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de la Banque de France
UN SIÈCLE
DE FABRICATION FIDUCIAIRE
(1796 - 1895)
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Je dédie cet ouvrage à Maëlys,
ma petite fille,
née pendant que j’en achevais la rédaction.
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REMERCIEMENTS
Et plus spécialement à mes amis qui m’ont aidé, notamment Dominique Arnould, Maurice
Kolsky, Gilbert Jouillat, Hélène et Jacques de Numiscollection, ainsi que Stéphanie
Debuiche, pour leur très large participation à l’iconographie de ce cahier anecdotique.
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La Banque de France dès sa création a l’obligation, inscrite dans les
statuts primitifs, « d’émettre des billets au porteur et à vue ». Après
l’expérience désastreuse des assignats et alors que les finances
publiques sont en déconfiture, la Banque s’applique à répondre
aux aspirations les plus profondes des agents économiques ;
celles du pouvoir central mais aussi celles des grands négociants
et banquiers. Sans le billet, rien n’était possible.
L’imprimerie, composée d’un tout petit nombre d’hommes
de valeur et d’expérience prend peu à peu sa place dans notre
entreprise. Passant du portefeuille des notables à celui du simple
citoyen, le billet se démocratise et devient le symbole visible de la
Banque de France. Alain Dailly nous transporte à travers un siècle
de fabrication fiduciaire où les tâtonnements et les innovations
techniques sont l’embryon des procédés actuels. Cette étude,
basée sur des sources originales constitue sans aucun doute une
avancée dans la connaissance des techniques. Mais ce livre n’est
pas bâti uniquement sur le progrès, les machines, le matériel, il
valorise aussi les hommes qui ont œuvré pour que l’imprimerie
se construise sur des valeurs telles que savoir-faire et excellence.
Sérieux et anecdotes se côtoient dans un texte orné d’une riche
iconographie recueillie tant auprès de la Banque que dans des
collections particulières
Chaque chapitre, ancré dans l’histoire économique et sociale du
siècle, nous informe avec précision sur les décisions qui présidèrent
à l’émission de chaque nouvelle coupure. Le billet fait l’objet de
recherches pour instaurer un esthétisme envié par de nombreux
Instituts d’Émission étrangers, mais il incarne aussi la confiance
et l’auteur nous décrit avec talent les procédés utilisés pour lutter
contre les faussaires.
La spécificité de l’imprimerie de la Banque de France est mise en
avant et que l’on soit numismate ou non, l’intérêt de la lecture ne
se dément pas.
Ce numéro spécial des Cahiers constitue une somme vers laquelle
se tourneront désormais les collectionneurs, les historiens ou les
simples curieux.
Didier BRUNEEL
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BANQUE DE FRANCE
(1796 – 1895)
Elle ouvre des comptes courants moyennant des dépôts en monnaie métallique et
escompte des traites revêtues d’au moins trois signatures réputées. Lors de la séance du
conseil d’administration du 17 brumaire an V (7 novembre 1796), la décision d’émettre
des billets payables à vue est prise, instrument monétaire autrement plus facile à
manipuler par le monde des affaires que les valeurs métalliques lourdes et volumineuses.
Les premières coupures ont une valeur faciale de 1.000 et 500 francs, sommes énormes
pour l’époque ; en 1800, à la création de la Banque de France, un garçon de bureau ou
un veilleur gagnent annuellement 1.200 francs, un imprimeur reçoit un peu plus de
1.700 francs, le chef du service des Billets a un salaire de 3.000 francs et le directeur
général Garat perçoit 12.600 francs.
Après sa fusion avec la Caisse de Comptes Courants en 1800, la Banque de France conserve
les locaux, situés à l’hôtel de Massiac, possède pratiquement les mêmes actionnaires, une
partie de ses dirigeants, et reprend le personnel ainsi que le matériel de l’imprimerie
pour continuer la fabrication des billets de banque nécessaires à son activité. De même,
les artistes et son fournisseur de papier, la papeterie de Buges, utilisés jusqu’ici, sont
naturellement sollicités par la Banque pour continuer à la servir. En résumé, il s’agit plus
d’un changement de nom que de la création d’un nouvel établissement. D’où cette idée
iconoclaste de faire débuter l’activité du service de la Fabrication des billets en 1796.
Cette étude se termine en 1895, pas seulement par souci de comptabiliser cent ans, mais
aussi parce que cette année correspond à l’étude de la première vignette en quadrichromie,
la coupure de 1.000 francs dessinée par François Flameng. Ce splendide billet, qui ne
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sera pas émis, marque un tournant décisif dans l’histoire du papier-monnaie et fera entrer
le service de la Fabrication des billets dans la modernité du vingtième siècle.
Dans un souci de clarté, cette étude se présente par thèmes dans huit périodes
chronologiques représentant de grandes phases économiques et politiques de la France,
souvent à l’origine de l’évolution des techniques de fabrication ou de la propagation du
papier-monnaie.
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CHAPITRE I
(1796 à 1799)
Première société
– Activité
L’établissement a pour activité principale l’escompte des effets de commerce revêtus de
trois signatures réputées solides sur la base de 6 % par an. Il se charge des encaissements
et domiciliations de ses clients. Des dépôts en monnaie alimentent aussi des comptes
courants. En contrepartie, la Caisse de Comptes Courants peut émettre des billets de
banque. À sa création, cet organisme bancaire est composé de douze personnes :
Monneron, directeur général,
Joinville, caissier,
Maisonnier, directeur des livres,
Soret, directeur de l’escompte et des livres d’actions,
Brisebarre l’aîné, tenue du journal et du grand livre,
Brisebarre le jeune, tenue de la copie du journal et de la situation journalière,
Vermale, tenue des pièces de débit des comptes courants et de la situation journalière,
Devaines fils, tous les travaux relatifs à la fabrication des billets,
Joinville fils, employé à la caisse,
Maigrot, chargé de la remise à domicile des pièces de débit des comptes courants,
Dasse, concierge,
Humbert, garçon de bureau.
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BdF Service de l’Immobilier
– Commande de papier
Le 1er août 1796, une première commande de papier est négociée avec la papeterie
Morel à Glaignes près de Crépy. Dix rames, contenant chacune 500 feuilles filigranées
Caisse de Comptes Courants, sont livrées sous le contrôle du citoyen Eusèbe Devaines;
chaque feuille permet l’impression de 3 billets. Pour la commande suivante, en octobre,
c’est la manufacture de Buges, près de Montargis, qui est retenue. Dirigée par Pierre
Alexandre Léorier Delisle et son gendre François-Edmé Guillot, cette papeterie avait
fabriqué du papier pour l’impression des assignats. Cet acquis dans la fabrication de
papier de sécurité a certainement favorisé son acceptation.
– Personnel de l’imprimerie
Le 7 novembre 1796, une décision du conseil d’administration décide la fabrication de
billets payables à vue.
Nous ne savons pas si, lors de la création de l’imprimerie, le personnel a été choisi parmi
d’anciens imprimeurs du papier-monnaie révolutionnaire. Mais le savoir-faire existait
après toutes ces années de tourmente. D’ailleurs, à partir du 26 ventôse an V, la Caisse
rétribue, comme conseillers techniques, quatre anciens responsables de la fabrication des
assignats avec un salaire annuel de 3.000 francs1 :
- le citoyen Groizier, qui a été directeur des imprimeries à partir du 23 août 1794 ;
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- le citoyen Deperey, vérificateur en chef, qui était chargé de
centraliser toutes les dénonciations et de faire juger tous les
faussaires par les tribunaux révolutionnaires ;
- François-Edmé Guillot, qui fut directeur des artistes jusqu’au
4 mai 1795 ;
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être ajusté par rapprochement lors de son retour en caisse et donner ainsi la preuve de
son authenticité.
Il est arrêté que les billets sont divisés par série de mille billets. Les mots 2 nivôse an sont
imprimés, le mot cinq inscrit manuellement par Vermale. Les numéros sont inscrits par
Brisebarre le jeune, alors que le folio du registre de contrôle, ainsi que la répétition du
numéro des billets sont rapportés sur le verso par Devaines.
BdF Archives
BdF Archives
Le 1er janvier 1797, mille billets sur les 4.000 imprimés sont versés à la caisse de
l’établissement. De nouvelles émissions se succèdent et les besoins croissent régulièrement.
En 8 mois, la papeterie de Buges fabrique 35.231 feuilles. Trente-cinq mille billets de
500 francs sont alors imprimés, le reste étant fauté. Un alphabet complet, plus les lettres
A à E du deuxième, constituent la primo émission de ce nouvel établissement bancaire,
soit 29.000 billets.
Les billets de la Caisse sont rapidement la proie des contrefacteurs et le directeur envisage
de les substituer par une coupure de 1.000 francs qui présente un dessin plus difficile
à contrefaire. Les essais n’étant pas commencés, le délai pour sa mise en fabrication
est retardé. De plus, nous sommes en hiver et la longueur du jour ne permet pas aux
imprimeurs de travailler longtemps d’autant que la finesse du dessin exige des soins
minutieux pour son impression.
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Les dirigeants décident d’apposer sur les billets de 500 francs rentrés dans les caisses,
un timbre humide et un timbre sec. Ils trouvent deux exemplaires inédits de timbre
humide chez le citoyen Andrieu qui est d’accord pour leur en céder un. Ce poinçon
ovale représente la déesse du commerce. Une nouvelle vignette est néanmoins adoptée
le 2 messidor an VI afin de changer le billet attaqué par les contrefacteurs.
– Dissolution de la société
L’indélicatesse de son directeur général, Augustin Monneron, va mettre en péril cette
institution. Le 17 novembre 1798, il ne se présente pas à son bureau et les administrateurs
inquiets diligentent un comité chargé de vérifier les comptes. Il manque 2.500.000
francs dans la caisse, somme confirmée le jour même par un courrier de Monneron.
Dès la nouvelle connue, la foule afflue aux guichets afin de se faire rembourser ses
billets. L’affaire est minimisée par les autorités, soucieuses d’éviter un mouvement de
panique préjudiciable à la Caisse de Comptes Courants. Les comptes de la banque sont
publiés pour rassurer les clients, l’actif dépassant le passif de plus de deux millions ;
néanmoins, il y a pour 11.444.000 francs de billets en circulation (hors les billets volés)
et leur remboursement provoquerait une grave crise pour l’établissement financier.
La direction de l’établissement est alors confiée au citoyen Garat, ancien caissier de la
Trésorerie nationale. En s’engageant solidairement à assurer le remboursement des billets
présentés au guichet et, en augmentant l’encaisse métallique, les administrateurs évitent
la catastrophe. Soutenue par le pouvoir politique, la confiance revient progressivement.
Il faut néanmoins noter que l’absence de contrôle interne a favorisé ce délit et il faudra
plusieurs semaines aux administrateurs pour avoir un état complet des comptes.
Soucieuse de repartir sur de nouvelles bases, la société est dissoute le 10 nivôse an VII
(30 décembre 1798).
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BdF Archives
Inventaire de l’imprimerie le 23 germinal an VII
Nouvelle société
Tel le phénix, une nouvelle société est immédiatement constituée. Un poste de contrôleur
général et deux comités de surveillance (caisse et portefeuille) sont créés afin de mieux
surveiller toutes les opérations.
Le citoyen Decoussy supervise la fabrication du papier-monnaie, tandis que Devaines
occupe le poste de contrôleur général et Delafontaine celui de caissier général.
Pour symboliser ce grand changement, les deux coupures reçoivent des modifications
suffisamment significatives pour que l’on ne puisse pas les confondre avec celles de
l’ancienne société. C’est Charles Percier qui est retenu pour transformer la coupure
du 500 francs. Premier prix de Rome en architecture, ce dessinateur n’a pas encore
la notoriété qu’il connaîtra sous l’Empire avec son compère Pierre Fontaine. Pour la
gravure des poinçons, c’est aussi un artiste plein d’avenir qui est accepté en la personne
de Bertrand Andrieu, graveur en médailles.
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BdF Archives
Échange d’actions
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BdF Médaillier
Billet de 500 francs du deuxième type
BdF Archives
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BdF Médaillier
Billet de 1.000 francs du deuxième type
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CHAPITRE II
(1800 à 1815)
La Banque de France
Les débuts
– Mesures générales
Les billets sont signés par le directeur général, monsieur Garat, visés par deux régents,
contrôlés par le contrôleur général, monsieur Eusèbe Devaines1, et contresignés par le
caissier général, monsieur Delafontaine, pour l’entrée en caisse. Il ne peut être établi de
nouveaux billets ou fait des changements aux anciens, qu’en vertu de délibérations prises
par la régence, et approuvées par les censeurs, ou confirmées par l’assemblée générale.
La quotité des émissions et des annulations est aussi réglée par des délibérations prises
sous les mêmes auspices.
– Fabrication du papier
Pour la fabrication du papier, un préposé, choisi par le Conseil général, sur la proposition
du Comité central, se transporte à la papeterie de Buges où il reste à demeure pendant
toute la durée de la fabrication. Le préposé est muni de la forme qu’il délivre aux ouvriers
quotidiennement au début de la journée de travail ; il la reprend à chaque interruption.
De même, il assiste aux différents travaux, suit le papier fabriqué, lors du séchage, du
collage, du pressage et pendant toutes les préparations. Ce suivi est matérialisé dans un
journal.
Le bon papier fourni chaque jour est vérifié, compté et emballé sous le cachet du fabricant
et sous celui du préposé. Ces opérations sont constatées par un procès-verbal dressé
entre les deux parties.
À son retour, le préposé rapporte la forme et donne son journal au directeur général ;
il rend compte au Comité des caisses qui en fait rapport au Conseil général. Les ballots
1. Le 27 février 1801, Devaines réunira la place de secrétaire général et de contrôleur général avec un traitement
annuel de 9.000 francs. Le 23 mars 1802, il annonce que le gouvernement l’a appelé aux fonctions d’administrateur
de la Loterie. Il sera nommé préfet de la Meuse le 13 octobre 1814 pour quelques mois.
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transportés par les soins et sous la responsabilité du fabricant, sont ouverts en sa présence
et en celle du préposé, et le papier est remis, après vérification, au directeur général. Il
est dressé procès-verbal en présence du Comité des caisses et du contrôleur général.
Le papier et les formes à papier sont enfermés dans des armoires en attendant leur
utilisation.
– Mesures de sécurité
Tous les poinçons, gravures et autres ustensiles sont conservés dans des armoires doublées
de fer et fermées à trois clefs, dont une est remise à l’un des membres du Comité des
caisses, une autre au caissier général, et la troisième au contrôleur général.
Les billets confectionnés sont déposés dans une serre fermant avec quatre clefs pendant
la période, soit de la confection à la signature et de la signature à l’émission, soit du
retirement à l’annulation et de l’annulation au brûlement. Toutes les entrées et sorties
sont constatées par des procès-verbaux.
Lorsque le Conseil général détermine une émission de billets, le montant en est versé
dans une caisse contrôlée par trois clefs.
– Annulation
Lors des changements, tous les billets concernés sont retirés de la circulation, à mesure
des rentrées. Ils sont remis par le caissier général au directeur des billets, pour faire
exécuter l’annulation. Les billets sont frappés du mot annullé, déchargés sur le registre
d’ordre et brûlés.
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– Destruction des billets fautés ou annulés
Le brûlement des billets fautés ou annulés se fait en présence du Comité central, du
Comité des caisses et des censeurs. Cet autodafé est constaté dans le registre d’ordre des
billets tenu par le directeur. Les références des billets et le nom des régents signataires
figurent sur ce document.
– Matériel de l’imprimerie
L’imprimerie est constituée des matériels suivants :
- une presse à 2 coups en chêne, un marbre en pierre, platine, train et encrier en chêne,
banc, marchepied et pupitre en sapin ;
- une presse à 2 coups en chêne, un marbre en pierre, platine en fonte, train et encrier
en chêne, banc, marchepied et pupitre en sapin ;
- une presse à 2 coups en noyer, platine et marbre en acajou, platine, train et encrier en
noyer, marchepied et pupitre en chêne ;
- une presse à un coup en noyer, marbre et platine en acajou avec une planche en cuivre,
train et encrier en noyer, banc, marchepied et pupitre en sapin.
Parmi le matériel important nous trouvons aussi une presse à rogner et deux coupoirs
et timbres secs.
– Personnel
Les imprimeurs ne sont plus régulièrement utilisés et l’imprimerie ne comprend plus que
monsieur De Coussy, chef de fabrication, et les trois personnes suivantes :
- Auguste, sous-contrôleur ;
- Lefebvre, chef d’atelier ;
- Laborde, surveillant les contrefaçons.
– Premières émissions
En attendant l’émission de nouveaux types de billets, les transactions se font avec ceux
créés et signés par la Caisse de Comptes Courants dont les droits sont réunis à la Banque.
Les billets qui sont en réserve et ceux qui rentrent journellement ne peuvent être délivrés
que lorsqu’ils sont estampillés des mots payable à la Banque de France. Ces billets sont
remis par le caissier général au directeur des billets, qui les lui rend au fur et à mesure
qu’ils sont marqués.
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Par contre, la Banque retire définitivement les billets signés Monneron : en avril, il en
reste encore 83.000 coupures.
BdF Archives
Essai d’impression
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BdF Archives
Essai d’impression partielle
Reçu
Le personnel est alors employé et payé à la journée
quatre francs cinquante ; en juin 1802, la Banque
emploie 6 imprimeurs, en août 8.
1. De nos jours, ce terrain est situé derrière l’hôtel des ventes Drouot, dans le 9e arrondissement.
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les rues Pinon, de Provence, Pelletier et attenant au jardin de la Grange batelière pour la
somme de deux cent dix mille francs en frimaire an XII. Les plans des bâtiments dressés
à cette époque prévoyaient l’installation des locaux de l’imprimerie dans l’aile gauche du
siège de la Banque. Mais Napoléon s’oppose à sa construction car il projetait de réunir
à la Madeleine, la Banque de France, la Bourse, le Tribunal de Commerce et la Caisse
d’Amortissement. Enfin en mars 1808, l’Empereur autorise la vente par les Domaines de
l’hôtel de Toulouse, moyennant la coquette somme de deux millions de francs.
BdF Archives
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Les billets de Germinal
– Nouveaux billets
Suite à cette loi, le Conseil adopte les propositions du directeur des billets de changer
la forme des billets. Deux nouvelles vignettes sont créées ; celle de 1.000 francs est plus
grande que celle de 500 francs et le dessin des bordures est suffisamment différent pour
que l’on ne puisse pas les confondre. De plus, il est prévu que la vignette du 500 francs
soit arrondie à ses extrémités.
BdF Archives
Projet de billet
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Les bordures sont gravées en relief sur cuivre jaune. Le papier est blanc et d’une qualité
identique aux anciens billets de la Caisse de Comptes Courants. Il porte des filigranes
de couleur exprimant la somme en toutes lettres à gauche et en chiffres à droite de la
vignette. On y emploie les couleurs les moins connues dans ce type de fabrication.
Le Conseil admet la papeterie dirigée par Edme Guillot pour la fabrication du papier,
Charles Percier pour le dessin et Bertrand Andrieu pour la gravure.
– Fabrication du papier
Le Conseil décide de faire fabriquer pour cent millions de francs, c’est-à-dire 120.000
billets de 500 francs et 40.000 coupures de 1.000 francs. Mais la fabrication est contrariée
par les conditions climatiques et à la fin décembre seules 30.000 feuilles ont été produites
pour la plus grosse dénomination. La saison n’étant pas favorable, monsieur de Coincy
est rappelé à Paris et la fabrication ajournée au printemps. De plus, la Banque convient
que ce papier est produit à perte par le papetier et son intention étant de ne faire rien
perdre aux artistes qu’elle associe décide de payer 400 francs la rame (500 feuilles). Il est
vrai que la fabrication du nouveau papier a fait passer de 35 à 75 % les rebuts.
En juillet 1804, hormis les 30.000 billets de 1.000 francs de l’année dernière, la papeterie
a fabriqué 48.000 feuilles pour celui de 500 francs. La fabrication s’améliore et la
productivité avoisine les 300 feuilles de papier quotidiennement.
Le Comité estime que cette fabrication risque d’être insuffisante et décide de profiter des
bonnes conditions de travail pour augmenter la commande. Dix mille coupures de 1.000
francs et vingt mille de 500 francs sont ajoutées.
Au cours du mois d’octobre, la Banque décide de cesser la fabrication du papier pendant
tout l’hiver. Le fabricant, Edme Guillot, plaide pour continuer à travailler. Il certifie que
la mauvaise saison ne nuira pas à la qualité du papier et n’occasionnera pas de frais
supplémentaires. La Banque accepte à condition que son préposé comptabilise à part la
production des mois de frimaire, nivôse et pluviôse (21 octobre au 19 février). À l’issue
de ce trimestre, si les déchets excèdent les 65 % prévus dans le contrat, l’excédent restera
à la charge du papetier.
Le jour de la fête du saint patron des papetiers, ainsi que le premier de l’an, le commissaire
de la Banque à Buges est autorisé à donner une gratification de 4 louis aux ouvriers de
la fabrique à papier.
Au printemps la papeterie fabrique 247.744 feuilles pour les deux coupures, seulement
48.697 sont propres à l’impression, ce qui fait une moyenne de 80 % de déchet.
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– Adoption d’une encre de sécurité
Soucieuse de garantir son papier-monnaie contre les faussaires, la toute jeune banque
explore toutes les solutions pour le sécuriser. Le Comité des billets examine l’offre de
monsieur Cellier qui propose de fournir une encre à l’épreuve de l’action des acides
contrairement à celle utilisée par la Banque qui s’enlève sans altération du papier par
immersion ou contact avec ceux-ci. Les essais sont concluants ; certains acides détruisent
le papier mais n’altèrent pas l’impression. Seule une dissolution de potasse dans de
l’acide muriatique oxygéné décolore l’encre, sans l’effacer, tout en abîmant le papier. Ces
expériences sont confirmées par monsieur Vauquelin, professeur de chimie au Jardin des
plantes, qui atteste qu’il n’a pas trouvé de moyen de retirer l’encre proposée par monsieur
Cellier. Elle est blanchâtre au moment de son utilisation, puis noircit après quelques
jours. Convaincue, la Banque adopte cette encre déjà utilisée par le Trésor public.
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– Création du billet de 500 francs
Aussitôt qu’il a terminé la planche du billet de 1.000 francs, Bertrand Andrieu commence
la gravure de la coupure de 500 francs. Neuf mois plus tard, la gravure n’est toujours
pas finie. Le Comité des billets estime que le directeur des billets a inutilement fatigué cet
artiste de ses visites pour en obtenir expédition. Les premières épreuves donnent satisfaction
aux membres du Comité, malgré quelques imperfections à rectifier.
BdF Médaillier
Billet de 500 francs, type Germinal
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une maison située rue des Vieux Augustins. Monsieur Gebauer établit la liste du matériel
nécessaire, prévoyant de loger le personnel dans le faubourg proche du Palais de la
Banque. L’embauche d’ouvriers qualifiés ne devant pas présenter de grosses difficultés
tant le dépérissement des papeteries de Langlée et de Buges est prononcé. Trois hommes
et trois femmes suffiraient pour produire la quantité de papier utile pour les billets, ainsi
que toute la papeterie utilisée par les différents services. Il demande une avance de sept à
huit mille francs et offre de livrer le papier 10 % moins cher que les actuels fournisseurs
de la Banque. Mais en 1810, la question n’est toujours pas résolue, d’autant que le Comité
préférerait établir cette fabrique dans les locaux de la Banque afin de se dispenser de
recourir à un atelier éloigné. La Commission des bâtiments se renseigne sur la manière
de monter une pompe à feu nécessaire à la production de vapeur qui devrait se substituer
à la force hydraulique des papeteries traditionnelles. Mais les risques d’incendie étant
trop importants, un manège entraîné par deux chevaux est adopté. Messieurs Guillot et
Léorier Delisle donnent toutes les précisions utiles pour ce grand projet. Il est prévu de
détruire deux pavillons situés dans le fond du jardin pour construire les bâtiments de la
fabrique de papier. Devant les difficultés de tous ordres, la Banque ajourne ce projet et
met en concurrence plusieurs papeteries.
– Vol à l’imprimerie
En juin 1808, un employé de l’imprimerie
(sans indication de son nom) est arrêté à
son domicile en possession de dix billets
annulés qui manquaient à l’inventaire au
moment du brûlement. Le larcin s’est
déroulé dans le bureau du directeur
des billets et le gouverneur demande de
prendre rapidement des mesures pour
que cela ne se reproduise plus. Le Comité
des billets propose une vérification
complète de tout le papier blanc ainsi
que des vignettes aux différents stades
de leur fabrication.
Provisoirement, monsieur Dibarrart,
BdF Archives
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Quelques mois plus tard, le poste de directeur général adjoint étant supprimé, monsieur
Dibarrart est nommé archiviste tout en conservant la surveillance de l’imprimerie, et en
gardant son salaire de 18.000 francs.
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BdF Médaillier
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– Changement de papeterie
Le prix demandé par la papeterie de Buges (420 francs la rame) étant jugé élevé et les
cassés étant fort nombreux (71 %), la Banque de France décide en 1811 de soumis-
sionner la fourniture de son papier. Après avoir examiné divers échantillons, le Conseil
général de la Banque adopte ceux qui sont présentés par la manufacture du Marais et, le
19 septembre 1811, madame Delaitre signe un contrat pour la fourniture de 400 rames
de papier pour le billet de 1.000 F, ainsi que de 100 rames pour celui de 500 F, au prix
de 195 francs la rame. Le contrat stipule :
Art 2 : le papier destiné aux billets de la Banque de France sera fait avec des toiles neuves
écrues.
Art 3 : le papier sera collé de manière à être longtemps trempé pour recevoir l’impression
sans cependant rester exposé à boire et à perdre la finesse du grain.
Art 8 : le filigrane colorié sera toujours semblablement placé relativement aux filigranes
clairs, conformément aux modèles annexés à la présente.
Art 9 : les frais à faire pour la couleur du filigrane sont à la charge du soumissionnaire qui
s’interdit la faculté de communiquer le procédé ou d’en faire usage pour d’autre papier
quelconque que le billet de la Banque fabriqué par ses ordres à peine de dommages et
intérêts.
Art 10 : quels que soient les secrets pour la couleur et les procédés d’exécution employés
par le fabriquant pour le papier des billets de la Banque, il est convenu et expressément
accordé que ces secrets et ces procédés seront la propriété de la Banque...
Art 11 : l’atelier de cuve et toutes les préparations subséquentes du papier du billet
seront isolés et séparés de tous procédés de fabrication d’autre papier pendant les heures
de travail, nul n’entrera dans les ateliers destinés à cette fabrication que les personnes
absolument nécessaires au genre de travail qui leur sera confié.
Art 16 : la Banque fournira les formes et les plaques nécessaires pour chacune des cuves
qu’elle jugera convenable d’employer.
Les articles suivants expliquent les mesures de surveillance et de vérification qui seront
exercées par le commissaire de la Banque. Afin de mieux surveiller la fabrication, le
commissaire est logé par la papeterie. Responsable des formes et des plaques, il les
délivre à l’ouverture de la journée de travail et les range à chaque interruption. Il suit le
papier pendant toutes les étapes de sa fabrication et, lorsque le papier est terminé, il le
vérifie, le compte, l’emballe et l’expédie à la Banque. À son arrivée à Paris, le papier est
examiné en présence du préposé du fabricant et d’un inspecteur de l’octroi de Paris que
l’on appelle pour éviter que les caisses ne soient ouvertes aux barrières.
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– Protestation des anciens papetiers
En avril, le Comité des billets examine les oppositions judiciaires de messieurs Léorier
Delisle et Edme Guillot à ce qu’il ne soit fait remise à qui que ce soit, ni usage par qui que ce
soit, des formes et des couleurs qui ont servi à la fabrication du papier filigrané de 1804
à 1807. Ils estiment que la technique du filigrane colorié leur appartient ainsi que les
formes qui n’ont pas été payées par la Banque.
La Banque rétorque que la papeterie de Buges ne peut s’opposer à l’usage que la Banque
pourrait faire des couleurs et des formes dont elle est dépositaire. De plus son commissaire
chargé de surveiller la fabrication a puissamment concouru à la découverte du secret de
la couleur et au perfectionnement du procédé, dont les fabricants ont été payés, par les
prix qu’ils ont reçu de la Banque.
Les dirigeants de la manufacture de Buges objectent qu’ils ont déposé un brevet de
perfectionnement et qu’ils sont résolus à le faire valoir.
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Comme ce matériel restera la propriété de la papeterie, la Banque de France ne
participe que pour 1.200 francs. Cette première fabrication dure moins longtemps que
les précédentes car le Marais emploie le double d’employés. Afin de récompenser les
ouvriers et de stimuler leur application, la Banque de France leur donne 1.000 francs de
gratification à se partager. L’insuffisance de la production résulte de l’épuisement de la
couleur, car avec le temps humide, les ouvriers en ont brûlé malencontreusement trois à
quatre livres en voulant la faire sécher pour en rendre l’emploi plus facile. De plus, 5.700
billets de 1.000 F sont annulés car le filigrane est de couleur violette au lieu d’être rouge.
Cette altération aurait été produite par les séchages réitérés que leur emploi a nécessités.
La papeterie reconnaît sa responsabilité et accepte que sa facture soit réduite.
La Banque
en 1812
36
Le ministre répond qu’il ne voit « aucun motif de supposer qu’on puisse prétendre à lui
contester ce privilège » et assure qu’il interviendra afin de lui en assurer la jouissance. Le
bon sens l’importera et la Banque n’extériorisera pas l’impression des billets.
Personnel de l’imprimerie
– Mouvement de personnel
En 1809, monsieur Mercklein, que les infirmités tiennent depuis longtemps au lit, ne peut
plus œuvrer à l’imprimerie. Monsieur Dupeyra, est chargé de former un deuxième
mécanicien susceptible de l’aider. C’est le propre fils de monsieur Mercklein qui est
choisi. Il sera remplacé en 1812 par Bertrand Andrieu.
Jacques Deroy, imprimeur, graveur en taille-douce, sombre dans l’alcoolisme. Destitué
en 1809, il finit au dépôt de mendicité de Villers-Cotterêts. Athanase Postiau ne rend
presque aucun service à l’imprimerie. Il est depuis longtemps tombé en apathie qui paraît
ne lui permettre aucune idée fixe. La plupart du temps il s’assoupit ou s’absente quelques
heures après la prise de son service. Il aurait eu des accès de démence et tient des propos
incohérents. Son état mental oblige la Banque à le licencier en 1812 à l’âge de 54 ans.
37
Lors du départ de monsieur Gaschet, chef du
bureau des actions, comme caissier général de
la Poste, on nomme monsieur Dibarrart, archi-
viste, à ce poste. Pour le remplacer, on fait appel
à monsieur De Coincy, le chef de l’imprimerie et
des billets, qui a de graves problèmes de santé et
qui ne peut pas donner tous les soins assidus que
cette responsabilité exige. Pour ce travail moins
exigeant que la fabrication des billets il est assisté
de deux collaborateurs payés par la déduction de
2.000 francs faite à son salaire. Il est remplacé
BdF Archives
38
La Banque travaille régulièrement avec Bouvier, filigraniste réputé qui avait œuvré sur
les formes à papier des assignats. Elle emploie aussi Porlier, qui lui fournit des formes
pour les billets.
La fin de l’Empire
– Autodafé de 1814
Les revers militaires subis par l’armée française inquiètent le monde de la finance et
du commerce. Les demandes de remboursement des billets affluent aux guichets de la
Banque de France. Les billets sont automatiquement annulés lors de leur entrée en caisse.
En février, la Banque brûle tout son stock de billets non émis constituant sa réserve afin
qu’il ne tombe pas aux mains de l’ennemi :
39
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Faux billet dessiné à l’encre de chine
40
BdF Archives
Facture Normand – 21 juillet 1814
Ces deux artistes ayant déjà travaillé pour la Banque et leur prétention financière étant
semblable et pas excessive, sont agréés à condition de s’associer pour ce travail.
Dix mois plus tard, la planche pour la coupure du 1.000 francs n’est toujours pas
terminée. Le travail est extrêmement en retard, et Jaley demande encore 4 mois. Il précise
que le bois a été endommagé par des ouvriers maladroits et qu’il a été dans l’obligation
de tout recommencer. Les membres du Comité admettent que lors de leurs fréquentes
visites, ils l’ont toujours trouvé occupé à ce travail.
En décembre, on lui demande de terminer une cariatide afin de juger s’il est en état de se
tirer avec honneur de cette principale difficulté.
– Billet provisoire
En attendant la conception du nouveau billet, une
coupure provisoire d’un montant de 1.000 francs est
émise, imprimée sur le même papier que le billet de 1.000
BdF Archives
41
– Nouveau billet de 500 francs
En décembre de l’année 1815, il est demandé à Charles Normand des esquisses pour
la coupure du 500 francs. Celui-ci présente, quelques semaines après, 4 dessins, tous
trouvés bien composés et bien exécutés. Le projet n° 4 est préféré car le dessin, riche et élégant,
contient dans le centre de la partie inférieure, deux figures dont la pose extrêmement gracieuse
et dont les traits et l’ensemble opposent d’après l’expérience et l’opinion des artistes, les plus
grandes difficultés à la contrefaçon. Le Comité des billets négocie la gravure avec André
Galle, célèbre médailleur1.
Le Comité est édifié et de la modestie de ces artistes, et de la loyauté avec laquelle ils ont paru
disposés à traiter. André Gallé demande un délai d’un an et 24.000 francs. Les membres
du Comité lui font observer que les dernières prétentions de monsieur Andrieu étaient
de 18.000 francs. Le graveur accepte alors de se mettre à la discrétion du Conseil général.
42
CHAPITRE III
(1816 à 1834)
– Affaire Jaley
Tous les mois un rapport est soumis au Comité des billets sur l’avancement des travaux
de monsieur Jaley. On lui rappelle aussi qu’il doit livrer au plus tard la planche du billet
de 1.000 francs le 31 mars 1816. Il répond qu’il est prêt à faire tout ce qu’on exigerait de
lui, mais qu’on lui demande l’impossible. Il cherche à justifier son retard sans convaincre
les membres du Comité des billets. Ceux-ci estiment qu’il a entrepris un travail au-des-
sus de ses forces, obtenant un résultat médiocre. On compare quatre épreuves obtenues
successivement en novembre 1814, octobre 1815, novembre de la même année et le
21 février. Bien qu’une progression de la qualité soit perceptible, le résultat obtenu ne
peut soutenir la comparaison avec le dessin et il est impossible de corriger les défauts
pour amener la gravure au degré de perfection attendue. Cela fait maintenant 18 mois
que monsieur Jaley s’acharne sur cette gravure alors que le contrat lui en octroyait 4.
Monsieur Delessert appuie la proposition d’évincer Louis Jaley tout en proposant de lui
accorder une indemnité pour les efforts effectués. Celui-ci accepte le dédommagement
et rend les aciers et le dessin.
BdF Archives
– Billets de 1.000 et 500 francs
Monsieur Normand exécute en avril 1816 un nouveau
dessin pour la coupure de 1.000 francs qui est adopté par
le Comité. Le choix du graveur s’annonce délicat après la
déconvenue Jaley. Monsieur Normand propose de se charger
de la gravure moyennant 18.000 francs sous la condition
expresse de livrer la planche dans un an. Sollicité, monsieur
Andrieu, flatté de la confiance de la Banque, accepte le
marché. Il trouve le dessin très beau et pense que la gravure
particulièrement difficile offrira d’insurmontables difficultés
aux contrefacteurs.
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Neuf mois après, monsieur Andrieu livre son travail. Il
demande à la Banque un supplément d’indemnité de 2.000
francs arguant de sa célérité ainsi que le travail qu’il juge
supérieur à celui nécessaire à la gravure de la coupure de
500 francs et payé identiquement.
Malgré les reproches qu’on peut faire à Bertrand Andrieu pour n’avoir pas donné à
son travail toute la perfection dont on le croit capable, et à André Galle pour avoir
livré la gravure avec du retard, le gouverneur propose de leur donner 1.000 francs de
gratification. Les membres du Conseil après moult discussions estiment que Bertrand
Andrieu avait un dessin nettement plus chargé de détails à graver et qu’il avait fourni
dans les délais les planches gravées, tandis que André Galle avait compensé par un travail
de très grande qualité le retard de livraison. Le Conseil décide d’allouer 2.000 francs
de gratification aux deux artistes. Quant au titre de graveur de la Banque demandé par
monsieur Galle, la Banque arguant du refus fait à monsieur Malbeste en 1815, puis du
renoncement de monsieur Andrieu pour ce titre, ne l’accorde pas, d’autant qu’elle ne
veut pas créer une injustice envers les deux autres prétendants.
La date de création de la nouvelle coupure de 1.000 francs est fixée au 17 avril 1817.
Cette vignette sera imprimée sous différentes formes pendant près de 30 ans. En 1846, la
vignette sera imprimée en rouge avec une valeur faciale de 5.000 francs, somme colossale
pour l’époque. Sur 4.000 billets, un seul ne serait pas rentré dans les caisses de la Banque.
Le billet de 500 francs connaîtra une durée de vie presque aussi longue et sera imprimé
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sur différentes sortes de papier. En 1836, la vignette personnalisée au nom des premiers
comptoirs sera imprimée sur le solde de papier vert qui avait servi pour les comptoirs de
Lille, Lyon et Rouen en 1808.
BdF Médaillier
Billet de 1.000 francs, type 1817
BdF Médaillier
45
– Fabrication du filigrane en couleur
Suivant l’arrêté du 25 avril 1816, il est décidé de préparer les couleurs pour les filigranes
du papier-monnaie. Malheureusement, le paquet contenant le secret de la composition
ainsi que le procès-verbal de la manipulation est introuvable. Mis sous le cachet du
gouverneur Jaubert en 1813, le paquet aurait été mis en sécurité dans une des armoires en
fer. M. Gebauer seul détenteur du secret est sollicité pour reconstituer les procédures. Il
avait largement participé les années auparavant avec messieurs Guillot et Léorier Delisle,
de la papeterie de Buges, à cette invention. Pour pallier ce dysfonctionnement, la Banque
décide de mettre dans le secret une seconde personne, probablement monsieur Ville.
– Besoins en papier-monnaie
En février 1817, le Comité observe que les besoins en coupures restent très élevés et
augmentent la quantité à fabriquer prévue. La livraison des planches des billets de 500
et 1.000 francs étant retardée, il est nécessaire d’émettre des billets identiques à ceux
circulant actuellement. Il propose la confection immédiate de vingt millions restant du
quatrième alphabet du billet provisoire. Cela porte à cent millions l’émission de ce type
de fabrication. La fourniture de 400 rames de papier est décrétée sous réserve de statuer
sur le choix du fournisseur. Avant de traiter avec la papeterie du Marais, le Comité
examine des échantillons de papier présentés par monsieur Montgolfier, propriétaire
de la manufacture d’Annonay, qui offre de faire le même papier pour 100 francs. Mais
les différentes sortes de papier ne conviennent pas pour l’impression des billets. Le
Comité souligne que la papeterie du Marais a fait de nombreuses améliorations et que
l’expérience qu’elle a acquise promet un papier de belle pâte, moelleux, solide et propre
à l’impression.
– Filigranes opaques
En 1824, la Banque, après avoir étudié les avantages et les inconvénients des différents
types de filigranes, renonce au filigrane colorié situé entre deux feuilles collées lors de la
fabrication du papier. Celui-ci peut être falsifié, tandis que le filigrane opaque nécessite le
concours d’un fabricant de papier. De plus sa fabrication offre une économie importante :
sur la couleur et sur la main-d’œuvre car il n’y aura qu’une feuille à fabriquer ; de plus
le papetier pourra faire deux feuilles en même temps au lieu d’une. Enfin le papier à
filigrane colorié offre une grande difficulté technique qui génère de nombreuses feuilles
fautées.
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– Perfectionnements apportés aux vignettes
En 1829, après de nombreuses discussions, le Comité des billets propose la suppression
du timbre identique humide, cette technique n’offrant plus toutes les garanties contre
les contrefaçons. Il le remplace par deux médaillons, l’un contenant un texte de onze
lignes en petit caractère d’imprimerie se détachant en blanc sur un fond noir ; l’autre
formé du même texte en noir sur fond blanc et produisant un foulage au revers. Les
tentatives de reproduction du célèbre typographe Firmin Didot ayant toutes échouées,
le Comité est conforté dans son choix. Les signatures du secrétaire du Conseil et du chef
de l’imprimerie qui figuraient au V° sont supprimées. De même l’impression à l’identique
du talon est abandonnée au profit d’une impression sur une face avec un foulage très
prononcé difficile à reproduire par les faussaires.
BdF Médaillier
Un nouveau type de papier est aussi agréé. Il est composé de deux feuilles fabriquées
isolément et superposées dans cet ordre : une feuille de pâte blanche en matière molle
portant des filigranes mats et des filigranes clairs ; ensuite une feuille de chanvre en laine
sans aucune enseigne. Le filigrane mat est placé horizontalement au bas de la feuille et
portera en caractères les mots « Banque de France ». Au-dessus, il y aura la valeur en
lettres de la coupure en filigranes clairs. À l’emplacement du cartouche à fond noir se
détache un filigrane clair reproduisant les lettres B et F.
47
BdF Archives
Facture d’un fournisseur datée de 1828
– Impression à l’identique
En 1832, monsieur Ville propose au Comité d’imprimer les billets à l’identique, c’est-
à-dire que la totalité de la vignette et des lettres est imprimée au recto et au verso de
telle sorte que l’impression est parfaitement identique. Le foulage est plus palpable, la
pureté et le brillant de l’impression y ressortent avec plus de vigueur. Le noir de l’encre
en est d’autant plus prononcé qu’étant appliqué en deux sens opposés, sa couleur se
répercute au lieu d’être absorbée. Cette technique présente des difficultés insurmontables
à la lithographie et à la taille-douce. Ce travail exige un tiers de temps de plus que
l’impression ordinaire. Mais cet inconvénient est compensé par l’embauche de deux
ouvriers supplémentaires. Deux presses sont alors ajoutées.
En 1835, cette invention est revendiquée par Henri Plon, l’un des imprimeurs. Monsieur
Ville rappelle que c’est Bertrand Andrieu, le graveur des premiers billets de la Banque,
qui fit, en 1817, un essai en présence de messieurs Durieux et Plon. Pour des raisons
techniques, ce procédé n’a pas été étudié. Profitant d’un réaménagement de l’atelier,
Henri Plon reprit les essais et remit des épreuves à monsieur Ville. Celui-ci les montra à
monsieur Rodier qui les présenta au Conseil général pour adoption.
48
Travaux pour des établissements privés ou publics
– Ville de Paris
Par un arrêté du 22 février 1816, le Conseil général autorise la Ville de Paris à faire
frapper ses bons d’un timbre semblable à celui adopté par la Banque à condition que
ce travail se fasse dans les locaux de la Banque. C’est monsieur Durieux, le mécanicien
de la Banque, qui se charge d’apposer le timbre choisi par Paris. L’année suivante, ce
timbre devient sans objet. Pour éviter que le matériel ne tombe dans les mains du privé,
et que la meilleure garantie contre les contrefaçons soit divulguée, la Banque décide de
l’acheter. Monsieur Andrieu ayant apporté de nombreuses améliorations à la presse, elle
est supérieure à celle de l’imprimerie et est d’une très grande utilité lorsque l’on imprime
les deux coupures simultanément.
– « Isle de Bourbon »1
Par deux ordonnances datées des 14 mai et 10 décembre 1826, le roi autorise la création
d’une caisse d’escompte et de prêts à « l’Isle Bourbon » ainsi que d’une banque à la
Guadeloupe. Quoique la société anonyme qui est autorisée à se créer à la Guadeloupe ne
puisse être définitivement formée que dans la colonie, le roi souhaite que son président
soit nommé par le ministre des Finances. Celui-ci choisit monsieur Segond, propriétaire
« d’une des principales maisons de commerce de Paris », pour la présidence de la banque
de la Guadeloupe. Il est chargé de toutes les mesures relatives à l’installation de la dite
banque, dont la fabrication de ses billets. Il accepte aussi de s’occuper de la confection
de ceux de la Caisse d’escompte et de prêts de « l’Isle Bourbon ».
Le ministre sollicite l’aide de la Banque de France pour la confection du papier-monnaie.
Une disposition commune aux deux ordonnances stipule que les billets à émettre pour
les deux établissements doivent être confectionnés sous sa direction. Il souhaite que
« le papier, qui doit servir à former ces billets, soit fabriqué par les ouvriers de la Banque de
France, et pour que ces mêmes billets soient frappés de son timbre identique ». Il estime que
ces précautions paraissent indispensables pour prévenir les contrefaçons, tout en évitant
une éventuelle ressemblance avec les coupures de la Banque de France.
La Banque est consciente de l’importance de ces installations et accepte de fournir toute
l’aide possible. Mais, elle fait remarquer que ce n’est pas son personnel qui fabrique le
papier, mais un fournisseur avec qui elle traite régulièrement pour ses approvisionnements.
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C’est sous la surveillance d’un commissaire de la Banque de France que la papeterie du
Marais fabrique le papier nécessaire. Quant à l’utilisation du timbre identique, il est
hors de question d’appliquer celui de la Banque. Par contre, monsieur Segond peut en
faire exécuter à cet usage. La Banque accepte alors que son mécanicien l’applique dans
les locaux de l’imprimerie, en présence d’une seule personne qui apporterait les titres à
timbrer, attendu « qu’il est de la plus haute importance de mettre le moins de monde possible
dans le secret de son application ».
Monsieur Ville, directeur de la Fabrication des billets, supervise toute l’opération. Jacques-
Jean Barre, futur graveur général de la Monnaie de Paris, est chargé de dessiner et de
graver la vignette (ainsi que le jeton de présence de la banque de la Guadeloupe). Dans
un contrat signé le 10 janvier 1827, il s’engage à faire vérifier son travail par monsieur
Ville qui contrôlera sa bonne exécution1. Nous ne savons pas si les services de la Banque
de France ont imprimé ces billets. De plus, aucun renseignement n’indique qu’ils ont
été émis ; nous ne connaissons que quelques épreuves détenues dans des collections
privées.
Mais les banques sont victimes des difficultés économiques des îles, régions si éloignées
de la métropole. Le 28 janvier 1830, l’administration décide de ne plus accepter les
billets de banque dans les caisses publiques des colonies, en payement des contributions
directes ou indirectes ainsi que des droits de douane. Le sort des banques coloniales est
scellé. La liquidation de la Caisse d’escompte et de prêts à l’Isle Bourbon est prononcée
le 23 juillet de l’année suivante2.
– Faussaire arrêté
En 1822, la deuxième division de la Préfecture de police trouve l’atelier du contrefacteur,
le dénommé Collard, qui sévissait depuis plusieurs mois. La police saisit les planches, les
presses et tous les ustensiles qui ont servi à la contrefaçon. Elle trouve 44.000 francs d’or
et 5 billets de 1.000 francs. Le faussaire déclare qu’il a fabriqué environ 60 faux billets.
Comme on en a découvert 13 chez lui, et que la Banque en a trouvé 39, il devrait en
rester 8 en circulation. Malgré qu’il ait collaboré avec la police et les représentants de la
Banque, il est exécuté l’année suivante.
1. En 1841, la banque de la Guadeloupe cessera complètement ses activités. Il faudra attendre la loi du 11 juillet
1851 qui créera enfin des institutions bancaires pérennes.
2. Monnaies de Paris : dossier Barre.
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– Affaire Huyot
Dans le mois d’octobre 1830, la police reçoit la déclaration spontanée de monsieur Huyot,
graveur, à qui on a proposé de graver des planches pour contrefaire des billets de banque.
Collaborant avec les forces de l’ordre, Étienne Huyot permet l’arrestation d’une dame
et d’un jeune homme qui voulaient reproduire les coupures de la Banque. Le dossier
est suivi pendant trois mois par monsieur Desmortiers, juge d’instruction. La chambre
d’accusation rend une ordonnance de non-lieu. Les prévenus sont alors libérés.
Son employeur, monsieur Aumoitte, demande alors à la Banque une récompense pour
son employé, car celui-ci avait perdu beaucoup de temps pour aider la justice. Consulté,
le commissaire de police, monsieur Basset, confirme les faits. Le Conseil général, prenant
en considération le service rendu, accorde au jeune homme une gratification de 500
francs.
BdF Archives
51
Le personnel
En 1819, M Cabaille, chef d’atelier, prend sa retraite. M. Ville refuse de nommer celui
qui, par son ancienneté et son instruction, est le successeur naturel car il manque de
fermeté, qualité nécessaire pour cette fonction. Henri Plon, second postulant, n’est pas
retenu car le choisir à cette place au détriment de son ancien aurait été fait injure à celui-ci.
Pour plus de simplicité, M. Ville supprime ce poste au grand désappointement du sieur
Plon.
Pierre Ville, est nommé en mars 1831, contrôleur général. Il demande néanmoins au
gouverneur de continuer à superviser la fabrication des billets, activité qui lui sera toujours
agréable à poursuivre après tant d’années à sa direction. En 1833, il propose de nommer
au poste de chef du bureau des billets et de l’imprimerie Jean François Philippe Gebauer,
sous-chef à l’imprimerie et spécialement chargé de la surveillance de la fabrication du
papier à la papeterie du Marais. Pour le remplacer auprès des papeteries, M. Ville fait appel
à Rodolphe Gebauer, employé au bureau des livres, qui possède quelques connaissances
en fabrication de papiers, acquises dans son adolescence en accompagnant son oncle,
Pierre Philippe Gebauer, pendant de longs séjours à la papeterie de Buges de 1805 à 1810.
Commissaire de la Banque auprès des papeteries, Pierre Philippe Gebauer décédera en
1817 à la suite de d’une affection de poitrine attrapée lors de ses séjours à la papeterie de
Buges où sévissaient les fièvres du pays et les miasmes des zones humides1.
Christian Durieux, le mécanicien de l’imprimerie, est affecté d’une maladie de poitrine
depuis 1830. Il se fait seconder par Jules Durieux, son neveu et fils adoptif. En 1833,
M. Ville propose à la Banque d’employer ce dernier comme apprenti.
L’imprimeur Gadifert, chargé de l’impression du billet de 500 francs ne touche que
2.000 francs d’appointements annuels alors qu’il a vingt ans de service. En 1833, M. Ville
souhaite qu’il reçoive une augmentation de deux ou trois cents francs, d’autant que son
fils de quatorze ans est utilisé comme apprenti depuis 18 mois, sans rétribution, alors
qu’il occupe la fonction d’un ouvrier payé 1.800 francs.
Henry Plon est rejoint par ses deux frères Léopold (1818) et Philippe (1827) comme
imprimeurs et côtoient leur cousin Joseph.
La Banque emploie aussi de nombreux spécialistes en complément de son personnel :
- Blaise Cornouailles, graveur, travaille sur la matrice en cuivre des timbres identiques
(1817-1818), sur le médaillon fond blanc du texte des lois ou sur deux textes ovales
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des nouveaux billets (1828). Cet artiste a dessiné et gravé des billets pour les banques
départementales de Rouen (1817) et de Bordeaux (1818).
BdF Archives
Facture
Cornouailles
- Bouvier, célèbre filigraniste, qui a travaillé sur les filigranes des assignats,
- Porlier, formaire, qui invente avec Christian Durieux, le mécanicien de la Banque, une
machine à fabriquer du papier, brevetée en 1825,
- Thomas Saunier, graveur qui œuvre sur tous les billets de la Banque. Il dessinera et
gravera des billets pour la Grèce (1841), l’Italie (1845), le Trésor colonial (1855) et pour
plusieurs banques départementales.
D’autres auxiliaires sont employés pour le bon fonctionnement de l’atelier et c’est la
comptabilité du service de la Fabrication des billets qui révèle ce fait : de 1833 à 1854,
la Banque paye la nourriture de plusieurs chats. S’agissait-il d’utiliser ces félins à chasser
les rats et les souris qui devaient être un fléau dans un atelier encombré de papier ?
BdF Archives
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BdF Archives
Facture d’un fournisseur datée de 1828 Facture d’un fournisseur datée de 1821
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CHAPITRE IV
(1835 à 1846)
Prodrome
Interpellés par la multiplication des banques départementales dans les grandes villes1,
ainsi que par les demandes pressantes des forces économiques de nombreuses localités2,
les membres du Conseil général décident le rétablissement des Comptoirs d’escompte
lors de la séance du 17 mars 1836. Ils estiment que les conditions sont désormais réunies,
contrairement à la période de 1810, pour aider le commerce, d’autant que la réussite des
banques privées conforte leur idée. La ville de Reims est autorisée le 6 mars à ouvrir
un comptoir de la Banque de France rapidement suivi par l’autorisation donnée pour
Saint-Étienne le 17 juin. Ces créations seront suivies par une foultitude d’ouvertures de
Comptoirs d’escompte dans les années suivantes, d’autant que de nombreux centres
industriels étudient l’implantation de banques locales3.
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– Billets à ordre
Afin d’aider les voyageurs, la Banque de France étudie la possibilité d’émettre des billets
à ordre payables à plusieurs jours de vue. Elle estime aussi que le commerce pourra en
faire un usage dans certains cas. Après avoir étudié les différentes lois et relu les statuts
successifs régissant l’activité de la Banque de France, les membres du Conseil général
votent la création de ces billets le 10 août 1837. Comme le stipule la loi de germinal an
XI, la plus petite valeur d’un billet, qu’il soit à ordre ou à vue, ne peut être inférieure à
500 francs. Ce n’est que sur la demande d’un client et contre le versement de l’intégralité
de la somme que sera délivré ce moyen de paiement.
BdF Chamalières
La question primordiale qui interpelle les membres du Conseil concerne les moyens
de lutter contre les contrefaçons. Les membres du Comité des billets chargés d’étudier
la fabrication de ce papier-monnaie estiment que dans un souci de sécurité aussi bien
pour le public que pour la Banque, il serait opportun d’utiliser la planche des billets au
porteur de 1.000 francs, type Andrieu. De menues modifications sont effectuées : à la
suite des mots BANQUE DE FRANCE on ajoute BILLET A ORDRE ; puis en dessous :
A …….vue, il sera payé à l’ordre de M……... L’intervalle laissé en blanc a pour objet
de laisser à la Banque la faculté de faire de ces billets, soit à vue, soit quant elle le jugerait à
propos ou que le cessionnaire l’exigerait, à un ou plusieurs jours de vue. Manifestement, dès
l’origine, la Banque pense plutôt utiliser ce papier-monnaie comme un véritable billet de
banque, que comme un effet de commerce. Enfin les mentions « valeur reçue comptant »
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et « Paris le » sont rajoutées. Un cartouche destiné à recevoir la somme manuscrite
complète l’ensemble. Les délais de 5, 10 et 15 jours de vue sont retenus, sachant que les
caissiers reçoivent l’ordre impératif de respecter ces échéances.
Cette vignette est uniface et ne porte donc pas d’impression à l’identique car il est néces-
saire de ne pas gêner les endossements. Un papier plus robuste, plus opaque et d’une
couleur rosée est spécialement fabriqué par la papeterie du Marais. Il porte au milieu de
la vignette le filigrane « B Billet à Ordre F (Billet à ordre en clair et les lettres en caractère
ombré) ; ainsi qu’en dessous « BANQUE DE FRANCE » en filigrane opaque.
Le 1er octobre, le préposé de la Banque, monsieur Rodolphe Gebauer, part à la papeterie
du Marais effectuer les premiers essais de fabrication du papier et 10.350 feuilles portant
2 billets sont fabriquées. L’impression commence le 20 décembre 1837.
BdF Archives
Journal
Ce billet à ordre est délivré sur demande du client pour toutes sommes égales ou
supérieures à 500 francs. Le montant est inscrit manuellement dans le cartouche prévu
à cet effet ; puis il est immédiatement imprimé sur la vignette en caractères dits « bas
de casse romain » de la force de 20 points. Cette opération est censée ne prendre que
quelques minutes. Mais rapidement la bureaucratie ralentit considérablement le temps
de confection du billet.
L’obligation d’imprimer en encre indélébile la somme oblige le client à se présenter à
la Caisse principale pour faire sa demande ; puis, à la Caisse des recettes pour opérer
le versement ; puis de nouveau à la Caisse principale pour déposer le récépissé et se
faire délivrer la vignette vierge de toute somme et non signée. Après il faut apporter la
coupure à la Fabrication des billets pour imprimer le montant. Mais ces tracasseries
administratives ne s’arrêtent pas là car il faut maintenant amener le billet au bureau du
secrétaire du gouvernement de la Banque et du contrôleur pour obtenir leur signature.
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Enfin, il faut retourner une troisième fois à la Caisse principale pour avoir celle du
caissier principal. Cette organisation fait perdre plus d’une demi-heure à l’intéressé et
empêche les employés ainsi que les imprimeurs de vaquer à leurs occupations.
La proposition de fournir à la Caisse principale un assortiment de billets imprimés d’une
valeur de 500 à 20.000 francs et signés par le contrôleur et le secrétaire est adoptée.
Ainsi le caissier pourra les délivrer après avoir opposé sa signature sans délai d’attente.
Par contre la demande de cesser de donner des coupures avec une somme fractionnée
est rejetée car la Banque estime qu’il y aurait un grave inconvénient dans les circonstances
actuelles à supprimer une facilité si récemment accordée au public.
Un arrêté du 25 février 1841 autorise la fabrication de 26.000 autres feuilles.
En décembre 1845, le caissier principal avise le gouvernement de la Banque de
l’insuffisance de billets au porteur détenus en caisse. Il estime qu’il ne pourra plus en
donner les 30 et 31 décembre. Les causes de cette pénurie sont rapidement identifiées.
Elles résultent de l’accroissement du solde créditeur des comptes courants qui a plus
que doublé, et de la coïncidence du remboursement des dépôts faits aux souscripteurs
d’actions des chemins de fer avec l’échéance toujours chargée de la fin de l’année. Ces
causes ont amené une dépense de billets supérieure à toutes les prévisions. Dans un
cas semblable, la Banque avait donné des reçus provisoires signés, lorsqu’il s’agissait de
fortes sommes, par le caissier. Mais ce moyen étant irrégulier, il fallut avoir recours à des
récépissés nominatifs.
Une première mesure est adoptée : la suppression de l’annulation automatique des billets
versés dans les caisses, pendant 15 jours, et le recours au triage.
Devant l’urgence le Conseil décide d’émettre des billets à ordre d’une valeur de 5.000
et 10.000 francs déjà imprimés. Ils pourraient être utilisés comme billets au porteur si
le nom du bénéficiaire n’est pas inscrit ou à ordre dans le cas contraire. Dans ce cas le
billet pourrait être endossé par le bénéficiaire et la Banque paierait sur l’acquit du dernier
possesseur.
Quinze millions sont alors créés. Ce sont les séries U du billet de 5.000 francs et T de la
coupure de 10.000 francs qui sont imprimées1.
De ces billets à ordre transformés en billets au porteur, il en sera émis 700 de 5.000 francs
et 400 de 10.000 francs. En réalité seulement 132 en 10.000 francs et 332 en 5.000
francs circuleront sans bénéficiaire. En août 1848, toutes ces coupures seront rentrées
dans les caisses de la Banque.
58
BdF Archives
En septembre 1847, la valeur minimum de la coupure est abaissée de 500 à 200 francs.
Le 4 avril 1850, la Caisse principale cesse d’émettre les billets à ordre imprimés sur la
vignette du billet au porteur de 1.000 francs. Elle les remplace par un imprimé identique
à celui utilisé par la province.
Du 20 septembre 1837 au 10 juillet 1848, l’imprimerie a fabriqué un alphabet complet
et une partie du deuxième (A à L et 225 coupures de M), soit 37.225 billets1.
BdF Médaillier
Endos
d’un billet
à ordre
59
– Nouvelles vignettes pour les billets de 1.000 et 500 francs
En 1839, les planches gravées pour les billets de 1.000 et 500 francs étant en mauvais
état, la Banque envisage d’en faire graver de nouvelles d’après les dessins originaux.
Consultés, deux graveurs réputés assurent qu’il est impossible de reproduire exactement
les anciennes planches. Ce constat oblige le gouverneur à leur demander des croquis
pour de nouvelles vignettes. Les dessins présentés par Jacques-Jean Barre sont estimés
supérieurs à ceux de Monsieur Saunier. Mais le prix demandé par Monsieur Barre pour
la gravure étant jugé élevé, les membres du Conseil essayent d’obtenir une réduction de
ses prétentions. Monsieur Barre répond que « le même prix avait été payé, il y a vingt ans,
pour un travail moins compliqué et par conséquent moins difficile et moins long à exécuter ». Il
estime que sa demande était pleinement justifiée et que peu préoccupé de son intérêt, « il
l’était de son amour-propre qui aurait à souffrir si, en souscrivant à un prix moindre que celui
qui a déjà été payé pour le même travail, il faisait en quelque sorte un aveu d’infériorité ». Les
conditions sont finalement acceptées par la Banque.
La livraison de la gravure en taille d’épargne de la coupure de 1.000 francs s’effectue en
août 1842 avec beaucoup de retard. Ce billet d’un travail fin, serré et riche de détails est
d’un effet spécial à la taille d’épargne, dont aucun autre mode de gravure ne peut rendre
l’aspect, augmentant les difficultés opposées à l’imitation.
Un an après, monsieur Barre livre la planche de la vignette du 500 francs. Ce billet offre
les mêmes garanties contre la contrefaçon que celui de 1.000 francs. Les figures qui
ornent en grand nombre la composition accroissent les difficultés d’imitation, car elles
imposent une grande précision dans leur reproduction.
Monnaie de Paris
60
À cette occasion, deux presses de marque Stanhope sont achetées.
Photo prise au CERF à Puteaux
61
– Billet de 5.000 francs
En janvier 1846, la suggestion du comte Pillet-Will, désirant faciliter les transactions
entre les grandes entreprises, de créer une coupure d’un montant de 5.000 francs est
acceptée. C’est la vignette du 1.000 francs dessinée par Charles Normand et gravée par
Andrieu qui est utilisée. Seulement 4.000 billets1 sont imprimés en rouge à l’identique sur
un papier filigrané de la papeterie du Marais. Cette somme étant énorme pour l’époque,
il n’aura pas de succès.
Sécurisation du papier-monnaie
– Adoption du préservatif
En 1835, monsieur Mantour, lithographe, propose à la Banque un moyen d’éviter la
reproduction des billets par lithographie. Il consiste dans l’emploi d’une substance grasse
dont il enduit le papier qui doit servir à la confection des billets. Cette substance est
un mélange de couleur blanche avec de l’huile réduite, composant ordinaire de l’encre
d’imprimerie. Lorsqu’on essaye de décalquer le billet, cette substance se détache de la
même manière que l’encre de l’impression des lettres et de la vignette, la couvrant de
noir sur toute la surface.
Le Comité encourageant vivement l’utilisation de cette technique, le préservatif est
adopté par la Banque qui envisage de l’appliquer sur les coupures déjà émises, au fur et
à mesure de leur entrée en caisse. Cette idée est rapidement écartée, car le billet devant
être mouillé, le résultat serait destructif pour la vignette.
– Banques départementales
Sollicitée par de nombreuses banques départementales (Lyon, Rouen, Nantes et Bordeaux)
pour élaborer et imprimer leurs billets, la Banque refuse. Elle autorise la fabrication d’un
papier pratiquement identique par la papeterie du Marais et communique le procédé de
monsieur Mantour pour empêcher le décalque par la lithographie. Par contre, elle refuse
de révéler les procédés d’impression.
1. Un seul billet n’est pas rentré dans les caisses de la Banque. Nul ne sait ce qu’il est devenu.
62
– Banques étrangères
La renommée de la qualité des billets imprimés par la Banque de France incite les
banques étrangères à s’adresser à elle. C’est ainsi que les banques de Vienne, Gênes et
Gand sont initiées à la protection des vignettes par le procédé de monsieur Mantour.
En 1836, la papeterie du Marais demande l’autorisation de fabriquer pour la banque
de Rome du papier fiduciaire ayant des caractéristiques similaires à celui de la Banque.
Souhaitant empêcher qu’une autre papeterie étudie ce type de papier, vulgarisant ainsi
un procédé de lutte contre la contrefaçon, la Banque accepte moyennant quelques
différences sensibles.
– Travaux exogènes
Dans différents documents, nous trouvons trace de travaux effectués pour les banques
départementales ou étrangères, en dehors des heures de service. Dans le contrat signé par
Jacques-Jean Barre avec la banque de Toulouse, il est mentionné plusieurs fois qu’il doit
soumettre son travail au directeur de la Fabrication des billets de la Banque de France et
qu’en cas de contestation il s’engage à s’en rapporter entièrement à la décision de M. Ville sur
tous les points en litige ; s’interdisant d’avance tout recours contre cette décision1.
63
De même, monsieur Ville est interrogé sur une proposition faite par monsieur Barre au
sujet du futur billet de la banque de Lyon. En 1839, il écrit sur une épreuve : « Ce billet
me parait être rendu, par la gravure d’une manière supérieure à tout ce que j’ai vu en ce genre,
jusqu’à ce jour. J’en ai félicité monsieur Barre, avec un vif plaisir. » À la suite de ce constat la
banque de Lyon paie au graveur le solde de la facture où on trouve mentionné monsieur
Durieux pour 250 francs.
Monnaie de Paris
64
Contrefaçons et affaires diverses
65
l’impression avec une impression sur papier non filigrané. Huit à neuf empreintes sont
produites chaque jour et brûlées ordinairement en fin de journée. Mais il arrive qu’en été
le brûlement n’ait lieu que tous les trois ou quatre jours, et en attendant cette opération
les papiers froissés sont déposés dans le poêle de l’imprimerie.
Traditionnellement, les rognures de l’atelier sont vendues par les ouvriers de l’imprimerie.
Cet usage dans tous les ateliers de cette profession est établi depuis l’origine de la Banque.
Il existe deux sortes de déchets : les papiers blancs qui sont achetés par la papeterie du
Marais, les papiers maculés qui sont vendus à des emballeurs.
Ce billet a été donné à une prostituée, Marguerite Leroy, par un homme d’une cinquantaine
d’années qui lui proposa de monter chez lui. Voyant une partie du prétendu billet, elle lui
offrit de venir chez elle, ce qu’il accepta. Il sortit vers minuit en lui laissant le prétendu
billet plié sur une table. C’est le lendemain matin que la femme se présenta chez l’agent
de change.
Le signalement de l’individu donné par la femme ne s’appliquant à aucune des personnes
qui ont accès aux ateliers de l’imprimerie, monsieur Ville en conclut qu’aucun ouvrier
n’est impliqué dans cette histoire.
La marge, au lieu d’être mise dans le poêle, a sûrement été stockée avec les déchets
maculés dans un coin de la cour, puis chargée dans le tombereau.
Des mesures sont immédiatement prises pour qu’après leur comptage, les marges soient
brûlées chaque jour, été comme hiver.
– Tentative de contrefaçon
Un dénommé Adeleine, soi-disant cultivateur près d’Arpajon, se présente le 30 août
1841 pour échanger un morceau de billet de 500 francs chez le changeur Wallot. Après
enquête, on saisit à son domicile, situé à Paris, des essais de décalque de vignettes
diverses et une pierre lithographique sur laquelle se trouvaient transportés, quoique
imparfaitement, deux fragments de la bordure du billet de 500 francs.
Suite à cette tentative, la Banque interroge différents spécialistes sur les mesures à prendre
pour empêcher la reproduction lithographique. Elle consulte messieurs Lecomte, caissier
de la caisse Laffitte, Théophile Delarue, lithographe1, Quinet, lithographe, Paul Dupont,
typographe et lithographe et Louis-Henri Brevière, graveur et imprimeur. Malgré les
assertions de certains, les différentes expériences prouvent que le préservatif protège
efficacement les vignettes.
1. A obtenu son brevet d’imprimeur-lithographe le 3 juillet 1829. Deviendra expert près la cour impériale.
66
BdF Service de la communication
Le personnel
Un sixième Plon rejoint la fratrie : Charles Plon, fils de Léopold. Il entre comme apprenti
imprimeur le 1er janvier 1841. Mais il ne va pas travailler longtemps avec ses oncles car
Philippe décède le 26 octobre 1843. Deux jours plus tard, Henry part en retraite. Entré
comme externe en 1797 à la Caisse de Comptes Courants, il est dans sa 67e année et ses
facultés physiques ne correspondent plus aux exigences des progrès techniques.
Monsieur Colson est embauché à la journée en 1843 comme imprimeur. Louis Duphau
travaille à la journée comme mécanicien, selon ses vœux ; il sera mensualisé en 1849.
Christian Durieux, le mécanicien est mis à la retraite le 1er janvier 18461. À sa pension
légale de 1.600 francs, le Conseil en considération de ses longs et fructueux services lui
alloue 1.400 francs supplémentaires. Il décède le 30 juin 1847, laissant une veuve âgée
infirme, presque aveugle, et n’ayant droit qu’au quart de la pension légale de son époux,
soit 400 francs. L’insuffisance évidente de cette somme incite les membres du Conseil à
la porter à 1.200 francs.
En 1846, l’effectif de l’imprimerie se compose de neuf imprimeurs, un mécanicien,
deux papetiers-relieurs, deux régleurs et un apprenti, soit quinze personnes. Il faut aussi
rajouter un cadre et deux employés pour la comptabilité des billets, traitant environ
400 billets par jour.
1. Lors de son départ, il exprime le vœu de conserver le titre de mécanicien de la Banque de France, s’engageant en
retour à rester dans le département de la Seine et à toujours être à la disposition de la Banque, sans aucune rétribution
de sa part.
67
Monnaie de Paris
68
CHAPITRE V
(1847 à 1856)
Prodrome
En 1846, une grave crise économique perturbe toute l’économie européenne. Le prix
des grains ne cesse d’augmenter, entraînant avec lui le prix du pain. Le mécontentement
réapparaît. Le 23 février 1848, des manifestants vont conspuer l’ex-ministre Guizot au
ministère des Affaires étrangères, boulevard des Capucines : des soldats tirent, il y a
16 morts. Dans la nuit, les barricades surgissent partout. Louis-Philippe doit abdiquer.
Les demandes de remboursement des billets affluent à la Banque menaçant d’épuiser les
réserves métalliques.
69
Une dizaine de jours plus tard, un deuxième décret dispense les banques départemen-
tales à rembourser leurs billets. Le 27 avril, un décret ordonne l’absorption des banques
départementales de Rouen, Lyon, Le Havre, Lille, Toulouse, Orléans et Marseille par la
Banque de France afin d’éviter les perturbations apportées par les différents types de
billets dans les transactions. Souhaitant que le billet de banque puisse circuler sur tous
les points du territoire, il stipule aussi que ces banques départementales fonctionneront
comme comptoirs de la Banque.
Nouveaux billets
70
l’ordinaire, car j’ai peu de travail en ce moment ». Il finit sa diatribe en se demandant « de
quels éléments, monsieur Barre compose-t-il donc le piédestal sur lequel il s’élève pour dominer
ses confrères et leur envoyer l’insulte et le dédain1 ?»
Monsieur Ville stipule au gouverneur qu’il n’a ni le projet, ni le pouvoir d’empêcher qu’il ne
soit chargé du dessin et de la gravure du billet, mais que la copie de son rapport prouvera
qu’il n’y a pas contribué.
C’est en septembre que monsieur Duc livre le dessin définitif ayant été aidé par
Paul Delaroche pour parfaire les visages.
Pour la gravure, Pierre Ville, compare le travail de plusieurs d’entre eux. C’est Étienne
Huyot qui est finalement chargé de la gravure. Ses capacités de dessinateur séduisent
le contrôleur général, d’autant que la gravure d’essai qu’il exécute en peu de temps
impressionne les membres du Conseil. Cet artiste ne nous est pas inconnu car c’est
lui qui, en 1830, avait dénoncé une affaire de contrefaçon et avait été récompensé par
la Banque. Il propose de graver en un mois le huitième de la vignette, s’engageant à
abandonner, sans demander aucune indemnité, si la qualité du travail ne répondait pas
à l’attente des responsables de la Banque. Le débat s’engage alors entre les membres du
Conseil général. Monsieur d’Eichthal regrette la ténuité des tailles des deux billets Barre,
sachant que les gens du métier estiment que cette finesse présente de grandes difficultés
aux contrefacteurs voulant reproduire les billets par le procédé lithographique. Monsieur
Gautier lui rétorque que la ténuité des tailles a le grave inconvénient de provoquer de
nombreux fautés surtout lors de l’impression à l’identique.
Le gouverneur clôt la discussion en rappelant qu’il ne s’agit plus du choix du dessin, le
Comité s’est prononcé sur ce point : il n’y a donc plus à y revenir. Il conclut en stipulant que
la proposition de Étienne Huyot figurera dans le contrat, mais que néanmoins la Banque
lui octroiera un huitième du prix en cas d’échec.
71
le met en rapport avec Anatole Hulot qui fait partie d’une commission destinée à
prévenir les tentatives de contrefaçon des timbres de l’État. Celui-ci peut, au moyen
de la galvanoplastie1, reproduire fidèlement la planche de l’actuel billet en plusieurs
exemplaires. Le ministre ajoute qu’ayant toujours regardé la Banque avec bienveillance,
il espère que celle-ci fera tous ses efforts pour seconder ses intentions.
Contacté, l’artiste promet de fournir en 12 jours quatre matrices identiques au modèle.
Cela permettrait d’imprimer avec cinq presses marchant nuit et jour, environ 3.000 billets,
soit 13 millions de francs par mois. Ne pouvant quitter son atelier situé à la Monnaie,
il est prévu qu’un agent de la Banque, « très intelligent », surveille la fabrication des
planches.
Ce sont deux vignettes de Charles Normand, type 1817, qui sont réutilisées pour cette
fabrication : c’est l’ancienne coupure de 500 francs et déjà utilisée pour la confection
des billets de 250 francs des comptoirs qui est choisie pour Paris, tandis que pour les
succursales, c’est la vignette de 1.000 francs.
Monnaie de Paris
Les réserves en billets de 1.000 et 500 francs étant suffisantes, le gouverneur décide de
mobiliser toute l’équipe sur la fabrication du 200 francs. La coupure de 200 francs type
succursales sera imprimée pendant 17 ans.
1. Procédé qui permet de déposer sur une surface conductrice une couche de métal en utilisant les phénomènes
d’électrolyse.
72
− Billet provisoire de 100 francs
Prévu par le décret du 15 mars 1848, l’émission d’un billet de 100 francs s’avère d’une
extrême urgence, mais la Banque ne possède aucune planche gravée de réserve. Un accord
est trouvé avec le réputé typographe Firmin Didot pour imprimer un billet provisoire.
Le dessin du billet est conçu en une nuit ; il présente les emblèmes de l’agriculture, de
l’industrie, du commerce et de la navigation. La mention il sera payé en espèces, à vue,
au porteur n’y figure pas. Les cartouches sont reproduits par galvanoplastie. Un dessin
guilloché est imprimé au verso. Quatre graveurs se partagent la vignette qu’ils exécutent
sur bois. La papeterie du Marais fournit un papier mécanique, c’est-à-dire sans filigrane,
fabriqué avec du chanvre. L’impression de ces billets se fait dans un atelier particulier
de Firmin Didot sous la surveillance d’un préposé de la Banque. Chacune des deux
machines peut imprimer douze billets par feuille, permettant une production journalière
de 6.000 vignettes, soit 12.000 coupures quotidiennement. L’arrêté autorisant la création
pour 10 millions de francs en billets de 100 francs, une huitaine de jours est nécessaire
pour leur fabrication. D’autres autorisations d’émission sont accordées les mois suivants
et c’est un total de 700.000 billets qui seront fabriqués chez Didot. Selon le contrat,
l’imprimeur a démonté et rendu le matériel nécessaire à ces impressions. Au début du mois
d’août, la caisse du siège n’a plus de stock et les succursales en réclament journellement.
La Banque avait programmé une confection supplémentaire de 60.000 billets qu’elle
pensait effectuer dans ses locaux. Malheureusement, faute de place dans ses ateliers, elle
délocalise de nouveau chez Firmin Didot ce supplément de fabrication. C’est seulement
10.000 coupures qui seront émises avec un fond modifié par monsieur Ville et réputé
être plus résistant que le précédent aux attaques des faussaires lithographes1.
BdF Médaillier
73
− Billets de petites dénominations
Le manque de numéraire étant désastreux pour le commerce, le ministre des Finances,
au-delà des coupures de 100 et 200 francs, manifeste le désir que la Banque émette des
coupures inférieures à 100 francs. Un débat de fond s’établit alors : le gouverneur n’a
pas de doutes sur leur utilité et même leur nécessité. Monsieur Legentil est plus circonspect :
il admet cette nécessité, mais dans des limites restreintes. Le banquier Lebeuf partage cet
avis, mais il n’est pas encore décidé pour des coupures de 25 francs. Monsieur Delessert
s’oppose à la création de coupures inférieures à 100 francs. Il est persuadé que leur
création fera fuir le numéraire selon le principe que la mauvaise monnaie chasse la bonne
monnaie. Il pense aussi qu’il y a un risque accru de contrefaçons1. Monsieur Lafond
est contre cette émission alors que monsieur Sanson-Davillier ne voit pas d’alternative
possible : ou payer en espèces, ou payer en papier ; il vote pour les petites coupures.
Le Conseil étant très partagé, le gouverneur décide de surseoir à cette décision. Néanmoins
il demande que des études soient entreprises pour concevoir des billets de 50 et 25 francs
par mesure de précaution. Devant l’urgence et l’impossibilité de faire graver deux petites
coupures, monsieur Ville imagine deux vignettes semblables au billet provisoire Didot,
mais de couleur différente afin de parfaitement distinguer les trois valeurs. L’imprimerie
Didot élabore aussitôt le matériel nécessaire au tirage dans le cas où la Banque serait
obligée de les faire confectionner.
1. Il ajoute aussi cette réflexion saugrenue que si l’on ne s’en tient pas aux billets de 100 francs, plus tard on sera obligé de
descendre à 5 et même 3 centimes (PV du Conseil général en date du 18 mars 1848).
74
vignette d’un format inférieur à celui des billets actuellement en circulation. De plus,
grâce au format réduit, on peut imprimer quatre billets d’un seul coup, ce qui avec trois
presses promet une production de 5.000 billets quotidiennement.
Collection privée
75
de sa tâche. Le 15 juin, un quart de la gravure est effectué et monsieur Ville est satisfait,
le ton général de la gravure rappelant la douceur du dessin. Mais les succès de monsieur
Hulot avec la reproduction galvanoplastique du billet de 200 francs changent la stratégie
de la Banque qui décide de ne pas perturber le public en changeant de nouveau de type
de billet. Le Conseil général, suivant la recommandation du contrôleur général, décide
de faire finir la gravure et de la mettre en réserve pour une autre occasion1.
BdF Chamalières
Vignette imprimée dans les
années 1860 pour des essais
d’encres bleues et d’un enduit
préservatif, sur un papier
portant le filigrane de Mercure
1. La vignette servira à confectionner en 1915 des billets de 50 et 100 perpers pour le Monténégro (Numismatique
et Change, n° 339 de juin 2003).
76
En plus, messieurs Duphau et Lemercier ont aussi œuvré à cette production, il est vrai
en reproducteurs, tandis que monsieur Hulot a réduit les dimensions de l’ancien billet
de 500 francs au format de la coupure de 100 francs.
− Photographie
En 1853, le gouverneur s’inquiète des progrès de la technique photographique, après
l’annonce que des faussaires étaient parvenus à imiter des billets de la Banque d’Angleterre,
et envoie M. Delarue, « homme de toute confiance et d’une grande habileté » à Londres afin
d’échanger toutes les informations liées à cette nouvelle invention.
Il est certain que la photographie n’est arrêtée ni par la perfection ni par la complication
des vignettes ; elle en reproduit les plus minutieux détails sans difficulté et avec une
merveilleuse exactitude. On sait aussi que, depuis quelques années, elle est devenue
l’occupation ou le métier d’une multitude de personnes appartenant à toutes les classes
de la société et dans les situations de fortune les plus diverses : et cependant aucun billet
faux obtenu par ce procédé n’a été jusqu’à ce jour saisi ou payé par la Banque. Il paraît
que les essais de reproduction photographique tentés dans un intérêt de curiosité, ont
offert de grandes difficultés et le succès n’a pas été complet. On n’a obtenu ni la teinte,
ni l’aspect, ni le toucher particulier du papier, ni même la couleur exacte de l’encre
d’impression. Mais il est impossible de prévoir si les progrès techniques le permettront
dans les années à venir. Pour sauvegarder l’avenir, le Comité pense qu’il peut être utile
d’introduire plusieurs couleurs dans la pâte du papier ou dans l’impression de la vignette,
voire du texte du billet. La photographie, en effet, ne peut pas encore reproduire les
couleurs ; mais ce mélange de couleurs présente de grands embarras dans la fabrication,
surtout au point de vue de l’identité absolue qu’on s’efforce de conserver entre les billets,
et entraînerait de regrettables lenteurs dans l’impression de la vignette. La possibilité
pratique n’en paraît donc pas encore démontrée. D’ailleurs, l’honorable et habile
M. Pouillet, consulté par le Comité, a exprimé l’avis qu’en présence des progrès qui sont
en voie de s’accomplir en photographie pour la reproduction des couleurs, notamment
par MM. Becquerel et Niepce de St Victor, le moyen proposé pourrait bientôt devenir
inefficace : le Comité a donc jugé indispensable d’ajourner la solution de cette question,
et cet ajournement, en l’absence de falsification, lui a paru sans inconvénient.
Imprimerie
− Locaux
Trois presses sont au début de l’année 1848 en fonctionnement dans l’atelier. Avec
l’impression de billet de 100 francs, c’est 5 ou 6 presses qui doivent être installées.
77
L’agrandissement des ateliers est indispensable. Il était techniquement possible d’ajouter
un étage car la hauteur sous plafond est d’environ 7 mètres. Mais ne pouvant arrêter
la production de 200 francs, cette solution est rejetée. Monsieur Gau, architecte de la
Banque, préconise d’installer un hangar fermé, appuyé sur le mur de clôture du fond de
jardin et en retour de l’atelier des billets auquel il le relierait.
− Matériel
Cette solution est adoptée. L’imprimerie reçoit quatre presses à billets provenant des
banques départementales, après leur fusion avec la Banque de France1. En 1854 et 1855,
la Banque achète 6 presses pour imprimer les billets de 100 francs. Tous les ateliers
sont insuffisants ou mal disposés ; ceux qui donnent sur la cour sont mal éclairés ;
celui qui a été bâti dans le jardin en 1848 est construit si légèrement que les influences
atmosphériques se font ressentir d’une manière très préjudiciable au travail. Ainsi
pendant les grosses chaleurs, les grands froids ou les pluies, les imprimeurs se donnent
beaucoup de peine pour n’obtenir qu’un résultat minime en qualité, et peu satisfaisant
comme perfection.
Dans cette situation défavorable on ne peut donc pas songer à donner une grande
extension à la fabrication sans qu’au préalable on n’ait agrandi suffisamment les ateliers.
Monsieur Ville estime qu’il n’y aurait rien de mieux à faire que de construire dans le
jardin, un bâtiment transversal qui rejoindrait les deux ailes anciennes et permettrait de
loger in extenso l’imprimerie et toutes ses annexes. En attendant, il faut trouver le moyen
de loger :
- atelier de 6 presses à billets,
- atelier de 6 presses lithographiques,
- atelier des mécaniciens et leur outillage,
- séchoir à billets,
- local pour le bureau des annulations,
- atelier de reliure.
− Banques coloniales
- La loi du 11 juillet 1851 crée plusieurs banques coloniales :
- la Banque de la Martinique, dont le siège est à Saint-Pierre, ouvre en janvier 1853,
1. En 1850, elle vendra deux presses provenant de Lyon et Rouen à la toute jeune Banque nationale de Belgique.
78
- la Banque de la Guadeloupe, inaugurée en février 1853, a son siège à Pointe-à-Pitre,
- la Banque de la Réunion s’établit en juillet de la même année à Saint-Denis,
- la Banque de la Guyane est instituée en février 1854 et s’installe à Cayenne,
- la Banque du Sénégal est fondée à Saint-Louis par un décret de décembre 1853.
Elles ont toutes leurs opérations concentrées à Paris entre les mains de l’Agence centrale
qui est leur intermédiaire obligé auprès du ministère de la Marine et des Colonies. Celle-
ci fait fabriquer des billets de 500, 100 et 25 francs, remboursables à vue au siège de la
banque qui les émet.
Pour le billet de 500 francs, c’est une vignette dessinée et gravée par Jacques-Jean Barre
en 1827 pour le compte de deux banques privées coloniales qui est utilisée. De légères
modifications, notamment le remplacement d’un coq par les attributs de la justice, sont
opérées. De plus, les numéros d’alphabet sont indiqués à la main contrairement aux
autres coupures qui sont marquées lors de l’impression.
En 1856, la Banque de France, sur une suggestion des papeteries du Marais, décide,
afin d’éviter le travail destructif du changement de filigrane, de renoncer d’attacher aux
formes le nom distinctif de chaque Colonie en caractère mobile et d’y substituer d’une
manière définitive le mot « Colonies ». De plus, le papier est désormais constitué d’une
seule feuille.
1. Lors de la dissolution en 1848 des banques privées, tout le matériel nécessaire à la confection de leur papier-
monnaie a été versé à la Banque de France et celle-ci n’hésite pas à le réemployer.
2. Archives BdF 7000200301/36.
79
BdF Médaillier
− Banque de l’Algérie
La Banque de l’Algérie, fondée en 1851 par la loi du 4 août, reçoit le concours de
la Banque pour la création de sa monnaie fiduciaire. La banque d’Alger ayant traité
directement avec la papeterie du Marais et son formaire, ainsi qu’avec le graveur et le
mécanicien pour les changements et additions à faire à la planche à billet de l’ex-banque
départementale de Bordeaux1 que cède la Banque de France, il est convenu qu’il n’y a
plus à s’occuper que de la confection et de l’impression à l’identique des billets de 1.000,
500, 100 et 50 francs.
Collection privée
80
Collection privée
− Banque de Belgique
La Banque de France participe activement à l’installation de la Fabrication des billets
de la Banque nationale de Belgique créée en 1850. Celle-ci invite monsieur Delarue à
Bruxelles le 10 octobre afin de parapher le contrat d’utilisation du procédé préservatif
et de dévoiler son application. À cette occasion, il conseille ses interlocuteurs belges sur
toutes les facettes de la confection du papier-monnaie.
81
Personnel
Colson, embauché quatre ans auparavant pour le tirage délicat des vignettes Barre, décède
le 30 avril 1847, frappé d’une maladie de cerveau. Il laisse une veuve sans aucune ressource
et trois filles mineures dont une infirme. Malheureusement, sa qualité d’externe, ainsi
que le peu de temps de service, ne permet pas d’attribuer de pension. Monsieur Ville
demande au Conseil la charité et le versement d’une somme de 300 francs pris sur les
fonds spéciaux.
Théophile Delarue est embauché à l’imprimerie par un arrêté du 17 août 1848 avec un
salaire de 2.500 francs par an1. Ce recrutement récompense les efforts qu’il déploie pour
imprimer le préservatif de son invention sur les billets. À cette occasion, il divulgue à la
Banque nationale de Belgique et à la banque de Gênes sa technique, moyennant une rente
viagère de 300 francs par an versée par chaque établissement. Il est aussi responsable du
travail effectué dans l’atelier de lithographie. Enfin, il est chargé de toutes les questions
de sécurité liées aux contrefaçons.
Son fils Jules, rentre en septembre de la même année comme lithographe. Il démissionnera
en février 1858.
Les événements de 1848 obligent la Banque à fabriquer une très grande quantité de billets.
Pour cela, le nombre d’ouvriers est augmenté : dix-neuf imprimeurs, 3 mécaniciens,
2 papetiers-relieurs, 2 brocheuses, 3 régleurs, 2 apprentis, 5 lithographes et 4 aides sont
nécessaires. Pour les travaux de bureau, il faut 1 chef, 9 employés et 8 auxiliaires venant
les dimanches et travaillant tard le soir, soit environ 6.900 billets traités par jour. Le
service traite 15 fois plus de billets qu’en 1846.
En décembre 1851, Léopold Plon est atteint depuis quelques temps d’une sorte de
paralysie qui ne lui permet plus un service actif. La retraite est désormais pour lui une
nécessité1. Mais il est malheureux car sa femme est vieille et maladive et 2 de ses filles
encore célibataires sont en partie à sa charge.
Il décède le 15 décembre 1852. Sa femme avait succombé quelques mois avant lui. Deux
de ses filles ne vivent que de leur travail, peu productif, et doivent près de 1.000 francs
(médicaments, inhumations). Un secours de 1.000 francs est accordé par le Conseil.
1. Il avait été sollicité en 1841 au sujet de la reproduction lithographique et avait efficacement collaboré avec le
personnel de la Fabrication des billets.
2. Né le 22.07.1780. Imprimeur depuis le 1er mars 1818 (32 ans et 10 mois de service), aux appointements de
2.000 francs.
82
Collection privée
En 1852, Étienne Huyot, graveur, est réduit à la détresse par un long chômage, les
travaux de sa profession étant suspendus depuis 4 ans. Il est actuellement chargé d’un
travail pour l’étranger ; mais il n’en recevra le prix qu’après livraison. En attendant il ne
peut pas faire face aux frais qu’occasionne son œuvre et aux besoins de sa nombreuse
famille, et dans son dénouement il implore un secours à la Banque pour laquelle en
1848, il a exécuté la gravure sur acier d’une vignette destinée au billet de 200 francs et
qui n’a pas été employée. Sa position est tellement déplorable que la Banque lui alloue
un secours de 200 francs.
83
En octobre 1852, Rodolphe Gebauer, commissaire au Marais, est atteint d’apoplexie,
frappé de cécité et d’absences mentales. Il doit être promptement remplacé. Le chef de
l’imprimerie se transporte à la fabrique de papier aussitôt que l’avis de cette catastrophe
lui parvient. Il reconnaît immédiatement le compte de fabrication et met sous clef les
produits et les instruments, suspendant les travaux. Rodolphe Gebauer était élève de
papeterie, ses connaissances spéciales, son intégrité et sa fermeté ont été souvent très
utiles dans le poste où il fut placé en mai 1833. Malgré les 19 ans, passés loin de sa
famille et de ses relations habituelles1, son zèle ne s’est jamais ralenti. D’après monsieur
Ville, il est dans un état qui ne laisse pas l’espoir de le conserver longtemps. Il décède en
juillet, laissant une veuve réduite à un niveau insuffisant, car celle-ci ne va recevoir que
le quart de sa pension, soit 353 francs.
En novembre 1853, le sieur Joseph Plon est depuis près de 39 ans ouvrier à l’imprimerie
de la Banque. Une longue maladie de sa femme a épuisé ses ressources et il obtient un
secours de 200 francs. Il prend sa retraite en février 18552. Cet imprimeur, plus ancien
ouvrier typographe, quoique d’un âge encore peu avancé, est atteint d’infirmités qui le
forcent trop fréquemment à garder la chambre. Il était doué de facilité de conception qui
le rendait propre à divers travaux ; cette faculté a été employée avec beaucoup d’utilité et
dans un grand nombre de cas, dans l’atelier de la Banque.
Collection privée
84
CHAPITRE VI
(1857 à 1869)
Projets
non retenus de
Théophile Delarue
85
La Banque charge, en 1858, monsieur Guillaume-Alphonse Harang, dit Cabasson, de
dessiner et de faire graver sur bois une vignette d’après un grand tableau en grisaille
fourni l’année précédente par monsieur Pierre-Nicolas Brisset1.
Collection privée
Les dessins ont paru satisfaisants au Comité : les lignes sont pures et correctes. Elles
présentent de grandes difficultés de dessin dont une main exercée dans cet art pourrait
seule triompher. Cependant, quelques améliorations sont désirables dans les détails,
soit dans la disposition défectueuse de l’écusson situé au bas du tableau, soit dans les
parties du cadre où doit être ménagée la place des numéros et des lettres d’ordre. Ces
modifications sont indiquées en accord avec le gouvernement de la Banque, et peuvent
facilement être exécutées. Puis, les membres du Comité recherchent de quelle manière
cette œuvre d’art remarquable devra être gravée afin de lui conserver ses qualités
artistiques, et atteindre ainsi le but souhaité.
1. Plusieurs artistes avaient concouru, dont messieurs Catenacci, Fossey, Dubouloz et Delarue (2 dessins en couleur).
Monsieur Brisset avait été lauréat du prix de Rome de peinture en 1840.
86
La gravure en taille-douce, où les traits du dessin sont tracés en creux, est généralement
usitée pour la reproduction des œuvres d’art : c’est celle qui rend le mieux la physionomie
du tableau et la touche du peintre. Mais la délicatesse même de ce genre de gravure abrège
la durée de la planche car les traits du burin peu profonds et d’une finesse extrême,
s’usent promptement par les tirages. Les premières épreuves diffèrent essentiellement
des suivantes, et les dissemblances s’accroissent avec le nombre des épreuves. C’est là un
inconvénient considérable pour des billets qui doivent rester parfaitement semblables
entre eux, afin d’être facilement distingués de billets contrefaits.
Néanmoins, les banques étrangères, en Angleterre et aux États-unis, ont adopté pour
leurs billets la gravure en taille-douce ; elles ont cherché à remédier à l’usure rapide des
planches et aux déformations qui en résultent, en renouvelant fréquemment ces planches
au moyen d’une machine inventée par monsieur Perkins. Cette machine consiste en
un cylindre d’acier dont la surface a été préalablement détrempée à une profondeur
convenable. On promène ce cylindre sur la planche d’acier originale, gravée en taille-
douce et servant de type : elle laisse sur la circonférence du cylindre un certain nombre
d’empreintes qui, ramenées à la dureté primitive de l’acier au moyen d’une nouvelle
trempe, servent à l’impression des billets.
Mais il paraît que ces empreintes ne sont pas des reproductions parfaites de la planche
primitive ; le mouvement de rotation du cylindre amène des irrégularités notables, il
en résulte des différences entre les billets, et ces différences ne sont pas comme dans le
système suivi par la Banque de France, un indice certain à l’aide duquel on reconnaît
facilement les billets contrefaits. Ce désavantage du système étranger, comparé au nôtre,
n’est pas le seul. La Banque serait dans l’obligation de renoncer à son papier si précieux
par ses qualités exceptionnelles, mais trop sec et trop dur pour l’impression de la gravure
taille-douce. Il faudrait encore abandonner l’impression identique considérée avec raison
jusqu’à ce jour comme l’une des meilleures protections de la Banque et qui devient
impossible avec la taille-douce. Ce serait en un mot une révolution complète dans le
système suivi par la Banque dès l’origine, et dont une longue expérience a démontré les
avantages.
Le Comité recule devant cette révolution dont l’utilité n’est pas justifiée, et préfère
conserver la gravure en taille d’épargne en y ajoutant les perfectionnements possibles.
La gravure en taille d’épargne sur métal ne se prête pas commodément à la reproduction
des tableaux ; la dureté du métal et la nécessité de l’inciser profondément ainsi que
l’impossibilité de diriger le burin avec une entière liberté, nuisent à la pureté et à la grâce
du travail de l’artiste.
Dans les œuvres d’art, la gravure en taille d’épargne n’est usitée que sur bois. Depuis
quelques années, grâce aux publications illustrées, les progrès en ont été remarquables.
Il existe à cette époque des artistes habiles qui travaillent le bois avec succès, et qui
87
traduiraient convenablement le dessin proposé pour les billets de 100 francs ; seulement
le cliché en bois, s’il servait à l’impression des billets, s’altérerait promptement et ne
permettrait d’ailleurs qu’un tirage trop restreint pour le service de la Banque.
Une combinaison ingénieuse a été indiquée afin de remédier à ce sérieux inconvénient :
ce serait de graver un premier cliché sur bois ; de tirer de ce cliché, à l’aide de la
galvanoplastie et par les procédés que nous avons indiqués plus haut, une empreinte en
métal. De travailler ensuite cette nouvelle empreinte et de la perfectionner de manière
à lui donner toute la netteté et toute la finesse désirables. Ces opérations successives
s’exécuteraient sous la direction et par les soins du dessinateur et du graveur qui, l’un
et l’autre, et c’est ici une condition essentielle du succès, devraient être choisis parmi les
artistes de premier ordre. Le concours du talent de ces deux artistes contribuerait sans
aucun doute à produire une œuvre d’art, d’un style remarquable et hors de la portée d’un
manœuvre : un artiste supérieur pourrait seul la reproduire avec quelques succès, et il
est superflu de le dire, ce n’est pas dans cette sphère élevée que la Banque peut craindre
de rencontrer un faussaire.
Pour s’assurer de la possibilité pratique de cette combinaison, le gouvernement de la
Banque a bien voulu faire exécuter, à titre d’essai, un dessin sur bois qui a été gravé,
transformé ensuite en cliché de cuivre par la galvanoplastie et perfectionné sur le cuivre.
Le résultat est proposé au Comité qui le trouve satisfaisant. La question de dépense est
ensuite posée ; il est répondu que le travail du cliché de bois et du cliché de cuivre ne
coûterait pas plus de quatre à cinq mille francs.
Le Comité se préoccupe du choix des artistes auxquels le Conseil pourrait confier
l’exécution du dessin et de la gravure sur bois. D’après les renseignements recueillis,
monsieur Cabasson, pour le dessin, et monsieur Lavieille, pour la gravure du bois,
pourraient être chargés de ce double travail ; ils figurent l’un et l’autre au premier rang
des artistes de ce genre.
En conséquence, le Comité n’hésite pas à proposer au Conseil l’adoption de ce système
mixte qui conserve la gravure en taille d’épargne avec tous ses avantages, et produit une
planche type, réunissant la solidité du métal à la physionomie artistique de la gravure
sur bois.
1. Adolphe Pannemaker, Alphonse Vauthier et Louis Massey (agent de la Banque) ont participé à la gravure des
deux vignettes.
88
premier travail, exécuté dans des conditions tout à fait inusitées, n’ayant pas donné un
résultat entièrement satisfaisant, monsieur Cabasson, avec l’assentiment de la Banque,
recommence suivant un système différent, toute la série des opérations, le dessin et
la gravure sur bois, le cliché et la gravure sur cuivre et obtient cette fois un succès
complet. Vient ensuite le détail d’achèvement du billet, c’est-à-dire la composition du
texte, les formules à inscrire dans le médaillon et sur les pilastres, le choix des caractères
d’imprimerie à employer, et enfin la fabrication difficile de ces mêmes caractères par des
procédés qu’il faut inventer. L’artiste se consacre entièrement à ces travaux et les conduit
à bonne fin en 1860 avec un absolu dévouement.
Le Comité, voyant que le filigrane était caché en partie par les mots, cent francs, imprimés
sur le verso, propose de les supprimer pour dégager le filigrane qui serait en outre un peu
baissé de manière à ce que les mots cent francs du recto ne couvrent pas la tête.
Collection privée
– Billet de 50 francs
En 1861, le gouvernement de la Banque avait, comme le Conseil l’y avait autorisé,
demandé, par prévoyance, des études sur une coupure de 50 francs. Deux ans plus
tard deux projets sont soumis à l’examen du Comité : l’un, dont la vignette a une forme
carrée, n’est pas adopté et le Comité se prononce pour celui dont l’ornementation et la
forme ovale de la vignette lui paraissent les plus gracieuses ; les mots Banque de France et
Cinquante francs que ce second projet porte dans sa première composition ne paraissant
pas assez visibles, ils sont remplacés par d’autres d’apparence plus saisissables tout
en conservant la même vignette. Les dessins des deux faces de la vignette sont dus à
89
Cabasson. Ils sont gravés par Adolphe Pannemaker assisté par Adolphe Ligny pour le
recto1.
BdF Médaillier
Ce billet devait être garanti des contrefaçons photographiques par l’impression en bleu.
Toutefois, le gouverneur fait étudier le moyen d’imprimer la vignette en bleu et les
légendes qu’elle renferme en noir, afin de rendre ces dernières plus facilement lisibles.
La garantie n’en est pas accrue, mais elle n’en est pas diminuée puisque la vignette est
toujours d’une couleur anti-photogénique et cette double nuance rend ces billets plus
reconnaissables pour le public.
Collection privée
1. Il est curieux de constater que la Banque n’a pas embauché de graveurs français car Ligny et Pannemaker sont
belges.
90
– Coupures de 1.000 et 500 francs
En 1862, la Banque soumissionne l’exécution du verso des billets de 1.000 et 500
francs. Sur les quatre artistes sollicités, seuls messieurs Chazal (pour le 1.000 francs) et
Cabasson (pour les deux) répondent1. Les deux soumissionnaires proposent environ le
même prix, soit 12.000 francs, somme jugée très correcte, eu égard aux talents des deux
artistes et comparée aux tarifs précédemment payés dans le passé. Par contre les projets
diffèrent notablement. Camille Chazal place la difficulté dans les figures car d’après lui,
il est presque impossible de reproduire un visage, un portrait d’une manière absolument
identique. D’autre part il reste très sobre sur les ornements. Monsieur Cabasson, au
contraire, cherche à contrecarrer les faussaires par la disposition, la multiplicité et le fini
des ornementations.
Les deux artistes exigent que la gravure sur bois soit effectuée à leur domicile, sous
la surveillance que la Banque jugera opportune. Cette disposition leur évitera des
déplacements continuels et une perte de temps trop importante. Regrettant cette
condition, la Banque accepte, tenant compte de l’honorabilité de messieurs Chazal et
Cabasson. Par contre le cliché en cuivre devra être exécuté par une entreprise privée,
mais dans les locaux de la Banque. Ils veulent ainsi rester maîtres de leur œuvre, afin
d’imposer leurs vues et de respecter les délais de livraison. La Banque est plutôt favorable
pour cette mesure car elle épargne à ses employés un travail difficile dont les imperfections
ou les retards accidentels pourraient autrement leur être imputés.
Seul le délai d’exécution diffère notablement : monsieur Chazal s’oblige à livrer le cliché
en cuivre entièrement achevé quarante cinq jours après l’approbation de son dessin,
tandis que monsieur Cabasson réclame trois mois. Cette inégalité de durée s’explique
par la différence de systèmes préférés par chacun des artistes. Cabasson croit utile de
faire retoucher sur le cuivre, par un graveur en métaux, le travail du graveur sur bois,
afin d’arriver à une plus grande finesse d’exécution et augmenter ainsi les difficultés
pour les contrefacteurs. Camille Chazal, au contraire, s’arrête à la gravure sur bois et se
contente à la convertir en cuivre par la galvanoplastie, sans aucune retouche ; il espère
éviter ainsi l’aspect un peu sec produit ordinairement par la gravure en taille d’épargne
sur le métal, et conserver dans son entier l’effet artistique de la gravure sur bois qu’un
faussaire tenterait vainement de reproduire. Ces différents systèmes représentant certains
avantages, le Comité estime qu’il est opportun de les essayer l’un et l’autre et d’accorder
aux deux artistes les délais réclamés.
Les membres du Conseil, après avoir examiné les divers projets, rejettent les deux
esquisses de Cabasson les trouvant trop ornementées, ne présentant pas suffisamment
1. Monsieur Catenacci n’a pas accepté les conditions et monsieur Duc s’est excusé en raison de ses nombreux
travaux.
91
de sécurité contre la contrefaçon. Par contre, le dessin, pur et plein de charmes, de Chazal,
avec ses figures humaines et des ornements qui ne forment que l’accessoire, attire le
regard et se mémorise facilement. La vignette du billet de 1.000 francs est confiée à
Camille Chazal. Informé, monsieur Cabasson s’empresse de dessiner un troisième projet
avec une ornementation plus sobre, dans lequel les figures humaines ressortent d’une
manière saisissante. Ce projet est admis pour le billet de 500 francs.
– Banque de l’Algérie
À partir des années 1860 des tentatives
BdF Archives
L’exécution des vignettes reste aux soins de la Banque de l’Algérie ainsi que l’exécution
du cliché type. La Banque de France fournit les autres clichés nécessaires à l’impression,
moyennant un prix déterminé et imprime les billets dans ses ateliers. Le prix en est fixé
suivant l’importance du travail. La vignette originale de Cornouailles est retouchée, des
ornements sont supprimés, d’autres sont déplacés. Un verso composé par Cabasson et
gravé par Lucien Massey remplace l’impression à l’identique.
92
– Banque des États pontificaux et Banque du Mexique
La Banque de France profite des commandes de pays étrangers pour expérimenter, sans
aucun frais, de nouvelles techniques. Ainsi, en 1866, la création de nouvelles coupures
pour le Mexique, avec l’aide de l’Imprimerie impériale et, pour les États pontificaux, dans
son imprimerie, sont l’occasion de faire passer dans le creuset de l’expérience industrielle
les méthodes qui sans cela seraient restées à l’état de théorie ou d’essais. Le contrôleur,
Léon Chazal, prend comme collaborateur son frère Camille, 2e prix de Rome en peinture
en 1849, en qui il trouve l’exécuteur fidèle de sa pensée.
BdF Chamalières
93
Pour les États pontificaux, 2.408.949 coupures sont imprimées en bleu cobalt du
15 février 1867 au 17 juin 1868, puis du 5 février 1869 au 26 juillet 1870. L’impression
a été pour les grosses coupures faite avec des presses à bras1.
Collection privée
– Banque de Belgique
Les services de la Fabrication des billets réalisent le filigrane pour les billets belges,
fabriquant les formes à papier utilisées par la papeterie du Marais.
BdF Archives
Dessin
d’un filigrane
pour la Belgique
1. Dossier 1069199708/16.
94
BdF Archives
– Travaux extérieurs
Depuis longtemps des ouvriers exécutent des travaux pour l’industrie privée incompatibles
avec leur statut d’employé. Bien qu’interdites, ces activités sont tolérées. Le mécanicien
Duphau, exécute fréquemment, pour le compte d’établissement et parfois de particuliers,
des toiles filigranées dont les prix sont débattus dans les locaux de la Banque, souvent
en présence du chef de l’imprimerie. De plus, celui-ci recommande l’ouvrier qui peut
réaliser le travail.
Toutes ces pratiques cessent au début de 1861. Désormais toutes les commandes sont
transmises au gouverneur et, après son approbation, sont exécutées sous la responsabilité
de la Banque. Après remboursement de ses frais, celle-ci distribue la plus-value aux
agents concernés. Pour la fabrication de la Banque des États pontificaux, la Banque fait
un bénéfice d’environ 25 %, redistribuant 37.925 francs au personnel.
95
Contrefaçons
– Papier
Les faussaires n’ont jamais imité complètement le papier des billets de banque : le secret
dont ils doivent s’entourer ne leur permet pas de commander à une usine ce papier
exceptionnel, et il leur manque, pour le fabriquer eux-mêmes dans leur domicile,
l’espace, la matière première, les appareils et l’argent nécessaires aux dépenses préalables
d’installation.
Aussi se sont-ils bornés jusqu’à présent à employer du papier acheté dans le commerce
et à le rapprocher le plus possible, par certaines manipulations, de l’aspect du papier de
la Banque. Pour imiter les filigranes clairs et les filigranes opaques, on suppose qu’ils ont
recours à un grattage ; ainsi, par exemple, après avoir gravé en relief sur une planche les
mots Banque de France, ils déposent sur cette planche leur papier, le frottent avec une
pierre ponce de manière à l’amincir aux points correspondants aux saillies des lettres, et
obtiennent ainsi, sous l’aspect d’un filigrane transparent les mots Banque de France.
Pour produire la bande opaque sur laquelle ces mots sont écrits, ils emploient sans doute
le même procédé et usent le papier tout autour de cette bande. Les faussaires ont échoué
complètement dans l’imitation des chiffres ombrés qui indiquent la valeur du billet ; la
juxtaposition des lignes opaques et transparentes leur oppose, à ce qu’il paraît, des diffi-
cultés à peu près insurmontables ; la gouache qu’ils ont essayée quelquefois pour donner
de l’épaisseur aux traits, ne sert qu’à rendre la contrefaçon plus apparente.
96
donner un aspect plus artistique, afin que l’imitation ne soit pas à la portée de tous ceux
qui savent manier le burin.
– Changement de filigrane
Les filigranes de la Banque de France consistent dans les mots « Banque de France » et
dans le chiffre indicateur de la valeur du billet, apparaissant dans le corps de la vignette
avec des teintes plus ou moins foncées selon les épaisseurs du tissu. Mais les faussaires
parviennent à les imiter, soit par un grattage, soit par une pression sur un laminoir. La
Banque renonce aux lettres et aux chiffres en y substituant un emblème. Plusieurs essais
sont alors tentés dans les ateliers de la Banque : un œil ouvert dont l’aspect a paru peu
satisfaisant ; une tête de Cérès, mieux réussie, mais trop petite pour offrir une image
nette et un modelé appréciable. Un filigrane consistant en un serpent entrelacé avec
1. Déjà en 1853, Théophile Delarue avait été mandaté par la Banque de France pour communiquer sur les expériences
effectuées à la Fabrication des billets et était parti en Angleterre.
2. Lettre du 8 mars 1867. Archives familiales Debuiche.
97
des fleurons est jugé trop important pour l’espace exigu qui lui est réservé. Un autre
essai sur une tête de Mercure confirme la supériorité d’un visage pour lutter contre les
contrefaçons. Le 13 juin 1861, les membres du Conseil approuvent cette orientation.
L’exécution des cires donne lieu à un désaccord entre le contrôleur général, Léon Chazal,
et monsieur Cabasson. L’artiste pense qu’il faut mieux donner un dessin très arrêté à un
ouvrier rompu à l’exécution de la cire, que de confier cette exécution à un artiste qui ne
pourrait peut-être pas rendre complètement sa pensée. Léon Chazal pense, au contraire,
que seul un artiste peut donner à la réalisation de la cire une forme typique et particulière
nécessaire au but à atteindre.
Le dessinateur fournit au premier mécanicien de la Banque, Louis Duphau, un des
hommes les plus habiles pour ce type de travail, un dessin représentant une tête de
Mercure de face. Après 13 jours de labeur, la cire n’était pas complètement terminée.
Quant à monsieur Chazal, il s’adresse à l’un de ses amis, un sculpteur réputé, ancien
pensionnaire de Rome, J. Thomas, qui, malgré son inexpérience, terminait la cire d’un
Mercure de profil en quelques heures. Dans son rapport, le contrôleur général dresse
un panégyrique pour la réalisation du Mercure de profil. Gain de temps, facilité pour
l’enfonçage des toiles métalliques, meilleure productivité lors de la fabrication du papier
et une grande dégradation de la lumière sont évoqués. Après examen, les membres du
Conseil choisissent le Mercure de face, dont la cire devra être modelée par un artiste
confirmé, mettant ainsi dos à dos les deux protagonistes. Quelques jours plus tard, des
membres du Conseil suggèrent de choisir une tête de Minerve. Mais comme il est urgent
de terminer le nouveau billet de 100 francs, cette proposition est rejetée.
– Bleu de Saxe
Dans les premiers mois de 1862, la Banque se trouve en présence d’une préoccupation
très grave du public, au sujet des reproductions photographiques de ses billets. Le
gouvernement de la Banque et le Conseil se sont émus de cette préoccupation et il a été
de la faire cesser le plus tôt possible ; cette obligation ne pouvait être évitée ni retardée, la
présence de quelques billets faux de 1.000 francs photographiés avait jeté dans certaines
régions un trouble tel que la circulation fiduciaire se trouvait arrêtée et compromise ; les
caisses publiques ne recevaient plus les billets de banque et il n’avait fallu rien de moins
que l’intervention de l’autorité supérieure pour faire cesser cette répulsion si fâcheuse.
Il était important de couper court au mal et de l’empêcher de s’étendre : des projets de
vignettes protectrices furent étudiées avec activité et, dès la fin de juin, le Conseil pouvait
fixer ses choix.
Le bleu provient de trois fabriques royales établies à Schneeberg et placées sous la
direction du corps des Mines du Royaume de Saxe, leur dépôt central est à Leipsick et le
98
Collection privée
chef du dépôt a bien voulu envoyer des échantillons de leurs divers produits. Sa marque
de fabrique est FFU.
En examinant le rapport intéressant par lequel monsieur Pouillet confirme entièrement le
résultat des expériences faites à la Banque et y donne cette consécration scientifique qui
dégage la responsabilité du Conseil, le Comité des billets constate les faits suivants :
- le bleu de cobalt vitrifié, indiqué par monsieur Pouillot résiste à tous les agents
chimiques connus ; il ne s’altère pas lorsque déjà se détruit le papier sur lequel il
est appliqué ; il impressionne à l’égal du blanc, les plaques sensibilisées et rend ainsi
imprévisible le tirage d’aucun cliché ;
- mêlé à l’encre d’imprimerie dans une proportion convenable, ce bleu produit des
épreuves typographiques d’une netteté suffisante pour conserver aux vignettes des
billets de banque leur valeur artistique et en rendre très difficile la contrefaçon par
la gravure ;
- l’importance des usines royales de Saxe et la direction éclairée qui préside à la
fabrication, permettent de compter sur un approvisionnement régulier de cette
substance et sur une identité aussi parfaite que possible dans sa coloration.
À la suite de ces recherches, le bleu de Saxe est adopté pour l’impression des deux
vignettes du nouveau billet de 100 francs, afin de les protéger l’une et l’autre contre les
contrefaçons photographiques.
99
100 francs il avait été abandonné, probablement à cause de l’insuffisance du filigrane ;
le grain du tissu est dur et détériore les clichés ; il est évidemment nécessaire de choisir,
pour les coupures de 50 francs, un papier meilleur avec un filigrane perfectionné qui les
protégera contre la contrefaçon ; ils y sont exposés plus que toutes les autres coupures, à
raison de leur peu de valeur qui les livre aux classes moins fortunées de la société où les
tentations sont plus grandes, et les fait accepter, dans les échanges, avec une plus grande
facilité. L’urgence de cette fourniture ne permet pas de fabriquer, quant à présent, un fili-
grane spécial : il sera donc utile de revêtir ces billets du meilleur filigrane existant, celui
de la tête de Mercure, en le disposant de la manière la plus avantageuse.
Les billets de 500 et de 1.000 francs s’impriment sur l’ancien papier de la Banque,
composé de deux feuilles, l’une en pâte de chanvre qui procure la solidité, l’autre en
pâte de chiffons, plus favorable à l’impression. Ce papier, éprouvé par une longue
expérience, possède des qualités précieuses : une grande résistance, une sonorité, un
toucher exceptionnels qui le distinguent des papiers ordinaires du commerce. À l’époque
où la Banque n’appliquait à ses billets qu’une seule vignette, ce papier réunissait toutes
les conditions essentielles pour un billet de banque ; la vignette unique s’imprimait avec
netteté sur le recto en pâte de chiffons, et le verso, en pâte de chanvre suffisait pour
reproduire convenablement, au moyen de l’impression identique, la contre-empreinte
accessoire de la vignette du recto. Aussi avait-on adopté ce même papier, lors de la
création du billet de 100 francs, pour les billets définitifs de cette coupure.
Le papier adopté pour les billets de 100 francs est composé de trois feuilles, l’une intérieure
en pâte de chanvre, les deux autres extérieures en pâte de chiffons : il a été l’objet d’un
brevet d’invention pris à tort ou à raison par M. Ollier qui en a concédé l’exploitation
à l’usine de Thiers. Des essais suivis, dans les ateliers de la Banque, avaient constaté à
l’origine, que ce papier prenait bien l’encre d’impression et donnait à la vignette toute
sa valeur ; la solidité du tissu avait aussi été éprouvée par des expériences répétées : il
semblait donc que le papier de M. Ollier ne laissait rien à désirer.
100
Mais les faits n’ont pas confirmé les données de la théorie et les résultats des premiers
essais : le papier à trois feuilles n’a pas résisté aux froissements de la circulation ; il
s’affaisse et se déchire promptement ; le filigrane s’efface ; l’impression même est inégale :
cette inégalité s’explique par le procédé suivi pour la fabrication du tissu. Les trois feuilles
puisées successivement dans des cuves différentes, dont les unes contiennent la pâte de
chanvre et les autres la pâte de chiffons, se superposent à l’état liquide sur la même toile
métallique : il arrive alors souvent, soit que les feuilles extérieures se confondent avec la
feuille de chanvre, soit qu’elles ne la recouvrent pas entièrement ; par suite, les surfaces
ne deviennent pas homogènes et l’impression, nette sur le tissu en chiffons, confuse sur
le tissu en chanvre, apparaît avec des teintes d’une intensité variable. Le papier à trois
feuilles est donc défectueux et ne saurait être adopté pour les nouvelles commandes du
billet de 100 francs.
Ainsi, sur les trois espèces de papier employées aujourd’hui par la Banque, le papier
ancien à deux feuilles, peut seul être conservé pour les coupures de 500 et de 1.000
francs : le papier des coupures de 50 et de 100 francs doit être remplacé.
En 1864, il devient nécessaire, par conséquent, de choisir un papier nouveau parmi ceux
dont les fabriques de Thiers et du Marais ont envoyé des échantillons. Ainsi, il résulte
des expériences faites à la Banque que le Conseil peut effectuer des commandes soit à
l’usine de Thiers, en papier conforme à l’échantillon numéro 7, soit au Marais, en papier
conforme à l’échantillon numéro 10.
On constate d’abord qu’aucun engagement ne lie la Banque, soit avec l’usine de Thiers,
soit avec celle du Marais. L’usine de Thiers s’est à la vérité organisée et a renouvelé
son outillage à l’occasion de la fabrication du papier à trois feuilles destiné au billet de
100 francs ; mais ces dépenses ne lui avaient été nullement imposées par la Banque ; elle
les a faites parce qu’elle y trouvait avantage et elle a dû en être indemnisée par les bénéfices
de sa fabrication ; elle a d’ailleurs utilisé depuis lors son nouveau matériel en travaillant
pour d’autres établissements, comme la Banque de l’Algérie ou la Banque ottomane. Si
donc, par des motifs de prudence ou de bonne administration, la Banque jugeait opportun
de ne pas continuer ses relations avec l’usine de Thiers, elle serait libre de le faire, et
personne ne pourrait équitablement le lui reprocher. Au fond, le partage des commandes
entre l’usine de Thiers et l’usine du Marais, présenterait des inconvénients assez graves.
Ainsi, les rapports de la Banque avec l’usine de Thiers n’ont pas été toujours satisfaisants ;
la Banque n’y a pas trouvé la sécurité nécessaire dans des transactions de cette nature et
d’une si grande importance. Pourrait-elle y compter dans l’avenir ? Ensuite, le partage
de la commande entre deux établissements, en divisant la surveillance, la rend plus
difficile et moins assidue, multiplie par conséquent les chances de fraude et entraîne
une augmentation du personnel et des frais ; mais elle procure les avantages de la
101
concurrence : la Banque en a déjà recueilli les fruits dans le passé. C’est à la concurrence
de l’usine de Thiers que sont dus l’abaissement des prix, la recherche et la découverte
des nouveaux procédés de fabrication, l’amélioration des produits, l’affectation par la
société du Marais, au service spécial de la Banque, d’une usine particulière isolée, où
s’exerce efficacement la surveillance des commissaires. Si la Banque ne pouvait désormais
compter sur des progrès et sur des économies que par une concurrence immédiate et
en attribuant à l’usine de Thiers une partie de la commande actuelle, peut-être devrait-
elle, malgré les inconvénients de cette mesure, se résoudre à l’adopter. Mais il n’en est
pas ainsi : le contrôleur, M. Chazal, a expliqué au Comité des billets qu’il serait facile
d’organiser, au besoin, et en peu de mois, dans une des grandes usines de France,
une nouvelle concurrence à l’usine du Marais, la Banque, si elle ne contractait pas des
marchés de longue durée, serait toujours libre de recourir promptement à ce moyen
de défense ; l’usine du Marais le comprend ; le souvenir de la concurrence qui lui a été
faite pour les billets de 100 francs, ne s’effacera pas. Au surplus, cette menace d’une
concurrence possible et sérieuse ne paraît pas nécessaire aujourd’hui pour prévenir des
abus et provoquer des progrès de la part de l’usine du Marais ; la nouvelle direction est
animée d’un véritable zèle pour le service de la Banque ; elle tient à conserver la Banque
au nombre de ses clients, et s’applique, de plus en plus, à la satisfaire.
Le Comité s’est demandé ensuite s’il ne conviendrait pas, dans le cas où le Conseil
accorderait au Marais la totalité des commandes, d’adopter le papier conforme à
l’échantillon n° 10 pour toutes les coupures de billets ? La Banque y gagnerait une
uniformité désirable dans sa circulation fiduciaire, un filigrane plus net et plus apparent,
une impression meilleure pour toutes les vignettes, une certaine économie dans les
dépenses.
Mais la majorité du Comité a considéré qu’il s’agissait d’un papier entièrement nouveau
dont les qualités n’étaient attestées que par des expériences de laboratoire ; que
l’épreuve de la circulation y manquait encore et pouvait révéler, dans l’avenir, comme
précédemment pour le billet de 100 francs, des défauts imprévus ; qu’il pouvait être
dangereux de livrer toute la monnaie fiduciaire au hasard de cette expérience et qu’il
102
paraissait être plus prudent de conserver provisoirement pour les billets de 500 et 1.000
francs, l’ancien papier à deux feuilles éprouvé par un long usage, sauf à y renoncer
plus tard, lorsque le temps aurait confirmé d’une manière certaine les bonnes qualités
attribuées aujourd’hui au nouveau papier.
Il est commandé à la papeterie du Marais :
1.200 rames de papier à billets de 1.000 francs
300 500 francs
3.600 100 francs
200 50 francs, à quatre billets par feuilles.
Imprimerie
– Réorganisation
Au fil des années, des améliorations sont apportées à la Fabrication des billets: création
d’un atelier d’ajustage, de galvanoplastie et d’enfonçage pour les toiles. Mais cet atelier est
tout à fait rudimentaire et « les ouvriers intelligents qui s’y succèdent y sont plus maîtres que les
agents de la Banque eux-mêmes ». En 1857, alors que les reproductions photographiques
forcent la Banque à changer le type et la couleur de ses billets, le personnel est composé
du chef de l’imprimerie ayant sous ses ordres des commis, exclusivement employés
aux travaux de l’annulation, des ouvriers imprimeurs et un ouvrier ajusteur1, « très
intelligent, très ingénieux, mais manquant d’instruction spéciale aussi bien que l’instruction
générale et si absolument gâté par l’absence de direction qu’il a fallu se priver de ses services
quand on a voulu réorganiser sérieusement l’atelier ». Mais ce service manque totalement de
cadres techniques : le chef de l’imprimerie, Jean-François Philippe Gebauer2, ne possède
d’autres connaissances que celles qu’il a acquises dans les ateliers de la Banque. Quant
au commissaire aux Papeteries, la première fois que la surveillance lui était confiée, « il
était absolument étranger à la fabrication et n’avait jamais vu une usine». Il n’y a personne,
à la Banque, capable de lui donner des instructions et il ne doit qu’à « son intelligence et
son désir de s’instruire » les renseignements collectés lors de son séjour dans la fabrique.
Conscient de ces lacunes, le Conseil de la Banque engage un savant illustre, monsieur
Pouillet, pour étudier les procédés que la science pouvait mettre à la disposition de la
fabrication du papier fiduciaire. Mais le chef de l’imprimerie le décourage, car « la routine
n’entendait pas être dérangée par la science » et cet « ennuyeux », profondément dégoûté,
quitte la Banque.
1. Louis Duphau.
2. Il sera mis à la retraite par le gouverneur qui lui trouvait des allures trop indépendantes. Pierre-Lucien MOYNOT,
Souvenirs intimes, 1897.
103
BdF Archives
1. À sa sortie en 1844 de l’École centrale, il entre chez un constructeur de machines. En 1849 il le quitte pour
travailler comme ingénier civil où il construit entre autre un moulin en Suisse. En 1854, il dirige les études d’un
constructeur à Mulhouse.
104
À partir de 1862, l’outillage à bras est changé en outillage mécanique. La machine à vapeur
est remplacée en 1867 par une machine plus puissante. Le directeur de la Fabrication des
billets, monsieur Saulnier, choisit une machine demi fixe chez le constructeur Martin et
Colrow. Ce matériel transportable est utile dans un atelier qui est provisoire, sachant que
la précédente a déjà été déplacée trois fois. De plus, lorsque l’installation sera définitive,
elle sera utile en complément d’une machine fixe. Cette année une cinquième presse
mécanique est commandée. Adoptée par d’autres Instituts d’émission, elle permettra
l’étude d’un nouveau mode d’impression jusqu’ici repoussé par la Banque mais rendu
nécessaire par les contrefaçons photographiques : l’impression en plusieurs couleurs.
BdF Archives
105
– Mise au point de la machine à faire du papier filigrané
Petit à petit, la fabrication à la machine s’est substituée à celle de la cuve, créant un
manque de personnel qualifié. Léon Chazal pense que « la cuve est le seul procédé propre
à donner du papier filigrané satisfaisant » ; néanmoins il espère que l’on pourra fabriquer
mécaniquement du papier filigrané d’une qualité égale à celui fait à la cuve. C’est un
problème qui n’a pas été étudié suffisamment par l’industrie papetière. C’est logique,
car la production générale, la fabrication du papier filigrané, et surtout celle du papier
à billets, ne représente, malgré son accroissement, qu’un chiffre négligeable. À la suite
des difficultés de 1863, au moment où l’approvisionnement est compromis en raison du
renouvellement urgent des différents types de billets, il acquiert la conviction que cette
production pouvait s’obtenir par des procédés mécaniques. À la suite d’essais accomplis
dans les locaux de la Banque, dans des conditions les plus défavorables, il parvient à
faire partager ses espérances à monsieur Saulnier, alors chef de la Fabrication des billets,
qui avec les seules ressources de l’atelier, construit dans un appentis, au fond du jardin,
une petite machine qui fonctionnera devant monsieur le comte de Germiny et monsieur
Gratiot, alors directeur de la papeterie d’Essonne.
Collection privée
Machine à papier
106
– Billets fautés
Depuis sa création, la Banque de France exerce un contrôle strict de la qualité des billets
émis par ses services. Mais malgré son sérieux, la fabrication génère parfois des billets
fautés. Lorsque l’on commence le numérotage d’un alphabet, un ouvrier compositeur est
chargé d’opérer le changement des blocs portant les lettres de série et numéros d’alphabet
dans la platine qui fonctionne pour apposer les indices. Ce changement effectué, le
conducteur de la machine tire sur papier de marge, une épreuve appelée « tierce », et
vérifie les concordances des indices chargés à l’aide d’une table de contrôle. Il soumet
ensuite la « tierce » au commis d’ordre, qui la signe après l’avoir vérifiée à son tour ; cette
pièce tient lieu d’un bon à tirer.
En 1867, une erreur est commise lors du numérotage des billets de 100 francs. Lors de
l’impression de la série F du 66e alphabet, le changement est régulièrement accompli
quant à la lettre de série, mais le numéro d’alphabet 65 est à tort maintenu. Cette erreur
perdure pendant le numérotage de 1.000 billets qu’il faut ensuite annuler. Le jour de
cette erreur, le compositeur étant absent pour cause de maladie, c’est un remplaçant
qui a opéré ce changement. L’ouvrier chargé de suivre l’impression n’a pas rapproché
avec un soin suffisant la « tierce » de la table de contrôle. Le commis chargé de la
vérifier « ne peut invoquer aucune excuse car il n’ignorait pas qu’il commençait un nouvel
alphabet ». Des négligences de la même nature avaient déjà été punies d’une amende.
Leur « renouvellement indique qu’il est indispensable de revenir aux mesures de sévérité » :
une amende est infligée au commis d’ordre (20 francs) et aux deux ouvriers (5 francs).
En 1869, des ouvriers chargés du numérotage des billets de 1.000 francs destinés à
la succursale de Montauban commettent une erreur dans les circonstances suivantes :
après le numérotage de la lre série (Al) le changement de lettre (de Al à Bl) est réalisé
régulièrement, et, selon l’usage, une vérification est effectuée par le contremaître de
l’atelier et le commis d’ordre. La première centaine de cette série terminée, le travail est
abandonné et les outils démontés pour numéroter des billets destinés au remplacement
des fautés de la coupure de 50 francs.
Le lendemain, on doit de nouveau préparer l’outillage pour reprendre le travail des billets
de la succursale de Montauban interrompu la veille. C’est alors qu’un ouvrier place les
caractères B2 au lieu de Bl dans le composteur qui doit lui servir à numéroter les neuf
dernières centaines de la 2e lettre.
Cette erreur n’est pas relevée par le contremaître chargé d’apposer le numéro d’ordre à
chacun des billets, et elle se perpétue pendant l’impression de 300 coupures.
Jusqu’à présent les négligences de cette nature avaient été presque toujours punies d’une
amende, surtout lorsqu’elles avaient entraîné l’annulation d’un nombre important de
107
billets. Une amende est donc infligée au contremaître (25 francs) et à l’ouvrier (15 francs).
Les deux ouvriers qui avaient pris tour à tour les fonctions de margeur receveur, nettement
moins responsables de l’erreur, sont selon le principe de la solidarité, aussi assujettis à
une amende, « afin que les ouvriers sachent bien que tout une équipe est intéressée à ce qu’il
ne se commette pas de faute dans le travail qui lui est confié ».
Personnel
– Mouvements
Le 1er septembre 1862, Louis Massey est embauché comme graveur au tarif de 2.50 francs
de l’heure1.
Louis Duphau est renvoyé le 29 septembre 1862 après avoir surfacturé les achats de
matériel nécessaire au bon fonctionnement de son activité.
108
Malade depuis plusieurs mois, monsieur Saulnier décède le 11 février 1866. Par
précaution, la Banque avait embauché en début d’année Frédéric Symphorien Ermel,
ingénieur mécanicien1.
Jean Dupont débute comme employé auxiliaire à la Banque le 1er juin 1868 pour aider
M. Ermel dans des calculs relatifs au fonctionnement des calorifères. Il est envoyé par la
Banque comme dessinateur chez MM. Weyher et Richemont, constructeur mécanicien,
puis comme surveillant à la papeterie du Marais (18 mois) « afin qu’on ait la certitude
qu’aux connaissances techniques il joindrait les connaissances pratiques indispensables à une
bonne exécution du service ».
BdF Archives
2. Diplômé en 1854, il devient répétiteur du cours de machines à vapeur à l’École centrale, puis en 1865 professeur
du cours d’éléments de construction de machines.
109
– Gratifications du personnel
Le travail habituel est de huit heures avec une heure de repos. La journée commence à
huit heures pour finir à 16 heures. Deux catégories d’ouvriers cohabitent : les ouvriers
entretenus (titulaires) et les ouvriers auxiliaires. Les ouvriers entretenus possèdent des
avantages significatifs car ils gagnent 1.800 francs, soit 6 francs par jour, 5.50 pour les
auxiliaires, tout en ayant leurs jours de maladie payés et surtout le droit à une retraite.
Par contre les heures supplémentaires ne leurs sont pas payées, tandis que les auxiliaires
reçoivent quatre vingt centimes de l’heure. En 1868, les ouvriers font environ 590 heures
supplémentaires et, curieusement, les imprimeurs non titulaires gagnent 300 francs de
plus, somme énorme à cette époque. Lorsque qu’un auxiliaire méritant devient entre-
tenu, il est paradoxal de noter qu’il perd une somme importante alors que la Banque le
récompense. Pour pallier partiellement à cet écart, la Banque décide de verser une prime
de 225 francs à chaque ouvrier entretenu.
Monsieur Cabasson adresse à M. le gouverneur une lettre dans laquelle il expose que la
somme de 6.800 francs touchée par lui jusqu’à ce jour, à titre d’honoraires, ne lui paraît
pas une rémunération suffisante de ses peines et soins à l’occasion des travaux exécutés
ou surveillés par lui, pour le compte de la Banque pendant quatre années de 1858 à
1862. Il croit mériter une rétribution plus importante et il laisse à la Banque le soin d’en
fixer le chiffre. Le Comité des billets, saisi de cette réclamation, l’examine attentivement.
Outre la création du billet de 100 francs, il s’est occupé, toujours au point de vue de
la contrefaçon, des modifications à introduire dans l’ancien filigrane et il en a dessiné
plusieurs projets. Tout semblait donc achevé en 1860, et la Banque pouvait désormais,
grâce à la perfection de la vignette, défier les contrefaçons des graveurs qui lui ont coûté
si cher dans le passé ; lorsque l’apparition subite des contrefaçons photographiques a
nécessité de nouvelles études et des combinaisons protectrices de diverses natures, une
seconde vignette au verso a été résolue ; c’est monsieur Cabasson qui l’a composée ; il
en a dessiné les médaillons et le cadre ; il a fait modeler en relief par un sculpteur et
fondre en métal les médaillons qui ont été gravés ensuite, toujours sous sa direction par
le procédé Collas. Ces travaux supplémentaires ont occupé monsieur Cabasson jusqu’en
1862. Ainsi, de 1858 à 1862, il a exécuté pour la Banque trois vignettes, dont deux pour
le recto et une pour le verso du billet de 100 francs, indépendamment de plusieurs essais
et dessins de filigrane. De même, il s’est associé avec un dévouement absolu aux recherches
pénibles et multipliées que faisait la Banque pour lutter contre la contrefaçon.
Aussi, les services de monsieur Cabasson pendant ces quatre années, ont-ils été de tous
les instants, et, en prêtant à la Banque son concours assidu, il a négligé ses propres
110
affaires, et interrompu ses travaux ordinaires et souffert un véritable préjudice dans ses
intérêts. Par ces diverses considérations, le Conseil alloue à monsieur Cabasson, un
supplément d’honoraires de 15.000 francs.
111
CHAPITRE VII
(1870 à 1875)
Prodrome
Mais le 1er septembre, encerclé à Sedan, Napoléon III doit capituler. Le 4, la République
est proclamée et un gouvernement provisoire est institué. Les jours suivants, la vallée
du Grand Morin est envahie par l’ennemi. Heureusement la papeterie du Marais a pu
expédier en lieu sûr les papiers filigranés en stock, ainsi que le matériel nécessaire à leur
fabrication, « de façon à sauvegarder entièrement les grands intérêts que ces banques nous
avaient confiés ». L’imminence du siège de Paris force la Banque à transférer la fabrication
des billets à Clermont-Ferrand. Monsieur Ermel installe un atelier de cinq presses dans
cette ville et un autre de deux presses à Thiers.
À Paris, comme dans le reste de la France, les besoins en petites coupures nécessaires
pour la paie des ouvriers des centres industriels se fait sentir car le numéraire a disparu.
Les salaires absorbent régulièrement une quantité importante de monnaie. La situation
113
BdF Archives
Remplacement
du billet de 25 francs
par celui de 20 francs
devenant intenable pour le commerce, il fallut céder devant l’opinion publique et adopter
en urgence une combinaison donnant satisfaction. Les besoins en coupures inférieures
à 20 francs étant admis, il se posait la question de savoir si c’était la Banque ou des
sociétés particulières qui les émettraient. La Banque ne pouvant créer une coupure sans
y être autorisée par une loi, elle encouragea les émissions particulières. Afin de pallier le
manque de petites coupures, le gouvernement étudie leur émission par l’intermédiaire
des syndicats des sociétés financières ou des chambres de commerce contre des dépôts de
sommes équivalentes en billets de banque. La loi de décembre 1871 autorise la Banque à
créer des billets de 10 et 5 francs.
Collection privée
− Décentralisation en Auvergne
En urgence, Frédéric Ermel part le 15 septembre
1870 avec un délégué du Contrôle et quelques
ouvriers de la Fabrication des billets pour Clermont-
Ferrand. Après bien des difficultés, ils parviennent
à monter un atelier à Clermont et un deuxième à
Thiers dans l’usine à papier du Pont-de-Seychal.
C’est l’imprimerie Montlouis à Clermont qui loue
ses locaux, ainsi que deux presses. En octobre
deux presses − une louée à Vichy et une achetée
à Marseille en compte à demi avec l’imprimeur −
114
augmentent le parc de matériel. Deux autres presses louées à Vichy sont installées à la
papeterie du Pont-de-Seychal à Thiers. Elles servent à graisser le papier des coupures de
50 et 25 francs. Enfin, faute de place, une presse venant toujours de Vichy est disposée
dans les caves de la succursale de Clermont et fonctionne à bras pour l’impression des
signatures des vignettes de 25 francs.
Les besoins en personnel sont importants et monsieur Ermel est obligé d’aller à Lyon
chercher des ouvrières margeuses car à Clermont il n’y en a pas, tandis qu’à Vichy où il
en existe sans ouvrage, ce sont les parents qui refusent de les laisser venir.
L’approvisionnement en bleu de Prusse est assuré, grâce aux démarches intelligentes et
actives de monsieur d’Anfreville, inspecteur détaché à Clermont. L’imprimerie travaille
jusqu’à onze heures le soir, six jours sur sept, et s’arrête à midi le dimanche. En février
1871, les ouvriers sont épuisés et démoralisés loin de Paris et de leur famille. Certains
tombent malade et en mars un jour de repos est décrété. Les malades reviennent travailler
et monsieur Ermel trouve chez les autres moins de mollesse et plus de désir de bien faire le
travail.
Mais les disparités d’impression, entre Paris et les ateliers auvergnats, créent de nombreux
incidents. Des saisies de billets et même des arrestations provisoires ont lieu contre des
porteurs de billets fabriqués à Clermont. Ceux-ci ne portent pas de numéro central et
les autres indices sont manuscrits, contrairement aux vignettes imprimées à Paris. Trois
astérisques sont aussi ajoutés autour de la somme manuscrite.
Le papier acheté et celui fabriqué à Thiers sont stockés dans les serres de la succursale
de Clermont, sous la clef du directeur et sous celle du chef de section du contrôle de la
Fabrication des billets, monsieur Simon.
Parti avec l’objectif de fabriquer environ un million de billets de 25 et 50 francs, monsieur
Ermel en fait imprimer quatorze millions. Il retourne à Clermont le 16 mars pour fermer
les ateliers. Mais le 18 la Commune éclate et le gouverneur lui ordonne de continuer la
fabrication. En juin, cette fabrication régionale est définitivement stoppée.
115
pour 3 mois, à partir du 20 mars 1871, puis pour 2 ans à partir de novembre. Elle installe
7 presses mécaniques et 3 à bras. Elle ajoute une machine à glacer, une machine à vapeur
avec chaudière et quelques matériels périphériques.
En octobre, une partie des presses est en activité et c’est un total de 32 presses qui sera en
mouvement lorsque toutes les commandes auront été réalisées. Les membres du Comité
des billets constatent que toutes les précautions propres à prévenir les risques de fraude
sont respectées.
− Matériel
La Banque acquiert six nouvelles presses de trois constructeurs différents, ainsi que d’une
locomobile pour augmenter la force motrice. Un nouvel atelier est aménagé dans le sous-
sol du siège. Une machine à vapeur, deux presses en blanc et une à deux couleurs sont
achetées. Pour l’année 1871, elle investit pour 175.000 francs en matériel. Pour l’année
suivante, l’investissement se monte à 325.000 francs, car devant l’augmentation du
nombre de billets nécessaires à la circulation fiduciaire, l’imprimerie décide d’augmenter
son parc de machines.
Mais les fabricants de presses ne sont pas nombreux. Monsieur Marinoni est, de tous les
constructeurs, celui qui livre le plus vite et au meilleur prix. Ses presses sont de celles qui
abattent le plus de besogne ; ce sont de grandes qualités pour des tirages ordinaires ; mais
pour des impressions soignées, ces presses ont des défauts capitaux : elles tremblent,
manquent de justesse et sont sujettes à de nombreux incidents mécaniques. En outre,
ce sont des presses dites en blanc, c’est-à-dire qui ne permettent d’imprimer qu’une
seule face et en une seule couleur. L’introduction de textes noirs dans les vignettes bleues
ont amené la Banque à se servir, autant que possible, soit de presses dites en retiration,
c’est-à-dire imprimant d’un seul coup les deux faces du papier, soit de presses en deux
couleurs, c’est-à-dire imprimant à la fois la vignette bleue et le texte noir. Mais ces presses
sont longues à livrer, environ 6 mois, et coûteuses à l’achat. À cette époque la Banque
116
utilise des presses à deux couleurs de la maison Kœnig et Baüer située en Bavière,
machines primées à l’exposition universelle. Monsieur Ermel avait changé le système de
touche pour l’adapter à l’usage des ateliers de la Banque. Sur les quatre machines, une est
de beaucoup supérieure aux trois autres. Frédéric Ermel commande alors trois presses
à deux couleurs à monsieur Dutartre qui objecte que sa machine est encore insuffisante
à exécuter le travail de l’impression des billets. Il propose d’en construire trois nouvelles
répondant à toutes les exigences de la fabrication. Cette proposition est acceptée.
De nombreuses autres presses seront commandées à différents constructeurs les années
suivantes.
− Atelier du siège
En 1875, le chef de la Fabrication des billets fait remarquer que la partie de ses ateliers
située au dessous de la galerie des garçons de recette est installée d’une façon très
défectueuse, car les transmissions étant placées au dessous des presses, celles-ci se
trouvent élevées et ne reçoivent qu’une faible partie de la lumière des fenêtres. Cette
disposition n’avait pas d’importance lorsque ces fenêtres se trouvaient masquées par
les constructions existant dans le jardin ; l’atelier était éclairé au gaz et on n’y faisait que
des travaux secondaires. Maintenant que le jardin est dégagé, monsieur Ermel propose
des travaux qui permettront non seulement le numérotage, mais encore l’impression
dans de meilleures conditions. À terme, la fermeture de l’atelier d’Hauteville pourra être
effective.
Billets français
1. Camille Chazal dessinera un billet, avant son décès en 1875, qui ne sera imprimé qu’en 1893, gardé en réserve,
et jamais émis.
117
− Billet de 25 francs
L’absence de monnaie métallique, oblige les autorités de la Banque à élaborer une coupure
de circonstance à partir de différents projets étudiés aussi bien pour la Banque que pour
le compte de banques étrangères. Une vignette pour la Banque du Mexique est ainsi
rejetée car elle porte les attributs spéciaux de ce pays. Une planche gravée pour un billet
de 200 francs1 est écartée car ses dimensions semblables aux coupures de 50 francs en
circulation pouvaient donner lieu à des confusions. C’est le dessin de Camille Chazal,
gravé par Charles Maurand, refusé en 1863 pour un billet de 50 francs qui est choisi,
d’autant que ses dimensions s’insèrent bien dans la gamme. Afin de gagner du temps, les
signatures sont imprimées en même temps que la vignette.
Dans l’urgence, la Banque achète du papier du commerce, fait à la main, à la papeterie du
Marais et imprime les 26 premiers alphabets sur du vergé. Paris étant investi au moment
du réapprovisionnement, elle va chercher du papier à la manufacture d’Hallines dans le
Pas-de-Calais. Mais le grain du papier est tellement fort qu’il use les clichés et Léon Chazal
est obligé à faire glacer les feuilles avant l’impression. C’est 9 alphabets supplémentaires
qui sortent des presses de l’imprimerie parisienne, portant ainsi la production parisienne
du billet de 25 francs à 35 alphabets.
Concurremment, l’atelier monté à Clermont fournit 440 alphabets sur du papier fabriqué
à Thiers. Pour distinguer ces coupures des fabrications parisiennes, on imprime trois
étoiles qui entourent la valeur du billet. De plus, outre l’absence du numéro de contrôle,
le billet possède une numérotation manuscrite, contrairement à son homologue parisien
qui en affiche une imprimée.
Collection privée
118
− Coupure de 20 francs
Léon Chazal, est favorable à la création d’un nouveau type de billet, afin d’éviter les
méprises qui pourraient résulter de l’utilisation de la même vignette. Mais, l’étude, puis la
gravure, ainsi que l’élaboration du clichage et la mise en train des presses demanderaient
au minimum quatre mois. Mais la gravité de la situation impose une fabrication immédiate
et c’est une modification superficielle de la vignette qui est proposée. L’impression du
texte et des signataires se réalise en encre noire ; le chiffre « 20 » est répété deux fois
sur le recto. Il est imprimé aux quatre coins du verso. Par contre une bordure bleue
autour de la vignette est abandonnée car n’offrant aucune sécurité supplémentaire. Le
premier alphabet est créé le 23 décembre 1870 et livré à la Caisse principale le 12 janvier
suivant.
Collection privée
Les rames de la papeterie d’Hallines permettent l’impression des alphabets 1 à 16. Puis,
l’absence de papier oblige la Banque à utiliser un stock fabriqué à Thiers, mais d’une
qualité exécrable. Ce sont des ouvrières de la papeterie du Marais qui trient les feuilles
afin d’éliminer les plus défectueuses. Ce sont les alphabets 17 à 26 qui sont imprimés
sur cette fourniture. Puis en février 1871, la Banque accepte un papier de la papeterie
du Marais et de Sainte Marie à raison de 23 francs la rame de 500 feuilles et permettant
d’imprimer huit billets par feuille.
D’autres établissements fourniront des papiers, notamment la papeterie Van Gelder à
Amsterdam, la papeterie De la Rue à Londres ou la papeterie Blanchet et Kléber à Rives.
Ces différentes sortes de papier, parfois vélin, parfois vergé, ont certainement favorisées
la contrefaçon. Pour preuve, la Banque fera condamner les auteurs de 38 fabrications
différentes ; d’autres, notamment en Espagne, échapperont aux recherches.
119
BdF CERF
Choix du papier
Quelques fois des erreurs se produisent : les alphabets 1569 et 1570 sont imprimés à la
date du 11 janvier 1873 au lieu du 11 février. À la suite de la même erreur, les alphabets
1571 à 1874 sont créés au 12 janvier à la place du 12 février. Quelques jours plus tard,
c’est la date du 23 février qui est mentionnée, alors qu’il s’agit d’un dimanche. Comme la
date de création n’est pas indispensable à la reconnaissance d’une coupure, le chef de la
fabrication propose de ne pas les détruire et de faire mention sur les livres de la compta-
bilité des billets de ces singularités. Le 5 novembre 1874, le Conseil décide qu’il ne sera
plus donné de billets de 20 francs. En décembre la décision de détruire les 517 alphabets
non émis est prise.
− Billet de 5 francs
120
Crédit photo CGB
Faute de temps pour la Fabrication des billets de maîtriser cette nouvelle technique, elle
fait appel aux ateliers de messieurs Dujardin à Paris pour exécuter les clichés. L’hélio-
gravure, puis les retouches, le montage, la confection des clichés de service et des blocs
prennent du 18 octobre au 24 novembre. Durant toutes ces opérations, un planton et
un agent de l’imprimerie surveillent les opérations et mettent sous clef en soirée tous les
clichés, quel que soit leur degré d’avancement.
À défaut du numéroteur automatique commandé à l’entreprise Derriey, le chef de
l’imprimerie en fait construire un dans les ateliers de la Banque. Pour cela, il emploie
les molettes des numéroteurs du billet de 20 francs dans lequel il fait monter le texte du
billet qui doit être imprimé en noir comme les indices. En prévision d’une impression en
deux couleurs, des clichés du fond sont réalisés. Les dimensions réduites de la vignette
ne permettant pas d’inscrire dans la date de création le nom des mois, il est décidé de les
substituer par les signes du zodiaque.
Malgré que la Banque ne soit pas autorisée par la loi à fabriquer des petites coupures, le
gouverneur donne son accord pour commercer l’impression du 5 francs le 3 décembre
1871 afin de constituer un stock indispensable pour une émission la plus rapide
possible.
Mais comme le Conseil ne pouvait donner sa permission pour cette fabrication, il est
décidé de ne pas inscrire de jour et de le remplacer par le chiffre 0. Les 25 premiers
alphabets étant imprimés, ils sont suivis par ceux de 26 à 50 datés du 0 janvier 1872.
Puis, les 25 suivants portent, conformément aux usages, la date du jour d’autorisation,
soit le 4 janvier.
121
Le gouverneur signale que la mise en circulation de ce billet doit se faire avec parcimonie
et que sa circulation doit être concomitante avec les bons privés en attendant que les
stocks soient suffisants pour les remplacer.
C’est sur le solde d’une ancienne commande de papier passée à la papeterie de Thiers
pour la coupure de 25 francs et refusée pour la vignette du 20 francs que le billet de
5 francs est imprimé. C’est un papier non filigrané qui paraît solide et qui prend bien
l’impression tout en étant nuageux et un peu trop transparent pour être imprimé sur
les deux faces. En janvier 1874, il y a un stock de près de 35 millions de coupures
imprimées, nombre suffisant pour faire face à toute éventualité1. Le mois suivant, son
émission est suspendue jusqu’à nouvel ordre.
Collection privée
1. Le stock de papier inutilisé sera transféré au magasin des imprimés pour y être utilisé pour faire des fiches et des
enveloppes (lettre de Léon Chazal au gouverneur, datée du 2 novembre 1874).
2. Le brevet sera acheté par la Banque qui l’utilisera sur la machine Dupont dans sa papeterie de Biercy.
3. Prix de Rome comme graveur en médailles en 1863.
122
Collection privée
Filigrane
Collection privée
123
Les clichés employés pour l’impression sont en acier et ont été obtenus par les procédés
de l’héliogravure dans les locaux de messieurs Dujardin1. Pour cela, on réduit le dessin
original que de moitié pour exécuter une gravure en taille-douce qui est soigneusement
retouchée. Puis, une épreuve tirée avec beaucoup de soin donne la réduction définitive.
Avec cette méthode on obtient une perfection et surtout une finesse d’exécution que la
gravure au burin est incapable de donner. La vignette représente au recto Mercure et Cérès
assis, ainsi qu’un fond de médailles en bistre. Au verso les têtes des deux personnages
encadrées de la valeur en chiffres et en lettres du billet sont imprimées en encre bleue.
Un fond invisible remplace le préservatif de monsieur Delarue dont la technique est
désormais connue et devenue inopérante. Lors d’une tentative de contrefaçon par la
lithographie, le faussaire peut croire à la réussite de son entreprise car la vignette est
reproduite sur la pierre lithographique. Mais lorsqu’il encre pour imprimer, il apparaît
des ornements qui se croisent et ces mots écrits en gros caractères : LA LOI PUNIT
LE CONTREFACTEUR. L’effet dissuasif paraît suffisant d’autant qu’il est pratiquement
impossible d’y remédier. Seul un employé de l’imprimerie a réussi car cela demande une
habileté exceptionnelle.
BdF Archives
Fond de sécurité
invisible du recto
Fond de médailles
du recto
1. À cette occasion, un commissariat composé d’un agent du contrôle et de deux plantons est installé.
124
Pour mener à bien l’impression, l’imprimerie utilise plusieurs types de matériels :
- le verso et le fond de garantie sur des machines à pression verticale de chez Napier
and Son ;
- la vignette du recto en encre bleue, en même temps que le texte en noir, est imprimée
sur des presses en deux couleurs Dutartre ;
- le fond invisible sur des machines à double effet, dites en retiration, imprimant d’un
seul coup le recto et le verso.
BdF Archives
Le matériel est complété en mars 1874 par l’achat d’une presse hydraulique qui assure
une identité parfaite des clichés, devenue indispensable au repérage des différentes
impressions qui se superposent dans cette fabrication.
L’imprimerie imprimera, en 1874 et 1875, 300 alphabets, soit 7.500.000 billets qui ne
seront pas émis1 malgré l’urgence de leur fabrication.
125
BdF Archives
126
− Billet de 10 francs
La coupure de 10 francs est à l’étude dès le mois d’octobre 1871, et elle est conçue de
façon à pouvoir servir soit au billet de 10 francs, soit à la modification de la vignette du billet
de 1.000 francs que le Conseil a plusieurs fois manifesté l’intention de changer. L’année
suivante, le baron Hottinguer demande au Conseil si la Banque a abandonné ce projet
de petite coupure. Le gouverneur répond que cette création n’est pas abandonnée. Il
indique que cette valeur n’est pas utile tant que la production de billets de 20 francs et
de 5 francs est suffisante pour satisfaire la circulation fiduciaire.
Collection privée
− Coupures fabriquées
1.000 F 25 F 20 F
Années 100 F 50 F 5F
et 500 F et 20 F non émis
1870 980.955 1.283.000 948.260 875.000 / /
1871 605.110 2.786.500 1.487.000 10.250.000 / 450.000
1872 570.510 2.560.500 2.829.000 19.525.000 / 33.225.000
1873 915.750 3.978.001 2.759.000 28.150.000 / 40.250.000
1874 745.000 3.850.000 4.500.000 4.750.000 925.000 11.075.000
1875 1.125.000 4.750.000 5.875.000 / 6.575.000 /
TOTAUX 4.942.325 19.208.001 18.398.260 63.550.000 7.500.000 85.000.000
127
− Contrefaçons
Les billets de la Banque sont la proie des contrefacteurs. Dans les Vosges, de nombreux
faux billets de 25 francs1 circulent et en 1872 le trésorier général expose que la succursale
d’Épinal avait cessé de rembourser les billets apocryphes à la suite d’un ordre venu de
Paris. Il craint que la difficulté à reconnaître les faux billets ne pousse les comptables à
les refuser tous, au risque de jeter le trouble dans la circulation fiduciaire. La Banque
rétorque qu’aucune loi ne l’oblige à rembourser les contrefaçons et qu’elle le fait parfois
par pure tolérance. Ne tenant à ne donner aucun renseignement susceptible d’aider les
faussaires, elle ne peut donc indiquer les moyens de reconnaître les faux billets. En
1871 et 1872, plusieurs affaires de contrefaçons sont élucidées, notamment à Lyon, Aix,
Toulon, Langres, mais aussi en Suisse et en Espagne. Pendant cette période la Banque
rembourse 143 coupures de 20 francs, 1.294 de 25 francs et 30 de 100 francs, soit la
modique somme de 38.210 francs.
De nombreuses vignettes contrefaites le sont très grossièrement et peuvent être reconnues
très facilement. Par contre, certains faux demandent une expertise approfondie incitant
la Banque à les rembourser discrètement.
Collection privée
Faux billets
− Création du type
Le dessin est exécuté, à quatre fois sa taille réelle, en encre de Chine sur un papier
lisse qui peut facilement être gratté pour les différentes retouches. Cette épure donne
toutes les proportions et indique les tailles qui doivent être reproduites. Il faut compter
1 Notamment les billets fabriqués précipitamment à Clermont avec un degré moindre de perfection et aussi de
sévérité dans la réception.
128
environ un mois de travail par face du billet. Puis, les vignettes sont réduites à l’aide de la
photographie à la taille souhaitée dans les ateliers de l’imprimerie. Ensuite la reproduction
par la photogravure prend environ huit jours. Réalisée chez les frères Dujardin, sous
la surveillance d’agents de la Banque, elle reproduit fidèlement la photographie du
dessin de l’artiste, ne nécessitant aucune intervention humaine. L’étape suivante consiste
à composer le texte et à graver les médaillons. C’est le clichage définitif qui réunit la
vignette, les médaillons et le texte en autant de clichés qu’il y a de phases d’impression.
Les dessins des filigranes et les cires correspondantes sont créés dans l’atelier de précision
de la Banque pour les lettres et les chiffres. Un artiste compose les figures et les ornements,
puis un graveur ou un sculpteur les exécutes en cire. Ensuite un moulage en plâtre
permet une reproduction en fonte ou en fer effectuée chez un fondeur. Enfin l’atelier de
précision retouche les matrices.
Les toiles sont enfoncées par la Banque. Ce travail nécessite une grande précision car il ne
faut pas qu’un seul des fils métalliques soit rompu. Or pour donner les reliefs et les creux
du filigrane, il y a des fils qui doivent s’allonger de plus d’un tiers, au moyen de pressions
et de recuites successives. Le moindre accident cause le rejet de la toile et, on est satisfait
lorsque les ateliers réussissent une toile sur trois. Comme pour la bonne marche d’une
cuve il faut deux formes, les ateliers sont obligés de fabriquer les toiles par pair.
− Fabrication du papier
Ensuite les papiers sont collés à la fabrique et remis au commissaire qui les fait vérifier.
Sur une production mensuelle de 1.260.000 vignettes il faut compter près de 40 %
de fautés1, ce qui ramène la production réelle à 760.000 coupures. Les feuilles sont
1. On a parfois atteint 75 % de déchet, pour des feuilles tâchées, des filigranes incomplets, du papier trop lourd ou
trop léger, etc.
129
Collection privée
ensuite expédiées à la Banque de France dans des caisses scellées des cachets du fabricant
et du commissaire. Après deux jours de transport, elles arrivent à Paris ou elles sont
réceptionnées, exclusivement le jeudi, par des membres du Comité des billets.
130
− Impression
Les rames sont conservées dans la serre du secrétaire général, sous sa clef et celle du
contrôleur général. Les feuilles sont remises au chef de l’imprimerie en présence du
chef de la comptabilité qui note les quantités délivrées. On vérifie leur nombre, puis on
applique le préservatif afin d’éviter une reproduction lithographique obtenue avec des
billets neufs ou au moyen de procédés chimiques. Cette protection apposée avec des
presses en retiration, c’est-à-dire qui appliquent en un seul coup le préservatif sur les
deux faces. Une presse peut protéger environ 4.000 feuilles par jour. Après trois jours de
séchage, on revérifie le nombre de feuilles. Après avoir calé la presse, ce qui peut prendre
5 à 10 jours pour une face, le tirage peut commencer.
− Bleu de cobalt
La provision de bleu de Saxe FFU, étant épuisée, le directeur de la fabrication fait acheter
du bleu de cobalt BABN fabriqué par un industriel français monsieur Huillard. Le bleu
de cobalt français avait été expérimenté lors de la fabrication des billets de la Banque
pontificale, à la plus grande satisfaction des imprimeurs.
Fabrications diverses
− Trésor public
Les ateliers créent et impriment pour les services du Trésor des bons et traites (214.000),
des obligations trentenaires (211.000) et des titre et rentes 3 % amortissables (329.000)
à partir de 1875.
La Fabrication des billets se charge de créer tous les objets utiles à l’impression des bons
et traites du Trésor. Le 24 février 1873, messieurs Chazal et Ermel remettent à monsieur
Derénémesnil, directeur de l’Imprimerie nationale, tous les ustensiles. Camille Chazal a
dessiné cinq dessins à l’encre de Chine : le premier pour les bons du Trésor ; le deuxième
pour les traites de l’Armée ; le troisième et le quatrième pour les traites des Colonies ; le
cinquième pour les traites de l’Algérie. Le dessin de la légende du filigrane a été composé
par Massey et la papeterie du Marais a fabriqué cent rames de papier.
− Banques coloniales
Si en 1871, la fabrication pour les colonies est nulle, elle augmente brutalement les
deux années suivantes. Après un cyclone qui ravage la Guadeloupe, un terrible incendie
131
Collection privée
Bon du Trésor
132
La Banque de l’Indochine est fondée en 1875 par le Crédit industriel et commercial et le
Comptoir d’escompte. Ayant un privilège d’émission dans les colonies de la Cochinchine
et de l’Inde française, elle est autorisée à émettre des billets de 1.000, 500, 100, 20
et 5 francs, qu’elle a le droit de créer en monnaie locale pour des valeurs à peu près
équivalentes aux coupures ci-dessus. Son siège est à Paris et elle débute avec deux
succursales, l’une à Saigon, l’autre à Pondichéry. Comme pour les autres colonies, c’est
la Banque de France qui est chargée de l’impression des billets.
Collection privée
Billets
de la Banque
de l’Indochine
En 1873, Camille Chazal dessine trois maquettes au crayon et à l’encre de Chine sur
des cartons aux dimensions quatre fois supérieures à celles du billet. L’une représente la
composition principale du recto, l’autre le fond de sécurité et la troisième le verso. C’est
Dujardin qui se charge de graver les deux vignettes. Travaillant dans son atelier sous la
surveillance d’un contrôleur et de deux plantons de la Banque de France, il fournit des
aciers susceptibles d’imprimer trente fois plus de billets que les planches obtenues par
galvanoplastie. Le moulage des deux cires nécessaires pour créer les filigranes est effectué
par Jules Chaplain. Il travaille dans l’atelier de Camille Chazal d’après des peintures
133
en grisaille que celui-ci dessine. Le 14 novembre 1874, monsieur Ermel, directeur de
la Fabrication des billets de la Banque de France, envoie à la papeterie du Marais des
instructions pour la fabrication du papier filigrané. À cette occasion, il joint une partie
d’une épreuve pour faciliter le repérage des emplacements des filigranes1.
BdF Archives
Emplacement
des filigranes
− Algérie
L’imprimerie de la Banque travaille sur une nouvelle gamme devant remplacer les billets
émis en 1852. L’impression de 165.000 billets de 50 francs pour la Banque de l’Algérie et
107.450 coupures de 100 francs est effectuée au début de l’année 1875.
Collection privée
Banque
de l’Algérie
1. Ce billet d’une conception moderne, axé sur des portraits de qualité facilement mémorisables par les utilisateurs
et des filigranes difficiles à reproduire par les contrefacteurs, ne sera pas émis. La raison de cet abandon nous est
inconnue. Banque nationale de Belgique – Cellule Collections.
134
Collection privée
Banque de l’Algérie
− Roumanie
Afin de conserver les ouvriers, la Banque accepte d’imprimer les billets hypothécaires de
la Roumanie à partir de 1875. Le contrat porte sur 800.000 coupures de 5 lei et 600.000
de 10 lei.
− Italie
Vers 1872, la Banque étudie pour l’Italie la confection de nouveaux billets. Saunier grave
un mille lires tandis que Louis Massey s’occupe de la vignette de 50 lires dessinée par
Cabasson.
BdF Chamalières
135
Personnel
− Conscription
Dès la déclaration de la guerre, les hommes sont appelés sous les drapeaux. Le gouverneur
de la Banque de France intercède auprès des autorités militaires pour que plusieurs
ouvriers de l’imprimerie soient maintenus dans leurs foyers, en sursis de départ. De
même, il intervient pour 6 ouvriers de la papeterie du Marais qui, affectés à la Garde
nationale mobile, sont dispensés et regagnent la papeterie.
− Temps de travail
136
- tout ouvrier sorti sans permission pendant le travail est passible d’une retenue d’une
heure sur son compte d’heures supplémentaires.
1. 290.000 feuilles.
137
Collection privée
138
CHAPITRE VIII
(1876 à 1895)
Dès que les conditions sont rétablies, Léon Chazal ne cesse d’entretenir le directeur
de la Fabrication, monsieur Ermel, sur la possibilité de fabriquer du papier filigrané
mécaniquement. Après un séjour de 18 mois à l’usine de Crèvecœur, appartenant à la
papeterie du Marais, monsieur Dupont est chargé d’effectuer de nouvelles études. Après
bien des péripéties, « les ingénieuses combinaisons » de l’ingénieur donnent une machine
très rudimentaire, il est vrai, mais qui accomplit régulièrement le mouvement de deux
ouvriers nécessaires à la production d’une feuille à la cuve. Son fonctionnement peut
être ainsi résumé : la forme se plonge dans celle-ci, s’agite, s’égoutte et dépose sa feuille
sur une toile qui la conduit au cylindre, où elle est définitivement séchée et d’où elle sort
prête à être envoyée au satinage ou à la colle, suivant qu’on veut l’employer collée ou
non collée. C’est pour exploiter cette idée, et transposer ce prototype en une véritable
machine à produire du papier pour les billets de banque, que la contrôleur général
demande l’autorisation de louer une usine.
L’usine de Biercy, dite aussi du Gouffre, est située en bordure de la route départementale
n° 4 qui va à la Ferté-sous-Jouarre. Ce petit bourg est distant d’environ onze kilomètres
de Meaux et soixante-six de Paris. L’usine a une contenance totale d’un hectare, et les
eaux du Petit Morin lui fournissent une force de 24 chevaux. Dans son rapport, Léon
Chazal conclut « qu’il était difficile de rencontrer quelque chose qui correspondît mieux aux
besoins de la situation présente ». Il préconise donc la location de l’usine de Biercy, tout
en signalant qu’il est de son devoir et de son honneur d’informer le gouvernement de la
139
Banque, que l’usine de Biercy est située à cinq kilomètres de la commune1 « que ma femme
et mes enfants habitent l’été, où j’ai mes affections et tous mes intérêts». Il se défend d’avoir
été guidé dans son choix par cette considération, tout en reconnaissant qu’il lui sera plus
facile de surveiller « un établissement devant la porte duquel je passerai pendant l’été deux
fois par semaine et pendant l’hiver au moins deux fois par mois ».
Louée en janvier 1876, l’usine est aussitôt aménagée, notamment l’installation d’une
ligne télégraphique entre l’usine et le bureau télégraphique de la Ferté-sous-Jouarre. Dès
le début de l’année 1878, la Banque commence les essais d’une fabrication mécanique
par le système Dupont. Des améliorations sont apportées à la machine et en mai, les
problèmes de la fabrication du filigrane sont résolus et les essais de production du papier à
billets de 1.000 francs s’avèrent concluants. Les perspectives de production sont évaluées
à 5.000 rames par an, déduction faite d’un déchet de 33 %, à raison de 12 heures de
travail journalier et d’une semaine de cinq jours et demi. Le coût de fabrication est estimé
à 100.000 francs, alors qu’une commande identique à la papeterie du Marais revient à
225.000 francs. Ce prix estimatif comprend l’achat des matières premières, l’outillage,
l’entretient des machines, le personnel, en un mot les dépenses de toutes natures qui
forment le budget de l’usine. Monsieur Davillier, l’un des régents, qui porte un intérêt à
cette opération, déclare : « Ces résultats incontestablement favorables à l’usine m’autorisent
à affirmer que l’idée poursuivie depuis quatre ans de substituer la fabrication mécanique à la
fabrication à la main a complètement réussi. Après bien des essais et après bien des difficultés
vaincues, la machine a fait ses preuves... » Convaincue de son bon choix, la Banque adopte
la fabrication mécanique et achète l’usine le 11 octobre 1878. La Banque acquiert la
prairie de 86 ares qui borde le côté gauche de la route reliant l’usine au village de Biercy
pour la somme de 94.000 francs. Elle espère ainsi améliorer l’isolement des immeubles
afin de mieux surveiller les ouvriers et accroître la sécurité.
Collection privée
La papeterie
de Biercy
140
Collection privée
La papeterie
de Biercy
Depuis ses premiers essais, la machine à papier Dupont a considérablement évolué. Dans
la notice de l’Exposition universelle de 1889, il est stipulé que cette machine à papier
fabrique des feuilles de 76 cm sur 31 cm et peut produire autant de travail que 12 cuves
fabriquant du papier analogue. Elle exige 12 à 14 fois moins de main-d’œuvre que la
fabrication à la main. Le papier filigrané œuvré sur cette machine est l’équivalent des
meilleurs papiers œuvrés à la main. C’est la première machine qui permet d’atteindre un
semblable résultat.
En 1889, la papeterie de Biercy abrite deux machines Dupont pour produire le papier des
billets de 100 et 50 francs. Le solde est œuvré manuellement, car la Banque a conservé
trois cuves pour ses besoins en papier pour les billets de 500 et 1.000 francs.
Au début de l’année 1890, sur les conseils de monsieur Darblay, monsieur Dupont fait
procéder à des essais de papier avec un végétal, la ramie. Les premières expériences
faites à Biercy montrent que le traitement de cette ortie chinoise présente de grandes
difficultés. À force d’expérimentations, du papier fabriqué à la main est imprimé. Ce sont
les alphabets 40 et 41 du billet de 1.000 francs. Ce type de papier se comporte beaucoup
mieux à l’impression que le papier en coton employé traditionnellement, tout en ayant
une résistance notablement supérieure. Malgré un coût plus élevé, le Conseil choisit de
n’imprimer que sur du papier en ramie. En 1891, la papeterie de Biercy ne fabrique plus
d’autre papier1.
1. Le premier alphabet de la coupure de 50 francs imprimé sur de la ramie porte le numéro 647 ; pour le 500 francs,
l’impression commence à partir du numéro 91 ; mis à part les alphabets 40 et 41 du billet de 1.000 francs, ayant
servi aux essais, c’est le 106 qui commence l’impression définitive ; enfin, pour la vignette du 100 francs, ce sont
les alphabets 1176 à 1200, à titre d’essai, puis à partir de l’alphabet 1226 qui sont imprimés sur ce papier.
141
Collection privée
Essais de papier
142
Billets français
Au mois d’août 1877, le ministre des Finances demande la reprise des émissions de
billets de 100 francs. En accord avec le Conseil général, le gouverneur répond que « la
Banque a agi autant par raison d’économie que pour utiliser le numéraire or et argent qui
s’accumule dans ses caisses et qui est, en somme, le véritable signe d’échange ». Il ajoute que la
circulation des billets de 100 francs atteignait « à elle seule près de 1.200 millions donnant
lieu à une dépense considérable de papier ». Habilement, il rappelle au ministre que les
billets sont assujettis à l’impôt du timbre qui grève lourdement le budget de la Banque.
Il informe qu’il n’a jamais été question de supprimer cette coupure, mais « d’une simple
restriction que les circonstances peuvent modifier d’un moment à l’autre ». M. le baron de
Rothschild abonde dans ce sens en déclarant lors d’une séance du Comité des livres et
portefeuilles que si la Banque « consent à donner des billets pour rendre service au public, la
Banque supporte elle-même, sous forme d’achat de papier, de fabrication et d’impôts, les frais
de ce service rendu ». En septembre, sur un total de 2 milliards 400 millions de billets, il
y a 600 millions de coupures de 100 francs. En janvier, le ministre des Finances propose
au pouvoir législatif une atténuation des charges que supporte la Banque par l’impôt
du timbre sur la circulation du papier-monnaie. Il explique cette demande par le souci
de donner à l’Institut d’émission les moyens de maintenir ses émissions de billets de
100 francs en proportion avec les besoins du public. Les demandes de l’État semblent
justifiées car au mois de mars l’un des régents, M. Denière, ordonne aux directeurs des
Succursales de « ménager les billets et donner l’or et l’argent selon les besoins des contrées où
l’on se trouve ». Deux ans après, c’est la chambre syndicale des tissus qui demande une
plus large émission des billets de 100 francs et à la remise en circulation des 50 francs1.
Monsieur Denormandie, gouverneur, estime que ce souhait est « sans fondement et sans
objet en ce qui touche à une plus grande émission des billets de 100 francs ». Quant au billet
de 50 francs, monsieur Larsonnier, second sous-gouverneur, dit qu’il n’y a pas de besoin
réel et de nécessité d’appoints. Il se lance alors dans une diatribe révélatrice quant à son
état d’esprit : « On ne lui parle que de convenances et de nécessités d’appoints à envoyer par
la Poste, cas assez rares, sans grande importance et qui ne peuvent pas être mis en parallèle
avec les nombreux inconvénients que présenteraient la reprise des billets de 50 francs. » Il base
son raisonnement sur la conviction qu’il a que les billets de la Banque ont acquis, depuis
1870, un tel degré de popularité et de confiance, surtout sur les marchés agricoles,
« qu’on les prend sans y regarder assez ». Comme les billets de 50 francs ont été l’objet de
falsifications nombreuses, « le public serait exposé à des mécomptes fréquents par l’usage de
cette coupure, mécompte dont la Banque recevrait les contrecoups ».
143
− 20 francs réserve type 1873
Bien que cette coupure ne soit pas émise, le Conseil autorise la fabrication de 50 alphabets
en 1877 et autant l’année suivante qui s’ajoutent aux 300 déjà imprimés en 74 et 75. Mais
plus de 8.837 feuilles à 8 billets ont été imprimées en supplément sans être numérotées
et sans avoir de date de création. Plutôt que de les jeter, la Banque donne son autorisation
le 10 juin 1880 pour compléter le stock de réserve avec les alphabets 400, 401 et 402.
Billet de
100 francs,
type 1882
Collection privée
Détail du verso
144
cette coupure. Mais en février 1878, les besoins en billets de 100 francs sont importants
et le gouverneur demande à ce que ce projet soit mené rapidement à terme.
Le Comité des billets rappelle que la principale défense contre les falsifications est le
filigrane, mais à la condition qu’il soit dégagé des vignettes ou de tout autre obstacle
qui empêche de le distinguer. Les filigranes composés de lettres et de chiffres sont
insuffisants contre la contrefaçon. La seule défense consiste à reproduire une tête parce
qu’il faut tout l’art d’un artiste pour la reproduire, qualité rarement existante chez les
faussaires. La question de mettre un ou deux filigranes, ainsi que de l’emplacement
sur la vignette est aussi posée. La décision de placer dans la partie supérieure deux
têtes filigranées (Mercure et Cérès), l’une en filigrane clair, l’autre en filigrane ombré,
est préférée. Paul Baudry1 travaille avec ardeur sur les dessins du recto et du verso. En
décembre 1879, les filigranes figurant sur les échantillons de papier fabriqué à Biercy
apparaissent défectueux au Comité. Monsieur Chaplain est prié de revoir ses cires, quitte
à en graver de nouvelles.
145
− 50 francs, type 1884
Le nouveau billet de 50 francs est dessiné par Daniel Dupuis et Georges Duval et gravé
par Jules Robert1. Les vignettes sont ovales et portent au recto deux têtes de femmes et
au verso deux femmes assises se tenant la main symbolisant l’Agriculture et l’Industrie.
Imprimé à l’encre bleue sur un papier légèrement teinté en chamois, il possède une tête
de femme de profil comme filigrane. Son émission commence en octobre 1884.
Château de Blois
Collection privée
Projet du billet de 50 francs par Daniel Dupuis Spécimen du billet de 50 francs, type 1884
1. Daniel Dupuis est 1er prix de Rome de gravure sur médaille en 1872. Georges Duval est architecte.
146
− Modernisation des anciennes coupures
Le service de la Fabrication des billets décide de réaliser une série de billets « bleus et
roses », car la technique de l’époque ne permet pas la séparation du bleu et du rose.
Une nouvelle gamme est alors émise avec l’adjonction de fonds de sécurité imaginés par
Daniel Dupuis et Georges Duval :
- La coupure de 100 francs, type 1882, devient le type 1888 ; elle circule à partir de
mars 1889.
- Le billet de 500 francs, type 1863, devient le type 1888 ; outre le fond de garantie,
la vignette du recto subit des modifications importantes, notamment les deux figures
aux extrémités sont remplacées par deux médaillons contenant l’article 139 du Code
pénal. Le cartouche entouré de deux amours situé en haut disparaît au profit d’un
grand cadre entourant les mots « BANQUE DE FRANCE » ; son émission commence
en décembre 1888.
- Le billet de 50 francs, type 1884, devient le type 1889 ; il est émis en octobre 1889.
Collection privée
147
Collection privée
- La coupure de 1.000 francs, type 1862, devient le type 1889 ; elle circule à compter
de février 1890.
148
BdF Chamalières
Le peintre Camille Chazal étant décédé le 5 avril 1875, l’étude de ce billet est donc
antérieure à cette date. Les études sont reprises en 1888 ; le recto est déjà gravé en relief
sur cuivre. Par contre, le verso, encore à l’état de dessin, subit quelques modifications.
Collection privée
La vignette est modernisée en 1892 par l’adjonction d’un fond de sécurité, imaginé par
Georges Duval et gravé par Dujardin, car les progrès de la technique photographique
inquiètent la Banque. La coupure est imprimée en deux couleurs d’après une gravure
particulièrement fine réalisée chimiquement. Le 9 février 1893, le Conseil de la Banque
de France décide de commencer sa production.
149
BdF Chamalières
Fabrication diverses
− Timbres-poste
En août 1875, le ministère des Finances ouvre un concours public pour la création d’un
nouveau type de timbre-poste. Le jury, dont faisait partie Léon Chazal, choisit le dessin
de Jules Auguste Sage représentant « le Commerce et la Paix s’unissant et régnant sur le
monde ». La patience des pouvoirs publics étant lasse du caractère difficile et tyrannique
de monsieur Hulot, Léon Say, ministre des Finances, s’entend avec la Banque de France
pour cette production. Des essais ont lieu avec un projet de Camille Chazal préparé en
1874. La gravure du type « Sage » est confiée à Louis Eugène Mouchon. À cette occasion,
la Banque inaugure, pour des raisons d’économie, l’impression des feuilles en « ailes de
moulin ». Pour les timbres dont le tirage est considérable, on imprime en une seule fois
les 300 timbres au moyen de grandes planches. Pour tous les autres timbres, les feuilles
sont imprimées au moyen d’une feuille blanche de 150, en deux opérations, et les deux
demi-feuilles se présentent en tête-bêche. La constitution de grandes planches et surtout
l’établissement des mises en train s’étaient révélés beaucoup plus onéreux que le coût
1. Le billet sera réutilisé en 1926 pour Madagascar, mais avec des couleurs différentes.
150
des heures supplémentaires exigées pour l’impression en deux fois, dite en « ailes de
moulin ». De 1876 à 1880, la production des timbres-poste s’avère particulièrement
efficace, car le prix de revient ne cesse de baisser d’année en année. Le 1er juillet, l’atelier
du 36 de la rue d’Hauteville est vendu au ministère des Postes et des Télégraphes.
− Banques coloniales
Le papier des coupures coloniales est modifié, notamment le filigrane qui désormais
représente la valeur du billet en chiffre clair et ombré, à droite et à gauche de la vignette.
Sur un billet de 25 francs de la Martinique, un inconnu a tracé le dessin du nouveau
filigrane (25 francs et 100 francs). On distingue le filigrane d’origine : deux pieds de
cannes à sucre encadrant la valeur 25 francs et le mot COLONIES au dessus. C’est
probablement l’étude qui préfigure le changement1. Sur une suggestion de la Banque de
France, le numérotage manuscrit du billet de 500 francs est remplacé par un numéro
mis lors de l’impression.
Collection privée
151
BdF Médaillier
Billet de 25 francs
Depuis plusieurs années, les membres du Conseil général ne cessent de s’interroger sur
la pertinence de fabriquer des titres pour divers établissements. Le 22 mai 1880, le chef
de la Fabrication des billets, monsieur Ermel, rédige une note explicative. Il écrit :
« Les fabrications entreprises pour les Banques Étrangères n’ont jamais exigé une augmentation
du personnel de l’Imprimerie. Elles ont eu le grand avantage de permettre de conserver à la
Banque, et sans frais pour elle, le personnel d’élite exigé par une fabrication aussi délicate que
celle des billets de la BdF.
Je puis affirmer que la fabrication pour les Banques Étrangères n’a jamais été l’occasion de
prendre un ouvrier de plus à l’Imprimerie ; pour y suffire, il n’est besoin que d’augmenter
la journée de travail ordinaire, qui est de 7 à 8 heures, de une heure ou deux, à la grande
satisfaction des ouvriers.
En ce moment, le personnel de l’Imprimerie suffit juste aux demandes considérables de la Caisse
principale, et je serai peut-être conduit, lorsque la fabrication d’un nouveau 100 francs sera
entreprise, à augmenter le personnel pour les propres besoins de la Banque.
En terminant, permettez-moi, Monsieur le Gouverneur, de vous indiquer un des côtés avantageux
des fabrications étrangères, quand on les entreprend dans les moments où, pour une excuse
quelconque la Banque de France restreint l’émission de ses billets.
Au mois de juin 1877, je reçus l’ordre de suspendre la fabrication de la coupure de 100 francs,
qui occupait plus de la moitié des ouvriers de l’Imprimerie, je me trouvais alors dans la position,
ou de garder ce personnel à ne rien faire, ou de le renvoyer, et je prévoyais cependant que j’en
aurais besoin six mois plus tard. Heureusement, les fabrications des Bons trentenaires et des
Tickets de l’Exposition Universelle sont venues me permettre d’entretenir ce personnel d’élite,
sur l’honorabilité duquel on peut compter, et qui, sans cela, se serait dispersé.
152
Plus tard, au commencement de 1879, quand il fallut recommencer la fabrication des billets de
100 francs, je pus m’y mettre aussitôt, avec un personnel au courant.
Il est impossible que le nombre des ouvriers suive les à-coups de l’émission de la Caisse
principale ; on désorganiserait complètement l’atelier, qui n’a aucun rapport avec les ateliers de
ville, et on aurait une fabrication très mauvaise, et par conséquent très dangereuse, au point de
vue de la contrefaçon.
Le travail pour le Ministère des Finances et pour les Banques Étrangères a été, jusqu’à présent,
un régulateur de la production, car ces fabrications n’ont été exécutées que dans les moments où
la Banque, diminuant son émission, ralentissait l’impression de ses billets. »
Malgré ce plaidoyer, le Conseil est de plus en plus réticent, d’autant que les bénéfices
générés par cette activité sont jugés comme ayant une très minime importance. Par contre,
le gouvernement de la Banque juge important de garder la fabrication des filigranes.
Mais le conseil a l’opinion qu’il y a de sérieux inconvénients à transformer la Banque en
établissement industriel. Les membres du Conseil décident de ne plus fabriquer de titres
étrangers, tout en réservant leur avis pour d’éventuelles commandes du ministère des
Finances, qu’ils ne souhaitent pas désobliger.
En 1881, le Conseil décide que sans porter atteinte à la décision du 27 mai 1880, elle
continuera à fabriquer les toiles filigranées pour les banques étrangères, notamment pour
le Portugal, l’Italie et la Roumanie.
− Exposition universelle
La Banque imprime les billets d’entrée de l’Exposition universelle de 1878, sur du papier
filigrané fourni par la papeterie du Pont-de-Seychal.
− Trésor
En février 1881, suivant une tradition déjà ancienne, le Trésor s’est adressé à la Banque
pour lui demander son concours pour la création d’un nouveau type de rente 3 %.
D’habiles faussaires, au moyen de lavages très difficiles à reconnaître, opérés sur le corps
du titre, dans le cartouche central et sur les coupons, sont parvenus à modifier le chiffre
de la coupure et à transformer ainsi un certain nombre de titres de 3 francs, par exemple,
en coupures de 300 francs. Cette fabrication est d’autant plus dangereuse, que le titre
n’ayant subi que des altérations partielles, conserve une apparence générale identique.
Monsieur de Jancigny estime que cette demande doit n’être accueillie avec empressement,
après les réserves expresses que le Conseil général avait formulées à l’égard du Trésor dans le
sens de la réciprocité des services et de la cordialité des relations.
153
Le Comité est d’avis qu’il y a lieu de donner satisfaction à cette demande. Monsieur le
baron Hottinguer préfère que la Banque laisse le Trésor fabriquer lui-même les titres dont
il a besoin. Il ajoute qu’il a un atelier rue d’Hauteville pour la confection des timbres-
poste : pourquoi ne s’en servirait-il pas pour imprimer ses titres de rente. Monsieur le
gouverneur répond, en ce qui concerne l’atelier de la rue d’Hauteville, qu’il n’est pas
assez étendu pour comporter des travaux autres que ceux qui s’y font déjà, c’est-à-dire
la fabrication des timbres-poste et des cartes postales.
D’un autre côté, quelques journaux ayant annoncé que la Banque refusait au Trésor le
concours de son imprimerie et cette nouvelle ayant été exploitée auprès du ministre, dans
un sens hostile à la Banque, monsieur le gouverneur a pensé qu’il convenait de faire cesser
ces faux bruits en rétablissant la vérité qui est que le Conseil n’a pas compris les travaux
pour compte de l’État dans sa décision qui supprime les travaux pour les établissements
étrangers. Il est résulté de la démarche du gouverneur auprès du ministre que celui-ci,
qui était déjà en pourparlers avec la société Richard, a rompu ses négociations pour
s’adresser à la Banque. Monsieur Cuvier ajoute que le Trésor a intérêt à s’adresser à la
Banque de France qui peut faire profiter ses titres des études qu’elle fait journellement
pour garantir ses propres billets de la contrefaçon. C’est un avantage que le Trésor ne
trouverait pas auprès d’un établissement appartenant à l’industrie privée. Cet avantage
intéresse le ministère des Finances, maintenant que les falsifications se pratiquent sur les
titres de rentes au porteur.
Le Conseil décide que les titres de rente 3 %, nouveau type, et les titres du 3 %
amortissable qui font l’objet de la demande du ministre des Finances seront fabriqués
par les ateliers de la Banque.
En 1893, la Belgique s’adresse à la Banque pour fabriquer les toiles filigranées de son billet
de 20 francs. Monsieur Ermel contacte Daniel Dupuis, pour exécuter la cire du filigrane
comprenant une tête et quatre ornements. Du 27 novembre 1893 au 20 avril 1895,
les nombreux courriers entre monsieur Combaz, le chef de l’imprimerie de la Banque
nationale, monsieur Ermel et Daniel Dupuis révèlent les difficultés qu’ils rencontrent
pour cette fabrication. Les toiles préparées dans les ateliers de la Banque sont ensuite
confiées à la papeterie du Marais.
En 1895, Daniel Dupuis accepte le contrat pour graver la cire des filigranes des billets de
100 francs type 1898 et 50 francs type 1909. C’est la papeterie de Biercy qui se chargera
de la fabrication du papier.
154
− Banque néerlandaise
Château de Blois
En 1883, Daniel Dupuis est chargé du dessin pour le
filigrane du billet de 10 gulden ainsi que de la gravure
de la cire. Les ateliers de la Banque se chargent de la
confection des toiles filigranées.
Projet de filigrane
− Banque privilégiée d’Épirothéssalie
En 1881, un ministre grecque demande à la Banque de France son concours pour créer le
matériel nécessaire à la fabrication de papier filigrané qui servira à la confection de billets
pour la Banque privilégiée d’Épirothéssalie. Le Conseil général autorise cette fabrication
quelques jours plus tard.
Quelques années plus tard, la Banque nationale de Grèce, tant en son nom qu’au nom
des Banques ionienne et d’Épirothéssalie, demande à la Banque d’imprimer des billets de
1 et 2 drachmes, pour un total de 18.000.000 de coupures. Le directeur de la Fabrication
intercède auprès des membres du Conseil pour accepter, car la charge de travail de
l’imprimerie ne permet pas d’occuper suffisamment les ouvriers, d’autant que la Banque
ne veut pas licencier une partie de ce personnel qualifié. Un débat s’instaure entre les
partisans de ces travaux additionnels et les opposants. Le baron Hottinguer rappelle les
précédents et les abus constatés les années précédentes à la suite de fabrications de billets
pour des banques étrangères et demande que les ateliers de la Banque ne doivent être
mis à la disposition des banques étrangères que lorsqu’il y a un avantage pour celle-ci. Le
gouverneur répond que c’est précisément le cas actuellement ; le Conseil autorise alors
cette fabrication1.
1. Il semblerait que cette commande n’ait pas été imprimée par la Banque.
155
BdF Archives
Signatures
des artistes
Collection privée
Billet de
10 francs, recto et
verso
de la Banque
de Serbie
156
Monsieur Daniel Dupuis livre la cire gravée destinée au filigrane. Les matrices sont
confectionnées dans les ateliers de la Banque et les toiles apportées à la papeterie du
Marais. Avec l’aide de Georges Duval, il se charge des dessins du recto et du verso. Eugène
Mouchon remet à la Banque les gravures sur bois des deux vignettes le 24 décembre
1886.
− Banque de Roumanie
La Banque imprime de nouvelles coupures pour la Roumanie.
BdF Médaillier
Coupure de 5 lei
− Banque du Brésil
Le directeur de la Monnaie de Rio de Janeiro ayant été autorisé par le ministre des
Finances à faire préparer en France le papier spécial destiné à la fabrication de billets et
divers titres fiduciaires, monsieur Monteiro, chargé d’affaires des États-Unis du Brésil,
sollicite la Banque. L’autorisation de créer des toiles filigranées, ainsi que la surveillance
de la fabrication du papier par la papeterie du Marais sont actées. Par contre, le Conseil
général réserve sa réponse pour l’impression dans ses ateliers. La demande ayant été
adressée par voie diplomatique, le Conseil général autorise une éventuelle fabrication
de billets de banque et autres titres fiduciaires pour le gouvernement du Brésil, le
4 septembre 1890.
Contrefaçons
157
de 50 francs en novembre 1884. Le fait est confirmé par le baron Hottinguer qui a eu,
à ce sujet, un entretien avec M. Baudin, secrétaire général de la Compagnie. Celle-ci,
pour se soustraire aux dangers de cette fabrication, ne voulait plus recevoir de billets
de 50 francs ; mais elle est revenue sur cette détermination sur son instance. Cette
communication fait naître quelques observations sur le caractère libératoire du billet de
banque qui, ayant cours légal, ne peut être refusé. La Compagnie de Lyon a manifesté
l’intention de demander à la Banque le remboursement des billets faux qu’elle a dans
les mains. Mais le gouverneur fait observer qu’il est de principe, à la Banque, de ne
pas rembourser les billets faux. S’il est fait exception, c’est dans des cas particuliers
concernant des personnes peu fortunées. Le remboursement des billets se fait alors,
plutôt à titre d’acte de bienfaisance, et jamais intégralement.
Le gouverneur ajoute qu’on a fait, à Toulouse, la saisie d’un nombre assez considérable
de billets faux de 50 francs. L’arrestation des détenteurs s’en est suivie et une récompense
de 100 francs a été accordée à l’agent de police qui a fort habilement conclu cette affaire.
158
Personnel
Années Ouvriers entretenus ouvriers auxiliaires Total
1876 51 107 158
1877 50 95 145
1878 47 80 127
1879 42 98 140
1880 45 110 155
Nommé caissier payeur central du Trésor en 1878, le contrôleur général Léon Chazal
démissionne de ses fonctions qu’il occupait depuis 1858. Véritable responsable de la
Fabrication des billets, il est à l’origine des grandes mutations technologiques qui ont
influencé l’élaboration des billets de banque, plaçant l’Institut d’émission sur la voie de
la modernité.
Papier à en-tête
159
Le comte Pillet-Will, tout en regrettant la fondation de cet établissement qu’il n’est pas au
pouvoir de la Banque d’empêcher, approuve tout ce qu’a fait le Gouverneur avec autant de
prudence que de sagesse. Il ajoute qu’il est essentiel en effet que la Banque se dégage absolument
de toute attache à cette fabrication que des ouvriers infidèles pourraient compromettre par des
falsifications de titres.
médaille d’or :
papiers filigranés.
Jean Dupont
(médaille de Daniel Dupuis)
160
Château de Blois
La gravure sur bois donne des résultats remarquables lorsqu’on a recours à des artistes
distingués. Les gravures sur bois faites pour la Banque de France sont signées par Jules
Robert, Adolphe Pannemaker et Charles Maurand.
Quand on opère par voie héliographique, il est indispensable que le dessin de l’artiste
soit fait à grande échelle, à la plume et à l’encre de Chine. La gravure héliographique
permet d’obtenir des types en très peu de jours. Elle peut donc rendre des services dans
les cas pressés. Pour cette technique les meilleurs artistes sont messieurs Georges Duval
pour le dessin et Dujardin pour la gravure.
161
BdF Chamalières
162
La saga des Plon, imprimeurs à la Banque de France
Origine de la famille1
L’histoire de la famille Plon commence à la fin du XVIe siècle, lors de l’expatriation
de Jehan Plon, du Danemark vers la Belgique dans le comté de Hainaut. Fuyait-il le
luthéranisme, lui le catholique, ou les colères d’un souverain fâché qu’il ait séduit une
jeune fille de souche royale ? Nul ne connaît la version authentique et c’est mieux ainsi.
Installé à Mons, il se marie en 1583 avec Antoinette-Marguerite de Lesault, la fille d’un
typographe. Celui-ci le recommande à Rutger Velpius qui l’initie au métier de pressier.
Devenu imprimeur de la cour, le sieur Velpius quitte Mons pour Bruxelles, vendant son
commerce à Charles Michel qui, conserve Jehan Plon à son service.
Nous ne savons pas si sa descendance continue dans l’imprimerie, car aucun document
ne le mentionne. Son petit-fils, Hubert Plon2, apprend les rudiments de l’imprimerie à
l’école. Puis, il est accepté chez un maître imprimeur pour parfaire ses connaissances.
Il se marie avec Nicole-Adrienne De Somme qui lui donne trois enfants, dont Georges
qui deviendra typographe à Mons. De son second mariage avec Marie-Élisabeth Caille,
naissent dix enfants, dont Jacques-Joseph en 1683. Après ses études, Jacques-Joseph
obtient le titre d’arpenteur du roi et de la ville de Mons. De nombreux projets de
construction de routes reliant les principales villes du royaume sont acceptés et réalisés.
Mais surprise, en 1733, il adresse une requête afin d’obtenir la place d’imprimeur de sa
Majesté, laissée vacante depuis le décès du titulaire en 1725. Avait-il perdu ses illusions
à la suite d’un projet refusé par le gouvernement du Hainaut ? Ne possédant aucune
référence dans ce métier, il reçoit une fin de non-recevoir. Marié depuis 1707 à Marie-
Élisabeth Berger, il est le père de onze enfants dont Pierre-Jean Joseph né en 1716.
Après un apprentissage, notamment à Lille, il devient propriétaire d’un établissement
typographique à Ath. Son mariage avec Marie-Caroline de Ladrière se révèle prolifique
car quatorze enfants naissent de leur union. Vers 1746, il quitte Ath pour Mons. Ce
déménagement lui apporte une très grande satisfaction professionnelle, car à la suite de
la bataille de Fontenoy, les Français occupent la ville et le roi Louis XV le choisit pour
éditer les actes officiels. Devenu imprimeur du roi, il imprime aussi bien des documents
officiels que des publications très diverses. Artiste talentueux, il grave lui-même sur
bois les dessins et les fleurons utilisés pour l’ornement de ses impressions. Gravement
malade, son entreprise décline et il doit se retirer miséreux chez son fils aîné à Nivelles.
1. Cette partie est tirée de l’étude de monsieur Willy Staquet : Une famille d’éditeurs belges bien parisiens : les Plon.
2. Né en 1632, orphelin à l’âge de huit ans, il bénéficie néanmoins de quelques subsides provenant de loyers et de
créances.
163
Né en 1742, Emmanuel, après de solides études au collège, s’initie à l’imprimerie dans
l’imprimerie paternelle. Lorsque l’administration communale de Nivelles lui propose
en 1770 de s’installer comme imprimeur, il refuse préférant rester dans l’imprimerie
familiale. Deux ans plus tard, il épouse Marie-Thérèse Ringo. Il se souvient alors de la
proposition de la ville de Nivelles et contacte l’administration nivelloise qui lui donne son
accord. En 1774, par lettres patentes il est autorisé à ouvrir son établissement. Installé
sur la grande place, il adjoint une librairie. Ses affaires sont florissantes et sa femme met
au monde douze enfants. Victime de fièvre putride lors de l’épidémie de 1804, il ne peut
empêcher le pillage de son établissement par ses ouvriers, partis pour des cieux plus
cléments. À partir de cette période, les affaires sont moins florissantes et il ne peut garder
tous ses enfants qui cherchent du travail ailleurs. Certains s’installent alors à Paris. Un
fils puîné de Pierre-Jean, Hyppolite, né en 1753 à Mons, quitte la Belgique pour Paris
et trouve du travail dans l’imprimerie d’un nouvel établissement bancaire, la Caisse de
Comptes Courants. Ancêtre de la Banque de France, la Caisse ouvre en juin 1796, en
pleine tourmente monétaire, après la débâcle des assignats.
Joseph Plon
Né le 28 septembre 1797 à Paris, Joseph Plon est le fils d’Hyppolite. Il entre comme
apprenti en 1809 à l’âge de douze ans. Employé comme garçon de bureau et d’atelier, il
ne touche aucun salaire. En 1811, son père demande une gratification pour les services
rendus par son fils car il connaît des difficultés financières. N’étant pas considéré comme
164
surnuméraire, il n’a pas bénéficié de la gratification qui leur était accordée. Le gouverneur
estime que cet enfant est digne de la bienveillance du Conseil et lui octroie une prime.
En juin 1814, sa mère implore la Banque de lui allouer une gratification, d’autant qu’elle
espérait qu’il reçoive des appointements. Il ne me reste plus d’autre appui pour m’aider à
élever mes jeunes enfants que ce fils pour lequel je réclame aujourd’hui votre bienveillance écrit-
elle. Joseph est titularisé le 1er mars 1815. En 1820, avec un salaire de 1.200 francs il ne
peut subvenir aux frais occasionnés par la grave maladie de sa mère et les besoins de ses
jeunes frères et sœurs. Monsieur Ville, responsable de la Fabrication des billets, obtient
un soutien de 3.000 francs. Bien que son salaire soit passé à 1.500 francs, Joseph connaît
de grandes difficultés financières en 1825, d’autant que sa femme est constamment
malade depuis leur mariage et il avoue qu’il a fait pour y suppléer tous les sacrifices possibles
et suis maintenant dans l’impossibilité d’en faire de nouveaux. Il demande une augmentation
d’autant qu’il est le plus ancien des trois derniers imprimeurs avec ce salaire. L’année
suivante, sa femme Eugénie sollicite la bonté de la Banque car elle est valétudinaire et
ne peut se livrer à aucun ouvrage. L’achat des médicaments absorbe la quasi-totalité
des appointements de son mari. Est-ce ces coups du sort qui fragilisent Joseph Plon,
mais à maintes reprises on lui reproche ses absences abusives, son insoumission et son
intempérance. Malgré quelques remontrances, les responsables de l’imprimerie font
preuve d’une longanimité résultant de sa facilité à s’occuper de différents travaux et
d’être très utile. Mais le 5 mars 1838, il arrive ivre dans l’atelier et le lendemain ne
vient pas travailler. Excédé monsieur Gebauer, son responsable, demande l’application
de l’article cinq de la décision du 14 juillet 1830, qui condamne à 5 francs d’amende
un ouvrier coupable de négligence. Il espère que cela diminuera la confiance que lui
inspire l’impunité dont il a bénéficié jusqu’alors. En 1840, il est affecté de deux hernies.
Pour le soulager, un traitement dispendieux grève lourdement son salaire passé à 1.800
francs, d’autant que son épouse est toujours souffrante. Un secours de 120 francs lui est
accordé. Mais son état de santé l’oblige fréquemment de garder la chambre et, en 1855,
il est mis à la retraite avec une pension de 1.000 francs. Monsieur Ville écrit que Joseph
Plon était doué d’une facilité de conception le rendant propre à divers travaux, et cette faculté
a été employée avec beaucoup d’utilité, en un grand nombre de cas, dans l’atelier de la Banque.
Il décède le 11 juin 1867.
1. Contremaître.
165
l’Imprimerie royale ou dans une grande imprimerie privée, il se fait embaucher, huit
mois après son oncle Hyppolite, à l’imprimerie de la Caisse de Comptes Courants.
Il quitte l’établissement bancaire lors de son départ à l’armée en mai 1799. Deux ans
plus tard, après sa démobilisation, il intègre l’imprimerie de la Banque de France où
il est titularisé en septembre 1803. Il participe à toutes les impressions de billets, se
distinguant par sa conduite, son zèle et son habileté. Il reprend l’idée émise par le graveur
Andrieu et perfectionne l’impression à l’identique qui protégera les billets de banque de
la contrefaçon pendant plusieurs décennies. À son grand désappointement, il ne peut
obtenir le poste de chef d’atelier, pour des raisons d’organisation, que ses qualités lui
promettaient. Le responsable de la Fabrication des billets estime que c’est un homme
bien élevé et dont l’instruction aurait justifié une position de beaucoup supérieure à celle dans
laquelle son goût l’avait placé. En 1827, il prend sous son aile un neveu, Charles Plon1,
qu’il recommande à la direction de la Banque. Il l’affectionne comme son fils depuis qu’il a
perdu les siens et il estime que travaillant avec lui et son père, il devrait devenir un très
bon imprimeur.
BdF Archives
1. Il s’agit peut-être d’un des trois fils de Philippe Plon. Il ne figure pas dans les différentes listes des effectifs ; nous
n’avons trouvé qu’une indication datant de 1828 dans les archives, mentionnant : « Payé à Ph. Plon pour 12 journées
de son fils Charles, externe, employé aux compositions et impressions à la Banque pendant le tirage des deux billets. »
166
Mais sa vue s’affaiblit, et, en 1843, ses facultés physiques ne correspondent plus à
l’exigence demandée par l’impression des nouveaux billets. Le responsable, monsieur
Ville, se résout à lui demander alors de prendre sa retraite dans l’intérêt du service.
Comme tous les Plon, Henri a le sens de la famille et s’occupe de la fratrie. Des années
durant, il aide financièrement des frères nécessiteux. Il donne aussi aux enfants d’un
autre frère atteint d’aliénation mentale. Monsieur Ville demande au gouverneur sa
bienveillante intercession afin que le Conseil récompense ses mérites après quarante
ans de service comme titulaire, plus sept années d’externat. Il reçoit alors une pension
annuelle de 1.500 francs à laquelle est ajoutée des indemnités de façon à ce qu’il termine
ses jours dans une situation qui ne lui impose pas des privations trop pénibles. Il décède le
23 mars 1866.
167
son épouse. Ses deux filles ne vivant que de leur travail peu rémunérateur, elles se sont
endettées pour payer les médicaments et les frais d’inhumations. La Banque leur octroie
alors une indemnité de 1.000 francs.
Charles Plon
Fils de Léopold, il naît le 1er mai 1828. En 1841, il entre à la Banque comme apprenti :
il est âgé de 13 ans. Le 1er janvier 1845, il est nommé ouvrier auxiliaire. Il est titularisé en
18591. Sa bonne éducation, son zèle et son assiduité le font apprécier de sa hiérarchie,
d’autant qu’il est très capable comme conducteur de machine. Il se marie le 24 avril 1849
avec Caroline Boisselleau qui travaille à la classification des vieux billets. De leur union
naissent une fille2 et un fils. Ses liens avec son cousin Henry, de la maison Béthune
et Plon, lui permettent de se mettre au courant des progrès techniques et de faciliter
l’installation des nouvelles presses mécaniques en 1863. En 1871, il participe à la défense
de la Banque et obtient la médaille d’or et le brevet créé à cette occasion. Mais quelques
années plus tard, sa santé est affaiblie par des douleurs rhumatismales. Très fatigué,
n’ayant plus une bonne vue, il prend sa retraire le 1er janvier 1882 avec une pension de
2.210 francs. Pour des raisons de santé, sa femme avait cessé son travail après 30 ans de
service. Malheureusement, à cette époque la caisse de retraite des ouvrières n’était pas
encore constituée et elle n’avait droit à aucune pension. Il décède le 12 mai 1903.
Conclusion
Cette extraordinaire saga familiale résume assez bien l’attachement des ouvriers pour la
Banque de France et leur métier. L’apothéose de la famille Plon intervient avec la création
par Henri Plon de la maison connue sous la raison « Béthune et Plon » qui deviendra les
célèbres Éditions Plon.
168
169
PRINCIPALES SOURCES
Banque de France
Archives
Procès-verbaux du Conseil général du 18.02.1800 au 28.12.1895.
Procès-verbaux du Comité des billets du 17.12.1803 au 06.01.1810 ; du 20.02.1810 au
03.11.1823 ; du 21.12.1885 au 11.12.1895.
170
Dossiers de pension des principaux protagonistes
Bibliothèque
Dossiers 7278, 7279 et 7289 – Événements de 1870 et 1871 : imprimerie de Clermont-
Ferrand.
Papeterie du Marais
Archives de 1811 à 1895.
Musée de Blois
Dossier Daniel-Dupuis.
Monnaie de Paris
Dossier Jacques-Jean Barre.
171
ÉLÉMENTS DE BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages collectifs
Les billets de la Banque de France (deux siècles de confiance),
Banque de France, 1994
L’Art du Billet (Musée Carnavalet),
Banque de France et Paris musées, 2000
Le Patrimoine de la Banque de France,
Flohic Éditions, 2001
172