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Barbarin Georges - Les Cles de L'abondance PDF
Barbarin Georges - Les Cles de L'abondance PDF
Cet ouvrage est la réunion, à quelques chapitres expurgés près, de deux livres
que Georges Barbarin avait publiés après la Seconde Guerre mondiale :
- Les Clés de l'abondance (1947) (Éditions Niclaus, Paris).
- Le Jeu passionnant de la Vie (1955) (Éditions Astra, Paris).
Ces textes sont toujours parfaitement d'actualité, peut-être même plus encore de
nos jours qu'à l'époque de leur rédaction initiale, étant donné le climat de
morosité ambiante, d'incertitude, les menaces diverses qui pèsent sur tous les
peuples de la planète et l'aspiration des êtres à des valeurs plus authentiques,
plus « positives ».
La réunion en un seul volume de ces deux ouvrages est parfaitement cohérente
d'esprit, puisqu'ils se complètent harmonieusement l'un l'autre.
Le chapitre IX relate des faits vécus dans le cadre de l'Occupation française,
mais qui n'en gardent pas moins toute leur signification et leur valeur
d'exemples.
Depuis la réédition par nos soins de quatre livres de Georges Barbarin (de 1983
à 1987), nous sommes assaillis de demandes de lecteurs qui souhaitent avoir
accès aux autres livres de cet auteur, aujourd'hui introuvables car épuisés dans
leur majorité. C'est avec joie que nous répondons positivement à ces requêtes
par cette nouvelle édition. En effet, nous considérons que Georges Barbarin,
philosophe, homme de foi et grand humaniste, nous a légué une œuvre littéraire
riche et féconde, emplie de positivisme, d'amour et de confiance, qu'il serait
dommage de ne pas faire revivre.
Bien des personnes en « mal de vivre» ou en « mal d'être », ballottées par notre
époque troublée, pourront y trouver une voie nouvelle pour orienter leur
existence et, peut-être, cette joie de vivre à laquelle elles aspirent.
L'Éditeur (1989).
CHAPITRE 1
Dans mon enfance, une de mes ambitions principales était d'être riche, c'est-à-
dire de posséder beaucoup d'argent et de grandsbiens.
J'appartenais à une famille et à un milieu qui, sans être pauvres, n'avaient
jamais réussi à sortir d'une situation modeste. Il en résultait que nul, autour
de moi, n'avait pu se repaître des diverses formes de l'opulence matérielle ni
se satisfaire pleinement des jouissances que la fortune réserve à ses élus.
Celte insatisfaction, comme toutes les faims rentrées, engendrait un appétit
plus tenace de ce dont nous étions ordinairement privés. Aussi l'argent tenait-
il, dans l'opinion de mon entourage, une place éminente dont l'honneur
rejaillissait sur les possesseurs de l'argent. Mais, du moins, mes parents
étaient-ils économes alors que j'étais prodigue. Je réussissais en effet ce
miracle de dissiper le superflu que je n'avais pas. L'indispensable s'en
ressentait inévitablement, de sorte que je me permettais certains luxes en
manquant du nécessaire.
nombreux et les loteries étaient alors des plus rares. Il ne demeurait que la
perspective de la succession d'une tante ou d'un cousin ignoré!
Qui n'a eu, dans sa parenté, la « tête brûlée» ou l'aventurier classique, dont
la disparition à l'étranger créa la légende de l'Oncle inconnu? Le nôtre était
quelque chose comme premier cuisinier du roi d'Espagne et la mémoire s'en
transmettait de génération en génération.
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J'étais alors au stade aigu de la vie physique. Comme tous les adolescents,
j'interprétais le monde uniquement avec mes sens matériels. L'univers
m'apparaissait comme une mine inépuisable d'images et de merveilles et je
regrettais de n'avoir que deux bras et une bouche pour tout étreindre et tout
absorber. J'étais comme un homme ivre au milieu d'un magasin de décors, allant
de la prison à la forêt, du boudoir à la balustrade, si riche d'imagination et
de désir que j'enrichissais le vide autour de moi.
Et cette illusion dura tant que je vécus de la vie superficielle, jusqu'au jour
où je m'aperçus que ce que je prenais pour la réalité du monde en était la
représentation. Prison, forêt, boudoir, balustrade n'étaient, les uns et les
autres, que de la toile et du bois revêtus de couleurs vives. Il suffisait de
les retourner pour constater l'absence et l'inexistence des meubles ou des
paysages qu'ils étaient chargés de figurer.
Le monde eût alors manqué sous moi et je me fusse effondré sous les débris de
l'ancienne vie si les contours de la Vie nouvelle ne m'étaient apparus en même
temps. Que dis-je? C'est parce que j'avais aperçu le véritable gabarit de
l'Univers sous la carcasse des apparences que le mensonge de celles-ci
m'apparaissait.
Si je regardais autour de moi je voyais tous les hommes se lancer dans la même
lutte et s'épuiser à la conquête de possessions sans valeur. Mes condisciples,
mes aînés, les adultes, les vieillards eux-mêmes n'étaient préoccupés que
d'acquérir ce qui se touche, se goûte, se flaire, s'entend et se voit. Trois
sens, particulièrement, les asservissaient: le tact, le goût, la vue. La réalité
pour eux ne résidait que dans ce qu'ils pouvaient toucher, déguster et voir.
Certains, en vertu d'anciens concepts, admettaient l'existence de principes
immatériels et d'une vie invisible, mais en remettaient l'exploration et
l'expérience après la mort.
Aujourd'hui, les hommes ne sont guère plus évolués. Ils persistent à croire aux
mensonges de leur vie sensible, avec d'autant
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plus de foi que la civilisation a multiplié les objets qui s'offrent à leurs
sens. Et, par surcroît, ils ont perdu la notion du monde insensible, de sorte
qu'ils ont peu de chances de s'évader de leur incompréhension.
Mû par cette illusion, je cherchais à atteindre un nombre sans cesse plus grand
de représentations, c'est-à-dire à emmagasiner le plus possible d'images, de
sons, de goûts, d'odeurs, de contacts. Et ceux qui m'entouraient agissaient
exactement de même, si bien que l'erreur de l'un multipliait l'erreur de l'autre
par un phénomène grégaire de suggestion.
Sa leçon consistera, plus tard, à mourir au monde de la forme pour renaître dans
le monde spirituel.
LA VRAIE ABONDANCE ET LES MIRACLES 5. Les« impondérables» de l'existence
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6. L'expérience à faire
7. L'insatisfaction de la possession
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Je n'en connais pas un qui jouit paisiblement de ses richesses, non seulement
parce que la possession de celles-ci en révèle l'inanité secrète, mais surtout
parce que toute richesse enfante nécessairement la peur qui est la doublure même
de la possession. Elle fait corps avec elle. Et dès que la peur enfourche
l'homme, elle lui passe la bride et le mors (1).
8. Désir et assouvisselnent
Ceux qui ont glissé sur le savon du mât de cocagne, avant avoir pu « décrocher
la timbale », ont toujours l'illusion que cellereprésente une jouissance, tandis
que ceux qui ont eu assez de uscle et de volonté pour l'atteindre savent qu'ils
ont refermé les as sur le vide et la déception.
Tous les plaisirs matériels que j'ai souhaités m'ont paru dignes ~ mon désir,
tant que celui-ci n'a pu les étreindre. Tous les plaisirs atériels que mon désir
a étreints m'ont paru indignes d'être sou~ités. D'autres peuvent affirmer le
contraire, mais ils se mentent eux-mêmes. Moi, qui ne me paie pas de mots, je
sais que nul Jmme n'échappe à cette loi du désir et de la réalisation. A moins,
,utefois, que le succès matériel ne soit la conséquence d'une aUiIde spéciale
intérieure, auquel cas toutes les jouissances :mt promises à l'homme, comme nous
le verrons bientôt.
L'abondance n'est pas la richesse et même elle est incomatible avec elle, tandis
qu'il n'y a pas incompatibilité entre l'abonance et la pauvreté. Celui qui lira
ce livre avec des yeux et un cœur uverts se rendra compte que cette assurance
n'est nullement Jntradictoire, car l'abondance résulte d'une attitude que la
paureté Ue ne dis pas la misère} a la faculté d'acquérir.
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« Ne vous amassez pas des trésors sur la terre» (Matthieu, VI, 19) ;« Si tu veux
être parfait, va, vends ce que tu possèdes» (Matlhieu, XIX, 21) ; « 11 est plus
facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer
dans le royaume de Dieu» (Marc, X, 24).
A l'inverse, la promesse formelle de l'Homme-Divin est celle :le l'abondance: «
Je suis venu vous apporter la vie de plus en plus '1bondante. » Toute la loi
profonde de l'abondance et de la vie est contenue :lans ces mots. N'importe qui
ne peut la dégager, à moins d'y avoir :oncentré son esprit et d'en avoir nourri
ses veilles. Mais l'homme :lroit et intelligent ne demande qu'à comprendre; il
suffit de lui monlrer la lumière pour qu'il ouvre les yeux. En peu de temps, il
fait Jeaucoup de chemin et son esprit se dégage des œillères habituelles,
jusqu'au moment où il s'aperçoit que la Vie ne s'étreint et Ile se possède
qu'intérieurement.
Voyez celui qui entoure son corps de lainages amoncelés, s'approche du foyer,
boit tiède, se lave avec de l'eau chaude. Les soins exagérés qu'il prend de son
confort se retournent contre son organisme et le sang, provisoirement amené aux
extrémités et à la surface, reflue définitivement au cœur.
Voyez, à l'inverse, celui qui fait sa toilette tout nu, s'arrose d'eau glaciale
et même se roule dans la neige, puis qui scie, bêche, circule sous la pluie et
dans le vent. Son sang, qui a d'abord reflué au cœur, irrigue définitivement les
régions superficielles. Et, parmi le gel ou la tourmente, il est aise et il a
chaud.
La richesse est une apparence, l'abondance une réalité. On peut vous voler vos
richesses; on ne peut vous ravir votre abondance.
Les richesses se font avec des choses objectives, l'abondance est subjective et
se fait avec rien. Il est impossible d'être riche sans or, sans terres, sans
serviteurs, en un mot sans biens de toutes sortes. II est facile d'être en état
d'abondance dans le vide, le désert, la nudité.
L'abondance s'extrait du néant. C'est l'Esprit qui la réalise. Les Anciens
représentaient l'abondance sous les apparences d'un flot de bonnes choses
sortant du pavillon d'une corne. Et ces choses venaient du fond même de la
corne, qui va s'amenuisant jusqu'à n'être plus.
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l'abondance ne peut pas être partielle. Elle est totale ou elle n'est pas. Si
elle comporte des zones ou des districts, présente une faille ou une fuite, il
n'y a plus d'abondance. L'abondance doit être totale, multiple, sous peine de
n'être plus elle-même. Avoir une part de l'abondance, c'est exactement n'avoir
rien du tout.
Les hommes n'aiment pas la richesse pour elle-même mais pour ses moyens de
possession, qui visent aussi bien J'argent que d'autres modes d'expression,
comme J'amour ou la gloire.
Napoléon ouvrit les bras vers la gloire et les referma sur le néant.
Pourquoi les« mil e tre » de don Juan? Parce que celui-ci poursuivit mille et
trois fantômes et ne s'arrêta qu'à la mort.
Vous commencerez à mieux me comprendre lorsque je vous aurai dit que l'abondance
est la jouissance, alors que la richesse n'est que la possession. La notion de
propriété s'oppose à la notion d'abondance. Plus on a de propriétés, moins on en
jouit.
L'homme très riche qui possède châteaux, villas, hôtels particuliers, fermes,
yachts, forêts, etc., n'a pas la jouissance de ses richesses. Celle-ci est
réservée à J'intendant, au concierge, au régisseur, au garde, au marin, qui ne
sont pas les possesseurs.
Le rédacteur du Code civil n'a pas lui-même compris tout l'enseignement contenu
dans le mot nue-propriété qui s'applique à la seule propriété sans la
jouissance. A la vérité tous les propriétaires sont des nus-propriétaires. Et, à
la vérité, nous ne devons tous, et ne pouvons, être que des usufruitiers.
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Ce qui est vrai des individus l'est aussi des collectivités. C'est pour avoir
convoité les richesses que les collectivités ont perdu le sens de l'abondance.
Ces grands organismes avaient à conquérir la richesse spirituelle au moyen d'une
matérielle pauvreté. Mais ils ont préféré choisir la richesse matérielle et il
en est résulté une spirituelle pauvreté.
Une collectivité riche asseoit son opulence sur le besoin de ses participants.
En aucun cas elle ne se procure à elle-même et, par conséquent, n'est capable de
procurer aux individus l'abondance parce que si la richesse peut être
collective, votre abondance ne peut être qu'individuelle et spéciale à chacun.
La richesse est un manteau confectionné. L'abondance est un vêtement fait sur
mesure, qui s'adapte idéalement à tous les mouvements de l'âme et du corps.
C'est la raison pour laquelle l'État n'est jamais dispensateur d'abondance, car
il ne peut donner cette abondance qu'à ceux qui la possèdent déjà. Quant à ceux
qui ne l'ont point, jamais elle ne leur sera facilitée par des mesures
collectives. Ainsi sont d'avance frappés de nullité et d'impuissance toutes les
mesures générales, tous les règlements collectifs.
Quelle loi, quels décrets humains ont été capables d'engendrer l'abondance?
N'est-il pas clair, en revanche, que l'abondance se dissipe dès que la
réglementation sociale s'y introduit? La collectivité est capable d'acquérir la
richesse mais est incapable d'instituer l'abondance. L'abondance, en effet, est
une sécrétion normale de l'individu.
LA VRAIE ABONDANCE ET LES MIHACLES
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Où se cache l'abondance?
Aussi loin que remontent mes souvenirs d'enfant je me rappelle notre dessert du
dimanche. A chaque déjeuner dominical, nos parents nous permettaient, à mon
frère et à moi, d'acheter nousmêmes un gâteau de dix centimes chez notre voisin
le pâtissier.
Comme j'avais peu d'appétit, je choisissais une friandise concentrée ou, à cause
de son petit volume, un chou à la crème, tandis que mon frère, plus robuste,
recherchait les pâtisseries « avantageuses » et qui meublent l'estomac. Déjà en
ces temps s'affirmaient l'Inégalité de 1I0S besoins et la nécessité d'une
solution individuelle.
Comment notre mère nous eût-elle contentés en nous soumettant à une brioche
collective ou à un saint-honoré familial? Même dans les repas solennels, la
tarte pour dix était l'objet de convoitises différentes. Tel préférait le centre
et tel la périphérie; tel désirait la pâte et tel la couche de fruits. Aucun
n'était pleinement heureux et n'y trouvait sa véritable abondance. Mais un petit
gâteau entre mille ne nous satisfaisait pas non plus. Plus tard, vers mes 14
ans, au cours de vacances estivales je partageai les jeux des fils d'un autre
pâtissier. Je fus admis aussi à leur goûter quotidien composé de deux gâteaux de
la boutique paternelle. Le progrès sur le chou hebdomadaire unique était
sensible et, cependant, je ne trouvai pas mon abondance dans ce goûter. Les
rayons étaient surchargés de tant de bonnes choses que ma faculté d'élection me
semblait indigente.
Comment choisir' deux unités seulement parmi les meringues, éclairs, sablés et
tartes, pistache, amande et chocolat?
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Plus tard encore, à 17 ans, je me trouvai, entre deux trains, dans une petite
ville du Centre. J'avais faim. J'étais seul et ne manquais pas d'argent. Je
résolus de contenter au moins une fois ma faim de gâteaux et achetai huit sortes
de pâtisseries différentes que j'allai dévorer, au-delà d'un faubourg, dans un
chemin creux. J'arrivai à l'écœurement sans atteindre l'abondance. Et je vis par
là que l'abondance n'est pas subordonnée au nombre ni au volume des biens
matériels.
Peut-être certaines bêtes (le bœuf quand il rumine après l'abreuvoir, le chien
quand il a mangé sa pâtée) connaissent-elles l'euphorie totale, sinon de l'âme,
au moins du corps. Mais cette abondance passive m'eût semblé fort incomplète
puisque l'animal subit et ne raisonne pas sa félicité. J'en savais assez pour me
dire que l'abondance véritable exige le concours de l'intelligence, qui la rend
à la fois plus difficile et plus ample, moins accessible et moins vulgaire,
parce que consciente en un mot.
OÙ SE CACHE L'ABONDANCE?
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On peut être dans l'abondance avec vingt haricots et un morceau de pain ou vingt
grammes de pain et un plat de haricots. Le jour de demi-jeûne où je fis cette
constatation me révéla des saveurs inconnues. Je m'aperçus que jusqu'alors je ne
connaissais pas la véritable joie de manger. L'abondance des mets me cachait
l'abondance, cette fontaine jaillissante de notre âme. La quantité me masquait
la qualité, cet attribut-maître. Et je ne saisis qu'alors l'immense portée de
l'expression courante: « un plaisir de qualité ».
Je pouvais faire mon plein d'abondance avec des choses absolument gratuites qui
sont en quantité illimitée, à la disposition du premier venu.
Il n'y a pas de monopole de l'eau car la terre, toutes veines ouvertes, nous la
prodigue à fleur du sol. Chacun a la libre disposition des cataractes du ciel,
chacun peut boire à même la source et faire du sang clair et frais du globe son
propre sang rouge et chaud.
Il n'y a pas d'accaparement du paysage, des odeurs, des sons, des contacts, de
la nature. Et je n'ai pas à tendre la main pour qu'ils accourent à moi. Même
allongé, le matin dans mon lit, en pleine inactivité de tous mes membres, les
dons multiples de la Vie se précipitent vers moi de toutes parts. Le bruit du
vent, le chant des coqs, le bourdonnement des guêpes, la marche lointaine d'un
véhicule, m'entourent, m'assiègent, m'envahissent et me pénètrent jusqu'au cœur.
OÙ SE CACHE L'ABONDANCE?
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Mais, pendant longtemps, ces dons je ne les voyais pas, de même qu'avant de
posséder mon premier récepteur radiophonique, je ne soupçonnais pas la présence
des mille voix du monde qui me traversaient à mon insu. Maintenant le
superhétérodyne sentimental est accordé et j'arrête au passage les innombrables
baisers de la
V~. .
Je compris aussi que l'abondance est partout, même dans les pleurs, la douleur,
le dénuement et la solitude. On peut être riche d'espoirs, de foi, d'espérance,
d'intérêt, de courage, de sacrifice, d'amour. Il existe une mine précieuse à
prospecter dans la pureté, la probité, la bonté, vertus supérieures. Mais il
existe des veines non moins opulentes dans un égoïsme bien trié. Pour celui qui
a décidé de se ranger sous le signe de l'abondance, les défauts eux-mêmes
deviennent producteurs de richesse lorsqu'ils sont judicieusement utilisés.
A ce stade de compréhension, les désirs m'apparurent comme les ferments
sentimentaux de la Vie, le sel même des événements.
L'essentiel est de ne pas se laisser traîner par eux mais de marcher à leur
tête, de les gouverner et de les conduire, car les leviers humains du monde sont
les désirs dirigés.
a vous, qui me lisez, vous êtes évidemment de bonne foi, sans quoi vous eussiez
fermé ce livre dès la première page ! Et votre intelligence adaptatrice est
certainement éveillée, puisque vous avez triomphé jusqu'à ce chapitre de votre
orgueil logicien.
Vous êtes donc tout près de moi, en vérité, et si nous ne sommes pas encore
intimement unis par une identique compréhension c'est qu'une pellicule au plus
nous sépare. Un exemple suffira à la crever:
- L'abondance, ce n'est pas d'avoir un faux col juste au moment où l'on en a
besoin; c'est de n'avoir pas besoin de faux col.
- La santé, ce n'est pas d'avoir un bon médecin, une infirmière adroite, des
médicaments; c'est de n'être pas malade.
Mais c'est là une illusion, car l'abondance est rigoureusement une, c'est-à-dire
exactement la même pour un mendiant ou un empereur. L'un et l'autre ne tendent
qu'à déposer le fardeau conventionnel, à fuir les gendarmes et le protocole,
pour trouver la plénitude du cœur. Or ce trésor est plus accessible au bord du
fossé que dans une résidence princière et c'est ce que les simples ont noté
lorsque, dans leurs heures de félicité modeste, ils disent:
Cf Le roi n'est pas mon cousin. »
OÙ SE CACHE L'ABONDANCE?
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Le Besoin est un vrai besoin qui actionne le mécanisme de la Vie. Les besoins
sont de faux besoins, résultat d'erreurs traditionnelles et de vaines
imitations. Et l'homme s'enchaîne à ces besoins jusqu'à ne plus être lui-même et
à ne vivre que par eux.
Comme vous j'ai cru, pendant un temps, que la satisfaction de nos besoins
constituait un but véritable et ce n'est qu'après de longues années que je les
ai considérés comme des moyens.
Abondance que tout cela! L'art de cultiver consiste en effet à faire pousser des
fruits là où il n'y avait que des ronces. L'art de bâtir consiste à ménager des
logements confortables là où il n'y avait que du gravat. Quand l'esprit est une
fois orienté à la recherche de l'abondance, on peut dire que l'abondance jaillit
comme une source et ruisselle sous les pas.
Qui ne s'est trompé de chemin et d'indication en voyage? Qui n'a vu bousculer
son horaire par un événement imprévu? Le candidat au dénuement s'émeut, s'énerve
ou s'irrite. Le candidat à l'abondance constate, s'adapte et tire parti. Combien
d'heureux instants, de beaux sites, de rencontres inespérées devons-nous, les
miens et moi, à un obstacle ou à une erreur?
Abondance, le retard! Abondance, le trajet supplémentaire!
Abondance toujours et partout pour qui sait l'assimiler.
A quoi sert que la vache ait les pis gonflés si la fermière n'en fait pas la
traite'? Là où d'autres ne voient que poil malodorant, coups de queue et litière
souillée, les plus avisés recueillent un lait tiède et nourrissant.
Le dandy aux mille complets est dans l'indigence vestimentaire.
Non seulement il est l'esclave de sa garde-robe mais encore il ne jouit d'aucun
habit complètement. La femme élégante qui change plusieurs fois de toilette dans
la journée ne tire de chacune que des fragments de jouissance et des succès
fugitifs. L'abondance vestimentaire est celle de Joseph de Maistre qui célébrait
sa vieille robe de chambre comme une alliée et comme un ami.
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On voit donc bien par là, comme je le vis, que l'abondance est indépendante des
objets auxquels elle s'applique et qu'on la porte en soi, prête à tout
événement. C'est là, pratiquement, la baguette de fée de la légende. Tout ce
qu'elle touche, même le laid, se transforme en quelque chose de merveilleux. Les
rats deviennent laquais et le potiron carrosse. Mais sans elle les laquais
restent rats et le carrosse potiron.
Je découvris, par conséquent, d'abord cette clé magique. Je l'essayai à diverses
sortes de serrures et m'aperçus qu'elle les ouvrait toutes indistinctement.
Depuis ce temps, je ne rencontre pour ainsi dire plus aucune porte fermée. S'il
m'arrive de le faire, c'est que je retombe - sans m'en apercevoir - dans mes
anciens errements. Mais dès que je me rends compte de mon oubli, je prends ma
propre clé de l'abondance et, aussitôt, les portes les plus hostiles et les
mieux closes tournent sur leurs gonds sans effort.
CHAPITRE III
Nous avons vu que l'abondance était d'abord intérieure, d'où il s'ensuit que
l'abondance extérieure n'est que la conséquence matérielle de l'autre et presque
uniquement son reflet. Quand on a l'abondance intérieure on a toutes les
abondances, y compris l'abondance extérieure telle que la démontrent nos sens.
2. L'abondance spirituelle
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on n'en saurait dire autant des procédés utilisés pour acquérir l'abondance.
Pour peu que l'on jette les regards autour de soi, on voit que des hommes de la
même intelligence et exerçant le même métier aboutissent à des résultats
différents. L'un végète sa vie durant, tandis que l'autre amasse des richesses.
Et il arrive que la fortune soit la récompense du plus paresseux ou du plus
imbécile et que l'infortune soit le lot du plus courageux ou du plus
intelligent. Les hommes l'ont toujours si bien compris que les Anciens
représentaient la Fortune comme une déesse aux yeux bandés.
On voit donc qu'il n'y a pas de moyens matériels de contraindre l'abondance
matérielle. Mais il existe, en revanche, des moyens spirituels de provoquer
l'abondance spirituelle, clé et réservoir des abondances de tous les plans.
J'ai connu dans mon enfance une humble femme du peuple qui ne savait même pas
signer son nom. Il y avait en elle plus de richesse d'esprit que dans trois
académies rassemblées. Ses yeux étaient pleins de lumière et de compréhension.
Dans mon souvenir, cette personne est demeurée comme l'une des reines de la vie
et son abondance spirituelle rejaillit encore jusqu'à moi.
Il est d'autres souverains aussi obscurs dans la renommée des hommes et qui
brillent comme des étoiles en dehors du monde apparent. N'en doutez pas, les
vrais milliardaires sont ceux-là, car ils ont la toute-puissance intérieure qui
fait dire à ceux qui la goûtent: « Je ne souhaite plus rien au-delà. »
3. L'abondance de vie
Celui qui a tout cela a l'abondance de vie. Mais l'abondance de vie n'est pas
également tout cela. En effet, si l'abondance générale est totale et
ininterrompue, celle qui vous intéresse - et que je vous incite à rechercher -
est, avant tout, personnelle.
Votre abondance est hors de toute atteinte matérielle puisque sa source est
intérieure. Votre « royaume» est dedans.
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5. L'abondance de compréhension
Nous étions entrés dans le royaume du dedans par des portes différentes. Nous
avions acquis, avec l'abondance spirituelle, l'abondance de compréhension.
6. L'abondance de travail
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Quand j'avais 20 ans, je croyais que j'étais jeune, parce que j'ignorais la
vraie jeunesse, qui n'a rien à voir avec le caractère et l'état civil. En outre,
ma fausse jeunesse était autoritaire et je subissais sa tyrannie comme le font
la plupart des opprimés, c'est-à-dire sans m'en apercevoir. Je n'allais pas où
il me plaisait, mais là où il plaisait à ma fausse jeunesse. Je ne faisais pas
ce que je voulais mais ce que ma fausse jeunesse ordonnait. J'étais à la
remorque de cette trépidation, j'étais le jouet inconscient de cette fièvre. Je
me revois, pauvre dompteur novice, dans la cage centrale de mes désirs.
C'est lorsque le registre des naissances m'eût déclaré vieux que je commençai à
me sentir jeune. D'immenses et nouvelles ressources affluèrent dans mon âme et
dans mon corps. Je commençai à prendre ultérieurement mesure de moi et je me
trouvai peu à peu immense, à mesure que je découvrais de nouveaux couloirs et de
nouvelles salles au fond de moi.
Je naissais à nouveau, de cette seconde naissance dont parle Jésus. J'avais
l'étonnement émerveillé des nouveau-nés. En même temps, je possédais la science
expérimentale des hommes mûrs qui me permettait de suivre le développement de ma
vraie jeunesse, celle qu'on administre et qui obéit.
Et cette nouvelle jeunesse ne finit pas, ne va point vers la décrépitude. Au
contraire, chaque étape nouvelle la condense et l'affermit. C'est une
fécondation spirituelle, une résurrection animique si totale qu'elle entraîne
dans son tourbillon les cellules du corps.
Je n'ai vraiment été jeune que depuis que j'ai appris à l'être.
Je suis tellement jeune que je suis en avance sur les événements.
Je suis jeune à ce point que tous mes contemporains me paraissent crouler de
vieillesse et que même ceux qu'on appelle jeunes me semblent atteints de
sénilité. Et cette jeunesse-là qui, si vous le voulez, peut être demain la
vôtre, n'est à la merci ni de la maladie ni de la mort.
Où que j'aille, quelque temps qui me soit assigné, je sais que je ne périrai
pas, mais que je changerai ma robe de chair usagée contre l'étoffe sans trame et
le vêtement sans fin. Car là où se trouve l'abondance, là aussi est l'abondance
de jeunesse.
CHAPITRE IV
Aussi véritablement inopérants sont les procédés dits « spirituels » parce que
leur but est uniquement d'accroître les biens sensibles au lieu de déclencher le
mécanisme de récept'on. L'un des plus connus consiste à provoquer la création
des choses visibles en imprimant sa pensée dans la substance invisible.
J'ai connu de la sorte une mystique, par ailleurs très douée, qui prétendait, au
moyen de ses seules pensées, créer l'abondance sans bouger de son fauteuil. Elle
citait volontiers l'anecdote du nègre américain dont la foi était si intense et
absolue que, sans rien faire d'autre, celui-ci trouvait automatiquement dans ses
poches toutes les sommes d'argent dont il avait besoin.
Je souscris d'autant plus volontiers aux possibilités sans limites de la foi que
les grands êtres, dont le passage a fait un labour pro-
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fond dans l'humanité, ont utilisé ce levier pour produire ce qu'on nomme leurs
miracles et qui n'étaient que la traduction dans la matière de leur effort
spirituel.
Mais la foi totale, celle qu'enseignait et possédait Jésus, ne court pas les
rues. On peut compter ceux qui l'ont sur les dix doigts.
La femme mystique dont je parle rappelait aussi l'exemple de miss Baker Eddy et
n'ambitionnait rien de moins que de réaliser, comme elle, une vaste association,
avec des immeubles, une imprimerie, un journal. Or non seulement cette croyante
n'obtint pas les biens sensibles qu'elle désirait, mais encore elle perdit ceux
même dont elle avait la jouissance, de sorte qu'après avoir enseigné aux autres
les soi-disant règles de l'abondance matérielle, elle se retrouva matériellement
plus pauvre qu'avant.
Cette personne, cependant intelligente et dotée d'une âme forte, n'avait pas
compris ce qu'est la véritable abondance et s'était perdue dans l'impasse au
lieu de suivre le vrai chemin.
Même si elle avait réussi à obtenir ce qu'elle souhaitait, à savoir la
possession matérielle de grands biens et la domination mentale d'une multitude
d'hommes, elle n'aurait pas été plus avancée au point de vue de l'abondance
vraie. Je n'en veux pour preuve que le cas même de la fondatrice de la Christian
Science dont la vie fut une longue maladie et le règne une longue oppression.
L'histoire nous enseigne la réussite de plusieurs grands hommes dans ce domaine
des apparences. Mais tous finissent misérablement ou renoncent à leurs « succès»
de propos délibéré. Napoléon Bonaparte eut les reins brisés sous la construction
qu'il avait édifiée dans le monde sensible. Charles Quint, sur les états de qui
le « soleil ne se couchait pas », mesura la vanité de son empire et se retira
dans une cellule pour y méditer sur la mort.
Cela prouve :
- Qu'il est très difficile d'obtenir cette sorte d'abondance fragmentaire.
- Que lorsqu'on l'a obtenue, il est encore plus difficile de la conserver.
- Que lorsqu'on a réussi à la conserver, on n'y attache plus aucune importance.
Combien, dans ces conditions, il eOt été plus aisé et plus simple de ne pas la
souhaiter!
LES RÈGLES DE L'ABONDANCE ET LES OBSTACLES 43
Pour les uns, la chance c'est le gain d'argent; pour les autres, la réussite
c'est l'accession aux belles carrières. Pour tous, réussir et avoir de la chance
équivaut à quelque chose de particulier. Dès l'instant où le résultat est
particulier, le résultat est nécessairement fragmentaire. Et l'abondance qui,
seule, mérite d'être recherchée, est une, totale et ne comporte pas de division.
A quoi sert l'abondance des biens si l'on n'a l'abondance du cœur, l'abondance
du succès si l'on n'a l'abondance de la joie, l'abondance des honneurs si l'on
n'a l'abondance de la paix?
Et cela nous place au pied du mur, devant les seules questions qui importent :
- Où est l'abondance vraie?
- Comment peut-on se la procurer?
L'abondance vraie n'est ni dans la nature, ni dans les événements. Elle n'est
pas davantage dans les hommes ou dans les objets, dans l'apparence ou dans la
matière.
Vous qui lisez ces mots, vous êtes le siège de l'abondance parfaite, c'est-à-
dire de l'abondance qui vous est propre, comme je suis le siège de ma propre
abondance à moi. Nul autre que vous ne peut la trouver en vous. Nul autre que
moi ne peut la trouver en moi.
Nul homme ne peut la trouver dans un autre homme.
44
Vous savez donc déjà que l'abondance ne peut être atteinte hors de vous et que
nul ne peut la réaliser que vous. Et cela constitue l'une des plus hautes
manifestations de l'équilibre supérieur et de l'équité divine, puisque les
chances de rencontrer l'abondance sont rigoureusement les mêmes pour chacun.
Quels que soient leur âge, leur sexe, leur personnalité, leur situation, leur
entourage, tous les hommes sont sur le même pied et disposent du même
instrument. Le handicap n'existe pas dans la course à l'abondance. Tout homme
peut, s'il le veut, obtenir le même idéal résultat. Celui-ci ne dépend que de
votre effort personnel et cet effort peut être tenté en toute circonstance, en
tout lieu.
gir, chez certains - et en quelque sorte à leur insu - des éclairs de génie, de
compréhension, de sacrifice, de courage. Non seulement les autres hommes
ignoraient, mais eux-mêmes méconnaissaient l'existence de ces foyers inconnus.
Il y a en vous bien d'autres possibilités que celle de l'abondance et ce n'est
qu'au fur et à mesure de l'évolution humaine que ces trésors vous seront
révélés. Mais, pour l'instant, il ne s'agit, en ce qui vous concerne, que de
vous ouvrir les greniers sans fin de l'abondance et de vous déterminer à y
entrer. A la vérité, ces greniers n'ont point de porte et vous sont ouverts
depuis votre naissance.
Mais vous passez cent fois par jour devant eux sans les voir.
Ne vous est-il pas arrivé de chercher sur une table un objet qui s'y trouvait en
pleine évidence? Ou de braquer une paire de jumelles sans pouvoir faire la mise
au point?
Les physiologistes enseignent qu'il existe, sur chacune de nos rétines, un point
obscur où s'abolit la vision. Vous regardez l'abondance avec ce point obscur.
Vous ne mettez pas au point vos prismes. Une taie s'interpose dans votre
imagination. Il est bien vrai que tous les hommes, vous et moi compris, portent
en eux l'abondance, mais les hommes passent à côté de leurs semblables et à côté
d'euxmêmes sans l'apercevoir.
La première chose à faire pour s'assurer l'abondance est donc, avant tout, de
descendre en soi-même, là où sont les fruits du verger secret. C'est pourquoi je
vous ai dit que l'abondance était intérieure et non extérieure.
Ce que les hommes, les événements et les choses sont en eux-mêmes n'a pour vous
aucune importance.
Ce qui compte, c'est ce que représentent hommes, événements et choses par
rapport à vous.
C'est donc bien de vous que dépend l'état relatif des hommes, des événements et
des choses et cet état relatif est le seul qui vous importe puisque vous ne
connaîtrez jamais et n'avez aucun intérêt à connaître leur état absolu.
46
Pour ne pas être manœuvré par les événements, les choses et les hommes en dehors
de soi, il faut manœuvrer les hommes, les événements et les choses en soi.
En effet, si vous tentez de peser sur les êtres, les circonstances ou les objets
par un moyen extérieur à vous, c'est-à-dire par action physique, vous ne faites
que ce que n'importe qui et n'importe quoi peuvent faire aussi bien que vous.
Vos initiatives de cette sorte sont donc perpétuellement contrariées puisque, en
dehors de vous, votre volonté se heurte à d'autres pouvoirs aussi aveugles que
vous. Tantôt agissant, tantôt agi, vous êtes ballotté par des forces
contradictoires, dont l'une vous porte et l'autre vous pousse sans que vous
puissiez les diriger.
Tandis que si vous cherchez à influer en vous sur les êtres, les circonstances,
les objets, en modifiant la conception que vous avez d'eux, aucune force au
monde n'est capable de contrarier la vôtre, puisque nulle puissance extérieure
n'a le pouvoir de vous combattre en vous.
LES RÈGLES DE L'ABONDANCE ET LES OBSTACLES 47
L'esprit d'un homme est le lieu clos, la chambre secrète où chacun peut se
retirer, quand il le veut, hors de la contrainte et de l'oppression. Les liens,
la captivité, les injures, les supplices sont incapables de meurtrir ou
d'enfermer l'homme intérieur.
En vous, et en vous seul, vous êtes chez vous, jouissant sur vous d'un pouvoir
absolument sans limite, qui n'attend pour se manifester autour de vous que
d'être intérieurement reconnu.
Le monde sera ce que vous le concevrez. Et votre conception sera telle que la
feront vos pensées.
Ce qui veut dire que votre esprit est véritablement le créateur de votre univers
personnel, comme l'Esprit est le Créateur de l'univers général. Dans votre rayon
d'action rien ne vous est impossible alors qu'en dehors de votre domaine presque
tout vous est interdit. Ainsi vous commencez à voir clair dans cette notion du
libre arbitre qui demeurait pour vous un concept abstrait et confus.
Hors de vous, vous n'avez aucun droit sur les autres hommes, ni sur les
événements, ni sur les choses. Les hommes, les événements et les choses n'ont à
répondre d'eux-mêmes que devant l'Esprit.
Mais en vous, vous avez tous les droits sur les autres hommes, les événements et
les choses, car personne ne peut vous interdire de les considérer comme vous
désirez qu'ils soient par rapport à vous.
Et, effectivement, tout est pour vous comme vous avez délibéré que tout doit
être.
Je ne vous demande pas d'avoir la foi au départ, si votre esprit est subordonné
à la logique objective ; autrement dit, je ne vous sollicite pas de me croire
sur parole avant de vous engager. Comme la foi ne peut être en vous avant que
vous ayez mis le doigt sur les faits, je vous prie seulement d'avoir de la bonne
foi.
De même purgez-vous de tout égoïsme parce que celui-ci va directement contre son
but. L'égoïste veut tout amener à lui et il écarte tout de lui. Ses acquisitions
sont fausses, ses réalisations précaires. Rien de ce qu'il a n'est vraiment en
sa possession. Vous verrez bientôt, dans le chapitre qui traite de la loi du
Canal, que l'égoïsme ferme strictement la porte de l'abondance et tarit la
source des biens.
Ne vous mentez pas non plus à vous-même. N'essayez pas de vous faire croire que
vous êtes au faîte du contentement. Riche ou pauvre, vous savez aussi bien que
moi que vous n'êtes pas satisfait de votre condition présente et que vous
tremblez chaque jour pour votre situation du lendemain. Voyez les choses en
face, descendez dans votre for intérieur, mesurez l'inanité de vos acquisitions
actuelles et demandez-vous, en présence de votre amphore vide, s'il ne vaut pas
mieux posséder un vase plein.
9. Vivez au présent
J'ai eu peur comme vous, j'ai douté comme vous, j'ai bercé comme vous mes
égoïsmes. Si j'ai peu connu la haine et l'envie, j'ai beaucoup pratiqué la
colère et le dénigrement. A cette période de ma vie, l'abondance m'était
systématiquement refusée. Et même, cette abondance authentique je nè la
soupçonnais pas. Je poursui-
5U
Vous qui grattez en vain les cendres froides du passé et vous époumonez à courir
derrière l'avenir illusoire, vous ne vous doutez pas de la sécurité qu'on
éprouve à ne prospecter que le présent.
Les voyages que vous avez accomplis, les bonnes choses que vous avez savourées
n'ont pas plus de réalité que les voyages qui vous restent à faire ou les bonnes
choses qui vous restent à savourer. Cela seul existe que vous accomplissez ou
savourez dans le présent, eau courante miraculeuse qui coule et renaît sans
cesse dans vos mains. Le présent est toujours là et il est toujours en fuite. On
ne peut ni le retenir ni le rattraper. On ne peut davantage le faire venir avant
l'heure. Il n'est pas comme la pêche prématurément cueillie et qui, sur le
marbre de la desserte, acquiert sa maturité.
l'abondance est la fleur magique du présent qu'il faut cueillir à mesure et qui
renaît sans cesse d'elle-même avec sa couleur et son parfum. L'abondance doit
être moissonnée et savourée à chaque instant, avec ses bouquets et ses essences,
sous peine de n'être plus qu'un principe évaporé. La vie atteint son maximum
dans le présent, avec toutes les virtualités que sa perpétuelle naissance
comporte. Mais la vie meurt et se dissipe à chaque seconde en vue d'un
renouvellement.
Le fruit n'atteint l'apogée de son goût que pendant un instant très court. 1\
faut en profiter pour déguster ses richesses. Passé ce délai, il fond ou se
ratatine et ne laisse que dessèchement ou corruption.
LES RÈGLES DE L'ABONDANCE ET LES OBSTACLES 51 10. La chance et la foi
Vous n'obtiendrez jamais l'abondance par des négations mais par des affirmations
répétées. L'abondance ne peut s'accommoder que de l'atmosphère de l'abondance
et, cette atmosphère, vous seul la créez.
52
Surveillez donc vos pensées et ne permettez pas que le doute s'y installe.
Surveillez aussi vos paroles de manière à ce qu'elles n'engendrent pour autrui
que de bonnes suggestions.
Vous connaissez comme moi dans votre entourage des personnes dont chaque parole
accuse l'insuccès, le mécompte, le chagrin, la souffrance, le « manque de chance
», la plainte, le doute, la jalousie, la désespérance, la désillusion. Quand
même elles vivraient trois vies, celles-là ne rencontreront jamais l'abondance
puisque chaque mot qu'elles prononcent effraie l'abondance ou la fait fuir.
N'écrivez pas de lettres douloureuses, sceptiques ou découragées, car les unes
et les autres sont également nocives. Vous n'oseriez expédier d'aliments
empoisonnés à vos correspondants et c'est pourtant ce que vous faites en
intoxiquant leur moral (1).
En semant les idées de malheur, vous récoltez le malheur. En semant les idées
d'abondance vous récoltez l'abondance.
Nous connaissons tous personnellement de ces épaves humaines qui passent leur
temps à geindre, à déplorer, à frémir.
de l'abondance, de même que le chef qui épargne ses initiatives ou esquive ses
responsabilités. La servante qui gaspille les provisions de ses maîtres, la
maîtresse de maison qui lésine sur la nourriture de ses domestiques prennent une
route directement opposée à celle de l'abondance et ne connaîtront jamais
l'entière satisfaction de leur besoin.
Je ne sais quel docteur ignorant, prêchant les jeunes hommes qui le suivaient,
leur a fait une description lugubre de l'existence humaine et s'est écrié: « La
vie n'est pas un jeu. » Or précisément, la Vie est un jeu, le plus passionnant
de tous les jeux pour qui en connaît les règles et s'applique à devenir bon
joueur. Le bon joueur est celui qui aime le jeu et la passion du jeu parfois
devient telle qu'orientée vers le mauvais, elle absorbe tout le reste et
consomme la ruine du joueur.
1. Un jeu de choix
C'est pourquoi il ne suffit pas d'être bon joueur, il faut aussi choisir un bon
jeu. Le meilleur, comme le plus fécond, est celui de votre existence
quotidienne.
Certains diront: « Je connais déjà ce jeu et il n'est pas amusant. »Cela prouve
que ceux-là ne connaissent pas vraiment le jeu de la Vie. D'autres penseront: «
Je connais ce jeu, mais il est difficile. » Ceux-là non plus ne savent pas de
quoi ils parlent, car ce sont justement les difficultés qui rendent le jeu
intéressant.
S'il suffisait, pour gagner une partie de football, de mettre le ballon sous le
bras du capitaine de l'équipe et d'aller le porter tranquillement au but
adverse, personne ne se dérangerait pour prendre part aux matches et les
spectateurs eux-mêmes s'abstiendraient de venir. Si le jeu de barres n'était pas
une compétition, une détente
56
musculaire, une lutte pour s'échapper soi-même ou attraper les autres, quelle
sorte d'attrait aurait-il ?
Si le jeu de dames, comme le jeu d'échecs ou les jeux de cartes ne comportaient
pas un partenaire, avec des obstacles, des combinaisons, de l'initiative et de
l'intelligence, il y a longtemps que les joueurs ne s'y intéresseraient plus.
2. Énormité de l'enjeu
Mais le jeu de la Vie est bien plus émouvant que tous ces jeux, parce que les
parties se succèdent sans arrêt, ou s'enchevêtrent les unes dans les autres (le
tout n'est-il pas, d'ailleurs, une immense partie qui commence vraisemblablement
avant la naissance et se poursuit certainement après la mort ?). En outre, vous
y affrontez l'Univers avec tout ce qu'il renferme d'événements, de créatures et
de choses. Mais surtout, c'est votre bonheur que vous jouez, c'est l'abondance
qui en est l'enjeu.
Dès lors, et en raison de l'énormité de l'enjeu, la partie devient pour vous
essentielle. Je dirai même qu'elle est la seule à laquelle vous pouvez vous
intéresser à fond. Et ne croyez pas que vous serez égoïste en jouant votre
partie. Car, pour tout homme, jouer sa partie c'est jouer en même temps celle
des autres, tellement le jeu social est imbriqué.
Lorsque vous jouez à n'importe quoi contre n'importe qui, chacun de vos coups
affecte le partenaire et chaque coup de votre partenaire vous affecte également.
Même si les joueurs sont plusieurs, il n'y a qu'une seule partie. Cela prouve
que tous les joueurs d'un jeu sont solidaires.
Pour bien jouer le jeu de la Vie, il suffit de jouer son propre jeu. Et là, je
vous signale que le jeu de la Vie ne ressemble à aucun autre jeu normal. Il
ressemblerait plutôt à qui-perd-gagne. En voulant tout prendre des autres, on
s'y ruine. En voulant tout donner de soi-même, on s'enrichit.
_E JEU DE LA VIE ET L'ABONDANCE
57
Ce qui rend la plupart des jeux captivants, c'est la part de hasard lU'ils
semblent contenir et qui, à raison de son imprévu et de son ncertitude, pimente
l'intérêt des parties et surexcite la passion des oueurs. Croyez-vous vraiment
que s'il existait des méthodes infailibles pour jouer aux courses, à la roulette
ou au baccarat, les fanaiques de ces jeux seraient envoûtés au point de faire fi
de leurs biens, le leur famille, de leur honneur, de leur vie même? C'est si peu
e désir du gain qui les fait agir que, même ruinés, même incapaJles de miser,
ils continuent à fréquenter les salons de jeu et, ne Jouvant jouer eux-mêmes,
s'obstinent néanmoins, poussés par un 'lttrait irrésistible, à regarder jouer
autrui.
Un joueur déclaré, un « aficionado» comme disent les Espa~nols, un « mordu»
comme l'écrit la langue verte, joue pour jouer ellement il trouve d'intérêt au
jeu.
Or ce qu'un homme mené par ses instincts éprouve à l'endroit :l'un jeu malsain
et, de plus, inefficace, comment ne l'éprouveriezJOus pas, à plus haute échelle,
pour le jeu de la Vie qui renferme :ous les autres et constitue à la fois le
plus noble, le plus important, e plus productif et le plus intéressant de tous
les jeux?
Si vous ne vous en êtes pas encore aperçu c'est, comme je le :lisais plus haut,
parce que la Vie vous a toujours été dépeinte comme rune vaUée de larmes» alors
qu'elle est une oasis de sourires, :omme une tâche monotone alors qu'elle est un
rebondissement continuel, comme une lutte au couteau alors qu'elle est un
service d'adresse, comme une condamnation alors qu'elle est un privilège, comme
une descente alors qu'elle est une ascension.
Effectivement la vie est un jeu de hasard et, sans doute, le plus hasardeux de
tous quand on la pratique sans en connaître les lois profondes. Car, sachez-le
bien, pour vous qui lisez ce livre, il n'y a pas de hasard.
Hasard est un mot destiné à expliquer ce que la logique humaine ne comprend pas
et Dieu sait s'il existe de choses que la logique humaine ne peut comprendre.
Cela explique pourquoi tout, dans la vie des hommes, fourmille littéralement de
« hasards ».
La science, fondée sur des expérimentations dont le point de départ est, le plus
souvent, empirique, donc dû à un hasard, tire de ce qu'elle sait ou croit savoir
des déductions qu'elle vérifie, jusqu'au moment où elle se heurte à l'inconnu,
aussitôt qualifié par elle de« hasard ». De sorte que la science humaine,
investie de toutes parts par ce faux hasard que, faute de le saisir, elle
repousse, se replie constamment sur elle-même par peur de ce qu'elle ne comprend
pas.
59
Se révolter contre les lois du monde ne sert à rien ; il vaut mieux collaborer
avec elles. Celui qui ne collabore ni avec lui-même, ni avec les autres êtres,
ni avec les événements, ni avec les objets et les choses, ni avec la nature, ni
avec l'Intelligence cachée que sousentend l'univers, ne sera jamais qu'une
poussière dans la tempête et qu'un fétu dans le torrent.
Cela n'est pas surprenant car, depuis que vous êtes tout petits et même depuis
que vous êtes d'âge adulte, on vous a habitué à vivre dans la crainte des
circonstances, de la nature, des bêtes, des hommes et de Dieu.
On vous a lancé dans la vie avec un complexe d'infériorité si touffu que vous ne
vous en débarrasserez plus durant votre existence tout entière. Bien plus, à
mesure que vous avancerez en âge, de nouveaux liens le fortifieront. A moins que
vous n'appreniez les règles du jeu et, rejetant votre harnais d'impuissance, ne
vous fabriquiez de toute pièce un complexe de supériorité.
Dès lors, nul besoin de vous suicider physiquement ou moralement, comme font
tant de jeunes gens qui jettent le manche après la cognée faute d'avoir compris
que tous ont leur place marquée dans le jeu, ni de vous expatrier (autre sorte
de suicide partiel), car la partie peut se jouer en n'importe quel endroit du
monde.
Le chemin de J'abondance n'est bouché nulle part, sauf pour ceux qui ont des
œillères. Il existe partout un passage et un moyen d'accès. Ceux-ci ne vous
conduisent peut-être pas exactement là
60
où vous voulez aller. Il arrivera même souvent qu'ils vous mèneront dans la
direction opposée mais, quand vous saurez jouer le jeu de la Vie, vous n'en
serez pas affecté.
Dans le jeu de l'oie, qui est une allégorisation plusieurs fois millénaire de
l'existence humaine, vous êtes sans cesse arrêté, immobilisé et même rétrogradé.
On vous jette dans le puits, on vous met en prison et, bien souvent, l'arrivée
au but est subordonnée à l'une de ces misères apparentes qui sont l'apanage des
joueurs. Mais vous savez quel est ce but parce que votre intelligence embrasse
toutes les cases et que, sauf le hasard des dés, votre intelligence embrasse
tout le jeu.
Lorsque vous posséderez le jeu de la Vie et saurez le conduire intelligemment en
face du Partenaire inconnaissable, vous ne perdrez jamais de parties parce que,
quoi qu'il arrive, vous jouerez toujours gagnant.
7. On dirige le hasard
C'est qu'en effet le hasard peut être dirigé. Et c'est là toute la clé du
problème; quand on la possède, aucune serrure ne résiste.
Mais que de portes restent closes si on ne l'a point! Il peut vous sembler
étrange que le hasard soit susceptible d'une direction. Ce serait vrai si le
hasard était ce que tout le monde pense. Mais, précisément, nous disons que rien
n'est aussi peu hasardeux que le hasard.
Croyez-moi. Ce que ravance là n'est pas une simple affirmation, mais repose sur
une expérience personnelle que d'autres ont pratiquée avant moi.
Ma vie est divisée en deux parts : celle du hasard libre et celle du hasard
dirigé. Dans la première, j'ai véritablement été le jouet de la Vie, avec tout
ce que cela suppose de médiocrités, de sottises, d'incompréhensions. J'ai tenté
parfois de me révolter, mais avec le sentiment aigu de mon impuissance ; il me
semblait être un pot de terre ballotté dans un camion rapide au milieu
d'innombrables pots de fer. L'admirable est que je sois demeuré entier après
tant de heurts et en dépit de mille ébréchures. Je me l'explique maintenant par
l'armature invisible et immortelle qui est en moi, comme en tous.
LE JEU DE LA VIE ET L'ABONDANCE
61
On ne peut dire que j'aie été en proie au malheur. Nulle catastrophe grandiose
ne me fut spécialement dévolue, mais je demeurais un homme ordinaire,
incompréhensif et mécontent. Ce que j'appelais en ce temps « la réussite» me
fuyait. Ce que je nommais « fortune» refusait de se laisser prendre. J'avais
l'impression, comme tant de jeunes gens à l'époque, de monter à l'assaut d'un
mur sans fin avec une échelle d'un mètre de haut.
Architecte et matériaux étaient en moi, comme ils sont en vous et dans tous les
hommes. Ils m'attendaient depuis ma naissance, prêts à surgir de moi-même et à
se manifester. II suffisait d'un signe de ma part, d'une simple adhésion de la
pensée pour qu'un nouveau processus se déroulât harmonieusement. Et c'est parce
que ces moyens éminents étaient déjà en moi que je pouvais entreprendre la
reconstruction du nouvel homme sur les débris de l'homme ancien.
D'ordinaire, les débuts d'un apprentissage sont fastidieux. Celuici fut une
illumination et une féerie car j'étais l'apprenti de moi-même et d'un moi-même
inouï. Les trésors de vie qu'il me fut alors donné d'entrevoir m'apparurent tels
que toutes mes ambitions antérieures me semblèrent sans éclat. Je me demandai
avec étonnement comment j'avais pu prendre le cuivre pour de l'or, le strass
pour le diamant, l'ombre pour la lumière. Et cette stupéfaction morale est celle
de tous les chercheurs sincères qui s'engagent dans le chemin que j'ai pris.
Je n'eus plus une minute d'hésitation en présence de la nouvelle Vie. Je ne
m'attardai pas à chercher un régime de transition.
II y avait une si absolue différence entre la pauvreté de ce à quoi je devais
renoncer et la splendeur de l'abondance qui m'était montrée que je coupai les
ponts derrière moi avec allégresse. J'osai enfin exécuter ce devant quoi j'avais
tremblé toute ma vie: sauter dans l'inconnu.
C'est avant de sauter que l'inconnu nous semble l'inconnu. Dès qu'on est en lui,
tout est familier, clair, sympathique. Et ce qu'on laisse derrière soi apparaît
obscur et noir.
63
Vous êtes né dans la peur, au milieu des peurs de votre entourage ; votre
enfance puis votre jeunesse ont été une suite de concessions à la peur. Regardez
bien en vous et vous verrez que, depuis l'âge de raison, la peur oppose des
limitations à tous vos élans, à toutes vos entreprises. Peut-être n'avez-vous
pas peur de la mort, mais vous avez certainement peur de la vie, cette
interminable maladie des hommes craintifs.
Et ce sentiment a été entretenu en vous par l'imitation, par l'exemple, car le
pessimisme est fréquent autour de vous. Est-il surprenant, dans ces conditions,
que vous soyez intoxiqué physiquement, moralement et spirituellement, une
affection étant la conséquence de l'autre et toutes, étroitement solidaires,
s'unissant pour vous accabler?
Cette infériorité provient de ce que vos parents ne savaient pas jouer le jeu,
que vos éducateurs, vos professeurs, vos directeurs ne savaient pas jouer le
jeu, que vous ne saviez pas jouer le jeu vous-même.
Tout le monde n'est pas fait pour être électricien, journaliste, ajusteur,
politicien, homme de peine, mais tout le monde, à n'importe quel âge, peut
devenir un Joueur vital. C'est dire qu'il n'est pas trop tard pour que vous
commenciez à apprendre le jeu, quel que soit votre âge. Un vieillard peut y
trouver le même bénéfice qu'un homme mûr. Mais il est évident qu'il vaut mieux
diriger toute sa vie consciemment que d'en subir la plus grande part dans
l'inconscience, ce qui est le lot normal des humains.
Aussi je recommande spécialement l'étude des règles du jeu aux jeunes gens de
l'un et l'autre sexe qui sont à la recherche d'eux-mêmes en croyant être à la
recherche d'une position.
64
C'est vous dire que mon intention n'est pas d'ajouter deux pages de plus à
l'hygiène, aux respirations, aux sports, à l'alimentation, à l'autosuggestion et
autres divisions logiques. J'entends que vous trouviez ici autre chose de plus
original et de plus sûr. D'autant que si vous avez, comme moi, pratiqué les
divers professeurs de l'art de vivre, vous avez constaté que leur enseignement -
excellent dans la vie normale et les circonstances ordinaires - est parfaitement
inefficace dans les grandes détre?ses et les grands périls. Or, ce qu'il faut à
l'homme, c'est se délivrer (comme il a été dit plus haut) de
66
Si hardi ou téméraire que vous soyez, vous savez très bien qu'il est des forces
naturelles ou sociales tellement puissantes qu'en cas de conflit brutal avec
elles vous seriez nécessairement brisé. Il vous faut donc ou vous résigner à
subir ces forces sans les discuter, ou composer avec elles. Dès maintenant, je
vous dis qu'il existe une manière de faire alliance avec les Forces supérieures
et cette alliance vous fait passer automatiquement de l'esclavage à la
coopération.
En outre, le sentiment d'impuissance est dû au fait que vous vous méprenez sur
votre nature véritable et que vous n'engagez la grande partie de la Vie qu'avec
une fraction - et la plus faible de vos moyens.
D'autre part, aussitôt que vous avez quitté vos parents, tuteurs naturels, ou
que ceux-ci vous ont quitté, vous éprouvez une impression d'isolement et de
nudité sociale. Je me rappelle avoir connu ce malaise le jour où, ayant passé
l'examen du permis de conduire, sans avoir jusque-là cessé d'avoir un moniteur à
mes côtés, celui-ci
LES BASES FONDAMENTALES DU JEU DE LA VIE
67
Considérant à quel point votre corps est friable et naturellement exposé aux
mille dangers qui le menacent, confirmé dans cette opinion par les
recommandations familiales et les préceptes traditionnels, vous appréhendez sans
cesse pour votre intégrité physique et recourez à la moindre alerte aux
hygiénistes et aux médecins. Mais ceux-ci ne sont pas plus assurés que vous et
paient tribut à la peur encore plus que les hommes ordinaires.
Les chefs que vous admirez pour leur attitude publique sont souvent de pauvres
gens dans l'intimité. Tel foudre de guerre, qui transporte des bombes au-dessus
des populations innocentes, tremble d'effroi devant la maladie ou les fantômes
qu'engendre son cerveau.
Pas un grand conducteur d'hommes n'a usurpé l'autorité suprême sans être isolé
parmi ses fidèles eux-mêmes et sans gémir en secret d'être seul.
Est-il surprenant, dès lors, qu'au milieu de cet effroyable déterminisme vous
assigniez un rôle médiocre à votre infime personnaIité?
N'en doutez pas. Voilà qui explique les doctrines et les philosophies de
négation assises sur cette hypothèse étroite: « Il n'existe de l'homme que ce
que l'homme en voit. » Théorie aveugle et aussi ancienne que l'homme lui-même et
qui a davantage fait pour empoisonner sa vie que tous les périls matériels
réunis. Conception ignorante aussi et conjecture sans issue, grâce à quoi tant
d'hommes ont refusé de poursuivre leur expérience vitale jusqu'au bout.
L'humanité semble un troupeau découragé. D'une part son intelligence est assez
grande pour comprendre sa propre tragédie et, d'autre part, cette intelligence
est trop faible pour qu'elle puisse se transfigurer.
68
L'être humain, bien loin d'être borné à son corps visible, s'étend
considérablement dans l'invisible. Même matériellement, il existe une grande et
agissante partie de lui qui ne peut être explorée par vos cinq sens. Nul esprit
éclairé ne conteste plus aujourd'hui les prolongements fluidiques et magnétiques
de l'homme. Chacun de nous est entouré d'une zone humaine invisible, inaudible,
impalpable et inodore qui se déplace avec lui. L'étendue de cette zone
extrasensorielle varie avec chaque individu et selon sa faculté de rayonnement
qui peut être grande ou petite.
Vous-même n'êtes pas sans avoir perçu, par d'autres moyens que par vos sens, ce
domaine d'autrui qui se mêle au vôtre, sous forme de sympathie ou d'antipathie,
d'euphorie ou de malaise, de chaud ou de froid.
Eh bien! dites-vous que l'homme ne s'arrête même pas à ces prolongements subtils
de la matière et qu'il s'agrandit et se continue dans les territoires encore
plus subtils de l'Esprit. Y a-t-il une ligne de démarcation dans cette
invisibilité? Je ne le crois pas ou, du moins, cela échappe à notre
connaissance. Mais, ce qui est certain, c'est que les échelons mortels de
l'homme nous amènent, de degré en degré, au voisinage de l'immortalité.
Est-ce à dire que nous pourrions être immortels? N'en doutez pas car uous
l'êtes. Non point au moyen de votre partie physique, dont on sait la
désorganisation cellulaire dans le tombeau, mais au moyen de la partie invisible
et la plus spirituelle de vous-même qui
LES BASES FONDAMENTALES DU JEU DE LA VIE
69
Cet état pur de l'humain a été présenté de tous les temps sous le nom d'âme, de
souffle. Psyché n'est autre que l'esprit pur.
Mais cette conception a été tellement adultérée par les philosophies et les
théologies qu'un grand désarroi s'est manifesté dans la conscience humaine,
jusqu'au jour où la pensée, guérissant comme l'épée antique les blessures
qu'elle avait faites, aveugla la voie d'eau du scepticisme dans les bordages de
la Foi.
Quand j'ai écrit en collaboration et sous la poussée de l'Esprit, la Clé (1),
suivie bientôt de mes autres livres, j'avais pour but essentiel de montrer
clairement à chaque homme son propre chemin en lui.
Qui que vous soyez et dans quelque condition que le sort charnel vous ait fait
naître, vous avez en vous une étincelle divine parfaitement égale à celle de
tous. Votre rôle est de faire évoluer votre
1. Éditions Astra.
70
Mais, dès votre naissance, votre lot immortel est égal à tous les autres lots.
Votre Moi peut se trouver dans une triste condition;
votre Je n'a rien de supérieur au Je d'un autre homme. Égaux donc vous serez à
l'arrivée, égaux donc vous êtes au départ.
Or non seulement le fait d'avoir un Moi défavorisé, c'est-à-dire inférieur en
apparence au Moi de certains autres (sous le rapport des biens, de
l'intelligence, de la beauté, de la santé, etc.l, non seulement, dis-je, cette
infériorité apparente ne diminue pas vos chances, mais encore elle les accroît.
Cela ne vous semble pas d'abord évident parce que vous êtes un myope de la vie.
Mais quand vous aurez pratiqué le jeu un certain temps, tout cela s'éclairera
pour vous.
Et, dès à présent, n'est-il pas singulier qu'il yait phonétiquement tant de
ressemblance entre deux termes que nous employons pour vous convaincre: le Je et
le jeu? Il n'y a, en effet, pas seulement coïncidence d'expression, mais
coïncidence de pensée. Le jeu consiste à utiliser le Je dans la partie
merveilleuse de la Vie car le Je est réellement la carte maîtresse du jeu.
71
Pour me résumer, je vous répète qu'il est au fond de vous une partie - la plus
importante de vous-même - qui possède des pouvoirs étendus et traite à égalité
avec les autres puissances de l'Univers. Vous êtes donc virtuellement puissant
et doté de moyens d'action incroyables sur le monde et sur vous-même.
Mais vous n'en savez rien! Votre conception de vos moyens se borne à la
constatation superficielle que font votre œil, votre oreille, votre nez, votre
langue, votre main d'un domaine physique limité.
Vous êtes, mais à une échelle infiniment supérieure, comparable au cheval
inconscient de sa force et qui se laisse mener par un enfant.
Là aussi, c'est l'esprit qui meut le corps. Et que pèse la masse charnelle
auprès de lui ?
Vos possibilités sont sans limites et vous n'avez d'elles qu'un concept
extrêmement limité. Ce n'est ni la grosseur des muscles, ni la présence de
gardes du palais, ni la possession d'un yacht, d'une forêt ou d'une usine, ni la
beauté du visage, ni rien de ce qui se pèse ou se voit qui participe au
gouvernement des choses cachées. Il y a de grands pauvres parmi les riches de ce
monde et de grands démunis parmi les puissants du jour.
Le sens de la puissance est faussé chez les hommes de ce temps, car ils la
mesurent avec une aune défectueuse. Si vous pouviez pénétrer, ne fut-ce qu'une
journée, dans la conscience d'un « puissant» de ce monde, vous seriez effrayé de
ce qui s'y trouve de faiblesse et de puérilité.
« JI n'y a pas, a-t-on dit, de grand homme pour son valet de chambre. » Il
existe cependant des hommes réellement grands, mais ceux-là n'ont point de
valet.
La vraie puissance de l'homme réside ailleurs que dans son corps et dans son
cerveau. Elle est fonction de son esprit, de la partie la plus élevée de lui-
même. C'est une armature intérieure, invisible et impalpable, elle aussi. Mais
précisément parce qu'elle n'a
72
Lorsque, esclave d'une machine ou prisonnier d'un cachot, vous pouvez dire : «
Mon Moi seul est assujetti, mais mon Je est libre d'aller jusqu'aux étoi/es. Mon
Moi a faim et froid mais mon Je est au-dessus des besoins physiques. Mon Moi est
poussière et boue, mais mon Je est divin », alors vous serez vraiment un homme,
délivré des chaînes de la matière et qui, même les pieds dans l'ombre, aura le
front dans le ciel.
9. Le Protecteur invisible
Mais vous ne pensez pas réellement que le ciel est fait pour vous seul, c'est-à-
dire que l'état supérieur de l'homme vous est réservé exclusivement à vous-même.
Au cours des millénaires, d'autres hommes - beaucoup d'autres hommes - sont
parvenus à la connaissance de soi. Et leur multitude forme un peuple immortel
dans l'au-delà de la connaissance et ce peuple est administré par l'esprit
radieux.
Cette indéfinissable entité, somme de tous les savoirs humains et angéliques,
est inlassablement penchée sur ses pépinières du monde corporel. Là sont
effectués ses semis, là sont pratiqués ses bouturages. Comme un jardinier
terrestre amène les plantes de son jardin à la floraison puis à la
fructification, le Jardinier céleste amène les hommes de son Éden à la
compréhension puis à l'évolution. Et les soins de l'un comme de l'autre reposent
essentiellement sur le
LES BASES FONDAMENTALES DU JEU DE LA VIE
73
Si, par conséquent, vous croyez être seul au monde et sans relations, vous vous
abusez autant que le sauvageon d'églantier dans la roseraie. Si celui-ci a
conscience d'exister, il peut se croire un brin jeté par hasard parmi d'autres
brins. Mais s'il ignore l'existence de l'horticulteur, l'horticulteur, lui,
n'ignore pas son existence. A plus forte raison Celui que nul ne connaît, mais
dont inconsciemment votre âme est altérée, connaît exactement vos aspirations et
vos possibilités.
C'est là le Protecteur idéal dont je vous parlais naguère, l'Ami des heures
joyeuses et néfastes (2). Vous ne pouvez le toucher du doigt comme vous le
feriez d'un guide humain, mais vous ne pouvez pas non plus toucher physiquement
votre âme. Et cependant vous savez bien que vertu, amour, noblesse et
intelligence sont pareillement des sentiments invisibles quoiqu'ils soient
certainement en vous.
Et voici le grand mot lâché. Vous ne viviez jusqu'ici que dans le monde des
sensations. Il vous faut vivre désormais dans le monde des sentiments où se joue
le jeu authentique de la Vie, la grande, celle qui régit l'autre, LA VIE qui ne
périt pas.
Ce que je vous dis est aisé à comprendre même dans le milieu matériel. Plus un
être est capable de sensations, moins il est capable de sentiments. Mais dès que
le sentiment domine en lui, la sensation devient plus faible et plus rare. La
bête et le sauvage primitif sont de vraies machines à sensations. Que l'homme
sentimental apparaisse et il les gouverne avec aisance. La sensation est âU
service de la force brutale. Le sentiment est au service de l'esprit subtil.
N'allez surtout pas croire que je veuille vous offrir une réplique du Dieu des
religions cultuelles. Celui-ci est placé si loin par ses fidèles et entouré de
tant de foudres par ses prêtres qu'il y a peu de chan-
Le Protecteur invisible que je vous indique est plus près de vous que vos pieds
et que vos mains. Il réside au-dedans de vous, vous êtes son temple ordinaire,
non qu'il ne vous déborde de toutes parts, comme il déborde les autres êtres et
les choses, mais la seule manière qu'il ait de se manifester à vous est de
passer par votre conscience et de s'identifier avec vous.
Si vous cherchez à communiquer avec Lui au moyen d'un langage d'homme,
n'attendez pas qu'il vous réponde dans la même langue. Il faut que votre pensée
s'unisse à la sienne dans un acte incessant de compréhension.
Pratiquement, peu vous importe qui il est, ni sa nature, ni son essence. Sachez
seulement que vous avez à votre main la Force des Forces et que celle~ci ne
demande qu'à vous servir. Vous ne connaissez pas la nature de l'électricité et
pourtant vous l'utilisez tout
LES BASES FONDAMENTALES DU JEU DE LA VIE
75
Le présent livre n'a d'autre objet, si vous êtes nouveau venu à cet
enseignement, que de vous épargner des quêtes inutiles et de vous mettre, dès le
début, en possession des moyens qui vous font défaut.
Il a aussi pour but de permettre aux plus initiés de se familiariser avec leur
Partenaire invisible et de savoir exactement ce qu'ils peuvent attendre de Lui
et ce que Lui peut attendre d'eux.
CHAPITRE VIl
Si le sentiment naturel de l'équité n'est pas en vous, si vos buts ne sont pas
généreux et altruistes, en un mot si vous êtes seulement un arriuiste, n'allez
pas plus loin car ce livre ne vous concerne pas.
Il se peut que d'autres pouvoirs invisibles soient capables d'aider les vues
égoïstes de l'homme (je crois que ces pouvoirs existent et jouent un rôle
funeste dans notre société). Libre à vous de solliciter leur aide et de vous
abandonner à leur influence. Tant que votre dessein concordera avec le leur et
que vous serez l'instrument de leur entreprise, les forces mauvaises vous
donneront l'illusion de réussir dans le domaine matériel. Mais que vos moyens
viennent à faiblir ou, plus simplement, que vous soyez en contradiction avec
leurs vues secrètes et vous serez précipité dans les profondeurs.
a) Il y a intelligence et intelligence
79
Je suis sûr qu'il y a plus d'intelligence divine dans la cervelle d'un pâtre de
la montagne, habitué à contempler, sans intermédiaire, les beautés de la nature
et des cieux, que dans la matière grise de tel maître de l'Université ou de tel
major de polytechnique, de tel écrivain connu ou de tel chef de gouvernement.
Aussi, qui que vous soyez, ne vous découragez pas, même si votre intelligence
logique est moyenne ou pauvre car, ainsi que vous le verrez par la suite, ce
n'est ni par la logique que vous toucherez l'Invisible, ni par la logique que
celui-ci vous touchera. Je dirai même que plus vos facultés de logique seront
exercées, scolairement ou professionnellement, plus vous aurez de difficulté à
engager la par-
BO
tie. Dans ce cas, vous ne pourrez commencer le jeu qu'en vous défaisant des
fausses cartes que vous avez dans la main.
De même qu'au baccara-chemin de fer, quand la partie est d'envergure, le
croupier avant la donne fait sauter la bande de garantie d'un jeu neuf, de même
le Partenaire exige que vous abandonniez vos cartes usées ou biseautées et que
vous utilisiez les mêmes cartes que lui.
Ce n'est évidemment pas une minime décision que celle qui vous fait renverser
complètement la vapeur, effectuer un demi-tour complet sur vous-même, jeter aux
orties vos vêtements actuels. Peu d'esprits ultra-logiques sont capables de
cette remise à zéro, de cette répudiation des disciplines mentales auxquelles
ils avaient subordonné leur vie. Mais quand ils en ont la loyauté et le courage,
il n'est rien à quoi de tels hommes ne puissent parvenir.
C'est ainsi qu'après avoir lancé mes premiers livres dans le désert, ceux-ci
ont, peu à peu, fait boule de neige. Beaucoup d'hommes, simples ou humbles, mais
tous également pleins de bonne volonté, ont engagé, comme moi, la partie
invisible et ont connu l'abondance parfaite. Ce furent des ouvriers, des
artisans, des employés de l'un et de l'autre sexe. Puis des étudiants, des
instituteurs, des professeurs, des avocats, des architectes, des ingénieurs, des
artistes et même des médecins.
,Je me souviens, entre autres, d'une lettre émanant d'un chef de clinique qui
reconnut, sans honte aucune, avoir été amené à reconsidérer ses valeurs. Cet
aveu comportait autant de courage que de dignité et j'éprouve un profond respect
pour des attitudes aussi hautes. Elles dénotent, chez l'homme qui en est
capable, une intelligence hors de la norme et une grande noblesse de cœur. V6us
tous par conséquent, qui êtes d'esprit « moyen », ne vous souciez point des
surprises de votre entourage et, si vous décidez d'entreprendre la partie,
faites-le sereinement, en pleine connaissance de cause et avec la certitude de
gagner.
Le courage qui vous est nécessaire pour être admis valablement au jeu de la Vie
n'est pas celui auquel font allusion les lignes
LES RÈGLES DU JEU
81
qui précèdent, mais celui qui est refusé aux paresseux. Au contraire, J'homme
fort et qui est appelé à réussir s'appuie sur les obstacles pour progresser, tel
J'épi d'orge dans la manche d'un voyageur en marche. Quand un grand dessein est
conçu, c'est par l'opposition qu'il se fortifie et triomphe des hommes et des
événements.
Le courage qui vous est demandé est d'une autre sorte. Il repose essentiellement
sur l'application du proverbe: Aide-toi, le Ciel t'aidera. La première
manifestation de votre nouvelle activité sera donc l'initiative. A vous de «
prouver le mouvement en marchant ».
La partie de la Vie ne se joue pas avec un mort mais entre le vivant visible que
vous êtes et le Partenaire invisible, sans cesse aux aguets de vos actions et
réactions.
Si c'était toujours au Partenaire de jouer et à vous de riposter, que resterait-
il de votre initiative? Si c'était toujours à vous de jouer, la partie serait
unilatérale jusqu'à un certain point. Or une vraie partie donne la « main»
tantôt à J'un des joueurs et tantôt à J'autre, de manière que leurs chances
soient égales et que le jeu développe toutes ses possibilités. Il est essentiel
que vous soyez tour à tour dans la position d'attaque et dans la position de
défense et que votre libre arbitre s'exerce dans sa plénitude comme aussi dans
le domaine qui lui est assigné.
."
82
b) Intéressez-vous au jeu
Cet attrait du jeu vous facilitera l'autre sorte de courage qui vous est
nécessaire : la persévérance. Tous ceux des hommes qui engagent une partie dans
l'existence, qu'il s'agisse du pianiste poursuivant ses gammes quotidiennes
pendant de longues années, ou du danseur qui pratique durant toute sa vie des
exercices d'assouplissement, tous ces hommes sont résolus à triompher dans leur
spécialité et s'entraînent avec une énergie inlassable par discipline encore
plus que par attrait.
Vous serez donc toujours en éveil, car l'Invisible ne dort jamais et, de jour
comme de nuit, poursuit inlassablement sa partie. Cela ne vous met d'ailleurs
nullement en infériorité, et vous verrez plus loin que, même pendant le sommeil
et sans qu'il s'en rende compte, l'homme joue aussi.
LES RÈGLES DU JEU 3. Pourquoi il faut être désintéressé
83
Nous touchons à un point capital. Le jeu du Partenaire est une association, une
alliance, contractée entre votre intelligence visible qui vous tire et
l'Intelligence invisible qui vous meut.
Si vous êtes égoïste et n'entamez la partie que pour satisfaire votre égoïsme,
ne comptez pas sur le Partenaire pour favoriser vos desseins. Ce qui viendra,
dans ce cas, c'est une autre sorte de partenaire, animé des mêmes intentions
égoïstes que vous. Cette influence redoutable jouera son jeu et vous, vous
jouerez le vôtre.
Il se peut que les deux concordent durant un temps mais, très rapidement, ils se
heurteront. A dater de ce moment, vous êtes condamné, parfois matériellement,
parfois spirituellement, parfois des deux façons ensemble. Vous aurez joué sur
le tableau de l'égoïsme et c'est l'égoïsme qui vous aura répondu.
Mais si vous entendez provoquer l'aide du Partenaire idéal, alors tenez-vous sur
le plan idéal, le seul où il entend maintenir la partie.
Dans ce cas, votre Interlocuteur invisible ne joue pas seulement pour lui, mais
pour vous. Même s'il a l'air de jouer contre vous, c'est dans l'intérêt
supérieur de votre jeu à vous que le Partenaire vous contrarie.
Lui connaît le dessous des cartes tandis que vous n'en voyez que le dessus.
Expurgez votre cœur de toute cupidité. Celle-ci est absolument incompatible avec
le jeu régulier de la Vie. En en conservant la moindre trace vous faussez la
partie que vous jouez avec un Partenaire désintéressé.
Vous pouvez tromper un partenaire de chair et d'os, mais vous ne pouvez abuser
un instant le Partenaire sans mains, sans yeux, sans oreilles. Celui-ci connaît
toutes vos pensées et même les devine avant que vous ne les conceviez. Il faut
jouer avec lui ouvertement, c'est-à-dire cartes sur tables. Ne rusez pas, ne
maquignonnez pas ou je ne donne pas cher de votre jeu.
Ne croyez pas cependant qu'une telle attitude soit difficile. Elle pourrait
l'être avec un partenaire humain parce que vous y apporteriez de l'amour-propre,
de la défiance, de la malice et, peut-être,
84
Il est tellement votre Ami qu'il a dessein de vous servir mieux que vous ne vous
serviriez vous-même. Il ne vous demande pas de l'aider mais de lui permettre de
vous aider. Pour cela il a besoin de votre consentement de chaque jour, de
chaque heure. Votre adhésion doit être totale, constante, universelle pour que
son concours soit constant, universel et total. Comment, dès lors, cela
pourrait-il vous coûter d'être parfaitement désintéressé, puisque votre
Partenaire et vous, attelés à la même partie, n'avez en vue l'un et l'autre que
votre unique et véritable intérêt?
Demeurez donc pur d'intention et vous permettrez au Bienfaiteur inconnu de
développer au maximum toutes vos possibilités et vos chances et d'orienter la
partie vers une toujours meilleure et plus efficace conclusion.
Mais ne vous engagez pas inconsidérément. Réfléchissez bien avant de vous lier
par contrat au Protecteur invisible. Personne ne vous oblige à nouer alliance
avec lui.
Si vous préférez agir seul, vous êtes libre. Alors vous serez dans la même
situation que les hommes ordinaires, c'est-à-dire que vous continuerez à être le
jouet des événements et des hommes, comme le ballon au cours d'un match. Les
coups de pied vous arriveront de partout; tantôt vous roulerez par terre dans
une direction, tantôt vous serez projeté en l'air dans une autre. Vingt forces
contradictoires vous convoiteront, vous saisiront au milieu des galopades et des
cris. Tout le monde se servira de vous, car vous ne serez rien, qu'un prétexte.
Et c'est à d'autres qu'ira l'honneur d'une partie à laquelle vous n'aurez vous-
même rien compris.
85
Jamais plus belle occasion ne vous fut offerte d'employer plus avantageusement
vos dons. Le Partenaire vous attend pour engager la partie. Celle-ci sera
passionnante, féconde, fertile et durera toute votre vie si vous le voulez.
Allons! Ne soyez pas inquiet. Cette partie, il y a bien des années que moi-même
je la joue. Elle ne m'a valu que du bonheur et des profits. Sans doute, je crois
l'avoir menée scrupuleusement, du moins autant qu'un homme ordinaire peut le
faire. Jamais elle ne m'a déçu ou appauvri.
Cela me rappelle une certaine année 1931 où, dès le mois de mai, je me disposais
à partir avec ma famille pour Meillerie, presque à la frontière franco-suisse,
entre le lac et les monts.
Comme ces vacances devaient durer quatre mois, j'entrepris de régler toutes mes
affaires parisiennes de manière à ne rien laisser derrière moi. C'est ainsi que
je fus amené à apurer un compte dans un quotidien de cette époque dont le
rédacteur en chef était en union spirituelle avec moi. Je trouvai celui-ci au
gouvernail de l'immense et trépidant navire qu'est un grand journal de Paris.
Mon ami me reçut en plein coup de feu, parmi les allées et venues des
collaborateurs et des secrétaires. D'une main il tenait le combiné du téléphone
et de l'autre mangeait un sandwich. Chacune de nos phrases était hachée par un
appel, une interrogation. Nous étions au carrefour de mille poussées. C'est dans
ces conditions que je lui annonçai mon intention de m'évader du grand vortex
lutécien.
A peine eut-il compris le lieu de ma destination que son visage s'éclaira.
« Meillerie, dit-il, mais c'est sous la chaîne des Mémises, où j'ai passé des
semaines inoubliées. Alors vous verrez Tholon, village admirable au flanc du
mont. »
86
Vous avez donc tout le temps de réfléchir avant de signer. L'Invisible respecte
votre libre arbitre. Mais quand vous aurez adhéré à la convention vous serez
engagé dans le Jeu pour jamais.
Il est beaucoup demandé aux associés du Partenaire invisible.
En contrepartie, il leur est tant donné que leur actif déborde infiniment leur
passif. Quand je songe à ce que j'ai fourni et à ce que j'ai reçu, mon cœur
s'emplit d'une immense gratitude. Je sais - et comment ne pas le savoir à moins
d'être fou ou aveugle? que mon sort est privilégié. Rien de ce que
j'ambitionnais jadis qui n'ait été dépassé. Toutes mes aspirations profondes ont
été - et au-delà - comblées. L'Invisible m'a fait si bonne mesure que' je ne
sais où mettre mes biens. Et pourtant je ne suis qu'un homme simple, nu, fragile
parmi tant d'autres. Mais le Divin Partenaire a fait de moi le souverain de ma
vie.
Qu'attendez-vous, vous aussi, pour être roi ?
A toutes les circonstances de la Vie. Il n'est pas une journée, pas une minute,
pas une pensée, pas un acte, pas une attitude, pas
LES RÈGLES DU JEU
87
un incident, pas une parole, pas un geste, pas une intention, pas un mobile qui,
émanant de vous, ne fasse partie du Jeu.
Qu'il s'agisse de votre instruction, de votre éducation, de votre profession, de
votre famille, de votre milieu, de votre race, de votre religion, tout ce que
vous faites est une carte jouée. Vos initiatives, vos entreprises, vos
répliques, vos parades, etc., sont des déplacements de pions.
Lorsque vous avancez une carte ou un pion, vous savez très bien que la situation
du jeu se modifie. Ce simple mouvement engendre des réactions et des incidences
dont vous n'apercevez que les plus immédiates ou les plus voisines et dont les
autres vous échappent presque aussitôt.
Il existe des joueurs d'échecs qui voient jusqu'au huitième et même jusqu'au
dixième coup. Certains champions, dit-on, seraient à même de « reconstituer»
d'avance, si je puis m'exprimer ainsi, toute une partie. Cette assertion est
inexacte car chaque coup engendre diverses possibilités. Il s'ensuit qu'au bout
d'une dizaine de coups, ces possibilités se sont multipliées au point qu'aucun
enregistrement humain ne peut les suivre.
Plus haut, je vous ai fait remarquer à quel degré les hommes qualifiés de
maîtres par leurs contemporains sont des apprentis au jeu de la Vie. Voyez, dans
le même ordre d'idées, ce que font les chefs de gouvernements. On choisit
d'ordinaire ceux-ci parmi les plus instruits, les plus expérimentés, les mieux
doués, ceux qui ont le plus de mémoire, d'éloquence, d'autorité, de sens des
affaires.
Or regardez comment un chef politique s'y prend quand il doit constituer son
gouvernement. Ses tractations, ses consultations, ses choix sont en plein
déterminisme. Quelles que soient l'habileté et la prudence avec lesquelles il
effectue ses dosages, ce « conducteur» ne sait réellement pas où il va. La
preuve c'est que, généralement, il ignore si son ministère durera longtemps.
Pourquoi? Parce qu'il opère à l'aveuglette et sans savoir comment le « hasard»
jouera.
Il sait qu'il est à la merci de trente-six autres jeux adverses, sans compter
celui de la nature et des circonstances et toute son assurance publique ne
l'empêche pas de craindre à part soi.
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C'est précisément pour vous amputer de cette incertitude qui vicie les projets
les plus ambitieux des hommes, que je vous invite à adopter une autre méthode
qui est celle de la coopération. Ne restez pas seul, faites comme l'homme de la
gens romaine, conscient de sa faiblesse solitaire et qui se faisait client d'un
puissant du jour.
Vous, soyez client du Puissant de tous les jours, mieux: devenez son partenaire
puisqu'il vous demande de jouer votre existence entière avec Lui.
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C'est à vous de jouer le premier coup, car c'est votre initiative au départ qui
scelle véritablement l'alliance. L'Invisible va vous répondre par une initiative
correspondante qu'il vous importe de démêler.
Par la suite, les coups se succéderont de part et d'autre, mais sans alternative
régulière. Il peut arriver que vous ayez à jouer plusieurs fois de suite sans
attendre la réponse du Partenaire, ou que celui-ci joue lui-même successivement
plusieurs coups. Cela vous démontre la souplesse d'articulation de la partie et
la complexe variété du jeu.
Tantôt c'est le Partenaire qui prend la main, tantôt c'est vous, ou bien, ce qui
est fréquent, les deux ensemble. Les règles du jeu humano-divin sont en effet
très différentes de celles des jeux humains de table, comme le domino, les
dames, l'oie, les échecs. Elles se rapprochent de celles du rugby par
l'imbrication des initiatives et de celles du billard, par l'enchevêtrement des
répercussions.
L'essentiel, pour vous, est de reconnaître puis d'interpréter le jeu de
l'Invisible. C'est au début le moins facile parce que vous manquez
d'entraînement. Mais ce flottement durera peu si vous cessez de vous appuyer
exclusivement sur vos sens et sur votre logique ordinaire. Un exemple suffira à
vous éclairer.
Or que faire en pareil cas? Quand il devient évident que le Partenaire joue
contre vous, ne vous obstinez jamais à jouer contre lui. Les sanctions
s'accumuleraient, s'aggraveraient et il pourrait terriblement vous « en cuire ».
Je songe à tels dictateurs des Temps modernes qui, après avoir joué le jeu de
l'Invisible, ont eu la sottise de jouer contre lui. L'un a fini brûlé dans un
souterrain sous les ruines de son empire. L'autre a eu son cadavre suspendu aux
crocs d'un étal de boucher.
Attendez que le Partenaire ait effectué plusieurs coups pour être assuré du sens
dans lequel il joue. Si c'est dans le même sens que vous, appuyez à fond sur
l'accélérateur. Si c'est dans le sens opposé, freinez le plus vite possible. Et
commencez une autre partie d'un ordre tout différent.
7. La clé d'or
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Cet exemple, choisi entre mille parmi tous les enchaînements merveilleux de
notre vie, vous pouvez le retrouver, à de nombreux exemplaires, dans votre
propre vie à vous.
De semblables parties ont été jouées par vous inconsciemment et consciemment par
l'Invisible. Vous êtes, depuis votre naissance,
1. Épuisé.
92
au centre même de la partie, mais sans vous en douter, sans en avoir plus de
conscience qu'un pion de bois. Pas un instant vous n'avez soupçonné la main qui
vous poussait à droite ou à gauche, vous prenait ou vous faisait prendre, vous
transmuait en dame, vous faisait échec et mat. Mais réfléchissez un instant et
considérez certains événements de votre vie à la lueur de ce qui précède. Vous
en démonterez le mécanisme et en serez parfois ébloui.
Pour peu que vous soyez sincère avec vous-même, vous apercevrez vos oublis, vos
inattentions, vos entêtements, vos paresses.
Vous constaterez le nombre d'occasions manquées et de coups perdus. Vous
relèverez vos erreurs de jeu et vos fautes de tactique.
Et, si vous êtes vraiment intelligent, vous reconnaîtrez les lignes de la grande
stratégie Invisible contre laquelle, si sottement et si infructueusement, vous
avez joué sans le savoir.
Aimez-vous les romans policiers, les mots croisés, les jeux qui comportent à la
fois de la dextérité et une certaine dépense cérébraie? Alors, je vous invite à
jouer le jeu de la Vie qui est à la fois un jeu de force, d'endurance, d'adresse
et de perspicacité. Il est fertile comme une grille de mots croisés où les «
astuces JO du sphinx sont en même temps le « guide JO de l'Œdipe. Il est plus
passionnant qu'lin livre de Conan Doyle parce que, le jouât-on depuis sa
naissance, on ne sait jamais comment il finit.
Brûle! est l'encouragement que vous donne le Partenaire et qui vous assure que
vous êtes dans la bonne voie. Gèle! est l'avertissement que vous envoie le
Partenaire pour vous informer que vous êtes dans le mauvais chemin.
C'est ce qui m'a amené à répéter bien des fois dans mes différents ouvrages que,
d'un certain point de vue, l'échec a plus de valeur éducative que le succès.
L'échec constitue pour l'homme clairvoyant une école infiniment instructive. Il
suffit d'en démonter intelligemment le mécanisme pour voir où l'on a péché.
L'échec ne décourage que le mauvais joueur ou le joueur ignorant qui n'ont
aucune notion du qui-perd-gagne. Ce sont les échecs répétés, mais reconnus et
utilisés, qui forment les bons joueurs.
Un bon chasseur est fait de meurtrissures, d'ampoules au talon, d'affûts
improductifs et de nombreuses bredouilles. Un bon demi de mêlée est fait de
côtes enfoncées et même de fractures du crâne ;
un bon boxeur de crochets au foie, de dents cassées et de nez aplati.
Vous devez être, par conséquent, bon joueur, puisque vous jouez cette fois la
Partie des parties et non plus ces parties infimes et provisoires du stand, de
la plaine ou du ring. Ce qu'un autre homme, d'intelligence généralement
médiocre, fait pour de la vanité ou de l'argent, ne l'oseriez-vous pas, vous,
dont l'intelligence est supérieure et qui ne lisez ces pages que pour vous
hausser et pour vous grandir !
L'honneur (et le profit) de jouer avec votre Partenaire vaut mieux que celui de
jouer contre la montre ou contre des hommes aussi faibles que vous.
Et si j'insiste sur l'échec, c'est que son exploitation intelligente mène
nécessairement à la réussite, et même à une réussite beaucoup plus grande et
plus durable que le succès.
Vous écrivez votre aventure dans les faits comme vous la coucheriez sur le
papier, c'est-à-dire avec de nombreuses ratures. C'est seulement quand il en a
retranché tout ce qui était mauvais ou médiocre et après y avoir ajouté tout ce
qui est bon et heureux que l'auteur peut juger son ouvrage.
LES DIFFÉRENTES PHASES DU JEU
95
Mais voilà ! Nombre d'hommes ne veulent pas reconnaître leurs erreurs, leurs
imperfections, leurs négligences, leurs ridicules. Nombre d'hommes ne veulent
pas reconnaître leurs insuccès, leurs échecs.
Je suis donc persuadé qu'en acceptant de jouer le jeu, vous avez déposé mensonge
et amour-propre au vestiaire. Il faut vous immiscer dans la partie, nu et frotté
d'huile, comme l'athlète antique, c'est-à-dire fort et ouvert.
N'oubliez pas que vous jouez en association et non en contradiction, que le jeu
du Partenaire est votre jeu, comme votre jeu est le jeu du Partenaire. Ne perdez
pas non plus de vue que si vous jouez bien l'un et l'autre en bénéficient,
tandis que si vous jouez mal la perte n'est que pour vous seul.
Tout cela pour vous démontrer que vous devez considérer l'échec dans la vie
comme tout autre chose qu'une mésaventure, qu'un mécompte, qu'une frustration.
Ce que vous tendez le plus souvent à considérer comme un échec n'est autre chose
qu'une péripétie partielle, un incident personnel. Le voleur qui arrête un
passant au coin du bois et ne trouve qu'un écu là où il croyait trouver mille
pistoles a considéré cela comme un grave mécompte. Mais au regard de la société
et de l'ensemble des hommes, c'est-à-dire de la partie universelle, la
déconvenue du voleur est une réussite, non un échec.
LES DIFFÉRENTES PHASES DU JEU
97
N'ayez pas une mentalité de voleur, mais une mentalité d'honnête homme, prêt à
jouer honnêtement une honnête partie, en association avec l'honnêteté de
l'univers.
Toutes les fois, par conséquent, qu'après avoir joué plusieurs fois dans une
direction, vous vous apercevrez que votre Partenaire joue dans une autre,
cherchez à vous orienter et à reconnaître cette autre direction, de manière à
entrer dans son jeu à Lui. Puis reprenez l'histoire de votre échec et faites-en
la critique. Voyez dans quelles :onditions s'est produite votre initiative et à
quel mobile vous avez :>béi. Neuf fois sur dix, si vous êtes clairvoyant et
sincère, vous découvrirez l'endroit où le mécanisme accroche et l'impair que
vous avez :ommis. Peu à peu, il vous arrivera ce qui arrive à ceux qui font
)eaucoup de mots croisés, pratiquent beaucoup le tennis, le golf, j'adonnent à
la chirurgie, à l'ajustage, aux lettres, à la musique, à a peinture. Vous
deviendrez de plus en plus expert, de plus en plus labile. Vous acquerrez de
plus en plus de métier.
Prenez un braconnier ou un Indien et mettez-les sur le sentier le chasse. L'un
et l'autre liront dans la nature (qui, pour vous, non :hasseur, est un arcane
mystérieux) comme dans un livre ouvert.
:haque trace, chaque odeur ont une éloquence indiscutable. Le libier qu'ils
poursuivent appose sa signature sur la moindre bran:he ou le moindre brin.
Et c'est parce que ces hommes, spécialisés dans la quête et la echerche,
arrivent à cet état de majeure divination, que la chasse le leur apparaît plus
seulement comme le moyen de se procurer les peaux et de la venaison, c'est-à-
dire de gagner leur vie, mais lussi comme le plus intéressant et le plus
captivant des sports.
Je ne vous cache pas que, depuis longtemps, la poursuite d'une telle partie
m'absorbe au point que nulle autre ne lui est comparable. Combien peu de ceux
qui m'entendent ou qui me voient se doutent que je joue du matin au soir. Et pas
seulement du matin au soir, mais du soir au matin. Mes insomnies elles-mêmes
sont utilisées et constituent le meilleur terrain de jeu.
Je puis pratiquer le jeu en tout lieu, à toute heure, dans n'importe quel climat
et n'importe quelle atmosphère. Je joue aussi fructueusement dans la vallée, à
la mer, à la montagne, en auto, dans une salle d'attente, dans un lieu public.
Je joue en travaillant, en me reposant, uniquement préoccupé des réponses de mon
Partenaire et de l'efficacité de mon propre jeu.
La marche est éminemment favorable à la réflexion féconde.
Les randonnées à bicyclette, surtout en territoire connu et monotone,
constituent un tremplin spirituel de choix.
Un jour que j'avais le vent debout et que j'arrivais à ra limite de mes forces,
je priai mon Partenaire d'en prendre sa part. Or celui-ci conduisit mon esprit
dans un territoire sans muscles, sans pédales et l'y maintint pendant tout le
trajet. Mon corps, pendant ce temps, s'acquitta inconsciemment de sa tâche et
j'admirai sa sérénité physique quand il est soustrait à l'imagination.
Essayez, vous aussi, de faire du jeu de la Vie votre jeu essentiel, celui qui
comprend tous les autres jeux, tous les rendez-vous, toutes les démarches, tous
les espoirs, tous les doutes, tous les travaux, tous les loisirs. Jouez votre
vie au lieu de la pleurer ou de la subir. Transposez-la magnifiquement sur son
plan véritable.
LES DIFFÉRENTES PHASES DU JEU
99
Ce que je vous propose est tout autre chose qu'un comportement moral ou mental;
cela n'a rien à voir avec des disciplines formelles ; cela n'est ni abstrait, ni
idéologique; cela n'est ni un palliatif ni un trompe-l'œil. C'est la vie elle-
même physique et spirituelle, multiple et concrète avec ses dessus et des
dessous.
En menant la partie comme moi, comme d'autres, vous trouverez l'existence
infiniment savoureuse car vous exprimerez sa richesse de tous les instants. Dès
lors, bien loin de fuir ce que les découragés appellent la vie quotidienne,
territoire supposé de toutes les monotonies et de toutes les fadeurs, vous vous
adonnerez passionnément, en chaque lieu et chaque heure, à en savourer la
liqueur subtile et le fruit délicieux.
Car nul jour ne ressemble à l'autre, il n'y a pas deux coups qui se ressemblent.
Vous êtes lancé en pleine aventure, botte à botte avec le grand Témoin.
Si vous ne croyez pas aux miracles, essayez le nouveau jeu de la Vie ; ceux-ci
surgiront autour de vous presque à tous les pas. Ils seront si nombreux et
variés que, par un phénomène commun d'adaptation, vous vous y ferez très vite.
Vous prendrez l'habitude du miracle. C'est le miracle qui vous paraîtra DonnaI.
Une seule chose serait susceptible de vous étonner, c'est la cessation ou même
100
Pour moi et les miens qui jouons le jeu sans restriction, avec tout ce qu'il
comporte d'engagements et de persévérance, nous avons l'impression de vivre en
plein merveilleux. L'abondance nous est prodiguée sous mille formes et dans
toutes sortes de domaines, si bien que certains jours on est si comblé qu'il
faut faire un choix.
Il nous arrive, comme à tous les humains, d'enregistrer une déception (rarement
une avanie). Nous « encaissons» même parfois un « coup dur ». Si nous ne jouions
pas le jeu, nous serions blessés ou assommés pour un jour, une semaine, une
année. Mais nous jouons le jeu et nous savons que nous jouons gagnant. Dans ces
conditions, nous pouvons être heurtés, meurtris, mais nous continuons la partie,
certains que nous sommes de la rétablir. Ce coup, qui nous a atteint, il a été
joué par notre Partenaire et sa dureté prouve qu'il était urgent de rectifier
notre jeu.
101
Mon Partenaire est donc le tout moins moi. Votre Partenaire, à vous lecteur qui
me lisez, est le Tout sauf vous. Par conséquent tout ce qui n'est pas vous est
votre Partenaire. C'est vous dire son étendue immense et comment, si faiblement
que ce soit, il varie avec chaque homme et n'est absolument semblable pour
aucun.
Le Partenaire n'est donc pas Dieu, s'il en est la plus grande partie. Votre
Partenaire, plus vous, mon Partenaire plus moi, voilà ce qui est Dieu absolu.
C'est ce qui me permet de dire que nous jouons la partie avec le Reste-de-Dieu
(cela infiniment grand) et que notre Partenaire joue aussi la partie avec le
Reste-de-Dieu (cela infiniment petit), mais d'une manière aussi valable, car si
nous sommes, nous humains, des êtres restreints en quantité, rien ne nous
empêche de nous étendre en qualité dans la Vérité et dans la Vie.
Commencez-vous à deviner pourquoi vous devez avoir le plus grand respect pour
tout ce qui n'est pas vous, mais qui est partie intégrante de votre Partenaire,
lequel peut être loué, aidé, aimé dans chacune de ses parcelles, mais aussi
critiqué, contrarié, haï dans chacune d'elles, ce qui vous met d'emblée en
accord ou en antagonisme avec lui?
Quelle est donc votre situation personnelle lorsque vous êtes en opposition avec
le Reste-du-Tout ? Même pas celle d'un vermisseau en face du globe terrestre; la
Terre est beaucoup trop petite et le vermisseau beaucoup trop grand. Vous êtes à
proprement parler l'impuissance devant la Puissance, l'ignorance devant
l'Intelligence, le doute devant la Certitude, la cécité devant la Vision. Quoi
que vous entrepreniez dans une lutte aussi ridiculement inégale, vous
102
Mais quelle est, à l'inverse, votre situation personnelle lorsque vous êtes en
harmonie avec le Reste-du-Tout ? Celle d'un favorisé, d'un privilégié parmi les
autres hommes. Votre faiblesse s'allie avec la Force, votre espérance avec la
Foi. Quoi que vous entrepreniez, vous êtes épaulé dans les effets par la Cause
des Causes. La partie est gagnée d'avance pour le Partenaire et pour vous.
Sachant tout cela, vous ne pouvez plus raisonnablement vous irriter ou vous
rebeller contre un événement, un être ou une chose puisque cet événement, cet
être ou cette chose sont un des aspects sous lesquels votre Partenaire s'offre à
vous. Même le bandit, même la bête fauve, même le cataclysme font partie de
votre Partenaire, au même titre que le zéphyr, l'agneau ou le saint.
11 est même infiniment probable que le nuisible est beaucoup plus utile à votre
éducation que l'utile. Ce ne sont pas les baisers d'une mère, la tiédeur d'un
lit, la caresse du soleil naissant, la succulence de mets choisis qui rendent un
homme vigoureux et armé pour l'existence. Ce sont, au contraire, les luttes, les
intempéries, les privations, les meurtrissures, les épreuves qui sculptent les
hommes forts.
Le fer n'est forgé que dans la géhenne du feu, sous les coups redoublés du
marteau, retentissant sur l'enclume. Ce que votre Partenaire, en effet, vous
présente en premier, c'est la difficulté, génératrice d'initiative,
d'intelligence et d'effort.
Le jeu de la Vie est un apprentissage, ni plus ni moins que toutes les autres
parties. L'apprenti cavalier a des furoncles et est projeté sur le so\.
L'apprenti menuisier s'écrase les doigts et s'écorche aux dents de la scie.
L'apprenti agriculteur perd ses semences et récolte des chardons. L'apprenti
musicien produit des fausses notes, l'apprenti poète des vers qui boitent. Tout
apprentissage comporte ses brimades, ses incertitudes, ses douleurs.
LES DIFFÉRENTES PHASES DU JEU
103
Un temps aussi viendra où, après vous avoir « trempé » dans les contretemps et
dans les déboires, votre Partenaire, satisfait des conditions dans lesquelles
vous avez subi l'épreuve, vous accordera votre CI permis de conduire », comme au
bon chauffeur. Alors, délivré des« colles» de l'examen, une initiative de plus
en plus grande vous sera laissée, pourvu que vous respectiez le Code Divin.
Plus vous deviendrez habile et réfléchi, plus votre Partenaire vous tiendra en
haute estime et plus il vous proposera de coups subtils et importants. C'est à
partir de ce moment que le Jeu revêtira toute sa splendeur, tout son intérêt et
que jouer deviendra pour vous une véritable ivresse, le plus prenant et le plus
merveilleux des passetemps.
CHAPITRE IX
Le temps de chercher Dieu hors de soi est révolu, car Dieu n'est le même pour
aucun homme. Il faut à l'homme nouveau un Dieu sur mesure et idéalement adapté à
lui... On pourrait dire des peuples qu'ils ont les dieux qu'ils méritent. A plus
forte raison, l'Individu a-t-il un Dieu spécial fait pour lui.
Plus l'homme se spiritualise, plus il hausse le plafond de son Dieu. Le ciel des
hommes est à tous les niveaux et l'effort de l'individu consiste à monter sans
cesse davantage. Ce n'est que parvenu à une certaine hauteur qu'il lui sera
permis d'embrasser du regard l'étendue spirituelle qu'il ne connaît pas...
Et Dieu ne sera pas théologique ni spéculatif, mais réel, effectif, ayant ses
assises en nous-même; l'individu le sentira et s'entretiendra avec lui, sans
intermédiaire, sans interprète; ce sera Dieudirect.
La race, la religion, la famille, la patrie, etc., n'ont rien à voir dans notre
problème individuel et personnel. C'est à nous de régler nous-même avec
l'Invisible nos affaires sentimentales et économiques parce que, à l'heure de
mourir, nous serons de plus en plus associé avec l'Invisible tandis que nous
serons dissocié de la race, de la religion, de la famille, de la patrie par le
phénomène de la mort...
Voilà qui souligne l'universalité du jeu de la Vie. Celui-ci n'est pas limité à
l'existence terrestre, mais se prolonge au-delà de la mort.
106
Mais, présentement, nous n'en sommes point encore là. La partie de notre vie
terrestre se joue en quelque sorte sous un tunnel dont on n'aperçoit pas
toujours la sortie, mais seulement, de loin en loin, une rondelle lumineuse qui
en laisse prévoir la fin.
Pour l'instant nous cheminons encore dans l'obscurité, sous la masse écrasante
de la montagne et nos yeux, au sein des ténèbres, ne nous servent réellement à
rien. Nous ne pouvons qu'avancer précautionneusement en tâtant le sol du pied et
la muraille de la main.
Nous coudoyons des dizaines et des dizaines de milliers d'autres créatures
également aveugles, dont la plupart vont dans le même sens que nous. Les unes le
font en gémissant et en boitant, d'autres en courant et en chantant, ceux-ci
avec prudence et fermeté de cœur, ceux-là fébrilement ou avec insouciance. On se
heurte, on se rebelle.
Tel murmure des prières et tel des jurons. Bien peu marchent d'un pas assuré,
avec la certitude de faire sagement la route et de trouver, là-bas, lumière et
liberté.
Dans ce colin-maillard en long, il vous faut être comme le mineur dans sa
galerie. Celui-ci est familiarisé avec l'ombre et possède une lampe de sécurité.
Cette lampe, qu'il porte à son front, vous devez l'avoir à l'intérieur de vous-
même.
Le « radar» dont la science moderne conçoit tant d'orgueil parce qu'il constitue
le plus grand moyen d'orientation automatique, les pigeons et les abeilles l'ont
depuis toujours, sans l'intervention du laboratoire et par la grâce de Dieu.
Vous l'avez aussi - et combien plus perfectionné - sous forme d'intuitions
combinées.
L'UNION AVEC L'INVISIBLE
107
Il ne sert à rien d'avancer sans reconnaître son chemin. Et ici je vais vous
révéler un secret, connu d'un très petit nombre d'hommes: dans la vie, comme
dans tout ce qui participe à la grande Aventure, ce n'est pas le but qui compte
essentiellement, mais le cheminement vers le but.
Imaginez un candidat au baccalauréat qui se présenterait à l'examen sans avoir
fait ses classes. Il ne serait pas impossible, la chance aidant, qu'il répondît
suffisamment aux questions pour être admis.
Mais en quoi le diplôme lui donnerait-il les connaissances qui lui manquent? Il
vaudrait bien mieux que, ayant assimilé toutes les matières du programme, il eût
échoué devant l'examinateur. Au regard de l'opinion, le premier seul aurait
réussi et il serait roi de l'apparence. Mais en son for intérieur, c'est-à-dire
dans la seule réalité qui compte, il serait toujours un fruit sec. Aux yeux de
la même opinion, le second aurait échoué et il serait la victime de l'apparence.
Mais en son for intérieur, il serait le seul instruit.
Pourquoi, au jeu de la Vie, vous ai-je dit que vous seriez toujours gagnant?
Est-ce parce que je vous assure d'avance de l'enjeu et du gain final de la
partie? Non. Chaque coup joué avec désinté-
108
ressement, fOt-il perdant à vos propres yeux et aux yeux des hommes, est inscrit
par le Partenaire à votre actif. Croyez-vous que le moment le plus intéressant
de la grille de mots croisés est celui où elle est pleine et que l'instant le
plus palpitant de la partie d'échecs est celui où le roi est mat?
Le jeu n'est passionnant qu'avant sa conclusion, alors que tout en vous concourt
à se rendre maître de la difficulté qui s'oppose ou se dérobe, par la
mobilisation générale de toutes vos facultés.
C'est pourquoi je vous dis : ne jouez pas uniquement pour le but. Vous perdriez
la moitié de la partie.
De deux coureurs qui passent le poteau à quelques centimètres l'un de l'autre,
le premier seul a droit au bouquet et aux ovations de la foule. Pourtant le
second le vaut au point de vue de l'entraînement personnel.
109
Plus vous jouerez souvent et longtemps, mieux vous connaîtrez le jeu de votre
Partenaire si bien que, parvenu à un certain degré d'entraînement, il vous
semblera que vous débordez celui-ci par vos initiatives et le devancez dans ses
coups. Si vous parvenez à ce stade, vous aurez l'impression de connaître
davantage l'Inconnaissable ou, plutôt, de moins en moins le méconnaître et
d'être réellement admis au voisinage du Maître du jeu.
Pour serrer de plus près les considérations précédentes, je vous conseille deux
sortes d'attitudes propres à favoriser vos illuminations.
a) La méditation
Criblez donc mentalement ce que vous avez fait la veille ou durant la journée
même. N'en retenez les succès et les réussites que pour chanter dans votre âme
de reconnaissants hosannas. Attachezvous spécialement à ce que la multitude
considère comme échecs, déboires, mécomptes, ennuis, chagrins, vicissitudes et,
examinant sincèrement les principaux d'entre eux, dégagez-en la leçon.
Souvenez-vous que les incidents dits heureux de votre existence sont des
répliques de votre Partenaire qui harmonise et amplifie vos meilleurs coups.
Souvenez-vous également que les incidents dits malheureux de votre existence
sont aussi des répliques de votre Partenaire, destinées à neutraliser,
contrecarrer ou détourner des coups qu'II juge mauvais pour vous.
111
b) La prière
Ici intervient donc la deuxième attitude, qui est celle de la prière, non pas la
prière formelle où douleur et joie s'usent avec des mots, .
mais bien ce jaillissement de l'âme par quoi l'homme se sublimise de temps en
temps. Il est parfaitement normal que vous ne puissiez demeurer toujours dans
les régions de la haute Prière. Si vous le tentiez vous vous brûleriez les ailes
à son fleuve de feu. Vous ne pouvez que vous maintenir un instant dans sa
chaleur, vous exposer à sa lumière, pour retomber à la condition des hommes, à
demiconsumé et ébloui.
Ceux qui n'ont pas voulu redescendre quand il était encore temps ont été ravis
par la lampe et leurs corps sont devenus cenure sur le bûcher de l'Esprit.
Mais vous et moi, qui sommes du modèle courant, taillés sur le patron ordinaire,
nous ne pouvons qu'excursionner dans le Divin, fugitivement. Cela suffit à nous
promouvoir hors du quelconque, hors du transitoire et à nous donner la force de
croire et de durer.
, Réfugiez-vous donc en vous, toutes les fois que vous serez en difficulté,
entrez dans le sanctuaire de vous-même et attendez-y la Voix céleste qui ne peut
vous parler qu'au fond de vous. Il vous suffit de vous asseoir sur un banc, un
lit, une pierre et de fermer les yeux aux choses matérielles en appelant au
secours. Toujours
la réponse viendra sous une forme ou sous une autre. La plus saisissante de ces
formes sera celle d'une directe" et immédiate illumination.
Cela peut-être instantané et formulé en langue humaine. Dans ce cas, c'est votre
haute conscience qui traduit sur-le-champ. Cette sorte de réponse se reconnaît à
sa brièveté, à son caractère d'emportement qui ne laisse place à aucun faux-
fuyant. Dans ce cas, il ne peut y avoir aucune erreur d'interprétation. Quand le
message n'est pas chiffré, aucun double sens n'est possible.
Une autre fois, alors que je m'étais impatienté contre des animaux domestiques,
la même Voix se fit entendre dans la chaleur de l'été. J'étais encore parcouru
par les derniers frémissements de la colère quand les mots suivants se
détachèrent dans mon âme comme sur un cartouche lumineux : « Tu peux faire de
ces jardins un enfer ou un paradis pour les êtres qui t'entourent. » Comment
n'aurais-je pas identifié la voix divine de l'Ami?
113
Avoir les yeux de l'âme « ouverts », en pareil cas, n'exclut pas de les avoir
parfois physiquement fermés, ne serait-ce que pour voir clair en vous-même et
déchiffrer les signaux de l'Invisible qui vous télégraphie en code muet.
Quand l'inspiration n'est pas aveuglante, quand l'intuition n'a pas le caractère
d'un jet de flamme, il est nécessaire que votre pensée effectue un tri. Là, il
importe d'être intelligent, de ne pas prendre pour la proie ce qui n'est que
l'ombre, de ne pas méconnaître à travers les poussières ou sables de la journée,
les paillettes ou pépites d'or pur.
Pour juger le contenu de votre hotte, la valeur de votre « batée », répudiez
tout égoïsme, tout intérêt personnel. N'ayez en vue que le mieux général, la
solution désintéressée, l'évolution idéale.
Supposons, que vous soyez commerçant, ne cherchez pas à obtenir les moyens de
triompher d!un confrère. Supposons que vous soyez fonctionnaire, ne cherchez pas
les moyens de vous débarras-
114
ser d'un supérieur. Ce serait faire injure à votre Partenaire que de le croire
assez inique et assez sot pour favoriser des vues mesquines et personnelles,
d'autant que le « confrère» et le « supérieur» en question font partie de votre
Partenaire comme vous-même faites partie du leur.
C'est pourquoi vous et moi ne pouvons être en opposition, car je fais partie de
votre Partenaire comme vous faites partie du mien.
Jouez franc jeu et ouvertement, non pour gagner tout seul, mais pour que tout le
monde gagne, y compris le Partenaire de tous les hommes, puisque, dans le sein
de l'Intelligence Unique, il y a autant de formes du Partenaire que d'individus.
Votre intelligence mentale doit vous servir à faire passer les communications du
Je dans le cerveau du Moi et c'est par un entraÎnement répété que vous
parviendrez à obtenir de plus en plus de réponses directes aux questions que
vous poserez.
Cette même intelligence vous est également nécessaire pour dégager et recueillir
les réponses indirectes qui se font dans le monde des Moi, donc des
personnalités et des apparences. Car les Moi sont aussi une expression de la vie
qui peut être interprétée dans tous les domaines et sur tous les plans.
Le jeu de la Vie, selon les règles que je vous propose ci-dessus, s'applique,
par conséquent, à toute votre existence, tant physique que morale, tant
matérielle que spirituelle; c'est là une façon de prier entièrement neuve, du
soir au matin et du matin au soir.
Rien n'interrompt le jeu et rien n'interrompt la prière. En y appli-
L'UNION AVEC L'INVISIBLE
115
quant votre conscience profonde vous transfigurez les plus vulgaires de vos
actes et la moindre de vos occupations.
Il vous a certainement semblé odieux, futile, inopérant, et parfois même sot et
ridicule, de marcher sur une route, de faire épeler des enfants, de dépouiller
un courrier, d'écosser des haricots. C'est parce que vous ne savez pas que tout
cela fait partie du jeu intelligent de la Vie, que tout cela est une prière si
vous décidez qu'il en est ainsi.
Croyez-vous que pour le Divin, le rire d'un petit enfant n'est pas une prière
autrement efficace que la confession pompeuse d'un pharisien hypocrite? Encore
l'enfant prie-t-i1 inconsciemment, avec son innocence, tandis que vous, vous
pouvez prier consciemment.
C'est consciemment, en effet, c'est-à-dire après l'avoir expressément résolu
dans votre cœur, qu'à partir d'aujourd'hui, vous hausserez les incidents les
plus banals de votre vie à la dignité de coups réfléchis.
N'ayez donc honte d'aucun de vos membres, d'aucun de vos organes, d'aucun de vos
gestes. Le gourmand qui dévore uniquement en fonction de son palais et de son
ventre est une épave au regard du Partenaire et celui-ci le traite comme tel.
Mais vous, qui absorbez votre nourriture frugalement, quoique joyeusement - et
la consacrez en esprit à votre Père Invisible - vous faites de votre repas une
prière, un acte de spirituelle production.
Quand le jeu de la Vie est pratiqué de cette façon, rien dans votre journée ne
vous paraît monotone ou hostile. Dans tout être, dans toute besogne, dans toute
circonstance, dans toute chose vous apercevez une face du Divin.
Pour commencer, ce jeu vous semblera infiniment curieux mais vous l'oublierez
parmi les fluctuations de la journée. Vous n'aurez pas réussi d'emblée à en
faire une habitude, tellement invétérée qu'elle sera devenue un réflexe normal
et mental. Il faudra cependant que vous y parveniez si vous êtes désireux de
jouer à fond la partie et l'abondance immédiate que vous obtiendrez vous
incitera de plus en plus.
La matière première ne vous fait pas défaut. Ministre ou cordon nier, pâtre ou
ingénieur, blanchisseuse ou femme de lettres, vous avez tous exactement les
mêmes cartes entre les mains. A quelque état social que vous apparteniez, vos
besoins physiques, vos possibilités d'effort, vos vicissitudes sont de même
envergure. Au regard du Partenaire, l'ennui du maçon qui a perdu son niveau
d'équerre est sur le même plan que l'ennui de l'ambassadeur qui a égaré son code
chiffré.
S'il y a inégalité entre les joueurs, elle est certainement en faveur des petits
contre les puissants et des pauvres contre les riches, car les soi-disants
heureux de la terre sont souvent ceux qui ont le moins de temps pour« jouer ».
Leurs préoccupations habituelles s'avèrent de telle et si vaine sorte qu'ils
n'ont que rarement la possibilité de méditer.
Au contraire, le vacher qui garde son troupeau, le laboureur qui trace son
sillon, l'ouvrière qui ourle des torchons en série, le
L'UNION AVEC L'INVISIBLE
117
mécanicien qui surveille son moteur ont tout le loisir de prier. Et nous avons
vu que prier c'est faire sa tâche avec gratitude, la diviniser en l'offrant.
Vous ne serez pas longtemps sans vous apercevoir du bénéfice même matériel
qu'une telle manière de jouer procure. Jouez à fond dans ce sens et vous verrez
peu à peu tout ce qui était gelé se dégeler autour de vous. Tout ce qui était
tiède s'échauffera. Tout ce qui était chaud deviendra comme une lave ardente. Le
bien-être spirituel et l'abondance envahiront votre âme et votre cœur.
De toutes parts des aides, des concours se présenteront. Tout s'aplanira devant
vous. Les portes s'ouvriront toutes seules. Les rictus des hommes feront place
au sourire. L'ennui sera chassé par l'intérêt. L'abondance vous ouvrira ses
portes. Au bout d'un temps très court, vous vous demanderez comment vous avez
pu, jusquelà, vivre aussi médiocrement votre Vie, quand toutes les richesses,
tous les bonheurs, toutes les sympathies n'attendaient pour affluer qu'un appel
de vous.
CHAPITRE X
1. L'apparence et le tangible
Les lecteurs qui n'ont en vue que l'abondance matérielle seront tout d'abord
déçus. Ils sont prêts à toutes les tentatives d'ordre objectif mais répugnent à
une expérience spirituelle qui les transporterait hors de leurs moyens
coutumiers. Je voudrais cependant persuader ces lecteurs de l'impossibilité où
ils sont de manœuvrer les choses et les événements par le côté sensible, alors
qu'il leur est si aisé de les gouverner par l'intérieur.
Puisque ces mêmes lecteurs ne s'intéressent qu'aux résultats apparents - qui
sont la conséquence des manœuvres invisibles force m'est de les accompagner sur
le terrain de leurs préférences en leur montrant que l'abondance spirituelle,
une fois acquise, provoque l'abondance des biens, même matériels.
Cette abondance est devenue si évidente dans notre propre maison que je
considère notre vie comme un continuel miracle, non pas un miracle par jour,
mais un miracle par heure, un miracle de chaque minute, de chaque seconde, un
miracle de toute la vie, un miracle perpétuel. Toutes mes demandes ont une
réponse. Tous mes problèmes reçoivent une solution. Pas une inititative n'est
perdue. Pas une requête ne s'égare. La riposte invisible est toujours
harmonieuse, indiscutable, adéquate et d'une totale efficacité.
Je puis dire que nos journées et nos nuits sont pavées de ces répliques
péremptoires et que le Partenaire invisible et moi nous nous renvoyons la balle,
au cours d'une partie sans fin. Malgré cette fami-
120
C'est fin mars 1940 que je fis venir deux bicyclettes neuves.
Nous avions, depuis douze ans, perdu l'habitude de nous servir de ce moyen de
locomotion faisant double emploi avec l'auto. Faute d'auto, nous préférions de
beaucoup la marche. Bref, cette acquisition nous parut à ce moment superflue et
on me reprocha l'argent « gaspillé ». Pourtant une force intérieure, logiquement
injustifiable, me poussa à transformer en acte ce qui n'était qu'une
sollicitation.
UN MIRACLE PAR JOUR
121
On sait combien les aliments à goût sucré sont chers aux vieillards. Ma mère,
immobilisée dans un fauteuil, me demanda un jour, à défaut de sucre, de la
saccharine. Nous fîmes, dans la semaine - et inutilement - plusieurs
pharmaciens; la saccharine avait disparu. Le dimanche suivant, un de nos amis
parisiens, M. F., qui n'était jamais venu à la maison, nous arriva par la route.
Depuis des mois nous n'avions pas correspondu avec lui et il ignorait tout de
nos préoccupations. Désireux de nous faire plaisir, et dans l'ignorance de nos
besoins, il apportait, à tout hasard, deux boîtes de 500 comprimés de
saccharine.
Si je lui avais écrit spécialement pour lui exprimer notre désir, nous
n'eussions pu être plus diligemment et intelligemment pourvus.
Le Partenaire a recours aux procédés les plus ingénieux et les plus inattendus
pour répondre aux intentions même inexprimées.
Parfois son action est longuement préparée à l'avance. Parfois elle est à
retardement.
En 1937 ou 1938, une tragédienne connue, Mme Germaine O..., me téléphona dans
notre appartement de Paris pour me prier à une vente de charité. Dans
l'impossibilité de m'y rendre, j'envoyai directement notre obole. On me fit
savoir qu'on achèterait n'importe quoi pour notre compte et que cela nous serait
remis après coup.
Je perdis de vue cette circonstance et mon entourage fit de même.
Or, au début de 1942, c'est-à-dire en pleine crise de matières grasses, je reçus
de Germaine 0... un paquet que nous ouvrîmes, non sans curiosité. Il contenait
six gros et magnifiques savons de la qualité d'avant-guerre, représentant notre
achat à la vente charitable et que la tragédienne avait oubliés dans un placard.
122
En juin 1942, au cours d'un voyage à bicyclette à Orléans (où je vais tout au
plus une ou deux fois par an depuis la guerre), mes yeux tombèrent en arrêt
devant une vitrine comportant par hasard une raclette courbe à lame de ressort.
Non seulement c'était exactement le modèle cherché, mais encore je pus acquérir
le modèle de la taille au-dessous, plus commode pour passer entre les plants.
Le tout me fut livré avec l'avertissement qu'il n'y aurait désormais plus
d'outils de ce modèle en vente, et mieux: on me le vendit au prix ancien. Je
rentrai à mon logis pénétré de gratitude. Et le lendemain de cette négociation,
comme si elle n'eût attendu que d'être remplacée pour se rompre, ma vieille lame
se brisa sur une touffe de chiendent. .
123
Nous mangeons beaucoup de pommes durant l'hiver. Or, 1941 fut une année sans
pommes. La pénurie s'avéra générale, puisque la disette des pommiers sévit (en
dehors de notre région) dans la Sarthe, la Bretagne, la Normandie et les pays
cidriers.
Je disais volontiers autour de moi: « J'ignore comment il y sera pouruu mais nos
pommes sont en route, dussent les fruits tomber du ciel! » Nos démarches
continuaient néanmoins dans toutes directions, car la méthode du Partenaire
exige que l'homme fasse démarrer sa charrette, l'Invisible poussant à la roue
pour seconder son effort.
124
Or, certain jour d'été, je décidai d'aller au village pour faire une dernière
tentative auprès d'un de nos vendeurs de l'an passé. En longeant le clos de
celui-ci je m'aperçus que les pommiers étaient stériles. Je revins alors sur mes
pas et entrai chez le menuisier. Mis au courant de ma recherche, cet homme avisé
m'incita à chercher dans la région de Châteaurenard et de Chuelles, pays
producteurs de pommes qui se trouvent au sud de Montargis.
- Votre facteur, dit-il, est originaire de ce coin et vous fournira les
renseignements nécessaires.
Sous l'empire de cette conversation je revenais à ma demeure lorsque la femme du
facteur en question déboucha inopinément d'un chemin creux. La factrice était à
bicyclette, moi aussi, de sorte que, pour nous manquer, il suffisait de quelques
secondes. Je la mis au courant de ma préoccupation et elle me dit :
- Vous avez la main heureuse. Les pommiers de mon pays ont, cette année, plus de
fruits que de feuilles. Et, précisément, mon mari y part en congé demain matin.
Qui pourra expliquer logiquement cette accumulation, dans les mêmes vingt-quatre
heures, de coïncidences aussi invraisemblables?
1 : course au village ; 2 : visite chez le menuisier; 3 : idée du pays du
facteur; 4 : rencontre de la factrice; 5 : fécondité des pommiers de sa région;
6 : départ imminent du facteur en vacances.
Pour nous, nous préférons renoncer à toute explication raisonnable et laisser
notre cœur s'emplir de reconnaissance. Non seulement nous eûmes à domicile, pour
un prix modéré, toutes les pommes à conserver que nous désirions (et en juin de
cette année il nous en restait quelques-unes), mais encore notre demande en
provoqua plusieurs autres, si bien qu'il fut possible d'approvisionner nos
voisins et nos amis.
Ce n'est pas pour notre usage que nous avons usé nos pneus de bicyclettes. La
machine qui servait à conduire le ravitaillement d'autrui à la gare y perdit sa
chambre à air. Pourtant, en pleine pénurie, quand nul n'osait penser à
renouveler la chambre usée, un réparateur, sollicité d'y mettre une pièce, la
remplaça par une neuve de son propre chef.
UN MIRACLE PAR JOUR
125
Naguère la laine était pour rien et il sortait d'ici, bénévolement, des tricots,
des bas, des chaussettes, des écharpes, des brassières pour tout le monde. Les
soldats et les enfants de notre connaissance en ont été pourvus largement.
Comment le dénuement eut-il succédé à cette profusion sans démentir les lois de
l'abondance?
La période de famine lainière a sévi cependant pour tout le monde, excepté pour
nous. La laine nous est venue de toutes parts, sous forme naturelle ou rénovée.
Nous n'avons pas eu besoin d'acheter de mouton comme tant d'autres. Et nous
pouvons continuer à travailler pour autrui par un privilège spécial du Grand
Lainier.
C'est sur les modes les plus divers que l'abondance se manifeste. Et
l'intervention Invisible emprunte des moyens inattendus.
Le poste récepteur de la maison ayant besoin d'être réparé, un dépanneur
maladroit l'amputa de son dispositif de sélectivité, sous prétexte que cette
partie de l'appareil était la plus délicate et amènerait, par la suite, de
nouveaux et fréquents ennuis.
J'eus beau, par la suite, tourner le bouton spécial, au point de sélectivité
maximale l'audition était complètement abolie et je déplorais tout bas
l'initiative de l'ouvrier. Je n'en persistai pas moins, machinalement, à
rechercher une sélectivité plus poussée lorsque deux ondes entraient en conflit.
Or, il se produisit ceci que bien des gens se refuseront à croire: une faible
audition s'amorça au moyen du bouton mort. J'insistai. L'audition s'amplifia.
J'y mis ma foi tout entière. Et il arriva, à force d'usage, que le récepteur
retrouva une partie de son ancienne sélectivité. Celle-ci n'est pas aussi
poussée qu'auparavant, mais elle est efficace et fort nette. Et je ne doute pas
qu'avec de la persévérance elle ne se rapproche peu à peu de la normale.
126
Quand ma fille Françoise de sept ans attendait le père Noël, sa joie était
indescriptible. Plus tard, elle refusa de se laisser déposséder de ses rêves et
persista, malgré le témoignage de ses sens, à croire dans la céleste
intervention. Puis, quand ses douze ans furent venus et que le scénario
traditionnel lui parut définitivement impossible, elle se substitua d'elle-même
à la Providence et assuma le rôle divin.
UN MIRACLE PAR JOUR
127
Ne pouvant plus recevoir directement de Noël, elle se fit Noël à son tour et, de
réceptrice, distributrice. Deux mois durant, elle consacra ses loisirs, ses
veilles et même (Dieu me pardonne!) une partie de ses études, à confectionner de
ses mains tous les accessoires d'un arbre de Noël. Ce qui put entrer de soins,
de temps, d'ingéniosité, d'amour dans cette préparation est vraiment incroyable.
Ses ressources et celles de son entourage furent mises à contribution. Les
jouets s'acquirent un à un au moyen de ses économies personnelles. Et, comme le
surplus entraînait encore quelques dépenses, elle demanda que cet arbre fût
considéré comme son cadeau de jour de l'an.
De fait, jamais présent ne causa tant de plaisir à notre fille. Celuici fut
productif de bonheur durant toute la période de préparation.
Et, le jour venu, ses petits invités lui apportèrent les gerbes de leurs
sourires. Je suis sûr que dans la vie de Françoise, c'est là son plus bel arbre
de Noël.
Axiome : on ne peut avoir la joie de l'abondance que si on a l'abondance de la
joie.
Arrivé à ce point de votre recherche vous êtes à la croisée des chemins. D'une
part s'offre à vous la possession matérielle des biens, donc de la forme ou de
l'apparence - illusoire et précaire - que les circonstances extérieures peuvent
vous faire perdre et qu'un autre possesseur matériel peut vous enlever. C'est
peutêtre ce genre de possession que vous poursuiviez jusqu'à présent, parce
qu'il est visible et tangible, c'est-à-dire parce qu'il tombe sous vos sens.
Ne croyez pas que vos sens constituent un moyen de contrôle irrécusable. Rien
que leur traduction des objets diffère d'un homme à l'autre, et même d'un
instant à l'autre chez le même individu. Un daltonien ne voit pas les mêmes
couleurs qu'un non-daltonien. Un sourd juge autrement qu'un auditif. Un homme
bien portant n'a pas le même goût ni le même odorat qu'un malade. Un pessimiste
n'a pas la même vision d'un paysage qu'un optimiste. Le sage n'a pàs du monde la
même opinion que le fou.
130
Posséder, ce n'est pas prendre, mais comprendre. Cum prehendere, c'est prendre
en association. La possession par compréhension est une assimilation, une
digestion spirituelle. Celui qui n'a étreint une femme, un enfant, un père que
sur son sein et dans ses bras, ne les a jamais possédés. Père, femme, enfant
peuvent vous être ravis par la mésentente ou la maladie. La mère qui possède
spirituellement son fils ne peut pas le perdre. Même mort physiquement, celui-ci
continuera de vivre dans son esprit.
Tout ce que tentent en vain de posséder vos sens peut être possédé efficacement
par l'esprit. En revanche, vos sens sont impuissants, même provisoirement, à
vous mettre en possession des choses spirituelles.
Essayez de posséder avec vos sens ou avec des instruments matériels la joie, la
paix, le courage, l'enthousiasme, l'espérance!
Cela est physiquement impossible, tandis que la possession des biens - même
matériels - par l'esprit s'effectue aisément.
L'ACCÈS AU MONDE SPIRITUEL
131
En pensée, il vous est loisible de posséder tout ce que vous désirez ou trouvez
à votre gré: un paysage, une maison, une ville, un être humain, un animal, une
atmosphère, une étoile. Et rien, ni personne ne peuvent vous exproprier de vos
possessions par l'esprit.
Supposons que vous passiez sur un chemin, en été, avant l'orage. Vous pouvez,
comme vos semblables, précipiter votre marche et fuir les événements. Dans cette
conjoncture, tout ce qui vous entoure vous aura échappé, vous aurez laissé
couler entre vos doigts le sel mouvant de la vie et, seule la menace
atmosphérique aura accaparé votre attention. Sous prétexte de tout mettre à
l'abri, vous aurez tout mis sous le boisseau. Vous êtes le mauvais marchand de
votre promenade. Une fois de plus, les choses, les événements et la partie
inférieure de vous-même vous auront vaincu.
Essayez de communier avec tout cet univers animé, car même les minéraux, même
les événements, même les phénomènes ont une âme, c'est-à-dire une vie et vous
pénétrerez peu à peu dans
132
un royaume enchanté. Quand je m'ennuie dans le pays des sens, je déploie mes
ailes divines et, d'un seul coup, je me soustrais aux misères de la pesanteur.
Assis ou étendu n'importe où, je transpose, j'idéalise toutes choses et, pendant
que mon corps s'apaise, mon esprit vole dans l'univers.
Cela vous apparaîtra d'abord comme un jeu. Faites-en une gymnastique obstinée.
Si vous passiez à pratiquer cette méthode le quart du temps que vous consacrez
aux exercices corporels, vous acquerriez une faculté d'évasion hors de l'univers
sans âme qui ferait de vous un des princes de l'Univers animé.
Il n'y a pas une action de l'homme et pas une manifestation de la nature qui ne
soit gorgée d'un suc délicieux. Les incidents les plus vulgaires, les plus
coutumiers sont riches de sens. Aucun instant du jeu de la vie n'est inutile ni
ridicule.
Si vous y appliquez votre imagination, cette projection supérieure de l'esprit,
vous transposez le geste banal. S'asseoir, se lever, marcher, cueillir une
branche, boire au ruisseau peuvent être, si vous le voulez, promus au rang
d'actions magnifiques. Il suffit pour cela de vous refaire une âme de petit
enfant.
Souvenez-vous, lorsque vous aviez 7 ans, de ce que votre imagination faisait des
moindres choses: un crayon neuf, un cahier rouge devenaient la source de
bonheurs inouïs. Vous en jouissiez non pas tant par la couleur, l'odeur, le
goOt, la forme que par votre imagination toute-puissante qui transfigurait
d'emblée et la matière et l'objet.
133
5. La faculté d'émotion
L'Imagination que vous traitiez légèrement, parce qu'elle est l'apanage des
enfants, des inventeurs, des poètes, n'est autre chose que l'expression la plus
puissante de la personne humaine:
la faculté de s'émouvoir. Les esprits à courte vue ont pu croire que la
domination mondiale de l'homme était due à ses mains et à son cerveau, c'est-à-
dire à son adresse digitale et à son intelligence raisonnante, alors que cette
supériorité est fille de sa possibilité d'émotion.
C'est parce qu'il est capable de s'émouvoir que l'homme commande au minéral, au
végétal et à l'animal. Et l'homme peut réellement mouvoir le monde au moyen de
sa faculté de s'émouvoir. Or, l'imagination peut être provoquée (comme
l'appétit, cette imagination de l'estomac). Mais la plupart des hommes
d'imagination sont emportés par celle-ci, ainsi que le cavalier novice par un
cheval indompté.
135
L'éducation sentimentale n'a pour but que d'endormir ces dons intuitifs, de les
refouler, de les emprisonner dans la geôle objective et de restreindre l'homme,
ce géant inconscient de sa propre stature, aux dimensions d'un monde
incompréhensif.
C'est donc tout le travail de longues générations pliées aux ordres de leur sens
que vous avez à dissiper et à détruire avant de retrouver, sous la peinture
traditionnelle, l'homme véritable que vous étiez.
Cette réaction ou plutôt cette conversion (car il s'agit bien d'un demi-tour sur
vous-même) vous semblera difficile alors qu'elle ne l'est pas en réalité. Un
seul voyage effectué de bonne foi, dans ce que les gens de l'apparence appellent
ironiquement le monde imaginaire, vous ouvrira de telles perspectives que vous
voudrez le renouveler. Plus vous excursionnerez dans le pays merveilleux, plus
vous serez enclin à le considérer comme le seul véritable et moins aussi vous
reconnaîtrez pour valable le territoire des sens.
Toutefois, comme vous êtes lié provisoirement au temporel par votre organisme
cellulaire, vous prendrez peu à peu l'habitude de renverser l'ordre acquis. Vous
cherchiez à pénétrer le spirituel à travers le monde sensible. Vous chercherez à
pénétrer le sensible à travers le monde spirituel. Alors vous comprendrez que
l'univers d'en bas n'a aucun pouvoir sur l'univers d'en haut, mais que l'univers
supérieur a sur l'univers inférieur la toute-puissance, et que même sur le plan
des possibilités matérielles tout vous est pratiquement permis.
Ainsi s'explique le grand miracle des noces de Cana, la multiplication des pains
et celle du vin dans les outres, par quoi Jésus mit en évidence le phénomène
d'agglomération.
Pour peu que vous vous laissiez aller, vous créerez aisément autour de vous le
doute, l'envie, la haine, la tristesse, la colère et, par suite, la douleur, la
maladie, la guerre, la pauvreté. C'est précisément à cause de cette facilité
d'imaginer le mal que l'humanité déchaîne en elle et autour d'elle tant
d'inimitiés, de fléaux, de catastrophes, d'impuissances, alors qu'elle a, par la
même imagination, le pouvoir de s'imbiber et de s'environner de bonté,
d'opulence, de santé, de bonheur et d'amour (1).
La multiplication des pains est donc un miracle à double sens, un prodige à deux
tranchants et permet, selon votre force de représentation et votre état d'âme,
de faire proliférer en vous et autour de vous les réalités du Bien ou les
fantômes du Mal.
Le secret de l'abondance
1. La loi du Canal
Effectivement tout est là et cette notion pourrait être considérée comme la clé
de voûte, le motif central de l'abondance. On n'a droit
138
Souvenez-vous bien que plus votre appel, votre succion seront puissants en
direction de la source, plus l'eau viendra abondante à travers vous à condition
qu'après avoir été parcouru, vous restituiez cette eau au circuit de vie sans
retenir, épargner ni économiser.
LE SECRET DE L'ABONDANCE 3. Une sainte prodigalité
139
C'est parce que l'homme a été habitué à l'idée d'épargner, d'amasser, de mettre
de côté, d'instituer des réserves, qu'il connaît les pénuries, les famines, les
privations. L'épargne est un manque de foi dans le Divin. L'avarice est un
détournement de la richesse collective ; l'avare en est puni par son avarice
même puisqu'il vit dans le dénuement. Seul, le prodigue a raison, s'il ne
dissipe que sa propre part et, l'éparpillant, la renouvelle. Ce qu'il jette par
les fenêtres rentre par la porte, sans même qu'il y prenne part. Jésus, François
d'Assise, le curé d'Ars ont été de grands prodigues; nul ne fut aussi riche
qu'eux.
La nature vous donne l'exemple des prodigalités. Elle ne mesure ni ses semences
ni ses richesses. Elle peut gaspiller ses trésors puisque rien n'en est jamais
perdu.
Si ce qui précède ne vous semble pas assez clair, laissez-moi vous proposer un
exemple.
Jadis, quand je n'étais hanté que de préoccupations littéraires, écrire un livre
représentait pour moi un immense labeur. J'y pen-
140
sais durant de longs mois, après la fastidieuse recherche d'un sujet qui ne fût
ni impossible ni banal. Je dressais des plans compliqués qui se disloquaient en
route. Puis j'écrivais laborieusement, page à page, chapitre par chapitre, sans
cesse en quête d'effets verbaux.
J'aimais moins ma tâche que le menu prestige qui en découlait. Et comme une
femme coquette se plie aux disciplines les plus cruelles je me contraignais à
effectuer mon dur pensum. A ce moment, je ne travaillais que pour moi et
j'ignorais l'abondance.
5. L'abondance d'esprit
141
venir à moi. Leur foule est si grande que je n'aurai jamais le temps de les
traiter tous, eussé-je quarante-huit heures par journée et la somme de plusieurs
vies. Je ne dresse plus de plans. Ceux-ci me parviennent tout faits. Je n'ai
plus à porter mes livres en moi, ce sont mes livres qui me portent. J'attends
chaque chapitre après l'autre, avec la curiosité d'un lecteur. Parfois cet
effacement est tel que je me demande ce que ma pensée va dire en présence d'un
gros obstacle. Mais l'obstacle n'existe pas devant le Partenaire. Tout pour moi
est résolu d'avance et c'est pourquoi je pose avec confiance mon stylo sur le
papier.
Jamais je n'ai connu pareille abondance d'esprit de même que je n'ai jamais
enregistré une telle abondance matérielle. Je ressemble à une rivière en crue
qui prend à l'amont et distribue à l'aval.
Cette crue ne finit jamais. Elle croît et CROÎT sans trêve et l'apport Divin
circule en moi comme une eau heureuse, chargée de vivantes alluvions.
Dans l'année où j'écris ces lignes, nous avons entrepris de ravitailler parents
et amis de la cité, non pas occasionnellement, mais avec une périodicité
régulière. En son plein, cette aide s'est étendue à treize familles comprenant
trente-cinq personnes, au cœur d'un hiver rigoureux. Nos chemins ruraux étaient
défoncés, parfois couverts de verglas ou de neige. Par tous les temps, sous le
gel et la pluie, les transports de colis à la gare, distante de trois
kilomètres, furent assurés. Nous n'avons mesuré ni le temps ni la peine.
Tout ce que nous achetions nous-mêmes était facturé au prix d'achat.
Ce que produisaient nos jardins n'était pas compté dans la dépense. Bicyclettes
et gens, au surplus, étaient à la disposition de tous.
Selon la logique commerciale, une telle méthode ne se défend pas. L'insensé qui
procéderait de la sorte semblerait voué à la faillite.
Selon la loi du Canal, le bénéfice d'une telle attitude est de cflnt pour un.
Plus nous envoyons de choses, plus il nous en arrive. Les ressources naturelles
affluent littéralement à nous. L'abondance nous submerge de ses eaux vives et
fécondantes. Les potagers et les vergers sont nos alliés. Le ciel, la terre,
l'eau, le vent sont d'inépuisables bienfaiteurs.
Notre prodigalité s'est étendue à l'entour de nous. Nous faisons en sorte que
nul ne sorte de la maison les mains vides. En contrepartie les dons et les
concours pleuvent sur nous. Tout se coalise pour nous nourrir, nous abreuver,
nous vêtir, nous aider. Nous nageons véritablement dans l'abondance intégrale,
au moment où tant d'hommes souffrent de restrictions. Les biens spirituels et
temporels nous sont dispensés avec une telle variété et une telle persistance
que nous avons au-delà de nos possibilités d'absorption.
143
7. L'abondance délibérée
l'abondance est une super-dimension qui ne peut être atteinte par une de vos
dimensions inférieures. Il faut donc mettre en œuvre la partie ultra-
dimensionnelle de votre esprit.
Votre imagination échappe précisément à toute mesure quantitative et votre
bagage sentimental est uniquement qualitatif. C'est la raison pour laquelle vous
ne rechercherez pas l'abondance dans la quantité sous peine de n'avoir qu'une
fiction d'abondance. C'est le motif pour lequel vous rechercherez l'abondance
dans le domaine de la qualité.
A mesure qu'on s'écarte du Divin on s'écarte de la qualité pour se diriger vers
la quantité. A mesure qu'on se rapproche du Divin on s'éloigne de la quantité
pour se diriger vers la qualité.
Un repas somptueux n'est, d'ordinaire, qu'un prétexte à la vanité, aux affaires
ou à la gourmandise et n'aboutit qu'à la critique, au calcul, à l'indigestion.
On est plus dénué en sortant d'une telle table que le chevrier devant son
morceau de fromage. Faire d'une promenade, d'une méditation, de l'odeur d'un
lis, du goût d'une pomme un chef-d'œuvre sentimental, c'est véritablement entrer
de plain-pied dans l'abondance.
Mais pour cela vous avez à refaire, en sens contraire, le chemin que vous avez
déjà fait. Il vous faut désapprendre ce que vous aveiâppris depuis l'âge où vous
viviez avec les « fées ». le sens du merveilleux - qui n'est que le sens de
l'Invisible - était instinctif chez vous parce que, lors de votre naissance,
vous sortiez à peine du Réel. Il vous reste à rendre cet instinct conscient, si
vous voulez qu'il donne tous ses fruits. Ainsi vous dirigerez votre abondance,
car l'abondance délibérée n'est plus à la merci du « hasard ».
Ne dites pas: « Je suis trop sceptique ou trop vieux. » Vous faites bien taire
vos doutes ou votre état civil pour absorber des remè-
144
des et pourtant ceux-ci vous semblent parfois amers. Tandis que le médicament
que voici est toute suavité, toute ambroisie. Le meilleur introducteur à
l'abondance est le contentement.
Comme presque tous les hommes, vous avez semé et cultivé le mécontentement et la
récolte a été au-delà de vos craintes et de vos espérances. Tout le monde
possède, plus ou moins, de la graine de mécontentement. Aussi le mécontentement
pousse-t-i1 partout et se resème universellement comme le chiendent et l'ortie.
Les voisins en ensemencent votre potager et vous en ensemencez le potager des
voisins.
Commencez donc par jeter au feu de la joie toutes vos graines de mécontentement;
arrachez ensuite les plants qui lèvent, puis semez, semez sans trève la graine
de contentement. Non seulement le contentement étouffera le mécontentement chez
vous, mais encore il se répandra chez les autres et, partout où vous irez, sera
une atmosphère de contentement.
145
Que désirez-vous? Être comblé, c'est-à-dire être plein jusqu'a.u faîte. L'état
de plénitude consiste à être rempli à ras bord. Jadis un théologien imagina
cette comparaison pour les bienheureux. Tous ne sont pas également grands et
doués d'un pareil mérite et pourtant tous jouissent d'une totale et parfaite
félicité... C'est qu'ils sont pareils à des vases remplis de la liqueur de
béatitude. Aucun vase n'est de même contenance: les uns tiennent plus et les
autres moins.
Mais tous sont également remplis, si bien qu'il ne reste aucune place vide et
qu'une seule goutte suffit à faire déborder le plus petit comme le plus grand.
Qu'il est facile d'être comblé! Tellement plus que de rester vide.
L'abondance est moins encore un état qu'une attitude et cette attitude se prend
aisément.
Tout est bien. Tout est beau. Tout est bon. Tout est bienveillant. Tout est
heureux. Tout est pur. Tout est simple.
Tout est facile.
Vous venez de vous éveiller et votre journée est ouverte comme un cahier devant
vous. Vous pouvez y inscrire les lignes noires du chagrin ou les lignes dorées
de la joie.
Choisissez le parti de la joie et débutez par une action de grâces envers Ce-
Qui-Est. Que chaque acte, chaque parole, chaque incident vous soit un prétexte
de gratitude. Que la moindre de vos pensées représente u'n élan de confiance en
tout et envers'tout.
146
Votre foi en vous-même et dans le reste de l'univers doit être sans fissure. Ne
soyez perméable à aucun doute, à aucune plainte.
Accueillez ce qui se présente, aimez ce qui se présente, aimez ce qui vient.
L'abondance est actuelle, je vous l'ai dit. Vivez-la donc dans le présent,
c'est-à-dire vivez le présent, ce don supérieur que fait le Divin aux hommes et
qui coule et se renouvelle intarissablement.
Qu'avez-vous besoin d'attendre plus longtemps pour vous procurer l'abondance,
vous en saturer, vous en investir? L'abondance s'acquiert d'emblée, d'un seul
coup, sur l'heure. Vous fermez les yeux dénué, vous vous réveillez abondant.
Pourquoi? Parce que vous vous êtes mis de vous-même en état de grâce.
Vous avez chassé de vous tout esprit de critique et vous êtes devenu
compréhensif de la vie en tout.
Vos proches, votre entourage, vos amis, vos employeurs, vos employés sont bons.
Bon est votre ennemi d'hier, bon l'homme de la rue. Car les uns et les autres ne
sont que votre reflet et c'est votre propre sourire qui vous revient du miroir.
Vos affaires, vos entreprises, vos projets, vos espoirs sont excellents.
Vos repas, vos aliments sont pleins de succulence.
Votre travail est efficace et harmonieux.
Vos plaisirs, vos distractions sont sans lie.
Toute votre journée présente se déroule comme un ruban soyeux qui n'a pas de
fin.
Vous ne souhaitez pas être plus jeune ni plus vieux, mieux ou moins doté. Vous
ne désirez que jouir de l'heure présente et extraire de chaque seconde le
maximum de félicité.
Votre bienveillance est spontanée en même temps qu'universelle.
Vous n'exceptez rien de votre amour.
Je ne vous demande que de faire cet unique essai d'une unique journée d'actions
de grâces, mais aussi d'une journée entière de bénédiction.
LE SECRET DE L'ABONDANCE
147
Si vous n'êtes pas capable de vous maintenir pendant quinze à dix-huit heures
dans un état d'effusion délibérée, vous ne méritez pas que l'abondance
s'engendre dans votre sein. Mais si vous avez le courage de poursuivre
sincèrement ce bref noviciat de la Vie divine, vous sentirez les eaux de
l'abondance sourdre en vous et se répandre de toutes parts.
Non seulement vous aurez assez pour vous, mais vous aurez trop pour vous. Vous
serez à ce point abondant que votre abondance se répandra sur tout ce qui vous
entoure. L'abondance naîtra de vos pensées, de vos gestes, de vos paroles, de
vos actes, de vos silences même et inondera tout autour de vous.
Et le monde sera métamorphosé à vos yeux et vous en acquerrez une telle richesse
d'impression, d'expression, une telle opulence de pensée que tout ce que vous
toucherez se transformera en trésors.
CONCLUSION
Une fois de plus, l'individuel conditionne le social. Sans individu bon, pas de
société bonne. Inaugurer un régime social théoriquement idéal pour amener un
comportement individuel pratiquement parfait, c'est tourner le dos au problème.
Rien d'efficace ni de durable socialement ne peut être obtenu que du
perfectionnement individuel.
Beaucoup de mes lecteurs n'ont pas compris ou ont compris imparfaitement, et ont
considéré mes conseils de libération spirituelle comme une invitation à
s'affranchir des devoirs sociaux. C'est là une fausse interprétation basée sur
une lecture superficielle. En effet, la liberté et l'autonomie en esprit ne
peuvent être l'apanage que des individus très évolués. Ceux dont l'évolution
n'est pas assez avan-
150
cée et qui ne font pas partie de l'élite spirituelle sont promis à tous les
servages jusqu'à ce qu'ils soient dégagés de l'égoïsme individuel.
Qu'on ne s'y trompe pas! Mon individualisme est celui de la tolérance, de la
compréhension, de l'abnégation, de l'élévation, du sacrifice.
Le gouvernement de demain sera celui de la qualité et non de la quantité.
Or, tout ce qui tend à freiner ou contrarier l'évolution est usé ou brisé par
cette même évolution, principalement à l'époque actuelle, où la violence des
réactions économiques est fonction des atteintes de la libre circulation.
Monopoles, trusts, accaparements, etc., s'opposent à l'abondance naturelle. Le
protectionnisme va directement à l'encontre de la loi du Canal. Mais le libre-
échange, tel qu'on l'a compris jusqu'ici, n'est pas davantage conforme à
l'évolution, parce qu'il attend de la concurrence universelle ce qui doit être
obtenu de l'universelle Alliance et de l'égoïsme universel ce qui doit être
obtenu de l'universel Amour.
L'ABONDANCE COLLECTIVE ET SOCIALE 3. Production et répartition d'abondance
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La preuve de ce que j'avance est facile à administrer et, du seul point de vue
matériel, il suffit de considérer la source première de l'abondance objective
qui est la production des biens.
Nul ne conteste que la production humaine, particulièrement des matières
premières et de la nourriture, est de loin supérieure aux besoins, même les plus
étendus de toute l'humanité. Cependant l'humanité manque de tout, par endroits
et par instants, à cause d'une répartition défectueuse due à l'égoïsme, à
l'ignorance et à la mauvaise volonté.
Les règles de l'abondance tendent précisément à effectuer cette répartition
d'une manière absolument idéale, non au moyen de systèmes (qui s'effondrent les
uns après les autres), mais empiriquement, par collaboration désintéressée avec
le Divin.
Tout revient donc, une fois de plus, au comportement individuel, seul capable
par la progression spirituelle de chacun d'amener l'ère de compréhension
économique. Mais comme il n'est pas possible d'incliner d'un seul coup tous les
individus d'une nation et toutes les nations de la terre vers l'attitude
d'universelle intelligence, c'est à des élites spirituelles spécialement
évoluées qu'il appartient d'appliquer les lois de l'abondance vraie dans le
monde app<ucnt.
1. La loi du Canal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
.
2. Nous sommes des intermédiaires ..................
3. Une sainte prodigalité ...........................
4. Servir l'Intelligence supérieure .....................
5. L'abondance d'esprit ............................
6. Un rendement de cent pour un ...................
7. L'abondance délibérée ... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
8. Le contentement, la richesse des richesses .... . . . . . . .
9. L'état de plénitude .............................
10. Une journée de béatitude ........................
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