Vous êtes sur la page 1sur 66

Histoire et fabrication de la porcelaine de

Limoges
Accueil » Histoire et fabrication de…

Gobelet, création de Catherine Hervé, photo. Matthieu Bussereau

Naissance de l’attrait pour la matière porcelaine

Depuis le début de l’ère chrétienne jusqu’au


XVIIe siècle, des objets chinois exotiques, recherchés, rares et chers, sont acheminés en
Europe par voie terrestre (route de la soie) ou par voie maritime ouverte par Marco Polo.
Alors que la fascination pour la porcelaine se développe dans toute l’Europe, un Jésuite, le
Père François-Xavier d’Entrecolles, né à Limoges le 25 février 1665 et mort à Pékin le 2
juillet 1742, rapporte par un récit détaillé la fabrication de la porcelaine en Chine, en 1712 et
en 1722. Ce récit décrit de nombreuses étapes de fabrication de la pâte, des formes, du décor,
des fours… mais il ne permet pas de percer complètement le secret de la porcelaine.

Dans toute l’Europe se développe la volonté de produire une porcelaine qui «pourra rivaliser
avec celle des Indes orientales»
C’est à Meissen, en Saxe (actuelle Allemagne) que Johann Friedrich Böttger, un alchimiste,
perce le secret de la porcelaine en 1710.
En 1751, la manufacture Paul Hantons fabrique une porcelaine dure à Strasbourg.

La recherche du minerai et la mise au point de la pâte

Nous savons aujourd’hui que les gisements de kaolin se forment au dépens de la


décomposition des roches primaires granitiques (roches acides), que l’on trouve dans
plusieurs régions de France : Limousin, Auvergne, Bretagne, Drôme…

Découvert dès 1768 sur les communes de Saint-Yrieix-la-Perche, puis celles de Marcognac,
Saint-Paul-la-Roche, La Jonchère-Saint-Maurice… la présence du kaolin ouvre enfin la
possibilité au royaume de France de fabriquer sa propre porcelaine.

Des essais sont menés à Sèvres et à Limoges. Sèvres produit une porcelaine dure en 1765, et
Limoges parvient à produire une porcelaine dure en 1771.
La toute première manufacture de porcelaine de Limoges est en fait une «Fayancerie Royalle»
fondée à Limoges en 1736 par Massié. C’est dans cet établissement travaillant la faïence
grâce à un agrément royal que l’on commença les essais de fabrication et de cuisson de la
porcelaine de Limoges à partir de 1770.

Le développement des fabriques de porcelaine se fit à partir de 1773 :

Fabrique du Comte d’Artois (1773), La Seynie (1774), Manufacture Royale (1784), Monnerie
(1795), Alluaud (1797), Tharaud (1817), La Fabrique de Saint-Brice (1825), Coussac-
Bonneval (1825), Pouyat (1832), etc.

Les fabriques naissent et meurent, s’achètent, se vendent, se modernisent, déménagent… mais


certaines d’entre elles sont toujours en activité aujourd’hui.

Les premières manufactures et leur fort développement au cours du XIXe


siècle

L’essor des manufactures s’est fait en vendant de la porcelaine dans toute la France, en
particulier des services de table complets pour des mariages ; et aussi par l’export à l’étranger,
en particulier vers les Etats-Unis.
Année 1837 1875 1913
Fabriques 24 20 30
Fours 40 85 114
Ouvriers 4550 8450 8200
Chiffre d’affaire en
x 4 750 000 11 800 000
Francs

L’exemple de la manufacture Haviland

Tonneaux remplis de pièces en porcelaine à destination des USA, Manufacture Haviland &
Cie, carte postale.

Année Nombre de colis livrés


1842 753
1843 909
1844 1847
1845 1630
1846 2087
1847 2650

D’abord acheteur de blanc, Charles Haviland assurait le décor avant d’expédier le plus gros de
sa production aux USA, pour lesquels ses décors étaient conçus et où il bénéficiait d’un
excellent réseau de distribution. Pour faire face à son formidable succès, il forma de
nombreux décorateurs et se mit à produire lui-même sa porcelaine blanche.
Photo Tasse Bambou,1879, photo. Haviland & Cie

Au XIXe siècle se construit un tissu industriel propice à l’activité des


manufactures

Plusieurs carrières de kaolin sont ouvertes en Haute-Vienne, ainsi que des séchoirs à kaolin et
des moulins assurant le traitement des matières premières et la préparation des pâtes.
Il y avait 16 moulins en activité en 1837.
«L’Usine du château» à Aixe-sur-Vienne, très ancien moulin à pâte, est toujours en activité
sous le nom KPCL (Kaolin et Pâtes Céramiques du Limousin), groupe Imerys.
Photo Carrières
de kaolin de Marcognac, carte postale.
Photo Carrières
de kaolin de La Jonchère, carte postale.
Photo Cour
d’un Moulin à Kaolin, vers 1890, photo. Hyppolyte Blancard, Coll. BnF

Le bois nécessaire aux cuissons

Le bois était coupé par des bucherons en Creuse (département voisin) ou dans l’Est de la
Haute-Vienne, à plusieurs dizaines de kilomètres, avant de transiter sur plusieurs cours d’eau
affluents de la Vienne pour rejoindre Limoges où le bois était arrêté par un ramier. Les
bucherons et les flotteurs de bois ont constitué une corporation puissante car leur activité était
déterminante pour l’industrie de la porcelaine.

Volume de bois flotté sur la


Année
Vienne
1789 10 000 stères
1814 23 000 stères
1855 107 000 stères
1865 45 000 stères

En 1881, le flottage du bois s’arrêta au profit du transport ferroviaire.En 1897, le ramier de


Limoges fut démoli.
L’activité industrielle aux XIXe et XXe siècles

L’industrie de la porcelaine a connu des ralentissements dans son développement durant la


guerre de 1870, puis lors des deux Guerres Mondiales.
La production a baissé en 1914-1918 pour des raisons d’effort de guerre et par manque de
main d’oeuvre, les hommes étant partis au front.
En 1939-1945, la production a encore plus fortement baissé pour des raisons de restrictions
liées à l’effort de guerre puis à l’occupation : plus assez de matières premières, restrictions sur
le charbon et sur le bois…
Mais après chaque période difficile, les industriels de Limoges ont rapidement renoué avec la
croissance et les bénéfices.

L’activité industrielle après 1950

Des années 1950 à nos jours, les manufactures font appel aux designers : Raymond Loewy,
Roger Tallon, Marc Held, Martin Szekely, Olivier Gagnère, Hervé Van Der Straeten, Andrée
Putman, Jean-Charles de Castelbajac, Sylvain Dubuisson, Andrea Branzi, etc.
À partir des années 1980, les habitudes de consommation ont changé et l’industrie a connu un
net recul de ses ventes. De nombreuses entreprises ont du être restructurées ou ont disparu.
Aujourd’hui, les industriels sont condamnés à se réinventer en diversifiant leurs activités sur
le luxe, le bijou, les objets décoratifs, les partenariats avec des designers, tout en continuant la
production des services de table traditionnels.
Les principaux acteurs du marché aujourd’hui

 Environ 20 entreprises à l’heure actuelle


 1100 emplois directs dans les entreprises de porcelaine de Limoges
 300 emplois induits
 Environ 120 Millions d’Euros de Chiffre d’Affaire annuel
 70% de la production part à l’exportation, dont la majorité aux USA
 Les manufactures les plus illustres sont : Bernardaud, Haviland, Raynaud, Royal
Limoges, R. Haviland & C. Parlon, J. Seignolles, Arquié, Carpenet, Pergay, Médard
de Noblat, Jean-Louis Coquet, Sylvie Coquet…

L’action d’Esprit Porcelaine depuis 30 ans, regroupant des artistes confirmés


et une jeune génération.

Esprit Porcelaine Créateurs à Limoges est un collectif de designers céramistes qui imagine les
objets d’aujourd’hui et de demain. Par le brassage de différents horizons artistiques:
designers, artisans d’art, concepteurs de formes, artistes… l’association présente une
dynamique de création en perpétuel renouvellement.
Vivier d’artistes, laboratoire d’idées, les créateurs d’Esprit Porcelaine –à travers des
particularités personnelles qui vont toujours dans le sens de l’innovation –oeuvrent dans un
souci constant de renouvellement de l’image qu’ils veulent développer de la porcelaine de
Limoges.
Ancré dans son territoire, Esprit Porcelaine coopère étroitement avec des entreprises locales
pour la fabrication et l’édition de ses modèles.
Photo Oeuvres
d’Esprit Porcelaine, photo. Matthieu Bussereau.
Photo Les
membres d’Esprit Porcelaine devant le Musée National Adrien Dubouché, en 2013, photo.
Julie Celma.
Photo Les créateurs d’Art Feu Entreprise, futur Esprit Porcelaine, au Musée National Adrien
Dubouché, en 1984, photo. Jean-Louis Schmitt.

La formation des céramistes et porcelainiers de demain à Limoges

Lycée des arts et métiers «Le Mas Jambost»


– Brevet de Métier d’Art céramique artisanale
– Certificat d’Aptitude Professionnelle de décor sur céramique

Association de la Formation Professionnelle de l’Industrie


– Brevet de Technicien Supérieur en céramique industrielle

Ecole Nationale Supérieure d’Art


– Diplômes nationaux supérieurs d’art et de design
– Post-diplôme en céramique contemporaine

Ecole Nationale Supérieure de Céramique Industrielle


– Ingénieurs en céramique industrielle

Un IGP (Indication Géographique Protégée) pour la porcelaine de Limoges

Un projet d’IGP (Indication Géographique Protégée) vise à labeliser et contrôler la


provenance des produits estampillés «Porcelaine de Limoges -France» afin d’éviter les
contrefaçons et la fraude, et préserver le tissu industriel local. Ce label exige que le produit
soit entièrement manufacturé dans le département de la Haute-Vienne : fabrication de la
forme et du décor.

La fabrication – Le plâtre

Le plâtre constitue le matériau principal pour la création de formes. Il est utilisé aussi bien
pour les modèles que pour les moules, les possibilités de dosage du plâtre lui conférant une
grande polyvalence.
Pour la réalisation de modèles, on peut tailler, graver et sculpter le plâtre, mais aussi le traîner
et le tourner à l’aide de calibres, de gabarits et de tournasins.
Le plâtre, par sa porosité, est idéalement adapté à la réalisation de moules pour la porcelaine :
le moule en plâtre donne la forme en même temps qu’il absorbe l’humidité ; il peut servir à
prendre des empreintes sur des modèles sculptés, ou d’après «nature».
En principe, et en raison du caractère déterminant de ces ateliers, chaque manufacture possède
son atelier de moulage où l’on travaille le plâtre. C’est un atelier séparé des autres afin
d’éviter que le plâtre ne contamine la pâte de porcelaine. C’est aussi l’atelier dans lequel
s’exprime le caractère créatif de chaque manufacture.
Dans cet atelier travaillent des modeleurs, qui créent les formes : modèles et moules
échantillon.
Puisque les moules ne peuvent servir que 30 à 50 fois, il faut les renouveler régulièrement.
C’est pour cette raison que l’on fabrique des matrices permettant de dupliquer et de
renouveler les moules.
Après le modeleur intervient l’établisseur. Il fait le premier moule et les matrices à partir des
modèles ou des moules échantillons. Les matrices sont réalisées en plâtre, en résine ou en
silicone.
Ensuite, le couleur de moule fabrique les moules en série à partir des matrices.
Le travail des modeleurs et des établisseurs est essentiel dans toute fabrique, et comme ce
savoir-faire est spécifique, il ne peut-être réalisé que par des employés spécialisés.
Détail d’un
moule industriel, photo. Matthieu Bussereau
Réserve de
moules et de matrices, Porcelaines de la Fabrique. Au plafond, lustre Stellactite flocons de
neige réalisé en porcelaine. Création de Marie-Evelyne Savorgnan. Photo. Matthieu
Bussereau

La fabrication – La pâte

La porcelaine n’est pas une «terre» existant à l’état naturel, mais une «pâte» conçue par
l’homme à partir de trois roches principales :
le kaolin, le quartz et la pegmatite orthose.
La composition globale est de :
50% de kaolin
25 % de feldspath
25% de quartz
Dans les barbotines, on ajoute une petite quantité de défloculant (carbonate de sodium, silicate
de sodium) qui permet à la pâte d’être fluide avec le minimum d’eau, et qui lui évite de figer.

Le kaolin est une argile primaire très réfractaire. Il se transforme en cristaux de mullite
baignant dans une masse vitreuse de quartz fondu lors de la cuisson à haute température.
Il entre pour 50% dans la composition de la pâte

La pegmatite orthose est une roche potassique ayant pour effet d’abaisser le point de
vitrification de la pâte.
Elle contient du feldspath et du quartz et entre pour 40% dans la composition de la pâte.
Le Quartz entre pour 10% dans la composition de la pâte.
Très réfractaire, il devient vitreux vers 1380°C, grâce au feldspath qui sert de fondant.

Photo Cuillère
gravée Cuill’air, de Anne Merlet, posée sur un lit de kaolin. Photo. Matthieu Bussereau
Photophore
Goutte bleue, de Jean-Louis Puivif, posée sur un bloc de pegmatite. Photo. Matthieu
Bussereau Tasse
expresso XL, de Matthieu Bussereau pour les porcelaines R. Haviland & C. Parlon, posée sur
un bloc de quartz. Photo. Matthieu Bussereau

Les différentes formes de la pâte


Photo : Pâte
atomisée (en poudre), photo Porcelaines de la Fabrique.

Photo : Pâte
plastique, photo Porcelaines de la Fabrique.
Photo :
Barbotine (pâte liquide), photo Porcelaines de la Fabrique.

Les particularités de la porcelaine

La porcelaine se caractérise par un fort retrait (12 à 14%).


Le retrait est lié à deux paramètres :
– le départ de l’eau lors du séchage de la pâte, lors du changement de l’état physique des
silicates du kaolin.
– la vitrification et à la cristallisation du kaolin sous forme de cristaux de mullite.

La pâte a tendance à se déformer et à s’affaisser à la cuisson. Elle possède aussi un effet


«mémoire» qui l’amène à se déformer ou à se fendre à la cuisson si les manipulations de la
pâte lors de la fabrication n’ont pas été suffisamment précautionneuses.
La pâte est vitrifiée et translucide, sa porosité est inférieure à 0,5%. La pâte est non friable et
non gélive.
Des pâtes blanches, extra-blanches, ivoire et céladon on été développées au cours du
temps. Aujourd’hui, la production est dominée par la pâte «extra-blanche».
A gauche, un vase Obus décoré et cuit, à droite un vase juste dégourdi.

Les caractéristiques d’un objet en porcelaine ont été clairement définies par un décret, le seul
encore en vigueur

Décret n°78-141 du 8 février 1978 portant application, en ce qui concerne le commerce de la


porcelaine, de la loi du 1er août 1905 modifiée sur la répression des fraudes

«Il est interdit, sous réserve des dispositions de l’article 3, de dénommer « porcelaine », avec
ou sans qualificatif, et de désigner par une dénomination contenant ce mot, ou des dérivés ou
imitations de ce mot, des produits qui ne seraient pas constitués d’un mélange de matières
kaoliniques, argileuses, fondantes (notamment feldspathiques), siliceuses et dégraissantes mis
en forme avant cuisson par façonnage « en poudre », « en pâte » ou en « barbotine ».

Le corps de cuisson, émaillé ou non, doit être constitué de deux sortes de cristaux, mullite et
quartz, et d’un verre feldspathique. La masse doit être soit blanche, soit colorée par adjonction
de colorants minéraux.
Dans le cas de porcelaine émaillée une glaçure est superposée au corps de cuisson, et d’une
nature distincte de celui-ci.
Le produit obtenu doit répondre aux caractéristiques suivantes :
Densité apparente supérieure à 2,20 ;
Porosité de la matière non émaillée ou désémaillée inférieure à 0,50 p. 100 ;
Translucidité sous une épaisseur comprise entre 3 et 4 mm.»

La finesse et la translucidité de la matière

Les techniques de façonnage – le coulage

Aucune technique de façonnage purement manuel ne s’est véritablement développée à


Limoges.
Aux prémices, une pâte plastique était appliquée par estampage sur des demi-coques en plâtre,
puis ces empreintes étaient collées avec une barbotine.
Plus tard, l’utilisation de barbotine de coulage dans des moules démontables ont permis de
diminuer le nombre de pièces défectueuses : coulage de revide ; moule entre deux plâtres. Ces
techniques sont toujours employées de nos jours.
Il existe également des techniques de coulage sous pression : la pâte est envoyée sous pression
dans des moules, ce qui accélère l’absorbtion de l’eau par le moule et permet ainsi de produire
des pièces «entre deux plâtres» plus rapidement. La manipulation des pièces peut-être
automatisée.
Les techniques de façonnage – le calibrage

Le calibrage de formes sur bosses s’est développé avec la machine Faure (1869), et plus tard,
sont apparu les machines «roller» qui produisent les pièces en série pratiquement sans
intervention humaine :
en creux (tasses, gobelets) en bosse (soucoupes, assiettes, etc.)
Les techniques de façonnage – le pressage

Le pressage se fait à sec, à partir de pâte


atomisée (en poudre) ne contenant que 5% d’humidité.

Les moules sont en métal ou en matière de synthèse (polyuréthane).

Les techniques de façonnage – le garnissage et la finition


On réalise des pièces rapportées par coulage :
anses, boutons, poignées…

Ces éléments sont collés sur pâte crue encore humide à l’aide de barbotine.

Lorsque la pâte est sèche mais encore crue, on procède à l’ébavurage des coutures à l’aide de
fines lames et d’éponges humides, et au ponçage à l’aide abrasifs…

La cuisson – le dégourdi

La cuisson de dégourdi consiste en une pré-cuisson de la pâte à une


température inférieure à celle de la cuisson définitive, entre 800 et 1000 °C.

Elle provoque l’évacuation complète de l’eau de constitution de l’argile, fixe définitivement


une part du retrait de la pâte, la rend manipulable et facilite l’étape d’émaillage car la pâte
reste poreuse.

La pâte prend alors une coloration rosée.

L’émaillage

La pièce dégourdie est prête à recevoir la couverte transparente caractéristique de la


porcelaine avant la cuisson de grand feu. L’émail est une couverte vitreuse principalement
composée de quartz et de feldspath, avec une petite proportion de kaolin.
On procède soit par trempage (manuel ou automatisé), soit par aspersion ou pulvérisation.
Enfin, la pièce est désémaillée aux zones de contact avec le matériel d’enfournement (plaques
et gazettes réfractaires) afin de ne pas rester collée par l’émail devenu vitreux durant la
cuisson.
Le décor – le grand feu

Bien que minoritaire, le décor de grand feu est pratiqué à Limoges.


La pose du décor de grand feu se fait sur une pièce dégourdie.
On applique un mélange d’oxydes métalliques sur les pièces dégourdies à l’aide d’un pinceau,
ou en procédant par aspersion ou par trempage.
La couleur de grand feu la plus courante est le «Bleu de four» obtenu avec de l’oxyde de
cobalt, mais d’autres couleurs sont possibles à partir d’autres oxydes métalliques.

La cuisson – le grand feu

Les pièces sont cuites à 1400°Celsius sous atmosphère réductrice.


Les assiettes sont placées dans des gazettes réfractaires de façon à pouvoir les empiler.
Les autres formes sont posées sur des plaques en céramique réfractaire.
Les fours sont à combustible pour les cuissons de haute température :
À l’origine, les fours utilisaient le bois, puis on employa le charbon (premiers essais en 1785 à
Lille, utilisation industrielle à Limoges à partir de 1845).
Enfin, on employa le gaz (premiers essais en 1845, mais il ne fût définitivement adopté par les
industriels qu’à la fin des années 1950). Ce combustible est toujours en usage aujourd’hui.
L’utilisation d’un four à combustible est indispensable pour le grand feu car lui seul permet de
maîtriser l’atmosphère de cuisson. Le four électrique, puisqu’il ne consomme pas l’oxygène,
ne cuira jamais parfaitement la porcelaine. C’est pour cette raison que les industriels
emploient toujours des fours à gaz pour la cuisson de grand feu.
Photo Un four à flamme renversée, alimenté au charbon, source : Le feu, les fours, la
porcelaine, de Jacques Coudamy, 1987.
Photo Un four à gaz de petite dimension : environ 1m3, Porcelaines Chastagner, photo.
Matthieu Bussereau.
Photo Un four à gaz de grand volume : environ 12 m3, photo. Porcelaines de la Fabrique.

Finitions et contrôle qualité

Les formes reçoivent une ultime finition : le pied des pièces est poli.
Les pièces sont alors scrupuleusement contrôlées : déformation, fente, défauts d’émaillage les
écartent de la production.
Les pièce sont classées selon leur qualité. Les pièces de la meilleure qualité constituent le
«premier choix», les pièces de qualité intermédiaire constituent le «second choix» ou le
«déclassé», et enfin, les plus mauvaises sont détruites.

Photo Polissage du pied d’une tasse, photo. Porcelaines de la Fabrique.

Le décor – le petit feu

La fabrication de la forme («le blanc») est séparée de celle du décor :


Les formations, les métiers, les corporations, les ateliers et même parfois les entreprises ne
sont pas les mêmes. Cette séparation existe depuis l’origine et se ressent toujours aujourd’hui.
La technique originelle est celle du décor posé à la main :
– fonds de couleur putoisé ou uni,
– motifs et figures réalisés au pinceau, à main levée ou à l’aide de poncifs,
– filets de couleur ou de métaux précieux réalisés au pinceau.

Ensuite sont apparues des techniques permettant de produire des décors en série : la
chromolithographie. C’est un procédé d’imprimerie qui fonctionne comme une décalcomanie
faite à partir de couleurs céramique. Les plus grandes manufactures peuvent avoir leur
imprimerie intégrée.
Le décor – l’incrustation et le brunissage

La décoration par incrustation consiste à graver un décor directement dans l’émail en utilisant
de l’acide fluorhydrique, après avoir préalablement protégé les parties en réserve grâce à du
bitume de Judée.
Le plus souvent, ce décor en relief est rehaussé avec des métaux précieux : or ou platine.
L’or et le platine sont polis à la pierre d’agate et au sable de Nemours afin d’obtenir une
meilleure brillance. Cette étape s’appelle le brunissage.
Photo L’étape de brunissage du décor incrusté se fait à la pierre d’agate, photo. Manufacture
R. Haviland & C. Parlon.

La cuisson – le petit feu

A l’origine, la cuisson du décor se faisait dans des petits fours à bois ou à charbon, jusqu’à la
deuxième guerre mondiale environ.

L’apparition du four électrique s’est fait quand


la métallurgie a pu développer des résistances électriques en alliages de chrome et de nickel
suffisamment résistants à la chaleur. Ce ne sont plus des fours à combustible, mais des fours à
rayonnement.

Les premiers essais ont eu lieu dans les années 1940, et le développement de ces fours s’est
fait dès les années 1950, en même temps que l’augmentation du nombre d’ateliers de décor.
Ils sont très utilisés aujourd’hui.

Les fours électriques ont constitué un progrès pour les cuissons de décor, permettant deux
cuissons par jour en four intermittent ou la cuisson en continu avec l’apparition des fours
tunnels, mais ils demeurent inadaptés à la cuisson de grand feu du «blanc».
Photo Arbre à feuilles, création Jean-Louis Puivif, photo. Matthieu Bussereau.

Vous aimerez peut-être aussi