Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
MANUEL DE SOCIOCRITIQUE
1. Introduction 13
2. Sociologie et philosophie 13
3. Sociologie et psychologie 14
4. Notions sociologiques fondamentales 16
a) Systè1ne social et institution 16
b) Conscience collective, norlnes et valeurs 18
c) Division du travail, rôle et solidarité 19
d) 20
e) La classe 20
j) Conscience de classe et idéologie 22
g) Base et superstructure 22
h) Idéologie et science 23
i) Idéologie et ,nédiation par la valeur d'échange 24
j) Réification et aliénation 26
k) Objecti1.'ité(Wertfreiheit) 28
2. Les méthodes empiriques et dialectiques en sociologie de la
littérature 30
1. Introduction 117
2. La sémantique et la syntaxe comme des fonctions sociales 118
a) LI' niveau lexical et sélnantique 121
b) Le niveau na rra tif 122
3. La situation sociolinguistique 125
4. Sociolectes et discours 130
a) 130
b) Discou rs (Idéologie) 134
5. L'intertextualité comme catégorie sociologique 138
6. Vers une sociologie du texte romanesque: L'Étranger d'Albert
142
a) La situation sociolinguistique 143
b) Sociolecte, discours et intertextualité 147
c) Al1lbivalence et indifférence: l'univers sé1nantique de L'Étranger_ 150
d) Indifférence et structures narratives 153
e) Relllarques ,néthodologiques: L'Étranger de Renée Balibar 160
7. Vers une sociologie du Nouveau Roman: Le Voyeur d'Alain Robbe-
162
a) La situation sociolinguistique: continuation 164
b) Intertextualité: le sociolecte « scientifique» 167
c) L'univers sé1nantique: indifférence et polysé1nie 172
d) Indifférence, polysé1nie et structures narratives 176
e) Critique et acquiescelnent dans Le Voyeur 183
Littérature 227
Bibliographie commentée 235
249
Préface
1. Texte
2. Critique
Méthodes et modèles
1. Notions sociologiques fondamentales
1. Introduction
Les notions sociologiques fondamentales - il ne sera question que de
celles intéressant la sociologie de la littérature et les théories présentées ici
- devraient, pour bien faire, être situées par rapport à l'histoire de la
philosophie. Séparées de leurs origines historiques, elles risquent de rester
abstraites.
Bien qu'il soit impossible de combiner une introduction à la sociocritique
(la sociologie du texte littéraire) avec une introduction à la sociologie géné-
rale, je vais tenter, en parlant de concepts comme « système» ou « idéolo-
gie », de tenir compte des origines historiques et sociales de la terminologie.
Une façon de définir concrètement des notions telles que« classe sociale»,
« conscience de classe» (Marx), « conscience collective», « anomie» (Durk-
heim) et «objectivité» (<<Wertfreiheit», M. Weber) consiste à les situer par
rapport à la transformation graduelle de la philosophie en sociologie (en
science sociale) et par rapport à certaines différences méthodologiques qui
séparent la sociologie de la psychologie.
Dès le premier chapitre, il s'agira de mettre en évidence les rapports
entre la terminologie présentée et la pratique de la sociocritique contem-
poraine. J'espère pouvoir éviter ainsi un décalage trop grand entre le
concept et ses applications. Pourtant, ce n'est que dans le 3e chapitre que
la pratique sociocritique sera discutée en détail.
2. Sociologie et philosophie
Jusqu'à la fin de la première moitié du XIXe siècle, la philosophie s'est
occupée de problèmes politiques et sociaux sans que quiconque fasse une
distinction rigoureuse entre la « spéculation philosophique» et }'«argu-
mentation scientifique».
14 MÉTHODES ET MODÈLES
Il est certain que la notion de science apparaît déjà dans les écrits philo-
sophiques de David Hume (That Politics May be Reduced to a Science) de
Spinoza (<<more geometrico») et de Thomas Hobbes. Ce dernier voulait
faire reposer sa philosophie politique sur des fondements analytico-synthé-
tiques (<<géométriques »), et il n'était pas seul à penser ainsi. Bien plus tard,
Auguste Comte (1798-1857), souvent considéré comme un précurseur de
la sociologie moderne, plaida en faveur d'une science de la société qu'il
appela sociologie.Ce concept devait remplacer la vieille désignation « phy-
sique sociale» qui témoigne de la parenté entre la première « science sociale»
et les sciences de la nature. Malgré ce changement terminologique, Comte
resta attaché à l'idée rationaliste que les sciences de la nature servent de
modèle aux sciences sociales (à la sociologie). Dans ses écrits, il postule des
rapports étroits entre la biologie (en tant que science de l'homme) et la
sociologie qui, à en croire Comte, a pour objet un «organisme collectif»
comparable à l'organisme individuel, biologique.
Dans le contexte actuel, l'idée de Comte que la pensée humaine évolue
d'une phase théologique (religieuse) à une phase métaphysique (philosophique)
et de celle-ci à une troisième phase qu'il appelle scientifique, joue encore un
rôle important. D'une part, elle a été reprise par certains représentants du
néopositivisme contemporain qui exigent une séparation claire entre la
philosophie (la « spéculation métaphysique ») et la science. Ils développent
l'idée comtienne d'une science positive: empirique et orientée vers les sciences
de la nature. D'autre part, il s'est produit, à la fin du siècle dernier, une
scission réelle entre la philosophie et les sciences dites empiriques (basées
sur l'expérience), telles que la psychologie et la sociologie. Le fait que
Durkheim, un des fondateurs de la sociologie moderne, a étudié le phé-
nomène du suicide de façon systématique en se servant de méthodes empi-
riques (statistiques), est caractéristique de cette évolution générale
(E. Durkheim, Le Suiczde. Étude de sociologie, Paris, 1897).
Malgré cette scission historique indéniable, il existe de nombreux repré-
sentants des sciences sociales (et naturelles) qui considèrent comme indis-
pensable la réflexion philosophique. Ceux en particulier, qui se réclament
d'une science sociale critique, refusent de renoncer à la réflexion philoso-
phique et aux jugements de valeur qu'elle comporte (voir à ce sujet le
chap.4, 2, a, b).
3. Sociologie et psychologie
4. Notions sociologiquesfondamentales
Les deux principaux arguments mis en avant jusqu'à présent, à savoir
que les phénomènes sociaux ont un caractère collectif et que la sociologie
doit aspirer à devenir une science empirique (sans abandonner la réflexion
philosophique et critique) forment ensemble le système de coordonnées
dans lequel les notions, prises séparément, seront situées. Pour la sociologie
du texte préconisée ici, il s'agit de devenir une science à la fois empirique
et critique, capable de tenir compte des structures textuelles et du contexte
social dont elles sont issues.