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Aspects chirurgicaux
de la transplantation rénale
chez l’homme
G. Karam, J. Branchereau, F. Luyckx, X. Tillou

La technique de transplantation rénale n’a pas subi de changement majeur depuis la description de Kuss
dans les années 1950. Elle s’est en revanche élargie à des patients ayant des anomalies urologiques ou
ayant besoin d’une transplantation d’un autre organe, comme le pancréas. Des adaptations techniques
sont devenues nécessaires. Dans cet article, nous décrivons la technique dite « de base », puis toutes les
variantes en fonction du receveur et de ses antécédents chirurgicaux et en fonction du transplant et de ses
anomalies. À une époque où les transplants sont rares et précieux, il est impératif de connaître toutes les
possibilités chirurgicales afin d’optimiser l’utilisation des transplants et d’éviter leur perte.
© 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Transplantation ; Transplantations combinées ; Anomalies du bas appareil urinaire ; Dérivation

Plan qualité de vie supérieure à celle obtenue avec la dialyse quel que
soit son type. Les premières transplantations rénales ont été
¶ Introduction 1 réalisées chez le chien au début du XX e siècle [1] suite aux
travaux d’Alexis Carrel et d’André Jaboulay à Lyon sur les
¶ Préparation du patient 1
sutures vasculaires. La première transplantation rénale chez
¶ Préparation du transplant 2 l’homme a été réalisée par Voronoy en 1936 au niveau de la
¶ Technique de transplantation en fosse iliaque 3 face interne de la cuisse utilisant les vaisseaux fémoraux et une
Installation et abord 3 dérivation urétérocutanée. Mais c’est René Kuss qui est consi-
Temps vasculaire 3 déré comme « le père » de la technique actuelle de transplanta-
Temps urinaire 4 tion puisqu’il a été le premier à utiliser la voie iliaque
Postopératoire 4
extrapéritonéale au début des années 1950. Cette technique a
¶ Transplantation pédiatrique 5 été améliorée au fil du temps, ce qui a permis, en association
¶ Transplantations itératives 5 avec l’amélioration des traitements immunosuppresseurs – on
¶ Transplantations multiorganes 6 est bien loin des corticoïdes à fortes doses et de l’irradiation des
receveurs – de diminuer les complications vasculaires et urinai-
¶ Transplantation et problèmes artériels 6
Sur le transplant 6 res et, par conséquent, de diminuer la morbidité et la mortalité
Chez le receveur 8 des receveurs. La chirurgie « de base » de la transplantation est
bien codifiée et adaptée à la plupart des receveurs, mais cette
¶ Transplantation et problèmes veineux 8
technique doit toujours tenir compte à la fois du patient et de
Sur le transplant 8
Chez le receveur 8 ses particularités chirurgicales et du transplant et de ses
variations anatomiques. Nous allons donc décrire la technique
¶ Transplantation et problèmes d’uretère 8
« de base » utilisée en première intention puis les différentes
Uretère sectionné ou mal vascularisé 8
variations en fonction du transplant et du receveur.
Uretère double 8
Hydronéphrose 8
¶ Doubles transplantations 9
¶ Transplantations orthotopiques 9 ■ Préparation du patient
¶ Transplantations et anomalies du bas appareil urinaire 9
Vessie défonctionnalisée 10 La préparation du patient est une étape clé. Elle a pour but
Entérocystoplasties d’agrandissement 10 de rechercher les contre-indications définitives ou temporaires
Urétéro-iléostomie type Bricker 10
comme les infections actives virales ou bactériennes et les
¶ Cas rares 11 antécédents néoplasiques qui nécessitent un traitement avant la
transplantation. Elle permet, en outre, de préciser les éventuelles
particularités urologiques : absence d’uretère d’un côté, trans-
■ Introduction plantation antérieure, dérivation urinaire.
Les facteurs de morbidité sont répertoriés et traités au mieux
La transplantation rénale est actuellement le meilleur traite- avant la transplantation : coronaropathie, diabète, obésité,
ment de l’insuffisance rénale chronique offrant aux patients une troubles de la coagulation (anticorps antiphospholipides, facteur

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V de Leiden), traitement anticoagulant, diverticulose sigmoï-


dienne. Une attention particulière est accordée à l’état vasculaire
aorto-iliaque du patient étant donné que les receveurs sont de
plus en plus âgés avec une proportion élevée de diabétiques et
d’obèses. Un échodoppler est systématique, sauf chez les sujets
jeunes sans antécédents vasculaires et sans notion de diabète,
avant l’inscription puis renouvelé d’une façon annuelle ou tous
les 2 ans tant que le patient n’est pas transplanté. En cas
d’anomalies ou si le patient est diabétique et a plus de 45 ans,
une tomodensitométrie spiralée et non injectée est demandée
pour préciser les calcifications artérielles, leur siège, leur étendue
et surtout leur caractère circonférentiel ou non.

■ Préparation du transplant
Figure 2. Veine rénale droite allongée par un patch cave.
La première étape de la préparation est le prélèvement lui-
même. On ne répétera pas assez qu’il est primordial de prélever
le rein dans le plan de la néphrectomie simple ou de retirer la
graisse périrénale ex vivo et cela, avant de mettre le rein dans
le récipient de conservation. Cela permet, d’une part, de ne pas
méconnaître une lésion tumorale et, d’autre part, de fournir à
l’équipe de transplantation un schéma anatomique le plus
proche de la réalité. Quelques règles simples permettent
d’obtenir un transplant de bonne qualité, quand elles sont
respectées : dégraisser le rein sauf dans le hile, ne pas le
décapsuler, ne pas tirer sur les vaisseaux pour éviter une
dissection de l’intima, laisser la veine cave inférieure (VCI)
entière à droite, laisser un uretère long et bien entouré de sa
graisse surtout au niveau du pôle inférieur du rein et enfin ne
pas hésiter à avertir directement l’équipe de transplantation de
tout incident. Toutes ces règles permettent d’éviter une anes- Figure 3. Dissection minime de l’intima située juste au niveau de
l’ostium.
thésie générale inutile chez le receveur.
Le transplant rénal doit en principe être vérifié juste avant
l’induction anesthésique, mais il faut aussi éviter de le préparer
plusieurs heures avant la transplantation. Le transplant est posé,
face antérieure en avant, sur des compresses dans une cupule
contenant de la glace pilée stérile et du liquide de conservation.
Le parenchyme rénal est vérifié pour ne pas méconnaître une
éventuelle lésion tumorale (Fig. 1). La veine rénale droite est
allongée par le patch cave qui doit systématiquement l’accom-
pagner (Fig. 2). Toutes les collatérales veineuses, surtout à
gauche, doivent être recherchées (veine surrénalienne moyenne,
veine génitale, système azygolombaire) et liées au fil non
résorbable monobrin. On vérifie ensuite la qualité du patch
artériel s’il est présent et on n’hésite pas à le supprimer s’il est
athéromatheux ou s’il y a une ébauche de dissection au niveau
de l’ostium de l’artère rénale (Fig. 3). On recherche une
éventuelle dissection de l’intima qui parfois peut être minime
(Fig. 4). La dissection de l’artère et de la veine du transplant ne
doit pas être intrahilaire pour éviter de léser des collatérales
artérielles. Tous les tissus sectionnés doivent être préalablement Figure 4. Petite « tache » noire signant l’existence d’une dissection de
liés au fil fin, 5/0 par exemple, pour diminuer le risque de l’intima avec présence d’un caillot.
lymphorrhée.

En cas d’artères multiples, la reconstruction est faite en


fonction du nombre des artères, leur calibre et leur topographie
par rapport aux pôles du transplant.
Ensuite, on vérifie l’uretère, s’il est unique ou non et surtout
s’il est bien entouré de sa graisse, en particulier au niveau du
pôle inférieur du rein.
L’hémostase et la lymphostase doivent être parfaites et
réalisées au mieux par du fil monobrin, non résorbable et fin,
5/0 par exemple.
Enfin, deux biopsies sont réalisées de préférence au niveau du
pôle inférieur soit en « quartier d’orange », soit à l’aiguille et,
dans ces cas, il faut éviter une ponction perpendiculaire au
parenchyme pour éviter les plaies vasculaires au niveau du hile
Figure 1. Deux tumeurs de petite taille découvertes à la fin du « dé-
rénal. Ces biopsies sont systématiques dans certains centres,
graissage » du rein.
facultatives dans d’autres, mais, quand on décide de les faire, il

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faut tenir compte des facteurs de risque hémorragique tel un


traitement par antivitamine K par exemple. Le site des biopsies
est suturé par des points en « X », en prenant soin de ne pas les
serrer, car ces points déchirent le parenchyme qui augmente de
volume une fois revascularisé.

■ Technique de transplantation
en fosse iliaque
Pour certains, la première transplantation est toujours réalisée
en fosse iliaque droite. En fait, tout dépend des habitudes de
chaque équipe et il n’y a aucun argument scientifique pour
transplanter le rein droit à droite ou l’inverse ou d’utiliser
systématiquement la fosse iliaque droite que le transplant soit
droit ou gauche.

Installation et abord
Le receveur est en décubitus dorsal, les bras en croix. Une
sonde de Foley est mise en place, permettant de vider la vessie
puis de la remplir avec presque 200 ml de sérum physiologique
mélangé ou non à une solution antiseptique. Un tube supplé- Figure 6. Exposition des vaisseaux iliaques après refoulement du
péritoine.
mentaire stérile est interposé entre la sonde de Foley et le sac
urinaire, rendant facile le déclampage de la sonde par l’infir-
mière au moment du temps urinaire. Le remplissage de la vessie
peut se faire aussi bien avant la mise en place des champs
opératoires qu’à la fin des sutures vasculaires selon les habitudes
en haut et en dedans pour créer un espace suffisant pour le
de chacun surtout si le patient est anurique depuis longtemps.
transplant. Il faut éviter, lors de ce temps opératoire, d’être trop
La désinfection cutanée est réalisée le plus souvent par une
près du muscle psoas afin de ne pas léser le nerf fémorocutané.
solution antiseptique iodée sauf en cas d’allergie connue à
Le champ opératoire est exposé par un ou deux écarteurs
l’iode. Il faut aussi tenir compte des allergies éventuelles au
latex, de plus en plus fréquentes, et plus rarement à l’oxyde adaptés à la morphologie du receveur. On commence par la
d’éthylène. dissection de la veine iliaque externe sur sa face antérieure le
L’incision est iliaque arciforme allant du pubis jusqu’à l’épine plus près possible de l’artère iliaque. Elle doit être totalement
iliaque antérosupérieure et en restant à presque deux travers de mobilisée en sectionnant les tissus qui l’entourent après ligature
doigt en dedans (Fig. 5). L’hémostase est faite minutieusement par du fil ou de préférence par clips pour éviter les écoulements
avant d’ouvrir l’aponévrose du muscle grand oblique. On repère lymphatiques. Toute collatérale postérieure est liée et section-
ensuite le bord externe du muscle grand droit le long duquel on née, ce qui permet de mobiliser la veine iliaque et de la
incise l’aponévrose, évitant toute section musculaire, source de « superficialiser » pour éviter plus tard une traction excessive sur
saignement et de réparation fragile. la veine du transplant, source de thrombose. L’artère iliaque
Les vaisseaux épigastriques sont repérés et sectionnés entre externe est, en revanche, libérée a minima pour le clampage
deux ligatures. En suivant leur extrémité proximale, on repère proximal et distal. Seule la zone de l’anastomose artérielle est
facilement la face antérieure de la veine iliaque externe. Le complètement débarrassée des tissus qui l’entourent (Fig. 6) et
péritoine est ensuite refoulé en dedans et en haut, permettant cela n’entrave pas l’exposition de la veine iliaque. À la fin de ce
de libérer chez l’homme le cordon spermatique qui est disséqué temps, le choix des sites d’implantation veineuse et artérielle est
et refoulé en dedans. Chez la femme, le ligament rond est déjà fait en fonction de la longueur de chaque vaisseau et cela,
sectionné entre deux ligatures. On finit par refouler le péritoine afin d’éviter traction et/ou coude.
Une fois cette préparation terminée, le transplant est emmené
dans le champ opératoire. Un prélèvement du liquide de
conservation à visée bactériologique et parasitologique est
réalisé.

Temps vasculaire
On commence par l’anastomose veineuse en utilisant de
préférence deux clamps coudés pour le clampage veineux.
Certains utilisent un seul clamp type Satinsky, mais celui-ci offre
moins de souplesse au moment du déclampage, car il libère au
même moment les deux côtés de l’anastomose. La phlébotomie
est longitudinale sur la face antérieure de la veine. Sa longueur
est adaptée au diamètre de la veine rénale. Il faut à tout prix
éviter une phlébotomie courte donnant un aspect en « sablier »
inesthétique, voire dangereux, car le risque de thrombose est
augmenté. L’anastomose est réalisée en terminolatérale par
surjet monobrin non résorbable de 6/0 ou 5/0 selon les habitu-
Figure 5. Incision iliaque arciforme partant du pubis jusqu’à deux des après passage d’un fil doublement serti à chaque extrémité
travers de doigt en dedans de l’épine iliaque antérosupérieure.
de la phlébotomie. Les surjets peuvent être réalisés de l’extérieur

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opposé à l’opérateur par voie endoluminale, en prenant soin de


passer toujours les points de dedans en dehors sur l’artère
iliaque et cela afin de ne pas décoller une éventuelle plaque
d’athérome à l’origine d’une dissection intimale. Une fois
l’anastomose terminée, le clamp d’aval est enlevé, permettant
l’expansion de l’anastomose et cela avant de nouer les deux
.2
brins du surjet. On évite de remplir l’anastomose par du sérum
physiologique, car le risque de décoller l’intima de l’artère
iliaque n’est pas négligeable.
Pour certains et en cas d’artère de petit calibre, l’anastomose
Figure 7. Anastomose veineuse réalisée par deux hémisurjets de cha- artérielle peut être réalisée par points séparés.
que côté. Le clamp sur la veine du transplant est enlevé et, en l’absence
de saignement majeur, on retire le clamp artériel d’amont. La
coloration du transplant est vérifiée, ainsi que les battements au
niveau de l’artère du transplant et de l’artère iliaque, en aval de
l’anastomose. Nous vérifions ensuite l’absence de saignement au
niveau du hile rénal, l’hémostase doit être parfaite avant de
passer au temps urinaire.
Le transplant est ensuite placé dans la loge sous-péritonéale
en respectant un trajet direct de ses vaisseaux sans coude ou
traction. L’uretère du transplant est ensuite passé en arrière du
cordon spermatique chez l’homme, sinon c’est l’obstruction
assurée.

Temps urinaire
La continuité urinaire est rétablie selon la technique extravé-
sicale de Lich-Gregoir. La face antérolatérale de la vessie est
Figure 8. Artériotomie réalisée avec un perforateur artériel de 4,8 mm exposée. Il est préférable de réaliser l’implantation urétérale le
(en cartouche). plus postérolatéral possible et non sur la face antérieure qui est,
certes, plus facile à exposer, mais qui pose davantage de
problèmes de coude de l’uretère à vessie pleine et de cathétéri-
sation endoscopique quand c’est nécessaire. Le détrusor est
exposé soit par un point de traction à l’extrémité distale de
l’incision, soit par deux points de part et d’autre de l’incision.
Il est ensuite ouvert sur 4 à 5 cm et la muqueuse est largement
exposée latéralement. Cela permet un enfouissement sans
compression et un trajet antireflux efficace. L’uretère est
sectionné de sorte à avoir un trajet direct sans tension, mais
sans redondance non plus. Son pédicule est lié et sectionné au
même niveau que la section urétérale. L’extrémité de l’uretère
est incisée longitudinalement sur presque 2 cm et suturée à la
muqueuse vésicale au fil monobrin résorbable 6/0, voire 5/0. Les
deux derniers points prennent la paroi vésicale en totalité, ce
qui permet un ancrage de l’uretère du transplant et un maintien
de la longueur du trajet antireflux. La fermeture du détrusor se
Figure 9. Anastomose artérielle réalisée d’une façon suspendue au fait aussi au fil résorbable 3/0 par des points séparés sans
début. tension et en vérifiant que l’uretère est resté bien libre dans son
trajet antireflux. Le drainage par une sonde double J est
.3 systématique pour certains [2] . Pour nous, il est électif en
fonction des difficultés techniques, de l’état de l’uretère du
en basculant le transplant d’un côté puis de l’autre (Fig. 7).
transplant et de la qualité de la vessie du receveur.
Cette anastomose peut néanmoins être faite sans mobiliser le
L’artère et la veine du transplant sont encore une fois
transplant, le surjet du côté opposé à l’opérateur étant réalisé
par voie endoluminale. Une fois la suture terminée, un clamp vérifiées ainsi que la coloration et la consistance du transplant.
type « bulldog » est mis sur la veine du transplant. L’anasto- Le site opératoire est lavé au sérum physiologique chaud. Un,
mose est remplie par du sérum physiologique hépariné voire deux drains aspiratifs sont laissés en place, mais, là aussi,
(5 000 UI/l), ce qui permet d’en chasser l’air et d’en tester il n’y a pas de dogme et, dans certains cas, le drainage n’est pas
.1 l’étanchéité. Le clamp proximal est enlevé en premier, ce qui du tout indispensable.
évite l’hyperpression veineuse lors du retrait du clamp distal et L’incision musculaire est refermée en deux plans après une
du rétablissement du retour veineux. dernière vérification de l’hémostase et de la position des
L’artériotomie est ensuite réalisée à la lame pointue sur la face vaisseaux du transplant.
antérieure. Elle est décalée en amont ou en aval de l’anastomose
veineuse et cela en fonction de la longueur de l’artère par
rapport à la veine. En l’absence de patch aortique, nous avons Postopératoire
l’habitude de réaliser une artériotomie à l’emporte-pièce en
utilisant un perforateur artériel de 4,8 mm, ce qui facilite Nous réalisons systématiquement une échographie et un
l’anastomose et diminue le risque de sténose (Fig. 8). L’anasto- Doppler à j1 ou j2. Ces deux examens servent de contrôle de
mose est réalisée avec un surjet suspendu de monobrin non l’état vasculaire et de la voie excrétrice du transplant. Les drains
résorbable 6/0 ou 5/0 (Fig. 9). On a l’habitude de réaliser le plan sont retirés selon les habitudes de chaque chirurgien. La sonde

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de Foley est retirée entre j5 et j6. Il faut vérifier la diurèse après


le retrait de la sonde afin de dépister une éventuelle rétention
chez un homme âgé. L’examen clinique est quotidien à la
recherche d’œdème scrotal ou de tout autre signe évocateur de
fistule urinaire. Enfin, il ne faut pas oublier de programmer le
retrait la sonde double J sous anesthésie locale et en consulta-
tion externe, 2 à 4 semaines plus tard.

■ Transplantation pédiatrique

L’insuffisance rénale chronique touche 8 à 10 enfants par


million et par an avec donc presque 80 nouveaux inscrits de
moins de 16 ans sur la liste de transplantation rénale en France.
La transplantation rénale est le traitement le plus adapté et cela,
quel que soit l’âge de l’enfant en termes de croissance et de
scolarisation. Il est inutile d’attendre la mise en place de la
dialyse pour entamer le processus de la transplantation, 25 %
des enfants aux États-Unis sont transplantés en préemptif.
Les malformations congénitales représentent 20 % à 30 % des
étiologies de l’insuffisance rénale terminale et il est donc
indispensable de traiter ces anomalies avant la transplantation,
mais il est aussi important d’intégrer toute intervention
chirurgicale dans le programme de la transplantation afin
d’éviter les interventions inutiles [3]. Figure 11. Transplantation pédiatrique avec les deux reins « en bloc »
prélevés chez un donneur de moins de 2 ans.
La technique utilisée dépend du poids du receveur et de la
taille du donneur. Si le poids du receveur est supérieur à 20 kg,
la transplantation rénale obéit aux mêmes règles que celles de
la transplantation adulte surtout si le transplant est de petite
taille. En revanche, si l’enfant pèse moins de 20 kg ou si le soit le plus postérolatéral possible, ce qui évite les coudes de
transplant est de grande taille, il faut privilégier l’implantation l’uretère à vessie pleine et facilite le cathétérisme endoscopique
sur la VCI et l’origine de l’artère iliaque primitive droite quand c’est indiqué. Le drainage vésical chez les petits garçons
(Fig. 10), voire l’aorte terminale et cela par voie intra- ou se fait de préférence par une sonde de cystostomie plutôt que
extrapéritonéale [4]. Cette implantation haute a pour but de par une sonde urétrale. Une prophylaxie antithrombose, plus
diminuer le risque de thrombose vasculaire qui est plus impor- longue que chez l’adulte, diminue le risque de thrombose
tant que chez l’adulte et qui reste l’une des premières causes de tardive, mais l’utilisation systématique d’une sonde double J ne
perte précoce du transplant (10 %). Nous avons l’habitude semble pas diminuer les complications urologiques [5] même
d’administrer 25 UI/kg d’héparine avant le clampage veineux. chez les enfants ayant des antécédents de chirurgie
Le transplant rénal est placé derrière le côlon droit, ce qui le urologique [6].
laisse accessible aux biopsies et aux autres gestes percutanés sans Les donneurs de moins de 15 kg sont à haut risque de
risque digestif. La vessie est utilisée chaque fois que c’est complications surtout vasculaires, d’où l’idée d’utiliser les deux
possible. Nous privilégions l’anastomose extravésicale selon reins « en bloc ». La survie des transplants à 1 an va de 60 % [7]
Lich-Gregoir et, comme chez l’adulte, il faut que l’anastomose à 79 % [8]. Les deux reins sont prélevés « en bloc » avec l’aorte
et la veine cave inférieure. Les extrémités proximales sont
refermées et on utilise les extrémités distales pour la réalisation
des anastomoses. Les uretères sont anastomosés en latérolatéral
et réimplantés dans la vessie dans un seul tunnel antireflux
(Fig. 11).

■ Transplantations itératives
Quand il s’agit d’une seconde transplantation, c’est la fosse
iliaque controlatérale qui est utilisée sans considérations
particulières. Le transplant est placé soit face postérieure en
avant, soit pôle supérieur en bas selon les habitudes du chirur-
gien et la disposition des vaisseaux du transplant.
En revanche, quand il s’agit d’une troisième transplantation,
nous avons le choix entre l’utilisation d’une fosse iliaque déjà
utilisée et l’utilisation d’un site « vierge » plus en amont au
niveau des vaisseaux iliaques primitifs. La fosse iliaque peut être
utilisée sans trop de difficultés quand le précédent transplant a
été retiré précocement, entraînant ainsi très peu de fibrose
autour des vaisseaux dont la dissection reste facile. La fosse
Figure 10. Transplantation pédiatrique sur la veine cave inférieure et iliaque droite peut aussi être utilisée si la transplantation
sur l’artère iliaque primitive droite.
précédente a été réalisée en situation « haute » sur les vaisseaux

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iliaques primitifs. Cependant, la plupart des troisièmes, voire


quatrièmes transplantations sont faites au niveau de la VCI et
■ Transplantation et problèmes
de l’artère iliaque primitive droite par une incision médiane artériels
transpéritonéale ou transversale. L’abord extrapéritonéal est
possible [9], mais plus long et plus difficile à réaliser.
Sur le transplant
Il faut vérifier l’état artériel et veineux par un échodoppler et
s’assurer de la présence de l’uretère par l’interrogatoire, l’histoire
de la transplantation ultérieure et par une urétéropyélographie Artères multiples
rétrograde si nécessaire, car on peut être amené à réaliser une
Il est primordial que le chirurgien préleveur fournisse les
anastomose urétéro-urétérale de première intention. En effet,
informations les plus exactes sur l’anatomie vasculaire du
une anastomose urétéro-urétérale terminoterminale, voire
transplant, car la préparation va dépendre de la complexité de
terminolatérale est le plus souvent préférable à l’implantation
ces variations.
urétérovésicale. Une double J est systématiquement mise en
Deux artères peu distantes sur le même patch ne justifient
place et retirée avant 1 mois (Fig. 10).
aucun geste particulier (Fig. 13). En revanche, si la distance
entre les deux ostiums est supérieure à 2 cm, il est préférable de
raccourcir le patch entre les ostiums pour que l’anastomose
■ Transplantations multiorganes artérielle ne nécessite pas une artériotomie trop longue (Fig. 14).
En cas d’artère polaire avec ou sans patch, on privilégie sa
Les transplantations multiorganes sont rares en dehors des réimplantation dans le tronc principal en terminolatéral pour
transplantations rénales et pancréatiques. Elles sont plus n’avoir ainsi qu’une seule artériotomie à faire chez le receveur
souvent combinées à partir du même donneur, mais elles (Fig. 15). Il est maintenant exceptionnel d’utiliser l’artère iliaque
peuvent aussi être asynchrones. interne, car le risque de sténose anastomotique est plus
important.
Les transplantations combinées rein-pancréas sont réalisées
On peut en revanche être amené à faire deux implantations
par une voie médiane transpéritonéale avec, pour le pancréas,
séparées quand les deux artères sont éloignées l’une de l’autre.
un drainage veineux porte et intestinale via une anse jéjunale
Une fois la première anastomose terminée, l’artère est déclam-
de Roux [10]. Une fois la transplantation pancréatique terminée,
pée et le transplant est placé dans sa loge. L’artère iliaque est à
le péritoine est décollé pour aborder les vaisseaux iliaques
nouveau clampée en aval de la première anastomose et l’artère
externes gauches et permettre de placer le rein dans la fosse
polaire est raccourcie pour éviter sa plicature. La seconde
iliaque gauche en extrapéritonéal selon la technique habituelle
anastomose est donc réalisée transplant en place (Fig. 16).
(Fig. 12). Si les vaisseaux iliaques gauches sont inutilisables, le
transplant rénal est placé à droite avec une anastomose artérielle
iliaque externe en aval de l’anastomose pancréatique.
Pour les transplantations combinées foie-rein et cœur-rein, la
transplantation rénale est toujours effectuée après la transplan-
tation hépatique ou cardiaque et après stabilisation de l’état
hémodynamique du patient. Le transplant rénal est placé dans
une des fosses iliaques et en extrapéritonéal par un abord direct,
le choix du côté droit ou gauche n’étant imposé par aucun
impératif technique spécifique.

Figure 13. Anastomose artérielle avec deux artères peu distantes sur le
même patch.

Figure 12. Transplantation rein-pancréas par incision médiane transpé-


ritonéale : le pancréas est placé derrière le côlon droit tandis que le rein est Figure 14. Deux artères distantes sur patch : patch raccourci permet-
placé derrière le sigmoïde. tant de réaliser une seule anastomose.

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Figure 15. Artère polaire réimplantée en terminolatéral dans le tronc Figure 17. Deux artères sans patch : anastomose latérolatérale puis
principal. implantation par une seule artériotomie.

perforateur artériel qui facilite l’anastomose et diminue le risque


de sténose à long terme. Nous utilisons un surjet monobrin non
résorbable 6/0 ou 5/0.
Pour les transplants provenant de donneurs décédés, le patch
peut manquer suite à un problème technique comme il peut
être délibérément supprimé par le chirurgien, car il est athéro-
mateux ou trop rigide par rapport à l’artère rénale elle-même,
ce qui entraîne un coude postostial. S’il y a deux artères sans
patch, elles sont ouvertes longitudinalement sur presque 1 cm
et anastomosées en latérolatéral par surjet (Fig. 17).

Anévrisme artériel
C’est une situation exceptionnelle, mais le transplant peut
être utilisé après excision de l’anévrisme et réparation de l’artère
(Fig. 18).

Dissection de l’artère du transplant


Figure 16. Deux artères distantes sur patch : section du patch et
La dissection peut être minime sur une artère saine (Fig. 18).
réimplantation par deux artériotomies séparées.
Une résection de la zone disséquée et une suture terminotermi-
nale sont réalisées et le rein est transplanté. Si la zone de
dissection est proche du patch aortique, l’artère du transplant
Artères sans patch est sectionnée en aval de la dissection et utilisée sans patch. En
revanche, si la dissection se prolonge vers le hile ou si l’artère
C’est une situation habituelle en transplantation rénale à rénale est athéromateuse le transplant n’est pas utilisé, car le
partir d’un donneur vivant. Nous utilisons, dans ces cas, un risque de thrombose artérielle est majeur.

Figure 18. Après excision de l’anévrisme, l’artère est refermée par un surjet non résorbable monobrin de 6/0.

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Figure 19. Anastomose artérielle sur prothèse après artériotomie à


l’emporte-pièce utilisant un perforateur de 4,8 mm.

Artère rénale sectionnée Figure 20. Veine rénale courte allongée par un patch iliaque prélevé
chez le donneur.
Une section sans perte de substance n’est pas préjudiciable.
Les deux extrémités sont repérées, recoupées si nécessaire et
surtout légèrement ouvertes longitudinalement pour que la
suture soit plus elliptique que circulaire, ce qui expose à moins contrairement au réseau artériel. Si deux veines sont de calibre
de risque de sténose. égal, elles peuvent être anastomosées en latérolatéral et réim-
S’il s’agit d’une polaire de petit calibre, elle est liée surtout si plantées par une seule phlébotomie.
elle est supérieure. Si elle est polaire inférieure, sa ligature
pourrait détériorer la vascularisation urétérale. Il est plus que
jamais indispensable de vérifier la vascularisation de l’uretère Chez le receveur
avant le rétablissement de la continuité urinaire. Nous n’hési- C’est la thrombose veineuse qu’il faut rechercher lors du
tons pas, en cas de coloration douteuse de l’uretère du trans- bilan prétransplantation. Elle est suspectée en cas d’antécédents
plant, à utiliser l’uretère natif soit en terminoterminal, soit en de transplantation, de dialyse par cathéter fémoral ou tout
terminolatéral. La suture est, dans ces cas, toujours protégée par simplement de cathéter fémoral de perfusion. En cas de throm-
une sonde double J. bose iliaque, on utilisera la VCI dans sa partie proximale.
Dans les rares cas d’agénésie ou de thrombose de la VCI et de
Chez le receveur veines iliaques non utilisables, il est toujours possible d’utiliser
la veine mésentérique supérieure [11] ou inférieure [12], l’artère
Le bilan prétransplantation, échodoppler et tomodensitomé- est ensuite implantée sur l’artère iliaque primitive droite.
trie spiralée, devrait permettre de préciser l’état vasculaire du L’utilisation de la veine ovarienne a aussi été décrite [13], mais
receveur et de prévoir le site d’implantation artérielle en nous ne l’utilisons pas, car sa paroi est fragile, se déchire
fonction de l’existence ou non de calcifications artérielles. facilement et que le risque de thrombose post-transplantation
Quand les calcifications sont importantes et surtout circonfé- est élevé.
rentielles, on peut proposer, surtout si le patient a des signes
cliniques d’insuffisance artérielle, la mise en place d’une
prothèse aorto-iliaque sur laquelle l’artère du transplant est ■ Transplantation et problèmes
implantée (Fig. 19). L’utilisation d’un perforateur artériel est
indispensable, permettant de faciliter l’anastomose et surtout d’uretère
d’éviter la sténose.
Le bilan prétransplantation doit éviter le recours à une Uretère sectionné ou mal vascularisé
endartériectomie ou à la mise en place d’une prothèse pendant
la transplantation. Cela augmente la durée de l’intervention et L’uretère natif est utilisé en première intention pour réaliser
le risque de complications postopératoires. une anastomose pyélo-urétérale protégée par une sonde
double J.

■ Transplantation et problèmes Uretère double


veineux Les deux uretères sont anastomosés en latérolatéral et réim-
plantés dans la vessie dans un seul tunnel antireflux selon la
Sur le transplant technique de Lich-Gregoir. Une implantation séparée peut aussi
être réalisée, mais elle nécessite une séparation des deux
Il est impératif de prélever le rein droit avec la VCI pour uretères, ce qui risque de compromettre leur vascularisation
éviter d’utiliser un transplant avec une veine courte source de distale.
thrombose potentielle. Si la veine est sectionnée accidentelle-
ment dans le hile rénal, le chirurgien préleveur doit le signaler Hydronéphrose
et prélever un patch veineux iliaque qui sert, au moment de la
préparation du transplant, à allonger cette veine (Fig. 20). Là aussi, l’uretère natif peut être utilisé. Il est sectionné haut.
Dans certains cas, la veine rénale est « abîmée » avec de L’extrémité proximale est liée. L’extrémité distale est ouverte
nombreuses collatérales sectionnées et non liées. La réparation longitudinalement sur presque 15 mm et anastomosée au
reste possible, mais le risque de thrombose devient plus impor- bassinet par deux hémisurjets de fil monobrin résorbable 6/0 ou
tant et, dans certains cas, il faut savoir surseoir à la transplan- 5/0. Une sonde double J est systématiquement mise en place et
tation plutôt que de prendre des risques inutiles d’échec et retirée 2 à 4 semaines plus tard.
d’immunisation, rendant plus difficile une transplantation Cependant, une alternative consiste à effectuer une plastie
ultérieure. En cas de veines secondaires, leur ligature ne pose type « YV » de la jonction pyélo-urétérale qui permet de
aucun problème car les connexions intrarénales existent préserver la vascularisation urétérale (Fig. 21).

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Figure 21. Hydronéphrose découverte en préparant le transplant :


plastie en « YV » préservant la vascularisation artérielle de l’uretère.

■ Doubles transplantations
Il s’agit de reins qualifiés de « marginaux », car provenant de
donneurs ayant d’importants facteurs de risque tels le diabète,
l’hypertension artérielle, une fonction rénale limite et des Figure 22. Bitransplantation ipsilatérale avec anastomose sur la veine
lésions histologiques capillaires et glomérulaires. Les deux reins, cave inférieure et l’artère iliaque primitive droite puis sur les vaisseaux
provenant du même donneur, sont transplantés chez le même iliaques externes. Les deux uretères sont anastomosés en latérolatéral et
receveur, en général de plus de 65 ans, pour augmenter le implantés avec un seul tunnel antireflux.
capital néphronique et lui offrir une meilleure fonction rénale.
Plusieurs techniques peuvent être utilisées. La technique la plus
classique consiste à transplanter chaque rein dans une fosse
iliaque par une incision séparée. L’avantage est de séparer les
transplants et d’éviter qu’une complication, surtout infectieuse,
ne les touche en même temps. L’inconvénient majeur est
d’augmenter la durée de l’intervention et d’utiliser deux sites
vasculaires chez des patients à risque. La double incision iliaque
peut être remplacée avantageusement par une seule incision
médiane sous-péritonéale [14], permettant de placer chaque rein
dans une fosse iliaque. D’autres auteurs ont proposé l’implan-
tation unilatérale des deux reins [15, 16] . Le rein droit est
transplanté en premier sur la VCI et l’artère iliaque primitive
droite. Après le déclampage, le rein gauche est transplanté plus
bas sur les vaisseaux iliaques externes (Fig. 22).

■ Transplantations orthotopiques
Le concept a été décrit par Gil Vernet qui a rapporté en
1989 les résultats de 139 cas [17]. Les avantages étaient pour cet
auteur :
• la non-utilisation de l’uretère du transplant, évitant les
problèmes ischémiques ;
• la non-utilisation des axes artériels iliaques surtout l’axe
iliaque interne diminuant le risque de dysfonctionnement Figure 23. Transplantation rénale en position orthotopique selon Gil
érectile par vol artériel ; Vernet avec utilisation de la veine rénale gauche après néphrectomie et
l’artère splénique. Anastomose pyélopyélique avec sonde double J.
• l’accès endoscopique aisé.
Ce type de transplantation s’adresse aux patients multiopérés
ou, d’une façon beaucoup plus exceptionnelle, à des sportifs de
haut niveau chez qui le transplant doit être protégé contre les On peut aussi utiliser la fosse lombaire droite et réaliser la
traumatismes liés au sport. Par un abord lombaire et extrapéri- transplantation par voie transpéritonéale. Les anastomoses
tonéal, une néphrectomie gauche est réalisée ainsi qu’une vasculaires sont réalisées au niveau de la veine mésentérique
supérieure et de l’artère iliaque primitive droite.
ligature et section de l’artère splénique. La splénectomie n’est
pas nécessaire. Le transplant est placé dans la fosse lombaire
gauche. L’artère et la veine du transplant sont anastomosées en
terminoterminal à l’artère splénique et à la veine rénale du ■ Transplantations et anomalies
receveur. Si l’artère splénique n’est pas utilisable, une anasto- du bas appareil urinaire
mose terminolatérale est réalisée sur l’aorte. Le bassinet du
receveur est préservé et anastomosé au bassinet du transplant Les anomalies du bas appareil urinaires et les dérivations ne
sous protection d’une sonde double J (Fig. 23). constituent plus de contre-indications à la transplantation

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Figure 24. Transplantation rénale sur une entérocystoplastie. L’implan-


tation urétérale se fait soit sur le détrusor, soit sur le patch iléal. 3
4

rénale dont la survie n’est pas différente de celle observée dans


la population sans ces anomalies. Cependant, la fonction rénale A
semble moins bonne et cela est probablement en rapport avec
la fréquence des infections urinaires. Le but chez ces personnes
est d’avoir un réservoir à basse pression, continent, et qui se
vide complètement, préservant ainsi la fonction du futur
transplant. S’il est toujours préférable d’utiliser les voies
naturelles, il est parfois nécessaire de recourir soit à une
dérivation externe même non continente, soit à un agrandisse-
ment vésical. L’histoire de la maladie, la rapidité de l’évolution
de l’insuffisance rénale et les traitements déjà entrepris permet-
tent de savoir si la vessie est ou non utilisable et de préparer ces
patients avant la transplantation.

Vessie défonctionnalisée 4
L’anurie prolongée est à l’origine d’une rétraction vésicale qui
peut rendre difficile l’implantation urétérale. Cependant, ces
5
vessies retrouvent au bout de quelques semaines un fonction-
nement normal et elles ne justifient aucune mesure particulière
préalable à la transplantation à condition qu’il n’y ait ni 3
obstruction sous-vésicale ni problèmes neurologiques. Le trajet
antireflux risque d’être insuffisant, car le décollement muqueux
est difficile. Dans ces cas, une anastomose urétéro-urétérale de 1 6
première intention est préférable, supprimant ainsi le risque de
fistule vésicale liée à la cystotomie ou de compression urétérale
par un détrusor épais dans un trajet antireflux étroit. B
Figure 25. Transplantation rénale du même côté (A) et dans la fosse
Entérocystoplasties d’agrandissement iliaque opposée à l’anse du Bricker avec anastomose urétéro-urétérale
terminolatérale sans néphrectomie associée (B). 1. Anse iléale du Bricker ;
Les entérocystoplasties sont en général effectuées avant et
2. anastomose urétéro-iléale ; 3. transplant rénal ; 4. uretère gauche ;
non au cours de la transplantation puisque la mauvaise com-
5. uretère du transplant ; 6. anastomose urétéro-urétérale terminolatérale
pliance est souvent un des facteurs de l’insuffisance rénale. En
sur l’uretère natif gauche.
revanche, chez les patients oligoanuriques, l’entérocystoplastie
préalable à la transplantation risque d’être inefficace, car non
entretenue par la diurèse et il faut à ce moment la réaliser, si
nécessaire, après la transplantation. D’où l’importance du bilan risque tumoral à long terme, il serait majoré surtout chez les
urologique qui doit être réalisé bien en amont de l’installation enfants du fait de l’immunosuppression et se pose alors la
de l’oligoanurie. Faut-il réimplanter l’uretère du transplant au surveillance régulière par endoscopie [18].
niveau de la paroi vésicale ou au niveau de l’entéroplastie elle-
même (Fig. 24) ? Tout dépend de la qualité du détrusor. Si Urétéro-iléostomie type Bricker
celui-ci est épais et rétracté, il est préférable de réimplanter
l’uretère dans l’entéroplastie même si le trajet antireflux est La dérivation externe est en général réalisée avec de l’iléon
insuffisant, voire inexistant. Cela n’a pas beaucoup d’impor- avant la transplantation. Là aussi, les problèmes viennent de
tance, car il s’agit d’un réservoir à très basse pression peu nocif l’absence de diurèse. Quand il s’agit d’un donneur vivant, la
pour le haut appareil urinaire même en cas de reflux sur le dérivation peut être programmée sans difficultés particulières 6
transplant. Si les difficultés d’exposition de la vessie sont à 8 semaines avant la transplantation. Dans les autres cas,
importantes la réalisation, en première intention, d’une anasto- l’absence de diurèse risquerait d’entraîner une rétraction de
mose urétéro-urétérale est justifiée et conseillée. Quand au l’anse iléale si la transplantation tardait à venir. D’où l’idée de

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Aspects chirurgicaux de la transplantation rénale chez l’homme ¶ 41-104-A

réaliser la transplantation et la dérivation en même temps. Les [6] Englesbe MJ, Lynch RJ, Heidt DG, Thomas SE, Brooks M, Dubay DA,
complications les plus fréquentes, dans ces cas, sont d’ordre et al. Early urologic complications after pediatric renal transplant: a
infectieux. La transplantation est souvent réalisée du même côté single-center experience. Transplantation 2008;86:1560-4.
que la dérivation [19]. Le transplant est orienté de sorte que [7] Moore PS, Farney AC, Sundberg AK, Rohr MS, Hartmann EL,
l’uretère soit le plus court et le plus direct possible. L’anasto- Iskandar SS, et al. Experience with dual kidney transplants from donors
mose est terminolatérale au niveau de l’anse iléale sans trajet at the extremes of age. Surgery 2006;140:597-605 (discussion 605-6).
antireflux, mais avec une sonde urétérale extériorisée par la [8] Mohanka R, Basu A, Shapiro R, Kayler LK. Single versus en bloc
stomie cutanée. kidney transplantation from pediatric donors less than or equal to 15 kg.
Nous avons aussi utilisé la fosse iliaque controlatérale, Transplantation 2008;86:264-8.
l’uretère du transplant est, dans ces cas, anastomosé en termi- [9] Mazzucchi E, Danilovic A, Antonopoulos IM, Piovesan AC,
nolatéral à l’uretère gauche du receveur (Fig. 25) comme il a été Nahas WC, Lucon AM, et al. Surgical aspects of third and subsequent
décrit récemment [20]. renal transplants performed by the extraperitoneal access. Transplan-
tation 2006;81:840-4.
[10] Boggi U, Vistoli F, Signori S. A technique for retroperitoneal pancreas
■ Cas rares transplantation with portal-enteric drainage. Transplantation 2005;79:
1137-42.
Chez des patients ayant une néovessie continente, une [11] Aguirrezabalaga J, Novas S, Veiga F, Chantada V, Rey I, Gonzalez M,
entérocystoplastie de remplacement ou un sphincter artificiel, la et al. Renal transplantation with venous drainage through the superior
technique chirurgicale est adaptée à chaque patient. mesenteric vein in cases of thrombosis of the inferior vena cava. Trans-
Après prostatectomie totale pour cancer, les difficultés plantation 2002;74:413-5.
peuvent être liées soit aux antécédents de curage ganglionnaire [12] Patel P, Krishnamurthi V. Successful use of the inferior mesenteric vein
ilio-obturateur, soit aux antécédents de radiothérapie qu’elle soit for renal transplantation. Am J Transplant 2003;3:1040-2.
exclusive ou en complément de la chirurgie. Nous pensons qu’il [13] Wong VK, Baker R, Patel J, Menon K, Ahmad N. Renal transplantation
faut, dans ces cas, privilégier une implantation haute sur la to the ovarian vein: a case report. Am J Transplant 2008;8:1064-6.
veine cave inférieure et l’artère iliaque primitive droite et une [14] Haider HH, Illanes HG, Ciancio G, Miller J, Burke GW. Dual kidney
anastomose urétéro-urétérale ou pyélo-urétérale, évitant ainsi les transplantation using midline extraperitoneal approach: description of
complications potentielles de la radiothérapie tels les retards de a technique. Transplant Proc 2007;39:1118-9.
cicatrisation et les fistules urinaires. [15] Ekser B, Baldan N, Margani G. Monolateral placement of both kidneys
in dual kidney transplantation: low surgical complication rate and short
■ Références [16]
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Veroux M, Corona D, Gagliano M, Macarone M, Sorbello M,
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a dog into a bitch with removal of both normal kidneys from the latter. ginal donors. Transplant Proc 2007;39:1800-2.
Science 1906;23:394-5. [17] Gil-Vernet JM, Gil-Vernet A, Caralps A. Orthotopic renal transplant
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G. Karam (gkaram@chu-nantes.fr).
J. Branchereau.
F. Luyckx.
Service d’urologie, Institut uro-néphrologie, CHU Hôtel-Dieu, 44093 Nantes cedex, France.
X. Tillou.
Service d’urologie, Institut uro-néphrologie, CHU Hôtel-Dieu, 44093 Nantes cedex, France.
Service d’urologie, CHU Amiens, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Karam G., Branchereau J., Luyckx F., Tillou X. Aspects chirurgicaux de la transplantation rénale chez
l’homme. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Techniques chirurgicales - Urologie, 41-104-A, 2010.

Disponibles sur www.em-consulte.com


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Cet article comporte également le contenu multimédia suivant, accessible en ligne sur em-consulte.com et
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3 vidéos/animations

Vidéo/Animation 1
Anastomose de la veine.
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Vidéo/Animation 2
Anastomose de l'artère.
Cliquez ici

Vidéo/Animation 3
Anastomose urinaire.
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