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Limoges
Accueil » Histoire et fabrication de…
Dans toute l’Europe se développe la volonté de produire une porcelaine qui «pourra rivaliser
avec celle des Indes orientales»
C’est à Meissen, en Saxe (actuelle Allemagne) que Johann Friedrich Böttger, un alchimiste,
perce le secret de la porcelaine en 1710.
En 1751, la manufacture Paul Hantons fabrique une porcelaine dure à Strasbourg.
Découvert dès 1768 sur les communes de Saint-Yrieix-la-Perche, puis celles de Marcognac,
Saint-Paul-la-Roche, La Jonchère-Saint-Maurice… la présence du kaolin ouvre enfin la
possibilité au royaume de France de fabriquer sa propre porcelaine.
Des essais sont menés à Sèvres et à Limoges. Sèvres produit une porcelaine dure en 1765, et
Limoges parvient à produire une porcelaine dure en 1771.
La toute première manufacture de porcelaine de Limoges est en fait une «Fayancerie Royalle»
fondée à Limoges en 1736 par Massié. C’est dans cet établissement travaillant la faïence
grâce à un agrément royal que l’on commença les essais de fabrication et de cuisson de la
porcelaine de Limoges à partir de 1770.
Fabrique du Comte d’Artois (1773), La Seynie (1774), Manufacture Royale (1784), Monnerie
(1795), Alluaud (1797), Tharaud (1817), La Fabrique de Saint-Brice (1825), Coussac-
Bonneval (1825), Pouyat (1832), etc.
L’essor des manufactures s’est fait en vendant de la porcelaine dans toute la France, en
particulier des services de table complets pour des mariages ; et aussi par l’export à l’étranger,
en particulier vers les Etats-Unis.
Année 1837 1875 1913
Fabriques 24 20 30
Fours 40 85 114
Ouvriers 4550 8450 8200
Chiffre d’affaire en
x 4 750 000 11 800 000
Francs
Tonneaux remplis de pièces en porcelaine à destination des USA, Manufacture Haviland &
Cie, carte postale.
D’abord acheteur de blanc, Charles Haviland assurait le décor avant d’expédier le plus gros de
sa production aux USA, pour lesquels ses décors étaient conçus et où il bénéficiait d’un
excellent réseau de distribution. Pour faire face à son formidable succès, il forma de
nombreux décorateurs et se mit à produire lui-même sa porcelaine blanche.
Photo Tasse Bambou,1879, photo. Haviland & Cie
Plusieurs carrières de kaolin sont ouvertes en Haute-Vienne, ainsi que des séchoirs à kaolin et
des moulins assurant le traitement des matières premières et la préparation des pâtes.
Il y avait 16 moulins en activité en 1837.
«L’Usine du château» à Aixe-sur-Vienne, très ancien moulin à pâte, est toujours en activité
sous le nom KPCL (Kaolin et Pâtes Céramiques du Limousin), groupe Imerys.
Photo Carrières
de kaolin de Marcognac, carte postale.
Photo Carrières
de kaolin de La Jonchère, carte postale.
Photo Cour
d’un Moulin à Kaolin, vers 1890, photo. Hyppolyte Blancard, Coll. BnF
Le bois était coupé par des bucherons en Creuse (département voisin) ou dans l’Est de la
Haute-Vienne, à plusieurs dizaines de kilomètres, avant de transiter sur plusieurs cours d’eau
affluents de la Vienne pour rejoindre Limoges où le bois était arrêté par un ramier. Les
bucherons et les flotteurs de bois ont constitué une corporation puissante car leur activité était
déterminante pour l’industrie de la porcelaine.
Des années 1950 à nos jours, les manufactures font appel aux designers : Raymond Loewy,
Roger Tallon, Marc Held, Martin Szekely, Olivier Gagnère, Hervé Van Der Straeten, Andrée
Putman, Jean-Charles de Castelbajac, Sylvain Dubuisson, Andrea Branzi, etc.
À partir des années 1980, les habitudes de consommation ont changé et l’industrie a connu un
net recul de ses ventes. De nombreuses entreprises ont du être restructurées ou ont disparu.
Aujourd’hui, les industriels sont condamnés à se réinventer en diversifiant leurs activités sur
le luxe, le bijou, les objets décoratifs, les partenariats avec des designers, tout en continuant la
production des services de table traditionnels.
Les principaux acteurs du marché aujourd’hui
Esprit Porcelaine Créateurs à Limoges est un collectif de designers céramistes qui imagine les
objets d’aujourd’hui et de demain. Par le brassage de différents horizons artistiques:
designers, artisans d’art, concepteurs de formes, artistes… l’association présente une
dynamique de création en perpétuel renouvellement.
Vivier d’artistes, laboratoire d’idées, les créateurs d’Esprit Porcelaine –à travers des
particularités personnelles qui vont toujours dans le sens de l’innovation –oeuvrent dans un
souci constant de renouvellement de l’image qu’ils veulent développer de la porcelaine de
Limoges.
Ancré dans son territoire, Esprit Porcelaine coopère étroitement avec des entreprises locales
pour la fabrication et l’édition de ses modèles.
Photo Oeuvres
d’Esprit Porcelaine, photo. Matthieu Bussereau.
Photo Les
membres d’Esprit Porcelaine devant le Musée National Adrien Dubouché, en 2013, photo.
Julie Celma.
Photo Les créateurs d’Art Feu Entreprise, futur Esprit Porcelaine, au Musée National Adrien
Dubouché, en 1984, photo. Jean-Louis Schmitt.
La fabrication – Le plâtre
Le plâtre constitue le matériau principal pour la création de formes. Il est utilisé aussi bien
pour les modèles que pour les moules, les possibilités de dosage du plâtre lui conférant une
grande polyvalence.
Pour la réalisation de modèles, on peut tailler, graver et sculpter le plâtre, mais aussi le traîner
et le tourner à l’aide de calibres, de gabarits et de tournasins.
Le plâtre, par sa porosité, est idéalement adapté à la réalisation de moules pour la porcelaine :
le moule en plâtre donne la forme en même temps qu’il absorbe l’humidité ; il peut servir à
prendre des empreintes sur des modèles sculptés, ou d’après «nature».
En principe, et en raison du caractère déterminant de ces ateliers, chaque manufacture possède
son atelier de moulage où l’on travaille le plâtre. C’est un atelier séparé des autres afin
d’éviter que le plâtre ne contamine la pâte de porcelaine. C’est aussi l’atelier dans lequel
s’exprime le caractère créatif de chaque manufacture.
Dans cet atelier travaillent des modeleurs, qui créent les formes : modèles et moules
échantillon.
Puisque les moules ne peuvent servir que 30 à 50 fois, il faut les renouveler régulièrement.
C’est pour cette raison que l’on fabrique des matrices permettant de dupliquer et de
renouveler les moules.
Après le modeleur intervient l’établisseur. Il fait le premier moule et les matrices à partir des
modèles ou des moules échantillons. Les matrices sont réalisées en plâtre, en résine ou en
silicone.
Ensuite, le couleur de moule fabrique les moules en série à partir des matrices.
Le travail des modeleurs et des établisseurs est essentiel dans toute fabrique, et comme ce
savoir-faire est spécifique, il ne peut-être réalisé que par des employés spécialisés.
Détail d’un
moule industriel, photo. Matthieu Bussereau
Réserve de
moules et de matrices, Porcelaines de la Fabrique. Au plafond, lustre Stellactite flocons de
neige réalisé en porcelaine. Création de Marie-Evelyne Savorgnan. Photo. Matthieu
Bussereau
La fabrication – La pâte
La porcelaine n’est pas une «terre» existant à l’état naturel, mais une «pâte» conçue par
l’homme à partir de trois roches principales :
le kaolin, le quartz et la pegmatite orthose.
La composition globale est de :
50% de kaolin
25 % de feldspath
25% de quartz
Dans les barbotines, on ajoute une petite quantité de défloculant (carbonate de sodium, silicate
de sodium) qui permet à la pâte d’être fluide avec le minimum d’eau, et qui lui évite de figer.
Le kaolin est une argile primaire très réfractaire. Il se transforme en cristaux de mullite
baignant dans une masse vitreuse de quartz fondu lors de la cuisson à haute température.
Il entre pour 50% dans la composition de la pâte
La pegmatite orthose est une roche potassique ayant pour effet d’abaisser le point de
vitrification de la pâte.
Elle contient du feldspath et du quartz et entre pour 40% dans la composition de la pâte.
Le Quartz entre pour 10% dans la composition de la pâte.
Très réfractaire, il devient vitreux vers 1380°C, grâce au feldspath qui sert de fondant.
Photo Cuillère
gravée Cuill’air, de Anne Merlet, posée sur un lit de kaolin. Photo. Matthieu Bussereau
Photophore
Goutte bleue, de Jean-Louis Puivif, posée sur un bloc de pegmatite. Photo. Matthieu
Bussereau Tasse
expresso XL, de Matthieu Bussereau pour les porcelaines R. Haviland & C. Parlon, posée sur
un bloc de quartz. Photo. Matthieu Bussereau
Photo : Pâte
plastique, photo Porcelaines de la Fabrique.
Photo :
Barbotine (pâte liquide), photo Porcelaines de la Fabrique.
Les caractéristiques d’un objet en porcelaine ont été clairement définies par un décret, le seul
encore en vigueur
«Il est interdit, sous réserve des dispositions de l’article 3, de dénommer « porcelaine », avec
ou sans qualificatif, et de désigner par une dénomination contenant ce mot, ou des dérivés ou
imitations de ce mot, des produits qui ne seraient pas constitués d’un mélange de matières
kaoliniques, argileuses, fondantes (notamment feldspathiques), siliceuses et dégraissantes mis
en forme avant cuisson par façonnage « en poudre », « en pâte » ou en « barbotine ».
Le corps de cuisson, émaillé ou non, doit être constitué de deux sortes de cristaux, mullite et
quartz, et d’un verre feldspathique. La masse doit être soit blanche, soit colorée par adjonction
de colorants minéraux.
Dans le cas de porcelaine émaillée une glaçure est superposée au corps de cuisson, et d’une
nature distincte de celui-ci.
Le produit obtenu doit répondre aux caractéristiques suivantes :
Densité apparente supérieure à 2,20 ;
Porosité de la matière non émaillée ou désémaillée inférieure à 0,50 p. 100 ;
Translucidité sous une épaisseur comprise entre 3 et 4 mm.»
Le calibrage de formes sur bosses s’est développé avec la machine Faure (1869), et plus tard,
sont apparu les machines «roller» qui produisent les pièces en série pratiquement sans
intervention humaine :
en creux (tasses, gobelets) en bosse (soucoupes, assiettes, etc.)
Les techniques de façonnage – le pressage
Ces éléments sont collés sur pâte crue encore humide à l’aide de barbotine.
Lorsque la pâte est sèche mais encore crue, on procède à l’ébavurage des coutures à l’aide de
fines lames et d’éponges humides, et au ponçage à l’aide abrasifs…
La cuisson – le dégourdi
L’émaillage
Les formes reçoivent une ultime finition : le pied des pièces est poli.
Les pièces sont alors scrupuleusement contrôlées : déformation, fente, défauts d’émaillage les
écartent de la production.
Les pièce sont classées selon leur qualité. Les pièces de la meilleure qualité constituent le
«premier choix», les pièces de qualité intermédiaire constituent le «second choix» ou le
«déclassé», et enfin, les plus mauvaises sont détruites.
Ensuite sont apparues des techniques permettant de produire des décors en série : la
chromolithographie. C’est un procédé d’imprimerie qui fonctionne comme une décalcomanie
faite à partir de couleurs céramique. Les plus grandes manufactures peuvent avoir leur
imprimerie intégrée.
Le décor – l’incrustation et le brunissage
La décoration par incrustation consiste à graver un décor directement dans l’émail en utilisant
de l’acide fluorhydrique, après avoir préalablement protégé les parties en réserve grâce à du
bitume de Judée.
Le plus souvent, ce décor en relief est rehaussé avec des métaux précieux : or ou platine.
L’or et le platine sont polis à la pierre d’agate et au sable de Nemours afin d’obtenir une
meilleure brillance. Cette étape s’appelle le brunissage.
Photo L’étape de brunissage du décor incrusté se fait à la pierre d’agate, photo. Manufacture
R. Haviland & C. Parlon.
A l’origine, la cuisson du décor se faisait dans des petits fours à bois ou à charbon, jusqu’à la
deuxième guerre mondiale environ.
Les premiers essais ont eu lieu dans les années 1940, et le développement de ces fours s’est
fait dès les années 1950, en même temps que l’augmentation du nombre d’ateliers de décor.
Ils sont très utilisés aujourd’hui.
Les fours électriques ont constitué un progrès pour les cuissons de décor, permettant deux
cuissons par jour en four intermittent ou la cuisson en continu avec l’apparition des fours
tunnels, mais ils demeurent inadaptés à la cuisson de grand feu du «blanc».
Photo Arbre à feuilles, création Jean-Louis Puivif, photo. Matthieu Bussereau.