHIE OCCIDENTALE FREUDO-MARXISME

FRAYAGE [psycha.] mondiale. Sans hommes nouveaux, pas de socialisme, dit en


jubs. mosc. substance le freudo-marxisme. Si la révolution socialiste est la
condition préalable de la révolution sexuelle, cette dernière est en
Le terme de frayage est tout à fait central dans \'Esquisse pour une retour nécessaire pour en consolider les acquis. La révolution
psychologie scientifique (1895). Freud l'utilise pour désigner la trace sexuelle se trouve dans toute pratique authentiquement révolution-
laissée par le forçage des excitations au niveau des barrières de naire ; le freudo-marxisme se fonde sur la sexualité définie comme
contact qui séparent les terminaisons axonales des dendrites du force révolutionnaire : il faut que l'homme secoue ses condition-
neurone suivant et qui opposent une certaine résistance au pas- nements inconscients, il faut qu'il brise les ancrages affectifs-
sage des excitations nerveuses. Cette trace se manifeste comme une idéologiques déterminés en lui par une éducation répressive.
diminution permanente de la résistance au niveau des barrières
de contact. Les excitations ultérieures auront tendance, par la suite, Dans les faits, cependant, le rapprochement fut loin
à emprunter les voies de moindre résistance. Il se constitue ainsi d'être évident. En Hongrie, en 1919, le gouvernement de
un réseau de frayages qui ne valent pas tant par le potentiel de Bêla Kun offre à S. Ferenczi d'enseigner la psychanalyse
résistance qui caractérise chacun, que par les différences de poten-
tiel qui les opposent les uns aux autres. Le système des frayages à l'université. Ferenczi n'est pas marxiste, mais ses idées
de la mémoire est donc bien pour Freud, et dans les termes mêmes progressistes vont bien avec la révolution. Pour le reste,
de Freud, un système de différences. dans le camp marxiste orthodoxe, les réticences sont vives.
Les auteurs qui ont interprété l'Esquisse dans le sens La psychanalyse y est traitée comme un « phénomène de
d'une ultime tentative de la part de Freud pour créer un décomposition de la bourgeoisie », une idéologie décadente
modèle physiologique de l'appareil psychique ont ou bien visant à justifier les mœurs d'une classe en déclin. Après
ignoré le sens et la portée de l'Esquisse comme s'il ne s'était 1935, tous les partis communistes, suivant le modèle sovié-
agi que d'un dernier sursaut scientiste de Freud, ou bien tique, défendent un pavlovisme généralisé, et condamnent
ils y ont vu, comme Pribram et Merton Gill, une antici- définitivement les découvertes freudiennes (seuls les par-
pation géniale des théories modernes de la neurophysio- tis communistes de l'Ouest — en France et en Italie sur-
logie, et plus précisément des théories holographiques de tout — évolueront sur ce point). En France, en dehors des
l'appareil neuropsychique, ce dont ils se sont autorisés, en surréalistes, qui s'intéressaient à la fois à la psychanalyse
particulier Merton Gill, pour récupérer la psychanalyse et à la révolution culturelle, seul G. Politzer fut à sa
dans le champ de la biologie. Lacan a proposé une inter- manière freudo-marxiste. W. Reich, le plus clair représen-
prétation tout à fait différente et incontestablement plus tant du mouvement, sera, dans les années 30, exclu en
adéquate à l'insistante présence de ce texte oublié dans même temps du Parti communiste allemand pour son freu-
l'ensemble du texte freudien. Il a été amené à concevoir disme et de l'Association internationale de psychanalyse
ce texte comme une fiction théorique ; en d'autres termes, pour son bolchevisme. Pour Reich, la misère sexuelle est
une métaphore d'une conception de la mémoire que, faute liée fondamentalement à l'aliénation économique et sociale.
d'une théorie linguistique du signifiant encore à l'état de La Révolution sexuelle dénonce surtout la famille comme
gestation chez Saussure, Freud ne pouvait articuler autre- fabrique d'idéologies autoritaires et de structures menta-
ment qu'en faisant appel à un modèle qu'il connaissait les conservatrices (sur ce point, un rapprochement avec
mais que, pas plus que l'invraisemblable modèle biologi- Malinowski — Irruption de la morale sexuelle, 1935,
que de la vésicule dans Au-delà du principe de plaisir, il ne tr. P. Kamnitzer, Paris, 1972 —, que Reich rencontrera
tenait pour vraisemblable ni pour descriptif de ce qu'il se à Londres, peut être fait). Le bonheur sexuel implique la
sera efforcé mainte et mainte fois de décrire en faisant destruction de l'ordre social patriarcal. Reich s'attache à
appel à des métaphores successives qui ne cesseront de se montrer le contenu matérialiste de toute une série de
rapprocher de plus en plus explicitement d'une théorie de concepts freudiens (pulsion, chimismc sexuel, principe de
récriture et de l'inscription. C'est dans ce sens que Lacan réalité et de plaisir, théorie du refoulement et de l'incons-
interprète le système de frayages comme une métaphore cient). Sa doctrine évoluera vers un biologisme exacerbé ;
du système des signifiants qui se définit également comme un thème demeurera cependant : notre civilisation mora-
un système de différences. Ceci constitue l'un des fonde- lisante et antisexuelle empêche la régulation naturelle de
ments de la définition lacanienne de l'inconscient structuré
l'énergie vitale. L'inhibition de l'énergie orgastique pro-
comme un langage. (F. Peraldi.)
duit des effets de « stase », et la formation de résistances
* S. FREUD, Entwurf etner Psychologie (Esquisse pour une psychologie scientifique), psychosomatiques groupées sous le nom de « cuirasse
1895/1950 ;Jenseils des Lustprinzips (Au-delà du principe déplaisir), 1920 ; Note
caractérielle » : l'expression structurée des vicissitudes libi-
iber den « Wunderblock » (Note sur le bloc-notes magique), 1925. — J. LACAN,
L'Ethique de la psychanalyse, 1987. dinales du sujet. C'est pourquoi la psychanalyse n'a vrai-
ment d'avenir qu'après la révolution socialiste, dans la pré-
vention des névroses et l'hygiène mentale : régulation de
FRESISOIM [log.] l'économie libidinale, éducation psychanalytique des
fxp. fnnemo. enfants selon l'exemple donné par V. Schmidt (ces thèmes,
Représentation mnémonique du cinquième mode qui de nos jours peuvent avoir une résonance assez sinis-
concluant de la quatrième figure du syllogisme. On uti- tre, sont, entre les deux guerres, dans l'air du temps : on
lise aussi Fresisom (Logique de Port-Royal), ou encore Fri- trouverait jusque dans Mein Kampf des mesures de régu-
sesomorum. (F. de Buzon.) lation de l'économie libidinale). Reich développe un mou-
vement — appelé Sexpol — qui veut dénoncer la misère
—t Figure, Mode.
sexuelle des masses en les incitant à la révolte contre
l'ordre établi par la politisation de la question sexuelle et
intégrer la révolution sexuelle dans la lutte révolutionnaire
FREUDO-MARXISME [pol., doct.] grâce à l'agitation contre la famille bourgeoise, le sport
nibs. masc.
bourgeois, l'armée, l'Eglise, etc. (thèmes qui devront
Le freudo-marxisme se résume en une seule question : suffit-il de attendre mai 68 pour véritablement fleurir). Reich assis-
faire la révolution politique, si celle-ci ne s'accompagne pas de la tera à l'avènement du national-socialisme, et à cette occa-
promotion d'un homme nouveau, d'une autre libération : celle de
la libido ? Le rapprochement des deux doctrines a lieu autour de sion il pensera que ses thèses sont tragiquement confir-
la notion d'aliénation, et ce dès la fin de la Première Guerre mées. Le fascisme est potentiellement universel parce qu'il
in eressan , et même instrucm, de lire Reich et Sade Analytique, Tautologie.
l'un en regard de l'autre. Tous les deux soutiennent l'uto-
pie d'une société organisée par et pour le plaisir. Sade
pousse le culte du désir jusqu'à la contradiction, tandis que FRUSTRATION [psycha.]
chez Reich le désir finit par disparaître en tant que tel. subs. fém.
Sade attend d'une révolution politique véritable la possi- Traduction française de l'allemand Versagung, terme proposé par
bilité de vivre librement ses passions, et surtout, précise- Freud pour rendre compte des conditions internes et externes de
t-il, ses passions les plus tyranniques. Suit alors la descrip- non-satisfaction d'une pulsion. Son extension à d'autres domai-
tion effarante d'une société où, par exemple, le vol est non nes de la psychologie doit nous faire distinguer différentes formes
seulement permis mais encouragé, etc. Le freudo- de frustration, en fonction de leur origine. Elle peut se référer à
la non-satisfaction d'un besoin. C'est dans cette perspective que la
marxisme compte pour sa part que, libérés du joug de la psychologie expérimentale s'est appliquée aux expériences d'obs-
morale traditionnelle, les désirs seront purgés de toute truction (privation de satisfaction), de conflit (Nuttin) ou au non-
agressivité. De fait, La Révolution sexuelle est très loin de prô- accomplissement d'une tâche (Lewin). Elle peut se référer à la non-
ner l'anarchisme sexuel, la libération sans frein de tous les satisfaction d'une demande. On s'intéresse alors à ses effets en termes
désirs. Reich réfute les thèses freudiennes de la pulsion de de régression ou d'agressivité. La référence psychanalytique
mort et du masochisme primaire : loin d'être des pulsions s'applique aux effets sur le fonctionnement mental de la non-
satisfaction d'un désir. Freud a opposé la privation externe (névrose
originelles, la destruction et le masochisme ne sont que actuelle) à celle due au conflit intrapsychique (névrose de trans-
l'expression musculaire secondaire de la frustration. Et fert). Appliqué à d'autres formations psychopathologiques
Reich finit par écrire que même les puissances érectives et (psychose - perversion - psychopathie), le concept de frustration
:our dt Œdipe Je
de Jeuze et F. Guattari, l'idée ni ions, join es aux axiomes identiques, expriment les prin- die (Erkrankung).
ressurgissait d'une psychanalyse matérialiste au service du cipes de toutes les démonstrations ». Il réduit par là toute une expérience d
peuple. Les questions de W. Reich dépassent en fait lar- vérité à une vérité logique. Le second résout le paradoxe mais cette caren
gement les problématiques freudienne et marxiste. Elles en soutenant que 1) les propositions de type (b), peuvent « sensible » au s
utilisent plutôt les résultats de ces deux doctrines pour se réduire à celles de type (a) ; 2) si elles ne contiennent — ce qui donne
reformuler des problèmes plus anciens. Nous avons signalé aucune nouveauté intrinsèque, elles apportent une connais- gung) et de décep
la résurgence du thème de la servitude volontaire de La sance à ceux qui ne savent pas quelle idée est contenue l'objet vient à ma
Boétie. Nous pourrions également remarquer, aussi para- dans quelle autre. En quelque sorte connaître consiste à conditions de sub
doxal que cela puisse paraître, que l'idée que la révolution connaître qu'une proposition frivole est une proposition fri- à restituer la dia
doit aussi libérer le désir et les mœurs se trouve dans le vole. Cela suppose que nos idées ne soient pas claires et résultante.
« Français, encore un effort si vous voulez être républi- distinctes dès que nous les obtenons de la perception des C'est donc dan
cains » de Sade (La Philosophie dans le boudoir). Il serait d'ail- choses, mais qu'elles doivent être analysées. (S. Auroux.) développement p
leurs intéressant, et même instructif, de lire Reich et Sade —^ Analytique, Tautologie. le plus explicite
l'un en regard de l'autre. Tous les deux soutiennent l'uto- sion. Etiologie »,
pie d'une société organisée par et pour le plaisir. Sade et dans l'examen
pousse le culte du désir jusqu'à la contradiction, tandis que FRUSTRATION [psycha.] — la problématiq
chez Reich le désir finit par disparaître en tant que tel. subs. fém. étroitement ces d
Sade attend d'une révolution politique véritable la possi- Traduction française de l'allemand Versagung, terme proposé par
névrose quand la
bilité de vivre librement ses passions, et surtout, précise- Freud pour rendre compte des conditions internes et externes de libido », en sorte
t-il, ses passions les plus tyranniques. Suit alors la descrip- non-satisfaction d'une pulsion. Son extension à d'autres domai- l'Ersatz de la « sa
tion effarante d'une société où, par exemple, le vol est non nes de la psychologie doit nous faire distinguer différentes formes (GW, XI, p. 357
seulement permis mais encouragé, etc. Le freudo- de frustration, en fonction de leur origine. Elle peut se référer à rai de la clinique
îa non-satisfaction d'un besoin. C'est dans cette perspective que la
marxisme compte pour sa part que, libérés du joug de la étudiés de névros
psychologie expérimentale s'est appliquée aux expériences d'obs-
morale traditionnelle, les désirs seront purgés de toute truction (privation de satisfaction), de conflit (Nuttin) ou au non- blé ». On le rem
agressivité. De fait, La Révolution sexuelle est très loin de prô- accomplissement d'une tâche (Lewin). Elle peut se référer à la non- brute que mome
ner l'anarchisme sexuel, la libération sans frein de tous les satisfaction d'une demande. On s'intéresse alors à ses effets en termes en sorte qu'on en
désirs. Reich réfute les thèses freudiennes de la pulsion de de régression ou d'agressivité. La référence psychanalytique « La frustration
mort et du masochisme primaire : loin d'être des pulsions s'applique aux effets sur le fonctionnement mental de la non-
satisfaction d'un désir. Freud a opposé la privation externe (névrose tige) et absolue ;
originelles, la destruction et le masochisme ne sont que actuelle) à celle due au conflit intrapsychique (névrose de trans- concerner cette
l'expression musculaire secondaire de la frustration. Et fert). Appliqué à d'autres formations psychopathologiques personne seule a
Reich finit par écrire que même les puissances érectives et (psychose - perversion - psychopathie), le concept de frustration frustration est d
FRIVOLE PHILOSOPHIE OCCIDENTALE - 1036 1037 - PH

est l'expression politique du « petit homme » moyen éjaculatives sont secondaires par rapport à la puissance
réprimé. En fait, il est toujours prêt à apparaître ici ou là orgastique, qui est la capacité de s'abandonner au flux de
(d'où la notion de « fascisme quotidien » largement utili- l'énergie biologique. La révolution sexuelle fait-elle encore
sée par certains groupes gauchistes après mai 68). Loin une place à un désir spécifiquement humain ? D'autre
d'être une simple coercition étatique, il est en fait accepté, part, si le freudo-marxisme ne fait finalement qu'inscrire
et même préconisé par les masses. Dans un prolongement dans la sphère marxiste ce que toute la littérature utopiste
freudien de La Boétie, Reich affirme qu'il existe un désir a toujours reconnu : qu'une révolution radicale doit bou-
de fascisme qui trouve son expression dans l'adhésion à leverser jusqu'à la conscience des hommes, on peut se
certaines figures de chefs et idéologies manichéennes et demander s'il ne sacrifie pas à la figure problématique du
racistes. Le fascisme s'appuie sur les bataillons de petits- « tout-autre ». (G. Aimeras.)
bourgeois enragés, comme disait déjà Trotsky, qui cher-
• Cahier Ysnan, n° 1, Paris, Maspero, 1975. — C. CLÉMENT, P. BRUNO,
chent à résoudre leurs contradictions psychiques au travers L. SÈVE, Pour une critique marxiste de la psychanalyse, Paris, Ed. Sociales, 1973 ;
d'actions violentes. Ecoute, petit homme trace le portrait de L'homme et la société, n° 7, janv.-mars 1968 et n° 11, janv.-mars 1969. —
l'homme ordinaire en proie à la peste émotionnelle, c'est- G. POLITZER, Critique des fondements de la psychologie, Paris, PUF, 1968. —
W. REICH, La Psychologie de masse du fascisme, Paris, Payot, 1972 ; La révolution
à-dire à une volonté de nuire et à une rage de détruire sexuelle, Paris, Pion, 1968. — L. SÈVE, Marxisme et théorie de la personnalité.
ayant source dans l'impuissance orgastique. La lutte contre Paris, Ed. Sociales, 1964.
le refoulement sexuel peut seule véritablement endiguer la —> Aliénation, Homme, Psychiatrie (anti —), Utopie.
réaction fasciste, et, puisque à l'Est la révolution n'a pu
parvenir qu'à un « fascisme rouge » — le stalinisme —,
la solution ne sera plus pour Reich dans le socialisme, mais FRIVOLE (proposition -) [épist. gêné.]
dans une « démocratie du travail » : une sorte de commu- adj., exp. can.
nisme libertaire, dans lequel l'accent est mis sur le rejet
de toute hiérarchie, sur la réduction drastique du pouvoir L'expression « proposition frivole » provient de Locke
de l'Etat, sur l'autogestion au sein de cellules autonomes. qui, dans An Essay conceming human understanding (IV, VIII),
Après la guerre, le freudo-marxisme n'aura connu nomme trifling propositions les propositions qui a) expriment
qu'une postérité sporadique. On en retrouve certains des une identité (« ce qui est âme est une âme ») ; b) affirment
thèmes principaux — la désaliénation sociale et sexuelle d'un terme une propriété contenue dans son idée (« le
l'une pour l'autre — chez Marcuse (Eros et civilisation, plomb est un métal »). De telles propositions n'apportent
1955, Parid, Ed. de Minuit, 1967) et dans le mouvement aucune connaissance. En soutenant cela, Locke défend
antipsychiatrique anglais (Cooper) et italien (Basaglia). En l'idée que connaître, c'est prédiquer d'un sujet une pro-
1964, L. Althusser publie dans La Nouvelle Critique un arti- priété qui n'y est pas contenue (ce que Kant nommera
cle intitulé « Freud et Lacan », ouvrant la voie d'une redé- jugement synthétique). Ce thème pose problème aux
couverte de la psychanalyse par le marxisme (mais à la auteurs qui soutiennent que toute proposition vraie est
même époque le débat sur la psychologie politzérienne analytique, comme Leibniz et Condillac. Le premier sou-
tournait court au sein du PCF). Dans les années 70 enfin, tient que les « significations des termes, c'est-à-dire les défi-
autour de L'Anti-Œdipe de G. Deleuze et F. Guattari, l'idée nitions, jointes aux axiomes identiques, expriment les prin-
ressurgissait d'une psychanalyse matérialiste au service du cipes de toutes les démonstrations ». Il réduit par là toute
peuple. Les questions de W. Reich dépassent en fait lar- vérité à une vérité logique. Le second résout le paradoxe
gement les problématiques freudienne et marxiste. Elles en soutenant que 1) les propositions de type (b), peuvent
utilisent plutôt les résultats de ces deux doctrines pour se réduire à celles de type (a) ; 2) si elles ne contiennent
reformuler des problèmes plus anciens. Nous avons signalé aucune nouveauté intrinsèque, elles apportent une connais-
la résurgence du thème de la servitude volontaire de La sance à ceux qui ne savent pas quelle idée est contenue
Boétie. Nous poumons également remarquer, aussi para- dans quelle autre. En quelque sorte connaître consiste à
doxal que cela puisse paraître, que l'idée que la révolution connaître qu'une proposition frivole est une proposition fri-
doit aussi libérer le désir et les moeurs se trouve dans le vole. Cela suppose que nos idées ne soient pas claires et
« Français, encore un effort si vous voulez être républi- distinctes dès que nous les obtenons de la perception des
cains » de Sade (La Philosophie dans le boudoir). Il serait d'ail- choses, mais qu'elles doivent être analysées. (S. Auroux.j
leurs intéressant, et même instructif, de lire Reich et Sade —» Analytique, Tautologie.
l'un en regard de l'autre. Tous les deux soutiennent l'uto-
pie d'une société organisée par et pour le plaisir. Sade
pousse le culte du désir jusqu'à la contradiction, tandis que FRUSTRATION [psycha.]
chez Reich le désir finit par disparaître en tant que tel. subs. fém.
Sade attend d'une révolution politique véritable la possi-
Traduction française de l'allemand Versogimg, terme proposé par
bilité de vivre librement ses passions, et surtout, précise- Freud pour rendre compte des conditions internes et externes de
t-il, ses passions les plus tyranniques. Suit alors la descrip- non-satisfaction d'une pulsion. Son extension à d'autres domai-
tion effarante d'une société où, par exemple, le vol est non nes de la psychologie doit nous faire distinguer différentes formes
seulement permis mais encouragé, etc. Le freudo- de frustration, en fonction de leur origine. Elle peut se référer à
marxisme compte pour sa part que, libérés du joug de la la non-satisfaction d'un besoin. C'est dans cette perspective que la
psychologie expérimentale s'est appliquée aux expériences d'obs-
morale traditionnelle, les désirs seront purgés de toute truction (privation de satisfaction), de conflit (Nuttin) ou au non-
agressivité. De fait, La Révolution sexuelle est très loin de prô- accomplissement d'une tâche (Lewin). Elle peut se référer à la non-
ner l'anarchisme sexuel, la libération sans frein de tous les satisfaction d'une demande. On s'intéresse alors à ses effets en termes
désirs. Reich réfute les thèses freudiennes de la pulsion de de régression ou d'agressivité. La référence psychanalytique
mort et du masochisme primaire : loin d'être des pulsions s'applique aux effets sur le fonctionnement mental de la non-
originelles, la destruction et le masochisme ne sont que satisfaction d'un désir. Freud a opposé la privation externe (névrose
actuelle) à celle due au conflit intrapsychique (névrose de trans-
l'expression musculaire secondaire de la frustration. Et fert). Appliqué à d'autres formations psychopathologiques
Reich finit par écrire que même les puissances érectives et (psychose - perversion - psychopathie), le concept de frustration
'ENTALE - 1036 '037 - PHILOSOPHIE OCCIDENTALE FULGURATION

-end parfois à devenir un principe explicatif très général puisqu'elle n'est mesurée à nulle aune qu'à celle du sujet.
rôle des carences infantiles). Une vue trop attachée aux Tant que la carence effective (Entbehrung), ou la misère
:onditions externes a inspiré une dénonciation de la société matérielle, se supporte par la nostalgie (Sehnsucht), la frus-
:omme agent répressif de la pulsion (Reich - Marcuse). tration ne saurait prendre de signification psychique — ce
Une démarche opposée a mis l'accent sur les conditions qui traduit la remarquable plasticité des motions pulsion-
internes de non-satisfaction (compulsion de répétition, ins- nelles (sublimation). Celle-ci a pourtant sa limite, celle du
rinct de mort, agressivité), voire sur l'existence d'un man- « degré de libido non satisfaite que les hommes peuvent
que radical lié à la subjectivation du désir (Lacan). en moyenne assumer » (ibid., p. 358). S'il est vrai que
D. Widlôcher.) l'entrée dans la névrose s'appuie sur les séries complémen-
taires (Ergânzungsreihen) (p. 360), cela s'inscrit du côté de
Là où le terme français « frustration » suggère un état la frustration par la prise en compte de l'articulation entre
de privation d'une satisfaction d'un certain ordre, le terme les déterminantes exogène et endogène. Il ne suffit donc pas
allemand Versagung permet de penser une forme de « dé- que l'objet manque in re, il convient que la revendication
dire » (ver-sagen), c'est-à-dire de refus de satisfaction. Cela des pulsions s'insurge contre cette privation. Le terme
indique que le sujet frustré a une part active d'un certain Einspruch traduit une sorte de droit à la parole qui va
senre à cette privation. Si donc la frustration est toujours embrayer le refus (Versagung) qui en est le contrecoup. En
manque d'un objet — qui en ce sens, suppose-t-on, aurait bref : « à la frustration externe (àu&ere Versagung) doit
dû ne pas manquer —, elle est aussi instauration d'un rap- s'ajouter, pour que celle-ci devienne effectivement patho-
port à l'objet qui trouve son sens dans le sujet lui-même. gène, la frustration interne (innere Versagung) » (op. cit.,
H faut supposer que le sujet se frustre de l'objet et prend p. 363). Sans cette clause psychique, la carence resterait
part à la déréliction affective, hors de lui, que la frustra- lettre morte. C'est par une dynamique du conflit que la
non comporte. Mais, plus exactement, le terme Versagung frustration prend donc sa signification.
dénote un événement anonyme en ce sens qu'elle rend tout On comprend pourquoi l'exemple suprêmement para-
d'abord indiscernable ce qui vient respectivement du sujet doxal des sujets qui « échouent devant le succès » et entrent
et de l'objet : ce qui vient au premier plan est en quelque dans la maladie au moment même où se réalise la satis-
sorte la carence qui s'inscrit par une disjonction du sujet faction réelle longtemps espérée (« Quelques types de
et de l'objet de la satisfaction. Si la frustration est à la fois caractères issus du travail psychanalytique », GW, X,
état (de manque), attitude (de refus) et carence (brute), il p. 354 sq.) est précieux pour illustrer la désintrication de
convient de ne pas la définir d'emblée par son contraire : la satisfaction réelle et de la frustration interne : c'est en
elle ne serait alors que la privation effective de satisfaction effet par cela même que la satisfaction trouve sa réalisa-
réelle. C'est en ce sens que la théorie du comportement a tion, que la frustration interne se trouve mise à nu. Il n'en
entendu la frustration et en a fait une pierre de touche de reste pas moins que le terme de Versagung — par son équi-
son explication. Freud, rencontrant le problème dans le vocité féconde, en quelque sorte — permet de rendre
cadre de la formation du symptôme, aborde la frustration compte de l'une et l'autre formes d'entrave de la satisfac-
à partir de la question majeure de l'entrée dans la mala- tion libidinale. Toute la dialectique du fantasme peut être
die (Erkrankung). Il est clair que celle-ci est en effet liée à déchiffrée comme l'élaboration d'un rapport à l'objet qui
une expérience de frustration atteignant un seuil critique ; intègre la frustration comme un moment paradoxalement
mais cette carence ne devient pathogène qu'en devenant nécessaire de la satisfaction. La psychanalyse est bien à la
< sensible » au sujet à un moment donné de son histoire fois ce qui montre les effets ravageants de la frustration
— ce qui donne lieu à un vécu d'insatisfaction (Unbefredi- psychique et ce qui montre le rôle constitutif de l'« inas-
gung) et de déception (Enttâutschung) au sens le plus fort où souvi » (unerfûllt) dans la satisfaction même. (P.-L. Assoun).
l'objet vient à manquer pour un sujet. C'est en suivant les • J. LACAN, « Fonction et champ de la parole et du langage en psycha-
conditions de subjectivation du manque que Freud en vient nalyse », in Ecrits, Paris, Seuil, 1966. — K. LEWIN, Psychologie dynamique,
Paris, PUF, 1972. — J . NUTTIN, « La motivation », in P. FRAISSE et J. PIA-
à restituer la dialectique dont l'état de frustration est la CET, Traité de Psychologie expérimentale, Paris, PUF, 1975, vol. V, 3e éd.
résultante.
—> Besoin, Conflit, Désir, Névrose, Phantasme, Pulsion.
C'est donc dans le cadre de l'exposé de son modèle de
développement psychosexuel que Freud en donne l'exposé
le plus explicite (« Point de vue de l'évolution et régres-
FULGURATION [philo, gêné.]
sion. Etiologie », XXIIe Leçon d'introduction à la psychanalyse) subs. fém.
et dans l'examen clinique des types d'entrée dans la maladie
— la problématique de la frustration faisant communiquer Phénomène météorologique : lueur non accompagnée de
étroitement ces deux plans : les hommes entrent dans la tonnerre. Métaphore par laquelle Leibniz exprime dans La
Monadologie sa conception de la création divine : « toutes
névrose quand la possibilité leur est ôtée de satisfaire leur
les monades créées ou dérivatives sont des productions et
libido », en sorte que le symptôme est fondamentalement
naissent pour ainsi dire par les fulgurations continuelles de
l'Ersatz de la « satisfaction frustrée » (versagte Befriedigung)
la divinité » (§ 47). Les métaphores traditionnelles sont,
(GW, XI, p. 357). C'est somme toute le fait le plus géné-
depuis Platon, la production artificielle et la génération bio-
ral de la clinique analytique puisque, « dans tous les cas logique (cf. Timée 28d), et, depuis Plotin, l'émanation
étudiés de névroses, le moment de frustration est attesta- physique (« le Premier principe (...) a pour ainsi dire
ble ». On le remarquera, la frustration est moins cause débordé », Enn. V. 4, § I). L'innovation de Leibniz peut
brute que moment inévitable du processus névrotique — s'expliquer par la volonté d'éviter ce dernier terme. Car
en sorte qu'on en saisit les effets bien mieux que la nature : s'il l'emploie, par exemple, dans De l'origine radicale des cho-
« La frustration est donc très rarement universelle (allsei- ses (1697), il le rejette, finalement, dans la Théodicée (1710)
tige) et absolue ; pour devenir pathogène, elle doit bien où il oppose « l'action libre » à « l'émanation nécessaire »
concerner cette modalité-ci de satisfaction à laquelle la (§ 355). (F. Brémondy.)
personne seule aspire et dont elle seule est capable ». La
frustration est donc au plus haut point « personnelle »,
FUNÈBRE PHILOSOPHIE OCCIDENTALE - 1038

FUNÈBRE (rites -s) [rel.l plupart des événements futurs (ceux du moins qui avaient
adj., exp can. lieu, selon sa cosmologie, dans le monde sublunaire)
Rites par lesquels l'homme essaye d'obtenir une pré- n'étaient pas déjà déterminés ; par conséquent les énon-
sence permanente du mort au sein de la communauté. cés s'y rapportant échappaient aux catégories du vrai et
Laver, préparer, ensevelir le défunt, le veiller, l'exposition du faux (principe de bivalence). A la place de ces catégo-
du cadavre, les pleureuses, sont autant d'interventions ou ries Aristote proposait celle du possible, modalité intermé-
d'incantations destinées à s'opposer à cet événement for- diaire entre le vrai et le faux, qui est ouverte à deux éven-
tuit qu'est la mort. Il peut y avoir aussi, dans d'autres pra- tualités contraires et qui obéit à sa propre logique. De nos
tiques telles que l'enterrement ou l'inhumation, l'immer- jours le premier problème est traité dans la théorie des
sion dans l'eau, l'incinération, le désir de purifier l'âme systèmes dynamiques et le second fait l'objet des applica-
du mort, peut-être de le rendre inoffensif ou, tout simple- tions du calcul des probabilités. (H. Barreau.)
ment, de libérer son esprit. D'autres fois, par contre, il • ARISTOTE, Péri hermeneias, chap. IX. — T. BOUGAS, « Même à l'autre.
s'agit de bien marquer la frontière entre le territoire des Pour une philosophie du futur », Revue de Métaphysique et de Morale, 1983,
morts et celui des êtres vivants. En un mot, de rendre le n° 1, p. 35-52. —J.P. BURGESS, « Decidability for Branching Time », Studio
Logica (Pol.), 1980, 39, n° 2-3, p. 203-218. — AJ. DALE, « Is thé Future
plus tangible possible la rupture entre ces deux mondes Unreasonable ? », Analysa (G-B), 1985, 45, n° 208, p. 179-183. — V.H.
afin de mieux défendre la communauté. Autour de ces DUDMAN, « Thinking About thé Future », Analysis (G-B), 1985, 45, n° 208,
aspects essentiels, se greffent quelques autres pratiques ou p. 183-186. — I. EKELAND, Le Calcul, l'Imprévu, Paris, Seuil, 1984. — A.
cérémonies liées, en général, à l'expression publique de la GARCIA SUAREZ, « Fatalismo, trivalencia y verdad : un anâlisis del problema
douleur, comme le port du deuil, ainsi que les croyances de los futures contingentes, Anuario fïlosofico de la Universidad de
Navarra » (Esp.), 1983, 16, n° 1, spéc. I, Simposio de Historia de Logica
sur le retour des morts et les interventions à caractère plus (14-15 mayo de 1981), p. 307-329. — P.K. MC!NERNEY, « My Future,
ou moins magique, le plus souvent rituel, qui les accom- Right or Wrong, Philosophical Studie (E-u), 1983, 44, n° 2, p. 235-245. — P.
pagnent. (A. Urrutia.) OMRSTROM, « Problems Regarding thé Future Operator in an Indetermi-
nistic Tense Logic», Danish Year-Book of Philosophy (Dan.), 1981, 18,
• M. EUADE, The myth of eternal retum, New York, 1954. — CJ. JUNG, p. 81-95. — A.N. PRIOR, Past, Présent and Future, Oxford, Clarendon Press,
Afjislrrium anjunctimt, 2 vol. in CJlectcd. — A. VAN GENNEP, The rites of pas- 1967. — T.M. RUDAVSKY, « Divine Omniscience and Future Contingents
sage, Chicago, 1961. — A. WATTS, Myth and ritual in christianity, 1953. in Gersonides, Journal of History of Philosophy (E-U), 1983, 21, n° 4,
—> Mort, Résurrection, Retour (éternel —). p. 513-536. — L. SKLAR, « Up and Down, Left and Right, Past and
Future », Nous (E-u), 1981, 15, n° 2, p. 111-129. — F. SONTAG, The Prin-
ciple of thé Future, Sophia (Austr.), 1984, 23, n° 1, p. 11-15. — R.
TRUNDLE, De Interpretatione, IX : The Problem of Future Truth or of Infi-
FUNÉRAIRE (art -) [esth.l nité Past Truth ?, Modem Schoolman (E-u), 1981, 59, n° 1, p. 49-55. —
adj., exp. can. P. WEIRICH, « A Bias of Rationality », Australian Journal of Philosophy
(Austr.), 1981, 59, n° 1, spéc. Rationality, p. 31-37.
L'art funéraire d'une part se relie aux rites funèbres
mais aussi se préoccupe de perpétuer le souvenir des Futur (—s contingents) [log.]
défunts : tumulus, dolme stupas, pyramides, mastabas,
hypogées, tholos, sarcophages, lanternes des morts, qoub- L'expression « futurs contingents » désigne les futurs relatifs à des
bas, enfeux, plates-tombes, sépulcres, statues allégoriques événements dont la survenue n'est pas nécessaire. La simple énon-
ciation de ce concept montre d'emblée la combinaison d'un élé-
évoquant une personnalité isolée, columbariums ou ossuai- ment modal et d'un élément temporel. La grande difficulté des pro-
res collectifs, autant de créations aux formes différentes en blèmes liés aux futurs contingents provient dans une large mesure
lesquels chaque civilisation a laissé sa marque et dont de la difficulté intrinsèque et connexe à démêler ces deux éléments.
l'étude des modifications morphologiques constitue une Ces problèmes sont très souvent liés dans la littérature philosophi-
approche esthétique mais aussi philosophique des grands que aux questions concernant la prédestination, le libre arbitre et
courants de la pensée humaine. (A. Urrutia.) l'omnisciente providence divine, ainsi qu'à celle relative à la pos-
sibilité d'une connaissance humaine temporellement anticipative
• J.-D. URBAIN, La société de conservation (sémiologie des cimetières d'Occident), (cf. Flew, 1967). Il sera question ici surtout du problème logique
Paris, Payot, 1980. — H. ZIMMER, The king and thé corpse, New York, 1948. et ontologique, au détriment des développements théologiques.
Cf. aussi catalogue de l'Exposition Symbolisme Cosmique et Monuments religieux, Toute la « querelle des futurs contingents » est contenue en germe
Paris, Musée Guimet, 1953 (bibl.) dans Aristote, De l'interprétation, IX. Le texte du Stagirite est en
—> Mort, Résurrection, Souvenir, Témoignage. — III : DUMÉZIL, ELIADE, partie une réponse au philosophe mégarique Diôdore Cronos
JUNG, KERENYI. auquel nous devons le premier exposé clair de la difficulté connue
sous le nom d'« argument "Dominateur" ». La difficulté provient
dans cet argument de l'incompatibilité des trois propositions sui-
vantes : a) Toute vérité au sujet du passé est nécessaire, b) Du
FUTUR [philo, gêné.] possible ne suit pas l'impossible, c) Est possible ce qui n'est pas
subs. masc.
vrai ni ne sera (formulation d'Epictète, Entretiens, II, 19, reprise
En grammaire, le terme désigne le « temps » qui se rapporte à notamment par M. Boudot, 1983, p. 271).
l'avenir. Plus généralement est futur ce qui arrivera dans l'ave- La difficulté propre aux futurs contingents provient de
nir quand on se place à un certain moment présent (voir Présent].
propositions singulières (i.e. renfermant des termes singu-
Deux problèmes philosophiques se posent à l'égard de liers) au futur : si toute proposition est vraie ou fausse
ce qui est futur : est-il déjà prévisible ? est-il déjà vrai ? (principe de bivalence ou tiers exclu), alors une proposi-
Sur le premier, la réflexion conduit à distinguer le futur tion future singulière est vraie ou fausse, indépendamment
prévisible du futur imprévisible, qu'on appelle « contin- de la survenue (future) de l'événement qu'elle désigne.
gent » d'après la tradition. Le futur prévisible est conçu Comment alors échapper au déterminisme, qui est incom-
comme obéissant aux lois de la nature ou de la société. Le patible en particulier avec la « contingence de la volonté »
futur imprévisible y échappe. Selon le déterminisme phi- (Ockham) ? On peut, comme Aristote, dénier que la pro-
losophique cependant, tout futur est déterminé et ne peut position future singulière soit vraie ou fausse, ou, comme
manquer de se produire ; même si c'est le cas, cela Lukiasewicz, attribuer une valeur intermédiaire entre le
n'implique pas qu'il soit scientifiquement prévisible. Le vrai et le faux à un tel type de proposition, mais au prix
deuxième problème est lié au premier : si tout futur est dans les deux cas de renoncer au principe de bivalence.
déjà déterminé, alors toute proposition qui s'y rapporte est Cependant on a pu montrer en paraphrasant les trois pro-
déjà vraie ou fausse. Pour Aristote, par exemple, la positions de Diôdore dans une logique temporelle qu'elles
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du moins qui avaient sont en fait toutes les trois compatibles. La reconstruction manifestations volontairement scandaleuses, par des expositions
: monde sublunaire) de l'argument « Dominateur » doit donc passer par une organisées dans toutes les villes d'Europe, par des tournées de théâ-
conséquent les énon- restitution de prémisses additionnelles. Cette reconstruc- tre, par des récitals de poésie, le futurisme devait en quelques
catégories du vrai et années se faire connaître de toute l'Italie et d'une grande partie
tion a été plusieurs fois tentée ("par exem le ar
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sont en fait toutes les trois compatibles. La reconstruction manifestations volontairement scandaleuses, par des expositions
de l'argument « Dominateur » doit donc passer par une organisées dans toutes les villes d'Europe, par des tournées de théâ-
restitution de prémisses additionnelles. Cette reconstruc- tre, par des récitals de poésie, le futurisme devait en quelques
tion a été plusieurs fois tentée (par exemple par Zeller, années se faire connaître de toute l'Italie et d'une grande partie
de l'Europe.
Hintikka, Prior, Boudot, Vuillemin...); elle pose des pro-
blèmes cruciaux de méthodologie en histoire de la logique : L'esthétique futuriste se dégage des quelque deux cents
comment reconstruire dans un langage formel moderne des manifestes qui jalonnent l'histoire du mouvement et des
arguments anciens ? Quel type de temps (linéaire, circu- nombreuses œuvres révolutionnaires réalisées dans tous les
laire...) suppose l'argument « Dominateur » ? J. Vuillemin arts. L'esthétique de la vie moderne y tient une place
a montré que l'on peut classer les différents systèmes phi- importante. L'esthétique de la machine s'ancre dans une
losophiques en prenant comme pierre de touche leur solu- utopie politique. La machine est conçue comme modèle de
tion de l'argument « Dominateur ». Prior (1967) a distin- l'œuvre : ses qualités d'ordre, de discipline, de méthode,
gué deux logiques temporelles du futur, l'une ockhamiste, de précision, de rydime, de vitesse, d'objectivité sont admi-
l'autre peircienne (il s'agit de paradigmes qui ne visent pas rées sans aucune restriction. Mais, d'une manière plus pro-
à l'exactitude historique) : selon la première Fp signifie « il fonde, ce qui fait la substance de l'esthétique futuriste, c'est
est le cas qu'il sera le cas que p », selon la seconde « il sera la volonté d'« atteindre l'essence de la matière » en renon-
le cas qu'il est le cas que p ». Le choix ockhamiste est soli- çant définitivement à la psychologie de l'homme. Toutes
daire d'une symétrie entre propositions au passé et au pré- les innovations poétiques dans Les mots en liberté : emploi
sent d'une part et propositions au futur d'autre part du seul mode infinitif, abolition de la syntaxe, de la ponc-
(cf. Summa Logica III, chap. 30). Pour ceux qui sympathi- tuation, style analogique, n'ont pour but que de révéler
sent avec cette symétrie la différence entre le futur et le pré- « la matière et sa vie intense ». Dans les arts plastiques,
sent et le passé n'est pas ontologique mais épistémique. le dynamisme est inventé pour capter les propriétés de la
Des logiques temporelles ockhamistes ont préservé cette matière : le mouvement, l'énergie, la force, la continuité.
symétrie à la différence près que le temps pour le futur est La finalité de l'acte créateur n'est donc plus celle de l'art
pour l'art mais celle de l'art révélateur de la vie de la
ramifié, alors qu'il est linéaire pour le passé et le présent.
matière. L'art a même pour but d'aider au devenir du
Notons enfin que ce problème a été reposé avec beaucoup
d'acuité dans des travaux de parapsychologie concernant monde. L'idée de création se confond donc avec celle
d'accroissement. Dans l'effort fait pour révéler la matière,
des cas empiriquement indubitables de prédiction vérifiée
le créateur futuriste se sert de ses états d'âme où entrent
(notamment chez Broad). (F. Nef.)
enjeu ses sensations, ses émotions, sa mémoire, son ima-
• ARISTOTE, De l'Interprétation, Paris, Tricot. — L. BAUDRY, La Querelle des gination, et qui sont liés entre eux comme le sont » les
futurs contingents (1460-1475), Paris, 1950. — M. BOUDOT, « L'argument
dominateur et le temps cyclique », Les Etudes philosophiques, 1983, n° 3,
continuités fuyantes de la matière » (Severini). C'est sur-
p. 271-298. — C.D. BROAD, Lectures on Psychical Research, Londres, 1963. — tout par l'imagination libérée de toute entrave rationnelle
J. CHEVALIER, La notion du nécessaire chez Aristote et ses prédécesseurs, particuliè- que pourra être rendue visible la nouvelle réalité occultée
rement chez Platon, Paris, 1915. — DUNS SCOT, Opus Oxonienses, in Opéra par des siècles de culture académique. Le but est donc de
Omnia, VI, Rome, 1963, I, 38-41 ; Opus Pariense, ibid., I, 38-41. — A. FLEW, provoquer chez le spectateur (ou le lecteur, ou l'auditeur)
" Precognition », in Encyclopedia of Philosophy, 1967, t. V. — R. GALE, The
Philosophy of Time. A Collection oj Essays (textes de Dummett, Mayo, Rescher,
une sensibilité renouvelée. Aussi, les futuristes italiens
Bradley), Humanities Press, 1968. — J. HINTIKKA, Time and Necessity, substituent-ils à la notion de contemplation celle de par-
Oxford, Glarendon Press, 1973. — J . LUKIASEWICZ, « On Determinism », ticipation (« Nous mettrons le spectateur au centre du
in Polish Logic 1920-1939, Stors McCall éd., Oxford, 1969. — OCKHAM, tableau » écrivent les signataires du Manifeste technique de la
Tractatus de praedestinati&ne et de praescientia Dei et de futuris contingentibus, St.
Bonaventure, New York, P. Boehner, 1945, trad. angl par M. Adams &
peinture futuriste en 1910). Le public est amené à donner
X. Kretzmann, Prédestination, God's Foreknowkdge and Future Contingents, New libre cours à sa créativité.
York, 1969, Summa Logica, Boehner. — A. PRIOR, Time and Modality, Le rayonnement du futurisme italien a été tel qu'à sa
Oxford, 1957 ; Past, Future and Présent, Oxford, 1967. — P.-M. SCHUHL, Le suite se sont créés à l'étranger de nombreux autres mou-
Dominateur et les Possibles, Paris, 1960. — THOMAS D'AQUIN, Quaestiones dis-
vements futuristes : en Russie, en Pologne, au Portugal,
putatae de verilate, V-VI ; Summa Contra Gentiles, 1. I, chap. 67 ; Somme théolo-
gique, Partie I, O_. 14, 22, 23, 82, 83, Partie II Q. 6-21, 109-114. — J. VUIL-
au Brésil, en Argentine et même au Japon. Tous ces mou-
LEMIN, Nécessité ou Contingence. L'aporie de Diodore et les systèmes philosophiques, vements ont repris, surtout dans le domaine poétique, les
Paris, 1984. thèmes et les procédés futuristes qu'ils ont souvent imités
—> Déterminisme, Modalité, Raison (principe de — suffisante), Temps, d'une manière superficielle. Ainsi les procédés des Mots en
Tiers (principe du — exclu). — III : ARISTOTE, DUMMETT, HINTIKKA, liberté ont-ils été utilisés sans grande invention (sauf en ce
OCKHAM. qui concerne le futurisme russe). (N. Blumenkranz.)
• Catalogue de l'Exposition II Futurùmo, Venise, 1986 (avec une très impor-
tante bibliographie).
FUTURIBLE [philo, gêné.]
subs. masc. —* Avant-garde, Dynamisme, Modernité, Participation. — III ; BOCCIONI,
LARIONOV, MARINETTI.
Terme utilisé dans la philosophie scolastique. Futur
contingent subordonné à une condition actuellement indé-
terminée, qui peut éventuellement être libre. (Ed.) FUTURITION [philo, gêné.]
subs. fe'm.
Le terme s'est dit, au XVII' et au XVIII« siècles, pour
FUTURISME [esth.] désigner la qualité future d'une chose. Il ne s'emploie plus
subs. rnasc. guère dans ce sens. A sa place, mais uniquement quand
Le futurisme italien « mouvement artistique politique » (Marinetti) il s'agit d'une personne, on dit, en pensant à son destin
a été créé par F.T. Marinetti à Milan en 1909. Son manifeste « de qu'on présume brillant ou non, qu'elle aura, ou non, « un
fondation » paraît dans Le Figaro, à Paris, le 20 février 1909. Mari- avenir ». (H. Barreau.)
netti voulait créer un mouvement essentiellement poétique mais
son audience fut telle que bientôt des peintres, des musiciens, lui
proposent de créer un mouvement qui engloberait tous les arts.
Par la publication de nombreux manifestes théoriques, par des FUTUROLOGIE Prospective

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