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Roger Chartrand

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Une tout autre histoire

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LE VIEUX-MONTRÉAL
Roger Chartrand

LE VIEUX-MONTRÉAL
Une tout autre histoire

SE P T E N T R ION
Les éditions du Septentrion remercient le Conseil des Arts du Canada et la Société de développement
des entreprises culturelles du Québec (SODEC) pour le soutien accordé à leur programme d’édition,
ainsi que le gouvernement du Québec pour son Programme de crédit d’impôt pour l’édition de
livres. Nous reconnaissons également l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise
du Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour nos activités
d’édition.

Photo de la couverture : Fragment du mur de Berlin au Centre de commerce mondial de Montréal.


À moins de mention contraire, les photographies qui apparaissent dans cet ouvrage ont toutes
été prises en  par Geneviève Chartrand
Révision : Solange Deschênes
Correction d’épreuves : Sophie Imbeault et Carole Corno
Mise en pages : Folio Infographie
Maquette de la couverture : Pierre-Louis Cauchon

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des ÉDITIONS DU SEPTENTRION
vous pouvez nous écrire au
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  Saint-Laurent (Québec)
 

Dépôt légal : Ventes en Europe :


Bibliothèque et Archives Distribution du Nouveau Monde
nationales du Québec, 2007 30, rue Gay-Lussac
 ----  Paris France
À mes six enfants,
à mes treize petits-enfants et
à mes quatre arrière-petits-enfants
REMERCIEMENTS

S  ’ de mes proches et de mes amis, durant les


cinq dernières années, Le Vieux-Montréal : une tout autre histoire
n’aurait jamais vu le jour.
Parmi eux, nombreux sont ceux qui, à des degrés divers, m’ont apporté
leur contribution à leur manière et selon leurs talents. Certains ont eu
l’amabilité de m’orienter vers de l’assistance technique dont je ne soup-
çonnais même pas l’existence. En lisant ce livre, tous se souviendront de
l’apport personnel qu’ils m’ont fourni en vue de sa réalisation.
Il me serait difficile d’établir une liste exhaustive de ces généreux
collaborateurs, sur une période aussi longue. En oublier un ou deux me
rendrait très malheureux. Aussi, que chacun d’entre eux considère que
je lui suis profondément reconnaissant. Je les remercie tous du fond du
cœur.
Il est une personne cependant, dont les efforts constants depuis les
débuts, à l’automne , dépassent largement toutes les formes d’appui
que j’ai pu recevoir. Sans relâche et sans en attendre quoi que ce soit,
madame Lise Lavigne, bibliothécaire à la Société historique de Montréal,
a assuré une collaboration à toute épreuve, tant par les nombreux écrits
vers lesquels elle a su me diriger, que par ses recherches et ses conseils
judicieux. Je ne saurais trop lui manifester toute ma reconnaissance.
Merci Lise !
INTRODUCTION

D    - comptent au moins un ancêtre


qui, au e ou au e siècle, avait sa propre maison à Montréal,
à l’intérieur d’un périmètre d’à peine un demi-kilomètre carré, en
superficie. Certains le savent, d’autres s’en doutent, mais combien
pourraient localiser l’endroit exact où se trouvait érigée cette demeure ?
Quelques-uns ont déjà appris que leur aïeul vivait sur une concession
originale plus ou moins grande, parfois mal définie. À titre d’exemple,
serait-il facile de localiser la maison de Pierre Crépeau sur la terre de
Robert Cavelier, après un morcellement qui avait créé dans le temps des
dizaines d’emplacements ?
Par le passé, plusieurs historiens reconnus, des géographes et d’autres
spécialistes de toute discipline ou même des personnes simplement
intéressées à l’histoire du Vieux-Montréal se sont penchés sur la question
généralement avec plus ou moins de succès dans leurs tentatives, faut-il
le dire. Et, dans plusieurs cas, leur cheminement n’était pas toujours
facile à suivre. Sans compter que certains ont presque frisé l’imposture,
en laissant trop aller leur imagination fertile.
Plus récemment, des exercices sérieux ont permis de compiler et d’in-
formatiser des tonnes de renseignements. On a qu’à penser au Groupe
de recherches sur Montréal du Centre canadien d’architecture dont le
travail mérite d’être souligné. L’auteur n’avait cependant pas l’intention
de concurrencer ces spécialistes. Son étude s’étend sur plus de trois
siècles et demi, avec pour objectif principal d’établir, dans un langage
concis et avec une démarche intéressante, un lien direct entre les premiers
occupants et les bâtiments actuels. Mais, entre ces deux pôles, de
nombreux événements peuvent avoir influencé de manière plus ou moins
importante l’histoire d’un emplacement. Bien sûr, il ne s’agit pas de
reconstituer une chaîne de titres, mais plutôt de souligner des circons-
tances heureuses ou malheureuses qui ont pu marquer chacun des lieux,
à travers le temps.
  L E V IE U X-M O N T R É A L

L’espace foncier couvert dans le présent ouvrage se limite essentielle-


ment au territoire situé à l’intérieur des anciennes fortifications de la
ville. Il s’agit donc d’une superficie relativement restreinte, puisque le
Vieux-Montréal comme tel déborde les murs d’enceinte. Ainsi, la pointe
à Callière ne fait pas partie de l’étude, ce qui n’écarte pas le besoin d’en
parler, mais les droits de propriété ne seront pas traités. Par ailleurs, il
peut arriver que les circonstances exigent de considérer certains espaces
extra muros. Comme dans le cas du Centre de commerce mondial qui
est traversé par l’ancienne ruelle des Fortifications.
L’auteur a tenu à produire avant tout, dans un langage facile, un docu-
ment historique qui s’adresse à tous ceux qui tombent en amour avec le
Vieux-Montréal. Il ne voulait pas en faire simplement un livre de
références et encore moins un travail de généalogie. Par contre, cet aspect
devient inévitable, si l’on veut mettre le lecteur sur une piste qui peut le
conduire jusqu’à son ancêtre. Et c’est ainsi que des détails ne deviennent
pertinents que dans une perspective généalogique.
Notons que, dans ce genre de travail, les dates sont très importantes.
Par ailleurs, elles ont tendance à alourdir le texte, surtout s’il faut en
fournir plusieurs dans un même paragraphe. Aussi, à moins que le
contexte ne l’exige, nous nous en sommes tenus plutôt à l’année seule-
ment ou à une simple approximation rapportée dans le temps, même si
la date exacte était disponible.
Si l’auteur s’est montré très rigoureux quant à la véracité des affirma-
tions qu’il avance, il ne s’est cependant pas imposé une règle stricte quant
au traitement à donner aux parcelles de terrain. Certaines ont fait l’objet
d’observations plus élaborées, alors que d’autres ont été traitées de façon
plus superficielle.
Chaque parcelle de terrain du Vieux-Montréal a dû passer par un long
cheminement, avant d’en arriver à sa désignation cadastrale actuelle. Le
lecteur n’a cependant rien à craindre, car il n’est pas question de le faire
entrer dans le labyrinthe des transformations numériques de la longue
vie d’un emplacement quelconque. Par contre, on ne peut en général
passer ses dimensions sous silence. Localisation oblige. Mais c’est surtout
par ceux qui ont habité ces lieux et qui les ont morcelés qu’on doit leur
donner vie. Si l’auteur tente avant tout de créer un lien entre le premier
propriétaire et l’occupant actuel, il ne manque pas non plus d’y faire
entrer des personnages et des événements qui ont marqué l’histoire
du site.
I N T R OD U C T IO N  

Pour faciliter grandement la compréhension des textes, la production


de planches devenait indispensable. Pour chacun des secteurs du
territoire, des plans s’opposent de façon à réaliser sur-le-champ la corres-
pondance des lieux entre le moment de la concession des terres ou de
leur subdivision et l’époque contemporaine. Dans les deux cas, la trame
des rues permet une visualisation rapide. Afin de fournir suffisamment
de données pertinentes, tout en respectant les contraintes qu’exigeaient
les dimensions mêmes de la publication, il a été nécessaire de subdiviser
les secteurs au gré des besoins et de les rendre à l’échelle la mieux
appropriée.
Sans faire référence à un cliché fort connu, il a été jugé bon également
d’avoir recours à des photographies anciennes ou récentes qui illustrent
parfois mieux qu’une explication détaillée.
Il appartient maintenant au lecteur de voyager à travers le temps et
d’imaginer, tel qu’il était, le Montréal de la Nouvelle-France, ou encore
celui des riches financiers, il y a cent ans et plus. Combien peut-il être
fascinant et merveilleux de penser que la famille d’un des premiers habi-
tants dont vous connaissez à présent le nom prenait ses repas sur le site
même où vous êtes actuellement attablé, dans un bon restaurant du
Vieux-Montréal. Ou encore, êtes-vous tout bonnement en train de
trinquer chez vous ou chez des amis, dans l’un des spacieux lofts ou
condominiums qui se sont multipliés dans le quartier ?… Tout en sachant
que, deux cents ans plus tôt, un riche négociant écossais y sirotait proba-
blement son scotch, juste en dessous.
LES SOURCES

L ’     de la part de celui qui


désire la communiquer. Aussi doit-elle être relatée sur la base d’in-
formations solides et irréfutables. Il n’est cependant pas toujours facile
de distinguer le vrai du faux, à travers tous les faits mis à la portée de
l’historien. Il lui appartient alors d’informer ses lecteurs des doutes qui
l’assiègent.
Comme il arrive fréquemment dans ce genre d’entreprise, l’idée d’éta-
blir un lien direct entre les premiers concessionnaires et les propriétés
actuelles est née de circonstances fortuites. L’exhibition devant moi, par
le conjoint de ma fille Christine, d’un jeu de plans anciens dont Guy avait
hérité de son père, Alphonse Saint-Jacques, me fascina totalement.
Les documents de Pierre-Louis Morin représentent, à des périodes
différentes, l’occupation du Vieux-Montréal actuel, à partir de 
jusqu’à la chute de la Nouvelle-France, en . Ils fournissent des détails
en abondance. Presque trop. Mais l’attention se porte rapidement sur le
fait que chacun des plans montre l’emplacement des maisons qu’on avait
construites durant la période indiquée en titre. Chaque bâtiment porte
un numéro et en exergue figure une liste correspondante donnant l’année
de construction et le nom de l’occupant. L’échelle est en toises. Pour tout
dire, sur la carte la plus ancienne qui couvre la période de  à , il
n’y a vraiment pas de rues à Ville-Marie. Seuls quelques sentiers. Il est
d’ailleurs connu que ce n’est qu’à partir de  qu’on nomme les rues et
qu’on peut parler d’un début de toponymie. Mais, même à ce moment-là,
si l’on considère les rues nord-sud, on constate que, depuis, certaines ont
complètement disparu, d’autres ont été déplacées, quelques-unes ont
simplement changé de nom ou encore ont passablement été élargies.
Mais, contrairement à ce que je croyais de prime abord, cette décou-
verte ne révélait rien de nouveau. Si les plans de l’arpenteur Pierre-Louis
Morin constituent l’élément déclencheur qui a conduit à la réalisation
de ce livre, ils ne représentent cependant pas une valeur suffisamment
sûre de l’emplacement des bâtiments construits au début de la colonie.
  L E V IE U X-M O N T R É A L

Tout au plus aident-ils à confirmer des données qui nous viennent


d’ailleurs. À la lecture de ce qui suit, on comprendra ce qui a amené
l’auteur à changer l’orientation de ses recherches.
Les cartes de Morin, aussi fascinantes soient-elles, intriguent énormé-
ment. Confectionnées en , elles ont immédiatement soulevé un intérêt
considérable qui ne s’est jamais démenti par la suite. On les retrouve à
Bibliothèque et Archives Canada à Ottawa, à Bibliothèque et Archives
nationales du Québec et à beaucoup d’autres endroits. Des auteurs très
respectés n’hésitent pas à les reproduire dans leurs ouvrages. La carte Morin,
qui couvre la période de  à , se retrouve dans Montréal sous Maison-
neuve de Gustave Lanctot et dans le bel Atlas historique de Montréal de Jean-
Claude Robert. Une verrière du Musée de la Pointe-à-Callière, enlevée à des
fins d’excavations archéologiques, l’exposait jusqu’à tout récemment.
Lors d’un séjour en Normandie il y a une quinzaine d’années, deux
Québécois ont découvert chez un antiquaire, à Caen, un jeu complet
parfaitement bien conservé des plans de Morin. Le feuillet de présenta-
tion a la particularité de porter une dédicace manuscrite : Au maître
astronome, hommage et souvenir d’un ancien maire de Montréal, métro-
pole du Canada français. – (signé) – H. Beaugrand. Considérant qu’il se
trouvait en présence d’un document patrimonial, le couple n’hésita pas
à débourser l’équivalent de trois cents dollars pour s’en porter acquéreur.
C’est Honoré Beaugrand lui-même qui, en tant que directeur, publia dans
le journal La Patrie l’édition originale de l’ouvrage de Morin.
Devant l’engouement constaté depuis cent vingt ans, on est porté à
croire qu’il s’agit d’un document dont les renseignements demeurent
irréfutables. Et pourtant des doutes devraient subsister sur l’exactitude
d’un certain nombre de données.
L’ouvrage de Morin compte une dizaine de feuillets, mais seulement
cinq d’entre eux sont des plans localisant les bâtiments de la ville à diffé-
rentes périodes de la Nouvelle-France. Ceux-ci sont passablement chargés
et, sauf un qui s’est intercalé dans le groupe, ils ne portent aucune signa-
ture. De plus, ils sont tous partiellement bilingues, y compris celui qui
est authentifié comme suit : « À Mr de CATALOGNE, Ingénieur du ROY
très Chrestien. Ce Plan est votre Ouvrage Monsieur. Vous aurez pour
agréable de voir silon a bien suivi Votre Intention. Je suis très parfaite-
ment Monsieur, Votre très humble et obéissant serviteur. – Moullart
Sanson, G. o. d. R. [géographe officiel du roi] avec Priv. - Rue Froiman-
teau Vis à Vis le Vieux Louvre . » Une traduction intégrale de ce texte,
LES SOURCES  

écrite par la même main, figure sur le côté opposé de la carte. Si le style
est de cette époque et que monsieur Gédéon de Catalogne confectionnait
effectivement des cartes au début du e siècle, il est clair cependant
que la calligraphie est d’une structure beaucoup plus récente et que le
texte a été copié. Un autre détail important doit être signalé : la disposi-
tion des bâtiments sur le plan de monsieur de Catalogne est parfois diffé-
rente de celle que l’on retrouve sur les quatre autres plans.
Qui était Pierre-Louis Morin ? Des recherches effectuées à Bibliothèque
et Archives nationales du Québec ont permis d’apprendre qu’il a exercé la
profession d’arpenteur-géomètre à Montréal, durant une quarantaine
d’années, soit jusqu’à sa retraite en . Durant ses loisirs, il a dû s’inté-
resser vivement à l’emplacement des premières habitations de Montréal,
puisque c’est dès l’année suivante que ses résultats furent publiés dans le
journal La Patrie. L’arpenteur Morin mourut peu après.
Pendant ses recherches, l’auteur s’est mis en frais de reproduire parfai-
tement à l’échelle les résultats de Morin sur un plan de compilation du
cadastre officiel actuel. Il est alors devenu évident que son auteur, malgré
de louables efforts, paraissait parfois avoir laissé voyager son imagina-
tion dans la production de cartes de belle présentation, mais bizarrement
identifiées.
Le présent ouvrage a pu se concrétiser grâce à des sources venues de
tous azimuts. Mais l’auteur a fait appel surtout à cinq d’entre elles qui, à
divers degrés, sont à la base même des résultats obtenus. Il serait fasti-
dieux d’en faire constamment mention. Aussi, ce n’est qu’à l’occasion
que ces sources seront à nouveau signalées.
Un ouvrage de premier plan a servi à définir et à localiser à peu près
tous les sites mentionnés dans ce livre. Il s’agit du second terrier tel qu’il
a été publié par la Société historique de Montréal en , dans un docu-
ment intitulé « Les Origines de Montréal ». La majeure partie du livre est
consacrée à la transcription du terrier tel qu’il a été rédigé vers , et
dont les entrées s’étalent jusqu’en .
En fait, le premier terrier avait été conçu bien avant, soit à partir de
, à la suite d’une ordonnance de l’intendant Talon qui autorisait les
Messieurs de Saint-Sulpice à procéder à l’enregistrement officiel des
concessions. Mais ce registre et le plan qui l’accompagnait ont été détruits.
On comprendra que sa reconstitution entraîna certaines interprétations
pas nécessairement conformes au terrier original, comme on le constatera
à l’occasion, dans le présent ouvrage. Enfin, on doit à l’arpenteur notaire
  L E V IE U X-M O N T R É A L

Louis Guy une partie des plans qu’il produisit en  et que compléta,
beaucoup plus tard, le sulpicien Ovide M. Lapalice. Si les deux hommes
ont fait un travail remarquable qui a permis ce qu’on pourrait appeler un
premier déblayage, il n’en demeure pas moins que leurs plans ne corres-
pondent pas toujours parfaitement à la réalité et demandent parfois à être
interprétés. Mais sans ces pièces, résultat d’un travail complexe, il aurait
été extrêmement difficile de retracer certaines désignations du terrier.
C’est surtout l’édition de  du Dictionnaire national des Canadiens
français de l’Institut Drouin qui a servi aux références généalogiques. À
l’occasion cependant, d’autres documents du genre, comme le Diction-
naire généalogique des familles canadiennes de Cyprien Tanguay, ont
permis de compléter l’information.
Montréal a subi trois gros incendies, au temps de la Nouvelle-France.
La description de celui de  constitue un apport important dans
l’ouvrage, grâce à The Canadian Antiquarian and Numismatic Journal
qui fit paraître dans son numéro d’avril  un rapport saisissant du
sinistre du  juin , durant lequel pas moins de cent vingt-huit
maisons et autres bâtiments furent détruits (un rapport subséquent en
mentionne cent trente-huit). C’est François-Marie Bouat, conseiller du
roi et lieutenant-général à Montréal, qui rédigea le premier rapport.
L’édition du Journal publia également un plan daté du  juillet  qui
montre l’étendue des dégâts. Le document avait été dessiné par l’ingé-
nieur et cartographe Gaspard Chaussegros de Léry. Ce plan et le rapport
du sieur Bouat ont permis d’établir un lien intéressant entre les proprié-
taires de l’époque et ceux qui les avaient précédés.
Le présent ouvrage consacre une large part aux propriétaires fonciers
du e et du e siècle. The Encyclopedia of Canada publiée par l’Uni-
versity Associates of Canada Limited de Toronto, dans son édition de
, permet de mieux connaître les personnages d’origine britannique
qui ont façonné le Vieux-Montréal, après la Conquête.
Comme cinquième source et non la moindre, on doit mentionner le
site Internet http ://www.vieux.montreal.qc.ca qui fournit une excellente
description de tous les bâtiments existants dans le Vieux-Montréal, tout
en y ajoutant la plupart du temps des références historiques sur le
constructeur, le propriétaire ou le locataire de chacun des immeubles.
Enfin, l’auteur lui-même a parcouru, à plusieurs reprises, toutes les
rues du Vieux-Montréal, mesurant les édifices et prenant constamment
des notes.
LE SYSTÈME DE MESURES

A  , c’est le système de mesure international (SI) qui est en


vigueur. Par contre, celui-ci demeure toujours difficile à visualiser
pour un grand nombre de personnes lorsqu’il s’agit de maisons ou de
terrains. Les courtiers en immeuble ont généralement des fiches de
présentation sur lesquelles les lots sont mesurés en pieds et les superficies
des pièces des appartements établies en pieds carrés. Sans compter que
les entrepreneurs construisent toujours avec des  x  et des feuilles de
contreplaqué de quatre pieds sur huit. Les systèmes de poids et mesures
ont toujours pris du temps à s’implanter. Près de deux siècles et demi
après la Conquête, les dimensions des terres de la vallée du Saint-Laurent
sont pratiquement toujours exprimées en arpents, une ancienne mesure
française, et celles des « townships » en acres. D’autre part, l’ouvrage
s’adresse à tous les descendants du Vieux-Montréal répartis à travers une
Amérique anglo-saxonne.
Aussi, sauf indication contraire, c’est la mesure anglaise qui est
employée dans le texte, l’auteur croyant que la majorité des lecteurs se
représenteraient mieux les emplacements de cette façon. Ainsi, les pieds
français du terrier ont été transformés en pieds anglais. À noter que le
pied français équivaut à   pieds anglais et que l’arpent est égal à 
pieds français ou  pieds anglais.
MÉTHODOLOGIE

P     ’, le Vieux-Montréal a été divisé d’ouest


en est en six secteurs, séparés autant que possible par des rues
orientées nord-sud. Chaque secteur est décrit par un numéro d’ordre et
la définition de son contour. À l’intérieur d’un même secteur, on retrouve
plusieurs chapitres portant un titre. Ils ont généralement des rapports
communs entre eux. De plus, ils sont souvent entrecoupés par des plans
ou des photos en relation avec le texte.
Pour le reste, on peut dire que, sans dévier des objectifs visés, l’auteur
ne s’est imposé aucune règle stricte dans la forme ou l’ordre que prend
la description des lieux et des personnages ou le déroulement des événe-
ments. Si elles sont jugées pertinentes, même des anecdotes peuvent venir
agrémenter les textes.
APERÇU HISTORIQUE

L   ’  s’effectue en fonction des


besoins de ses habitants et des objectifs de ses dirigeants. La rapidité
avec laquelle on désire qu’il évolue est souvent freinée par les circons-
tances. En débarquant sur la pointe à Callière, les cofondateurs ont vite
compris qu’il fallait d’abord aller au plus pressé, c’est-à-dire survivre et
se protéger contre les attaques des Amérindiens.
La construction du fort s’est tout de suite imposée. Et, comme le destin
est implacable, on aménagea rapidement un cimetière tout près. Puis, ce
fut l’hôpital de Jeanne Mance. La colonisation viendra plus tard. On court
à l’essentiel et, dans la décennie qui suit, peu d’habitants du fort se risque-
ront à s’établir à l’extérieur. La déprime s’installe et, en , il ne restera
plus que cinquante-cinq des soixante-et-douze premiers arrivants. Maison-
neuve devra donc partir chercher du renfort. Son voyage sera difficile,
mais ne restera pas vain. La Grande Recrue soulève de grands espoirs.
Même si Maisonneuve a baptisé du nom de Ville-Marie le poste qu’il
a fondé, il semble bien qu’il n’y avait rien d’urbain dans son esprit
lorsqu’arriva le moment de procéder à l’orientation du développement
du territoire. Son premier geste fut de créer une commune pour y faire
paître les bestiaux appartenant aux colons. D’un arpent de largeur, la
lisière commençait quelque part, assez loin à l’ouest de la rue McGill
actuelle, pour s’étendre sur une distance de quarante arpents, soit
environ , kilomètres, en suivant d’abord la petite rivière Saint-Pierre
jusqu’à son embouchure, pour ensuite longer la grande rivière, c’est-à-
dire le fleuve Saint-Laurent. Cependant, on doit admettre que, dans les
contrats de concessions, on a eu la prudence d’y faire paraître une clause
stipulant qu’advenant que les besoins l’exigent une partie de la terre devra
être rétrocédée, moyennant son prolongement vers le nord et un dédom-
magement pour les travaux de défrichement effectués.
C’est au nord de la commune que les terres seront concédées, au milieu
du e siècle. De par leurs dimensions, les concessions n’avaient
  L E V IE U X-M O N T R É A L

aucunement l’allure d’emplacements de ville. Perpendiculaires à ladite


commune, elles s’étendaient souvent loin vers le nord, pour se rendre
aux environs de la rue Sherbrooke actuelle. Cette façon de faire durera
une vingtaine d’années, mais déjà tout le territoire du Vieux-Montréal
aura été concédé, sauf dans ses parties publiques ou institutionnelles. Il
devint vite évident que l’agglomération n’était pas destinée à demeurer
un simple village autour duquel aurait gravité une vaste communauté
rurale.
Jusqu’en , si l’on excepte l’hôpital de Jeanne Mance et quelques
redoutes, très peu d’habitations furent érigées à l’extérieur du fort. Mais
c’est à partir de ce moment que les maisons poussèrent comme des cham-
pignons, notamment après l’arrivée de la Grande Recrue de .
Malheureusement, le développement de Ville-Marie progressait de
façon désordonnée. Même s’il fallait obtenir une concession officielle
pour construire, on s’est vite aperçu que la situation tournerait à la catas-
trophe si une action énergique n’était pas entreprise le plus tôt possible.
En , l’agglomération n’avait pas encore de rues, mais seulement des
sentiers plus ou moins bien définis et chacun y allait selon son interpré-
tation. Certains habitants commencèrent à se plaindre de la difficulté
d’accès à leur propriété. C’est alors que Dollier de Casson, le supérieur
des messieurs de Saint-Sulpice, prépara ce qu’on peut appeler le premier
plan d’urbanisme de la ville de Montréal. Ce plan directeur avait pour
but de créer de véritables rues avec des largeurs bien définies. Contrai-
rement à ce que certains croient, il s’agissait bien d’un plan projet qui,
comme la plupart de ceux qu’on confectionne aujourd’hui, ne pouvait
se réaliser dans son intégralité. Dollier de Casson nous montre un
quadrillage de rues parfaitement parallèles ou perpendiculaires entre
elles. Mais l’application du plan image, tel qu’il était conçu, ne s’avéra
pas si simple.
La rue Notre-Dame qui, avec sa largeur de trente pieds, devait devenir
l’artère principale de Montréal, ne posa pas trop de problèmes. Comme
les maisons étaient encore éparses le long de cette rue, il fut possible de
lui conserver une direction rectiligne. Toutefois, les choses se compli-
quèrent pour la rue Saint-Paul, dont le parcours s’annonça beaucoup plus
sinueux. Quant aux rues nord-sud, si elles ont pu être tracées en ligne
droite, leurs axes ne sont généralement pas demeurés parallèles. Ainsi,
les rues Saint-François-Xavier et Saint-Joseph (Saint-Sulpice) se seraient
rapidement croisées quelque part au nord de la place d’Armes, si elles
A PER Ç U HIS T OR IQ U E  

avaient été toutes deux prolongées. Mais ces considérations n’enlèvent


rien à la valeur urbanistique du travail de Dollier de Casson. Le plan a
indéniablement permis à son notaire arpenteur, Bénigne Basset, de
borner toutes les rues de façon définitive et de mettre de l’ordre au terrier
et dans l’emplacement des propriétés urbaines. Il n’y a pas de doute
cependant que Basset a dû composer avec la réalité et les prétentions des
habitants.
L’idée de la commune ne faisait déjà plus partie du décor. C’est à même
son emprise et à peu près dans son axe qu’on ouvrit la rue Saint-Paul.
Les messieurs créèrent ensuite des emplacements de chaque côté. Mais
l’espace résiduel au nord était peu profond. On verra plus loin comment
on tenta de corriger cet inconvénient. Puis, ce sera l’avènement des
fortifications qui apportera un problème similaire du côté sud. Enfin,
des artères nord-sud furent tracées à même les terres déjà concédées.
Ce genre de développement ne plaisait pas nécessairement à tous les
colons, dont certains à l’âme foncièrement acquise à l’agriculture préfé-
rèrent se départir de leur lopin de terre pour aller s’établir, entre autres,
du côté de Longueuil ou vers le sault au Récollet, le long de la rivière
des Prairies. Mais la majorité s’accommodaient fort bien de la nouvelle
situation, conscients de la plus-value accordée à leur terre qu’ils ne tardè-
rent pas d’ailleurs à morceler.
Maintenant, nous entrons dans l’histoire des concessions et des
centaines de lots qui ont résulté de leur subdivision. Si des terres ont été
accordées auparavant, c’est en  que le roi remet officiellement en fief,
aux sulpiciens, toute l’île de Montréal. Ceux-ci deviennent alors les
seigneurs de tout ce territoire, avec les droits et privilèges qu’accorde le
régime seigneurial. Même s’ils sont connus sous le nom de Messieurs de
Saint-Sulpice, depuis la fondation de leur communauté par Jacques Olier,
l’auteur les appelle indistinctement les seigneurs, les sulpiciens ou les
messieurs, dans le texte.
  

Borné par la rue McGill, le square Victoria,
les rues Saint-Antoine
et Saint-Pierre et la place D’Youville
 

En , trois entités territoriales seulement touchent l’espace compris


aujourd’hui entre la rue McGill, le square Victoria, les rues Saint-Antoine
et Saint-Pierre et la place D’Youville. Vers l’ouest, le sieur Charles de
Lauson vient tout juste de recevoir une concession voisine de celle du
sieur Pierre Gadois qui, en , était devenu le premier concessionnaire
de l’île de Montréal, grâce à Maisonneuve. En plus d’une partie de
chacune de ces deux concessions, le secteur couvre également, vers le
sud, une partie de la commune. Même si le terrier ne précise pas que
celle-ci bornait les terres des sieurs de Lauson et Gadois, il est clair que,
d’après ses dimensions, elle passait nécessairement devant. La planche
de la page  montre la place qu’occupait chacune des trois entités, à
l’intérieur du périmètre concerné.
Si Pierre Gadois et, plus tard, sa famille défrichèrent et exploitèrent
leur terre, il n’en fut pas de même du sieur de Lauson qui, dès , céda
la sienne au sieur Charles Le Moyne de Longueuil. Ce dernier la passera
cependant presque aussitôt au sieur Michel Messier qui épousera, le
 février , Anne, la sœur du sieur Le Moyne.

  -

Avec le développement de Ville-Marie, la terre du sieur Messier s’est


retrouvée sectionnée en trois parties découpées plus ou moins dans le
sens de la longueur jusqu’au mur nord de l’enceinte. La partie ouest, à
l’extérieur de la ville, faisait partie du faubourg Saint-Joseph et fut rapi-
dement morcelée. Le centre occupait l’espace requis pour les fortifica-
tions, à savoir les glacis, les fosses et les remparts. Enfin, la lisière est, qui
se trouvait à l’intérieur même des murs, a dû être rétrocédée de sa limite
sud jusqu’à la rue Notre-Dame. Ce sont les récollets qui en ont bénéficié
de la même manière qu’ils acquirent une partie de la terre voisine que
possédaient les héritiers Gadois. Un deuxième événement empêcha le
colon d’exploiter avantageusement sa concession, même dans sa partie
située à l’extérieur des murs. Au printemps , Michel Messier fut
  L E V IE U X-M O N T R É A L
SE C T E U R N UM ÉR O 1  

capturé par les Iroquois et plusieurs autres colons connurent le même


sort. Or, le mois de juin suivant, quelques prisonniers, qui avaient été
libérés, déclarèrent que Messier avait été tué par ses ravisseurs. Mais, par
un heureux miracle, voilà que celui-ci rentre chez lui quelques mois plus
tard, à l’occasion d’un nouveau geste de conciliation de la part des
Amérindiens. Messier s’étant par la suite vaillamment illustré à plusieurs
reprises, dans des combats avec les autochtones, le roi reconnut enfin ses
services et lui octroya non pas une simple concession, mais un fief de
trois lieues sur trois lieues, en front du fleuve, tout près de Varennes.
Cette seigneurie, voisine de celle de son beau-frère, Jacques Le Moyne,
prit le nom de Saint-Michel.
En débarquant à Ville-Marie en , Michel Messier, alors âgé de
seize ans, fut certainement heureux d’y retrouver sa tante Martine qui
avait épousé Antoine Primot (Primeau), quelques années auparavant.
En plus des liens de parenté qui les unissent, la tante et le neveu ont en
commun d’avoir connu une aventure éprouvante aux mains des Amérin-
diens. En effet, Martine Messier, surnommée « Parmanda », travaillait
aux champs, en ce  juillet , lorsqu’elle fut attaquée par trois
Iroquois. Laissons Jean-Denis Robillard raconter la suite : « Elle se débat
comme une lionne, un agresseur lui assène quatre ou cinq coups de hache
sur la tête ; elle tombe. Comme il allait la scalper, elle revient à elle et
saisit ce cruel avec tant de violence, “par un endroit que la pudeur nous
défend de nommer”, que celui-ci doit lui donner quelques coups de hache
supplémentaires pour la faire lâcher prise : mais elle tient bon jusqu’à ce
qu’elle tombe de nouveau évanouie…, ce qui permet à son assaillant de
s’enfuir, d’autant plus que les Français, entendant ses clameurs, accou-
rent à son secours. Ils l’aident à se relever, la portent au fort pour soigner
ses blessures. Un d’entre eux l’embrasse. Elle lui donne un soufflet. “Que
faites-vous ? lui dit-on, cet homme vous témoigne amitié”. “Parmanda”,
répondit-elle en son patois. “Je croyais qu’il voulait me baiser !” »

      

Des trois entités territoriales définies plus haut, c’est la terre de Pierre
Gadois qui couvre la plus grande superficie, à l’intérieur du secteur
numéro . Contrairement au sieur Messier du côté de la rue McGill, le
sieur Gadois n’a eu à céder, sur la largeur de sa terre, que la demie ouest
de la rue Saint-Pierre. Par contre, comme son voisin, il a dû rétrocéder
  L E V IE U X-M O N T R É A L

toute la partie de sa concession située au sud de la rue Notre-Dame pour


l’installation des récollets, de même que l’espace requis pour l’érection
du mur d’enceinte nord de la ville
En , Pierre Gadois et Louise Mauger débarquent à Québec avec
leurs deux enfants, un fils portant le prénom du père et une fille baptisée
Roberte. Même si les autorités de la colonie ne voient pas d’un très bon
œil le projet qui permettra de fonder Montréal, Pierre et Louise sont
suffisamment fascinés pour accompagner de Maisonneuve. Pourtant,
Gadois père n’est pas tellement jeune, puisqu’il est né dans le Perche en
. C’est à lui que le fondateur de Ville-Marie accorde une première
concession, le  janvier , soit presque six ans avant l’arrivée de
Marguerite Bourgeoys et de la Grande Recrue. On comprendra que la
terre de Pierre Gadois occupe un site de choix. Elle commence à moins
de deux cents pieds de la Petite Rivière et mesure deux arpents de largeur
pour s’étendre sur quinze arpents de profondeur. Aucune artère ne
sillonne alors Ville-Marie, puisque ce n’est qu’à partir de  qu’on
tracera des rues dignes de ce nom.
Il y avait cependant une clause au contrat qui stipulait que, si les
seigneurs avaient besoin d’une partie de la concession située à l’intérieur
de l’enceinte de la ville, ils pourraient la reprendre moyennant la cession
d’une superficie équivalente dans la profondeur et un dédommagement
pour l’espace défriché, selon une estimation « faitte de sa valeur par des
expers ». Et c’est ce qui se produisit en , lorsqu’une grande partie du
terrain situé à l’intérieur des fortifications a dû être cédée aux récollets
par les héritiers Gadois.
Mais, entretemps, c’est Pierre Gadois fils qui prend la relève En ,
il épouse Marie Pontonier. Au bout d’une année ou deux, les grandes
langues de la colonie ne tardent pas à prétendre que Pierre Gadois, serru-
rier de son métier, ne trouve toujours pas la bonne clé qui lui donnerait
accès aux trésors de la belle Marie. En fin de compte, le malheureux
époux demande à son ami, René Besnard, caporal dans l’armée du roi,
de lui venir en aide. René ne se fit pas prier longtemps, mais Maison-
neuve trouvait que le beau soldat se tenait un peu trop près des jupes de
Marie et le pauvre homme fut condamné à s’éloigner d’au moins trente
lieues de Montréal et à payer une amende de trois cents livres pour ses
frasques. Devant cette situation, l’Église se montra beaucoup plus expé-
ditive qu’aujourd’hui et, dès , monseigneur de Laval annula le
mariage pour cause de « maléfice obstruant l’orifice » (!)
SE C T E U R N UM ÉR O 1  

Ces aventures n’empêchèrent toutefois pas les trois personnages du


scandale de convoler en justes noces et de laisser de nombreux héritiers :
Pierre épousa Jeanne Besnard, une cousine de son ami René exilé à Trois-
Rivières, lequel prit pour épouse une demoiselle Sédilot de cet endroit.
Quant à Marie, elle contracta une nouvelle alliance avec un nommé
Pierre Martin et elle ne tarda pas à accoucher d’une petite fille. Malheu-
reusement, ledit Martin tomba sous les coups des Iroquois, au mois de
mars . Mais Marie Pontonier ne se découragea pas pour autant et
trouva un troisième époux en la personne d’Honoré Langlois dit Lacha-
pelle, qui lui donna dix autres enfants.
Après la cession d’une grande partie de la terre aux récollets, en ,
il restait encore aux héritiers de Pierre Gadois fils l’espace de la conces-
sion compris entre les rues Saint-Jacques et Notre-Dame, dont une partie
bornée par ces deux artères se situait d’ouest en est, entre les rues Saint-
Guillaume (Dollard) et Saint-Pierre. C’est sur ce quadrilatère que la
Banque Royale construisit au e siècle, l’un des quatre gratte-ciel dont
s’enorgueillissait Montréal, avant . L’institution financière en fit son
siège social et l’édifice y abrita une importante chambre forte pour
protéger ses trésors, sans doute fort différents de ceux de Marie Pontonier,
la belle-fille du premier propriétaire des lieux.

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Sur le plan foncier, une bonne partie des concessions des sieurs Messier
et Gadois ont eu un destin commun. D’abord, en , par la création
du domaine des Récollets au sud de la rue Notre-Dame et, à la fin du
e siècle, avec l’avènement du Centre de commerce mondial. Le présent
chapitre et les deux suivants traitent donc concurremment des deux
concessions.
À part les familles Messier et Gadois, la partie de leurs concessions
comprise entre le côté sud de la rue Saint-Jacques et le mur d’enceinte nord
de la ville n’a jamais connu d’autres propriétaires privés, avant le début du
e siècle. En effet, les deux familles avaient dû rétrocéder cet espace pour
les « besoins du roi », en vertu d’une clause qui les liait dans leurs contrats
et dont il a déjà été question. Ces « besoins du roi » se sont matérialisés par
la construction, notamment, des installations de protection et d’une
poudrière qui se retrouverait aujourd’hui en plein centre de la rue
  L E V IE U X-M O N T R É A L

Saint-Jacques, au coin de la rue Saint-Pierre qui d’ailleurs, dans son prolon-


gement vers le nord, s’est appelée un temps la rue de la Poudrière.
Ce n’est donc qu’à partir de  que le quadrilatère borné par le square
Victoria et les rues Saint-Antoine, Saint-Pierre et Saint-Jacques s’est
développé pour produire de belles réalisations architecturales englobées
aujourd’hui, pour la plupart, dans le complexe du Centre de commerce
mondial de Montréal. Celui-ci est coupé par une magnifique esplanade
intérieure recouverte de verre qui la traverse d’est en ouest et correspond
à l’ancienne ruelle des Fortifications. Des édifices entièrement rénovés
la bordent de chaque côté.
Au cadastre officiel, tout l’espace relevant directement du complexe
international même forme maintenant une seule entité cadastrale. En
front de la rue Saint-Jacques, seulement deux bâtiments, à chacune des
extrémités, portent un numéro de lot distinct. Au coin du square
Victoria, c’est l’édifice de la Banque de la Nouvelle-Écosse (Scotia) qui
s’étend en profondeur jusqu’à l’ancienne ruelle des Fortifications. Ce
bâtiment en pierre de dix étages fut construit, au début du e siècle, par
l’Eastern Townships Bank de Sherbrooke qui y aménagea ses bureaux
de la métropole. À cette époque, les étages supérieurs logeaient, entre
autres, la firme de courtage de Louis-Joseph Forget, les bureaux de la
Canadian Car & Foundry Company et le Consulat américain.
À l’autre bout, se trouve un hôtel cinq étoiles, le Saint James dont l’en-
trée porte le numéro  de la rue Saint-Jacques. Selon le chroniqueur
Jules Richer, dans un article portant sur les installations hôtelières de
Montréal, il s’agit, « sans conteste, de l’hôtel le plus luxueux et le plus
chic de Montréal ». Si le bâtiment ne compte pas parmi ceux qui font
partie du complexe international, il s’intègre merveilleusement bien à
l’ensemble. Il s’agit d’une construction de style néo-Renaissance datant
de , qui abritait autrefois la Banque des marchands. Les férus de
décoration architecturale seront bien servis, tant par l’originalité des
reliefs que par la variété des détails visibles à chaque étage. Une autre
entreprise de courtage bien connue occupera peu à peu l’ensemble de
l’édifice, jusqu’en . C’est la maison Nesbitt Thomson, devenue Nesbitt
Burns… Mais aujourd’hui, c’est le Saint James !
Entre les deux extrémités, quatre autres bâtiments s’appuyant les uns
sur les autres, et faisant partie intégrante du Centre de commerce

. Le Devoir, er et  octobre .


SE C T E U R N UM ÉR O 1  

mondial de Montréal, s’échelonnent d’ouest en est sur la rue Saint-


Jacques. À côté de la Banque de la Nouvelle-Écosse, il s’agit d’une
construction en pierre de même hauteur où siège Publicis (n ), société
affiliée au Centre même. Puis vient un long bâtiment en pierre de huit
étages dont l’entrée principale (n ) affiche dans la pierre la vénérable
« Crown Trust Company ». Quant au n , il abrite, dans ce même
édifice, une succursale de la Banque Laurentienne. Deux autres bâtiments
en pierre, respectivement de sept et cinq étages, suivent. Ils couvrent
l’entrée principale du Centre de commerce mondial (n ) et l’un des
accès à l’hôtel Intercontinental, avec le restaurant Chez Plume (n ).
Si le bâtiment qui vient s’appuyer sur le Saint James est très différent de
celui-ci, il n’en demeure pas moins fort intéressant. Il s’agit du bel édifice
Nordheimer () qui doit son nom à ses anciens propriétaires, deux
frères d’origine allemande, fabricants et marchands d’orgues et de pianos
au e siècle. La façade de granite rouge ne manque pas d’intérêt.
Dans la partie intérieure de tous ces bâtiments, dont souvent seule la
façade a résisté au temps, on retrouve de nombreuses boutiques et des
restaurants donnant sur une esplanade agrémentée d’un vaste plan d’eau
rectangulaire dominé par la déesse Amphitrite, épouse de Poséidon, le
dieu de la mer. La sculpture a été réalisée par l’artiste Dieudonné-
Barthélemy Guibal (-). À l’origine, elle couronnait une fontaine
à Saint-Mihiel, une ville sur la Meuse, renommée entre autres pour ses
ateliers de sculpture. Parmi les autres particularités, figure une impo-
sante pièce en béton, provenant du mur de Berlin (-) et offerte
par la capitale allemande à la Ville de Montréal en , à l’occasion du
e anniversaire de sa fondation.
Il est intéressant de signaler, à l’angle du square Victoria et de la rue
Saint-Antoine, l’édifice Greenshields qui abrite aujourd’hui les
bureaux du Groupe CSL (Canada Steamship Lines). C’est sur cet empla-
cement que les personnalités John Redpath et Thomas d’Arcy McGee
construisirent le magnifique théâtre St. Patrick qui ouvrit ses portes en
. Malheureusement les déboires ne tardèrent pas et le toit s’effondra
dès l’hiver , sous le poids de la neige. Un nouveau toit fut aménagé,
mais l’édifice fut complètement rasé par les flammes trois ans plus
tard.
En , l’Écossais Samuel Greenshields fonda, avec son jeune fils,
probablement la plus importante maison de gros de Montréal spécialisée
  L E V IE U X-M O N T R É A L

dans les tissus et produits connexes que les Anglais appellent « dry
goods » : expression que les francophones traduisirent pendant longtemps
par les mots « marchandises sèches ». Occupant des locaux trop exigus,
John Greenshields emménagea en  dans le nouvel édifice construit
sur l’emplacement qu’occupait le défunt théâtre St. Patrick et qui porta
le nom des Greenshields pendant près d’un siècle.
Entre l’édifice Greenshields et une entrée du Centre de commerce
mondial sur le square Victoria, il existe un bâtiment plus étroit (n )
dont les faces latérales sud et arrière, autrefois des murs extérieurs,
donnent sur l’esplanade du complexe (, ruelle des Fortifications).
Construit en , il abrita à partir de  le siège social de la Canada
Steamships Lines, déjà propriétaire de l’édifice Greenshields. En ,
Power Corporation se portait acquéreur du , square Victoria et s’y
installa.

La déesse Amphitrite et plan d’eau. Centre de commerce mondial. À remarquer


les rayons de soleil, notamment sur la sculpture, les reflets dans l’eau et les effets
de la lumière artificielle.
SE C T E U R N UM ÉR O 1  

Fragment du mur de Berlin dans le Centre de commerce mondial.


  L E V IE U X-M O N T R É A L

Enfin, un hôtel de vingt-cinq étages occupe le coin sud-ouest des rues


Saint-Antoine et Saint-Pierre. C’est l’InterContinental. Bien sûr, il répond
à la réputation de la chaîne hôtelière japonaise dont les installations sont
répandues à travers le monde.
On doit reconnaître que, malgré la non-homogénéité des éléments qui
le composent et qu’on pourrait même juger disparates, les concepteurs
de l’aménagement de l’ensemble du quadrilatère ont réussi à créer un
tout harmonieux et à mettre en même temps en valeur l’essentiel d’un
patrimoine inestimable.
Même si le site se trouve en partie au nord des anciennes fortifications,
il est bien évident qu’il devait être traité comme un tout qui fait d’ailleurs,
totalement partie des concessions originales des sieurs Messier et
Gadois.

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Avant l’arrivée des récollets, les héritiers Messier et Gadois avaient déjà
disposé de certains emplacements à même leurs concessions. La dési-
gnation des terrains n’est pas toujours claire. Mais, quoi qu’il en soit, on
sait que c’est Paul Bouchard, le fils d’Étienne, le célèbre chirurgien de
Ville-Marie, qui devint propriétaire de tout l’espace que possédaient les
Messier au nord de Notre-Dame, en front de la rue Augustine, créée juste
en deçà des remparts, et qui correspond de nos jours à l’extrême partie
est de l’emprise de la rue McGill. Signalons que l’emplacement se rendait
jusqu’aux fortifications nord, car la rue Saint-Jacques n’existait pas encore
à l’époque. Sans connaître précisément la date du contrat, il est permis
de croire qu’il s’est matérialisé un peu avant .
Plus tard, le sieur Bouchard procéda à la vente de sa propriété. Mais
une certaine confusion apparaît au terrier quant au moment de cette
transaction et des autres qui ont suivi, et aussi quant à la description des
lots issus de l’emplacement original. Parmi les propriétaires subséquents
en tout ou en partie des lieux, on compte, entre  et , Denis Lecours
(Lecourt), Henri Jarry, Anne Badel, veuve de Jean Danis, Jean Poirier et
Pierre Verdon.
Pour ceux qui aimeraient savoir si certains de ces personnages comp-
tent parmi leurs ancêtres, voici quelques détails généalogiques :
SE C T E U R N UM ÉR O 1  

- Denis Lecours a épousé Madeleine Surault-Blondin à Montréal, en


. Il était le fils de Michel qui, lui, s’était marié à Québec en ,
avec Louise Leblanc.
- Henri Jarry, époux d’Agathe Lescuyer depuis , lorsqu’il a fait
son acquisition, était le fils d’Éloi arrivé de France à Montréal, au
début de Ville-Marie.
- Quant à Jean Danis (Dany), il est issu du second mariage d’Honoré,
arrivé avec la Grande Recrue de .
- Enfin, Jean Poirier est devenu propriétaire à la suite de son mariage
en , avec Marguerite, la fille d’Henri Jarry.
De nos jours toutefois, un seul bâtiment plutôt imposant occupe, à
peu de chose près, tout l’emplacement que les héritiers Messier avaient
initialement vendu au sieur Paul Bouchard. Érigé en , le , rue
Saint-Jacques est connu sous le nom de Banque Toronto Dominion. En
plus d’une succursale de l’institution, on retrouve au rez-de-chaussée sa
filiale, la société Canada Trust.
Le reste du quadrilatère est entièrement sur la concession de Pierre
Gadois. Le premier emplacement qui va de la rue Notre-Dame aux forti-
fications nord a appartenu au sieur Jean-Baptiste Leduc à partir de ,
à la suite d’un échange avec les récollets. En effet, avant l’arrivée de ces
derniers, les Gadois n’avaient pas vendu nécessairement des emplace-
ments qu’au nord de la rue Notre-Dame. Aussi les religieux ont-ils
procédé à des échanges, afin de donner une certaine homogénéité à leur
domaine. C’est apparemment de cette façon que le sieur Leduc s’est
retrouvé avec un terrain de cent sept pieds de largeur au nord de la rue
Notre-Dame, qu’il vendra plus tard au sieur Jean-Baptiste (?) Couturier
dit Bourguignon.
Le terrain Leduc-Couturier est considéré au terrier comme étant
formé de deux lots, avec soixante-trois pieds de largeur pour le plus à
l’ouest, et quarante-trois pour le suivant. Cela est probablement dû au
fait que la section est aurait été vendue par le sieur Couturier, avant son
décès. Par voie de succession, Dominique Janson dit Lapalme, qui avait
épousé Marie-Josephte Couturier, héritera donc du lot ouest seulement,
pour une largeur de soixante-trois pieds.
Les occupations actuelles correspondent assez bien aux dimensions
des deux lots d’origine. L’ancien hôtel Ottawa, avec sa façade sur Saint-
Jacques (nos -), et son annexe qui donne sur Notre-Dame
(nos -) se trouvent érigés sur le lot hérité par Dominique Janson,
  L E V IE U X-M O N T R É A L
SE C T E U R N UM ÉR O 1  

autrefois. Après sa construction dans les années , au e siècle,


l’hôtel Ottawa fut considéré comme un établissement de première caté-
gorie. Si le luxueux hôtel ferma ses portes en , à la mort du proprié-
taire qui l’avait construit, Harrison Stephens, sa famille garda quand
même l’édifice jusqu’en . En changeant de vocation, l’ancien hôtel a
dû conserver un certain lustre, car le consul général des États-Unis s’y
est installé après sa fermeture et le haut-commissaire du Royaume-Uni
y a eu son bureau, durant un certain temps, à partir de .
Le bâtiment lui-même témoigne toujours d’un passé prospère, mais
les usages sont plus modestes. Sur la rue Saint-Jacques, on retrouve le
restaurant Biotrain et la boutique de vêtements pour hommes Cohoes
qui traverse l’espace bâti jusqu’à la rue Notre-Dame, par l’annexe de
l’ancien hôtel Ottawa. Les étages supérieurs servent de bureaux à diverses
entreprises.
L’édifice du  et , rue Saint-Jacques est un bâtiment relativement
récent (), par rapport à ses voisins. Il n’occupe pas toute la profon-
deur de la partie est du lot original que possédait le sieur Leduc. Deux
restaurants, dont Le Clafoutis, sont au rez-de-chaussée. Quant à l’im-
meuble derrière, sur la rue Notre-Dame (n -), il date de .
Connu comme étant l’édifice Alfred-Larocque, du nom du philanthrope
et riche banquier qui l’a fait construire, le bâtiment a été loué jusqu’au
début du e siècle surtout par des fabricants et commerçants de meubles.
Par après, il n’aura vraiment plus de vocation précise et des entreprises
fort diverses l’occuperont.
Mais, à partir de , la bijouterie Hemsley s’y installera pour
plusieurs décennies. Comme l’édifice voisin du côté ouest, le nouveau
propriétaire l’intègre alors à celui de la rue Saint-Jacques, nouvellement
construit. En , une boutique de vêtements d’enfants et un bistro
occupent le rez-de-chaussée, alors que les bureaux des étages supérieurs
communiquent toujours avec ceux de la rue Saint-Jacques.
Nous arrivons sur l’emplacement que le sieur Joseph Mars dit Comtois
a obtenu directement des héritiers Gadois, lequel s’étendait lui aussi de
la rue Notre-Dame jusqu’aux remparts nord de la ville. De trente-deux
pieds de largeur seulement, ce lot fut cédé, en , au sieur Jean Fonte-
nelle dit Champagne. Quant à l’espace restant avant d’arriver à la rue
Saint-Guillaume (Dollard), il demeurera encore plusieurs années aux
mains des descendants de Pierre Gadois, à savoir les sieurs d’Ailleboust
de Coulonge et d’Ailleboust de Cusy, héritiers Gadois selon le terrier. Ce
  L E V IE U X-M O N T R É A L

sont eux qui vendront ce reste de la concession au sieur de Budemont,


en .
Quoique de quelques pieds plus large, on peut dire qu’en  le n 
et le n  occupent essentiellement la partie du lot que possédait le sieur
Mars dit Comtois, située en front de la rue Notre-Dame, alors que l’édi-
fice de la rue Saint-Jacques (n  et ) chevauche les lots du sieur
Mars et du sieur de Budemont. Ce dernier bâtiment est assez imposant
avec ses dix étages, enfreignant d’ailleurs quelque peu le règlement muni-
cipal du temps, par un dépassement des cent trente pieds autorisés. C’est
la Sovereign Bank qui était propriétaire lors de la construction mais,
trois ans plus tard, soit en , l’institution bancaire était dissoute et la
Commercial Union Assurance Company Limited prenait le relais pour
une soixantaine d’années. Le nom de la société d’assurance demeure
toujours gravé dans la pierre au troisième étage de l’édifice par l’inscrip-
tion Commercial Union Building. Maintenant, le bâtiment abrite entre
autres le Maître de la monnaie internationale limitée. Quant à l’édifice
de la rue Notre-Dame, on y retrouve la boutique d’un antiquaire, au
numéro de porte .
Les bâtiments qui longent la rue Dollard, de même que la voisine de
celle de la rue Notre-Dame, se trouvent construits, selon le terrier, sur le
terrain que possédait le sieur de Budemont, en . À remarquer qu’il
ne peut s’agir du chevalier et capitaine Pierre de Rivon, sieur de Bude-
mont, qui avait épousé Marie Godé, puisqu’il était décédé quelques
années auparavant. Par contre, il a peut-être eu des descendants que
l’auteur n’a pas réussi à retracer.
Ici encore, l’édifice de la rue Saint-Jacques et ceux de la rue Notre-
Dame ont eu des liens en commun. Au e siècle, Joseph Tiffin acquiert
successivement, l’immeuble que possède Marie-Jeanne Hervieux sur la
rue Saint-Jacques, puis le lot de Marie-Karine, la sœur de Marie-Jeanne,
sur la rue Notre-Dame. En , Tiffin construit le - de la rue
Saint-Jacques et, en , les  et , rue Notre-Dame. Quant à l’em-
placement au coin des rues Dollard et Notre-Dame, il sera détaché de
l’ensemble pour construire, en , un édifice de quatre étages dont la
façade sera entièrement refaite en .
Par ailleurs, les deux édifices construits par Joseph Tiffin subsistent
toujours et ont connu de nombreux locataires ou propriétaires sur une
période de presque cent quarante ans. D’abord occupé par un marchand de
tissus puis par un commerçant de meubles, le bâtiment de la rue Notre-
SE C T E U R N UM ÉR O 1  

Dame recevra ensuite un nouveau locataire, à savoir un imprimeur,


fabricant et importateur d’articles de bureau du nom de Charles F.
Dawson, qui y aura pignon sur rue durant soixante-et-dix ans. Entre-
temps, une saga judiciaire se jouera pendant une vingtaine d’années
entre les héritiers Tiffin, à propos de cet immeuble et de celui de la rue
Saint-Jacques. Plus tard, ce seront les frères Tripp, importateurs de vête-
ments, qui s’installeront sur la rue Notre-Dame, jusqu’en .
Un marchand d’instruments de musique et un fabricant de pianos
seront les premiers locataires de Joseph Tiffin, dans l’édifice de la rue
Saint-Jacques. Mais pas pour longtemps, et il en sera de même pour les
nombreux autres commerçants qui y paraderont jusqu’en . Après des
rénovations et un agrandissement vers l’arrière, le bâtiment sera acquis
par la Canadian Northern Railway. Paradoxalement, l’hôtel de ville de
Mont-Royal y aura ses bureaux en , et c’est à cet endroit que le conseil
municipal tiendra ses premières assemblées. Il faut dire que la nouvelle
municipalité qui avait obtenu officiellement son statut était une création
de la compagnie de chemin de fer. Peu après, cette dernière sera absorbée
par le Canadien National qui gardera l’édifice jusqu’en . De nos jours,
le rez-de-chaussée est occupé par le Pub Saint-Jacques, alors que des
entreprises ont leurs bureaux aux étages supérieurs.
On a parlé de l’édifice de la Banque Royale au chapitre « De Pierre
Gadois à la Banque Royale ». Mais voyons comment les héritiers du
premier concessionnaire ont disposé du site qui supportera un jour le
gratte-ciel de l’institution financière. La demie ouest, c’est-à-dire la partie
qui longe la rue Dollard, fut vendue en décembre  aux sieurs Jean-
Baptiste et Henri Jarry. Rapidement, Henri deviendra seul propriétaire
et, en , il cédera le tout au sieur Joseph Martel. Seize ans plus tard,
ce sera au tour de Jean Fontenelle dit Champagne de s’en porter
acquéreur.
Quant à la partie est du site qui se rend jusqu’à la rue Saint-Pierre, elle
sera divisée en deux. L’emplacement de la rue Saint-Jacques sera cédé au
sieur André Rapin, en . Le lot connaîtra successivement, par la suite,
trois autres propriétaires : Joseph Gauthier, Jean-Baptiste Chénier et
Étienne Rocbert, avant que la Fabrique de la paroisse Notre-Dame en
prenne possession vers , pour y créer le cimetière des Pauvres.
C’est le sieur Antoine Duquet dit Madry qui, en , achètera des
héritiers Gadois le dernier emplacement du site, au coin des rues Notre-
Dame et Saint-Pierre. À un certain moment, le terrain de Duquet fut
  L E V IE U X-M O N T R É A L

subdivisé en trois lots ayant front sur la rue Notre-Dame. Parmi les
acquéreurs qui se sont manifestés avant , on peut compter les sieurs
Pierre Couturier dit Bourguignon, Jean-Baptiste Ménard, Bernard
Dumouchel, Jacques Périneau dit Lamarche, Jean Latouche dit Saint-
Jean et Philippe Lachenaye.

Des plus pauvres aux plus riches

Il n’est pas rare qu’un site en particulier puisse changer radicalement de


vocation, avec le temps. On peut cependant ressentir un certain malaise
à la pensée que la plus riche banque du pays a construit son luxueux siège
social sur le cimetière des Pauvres. Existe-t-il un symbole plus extrême
de la pauvreté ? Pauvre dans la vie, pauvre dans la mort et étiqueté pauvre
pour l’éternité. Il est vrai cependant que le lieu avait perdu son caractère
de cimetière depuis plusieurs années et il serait étonnant d’ailleurs que
les dirigeants de l’institution y aient déjà réfléchi.
De toute façon, aucun obstacle ne pouvait arrêter les ambitions du
géant financier. On « déménagea » même la Banque d’Ottawa, un édifice
en pierre de dix étages, érigé une vingtaine d’années plus tôt, sur le
terrain qui avait appartenu aux Jarry puis à Joseph Martel. Parfaitement
reconstitué, au coin sud-est de la rue Notre-Dame et du boulevard Saint-
Laurent, on pourrait croire que le bâtiment a été déplacé d’un bloc, même
si la chose est techniquement impensable.
Si le règlement de la ville ne permettait pas de construire plus de dix
étages dans le Vieux-Montréal, l’édifice en aura vingt-deux, sans compter
les deux derniers qu’on serait porté à regarder de nos jours comme un
appartement terrasse au sommet de la tour. À sa base de trois étages que
l’on peut considérer comme son socle, la Banque Royale occupe chaque
pouce carré du quadrilatère. Les autres niveaux sont en retrait, ce que
ne prévoyaient pas les architectes au départ. Mais cette contrainte n’a
fait que donner plus d’élégance au prestigieux bâtiment qui ouvrira ses
portes au printemps .
Alors, tout le confort moderne des années  sera offert au personnel
et aux personnalités de marque, avec une infirmerie, des salles de récep-
tion ainsi que des salles à dîner. En , la Banque Royale s’offrira la
place Ville-Marie qui sera son dernier siège social à Montréal, avant de
déménager à Toronto. Mais l’impressionnante salle des guichets du ,
rue Saint-Jacques continue toujours d’accueillir des clients émerveillés.
SE C T E U R N UM ÉR O 1  

L’édifice tel qu’il apparaissait sur la rue


Saint-Jacques, d'après une illustration
publiée en 1909 par The Trade Review
Publishing Company dans Montréal,
the Imperial City of Canada, the
Metropolis of Canada, p. 88.

Ancienne Banque d’Ottawa « déménagée » au coin sud-est des rues


Notre-Dame et Saint-Laurent et devenue l’édifice Métropole.
  L E V IE U X-M O N T R É A L

Salle des guichets de la Banque Royale, rue Saint-Jacques.


SE C T E U R N UM ÉR O 1  

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Qui étaient ces récollets dont l’ordre religieux, s’il existe toujours à travers
le monde, est cependant aujourd’hui disparu au Québec? Le mot « récollet »,
par définition, veut dire celui qui est recueilli. Ces moines réformés préco-
nisaient avant tout une vie austère et le recueillement intérieur.
Au départ, deux branches se formèrent, toutes deux en Espagne. La
première se réclamait de saint Augustin et les religieux s’appelaient les
augustins récollets. C’est sans doute à cause de cette appellation que la
rue qui longeait le côté ouest de leur propriété porta longtemps le nom
d’Augustine, avant de devenir la rue McGill, même si les récollets de la
Nouvelle-France provenaient de la branche franciscaine.
Les récollets passèrent en France sous le règne d’Henri IV qui les prit
sous sa protection. Avec la reconnaissance de Rome qui arriva peu de
temps après, l’ordre connut une notoriété remarquable et Champlain en
fit les premiers missionnaires de la Nouvelle-France où il les amena « à
pied d’œuvre ».
Après avoir été chassés sous le régime Kirke en , les récollets ne
revinrent pas immédiatement à Québec, à la suite du traité de Saint-
Germain-en-Laye. Cependant, sous l’influence de l’intendant Talon, ils
réapparurent en nombre en . Vers , à la suite de nombreuses
transactions, les religieux se retrouvèrent avec un vaste domaine en plein
cœur de Montréal, à même le reste des anciennes concessions que les
Gadois et Messier possédaient encore à l’intérieur des fortifications.
Après quelques échanges stratégiques, de façon à donner une configu-
ration plus pratique à leur domaine, en évitant par exemple d’avoir à
traverser la rue Notre-Dame, la propriété s’est retrouvée alors rapidement
limitée vers l’ouest par la rue Augustine, au nord, par la rue Notre-Dame,
à l’est, depuis la rue Notre-Dame jusqu’aux environs de l’actuelle rue des
Récollets, par la rue Saint-Pierre ; puis, plus au sud, par des emplacements
qui avaient front sur ladite rue Saint-Pierre. Enfin, l’extrémité sud
s’appuyait sur l’arrière des lots qui avaient été auparavant concédés en
front de la rue Saint-Paul. En , la construction de l’église était
terminée. On doit reconnaître que les Récollets ont apporté une contri-
bution significative à la vie montréalaise.
Après s’être bien installés, les religieux constatèrent avec le temps
qu’ils pouvaient disposer d’une partie du domaine qui leur avait été
octroyé, sans nuire à leurs besoins. C’est ainsi que, durant la troisième
  L E V IE U X-M O N T R É A L

et la quatrième décennie du e siècle, ils cédèrent à divers citoyens la


lisière de terrain située le long de la rue Augustine (McGill). Pour ce qui
est du reste de la propriété ainsi que des bâtiments, ils demeurèrent à peu
près sans changement jusqu’en , alors que les biens des frères mineurs
furent réquisitionnés par le conquérant britannique. Sauf donc pour la
rue Augustine, de  à cet événement, les terrains n’ont connu que les
récollets comme occupants. À toutes fins utiles, il convient de traiter
d’abord des terrains dont les moines ont disposé de leur plein gré, pour
ensuite passer aux changements qui ont affecté le reste de la propriété,
sous le régime anglais.
En venant de l’est, le promeneur a l’impression d’avoir quitté le Vieux-
Montréal en atteignant la rue McGill. L’artère a quatre-vingts pieds de
largeur et son trafic intense et rapide rend difficile d’imaginer que l’on
y côtoie le passé historique de la ville. C’est pourtant vrai cependant, car
tout le côté est de l’emprise constituait autrefois la rue Augustine, qui
longeait l’intérieur des remparts. C’est à la suite de la démolition des
fortifications et de l’aplanissement des glacis que la rue McGill a atteint
sa largeur actuelle. Sans doute que des excavations en son centre permet-
traient de mettre à jour des vestiges des anciennes installations, mais
non sans créer de graves inconvénients.
C’est à partir de  que les frères mineurs cédèrent des emplace-
ments à des particuliers, sur la rue Augustine entre la rue Notre-Dame
et la future rue Le Moyne. En se dirigeant du nord au sud, on trouve
d’abord l’emplacement acquis par Jean Fontenelle dit Champagne en
, lequel s’étend jusqu’à la rue des Récollets. Ce Fontenelle était origi-
naire de la région de Reims en France.
Aujourd’hui, un édifice à bureaux en pierre de onze étages occupe la
demie ouest du terrain que le sieur Fontelle avait acquis des récollets. Au
moment de sa construction en , le bâtiment n’en avait que dix,
conformément au règlement municipal, alors en vigueur. Mais, en ,
la Ville autorisera l’ajout d’un étage supplémentaire, ce qui fera dis-
paraître l’imposante corniche en surplomb d’origine. C’est dans ce
bâtiment que la White Star avait son bureau canadien, lors de la tragédie
de son palais sur mer, le célèbre Titanic. En , l’immeuble sert
toujours à des fins de bureaux pour de multiples entreprises.
La moitié est du lot du sieur Fontenelle supporte en front de la rue des
Récollets (n -) une vieille bâtisse délabrée qui laisse supposer
qu’autrefois elle devait abriter les locaux d’un chiffonnier. En effet, on
SE C T E U R N UM ÉR O 1  

peut y distinguer difficilement une inscription peinte en gros caractères


sur la pierre : COTTON & WOOL WASTE LTD. Pourtant, à l’origine,
cette construction de , érigée par Alexander Ramsay sur un terrain
acquis de dame Rose Blanche, ne manquait pas de cachet. Heureusement,
d’importants travaux de rénovation sont en cours. Les aînés se rappel-
leront des produits fort connus, auxquels le fabricant et commerçant de
peinture Ramsay a laissé son nom.
Quant au n  et au n  de la rue Notre-Dame, c’est un large
bâtiment dont seule l’extrémité ouest se retrouve sur l’emplacement
d’origine qui appartenait au sieur Fontelle.
Dans leur période de ventes de terrains, les religieux s’étaient réservé
un passage qui débouchait sur la rue Augustine. Cet accès, dont on ne
connaît pas la largeur originale, se trouve aujourd’hui à l’intérieur de
l’emprise de la rue des Récollets. Un autre élément nous empêche de
situer parfaitement les emplacements cédés par les religieux. Ceux-ci ont
en effet créé, du nord vers le sud, quatre emplacements mesurant chacun
quarante-huit pieds de largeur, mais aucune dimension n’a été établie
pour le suivant qui se rendait jusqu’à la limite sud de leur domaine, soit
jusqu’à l’arrière des lots qui avaient front sur la rue Saint-Paul. Néan-
moins, on peut quand même relativement bien établir la correspondance
des premiers emplacements avec ceux d’aujourd’hui.
Ce sont surtout des militaires qui se sont portés acquéreurs des lots
concédés par les récollets, en front de la rue Augustine. Si Jean-Baptiste
Cousineau, arrivé à Montréal en tant que soldat vers , déménagea
une vingtaine d’années plus tard dans le village de Saint-Laurent où il
acheta trois terres pour y établir ses fils, il marqua quand même le Vieux-
Montréal, à titre de maçon et de bâtisseur. Son fils aîné, du même prénom
que le père et qui exerça lui aussi le métier de maçon, semble s’être laissé
tenté par la ville puisqu’en  il achetait, des religieux, l’emplacement
qui se trouve aujourd’hui à l’angle sud-est des rues McGill et des
Récollets. Le bâtiment en pierre et brique de dix étages qui l’occupe de
nos jours déborde sur le terrain que possédait autrefois, Gabriel Hivon
(Yvon) dit Leber (). De plus, le Boris Bistro, à l’intérieur de l’édifice,
donne vers le sud, sur une sympathique terrasse plantée d’arbres et
d’arbustes. Celle-ci correspond approximativement à l’emplacement que
Pierre Yvon dit Leber avait acquis avec son gendre, Jean-Baptiste Patenote
(Patenaude), en . En fait, la terrasse occupe un espace clos où l’on
retrouvait, il y a une quinzaine d’années, un bâtiment en pierre construit
  L E V IE U X-M O N T R É A L
SE C T E U R N UM ÉR O 1  
  L E V IE U X-M O N T R É A L

en  par Olivier Berthelet et dont il ne reste que la façade aux fenêtres
éventrées, ce qui ne manque pas de donner un cachet particulier à
l’endroit. Jusqu’à un certain point, les trois emplacements d’origine
forment un tout que les descendances des premiers propriétaires pour-
raient considérer comme un patrimoine commun qui leur est propre.
D’après certains documents, les Cousineau, père et fils, auraient béné-
ficié de nombreux contrats pour la construction de maisons en pierre à
Montréal. Mais c’est vraiment à Saint-Laurent que les Cousineau ont fait
leur marque. En plus de ses fils, Jean-Baptiste Cousineau a eu plusieurs
filles, dont Marie-Renée qui épousa Jacques-Joseph Cheval dit Saint-
Jacques, originaire de Tournai en Belgique. Le mariage eut lieu à Saint-
Laurent même, le  septembre  et le couple s’installa dans les envi-
rons. Ce Cheval dit Saint-Jacques est l’ancêtre commun des Cheval et
des Saint-Jacques.
Les Cousineau, comme la plupart des fondateurs du village, sont sans
doute à l’origine de la culture du fameux melon qui fit la renommée de
Saint-Laurent et dont se délectaient les amateurs, non seulement à
Montréal, mais dans toute la Nouvelle-Angleterre jusqu’à New York. À
l’époque de la récolte, les habitants étaient si nombreux aux champs que
ceux de la côte des Neiges qui surplombait les terres basses apercevaient
au loin d’innombrables taches blanches. C’est alors qu’ils surnommèrent
les cultivateurs du village voisin « les dos blancs de Saint-Laurent », sobri-
quet qui leur restera jusqu’à nos jours. Mais les Cousineau n’ont pas que
cultivé des melons. Ils figurent parmi les familles pionnières qui ont fait
de Saint-Laurent l’agglomération que l’on connaît aujourd’hui.
Quant à Pierre et Gabriel Yvon dit Leber, qu’il ne faut pas confondre
avec d’autres Leber venus également de France, il s’agit du père et du
fils. Originaire de Bretagne, Pierre exerçait à Montréal le métier de
cordonnier.
Toujours en se dirigeant vers le sud, les terrains suivants appartenaient
respectivement à Joseph Parent () et à Étienne Rocbert (). À
l’époque où les Récollets concèdent un emplacement à Joseph Parent,
deux citoyens de Montréal, à peu près du même âge, portaient ce nom.
Des recherches plus poussées pourraient probablement permettre de
déterminer s’il s’agissait du fils de Pierre Parent ou de celui de Thomas
Parent qui ont tous deux eu un fils prénommé Joseph.
Quant au lieutenant Étienne Rocbert, sieur de la Morandière, il était
ingénieur de métier et fut plus tard promu capitaine de troupes. Son père
SE C T E U R N UM ÉR O 1  

(dont nous parlerons lorsqu’il sera question de la place Royale), son frère
Louis, de même que son propre fils Abel ont également embrassé la
carrière militaire. Ces Rocbert se sont tous les quatre mariés en Nouvelle-
France, y compris Abel, dont le mariage fut célébré à Varennes en ,
soit huit ans après le décès de son grand-père, à Rochefort en Charente-
Maritime. Toutefois, on ne retrace plus de Rocbert au pays par la suite.
Les descendants auraient-ils changé leur patronyme pour celui de Robert,
tout en n’ayant aucun lien de parenté avec les autres Robert venus de
France ? Abel et Louis n’ont-ils eu que des filles ? Ou encore, est-ce que
tous les Rocbert ont suivi l’aïeul Étienne qui était retourné mourir sur
sa terre natale ? Seules des recherches plus poussées pourraient le
déterminer.
Parmi les propriétaires qui ont succédé au capitaine de troupes, on
compte Simon Sanguinet, seigneur de La Salle, qui hérita de l’emplace-
ment en épousant Thérèse, la fille de Charles-Auguste Rhéaume qui avait
acheté, en , une partie du terrain que possédait le sieur Rocbert.
Simon et Thérèse Sanguinet sont les grands-parents des patriotes
Ambroise et Charles, exécutés à Montréal le  janvier .
Avec les Parent et Rocbert, nous nous trouvons sur une partie des
terrains que l’entrepreneur Charles-Simon Delorme possédait au début
du e siècle, lesquels couvraient également le , rue Lemoyne et des
emplacements de la rue Sainte-Hélène. C’est ce Delorme ou ses enfants
qui construiront la plupart des immeubles qu’on y aperçoit aujourd’hui
et dont certains feront partie du patrimoine familial jusqu’en .
Malheureusement plutôt délabrées, les trois bâtisses actuelles de la rue
McGill (n  et ,  et , et ) présentent des restaurants ou
des commerces plutôt bas de gamme.
Même si aucun autre habitant n’a pu acquérir un emplacement à même
le domaine des Récollets du temps de la Nouvelle-France, il peut quand
même être intéressant de savoir ce qu’il est advenu après la Conquête,
aussi bien des bâtiments que des jardins de la communauté.
L’église, le monastère, le cloître et les autres dépendances des frères
mineurs occupaient essentiellement la partie de leur domaine qui était
comprise entre les rues Notre-Dame et des Récollets, principalement du
côté est de la rue Sainte-Hélène. Une plaque commémorative sur l’édifice
portant le numéro  de la rue Notre-Dame trace l’historique religieux
de l’endroit. On apprend que l’église et le monastère des Récollets ont
résisté au temps de  à . Après la saisie des biens des religieux, ils
  L E V IE U X-M O N T R É A L

servirent au culte anglican sur une période de vingt-huit ans, soit


jusqu’en . Par après, les presbytériens et les catholiques se partagè-
rent l’usage des lieux.
Il semble cependant que cet accommodement ne dura que quelques
années à peine. En effet, la communauté presbytérienne construisit son
propre temple à l’angle nord-ouest des rues Sainte-Hélène et des Récol-
lets et les catholiques entrèrent alors seuls en possession de la vieille église
qui deviendra celle de la paroisse des Irlandais de Montréal, de  à
. La Fabrique de Notre-Dame continuera d’assumer l’administration
des bâtiments jusqu’à leur complète démolition, en . À peu près au
même moment, l’église presbytérienne Saint-Paul et une école voisine
passeront également sous le pic des démolisseurs.
Mais, entretemps, que s’est-il passé avec les jardins du monastère ? Le
capitaine David Alexander Grant eut la bonne fortune d’épouser Marie
Charles Joseph, la baronne de Longueuil qui était la fille de Charles
Jacques, le troisième baron de la dynastie. C’est ainsi que leur fils, Charles
William, put porter le titre de sa mère et devenir par le fait même proprié-
taire de l’île Sainte-Hélène qui faisait partie de la seigneurie. Perspicace
et prévoyant toute l’importance que prendrait bientôt le centre-ville de
Montréal, en ce début du e siècle, le fils du capitaine Grant échangea
son île avec le gouvernement de Londres pour les terrains des récollets.
Pendant que la Couronne installait une garnison à Sainte-Hélène pour
les troupes de Sa Majesté, Grant s’est mis en frais de lotir les jardins des
révérends frères mineurs et d’y percer plusieurs rues.
Aujourd’hui, en se promenant dans les rues Sainte-Hélène, des Récol-
lets et une partie de la rue Le Moyne, on a peine à imaginer que les lieux
furent déjà occupés par de magnifiques jardins monastiques. Si quelques
bâtiments actuels méritent l’attention, on doit admettre que, sur le plan
architectural, nous ne sommes pas en présence de la partie la plus inté-
ressante du Vieux-Montréal.
Par ailleurs, pour rappeler la fin de l’époque victorienne, la rue Sainte-
Hélène est aujourd’hui éclairée au gaz. Certes, il n’y a plus d’allumeurs
de réverbères, mais vingt-deux lampadaires installés en  sont
éclairés par la société Gaz métropolitain. Une plaque au coin de la rue
Notre-Dame rappelle qu’il n’y a pas si longtemps, chaque soir, à la
brunante, il fallait plusieurs préposés pour assurer durant la nuit l’éclai-
rage des principales artères de Montréal. En fait, on comptait trois cent
deux lanternes au gaz. « Une touche lumineuse tremblote dans le jour
SE C T E U R N UM ÉR O 1  

qui décline. C’est la flammèche qui, abritée du vent par un étui métal-
lique, luit au bout de la perche de l’allumeur de réverbères. La nuit peut
venir. Par toute la ville, des becs de gaz jalonneront le parcours jusqu’au
petit matin. »
En remontant la rue Sainte-Hélène, les deux premiers édifices actuels
du côté ouest (- et ) n’ont pas été construits par le sieur
Delorme ou ses fils. En effet, le marchand Johnson Thompson a démoli
les immeubles qu’il avait acquis de la succession Delorme en , pour
y ériger, six ans plus tard, des magasins entrepôts.
Les quatre bâtiments suivants, qui datent de , ont aussi été
construits en vue d’un objectif similaire. C’est la veuve de John E. Mills
et ses quatre filles qui ont réalisé le projet pour les deux premiers (n 
et -), alors que Jesse Joseph, un important promoteur immobilier
du temps, s’est chargé des deux autres.
Les six immeubles entre les rues Le Moyne et des Récollets ont connu,
depuis leur inauguration jusqu’au milieu du e siècle, un nombre impo-
sant de locataires grossistes et importateurs, notamment dans le domaine
des tissus et de la mercerie. Ils étaient accompagnés de chapeliers et de
marchands de fourrures. Aujourd’hui, ces magasins entrepôts ont été
transformés soit en bureaux, soit en condominiums.
À l’ouest de la rue Sainte-Hélène, jusqu’à l’emplacement que les
moines avaient cédé au sieur de Fontenelle en , trois bâtiments pren-
nent place entre les rues Notre-Dame et des Récollets.
C’est en novembre  que la communauté presbytérienne se débar-
rasse de l’église Saint-Paul et de l’école adjacente, situées à l’ouest de la
rue Sainte-Hélène, en faveur de James Johnston qui démolit les bâtiments
existants pour construire l’édifice actuel sur le coin nord-ouest des rues
Sainte-Hélène et des Récollets. L’entreprise de Johnston et celle de Finley,
Smith & Co., qui lui succède rayonnèrent toutes deux dans le domaine
du textile et des produits dérivés ou connexes (dry goods), jusqu’au début
des années , alors que la société Affiliated Customs Brokers prend
la relève. Ces courtiers en douane l’occupent toujours en ce début du
e siècle.
Le  et le  de la rue Notre-Dame est un édifice de six étages qui
date d’une vingtaine d’années seulement et qui a remplacé deux des trois
immeubles que l’homme d’affaires James Ferrier avait fait construire en

. Victor Barbeau, La Tentation du passé, Montréal, La Presse, .


  L E V IE U X-M O N T R É A L

. Celui au coin de la rue Sainte-Hélène demeure le seul à avoir résisté


au temps. Le Szechuan, un restaurant chinois de bonne réputation, en
occupe la majeure partie.
Si la Fabrique de la paroisse Notre-Dame vend le couvent et l’église
des Récollets en , il semble bien que l’espace voisin jusqu’à la rue
Saint-Pierre, qui faisait aussi partie de la propriété des frères mineurs au
moment de la Conquête, ait été aliéné quelques années auparavant. Quoi
qu’il en soit, ce sont les marchands Lewis et Kay qui achèteront les
édifices religieux, pour les démolir presque aussitôt. Mais les deux asso-
ciés connaissent rapidement des déboires financiers. Heureusement,
Mary Lacy, la mère de Frederick Kay, vient à la rescousse. C’est elle qui
construira les deux magasins entrepôts qui formeront le « Recollet
House » (, rue Notre-Dame et , rue des Récollets). Vers , un
troisième édifice s’est ajouté (-, rue Notre-Dame) et l’ensemble a
connu des transformations radicales autour d’une cour intérieure, avec
bureaux aux étages et commerces au rez-de-chaussée.
En continuant vers l’est, il reste encore cinq bâtiments, avant de clore
le quadrilatère borné par les rues Sainte-Hélène, Notre-Dame, Saint-
Pierre et des Récollets. Construit en , le premier a pignon à la fois
sur la rue Notre-Dame ( et ) et sur la rue des Récollets ( et ).
Comme voisins, on retrouve deux immeubles qui auraient été érigés
ensemble, l’un derrière l’autre. Pourtant, l’année retracée pour celui de
la rue Notre-Dame est , alors que celui de la rue des Récollets date-
rait de . Enfin, le long de la rue Saint-Pierre, on voit, au coin de la
rue Notre-Dame, un bâtiment de trois étages relativement récent ().
Par contre, celui qui est au sud a été construit vers , par un nommé
Hugh Thompson. Les cinq édifices abritent de nos jours divers commerces
au rez-de-chaussée avec bureaux aux étages supérieurs.
Les constructions de la rue Saint-Pierre en se dirigeant plus au sud
vers la rue Le Moyne se trouvent sur des terrains que les Gadois avaient
déjà concédés, ou encore qu’ils avaient décidé de garder lors de l’arrivée
des récollets. En fait, dans le jardin des religieux, il ne reste plus qu’à
traiter le côté est de la rue Sainte-Hélène. L’édifice le plus intéressant du
groupe se trouve au coin de la rue des Récollets. Il s’agit de l’hôtel Gault,
résultat du réaménagement d’un immeuble de cinq étages converti en
auberge sympathique. Le bâtiment antérieur à celui que les frères Gault
ont fait construire en  avait logé, à partir du  novembre , le
premier YMCA en Amérique du Nord.
SE C T E U R N UM ÉR O 1  

Les deux immeubles suivants ont été construits en , pour le


marchand James Hutton. Quant au  de la rue Sainte-Hélène qui est
plus récent, il aura comme locataire la compagnie américaine de café
Chase & Sandborn, à partir de son inauguration en , jusqu’en .
Enfin, un nouvel édifice de six étages vient de prendre place à l’angle
nord-est des rues Sainte-Hélène et Le Moyne.
Le fils du capitaine Grant a détruit le jardin des Récollets. Peut-être
faudrait-il lui en être reconnaissant ? Après tout, le jardin a cédé en retour
à l’État, un trésor inestimable qui, autrement, aurait fait l’envie de spécu-
lateurs. L’incomparable île Sainte-Hélène ne vaut-elle pas mille fois la
rue du même nom ? Merci Mr. Grant !

  -  -

Les terrains situés du côté ouest de la rue Saint-Pierre, au sud de la rue


des Récollets, ont été créés à même la concession de Pierre Gadois et
n’ont pas fait partie des transactions qui ont mené à la création du
domaine des Récollets. Quant aux lots qui se trouvent de part et d’autre
de la rue Saint-Paul, ils proviennent soit de la terre des Gadois, soit de la
commune. Comme la rue Augustine et la limite est de la concession de
Michel Messier, sieur de Saint-Michel, se croisent quelque part près de
la rue Saint-Paul, la terre de ce dernier n’est plus tellement concernée par
les emplacements qu’il reste à traiter à l’intérieur du secteur numéro 
de l’ouvrage. Sauf peut-être pour un résidu irrégulier de dix-neuf pieds,
près de ladite rue Augustine, que le sieur de Saint-Michel a vendu à un
certain moment. Ce qui conduit d’ailleurs à une meilleure concordance
de l’ensemble des concessions, avec la mesure globale comprise entre les
rues McGill et Saint-Pierre.

La rue Saint-Pierre

Il convient de considérer comme un ensemble les trois terrains que les


héritiers Gadois ont cédés en front de la rue Saint-Pierre, en partant de
la rue des Récollets. Au e siècle, celui du coin était allé au sieur Jean-
Baptiste Barrois, alors que le sieur Jacques Cardinal avait pris possession
des deux autres.
  L E V IE U X-M O N T R É A L

En , les sœurs Susannah et Mary Corse, alors propriétaires des


trois lots, font construire quatre magasins entrepôts sur ledit ensemble.
Seuls les deux plus au sud subsistent toujours. Ils couvrent une bonne
partie des deux lots que possédait le sieur Cardinal. Après avoir conservé
longtemps leur vocation première, le  et le  ont été recyclés vers
l’année , pour accueillir des commerces au rez-de-chaussée et des
résidents aux étages.
Jean-Baptiste Barrois était le fils d’Antoine, un chirurgien originaire
d’Auvergne, qui a épousé Madeleine Cardinal, la sœur de Jacques. Leur
grand-père Simon, l’ancêtre du patriote Joseph-Narcisse Cardinal,
exécuté en , était arrivé à Ville-Marie avec la Grande Recrue de
.
Le terrain suivant vers le sud a été obtenu des héritiers Gadois, par le
sieur Jean-Baptiste Nepveu. Au moins dix Français de ce patronyme sont
venus s’établir en Nouvelle-France et, au moment où Jean-Baptiste
devient propriétaire d’un terrain sur la rue Saint-Pierre, plusieurs Nepveu
portent ce prénom. Cependant, il s’agirait vraisemblablement ici de celui
qui a épousé Marguerite Beaumont en , et dont le père Thomas
Nepveu, un soldat de la Compagnie de monsieur de Saint-Ours, venait
de la région d’Avranches, en Normandie.
L’édifice qui occupe présentement l’emplacement du sieur Nepveu
( et , rue Saint-Pierre) a été érigé en , pour le marchand
Alexander Urquhart qui importait ses produits d’Europe. Après , le
magasin entrepôt a continué d’abriter des marchands aux activités fort
diversifiées, pour devenir en  un immeuble à bureaux.
Avant d’atteindre la rue Le Moyne, qui ne sera ouverte qu’au e siècle,
trois autres lots ont été créés à même la terre des Gadois. Le premier ira
au sieur Jean-Baptiste Lefebvre dit Auger en , alors que les deux
derniers, devenus la propriété du sieur François Prud’homme à titre
d’héritier par sa mère Roberte Gadois, seront vendus en , au sieur
Pierre-René Gatien dit Tourangeau qui épousera Marguerite Gauthier,
deux ans plus tard. Louis, le père de François Prud’homme, un Parisien
de naissance, était à la fois brasseur et capitaine. Par ailleurs, comme son
surnom l’indique, Pierre Gatien père venait de Tours. À Ville-Marie, il
pratiquait le métier de couvreur en ardoise.
En , William Carter se porte acquéreur des trois emplacements
qui avaient d’ailleurs déjà été réunis plus tôt pour former le complexe de
la paroisse presbytérienne de St. Andrew’s. Il démolit aussitôt l’église en
SE C T E U R N UM ÉR O 1  

ruines, pour construire les quatre édifices que l’on voit encore de nos
jours.
Si, à un certain moment, plusieurs locataires se partagent l’espace dispo-
nible, au tournant du e siècle, les épiciers en gros Laporte, Martin & Cie
loueront les quatre magasins entrepôts. En , la E. B. Eddy Company,
une importante société de pâtes et papiers et d’allumettes, achète tout le
complexe. Les édifices seront vendus en  et, à partir de , ils feront
graduellement l’objet de restauration et de réaménagement.

La rue Saint-Paul

La rue Saint-Paul est peut-être l’artère qui caractérise le mieux le passé.


À la différence de Notre-Dame tout à fait rectiligne, la rue Saint-Paul est
beaucoup plus étroite et ses courbes légères qui s’étalent sur une distance
de mille trois cents mètres lui confèrent une nonchalance qui, avec le
dôme du marché Bonsecours à son extrémité est, rappelle une ville
ancienne. D’ailleurs, c’est la seule artère du Vieux-Montréal qui s’est
permis cette coquetterie. Son pavé cahoteux résonne constamment au
contact des sabots des chevaux qui, parfois à la queue leu-leu, tirent des
calèches où s’entassent des touristes ou des couples d’amoureux.
Avec l’arrivée de la Grande Recrue de , c’est la rue qui s’est déve-
loppée le plus rapidement, en même temps que la place du Marché et la
place d’Armes. Sur le plan des droits fonciers, on peut imaginer facile-
ment qu’ils concernent un grand nombre des premiers habitants de Ville-
Marie.
Quand les récollets ont débarqué à Montréal, la famille Gadois a pu
se garder un espace suffisamment grand pour créer des lots en face de la
commune que les seigneurs avaient entrepris de céder au moment de
l’ouverture de la rue Saint-Paul. D’après les profondeurs données, l’es-
pace dont il est question se rendait approximativement jusqu’à la rue
Le Moyne, créée semble-t-il au moment du morcellement des jardins des
religieux. En plus de tirer avantage d’une rallonge de terrain jusqu’à la
rue Saint-Paul que leur consentaient les messieurs, certains bénéficiaires
ont même profité de l’occasion pour acquérir aussi un espace au sud de
ladite rue. Ceux-là durent cependant sacrifier beaucoup sur la profon-
deur, lorsqu’est arrivé le moment d’ériger les fortifications.
Lors de la subdivision des jardins des Récollets, le côté nord de la rue
Saint-Paul était entièrement construit entre les rues Augustine et Saint-
  L E V IE U X-M O N T R É A L

Pierre. Il n’était donc pas question d’y faire déboucher la rue Sainte-
Hélène. La profondeur des terrains en front de ladite rue Saint-Paul a
permis de créer, à même l’arrière de ces derniers, des emplacements ayant
front sur la nouvelle rue Le Moyne. Les deux rangées de bâtiments actuels
occupent donc des lots qui, autrefois, s’étendaient de la rue Saint-Paul
jusqu’au domaine des religieux.
C’est par leur mère Roberte Gadois que les frères François et Pierre
Prud’homme héritèrent chacun d’un emplacement de cent quinze pieds
de largeur, en front de la rue Saint-Paul. Les deux lots se faisaient face,
celui de François du côté nord de la rue et celui de Pierre du côté sud.
Les héritiers de ce dernier durent cependant se contenter d’une profon-
deur réduite à environ trente-huit pieds, lors de l’érection du mur d’en-
ceinte. Est-ce la raison pour laquelle soixante-sept pieds supplémentaires
ont été ajoutés à la largeur de l’emplacement, quelques années plus tard ?
Il est difficile de le confirmer, mais on sait qu’au début du e siècle
les héritiers de Pierre Prud’homme bénéficiaient, à même la commune,
d’une largeur totale de cent quatre-vingt-deux pieds en front de la rue
Saint-Paul.
Afin de garder une certaine continuité, il convient de terminer
d’abord l’étude des emplacements situés au nord de la rue Saint-Paul
entre les rues McGill et Saint-Pierre, avant de conclure avec ceux du côté
sud.
En , le sieur Jacques Cauchois deviendra propriétaire d’un lot de
soixante-six pieds de largeur, à l’est de celui du sieur François
Prud’homme. Ce Cauchois qui venait de Saint-André, en banlieue de
Rouen, était le beau-frère des deux Prud’homme, pour avoir épousé leur
sœur Élisabeth, une fille de Roberte Gadois. On peut dire que les descen-
dants Gadois ont profité de leur héritage, avant d’en disposer en faveur
de tiers. Ils ont sûrement habité sur la rue Saint-Paul, durant plusieurs
années. Suit, enfin, un terrain de soixante-dix pieds obtenu lui aussi en
, par le sieur Michel Lecourt.
Les trois emplacements en partant de la rue Augustine (McGill) ont
une profondeur qui se rend à peu près à la limite sud de la rue Le Moyne
actuelle. Quant aux deux terrains qui restent avant d’atteindre la rue
Saint-Pierre, ils vont rejoindre, le long de cette rue, celui que le sieur
Pierre-René Gatien dit Tourangeau avait acheté en . La rue Le Moyne
en grugera une partie pour déboucher sur la rue Saint-Pierre. Cette
ouverture, comme toute la rue Le Moyne d’ailleurs, permettra aux
SE C T E U R N UM ÉR O 1  

résidus de lots, de même qu’aux autres terrains vers l’ouest, d’avoir front
sur deux rues parallèles.
Le sieur Antoine Hatanville, un Parisien d’origine, obtint en  le lot
voisin de celui du sieur Lecourt, alors que dès  le sieur Claude Robutel
de Saint-André était devenu propriétaire de l’emplacement situé au coin
de la rue Saint-Pierre. Hatanville était un autre membre du clan Gadois,
pour avoir épousé Jeanne, la fille de Pierre, le « célèbre serrurier ».
En , le Cadastre officiel reflète toujours l’existence de lots adossés
qui font front, soit sur la rue Le Moyne, soit sur la rue Saint-Paul. Si
globalement, entre les rues McGill et Saint-Pierre, l’écart entre le terrier
et le cadastre demeure très mince, on arrive difficilement à faire coïncider
les limites des lots originaux avec celles d’aujourd’hui. La situation est
due, entre autres, au fait qu’il y a eu divers accommodements dans les
transactions à travers les siècles, en fonction des besoins des proprié-
taires. Il n’est évidemment pas question de remonter les chaînes de titres
pour expliquer les chevauchements. L’auteur fait simplement part des
différences afin d’établir la correspondance entre l’occupation présente
et celle du passé. Il regroupe également les bâtiments actuels selon leur
relation avec chacune des concessions créées au e siècle.
On peut dire sans hésitation que l’édifice Shaughnessy (-, rue
McGill) et les terrains vacants qui l’entourent du côté des rues Saint-Paul
et Le Moyne se trouvent entièrement sur la concession du sieur François
Prud’homme et sur le résidu de terrain du sieur de Saint-Michel dont il
a été question plus haut. Le Shaughnessy en impose par son volume, son
architecture et les dix étages qui le composent. Il faudra démolir deux
hôtels pour le construire, en .
C’est en tant que président du Canadian Pacific Railway et de la
Dorchester Realties que Thomas Shaughnessy entreprend les travaux.
Les titres de propriété seront transférés à cette dernière société, l’année
même de la réalisation du projet. Le rez-de-chaussée sera occupé par le
CPR Telegraph ainsi que par une succursale de la Banque de Montréal
qui y sera locataire durant quatre-vingts ans, soit jusqu’à tout récem-
ment. Il peut paraître surprenant qu’à partir de , alors que l’édifice
appartient toujours à la Dorchester Realties, l’autre grande société ferro-
viaire concurrente du pays y ait eu des bureaux pendant soixante et
un ans.
Entre  et , l’homme d’affaires Jesse Joseph construira onze
magasins entrepôts, dans l’espace présentement couvert. Neuf d’entre
  L E V IE U X-M O N T R É A L

eux occuperont tout le reste des terrains du côté sud de la rue Le Moyne
jusqu’à la rue Saint-Pierre, alors que les deux autres seront érigés sur la
rue Saint-Paul. Si les trois immeubles les plus à l’est sur Le Moyne sont
détruits par le grave incendie de janvier  qui ravagea une trentaine
de bâtiments du Vieux-Montréal, monsieur Joseph qui, en plus de brasser
des affaires, sera très longtemps consul de Belgique à Montréal, ne se
découragea pas malgré son âge avancé. Il entreprit immédiatement la
reconstruction des trois édifices incendiés. De l’ensemble « Jesse Joseph »,
il reste dix immeubles, le onzième sur la rue Le Moyne étant aujourd’hui
disparu.
Grosso modo, le - de la rue Saint-Paul et les deux bâtiments
arrière sur la rue Lemoyne ( et ), de même que le lot vacant adja-
cent, occupent la concession du sieur Cauchois, tout en débordant d’une
vingtaine de pieds sur celle du sieur Lecourt. Dans l’édifice de six étages
de la rue Saint-Paul qui date de , des grossistes en chapeaux et en
fourrures se sont installés pour de nombreuses années, après son ouver-
ture. Plus tard, il sera aménagé en bureaux pour diverses entreprises.
Bien sûr, les deux bâtiments de la rue Le Moyne font partie de l’ensemble
construit par Jesse Joseph. En , ils logent des agences et des
résidents.
Sur Saint-Paul, nous arrivons aux deux seuls immeubles que Jesse
Joseph a construits sur cette rue et qui s’appuient à l’arrière sur deux
autres du même ensemble. Ces quatre magasins entrepôts se trouvent
érigés principalement sur l’ancien emplacement que possédait le sieur
Michel Lecourt, mais les deux du côté est (, rue Saint-Paul et , rue
Le Moyne) reposent également sur une lisière d’environ six pieds de
largeur, à même la concession du sieur Antoine Hatanville.
Les quatre bâtiments connaîtront de nombreux occupants. Mais vers
 l’Empire Trading Company, une société importatrice de verrerie et
de porcelaine, s’installera à la fois, pour une quarantaine d’années, au
, rue Saint-Paul et dans les deux édifices de la rue Le Moyne ( et
). Depuis le début du présent millénaire, les trois immeubles ainsi que
le  de la rue Saint-Paul se sont recyclés en vue d’une vocation à carac-
tère résidentiel.
Le -, rue Saint-Paul et le , rue Le Moyne occupent en largeur
à peu près le centre du lot du sieur Hatanville. Si l’édifice de la rue
Le Moyne fait partie de la série construite par Jesse Joseph, celui de la
rue Saint-Paul ne peut être dissocié de Donald Ross qui le fit construire
SE C T E U R N UM ÉR O 1  

en même temps que le bâtiment voisin (-, rue Saint-Paul), en .


Mr. Ross léguera ses deux propriétés au Trafalgar Institute, une école
privée pour jeunes filles de bonne société, créée grâce à la générosité des
Ross et qui existe toujours sur la rue Simpson, au pied du mont Royal.
Aujourd’hui, les espaces des deux bâtiments de la rue Saint-Paul sont
partagés en bureaux et en résidences.
Ce n’est qu’une petite partie du second immeuble Ross qui repose sur
la concession du sieur Hatanville. Comme l’édifice au coin de la rue
Saint-Pierre, de même que les trois autres derrière construits par Jesse
Joseph, après l’incendie dévastateur de , qui avait connu son origine
au  et  de la rue Le Moyne, il occupe principalement la concession
du marchand Claude Robutel de Saint-André. Un dernier bâtiment
construit en  s’est intercalé au groupe, en front de la rue Saint-Pierre
(). Il loge les bureaux de la compagnie Les Courtiers en douane et
arrivage ltée, alors que les rez-de-chaussée de la rue Saint-Paul abritent
des commerces dont un restaurant () et une boulangerie ().
Avec l’avènement des fortifications, les concessions qui avaient été
accordées à même la commune, à partir du côté sud de la rue Saint-Paul,
furent soit carrément annulées en même temps que la rue Saint-Louis,
soit passablement amputées dans leur profondeur.
On a mentionné plus haut que le premier concessionnaire d’ouest en
est, sur le côté sud de la rue Saint-Paul, se nommait Pierre Prud’homme,
l’un des fils héritiers de Roberte Gadois. Obtenu en , ce lot qui mesu-
rait cent quatre-vingt-deux pieds de largeur, avec l’ajout venu plus tard,
restera dans la famille jusqu’en . À partir de ce moment, c’est la veuve
Saint-Dizier et ses héritiers qui en bénéficieront.
Denis Étienne sieur de Clairin était déjà détenteur de la concession
suivante depuis juillet , lorsque le sieur Prud’homme obtint la sienne.
On ne retrace pas grand-chose sur le sieur de Clairin qui semble avoir
joui de son emplacement durant un peu plus de vingt ans. Mais, à partir
de , la propriété changea de mains quatre fois en l’espace de trois ans.
Il y eut d’abord Étienne Robert (probablement Rocbert), puis Joseph
Poupart dit Lafleur, soldat dans la compagnie Chambly du régiment de
Carignan. Jacques Biron, pour sa part, venait d’épouser Marie Heurtebise

. Il ne faut pas confondre cette rue Saint-Louis avec celle qui porte le même toponyme,
plus à l’est dans le Vieux-Montréal, au nord de la rue Notre-Dame.
  L E V IE U X-M O N T R É A L

(Hurtubise) au moment d’acquérir l’emplacement, en . En cette même


année apparaîtra un quatrième concessionnaire, du nom de Jacques
Langlois.
Le coin sud-ouest des rues Saint-Paul et Saint-Pierre a d’abord appar-
tenu à Jean-Baptiste Céloron, sieur de Blainville, originaire de la région
parisienne et capitaine de marine. C’est le  décembre  qu’il devint
officiellement concessionnaire de l’emplacement. La veille, sa femme,
Hélène Picoté de Belestre, avait donné naissance à Pierre-Joseph, leur fils
aîné. Les Céloron occupaient-ils déjà les lieux en ce  décembre ? Diffi-
cile à dire. Toujours est-il que Pierre-Joseph y passa certainement sa plus
tendre enfance, avant de s’illustrer dans la carrière militaire. Devenu
adulte, il se distinguera aux avant-postes de la colonie, en commandant
successivement les troupes à Michillimakinac, à Détroit, à Niagara et de
nouveau à Détroit. En , il prenait possession de la vallée de l’Ohio,
au nom du roi de France. Le journal de cette expédition a été publié à
Paris entre  et . Plusieurs autres ouvrages, notamment aux États-
Unis, ont relaté ses exploits. En , Pierre-Joseph Céloron de Blainville
fut fait chevalier de Saint-Louis. Revenu dans sa ville natale, il y décéda
en avril . Il aura alors évité de justesse la déception de voir s’écrouler
l’empire français qu’il avait contribué à construire en terre d’Amérique.
Entretemps, l’emplacement de la rue Saint-Paul avait été subdivisé en
deux lots égaux de trente-neuf pieds : la demie ouest alla au sieur Pierre
Boutin, alors que Michel Baugy hérita de celle qui était située sur le coin.
Que trouve-t-on de nos jours en tant qu’occupation sur les concessions
qui ont appartenu en premier lieu à Pierre Prud’homme, à Denis Étienne
de Clairin et à Jean-Baptiste Céloron de Blainville ? Après l’élimination
du mur d’enceinte, les lots regagnent, en bonne partie du moins, l’espace
perdu en profondeur. La plupart des constructions érigées par la suite
s’ajustent en conséquence et plusieurs d’entre elles se rendent jusqu’à la
place D’Youville.
À l’angle des rues McGill et Saint-Paul, se dresse un magnifique édifice
de dix étages qui a été inauguré en . Même si les colonnes s’éloignent
de l’architecture classique de la Grèce antique, elles n’en donnent pas
moins un cachet esthétique remarquable à l’ensemble du bâtiment. La
compagnie du Grand Tronc, l’ancêtre du Canadien National, en est la
propriétaire. Elle y installe alors sa filiale, la Canadian Express, une
société spécialisée dans les mandats bancaires et les chèques de voyage :
une sorte de pendant canadien, dans le temps, de l’American Express.
SE C T E U R N UM ÉR O 1  

À partir de l’an , le bâtiment connaîtra une transformation réussie


qui en fera l’hôtel Saint-Paul.
On se rappelle que le sieur Prud’homme avait obtenu une largeur
importante de terrain en front de la rue Saint-Paul. L’immeuble contigu
à l’établissement hôtelier, le Charles Richard Boxer Building, de même
qu’un espace de stationnement et une partie du - occupent donc
aussi sa concession. Les deux édifices se rendent, eux aussi, jusqu’à la
place D’Youville.
Harline Kimber, l’épouse du capitaine Boxer de la marine anglaise,
était déjà propriétaire de l’emplacement depuis douze ans, lorsqu’elle fit
construire le -, rue Saint-Paul et le , place D’Youville, en .
Quand elle décédera en , elle aura été propriétaire du site pendant
cinquante-six ans et sa succession le conservera encore durant dix-sept
ans. L’autre édifice (-, rue Saint-Paul et -, place D’Youville)
est un peu plus ancien. Érigé en , il possède la même désignation
cadastrale que le stationnement à l’ouest, ce qui représente un lot de cent
vingt et un pieds de largeur dont environ cinquante-deux sur la conces-
sion du sieur Prud’homme et soixante-neuf sur celle du sieur de
Clairin.
Le -, rue Saint-Paul est le plus vieil édifice entre les rues McGill
et Saint-Pierre. Il date de  (circa) et n’occupe en profondeur que la
partie de terrain qui s’arrêtait autrefois aux fortifications. Sur sa largeur,
il se trouve à couvrir l’extrémité est de la concession de Denis Étienne,
sieur de Clairin. À l’arrière, un bâtiment est venu s’y appuyer, en .
Une porte cochère permet de communiquer de la rue Saint-Paul à un
jardin intérieur, puis de se rendre jusqu’à la place D’Youville.
Les deux immeubles restant sur la rue Saint-Paul, avant d’atteindre
la rue Saint-Pierre, se trouvent, en façade du moins, sur la concession
accordée en premier lieu à Jean-Baptiste Céloron sieur de Blainville. Le
plus à l’ouest, qui intègre en fait les vestiges des deux maisons magasins
Paschal-Persillier-Lachapelle pour se rendre jusqu’à la place D’Youville,
occupe en largeur un peu plus que le demi-lot que le sieur Pierre Boutin
avait acquis des Céloron de Blainville, en .
Le bâtiment à l’angle des rues Saint-Paul et Saint-Pierre se trouve,
quant à lui, sur la plus grande partie de l’autre demi-lot possédé jadis par
le sieur Michel Baugy. Des boutiques chic, dont Le Monde selon Pepin,
encadrent une auberge située au  de la rue Saint-Pierre… Et c’est ici
que se termine le secteur numéro  de l’ouvrage.
  

Borné par la rue Saint-Pierre, la ruelle des Fortifications,
la rue Saint-François-Xavier et la place D’Youville
  

Dans l’histoire foncière du Vieux-Montréal, l’incendie de  représente


un repère important en ce qui a trait à l’occupation du territoire au e
siècle et cela même si, somme toute, l’incendie ne concernait que la partie
basse de la ville. Le secteur numéro  ainsi que les deux prochains qui
suivront ont été durement touchés.
Le moment du sinistre qui a grandement affecté la population se situe
à mi-chemin entre le début d’un développement intense et la conquête
anglaise. Les rapports sur l’occupation du sol et la description des
dommages subis demeurent des plus pertinents : les noms des proprié-
taires, les dimensions des bâtiments, leurs fonctions (car il ne s’agit pas
toujours d’une résidence), les matériaux utilisés, le nombre d’étages de
même que le nombre de cheminées pour chaque unité détruite ont été
compilés dans les jours qui ont suivi le drame.
Avant de continuer notre parcours, il peut paraître intéressant de faire
le récit de la conflagration, sur la base d’un article paru dans The Cana-
dian Antiquarian and Numismatic Journal, en avril .



L’incendie figure parmi les grandes calamités de l’humanité qui peuvent


frapper une population. Qu’on pense aux grands incendies de Londres
en  ou de Chicago en . Chez nous aussi, on a connu des sinistres
importants, notamment à Trois-Rivières, à Terrebonne et plus récem-
ment à Rimouski, en . Mais, du temps de la Nouvelle-France, celui
qui est survenu à Montréal le  juin  demeure sans doute le plus
dévastateur que la ville ait subi à cette époque.
L’historien Faillon l’a bien décrit dans son ouvrage sur Jeanne Mance
et les hospitalières, en s’attachant cependant davantage à ses héroïnes.
Mais le froid récit des archives du palais de justice, relaté par The Cana-
dian Antiquarian and Numismatic Journal, fait mieux comprendre
l’ampleur de la catastrophe au sein de la population montréalaise. Le
document signale que, sauf en ce qui a trait à l’ouvrage de Faillon, les
  L E V IE U X-M O N T R É A L

pièces sont inédites et « pour cela devraient être utiles aux archéologues
et aux historiens ». Il est fort probable d’ailleurs que les descriptions des
maisons avec leurs dimensions faciliteraient des fouilles.
À l’intérieur du Journal, on doit d’abord signaler une carte datée du
 juillet  montrant une partie de la ville de Montréal que Chaussegros
de Léry avait préparée en vue d’un redressement de la rue Saint-Paul, à
l’ouest de la rue Saint-Sulpice. Mais l’ingénieur, ayant pris connaissance
de ce qui venait d’arriver, teinta en jaune la partie dévastée, ce qui permet
de constater l’ampleur des dégâts. Puis, sur une liste, on dénombre cent
vingt-six maisons ou bâtiments détruits en totalité ou en partie. En fait,
l’énumération n’est pas complète puisque, dans une lettre du  juin ,
le gouverneur Ramesay parle de cent trente-huit maisons détruites sans
compter les magasins et autres bâtiments. Cette liste n’en demeure pas
moins un document d’un grand intérêt puisqu’elle fournit le nom du
propriétaire et une brève description de chaque maison incendiée. Tout
en rapportant la très grande majorité des cas signalés par le Journal, le
présent ouvrage comporte l’avantage de montrer les emplacements des
bâtiments détruits. Il est alors possible d’établir le rapport entre le
premier concessionnaire, le propriétaire au moment de l’incendie et l’oc-
cupation en ce e siècle.
Bien entendu, la catastrophe a ému toute la Nouvelle-France et les
autorités n’ont pas tardé à réagir. Le numéro déjà cité de The Canadian
Antiquarian and Numismatic Journal fournit des copies des proclama-
tions et des avis qui ont été promulgués à cette occasion.
Peut-on imaginer le désarroi et la détresse des habitants ? Car, sans
compter la perte totale de l’hôpital et de ses dépendances, de même que
de nombreux autres bâtiments publics, chacun est atteint au plus profond
de lui-même. Ceux qui ont conservé leur maison intacte ont un frère,
une sœur, une fille ou un ami très proche qui a tout perdu dans l’héca-
tombe. Parfois, c’est toute « la parenté » qui a écopé. Heureusement, on
ne déplore aucun décès. Mais tous et chacun sont vraiment meurtris et
écrasés par les événements.
C’est la basse-ville qui souffrit et, comme le mentionne Charlevoix
dans son journal historique, la basse-ville comprenait alors « l’Hôtel-
Dieu, les magasins du roi » et c’était « aussi le quartier de presque tous
les marchands ». Ce qui a sans doute causé une grave pénurie.
Si Faillon ne s’étend pas trop sur le drame des habitants, le Journal
rapporte que l’ampleur du désastre fut vite connue à Québec et que
SE C T E U R N UM ÉR O 2  

monseigneur de Saint-Vallier, le gouverneur Vaudreuil et l’intendant


Bégon s’empressèrent de monter à Montréal. L’évêque de la Nouvelle-
France adressa une lettre pastorale à toute la colonie, enjoignant les
fidèles « à soulager par leurs aumônes ceux de leurs frères qui souffraient
du manque des choses les plus indispensables. »
À Montréal même, François-Marie Bouat, alors conseiller du roi et
lieutenant-général de la ville, dressa dès le lendemain du drame un
procès-verbal de la visite des maisons incendiées. Le  juin, il émit une
ordonnance concernant les actes de pillage. Une autre semblable fut
promulguée par l’intendant Bégon. Celui-ci devait émettre trois autres
ordonnances concernant les moyens à prendre pour éviter qu’une telle
catastrophe se répète, comme l’organisation pour combattre les incen-
dies et l’établissement d’un règlement de construction définissant les
matériaux à employer.
Si l’historien de Jeanne-Mance demeure peu loquace sur le sort des
habitants, il fournit par contre un récit détaillé de l’origine de l’incendie
et de son déroulement.
En , la pluie n’ayant pas permis de faire la procession le  juin, jour de
la Fête-Dieu, les révérendes Sœurs Hospitalières de Montréal voulurent se
dédommager le jour de l’octave, le  du même mois, et firent dans leur église
une chapelle ardente accompagnée de tout l’appareil qu’elles purent
imaginer.
Au moment où la procession sortait de leur église et avant que le Saint-
Sacrement fut rentré dans celle de la paroisse, un des arquebusiers, au lieu
de tirer en l’air, tourna par mégarde son fusil vers l’église (celle de l’hôpital,
au coin des rues Saint-Paul et Saint-Sulpice) et porta le feu sur la couverture
qui fut bientôt toute embrasée.
L’incendie se communiqua avec tant de vigueur, que plusieurs hommes
zélés et adroits, s’étant mis en devoir de l’éteindre, furent contraints de se
retirer. On sonna aussitôt le tocsin. Un grand nombre de particuliers accou-
rurent pour essayer d’éteindre le feu ; tous les moyens furent inutiles. De
l’église (de l’Hôtel-Dieu), qui était assez élevée, la flamme gagna bientôt le
bâtiment des malades, et enfin le monastère des religieuses. Ces édifices
étant couverts de bardeaux de cèdre, d’ailleurs la chaleur étant excessive, et
le vent considérable, toute la toiture s’enflamma comme si s’eut été de la
paille.
Enfin le feu prit aux maisons voisines et alors un grand nombre de ceux
qui étaient accourus pour secourir les religieuses s’empressèrent d’aller
sauver leurs propres maisons. Malgré leur diligence à transporter de l’eau,
et toutes les autres précautions qu’ils purent prendre, l’incendie se commu-
  L E V IE U X-M O N T R É A L

niqua à la ménagerie de l’Hôtel-Dieu, située de l’autre côté de la rue


Saint-Paul.
Dans cette extrémité, les Hospitalières se hâtèrent de dégarnir l’autel et
le reposoir et de mettre en sûreté les ornements de la sacristie. Elles les sauvè-
rent en effet, ainsi qu’une petite partie du linge d’église ; mais tout celui qui
était à blanchir, et qui se trouvait renfermé dans un coffre-fort au second
étage, fut consumé avec la maison. Les désirs empressés qu’eurent ces bonnes
hospitalières d’enlever tous les objets qui étaient dans l’église, fut cause
qu’elles tardèrent trop longtemps de transporter le tabernacle, où reposait
le Saint-Sacrement, en sorte qu’à la fin elles furent forcées de prier quatre
laïques qui étaient là de le prendre entre leurs mains et de le porter au bord
de la rivière. Le feu faisait à chaque instant de nouveaux progrès, et bientôt
il eut gagné toute la basse ville, quelque effort qu’on fit pour l’arrêter. »
(Annale des Hospitalières de V. M. par la sœur Morin, citées par Faillon,
p.  à ). « Enfin l’incendie s’arrêta à la maison de Mme de Ladécouverte…
(p. ).
Les religieuses de l’Hôtel-Dieu, voyant leur maison… en flamme, étaient
dans la consternation. Les plus courageuses… transportaient tout ce qu’elles
pouvaient enlever de meubles et autres effets… Il restait fort peu d’hommes
qui leur aidassent à faire ce transport. (On comprend pourquoi !). D’ailleurs,
comme le feu avait pris à l’Hôtel-Dieu par les toits, personne de ceux qui
étaient là n’osait y monter pour l’éteindre. Quelques religieux Récollets…
accoururent au secours des hospitalières… mais tout ce qu’on put trans-
porter hors des bâtiments, comme meubles, lits, linge, fut entièrement
consumé sur place, tant l’incendie était violent… En moins de trois heures,
tous leurs bâtiments qui avaient plus de  pieds de longueur, furent réduits
en cendre ; leur cloche qui pesait  livres, fut fondue par le feu, ainsi que
celle de leur observance… Il ne resta de leur monastère que le premier étage,
avec deux cellules au second… le reste fut entièrement consumé.
Les hospitalières, au nombre de quarante-neuf, logèrent en grande
partie chez les sœurs de la Congrégation, quelques-unes allèrent à la
ferme Saint-Joseph et, finalement, elles se rendirent à « l’hôpital des
Frères Charron où elles demeurèrent jusqu’en . »
(Faillon, ibid.,  à ).

  

Contrairement au secteur précédent, c’est à partir de son extrémité sud


que nous entreprenons le parcours du secteur numéro , pour aboutir
SE C T E U R N UM ÉR O 2  

par étapes au site des anciennes fortifications nord de la ville. Ici, la rue
Saint-Paul poursuit sa course à même la commune et les lots qui la
bordent tirent leur origine de celle-ci. Nous sommes dans l’un des
secteurs les plus complexes pour la compréhension de l’organisation du
territoire. Toutefois, l’analyse attentive des documents anciens permet
de s’y retrouver et de bien repérer les concessions originales et les lots
qui en sont dérivés.
On a vu de quelle façon la commune a été créée et comment les terres
furent distribuées par la suite, à partir de sa limite nord. Si plusieurs
concessions sont concernées dans l’espace compris entre les rues Saint-
Pierre et Saint-François-Xavier, c’est celle du sieur Robert le Cavalier,
accordée par Maisonneuve en , qui domine par la superficie qu’elle
couvre. Même si le terrier l’orthographie ainsi, il s’agit en fait de Robert
Cavelier dit Deslauriers. Venu de Cherbourg en Normandie, celui-ci
épousera Adriane Duvivier, un mois après avoir obtenu son lot. On ne
doit pas confondre ce concessionnaire avec le célèbre explorateur Robert
Cavelier de La Salle, qui n’arrivera en Nouvelle-France qu’une quinzaine
d’années plus tard.
Au départ, la concession mesurait deux arpents de largeur sur vingt
de profondeur et dépassait largement vers le nord le site des futures forti-
fications. C’est à même l’extrémité sud de cette propriété que le second
cimetière de Ville-Marie fut installé, un peu avant . De deux arpents
de largeur sur un demi de profondeur, il couvrait un espace compris entre
la rue Saint-Pierre et un point situé un peu à l’est de la rue Saint-Nicolas
actuelle. Il faut dire que le premier lieu de sépulture sur l’extrémité de la
pointe à Callière s’était révélé un choix désastreux. En effet, il subissait
chaque année les inconvénients de la crue printanière. Le deuxième site,
celui qui nous intéresse ici, connut cependant une existence encore plus
brève et on s’orienta rapidement vers l’emplacement qu’occupe en bonne
partie la basilique actuelle, sur la rue Notre-Dame.
La description des emplacements, la compilation des données et leur
juxtaposition sur le cadastre moderne démontrent que la commune
formait bien une lisière de terrain d’un arpent ou cent quatre-vingt-douze
pieds de largeur. Pourtant, deux textes dans le terrier publié en  par
la Société historique de Montréal viennent infirmer cette assertion, du
moins dans la partie qui longe le terrain du nouveau cimetière.
Le premier texte se retrouve à la page  de la transcription dudit
terrier et porte sur le lot A. On y spécifie que ce lot d’un demi-arpent
  L E V IE U X-M O N T R É A L

de profondeur ( pieds) « fait partie de l’ancienne commune de Montréal


abandonné par les seigneurs a la fabrique de Montréal, et servoit de
cimetière en , puis laditte fabrique du consentement des seigneurs
l’a vendu a differens particuliers comme il suit ». Or, les transactions qui
ont conduit plus tard à la liquidation prouvent que le cimetière ne se
trouvait pas à l’intérieur de l’arpent de largeur que mesurait la commune,
mais qu’il la bornait plutôt sur sa limite nord.
Le second texte se rapporte à la description de la concession du sieur
Robert Cavelier que l’on localise comme suit dans le traitement des lots
,  et , à la page  du livre terrier déjà cité : « […] fait partie de
la terre de  arp. sur  concédée à robert le cavalier le  bre .
chargée pour tout cens de d. par arpent. laquelle commançoit sur le bord
de la commune a  perches loing du bord de la petite rivière. » Or, quinze
perches ce n’est pas un arpent, mais bien un arpent et demi et ce serait
alors la largeur de la commune qui était bornée, au sud, par « la petite
rivière ». Pourtant, en , Maisonneuve n’avait certainement pas prévu
d’élargir la commune, en face de la concession du sieur Cavelier. Comment
concilier les deux textes cités plus haut avec le fait que la commune se
décrit, lors de sa création, comme une lisière de terrain d’une largeur
constante d’un arpent, sur toute sa longueur ? Il est plutôt probable que
les seigneurs aient retiré au sieur Cavelier, une bande d’un demi-arpent
pour y installer le nouveau cimetière. C’est alors que la transcription
rédigée plus tard dans le second terrier aurait placé la concession à « 
perches loing de la petite rivière » et que l’espace du cimetière devenu
domaine public aurait été considéré comme faisant partie de la commune,
avant son morcellement en faveur de particuliers.

    

On a vu que jusqu’en , c’est-à-dire jusqu’à ce que monsieur de Casson


prenne les choses en main, les terres étaient accordées sans tenir compte
de la nécessité d’aménager un réseau urbain de communications. Lorsque
la possibilité le permettait, c’était une rivière, petite ou grande, qui limi-
tait une extrémité de la concession. Au moment de la distribution, la rue
Saint-Paul n’était pas encore ouverte et les axes nord-sud étaient tout
simplement inexistants. C’est donc à même les concessions originales
que le réseau prendra forme. Cette perte de terrain devait quand même
SE C T E U R N UM ÉR O 2  

consoler les propriétaires qui pouvaient ainsi créer des emplacements en


front des nouvelles rues. On perça en premier les rues Saint-Pierre, Saint-
Paul et Saint-François-Xavier. Lorsque de Casson produisit son projet
de rues à travers la ville, Robert Cavelier et son voisin à l’ouest, Pierre
Gadois, durent sacrifier chacun une lisière de près de treize pieds de
largeur pour l’ouverture de la rue Saint-Pierre. Plus tard, au e siècle,
s’ajoutèrent dans le présent secteur la rue du Saint-Sacrement ainsi que
d’autres artères à l’intérieur même du périmètre, lors du morcellement
de la concession.
Chose étonnante, contrairement à la rue Saint-Pierre et à de nom-
breuses rues nord-sud du Vieux-Montréal, la rue Saint-Nicolas présente
une direction oblique par rapport aux lignes latérales des concessions.
L’explication vient du fait qu’elle a été créée par l’élargissement d’un
sentier devenu public, qui conduisait au cimetière, sans avoir à passer
par la commune.

  ’

Parallèlement au morcellement de la concession du sieur Cavelier, les


seigneurs ont disposé de la commune d’une part et la Fabrique, du
cimetière d’autre part, par la vente d’emplacements à des particuliers.
Un peu avant , les seigneurs concédèrent un carré de cent quatre-
vingt-douze pieds de côté au sieur Jean Lehoux dit Descaris (Décarie).
Celui-ci devra cependant laisser la rue Saint-Paul traverser sa concession
et sacrifier une largeur de vingt-six pieds pour la rue Saint-Pierre. Ces
amputations lui laissèrent deux terrains ayant chacun cent cinquante-
neuf pieds de front de part et d’autre de la rue Saint-Paul. La partie nord
avait quarante-trois pieds de profondeur et se trouvait, bien entendu,
bornée à l’arrière par la Fabrique ou, si l’on veut, par le cimetière. Quant
à la partie sud, si au départ elle se rendait jusqu’à la petite rivière, une
section a dû être sacrifiée pour la construction des fortifications.
Avant de s’établir à Montréal et peu de temps après son arrivée en
Nouvelle-France, le sieur Décarie avait épousé à Québec, en ,
Michelle Artus. Au décès de leur père, les trois fils Décarie se partagèrent
l’héritage en trois parties égales de façon à former des emplacements de
cinquante-trois pieds de largeur, de chaque côté de la rue Saint-Paul.
Paul Décarie se réserva la partie ouest sur la rue Saint-Pierre, Michel
  L E V IE U X-M O N T R É A L
SE C T E U R N UM ÉR O 2  
  L E V IE U X-M O N T R É A L

hérita du centre et Louis se contenta de la partie est dont la section sur


le côté nord de Saint-Paul lui avait d’ailleurs déjà été accordée du vivant
de son père, en . Cette section sera elle-même subdivisée par
après, en deux parties égales de vingt-six pieds et demi de largeur
chacune, par quarante-trois de profondeur, la plus à l’ouest en faveur de
François Décarie, le fils de Louis, et l’autre allant au sieur Noël Toupin,
en .
Quant à elle, la Fabrique consentit au sieur Jean-Baptiste Migeon de
Bransac un lot de quatre-vingt-seize pieds en front de la rue Saint-Pierre,
par cent quinze pieds de profondeur. C’était en  et, à ce moment-là,
le sieur de Bransac était déjà propriétaire d’un terrain juste au nord,
acquis du sieur Cavelier, un an auparavant. Cette première acquisition,
qui mesurait deux cent treize pieds le long de la rue Saint-Pierre, se
rendait jusqu’à la future rue du Saint-Sacrement. Migeon de Bransac fut
un personnage important dans la colonie, où il exerça les fonctions à la
fois de lieutenant général, de procureur fiscal et de juge. L’ensemble de
sa propriété se trouvait borné au nord par le reste de la terre du sieur
Cavelier et, au sud, par le lot du sieur Lehoux Décarie.
Tant que la commune fut du domaine public, la concession du sieur
Cavelier, vouée jusque-là à l’agriculture, n’était pas considérée comme
enclavée. De même, la nouvelle concession du sieur Migeon, obtenue de
la Fabrique, ne connaissait pas de problème d’enclavement puisqu’elle
était bornée en front par la rue Saint-Pierre. Il n’en allait pas de même
pour les autres lots de l’ancien cimetière que ladite Fabrique désirait
vendre plus à l’est. C’est alors que les nouveaux acquéreurs obtinrent, en
plus de leurs emplacements, ce qu’on appela au terrier « la devanture »,
c’est-à-dire l’espace résiduel entre leurs lots et la rue Saint-Paul. En ce
qui concerne le reste de la terre de Cavelier, comme elle n’était plus du
domaine rural, mais profitait plutôt du développement urbain, l’ouver-
ture des rues du Saint-Sacrement et Saint-Nicolas régla automatiquement
le problème d’accès.
Mais avant d’aller plus loin avec les emplacements situés du côté nord
de la rue Saint-Paul, il est préférable de continuer l’étude avec les lots qui
ont front sur le côté sud de la rue, d’autant plus qu’en se dirigeant vers
l’est les premiers concessionnaires ne sont plus impliqués de part et
d’autre de la rue Saint-Paul, comme le fut Jean Lehoux dit Décarie.
SE C T E U R N UM ÉR O 2  

      -


’   -

Sur le côté sud de la rue Saint-Paul, entre la concession de Jean Lehoux


dit Décarie et la rue Saint-Nicolas, quatre autres emplacements furent
accordés au e siècle. Le premier alla à Philippe Carion, sieur Dufrenoy,
lieutenant de garnison. Mesurant alors quarante pieds, il sera élargi à
cinquante-trois pieds à partir de , à même la propriété de Louis
Décarie, en faveur du sieur Pierre You de la Découverte. C’est à cet
endroit que l’incendie dévastateur, venu de l’est, s’est arrêté en , soit
à deux cents pieds avant d’atteindre la rue Saint-Pierre. La maison de la
veuve de Pierre You fut épargnée. Mais, malheureusement, tous les bâti-
ments au sud de la rue Saint-Paul furent réduits en cendres jusqu’à la rue
Saint-Gabriel. C’est sans compter que ceux du côté nord de la grande
artère, ainsi que plusieurs autres encore qui avaient front sur les rues
transversales, ont aussi subi le même sort.
Vers , un autre incendie avait causé des pertes énormes, alors que
les maisons étaient majoritairement en bois. À cette occasion, le gouverneur
de Callière rendit la construction de bâtiments en pierre obligatoire, tout
en gardant évidemment telles quelles les constructions en bois existantes.
C’est sans doute pour cette raison que, lors de l’incendie de , un grand
nombre de maisons de pierre n’ont pu résister à l’élément destructeur, beau-
coup de maisons en bois ont été totalement rasées par les flammes.
Après la concession accordée au sieur Dufrenoy, se succèdent celle de
Pierre Boucher de Boucherville (), qui mesure quarante-trois pieds,
puis celle de Sidrac Dugué (Duguay) sieur de Boisbriant (), pour une
largeur de quarante-huit pieds et, enfin, celle de Claude Raimbault (),
avec cinquante-trois pieds de front sur Saint-Paul, mais dont une partie
importante s’est retrouvée plus tard dans une rue Saint-Nicolas élargie.
Ce Claude Raimbault était le père de Pierre Raimbault, conseiller et
procureur du roi au siège et juridiction de Montréal et, en même temps,
notaire royal. Ce dernier contribua notamment à la confection du pre-
mier terrier de l’île de Montréal.
En , la concession du sieur Boucher appartenait à Pierre Gagnier
(Gagné), devenu le voisin de madame You de la Découverte, deux ans
auparavant. Construite en bois, sa demeure avait un étage et deux chemi-
nées. Elle mesurait vingt-trois pieds et demi en front de la rue Saint-Paul
sur cinquante-trois de profondeur. Ce fut une perte totale.
  L E V IE U X-M O N T R É A L

Le sieur Duguay de Boisbriant, qui avait épousé Marie Moyen en ,


était capitaine et également seigneur de Sainte-Thérèse. Plus tard, son
emplacement de la rue Saint-Paul fut possédé, selon le terrier déjà cité,
par « le sieur René de Couagne, puis Mr. De Budemont comme ayant
épousé la veuve de Couagne ». En fait, Marie Godé avait eu comme pre-
mier époux Charles de Couagne et c’est elle qui se remariera avec le sieur
Pierre Derivon de Budemont, en . Quant à son fils René, c’est ailleurs
qu’il a subi la perte de sa maison et il ne décédera qu’en .
Au moment de la catastrophe, madame de Budemont possédait plusieurs
bâtiments hérités de son premier époux. Comme le Journal n’indique pas
le site des édifices détruits, nous en reproduisons la description, tout en
présumant que la plupart devaient se situer sur le grand lopin de terre
acquis autrefois, à même l’ancien cimetière et la terre du sieur Cavelier.
- Une maison en pierre d’un étage avec deux cheminées, mesurant
quarante-huit pieds en front par vingt-sept de profondeur.
- Un fournil en pièces sur pièces de vingt et un pieds par vingt et un
pieds avec une cheminée.
- Une maison également en pièces sur pièces de deux étages avec
deux cheminées, mesurant vingt-quatre pieds et demi de largeur.
- Une autre maison aussi en pièces sur pièces de deux étages avec
deux cheminées, de vingt-deux pieds de front sur vingt-quatre
pieds et demi de profondeur.
- Un bâtiment en bois d’un étage avec deux cheminées de treize pieds
sur quarante-deux pieds et demi.
D’après le Journal, madame de Budemont aurait aussi perdu une
grande maison en pierre d’un étage avec quatre cheminées. Si Pierre
Raimbault vit brûler plusieurs de ses bâtiments dans le grand incendie,
il n’était cependant pas propriétaire du lot qui avait été concédé à son
père. En effet, en , l’emplacement avait déjà été scindé en deux parties
égales de vingt-six pieds et demi chacune par le sieur de Couagne, le côté
ouest appartenant à la veuve de Jean Cuillerier et le coin de Saint-Nicolas

. Il est probable que ce soit la maison sise sur l’ancienne concession du sieur de Bois-
briant qui avait exactement cette largeur de quarante-huit pieds ; les dimensions des
autres bâtiments ne justifiant pas leur présence sur un terrain aussi large en front de la
rue Saint-Paul, à moins de s’agir d’une construction secondaire située à l’arrière.
D’ailleurs, le fournil pouvait fort bien être à cet endroit.
SE C T E U R N UM ÉR O 2  

à l’aubergiste Raphaël Beauvais. Il est peu probable que ce fut à cet endroit
que celui-ci tenait son établissement, lors du sinistre. Le bâtiment en bois
de deux étages du sieur Beauvais avait deux cheminées et mesurait vingt
et un pieds sur Saint-Paul et trente-deux pieds le long de Saint-Nicolas.
Quelques années plus tard, il construira un hôtel sur les ruines d’un autre
emplacement situé sur le coin sud-ouest de la place Royale et de la rue
Saint-Paul.
En , sept bâtiments et une aire de stationnement occupent les
anciennes concessions qui étaient situées au sud de la rue Saint-Paul,
entre les rues Saint-Pierre et Saint-Nicolas. À peu de chose près, les deux
premières constructions, de même que les deux autres qui viennent s’y
appuyer à l’arrière, ainsi que l’aire de stationnement qui suit vers l’est
occupent les lots que possédaient les trois frères Décarie, à la fin du e
siècle, sauf la bande de terrain cédée par Louis au sieur de la Découverte,
en .
C’est l’aubergiste François Benoît qui fera construire, en , l’im-
meuble qui fait le coin des rues Saint-Pierre et Saint-Paul. Mais rien
n’indique que le bâtiment a pu servir d’hôtel. Il s’agissait plutôt d’une
maison magasin qui restera dans la famille durant plus de cinquante ans.
Selon les plans de Pierre-Louis Morin, nous sommes, par transposition,
exactement à l’endroit où Jean Lehoux dit Descaris avait construit la
maison familiale, en . Dans le bâtiment que l’aubergiste Benoît a fait
ériger, la maison Via le monde inc. du cinéaste Daniel Bertolino occupe
le haut (n ), alors qu’au rez-de-chaussée on retrouve le restaurant Les
Pyrénées et le marché La Villette. Enfin, au , rue Saint-Pierre, le même
édifice abrite l’agence maritime Navitrans.
Quant au bâtiment suivant (), il date de . Malheureusement, il
ne paie pas de mine et il gagnerait à être restauré. Nous sommes sur le
terrain que possédait Michel Décarie, alors que le stationnement voisin
occupe le résidu demeuré aux mains de son frère Louis, après la cession
de .
C’est un bel édifice qui occupe la partie sud de l’emplacement que le
sieur Paul Décarie avait reçu en héritage de son père. Situé sur le coin de
la rue Saint-Pierre et de la place D’Youville, il porte le nom du marchand
qui l’a fait construire en . Laurent Chaput était un importateur en
épicerie et en vins. Plus tard, le bâtiment servira longtemps à la réfrigé-
ration, avant de devenir un immeuble à bureaux, à partir de . Au 
de la place D’Youville loge la galerie d’art Nicolin et Gublin.
  L E V IE U X-M O N T R É A L

Le  et le  de la rue Saint-Paul occupent tout l’emplacement dont


jouissait madame de la Découverte, au moment de l’incendie de .
Construits au début du e siècle, les deux bâtiments se rendent jusqu’à
la place D’Youville ( et ).
L’espace restant pour se rendre à la rue Saint-Nicolas ne supporte
qu’un seul édifice en pierre et brique de six étages. Il a longtemps servi
au commerce de son propriétaire initial, Henry Herbert Lyman, un gros-
siste en produits pharmaceutiques, avant de devenir un immeuble à
bureaux. Le bâtiment couvre les lots des sieurs Boucher de Boucherville
et Duguay de Boisbriant ainsi qu’une partie de celui du sieur Raimbault,
le reste se trouvant dans l’emprise de la rue Saint-Nicolas.

    «  »

La première concession du côté sud de la rue Saint-Paul, en partant de


la rue Saint-Nicolas, a été accordée au sieur François-Marie Perrot, vers
. Nommé gouverneur de Montréal trois ans auparavant par les sulpi-
ciens, ce capitaine du régiment d’Auvergne maria Madeleine Laguide,
avant de s’embarquer pour la Nouvelle-France en , en compagnie de
sa nouvelle épouse et de l’oncle de celle-ci, l’intendant Talon.
Mais il n’y a vraiment pas lieu pour Montréal de s’enorgueillir d’avoir
eu François-Marie Perrot comme deuxième gouverneur. On est en droit
de se demander comment les sulpiciens de la métropole ont bien pu
choisir un tel personnage pour remplacer le mystique Paul Chomedey
de Maisonneuve.
Deux ans après son arrivée, Perrot s’était déjà fait concéder des empla-
cements de choix aussi bien au cœur de la ville qu’à l’extérieur. Il savait
combien l’île du Saint-Laurent située à l’embouchure de la rivière des
Outaouais, et qui porte son nom, constituait un site stratégique idéal,
pour mener à bonnes fins ses intentions de pratiques illicites du commerce
des fourrures et d’eau-de-vie. Et l’île lui fut accordée, elle aussi, dès .
Perrot contrôla alors tous les déplacements sur le grand réseau de navi-
gation. C’est ainsi qu’il put satisfaire ses ambitions, faciliter son trafic
illégal et exercer sa tyrannie autant envers les autochtones qu’à l’endroit
des coureurs des bois. Il garda son poste de gouverneur de Montréal
durant quatorze ans. Mais ce ne fut pas de tout repos et il ne fut pas
toujours présent. En fonction depuis seulement quatre ans, il avait
SE C T E U R N UM ÉR O 2  

accompli suffisamment de méfaits pour que Frontenac le fasse arrêter,


l’emprisonne et le traduise en justice devant le Conseil supérieur.
Renvoyé en France, le roi l’enferma trois mois à la Bastille. Mais, aussi
étrange que cela puisse paraître, aussitôt libéré, il réintégra son poste de
gouverneur qu’il garda jusqu’en , sans que les sulpiciens ne s’en
formalisent. Cette année-là, il fut nommé gouverneur en Acadie. Conti-
nuant toujours ses malversations, il fut destitué en , mais demeura
quand même à Port-Royal, en tant que négociant. Après avoir été fait
prisonnier par Phips, il put gagner la Martinique où il fut assassiné par
des forbans, en . Probablement que ses activités à caractère pour le
moins douteux l’exposaient à connaître un tel sort.
Ce trafiquant était-il déjà considéré comme décédé en  ? En tout
cas, le terrier indique que c’est cette année-là que la veuve de Perrot aliéna
l’emplacement de son mari, sur la rue Saint-Paul. Sans doute qu’après sa
destitution en Acadie il ne donna plus signe de vie à son épouse, trop
préoccupé qu’il était par ses activités clandestines.
À la simple lecture du terrier, il faut reconnaître que le déplacement des
premières concessions sur le côté sud de la rue Saint-Paul entre les rues
Saint-Nicolas et Saint-François-Xavier s’avère plutôt difficile à réaliser.
Mais, même si c’est sous toute réserve, l’auteur croit avoir bien établi la
correspondance entre les premières occupations et la réalité actuelle.
La rue Saint-Nicolas n’existait pas encore lorsque le gouverneur Perrot
obtint sa concession d’une largeur de cent vingt-trois pieds en front de
la rue Saint-Paul. C’est le sieur Louis Le Comte Dupré qui l’acheta de
madame Perrot, au nom du sieur Charles Aubert de La Chesnaye. Ce
dernier en vendra vingt-neuf pieds en , au sieur Jean-Baptiste Nolan,
pour ne garder que le côté ouest, dont une partie servira pour l’ouverture
de la demie est de la rue Saint-Nicolas.
Suit, sur Saint-Paul, un terrain de trente-sept pieds de largeur, acquis
conjointement en , par les sieurs de Tonty, baron de Paludy, et Pierre
Picoté de Belestre. Puis on retrouve le lot du sieur Simon Guillory qui
mesurait soixante-quatre pieds. Déjà en , le sieur Claude Charron
possédait l’emplacement au coin de la rue Saint-François-Xavier. Ce terrain
n’avait que vingt et un pieds sur Saint-Paul et quarante-trois le long de la
rue transversale. Juste au sud, le sieur Jacques Picot dit Labrie avait obtenu
un lot carré de vingt et un pieds de côté, un an auparavant.
Derrière les emplacements de la rue Saint-Paul, plusieurs autres
terrains furent concédés à l’époque, à des particuliers, jusqu’à la petite
  L E V IE U X-M O N T R É A L

rivière. On y accédait par de petites rues ou ruelles, aujourd’hui dispa-


rues. On peut supposer que tout l’îlot a été détruit en .
D’ouest en est sur Saint-Paul, on dénombre, chez les sinistrés, la maison
en bois d’un étage du sieur René de Couagne, l’époux de Louise Pothier.
Carrée, elle mesurait vingt et un pieds de côté et avait deux cheminées.
Toujours sur l’ancienne concession du gouverneur, vient ensuite la maison
d’un étage du sieur Joseph Deneau dit Destaillis, qui occupait presque la
pleine largeur du lot, avec une profondeur de vingt-deux pieds. Le malheu-
reux perdit en même temps sa boulangerie située à l’arrière.
Pour madame de Tonty (Marie-Anne Lamarque), qui possédait
toujours la maison de son mari, le premier concessionnaire du lot, les
pertes furent terribles :
- une maison en pierre de deux étages avec une cheminée, de trente
pieds de façade sur vingt-cinq pieds et demi de profondeur ;
- une maison en bois d’un étage avec une cheminée, qui avait vingt
et un pieds de front sur quarante-deux de profondeur ;
- une autre maison en bois carré de vingt et un pieds de côté avec
une cheminée ;
- un bâtiment en bois avec une cheminée, mesurant vingt et un pieds
sur vingt-cinq et demi.
À peu près vis-à-vis du terrain de madame de Tonty, en gagnant la
petite rivière, le taillandier Jacques Campeau qui avait épousé Catherine
Catin en , mais qui était devenu veuf depuis, perdit une maison en
pierre de deux étages avec deux cheminées qui mesurait trente-six pieds
de front sur trente-deux de profondeur. Sans doute très découragé, il
partira aussitôt pour Détroit où il mourut trente ans plus tard.
La veuve Mailhot, qui était la voisine de madame de Tonty, vivait sur
l’ancienne concession du sieur Guillory. Elle vit brûler sa résidence en
bois d’un étage, avec deux cheminées. La maison mesurait quarante-trois
pieds en façade sur Saint-Paul, sur vingt et un pieds de profondeur.
Après avoir acheté l’emplacement que possédait en premier le sieur
Claude Charron, le sieur Maurice Blondeau se porta acquéreur d’un
terrain à l’arrière de la propriété de madame Mailhot, ce qui lui permit
d’avoir un grand espace avec trois bâtiments qui furent malheureuse-
ment entièrement détruits : une maison en pierre de deux étages avec
trois cheminées qui mesurait trente-deux pieds sur trente, une maison
en bois de deux étages avec deux cheminées, de trente-huit pieds sur
SE C T E U R N UM ÉR O 2  

vingt-trois et enfin, dans la cour, un bâtiment en pierre avec une


cheminée, qui mesurait dix-neuf pieds sur dix-sept.
Depuis , un grand bâtiment ayant façade sur trois rues repose sur
l’emplacement que le sieur Charles Aubert de La Chesnaye avait conservé
pour lui-même, après avoir vendu une partie de son acquisition effectuée
auprès de la « future » veuve du gouverneur. À noter qu’une partie de la
propriété du sieur de La Chesnaye a servi à créer la rue Saint-Nicolas. De
trois étages lors de son érection, le bâtiment en supporte deux autres
depuis . Longtemps une maison magasin, l’immeuble deviendra
totalement commercial, à compter de . Puis, avec son nouveau
propriétaire, James Coristine, il sera transformé en bureaux avec trois
commerces sur la rue Saint-Paul. Depuis quelques années, deux galeries
d’art s’y sont installées : le Relais des époques (n ) et la Galerie du
Louvre (n ). Entre les deux, se trouve le restaurant Gandhi.
En , l’importateur et marchand de tissus et mercerie Andrew
Macfarlane installa dans la nouvelle construction son magasin en front
de la rue Saint-Paul (n ) et son entrepôt au  de la place D’Youville,
(à l’époque rue des Commissaires). Le tout tenait dans un seul bâtiment
de quatre étages qui se trouve à peu de chose près sur l’extrémité est de
la concession du sieur Perrot et sur celle que possédait madame de Tonty,
en . L’édifice a toujours conservé sa vocation initiale et, de nos jours,
il est occupé par un importateur de jouets et d’objets décoratifs.
Le  de la rue Saint-Paul, qui suit, déborde sur une partie de la
concession originale du sieur Simon Guillory. Il s’agit d’un immeuble
en pierre de trois étages avec toit à deux versants, construit durant les
années . Longtemps consacré à la ferronnerie, le bâtiment est main-
tenant surtout destiné à des espaces de bureaux, en faveur de différentes
sociétés.
L’édifice suivant sur Saint-Paul (n ) de même que celui à l’arrière
sur la place D’Youville (n ) forment un ensemble qui donne sur une
cour intérieure aménagée et qui s’appelle justement La Petite Cour. On
y retrouve une galerie d’art oriental et la fleuriste Rita Giroux.
Construit en , par Tancrède Bouthillier sur l’héritage reçu de ses
parents, le bâtiment de trois étages et demi portant le numéro  ne
manque pas d’élégance. Il se trouve sur une partie de la concession
Guillory qu’occupait dame François Mailhot au moment du grand
incendie. De nos jours, les étages ont été transformés en bureaux et en
habitations en copropriété.
  L E V IE U X-M O N T R É A L

Si l’immeuble au coin de la rue Saint-François-Xavier occupe toute la


concession du sieur Claude Charron, il déborde aussi sur le terrain de la
veuve Mailhot. C’est un marchand de bois du nom de Julien Perrault qui
l’a fait construire en , sur l’héritage reçu de sa mère, Marie-Anne
Tavernier, quinze ans plus tôt, et sur lequel se trouvait une maison en
pierre de deux étages. Le rez-de-chaussée est occupé par le populaire
restaurant polonais Stash. Celui-ci a emménagé à cet endroit il y a près
d’une quinzaine d’années, après avoir subi des dommages importants à
son local de la rue Saint-Sulpice, à la suite de l’incendie d’un immeuble
voisin.

Le restaurant polonais Stash sur la rue Saint-Paul.


SE C T E U R N UM ÉR O 2  

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Nous effectuons maintenant un retour sur le côté nord de la rue Saint-


Paul, à partir de la concession qu’avait obtenue Jean Lehoux dit Décarie
à même la commune. Parmi ceux qui ont profité aussi d’un emplacement,
on retrouve René Fézeret et Pierre Gadois, avec chacun soixante-quatre
pieds de largeur. Le sieur Fézeret était un arquebusier qui avait épousé
en premières noces Marie Cartier, en , soit l’année même où il obtint
sa « devanture » sur la rue Saint-Paul. Plus tard, soit en , le sieur
Charles Decouagne devint le voisin de Pierre Gadois, « pour le reste du
cimetière ». Il achètera ensuite « la devanture » dont le sieur Claude Raim-
bault s’était porté acquéreur auparavant. Ce dernier, originaire d’Anjou,
était le père du célèbre notaire Pierre Raimbault dont il est souvent ques-
tion dans le présent ouvrage. Pour ce qui est de Decouagne, il avait
d’abord habité Québec où il agissait en tant qu’officier de « Monseigneur
le Comte de Frontenac ». Après le décès de sa première épouse, Anne
Mars, il vint s’établir à Montréal où, en juillet , il se remariait avec
Marie Godé.
En décrivant l’emplacement du cimetière, on a établi plus haut que
l’alignement latéral de la terre du sieur Cavelier nous menait un peu à
l’est de la rue Saint-Nicolas. On doit comprendre que la vente de lots par
les seigneurs à même la commune ne les obligeait pas à faire coïncider
cette limite avec une ligne latérale de terrain à concéder. On peut cepen-
dant considérer que les deux premiers lots de la rue Saint-Paul, à l’est de
la rue Saint-Nicolas, font partie du territoire traité au présent chapitre.
Ils se trouvent bornés à l’arrière par les emplacements qu’a créés René
Decouagne en front de la rue Saint-Nicolas, jusqu’à la rue du Saint-
Sacrement. L’héritier de Charles et les siens garderont cette bande de
terrain en leur possession jusqu’au milieu des années . On aura
compris que celle-ci correspond à une partie du « reste du cimetière » et
à une partie du grand terrain que Robert Cavelier avait cédé aux
Decouagne. Notons enfin que, la rue Saint-Nicolas ayant une orientation
différente de l’alignement général de la concession, la distance entre les
deux axes s’accroît en se dirigeant vers le nord. Par le fait même, les lots
augmentent de profondeur à mesure que l’on s’approche de la rue du
Saint-Sacrement.
  L E V IE U X-M O N T R É A L

Le premier lot sur Saint-Paul, au coin de la rue Saint-Nicolas, fut


d’abord accordé au notaire arpenteur Bénigne Basset, en échange « d’un
bout de terrain par luy cédé aux seigneurs ». L’emplacement nouvellement
acquis par le sieur Basset mesurait trente-cinq pieds de largeur avec une
profondeur de quarante-trois pieds, le long de la rue Saint-Nicolas. Il
passera ensuite successivement aux mains du sieur Claude Tardif en 
et du sieur Hilaire Bourgine, en . Le tailleur Louis Philippaux l’achè-
tera en , et c’est lui qui devra subir les effets de la catastrophe. Sa
maison de bois avec une cheminée mesurait trente-deux pieds de largeur
et dix-neuf de profondeur.
Le lot suivant, beaucoup plus étroit mais plus profond, avait accès à
la rue Saint-Nicolas par l’arrière du lot du sieur Basset. Il fut cédé dès
 au sieur Mathurin Langevin dit Lacroix qui était arrivé à Ville-
Marie avec la Grande Recrue. Après être passé entre différentes mains,
l’emplacement aboutira en faveur du sieur René Cuillerier, en .
D’après le Journal, ce serait Marie Lucault, la veuve du premier René
Cuillerier qui y avait sa maison en pierre de deux étages, en . Elle ne
devait pas être bien jeune la dame, car c’est en  qu’elle avait épousé
le sieur Cuillerier. Sa vaste demeure avait deux cheminées.
Il est remarquable de constater le nombre impressionnant de veuves
qui étaient propriétaires de maisons dans le Vieux-Montréal au e
siècle. Les guerres, les métiers dangereux et surtout le fait que les hommes
épousaient souvent des femmes beaucoup plus jeunes qu’eux devaient
certes contribuer à cet état de choses.

L’occupation au e siècle

Il s’agit maintenant de parcourir le site en commençant par la rue Saint-


Paul, en front de laquelle nous connaissons les premiers propriétaires
qui ont profité de la commune. Ensuite, nous abordons l’intérieur du
périmètre, pour observer le morcellement de la partie sud de la grande
concession du sieur Cavelier, en comparaison avec le siècle présent.
Le bâtiment en pierre de quatre étages au coin des rues Saint-Pierre
(n ) et Saint-Paul (n ) date de  et se dresse sur le lot de Paul
Lehoux dit Décarie, tout en débordant vers l’arrière, sur la concession
du sieur Migeon de Bransac. Cette construction a abrité longtemps la
Cristallerie Holland. Elle aurait besoin de rénovations, comme sa voisine
à l’est d’ailleurs (n ). Le site sur lequel ce deuxième édifice repose et
SE C T E U R N UM ÉR O 2  

la ruelle qui le borne sur son côté est (Evans Court) couvrent approxi-
mativement le lot du sieur Michel Lehoux dit Décarie.
Nous arrivons ensuite à un édifice imposant de six étages. Le Coristine
tient son nom de son premier occupant James Coristine, un marchand de
fourrure qui procéda peu à peu à l’acquisition des terrains à partir de .
Il réalisa le bâtiment actuel par étapes, entre  et . Avec ses  
pieds carrés d’espaces locatifs sur six étages, il constitue l’un des plus
imposants du genre à Montréal. Le Coristine présente trois façades sur
rue, soit le , rue Saint-Paul Ouest, le , rue Saint-Nicolas et le , rue
Le Moyne. Inutile de dire qu’il couvre plusieurs concessions dont celles
des sieurs Louis Décarie, Fézeret, Gadois et Raimbault, de même qu’une
partie des terrains des sieurs Decouagne et Migeon de Bransac. Ce dernier
avait encore agrandi son domaine en , à même la terre du sieur
Cavelier.
Le -, rue Le Moyne et le -, rue Saint-Pierre complètent le
pourtour du quadrilatère borné à l’est par la rue Saint-Nicolas et au nord
par la rue Le Moyne. L’édifice en pierre de huit étages ne manque pas de
caractère au niveau architectural. En front de la rue Le Moyne, il occupe
la pleine largeur du lot que le sieur de Bransac avait obtenu à même le
cimetière, en . C’est la firme Beardmore, reconnue dans la fabrication
de produits en cuir, qui construisit l’immeuble actuel, en . Si la compa-
gnie vend le bâtiment trente-cinq ans plus tard, celle-ci demeurera encore
longtemps occupée majoritairement par des locataires actifs dans le
domaine du cuir. Mais la vocation de l’immeuble évoluera rapidement à
partir de , avec l’ouverture du restaurant Les Serres, aujourd’hui fermé,
et la présence d’entreprises du monde des communications.
Le côté nord de la rue Le Moyne donne sur l’arrière de l’édifice du
Montreal Board of Trade, dont l’adresse principale se trouve au  de
la rue du Saint-Sacrement. Nous sommes sur la terre du sieur Cavelier
et, plus particulièrement, sur la partie que ce dernier a vendue au sieur
Migeon de Bransac en , et qui aboutira, une vingtaine d’années plus
tard, aux mains du sieur Louis Liénard de Beaujeu, à titre d’héritier, pour
avoir épousé en  Denise-Thérèse Migeon de Bransac. Vers l’est, à
même l’ancienne terre de Cavelier, l’immeuble occupe des parties de lots
que le sieur René Decouagne avait achetées successivement en  et
en , du sieur Cavelier et de ses héritiers.
Revenons sur la rue Saint-Paul, à l’emplacement qu’avait obtenu
Bénigne Basset dans un échange avec les seigneurs. En fait, le -,
  L E V IE U X-M O N T R É A L

rue Saint-Paul Ouest et le -, rue Saint-Nicolas débordent cette


concession et occupent aussi en bonne partie celle qui avait été accordée
au sieur Mathurin Langevin. Il s’agit d’un bâtiment en pierre de trois
étages où l’on retrouve un marchand encadreur au rez-de-chaussée. Vers
le nord sur Saint-Nicolas, le bâtiment suivant (n ) est un édifice à
bureaux. Le troisième bâtiment loge la maison John Lovell & Son. Il date
de , mais cette société fondée en  occupait déjà les lieux depuis
fort longtemps. À peu près tous les Montréalais connaissent le bottin
Lovell, publié chaque année et dans lequel on retrouve toutes les adresses
et le nom des occupants, pour toute l’île. La publication ne se limite
cependant pas au bottin, mais s’étend dans de nombreux domaines de
l’édition. La construction de même que la précédente reposent sur
l’ancienne concession du sieur René Decouagne.
Originaire lui aussi de cette même concession, le terrain de station-
nement qui suit la maison John Lovell se rend jusqu’à la rue du Saint-
Sacrement. En , le sieur François-Auguste (probablement plutôt
Nicolas-Auguste) Guillet de Chaumont achètera du sieur Decouagne le
lot du coin qui mesure alors quarante-trois pieds en front de la rue Saint-
Nicolas sur quatre-vingt-seize pieds le long de la rue du Saint-Sacrement.
Guillet de Chaumont était notaire royal et avait épousé Marie-Catherine
Legras en . Il convolera de nouveau seize ans plus tard, cette fois avec
Félicité D’Ailleboust.

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Bien sûr, dans notre parcours à travers le Vieux-Montréal, on pourrait


se contenter d’établir le lien entre le premier propriétaire foncier et les
bâtiments qu’on retrouve maintenant. Mais les premières concessions
couvraient souvent des superficies considérables. L’auteur croit donc
qu’il y a intérêt à établir la correspondance entre les propriétaires initiaux
des lots subdivisés et l’espace occupé de nos jours. Ainsi, à titre d’exemple,
au lieu de simplement mentionner pour plusieurs dizaines d’édifices
qu’ils ont été érigés sur la concession de Robert Cavelier, il devient inté-
ressant d’établir la correspondance entre le morcellement original et
l’occupation en . Ce qui tend au fond à personnaliser, si l’on peut
dire, chaque emplacement à travers les siècles.
Le démembrement de la concession du sieur Robert Cavelier s’est étalé
sur une longue période. Dès que la vie urbaine s’est développée aux
SE C T E U R N UM ÉR O 2  

dépens de la ruralité, le sieur Cavelier s’est départi de grandes superficies


de sa terre jusqu’à son décès. On l’a constaté entre autres avec les sieurs
de Bransac et Decouagne. Notons que, durant cette période, environ le
quart de sa concession s’est retrouvée à l’intérieur des fortifications de
la ville et, bien entendu, l’auteur ne traite que de cette partie de la terre.
À sa mort, Cavelier laissa ses biens fonciers à l’ensemble de sa famille
qui continua le même processus de démembrement, pendant encore tout
près d’une quinzaine d’années, soit jusqu’en . C’est alors que l’on
procéda au partage entre les héritiers survivants qui continueront la
liquidation.

Le côté est de la rue Saint-Pierre

Après avoir traversé la rue du Saint-Sacrement, nous nous trouvons à


entreprendre la partie de la concession qui va jusqu’à la rue Notre-Dame.
De cet espace, seul le côté est de la rue Saint-Pierre, ouverte depuis un
certain temps déjà, a été aliéné par l’ensemble des héritiers. Le reste fera
l’objet d’un partage entre les ayants droit.
En , les héritiers Cavelier cèdent donc un premier lot au sieur René
Cuillerier, situé à l’angle des rues Saint-Pierre et du Saint-Sacrement,
lequel lot mesurait environ cent six pieds de front sur soixante-dix-sept
de profondeur. Avant d’être subdivisé en deux parties égales, ilsera vendu
au sieur Pierre Chartrand en , puis au sieur Michel Lepailleur, vers
. C’est ce dernier qui procédera à la subdivision. Le coin ira au sieur
Julien Delières dit Bonvouloir, en . Quant à la section nord, Michel
Lepailleur la vendra vers , au sieur Claude Dudevoir.
Signalons quelques brefs détails, surtout généalogiques, sur ceux qui
ont occupé l’emplacement. Pierre Chartrand était né du second mariage
du sieur Thomas Chartrand avec Jeanne Matou. Leur fils épousera Jeanne
Hogue, un an avant de prendre possession de sa propriété de la rue Saint-
Pierre, soit le  mai . Quant au Parisien Michel Lepailleur, il faisait
office de notaire royal et de procureur du roi, à Montréal. Pour sa part,
Julien Delières venait de la région du Mans, dans le Maine, et en  il
avait épousé Marthe Daragon. Enfin, Claude Dudevoir avait convolé en
justes noces le  mars , avec Barbe Cardinal. Pour ce qui est de
Cuillerier, il était le fils de René Cuillerier dont les mésaventures assez
dramatiques sont racontées plus loin.
  L E V IE U X-M O N T R É A L
SE C T E U R N UM ÉR O 2  
  L E V IE U X-M O N T R É A L

En continuant vers le nord sur la rue Saint-Pierre, le lot voisin du sieur


Cuillerier ira en  à deux acquéreurs, François Chorelle de Saint-
Romain et Joseph Crevier. Suit l’emplacement de Maurice Blondeau
acquis en , probablement une conséquence du grand incendie de
l’année précédente, qui avait anéanti sa résidence et ses dépendances de
la rue Saint-Paul. Son lot de la rue Saint-Pierre mesurait cent vingt-
trois pieds pour s’arrêter à la rue Notre-Dame. Du côté sud de son
emplacement, le sieur Blondeau vendra en  un espace de trente-neuf
pieds de largeur, au sieur Jean-Baptiste Petit. Il faudra attendre jus-
qu’en  pour que le reste au coin des rues Saint-Pierre et Notre-
Dame soit adjugé, probablement par le shérif, au sieur Jean-Baptiste
Legrand.
Les familles de François Chorelle (ou mieux Chorel) et de Joseph
Crevier venaient de la région de Trois-Rivières. Crevier, un officier qui
avait épousé Marie-Angélique Boulanger en , était le petit-fils de
Christophe Crevier, originaire de La Rochelle. Quant au père de Chorel,
il venait de Lyon.

Jeanne Cavelier

Au moment du partage, Jeanne Cavelier prit possession d’un bloc borné


au nord par la rue Notre-Dame, à l’est par la rue Saint-Jean, au sud par
la rue du Saint-Sacrement et à l’ouest par l’arrière des emplacements qui
viennent d’être traités en front de la rue Saint-Pierre et que les héritiers
avaient déjà liquidés. Du bloc de Jeanne Cavelier, il faut soustraire un
carré au coin des rues Notre-Dame et Saint-Jean, limité au sud par la rue
de l’Hôpital et à l’ouest par la future rue Saint-Alexis, cet espace repré-
sentant la part dont bénéficiait Guillaume.
Il est évident que l’aménagement urbain de la propriété de Jeanne
Cavelier dont rêvaient les seigneurs était déjà tout programmé, au
moment où elle consentit à se départir de son héritage. Était-elle trop
âgée pour s’en occuper elle-même ? Il faut se rappeler que nous sommes
en  et que son père avait acquis sa concession en . Toujours est-il
que, le  janvier de l’année , elle cède son entière propriété aux
messieurs de Saint-Sulpice. Plus rien alors n’arrêtera le développement
de ce secteur de la ville. Dès le lendemain, soit le  janvier, les seigneurs
créent la rue Saint-Alexis et vendent une bonne partie de leur acquisition
au sieur Pierre Crépeau. Il s’agit pour celui-ci de l’espace borné au nord
SE C T E U R N UM ÉR O 2  

par la rue de l’Hôpital, au sud par la rue du Saint-Sacrement et compris


entre la rue Saint-Jean et la nouvelle rue Saint-Alexis.
Notons que la création de cette dernière rue à partir de Notre-Dame,
parallèlement à la rue Saint-Pierre, se devait de ne pas empiéter sur la
propriété de Guillaume, ce qui ne laissa qu’une bande de soixante-quatre
pieds de profondeur pour les lots qui auront front sur le côté ouest de ladite
rue Saint-Alexis. Mais la subdivision ne tardera pas et, là aussi, les seigneurs
feront preuve de diligence. Si l’on excepte les deux emplacements de la rue
Notre-Dame qui ne seront aliénés qu’en , le reste du lopin de terre de
Jeanne Cavelier sera déjà tout liquidé avant la mi-janvier .
Mais voyons d’abord quels ont été les bénéficiaires de ces lots sur le
côté ouest de la rue Saint-Alexis. Comme il a été déjà mentionné, les lots
avaient une profondeur de soixante-quatre pieds. Celui au coin de la rue
du Saint-Sacrement a quarante-huit pieds de front et va au sieur Julien
Auger dit Grandchamp. Les deux lots suivants ont chacun quarante-trois
pieds de largeur et ce sont respectivement les sieurs Joseph Cartier dit
Larose et Jacques Richard qui en bénéficieront. Un quatrième terrain,
qui se rend jusqu’à la rue de l’Hôpital, sera concédé au sieur Jean-Baptiste
Desrosiers dit Dutremble, le  janvier . Tous les contrats de vente
seront passés devant le notaire Pierre Raimbault.
Quant aux deux emplacements restants qui font front sur la rue Notre-
Dame, ils mesurent chacun trente-deux pieds de largeur, mais leur
profondeur varie d’ouest en est, les rues Notre-Dame et de l’Hôpital
n’étant pas du tout parallèles. Le lot ouest est vendu au sieur Antoine
Vernet et celui du coin est cédé au sieur Jean Deslandes dit Champigny.
Les deux ventes se concluront le même jour, devant maître Raimbault,
soit le  décembre .
Voici quelques notes généalogiques sur les acquéreurs :
- Julien Auger dit Grandchamp venait de la région de Luçon dans le
Poitou et avait épousé Louise-Thérèse de Boismorel, en .
- Joseph Cartier dit Larose était l’époux d’Agnès Renaud et son père,
qui portait le même prénom de Joseph, était originaire de Saint-
Martial d’Angoulême.
- Jacques Richard, le mari d’Élisabeth Boudreau, venait du Poitou.
- Jean-Baptiste Desrosiers dit Dutremble avait marié Barbe Bousquet,
en . Il était le petit-fils du juge Antoine Desrosiers, originaire
de Renaison dans le Forez lyonnais qui correspond aujourd’hui au
département de la Loire.
  L E V IE U X-M O N T R É A L

- Jean Deslandes dit Champigny était l’époux de Marie-Madeleine


Galarneau () et il venait de Champigny-sur-Marne, dans la
région parisienne.
On aura remarqué qu’à l’origine les lots ayant front sur la rue Saint-
Alexis n’avaient que soixante-quatre pieds de profondeur. Comme les
emplacements de la rue Saint-Pierre n’étaient guère beaucoup plus
profonds, on constate que la plupart des édifices actuels s’étendent d’une
rue à l’autre, sauf aux extrémités, le long des rues du Saint-Sacrement et
Notre-Dame.
Le , rue Saint-Pierre et le , rue du Saint-Sacrement occupent
l’emplacement que possédait le sieur Julien de Lierre dit Bonvouloir. C’est
un édifice en pierre qui n’avait que quatre étages au moment de sa
construction en , par le propriétaire du site, Thomas-Philippe Barron.
Un cinquième niveau sera ajouté durant la deuxième décennie du
e siècle. Monsieur Barron n’occupera jamais le bâtiment, mais lui et
sa succession le conserveront jusqu’en . Entretemps, l’édifice abritera
des locataires aux activités fort diversifiées. Les vingt premières années
seront consacrées à la fabrication de la chaussure, puis jusqu’en  le
locataire sera un épicier en gros. Ensuite, ce seront des grossistes de tout
genre. On y trouvera même un atelier d’impression. Mais, en , d’im-
portants travaux changeront radicalement la vocation de l’immeuble qui
sera transformé en condominiums, avec une chic boutique de collection
de vêtements pour hommes du nom de Kamkil, au rez-de-chaussée.
Le bâtiment voisin au coin de la rue Saint-Alexis est de construction
plus récente. De cinq étages lui aussi, le  de la rue du Saint-Sacrement
date de . C’est la société britannique Furness, Withy & Company
Limited qui en fut la propriétaire initiale. Déjà, cette compagnie mari-
time et ses filiales assuraient des liaisons régulières entre l’Angleterre et
le Canada, de même que vers les Antilles. La Furness House sert toujours
d’immeuble à bureaux, mais ce sont aujourd’hui des firmes d’avocats
qui l’occupent majoritairement.
Les quatre bâtiments qui suivent au nord des deux précédents couvrent
chacun un espace de terrain qui va de la rue Saint-Pierre à la rue Saint-
Alexis. C’est ainsi que le - de la rue Saint-Pierre occupe la conces-
sion de Claude Dudevoir et celle de Joseph Cartier dit Larose. Construit
en , l’immeuble porte le nom de Fraser Institute qui était alors déjà
propriétaire du fonds de terrain depuis . En , le célèbre institut,
SE C T E U R N UM ÉR O 2  

établi à Vancouver, le vendra à la Furness Withy Company dont les acti-


vités dans le transport maritime allaient toujours en s’accroissant. Le
restaurant Titanic au rez-de-chaussée veut peut-être rappeler la vocation
qu’a eu longtemps l’édifice.
Il n’y a pas de doute que les bâtiments construits au e siècle sur les
rues Saint-Pierre et Saint-Alexis constituent une réussite architecturale.
Les trois constructions qui suivent vers le nord peuvent être considérées
comme des sœurs jumelles. Elles présentent de belles façades identiques
et ont été érigées en , par un quincaillier en gros du nom de John
Caverhill. Le , rue Saint-Pierre et , rue Saint-Alexis couvrent essen-
tiellement une partie des concessions de François Chorel et de Joseph
Crevier d’une part et celle de Jacques Richard, d’autre part. Les deux
autres bâtiments du complexe reposent sur le reste de la concession
Chorel-Crevier et sur celle de Jean-Baptiste Desrosiers. Celui au centre
de l’ensemble porte les numéros  sur Saint-Pierre et  sur Saint-
Alexis. Le plus au nord, soit le , rue Saint-Pierre, n’a pas d’adresse sur
Saint-Alexis.
Si l’ancienne concession de Maurice Blondeau sert de nos jours d’es-
pace de stationnement, jusqu’à la rue Notre-Dame, il n’en va pas de même
de la partie nord de la concession de Jean-Baptiste Desrosiers et de celles
des sieurs Vernet et Deslandes dit Champigny sur la rue Notre-Dame.
Le bel édifice en copropriété au coin des rues de l’Hôpital et Saint-
Alexis () (Chesterfield Chambers Building) fut construit par un avocat
et politicien du nom de George W. Stephens, en  (certaines sources
donnent  comme année d’érection). Le bâtiment occupe l’extrême
partie nord de la concession du sieur Jean-Baptiste Desrosiers. Une plaque
commémorative rappelle que l’artiste peintre William Hope, passé maître
pour rendre la luminosité de ses ciels, notamment dans ses paysages
marins, y avait son atelier en . L’inscription mentionne également que
le terrain fut assigné à M. Robert Lecavalier (sic) en .
C’est le docteur Pierre Beaubien qui, vers , construira le bâtiment
actuel (-, rue Notre-Dame Ouest), sur la concession qui avait
appartenu au sieur Vernet. Mais ce ne sera pas un succès et le shérif la
saisira six ans plus tard. L’occupation demeura plutôt instable par la suite,
du moins jusqu’à ce que le marchand de fourrures Walter F. Cummings
s’y installe pour près d’une soixantaine d’années, à partir de .
Au coin de la rue Saint-Alexis, on retrouve un édifice intéressant
construit en  par l’industriel Peter Redpath, dont le nom est associé
  L E V IE U X-M O N T R É A L

au raffinage du sucre, à travers le monde. Nous sommes ici sur la conces-


sion du sieur Deslandes dit Champigny.
De son côté, le sieur Pierre Crépeau entreprendra lui aussi le morcelle-
ment de la propriété que lui ont concédée les seigneurs. On connaît peu de
chose sur ses activités à l’époque, sauf qu’il se mariera à deux reprises. Son
premier mariage sera contracté en mai , avec Angélique Aubuchon.
Trois ans plus tard, il se remariera avec Marie Leduc. On sait que son père,
Maurice, est arrivé à Montréal, de son Poitou natal, près de cinquante ans
avant que Pierre Crépeau achète son lopin de terre, en .
Le sieur Crépeau créera six terrains à même sa propriété. Il est évident
qu’en ouvrant la rue Saint-Alexis les messieurs de Saint-Sulpice voulaient
tirer le maximum d’emplacements de l’héritage de dame Jeanne Cavelier.
Si, comme on l’a vu, les lots du côté ouest de cette rue sont peu profonds,
l’espace qui la sépare de la rue Saint-Jean, alors déjà existante, demeure
aussi très étroit.
Deux lots d’à peine vingt-sept pieds de largeur chacun auront front
sur la rue du Saint-Sacrement. Le coin de Saint-Alexis ira au sieur Charles
Valade en , alors que le coin de la rue Saint-Jean sera vendu au sieur
Joseph Chevautier, la même année. Les deux terrains avaient une profon-
deur de cinquante-trois pieds. Le maçon Valade qui avait épousé Marie-
Madeleine Deguire, six mois avant d’acquérir son emplacement, était le
fils de Guillaume, originaire de La Rochelle. Quant au sieur Chevautier,
il s’agit vraisemblablement de Joseph Chevaudier (Chabaudier) dit Lépine
qui avait épousé, en secondes noces, Marie-Charlotte Guyonnet dit
Lafleur, le  avril .
Si les rues Saint-Pierre et Saint-Alexis sont parallèles, cette dernière
et la rue Saint-Jean ne le sont pas et la distance entre les deux artères
augmente légèrement, en se dirigeant vers le nord. Ainsi, les deux lots
voisins des précédents, décrits comme ayant tous deux quarante-huit
pieds de largeur en front de ces rues, avaient chacun une profondeur
moyenne de trente pieds, pour une mesure totale de soixante pieds entre
les rues Saint-Alexis et Saint-Jean, au lieu des cinquante-quatre pieds
que nous avions le long de la rue du Saint-Sacrement. Le terrain de la
rue Saint-Alexis fut concédé au sieur Jacques Caillé en , alors que
celui de la rue Saint-Jean fut acheté par le sieur Jean Desforges dit Saint-
Maurice qui maria Thérèse Gastignon, en .
Les quatre concessions précédentes vendues au e siècle par Pierre
Crépeau sont occupées de nos jours par un seul édifice. Le n  du
SE C T E U R N UM ÉR O 2  

Saint-Sacrement avec des façades latérales sur Saint-Jean (), et Saint-


Alexis, s’appelle officiellement Lake of the Woods, du nom d’une mino-
terie connue surtout pour sa farine Five Roses. La Lake of the Woods
Milling Company tirait son nom du grand lac des Bois, au Manitoba. Le
site est relié depuis longtemps d’ailleurs aux céréales de l’Ouest canadien.
Il fut construit en , par le Corn Exchange. Mais pas tout à fait comme
on le connaît aujourd’hui, car, en , la Lake of the Woods Co. a démoli
presque totalement le bâtiment pour ne garder que les murs des deux
premiers étages qui font toujours partie intégrante du bâtiment actuel.
Au milieu des années , les quatre derniers étages ont été transformés
en copropriétés. Une plaque sur l’édifice rappelle son histoire :
La « Montreal Corn Exchange Association », créée en , avait pour princi-
pale activité le commerce des céréales et regroupait les hommes d’affaires les
plus influents de la scène montréalaise. En , elle érigea cet immeuble d’après
les plans et devis de l’architecte J. W. Hopkins. Le recouvrement original de
terra cotta vernissé de la partie supérieure du bâtiment a été restauré en  et
constitue l’un des rares exemples de ce type de maçonnerie.
Le résidu du lopin de terre obtenu en  des seigneurs servira long-
temps de propriété familiale. Le terrain mesure alors environ soixante-
seize pieds en front de la rue de l’Hôpital sur une profondeur moyenne
d’environ cent vingt pieds et le sieur Crépeau y fait construire sa
demeure. Il est probable toutefois que la maison ait eu sa façade sur la
rue Saint-Jean et non sur la rue de l’Hôpital. En , Pierre Crépeau
sacrifiera, du côté sud, une bande de terrain de trente-quatre pieds de
largeur, entre les rues Saint-Alexis et Saint-Jean, en faveur du sieur Louis
Lardy (probablement Louis Hardy, qui épousera Marie-Josephte Larche-
vêque, le  juillet de la même année). Il faudra attendre encore près de
trente ans, soit jusqu’en , avant que la maison soit vendue au sieur
Charles Madore, par un nommé Dufresne, héritier par son épouse du
legs familial.
Le lot du sieur Hardy correspond au  de la rue Saint-Jean dont la
construction remonte à  par Jacob Henry Joseph. Cet homme d’af-
faires gardera l’immeuble jusqu’à sa mort, en . Le bâtiment a connu
jusqu’à ce jour des locataires aux activités les plus diverses. C’est le 
de la rue Saint-Jean qui occupe le site de l’ancienne résidence de Pierre
Crépeau. Malgré sa façade rénovée, les fondations remontent à plus d’une
centaine d’années.
  L E V IE U X-M O N T R É A L

Guillaume Cavelier

Jusqu’en , Robert Cavelier et ses héritiers ont disposé, en faveur de


nombreux acquéreurs, d’une très grande partie de la concession originale,
du moins dans le secteur qui s’était retrouvé à l’intérieur des fortifica-
tions. Si bien qu’au moment du partage entre les derniers ayants droit la
propriété s’était rétrécie comme peau de chagrin et il n’en restait à peine
que quelques arpents. Les bénéficiaires d’alors furent Jeanne Cavelier,
son frère Louis et leur cousin Guillaume.
En effet, le concessionnaire de  ne semble pas avoir eu de fils
prénommé Guillaume. Par contre, celui dont il est ici question, originaire
lui aussi de Cherbourg, est venu rejoindre son oncle à Montréal et il se
serait très bien intégré au sein de la famille. Pas étonnant donc de le
retrouver parmi les héritiers.
On aura sans doute remarqué que, jusqu’à maintenant, la maison
familiale, car il fallait bien qu’il y en ait eu une, n’avait jamais été vendue.
Il est évident également que, jusqu’au partage, l’ensemble était demeuré
une propriété indivise, c’est-à-dire que tous les biens fonciers de Robert
Cavelier appartenaient à tous les héritiers. Les quotes-parts étaient-elles
égales ? On n’en sait rien. On peut cependant croire qu’elles l’étaient. Or,
au partage, Louis et Jeanne conservent des lopins de terre de superficies
comparables, alors qu’il ne reste pour Guillaume qu’un emplacement
beaucoup plus petit, en front de la rue Notre-Dame. L’auteur croit plus
que probable l’hypothèse qui situerait la maison familiale sur le lot de
Guillaume. Ce qui expliquerait à la fois l’échancrure dans le lopin de
Jeanne Cavelier et le fait que les descendants de Guillaume Cavelier et
de Barbe Baudry (Beaudry) garderont l’emplacement durant plusieurs
années, alors que Jeanne et Louis disparaîtront du décor, dès . Si tel
est le cas, c’est aujourd’hui le premier édifice Sun Life et son annexe qui
ont remplacé la maison qu’avait construite Robert Cavelier, après avoir
obtenu sa concession de Maisonneuve, en .
Plus tard subdivisé, l’emplacement de Guillaume est aujourd’hui
reconstitué en un seul lot, même si deux édifices l’occupent effectivement.
Ce sont de magnifiques bâtiments, différents l’un de l’autre, mais si inti-
mement liés entre eux qu’on a l’impression qu’ils cherchent à s’imbriquer
dans un espace qui leur est trop restreint. L’édifice au coin de la rue Saint-
Jean (-, rue Notre-Dame et -, rue Saint-Jean) porte dans la
SE C T E U R N UM ÉR O 2  

Entrée principale du Sun Life Annex reflétant le clocher


de la basilique Notre-Dame.
  L E V IE U X-M O N T R É A L

pierre le nom de « Sun Life Annex », alors que l’autre (, rue Notre-Dame
et , rue Saint-Alexis) s’appelle le Sun Life Building. Aussi paradoxal
que cela puisse paraître, l’annexe a été construite en premier. C’est que,
lorsque la célèbre compagnie d’assurance vie érigea son siège social en
, le bâtiment voisin existait depuis onze ans déjà. La Sun Life l’achète
en  et le considère comme une annexe à son bâtiment du coin de la
rue Saint-Alexis. Mais son succès financier l’incite rapidement à transférer
ses activités sur la rue Metcalfe. Le nouveau Sun Life Building devient
l’immeuble le plus imposant de l’empire britannique, tant par sa masse
que par sa hauteur. Il gardera ce titre au moins une trentaine d’années. Il
faut dire que la tendance, aussi bien en Angleterre que dans les anciennes
colonies, ne visait pas la construction en hauteur, autant que les villes
américaines de New York et de Chicago.
Le Sun Life Annex avait été construit par un marchand de matériel
ferroviaire du nom de Samuel Waddell. En plus d’y avoir ses propres
bureaux, celui-ci loue des espaces à plusieurs sociétés, certaines nais-
santes comme la compagnie de téléphone Bell, d’autres d’un âge véné-
rable comme la London Assurance Corporation, fondée à Londres en
. La Mutual Life Insurance Company y aura aussi ses bureaux, durant
un certain temps.
Les nombreux éléments décoratifs architecturaux des deux édifices
sont d’une beauté remarquable. C’est l’artiste Henri Beaumont qui
exécuta les sculptures du Sun Life Building. Malheureusement, un
incendie ravagea grandement les deux immeubles en  et détruisit
irrémédiablement l’architecture intérieure. Mais la restauration des
façades sera particulièrement bien réussie.

Louis Cavelier

En continuant vers l’est sur la rue Notre-Dame, nous nous trouvons


toujours sur la terre originale accordée en , par Maisonneuve, au
sieur Robert Cavelier dit Deslauriers. Ladite terre finit cependant à
soixante-treize pieds à l’est de la rue Saint-Jean. Comme cette dernière
n’est pas parfaitement parallèle aux lignes latérales de la concession, l’es-
pace s’élargit en se dirigeant vers le sud. En profondeur, ce résidu s’arrête
à la partie de lot que le sieur Robert Cavelier lui-même avait cédé, en
, à un nommé Bertrand Arnaud. C’est Louis qui prendra possession
dudit résidu concerné, au moment du partage de l’héritage entre les
SE C T E U R N UM ÉR O 2  

enfants Cavelier. À peu près à la même époque, la rue de l’Hôpital traver-


sera son lot d’ouest en est. Puis, en , l’héritier vend l’ensemble de son
fonds de terre au sieur François Volant de Radisson. Celui-ci le subdivi-
sera aussitôt en six emplacements, soit deux en front de la rue Notre-
Dame et deux de chaque côté de la rue de l’Hôpital.
Le lot au coin des rues Notre-Dame et Saint-Jean sera vendu en ,
à nul autre que Pierre Crépeau qui avait déjà acquis des seigneurs une
partie du lopin de terre ayant appartenu auparavant à Jeanne Cavelier.
Mais il le revendra dès , au sieur Pierre Gautier dit Rabot qui avait
épousé Marie-Anne Boileau (Boisneau), l’année précédente. L’emplace-
ment voisin, qui a quarante et un pieds en front de la rue Notre-Dame,
sera acquis en , par le sieur François Becquet dit Saint-Sauveur. Ce
Rouennais d’origine s’était marié, en , avec Jeanne de Poitiers.
L’emplacement au coin nord-est des rues Saint-Jean et de l’Hôpital
sera consenti au sieur Léonard Paillé dit Paillart, en cette même année
, et la propriété voisine ira au sieur Étienne Gibeault, l’année suivante.
Les deux terrains mesurent chacun quarante-cinq pieds de largeur et
ont une profondeur moyenne d’environ soixante pieds. Le seul Léonard
Paillé dit Paillart que l’auteur a retracé avait épousé Louise Vachon en
, devant maître Aubert. Cela donne un intervalle de trente-cinq ans
entre le contrat de mariage et le contrat d’achat. Bien sûr, cela demeure
dans le domaine du possible. Parti de Poitiers, le sieur Paillart était char-
pentier de son métier. Quant au menuisier Étienne Gibeault, il avait
épousé Élisabeth Austin, vraisemblablement originaire de Boston, en
Nouvelle-Angleterre.
Le notaire Pierre Raimbault achètera, en , tout l’espace sur le côté
sud de la rue de l’Hôpital. Mesurant quatre-vingt-seize pieds de largeur,
ce terrain n’a que trente-deux pieds de profondeur moyenne. La même
année, le sieur Raimbault subdivisera l’emplacement en deux lots, qu’il
vendra immédiatement. Celui à l’est mesure trente-deux pieds de largeur
et c’est le sieur Gibeault qui en fera l’acquisition. Quant au lot de soixante-
quatre pieds qui fait le coin de la rue Saint-Jean, le notaire le vendra au
sieur Jacques Lacelle, un Parisien qui avait épousé Angélique Gibeault,
la sœur d’Étienne, en . D’ailleurs, les deux contrats de vente seront
passés le même jour, soit le  août. Les terrains ainsi formés s’appuient,
vers l’arrière, sur la propriété qu’avait acquise Bertrand Arnaud auprès
du père de Louis Cavelier, en . C’est la raison pour laquelle ils n’ont
alors qu’une profondeur moyenne de trente-deux pieds.
  L E V IE U X-M O N T R É A L

Dans le présent chapitre, le lecteur aura remarqué que l’année  a


marqué un boom immobilier jusque-là sans précédent dans l’histoire de
Montréal. Si la construction va bon train, la spéculation aussi. Comme
toujours dans de telles circonstances, les plus rusés agissent avec une
célérité déconcertante et les transactions se multiplient. On ne peut
s’empêcher de penser que les messieurs de Saint-Sulpice et les sieurs
Crépeau et Radisson en ont largement profité. Et, en bon notaire qu’il
était, le futur propriétaire du « château de Maisonneuve » n’a pas non
plus raté sa chance.

Bertrand Arnaud

Afin de garder une certaine cohérence dans l’étude du territoire, il


convient de traiter ici l’espace obtenu de Robert Cavelier par le sieur
Bertrand Arnaud, lequel s’étendait de la propriété du sieur Louis Cave-
lier jusqu’à la rue du Saint-Sacrement. En , le sieur Arnaud, qui avait
épousé en secondes noces Louise de Xaintes dix-huit ans plus tôt, vend
la totalité de son lopin de terre au sieur de Budemont qui procédera à sa
subdivision. Si le lot de Jacques Lacelle pouvait être considéré comme
ayant front sur la rue Saint-Jean, ce qui lui donnait alors soixante-quatre
pieds de profondeur le long de la rue de l’Hôpital, il n’en était pas de
même pour Étienne Gibeault, plutôt coincé avec son lot qui formait un
carré de trente-deux pieds de côté. Après l’avoir vendu en , au sieur
Jean Moison (Moisan), c’est ce dernier qui obtiendra du sieur de Bude-
mont un prolongement de quarante-huit pieds à l’arrière de sa nouvelle
acquisition. En , de Budemont vendra au sieur Jacques Diel un
emplacement de quarante-huit pieds de largeur sur la rue Saint-Jean,
lequel lot viendra s’appuyer à l’arrière, sur le terrain du sieur Moisan. Ce
Jacques Diel était l’époux de Marie-Anne Crépin-Rapin.
En se dirigeant vers le sud sur la rue Saint-Jean, nous arrivons à un
lot de quarante-trois pieds de largeur que Budemont cédera au sieur
François Morel dit Madore. Remarié depuis  avec Marie Roy, le sieur
Morel était le beau-frère de Jean Moisan, par sa première femme. Puis
ce sera un emplacement de quarante pieds qui sera vendu, en , au
sieur Léonard Jussiaume dit Saint-Pierre, originaire de la Saintonge et
marié à Angélique Laporte. Quelques années plus tôt, ce bénéficiaire
s’était déjà porté acquéreur du dernier lot qui fait le coin des rues Saint-
Jean et du Saint-Sacrement et qui mesurait quarante-trois pieds de
SE C T E U R N UM ÉR O 2  

largeur sur cinquante-trois de profondeur. L’emplacement situé à l’arrière


des deux terrains de Jussiaume a front sur la rue de l’Hôpital et il sera
cédé, en , au sieur Jean-Baptiste Parent. Ce qui complète la liquida-
tion du lopin de terre du sieur Arnaud.

L’occupation au e siècle des terrains de Louis Cavelier


et de Bertrand Arnaud

Jusqu’à tout récemment, la partie du terrain reçu en héritage par Louis


Cavelier, située entre les rues Notre-Dame et de l’Hôpital, était occupée
par un affreux stationnement à étages, dont on aurait pu difficilement
imaginer l’existence dans un environnement patrimonial. Ce pigeonnier,
entouré d’une aire de stationnement en surface, débordait sur les autres
concessions situées immédiatement à l’est. Heureusement, c’est mainte-
nant chose du passé. Le tout a été démoli et le terrain fait l’objet d’un
projet de deux cents condos et boutiques qui tarde cependant à démarrer.
Si le Saint-François se réalise, une partie importante de son site couvri-
rait alors les lots des sieurs Gautier, Becquet, Paillart et Gibeault.
Le magnifique édifice de dix étages situé au coin sud-est des rues
Saint-Jean (n -) et de l’Hôpital (n ) se dresse sur les empla-
cements acquis du sieur Arnaud au début du e siècle, par les sieurs
Lacelle, Moisan, Diel et Morel dit Madore. D’ailleurs, avant cette cons-
truction qui date de , de plus petits bâtiments occupaient chacun de
ces lots. Les deux façades sur rue de l’immeuble présentent des éléments
architecturaux décoratifs originaux et forts variés, dont d’étranges gar-
gouilles à l’expression plutôt menaçante.
L’édifice Lewis, du nom de celui qui l’a fait construire, est aussi connu
comme étant l’édifice Cunard. La prestigieuse compagnie, dont les
luxueux paquebots sillonnaient les mers, en devient propriétaire en 
et y installe son siège social canadien. De nombreuses compagnies d’as-
surances ont aussi eu leurs bureaux à cet endroit et la Prudentielle en a
même été propriétaire durant une douzaine d’années.
Le  de la rue Saint-Jean occupe essentiellement un des deux lots
que détenait le sieur Jussiaume au e siècle. Le bâtiment actuel a été
construit en  mais, lorsqu’une société maritime américaine l’achète
en , son président Alfred Clegg fait refaire totalement la façade qui
n’a maintenant plus rien à voir avec l’aspect de la première. La structure
demeurera cependant la même. L’autre emplacement de Jussiaume, au
  L E V IE U X-M O N T R É A L

Une des dizaines de gargouilles de l’édifice Cunard au coin des rues Saint-Jean
et de l’Hôpital.

coin de la rue du Saint-Sacrement, supporte un immeuble à bureaux art


déco de quatre étages.
Enfin, le , rue du Saint-Sacrement se dresse sur le terrain que le
sieur Jean-Baptiste Parent possédait originalement. C’est le maître
boulanger Walter Benny qui a fait construire l’immeuble en , mais
pas pour y exercer ses propres talents professionnels. Il préfère plutôt
retirer des loyers de la part de locataires aux activités variées. Lui-même
et sa succession garderont l’immeuble durant cent quarante-trois ans.
Avec le chapitre précédent, c’est ici que se termine la couverture de
toute la partie au sud de la rue Notre-Dame de la concession qu’avait
obtenue, de Maisonneuve en , le sieur Robert Cavelier dit Deslauriers.
La partie nord sera traitée plus loin.
SE C T E U R N UM ÉR O 2  

    

Le territoire du Vieux-Montréal est issu en général soit de la commune,


soit de grandes concessions comme celles des sieurs Messier, Gadois,
Cavelier et Godé. Entre les propriétés de ces deux derniers bénéficiaires,
il existe cependant un large espace de terrain qui, lui aussi, a fait l’objet
de concessions du temps de Maisonneuve. Mais elles étaient beaucoup
plus petites et de superficies fort différentes les unes des autres.
Avant de traiter de ces concessions, commençons par voir comment
les seigneurs ont disposé de la commune, sur le côté nord de la rue Saint-
Paul entre l’alignement est de la terre de Robert Cavelier et la rue Saint-
François-Xavier. Le premier lot qui suit celui de Mathurin Langevin,
dont il a été question au chapitre précédent, fut consenti, en , au sieur
Maurice Averty dit Léger. De forme carrée, l’emplacement mesurait
quarante-deux pieds de côté. Il semble toutefois que le même jour, ou à
peu près, Averty le céda au sieur Jean Aubuchon dit Lespérance qui, en
, se portera acquéreur du prolongement de son terrain vers l’arrière,
ce qui lui donnera une profondeur totale de quatre-vingt-quinze pieds.
Puis, durant une période de près de trente ans, le lot passera entre les
mains de plusieurs propriétaires, pour aboutir au sieur Pierre Leduc.
Toujours en continuant vers l’est, nous arrivons à deux emplacements
d’une largeur étroite de vingt-trois pieds chacun, séparés par une rue,
elle aussi très étroite avec ses treize pieds, et qui existe encore telle quelle
de nos jours. Ayant obtenu ce qu’on pourrait appeler encore ici une
« devanture » en front de la rue Saint-Paul, les frères Charles et Jacques
Milot percèrent la rue Saint-Éloi pour accéder à la concession héritée de
leur père au nord de la commune, tout en se gardant chacun un empla-
cement de part et d’autre de la nouvelle rue. Avant d’arriver à la rue
Saint-François-Xavier, il reste encore un emplacement que les seigneurs
ont cédé au sieur Simon Guillory, vers , sur lequel nous reviendrons
lors de l’étude de la concession voisine qui avait été accordée au sieur
Jean Desroches.
C’est en , soit un an après avoir épousé Marthe Poulin, que le sieur
Jean Milot, un marchand récemment arrivé de France, obtiendra une
concession. Son lopin de terre mesurait environ cent cinquante-quatre
pieds de largeur sur deux cent onze de profondeur. Le sieur Milot la
trouvait bien petite sa concession, comparativement à celles des Cavelier,
Closse et compagnie. Pour le satisfaire, Maisonneuve lui promit
  L E V IE U X-M O N T R É A L

d’agrandir son lot vers le nord, mais ce prolongement a été « ensuite, sans
avoir égard à cette promesse, concédé par monsieur de Queylus, à Jean
Martinet de Fontblanche », en .
Voyons comment les frères Milot ont disposé du lot de leur père. Il
semble cependant que ce soit Jacques seul qui ait présidé aux ventes du
patrimoine familial, probablement après le décès de son frère Charles.
Sur le côté ouest de la rue Saint-Éloi, un nommé Pierre Desaulniers
achètera, en , un espace mesurant plus de cent soixante-quinze pieds
de longueur, en partant de la commune. Par la suite, le sieur Desaulniers
subdivisera le lot pour former quatre emplacements dont les acquéreurs,
en se dirigeant du sud vers le nord, seront Nicolas puis Jean-Baptiste
Varin dit Lapistole, Joseph Marcheteau dit Desnoyers et Raymond Baby.
Le fils de Jean Milot attendra ensuite sept ans avant de vendre le reste
jusqu’au coin de la rue du Saint-Sacrement, soit un premier lot de vingt-
six pieds et demi au sieur Laurent Marcheteau dit Desnoyers et le suivant
de même largeur, au sieur Sébastien Magué dit Lacroix.
Du côté est de la rue Saint-Éloi, Jacques Milot vendra, comme suit,
cette portion de la concession de son père : le premier lot au nord de l’an-
cienne commune ira au sieur Jacques Quesnel dit Fontblanche, avec
cinquante pieds de façade. Le terrain suivant, qui a quarante-neuf pieds
de largeur, sera concédé à Pierre Marcheteau dit Desnoyers, le frère des
deux autres du même patronyme qui ont acheté des emplacements juste
en face. Un nommé Barte se portera acquéreur du lot au nord et, le
 janvier , le sieur François Mailhot achètera le terrain du coin. Ce
dernier mesure quarante-sept pieds sur la rue Saint-Éloi sur cinquante-
cinq le long de la rue du Saint-Sacrement.
Au moment de l’incendie de , c’est le sieur Claude Dudevoir, époux
de Barbe Cardinal et huissier royal, qui possédait l’emplacement situé
au coin nord-ouest des rues Saint-Paul et Saint-Éloi. Sa maison en bois
d’un étage avec deux cheminées occupait la pleine largeur du lot.
Malheureusement, elle n’a pas échappé aux flammes. Quant à la demeure
que Jacques Milot s’était fait construire sur le coin opposé et qu’il possé-
dait toujours au moment du sinistre, elle connut un sort identique. De
même matériau, cette maison occupait, elle aussi, la largeur totale du lot
avec une profondeur de quarante-cinq pieds.
Parmi les autres maisons incendiées sur la concession originale de
Jean Milot, on en relève deux au nom de Pierre Trottier dit Desaulniers,
sur la rue Saint-Éloi. En pierre, elles mesuraient cinquante-cinq pieds
SE C T E U R N UM ÉR O 2  

de front chacune, avec des profondeurs respectives de vingt-cinq et vingt-


trois pieds.
Sur Saint-Paul, vis-à-vis de la concession de Jean Milot, trois bâtiments
occupent l’espace à l’ouest de la rue Saint-Éloi (le , le - et le 
de la rue Saint-Paul et , rue Saint-Éloi). Aux activités commerciales
souvent similaires, mais fort variées selon les époques, ils ont tous trois
été érigés en . Aujourd’hui, ils ont trouvé une vocation résidentielle
pour les étages supérieurs, alors que les rez-de-chaussée abritent divers
commerces.
Le bâtiment au coin nord-est des rues Saint-Paul (n ) et Saint-Éloi
(n ) fut construit seulement quelques années après les trois édifices
précédents, mais il est à l’image de celui qui se trouve sur le coin ouest
de Saint-Éloi. On notera que les deux bâtiments occupent exactement
les deux emplacements que Charles et Jacques Milot s’étaient réservés
pour eux-mêmes, quand ils ont percé la rue Saint-Éloi pour créer un
accès vers la concession paternelle. Le , rue Saint-Paul a connu lui
aussi, à travers le temps, des activités semblables à celles des trois édifices
précédents, pour en arriver ensuite à une conversion des étages en loge-
ments, le rez-de-chaussée étant réservé à un commerce.
Si la concession de Jean Milot n’était pas tellement longue, elle traver-
sait quand même la rue du Saint-Sacrement avant d’atteindre le lot du
sieur Martinet de Fontblanche. La distance suffira pour créer un empla-
cement d’environ soixante-dix pieds de profondeur. Ayant abouti aux
mains des Decouagne, il faisait la largeur de la concession au niveau de
la rue du Saint-Sacrement. En , il sera cédé au sieur Pierre Rivon de
Budemont par Marie Godé, sa nouvelle épouse et veuve de Charles
Decouagne. Le chevalier et capitaine de Budemont fut reconnu, dans le
temps, comme un excellent officier au sein de l’unité des Gardes du
roi.
Afin de garder une certaine homogénéité, il convient de traiter de
l’occupation actuelle de cette partie de la terre du sieur Milot, avec celle
des autres concessions situées au nord de la rue du Saint-Sacrement.
  L E V IE U X-M O N T R É A L

    


(partie sud)

Maisonneuve accordera au sieur Jean Desroches l’espace restant entre la


concession de Jean Milot et celle de Nicolas Godé. Si le lopin de terre est
plus étroit que celui du sieur Milot, il est cependant presque trois fois
plus profond et s’étend jusqu’à la rue Notre-Dame. Pour ce qui est de la
« devanture », les seigneurs jugeront plus tard que le concessionnaire
n’en a pas besoin, puisqu’ils viennent d’ouvrir la rue Saint-François
(Saint-François-Xavier), à même la terre du sieur Godé. Entretemps, les
héritiers Desroches avaient vendu, dès , toute la partie de la conces-
sion depuis la commune jusqu’aux environs de la rue du Saint-Sacrement
actuelle, au sieur Claude Robutel de Saint-André. La fille de celui-ci et
son époux, le sieur de Lignery, vendront le tout au sieur Étienne-Joseph
Martel, en . C’est ce dernier qui procédera à la subdivision du
terrain.
Mais, avant de traiter de ce morcellement, voyons ce qu’il est advenu
de la partie de la commune qui bornait la concession de Jean Desroches.
Les seigneurs l’accordèrent, en , au sieur Simon Guillory, un armu-
rier de la région de Blois en France, qui avait épousé Louise Bouchard,
trois ans plus tôt. Le sieur François Hazur se portera acquéreur du lot
en . Puis, vingt-quatre années s’écouleront avant que Nicolas
Sarrazin en devienne le propriétaire. Mais les deux maisons en pierre de
son fils Thomas seront totalement détruites par l’incendie de . La
plus grande, avec ses deux étages et ses quatre cheminées, mesurait
cinquante pieds de façade sur trente-neuf de profondeur. D’un étage avec
mansarde, la seconde maison avait trente pieds en largeur et une profon-
deur identique à celle de la première.
En , nous retrouvons trois édifices sur le terrain du sieur Thomas
Sarrazin. Le plus à l’ouest, en pierre de cinq étages (n ), n’a pas un
siècle d’existence. Les deux autres (n  et ) ont été construits
ensemble, en , par le propriétaire du temps, René Kimber. Des bouti-
ques artisanales occupent les rez-de-chaussée des trois bâtiments.
Quelques années après l’acquisition de son lopin de terre des héritiers
de Claude Robutel de Saint-André, l’aubergiste Étienne-Joseph Martel
vendra un premier lot de trente-deux pieds de largeur au sieur de Repen-
tigny, qui le revendra, en , au sieur Jean Tabaut. Ce dernier le cédera
ensuite à dame Marie-Anne Charles, la veuve du sieur César-Marin
SE C T E U R N UM ÉR O 2  

Bourdon qu’elle avait épousé en . Lors du grand incendie, madame


Bourdon verra sa maison en bois d’un étage avec une cheminée être
complètement détruite. Le bâtiment mesurait trente-huit pieds sur vingt
et un.
Toujours en continuant vers le nord, un second emplacement, de
quarante-trois pieds celui-là, sera vendu par le sieur Martel au sieur Paul
Dumouchel. Au moment du grand incendie, le sieur Jean-Baptiste Moris-
seau, un interprète du roi en langue iroquoise, était propriétaire de ce
lot depuis cinq ans. Sa maison en bois, de deux étages avec deux chemi-
nées, n’échappera pas aux flammes. La structure mesurait trente-deux
pieds de front sur dix-neuf de profondeur.
Étienne-Joseph Martel s’était gardé le coin sud-ouest des rues Saint-
François-Xavier et du Saint-Sacrement pour construire une grande
maison qui, de par ses dimensions, devait être probablement son auberge.
En pierre de deux étages avec mansarde, elle mesurait trente-sept pieds
sur cinquante-deux et avait deux cheminées. En plus de ce grand bâti-
ment, le sieur Martel perdit aussi un fournil, dans la cour. En , il
vendra cet emplacement au sieur Antoine Thunay dit Dufresne, tout en
gardant autour un lot de forme irrégulière, avec front à la fois sur la rue
Saint-François-Xavier et sur la rue du Saint-Sacrement. Joseph Martel
fils en prendra plus tard possession, en tant qu’héritier.
Notons ici que Jean Desroches était un Bourguignon qui a uni son
destin à Françoise Godé, la fille de Nicolas, père. Pour sa part, Étienne-
Joseph Martel venait de la région de Rouen et il a épousé successivement
Antoinette Boucher () et Marie-Anne Brebant (). Son fils Joseph
est issu du second mariage. Quant à Antoine Thunay, il était le fils du
chirurgien Félix et l’époux d’Angélique Roy.
En partant de l’ancienne commune, c’est-à-dire de l’arrière des édifices
de la rue Saint-Paul, nous découvrons, sur la rue Saint-François-Xavier,
un édifice en pierre de trois étages (n  et ), qui date de . Il
occupe approximativement l’ancien lot du sieur Tabaut ou, si l’on veut,
celui de madame Bourdon. On y retrouve le restaurant Pavarotti. Suit
un terrain de stationnement qui couvre le lot de Paul Dumouchel et une
partie de celui que s’était gardé le sieur Martel. Quant au coin de la rue
du Saint-Sacrement, il sert de site à un très bel immeuble en pierre (n 
et ). C’est l’édifice de la Montreal Telegraph Company, construit en
, d’après les plans de la firme d’architectes Hopkins & Wily. Plusieurs
compagnies de télégraphe, dont celle du Canadien National, l’occuperont
  L E V IE U X-M O N T R É A L

jusqu’en . Mais, entre les deux guerres mondiales, la Dow Jones Ltd.
y a eu aussi ses bureaux. Il faut dire qu’alors la Bourse de Montréal n’était
pas loin de l’autre côté de la rue, pour cette société qui a laissé son nom
à un indice boursier encore fort reconnu de nos jours, sur tous les
marchés. Ce sont surtout des sociétés de graphisme et de publicité qui
ont pris la relève. Enfin, pour relier le présent au passé, on peut noter que
nous sommes ici sur le site qu’Étienne-Joseph Martel avait cédé au sieur
Antoine Thunay dit Dufresne, cinq ans après l’incendie de son
auberge.
Quant au - du Saint-Sacrement, juste à côté et situé sur une
partie du lot dont avait hérité le fils Martel, il fut construit en . C’est
à cet endroit que la Montreal Telegraph connaîtra ses débuts à
partir de , avant de s’installer dans le bâtiment du coin de la rue
Saint-François-Xavier.

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Nous abordons ici la partie nord de la concession de Jean Desroches, de


même que celles qui ont été accordées sur son flanc ouest jusqu’à la terre
reçue comme part d’héritage par Louis Cavelier. À partir de la rue du
Saint-Sacrement, nous avons une partie de la concession de Jean Milot
dont il a été question dans un chapitre précédent. Puis, suit vers le nord,
celle du sieur Jean Martinet de Fontblanche. Ce Bourguignon, époux de
Marguerite Prud’homme, était à la fois médecin et soldat dans le régi-
ment de Carignan.
Le quadrilatère du présent chapitre est traversé par la rue de l’Hôpital
et la limite nord de la concession du sieur de Fontblanche correspond
plus ou moins à cette artère dont l’axe est un peu oblique par rapport
aux rues Notre-Dame et du Saint-Sacrement. Ladite rue de l’Hôpital
sectionne ensuite la concession du sieur Jean Desroches, pour s’arrêter
à la rue Saint-François-Xavier.
SE C T E U R N UM ÉR O 2  

La partie au sud de la rue de l’Hôpital

Le sieur de Fontblanche garda son lot jusqu’au  août , alors qu’il le
cédera à un certain Livillier. Deux jours plus tard, le lot sera « transporté »
au notaire Raimbault qui, toujours aux aguets, avait dû sans doute flairer
une bonne affaire. L’homme de loi subdivisera ensuite sa nouvelle acqui-
sition en trois emplacements ayant front sur la rue de l’Hôpital. Le plus
à l’ouest sera vendu au sieur Pothier Dubuisson, le lot voisin ira au sieur
Antoine Puyperoux dit Lafosse et le dernier, au sieur François Serat dit
Coquillard qui cédera son terrain à son voisin Puyperoux moins d’un
an après son acquisition, soit en .
Plusieurs Pothier se sont établis en Nouvelle-France, mais il s’agit ici,
de toute évidence, de Guillaume qui épousera Jeanne-Élisabeth, la fille
du célèbre ingénieur et cartographe Gédéon de Catalogne. Antoine
Puyperoux, venu de la Guyenne, était notaire royal et avait épousé Fran-
çoise Petit de Boismorel, à son premier mariage. Quant à François Serat,
le fils de Pierre, un maçon de son métier originaire de la région de
La Rochelle, il était le mari de Françoise Bardet.

Fronton de l’entrée du CPR Telegraph Building.

La partie de la concession de Jean Desroches située entre les rues du


Saint-Sacrement et de l’Hôpital a été cédée par les héritiers Desroches
au sieur François d’Hazur en trois contrats dont l’enregistrement (« ensai-
sinement ») s’est échelonné entre  et . Puis, le tout a été vendu
aux seigneurs par le procureur du sieur Hazur, Pierre Soumande, le
  L E V IE U X-M O N T R É A L

 juillet . L’année suivante, les nouveaux détenteurs concédèrent la


lisière de terrain au sieur Philippe Robitaille, un soldat du régiment de
Carignan originaire de l’Artois. En , celui-ci avait épousé Madeleine
Warren, de Dover en Nouvelle-Angleterre, rencontrée, peut-être, lors
d’une expédition du célèbre régiment.
Les héritiers Robitaille procédèrent plus tard à la subdivision de la
propriété, pour créer trois emplacements. Le plus au sud sera vendu par
la veuve Robitaille elle-même, au sieur Pierre Hubert, en . L’espace au
centre ira au sieur Antoine Moison (Moisan), en . L’année précédente,
le lot au coin de la rue de l’Hôpital avait été consenti à Marguerite Robi-
taille par les héritiers de Philippe. Les trois emplacements ont approxima-
tivement gardé leurs largeurs d’origine qui correspondent à peu près à
celles de l’occupation du e siècle. Trois bâtiments en pierre s’y dressent
aujourd’hui, en front de la rue Saint-François-Xavier.
Sur le terrain de Marguerite Robitaille, on retrouve un imposant
édifice de huit étages (, rue de l’Hôpital et , rue Saint-François-
Xavier). Le long de la rue de l’Hôpital, il se trouve à couvrir aussi l’em-
placement de François Serat. Il s’agit du CPR Telegraph Building. Ce bel
immeuble a été construit en , par le Canadien Pacifique, ou plus
précisément par deux des membres de la haute direction, son nouveau
président, Thomas Shaughnessy, et Richard B. Angus. En , la compa-
gnie y installe plusieurs de ses services et, bien entendu, celui de la télé-
graphie. Auparavant, deux bâtiments couvraient chacun des terrains
originaux. L’un d’eux, probablement celui du coin, appartenait à l’ancien
maire de Saint-Hyacinthe, Georges-Casimir Dessaulles. Parmi les
anciens locataires de l’édifice du Canadien Pacifique, on peut signaler le
prestigieux Montreal Club qui y occupera un espace important. En ,
la compagnie vend l’édifice qui devient alors l’un des premiers du genre
à être transformé en copropriétés, dans le Vieux-Montréal.
Frédéric-Auguste Quesnel est propriétaire depuis près de trente ans
de l’emplacement ayant appartenu originalement au sieur Antoine
Moisan, lorsqu’il décide, en , de démolir sa vieille maison de pierre,
pour y construire la maison actuelle (n -). Si, pendant une
quarantaine d’années, des libraires y tiennent leur commerce, des restau-
rants au rez-de-chaussée les remplaceront à partir de . Pendant plus
d’un demi-siècle, l’un d’entre eux, au nom plutôt évocateur dans ce
quartier des bourses, y aura pignon sur rue. C’est le Brokers’ Restaurant.
L’auberge Casa de Matéo occupe tout l’immeuble de nos jours.
SE C T E U R N UM ÉR O 2  

L’ancien édifice du Devoir (1972 et 1992).


  L E V IE U X-M O N T R É A L

Le - de la rue Saint-François-Xavier fut construit en , par


James Hutchison. Ce dernier décédera trente-trois ans plus tard, et ses
héritiers garderont l’édifice jusqu’en , lorsque la Royal Exchange Assu-
rance l’achètera pour y installer son siège social. C’est la boutique d’enca-
drement Martine Hénault qui occupe maintenant le rez-de-chaussée, alors
que les étages supérieurs ont été convertis en logements en copropriété.
En partant de la rue Saint-François-Xavier, le deuxième édifice sur
le côté nord de la rue du Saint-Sacrement (n ) est connu notamment
pour avoir logé les activités du journal Le Devoir durant vingt ans, à
partir de . Mais ce bel édifice d’allure massive a eu plusieurs autres
occupants par le passé. Il fut construit en , pour le Merchants’
Exchange and Reading Room of Montreal, une puissante association
d’hommes d’affaires qui présideront à l’avènement du Montreal Stock
Exchange, en . D’ailleurs, la Bourse de Montréal occupera le deuxième
étage de l’immeuble jusqu’à ce qu’elle emménage dans son propre édifice,
en . La Marconi Wireless Telegraph Company of Canada Limited
l’achètera en  et s’y installera pour près de trente ans. Une plaque
commémorative apposée sur la façade du bâtiment, transformé en copro-
priétés résidentielles, résume la carrière du brillant orateur et écrivain
que fut Henri Bourassa, le fondateur du journal Le Devoir.
Cette construction occupe la partie arrière du terrain du sieur Pierre
Hubert (sur la concession originale de Jean Desroches) et s’étend surtout
sur le lot qu’avait acheté le sieur François Simonet de Marie Godé, en
 (sur la concession originale de Jean Milot). Il est bon de rappeler que
Marie Godé se trouvait alors l’héritière de ses deux précédents époux,
les sieurs Decouagne et de Budemont. Quant à Simonet, il serait né à
Niort, dans le Poitou.
En continuant vers l’ouest, nous arrivons en présence d’un ensemble
appelé Robert Reford, lequel s’étend de la rue du Saint-Sacrement jusqu’à
la rue de l’Hôpital et couvre, par le fait même, une grande partie de l’ancien
lot du sieur François Simonet et aussi un large espace de celui que possédait
le sieur Guillaume Pothier Dubuisson, en front de la rue de l’Hôpital.
L’ensemble comprend trois bâtiments dont deux présentent une archi-
tecture intéressante, soit le , rue de l’Hôpital et le , rue du Saint-
Sacrement. Ce dernier, appelé la maison Reford, porte aussi le nom de
maison Chartier de Lotbinière. Il a été érigé en , par le propriétaire
du temps, Silvain Laurent dit Bérichon, avec un toit à deux versants percé
de lucarnes. La construction était à peine terminée qu’Alain Chartier de
SE C T E U R N UM ÉR O 2  

Maison de Chartier de Lotbinière érigée en 1811.

Plaque commémorative sur la maison Chartier de Lotbinière.


  L E V IE U X-M O N T R É A L

Lotbinière s’en est porté acquéreur. Chose pour le moins curieuse, une
plaque sur le bâtiment nous rappelle qu’il s’agit de la « Maison de
résidence du marquis Michel Chartier de Lotbinière (-), chevalier
de Saint-Louis, ingénieur du roi et compagnon d’armes de Montcalm et
de Lévis ». Mais le lecteur aura sans doute remarqué que ce bâtiment a
été érigé douze ans après le décès du marquis !
Jusqu’au  janvier , la maison servait de siège social à la compa-
gnie de transport maritime Robert Reford, l’une des plus anciennes dans
ce domaine. Les affaires ont été plutôt prospères et, il y a cent ans, la
famille Reford figurait parmi les plus à l’aise de Montréal. Il existe un
lien entre le site de la rue du Saint-Sacrement et l’un des plus beaux
endroits du Québec. En effet, c’est Elsie, épouse de Robert Reford et sœur
de Lord Mount Stephen, qui entreprit, vers , l’aménagement des
Jardins de Métis, aux portes de la Gaspésie. Madame Reford y consacra
ses étés durant trente ans, manifestant un esprit créateur qui enchante
chaque année des milliers de visiteurs.

La partie au nord de la rue de l’Hôpital

Pour terminer ce chapitre, il reste à étudier l’espace compris entre les


rues Notre-Dame et de l’Hôpital, depuis la concession du sieur Robert
Cavelier jusqu’à la rue Saint-François-Xavier. Le terrain, situé au nord
de la concession du sieur de Fontblanche, fut d’abord accordé en ,
au sieur Nicolas Forget dit Despatis. Après avoir appartenu un certain
temps à un nommé Antoine Forestier, il passa en  aux mains du sieur
Étienne Volant de Radisson, un marchand qui le subdivisera une ving-
taine d’années plus tard, pour créer trois lots sur la rue Notre-Dame et
deux autres sur la rue de l’Hôpital. Les cinq terrains seront partagés
comme suit : la veuve de Jean Cusson dit Lacroix achètera le lot le plus à
l’ouest sur la rue Notre-Dame, lequel lot mesurait quarante et un pieds ;
son gendre, Toussaint Périneau dit Lamarche, prendra cinquante pieds
et Antoine Beaumont, Auvergnat d’origine, obtiendra soixante-deux
pieds. Sur la rue de l’Hôpital, c’est Guillaume Tartre qui acquerra le lot
ouest et Étienne Rocbert de la Morandière deviendra son voisin.
Voici quelques détails sur deux de ces personnages. En , Nicolas
Forget dit Despatis avait épousé, à Québec, Madeleine, l’une des nom-
breuses filles d’Abraham Martin. Ce dernier ne prévoyait certainement
pas qu’environ un siècle plus tard les troupes s’affronteraient dans son
SE C T E U R N UM ÉR O 2  

champ et qu’il laisserait son nom aux célèbres « plaines » qui sont plutôt
un plateau, en fait. Quant à Toussaint Périneau, le fils d’un Limousin
prénommé Jacques, il s’était installé sur la rue Notre-Dame, auprès de
la demeure de sa belle-mère Marguerite Aubuchon, alors veuve de Jean
Cusson.
Une concession de soixante pieds de largeur s’était intercalée, en ,
entre les lots des sieurs Forget et Desroches. Elle fut accordée à l’auber-
giste Abraham Bouat qui achètera ensuite, des héritiers Desroches, l’es-
pace restant jusqu’à la rue Saint-François-Xavier. Par après, le sieur Bouat
vendra un terrain à l’angle des rues Notre-Dame et Saint-François-
Xavier, au sieur François de La Fargue dit Sainte-Foy. Le reste sera liquidé
beaucoup plus tard par les héritiers Bouat, sauf un emplacement de
soixante pieds de largeur en front de la rue de l’Hôpital, qui restera à
leur mère au moment du partage.
C’est François-Marie Bouat, lieutenant général comme son père
Abraham, qui dressera, le lendemain du drame, le premier rapport avec
les recommandations nécessaires sur l’incendie du  juin . Il peut
être intéressant d’en lire le texte, tel qu’il a été publié par le Journal déjà
cité. Cela nous renseigne sur les coutumes du temps et les rapides
mesures de sécurité qui ont été déployées.
L’an mil sept cens vingt et un et le vingtième jour de juin, nous François
Marie Bouat, Conseiller du Roy, et son lieutenant général, au Siège de la
Juridiction Royalle de montréal, Sur ce qui nous a été représenté par le
procureur du Roy en ce siège que les Cheminées et murs des maisons et
battimens qui ont été brullez dans l’incendie arrivée en cette ville le jour
d’hier, sont si en dommagez que la plus part menacent ruine et sont prêtes
à tomber et que même trois ou quatre des cheminées sont déjà tombées ce
jourd’huy à quoy il est de la dernière conséquence d’avoir attention pour
prévenir les accidens qui en pourroient arriver, nous requérant de nous
transporter sur les lieux avec des maitre maçons pour faire faire en notre
présence la visite des murs et cheminées et pour ensuitte être par nous
ordonné sur la démolition qui sera nécessaire à faire. Nous étant pour ce
transporter à la Basse Ville avec ledit procureur du Roy, et notre greffier, et
mandé d’office à la requisition dudit procureur du roy, les nommés Pierre
Janson dit Lapalme, Jean Baptiste Deguire, Jean Daveluy dit Laroze et Jean
Payet dit St-Amour, tous maitres maçons et tailleurs de pierre de cette ville,
a été procédé devant nous à ladite visite par lesdits experts maitres maçons,
Serment préablement par eux fait… de laquelle visite ils nous ont fait rapport
sur chaque maison…
  L E V IE U X-M O N T R É A L

Une autre ordonnance, contre le pillage cette fois, a été promulguée


le  juin.
Tel que mentionné dans un chapitre précédent, le complexe immobi-
lier projeté appelé Le Saint-François, mais qui ne verra cependant peut-
être pas le jour, occupera une grande partie de l’espace entouré des rues
Saint-Jean, Notre-Dame, Saint-François-Xavier et de l’Hôpital. En plus
d’une partie du terrain de Louis Cavelier, le projet couvrirait également
les lots de Marguerite Aubuchon-Cusson, de Toussaint Périneau dit
Lamarche, d’Étienne Rocbert de la Morandière et de Marguerite Bouat,
ainsi qu’une partie des terrains que possédaient les héritiers de Jean
Desroches, au coin des rues Saint-François-Xavier et de l’Hôpital.
Il reste quatre bâtiments dont l’occupation se détaille à peu près
comme suit :
- Le  se trouve sur une partie de lot qui appartenait au sieur Péri-
neau. La maison n’a qu’un étage. Érigée en , elle a changé tota-
lement d’aspect lors de gros travaux exécutés en .
- L’édifice voisin de trois étages (-) repose sur le terrain ayant
originalement appartenu à Antoine Beaumont, au début du
e siècle. Il est connu sous le nom de celui qui l’a fait construire
en  : Louis-Tancrède Bouthillier. L’immeuble fut longtemps
occupé par trois magasins dont les propriétaires demeuraient dans
les étages au-dessus. Mais, à partir du début du e siècle, les loge-
ments feront place à des espaces de bureaux. Le fabricant de tabac
bien connu William C. Macdonald y aura le sien, pendant plus de
trente ans. Depuis , une partie des locaux sert à une entreprise
spécialisée dans le domaine de la photographie : Photo Service
limitée.
- La construction du coin (-, rue Notre-Dame et , rue
Saint-François-Xavier) qui couvre, du moins en façade, essentiel-
lement le terrain que possédait autrefois le sieur François de La
Fargue dit Sainte-Foy, a son nom gravé dans la pierre. C’est le
British Empire Building. Mais la propriétaire initiale de l’édifice,
qui date de , s’appelait l’Exchange Bank, qui fera cependant
faillite. C’est à ce moment que la British Empire Mutual Life Assu-
rance Company of London s’en portera acquéreur. Aujourd’hui,
on y retrouve, entre autres, le restaurant Au cépage.
- Le quatrième bâtiment a front sur la rue Saint-François-Xavier
(n ). Il fut construit en , par James Fairie, un marchand de
SE C T E U R N UM ÉR O 2  

lampes à l’huile et de systèmes d’éclairage en vogue à l’époque.


Depuis de nombreuses décennies, c’est le costumier Joseph Ponton
qui est l’occupant des lieux. Sa production est des plus variées et il
continue toujours à satisfaire aussi bien les troupes de théâtre que
les groupes ou les particuliers, à la recherche de costumes pour
diverses occasions. Nous sommes ici sur une partie du terrain
qu’Abraham Bouat avait acheté en , des héritiers du premier
concessionnaire, Jean Desroches.

     


   --,
-  -

Au nord de la rue Notre-Dame et à l’est de la rue Saint-Pierre, c’est encore


la concession accordée par Maisonneuve en , au sieur Robert Cave-
lier, qui domine largement l’occupation originale du sol. Consenties une
vingtaine d’années plus tard par les seigneurs, dans un contexte de plus
en plus urbain, les concessions vers l’est, jusqu’à la rue Saint-François-
Xavier, sont beaucoup moins étendues. D’ailleurs, leur profondeur ne
dépassait généralement pas la rue Saint-Jacques qui sera créée plus tard
et ce sont les seigneurs eux-mêmes qui cédèrent au roi le terrain requis,
entre autres, pour l’érection du mur d’enceinte, alors que Robert Cavelier,
lui, devra se résoudre à sacrifier la bande de terrain nécessaire aux
ouvrages qui traverseront sa concession d’ouest en est.
Avec le développement qui s’accentue, le sieur Cavelier et ses héritiers
n’hésiteront pas à morceler l’espace qui se trouve à l’intérieur des murs.
Le premier emplacement, au coin de la rue Saint-Pierre, fut obtenu des
héritiers Cavelier par le sieur Claude Dudevoir, père. Il mesurait cinquante
et un pieds de largeur et, avec sa profondeur de cent deux pieds, il ne se
rendait pas jusqu’à la future rue Saint-Jacques. En , le sieur Dudevoir
cédait sa propriété à son gendre, le sieur Pierre Bougret dit Dufort.
Le lot suivant, qui mesurait cent quinze pieds de front, fut adjugé en
 au sieur François Le Verrier. Avant l’adjudication, la partie est de
cet emplacement a connu plusieurs propriétaires dont le premier en date
s’appelait Léger Hébert, lequel avait transigé directement avec Robert
Cavelier. Cette partie de lot s’étendait sur une largeur de cinquante-trois
pieds en front de la rue Notre-Dame.
  L E V IE U X-M O N T R É A L
SE C T E U R N UM ÉR O 2  
  L E V IE U X-M O N T R É A L

Le sieur Le Verrier avait pour voisin, vers l’est, le sieur Jacques-Alexis


Fleury dit Deschambault dont l’emplacement de quatre-vingt-dix pieds,
obtenu de Robert Cavelier en , s’étirait jusqu’aux environs de la rue
Saint-Jacques qui ne s’ouvrira que plus tard.
Après le sieur Deschambault, il reste deux terrains avant d’arriver à
la limite de propriété des Cavelier. Les héritiers ont tardé à les liquider
et c’est Louis qui les aliénera. Le plus à l’ouest fut vendu, vers , au
sieur Pierre Gamelin fils dit Maugras qui, presque immédiatement, en
cédera l’arrière à la Fabrique de la paroisse Notre-Dame, à des fins de
cimetière.
L’extrême partie est de la terre des Cavelier avait d’abord été prévue,
conjointement avec le propriétaire voisin, pour une rue qui devait s’ap-
peler la rue du Calvaire. Mais ce projet ne s’est jamais concrétisé. Ajouté
à un résidu de terrain, l’espace servira à créer un emplacement de trente-
quatre pieds de largeur en front de la rue Notre-Dame que le sieur Pierre
Fortier dit Forestier achètera en .
Si, maintenant, nous ne sommes évidemment plus sur la terre du sieur
Robert Cavelier, la première des deux concessions voisines accordées en
 par les Sulpiciens concerne de près la famille du pionnier, puisqu’elle
fut consentie à son gendre, le chirurgien Antoine Fortier dit Forestier,
qui avait épousé Madeleine Cavelier quatre ans auparavant. La deuxième
concession alla au sieur Urbain Brossard, un maçon originaire de La
Flèche, arrivé avec la Grande Recrue de . Les deux emplacements
mesuraient chacun quarante-trois pieds de largeur par un arpent de
profondeur.
Avant de s’aventurer plus loin vers l’est, on peut se demander ce que
pouvaient bien avoir en commun, en dehors du voisinage et des relations
d’affaires, tous ces personnages qui, au tournant du e siècle, ont élu
domicile du côté nord de la rue Notre-Dame, sur la terre du sieur Robert
Cavelier.
Dans un même îlot d’habitations, les liens familiaux entre les proprié-
taires n’étaient pas rares à Montréal, à l’époque de la Nouvelle-France.
Cette situation a toutefois été particulièrement remarquable pour les
habitants dont il a été question plus haut. Si le lecteur ne s’y retrouve pas
facilement, il en arrivera quand même à la conclusion que ces proprié-
taires avaient tous des proches parmi leurs voisins.
On relève que Pierre Bougret dit Dufort était devenu le beau-frère de
Claude Dudevoir fils, en épousant la sœur de celui-ci, en . De son
SE C T E U R N UM ÉR O 2  

côté, François Le Verrier a épousé Jeanne-Charlotte de Fleury, la fille du


Poitevin Jacques-Alexis de Fleury dit Deschambault. Pour sa part, Pierre
Gamelin fils, dit Maugras, qui portait à la fois le nom de son père et celui
de sa mère, Marie-Jeanne Maugras, deviendra le beau-frère de Marie-
Josephte Dudevoir, la sœur de Claude, lorsqu’elle prendra Laurent-
Eustache Gamelin comme époux. Quant à Léger Hébert, il avait épousé
en  Marguerite Gamelin, la sœur du premier Pierre.
Enfin, on notera que l’acquéreur de l’emplacement situé sur l’extrémité
est de la terre porte le même patronyme que le premier occupant de la
concession voisine. C’est que Pierre Fortier dit Forestier, qui avait hérité
de son père Antoine, a décidé d’acheter le résidu de terrain que possédait
encore son oncle Louis Cavelier. Sûrement que d’autres cas de liens de
parenté ont existé, mais ce qui précède suffit à illustrer combien le party
familial du jour de l’An devait réunir un grand nombre de gens.
En , le sieur Claude Perrot avait déjà obtenu la concession qui
borne celle du sieur Urbain Brossard. Elle mesurait cent trente-neuf pieds
en largeur. Plus tard, elle sera divisée en deux parties égales et la moitié
ouest ira au sieur Pierre Lestage en . L’autre demie était déjà aux
mains du sieur Louis Le Comte Dupré, lorsqu’en cette même année 
celui-ci vendra sa propriété au sieur Jean-Baptiste Deguire dit Larose.
Le reste de l’espace avant d’atteindre la rue Saint-François-Xavier, est
constitué d’une étroite bande de terrain de vingt-trois pieds et demi de
largeur qui longe ladite rue. C’est le sieur Nicolas Godé qui en devint le
bénéficiaire, lors d’un échange survenu en  avec les Sulpiciens. Ces
derniers voulaient alors préserver leur enclos près du séminaire nouvel-
lement construit sur la rue Notre-Dame.
Parmi les édifices qui se trouvent érigés aujourd’hui à l’intérieur du
présent polygone, l’Insurance Exchange Building demeure le plus imposant
avec ses onze étages et ses façades sur trois artères (-, rue Saint-
Jacques, , rue Saint-Pierre et -, rue Notre-Dame). Il aura fallu
démolir près d’une dizaine de bâtiments pour le réaliser. L’Insurance
Exchange Corporation Limited ne constituait pas en soi une compagnie
d’assurances et elle semble n’avoir été créée que pour la gestion de
l’immeuble, dont le nom accrocheur attirera, dans ses vingt mille mètres
carrés et plus en surface locative, surtout des firmes du domaine de
l’assurance, sans toutefois refuser de l’espace aux entreprises commerciales
et financières. Malgré d’importants travaux de rénovation en ,
l’immeuble semble avoir gardé sa vocation première d’édifice à bureaux.
  L E V IE U X-M O N T R É A L

L’ancien édifice de la Banque d’épargne de la cité et du district de Montréal


devenu l’Hôtel xixe siècle.
SE C T E U R N UM ÉR O 2  

Par sa forme en L, l’édifice de l’Insurance Exchange Corporation


Limited entoure un bâtiment d’une architecture fort intéressante qui ne
laisse pas le promeneur indifférent. La construction de la Molson’s Bank
s’étalera sur une période de deux ans, à partir de . Il s’agit de l’un
des premiers immeubles de la ville inspirés du Second Empire. Fait plutôt
rare à Montréal, le nom du principal architecte, George Browne, est gravé
dans une pierre de la façade latérale qui donne sur la rue Saint-Pierre.
La Banque de Montréal absorbera la Banque Molson en , puis
fermera cette succursale en . De nos jours, ce sont des bureaux d’en-
treprises qui occupent ce bel immeuble, au coin des rues Saint-Jacques
et Saint-Pierre.
Si l’on compare l’occupation actuelle avec celle du début des années
, la configuration des emplacements a considérablement changé au
fil des siècles. Ainsi, l’édifice de la Banque Molson se trouve à la fois sur
le lot de Claude Dudevoir et sur celui de François Le Verrier. L’Insurance
Exchange Building couvre lui aussi une large partie de ces deux conces-
sions, tout en débordant sur celle de Jacques-Alexis de Fleury dit
Deschambault, occupée principalement par l’ancien siège social de la
Banque d’épargne de la cité et du district de Montréal qui longe la rue
Saint-Jean.
On n’apprend rien au lecteur en lui signalant que le monde de la
finance au e siècle avait un caractère presque exclusivement anglo-
saxon. Il ne faut donc pas s’étonner si Michel Laurent fut le seul archi-
tecte francophone de ce siècle appelé à concevoir un établissement
bancaire, dans le Vieux-Montréal. La tâche lui fut confiée en , par
la Banque d’épargne de la cité et du district de Montréal qui voulait y
installer son siège social, en front de la rue Saint-Jacques, le Wall Street
de la métropole canadienne. Deux agrandissements successifs feront
que, dix-neuf ans plus tard, l’édifice se rendra jusqu’à la rue Notre-Dame.
Il y a cinq ou six ans, l’immeuble a été transformé en hôtellerie et porte
le nom d’Hôtel e siècle. La façade latérale du bâtiment donne sur la
rue Saint-Jean dont l’emprise repose sur les concessions des sieurs de
Fleury Deschambault et Gamelin.
En plus de couvrir la presque totalité de la largeur de la concession
du sieur Pierre Gamelin, l’édifice au coin sud-est des rues Saint-Jacques
et Saint-Jean repose également sur le résidu de l’extrême partie est de la
terre de Robert Cavelier où devait passer la rue du Calvaire, alors que
l’arrière constitue une aire de stationnement en front de la rue Notre-
  L E V IE U X-M O N T R É A L

Dame. Le London Lancashire Building fut construit en , par la


compagnie d’assurance britannique qui portait ce nom. Cette dernière
vendra le bâtiment en , à une société de placements. Parmi les occu-
pants actuels, on note la présence d’un bureau d’évaluateurs agréés et
d’un centre dentaire.
Si les concessions accordées à la fin du e siècle et au début du siècle
suivant couvraient chacune toute la profondeur comprise entre la rue
Notre-Dame et les fortifications, on remarque qu’aujourd’hui, en partant
de la rue Saint-Jean, les bâtiments qui les occupent se partagent plutôt
cet espace dos à dos avec des façades sur Notre-Dame et sur Saint-
Jacques, sans avoir nécessairement les mêmes alignements latéraux. En
fait, les occupations actuelles résultent des transactions qui ont eu lieu
à chacun des siècles. Aussi chevauchent-elles régulièrement, notamment
sur la rue Notre-Dame, les limites des concessions originales. Mais
l’auteur tient compte de cet aspect, dans ses références de correspon-
dance, de façon à ce qu’elles soient conformes à la réalité, malgré de
légères différences qui demeurent inévitables.
Le - et le - de la rue Notre-Dame forment un ensemble
érigé au même moment et connu maintenant sous le nom de Dawson
Brothers Ltd. C’est l’ancien maire de Montréal Charles Dawson qui, en
, construisit le plus à l’ouest des deux édifices. La succession le
gardera jusqu’en . Entretemps, R. Charlebois, un tailleur d’excellente
réputation, y aura installé son commerce et ses ateliers de confection
pour une période de trente-cinq ans.
Quant à l’édifice à l’est, il a connu plusieurs locataires successifs
jusqu’à ce que la papeterie Dawson Brothers Ltd. l’achète en même temps
que la voisine, en . L’intégration physique des deux immeubles a
alors donné le nom à l’ensemble. En , les deux bâtiments abritent
un petit restaurant, une boutique, un bureau de change et un café avec
des bureaux aux étages supérieurs.
Le - de la rue Notre-Dame a été construit en . Cet édifice
de quatre étages de l’architecte John William Hopkins occupe l’ancienne
concession accordée en  au sieur Urbain Brossard. On retrouve à cet
endroit le restaurant Da Franco.
Le - est beaucoup plus récent. Conçu par l’architecte Henri S.
Labelle, il reflète l’aspect art déco des années . Il s’agissait d’une
commande des courtiers en valeurs mobilières Henri Geoffrion et Horace
Pélodeau. Sous la pression de la grave crise économique, ceux-ci devront
SE C T E U R N UM ÉR O 2  

le vendre dès . Une autre firme de courtage bien connue, L.G.
Beaubien, l’achètera à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. À partir
de , l’immeuble servira de bureaux à différents groupes de profession-
nels. L’occupation correspond, en gros, à la partie sud du lot que possédait
Pierre Lestage, en , à même la concession de Claude Perrot.
Avant , deux bâtiments avec front sur la rue Notre-Dame se parta-
geaient l’espace que le sieur Deguire dit Larose avait acquis originelle-
ment, au e siècle. Mais Thomas Jenkins les démolira, pour les
remplacer par trois magasins entrepôts qui, s’ils ont perdu leur vocation
première, subsistent toujours, quoique les constructions du centre et de
l’est ne forment plus maintenant qu’une seule propriété (-). Vers
l’ouest (), plusieurs lecteurs doivent se rappeler du long couloir central
à l’intérieur de ce bâtiment longiforme (le ), bordé de comptoirs
surélevés où de nombreux juges et procureurs venaient s’attabler le midi
devant leur « drink », juchés sur leur tabouret et attendant leur assiette.
Certains avaient parfois « oublié » de laisser leur toge au vestiaire. Pour
quelques-uns, c’était peut-être la dernière occasion en vue d’un règle-
ment hors cour. Tout au fond, on atteignait la salle à manger avec son
décor vieillot, où se dégustaient les meilleurs plats de fruits de mer du
Vieux-Montréal. Mais Chez Delmo n’est plus…
Une façade très étroite en front de la rue Notre-Dame s’élève sur sept
étages au coin de la rue Saint-François-Xavier. Longeant cette dernière,
le bâtiment s’élargit plus au nord et déborde sur l’ancienne concession
du sieur Perrot. Mais, avant d’élaborer davantage sur la construction
même, il serait opportun de voir comment a évolué cet espace foncier,
au tournant du e siècle.
On a vu que le sieur Nicolas Godé père avait obtenu la lisière de terrain
dans un échange avec les messieurs. Après être passée aux mains de
Nicolas Godé fils, elle sera achetée, en , par le sieur Jean-Baptiste
Demers qui, vers , en vendra une partie qui donnait sur la rue Saint-
Jacques. L’acquéreur, un marchand du nom de Mathurin Guillet, était le
fils de Pierre Guillet, venu de la Saintonge.
Après avoir procédé à une saisie des biens du sieur Pierre Lamothe
qui, entretemps, s’était porté acquéreur du résidu jusqu’à la rue Notre-
Dame, les Sulpiciens comprirent vite que, s’ils voulaient créer des empla-
cements en front de la rue Saint-François-Xavier, une profondeur de
vingt-trois pieds et demi n’était vraiment pas pratique. Aussi, procédè-
rent-ils à un échange en , avec le sieur Jean-Baptiste Deguire dit
  L E V IE U X-M O N T R É A L

Larose, toujours propriétaire de l’extrême partie est de l’ancienne conces-


sion du sieur Perrot. La transaction eut l’avantage de donner un débouché
sur la rue Saint-François-Xavier au sieur Deguire et une profondeur de
lot plus respectable aux seigneurs, ce qui leur a permis de construire une
maison pour y installer le greffe.
Et c’est ainsi que l’édifice étroit dont il a été question plus haut profite
d’un élargissement dans sa partie arrière, à même l’emplacement de l’an-
cienne maison du greffe. Il s’agit d’une autre construction de style art
déco dont les plans ont, cette fois, été dressés par l’architecte James Cecil
McDougall et les bas-reliefs réalisés par Henri Hébert, le fils du célèbre
sculpteur Louis-Philippe Hébert. Le krach surviendra durant la construc-
tion et la maison de courtage qui est propriétaire de l’immeuble connaîtra
alors de nombreuses difficultés.
Les édifices de la rue Saint-Jacques qui sont construits derrière ceux dont
il a été question sur la rue Notre-Dame couvrent les mêmes concessions
d’origine. Le  au coin de la rue Saint-François-Xavier occupe en plus
du lot du sieur Mathurin Guillet, la partie nord-est de celui du sieur Jean-
Baptiste Deguire dit Larose. Cet immeuble à bureaux de onze étages, rela-
tivement récent (), a été transformé en copropriétés il y a quelques
années, et un restaurant s’est alors installé dans son rez-de-chaussée.
Le bâtiment qui suit (-) fut érigé en  par la Yorkshire Insu-
rance Co. Relativement étroit, il compte quand même dix étages. Nous
sommes ici sur la demie ouest du lot que détenait le sieur Deguire dit
Larose, en . Si, au départ, une banque occupe le rez-de-chaussée et
la compagnie d’assurances les deux premiers étages, le reste fut loué
principalement à des études de notaires et d’avocats, de même qu’à des
comptables et des courtiers. La Yorkshire déclarera faillite, en . Dans
les années , cet immeuble, à caractère locatif dès son inauguration,
sera transformé en copropriétés. Longtemps occupé par diverses
institutions financières, le rez-de-chaussée a fait place à un restaurant.
Indépendamment de son genre d’utilisation, on peut dire que l’édifice
suivant, de par sa structure extérieure, a respecté l’environnement des
lieux. Il s’agit d’un stationnement intérieur de sept étages qui occupe la
partie nord des trois concessions que possédaient, individuellement, les
sieurs Pierre Lestage, Urbain Brossard et Pierre Fortier dit Forestier.
La construction du  de la rue Saint-Jacques, d’inspiration beaux-
arts, fut entreprise en . Une firme locale d’architectes et l’Américain
Henry Ives Cobb de Chicago ont uni leurs efforts dans la conception de
SE C T E U R N UM ÉR O 2  

cet édifice de neuf étages. La commande venait de la Guardian Fire &


Life Assurance Company qui simplifiera aussitôt son nom pour devenir
la Guardian Assurance Company. Une importante banque canadienne,
la Dominion Bank, occupera le rez-de-chaussée jusqu’en . Entre-
temps, elle aura fusionné avec la Banque de Toronto pour devenir la
Toronto Dominion Bank, soit la TD d’aujourd’hui.
À l’époque de la Nouvelle-France, seule la concession du sieur Cave-
lier se rendait au-delà de la rue Saint-Jacques, vers le nord, entre les rues
Saint-Pierre et Saint-François-Xavier. En effet, on a vu plus haut que cet
espace a été rapidement réquisitionné pour les besoins du roi. Ce n’est
donc qu’au début du e siècle, lors de la démolition du mur d’enceinte,
que des particuliers ont pu obtenir des emplacements à même ce qui
était devenu des terres de la Couronne britannique qui, si on peut dire,
avait pris le relais du roi de France.
Les édifices actuels sur le côté nord de la rue Saint-Jacques ont été
érigés à même le site des anciens murs et glacis qui entouraient la vieille
ville. Ils sont donc considérés comme faisant partie du territoire présen-
tement traité. Même si la relation foncière entre l’occupation première
et celle d’aujourd’hui s’en trouve simplifiée et se limite à ce qui a été
mentionné précédemment, il n’en demeure pas moins intéressant de
s’arrêter un moment sur ce patrimoine historique du Vieux-Montréal.
Les sept premiers édifices en partant de la rue Saint-Pierre se trouvent
construits à même la concession que Maisonneuve avait consentie en
 au sieur Robert Cavelier dit Deslauriers. En général, ils constituent
un apport important à notre richesse patrimoniale. La plupart ont été
longtemps reliés au domaine des banques ou des assurances.
Au coin de la rue Saint-Pierre, se dresse sur huit étages, depuis ,
le Canada Life Assurance Company Building. C’est une réalisation de
l’architecte américain Richard A. Waite. Comme pour la Sun Life sur la
rue Notre-Dame, on a fait appel au talent de Henry Beaumont pour
exécuter de fines sculptures tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de l’édifice.
En , ce bel immeuble, maintenant connu sous le vocable Le Saint-
Régis, a été transformé en luxueuses copropriétés.
Fondée à Toronto en , la Banque canadienne de commerce
attendra trente ans avant d’aménager des bureaux à Montréal. Mais, elle
ne négligera rien pour s’imposer sur l’artère financière la plus nerveuse
du pays. On démolit alors un édifice à bureaux prestigieux, le Temple,
pour en construire un autre non moins monumental avec ses immenses
  L E V IE U X-M O N T R É A L

colonnes ioniques et sa spectaculaire salle des guichets. En , deux


importantes institutions financières fusionnent : la Banque impériale du
Canada et la Banque canadienne de commerce forment alors la Cana-
dian Imperial Bank of Commerce, mieux connue de nos jours sous le
sigle CIBC. La CIBC occupe toujours le magnifique édifice de la rue
Saint-Jacques.
C’est au  que la Guardian Fire & Life Assurance Company avait ses
bureaux avant de s’installer de l’autre côté de la rue, comme on l’a vu
précédemment. Toujours propriétaire du site après l’incendie qui rasa
l’immeuble en , elle confiera à la Metropolitan Bank la tâche de
construire l’édifice actuel. Il est intéressant de savoir que le fabricant des
célèbres « plumes fontaines » Waterman a acquis le bâtiment en  pour
s’y établir… jusqu’à ce que le « Bic » fasse une percée fulgurante. Après le
départ de la compagnie, on a malheureusement enlevé les colonnes grec-
ques qui ornaient la façade, afin d’agrandir l’espace intérieur du rez-de-
chaussée qu’une galerie d’art occupe présentement.
Le , rue Saint-Jacques est une autre réalisation de style art déco
érigée en  par la maison de courtage Hanson Brothers. Par la suite,
des sociétés d’assurances s’y installeront et l’immeuble conservera sa
vocation d’édifice à bureaux.
Construit en , le bâtiment suivant (-) fera l’objet de réno-
vations d’envergure en , après avoir subi de sérieux dommages à la
suite d’un incendie. Même si l’édifice a connu plusieurs appellations,
William Sutherland (ou tout au moins sa famille) est demeuré proprié-
taire du site de  à .
Pratiquement toute l’histoire du défunt grand quotidien anglophone
The Montreal Star passe par les deux immeubles suivants et celui qui est
derrière, en front de la rue Saint-Antoine. Peu après la fondation de son
journal, Hugh Graham achètera, à huit ans d’intervalle, deux immeubles
de trois étages sur la rue Saint-Jacques. Six ans après l’acquisition du
second bâtiment, soit en , l’espace étant devenu exigu ; il les fera
démolir pour les remplacer par une seule construction, à savoir le
-.
Après sa vente en , l’entreprise journalistique du fondateur continue
de grossir et, à la suite de l’incendie qui ravage l’immeuble voisin qui
appartient à la Standard Life Assurance Co., les propriétaires du Star
profitent de l’occasion pour acquérir l’emplacement contigu. Ils y cons-
truisent alors un gratte-ciel art déco de douze étages qui sera complété
SE C T E U R N UM ÉR O 2  

en . Des ouvertures au niveau du sixième étage du - seront


percées pour assurer la communication entre les deux bâtiments.
Mais l’expansion de l’un des plus grands quotidiens du monde ne
s’arrête pas là. En , commence la construction sur la rue Saint-
Antoine, encore appelée la rue Craig à l’époque. Le nouvel édifice repose
au pied des anciennes fortifications, sur le lit même de l’ancienne rivière
Saint-Martin, ce qui nécessitera une structure spéciale, d’autant plus que
les vibrations occasionnées par le fonctionnement des presses augmen-
tent les risques de glissement de terrain. The Montreal Star occupera les
lieux jusqu’à la fermeture de l’établissement, en . Son concurrent
The Gazette s’y installe.
Au complexe du Star, c’est à même le bâtiment est de la rue Saint-
Jacques que nous avons franchi la limite de la terre du sieur Robert
Cavelier. Les lots des édifices suivants n’ont jamais été concédés avant le
début du e siècle, destinés qu’ils étaient à servir d’abord « les besoins
du roi ».
Le , qui date de , est connu sous le nom d’édifice National
Trust. Il est coincé dans un espace étroit et profond, et l’architecte
Kenneth Guscotte Rea favorisera, en façade, une large fenestration, dans
le but de profiter d’un maximum de luminosité. Les deux propriétaires
suivants sont du même domaine de la haute finance. Et lorsque la société
Trust La Laurentienne s’en départit en , l’immeuble demeure axé
sur des activités similaires.
Il y a une trentaine d’années, l’entablement du , soutenu par quatre
colonnes ioniques, supportait de magnifiques déesses à la stature impo-
sante. Les quatre sculptures existeraient encore, paraît-il. Il fut un temps
où l’édifice était occupé par une institution financière qui portait le nom
de Crédit franco-canadien. Après des rénovations et des agrandissements
pendant de nombreuses années, les travaux sont maintenant suspendus.
Un temps, la Ville de Montréal en fut propriétaire. Il n’y a pas de doute
qu’avant le début des travaux de restauration l’immeuble était fort mal
en point. Il ne reste plus qu’à espérer qu’on en finisse dans un avenir
rapproché, sans grand espoir cependant que les belles grandes déesses
de l’Antiquité réintègrent leur place.
En , le Canadien Pacifique achète un hôtel de renom, le
St. Lawrence Hall, situé à l’angle nord-ouest des rues Saint-Jacques et
Saint-François-Xavier. Mais il n’en fera pas l’un des fleurons de sa future
chaîne hôtelière. Trois ans plus tard, il confie à l’une de ses filiales le rôle
  L E V IE U X-M O N T R É A L

de le faire démolir et de faire ériger sur l’emplacement un luxueux édifice


à bureaux de dix étages, sur la façade duquel on peut remarquer d’inté-
ressants motifs sculpturaux. Parmi ses locataires, le nouvel immeuble
compte, durant cinquante ans, la direction de l’une des deux grandes
industries de raffinement du sucre à Montréal, la St. Lawrence Sugar
Refineries Ltd., ainsi qu’un prestigieux club privé, le Montreal Club.
La Banque Provinciale, qui n’a pas encore fusionné avec la Banque
Canadienne Nationale, acquiert le bâtiment en . Elle en devient le
principal occupant durant plus de trente ans. Deux étages s’ajouteront à
l’édifice en .
  

Borné par les fortifications nord, la côte de la place d’Armes,
les rues Saint-Sulpice et de la Commune, la place D’Youville
et la rue Saint-François-Xavier
   

Si tous les secteurs du Vieux-Montréal sont chargés d’histoire, l’expres-


sion prend encore plus son sens pour celui dans lequel nous pénétrons,
car il continue d’émerveiller chaque jour aussi bien ceux qui s’y sentent
familiers que ceux qui le visitent pour la première fois. La place d’Armes,
la basilique Notre-Dame et la place Royale sont les témoins vivants du
lointain passé de la ville. Localiser les premières concessions en rapport
avec ce que nous admirons aujourd’hui est une forme d’hommage envers
les pionniers.
Après avoir accordé de grands espaces aux sieurs Messier, Gadois et
Cavelier, Maisonneuve s’est bien gardé de continuer cette politique de
distribution des terres. Même avant l’arrivée de la Grande Recrue, Ville-
Marie commençait à perdre quelque peu de sa ruralité. Le gouverneur
accorda plutôt ce que l’on appela des « concessions de ville », tout de
même encore relativement grandes, puisqu’elles contenaient générale-
ment un arpent en superficie, soit environ   pieds carrés. Les sieurs
Nicolas Godé père, Urbain Tessier dit Lavigne et Jacques Archambault
comptent parmi ceux qui ont obtenu ce genre de concessions.
Durant le e siècle tout au moins, celle du sieur Tessier dit Lavigne
a fait saliver bien de ses descendants, dont plusieurs croient toujours, et
avec raison peut-être, qu’ils ont été dépossédés d’un fonds de terre d’une
valeur inestimable, en l’occurrence rien de moins que la place d’Armes !…
et un peu plus, à savoir le terrain occupé par le prestigieux ancien siège
social de la Banque de Montréal.
Même si l’auteur doute fort que les Tessier et les Lavigne puissent
vraiment avoir des droits sur ces espaces, il n’y a pas d’erreur : Urbain
Tessier a été réellement propriétaire au milieu du e siècle d’un site
qui couvre l’emplacement de l’institution financière ainsi qu’une partie
de la place d’Armes. Au sujet de celle-ci, le second terrier confectionné
à partir de  environ, et dont le texte a été reproduit par la Société
historique de Montréal, s’exprime ainsi en page  : « Terrain qui fait
partie de la place d’armes qui semble appartenir aux seigneurs ou aux
heritiers urbain texier. » On peut trouver tout à fait surprenant que les
seigneurs de l’île de Montréal qui contrôlaient le terrier, le greffe et
  L E V IE U X-M O N T R É A L
SE C T E U R N UM ÉR O 3  

Certificat d’actions émis par Tessier-Lavigne corporation limitée en faveur


de madame Louis Rochon en 1930.

l’octroi des concessions, puissent avoir eu une telle hésitation sur leurs
droits de propriété.
La situation pourrait s’expliquer comme suit. Parmi les concessions
accordées par Maisonneuve au milieu du e siècle, deux concernent
la place d’Armes, telle que nous la connaissons de nos jours. Celle qui a
été obtenue en  par Jean de Saint-Père couvre un peu plus que la
demie sud, alors que le reste se trouve sur celle qui a été attribuée à
Urbain Tessier dit Lavigne l’année suivante.
Or, en , Agathe de Saint-Père, qui avait épousé le sieur Le Gardeur
de Repentigny, s’est départie de l’héritage reçu de son père, à l’occasion
d’un contrat d’échange avec les messieurs, qui accordait en contrepartie,
aux deux époux, un terrain situé à l’angle des rues Saint-François-Xavier
et Saint-Paul. Par ailleurs, on ne retrace aucun document attestant que
les héritiers Tessier dit Lavigne aient rétrocédé la partie de la place
d’Armes qui leur appartenait. Ce qui n’empêcha pas les sulpiciens
  L E V IE U X-M O N T R É A L

d’aliéner l’espace à leur guise. On peut comprendre la frustration des


descendants.
Au sujet du site occupé par la Banque de Montréal, on lit en page 
du document cité plus haut : « un arpent en superficie dans l’enclos de la
ville concédé a urbain texier dit lavigne le  bre  […] ». Ici, il n’y a
pas de doute, la concession du sieur Tessier dit Lavigne s’arrêtait à la ligne
envisagée pour déterminer la limite nord de la ville, à savoir les futures
fortifications, et venait s’appuyer vers le sud, sur celle du sieur de Saint-
Père.
Mais, en , la Banque de Montréal achète de la Fabrique de la
paroisse de Montréal, et non des descendants Tessier dit Lavigne, une
bonne partie de l’ancienne concession qui se trouve du côté nord de la
rue Saint-Jacques. Le terrain est alors occupé par un bâtiment adminis-
tratif et un cimetière. C’est à croire que les grandes institutions finan-
cières avaient le don de construire sur des cimetières. Mais, au moins,
celui-ci n’était apparemment pas celui des pauvres.
L’ancien siège social de la Banque de Montréal est un joyau architec-
tural, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Donnant sur une place d’Armes
alors réaménagée, sa façade présente une imposante colonnade inspirée
de la Rome antique. Le faste règne à l’intérieur et les caissons du toit plat
sous le dôme sont décorés de véritables feuilles d’or. La valeur est ines-
timable. Au début du e siècle, la banque fait presque entièrement refaire
l’édifice, en gardant tout de même la façade et le magnifique portique.
Le projet est alors confié à une prestigieuse firme américaine, les archi-
tectes McKim, Mead & White.
Immédiatement à l’est de l’institution financière se dresse, depuis ,
un édifice de neuf étages, dont la façade latérale longe la côte de la place
d’Armes. Cédé par les sulpiciens à peu près en même temps que celui de
la Banque de Montréal, l’emplacement a connu deux autres bâtiments
avant celui de la Royal Trust Company. Mais cette société tenait à ce site,
en raison de ses liens étroits avec la Banque de Montréal. Elle n’hésita
donc pas à démolir un immeuble imposant qui n’avait qu’une vingtaine
d’années d’existence, démontrant par le fait même l’audace et la prospère
vitalité du Wall Street montréalais. On fait alors appel aux mêmes
architectes américains qui avaient procédé à la profonde transformation
de l’édifice voisin. Après le départ de la Royal Trust Company pour le
boulevard Dorchester (aujourd’hui boul. René-Lévesque), la Banque de
Montréal récupérera le bâtiment pour ses propres besoins.
SE C T E U R N UM ÉR O 3  

La place d’Armes même constitue un site de première importance.


Elle rend hommage aux fondateurs de Montréal et le magnifique monu-
ment en son centre témoigne de la reconnaissance de tous les Montréa-
lais envers les pionniers. C’est sûrement l’œuvre maîtresse du célèbre
sculpteur Louis-Philippe Hébert.
Indépendamment des textes déjà cités, seule la demie nord de la place
d’Armes peut être considérée comme ayant appartenu au sieur Tessier
dit Lavigne. Mais les belles réalisations architecturales, qui couvrent la
concession qui lui a été accordée jadis par Maisonneuve, ne s’arrêtent
pas ici. En fait, le reste déborde sur le secteur numéro  de l’ouvrage.
Avant de clore le chapitre, jetons un coup d’œil sur la façon dont l’hé-
ritage Tessier a été départagé, en ce qui concerne le côté nord de la rue
Saint-Jacques, à l’ouest de la côte de la place d’Armes. Dans un sens
nécessairement approximatif, la partie occupée par le prestigieux édifice
de la Banque de Montréal est allée à Jacques Tessier dit Lavigne, un petit-
fils d’Urbain, qui a épousé Jeanne Lefebvre dit Saint-Jean, en .
L’affaire paraît un peu plus compliquée pour l’emplacement de la Royal
Trust Company. Le terrier nous indique que l’emplacement se serait
retrouvé aux mains d’un certain Hypolite Lefebvre, par son mariage avec
une héritière Tessier. Or, il n’y aurait apparemment pas eu de Lefebvre
portant ce prénom à l’époque. Par contre, une arrière-petite-fille d’Urbain
Tessier, baptisée Marie-Hypolite, a épousé Jean-Baptiste-Charles Lefebvre,
en , d’où viendrait la confusion. Même si l’auteur ne peut le confirmer,
il demeure plausible que ce soit ce Lefebvre qui hérita du lot, d’autant plus
que le sieur Lefebvre vendra l’emplacement en .
Du côté nord de la rue Saint-Jacques, il reste un espace à traiter avant
d’atteindre la rue Saint-François-Xavier. Dans ses descriptions, le second
terrier paraît incertain quant à l’occupation originale des lots. On doit
remarquer que la distance qui sépare la rue Saint-Jacques des fortifica-
tions s’amenuise au fur et à mesure que l’on approche de la rue Saint-
François-Xavier. Les premiers lots auraient fait partie de la concession
accordée en  à Urbain Tessier dit Lavigne. Mais les seigneurs les
auraient cependant « retirés des héritiers Tessier » par un contrat, pour
les concéder de nouveau vers . Ces lots étaient relativement étroits
et peu profonds.
Le reste vers l’ouest n’aurait pas été concédé par Maisonneuve,
mais en  le sieur Hubert Leroux en obtint les droits. Par la suite,
plusieurs propriétaires se le sont partagés jusqu’à ce que l’espace soit
  L E V IE U X-M O N T R É A L

réquisitionné pour les remparts. Il s’agit des sieurs Jean Moreau dit
Jolicœur, Gabriel Cardinaux, Michel Leblond, Jacques Picard, Louis
Plessis-Bélair et René Cuillerier.
Sur Saint-Jacques, tout le terrain compris entre l’ancien siège social
de la Banque de Montréal et la rue Saint-François-Xavier se trouve
occupé par un édifice à bureau de quatorze étages que cette institution
financière a fait construire en . Il couvre non seulement tous les
terrains des anciennes concessions, mais il se rend aussi en profondeur,
juaqu’à la rue Saint-Antoine.
Le sieur Urbain Tessier dit Lavigne était originaire de Québec. On expli-
quera, au secteur numéro  de l’ouvrage, ce qui a bien pu inciter ce maçon
constructeur à quitter sa ville pour venir s’établir à Montréal, alors que la
Grande Recrue n’était pas encore arrivée et que les quelques rares colons
qui s’aventuraient hors du fort payaient cher leur audace. Les sieurs de
Saint-Père, Godé et Boudard seront assassinés tout près. Quant à Jean Chicot
dit Sicotte, il survivra, mais non sans avoir subi un horrible scalpe.
Urbain Tessier pourrait sans doute mériter le titre de premier promo-
teur immobilier de Montréal. D’après les plans de l’arpenteur Pierre-
Louis Morin, il ne tarda pas à construire une dizaine de maisons aussi
bien sur sa concession que sur celle qu’avait obtenue son beau-père
Jacques Archambault, juste à l’est.

   

Quelques années avant de fusionner avec la Banque Provinciale du


Canada, l’autre grande institution financière du pays, dirigée par une
majorité de francophones, décide au milieu des années , de se doter
d’un siège social digne de sa réussite. Il s’agit de la Banque Canadienne
Nationale qui veut profiter du contexte de grand développement que
connaît Montréal, à l’occasion de l’Expo .
La tour qui compte au moins trente étages occupera le quadrilatère
borné par la place d’Armes et les rues Notre-Dame, Saint-François-Xavier
et Saint-Jacques. L’opération entraînera la démolition de nombreux
bâtiments vénérables, dont le propre édifice de la banque, au coin des
rues Notre-Dame et Saint-François-Xavier.
Le site couvre des parties de plusieurs des concessions accordées au
e siècle. L’espace qui longe la rue Saint-François-Xavier appartenait
SE C T E U R N UM ÉR O 3  

à la terre que possédait Nicolas Godé, père. En , le sieur Jean Viau
dit Lespérance s’en porta acquéreur. Il est plus probable que ce Viau dit
Lespérance se prénommait Jacques plutôt que Jean. C’est un prêtre, Louis
La Faye, qui achètera sa concession deux ans plus tard, pour s’associer
ensuite au sulpicien Souart et céder le tout à un nommé Mathurin Roul-
lier, dans le but de fonder ce qu’on appela « les petites écoles ». Mais, en
, le sieur Roullier transférera la propriété à la Paroisse de Montréal,
avant qu’elle n’aboutisse au séminaire, sous la direction de Dollier de
Casson.
Trop grand pour les besoins d’alors, l’espace fut partiellement morcelé
en . Quatre emplacements virent le jour, deux en front de la rue Saint-
Jacques et les deux autres en front de la rue Saint-François-Xavier. Afin
de ne pas trop ennuyer le lecteur avec les mesures, signalons simplement
que les largeurs variaient entre trente-deux et quarante-trois pieds et que
les profondeurs oscillaient entre quarante-trois et quarante-neuf pieds.
Le terrain du coin fut acquis par le sieur Pierre Janson (Jeanson) dit
Lapalme durant l’année . Dès l’année suivante, ce lot changea de
mains deux fois, d’abord en faveur du sieur Pierre Biron, puis du sieur
Paul Dumouchel. Auparavant, le terrain voisin sur Saint-Jacques avait
été vendu au sieur Nicolas Houé dit Laliberté. Mais le sieur Dumouchel
se montra intéressé à agrandir le sien et il l’achètera dès .
Quant aux deux terrains de la rue Saint-François-Xavier, ils ont été
vendus en  : c’est Anne Lemyre, la veuve du sieur Rupalais, qui est
devenue propriétaire du lot situé derrière celui du sieur Jeanson dit
Lapalme, alors que le sieur Pierre Biron prit l’emplacement voisin, juste
au sud. Ce n’est que beaucoup plus tard que les messieurs disposeront de
l’espace restant qui supportait à la fois les écoles et les écuries des
seigneurs.
Moins de la moitié du site de la Banque Canadienne Nationale,
devenue depuis la fusion la Banque Nationale, se retrouve sur la
concession du sieur Godé. L’édifice repose aussi, en grande part, sur deux
autres concessions d’origine. La plus au nord, coincée entre celle du sieur
Godé et celle du sieur Tessier dit Lavigne, a d’abord appartenu au sieur
François Bailly, à partir de . Elle ne contenait qu’un quart d’arpent
en superficie et se trouvait bornée à l’est par la place d’Armes d’aujourd’hui,
c’est-à-dire la concession du sieur Tessier. L’autre concession qui concerne
la banque, c’est celle du sieur de Saint-Père qui, en plus, traversait la place
d’Armes d’ouest en est.
  L E V IE U X-M O N T R É A L

À noter que la concession du sieur Bailly se rendait au nord de la rue


Saint-Jacques. La partie comprise à l’intérieur du site de la Banque Natio-
nale mesurait quarante-huit pieds en front de la place d’Armes par
quatre-vingt-seize pieds le long de la rue Saint-Jacques. Cédée aux dames
de la Congrégation vers , elle leur a été retirée par les seigneurs qui
l’ont divisée en deux lots d’inégales superficies, le coin allant au sieur
Jean Ferron dit Saucerre en , et le reste au sieur François-Joseph Paire
dit Carpentras, en .
Quant à la partie qui appartenait au sieur Jean de Saint-Père (Saint-
Pair), elle a été reçue en héritage par le sieur Pierre Gadois, en , pour
aller ensuite au sieur Hector Fournier Duvivier qui l’a subdivisée en trois
lots. Mais, avant d’être massacré par les Amérindiens en même temps
que son beau-père Nicolas Godé, en , le sieur de Saint-Père, qui avait
été nommé notaire royal par Maisonneuve, avait eu le temps de construire
un toit à sa chère Mathurine. Une transposition du plan de Pierre-Louis
Morin sur le cadastre actuel nous permet de situer cette maison dans
l’entrée principale du gratte-ciel de la Banque Nationale. Avec l’indica-
tion de l’année  sur les plans Morin, elle se trouve à être la plus
ancienne à y figurer.
Ce sont tous les terrains mentionnés plus haut qui forment aujourd’hui
l’emplacement de la Banque Nationale. En plus de ce qui a été dit au sujet
de l’édifice, on peut signaler que son revêtement extérieur est constitué
de panneaux de granit noir provenant du Lac-Saint-Jean. Une autre
caractéristique de son architecture attire l’attention. En effet, c’est le
même matériau qui recouvre l’importante voûte extérieure, supportée
par deux colonnes. Le polyèdre n’est rattaché à la tour qu’à un étage et
c’est le seul point de jonction qui en rend l’accès possible.

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En traversant la rue Notre-Dame, nous entreprenons la visite d’un


quadrilatère dominé par l’imposante basilique Notre-Dame, le vieux
séminaire, la résidence et la procure des messieurs de Saint-Sulpice, leurs
jardins intérieurs et la chapelle du Sacré-Cœur. Les plus grands trésors
du Vieux-Montréal sont ici. Comme il a déjà été clairement indiqué,
l’auteur cherche avant tout à établir le rapport entre les premiers conces-
sionnaires et les occupants actuels, tout en signalant les événements ou
SE C T E U R N UM ÉR O 3  

les personnages qui ont pu marquer les sites au fil des siècles. C’est donc
plutôt brièvement que les plus grands trésors patrimoniaux sont traités.
Leur description et leur histoire ont été abondamment élaborées dans
des centaines sinon des milliers d’écrits et de supports photographiques,
cinématographiques ou autres.
On pourrait croire que les terrains sur lesquels reposent ces trésors
ont toujours été la propriété des messieurs, les seigneurs de l’île de
Montréal. Mais pas tout à fait. En effet, les sulpiciens débarquent à Ville-
Marie en  et ce n’est que six ans plus tard que la seigneurie de
Montréal leur sera confiée. Bien plus, construite en pleine rue Notre-
Dame, la première église n’ouvrira ses portes qu’en . Avant l’arrivée
des prêtres de Saint-Sulpice, les célébrations du culte avaient lieu en la
chapelle du Fort, à la pointe à Callière et, de  à , les offices parois-
siaux se dérouleront à la chapelle de l’Hôtel-Dieu de Jeanne Mance.
Comme on l’a constaté précédemment, Maisonneuve avait eu le temps
de distribuer des concessions, souvent assez grandes pour être considé-
rées du domaine rural plutôt que du territoire urbain. Cette distribution
des terres avait commencé avant l’arrivée de la Grande Recrue et s’est
accentuée à partir de , en faveur des nouveaux venus
C’est ainsi que l’emprise de la rue Saint-François-Xavier, les lots qui
ont front sur celle-ci du côté est, une certaine étendue des jardins des
sulpiciens, de même que le séminaire ont fait partie d’une concession
accordée dès  au sieur Nicolas Godé (Gaudet) père, un maître menui-
sier originaire du Perche, et arrivé à Ville-Marie accompagné de son
épouse, Françoise Gadois, le  mai . Le couple assista à la célèbre
messe du père Vimont le même jour. Malheureusement, le sieur Godé
et son gendre, Jean de Saint-Père, seront lâchement assassinés le 
octobre , par une bande d’Iroquois. C’est donc avec les héritiers Godé
que les messieurs devront négocier la reprise de la terre, soit Jacques
Lemoine qui avait épousé Mathurine, la veuve du malheureux Jean de
Saint-Père, Jean Desroches le mari de Françoise Godé, ainsi que Nicolas
fils. La concession, qui mesurait théoriquement quatre cent quatre-vingts
pieds de profondeur, traversait la rue Notre-Dame. Elle avait été partagée
en parties égales entre les trois héritiers, le  décembre . Le sieur
Lemoine a vendu sa part aux seigneurs en , alors que le sieur Desro-
ches attendra en  et que le sieur Godé ne s’exécutera qu’un an plus
tard, lors d’un échange par lequel il acquerra du terrain du côté ouest de
la rue Saint-François-Xavier. La partie au nord de la rue Notre-Dame de
  L E V IE U X-M O N T R É A L
SE C T E U R N UM ÉR O 3  
  L E V IE U X-M O N T R É A L

acquise des seigneurs auprès des héritiers Godé de même que certains
terrains du côté sud passeront plus tard aux mains d’intérêts privés, mais
les sulpiciens en garderont l’essentiel pour réaliser leurs objectifs. En plus
d’une partie de la terre Godé, on doit ajouter au domaine de la Fabrique
de la paroisse de Montréal d’autres concessions, de même qu’un cimetière
qui occupait alors une partie de l’endroit où se dressent aujourd’hui le
presbytère et la basilique. Il faut aussi se rappeler qu’en recevant la
seigneurie de l’île de Montréal les prêtres de Saint-Sulpice avaient
automatiquement obtenu les droits sur les terres non distribuées. Enfin,
pour bien comprendre les faits, on doit également retenir que la première
église paroissiale fut construite dans l’axe de la rue Notre-Dame et non
sur le site de la basilique.
Si les bâtiments actuels sont bien connus du public et font l’émer-
veillement aussi bien des Montréalais que des étrangers qui les visitent,
le grand jardin des sulpiciens, à l’intérieur de l’enclos, leur est beaucoup
moins familier. Cette oasis de paix fait contraste avec le bruyant envi-
ronnement urbain et même avec la magnifique basilique et son flot
continu de touristes et d’événements souvent grandioses, mais qui n’in-
citent pas particulièrement au recueillement, ni ne favorisent la quiétude
de l’âme, ce qui nous fait tant défaut. Et pourtant, il y a tout près de trois
cent cinquante ans, c’est en ce jardin, alors la ferme familiale, ou du
moins tout près – car on ne sait pas exactement à quel endroit de la terre
se trouvait la maison où ils travaillaient – que Nicolas Godé, Jean de
Saint-Père et leur assistant, Jacques Noël, ont connu une fin horrible.
En dehors des sites de culte et communautaires, les sulpiciens possè-
dent trois édifices commerciaux en front de la rue Saint-François-Xavier,
à partir de la rue Notre-Dame. Sans doute inspirés par le sens des affaires
manifesté un peu plus tôt, par les religieuses Hospitalières de Saint-
Joseph, les messieurs les construisirent, jugeant plus rentable, à long
terme, la collecte des loyers qu’une somme unique tirée d’une vente de
terrain. En , ils exploitent toujours les bâtiments et demeurent proba-
blement les plus anciens propriétaires fonciers d’emplacements occupés
par des immeubles commerciaux, sur toute l’étendue de l’île de Montréal.
Construit en , le  de la rue Notre-Dame Ouest et le  de la rue
Saint-François-Xavier constituent le plus récent des trois immeubles.
D’abord occupé par différentes banques, le rez-de-chaussée a connu des
restaurants comme locataires à partir de . Le dernier de la liste est
spécialisé dans la cuisine japonaise. Le Nagoya se considère comme
SE C T E U R N UM ÉR O 3  

maître dans l’art du sushi. Des compagnies d’assurance, puis des archi-
tectes, occuperont longtemps les étages supérieurs. Ils seront remplacés
par des sociétés de publicité et de design. Le second édifice (-, rue
Saint-François-Xavier), qui présente une façade d’une centaine de pieds,
a longtemps logé des courtiers en valeurs mobilières. Dans le chapitre
qui suit, on comprendra pourquoi. Quant au , beaucoup plus étroit
et le plus ancien des trois édifices, il fut lié avant tout au monde de la
finance et des communications, notamment avec la présence de la
Dominion Telegrah Co. Aujourd’hui, le rez-de-chaussée est occupé par
un épicier-dépanneur.

Jardins des sulpiciens.

Monument en l’honneur
de saint Joseph dans le
jardin des sulpiciens.
  L E V IE U X-M O N T R É A L

Coin du jardin des sulpiciens où se marient différentes formes architecturales.

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Depuis la place d’Armes, en se dirigeant vers l’ouest sur la rue Notre-


Dame et encore davantage en empruntant la rue Saint-Jacques, la sensa-
tion d’entrer dans l’enceinte du centre névralgique qui a fait de Montréal
jadis la métropole du Canada demeure encore palpable. La concentration
de la finance y était tellement forte qu’au tournant du e siècle le
Montreal Stock Exchange ne parvenait pas à se trouver l’espace qui lui
était devenu nécessaire. À la recherche d’un emplacement, la Bourse a
dû se rabattre au sud de la rue Notre-Dame, mais non sans difficulté.
Elle lorgnait du côté des sulpiciens, sans doute bien résolus de ne plus
céder du terrain sur le pourtour de leur jardin. Mais en , après de
longues négociations, les messieurs acceptèrent de vendre un emplace-
ment immédiatement au sud des trois bâtiments qu’ils avaient fait
construire sur la rue Saint-François-Xavier. S’il ne fait aucun doute que
les terrains de ces immeubles n’ont eu d’autres propriétaires que les Godé,
puis les sulpiciens jusqu’à nos jours, il demeure moins clair que les
seigneurs aient exercé un droit de propriété constant sur l’emplacement
SE C T E U R N UM ÉR O 3  

de la Bourse de Montréal. Le contraire est plus plausible. En effet, depuis


la rue Saint-Paul jusqu’à la limite nord des anciens édifices de la Bourse,
un certain nombre de concessionnaires ont occupé toute cette partie de
la rue Saint-François-Xavier vers . Si l’on doit admettre que les
descriptions souvent nébuleuses du terrier rendent difficile la localisation
précise des concessions, une étude attentive des textes, de même que la
transposition à l’échelle sur le cadastre de  de la planche numéro 
qui accompagne le terrier publié par la Société historique de Montréal
démontrent que des citoyens ont bel et bien possédé des terrains couvrant
une distance de plus de quatre cent cinquante pieds sur la rue Saint-
François-Xavier depuis la rue Saint-Paul, ce qui nous mène au nord de
l’espace acquis des sulpiciens par la Bourse de Montréal au début du
siècle dernier.
Trois terrains donc, qui correspondent à l’emplacement de la Bourse
de Montréal, ont appartenu à des particuliers au tournant du e siècle.
C’est mademoiselle Alavoine qui obtint, vers , le lot le plus au nord.
Si les sulpiciens le récupérèrent de la dame à l’occasion d’un échange, ils
le concédèrent cependant de nouveau, en , à un certain Jean-Baptiste
Quenneville. Subdivisé par ce dernier, il connut successivement plusieurs
propriétaires durant une centaine d’années.

Ancienne Bourse de Montréal devenue la salle du théâtre Centaur.


  L E V IE U X-M O N T R É A L

Quant au premier propriétaire du lot du centre, il nous demeure


inconnu, mais on sait que, le  mai , le sieur Pierre Dubuisson dit
Subtil acheta une partie de ce lot. Pour ce qui est du troisième terrain, il
avait été concédé dès  au sieur Pierre Lamoureux dit Saint-Germain.
Au moment de la vente en , une vieille maison de deux étages et
demi occupait essentiellement ce troisième espace. Elle ne sera démolie
qu’en , lorsque la Bourse de Montréal décidera d’utiliser l’extrémité
sud de son emplacement pour construire le Montreal Curb Market, une
bourse destinée notamment aux valeurs spéculatives et qui deviendra,
en , la Bourse canadienne. Pour réaliser son projet, la Bourse de
Montréal n’hésitera pas à s’inspirer de sa grande sœur new-yorkaise et
fera appel à celui qui dirige au même moment les travaux d’érection de
la New York Stock Exchange : l’architecte George B. Post. L’édifice
montréalais ne manque pas de caractère et l’ajout de  s’intègre bien
à l’ensemble. Il est heureux que le théâtre Centaur lui ait donné une
nouvelle vocation tout à fait bien réussie.
On doit bien comprendre que, pour conclure la transaction, les
messieurs de Saint-Sulpice étaient sûrement redevenus propriétaires des
anciennes concessions des sieurs Jean-Baptiste Quenneville, Pierre
Dubuisson dit Subtil et Pierre Lamoureux dit Saint-Germain. Mais
l’auteur doit avouer qu’il n’a pas cru nécessaire d’entreprendre une véri-
fication ardue et plutôt inutile de la chaîne de titres, sur une période de
deux cents ans. Ce qui est important, c’est de savoir que tous les person-
nages identifiés ont bel et bien été déjà propriétaires d’un emplacement
qui avait front sur la rue Saint-François-Xavier. Mais qui étaient ces
premiers occupants qui auraient possédé autrefois un terrain sur le site
de la future Bourse de Montréal ? À vrai dire, on connaît peu de chose
sur eux, sinon que mademoiselle Alavoine était probablement la fille d’un
ancien capitaine prénommé Charles, que Jean-Baptiste Quenneville était
un maître tailleur originaire de Rouen et que Pierre Lamoureux dit Saint-
Germain avait épousé Barbe Celles, en .

   

On s’imagine bien que le triste incendie de , qui a connu son origine
à l’Hôtel-Dieu, n’a pas frappé que le côté sud de la rue Saint-Paul. En fait,
il détruisit tous les bâtiments situés de part et d’autre de cette artère, sur
SE C T E U R N UM ÉR O 3  

une distance d’au moins mille deux cents pieds. Par ailleurs, si le côté
ouest de la rue Saint-Sulpice, à l’exception de l’édifice au coin de la rue
Saint-Paul, fut épargné, il n’en a pas été de même pour le côté est de la
rue Saint-François-Xavier. Les maisons ont été détruites jusqu’au théâtre
Centaur, c’est-à-dire jusqu’à la concession qu’avait obtenue le sieur
Lamoureux dit Saint-Germain en . Au moment du drame, c’est le
sieur Maurice Blondeau qui en était devenu propriétaire, après avoir
épousé Suzanne Charbonnier Lamoureux dit Saint-Germain. La maison
en bois de deux étages avec deux cheminées, qui lui venait de sa femme,
mesurait trente-huit pieds de façade sur vingt-trois de profondeur. On
verra dans un autre chapitre que le sieur Blondeau perdit aussi sa propre
résidence et une dépendance sur la rue Saint-Paul.
Toujours en se dirigeant vers le sud, nous passons devant quatre conces-
sions accordées respectivement aux sieurs Jean Mars en , François
Audoin dit Laverdure, un soldat du régiment de Carignan, en , Jean
Bourlis dit Lebreton en  et Jean-Baptiste Maublanc dit Saint-Amant,
conjointement concessionnaire avec le sieur Étienne Chancerel, en .
Les quatre emplacements originaux sont aujourd’hui occupés par un
seul bâtiment (-) construit d’abord sur trois étages, en . C’est le
juge Joseph-Amable Berthelot qui est alors propriétaire du terrain. Plus
tard, sa succession fera ajouter deux étages au bâtiment dont l’ensemble
est occupé actuellement par le restaurant et hôtel Bonaparte.
En , les quatre concessions initiales appartenaient, dans l’ordre,
aux sieurs Louis Lebeau, Pierre Saint-Cosme, Jacques Bigot dit La Giro-
flée et Jean-Baptiste Amyot. En fait, la maison en bois de deux étages
érigée sur la première concession était devenue la propriété des enfants
du menuisier Louis Lebeau. Quant à la modeste maison en bois du sieur
Saint Cosme, elle ne mesurait que dix-sept pieds sur dix-huit.
En ce qui a trait au lot juste au sud, le sieur François-Marie Bouat
n’écrit que « La Giroflée » dans son rapport d’incendie, pour désigner
le propriétaire d’une maison en bois de deux étages avec deux feux,
mesurant près de vingt-quatre pieds de largeur sur quarante-trois de
profondeur. Selon une remarque du Journal, il s’agirait « probablement »
du sieur François Santon dit La Giroflée, alors que l’auteur penche plutôt
pour Jacques Bigot dit La Giroflée, qui était le véritable propriétaire du
lot depuis .
La quatrième concession sur laquelle le juge Berthelot a fait construire
un grand bâtiment en  appartenait, depuis quatre ans, au sieur Jean-
  L E V IE U X-M O N T R É A L

Baptiste Amyot au moment du sinistre. Sa maison en bois de deux étages


mesurait à peine quatorze pieds sur vingt et un, et n’avait qu’une seule
cheminée. Ce propriétaire était l’époux de Geneviève Guillemot.
Les trois concessions qui suivent couvrent aujourd’hui des espaces de
stationnement. La première avait été attribuée au sieur Joseph Perrot dit
Villedaigne qui a profité d’environ trente-neuf pieds en deux temps, soit
en  et en . Ce concessionnaire était le fils de Jacques Perrot, origi-
naire de Villedaigne dans le Languedoc, et le grand-père de la légendaire
Madeleine de Verchères. Perrot devra cependant rétrocéder son lot en ,
lequel lot sera accordé par la suite au sieur Dominique Thaumur dit de La
Source, un chirurgien récemment arrivé de sa Saintonge natale.
Le sieur de La Source était décédé au moment du drame de . C’est
sa veuve Jeanne, la fille de Louis Prud’homme et de Roberte Gadois, qui
encaissa la perte de deux maisons en pierre. La plus grande, d’un étage
avec trois cheminées, mesurait vingt-huit pieds sur vingt et un et la
deuxième, de forme carrée, avait vingt et un pieds de côté.
Les deux autres concessions allèrent respectivement au sieur Jean
Larchevêque, en , et au sieur Nicolas Boyer, en . Plus tard, le
sieur Pierre Billeron dit Lafatigue deviendra propriétaire des deux entités
qui mesuraient soixante-dix pieds au total. En , il perdra deux
maisons en bois de deux étages, ayant deux feux chacune. L’une mesurait
vingt-huit pieds de façade et vingt-deux de profondeur et l’autre, vingt-
trois pieds de front et trente-deux de profondeur.
Le lot qui fait le coin des rues Saint-Paul et Saint-François-Xavier alla
d’abord, vers , au sieur François Hazur, qui le garda trois ans avant
que les seigneurs ne le lui retirent. Ceux-ci le concédèrent de nouveau en
, lors d’un échange dont il a déjà été question avec le sieur Pierre Le
Gardeur de Repentigny et son épouse, Agathe de Saint-Père qui avait hérité
du lot concédé par Maisonneuve en , à son père Jean, sur la place
d’Armes actuelle. Un certain Raymond Amyot, venu de Toulouse, profitera
de la partie sud du lot, à partir de , mais pour une raison inconnue il
devra la rendre, plusieurs années plus tard, au sieur de Repentigny.
En front de la rue Saint-Paul, le lot du couple Le Gardeur de Repen-
tigny ne mesurait que trente-six pieds, mais il s’étendait assez loin, le
long de la rue Saint-François-Xavier. Leur fils Jean-Baptiste-René en avait
hérité et il habitait les lieux avec son épouse Catherine Juchereau et leurs
enfants, lorsque l’incendie éclata en juin . Les pertes furent terribles.
Au moins quatre bâtiments furent entièrement consumés. On dénombra
SE C T E U R N UM ÉR O 3  

la perte d’une maison en pierre avec mansarde et trois cheminées qui


mesurait trente-cinq pieds de façade sur vingt et un de profondeur ; une
maison en bois de deux étages de vingt et un pieds de front sur trente-
deux de profondeur, avec un foyer ; une autre maison en pierre d’un étage
de vingt-quatre pieds de largeur, avec un feu. Enfin, une petite maison
carrée en pierre dans la cour n’a pu échapper au sinistre. Militaire de
carrière, le sieur Jean-Baptiste-René Le Gardeur de Repentigny combattit
sous les ordres de Dieskau. Il sera tué au lac George, en .
L’emplacement qui suit celui du sieur Le Gardeur de Repentigny, sur
Saint-Paul, a appartenu à madame Catherine Testard, la veuve de Pierre
Pinguet de Repentigny. Textuel au terrier, ce nom porte à confusion et
pourrait laisser croire que le terrain du sieur Pierre de Repentigny
incluait cet espace. Mais il n’en est rien. En fait, c’est plutôt le sieur Pierre
Pinguet de Montigny qui a bel et bien épousé Catherine Testard. En ,
le sieur Jacques Douaire de Bondy se portera acquéreur de l’emplacement.
C’est sa veuve, dame Madeleine Gatineau, qui a subi la perte de sa
résidence. Avec deux cheminées, la maison mesurait trente pieds en
façade sur vingt et un de profondeur.
Madame Catherine Testard a eu pour voisin le sieur Bertrand Arnauld
(Arnault), propriétaire d’un emplacement de quarante-huit pieds de
largeur, depuis . Ce Bordelais d’origine s’était marié deux fois à
Québec, avant d’aboutir à Montréal. En , son lot appartenait au sieur
Jean Petit de Boismorel, un huissier royal qui mourra l’année même. Entre-
temps, il avait cédé une partie de son emplacement au mari de sa fille
Suzanne, un interprète du roi en langue iroquoise, qui s’appelait Jean-
Baptiste Morisseau. Deux maisons en bois de deux étages, avec chacune
deux cheminées, occupaient le lot d’origine au moment de l’incendie.
Aujourd’hui, quatre édifices qui ont front sur la rue Saint-Paul se
trouvent érigés sur les concessions originales du sieur Le Gardeur de
Repentigny, de madame Testard et du sieur Arnauld. Les deux premiers
bâtiments forment un ensemble construit en  par un homme d’af-
faires d’origine américaine, Harrison Stephens (ou plus probablement
Stephens Harrison), qui ne les occupera jamais pour lui-même. Si divers
commerçants louèrent les deux édifices séparément, la compagnie de
café Chase & Sanborn, fort connue jadis dans toute l’Amérique du Nord,
les occupera simultanément au début du e siècle. De nos jours, on
trouve des restaurants au rez-de-chaussée des deux bâtiments et des
surfaces résidentielles aux étages supérieurs.
  L E V IE U X-M O N T R É A L

Les deux autres édifices couvrent approximativement l’emplacement


du sieur Arnauld. Le -, rue Saint-Paul est un immeuble de quatre
étages construit en  par le maçon Joseph Godard dit Lapointe, à la
demande de Pierre Berthelet, le propriétaire des lieux. Quant au , il
date de , du moins dans sa configuration actuelle. Le marchand John
McKenzie avait alors fait appel au maître maçon Pierre Comte pour le
réaménager. Probablement à la suite d’une liquidation, la vente de l’im-
meuble par le shérif en  est consentie à la famille Vinet. L’évêché de
Montréal, qui n’avait pas encore atteint son statut d’archidiocèse, le
recevra en don de cette famille, vingt ans plus tard. Les autorités épis-
copales conserveront l’édifice durant près d’une centaine d’années. Que
trouve-t-on maintenant à cet endroit ? Entièrement restauré en , le
bâtiment de trois étages et demi avec combles est devenu une auberge :
Les Passants du Sans Soucy.
Les concessions qui suivent vers l’est sur Saint-Paul sont de forme
irrégulière et s’étendent en profondeur, jusqu’au jardin des sulpiciens.
La première mesure cinquante-trois pieds de front. D’abord accordée au
sieur François Viennay Pachot, jusqu’à une profondeur de vingt-trois
pieds et demi en , elle atteindra une largeur de soixante et onze pieds
à l’arrière et une profondeur totale de cent soixante-dix pieds et demi,
lorsque son beau-frère, Charles Juchereau, l’acquerra en trois étapes
successives, à partir de . Paul Bouchard, le fils du chirurgien Étienne,
en prendra possession en . Il lotira la concession par la suite, pour
créer deux terrains de vingt-six pieds et demi chacun : le plus à l’ouest
allant, en , au sieur Pierre Courault de la Coste venu d’Angoulême,
et l’autre au sieur Nicolas Rose, en septembre , soit sept mois après
qu’il eut épousé Marie-Josephte Prud’homme. Mais, entretemps, les
propriétés du sieur Bouchard connaîtront le même sort que les autres. Il
vit sa petite boulangerie se consumer, de même que sa maison en bois
de deux étages de trente-huit pieds de façade sur trente de profondeur
avec deux cheminées, ainsi qu’une autre maison en bois de deux étages,
aux dimensions plus restreintes.
Les deux autres concessions iront respectivement au sieur Vincent
Dugas dit Lafontaine, un médecin originaire de la province d’Anjou, et
au sieur Pierre Gagné. Cette dernière acquisition s’effectuera en plusieurs
étapes, entre  et . Quant au docteur Dugas qui bénéficiait de
quarante-cinq pieds de largeur, il en cédera vingt-huit en , au sieur
Jacques Cardinal. Sur ces concessions plus tard subdivisées, ce seront,
SE C T E U R N UM ÉR O 3  

dans l’ordre, François-Marie Bouat, Marguerite Poulin, la veuve de Fran-


çois Lemaître La Morille et Pierre Gagné lui-même qui subiront de lourdes
pertes, lors du grand incendie. Le sieur Bouat, lieutenant général et auteur
du rapport d’incendie, avait hérité de la propriété de son père, Abraham
Bouat. Le site supportait deux maisons en bois, dont la principale, de deux
étages, avait deux cheminées et mesurait vingt-neuf pieds de façade sur
vingt-six. Quant à madame Poulin, elle perdit non seulement sa maison
en bois de deux étages avec deux feux, mais également sa boulangerie de
même qu’un hangar. Le sieur Gagné, qui avait épousé Madeleine Baudreau,
a dû se résoudre à voir brûler sa maison d’un étage qui s’étendait sur une
profondeur de cinquante-trois pieds. Elle longeait l’entrée de l’ancien
séminaire, devenu la propriété du notaire Raimbault.
Trois bâtiments couvrent aujourd’hui l’espace frontal des trois conces-
sions d’origine, à savoir celles des sieurs Pachot, Dugas dit Lafontaine et
Gagné. En se dirigeant d’ouest en est, le premier (n ) occupe essen-
tiellement l’emplacement qui avait été accordé au sieur Pachot. C’est un
édifice en béton relativement récent (). Quant au -, il fait partie
de l’ensemble Frothingham & Workman dont les autres bâtiments se
trouvent en retrait ou vers l’arrière. Construit en  par les enfants de
John Frothingham, c’est le plus récent du groupe. Trois ans après l’érection
de l’édifice, Louisa Goddard Frothingham achète la part de ses frères et
devient seule propriétaire du tout. Elle décède en , mais la succession
ne se départira de l’héritage qu’en , lorsque la quincaillerie
Frothingham fermera définitivement ses portes. Aujourd’hui, l’édifice de
facture architecturale intéressante a été recyclé en condominiums :
Habitat Place Royale limitée. Entretemps, une excentricité a captivé
l’attention du public. Pour son inauguration en , le restaurant Métro-
Bastille introduisit dans son établissement, par une ouverture dans le toit,
un authentique wagon du métro de Paris. La maison ne tarda cependant
pas à déclarer faillite. Juste avant l’entrée qui donne accès aux édifices
construits à l’arrière vers le jardin des sulpiciens, nous arrivons au troi-
sième immeuble (-). Érigé vers  sur trois étages par le marchand
chapelier Hiram Seymour, il ne paie pas de mine, malheureusement.

   

L’entrée ou le passage où nous arrivons maintenant existe depuis le


milieu du e siècle ou, tout au, moins, depuis l’érection du premier
  L E V IE U X-M O N T R É A L

séminaire des sulpiciens. Il est important d’essayer de retracer les


circonstances qui ont mené à cette construction. C’est un thème délicat,
car plusieurs personnages ont pu fabuler à son sujet. Sur son document
d’implantation des bâtiments construits à Ville-Marie, entre  et ,
l’arpenteur Pierre-Louis Morin inscrit le « château de Maisonneuve »,
comme ayant été érigé en . Sa transposition à l’échelle, sur le plan de
Chaussegros de Léry et sur le cadastre actuel, confirme sa position et,
dans une moindre mesure, sa configuration. De prime abord, il peut
paraître tout au moins étonnant qu’on ne puisse situer, de façon certaine,
l’endroit où vécut le fondateur de Montréal, à partir du moment où il
délaissa la promiscuité du Vieux Fort surtout lorsqu’on peut l’établir
pour un grand nombre de citoyens ordinaires.
On admettra que toutes les monarchies de ce monde, et aussi les
peuples qu’elles gouvernent, ont toujours voulu et même exigé que leurs
représentants soient logés dans des résidences officielles d’un luxe qui
reflétât la royauté, et cela, même au e siècle. On a qu’à penser à celle
du gouverneur général à Ottawa ou à celle du lieutenant-gouverneur à
Québec. Évidemment, le mystique De Maisonneuve n’était pas un
gouverneur habité par les idées de grandeur de ses successeurs et de la
grande majorité des représentants de la monarchie à travers le monde.
Il est toutefois fort possible que le mouvement populaire et les devoirs
envers son roi aient fait accepter à Maisonneuve de loger dans une rési-
dence convenable en rapport avec son titre de gouverneur. On doit noter
qu’étrangement, à l’arrivée des messieurs en , leur premier séminaire
aurait déjà été construit ! Il est plutôt probable que le gouverneur se soit
senti fort heureux d’offrir l’hospitalité de son « château » neuf aux quatre
nouveaux arrivants et de leur suggérer d’établir leur futur séminaire
dans sa vaste maison. Une chose reste cependant certaine, le gouverneur
de Montréal habitait le séminaire des sulpiciens, au moment de s’embar-
quer définitivement pour la mère patrie. D’autre part, il demeure néan-
moins intrigant de constater que les disciples de monsieur Olier aient
pu abandonner, après seulement une vingtaine d’années d’utilisation,
un immeuble en pierre aux dimensions plutôt imposantes, qu’ils
auraient conçu selon leurs besoins, pour ensuite emménager dans un

. Les dimensions au terrier, transformées ici en mesures anglaises, sont de soixante-


quinze pieds sur cinquante-trois pieds. On constatera cependant que les mesures
fournies par Chaussegros de Léry, pour le bâtiment principal, sont inférieures à celles
du terrier, mais les annexes font plus que combler la différence.
SE C T E U R N UM ÉR O 3  

nouveau séminaire, sur la rue Notre-Dame. Mais ici s’arrêtent les spécu-
lations de l’auteur. Aux armes, historiens !
C’est Pierre Raimbault, procureur du roi et notaire royal, qui prendra
possession de l’ancien séminaire, le  février , pour en faire sa rési-
dence, et, trente ans plus tard, le sieur Jean-Baptiste Le Comte Dupré se
portera acquéreur du site. Puis, près de cent ans s’écouleront avant que
les sulpiciens ne le rachètent. Mais ce ne sera pas le séminaire qu’ils ont
connu, car il aura été détruit dans l’incendie de juin  Ce sera plutôt
le deuxième « château » du sieur Raimbault. Malheureusement, ce dernier
aussi sera incendié, dix ans après son acquisition par les messieurs de
Saint-Sulpice. Nous sommes alors en .
Le célèbre notaire aura été durement éprouvé en , avec la perte du
corps central de l’édifice et de trois annexes importantes, sans compter
une étable et une écurie. Selon le rapport et le plan déjà cités, le bâtiment
principal en pierre de deux étages avec quatre foyers mesurait soixante-
sept pieds sur trente-deux. Une deuxième maison en pierre en annexe,
de vingt-deux pieds sur trente-deux et qui avait aussi quatre cheminées,
fut totalement détruite. Les pertes comprenaient également deux autres
maisons, l’une en pierre et la seconde en bois, auxquelles il convient
d’ajouter les dépendances déjà mentionnées. Les installations sont clai-
rement indiquées sur le plan de Chaussegros de Léry et l’orientation du
« château » légèrement à angle avec la rue Saint-Paul est étrangement celle
que l’on constate pour l’édifice qui couvre l’emplacement de nos jours.
Ce bâtiment (n ), construit immédiatement après l’incendie de ,
est l’œuvre de l’architecte John Ostell. On se serait peut-être servi, du
moins en partie et à deux reprises, des fondations du premier séminaire
de Ville-Marie. L’immeuble fait partie de l’ensemble Frothingham &
Workmann. Une porte cochère permet d’accéder à un édifice résidentiel
rattaché au complexe Habitat Place Royale limitée dont le bâtiment prin-
cipal, traité plus haut, est au - de la rue Saint-Paul.
Si Nicolas Godé avait obtenu, dès , la concession que l’on sait,
d’autres grands terrains, à l’intérieur du périmètre qui fait l’objet du
présent chapitre, avaient aussi été accordés avant l’arrivée des prêtres de
Saint-Sulpice. En partant de l’entrée du « château » de Maisonneuve, il
reste trois concessions originales avant d’atteindre la rue Saint-Sulpice.
La première, avec soixante-quinze pieds de front sur Saint-Paul, fut
accordée en plusieurs contrats, entre  et , aux sieurs Jacques
Testard de la Forest, Jacques Le Ber de Senneville et Charles Le Moyne.
  L E V IE U X-M O N T R É A L

Il faut dire que les liens, aussi bien familiaux que de carrière, étaient très
forts entre ces trois personnages. Le sieur Le Ber, originaire de la région
de Rouen, avait épousé Jeanne Le Moyne en . Le fils du chevalier
Testard, également de Rouen, qui se prénommait Jacques lui aussi et était
capitaine comme son père, sera un fidèle compagnon de Pierre Le Moyne
d’Iberville. C’est finalement Marie Pournain, la veuve de Testard, qui
héritera de la concession et la passera en  à son second mari, le sieur
Jacques Nolan de Lamarque. Le nouveau couple scindera cet héritage
beaucoup plus tard, en en vendant une partie au sieur de la Pipardière,
en .
Aujourd’hui, deux édifices en pierre de trois étages et demi occupent
la concession du sieur Testard de la Forest (- et ). Ils datent de
 (circa) et les rez-de-chaussée abritent respectivement le Café Saint-
Paul et un restaurant de cuisine belge qui porte un nom évocateur : Le
Moulinsart. Tintin et le capitaine Haddock y sont à l’honneur.
La concession suivante a d’abord appartenu conjointement aux négo-
ciants de fourrures, les sieurs Jacques Le Ber et Charles Le Moyne. Par
la suite, elle a été amputée d’une partie en faveur du lot situé à l’ouest et
les mesures deviennent plus ambiguës. Le Ber demeure une figure impor-
tante dans l’histoire de la Ville-Marie naissante. Il est l’un des fondateurs
de la Compagnie du Nord. Si certains de ses enfants ont connu des voies
fort différentes, ils n’en ont pas moins laissé leurs traces. Sa fille Jeanne
est la célèbre recluse qui vécut sa vie monastique à l’intérieur du couvent
fondé par Marguerite Bourgeoys. Quant à son fils Pierre, il demeure
sûrement le premier artiste peintre né à Montréal. On lui doit d’avoir
décoré de ses œuvres une chapelle qu’il a lui-même construite à la pointe
Saint-Charles. Un célèbre portrait de la fondatrice des sœurs de la
Congrégation de Notre-Dame lui est attribué.
Charles Le Moyne bénéficia seul, à partir de , de la dernière des
trois concessions. Celle-ci mesurait environ cent soixante-huit pieds en
front de la rue Saint-Paul par cent cinquante le long de la rue Saint-
Sulpice. Il la conservera en entier jusqu’à sa mort survenue en .
Au décès de son épouse, les héritiers Le Moyne ne tardèrent pas à la
morceler. La majeure partie fut vendue au sieur Antoine Pacaud, en .
Elle mesurait cent vingt-trois pieds sur Saint-Paul par toute la profondeur
de la concession originale. Un an auparavant, quatre emplacements
avaient été consentis de la façon suivante : vingt-deux pieds de front
sur Saint-Paul, au sieur Isaac Christin dit Saint-Amour ; le coin des rues
SE C T E U R N UM ÉR O 3  

Saint-Paul et Saint-Sulpice, soit vingt-trois pieds par soixante-quatre, au


sieur Pierre Gareau dit Saint-Onge ; puis, en se dirigeant vers le nord,
deux autres emplacements mesurant chacun quarante-trois pieds en
front de la rue Saint-Sulpice, concédés respectivement au tonnelier
Nicolas Varin dit Lapistole et à Gilles Chauvin.
L’occupation des concessions de Jacques Le Ber et de Charles Le
Moyne est dominée, de nos jours, par la présence de l’hôtel Le Saint-
Sulpice dont la façade latérale de la rue Saint-Paul (n ) mesure environ
cent trois pieds à partir des édifices situés sur la concession du sieur
Testard de la Forest. Le bâtiment s’étend profondément vers l’arrière et
va rejoindre la partie qui a front sur la rue Saint-Sulpice (n ), où se
trouve l’entrée principale de l’établissement. Celui-ci profite en fait d’une
large section de l’ancienne propriété du sieur Antoine Pacaud, de même
que d’une bonne superficie du terrain du sieur Varin.
Très récent (-), Le Saint-Sulpice fait partie de la chaîne
Hôtels et préférence et du Resort One international. Il offre de nombreuses
suites, toutes plus luxueuses les unes que les autres. Le complexe
comprend des terrasses et des jardins intérieurs ainsi qu’un chic restau-
rant bien éclairé, même s’il est en demi-sous-sol.
Les trois derniers édifices de la rue Saint-Paul se partagent le reste de
la propriété d’Antoine Pacaud ainsi que les lots vendus aux sieurs Isaac
Christin dit Saint-Amour et Pierre Gareau dit Saint-Onge. Le n , en
pierre de quatre étages, fut construit vers . Il abrite un commerce
d’ébénisterie d’art L’Ami du collectionneur.
Le bâtiment suivant (n ), également en pierre et de quatre étages,
loge des spécialistes en art décoratif. Il demeure intéressant sur le plan
architectural. Construit en -, par les époux Ann Tracey et
Charles Wilson, il présente une façade en pierre de taille avec de larges
fenêtres en arcades permettant un éclairage maximum. Charles Wilson,
un important quincaillier à l’époque, entreprit une carrière politique
aux multiples facettes. Ce fut d’abord en tant que maire de Montréal.
Puis au milieu de son mandat, soit en , il devint membre du Conseil
législatif de l’Union pour finalement être nommé sénateur en .
L’édifice du coin (, rue Saint-Paul et -, rue Saint-Sulpice) fut
érigé par un autre homme d’affaires et politicien, dont la carrière
ressemble à celle du constructeur de l’édifice précédent. Jean-Louis
Beaudry, un descendant de Toussaint Beaudry arrivé à Montréal en ,
se fit élire trois fois maire de sa ville, tout en devenant entretemps
  L E V IE U X-M O N T R É A L

membre du Conseil législatif de Québec, en . L’édifice en pierre de


quatre étages et demi qu’il a fait construire sur l’ancienne concession de
Charles Le Moyne, ou encore plus précisément sur le lot acquis par Pierre
Gareau dit Saint-Onge, est occupé au rez-de-chaussée par une boutique
d’art indonésien. Le sieur Gareau qui avait épousé en  Marie-Anne,
la fille de Claude Maugue, un notaire fort connu du temps de la Nouvelle-
France, s’est retrouvé l’année suivante parmi les sinistrés, en perdant sa
maison en pierre de deux étages, qui mesurait quarante-trois pieds, le
long de la rue Saint-Sulpice. C’est la seule résidence sur cette rue qui
devait connaître un tel sort.
L’interprétation des données anciennes, pas toujours exprimées
en langage clair, commande une grande prudence. Pour parvenir à
des conclusions dignes de foi, l’auteur ne néglige aucune avenue. Il
cherche à concilier les vieux textes avec les différents plans, particuliè-
rement en transposant ces derniers à l’échelle sur les documents
contemporains. Il croit arriver ainsi aux conclusions les plus probantes
ou, du moins, les plus plausibles. Les concessions d’origine, comparées
avec l’état des lieux au moment du grand incendie de , en sont un
parfait exemple.
Ainsi, en ce qui a trait aux lots concédés à Jacques Le Ber et à Charles
Le Moyne, le plan de Chaussegros de Léry et le rapport de François-Marie
Bouat du sinistre peuvent surprendre à première vue. On apprend
d’abord que le feu a ravagé « deux maisons de pierre à deux étages de la
dame veuve Pascaud, de  pieds de front sur  de profondeur,  feux ».
Bien entendu, les dimensions que fournit le bilan de la catastrophe
compilé par le sieur de Léry sont en mesures françaises. La mesure à
l’échelle sur le plan nous donne un peu plus de deux cent cinq pieds, ce
qui demeure très acceptable. On remarque, sur le document du sieur de
Léry, que la double maison est à angle avec la rue Saint-Paul, l’extrémité
est se confondant avec l’alignement de la rue et le coin ouest se trouvant
en retrait d’une cinquantaine de pieds. La largeur du bâtiment dépassant
celle de la concession qu’avait obtenue Charles Le Moyne, il s’étendait
nécessairement sur l’emplacement que Jacques Le Ber avait obtenu
conjointement avec son beau-frère. Tous deux négociants dans un
domaine fort lucratif, unis par des liens familiaux et pères de nombreux
enfants, il n’est pas étonnant qu’ils se soient permis cette spacieuse double
maison avec sept foyers. Enfin, la veuve Pascaud, ou mieux Pacaud, n’était
pas sans ressources. Marguerite Bouat était la fille d’Abraham Bouat,
SE C T E U R N UM ÉR O 3  

à la fois aubergiste, marchand et lieutenant général, sans compter


qu’Antoine, l’époux de madame Pacaud, avait été un marchand à l’aise
avant son décès.
Sur le bâtiment du coin des rues Saint-Paul et Saint-Sulpice, construit
par l’ancien maire Jean-Louis Beaudry, une plaque rappelle que Pierre
Le Moyne, sieur d’Iberville, est né à cet endroit, le  juillet , « […]
mort à bord du Juste, inhumé dans la cathédrale de La Havane, le  juillet
. Le plus grand homme de guerre produit de la Nouvelle-France ».
Puis, sous une gerbe en cuivre, on peut lire : « Un hommage de la Mission
nationale française du Comité France-Amérique – . » Avant la
construction du Saint-Sulpice en l’an , cette plaque se trouvait sur
Saint-Paul, vis-à-vis du restaurant actuel de l’hôtel.
En continuant vers le nord sur Saint-Sulpice, l’édifice suivant couvre
en gros, du moins en façade, le lot du sieur Varin dit Lapistole et une
partie de celui du sieur Chauvin, ces deux emplacements ayant été acquis
des héritiers de Charles Le Moyne. C’est l’entrée principale du Saint-Sul-
pice. À partir de cet endroit, et jusqu’à la rue Notre-Dame, le fonds de
terre et les bâtiments qui s’y trouvent appartiennent à la Fabrique de la
paroisse Notre-Dame de Montréal. Par ailleurs, à l’exception sans doute
de l’ancien cimetière qui donnait sur la rue Notre-Dame, et qui appa-
remment se trouvait un peu en retrait de la rue Saint-Sulpice, ce fonds
de terre a connu divers concessionnaires à partir de , dont les ayants
droit ont profité jusqu’au tournant du e siècle.
Aujourd’hui, ladite Fabrique possède l’édifice commercial de cinq
étages qui s’appuie sur l’hôtel. Le locataire au rez-de-chaussée n’est nul
autre que la direction immobilière du réseau Resort One dont fait partie
Le Saint-Sulpice. Ce bureau administre notamment le Windigo, un projet
de chalets de luxe en bordure de la retenue du Baskatong, au nord de
Mont-Laurier, au Québec. Nous sommes ici encore sur la concession du
sieur Le Moyne, ou plus précisément, en partie du moins, sur la portion
de terrain qui avait été cédée au sieur Chauvin par les héritiers du premier
concessionnaire.
Nous laissons la concession de Charles Le Moyne pour pénétrer sur celle
de Charles d’Ailleboust, le neveu de Louis d’Ailleboust, le troisième gou-
verneur de la Nouvelle-France. Charles est l’un de ceux qui ont habité le fort
de la pointe à Callière, avant de s’établir avec son épouse, Catherine Le
Gardeur de Repentigny, sur sa nouvelle concession. Obtenue vers , cette
concession passera aux mains du sieur Carion, le seigneur de Lachenaie,
  L E V IE U X-M O N T R É A L

un quart de siècle plus tard. Plusieurs autres personnages en profiteront


par la suite, dont Simon Sanguinet, avant qu’elle ne soit acquise par les
sulpiciens, au e siècle. Il ne s’agit plus ici de site à caractère commer-
cial. Nous pénétrons carrément sur le complexe religieux qui relève de
la Fabrique. La magnifique chapelle du Sacré-Cœur et les espaces de
bureau autour couvrent essentiellement la concession de Charles
d’Ailleboust.
C’est la basilique qui occupe le reste du terrain jusqu’à la rue Notre-
Dame. Le site comprend, dans l’ordre, les concessions originales
suivantes : celle de Pierre Caillé dit Larochelle (), pour environ
quarante-sept pieds ; celle de Guillaume Goyau dit Lagarde (), pour
quarante-neuf pieds ; celle de Jean Gervais (), sur plus ou moins
quatre-vingt-trois pieds et dont sa veuve Anne Archambault héritera ;
celle de l’arpenteur notaire Bénigne Basset () et enfin l’espace occupé
par le cimetière, pour un total atteignant près de trois cents pieds, le long
de la rue Saint-Sulpice. Les descendants des sieurs Caillé dit Larochelle,
Goyau dit Lagarde et du couple Gervais-Archambault éprouvent proba-
blement une certaine émotion à la pensée qu’un site aussi historique,
magnifique monument à la mémoire de la foi des premiers habitants de
Ville-Marie, a jadis appartenu à leurs propres ancêtres.
De fait, la construction de l’église Notre-Dame, à partir de , exigea
auparavant la démolition de quatre maisons sur la rue Saint-Sulpice et
le déblaiement du cimetière. L’édifice ne sera parachevé qu’en . Quant
à la grandiose décoration intérieure telle qu’on la connaît, elle ne débu-
tera qu’en , Victor Bourgeau agissant alors comme concepteur et
maître d’œuvre.

     -

Sous ce titre, nous traitons les espaces situés de part et d’autre de la place
Royale, dans un ensemble compris entre les rues Saint-François-Xavier
et Saint-Sulpice, depuis la rue Saint-Paul jusqu’à la place D’Youville et,
plus à l’est, jusqu’à la rue de la Commune.
On se rappellera que nous nous trouvons ici sur le territoire de la
commune qui était bornée, vers le sud, à la fois par la petite rivière, soit
la rivière Saint-Pierre jusqu’à son embouchure, et par la grande rivière,
le fleuve Saint-Laurent. Les fortifications longeaient les deux cours d’eau
SE C T E U R N UM ÉR O 3  

qui aujourd’hui se retrouveraient respectivement à même la place


D’Youville et la rue de la Commune, le long du port. Bien entendu, l’amé-
nagement portuaire et la canalisation du Saint-Laurent ont fait que les
eaux du fleuve ne se rendent plus comme autrefois, lors des crues prin-
tanières, jusqu’aux bâtiments qui ont remplacé les glacis et l’ancien mur
d’enceinte.

La concession de Jacques Le Moyne

La concession la plus à l’ouest du secteur numéro , au sud de la rue


Saint-Paul, longeait la rue Saint-François-Xavier. Elle fut accordée à
même la commune, en , au sieur Jacques Le Moyne, depuis la rue
Saint-Paul jusqu’à la petite rivière. Le sieur de Repentigny et les héritiers
du sieur Le Moyne sont devenus par la suite propriétaires de l’ensemble
de la concession avant qu’elle ne soit subdivisée en plusieurs parties,
notamment après l’ouverture de la rue Saint-Louis en .
On sait que les sept fils de Charles Le Moyne et de Catherine Primot
connurent la gloire et la célébrité à divers degrés. Pour ce qui est de
Jacques, le sieur de Sainte-Hélène, il épousa Jeanne Dufresnoy Carion
et, deux ans après avoir obtenu sa concession en front de la rue Saint-
Paul, il accompagnait ses frères d’Iberville et de Maricourt dans leurs
expéditions à la baie d’Hudson. Cet officier devait cependant mourir
relativement jeune durant le siège de Québec, en . Quelques mois
auparavant, Jacques Le Moyne avait participé, en tant que commandant
en second, au raid qui devait anéantir le village de Schenectady, dans
l’actuel État de New York.
Le bon voisinage n’était pas toujours de rigueur sur la rue Saint-Paul.
On a constaté plus haut que le gouverneur de Montréal, François-Marie
Perrot, avait sa propriété à quelques portes à l’ouest de celle de Jacques
Le Moyne. Eh bien ! Malgré l’interdiction formelle des duels, les deux
hommes s’affrontèrent sur la place publique et les antagonistes furent
blessés. Ce combat s’est déroulé en , soit l’année même de la desti-
tution de Perrot par le roi et du mariage du vaillant sieur de Sainte-
Hélène avec la belle Jeanne Dufresnoy Carion. On ne s’ennuyait pas dans
la Nouvelle-France du e siècle. Mais, au moment de son décès à
Québec, le jeune Jacques Le Moyne n’avait pas eu le temps de jouir encore
pleinement de sa concession. Celle-ci demeurera cependant plusieurs
années dans la famille.
  L E V IE U X-M O N T R É A L

La rue Saint-Louis est connue aujourd’hui sous le nom de rue de la


Capitale. Il convient de clarifier ces deux appellations, d’autant plus qu’il
existe de nos jours une rue Saint-Louis dans le Vieux-Montréal même,
mais beaucoup plus à l’est et au nord de la rue Notre-Dame. Celle-là
s’étend de la rue Gosford jusqu’à la rue Berri et n’a rien à voir avec
l’ancienne rue Saint-Louis que l’on retrouve au terrier et qui a été baptisée
plus tard rue de la Capitale. Cette dernière, coupée par la place Royale,
part de la rue Saint-François-Xavier pour se terminer à la rue Saint-
Sulpice. Pour mieux se situer dans le contexte du e siècle, l’appellation
« de la Capitale » sera dorénavant la seule utilisée dans le texte, pour
désigner la première rue Saint-Louis.
Au début du e siècle, un premier morcellement de la concession
du sieur Le Moyne créa deux emplacements en front de la rue Saint-Paul.
Ce sont les sieurs Jean Petit de Bois Morel et Jean Pothier dit Laverdure
qui en ont été les bénéficiaires.
On imagine facilement que tous les bâtiments qui se trouvaient sur la
concession de Jacques Le Moyne au moment de l’incendie de , ont
été la proie des flammes. Certaines d’entre elles étaient encore sûrement
aux mains de ses descendants. Quant au sieur Pothier dit Laverdure et
aux héritiers du sieur Petit de Bois Morel, ils n’eurent d’autre choix que
de voir brûler leurs demeures.
En se référant au rapport du sieur François-Marie Bouat, on constate
que le taillandier Pothier devait avoir sa boutique adjacente à son loge-
ment, car le bâtiment occupait toute la profondeur du terrain entre les
rues Saint-Paul et de la Capitale, soit plus de soixante-dix pieds. En pierre
sur deux étages avec quatre cheminées, cette boutique mesurait vingt et
un pieds en façade. Pour les héritiers du sieur Petit, la perte se limita à
une maison en bois de deux étages avec deux feux qui mesurait treize
pieds sur trente-deux.
À la suite de l’incendie, un réaménagement des titres a conduit à la
création de trois lots au sud de la rue de la Capitale, vers . Quant à
la partie de terrain située en front de la rue Saint-Paul, ce n’est que beau-
coup plus tard qu’elle sera subdivisée en quatre emplacements.
Pour ce qui est des trois lots situés du côté sud de la rue de la Capitale,
on comprendra que l’érection des murs avait passablement réduit la
profondeur restante, qui ne sera plus alors que de trente-quatre pieds. En
, le sieur Pierre Mallet (Maillet) se porte acquéreur de l’emplacement
qui longe la rue Saint-François-Xavier. Le terrain suivant, avec vingt-
SE C T E U R N UM ÉR O 3  

trois pieds de largeur comme le précédent d’ailleurs, sera acheté durant


la même année, par le sieur Michel Massé. Auparavant, c’est madame de
Repentigny qui avait obtenu l’emplacement à l’est, qui n’avait lui que
dix-neuf pieds de largeur.
Selon le réaménagement des titres mentionné plus haut, c’est en 
qu’un premier lot est vendu du côté nord de la rue de la Capitale. Le sieur
Pierre Leduc dit Souligny qui avait épousé Françoise Bouchard, trois ans
plus tôt, profitera de l’emplacement situé à l’angle des rues Saint-Paul et
Saint-François-Xavier. Le lot mesurait vingt et un pieds de largeur et se
trouvait borné, à l’arrière, par un terrain de même superficie qui se
rendait jusqu’à la rue de la Capitale. Ce dernier lot deviendra la posses-
sion du sieur Louis Pivert dit le Parisien, à partir de . Le sieur Pivert
était marié avec Élisabeth Charron depuis .
Les deux autres lots, qui avaient aussi chacun une largeur de vingt et
un pieds, s’étendaient cependant sur toute la profondeur existante entre
les rues Saint-Paul et de la Capitale. Le plus à l’ouest appartiendra en 
au sieur Jean-Noël Desrivières, alors que le dernier était déjà aux mains
du sieur René Decouagne.
Il reste un espace entre la concession de Jacques Le Moyne et la petite
rue Chagouamigon. Suivant le terrier, la distance serait de vingt-six
pieds. Il règne cependant une ambiguïté du fait qu’à un moment donné
cette petite rue aurait été « supprimée » par l’intendant. Chose certaine,
le sieur Louis Marié dit Sainte-Marie a possédé la partie sud de ce terrain,
le long de la rue de la Capitale. Elle lui a été consentie en , mais le
sieur Claude Robillard en prend possession dès l’année suivante et le
sieur Sainte-Marie s’installera plutôt au coin de la place Royale. Puis le
sieur Marin Lamarque en deviendra à son tour propriétaire en .
Quant au restant vers le nord, jusqu’à la rue Saint-Paul, c’est le notaire
Claude Maugue qui en fut le bénéficiaire, en . Après avoir connu lui
aussi différents propriétaires, ce terrain de même que celui qu’avait eu le
sieur Sainte-Marie furent repris par les seigneurs en . Neuf ans plus
tard, les deux lots ne formeront plus qu’un seul emplacement que les
messieurs accorderont au sieur Jean-Baptiste Nepveu. Le terrain n’est peut-
être pas large mais, comme le sieur Pothier, le sieur Nepveu profitera de
sa pleine profondeur pour construire une maison en pierre de deux étages
avec quatre cheminées, qui s’étendra sur plus de soixante-dix pieds, depuis
la rue Saint-Paul jusqu’à la rue de la Capitale. Malheureusement, le tout
s’envolera en fumée quelques années à peine après la construction.
  L E V IE U X-M O N T R É A L

Deux édifices occupent de nos jours le quadrilatère borné par les rues
Saint-François-Xavier, Saint-Paul, Chagouamigon et de la Capitale. Celui
du côté ouest est connu comme étant l’immeuble Benjamin-Berthelet,
du nom du médecin qui l’a fait construire en . Mais celui-ci, qui avait
obtenu l’emplacement de sa mère l’année précédente, n’en a pas joui
longtemps. Saisi par le shérif, le bâtiment sera vendu, en , à nul autre
qu’Antoine-Olivier Berthelet, le frère du docteur. Cette fois, il restera
dans la famille jusqu’en .
Cette année-là, le fourreur Samuel Wiseman en prend possession et s’y
installe. Depuis , le restaurant français Le Bourlingueur occupe le
rez-de-chaussée avec entrée sur la rue Saint-François-Xavier, alors que les
étages abritent des bureaux. L’immeuble Benjamin-Berthelet se trouve
érigé sur les lots qui ont appartenu aux sieurs Leduc dit Souligny et Pivert
dit le Parisien, ainsi que sur la demie ouest de celui du sieur Desrivières.
Quant à l’édifice voisin (-, rue Saint-Paul), qui se rend jusqu’à
la ruelle Chagouamigon, elle repose sur l’autre partie du lot du sieur
Desrivières ainsi que sur les terrains des sieurs Decouagne et Sainte-
Marie. L’immeuble fut construit par le quincaillier John Frothingham,
en . C’est une belle structure en pierre avec lucarnes, où s’est installé,
il y a quelques années, un commerce de meubles du Québec, d’inspira-
tion du e siècle.
Au sud de la rue de la Capitale, les bâtiments actuels se rendent jusqu’à
la place D’Youville. Longeant la rue Saint-François-Xavier, il y a la maison
Pierre-Berthelet. Le nom réservé au bâtiment vient du fait que Pierre
Berthelet en fut le propriétaire constructeur. Décédé en , celui-ci
était vraisemblablement le père du docteur Benjamin. L’édifice même
date de  (circa). Il occupe essentiellement le terrain que possédait le
sieur Pierre Mallet en . Restauré à plusieurs reprises, il a su garder
son cachet d’autrefois. Avant d’être recyclé en copropriétés, il a long-
temps servi d’auberge dont le premier tenancier s’appelait
Joseph Tourelle. Il faut dire que la proximité du port favorisait ce genre
d’établissement.
La maison qui suit vers l’est (, place D’Youville) se trouve érigée
sur l’emplacement du sieur Michel Massé. Elle est connue sous le nom
de Joseph-Athanase-Normandeau, le propriétaire qui l’a fait construire
en , après l’incendie de sa demeure, une maison en pierre de trois
étages qui avait appartenu à Jean-Baptiste Deleigne et à Geneviève Piette,
les parents de son épouse Thérèse Deleigne. De l’année de sa construc-
SE C T E U R N UM ÉR O 3  

tion jusqu’à la fin des années , les Normandeau la loueront à des
aubergistes. Puis ce seront des commerçants qui les remplaceront. Mais
la succession Normandeau conservera l’immeuble jusqu’en . Recy-
clée en copropriété dans les années , la maison a retrouvé sa vocation
résidentielle de départ.
Un troisième bâtiment en front de la place D’Youville se trouve sur le
lot étroit qu’a possédé madame de Repentigny, à l’extrémité est de la
concession d’origine accordée au sieur Jacques Le Moyne, de même que
sur une partie de la concession obtenue par le sieur Charles Alavoine,
dans un échange avec les messieurs, en . Le  est une station de
pompage faisant partie de l’ensemble qui englobe le musée de Pointe-à-
Callière. Considéré comme un « vestige », le bâtiment n’en conserve pas
moins son apparence et son système de pompage d’origine.

De la concession de Jacques Le Moyne à la place Royale

Au e siècle, entre la concession de Jacques Le Moyne et la place


Royale, on pouvait arpenter deux petites rues étroites très rapprochées
l’une de l’autre. En fait, il n’y avait qu’une vingtaine de pieds qui les
séparaient. Si l’on considère que les lots qui les bornaient n’étaient parfois
que des carrés de vingt et un pieds de côté, les maisons qui les occupaient
n’étaient vraiment pas grandes. Cette situation devait se corriger par la
suite et les rues Chagouamigon et Outaouaise furent rayées de la carte
par l’intendant, puis cédées aux riverains, lorsqu’on perça la rue de la
Capitale. La ruelle Chagouamigon réapparut par après, mais pour
occuper un espace légèrement plus à l’ouest qu’auparavant.
En traversant cette rue, nous pénétrons dans un petit quadrilatère qui
s’étend jusqu’à la place Royale. Celui-ci se trouve borné au nord par la
rue Saint-Paul et vers le sud par la rue de la Capitale. De nombreuses
contradictions et des descriptions souvent échevelées au terrier rendent
difficile la localisation des lots des premiers occupants. Toutefois, les
recoupements à travers les documents consultés permettent d’établir
assez précisément, et même avec certitude, les sites des concessions
originales.
Ces sites formaient sept emplacements à l’origine. Le premier consis-
tait en un terrain situé à l’angle de Chagouamigon et de la Capitale. Il
faisait partie au départ d’une concession plus grande accordée, en ,
à Marie Pacro (Pacrau), la veuve de Plichon Duvernay. Mais cette conces-
  L E V IE U X-M O N T R É A L

sion s’est trouvée réduite dans sa profondeur, lors de l’ouverture de la


rue de la Capitale. Par contre, l’annulation de la première rue Chagoua-
migon lui fera gagner six pieds et demi, d’est en ouest.
Le lot de Marie Pacrau venait s’appuyer, du côté nord, sur celui qu’avait
obtenu Martin Massé sur la rue Saint-Paul, en . Ce dernier terrain
mesurait environ vingt et un pieds de largeur sur trente-deux de profon-
deur. C’est Michel, le fils de Martin Massé, qui perdit sa maison dans le
grand incendie. C’était une maison en pierre de trois étages avec trois
cheminées, qui occupait la pleine superficie du lot.
Quant à la propriété voisine vers l’est, elle provient de la concession
accordée en  à Maximilien Chedeville dit la Garenne. Acquise par
Charles Demers dit Dessermons en , elle fut agrandie l’année
suivante, à même la concession de Gilles Papin qui venait de se voir
retirer son bien par une ordonnance de l’intendant Jacques Raudot. Cela
a eu pour effet de créer un emplacement d’environ trente-six pieds sur
Saint-Paul et d’environ cinquante-trois de profondeur. Mais ledit empla-
cement fut subdivisé par la suite, le sieur Demers dit Dessermons et un
nommé Robert Langlois se le partageant également. Chacun des deux
hommes perdit sa maison en . Les deux bâtiments étaient en bois sur
deux étages avec une seule cheminée. Celui du sieur Charles Demers
occupait la pleine largeur du lot, alors que celui du sieur Robert Langlois
ne mesurait que treize pieds de largeur.
Toujours en se dirigeant vers l’est, on arrive à la concession de Jean-
Baptiste Demers qui faisait le coin de la rue Saint-Paul et de la place
Royale. Les seigneurs possédaient un hangar sur ce lot, mais, avant sa
cession au sieur Demers, les messieurs avaient vendu une lisière de
terrain de onze pieds de largeur au propriétaire voisin vers le sud, un
nommé Jean Guy, qui possédait déjà un lot de vingt et un pieds en front
de la place Royale, depuis . En , Jean-Baptiste Mallet (Maillet),
le nouveau propriétaire de l’emplacement du sieur Guy, perdit sa belle
maison en pierre de trois étages, avec trois cheminées.
Pour ce qui est du lot du sieur Demers sur le coin, il était vraisembla-
blement occupé par l’auberge de Raphaël Beauvais, lors du grand
incendie. En fait, l’enregistrement du titre de propriété (appelé la publicité
des droits depuis  et l’« ensaisinement » au temps de la Nouvelle-
France) ne s’est effectué qu’en . Il n’était cependant pas rare, à
l’époque, d’attendre plusieurs années avant de procéder à l’enregistre-
ment d’une transaction. On peut présumer que le sieur Beauvais était
SE C T E U R N UM ÉR O 3  

déjà propriétaire du lot, au moment du sinistre. Son auberge en bois


couvrait essentiellement tout l’emplacement.
C’est Louis Marié dit Sainte-Marie qui bénéficia du résidu le long de
la place Royale, soit jusqu’à la rue de la Capitale. Le er septembre ,
le marchand voyageur Jacques Hubert Lacroix s’en est porté acquéreur,
mais, comme on peut sans douter, il n’a pu jouir longtemps de son bien.
La maison en bois de deux étages avec deux cheminées fut totalement
ravagée en même temps que ses voisines, en ce triste  juin de l’année
suivante.
Enfin, sur la rue de la Capitale, à l’arrière du lot qui avait été concédé
à Louis Marié dit Sainte-Marie, se trouve un septième emplacement,
d’abord accordé à Jean Magnan dit Lespérance en , et qui est venu
s’appuyer sur celui de Marie Pacrau, lorsque les rues Chagouamigon et
Outaouaise furent supprimées. À cette occasion, c’est le sieur Jean Tuillier
dit Lacombe qui en est devenu le propriétaire. Le lot se trouvait alors à
mesurer trente-six pieds en front de la rue de la Capitale. Lors du sinistre,
le sieur Dominique Nafréchoux, l’époux de Catherine Leloup, devenu
maître de céans, vit brûler sa maison en bois de deux étages. Elle mesu-
rait trente-deux pieds en façade sur vingt et un de profondeur et elle
avait trois cheminées.
Au bénéfice des descendants du sieur Louis Marié dit Sainte-Marie,
l’auteur se permet la remarque suivante. Désirant honorer leur ancêtre,
les Sainte-Marie ont apposé une plaque commémorative du côté est de
la place Royale, sur la façade sud du bâtiment qui donne sur la rue de la
Capitale. L’inscription mentionne que le sieur Sainte-Marie a habité tout
près sur cette rue. Mais la plaque gagnerait à être transférée sur le côté
ouest de la place Royale, car c’est véritablement à cet endroit qu’a résidé
le premier des Sainte-Marie.
À partir de , le sieur Jacques Quesnel dit Fontblanche s’est succes-
sivement porté acquéreur des anciennes concessions originales des sieurs
Louis Marié dit Sainte-Marie, Jean-Baptiste Demers et Jean Guy. De cette
façon, il devint propriétaire de tout l’espace compris entre les rues de la
Capitale et Saint-Paul, en front de la place Royale.
Plusieurs années passent et, en , le sieur André Grasset de Saint-
Sauveur, un avocat de profession, débarque à Québec en qualité de secré-
taire du nouveau gouverneur de la Nouvelle-France. Trois ans plus tard,
Pierre de La Jonquière décède et le sieur Grasset opte pour habiter
Montréal, en tant que secrétaire du gouverneur de la ville, Pierre de
  L E V IE U X-M O N T R É A L

Vaudreuil. Il continuera d’occuper ce poste lorsque ce dernier deviendra


gouverneur de toute la colonie, en .
En arrivant à Montréal, André Grasset va demeurer dans la maison
que possède René Decouagne sur la rue Saint-Paul, près de la place
Royale. Devenu veuf peu de temps après, il ne tarde pas à succomber aux
charmes de Marie-Josephte, la fille de Jacques Quesnel dit Fontblanche,
qu’il épousera finalement le  juillet .
On sait qu’une importante maison d’enseignement porte le nom
d’André Grasset dans le nord de la métropole. Dans le résumé de la
biographie que nous propose Jacques Bannon dans son ouvrage intitulé
Le Collège André-Grasset –  ans d’histoire, on apprend que le patron
de l’institution serait né au coin nord de la place Royale et de la rue de
la Capitale. Ce serait plus exactement le coin nord-ouest. Il demeure tout
à fait plausible que le sieur Grasset, qui ne figure pas alors comme
propriétaire foncier au terrier, soit demeuré dans l’une des maisons de
son beau-père. Si les lots ne sont pas profonds, ce dernier en possédait
quand même trois. On verra au secteur numéro  que, de par ses
fonctions auprès du gouverneur, le sieur Grasset aura les moyens plus
tard de se permettre une luxueuse demeure.
Que trouve-t-on de nos jours à l’intérieur du quadrilatère ? En partant
du coin des rues Chagouamigon et de la Capitale pour déambuler autour
du carré dans le sens des aiguilles d’une montre, on constate que
l’emplacement de Marie Pacrau est occupé par un édifice en pierre de
trois étages qui a front sur ladite rue de la Capitale. Puis vers le nord,
jusqu’au coin, suit un bâtiment de même matériau et de même hauteur.
La structure du -, rue Saint-Paul, qui semble rattachée à la
précédente, aurait vraiment besoin d’être restaurée. Elle repose en grande
partie, sur la concession qui avait été accordée initialement au sieur
Martin Massé.
Le , rue Saint-Paul, tout à côté, est lui aussi un bâtiment en pierre
de trois étages. De belle architecture, il semble malheureusement avoir
été négligé. Plutôt étroit, l’édifice s’étire jusqu’à la rue de la Capitale pour
couvrir la partie ouest des concessions qui avaient appartenu originale-
ment aux sieurs Chedeville dit la Garenne et Magnan dit Lespérance. À
partir de sa construction ou de sa transformation, en , par son
propriétaire, le marchand de cuir Pierre Delorme, le bâtiment a connu
des modifications jusqu’en . D’abord comme propriétaires, puis
comme locataires et de nouveau comme propriétaires, les Delorme y ont
SE C T E U R N UM ÉR O 3  

fait fleurir leur entreprise jusqu’en . La société importatrice de jouets


Cenco Import Company Limited occupe les lieux depuis près de
cinquante ans.
Bien qu’il soit différent de l’édifice voisin, le  demeure lui aussi fort
intéressant sur le plan architectural. Il fut construit en  par Jacob
Henry Joseph, le même homme d’affaires avec qui nous avions fait
connaissance sur la rue Saint-Hélène, dans le secteur numéro  du présent
ouvrage. Depuis les années , le charmant immeuble sert de résidence
unifamiliale. Ici, nous sommes sur la demie est de la concession que
le sieur Maximilien Chedeville (ou Chefdeville) avait obtenue
en .
Le  de la place Royale correspond à l’emplacement concédé à
l’origine au sieur Jean-Baptiste Demers, sur lequel le sieur Raphaël
Beauvais construira plus tard son auberge. En , c’est le grand-père
maternel du bienheureux André Grasset qui s’en porte acquéreur. Le
bâtiment en pierre qui s’y trouve maintenant a été érigé en , par
Charles M. Delisle. Rodolphe Laflamme, avocat, membre de l’Institut
canadien et ministre dans le gouvernement d’Alexander Mackenzie,
l’achètera en  pour le conserver durant un peu plus de vingt ans.
L’immeuble fut acquis et rénové dans les années  avec l’établisse-
ment d’un restaurant et l’aménagement d’appartements aux étages
supérieurs.
Au coin de la place Royale et de la rue de la Capitale, on remarque un
édifice plus imposant. Construit en deux étapes en  et en  et
appelé l’Édifice de la Commission du Havre, le  repose à la fois sur
les concessions originales des sieurs Guy et Marié dit Sainte-Marie et
sur une partie de celles des sieurs Magnan dit Lespérance et Chedeville
dit La Garenne.
À l’est de la concession de Jacques Le Moyne, les emplacements que
les seigneurs accordaient à même la commune étaient généralement
petits. On comprendra que l’ouverture de la rue de la Capitale (Saint-
Louis) et la fermeture de la rue Outaouaise et de la première rue
Chagouamigon, aussi connue à l’époque sous le nom de Michillimac-
kinac, ont considérablement changé la cartographie des lieux. La
construction du mur d’enceinte n’a fait qu’ajouter à la confusion.
Pour que le lecteur puisse s’y retrouver, voici ce qui s’est passé au début,
dans la partie sud de la commune, à l’est de la concession du sieur
Le Moyne. Un tout petit lot de onze pieds de largeur sur vingt et un de
  L E V IE U X-M O N T R É A L

profondeur a été accordé, en , au sieur François Hazur dit Petit


Marois. Ce terrain, qui s’appuyait sur la propriété du sieur Le Moyne,
donnait directement sur le bord de l’eau, c’est-à-dire sur la rivière Saint-
Pierre. Mais les seigneurs le lui enlevèrent en  et le concédèrent de
nouveau la même année, en plus grande étendue, au sieur Charles
Alavoine, pour former un carré de trente-deux pieds de côté.
Une situation similaire s’est présentée pour l’emplacement voisin. Une
première petite concession de dix-neuf pieds sur seize a été consentie au
sieur Mathieu Brunet dit Letang, en . Elle lui fut retirée par la suite
en , pour être accordée la même année, avec encore une fois une plus
grande étendue, audit sieur Charles Alavoine. Au bout du compte, cet
ancien capitaine devenu marchand s’est retrouvé avec un emplacement
mesurant globalement soixante-deux pieds de largeur par toute la
profondeur entre la rue de la Capitale et la petite rivière (Saint-Pierre).
On constate que la totalité de la concession du sieur Alavoine se trouve
dans le prolongement de celles que possédaient Jean-Baptiste Nepveu et
Marie Pacrau.
La concession suivante est allée au sieur Joseph Guyon dit Després,
en  seulement. De trente-quatre pieds de largeur, elle partait de la rue
de la Capitale, dans l’alignement de la concession de Jean Magnan dit
Lespérance, pour s’arrêter dans sa profondeur, aux nouvelles forti-
fications.
Parmi les maisons ravagées par l’élément destructeur en ce mois de
juin , il y avait, sur la berge de la rivière Saint-Pierre, celle en bois de
deux étages avec deux cheminées du sieur Charles Alavoine, avec vue
sur la pointe et le fleuve au-delà…, du moins jusqu’à l’érection du mur
d’enceinte. Du même endroit aujourd’hui, les yeux se portent directe-
ment sur Pointe-à-Callière, témoin précieux et vigilant du patrimoine
archéologique du Vieux-Montréal.
Deux petites concessions carrées de vingt et un pieds de côté
furent accordées au e siècle, à l’est de celle du sieur Guyon dit
Després. La première alla au sieur Jacques Pinguet en , alors que la
seconde était devenue la propriété du sieur Louis Marié dit Sainte-Marie
dès . Mais les deux emplacements connurent rapidement d’autres
acquéreurs, jusqu’à ce que les seigneurs leur en retirent les droits, en
.
Les sulpiciens les concéderont de nouveau sur une plus grande étendue
vers l’est, de façon à créer un lot de cent treize pieds de largeur, en faveur
SE C T E U R N UM ÉR O 3  

d’Étienne Rocbert père, sieur de la Morandière, qui avait épousé Élisa-


beth Duverger en . On imagine facilement que sa propriété s’est
trouvée à occuper un large espace sur l’extrémité sud de la place Royale
actuelle.
Le sieur de la Morandière était conseiller et garde-magasin pour le
roi. Aussi ses installations étaient-elles considérables. Les pertes ne furent
que plus grandes au moment de la catastrophe. Le rapport du sieur Bouat
décrit d’abord une grande maison en pierre de trois étages qui mesurait
tout près de cinquante-neuf pieds de largeur sur vingt-trois de profon-
deur, avec huit cheminées. Vient ensuite une autre maison en pierre de
deux étages, de quarante-trois pieds de façade sur vingt et un pieds de
profondeur, avec quatre feux. Enfin, il y avait une petite maison carrée,
également en pierre, construite sur le bord de l’eau, probablement par
l’un des deux premiers concessionnaires mentionnés plus haut. Elle avait
exactement les dimensions que possédait chacun de ces terrains, soit
vingt et un pieds de côté.
La boulangerie du roi et le bâtiment du corps de garde qui suivent la
propriété du sieur Rocbert n’ont pas échappé aux flammes. L’ancienne
boulangerie royale était un bâtiment en pierre surmonté d’un étage
en bois avec deux cheminées. Elle mesurait quarante-trois pieds de
largeur sur trente de profondeur. Quant au corps de garde, il était fait
de bois avec deux feux et mesurait cinquante-deux pieds sur vingt et
un.
Étienne, le fils aîné du sieur de la Morandière, n’a pas suivi les traces
de son père. Il embrassa plutôt la carrière militaire en tant qu’ingénieur
et capitaine de troupes. On peut cependant croire que le magasin royal
a été rapidement reconstruit après l’incendie. D’abord par nécessité, et
aussi dû au fait que Louis-Joseph Rocbert, qui se mariera en , a
succédé à son père comme garde-magasin.
Quant à Étienne fils, il aura un héritier prénommé Abel-Étienne, qui
deviendra lui aussi capitaine de troupes. Il épousera Louise-Charlotte
Bailly, en . Mais on ne retrouve plus le patronyme Rocbert par la
suite.
À partir de la station de pompage, un dernier bâtiment datant, de
, complète l’occupation du sol sur le côté ouest de la place Royale. Il
s’agit du Montreal Sailors’ Institute Building, dont l’organisme était
installé à cet endroit depuis , afin de fournir des services d’accueil
aux marins en escale à Montréal. Cet immeuble imposant repose sur la
  L E V IE U X-M O N T R É A L

concession du sieur Guyon Després et, à chaque extrémité, sur une partie
de celles des sieurs Alavoine et Rocbert.
C’est avec pompes et enthousiasme que Lionel Chevrier, alors ministre
canadien des Transports, présidera à l’ouverture d’un nouvel édifice promis
à un brillant avenir avec l’achèvement de la canalisation du Saint-Laurent.
Mais, là comme à Mirabel, le rêve du ministère des Transports du Canada
s’évanouira avec le temps. Les retombées économiques du grand projet de
la voie maritime ne se refléteront pas vraiment sur la métropole. En ,
les Œuvres de la Maison du père acquerront le bâtiment pour héberger les
hommes en difficulté. Heureusement, le coûteux immeuble aura au moins
servi au mieux-être des défavorisés de la société.

La place Royale

C’est Samuel de Champlain qui, après y avoir érigé un mur, à l’occasion


de l’une de ses nombreuses expéditions au cœur du continent, donna au
site le vocable qu’on lui connaît aujourd’hui. C’était en . Mais, dans
les années qui ont suivi la fondation de Ville-Marie, les habitants le dési-
gnèrent simplement comme place publique, jusqu’en , soit jusqu’à
ce que les seigneurs concèdent l’endroit pour en faire un marché public.
À partir de ce moment, le site fut connu comme place du Marché, puis
comme étant la place d’Armes. De nos jours, la place a repris le nom que
lui avait donné le fondateur de Québec, il y a près de quatre cents ans.
On a pu constater qu’au moment de l’incendie de  le bâtiment du
corps de garde, la boulangerie du roi et la partie est de la propriété du
sieur Rocbert bornaient la place même et que l’espace a été reconstruit
par la suite, toujours dans le prolongement de la rue de la Capitale. Au
cœur de la place Royale, on érigea, entre  et , la Maison de la
douane, qui subsiste encore de nos jours et qui abrite maintenant la
boutique du musée de Pointe-à-Callière.
Nous sommes en présence d’un bel édifice en pierre de deux étages
dans le style de Palladio, lui qui savait si bien adapter les éléments de
l’architecture antique aux goûts et aux besoins de ses contemporains.
C’est l’une des œuvres du célèbre John Ostell, cet architecte américain
auquel Montréal doit plusieurs de ses bâtiments construits durant la
même époque.
Afin de donner à la Maison de la douane un accès direct au port, le
gouvernement fédéral expropria les bâtiments construits après , à
SE C T E U R N UM ÉR O 3  

La Maison de la douane et sa fontaine.

l’extrémité sud de la place Royale, ce qui a eu pour effet d’agrandir la


place elle-même. Après avoir déménagé son service de la douane en ,
le gouvernement canadien continuera d’occuper le bâtiment. Plusieurs
ministères et organismes fédéraux s’y succéderont et y fourniront divers
services gouvernementaux jusqu’en . C’est la Ville de Montréal qui
devient alors propriétaire de l’édifice. Elle le cédera presque aussitôt au
musée Pointe-à-Callière.

De la place Royale à la rue Saint-Sulpice

Entre  et , cinq concessions originales furent accordées par les
messieurs, depuis la place Royale jusqu’à la rue Saint-Sulpice. Si l’ordre
suivi quant à leur emplacement, ne laisse aucun doute, il a fallu composer
davantage avec les mesures. Mais une analyse poussée des textes du
terrier en relation avec l’espace réel entre les deux extrémités permet de
bien s’y retrouver.
D’ouest en est, on note, en premier, la concession du sieur Charles
d’Ailleboust accordée en deux contrats distincts, passés en  et en
. S’il y a contradiction quant à la largeur du lot le long de la rue Saint-
Paul, il demeurerait toutefois difficile de lui donner une mesure supé-
rieure à cinquante-trois pieds.
  L E V IE U X-M O N T R É A L

L’espace suivant a été cédé en , aux sieurs Jacques Le Ber et Charles
Le Moyne, qui avaient pourtant été bien servis du côté nord de la rue
Saint-Paul, à partir de . La concession avait une largeur de soixante-
quatre pieds, une mesure qui, suivant analyse, comprenait nécessaire-
ment une bande de terrain de douze pieds que le voisin Bénigne Basset
avait dû consentir à remettre, à la demande des seigneurs, sur l’espace
qu’il avait obtenu un an plus tôt. Le notaire ne bénéficiera plus que de
trente-cinq pieds en largeur.
Les deux derniers terrains, qui mesuraient soixante-quatre pieds
chacun, sont allés respectivement au sieur Pierre Picoté de Belestre et au
sieur Jean-Baptiste Migeon de Bransac. Les cinq concessions seront légè-
rement réduites dans leur profondeur par l’ouverture de la rue de la
Capitale.
En , les Le Ber et Le Moyne achètent la concession du sieur d’Aille-
boust. Ils la vendent ensuite au marchand Louis Le Comte Dupré,
quatorze ans plus tard. C’est ce dernier qui procédera au morcellement
pour créer des lots en front de la place Royale. Il vendra deux terrains
en , dont celui au coin de la rue de la Capitale, à son beau-frère, Jean-
Baptiste Charly dit Saint-Ange. Le sieur Dupré habitera sur le reste, au
coin de la rue Saint-Paul, jusqu’à son décès. C’est son épouse, Catherine
de Saint-Georges, qui encaissera la perte d’une maison en pierre de deux
étages avec quatre cheminées, en . La maison mesurait trente-neuf
pieds de façade sur trente-deux de profondeur.
Le  février , la pauvre femme demande au tribunal l’autorisation
de vendre le terrain et les débris d’une maison qu’elle possède au coin de
la place d’Armes (place Royale) et de la rue Saint-Paul, et qui avait été
consumée par l’incendie du mois de juin précédent. Un coup l’autorisa-
tion accordée, madame Dupré en profitera pour subdiviser son empla-
cement en deux lots. Celui du coin sera vendu au sieur Antoine Magnan
dit Lespérance et Jean-Baptiste Charly dit Saint-Ange, le beau-frère de
Catherine Dupré, se portera acquéreur du résidu. Le sieur Charly avait
lui-même subi la perte de sa maison en pierre de deux étages avec quatre
feux au coin de la place Royale et la rue de la Capitale.
Au fur et à mesure que nous avançons vers l’est, nous approchons de
plus en plus du foyer d’où le terrible incendie tirait son origine. Les biens
que possédait le sieur Jean-Baptiste Hervieux sur la concession qu’il avait
achetée des sieurs Le Ber et Le Moyne, en , n’échappèrent pas à la
grande calamité. L’important négociant qu’il était devait entreposer
SE C T E U R N UM ÉR O 3  

énormément de marchandises, car sa maison principale en pierre de


deux étages, en front de la rue Saint-Paul, couvrait la pleine largeur du
lot, soit soixante-quatre pieds, et elle avait une profondeur de quarante-
trois pieds. À l’arrière de ce bâtiment s’en trouvait un autre, en bois
celui-là et d’un étage seulement, avec deux feux. Il mesurait quand même
cinquante-trois pieds de largeur sur vingt-quatre.
Les héritiers de l’arpenteur Basset avaient déjà disposé des biens de
leur père, en . Le sieur François Harel dit Despointes y possédait alors
un lot de dix-neuf pieds en front de la rue de la Capitale. Sa maison,
carrée, en bois, d’un étage de dix-neuf pieds de côté occupait évidemment
la pleine largeur de l’emplacement. C’est le sieur Charles Alavoine qui
avait acheté la plus grande partie de la concession. Sa maison en bois de
deux étages, sur Saint-Paul, mesurait vingt et un pieds sur trente-deux.
La concession du sieur Migeon de Bransac le long de la rue Saint-
Sulpice fut scindée en deux lots en , la partie sud faisant le coin avec
la rue de la Capitale. C’est le marchand Pierre Trotier (Trottier) dit
Desaulniers, dont la sœur Marie Catherine épousera l’héritier de la
concession voisine, François Picoté de Belestre, en , qui l’achètera.
Les beaux-frères perdirent tous leurs biens. Le sieur Trotier avait deux
bâtiments. La maison principale en pierre de deux étages, avec quatre
feux, mesurait cinquante-cinq pieds sur vingt-six. La seconde de même
largeur sur vingt-trois de profondeur était également en pierre, mais
n’avait qu’un étage avec deux cheminées. Le lecteur aura constaté que les
habitants du secteur étaient des marchands pour la plupart. Il est certain
que le triste incendie engendra une sérieuse pénurie.
De nos jours, entre la rue Saint-Paul et la rue de la Capitale, les deux
bâtiments du côté est de la place Royale et les aires de stationnement qui
les entourent couvrent la concession originale qu’avait obtenue Charles
d’Ailleboust au e siècle et la demie ouest de celle que possédaient, au
départ, les sieurs Le Ber et Le Moyne. Cette demie ouest avait été créée
vers , lorsque la concession fut divisée en deux, le sieur Toussaint
Poitier (Pothier) prenant possession de la partie ouest et le sieur Jacques
Hervieux de la partie est.
On peut dire que l’édifice au coin de la place Royale et de la rue Saint-
Paul se trouve en bonne part sur le lot pour lequel madame Le Comte
Dupré voulait une autorisation de s’en départir, en . La constrution
en pierre taillée remonte à , lorsque Denis-Benjamin Viger résolut
de démolir les deux bâtiments existants dont il avait hérité de son père.
  L E V IE U X-M O N T R É A L

Vue de la place Royale lors d’une inondation en 1869. Musée McCord.

Longtemps occupé par des marchands de différents domaines, l’édifice


accueille la Galerie Place Royale qui a pignon sur la rue Saint-Paul, alors
que le reste loge des bureaux.
L’autre bâtiment en pierre de quatre étages fait le coin de la place
Royale et de la rue de la Capitale. Il porte le numéro  de la place Royale.
C’est là qu’une plaque rappelle, probablement à tort, que l’ancêtre des
Sainte-Marie, originaire de Tours en France et arrivé à Montréal en ,
est demeuré tout près.
C’est à la suite d’un gros incendie, survenu en  aux abords de la
place Royale, que Hannibal H. Whitney construira deux magasins entre-
pôts sur le site qu’il occupait auparavant. Il ne reste plus que celui qu’on
observe aujourd’hui, mais une intéressante photo prise lors d’une inon-
dation en , par Alexander Henderson, permet d’apercevoir les deux
bâtiments. Elle rappelle en même temps combien les édifices du secteur
étaient alors exposés à subir les effets des embâcles qui se créaient sur le
fleuve chaque printemps.
Au début du e siècle, on ajoute un étage à cet immeuble et on
remplace la pierre de taille, en façade, par de la brique. Dans les années
, on retranche le dernier étage et on revient à la pierre en façade.
SE C T E U R N UM ÉR O 3  

Puis, en , le bâtiment sera restauré, cette fois à l’image de sa concep-


tion d’origine, avec de la véritable pierre de taille et de larges fenêtres. Le
 de la place Royale loge des entreprises versées notamment dans le
monde des arts cinématographiques.
Affecté par le même sinistre de , le site que possède Jean-Louis
Beaudry, et qui avait appartenu au sieur Jacques Hervieux en , sera
immédiatement reconstruit pour donner le -, rue Saint-Paul,
auquel un étage est ajouté en . Mais cet étage disparaîtra lui aussi,
quarante ans plus tard, à la suite d’un nouvel incendie. En ce e siècle,
l’édifice est inoccupé et prend de plus en plus une allure délabrée.
Détruit en même temps que les précédents, le bâtiment qui suivait
sera remplacé dès . Le nouveau propriétaire du site, William Lyman,
construit alors le  de la rue Saint-Paul. Grosso modo, le terrain
correspond, en bonne part, à la concession que possédait l’arpenteur
Bénigne Basset en .
Peu de temps après la construction, les deux frères de William Lyman,
Benjamin et Henry, ainsi que leur associé Alfred Savage feront l’acqui-
sition de l’immeuble dans lequel ils se sont d’ailleurs déjà installés. Leur
société du domaine des produits pharmaceutiques sera exploitée par les
Lyman et leurs héritiers jusqu’en , au gré des changements qui
surviennent au sein des partenariats qu’ils créent.
Entretemps, ils auront étendu leurs activités aux deux bâtiments
voisins vers l’est, tout en quittant cependant le , rue Saint-Paul, dès le
début du dernier siècle. C’est le manufacturier de papier Jean-Baptiste
Rolland qui l’occupera pendant plus de trente ans. Mais aujourd’hui,
comme sa voisine à l’ouest, la bâtisse ne paie pas de mine. Les deux
immeubles se rendent jusqu’à la rue de la Capitale.
Les deux édifices qui suivent sur la rue Saint-Paul, construits eux aussi
immédiatement après l’incendie de , ont eu un destin commun à trois
reprises. Si la famille Lyman y a exercé longtemps son commerce de
produits pharmaceutiques, le Laboratoire Nadeau limitée, devenu proprié-
taire des deux immeubles, en fera autant dans un domaine similaire,
jusqu’en . De plus, si différents genres de commerce y ont aussi
pratiqué leurs activités à certains moments, les deux bâtiments sont
encore liés aujourd’hui pour une vocation commune. Depuis , c’est
l’hôtel Nelligan qui les occupe. Un restaurant qui donne sur la rue Saint-
Paul et la boutique de vêtements Le Vaisseau d’or, qui évoque l’œuvre célèbre
de l’illustre poète, font partie intégrante de l’établissement hôtelier.
  L E V IE U X-M O N T R É A L

Le premier des deux édifices (n -) se trouve approximativement


sur la concession qu’avait obtenue le sieur Pierre Picoté de Belestre en
, alors que le - au coin de la rue Saint-Sulpice est construit sur
celle que le sieur Jean-Baptiste Migeon de Branssat avait reçue la même
année. On a vu précédemment combien les propriétaires des lieux en
 avaient été éprouvés.

La rue de la Commune

Du côté de la rue de la Capitale, en laissant la boulangerie du roi et


l’emplacement du corps de garde, le résidu de terrain qui va jusqu’aux
fortifications n’a qu’environ vingt-trois pieds de profondeur, ce qui est
peu propice à la construction d’habitations, sauf peut-être au coin de la
rue Saint-Sulpice, en changeant l’orientation du bâtiment.
Malgré tout, trois concessions ont été accordées à l’est du lot du corps
de garde. La première fut prise par Denis Étienne sieur de Clairin en
, pour une largeur de soixante-dix-huit pieds. Suit un terrain de
même dimension dont bénéficia également, en , le sieur Jean Quenet.
Celui du coin avec soixante-quatre pieds le long de la rue de la Capitale
fut octroyé à dame Catherine Gauchet, la veuve du sieur Migeon de
Branssat. Le sieur de la Gauchetière le vendra à Pierre Trotier dit Desaul-
niers en .
La démolition du mur d’enceinte a permis d’ouvrir la rue de la
Commune, appelée jadis rue des Commissaires, et de donner une profon-
deur plus raisonnable aux emplacements situés au sud de la rue de la
Capitale. Nous sommes maintenant en face du fleuve ou, du moins, nous
devrions l’être, car nous avons dépassé l’embouchure de la rivière Saint-
Pierre. Mais, en fait, nous nous trouvons plutôt en bordure des aména-
gements portuaires.
Les bâtiments actuels, qui vont de la rue de la Capitale à la rue de la
Commune, sont évidemment construits, du moins en façade, au-dessus
du site des anciennes installations de protection de la ville. Quatre
édifices sont concernés.
Le Boyer’s Block (, rue de la Commune et , place Royale) fut érigé
en , par l’homme d’affaires Louis Boyer. Là encore, l’édifice en
remplace deux autres incendiés en , qui appartenaient alors à John
Molson. La proximité du port a longtemps favorisé l’installation de
bureaux de courtiers maritimes, d’armateurs et d’inspecteurs de farine
SE C T E U R N UM ÉR O 3  

et de céréales. Même le directeur du port de Montréal y aura son bureau,


durant un certain temps. Restauré au milieu des années , l’édifice a
gardé quand même sa vocation d’immeuble à bureaux. Toutefois, un
atelier de photographie d’art s’est installé au , rue de la Commune. Le
bâtiment mesure une centaine de pieds de largeur et repose pour environ
une moitié sur l’ancien site du bâtiment du corps de garde et la demie
est, sur la concession qu’avait obtenue le sieur Denis Étienne de Clairin,
en .
C’est le - qui occupe le résidu de terrain du sieur de Clairin, alors
que le - couvre l’espace que possédait le sieur Jean Quenet en ,
tout en débordant sur la propriété qu’avait Catherine Gauchet à la même
époque. L’édifice au coin de la rue Saint-Sulpice complète la concession
de cette dame. On doit noter que la correspondance ici fournie pour tous
ces immeubles ne s’applique que pour la profondeur initiale de vingt et
un pieds des lots. L’agrandissement vers la rue de la Commune n’est
évidemment venu que plus tard, au e siècle.

De nobles familles bourgeoises

Mais qui étaient ces gens qui, à un moment ou l’autre, ont eu pignon sur
rue ou, du moins, ont possédé une concession d’origine, au sud de la rue
Saint-Paul du temps de la Nouvelle-France ? Lorsqu’il a été question des
concessions au nord de la rue Saint-Paul, nous avons brièvement parlé de
Jacques Le Ber. L’auteur juge qu’il peut être intéressant d’ajouter quelques
mots sur certains autres personnages qui figurent parmi ceux qui ont pu
marquer l’extrême partie sud du territoire dans le secteur numéro .

D’Ailleboust

Plusieurs d’Ailleboust s’installèrent en Nouvelle-France. Deux d’entre


eux arrivèrent à Ville-Marie en  et habitèrent le fort construit par
Maisonneuve à la pointe à Callière. Charles accompagnait son oncle
Louis d’Ailleboust de Coulonges, un ingénieur de profession qui devait
devenir gouverneur intérimaire de Montréal (-), puis troisième
gouverneur en titre de la Nouvelle-France de  à . À la fin de son
terme, Louis d’Ailleboust se retira à l’île d’Orléans, mais il a dû rester
profondément attaché à Montréal, où il vint y mourir entouré des siens,
en . Il ne laissa pas de descendance.
  L E V IE U X-M O N T R É A L

L’ancien gouverneur était né en Champagne en . Il était le fils de


Suzanne Hotman et d’Antoine d’Ailleboust, conseiller du prince de
Condé. Suzanne Hotman donna naissance à un autre fils prénommé
Nicolas, qui devait devenir le père de Charles, celui-là même qui accom-
pagna son oncle au fort de Ville-Marie. Charles d’Ailleboust, conces-
sionnaire sur le côté sud de la rue Saint-Paul, eut de nombreux enfants
et petits-enfants qui s’établirent dans les régions de Montréal et de
Québec. Parmi eux, un petit-fils, Charles-Joseph, fut nommé gouverneur
de l’île Royale, en .

Charles Le Moyne

Charles Le Moyne fut d’abord nommé greffier de la sénéchaussée, en


. Il ne resta pas cependant longtemps dans l’écriture, mais demeura
plutôt célèbre pour ses exploits guerriers. Sa bravoure lui valut le respect
des Amérindiens qui lui donnèrent le sobriquet d’Akouessa (La Perdrix).
En , il fut anobli par Louis XIV et devint le premier baron de
Longueuil. La vie aventureuse de ses sept fils constitue en soi toute une
épopée.

Bénigne Basset

Bénigne Basset demeure une figure importante des premières années de


Ville-Marie. Il s’est acquis une réputation en tant qu’arpenteur-notaire
et c’est à ce titre que Dollier de Casson le chargea d’arpenter les rues de
Montréal en . S’il est vrai qu’il faut alors obtenir une concession et
une autorisation pour l’occupation du sol, on doit admettre que, trente
ans après la fondation de Ville-Marie, la réalité sur le terrain diffère
parfois considérablement des documents officiels. Par ses talents de
géomètre et fort de l’autorité qui lui avait été conférée, Bénigne Basset a
très bien rempli la tâche qui lui a été confiée.
En , Basset épouse Jeanne de Vauvilliers. Le couple ne semble pas
avoir laissé de descendance, du moins sous le nom de Basset, car, selon
certains documents, on écrivait Basset dit des Lauriers. Des recherches
sommaires n’ont cependant pas permis d’établir un lien entre les Deslau-
riers d’aujourd’hui et Bénigne Basset.
SE C T E U R N UM ÉR O 3  

Jean-Baptiste Migeon de Branssat

Jean-Baptiste Migeon de Branssat épousa Catherine Gauchet en ,


soit juste un an avant d’obtenir sa concession au coin des rues Saint-Paul
et Saint-Sulpice. Ce sieur exerça à Montréal les fonctions de procureur
fiscal, de juge et de lieutenant général. La tâche du procureur fiscal était
considérable à l’époque. Il veillait à la fois aux droits du seigneur et à
l’intérêt commun, par exemple aux droits des mineurs. Ce magistrat
voyait également à la publication et à l’observance des ordonnances. Il
intervenait aussi dans les affaires criminelles.
  

Borné par la rue Saint-Sulpice, la côte de la place d’Armes,
la ruelle des Fortifications, le boulevard Saint-Laurent,
et les rues Notre-Dame, Saint-Jean-Baptiste et de la Commune
   ’-

Le secteur numéro  demeure celui de la grande entreprise de Jeanne


Mance qui a pour nom l’Hôtel-Dieu. Si l’hôpital a été déménagé depuis
longtemps dans un autre quartier de la ville, l’institution n’en a pas moins
marqué le Vieux-Montréal et ses alentours durant deux siècles. Ce n’est
pas sans raison qu’on a récemment nommé cette grande pionnière, d’une
étonnante énergie et d’une volonté à toute épreuve, cofondatrice de Ville-
Marie.
Nous traverserons le site où elle a œuvré sa vie durant et sur lequel les
religieuses Hospitalières de Saint-Joseph ont perpétué son rêve huma-
nitaire qu’elles transporteront, par la suite, sur l’avenue des Pins. Avec
ses bâtiments et ses jardins, l’institution couvrait une grande surface.
Jeanne Mance n’était pas tellement attachée aux biens matériels pour
elle-même, mais elle a su fort bien s’organiser et prendre les bonnes déci-
sions pour mener ses projets à terme. On n’a qu’à se rappeler les sommes
qu’elle a mises à la disposition du sieur Chomedey de Maisonneuve pour
le recrutement de nouveaux colons en France, à un moment où le beau
rêve de Ville-Marie semblait devoir sombrer.
Par contre, au temps de Jeanne Mance, l’auteur n’a pu retracer de texte
au terrier déjà cité, qui montrerait que l’Hôtel-Dieu formait une entité
légale avec le pouvoir de transiger des biens immobiliers. Sauf peut-être
en , lorsque Élisabeth Moyen, la veuve de Lambert Closse, a cédé à
l’Hôtel-Dieu, devant le notaire Basset, un terrain d’une bonne superficie,
situé dans le secteur numéro  du présent ouvrage. En ce qui concerne
le site même au coin des rues Saint-Paul et Saint-Sulpice, il faudra
attendre au  janvier  pour définir un droit de propriété, lorsque les
Hospitalières de Saint-Joseph entreront officiellement en possession des
installations de l’hôpital. Le contrat passé devant le notaire Maugue
décrit deux terrains distincts en plus de celui qui vient d’Élisabeth
Moyen.
Il y a d’abord ce qu’on appelle l’enclos sur lequel l’hôpital est érigé,
c’est-à-dire un vaste terrain au nord de la rue Saint-Paul et à l’est de la
rue Saint-Joseph qui prendra plus tard le nom de Saint-Sulpice, et aussi
un autre terrain, celui-là beaucoup plus petit et situé du côté sud de la
  L E V IE U X-M O N T R É A L

rue Saint-Paul. Ce dernier espace mesure deux cent dix-neuf pieds de


largeur, depuis ladite rue Saint-Joseph, pour aller s’appuyer sur la conces-
sion qu’avaient reçue les Dames de la Congrégation quatorze ans aupa-
ravant. Les filles de Marguerite Bourgeoys joueront elles aussi un rôle
déterminant dans le développement du secteur numéro . Pour y arriver,
elles procéderont à un échange important en .

     -

C’est du sud vers le nord que nous parcourons ce nouveau secteur. Avant
qu’une concession ne soit accordée aux Dames de la Congrégation, en
, l’octroi d’emplacements par les seigneurs sur le côté sud de la rue
Saint-Paul, entre les rues Saint-Sulpice et Saint-Jean-Baptiste, avait connu
un départ plutôt lent. En fait, deux terrains seulement avaient été
concédés vers . Pour sa part, le sieur André Charly dit Saint-
Ange (Saint-Onge) avait obtenu un emplacement de quarante-huit pieds
de front sur Saint-Paul, tout près de la rue Saint-Jean-Baptiste, qui ne
sera ouverte que beaucoup plus tard. Entretemps, cette concession
sera élargie vers l’est, pour déborder dans le secteur numéro . Quant à
l’emplacement vers l’ouest, il est allé conjointement aux sieurs Claude
Fézeret et Jacques Picot dit Labrie, pour une largeur de quarante et un
pieds.
Un troisième emplacement sera cédé à un particulier par les Dames
de la Congrégation elles-mêmes, en . L’acquéreur, du nom de Pothier,
obtient ainsi un lot de quarante pieds de largeur sur Saint-Paul, juste à
l’ouest de celui des sieurs Fézeret et Picot dit Labrie.
Avant que d’autres terrains soient aliénés, une transaction détermi-
nante s’est effectuée en , entre les Hospitalières de Saint-Joseph et
les Dames de la Congrégation. Ces dernières voulaient s’installer du côté
nord de la rue Saint-Paul. Elles cèdent alors tout l’espace qui leur
appartient du côté sud, pour obtenir, en retour, celui qui est contigu à
l’hôpital, de l’autre côté de la rue. Les Hospitalières deviennent ainsi
seules propriétaires de tout le terrain compris entre la rue Saint-Sulpice
et la concession du sieur Pothier, ce qui correspond à une largeur de près
de quatre cents pieds.
Mais la liquidation ne tardera pas à démarrer. Elle commencera en
cette même année , avec la vente d’une bande de six pieds et demi
SE C T E U R N UM ÉR O 4  

de largeur au sieur Pothier, et elle s’échelonnera jusqu’en . Une ving-


taine de terrains seront vendus. Seule une petite rue, la rue du Roy,
connue maintenant comme étant la rue Saint-Dizier, est ouverte jusqu’au
fleuve et sera conservée par les religieuses. Certains des lots avaient front
sur la rue de la Capitale (Saint-Louis) qui s’est fondue plus tard dans la
rue de la Commune. Aujourd’hui en effet, cette artère ne s’étend plus
vers l’est, au-delà de la rue Saint-Sulpice, l’espace la séparant de la rue de
la Commune s’amenuisant considérablement.
Même si les descriptions au terrier sont ambiguës et parfois difficiles
à saisir, l’étude et les recherches entreprises par l’auteur ont permis de
reconstituer de façon plus que satisfaisante les emplacements qu’ont
obtenus les premiers acquéreurs auprès des religieuses.
Fournir systématiquement les dimensions de chacun des lots ne
semble pas nécessairement utile et l’énumération constante de mesures
peut rendre la lecture du texte insupportable. Aussi fallait-il essayer de
s’en tenir aux stricts besoins, le plus important demeurant toujours
l’établissement, dans un même lieu, de la correspondance entre la
propriété initiale et ce que l’on retrouve maintenant. La planche de la
page  permet de visualiser très bien la place qu’occupaient les nouveaux
lots créés, avec, pour chacun, le nom du premier acquéreur.
Considérons d’abord la lisière de terrain de trente-trois pieds de
largeur qui longe la rue Saint-Sulpice et va de la rue Saint-Paul à la rue
de la Commune. C’est Laurent Renault qui, en , bénéficie de l’em-
placement au coin des rues Saint-Sulpice et Saint-Paul. Il y construira
une maison en bois de deux étages avec deux cheminées qui mesurait
vingt-huit pieds de front sur trente-deux de profondeur. Vingt-cinq ans
plus tard, son épouse Anne Guyon aura le malheur de voir tous ses biens
réduits en cendres. Durant l’année qui a suivi, la veuve Renault se rési-
gnera à vendre son emplacement au sieur de Bercy.
L’édifice actuel érigé au coin sud-est des rues Saint-Paul et Saint-Sul-
pice occupe un emplacement correspondant à celui que possédait le sieur
Renault et aussi à une partie de celui qui avait été consenti, en , à
nul autre qu’au célèbre Gédéon de Catalogne, cartographe du roi. Au
moment du grand incendie, deux maisons se trouvent sur le terrain qui
avait appartenu à l’ingénieur cartographe. Il est probable que c’était
Jeanne Brossard, la veuve du sieur Henry Catin, qui était la voisine de
dame Renault. La perte de tous ses biens la plongea dans l’indigence. C’est
en tout cas la raison qu’elle invoque, le  mars , dans sa demande
  L E V IE U X-M O N T R É A L
SE C T E U R N UM ÉR O 4  
  L E V IE U X-M O N T R É A L

d’autorisation pour « vendre une maison incendiée qu’elle possédait rue


Saint-Joseph » (Saint-Sulpice). Avant le désastre, la maison en bois de deux
étages, avec deux feux, mesurait trente-deux pieds sur vingt et un.
Construit en , par le propriétaire de la Salada Tea Company, ledit
édifice abritera les activités commerciales de l’entreprise pendant plus
de dix ans. Il passera ensuite du thé au café en logeant la London House
Coffee Ltd., pendant quarante-cinq ans, soit jusqu’en . Transformé
par après, il deviendra un immeuble à bureaux.
Gédéon de Catalogne n’a pas que produit des cartes. Arrivé en
Nouvelle-France en , cet ingénieur soldat prend part à de nombreuses
expéditions périlleuses en tant que militaire, depuis la baie d’Hudson
jusqu’au cœur de l’Amérique. En , soit six ans avant d’obtenir une
concession sur la rue Saint-Sulpice, il épouse Marie-Anne Lemire qui
lui donnera dix enfants. Mais la vie familiale ne rend pas Gédéon de
Catalogne sédentaire pour autant. Il se consacre de plus en plus aux
ouvrages de génie, plutôt qu’aux combats sur les véritables champs de
bataille, ce qui l’amène aussi loin qu’à Louisbourg. Il participe active-
ment à de nombreux travaux de fortifications, notamment à Québec, à
Trois-Rivières et à Bécancour. En , il confectionnera une intéressante
carte de Montréal.
Entre  et , un important grossiste en tissus et en mercerie
achète plusieurs édifices, plus précisément quatre sur la rue Saint-Paul
et trois sur la rue de la Commune. L’ensemble est connu depuis sous
l’appellation Immeubles Alphonse-Racine. À la suite d’une fusion en
 et jusqu’à la fin des années , ils sont occupés par la maison
Greenshields, Hodgson, Racine Limited, agissant toujours dans le même
domaine des tissus et de la mercerie. Aujourd’hui encore, les sept
bâtiments, malgré leurs différences architecturales, forment un tout qui
repose sur une seule et même entité cadastrale.
Si les ouvertures au rez-de-chaussée des immeubles de la rue de la
Commune ne présentent essentiellement que des plateformes de
chargement et de déchargement, l’ensemble subit actuellement des
transformations destinées à créer des résidences et des boutiques de luxe
à l’intérieur d’un complexe appelé Cité du Nouveau Monde.
Le tout occupe évidemment plusieurs des terrains vendus par les
Hospitalières à la fin du e siècle et durant le e. Le complexe

. The Canadian and Numismatic Journal, Third Series, April , volume XII, no .
SE C T E U R N UM ÉR O 4  

repose d’abord sur une partie de la concession du sieur de Catalogne et


sur celle du sieur Pothier dit Laverdure, en front de la rue Saint-Sulpice.
Puis, en partant de l’emplacement du sieur Renault, se succèdent, sur
Saint-Paul, des lots tous concédés vers , aux sieurs François Poulin
dit Francheville, François Volant sieur de Radisson, Joseph Guyon
Després et Tétreault, probablement Jean de son prénom, ainsi que le lot
de Jean-Baptiste Latour, concédé en . Ensuite, dans le même ordre,
le long de l’ancienne rue Saint-Louis, un peu en retrait de la rue de la
Commune, on rencontre, successivement, les emplacements des sieurs
Jean-François Volant de Radisson (), Jean Gareau dit Saint-Onge
(), Alexis Leguay (----) et Ignace Gamelin ().
On peut se demander pourquoi les religieuses ont tardé à vendre une
étroite bande de terrain qui allait de la rue Saint-Paul à ce qui était dans
le temps la rue Saint-Louis, alors que les lots adjacents avaient déjà été
aliénés en faveur de particuliers. C’est tout simplement parce que les
Hospitalières y avaient probablement aménagé une boulangerie et leur
manufacture. Ce n’est donc qu’après le triste incendie de  qu’elles ont
songé à subdiviser cette lisière de terrain, de façon à créer deux lots l’un
derrière l’autre. Le bâtiment détruit avait trois cheminées. Il mesurait
environ vingt-deux pieds de largeur et s’étendait sur une profondeur de
plus de cent six pieds.
Nous sommes ici juste en face de l’hôpital et aucun des bâtiments
construits alors sur le site actuel de la Cité du Nouveau Monde n’a
échappé au désastre, ce qui inclut la boulangerie et la manufacture des
Hospitalières. Voici un résumé des pertes, accompagné, à l’occasion, de
quelques notes sur les occupants eux-mêmes :

Sur Saint-Paul

- La maison en pierre de deux étages, juste à l’ouest de la boulangerie,


appartenait au sieur Joseph Guyon Després.
- La suivante était une construction carrée en pierre aussi de deux
étages, où logeait le sieur Volant de Radisson. Même si une note du
Journal signale qu’il s’agissait d’Étienne Volant de Radisson,
l’auteur en doute. Il y a peu de chance qu’Étienne ait vécu à
Montréal. Par contre, son neveu François Volant était propriétaire
d’un lot sur la rue Saint-Paul, acquis un peu avant . Ses voisins
de chaque côté ont perdu tous leurs biens lors du sinistre. C’est donc
  L E V IE U X-M O N T R É A L

plutôt la maison de François qui a brûlé. Avec ses quatre cheminées,


elle mesurait trente-neuf pieds de côté.
Les Volant de Radisson descendent du célèbre Pierre-Esprit
Radisson par l’union de sa fille Françoise avec Claude Volant. En
fait, François était l’arrière-petit-fils du grand aventurier et le fils
de Nicolas Volant. En , Michelle Pothier Laverdure unira son
destin à François.
- Toujours en allant vers l’ouest, ce fut au tour du sieur François
Poulin dit Francheville de perdre sa demeure. En pierre de deux
étages avec quatre feux, jouxtant celle de la veuve Renault, elle
mesurait quarante-quatre pieds sur trente-neuf. Il peut être inté-
ressant de savoir que François Poulin de Francheville était le fils
de Michel Poulin de Saint-Maurice, qui avait épousé à Trois-
Rivières une fille d’Élisabeth Radisson. Le concessionnaire de la
rue Saint-Paul avait pour grand-père Maurice Poulin, procureur
du roi et premier découvreur d’un gisement de fer au Canada,
découverte qui conduisit à l’exploitation d’une mine et à l’érection
des Vieilles Forges du Saint-Maurice.

Sur l’ancienne rue Saint-Louis

- En partant du terrain de la manufacture, il y avait en premier, sur


Saint-Louis, la maison en bois de deux étages avec deux cheminées
du sieur Julien Auger dit Grandchamp, qui avait acheté la propriété
du sieur Alexis Leguay, le premier occupant. La maison mesurait
trente-deux pieds de front sur vingt et un de profondeur.
- Suit la maison du sieur Pierre Gareau dit Saint-Onge, le fils de Jean.
Pierre Gareau avait épousé en secondes noces Marie-Anne, la fille
du notaire Claude Maugue. La maison en pierre de deux étages
avec trois cheminées du sieur Gareau présentait une façade de
quarante-trois pieds sur vingt-six de profondeur.
- Jean-Baptiste Desrosiers était décédé depuis deux ans lorsque sa
maison en bois de deux étages, avec deux feux, s’est envolée en
fumée. Elle était alors habitée par sa veuve, Barbe Bousquet, et ses
quatre enfants. La demeure mesurait trente-deux pieds en largeur
et vingt et un de profondeur.
SE C T E U R N UM ÉR O 4  

Sur Saint-Sulpice

- La maison du sergent Louis Leroux dit La Chaussée, au coin de


l’ancienne rue Saint-Louis, était construite sur deux étages. Elle
avait deux cheminées et mesurait trente-quatre pieds de largeur
avec une profondeur de vingt-huit pieds, le long de la rue Saint-
Sulpice. C’est en  que le sergent Leroux avait acheté sa propriété
du sieur Claude Pothier dit Laverdure, soit trois ans après avoir
épousé Catherine-Madeleine Boivin.
- Au nord de la maison précédente, se trouvait celle en bois de deux
étages du sieur Ignace Jean dit Vien. Elle avait deux feux et mesu-
rait trente pieds sur vingt-deux. Le sieur Jean était l’époux d’An-
gélique Dandonneau. Nous nous trouvons ici sur une partie du lot
qu’avait obtenu Gédéon de Catalogne en .
En laissant le complexe Cité du Nouveau Monde, ou si l’on veut l’an-
cienne boulangerie et la manufacture, il reste encore un espace avant
d’atteindre la limite est de la concession originale des Hospitalières de
Saint-Joseph. La partie en front de la rue Saint-Paul a été consentie vers
 à dame Marguerite Caesar dite de La Gardelette, alors que le sieur
Jean Brunet se voyait accorder, à peu près à la même époque, celle qui
donnait sur la rue Saint-Louis. Marguerite Caesar était la fille de François
Caesar dit de la Gardelette, un soldat de la compagnie de Saint-Ours,
dans le célèbre régiment de Carignan. Il est cependant à peu près certain
que les ventes se sont réalisées après le grand incendie, car les deux béné-
ficiaires ne figurent pas sur la liste des sinistrés du sieur Bouat. Il est même
fort probable que les lieux étaient occupés par la ménagerie de l’Hôtel-
Dieu, à savoir une construction en pierre de deux étages qui mesurait
trente-deux pieds sur trente-neuf avant d’être réduite en cendres.
Avec les lots qui suivent, autant sur Saint-Paul que sur de la Commune,
nous nous trouvons sur l’espace que les Hospitalières ont acquis dans
leur échange avec les dames de la Congrégation. Cette partie de terrain
ne sera aliénée qu’après l’incendie de . Il est fort probable que les
religieuses y avaient quelques installations. Si tel est le cas, elles ont
été détruites, car les flammes se sont propagées jusqu’à la rue Saint-
Jean-Baptiste, en emportant les maisons de ceux qui avaient succédé aux
premiers occupants de cette partie de la rue Saint-Paul.
Les religieuses ont subdivisé le fruit de leur échange à partir de .
Le lot le plus à l’ouest est allé au sieur de Saint-Romain pour une largeur
  L E V IE U X-M O N T R É A L

de quarante-trois pieds. Joint au lot de dame Caesar et à celui du sieur


Brunet sur Saint-Louis, l’espace supporte de nos jours l’édifice que
l’échevin Esprit Généreux a fait construire en , entre les rues Saint-
Paul (n -) et de la Commune (n -).
Pierre-Paul Martin achète l’immeuble en  et y installe son
commerce de grossiste et d’importateur de tissus, de mercerie et d’objets
souvent originaux et luxueux. M. Martin se rend chaque année en Angle-
terre et en France pour rapporter les dernières nouveautés de Londres
et de Paris.
Dès , ce grossiste entreprend de grandes rénovations à son édifice,
avec l’aide de l’architecte Alphonse Raza. Mais, au début des années ,
la terrible récession forcera P.P. Martin limitée à fermer ses portes. Le
fabricant de chaussures et grossiste Alfred Lambert inc. y installera son
entreprise pour une quarantaine d’années, à partir de . Par après,
l’immeuble sera converti en copropriétés, le rez-de-chaussée gardant
cependant son caractère commercial.
Le coin ouest de la rue Saint-Dizier (du Roy à l’époque) a appartenu
au sieur René Gatien, à partir de . Son lot mesurait quarante pieds
de largeur. Le terrier ne spécifie pas si auparavant le lot avait appartenu
à son père, François-Lucien. Selon le Journal, c’est ce dernier qui a subi
la perte de sa maison, même si la liste du sieur Bouat ne fournit pas le
prénom du sinistré. De toute manière, le lot du sieur René Gatien se
situait apparemment au même endroit que le bâtiment incendié. C’était
une maison dont le rez-de-chaussée était en pierre et l’étage en bois. Elle
n’avait qu’une seule cheminée.
Il ne semble pas que les Dames de la Congrégation aient eu d’impor-
tants bâtiments du côté sud de la rue Saint-Paul, avant leur échange avec
les religieuses Hospitalières de Saint-Joseph. Elles développeront plutôt
le côté nord de la rue, une fois la transaction terminée. On doit cepen-
dant signaler qu’une plaque commémorative rappelle que c’est tout près
de cet endroit que Marguerite Bourgeoys fonda, dans une étable, sa
première école, en . Il n’y a pas de doute à ce sujet. Maisonneuve
aurait alors accordé un « permis d’occupation » plutôt qu’une véritable
concession, à la fondatrice des Dames de la Congrégation. En effet, il
n’existe aucune mention au terrier signalant un droit foncier sur le site
même, qui ne sera finalement consenti que dix ans plus tard, en faveur
des révérendes sœurs.
SE C T E U R N UM ÉR O 4  

Dans sa partie avant, le  de la rue Saint-Paul Ouest est érigé sur le


terrain que possédait le sieur Gatien, alors que l’arrière repose en bonne
partie sur celui qui appartenait aux héritiers du sieur Henri Catin, au
coin de l’ancienne rue Saint-Louis. Connu sous le nom de son construc-
teur, l’immeuble Alfred-Larocque date de . À son origine, il était
considéré comme un magasin entrepôt. Alfred Larocque n’avait hérité
que de l’usufruit du terrain sur lequel il avait construit, Marie-Angélique-
Amélie Berthelet, son épouse, ayant légué le droit de propriété à leurs
trois enfants. Le père de madame Larocque, Antoine-Olivier Berthelet,
député et riche homme d’affaires, était devenu propriétaire du lot en ,
à la suite de plusieurs transactions avec les membres de la famille
d’Étienne Nivard de Saint-Dizier.
Après sa vente par la famille Larocque en , l’immeuble connaîtra
différents propriétaires jusqu’à ce que le voisin Alfred Lambert s’en porte
acquéreur en . Aujourd’hui, des galeries d’art et de design occupent
le sous-sol et le rez-de-chaussée, alors que les étages ont reçu une voca-
tion résidentielle.
De l’autre côté de la rue Saint-Dizier, les Hospitalières cédèrent,
jusqu’au fleuve, un terrain de soixante-quatre pieds de largeur sur Saint-
Paul, au sieur François Duplessis dit Faber, le  septembre . Mais pas
pour longtemps, car, pour une raison qui nous demeure inconnue, les
religieuses lui retirèrent aussitôt ses droits, pour revendre le même
emplacement dix jours plus tard, au sieur Jean-Baptiste des Chaillons de
Saint-Ours. Il faut croire que le sieur Duplessis ne l’entendait pas ainsi
puisqu’il fait enregistrer officiellement son titre, le  mars .
Néanmoins, c’est le sieur des Chaillons qui aura sans doute le dernier
mot, car c’est lui qui vendra le lot en , au sieur Charles Héry.
Pour ceux que la généalogie intéresse, le sieur Duplessis a marié
Catherine-Geneviève Le Pelletier, en , et le sieur Héry a pris pour
épouse Marie-Charlotte Cuillerier, en .
Essentiellement, le lot est occupé de nos jours par un édifice construit
en trois étapes, dont la première remonte à . L’initiateur était un
quincaillier du nom de Robert Uwin Harwood. À partir de , le
bâtiment passera aux mains du marchand Joseph Masson, pour rester
dans la famille durant cent cinq ans. En , il perdra sa vocation de
magasin entrepôt, pour être converti en commerces et bureaux, auxquels
s’ajouteront six logements.
  L E V IE U X-M O N T R É A L

Après la concession du sieur Duplessis dit Faber ou, si l’on veut, celle
du sieur des Chaillons de Saint-Ours, il ne reste qu’une lisière de treize
pieds du terrain que les Hospitalières de Saint-Joseph avait acquis des
Dames de la Congrégation en . On a vu, plus haut, que tout de suite
après l’acquisition le voisin des religieuses, le sieur Pothier, a acheté une
première bande d’une largeur de six pieds et demi, pour élargir le lot
qu’il avait obtenu des dites Dames de la Congrégation, en .
En , c’est nul autre que le sieur Thomas Joncaire qui se porte acqué-
reur de la propriété du sieur Pothier. Presque aussitôt, il demande aux
Hospitalières de pouvoir accroître la largeur de son lot d’un autre six
pieds et demi supplémentaire. Ce qui lui fut consenti en .
Un «  » couronne une vieille plaque commémorative apposée sur
l’édifice qui occupe actuellement le site, en l’honneur de celui qui fut
sans doute le meilleur ambassadeur qu’ont eu les Français auprès des
Amérindiens. Mais ce n’est certainement pas le sieur Joncaire qui occu-
pait ces lieux en . Il faudra attendre encore dix-sept ans !
À son arrivée à Montréal en , en tant qu’officier des troupes de la
Marine, Joncaire n’est à vrai dire qu’un adolescent qui est rapidement
envoyé au combat où il est fait prisonnier par la tribu des Senecas. En
, il marie Madeleine Leguay de Beaulieu et s’installe ensuite sur la
rue Saint-Paul. Puis, en , Joncaire quitte Montréal pour assumer le
commandement du fort Niagara où il décédera une vingtaine d’années
plus tard. Pourtant, il apparaît toujours comme propriétaire de sa maison
de la rue Saint-Paul au moment du grand incendie, puisqu’il figure sur
la liste des sinistrés qui ont perdu leur demeure. Le bâtiment du sieur
Joncaire y est décrit comme étant une grande maison en pierre de deux
étages avec trois cheminées. Elle mesurait quarante-trois pieds en front
de la rue Saint-Paul, sur trente-quatre de profondeur.
Le  de la rue Saint-Paul Ouest est un peu en retrait du boulevard
Saint-Laurent. Le ministère de la Culture et des Communications lui a
donné le nom de « Maison Platt », ce qui est tout à fait convenable
puisqu’il fait partie d’un ensemble que madame Elizabeth Mittleberger
Platt a fait construire au e siècle. Les édifices de la rue Saint-Paul et
de la rue de la Commune (n ) sont érigés simultanément en , alors
que les deux dépendances qui les relient viendront quelques années plus
tard. L’une d’entre elles longe le boulevard Saint-Laurent et l’autre se
trouve dans l’arrière-cour.
SE C T E U R N UM ÉR O 4  

Certains appellent le bâtiment de la rue Saint-Paul « Maison de la


Congrégation », en voulant rappeler que la construction qui a précédé la
maison Platt aurait appartenu aux sœurs. Les Dames de la Congrégation
avaient-elles érigé une maison à cet endroit avant de la vendre au sieur
Pothier en  ? C’est toujours possible, mais fort peu probable et ce
n’est certainement pas celle qui a précédé la maison Platt. On n’a qu’à
penser à la résidence du sieur Joncaire, totalement ravagée par les
flammes en . Au moins neuf propriétaires du site se sont succédé
entre  et . Les Dames de la Congrégation ne sont pas du
nombre.
Une transformation notable s’est effectuée au début du e siècle. Il
s’agit de l’ouverture du boulevard Saint-Laurent jusqu’au port, à travers
le Vieux-Montréal. En prolongeant l’axe existant plus au nord, l’ouvrage
n’a pas tenu compte de l’environnement ambiant. Si le besoin d’un large
accès vers le fleuve pouvait paraître justifiable, le résultat n’a laissé qu’une
bande étroite entre la nouvelle artère et la rue Saint-Jean-Baptiste.
Le boulevard Saint-Laurent a totalement emporté la concession des
sieurs Fézeret et Picot dit Labrie, de même qu’une partie de celle du sieur
Charly dit Saint-Ange. Le reste de l’emplacement de ce dernier se retrouve
aujourd’hui coincé entre ledit boulevard et la rue Saint-Jean-Baptiste.
Mais, dès , les sieurs Fézeret et Picot avaient dû rétrocéder au neveu
du curé de la paroisse de Montréal leur terrain qui ne mesurait que
trente-neuf pieds de profondeur. Le nouveau propriétaire, le sieur de
Hautmesnil, obtiendra le privilège d’agrandir le lot jusqu’au fleuve.
Une vingtaine d’années plus tard, l’interprète Pierre Le Sueur dit
Dagenais achètera la propriété et, en , sa veuve, Marguerite Messier,
encaissera la perte de la maison familiale. En pierre de deux étages avec
deux feux, elle mesurait trente-sept pieds de largeur sur vingt-cinq de
profondeur.
Quant au sieur André Charly, il n’aura pas à restituer la concession
acquise en . Même que le sieur de Hautmesnil lui permettra
d’agrandir sa propriété jusqu’au fleuve et aussi d’élargir son lot. Le sieur
Jean-Baptiste Charly dit Saint-Ange deviendra le seul détenteur de l’em-
placement de son père, après avoir acquis la part des autres héritiers.
En , il vendra le patrimoine familial au sieur Claude Laserre dit
Laforme. Il reprendra toutefois le fonds du terrain, après le sinistre de
. La veuve Laforme venait alors de perdre sa maison en bois de deux
étages avec une seule cheminée. La structure mesurait trente-sept pieds
  L E V IE U X-M O N T R É A L

de façade sur vingt-cinq de profondeur. Ce fut le dernier bâtiment à être


consumé du côté sud de la rue Saint-Paul.
Le  de la rue Saint-Paul Est occupe la plus grande partie du lot ayant
appartenu au sieur Charly en . On appelle ce beau bâtiment au toit
brisé, l’Édifice Marie-Hélène-Jodoin, en souvenir de celle qui l’a fait
construire en . À travers son existence, l’immeuble, qui occupe entiè-
rement le quadrilatère du boulevard Saint-Laurent et des rues Saint-Paul,
Saint-Jean-Baptiste et de la Commune, abrite des fabricants et des
marchands aux activités fort disparates. Dans les années , il sera
converti en copropriété avec des appartements aux étages supérieurs et
des commerces ou bureaux au rez-de-chaussée et aux étages inférieurs.

       

Le présent chapitre couvre l’espace compris, d’est en ouest, entre les rues
Saint-Jean-Baptiste et Saint-Sulpice, depuis la rue Notre-Dame jusqu’à
la rue Saint-Paul. Si le quadrilatère a été longtemps dominé par la
présence des religieuses Hospitalières et des sœurs de la Congrégation,
plusieurs concessions sur son pourtour ont été accordées à de simples
citoyens, au début de la colonie naissante. Avant de parcourir les terrains
de l’Hôtel-Dieu et ceux du couvent des sœurs, commençons par ces
concessions. Plusieurs se trouvaient situées le long de la rue Notre-Dame
et s’adossaient aux jardins de l’hôpital. D’autres longeaient la rue Saint-
Sulpice (Saint-Joseph).
Le  juillet , le sieur Pierre Pigeon s’est vu octroyer un terrain
carré de quarante-trois pieds de côté, à l’angle des rues Notre-Dame et
Saint-Sulpice. Immédiatement au sud, le sieur Jean Roy obtenait un lot
de mêmes dimensions. S’il est à peu près certain qu’il s’agisse bien ici du
sieur Pierre Pigeon qui avait épousé Jeanne Godart à Montréal, en ,
il demeure plus difficile de déterminer quel est le Jean Roy qui a obtenu
une concession sur la rue Saint-Sulpice, car ils furent nombreux en
Nouvelle-France ceux qui ont porté ce nom au e siècle, aussi bien
dans la région de Montréal que dans la région de Québec.
Actuellement, le coin est occupé par un bâtiment en pierre de dix étages
construit en  et connu sous le nom d’Édifice Duluth, en l’honneur
de Daniel Greysolon dit sieur du Luth qui, selon certains documents,
aurait vécu à cet endroit en . Ce qui est fort possible, mais le terrier
SE C T E U R N UM ÉR O 4  

ne fait aucune mention du personnage, en tant que propriétaire des lieux.


Duluth quitta Montréal en , avec sept autres Français, pour aller
explorer le pays des Sioux dont il prit possession au nom du roi de France.
De retour à Québec en , cet explorateur repart presque aussitôt pour
l’Ouest où il assumera le commandement du fort Frontenac, durant un
certain temps. Coureur des bois infatigable, il visite les sources du
Mississippi et de la rivière Rouge dans le Minnesota. Une des principales
villes de cet État américain porte le nom de Duluth, en son honneur.
Mais, c’est à Montréal qu’il viendra mourir, en .
Pour ce qui est de l’Édifice Duluth, son rez-de-chaussée abrita, durant
plus de quarante ans, la firme de courtage L.G. Beaubien. Érigé sur la
concession originale du sieur Pierre Pigeon, le bâtiment déborde quelque
peu sur la concession du sieur Jean Roy, juste au sud. Le lot de ce dernier
supporte davantage le , rue Saint-Sulpice. Construit en , cet immeu-
ble fut pratiquement inoccupé durant les premières années de son
existence. Puis, une entreprise spécialisée dans l’importation de marchan-
dises allemandes, françaises et belges, s’y installa pour une trentaine
d’années. Le propriétaire du commerce, W.C. Munderloh, agira comme
consul lorsque l’Allemagne décidera d’y aménager son consulat. Des
commerçants en gros suivront, jusqu’à ce que le Barreau de Montréal loge
quelque temps dans les étages supérieurs de l’édifice, vers . Plus tard,
le restaurant polonais Stash aura son enseigne au n , jusqu’à ce qu’un
incendie, qui avait pris naissance dans un bâtiment voisin, l’endommage
sérieusement et force le restaurateur à relancer son établissement sur la
rue Saint-Paul. Un magasin d’articles de Noël occupe présentement le
rez-de-chaussée, alors que les étages ont été transformés en logements.
En retournant maintenant sur la rue Notre-Dame, pour continuer
vers l’est, la concession qui suit celle du sieur Pigeon fut attribuée, en
, au sieur Jean Coron (Caron) qui était originaire de Meaux et avait
épousé Anne Lauzon, trois ans plus tôt. Son lot mesurait quarante-cinq
pieds de largeur et avait une profondeur moyenne de quatre-vingt-seize
pieds, Comme les terrains suivants, dont la profondeur augmente jusqu’à
cent vingt-deux pieds en allant vers l’est, il venait s’adosser au jardin des
Hospitalières.
Si l’on en croit les plans produits par l’arpenteur Pierre-Louis Morin,
un nommé Chartrand serait entré en possession de l’emplacement du
sieur Coron, en cette même année , ce qui n’apparaît pas au terrier.
Thomas Chartrand, seul de ce patronyme en Nouvelle-France à l’époque,
  L E V IE U X-M O N T R É A L

était arrivé de Normandie en  et avait épousé, trois ans plus tard,
Thècle, une fille de Toussaint Hunault, venu à Montréal avec la Grande
Recrue. En , on le retrouve de l’autre côté du fleuve, le long de la rive,
un peu à l’est du chemin Chambly, sur une terre de deux arpents sur
vingt, acquise de Michel Dubuc. Mais le sieur Chartrand vend son lot
au sieur Antoine Combeth dit Desjardins le  septembre  et rentre
à Montréal. Il ne serait donc pas étonnant qu’il ait élu domicile sur la rue
Notre-Dame, car ce n’est qu’après son second mariage avec Jeanne Matou
en la paroisse de Montréal, en , qu’il quittera définitivement la ville,
pour aller s’établir du côté du Sault-au-Récollet.
L’emplacement de Coron supporte de nos jours un bâtiment en pierre
de quatre étages. Durant un certain nombre d’années, et ce, jusqu’au
milieu des années , le rez-de-chaussée abritait un bistro français fort
sympathique qui portait le nom de Restaurant à l’ombre de l’église.
Malheureusement, aujourd’hui, on n’y retrouve que des boutiques sans
âme.
En cette même année , le lot de quarante-trois pieds qui suit alla
au sieur Jean Auger dit Baron, qui avait épousé Louise Grisard avant de
quitter la France pour s’établir à Ville-Marie. Les deux propriétaires
subséquents de l’emplacement ont marqué, chacun de façon différente,
l’histoire de Montréal au e siècle. Il s’agit de René Cuillerier et d’An-
toine Adhémar. Le premier a connu une aventure fâcheuse dont il s’est
finalement tiré, mais non sans avoir connu beaucoup de souffrances.
Vers , la ville prenait forme. Les pierres devenant un élément impor-
tant pour la construction, on avait découvert un îlot, près de l’île Sainte-
Hélène, dont les abords pouvaient fournir le précieux matériau en abon-
dance. Le  octobre , treize colons partent, sous la direction du
sulpicien Vignal, en quête de pierres qui serviront dans l’érection des
bâtiments. René Cuillerier est du nombre. À peine débarqué, le groupe
est assailli par une trentaine d’Iroquois. Deux Montréalistes, comme on
appelait les habitants de la ville à l’époque, sont tués sur place, pendant
que cinq sont faits prisonniers, dont l’abbé Vignal et notre héros. Les
Amérindiens ne lésinent pas et décident de brûler un prisonnier sur l’îlot
même. Quant au Sulpicien, il sera tué à Laprairie deux jours plus tard.
C’est alors qu’un des prisonniers restants est amené par les Agniers et
les deux autres, dont René Cuillerier, par les Oneiouts. Arrivés au campe-
ment après huit jours de marche, on commence à les traiter de façon
barbare et Cuillerier a les ongles arrachés. Puis le conseil de bande
SE C T E U R N UM ÉR O 4  

ordonne de les brûler. Le sieur de Brigeac est horriblement torturé avant


de mourir, mais Cuillerier connaît un sort différent.
À la demande de la sœur du chef de clan, le prisonnier lui est accordé
en remplacement de son frère que cet homme avait tué durant le combat
du  octobre. Après dix-neuf mois de captivité, Cuillerier s’évade avec
deux autres Français. Neuf jours plus tard, les trois hommes atteignent
Fort Orange, aujourd’hui Albany, la capitale de l’État de New York. Les
Hollandais leur fournissent de nouveaux habits, mais les évadés ne
rebrousseront pas chemin vers le nord. S’amorce alors un long périple.
Cuillerier descend le fleuve Hudson jusqu’à Manhattan et, de la Nouvelle-
Amsterdam (la future New York), il regagne Montréal via Boston et
Québec. Inutile de décrire la joie de ses concitoyens à son arrivée. Il élèvera
sa famille à Lachine. Avait-il l’intuition qu’un nouveau malheur était
imminent ? Toujours est-il que c’est un peu avant le massacre survenu
dans ce village, en , qu’on le retrouve sur la rue Notre-Dame.
Quant au sieur Antoine Adhémar dit Saint-Martin, si le destin lui
réserva un sort moins dramatique, il connut une brillante carrière,
d’abord en tant que soldat du régiment de Carignan, puis c’est à titre de
notaire royal et de greffier qu’il laissera sa marque. Lui et son fils, Jean-
Baptiste, réaliseront un travail colossal et accumuleront une foule de
renseignements sur l’occupation du territoire dans la seigneurie de l’île
de Montréal. Le notaire Antoine Adhémar se mariera à trois reprises.
C’est en  qu’il prendra possession du lot du sieur Cuillerier.
Plus de deux siècles passent avant de voir apparaître le bâtiment qui
occupe l’emplacement du célèbre notaire. C’est plus précisément en 
que l’immeuble en pierre de trois étages (n ) est construit pour la
maison Desmarais & Robitaille. Spécialistes des objets religieux et de la
confection des vêtements sacerdotaux et des ornements liturgiques, un
domaine particulièrement prospère à l’époque, les propriétaires se
portent acquéreurs du bâtiment voisin (n ), dès la même année. Ce
dernier édifice date de  et le terrain qui le supporte avait été accordé
par les seigneurs, en , au sieur Michel Bouvier, un maître maçon
arrivé avec la Grande Recrue. On conviendra que le genre de commerce
de la maison Desmarais & Robitaille ne pouvait faire autrement que de
connaître un déclin important. En , la compagnie vend l’immeuble
que ses propriétaires avaient fait construire et concentre ses affaires au
 de la rue Notre-Dame. En , la vénérable maison semble quand
même toujours fort bien s’en tirer.
  L E V IE U X-M O N T R É A L

On ne connaît pas le premier occupant de la cinquième concession


sur Notre-Dame à partir de la rue Saint-Sulpice, mais on sait que c’est
Jean Aubuchon dit Lespérance qui prit la relève. Celui-ci était l’un des
trois enfants de Jean Aubuchon et de Marguerite Sédilot qui épousèrent
trois des enfants de Jean Cusson et de Marie Foubert. Mariés en ,
Jean Aubuchon fils et Marguerite Cusson ne tardèrent cependant pas à
vendre l’emplacement de la rue Notre-Dame à Pierre Chêne dit Saint-
Onge, dès septembre . Le bâtiment en pierre de quatre étages érigé
à cet endroit (n  et ) date de  et abrite au rez-de-chaussée le
restaurant La Sorosa.
En , le sieur Pierre Perthuis, un soldat du régiment de Carignan,
se voit octroyer un terrain de plus de cent vingt pieds de front. Louis
Lefebvre Duchoquet, qui est originaire du pays de Caux et a épousé
Angélique, la fille de Perthuis, en héritera. Les enfants Duchoquet le
subdiviseront et vendront les trente-cinq pieds de l’extrémité est au sieur
Toussaint Reboul dit Léveillé, en . Trois édifices en pierre occupent
l’ancien lot du sieur Perthuis et renferment, dans leurs rez-de-chaussée,
des boutiques de toc. Le plus à l’ouest (n -) fut construit lui aussi
en . Quant à celui du centre (n -), c’est durant presque huit
décennies qu’il a eu dans ses murs une maison de commerce fort connue
au e siècle. Il s’agit de la compagnie Genin & Trudeau aux activités
très variées, allant de la fabrication de ses produits dans ses propres
ateliers à l’agence de voyages transatlantiques vers Le Havre. Enfin, en
, Joseph Masson, le dernier seigneur de Terrebonne, se porte acqué-
reur de l’emplacement le plus à l’est de la concession originale des
Perthuis. La famille Masson en demeurera propriétaire jusqu’en . Le
bâtiment actuel (n -) date de  et son premier occupant fut la
Société des arts du Canada. De  à , elle sera à l’enseigne de la
librairie Cadieux, Derome et Cie.
Des huit bâtiments que nous venons de couvrir sur la rue Notre-Dame,
les cinq premiers occupent chacun, à quelques pieds près, les cinq
terrains que les concessions originales avaient créés, alors que les trois
autres reposent sur la concession du sieur Perthuis. Aussi peut-on loca-
liser celles-ci fort convenablement, en observant les édifices existants. Il
reste cependant un terrain avant de pénétrer sur le domaine des sœurs
de la Congrégation. Le lot fut d’abord accordé sans dimensions précises
au sieur Jacques Cardinault (Cardinal). Mais, peu après, ses droits lui seront
retirés. Par la suite, les descriptions et les mesures se compliquent et les
SE C T E U R N UM ÉR O 4  

transactions se multiplient. En , les seigneurs concèdent cinquante-


trois pieds de largeur à Mathieu Huboux sieur Deslongschamps, mais
trente-huit pieds en seront retranchés pour s’ajouter à la grande propriété
acquise un peu plus tôt par les religieuses. La partie restante de quinze
pieds bénéficiera d’un dix-sept pieds supplémentaires, pris à même
le terrain à l’ouest. Au bout du compte, c’est le sieur Perthuis lui-même
qui fera l’acquisition de la bande de terrain, auprès des héritiers
Deslongschamps. On peut considérer que le n - occupe approxi-
mativement le site de nos jours. L’édifice, qui n’a plus que sa façade, fait
présentement l’objet d’une complète reconstruction.
Jusqu’ici, dans le présent chapitre, nous avons traité des concessions
accordées directement à des particuliers par les sulpiciens. Le reste de
l’espace compris entre les rues Notre-Dame, Saint-Jean-Baptiste, Saint-
Paul et Saint-Sulpice a été concédé aux Hospitalières de Saint-Joseph en
. Si certains endroits avaient été accordés auparavant, ils avaient fait
entretemps l’objet d’une rétrocession. C’est donc avec des titres clairs que
les religieuses sont devenues propriétaires de tout l’espace restant. On a
vu cependant que, douze ans plus tard, celles-ci en ont laissé aller une
partie importante, dans un échange avec les Dames de la Congrégation.
Tranquillement les deux groupes de religieuses commenceront à aliéner
une partie de leurs biens au profit de particuliers. Ce démembrement
s’accentuera au e siècle, à l’intérieur du périmètre concerné, jusqu’à
l’extinction complète des droits des Hospitalières en .
Précédemment, on aura noté que le dernier lot étudié sur la rue Notre-
Dame avait fait l’objet de nombreuses transactions dans le but d’ajouter
une bande de terrain supplémentaire de trente-huit pieds à ce qui était
devenu la propriété des Hospitalières, ce qui profita, en dernier lieu, aux
sœurs de la Congrégation. À l’intérieur de leur enclos, les sœurs construi-
ront, entre autres, une chapelle tout près de la rue Notre-Dame et un
couvent plus au sud, qui se situerait aujourd’hui dans l’axe du boulevard
Saint-Laurent, un peu au nord de la rue Le Royer, selon la planche
numéro  qui accompagne le terrier compilé par la Société historique de
Montréal, en . Cette localisation de la chapelle Notre-Dame-de-la-
Victoire, appelée ainsi à la suite du naufrage de la flotte de l’amiral
Hovenden Walker à l’île aux Œufs, puis Notre-Dame-des-Victoires, après
quelques hauts faits d’armes plus tard, est tout à fait plausible. En effet, le
terrier mentionne que l’emplacement qui suit celui qu’avait possédé déjà
le sieur Huboux Deslongschamps, en front de la rue Notre-Dame, avait
  L E V IE U X-M O N T R É A L

d’abord été concédé aux sieurs Simon Cardinault et Pierre Laurin fils,
pour être ensuite retourné aux seigneurs et aboutir finalement aux mains
des sœurs de la Congrégation. Et le terrier d’ajouter : « Tout le terrain […]
est occupé aujourd’hui par la chapelle Notre-Dame-des-Victoires, dans
la cour des sœurs […]. » Simon Cardinault (Cardinal) est l’ancêtre du
notaire Joseph-Narcisse Cardinal, l’un des deux patriotes exécutés à
Montréal le  décembres . La chapelle de la communauté sera démolie
en avril , les sœurs adoptant plutôt un nouveau lieu de culte adjacent
à leur couvent, près de la rue Le Royer, dans l’axe du futur boulevard
Saint-Laurent. Une inscription au coin des deux artères nous signale que
la chapelle Notre-Dame-de-la-Pitié se trouvait jadis dans ledit axe.
Le vocable Notre-Dame-de-la-Pitié ne tient pas son origine d’une
chapelle, mais bien d’une statue de la Vierge qui a connu une histoire
plutôt fantastique, En bois, l’œuvre, reconnue comme miraculeuse, a été
sculptée au e siècle, par l’un des nombreux artistes italiens attirés à
Avignon par la présence des papes. Elle fit l’objet d’une grande vénéra-
tion de la part des fidèles de Saint-Didier d’Avignon durant près de cinq
siècles. Entretemps, soit en , au début de la Révolution française, elle
fut soustraite à la profanation par une demoiselle Paladère qui la remit,
dans un moment plus calme, au curé de Saint-Didier, un sulpicien du
nom de Fabris. Destinée à une niche trop grande, elle fut substituée par
une statue de plus grande taille et l’originale fut remise, à titre personnel,
à monsieur Fabris. L’historien Faillon, lui-même un sulpicien, voulut que
la vraie Piéta soit offerte aux dames de la Congrégation de Montréal.
Après plusieurs années d’insistance de la part de monsieur Faillon, la
statue arriva à Montréal.
Plus tard, non seulement la nouvelle chapelle du couvent reçut-elle la
statue, mais elle en adopta aussi le nom. L’édifice sera détruit en ,
lorsque les Dames de la Congrégation décideront d’emménager dans leur
nouvelle maison mère sur la rue Sherbrooke. En fait, la démolition du
beau couvent et la destruction de ses magnifiques jardins avaient surtout
pour but de se rendre aux arguments du milieu des affaires qui souhaitait
depuis longtemps voir s’ouvrir un large accès vers le port. Bien sûr, la
statue échappa au marteau des démolisseurs et fut transférée dans le
nouveau couvent de la rue Sherbrooke.
Sauf sur la rue Saint-Paul, on connaît peu de chose sur les quelques
concessionnaires qui ont pu avoir, temporairement, des droits sur le
domaine des Dames de la Congrégation, avant qu’elles n’en prennent
SE C T E U R N UM ÉR O 4  

possession. Il est donc plutôt difficile d’établir un rapport entre l’occu-


pation actuelle et les premiers propriétaires.
Le bâtiment situé au coin sud-ouest du boulevard Saint-Laurent et de
la rue Notre-Dame (n ) porte le nom de celui qui l’a entièrement rénové
en . Augustin Cuvillier conserva quand même certains éléments de
la maison originale, dont la construction remonte à . L’immeuble
est jouxté à l’édifice de sept étages immédiatement au sud et forme, avec
lui, un ensemble.
Après le départ des Dames de la Congrégation et l’ouverture du boule-
vard Saint-Laurent, il n’est resté qu’une bande de terrain relativement
étroite entre celui-ci et la rue Saint-Jean-Baptiste, une bande qui se
rétrécit encore davantage à mesure que l’on se dirige vers le sud. Les lots
en front de la rue Notre-Dame n’ont apparemment pas fait l’objet d’une
concession avant d’être accordés par les seigneurs aux Hospitalières pour
devenir ensuite la propriété des Dames de la Congrégation, dans l’échange
que l’on sait. Ils n’ont certes pas fait partie des concessions de la rue Saint-
Paul qui n’avaient pas la profondeur suffisante pour atteindre la rue
Notre-Dame. On peut alors considérer que ce sont ces deux commu-
nautés qui en ont été les premières bénéficiaires.
Aujourd’hui, deux bâtiments ont front sur la rue Notre-Dame, entre
le boulevard Saint-Laurent et la rue Saint-Jean-Baptiste. Le , rue Notre-
Dame Est, et le , boul. Saint-Laurent font partie d’un édifice imposant
de dix étages qui a connu une aventure plutôt surprenante pour un
immeuble de cette taille. Construit il y a plus de cent ans, à l’intérieur
du quadrilatère occupé par le gratte-ciel de la Banque Royale, sur la rue
Saint-Jacques, il sera démoli en . On en conservera tous les matériaux
et, deux ans plus tard, il sera « déménagé » sur son site actuel par trois
entrepreneurs : Wilfrid Lajeunesse, Charles Duranceau et Alexandre
Duranceau. Appelé Édifice Métropole depuis sa reconstruction, il a
surtout abrité des bureaux orientés vers les affaires légales.
C’est la Maison du Barreau (-, boulevard Saint-Laurent) qui
vient s’appuyer sur l’arrière des deux bâtiments de la rue Notre-Dame,
pour se rendre jusqu’à la rue Le Royer. Construit en  sur dix étages
pour la maison Casgrain, Charbonneau ltée, une importante entreprise
de produits pharmaceutiques de l’époque, l’immeuble regroupera les
services du Barreau du Québec à partir de .
En partant de la rue Le Royer pour aller vers la rue Saint-Paul, tout
en restant dans les limites du domaine des Dames de la Congrégation,
  L E V IE U X-M O N T R É A L

nous retrouvons deux concessions antérieures à l’occupation du site par


les révérendes sœurs, toutes deux accordées en . La plus à l’est alla
au sieur André Charly dit Saint-Ange (Saint-Onge) qui, arrivé depuis
peu en Nouvelle-France, avait épousé Marie Dumesnil, quelques mois
auparavant. Au début du e siècle, cette concession sera subdivisée
en quatre lots, pour donner trois emplacements en front de la rue Saint-
Paul, les sœurs conservant le quatrième à l’intérieur même de leur
enclos.
Le plus à l’est fut acheté par le sieur Étienne Campeau, en , pour
une largeur de trente-deux pieds, en partant de la rue Saint-Jean-Baptiste.
Le sieur Campeau, qui avait uni son destin à Louise Viger, portait le
prénom de son grand-père, originaire de la région de Limoges. Le lot du
centre fut pris par le sieur Godefroy de Vieuxpont en . Ce deuxième
emplacement, qui mesurait quarante-trois pieds à l’origine, a vu sa partie
ouest amputée d’une vingtaine de pieds pour l’ouverture du boulevard
Saint-Laurent. Quant au lot le plus à l’ouest, qui avait lui aussi une largeur
de quarante-trois pieds, il complète aujourd’hui la mesure de l’emprise
dudit boulevard. C’est le sieur Pierre Saint-Côme qui s’en était alors porté
acquéreur.
L’édifice du , rue Le Royer occupe approximativement la partie nord
de la concession du sieur Charly dit Saint-Onge. Construit en , sur
un résidu d’expropriation pour le prolongement du boulevard Saint-
Laurent, cet immeuble deviendra la propriété de la Salada Tea Company
à partir de , à la suite de la vente de l’édifice qu’elle possédait au coin
des rues Notre-Dame et Saint-Sulpice. Voulant honorer le rôle de la
fondatrice de la Congrégation Notre-Dame, dont une partie du couvent
s’élevait encore quelques années plus tôt à l’endroit même où elle exploi-
tait ses activités, la compagnie commanda une sculpture de Marguerite
Bourgeoys qui se trouve toujours enchâssée dans la façade de l’édifice,
rue Le Royer.
Même si les trois bâtiments qui occupent l’espace compris entre
l’édifice Salada et la rue Saint-Paul forment un ensemble converti en
logements et en commerces, ils n’en demeurent pas moins de structures
et d’époques différentes. Nous sommes ici sur la concession d’Étienne
Campeau et sur une partie de celle de Godefroy Vieuxpont.
En traversant le boulevard Saint-Laurent, nous nous retrouvons sur
la deuxième concession accordée en , en front de la rue Saint-Paul.
C’est le sieur Jean Chapleau qui en fut le bénéficiaire, avant qu’elle n’abou-
SE C T E U R N UM ÉR O 4  

tisse beaucoup plus tard aux mains des Dames de la Congrégation, lors
d’un échange avec les Hospitalières. Comme elles l’avaient fait avec la
concession du sieur Charly dit Saint-Onge, les sœurs procéderont à sa
subdivision, en créant, cette fois, deux lots sur la rue Saint-Paul qu’elles
vendront et un troisième en arrière, qu’elles garderont et qui se trouve
alors enclavé à l’intérieur de leur domaine. Les lots vendus mesurent
chacun quarante-trois pieds en front de la rue Saint-Paul. Le premier
emplacement au coin de ce qui deviendra, presque deux siècles plus tard,
le boulevard Saint-Laurent sera d’abord vendu, en , au sieur Pierre
Perthuis, sans doute un descendant de celui qui avait déjà eu pignon sur
la rue Notre-Dame. Mais le terrain lui sera retiré peu après par les
sœurs, pour être revendu en , au sieur Pierre Guy. Le lot à l’ouest
ira au sieur Jean-Baptiste Auger, sans que l’on connaisse la date de
transaction.
Construit en , le bâtiment en pierre sur le coin (-, rue Saint-Paul
et , boul. Saint-Laurent) est occupé au rez-de-chaussée par le restau-
rant Moldavie et les étages tiennent lieu de logements, Le - voisin, qui
date de , a plus de caractère. Nous sommes sur la partie sud-ouest
du lot du premier concessionnaire de , le sieur Jean Chapleau. En
, une petite maison en pierre occupait le terrain, alors clôturé d’un
côté par l’Hôtel-Dieu et, à l’arrière, par les Dames de la Congrégation.
Avait-elle été érigée par Jean-Baptiste Auger, un siècle plus tôt ? On ne
le saura sans doute jamais. Mais, après s’en être porté acquéreur, Fran-
çois Perrin la démolira pour la remplacer par l’immeuble en pierre de
trois étages que nous connaissons aujourd’hui. La Guilde graphique en
occupe le rez-de-chaussée.
Nous arrivons au grand emplacement où Jeanne Mance construira
son hôpital qui, après un développement que l’on peut considérer comme
fulgurant, grâce aux religieuses Hospitalières, fut transporté sur la rue
des Pins et n’a pas cessé de s’agrandir par la suite. Depuis les origines,
bien des événements ont eu lieu, pas toujours heureux, comme le grave
incendie de  qui causa tant de pertes matérielles aux habitants de
Montréal. L’histoire de l’Hôtel-Dieu est bien connue et les Hospitalières
ont su en perpétuer le souvenir. L’auteur n’a donc pas l’intention de
« refaire » l’histoire. Toutefois, comme pour la majeure partie des maisons
sinistrées, il décrit ici, très sommairement, les dégâts subis par les
Hospitalières, tels qu’ils ont été compilés par le sieur François-Marie
Bouat, le lendemain du drame. On a pris connaissance déjà des pertes
  L E V IE U X-M O N T R É A L

subies du côté sud de la rue Saint-Paul, où il y avait, entre autres, proba-


blement une boulangerie, la manufacture et une ménagerie. Du côté
nord, l’étendue du désastre a dû être très difficile à accepter. En effet,
l’hôpital et ses composantes formaient probablement l’édifice le plus
imposant de la ville : « La maison des religieuses hospitalières y compris
l’Hôtel-Dieu et l’église contenant  pieds de front ( pieds, mesure
anglaise) sur  pieds de profondeur ( pi m.a.) non compris les quatre
ailes dudit battiment, y ayant  feux. » (Extrait du Journal déjà cité.) Il
faudrait certes ajouter la maison des Pauvres qui n’apparaît pas sur la
liste, mais qui pourrait fort bien être le long bâtiment qui se trouvait à l’est
de l’hôpital, sur le plan du sieur Chaussegros de Léry. Que de ruines !
D’un document à l’autre, les mesures et les faits peuvent paraître
parfois contradictoires, mais ils ne le sont pas nécessairement. Dans
L’Hôtel-Dieu de Montréal – -, un chapitre présenté par le profes-
seur Robert Lahaise raconte l’histoire de l’Hôtel-Dieu du Vieux-Montréal.
De tous les faits très intéressants qu’on y trouve, l’auteur du présent
ouvrage en a relevé deux qui touchent davantage l’aspect foncier du terri-
toire. En page , « on totalise une façade de quelque  pieds ( pieds
mesure anglaise), donnant sur la rue Saint-Paul ». Cela ne contredit pas
nécessairement le rapport du sieur Bouat qui parle d’une largeur de « 
pieds de front […] non compris les quatre ailes du battiment […] ».

Les religieuses ont-elles « exaussé » suffisamment leur mur ? La rue Saint-Paul le


long du mur de l'Hôtel-Dieu, James Pattison Cockburn, Musée McCord.
SE C T E U R N UM ÉR O 4  

Robert Lahaise nous rapporte aussi, en page  du même livre, une


histoire un peu loufoque : « […] pour protéger leur claustration, les
religieuses avaient exigé que les constructions adjacentes à leur terrain
n’eussent qu’un étage ou sinon que le deuxième fut sans fenêtre. »
Beauharnois fait donc boucher la fenêtre du sieur Tétro. Et il en avise
Maurepas à Paris, dans une lettre datée du  septembre .
L’auteur n’a trouvé aucun Tétro (ou mieux Tétreault) propriétaire à
l’époque d’un emplacement contigu au terrain des Hospitalières. On se
rappellera cependant qu’au chapitre précédent le sieur Jean Tétreault
avait obtenu une concession des religieuses sur le côté sud de la rue Saint-
Paul, juste en face de l’Hôtel-Dieu. L’étroite rue devait sûrement permettre
aux époux Tétreault d’être aux premières loges pour observer les faits et
gestes des bonnes sœurs dans leur jardin.
Le gouverneur Beauharnois et l’intendant Claude-Thomas Dupuy
adoraient maintenir des disputes entre eux. La saga se poursuivit à peu
près comme suit : Alors que « Dupuy était sorti à  heures du matin pour
visiter les fortifications, quelqu’un lui fit remarquer le mauvais effet que
la suppression et rebouchement des fenêtres du sieur Tétro causoient […].
Dupuy étant d’accord, Tétro fit tomber lui-même la maçonne ». Et dans
sa lettre du  octobre , à Maurepas, l’intendant écrit ceci : Devant
le fait accompli, les religieuses se soumettent « volontiers à la volonté du
Roy ».
Une situation du genre a lieu de faire sourire. Puis, on se dit qu’après
tout ça s’est passé il y a près de trois cents ans. Et pourtant… En ,
dans des circonstances tout à fait analogues, on bouchait encore des
fenêtres, à Montréal. Mais la Ville n’a plus d’intendant assez puissant
pour les faire déboucher.
En se reportant au même texte de la page , la loi sous Louis XV,
comme celle d’aujourd’hui d’ailleurs, ne permettait « pas d’imposer
aucune servitude sur la voye publique par ce que le Ciel qui y plonge doit
estre libre a tous [il faudrait que les religieuses] exaussassent leurs
murailles assez haute pour qu’on ne put pas voir pardessus ». Si l’on se
fie à une peinture exécutée beaucoup plus tard et reproduite en page ,
il semble que la suggestion ait porté fruit !
Même si le site de l’Hôtel-Dieu n’a été concédé qu’en  aux reli-
gieuses, il n’avait pas fait l’objet de concessions à des particuliers aupa-
ravant, et pour cause. Jeanne Mance avait choisi l’emplacement de son
futur hôpital peu après la fondation de Ville-Marie. Mais, dans toutes
  L E V IE U X-M O N T R É A L

ses préoccupations et son dévouement extrême, il est fort probable qu’elle


ne se souciait guère des droits fonciers inhérents à l’œuvre qu’elle avait
créée. Cependant, comme dans toute gestion d’entreprise, il a bien fallu
à un certain moment légaliser, si l’on peut dire, les droits des occupantes
de fait, à savoir les Hospitalières.
L’emplacement alors concédé, et dont la superficie a été mal définie,
se trouvait de part et d’autre de la rue Saint-Paul. Nous sommes en 
et l’échange avec les sœurs de la Congrégation ne se fera que dix ans plus
tard. Du côté nord, les Hospitalières ne gardent alors que le site, tout de
même assez vaste, occupé par l’hôpital, leur chapelle et leur couvent, la
maison des Pauvres, ainsi que tous les bâtiments qui assurent le soutien
logistique. Sauf exception, ce n’est que longtemps après le déménagement
de l’institution, sur la rue des Pins, que les religieuses se départiront de
tous leurs biens dans le Vieux-Montréal. Au lieu de vendre leurs terrains,
elles préféreront les exploiter elles-mêmes, en faisant construire une série
de magasins entrepôts. Et ce n’est qu’en  que se terminera la liqui-
dation de tous les bâtiments.
Le premier immeuble en partant de la limite est de la propriété (,
rue Saint-Paul et -, rue Saint-Dizier) fut construit en  et .
Faisant partie de la troisième phase de l’ensemble, il constitue l’un des
douze édifices réalisés par l’architecte Henri-Maurice Perrault au
bénéfice des Hospitalières. D’abord loué à des grossistes en alimentation,
puis à un important manufacturier de chaussures connu sous le nom
d’Alfred Lambert inc., le bâtiment changera de vocation au milieu des
années , pour être transformé, avec quatre autres magasins entrepôts,
en copropriétés résidentielles et commerciales. Les Cours Le Royer
peuvent être considérées comme un succès dans le réaménagement du
Vieux-Montréal.
Le second édifice de ce projet (-, rue Saint-Paul, -, rue Saint-
Dizier et -, cours Le Royer) avait été construit en , en même
temps que neuf autres magasins entrepôts et, l’année même, il était loué
avec d’autres immeubles à l’intendance des troupes britanniques qui y
logera les soldats de Sa Majesté jusqu’en . En effet, la guerre de
Sécession faisait alors rage et un conflit était à craindre avec nos voisins
du Sud. Après le départ des troupes, la maison Cassidy’s s’y installera
pour une période de cent sept ans et fera même l’acquisition du bâtiment
en , lequel appartenait encore aux Hospitalières. Cette société
importatrice de porcelaine, de faïence et d’objets en argent, a aussi ses
SE C T E U R N UM ÉR O 4  

propres ateliers d’orfèvrerie. Elle possède l’« art » de déposer des grappes
de raisin sur les pièces d’argenterie qui ornent la table des riches et des
grands hôtels des e et e siècles. Combien de nouveaux mariés ont
reçu en cadeau des sucriers, des plats de service et des chandeliers parés
des célèbres grappes de Cassidy’s ! Le -, rue Saint-Paul et , rue
Saint-Sulpice terminent l’alignement sud du projet Les Cours Le Royer.
Comme pour l’immeuble précédent, Victor Bourgeau en sera l’architecte
concepteur. Lui aussi logea l’armée anglaise avant que la compagnie
Hodgson-Summer ne l’occupe à partir de , pour une durée de soixante-
trois ans, soit jusqu’au beau milieu de la grande crise économique.
En nous dirigeant maintenant vers le nord, le long de la rue Saint-
Sulpice, nous apercevons, de l’autre côté des deux derniers bâtiments
étudiés, deux autres immeubles regroupant autrefois une série de maga-
sins entrepôts et donnant à la fois sur les cours Le Royer et la rue de
Brésoles. Le plus à l’ouest (-, rue Saint-Sulpice et -, rue de
Brésoles) fut construit dix ans après les deux précédents, selon les plans
de l’architecte Michel Laurent qui s’est alors largement inspiré de ceux-ci
pour réaliser son projet. C’est un grossiste en alimentation qui louera
sur une longue période. Puis, à partir de la fin de la crise économique,
les importateurs Reich Bros y seront présents jusqu’au milieu des années
. Le nom de la compagnie figure toujours sur la pierre. Par l’inscrip-
tion, on s’aperçoit que ces marchands se spécialisaient dans le commerce
des articles de « fantaisie », des jouets et du « smallware » ou du brimbo-
rion, comme nous corrigeaient les puristes de la langue de l’époque.
Le bâtiment voisin (-, rue de Brésoles et , rue Saint-Dizier) est
aussi de l’architecte Laurent. Il fut reconstruit après un premier incendie,
en . Le grossiste en alimentation L. Chaput & Fils l’occupa alors,
jusqu’à un second incendie moins dommageable, en . Par après,
Chaput trouva des associés et la maison porta le nom de Hudon, Hébert
& Chaput, jusqu’en . Cinq ans s’écouleront avant qu’un autre grossiste
en alimentation prenne la relève. Ce sera la maison Couvrette & Sauriol.
Traversons maintenant la rue Saint-Dizier pour couvrir la dernière
série des magasins entrepôts de l’Hôtel-Dieu. Deux entités distinctes
couvrent aujourd’hui l’espace occupé par cinq maisons entrepôts qu’ont
fait construire les Hospitalières, en -. Originalement, c’est Henri-
Maurice Perrault qui en fut le concepteur, mais ils subirent un grave
incendie en . Toutefois, les nouvelles constructions conserveront
essentiellement les caractéristiques architecturales des premières. Le
  L E V IE U X-M O N T R É A L

, rue Saint-Dizier et le , cours Le Royer comprennent trois anciens


magasins entrepôts qui, par le passé, ont été loués principalement à diffé-
rents grossistes. L’un des immeubles fut également occupé un temps par
la Librairie Granger & Frères. La seconde unité (, rue Saint-Dizier)
comprend deux magasins entrepôts. Après l’incendie de , l’édifice
le plus endommagé sera reconstruit sur trois étages seulement, l’autre
gardant sa structure d’origine de cinq étages. Ce dernier sera loué à des
manufacturiers, alors que les quincailliers William L. Haldimand & Sons
occuperont les trois étages du bâtiment au sud.
Le  et , rue de Brésoles a la particularité d’être profondément
encastré entre les édifices précédents et ceux de la rue Notre-Dame, de
telle sorte qu’il reçoit très peu de la lumière naturelle. Construit lui aussi
en -, plusieurs marchands et grossistes s’y sont succédé. Quant
au , rue de Brésoles, il a surtout servi d’entrepôt. C’est d’abord le
marchand de meubles Adolphe Bélanger qui l’inaugure en  pour
desservir son magasin de la rue Notre-Dame. Plusieurs autres grossistes
lui succéderont jusqu’à ce que les religieuses s’en départissent en ,
en faveur de la maison Genin, Trudeau & Cie, dont il a été question lors
de l’étude des édifices de la rue Notre-Dame.
Après leur échange avec les Dames de la Congrégation, les Hospita-
lières ont gardé pratiquement intact, durant un siècle et demi, le site de
l’Hôtel-Dieu au nord de la rue Saint-Paul. Mais, afin de compter sur un
soutien financier régulier qui leur permettrait d’atteindre plus facilement
leurs objectifs dans la gestion de l’hôpital, elles décident, en , de
construire six maisons magasins, en front de la rue Saint-Sulpice. Un
seul édifice, comprenant deux magasins (n  et ), résistera au
temps, si l’on peut dire, car un grave incendie l’endommagera en .
Il n’en reste en fait que les quatre murs. Le bâtiment a connu une histoire
intéressante. Dès la fin de la construction, le commissaire-priseur
Thomas-Henry Bridge loue un premier magasin avec logement aux
étages, puis, six mois plus tard, il devient locataire du deuxième bâtiment.
Mais les occupants suivants n’utiliseront les lieux qu’à des fins commer-
ciales. L’édifice C.-F. Tranchemontagne doit son nom à un marchand de
textiles qui s’y installa à partir de . Une enseigne en fer forgé, plutôt
originale, ornait sa façade jusqu’à tout récemment : une longue épée
coupait littéralement un sommet enneigé. Occupant une position pour
le moins précaire, cette enseigne, qui indique également l’année de fonda-
tion de la maison Tranchemontagne, a été rapportée, en , à la Société
SE C T E U R N UM ÉR O 4  

historique de Montréal qui en assure la garde pour l’instant. Une inscrip-


tion en façade se lit comme suit : « La vieille maison à l’ombre de l’église
Notre-Dame. » Les frères Bernier assureront la relève et conserveront le
nom du fondateur de l’entreprise. L’un d’eux ayant été nommé consul
honoraire de Madagascar, on a pu voir le drapeau de la République
malgache flotter en devanture durant une bonne décennie, dans les
années . Le  gravé sur l’édifice et donné comme l’année d’origine
du bâtiment est contesté. C’est cette année-là toutefois que les religieuses
construiront, à cet endroit, un hangar en pierre. Les murs auraient-ils
été intégrés à l’une des six constructions érigées en  ? Peut-être…
Un projet prestigieux, Le Nouveau Orléans (sic), est en voie de réali-
sation. Il s’étend jusqu’au dernier édifice étudié sur la rue de Brésoles.
Seule la façade de la vieille maison de la rue Saint-Sulpice est intégrée au
nouveau complexe qui logera des boutiques et offrira des appartements
de luxe. Est-ce que l’enseigne de monsieur Tranchemontagne y trouvera
une place ?

     -

On a vu, au secteur numéro , que le sieur Urbain Tessier dit Lavigne


s’était fait concéder, en , un grand terrain qui traversait d’ouest en
est toute la partie nord de la place d’Armes et comprenait également
l’espace au nord de la rue Saint-Jacques. Mais la concession du sieur
Tessier ne s’arrêtait pas à la côte de la place d’Armes. Elle débordait égale-
ment dans le secteur numéro . Son voisin vers l’est n’était nul autre que
son beau-père, le sieur Jacques Archambault.

De la rue Notre-Dame à la rue Saint-Jacques

Le concessionnaire Tessier vendit, de son vivant, toute la partie de son lot


situé sur le côté est de la place d’Armes. Ce terrain mesurait cent vingt-
quatre pieds en façade et avait une profondeur d’environ cent sept pieds,
le long de la rue Saint-Jacques. L’espace connut plusieurs propriétaires,
avant d’être cédé aux Dames de la Congrégation, en . Dans l’ordre,
se sont succédé le sieur Plichon dit Duvernois et son épouse, madame
Marie Pacro (Pacrau ou plutôt Pacaud), puis le sieur Jean Legras, un
marchand qui a épousé Marie-Geneviève Maillet le  novembre  et,
  L E V IE U X-M O N T R É A L

enfin, le sieur Jean Cailloux (Caillau) dit Baron. Quant aux sœurs, elles
attendront beaucoup plus tard avant de morceler leur terrain en plusieurs
lots distincts, qu’elles vendront séparément, à partir de . L’auteur n’a
pu déterminer les raisons qui ont poussé les Dames de la Congrégation à
acquérir un emplacement, sûrement construit du temps du sieur Tessier,
au coin de la rue Saint-Jacques et de la place d’Armes. Elles en conserve-
ront tout de même les droits de propriété, du moins pour la majeure partie
de la superficie, durant quarante et un ans.
Sur son plan du Montréal habité en , l’arpenteur Pierre-Louis
Morin montre quatre maisons du côté est de la place d’Armes qui
auraient toutes été construites en , par le sieur Tessier dit Lavigne.
Trois d’entre elles se trouvent effectivement sur la concession de celui-ci,
alors que la quatrième se situe plutôt sur la concession que possédait le
sieur Jean Bousquet en , mais que celui-ci pouvait fort bien avoir
obtenue beaucoup plus tôt, puisqu’il habitait Ville-Marie depuis quelque
temps déjà. Ce maître armurier, originaire de la Guyenne, avait épousé
Catherine Fourrier, en la paroisse de Montréal, en . Maçon de son
métier, Urbain Tessier a sûrement été appelé à construire des maisons à
l’extérieur de sa concession, mais il n’a jamais été propriétaire de celle
dont jouira plus tard le sieur Bousquet.
L’édifice New York Life occupe, de nos jours, deux des lots créés par
les sœurs, dont celui de trente-cinq pieds de largeur en front de la place
d’Armes sur cinquante de profondeur, vendu au sieur Jacques Cardinal,
en . Le second emplacement au coin de la rue Saint-Jacques, beau-
coup plus grand et en forme de L, ne sera consenti par les Dames de la
Congrégation que vingt-cinq ans plus tard, en faveur du sieur Joseph
Pampanon (probablement Louis-Joseph Pampalon dit Labranche).
La compagnie d’assurance vie new-yorkaise avait fait construire cet
immeuble prestigieux en . Considéré à l’époque comme un gratte-
ciel, il atteint, avec sa tour, à peine la hauteur de la basilique Notre-Dame,
tout près. L’entrée est somptueuse et, ici encore, on a fait appel au
sculpteur Henry Beaumont pour les nombreuses décorations du bâtiment.
La fonderie montréalaise Chanteloup en a exécuté les magnifiques grilles.
On remarquera également les marbres, les mosaïques et les luminaires
qui contribuent à rehausser l’élégance de l’édifice, largement occupé par
des bureaux de professionnels.
Ce premier « gratte-ciel » de Montréal fut sans doute aussi le premier à
être équipé d’un ascenseur. Il ne faut donc pas s’étonner si les Montréalais
SE C T E U R N UM ÉR O 4  
  L E V IE U X-M O N T R É A L

Les édifices New York Life et Aldred sur la place d’Armes.


SE C T E U R N UM ÉR O 4  

Les tours de Notre-Dame encadrant le faîte de l’édifice Aldred. La photo


symbolise les origines chrétiennes de Montréal et l’émergence de son
dynamisme moderne au cours du xxe siècle.

faisaient la queue le dimanche, pour le plaisir de « faire un tour d’ascen-


seur »… moyennant la modique somme de cinq cents.
L’immeuble voisin est beaucoup plus imposant. L’édifice Aldred tire
son nom de l’homme d’affaires américain, John Edward Aldred, qui l’a
fait construire entre  et . Avec la Banque Royale dont il a déjà été
question, Bell Canada sur la côte du Beaver Hall et le Sun Life de la rue

. Jean-Claude Larocque, ancien courtier de la New York Life, d’après des documents
anciens de la compagnie.
  L E V IE U X-M O N T R É A L

Metcalfe, il représente l’un des quatre seuls véritables gratte-ciel dont


pouvait s’enorgueillir Montréal à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Pour réaliser l’édifice Aldred, il a fallu démolir deux immeubles
importants qui avaient front sur la place d’Armes. En effet, la Banque
Provinciale du Canada, autrefois appelée la Banque Jacques-Cartier,
occupait l’extrême partie sud du terrain des Dames de la Congrégation
ou, si l’on veut, du sieur Tessier dit Lavigne, alors que la Librairie Granger
et Frères avait son enseigne au coin de la rue Notre-Dame, à même la
concession du sieur Bousquet. À ces deux anciens lots d’origine, il faut
ajouter, le long de ladite rue Notre-Dame, environ la demie ouest de la
concession du curé Claude Perrot. L’édifice, qui a toujours fière allure,
recrute ses locataires auprès d’entreprises financières ou de firmes de
professionnels. Des boutiques et des commerces en occupent le rez-de-
chaussée.
En continuant sur la rue Notre-Dame, nous traversons un espace de
stationnement qui englobe la partie est du terrain que possédait le curé
Perrot. On atteint ensuite ce qui est connu comme étant le « Cathedral
Block », composé de quatre bâtiments construits en même temps, dans
les années qui ont suivi l’incendie qui devait totalement raser la cathé-
drale anglicane Christ Church, en . Deux emplacements du e
siècle en front de la rue Notre-Dame sont ici concernés. Le plus à l’ouest
provenait de la concession reçue en  par le sieur Charles Gervaise,
un petit-fils du sieur Jacques Archambault. Le second lot avait appartenu
au notaire Claude Maugue, à partir de , mais il avait dû être rétro-
cédé au roi pour servir à la construction de la prison de la colonie. Ce
terrain, joint à celui derrière, forma alors un emplacement qui mesurait
plus de cent pieds sur la rue Notre-Dame et se rendait, en profondeur,
jusqu’à la rue Saint-Jacques. C’est sur l’emplacement du sieur Gervaise
et sur celui de la prison que fut érigé le temple anglican.
Le - et le - de la rue Notre-Dame Ouest occupent aujourd’hui
l’ancien lot du sieur Charles Gervaise, alors que le - et le - ont été
construits sur le terrain de la prison. La hauteur des quatre immeubles
en pierre du « Cathedral Block » varie entre trois et cinq étages. Divers
commerces en occupent les rez-de-chaussée. Les huit unités d’origine
présentaient un ensemble architectural homogène au moment de leur
érection. Mais l’évolution subséquente a conduit, avec le temps, aux
quatre bâtiments actuels qui ne semblent pas avoir gardé tellement de
rapport entre eux.
SE C T E U R N UM ÉR O 4  

Le dernier emplacement au coin de la rue Saint-Lambert a été concédé


en , au sieur Isaac Nafréchoux. Meunier de son métier, celui-ci avait
épousé Catherine Leloup une douzaine d’années auparavant. La rue
Saint-Lambert se trouve maintenant incluse dans l’emprise du boulevard
Saint-Laurent. L’emplacement, qui mesurait au départ cinquante-trois
pieds en front de la rue Notre-Dame, n’a plus aujourd’hui que quarante-
quatre pieds de largeur. Une amputation sans doute rendue nécessaire
avec la création du nouveau boulevard.
Un édifice en brique et pierre de six étages, construit en , se dresse
sur la concession originale du sieur Nafréchoux. C’est là que la société
américaine National Cash Register avait ses bureaux et son entrepôt
canadien de  à . Les aînés se rappellent sûrement des caisses
enregistreuses typiques de ce fabricant qui, jusqu’à l’avènement des
caisses électroniques, étaient utilisées aussi bien par les grosses entre-
prises de détail que par les plus petits commerçants.
Le bâtiment à l’arrière du précédent fait le coin de la rue Saint-Jacques
et du boulevard Saint-Laurent. La superficie qu’il occupe est cependant
beaucoup plus grande. Il comprend non seulement l’emplacement que
le sieur Charles Gervaise avait hérité de sa mère, Anne Archambault, et
qu’il a vendu au sieur Nicolas Boyer en , mais également, vers l’ouest,
une partie du terrain de la prison. Il a fallu d’ailleurs que l’architecte
Jean-Julien Perrault acquière quatre bâtiments existants pour réaliser
son projet, en .
Le nouveau palais de justice (l’édifice Ernest-Cormier) venant tout
juste d’être terminé, il donnera le nom accrocheur de Thémis à son
immeuble de dix étages. Les disciples de la déesse grecque l’occupent
largement jusqu’en , alors que le bâtiment est transformé en
copropriétés.
À part du résidu du site de l’ancienne prison, le reste de l’espace
compris entre l’édifice Thémis et l’arrière de celui de la New York Life
fait partie de l’héritage laissé par Jean Gervaise et Anne Archambault.
Si l’on peut croire que leur fils Charles, comme on vient de le voir, a
profité d’une bonne partie du legs, la situation n’est pas aussi claire pour
le reste en front de la rue Saint-Jacques. Il se peut que son frère Urbain
en ait eu une partie. De toute manière, nous nous trouvons sur le site
qu’a possédé le couple Gervaise-Archambault.
Deux bâtiments en occupent l’extrême partie ouest, alors que le reste
demeure actuellement, un espace de stationnement. Le n , qui porte
  L E V IE U X-M O N T R É A L

le nom d’Édifice Versailles, n’a rien à voir avec le célèbre château ou ses
jardins. En fait, il s’agit ici du nom de celui qui l’a fait construire en
, à savoir Joseph Versailles. La firme de courtage de ce dernier en
occupe le rez-de-chaussée, jusqu’à la Grande Crise des années .
Versailles déménage alors son bureau au deuxième étage. L’édifice, qui
en compte dix, demeurera aux mains de la famille jusqu’au début des
années .
L’immeuble à l’est (n -), est beaucoup plus modeste. Construit
en , c’est Joseph Versailles lui-même qui en est alors le propriétaire.
Ses héritiers le vendront en même temps que l’édifice précédent.

Le côté nord de la rue Saint-Jacques

Si les concessions originales des sieurs Tessier dit Lavigne et Archam-


bault étaient des « lots de ville », comme l’indique le terrier déjà cité, elles
ne pouvaient sûrement pas s’étendre au-delà de la rivière Saint-Martin
qui se situerait, de nos jours, à même l’emprise de la rue Saint-Antoine.
Il semblerait cependant que la profondeur de la propriété du sieur Jacques
Archambault était beaucoup plus considérable car, suivant le même
terrier, la part d’héritage reçue par le couple Gervaise-Archambault
atteignait une profondeur de quinze arpents (environ   pieds). Un
legs réparti ensuite comme suit : « […] vendu ce qui est hors la ville au
Sr. Ferdinand Felds en  et ce qui est dans la ville possédé en  par
[…] héritier Gervais(e). »
Même une recherche exhaustive à travers les chaînes de titres des
propriétés comprises entre la côte de la place d’Armes et le boulevard
Saint-Laurent ne conduirait pas nécessairement à établir une corres-
pondance exacte entre l’occupation au tournant du e siècle et celle
d’aujourd’hui. Mais une analyse raisonnable permet de tirer des
conclusions acceptables pour une étude comparative entre l’occupation
foncière du passé et celle du présent. Les hésitations viennent notamment
de l’élargissement des artères primitives et du fait que les descriptions
des lots situés aux extrémités de l’ensemble sont incomplètes. Mais les
affirmations qui suivent ne peuvent qu’être très proches de la réalité. Et,
bien sûr, nous sommes toujours à l’intérieur des concessions des sieurs
Urbain Tessier et Jacques Archambault.
Mais que s’est-il passé à partir de la répartition des parcelles de terrain
issues de l’héritage laissé par le sieur Tessier ? Il semble qu’une bonne
SE C T E U R N UM ÉR O 4  

partie de celle de l’une des filles du propriétaire original ait été emportée
par la côte de la place d’Armes et que le résidu ait été ajouté à une lisière
de terrain de vingt-sept pieds de largeur consentie, en , par le proprié-
taire voisin, le sieur Jacques Tessier, en faveur du sieur Dominique Janson
dit Lapalme.
Il y a lieu de croire que ces opérations ont produit comme résultat la
création du lot qui supporte actuellement le magnifique édifice Great
Scottish Life Insurance, du nom de la société qui l’a fait construire en
. D’autres noms d’institutions financières lui ont été accolés, au fur
et à mesure qu’elles l’ont occupé. De style Second Empire, le bâtiment ne
se rendait pas au départ jusqu’à la ruelle des Fortifications. C’est la
Banque Canadienne Nationale, aujourd’hui Banque Nationale, qui
agrandira l’édifice en le prolongeant vers le nord et en lui ajoutant deux
étages, tout en préservant l’esthétique original, ce qui a été très bien
réussi. En , les façades seront classées monument historique. Durant
un certain temps, La Prévoyance a été propriétaire de cet immeuble,
maintenant recyclé en établissement hôtelier portant le nom d’Hôtel de
la place d’Armes.
Il n’est pas toujours facile de suivre l’évolution des titres de propriété
sur l’héritage laissé par le sieur Urbain Tessier dit Lavigne. Dans sa
nombreuse progéniture, il y avait un Jacques et un Jean. Tous les deux
ont eu un fils prénommé Jacques. Il semble que ce soit Jacques, le fils de
Jean et petit-fils d’Urbain, qui aurait aidé à compléter le lot du sieur
Janson. En effet, il aurait racheté ou repris le lot que son père avait cédé
au sieur Pierre Gauthier dit Saint-Germain, en .
C’est sur la plus grande partie de ce terrain que se trouve l’édifice de
la Banque du peuple, construit en . La firme d’architectes Perrault,
Mesnard et Venne a alors intégré au nouvel édifice la façade, datant de
, de l’un des trois bâtiments démolis. C’est ici même que, Victor
Morin, l’historien et grand amant du Vieux-Montréal, aura son étude
de notaire à partir de . D’abord avec des associés, puis avec son fils
Lucien, à partir de , et ce, jusqu’au milieu des années .
L’extrémité est de la concession du sieur Urbain Tessier, comprise entre
la rue Saint-Jacques et le mur d’enceinte, est allée à sa fille Agnès qui
avait épousé le sieur Guillaume Richard, un soldat du régiment de Cari-
gnan. Devenue veuve, elle vendit son héritage en , au sieur Claude
Caron. En , à la suite de la démolition de plusieurs bâtiments en vue
de l’élargissement de l’étroite rue Saint-Jacques, l’avocat Alexander Cross
  L E V IE U X-M O N T R É A L

fait construire un édifice de cinq étages (n -), incluant le toit


mansardé, sur une bonne partie de l’espace que possédaient autrefois
Agnès Tessier puis Claude Caron. La belle façade est déclarée classée en
, par le ministère de la Culture du Québec. Des commerces occupent
le rez-de-chaussée, alors que les étages abritent des bureaux.
C’est à peu près au bout de l’immeuble Alexander Cross que nous
pénétrons sur la concession du sieur Jacques Archambault. Les trois
bâtiments qui suivent se trouvent grosso modo sur le lot que le sieur
Charles Gervaise avait reçu en héritage de sa mère Anne Archambault,
la fille du pionnier et épouse du procureur fiscal, Jean Gervaise.
Par ailleurs, une plaque commémorative sur l’immeuble le plus à l’est
signale que le sieur Gilles Lauson et sa femme, Marie Archambault, la
sœur de Anne, auraient habité sur ce site et y auraient élevé leurs treize
enfants. Même si le terrier n’en parle pas, il serait étonnant que cette
grosse famille n’ait pas trouvé place sur la concession familiale. Il se peut
cependant que les Lauson aient eu leur maison au nord de la ruelle des
Fortifications. N’oublions pas que Jacques Archambault avait obtenu une
concession qui s’étendait assez loin au nord de son « lot de ville ».
Le  et le - de la rue Saint-Jacques ont été construits à vingt ans
d’intervalle par la Caisse nationale d’économie qui les occupe encore de
nos jours. Le second, qui a six étages, date de . Le troisième bâtiment
érigé sur le lot que possédait le sieur Charles Gervaise (n ) est beaucoup
plus ancien. Conçu en  par l’architecte Alphonse Raza pour un
grossiste en alimentation du nom d’Alexandre Bourgeau, l’édifice attirera
plutôt, dès son inauguration, et ce, durant plusieurs années, des entre-
prises journalistiques comme locataires.
C’est sans doute la présence d’installations d’une imprimerie tout
proche qui incitera la presse écrite à louer de grands espaces dans l’édi-
fice. Les gens de la Vieille Capitale seront peut-être surpris d’apprendre
que l’un des occupants d’origine a été le quotidien de Québec L’Électeur,
fondé en  et qui s’appellera Le Soleil à partir de . La Presse y
louera elle aussi un espace considérable, dès le départ de L’Électeur. Puis,
les premiers bureaux du journal Le Devoir emménageront au même
endroit, en . Aujourd’hui, l’édifice accueille une clientèle de bureaux
fort diversifiée.
Un dernier lot, en partie vacant et sur lequel se trouve le vieil édifice
du journal La Presse, au coin du boulevard Saint-Laurent, résulte de la
part d’héritage qu’Urbain Gervaise, le frère de Charles, avait obtenue de
SE C T E U R N UM ÉR O 4  

sa mère. Le sieur Michel Huet dit Dulude, qui avait épousé Madeleine,
la fille d’Urbain Gervaise, en , en héritera à son tour et se chargera
de subdiviser l’emplacement en deux lots distincts.
Même après la construction du grand édifice de la rue Saint-Antoine
entre  et , La Presse continuera d’occuper le n - de la rue
Saint-Jacques qu’a fait construire son propriétaire du temps, Trefflé
Berthiaume. Les deux immeubles sont reliés par une passerelle, au-dessus
de la ruelle des Fortifications.
Au terrier, tous les Gervaise dont il a été question dans le présent
chapitre sont identifiés sous le patronyme Gervais. Mais, comme les
ouvrages généalogiques orthographient Gervaise le nom de celui qui a
épousé Anne Archambault de même que celui de leurs descendants,
l’auteur s’en est tenu à cette dernière apellation.
  

Borné au nord par les anciennes fortifications, à l’est par le site
de l’hôtel de ville et le côté est de la place Jacques-Cartier, vers
le sud par la rue de la Commune, vers l’ouest par la rue Saint-
Jean-Baptiste jusqu’à la rue Notre-Dame. De là, il contourne
le palais de justice, pour suivre le boulevard Saint-Laurent
    

Les deux terres concédées simultanément le  février  au sieur


Lambert Closse dominent une bonne partie du secteur numéro , tel
qu’il est défini en sous-titre. D’une largeur de deux arpents chacune, elles
commençaient à un arpent au nord de la rue Saint-Paul, pour s’étendre
sur vingt-cinq arpents de profondeur. Rapidement cependant, elles
connaîtront des sorts différents.
Dès , le sieur Closse cédera celle qui est à l’est à monsieur Gabriel
Souart, le premier curé de la paroisse de Montréal. L’année de cession
, mentionnée au terrier déjà cité, est une erreur, pour la bonne raison
que le valeureux soldat a été abattu par les Iroquois en , et que
monsieur Souart a procédé à des transactions à partir de . Quant à
la concession ouest, le sieur Closse la laissera à son épouse, Élisabeth
Moyen.

Élisabeth Moyen et l’Hôtel-Dieu

Le  mars , la veuve du sieur Closse vendra officiellement à l’Hôtel-


Dieu, en présence du notaire Bénigne Basset, tout l’espace de la terre
situé à l’intérieur des fortifications et même un peu plus, sans que l’on
se formalise du statut réel de l’institution. On peut se demander comment
il se fait que l’Hôtel-Dieu ait pu acheter un grand terrain à l’écart de
l’hôpital, alors que son droit de propriété sur le site même de ses bâti-
ments n’avait vraisemblablement pas encore été tellement bien défini.
Sans preuve à l’appui, l’auteur, ici, ne fait qu’émettre l’opinion qui lui
semble la plus plausible. Même si Jeanne Mance a démontré en maintes
occasions des talents incontestables pour administrer l’argent qu’on lui
avait confié et gérer l’hôpital qu’elle a fondé, elle n’a apparemment pas
eu à s’inquiéter tellement des droits fonciers que ses installations
occupaient. Le gouverneur de Maisonneuve lui avait attribué un espace
bien délimité qui demeurera, en fait, la propriété du roi, puis des
seigneurs. Autrement dit, l’Hôtel-Dieu ne semblait pas constituer ce
qu’on appelle une personne morale, avec des pouvoirs de transiger.
  L E V IE U X-M O N T R É A L

Avant que l’institution obtienne cette considération, il faudra attendre


encore quinze ans. Ce sera lorsque les Hospitalières de Saint-Joseph
entreront officiellement en possession de l’hôpital et que, par un règle-
ment daté du  janvier , les religieuses acquerront devant maître
Claude Maugue, le terrain acheté par l’Hôtel-Dieu d’Élisabeth Moyen,
en . N’étant pas intéressées outre mesure à exploiter ce lot, les Hospi-
talières le mettront immédiatement en roture, probablement à la dispo-
sition d’un colon, moyennant une redevance.
On peut penser que madame Mance avait consenti à l’achat du lopin
de terre dans un but agricole, afin d’assurer la subsistance à son hôpital.
Mais ce ne sera pas le point de vue des religieuses qui ne jouèrent pas
longtemps leur rôle de seigneur. À partir de , elles subdiviseront peu
à peu en lots à bâtir au moins tout l’espace qui se trouvait « en ville ».

Vincent Philippes sieur de Hautmesnil

Sur les vingt-cinq arpents de profondeur que contient la terre reçue du


sieur Lambert Closse, monsieur le curé Gabriel Souart, qui est également
le supérieur du séminaire, en cédera bientôt toute l’étendue qui se trouve
à l’extérieur des fortifications, à savoir vingt et un arpents, à madame
Catherine Gauchet, l’épouse du sieur Jean-Baptiste Migeon de Branssat.
Monsieur Souart se réserve alors les quatre arpents restants sur deux de
largeur, à l’intérieur même du mur d’enceinte.
Monsieur le curé attendra jusqu’en  avant d’en faire don à son
neveu, Vincent Philippes sieur de Hautmesnil. Après s’être choisi un
terrain sur la rue Notre-Dame, ce dernier procédera à un lotissement
qui créera de nombreux emplacements. À partir de , le neveu trou-
vera preneur pour un bon nombre d’entre eux dont il tirera des rentes
annuelles.
Tout ce qui était au sud de la rue Notre-Dame a été subdivisé en lots à
construire. Du côté nord de la rue, une partie du domaine a également
été morcelée, mais une grande superficie n’avait pas encore été touchée,
lorsque le sieur de Hautmesnil décidera de la céder aux jésuites en .
Quelques mois plus tard, de son vivant, il disposera de ses biens et de
ses droits en faveur des seigneurs, tout en conservant sa maison main-
tenant construite sur le terrain qu’il s’était réservé.
On ne connaît pas grand-chose de ce mystérieux personnage venu
retrouver son oncle, monsieur Gabriel Souart, qui n’a pas manqué de
SE C T E U R N UM ÉR O 5  

générosité à son égard. Il avait bien épousé, en France, Marie-Catherine


Lambert de Baussy, en , mais le couple ne semble pas avoir laissé de
descendants portant le nom de Hautmesnil.
Dans le contrat de donation daté de janvier , monsieur le curé
exigeait cependant que son neveu et les propriétaires subséquents paient
une rente annuelle pour l’entretien de la lampe du sanctuaire de l’église
paroissiale. Le sieur de Hautmesnil en exemptera toutefois les jésuites,
pour le domaine acquis à même sa terre. Il est alors précisé, dans l’acte
de cession, qu’il appartiendra dorénavant aux seigneurs d’assumer à
perpétuité les frais d’entretien de ladite lampe. Une obligation que les
messieurs de Saint-Sulpice respectent toujours, faut-il le supposer.
Entre le moment où le curé Gabriel Souart a obtenu sa concession du
sieur Closse et la présence des jésuites, plusieurs transactions ont été
effectuées sur cette partie de la terre au nord de la rue Notre-Dame, en
plus de l’acte de donation en faveur du sieur de Hautmesnil. En effet,
celui-ci avait concédé quelques lots, dont certains seront affectés par des
changements fréquents de propriétaire.
Trois terrains le long de la rue Notre-Dame furent vendus en ,
par le sieur de Hautmesnil. Le premier, au coin de la rue Saint-Gabriel,
ira au sieur Mathurin Parent (Parant), un maître charpentier originaire
de la Touraine qui avait épousé Jeanne Boucher, durant l’année qui a
précédé l’acquisition de son lot. Celui-ci mesurait cinquante-huit pieds
en front de la rue Saint-Gabriel, sur soixante-dix-sept pieds. En , c’est
le sieur François Jobin qui s’en porte acquéreur. Il était alors l’époux de
Suzanne Jousset, depuis le mois de janvier de la même année.
Après avoir vendu le lot voisin au sieur Jacques L’Huilier dit Desvi-
gnes, le sieur de Hautmesnil le reprendra pour le céder au sieur Jean
Drapeau, dès . Ce dernier venait de La Rochelle et avait auparavant
épousé Madeleine Pilet, à Boucherville. Son terrain mesurait trente-huit
pieds de largeur sur cinquante-huit de profondeur. Le troisième empla-
cement de soixante-dix-sept de front sera d’abord vendu au sieur Pierre
Patenaude qui, dix ans plus tard, le cédera aux jésuites. Eux-mêmes le
revendront au sieur Michel Phili-Querigon, en .
Le sieur de Hautmesnil vendra deux autres emplacements sur la rue
Saint-Gabriel, en . Le premier, de soixante-quatre pieds, appartiendra
au sieur Mathurin Moquin, marié à Suzanne Beaujean, et le second au
sieur Élie Beaujean. Enfin, un dernier lot sera cédé au sieur Jean Fontenelle
dit Champagne par les seigneurs, propriétaires depuis . Les trois
  L E V IE U X-M O N T R É A L

terrains seront à nouveau réunis en faveur du sieur Fontenelle, qui les


cédera aux jésuites en . Mais ceux-ci les revendront séparément, à
partir de .
Quant au reste du domaine obtenu du sieur de Hautmesnil en ,
les jésuites le conserveront à peu près intact, jusqu’à la Conquête, alors
que Sa Majesté britannique confisquera tous leurs biens.

«  »   

C’est dans le secteur numéro  que se côtoyaient au e siècle, le milieu


de la justice, le centre intellectuel et mondain de la société canadienne-
française et les magnats de la traite des fourrures. L’extrémité est du
secteur s’appelait la place du Marché. Beaucoup plus tard, celle-ci
deviendra la place Jacques-Cartier.
Quatre bâtiments permettent de suivre l’évolution de l’occupation du
sol par le système judiciaire, à partir de  jusqu’à nos jours. Trois
d’entre eux couvrent tout l’espace sur le côté nord de la rue Notre-Dame,
compris entre le boulevard Saint-Laurent et la place Vauquelin. Le
quatrième, longtemps appelé le nouveau palais de justice, occupe entiè-
rement le quadrilatère borné par les rues Notre-Dame, Saint-Vincent,
Sainte-Thérèse et Saint-Gabriel. Aujourd’hui, l’édifice Ernest-Cormier,
du nom du célèbre architecte qui l’a conçu, loge la Cour d’appel du
Québec.

Le palais de justice actuel

La réalisation du nouveau palais de justice a nécessité la fermeture de la


petite rue Saint-Jacques et du tronçon nord de la rue Saint-Gabriel, ainsi
que l’expropriation de nombreux bâtiments. Même si l’occupation
dépasse le site des anciennes fortifications pour se rendre jusqu’à la rue
Saint-Antoine, l’édifice demeure à l’intérieur des limites de la concession
du sieur Lambert Closse, laquelle s’étendait loin vers le nord. On a vu
qu’à sa mort la terre est revenue à son épouse, Élisabeth Moyen, qui
vendit ensuite un grand espace à l’Hôtel-Dieu. Nous y sommes. En ce
qui concerne les propriétaires subséquents, nous nous en tiendrons
cependant, comme à l’habitude, à ceux qui ont possédé des lots à
l’intérieur même du mur d’enceinte.
SE C T E U R N UM ÉR O 5  

En plus des tronçons de rues qui y ont été englobés, vingt et un


emplacements vendus par les religieuses sont concernés par le site du
palais de justice. Ils formaient autrefois trois rangées de lots, dont deux
donnaient front sur la rue Saint-Jacques et la troisième sur la rue Notre-
Dame. Il est bien évident que, pour un promeneur, il peut paraître
difficile de les situer à l’intérieur même de l’édifice. Pourtant, en laissant
aller son imagination, la chose peut devenir possible.
À l’entrée du  du boulevard Saint-Laurent, nous nous trouvons
dans l’axe de la rue Saint-Jacques. En pénétrant dans le bâtiment même,
pour suivre le prolongement de cet axe, nous pouvons revoir par la pensée
les propriétés qui la bordaient de chaque côté jusqu’à l’extrémité est de
l’édifice ou, si l’on veut, jusqu’à l’allée des Huissiers. Quant à la troisième
rangée, elle suit la rue Notre-Dame, à partir du boulevard Saint-Laurent.
Ci-après, d’ouest en est, l’auteur retrace, dans l’ordre, chacun des
premiers occupants.

Rue Saint-Jacques, côté nord

À gauche, on peut imaginer sept emplacements dont la largeur variait


de trente-deux à cinquante-quatre pieds. Les noms des propriétaires
originaux des trois premiers lots vendus vers  par les religieuses nous
sont demeurés inconnus. On sait cependant qu’en  le sieur Jean-
Baptiste Paillet dit Saint-Amour possédait le premier, le sieur Jean Serre
le second et le sieur Pierre Hallé, le troisième. Pierre Boucher, sieur de
Grosbois devint le premier propriétaire du lot suivant (). Les trois
derniers terrains ont respectivement été cédés en , aux sieurs Gabriel
Baudreau dit Graveline, Charles Juillet et Jean Lacroix.

Rue Saint-Jacques, côté sud

Les neuf lots sur le côté sud de la rue Saint-Jacques avaient une même
largeur d’environ trente-quatre pieds et ils ont tous été vendus par les
Hospitalières, en , sauf le quatrième qui fut aliéné en . On y
retrouve, d’ouest en est, les propriétés des sieurs Pierre Lefebvre, Jean
Brillaud dit Barreau, Bernard Caraquille dit l’Espagnol, Jean Huboux
dit Deslongschamps, Nicolas Gaudry dit Bourbonnière, Séraphin
Marganne de Lavaltrie pour deux lots, Pierre Leroy et Paul Dazé.
  L E V IE U X-M O N T R É A L
SE C T E U R N UM ÉR O 5  
  L E V IE U X-M O N T R É A L

Rue Notre-Dame, côté nord

Aujourd’hui, les maisons qui avaient front sur la rue Notre-Dame au


e siècle couvriraient surtout l’esplanade du palais de justice, l’arrière
des lots seulement se trouvant à l’intérieur du bâtiment. En général beau-
coup plus larges que ceux de la rue Saint-Jacques, les terrains originaux
sont donc moins nombreux. Cinq particuliers seulement ont pu se porter
acquéreurs d’un emplacement entre le boulevard Saint-Laurent et l’allée
des Huissiers. En suivant toujours la direction est, c’est le sieur Vincent
Lenoir dit Tourangeau qui a obtenu le lot au coin de l’ancienne rue Saint-
Lambert. Son voisin était Isaac Nafréchoux, pour une largeur de trente-
quatre pieds. Probablement satisfait du terrain qu’il possédait sur la rue
Saint-Jacques du côté ouest de la rue Saint-Lambert, ce dernier vendra
son emplacement de la rue Notre-Dame, dès l’année suivante, au sieur
Gilles Galipeau. Vient ensuite le sieur Pierre de Saint-Ours, qui a acheté
des religieuses un terrain beaucoup plus grand, d’une largeur de quatre-
vingt-seize pieds. Le quatrième lot, qui avait quarante-six pieds de front,
est allé au sieur Mathurin Parent. Enfin, le sieur Étienne Truteau
(Trudeau) héritera de l’emplacement de quatre-vingt-dix pieds, situé au
coin de la rue Saint-Gabriel.
Il est difficile de déterminer ici avec certitude s’il s’agit du premier de
tous les Trudeau ou de son fils aîné qui se prénommait aussi Étienne.
Maître menuisier de son métier, l’ancêtre des Trudeau avait épousé
Adrienne Barbier en  et le couple a eu au moins neuf garçons qui ont
atteint l’âge adulte.
Au siècle dernier, la Société d’archéologie et de numismatique de
Montréal a reconnu la bravoure du pionnier Trudeau qui, avec trois
autres compagnons, avait tenu tête à une cinquantaine d’Iroquois en
, quelque part sur la terre du sieur Mathurin Langevin, soit aux
environs de l’intersection actuelle des rues De La Gauchetière et Saint-
André. Mais la plaque de marbre que ladite société avait fait apposer sur
un mur est aujourd’hui disparue.
On s’imagine facilement que le premier lot de chacune des trois
rangées d’emplacements a perdu plusieurs pieds de largeur lors de
l’ouverture du boulevard Saint-Laurent. Il est cependant permis d’en
arriver à la conclusion que l’Allegrocube du sculpteur Charles Daudelin,
qui décore l’esplanade du palais de justice, se trouve à peu près à la limite
de propriété entre les lots des sieurs Lenoir et Galipeau. Comme Vincent
Lenoir a épousé en secondes noces Marie, la fille de Gilles Galipeau, il
SE C T E U R N UM ÉR O 5  

s’est trouvé à hériter, vers , de l’emplacement que son beau-père avait
acheté en . L’Allegrocube se dresse donc aujourd’hui entièrement sur
la propriété que possédait autrefois le sieur Lenoir.
L’édifice même, qui a été achevé en , est l’œuvre de la firme
d’architectes David et Boulva. Son recouvrement particulier à l’extérieur
est formé de plaques de granit provenant des carrières de Rivière-à-
Pierre, dans le comté de Portneuf.

L’annexe du vieux palais de justice

Immédiatement à l’est de l’étroite allée des Huissiers, on aperçoit, en


retrait de la rue Notre-Dame, l’annexe du vieux palais de justice. Nous
ne sommes plus sur le lopin de terre qu’Élisabeth Moyen avait vendu à
l’Hôtel-Dieu, mais bien sur la concession que Lambert Closse avait cédée
au curé Souart.
Lorsqu’est arrivé le temps d’ajouter une annexe au vieux palais de
justice, il restait une bande étroite de terrain entre le bâtiment existant
et la limite de propriété. Cette lisière était insuffisante pour satisfaire aux
besoins. Il a donc fallu acquérir l’espace voisin jusqu’à la rue Saint-
Gabriel. Cet espace coïncide avec les lots qu’avait créés, puis vendus, le
sieur de Hautmesnil au e siècle. Si certains étaient passés durant
quelque temps aux mains des jésuites, ceux-ci les avaient liquidés en
faveur de particuliers bien avant la Conquête. Aussi, la plus grande partie
du site de l’annexe provient des terrains des rues Notre-Dame et Saint-
Gabriel dont il a été question au chapitre précédent.
Tous ces lots ont de nouveau été réunis lorsque l’on construisit,
en , l’église presbytérienne de Montréal. Au moment de sa démolition
au début du e siècle, la St. Gabriel Presbyterian Church était la plus
vieille église protestante de la ville. On verra un peu plus loin dans
ce chapitre qu’une souscription auprès des notables écossais protestants
de Montréal avait été lancée en vue de financer sa construction.
Dans l’espace de verdure, en face de l’annexe du vieux palais de justice,
on remarque un bel ensemble sculptural en hommage à Marguerite
Bourgeoys, reconnaissant ainsi le rôle prépondérant que cette dame,
maintenant canonisée, a joué dans les premières années de Ville-Marie.
Nous avons là une réalisation du sculpteur Jules Lasalle qui a reçu
l’assistance de Ducharme Marion à cette occasion. L’œuvre a été placée
  L E V IE U X-M O N T R É A L

Vestiges des anciennes fortifications avec le vieux palais de justice.


SE C T E U R N UM ÉR O 5  

sur la concession que le sieur Mathurin Moquin avait obtenue du sieur


de Hautmesnil, en .

Le vieux palais de justice

Ici, nous sommes sur l’ancien domaine des jésuites. Le gouvernement


du Canada n’a donc pas eu de problèmes à lancer un concours en ,
pour faire construire le palais de justice de Montréal sur ce site de la
Couronne. Les travaux seront exécutés entre  et . Après avoir été
transféré au gouvernement du Québec vers , l’édifice connaîtra un
ambitieux projet d’agrandissement. Mais les besoins augmentent sans
cesse. Après l’ajout d’une annexe dont il a été ci-dessus question, il faudra
entreprendre la construction du « nouveau » palais de justice dans les
années , puis de l’imposant immeuble inauguré en .
Aujourd’hui, le vieux palais de justice et son annexe appartiennent à
la Ville de Montréal. Avec sa colonnade ionique, son style inspiré de la
Grèce antique, son dôme, ses majestueux escaliers intérieurs et ses nom-
breux éléments décoratifs, on peut considérer l’imposant édifice comme
un véritable joyau du Vieux-Montréal.

La Cour d’appel du Québec

C’est au sud de la rue Notre-Dame que le sieur Vincent Philippes de


Hautmesnil a intensifié le lotissement de sa terre. À l’intérieur du quadri-
latère formé des rues Notre-Dame, Saint-Vincent, Sainte-Thérèse et
Saint-Gabriel, le neveu du curé Souart a créé douze emplacements, dont
celui qu’il occupera lui-même. C’est là que sera érigé, dans les années
, ce que l’on appela longtemps le nouveau palais de justice, devenu
par la suite l’édifice Ernest-Cormier. Aujourd’hui, l’immeuble abrite la
Cour d’appel du Québec.
Le premier lot, au coin des rues Notre-Dame et Saint-Gabriel, concerne
justement l’emplacement sur lequel le sieur de Hautmesnil érigea sa
propre résidence. Comme il n’était pas inclus dans la cession de ses biens
aux messieurs, ses héritiers légaux n’en disposeront qu’en , en faveur
du sieur Migeon de La Gauchetière, sans doute Daniel de son prénom,
et fils de Jean-Baptiste Migeon, procureur fiscal, et de Catherine Gauchet.
La maison occupait un emplacement de cent vingt-deux pieds en front
de la rue Notre-Dame, en partant de la rue Saint-Gabriel. En , la
  L E V IE U X-M O N T R É A L
SE C T E U R N UM ÉR O 5  
  L E V IE U X-M O N T R É A L

propriété passera aux mains du sieur François-Marie Le Marchand de


Lignery, qui avait épousé Marie-Thérèse Migeon de La Gauchetière sept
ans auparavant.
Ce propriétaire de l’ancienne résidence du sieur de Hautmesnil a
connu la notoriété, en tant que militaire de carrière. À partir de , il
participa activement à de nombreuses expéditions, tant en Acadie que
dans l’Ouest. Il a eu du succès, notamment dans la défaite du général
Braddock, lors de la bataille de la Monongahéla, où il joua un rôle impor-
tant, ce qui lui valut d’ailleurs la Croix de Saint-Louis. Mais, le  juillet
, il tombe dans une embuscade près du fort de Niagara. Blessé et fait
prisonnier, il meurt trois jours plus tard, à l’âge de cinquante-six ans.
Le terrain voisin vers l’est, qui avait soixante et un pieds de largeur, fut
vendu à Antoine Delmas en  et, la même année, François Blot (Bleau),
originaire de Falaise en Normandie, prenait possession du lot suivant qui
fait le coin des rues Notre-Dame et Saint-Vincent. Auparavant, ce
boulanger avait épousé Élisabeth, une fille de Paul Benoît dont il sera
question plus loin.
En descendant la rue Saint-Vincent, on arrive à l’emplacement de
soixante-quatre pieds de largeur sur cent vingt-trois de profondeur qu’ac-
querra Madeleine de Roybon d’Alonne, en . Un certain mystère
entoure la vie de cette demoiselle de nature plutôt discrète et qui semblait
jouir d’une certaine aisance. Dans ses écrits, E. Z. Massicotte raconte
une anecdote à son sujet. Originaire de Montargis, à un peu plus de cent
kilomètres au sud de Paris, elle a quarante-quatre ans lorsqu’elle fait son
acquisition sur la rue Saint-Vincent, acquisition par laquelle elle s’engage
à construire deux maisons dans l’année qui suit et à payer une rente
annuelle. Jusque-là, on ne connaît guère autre chose à son sujet. On sait
cependant qu’elle ne s’en laisse pas imposer. En , après avoir autorisé
le marchand Charles de Couagne et un certain Dufresne à vendre l’une
de ses maisons de la rue Saint-Vincent, elle refusera d’entériner la vente
lorsqu’elle apprendra que les deux procureurs compères se faisaient payer
 livres, alors qu’ils prétendaient vendre pour  livres.
Quatre ans plus tard, alors qu’elle est âgée de soixante ans, il lui arrive
un événement qui sort de l’ordinaire. Un inconnu frappe à sa porte à
une heure du matin. Le mystérieux personnage lui laisse un nouveau-né
qui n’a été qu’ondoyé, c’est-à-dire baptisé par ablution sans les rites reli-
gieux et qu’il faudra faire baptiser au plus tôt. L’homme lui signale
quelques noms de nourrices et lui remet une somme d’argent, tout en lui
SE C T E U R N UM ÉR O 5  

promettant de lui en faire parvenir davantage. Il lui demande enfin de


garder le secret. Ce qui semble plutôt invraisemblable.
Car, comment faire baptiser l’enfant sans fournir quelques détails ?
De fait, le curé de Notre-Dame refusera de procéder et mademoiselle de
Roybon devra comparaître devant le tribunal où elle confessera ce qu’elle
sait, c’est-à-dire pas grand-chose. Le curé Priat a-t-il eu vent de quelques
faits ? Toujours est-il qu’il rédigea lui-même l’acte de baptême, dans les
jours qui ont suivi la comparution. La singulière mademoiselle de
Roybon d’Alonne s’éteindra à l’âge de soixante-douze ans, sans que
personne n’ait pu percer les mystères de sa vie.
En continuant sur la rue Saint-Vincent, on arrive à la concession du
sieur Nicolas Gaudry dit Bourbonnière pour une largeur de trente-quatre
pieds. Le lot suivant ira à nul autre que Gédéon de Catalogne, ingénieur
et cartographe. Quant à l’emplacement qui fait le coin des rues Saint-
Vincent et Sainte-Thérèse, il sera octroyé au sieur Paul Agnier. Mais, dès
, le sieur de Catalogne s’en portera acquéreur et le subdivisera par la
suite en trois lots ayant chacun quarante-trois pieds de front sur la rue
Sainte-Thérèse. En partant du coin, c’est le sieur Pierre Payette dit Saint-
Amour qui fera l’acquisition du premier lot, en . Le terrain du centre
sera cédé à Jean Moran (Morand) en , et le dernier à l’ouest deviendra
la propriété de François Filiau (Filiault), en .
L’emplacement à l’angle des rues Saint-Gabriel et Sainte-Thérèse est
obtenu en  du sieur de Hautmesnil, par Antoine Poudret, originaire
du Poitou. Trois ans plus tôt, le sieur Poudret avait pris pour épouse
Catherine Gendron. Le lot mesure cinquante pieds sur Saint-Gabriel sur
cent vingt-cinq pieds de profondeur.
En remontant cette rue vers le nord, on arrive aux lots de Pierre
Richaume et de Martin Foisy qui mesurent, chacun, trente-huit pieds en
façade. Ils furent tous les deux concédés en . Le sieur Foisy venait
de la Champagne. Dès , il vendit son emplacement à André Hunault,
l’un des fils de Toussaint, arrivé avec la Grande Recrue de .
C’est ensuite l’emplacement de Jean de Dieu puis celui d’Urbain
Baudreau dit Graveline qui viennent s’appuyer sur la propriété qu’occupe
pour lui-même, le sieur de Hautmesnil. Cela complète la boucle du site
où l’on retrouve de nos jours la Cour d’appel du Québec. Venu de Flandre,
le sieur Baudreau avait épousé Mathurine Juillet.
Au début des années , le gouvernement du Québec procède à l’ex-
propriation de tous les bâtiments situés à l’intérieur du quadrilatère visé.
  L E V IE U X-M O N T R É A L

Leur destruction permettra de construire le nouveau palais de justice.


L’édifice occupera tout l’espace borné par les rues Notre-Dame, Saint-
Vincent, Sainte-Thérèse et Saint-Gabriel. D’inspiration gréco-latine avec
sa frise et ses colonnes doriques, l’immeuble n’en constitue pas moins
une réussite architecturale. Il demeure quand même malheureux qu’on
en soit venu à détruire un îlot patrimonial de grande valeur pour y
arriver. En effet, tant par ses bâtiments que par les personnages qui les
ont habités, l’ensemble constituait un site remarquablement chargé d’his-
toire. Quelques plaques commémoratives nous en rappellent le souvenir,
même si elles ne figurent pas toujours tout à fait au bon endroit, sur
l’édifice de la Cour d’appel. L’une d’entre elles nous apprend que Simon
Fraser, qui a découvert le fleuve de la Colombie-Britannique qui porte
son nom, a habité sur la rue Saint-Gabriel. L’auteur doute de la véra-
cité de cette assertion. Il demeure convaincu qu’il y a là erreur sur la
personne.
En , soit fort longtemps après les événements, un certain monsieur
W. S. Wallace prononça une conférence devant la Société royale du
Canada, dans laquelle il disait avoir été renversé à la lecture d’une mono-
graphie écrite, cinq ans plus tôt, par son homonyme, M. J. N. Wallace,
qui avançait l’hypothèse selon laquelle il y avait eu deux Simon Fraser
qui avaient été associés dans la Compagnie du Nord-Ouest. D’après lui,
il paraissait peu vraisemblable que le découvreur des bouches du grand
fleuve ait pu devenir actionnaire de ladite compagnie à l’âge de seize ans.
Pour lui, il y avait sûrement eu deux Simon Fraser qui avaient connu la
notoriété dans le domaine de la traite des fourrures.
Mais le conférencier Wallace avait été encore plus étonné lorsqu’il
avait appris que l’illustre explorateur figurait sur la liste des donateurs
ayant contribué, en , à l’érection de l’église presbytérienne St. Gabriel,
dont nous avons parlé plus haut. L’énumération des noms étant dans un
ordre d’ancienneté, comment ce jeunot de dix-sept ans pouvait-il occuper
le troisième rang alors que les généreux donateurs en tête de liste étaient
tous des têtes blanches ? Comment l’adolescent pouvait-il se retrouver
« dans cette galère » ? (En français dans le texte). Car, comble de l’incon-
cevable à l’époque, un catholique romain aurait ainsi pu contribuer
financièrement à construire une église protestante.
Il est clair qu’en  il y avait un autre « gentleman of the North West »,
plus âgé que l’explorateur et qui s’appelait aussi Simon Fraser. Il s’agit en
fait de celui que monsieur Wallace appelle Simon Fraser of Ste. Anne.
SE C T E U R N UM ÉR O 5  

En effet, ce dernier aurait fini ses jours à Sainte-Anne-de-Bellevue, à


l’extrémité ouest de l’île de Montréal.
Les deux marchands de fourrures Simon Fraser n’avaient aucun lien
de parenté. Ils ont vécu à la même époque, ont eu des relations étroites
avec la Compagnie du Nord-Ouest et ont exploré l’Ouest canadien, mais
un seul s’est rendu à l’embouchure du Fraser. Il est plutôt vraisemblable
que ce soit l’autre qui ait résidé sur la rue Saint-Gabriel, tout près de ses
deux amis, Frobisher et McTavish, dont il sera question plus loin dans
ce chapitre. Ce Simon Fraser venait du même village que McTavish, soit
Strath Errick, près d’Inverness, dans le nord de l’Écosse. Comme les deux
autres marchands de fourrures, il devint un membre très actif au sein
du Beaver Club, durant de nombreuses années, mais il n’a jamais
fréquenté l’embouchure du Fraser.
Le découvreur du grand fleuve était natif de Mapletown (près de
Bennington, dans l’État du Vermont). Ses parents étaient de farouches
loyalistes et le capitaine Alexander Fraser alla mourir dans une prison
d’Albany, après avoir été capturé durant la Révolution américaine. C’est
alors que sa veuve décida de s’exiler et de traverser la frontière pour
s’établir avec son jeune fils, au Québec, à Coteau-du-Lac. Simon Fraser
reçut son éducation dans un collège de Montréal. C’est probablement là
qu’il aurait embrassé la religion catholique. Mais, en dehors de son séjour
dans l’Ouest, il passa presque toute sa vie dans la région de Cornwall.
Même si Montréal était la capitale de la fourrure, Simon Fraser a plutôt
exercé ses activités dans le district d’Athabasca, dans les Territoires du
Nord-Ouest, en tant qu’employé de la Compagnie du Nord-Ouest dont
il devint l’un des actionnaires en . C’est à son retour, en , qu’il
épousa une jeune femme du Haut-Canada et qu’il s’est établi définitive-
ment à St. Andrews, près de Cornwall. Il y mourut en , à l’âge de
quatre-vingt-six ans. Mais a-t-il vraiment résidé sur le site de la Cour
d’appel ? On peut se permettre d’en douter sérieusement.

        

Si, au nord de la rue Notre-Dame, les édifices de la justice occupent prati-


quement la pleine largeur du secteur numéro , celui de la Cour d’appel
du Québec constitue une échancrure vers le sud. Bien qu’il reste encore
du terrain ayant appartenu au sieur Vincent Philippes de Hautmesnil en
  L E V IE U X-M O N T R É A L

allant vers l’est, il convient de traiter auparavant les emplacements qui sont
situés entre les rues Saint-Jean-Baptiste et Saint-Gabriel, ce qui permet de
garder un certain ordre dans le parcours du territoire.
Nous nous trouvons donc à revenir sur la partie de la terre qu’Élisa-
beth Moyen, la veuve de Lambert Closse, avait cédée à l’Hôtel-Dieu en
, devant le notaire Basset. On se souviendra que la terre du sieur
Closse commençait un arpent au nord de la rue Saint-Paul. Cela voudrait
dire, à toutes fins utiles, à peu près dans le prolongement de la rue Saint-
Thérèse qui borne l’édifice Ernest-Cormier, sur son côté sud.
Les Hospitalières de Saint-Joseph, détentrices des droits de l’Hôtel-
Dieu depuis , subdivisèrent tout cet espace jusqu’à la rue Notre-
Dame. Dans l’intervalle d’un an, à partir du mois d’août , elles
vendirent les neuf emplacements ainsi créés.
Mais, pour une raison qui nous reste inconnue, cinq des neuf terrains
aliénés par les religieuses en  furent presque aussitôt retirés aux
concessionnaires, pour être revendus, dès  ou , à de nouveaux
propriétaires.
C’est le sieur Denis Sabourin dit Chauvanière, originaire d’Angers en
Anjou, qui obtient le lot situé au coin des rues Saint-Jean-Baptiste et
Notre-Dame, avec cinquante-huit pieds de front sur soixante-quatre le
long de ladite rue Saint-Jean-Baptiste. Mais, dès , par l’entremise des
Hospitalières, l’emplacement passe aux mains des trois frères Demers :
André, Charles et Robert, les fils d’André Demers, celui qui avait obtenu
une concession sur la rue Saint-Paul en , comme nous le verrons un
peu plus loin. Le propriétaire subséquent, Paul Agnier, subdivisera son
lot en deux parties égales qui seront ultérieurement à nouveau réunies.
Mais au e siècle la concession est toujours subdivisée en deux lots
distincts et les constructions qui s’y trouvent en font foi. Les deux bâti-
ments n’auront plus toutefois qu’un seul propriétaire, à partir du moment
où dame Mathilde Barrette, qui détient déjà la maison du coin érigée
vers , achètera le -, rue Notre-Dame. Avec l’entrepôt arrière
qu’elle possède également, le tout formera un ensemble qui se perpétuera
lorsque l’éditeur Beauchemin se portera acquéreur des biens de la succes-
sion Barrette, en . D’ailleurs, l’emplacement des trois immeubles
porte de nos jours une seule désignation cadastrale.
En largeur, les deux bâtiments de la rue Notre-Dame occupent exacte-
ment l’emplacement que les religieuses avaient accordé au e siècle,
d’abord au sieur Sabourin, puis aux frères Demers. Quant à l’entrepôt,
SE C T E U R N UM ÉR O 5  

son occupation correspond au tiers nord de la concession que possédait


le sieur René Alarie en . Nous reviendrons à ce concessionnaire dans
le traitement du côté est de la rue Saint-Jean-Baptiste.
En cette même année , le reste de l’espace en front de la rue Notre-
Dame, soit jusqu’à la rue Saint-Gabriel, est concédé à Pierre Boisseau
qui n’a pas eu à le rétrocéder aux religieuses. La famille conservera l’em-
placement durant au moins une cinquantaine d’années, car Angélique
Boisseau en possédait encore la majeure partie après que son père
Antoine eut cédé une largeur de vingt-huit pieds à Étienne Gibault
(Gibeau), en .
De nos jours, deux bâtiments occupent la concession originale du
sieur Boisseau. Le plus à l’ouest (n -), qui date de , a fière allure.
Il fut érigé par le notaire et libraire Joseph-Moïse Valois, à la suite de sa
rupture d’association avec son beau-frère, le libraire et imprimeur
Charles-Odilon Beauchemin. Le notaire n’y installe toutefois sa librairie
qu’en , pour à peine quatre ans. Il fait alors faillite, mais a le temps
de céder le bâtiment à son épouse Henriette-Delphine. Ironie du sort
peut-être, l’immeuble est vendu en  au fils de son ancien associé,
Louis-Joseph-Odilon Beauchemin, qui a succédé à son père dans
l’entreprise. Mais, comme on le verra plus loin, ce sera sur la rue Saint-
Gabriel que la Librairie Beauchemin concentrera ses activités d’entrepo-
sage, d’édition et d’imprimerie à partir de , l’édifice de la rue Notre-
Dame étant réservé à la librairie et à l’administration. Enfin, l’immeuble
au coin de la rue Saint-Gabriel est beaucoup plus récent (-).
La concession voisine vers le sud, sur Saint-Gabriel, est allée au sieur
Gilles Garnier. Elle fut rapidement rétrocédée, et les religieuses l’accor-
dèrent presque aussitôt, à François Guillemot dit Lalande, dès .
Aujourd’hui, sur ces lieux, nous sommes en présence d’une ancienne
caserne de pompiers (n -) construite en , mais dont la tour
a été démolie. La Ville de Montréal en est toujours propriétaire et loue
les espaces à différents locataires.
Entre septembre  et le même mois de l’année suivante, l’emplace-
ment voisin est passé successivement entre les mains de Jean Gautier
(Gauthier), de Jean Griveau dit Boisjoli et de Jean Roy dit Deschats, avant
d’être repris par les religieuses qui le cédèrent à nouveau au sieur Jean
Roy dit Deschats, le  septembre . En , la compagnie Evans &
Sons Ltd. fit construire le bâtiment en pierre de cinq étages (n ) qui
occupe encore de nos jours ce terrain concédé autrefois à Jean Roy. Le
  L E V IE U X-M O N T R É A L

nom de la société, gravé dans la pierre, figure toujours en façade de l’édi-


fice. D’origine britannique, le sieur Evans dirigeait une entreprise spécia-
lisée dans la fabrication, l’importation et la distribution de produits
pharmaceutiques.
Le complexe qui suit vers le sud sur la rue Saint-Gabriel couvre non
seulement deux concessions accordées par les religieuses, mais également
l’arrière de celle qu’avait obtenue en  le sieur Nicolas Millet dit
Le Beauceron, en front de la rue Saint-Paul. L’emplacement le plus au
nord, d’une largeur de quarante-huit pieds, a été concédé par les Hospi-
talières aux frères Jean-Baptiste et Henri Jarry, en . Quant au dernier
terrain que celles-ci possédaient sur Saint-Gabriel, il est allé au sieur
Jean Griveau dit Boisjoli dont il a été question au paragraphe précédent.
En , le sieur Clément Sabrevois de Bleury achète ces deux conces-
sions. Sur celle du sieur Boisjoli, se trouve alors une petite maison en
pierre de deux étages et demi qui avait été construite en .
Les intérêts du sieur de Bleury s’étendront bientôt plus au sud.
Globalement, sa propriété formera un ensemble dont les parcelles demeu-
reront intimement liées jusqu’à nos jours. Cela nous oblige, pour aborder
la suite, à quitter la terre que l’Hôtel-Dieu avait acquise d’Élisabeth
Moyen, la veuve de Lambert Closse, et que les Hospitalières de Saint-
Joseph avaient récupérée. Si les deux concessions que le sieur Closse
avait obtenues en  commençaient un arpent au nord de la rue
Saint-Paul, c’est tout simplement parce que Maisonneuve avait déjà
accordé, dès , des lots d’un arpent de profondeur, en front de cette
même rue.
Le premier concessionnaire au coin de la rue Saint-Jean-Baptiste se
nommait Charles Hubert dit Lacroix. Trente-huit ans plus tard, son fils
Nicolas vendra la concession paternelle au sieur Pierre Chicoine. Nous
sommes alors en . Quant au lot voisin à l’angle de la rue Saint-
Gabriel, il avait été cédé deux ans auparavant par le propriétaire original,
le sieur Nicolas Millet dit Le Beauceron, au sieur Jean Arnault dit
Deslauriers qui était originaire de Bordeaux.
Avant de revenir au sieur de Bleury, il serait bon de poursuivre l’évo-
lution historique de ces deux concessions de la rue Saint-Paul. En ,
le sieur Chicoine se libère de la sienne. En front de ladite rue Saint-Paul,
il vend un emplacement de trente-deux pieds de largeur sur soixante-
quatre de profondeur, qui vient s’appuyer sur le lot du sieur Arnault. C’est
le sieur Pierre Larocque qui en est le bénéficiaire. À peu près au même
SE C T E U R N UM ÉR O 5  

moment, tout le reste est vendu au sieur Charles Cabassier. Ce dernier


créera quatre emplacements, dont celui qui fait le coin des rues Saint-
Paul et Saint-Jean-Baptiste. Ce lot de même profondeur que celui du sieur
Larocque sera acquis, en , par le sieur Prudent Vinet.
Les trois autres emplacements, en se dirigeant vers le nord iront, dans
l’ordre, aux sieurs Louis Ménard, Eustache Prévost et Bertrand Trudeau.
Ceux des sieurs Prévost et Trudeau, qui mesurent respectivement trente-
sept et quarante-six pieds de largeur, feront partie en  des acquisi-
tions du sieur Simon McTavish dont il sera question un peu plus loin
dans le présent chapitre.
De son côté, sur la rue Saint-Gabriel, le sieur Arnault procédera en
 à la vente de deux emplacements. Le plus au nord, qui mesure
soixante-quatre pieds de largeur, est acheté par le sieur Jean Guichard
dit Lasonde. Le suivant, deux fois moins large, est cédé au sieur Laurent
Trudeau, le frère de Bertrand. Le sieur Arnault devait sans doute avoir
sa maison et son commerce sur le résidu en front de la rue Saint-Paul,
car ce ne sera qu’en  que la propriété sera vendue au sieur François
L’Huilier dit Chevalier. Signalons que Laurent et Bertrand avaient pour
père Étienne Trudeau, ce pionnier qui avait manifesté tant de bravoure
en .
C’est ici que se poursuit l’étude du complexe du sieur Sabrevois de
Bleury. En , celui-ci a eu la bonne fortune d’épouser Charlotte
Guichard. Il héritera plus tard de l’emplacement que son beau-père, Jean
Guichard dit Lasonde, avait acheté du sieur Arnault, en . Le sieur de
Bleury se retrouvera alors propriétaire d’un terrain d’une largeur totale
de près de cent soixante pieds sur la rue Saint-Gabriel. Il décide d’agrandir,
autant vers le nord que vers le sud, la petite maison de , devenue sa
nouvelle demeure. Après un incendie en , le seigneur des lieux fait
restaurer la maçonnerie de la maison. Grâce à un mur coupe-feu, l’agran-
dissement vers le sud ne semble pas avoir été touché, le tout constituant
les bâtiments actuels. Le sieur de Bleury habitera l’endroit jusqu’à son
décès, survenu en .
Endommagée, agrandie, restaurée, puis intégrée dans l’ensemble, la
petite maison de  n’en demeure pas moins l’une des rares habitations
de cette époque qui subsistent encore dans le Vieux-Montréal.
Onze ans après le décès du sieur de Bleury, Felix Graham fait l’acqui-
sition du complexe, puis Joseph Frobisher en fera sa résidence à partir
de . Originaire du Yorkshire en Angleterre, ce personnage a connu
  L E V IE U X-M O N T R É A L

une vie aventureuse en parcourant le Nord-Ouest canadien, notamment


lors d’un hivernage sur la rivière Athabasca en -, où il faillit
perdre la vie par manque de nourriture. Frobisher fut l’un des membres
fondateurs de la célèbre Compagnie du Nord-Ouest, en . À la mort
de son frère Benjamin, il s’allie avec Simon McTavish pour former la
McTavish, Frobisher and Company. Cette société prendra le contrôle de
la Compagnie du Nord-Ouest pour de nombreuses années. Avec d’autres
trafiquants de fourrures, Frobisher fonda, en , le célèbre Beaver Club
dont les membres, pour être admis, devaient avoir passé au moins un
hiver dans les « pays d’en haut ».
Dans les faits, il apparaît que les magnats de la fourrure Frobisher et
McTavish se soient partagé l’ensemble des biens immobiliers que possé-
dait le sieur de Bleury. C’est ainsi que la partie sud que ce dernier avait
obtenue par son mariage avec Charlotte Guichard alla au sieur Simon
McTavish, sans doute grâce à ses relations d’affaires avec Frobisher, car,
si celui-ci demeura sur la rue Saint-Gabriel, McTavish, quant à lui, a eu
sa luxueuse résidence juste en arrière, sur la rue Saint-Jean-Baptiste,
comme on le verra plus loin.
Issu du célèbre clan Tavish en Écosse, ce marchand de fourrures fut
l’un des seize premiers actionnaires de la Compagnie du Nord-Ouest,
avant d’en assumer le contrôle avec Frobisher. Au tournant du e siècle,
il devint probablement l’homme le plus riche de Montréal et, en ,
ce « marquis de la fourrure », comme on l’appelait, s’est payé la fastueuse
résidence du chef du clan Tavish, dans l’Argyleshire de son Écosse natale.
Les deux associés marièrent des Canadiennes françaises, McTavish
convolant avec Marguerite Chaboillez et Frobisher avec Charlotte
Jobert.
À partir de , le complexe qu’avaient possédé un temps le sieur
Clément Sabrevois de Bleury puis le tandem Frobisher-McTavish logera
des imprimeurs et abritera d’abord le journal L’Avenir, puis le journal
La Patrie en . En , la Librairie Beauchemin, qui connaîtra une
certaine notoriété, s’installe dans cet ensemble pour y exercer une grande
part de ses activités jusqu’en . De nos jours, c’est L’Auberge Saint-
Gabriel qui occupe les quatre bâtiments du complexe, dont un se trouve
situé sur la partie arrière de l’emplacement que possédait le
sieur de Bleury. La réputation du restaurant Le Vieux Saint-Gabriel
n’est plus à faire et il a la cote aussi bien auprès des touristes que des
Montréalais.
SE C T E U R N UM ÉR O 5  

Enfin, il est peut-être intéressant de signaler qu’au e siècle le riche


marchand de Bleury possédait un vaste manoir sur les bords de la rivière
des Prairies, près du village de Saint-Vincent-de-Paul. Longtemps inha-
bité, il avait quand même conservé sa fière allure dans les années .
Mais il a été laissé sans surveillance, et des vandales l’ont malheureuse-
ment saccagé et incendié en bonne partie depuis.
On a vu que la subdivision en  de la concession dont le sieur Jean
Arnault s’était porté acquéreur avait créé trois emplacements, dont deux
en front de la rue Saint-Gabriel, le plus au nord étant allé à Jean Guichard,
le beau-père du sieur Sabrevois de Bleury, et le second, à Laurent Trudeau,
alors que le sieur Arnault s’était réservé le résidu, sur la rue Saint-Paul.
Aujourd’hui, deux lots, dont la profondeur englobe aussi la majeure
partie de l’emplacement qu’avait le sieur Trudeau, ont leur façade sur la
rue Saint-Paul. Le bâtiment en pierre et brique sur le coin de la rue Saint-
Gabriel date de , du moins pour ce qui est des trois premiers étages.
Durant la première moitié du e siècle, tous les bâtiments en front de
la rue Saint-Paul entre les rues Saint-Gabriel et Saint-Jean-Baptiste sont
dominés par le commerce de la quincaillerie. Le -, rue Saint-Paul et
le , rue Saint-Gabriel n’y échappent pas et, de  à , on y
retrouve la Letang Hardware Company Limited, fondée par Anselme
Letang qui, dans les années , ajoute deux étages en brique à l’édifice.
En , le restaurant du Vieux Port occupe le rez-de-chaussée et le
premier étage, le reste de l’édifice ayant été converti en logements.
Le bâtiment voisin vers l’ouest (n  et ) occupe lui aussi une partie
de la concession originale qu’avait achetée le sieur Arnault du sieur
Nicolas Millet dit le Beauceron. Sa construction remonte à la deuxième
décennie du e siècle, mais il a par la suite subi de profondes modifi-
cations. Ainsi, la façade actuelle date des années  et le dernier étage
a disparu durant le premier quart du e siècle. Au moment de la réfec-
tion de la façade, c’est le quincaillier Louis-Joseph Béliveau qui est le
propriétaire. À partir de , d’autres genres de commerce l’occuperont,
mais, depuis , il fait partie avec trois autres bâtiments d’un ensemble
orienté vers la restauration et l’habitation. Le rez-de-chaussée abrite le
restaurant-bar The Keg Steak House qui étend ses activités aux deux
autres constructions vers l’ouest. Il faut dire que les commerçants d’autre-
fois communiquaient aussi d’un édifice à l’autre et occupaient même le
- de la rue Saint-Jean-Baptiste qui a servi principalement d’en-
trepôt à divers quincailliers grossistes. Ces trois derniers immeubles se
  L E V IE U X-M O N T R É A L

trouvent sur la partie sud de la concession accordée au sieur Charles


Hubert dit Lacroix, le  août . Nicolas Hubert en prend ensuite
possession et, cinq ans plus tard, Pierre Chicoine, qui est déjà proprié-
taire de la concession au nord, l’achètera et procédera à son morcellement.
Parmi les quincailliers établis à divers moments et degrés d’occupation
jusqu’à la fin des années , on note, en plus de Louis-Joseph Béliveau,
la compagnie Barrett & Hagar et la maison Louis-H. Hébert.
La partie nord de la concession du sieur Hubert dit Lacroix supporte,
du moins pour son rez-de-chaussée, une maison historique. C’est celle
de Simon McTavish, dont il a été question précédemment. Elle fut
construite vers , avec toit en mansarde, par le négociant Richard Dobie.
McTavish en fut le premier occupant à titre de locataire et il y demeura
jusqu’en , l’année de son départ pour un séjour en Écosse qui le
conduira à l’acquisition du luxueux domaine du chef du clan Tavish.
Entretemps, la maison de la rue Saint-Jean-Baptiste fut achetée en son
nom par l’intermédiaire de son associé, Joseph Frobisher. Au décès de
son mari en , Marguerite Chaboillez McTavish décida de ne plus
l’habiter. La grande maison, qui n’a pas moins de quatre-vingts pieds en
façade, devient la propriété du notaire Étienne Guy, en . Un lustre
plus tard ou à peu près, la National Drug & Chemical Company s’y
installe pour plus de cent ans, d’abord comme locataire, puis à titre de
propriétaire, à partir de . Pour ses besoins, la compagnie fit sauter
les combles en mansarde et les remplaça par un étage en brique recou-
vert d’un toit plat. On comprendra que la maison de McTavish perdit
alors quatre-vingt-dix pourcent de son cachet d’origine.
En se dirigeant vers la rue Notre-Dame, pour terminer le parcours
qui concerne ce chapitre, on découvre un luxueux complexe hôtelier, le
Marriott Springhill Suites (n ) qui occupe les concessions respectives
de Pierre Chicoine et de Jacques Daugrolle dit Lamarche, ainsi que les
deux tiers de celle de René Alarie. Ces trois concessionnaires avaient
obtenu leurs emplacements des religieuses en . Celui du sieur
Daugrolle lui avait été cependant presque aussitôt retiré, pour être cédé
à dame Jeanne Renaud, la veuve de Jacques Vaudry. Celui-ci et sa femme,
respectivement originaires de La Rochelle et de la Normandie, s’étaient
mariés à Trois-Rivières, en .
On a vu plus haut que le dernier tiers de la concession accordée
originalement au sieur Alarie fait partie de l’ensemble créé par dame
Mathilde Barrette au coin de la rue Notre-Dame, au e siècle. Avant
SE C T E U R N UM ÉR O 5  

son morcellement, le terrain du sieur Alarie était passé aux mains du


sieur François Jarret de Verchères, puis du sieur René Drouillard dit
Laprise. Au décès de ce dernier, ses trois enfants, René, Marie et Charles,
se sont partagé également l’héritage.

   ,  …   


     e 

En longeant de nouveau la façade de la Cour d’appel, nous arrivons à la


rue Saint-Vincent. Le reste du domaine du sieur de Hautmesnil, créé à
même l’ancien fief de Lambert Closse, couvrait le côté est de cette rue,
pour s’arrêter à quelque deux cents pieds de la rue Saint-Paul.
Ici encore, avant de faire la cession de ses biens et de ses droits aux
messieurs, Vincent Philippes de Hautmesnil avait procédé à la subdivision
de l’espace. Un seul lot n’avait pas trouvé preneur et ce sont les seigneurs
qui prendront l’initiative de le concéder, en . Le bénéficiaire sera le
sieur Gabriel Baudreau dit Graveline, le fils d’Urbain qui, comme on l’a
vu dans un chapitre précédent, avait pignon sur la rue Saint-Gabriel. Ce
lot, qui avait environ cent deux pieds en front de la rue Notre-Dame,
sera plus tard subdivisé.
Viennent ensuite, dans l’ordre sur la rue Saint-Vincent, les emplace-
ments de Michel Devaux dit Descormiers, de Jacques Arrivé et de Louis
Tétreault. Le lot suivant a deux détenteurs : Michel Boivin et Jean Lorain
(Laurin). Ce dernier venait alors d’épouser Catherine, la sœur du sieur
Boivin. Quant à celui-ci, il épousera Françoise, la sœur de son beau-frère,
en . On peut dire que les descendants Laurin et Boivin sont unis à
la fois par les liens du sang et des ancêtres qui ont partagé le même toit
sur la rue Saint-Vincent durant de nombreuses années.
Puis ce sont les terrains de Jean Péladeau et d’André Hunault. Comme
on l’a vu plus haut, ce dernier se portera acquéreur d’un autre lot du côté
est de la rue Saint-Gabriel. Tous ces bénéficiaires sur la rue Saint-Vincent
ont obtenu leurs lots soit en , soit en . Nous sommes alors rendus
à la limite sud du domaine du sieur de Hautmesnil.
En continuant sur la rue Saint-Vincent, nous longeons la concession
qu’Élisabeth Moyen a obtenue des seigneurs en . On ne peut
s’empêcher de penser qu’il s’agissait probablement d’une compensation,
  L E V IE U X-M O N T R É A L

en retour de la cession que la veuve de Lambert Closse venait de consentir


en faveur de l’Hôtel-Dieu. Le sieur Jacques Bizard, originaire de Neuf-
châtel en Suisse, en héritera par son mariage avec Jeanne-Cécile, la fille
des époux Closse. Celui-ci subdivisera le lot en trois pour créer deux
emplacements sur la rue Saint-Paul, qui seront vendus par la suite. Le
coin ira à Jean-Baptiste Leguille en , et le lot voisin vers l’est, à Olivier
Quesnel. La famille Bizard conservera cependant durant plusieurs
décennies l’emplacement situé vers l’arrière qui mesurait cent vingt-deux
pieds en front de la rue Saint-Vincent. Louise Bizard, qui avait épousé le
capitaine Charles Du Buisson en , continuera d’habiter sur la rue
Saint-Vincent, après la mort de son mari.
Que s’est-il passé par la suite ? En fait, l’espace dont il est ici question
constitue le cœur du quartier où l’effervescence patriotique atteignit son
comble au e siècle, qu’il s’agisse de la fondation du journal La Minerve,
de la fondation de la Société Saint-Jean-Baptiste, de l’établissement de la
librairie de Louis Perrault puis de celle d’Édouard-Raymond Fabre où
se tenaient quotidiennement des réunions fort animées, ou encore de la
création de la Banque du peuple. Parmi les nombreux patriotes, on recon-
naissait Ludger Duvernay, Louis Perrault, André Ouimet, Fabre et Papi-
neau, Côme-Séraphin Cherrier, Charles-Ovide Perrault, Denis-Benjamin
Viger, Augustin-Norbert Morin, Léon Asselin et des dizaines d’autres
figures plus ou moins importantes qui ont marqué cette époque. Jusqu’à
la fin du e siècle, la communauté franco-élégante fréquentait la rue
Saint-Vincent, le point de rencontre étant l’hôtel Richelieu, où séjourna
Sarah Bernhardt en .
Les deux lots en front de la rue Notre-Dame au coin de la rue Saint-
Vincent sont occupés de nos jours par deux bâtiments très différents,
mais qui ont cependant un lien en commun avec la compagnie d’assu-
rance La Sauvegarde. Celui du coin, avec ses dix étages, est connu sous
le nom de l’Édifice de La Sauvegarde. Après l’avoir érigé en , la
compagnie y a maintenu son siège social durant soixante ans. La maison
voisine en pierre de deux étages et demi (n ) est beaucoup plus
ancienne. Profitant de l’avènement du Marché neuf, Jean-Baptiste
Guillon dit Duplessis la construisit en . Également propriétaire du
bâtiment, la société d’assurance convertit la Maison La Sauvegarde en
centre d’art, en . Après l’acquisition de la société par le Mouvement
des caisses Desjardins, le centre ferme ses portes. On est en . Depuis
un incendie récent, la maison fait l’objet d’une restauration complète. Si
SE C T E U R N UM ÉR O 5  

celle-ci repose sur le terrain que les seigneurs ont concédé à Gabriel
Beaudreau dit Graveline, l’Édifice La Sauvegarde, quant à lui, s’étend
beaucoup plus vers le sud et couvre aussi la concession de Michel Devaux
dit Descormiers et en partie celle de Jacques Arrivé, toutes deux accor-
dées par le sieur de Hautmesnil, en .
Suit, sur Saint-Vincent, l’ancien hôtel Richelieu (n ) qui déborde
de chaque côté du lot que possédait Louis Tétreault en . Il s’agit du
bâtiment principal d’un complexe hôtelier qui s’étendait jusqu’à la place
Jacques-Cartier. C’est le seul qui appartenait à Sérafino Giraldi, les deux
autres étant en location.
Après avoir traversé un passage étroit, nous sommes en présence d’un
ensemble commercial créé par le shérif Edward William Gray. Il s’agit
vraisemblablement du seul du genre dans le Vieux-Montréal, à dater du
e siècle. Le n  a servi d’entrepôt et de magasin pour les encans,
alors que le n , un édifice construit en , servait de résidence au
marchand shérif. Ce dernier a été converti en une auberge appelée Le
Guilleret. À l’extérieur, les restaurations ont très bien respecté le cachet
d’origine des deux bâtiments, qui occupent les concessions originales
accordées à André Hunault et à Jean Péladeau dit Saint-Jean et la partie
sud de celle qui a été obtenue par Jean Laurin et Michel Boivin.
Quant au bâtiment en pierre et brique de quatre étages qui se rend
jusqu’à la rue Saint-Amable ( et , rue Saint-Vincent), il est érigé
sur l’emplacement où ont résidé le sieur Bizard et ses filles. Un siècle plus
tard, l’avocat Côme-Séraphin Cherrier y construisit une maison dont il
reste encore quelques vestiges. L’ensemble prendra le nom d’entrepôt
frigorifique Cherrier jusqu’en .
Trois bâtiments sont aujourd’hui situés sur les deux lots que le sieur
Bizard avait vendus de son vivant, en front de la rue Saint-Paul. Le plus
à l’est (n  et ) est une maison en pierre de deux étages et demi,
connue sous le nom de Maison du Patriote en raison de l’enseigne qui
figura sur la devanture durant près d’un siècle. Elle fut installée par le
marchand de tabac Alexis Dubord, qui a tenu longtemps son commerce
à cet endroit. L’emplacement correspond en gros à celui qu’avait acquis
Olivier Quesnel du sieur Bizard, en . Originaire de Saint-Malo, ce
Quesnel est l’aïeul de l’épouse d’André Grasset de Saint-Sauveur dont il
a été question précédemment.
Les deux autres bâtiments se partagent le terrain que le sieur Bizard
avait vendu à Jean-Baptiste Deguille dit Leguille. Le plus à l’est (n 
  L E V IE U X-M O N T R É A L

et ), construit par Denis Viger en , demeurera la propriété de ses


descendants jusqu’en . Entretemps, c’est aux étages supérieurs de
l’édifice que Ludger Duvernay fondera son journal. La Minerve sera
imprimée dans ces locaux de  à , avant de déménager sur la rue
Sainte-Thérèse. Quant à la maison de quatre étages sur le coin de la rue
Saint-Vincent, elle est plus récente. Depuis sa construction en , elle
a changé de mains et de vocation à maintes reprises.
Après l’arrivée de la Grande Recrue, et notamment en , Maison-
neuve accorda plusieurs concessions au nord de la rue Saint-Paul. Sauf
exception, l’ouverture des rues nord-sud n’avait pas encore été planifiée.
Les propriétaires furent donc appelés plus tard à sacrifier l’espace néces-
saire à l’aménagement de nouvelles artères. C’est ainsi que les deux
concessions entre les rues Saint-Gabriel et Saint-Vincent se sont retrou-
vées respectivement légèrement rétrécies par la cession de lisières de
terrain à leurs extrémités est et ouest. D’un arpent de profondeur, elles
ont aussi contribué à l’ouverture de la rue Sainte-Thérèse à l’arrière.
Au départ, le lot du sieur Jean Leduc, au coin de la rue Saint-Gabriel,
mesurait un arpent en largeur. À peine quatre mois après son acquisi-
tion, l’emplacement passa aux mains de Marin Janot, fraîchement arrivé
avec la Grande Recrue et qui avait eu le temps d’épouser Françoise
Besnard au mois d’août précédent. Marin Janot et ses héritiers profitèrent
du site durant plus de cinquante-cinq ans, avant que la famille ne le vende
aux seigneurs. C’est alors que ceux-ci ne tardèrent pas à percer la rue
Saint-Denis, devenue plus tard la rue de Vaudreuil, et à créer douze lots
d’égales dimensions, soit quarante-cinq de largeur sur quarante-six de
profondeur. Huit lots se faisaient face sur la nouvelle rue et les quatre
autres avaient front sur la rue Saint-Vincent. Les nouveaux terrains trou-
vèrent tous preneurs en . Pour un promeneur, ces cases de figure
presque carrée ne devraient pas être très difficiles à repérer et ceux qui
découvriraient un ancêtre parmi les premiers propriétaires n’auraient
aucune difficulté à retracer le site qu’il occupait. Comme il a été précisé,
il y a trois rangées de quatre lots et les données sont fournies du sud vers
le nord, en commençant par le côté ouest de la rue Saint-Vincent. Il s’est
avéré impossible cependant d’identifier le bénéficiaire du lot du coin en
. Les trois terrains suivants sont allés, dans l’ordre, à Anne Lemyre,
à Alexis Picard et à Jean-Baptiste Marest dit Lépine.
Du côté est de la rue de Vaudreuil, on a les lots de Geneviève Ruot, la
veuve d’un nommé Laprairie dit Saint-Georges, celui de Paul Hotesse
SE C T E U R N UM ÉR O 5  

qui, comme sa première épouse Élisabeth, était originaire de la région


de Boston, et celui de Paul Dumouchel. Le quatrième, au coin de la rue
Sainte-Thérèse, est allé à Jean-Baptiste Marest dit Lépine. Ce lot s’adosse
à celui qu’il avait déjà obtenu sur la rue Saint-Vincent. Enfin, du côté
ouest de la rue de Vaudreuil, les trois premiers emplacements ont été
vendus à des enfants de Paul Daveluy dit Larose, qui venait de la région
d’Amiens en Picardie. Toujours dans le même ordre, on retrouve les lots
de Marguerite, de Jean-Paul et de Jean. C’est Pierre Desroches qui béné-
ficia du lot au coin de la rue Sainte-Thérèse.
En tout, cinq bâtiments, incluant des vestiges, remplissent aujourd’hui
le quadrilatère compris entre les rues de Vaudreuil, Sainte-Thérèse, Saint-
Vincent et Saint-Paul. Au coin de ces deux dernières rues, le bâtiment
est occupé notamment par le restaurant portugais Le Soleil et la Mer.
L’édifice en pierre voisin sur Saint-Vincent (n  à ) fut construit
vers . Le troisième bâtiment (n ) a un intérêt patrimonial
particulier. C’est le libraire Jean-Baptiste Rolland qui l’a fait construire
en , pour y installer son commerce et ses entrepôts. On y retrouvait,
en plus de la librairie, les ateliers d’impression et de reliure. Les affaires
allaient bien et le propriétaire étendit ses activités aux constructions
voisines. Au e siècle, la rue Saint-Vincent a connu une période faste
comme centre littéraire à Montréal. En , Jean-Baptiste Rolland
modifia l’orientation de ses affaires en créant une importante papetière
à Saint-Jérôme, puis à Mont-Rolland (Sainte-Adèle). La société, spécialisée
entre autres dans la fabrication du papier fin, connaîtra une grande
expansion dont le succès se reflète encore de nos jours.
Au coin nord-est des rues Saint-Paul et de Vaudreuil se trouve un
bâtiment intéressant construit en , pour les grossistes en alimenta-
tion Hudon et Orsali. Malheureusement, pour permettre la construction
de cet immeuble, plusieurs maisons datant du début du e siècle ont
été détruites, dont la première place d’affaires de la Banque de Montréal.
Fondée en , la première banque au Canada a en effet eu son siège
social durant deux ans à cet endroit de la rue Saint-Paul. Quant au bâti-
ment arrière qui servait d’entrepôt à Hudon et Orsali, il s’étend le long
de la rue Sainte-Thérèse jusqu’à la rue Saint-Vincent pour englober les
vestiges d’une ancienne bâtisse en pierre.
Aujourd’hui, sur le côté ouest de la rue de Vaudreuil, les quatre empla-
cements issus du lotissement de la concession Leduc-Janot, en , ne
sauraient être dissociés de la concession voisine accordée à Jacques
  L E V IE U X-M O N T R É A L

Laporte dit Saint-Georges, en . En effet, après s’être porté acquéreur,


dans la première demie du e siècle, de tout le quadrilatère borné par
les rues Saint-Paul, Saint-Gabriel, Sainte-Thérèse et de Vaudreuil, la
compagnie Duchesneau-Trudeau y a construit des bâtiments selon ses
besoins, sans nécessairement tenir compte des anciennes limites de
propriété. C’est ainsi que les immeubles chevauchent parfois les
concessions originales des sieurs Leduc et Laporte dit Saint-Georges et
ne tiennent pas compte des lotissements effectués au début du e siècle.
Si le morcellement de la concession Leduc-Janot s’effectua en , la
subdivision de celle du sieur Laporte ne tarda pas à se concrétiser, dès
l’année suivante, ce qui créa cinq emplacements, dont deux lots de
quarante-trois pieds de largeur chacun, en front de la rue Saint-Paul :
celui du coin de la rue Saint-Gabriel va alors à Jean Guichard dit Lasonde,
un chirurgien-soldat et l’autre, à Jean Hotesse. Ces deux terrains avaient
une profondeur de quatre-vingt-onze pieds et, en arrière, fut créé un lot
également de quarante-trois pieds de largeur en front de la rue Saint-
Gabriel. Cet emplacement est alors pris par Nicolas Choué dit Laliberté.
Enfin, deux derniers terrains d’une même largeur auront front sur la rue
Sainte-Thérèse. Celui au coin de la rue Saint-Gabriel devient la propriété
de Pierre Janson dit Lapalme, alors que Daniel Madox hérite de celui qui
se trouve voisin vers l’est. Les cinq lots, qui avaient appartenu jadis au
sieur Laporte dit Saint-Georges, trouvèrent un nouveau propriétaire
l’année même du lotissement.
Voici un résumé de ce qui se passa à l’intérieur de ce quadrilatère,
durant le e siècle. On peut dire que le carré de l’édifice au coin des rues
Saint-Paul et Saint-Gabriel couvre le site de l’emplacement ayant appar-
tenu à Jean Guichard dit Lasonde. Construit en  par les fondateurs
de la future maison Duchesneau-Trudeau, à savoir Joseph et Magloire-
Edmond Duchesneau, c’est le plus ancien du complexe. À la faveur de
l’essor rapide de cette société de grossistes en tissus et en objets de luxe,
les propriétaires achetèrent progressivement tous les immeubles du
quadrilatère. La dernière acquisition date de , mais déjà la compa-
gnie avait entrepris la démolition de toutes les constructions, à l’excep-
tion de celle que les frères Duchesneau avaient érigée, au début du siècle.
Si certaines avaient subi des dégâts à la suite d’un incendie, d’autres à
caractère patrimonial furent carrément détruites pour faire place par
étapes à des édifices en brique. Il reste toutefois des vestiges de celle en
pierre (, rue Sainte-Thérèse), d’Antoine Janson dit Lapalme, construite
SE C T E U R N UM ÉR O 5  

au e siècle et vendue à Joseph Frobisher en , celui-là même qui


était membre de la McTavish, Frobisher and Company et qui contrôlait
la Compagnie du Nord-Ouest. Le site correspond aux emplacements que
possédaient Pierre Desroches et Jean Daveluy dit Larose, en .
Quant à l’édifice en brique de trois étages au coin des rues Saint-Paul
et de Vaudreuil, il fut construit en . Il se trouve sur le site des empla-
cements de Marguerite et de Jean-Paul Daveluy dit Larose. Présentement,
il abrite au rez-de-chaussée le restaurant Papillon. La construction
voisine également en brique, mais de six étages, loge une galerie d’art
contemporain (n ). Son emplacement correspond au terrain qu’avait
acquis Paul Hotesse, au début du e siècle. Érigée en , elle s’appuie
sur le premier bâtiment occupé par l’entreprise Duchesneau-Trudeau.
Vers le même moment, l’entreprise décide de construire un bâtiment en
brique de deux étages qui se situe à peu près au centre du quadrilatère
(, rue Saint-Gabriel). La construction servira de bureau pour la récep-
tion et l’expédition des marchandises. Tout l’espace contigu vers les rues
Saint-Gabriel et Sainte-Thérèse permettra de faciliter les déplacements
des camions pour le chargement et le déchargement. Mais, pour ce faire,
deux immeubles en pierre avec toit mansardé, respectivement de quatre
étages et demi et de trois étages et demi, seront démolis. Avant , le
plus haut des deux était connu sous le nom d’Hôtel Canada. Quant au
second édifice, il fut occupé par l’Institut canadien en  et en .
La compagnie Duchesneau-Trudeau fut liquidée en .

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Entre les rues Saint-Jean-Baptiste et Saint-Gabriel

Au secteur numéro , on a signalé que, sur le côté sud de la rue Saint-


Paul, le sieur André Charly de Saint-Ange avait obtenu, en , une
concession aux environs de la rue Saint-Jean-Baptiste, alors que cette
artère n’était pas encore projetée. Ne comptant que quarante-huit pieds
au départ, le lot fut élargi à deux reprises pour atteindre au moins
soixante-quatre pieds, en front de la rue Saint-Paul. Peu de temps après
être entré en possession de la concession voisine qui avait appartenu
originalement au sieur Mathurin Jousset dit La Loire, le notaire Claude
Maugue demanda au sieur Charly de lui céder une lisière de terrain de
onze pieds de largeur, ce qui fut fait vers . Il y a lieu de croire que c’est
  L E V IE U X-M O N T R É A L

cette nouvelle limite de propriété qui longeait l’étroite rue Saint-Jean-


Baptiste, laquelle sera fortement élargie au e siècle, à même le terrain
dont jouissait le notaire.
La maison familiale des Charly dit Saint-Onge aurait donc été
construite du côté ouest de la future rue, c’est-à-dire dans le secteur
numéro . Cette propriété de la veuve du sieur Claude Laserre dit Lalime
en , fut le dernier bâtiment vers l’est à être détruit par les flammes.
Trois autres concessions suivaient celle du notaire Maugue, avant
d’arriver à la rue Saint-Gabriel. Dans l’ordre, on retrouve celle du sieur
Jacques Hubert dit Lacroix, pour trente-deux pieds de largeur, puis celle
du sieur André Carrière qui atteignait quarante-trois pieds en façade,
pour terminer avec le lot du sieur Nicolas Millet dit le Beauceron, au coin
de la rue Saint-Gabriel. Comme la concession du sieur Jousset plus haut,
elles ont toutes les trois été accordées en .
Les lots alloués sur le côté sud de la rue Saint-Paul se rendaient
jusqu’au fleuve. Mais l’érection des fortifications les grugea consi-
dérablement et leur nouvelle profondeur fut officiellement établie par
bornage, en . Cette opération s’appliqua notamment à tous les
emplacements compris entre les rues Saint-Jean-Baptiste et Saint-
Charles, cette dernière longeant la limite est de la place Jacques-Cartier
actuelle.
La concession originale du sieur Jousset demeura pendant au moins
deux autres générations aux mains de sa descendance. En effet, c’est pour
avoir épousé Louise Jousset que le notaire Maugue avait hérité de
l’emplacement. Ce sera dans des circonstances similaires que Jean Brunel
dit de Lasablonnière deviendra lui aussi propriétaire, en . Seize ans
auparavant, il avait épousé une fille du notaire.
Au cadastre moderne, les lignes latérales des quatre concessions sont
demeurées parallèles à l’alignement de la rue Saint-Jean-Baptiste, alors
que l’axe de la rue Saint-Gabriel est légèrement à angle, ce qui a pour
effet de rendre la largeur du dernier lot en front de la rue Saint-Paul
supérieure d’une douzaine de pieds par rapport à la mesure qu’il contient
sur la rue de la Commune. Nonobstant cette différence, il est permis de
croire que l’occupation des quatre bâtiments actuels correspond assez
bien à celle des quatre concessions d’origine, tout en notant que celle du
notaire Maugue fut amputée de façon draconienne par l’élargissement
de la rue Saint-Jean-Baptiste, en .
SE C T E U R N UM ÉR O 5  

C’est la Ville de Montréal qui était à ce moment propriétaire de l’em-


placement. La maison en pierre de deux étages qu’elle fit alors démolir
était vraisemblablement celle qu’avaient possédée le sieur Mathurin
Jousset et ses descendants. Après avoir pris l’espace nécessaire à l’élar-
gissement de la rue Saint-Jean-Baptiste, la Ville vendit le résidu au
docteur Archibald Hall, qui fit construire la maison actuelle, en .
Après avoir appartenu à Louis Marchand à partir de , l’immeuble
sera vendu, seize ans plus tard, au notaire Louis Archambault dont la
famille conservera les droits de propriété jusqu’en .
Si le bâtiment a connu des marchands et des commerçants de toutes
sortes, il a eu aussi comme locataire le Catholic Sailors’ Club, puis l’hôtel
et le music-hall Jubilee. Aujourd’hui, l’édifice abrite des restaurants sur
les rues Saint-Paul et de la Commune, pendant que des résidences et des
bureaux se sont installés aux étages.
Entreprenant, le notaire Archambault procède en  à la construc-
tion d’un édifice de quatre étages sur le lot voisin, soit sur l’ancienne
concession du sieur Jacques Hubert dit Lacroix. Parmi les locataires, on
relève le manufacturier de souliers et de bottes Zéphirin Lapierre qui, à
la fin du e siècle, fabriquait jusqu’à mille paires de chaussures par
jour.
Dans la chaîne de titres de la concession du sieur André Carrière
obtenue en , on apprend que, cent ans plus tard, les Hospitalières de
Saint-Joseph ont hérité du lot par testament. Mais les religieuses ne
garderont pas longtemps cet héritage qui sera vendu à des particuliers.
Si, à partir de , l’entreprise d’importation de « marchandises
sèches » de François et de Jean Leclaire occupe le bâtiment alors existant,
un nouvel immeuble surgira sur l’ancienne concession du sieur Carrière
en , pour continuer d’assurer les besoins de la maison d’affaires.
Fondée vers , la compagnie a été l’une des pionnières du genre à
Montréal. Les importations venaient des États-Unis et de plusieurs pays
d’Europe. Depuis un quart de siècle, l’édifice est occupé par des bouti-
ques, des bureaux et des logements.
Arrivé avec la Grande Recrue, le sieur Nicolas Millet dit le Beauceron
se mariera avec Catherine Lorion, en , mais il devra attendre encore
quinze ans avant d’obtenir sa concession au coin de la rue Saint-Gabriel.
L’édifice qu’on retrouve sur le lot de nos jours a été construit en , par
Narcisse Desmarteau qui y installera avec ses associés, la Compagnie
Desmarteau, Plamondon et Mousseau, spécialisée dans la mercerie et
  L E V IE U X-M O N T R É A L

les « dry goods ». Comme beaucoup d’immeubles du genre dans le


Vieux-Montréal, celui-ci connaît aujourd’hui la présence d’un restau-
rant et d’une boutique au rez-de-chaussée, avec des logements aux
étages.

De la rue Saint-Gabriel à la place Jacques-Cartier

Les sept premières concessions en partant de la rue Saint-Gabriel, sur le


côté sud de la rue Saint-Paul, ont toutes été accordées en , alors que
les neuf suivantes datent de . On notera que, pour une raison qui
demeure inconnue pour l’auteur, les cinq dernières concessions avant
d’atteindre l’ancienne rue Saint-Charles ont toutes été retirées par les
seigneurs. Puis elles ont été accordées de nouveau à d’autres particuliers,
avec des largeurs différentes des premières, largeurs dont la somme ne
correspond pas tout à fait à celles des premiers emplacements.
Enfin, si la somme totale des largeurs des seize concessions s’apparente
relativement bien avec celle du cadastre officiel de , les nombreuses
transactions effectuées par la suite, ont modifié largement les limites des
propriétés originales. Déjà, à partir de , des transactions immobi-
lières comportent des ventes de parties de lots. Leur analyse pourrait
être intéressante, en nous faisant connaître les propriétaires concernés
et les véritables sites qu’ils ont occupés, mais elle alourdirait considéra-
blement le texte. Signalons simplement que, dans les quatre premières
concessions, les sieurs Simon Guillory, René Cuillerier et Jean Aubuchon
dit Lespérance ont été assez tôt impliqués dans l’évolution des limites
de propriétés.
C’est Étienne Remigaud qui a profité de la concession située au coin
de la rue Saint-Gabriel en . De nos jours, un terrain étroit qui sert
de stationnement longe cette artère depuis la rue Saint-Paul jusqu’à la
rue de la Commune. Suivent deux immeubles identiques (-, rue
Saint-Paul Est et -, rue de la Commune), qui forment un ensemble
appelé « Magasins-entrepôts Victor Hudon », du nom du marchand qui
les a fait construire en . Si le premier occupe, de toute évidence, une
partie de la concession du sieur Remigaud, le second repose en plus sur
une partie de celle de Laurent, le fils du pionnier de la place d’Armes,
Jacques Archambault, qui, avec son gendre Urbain Tessier dit Lavigne,
avait été un artisan de son développement, dans les années .
SE C T E U R N UM ÉR O 5  

Durant les cinq premières décennies d’existence du bâtiment,


l’occupation au , rue Saint-Paul Est est le plus souvent dominée par la
présence d’épiciers en gros, dont la maison Hudon et Orsali, entre 
et . Mais à partir de , et pour à peu près un autre demi-siècle,
c’est un importateur de parfums du nom de Joseph-Alfred Ouimet, puis
son épouse, Marie-Antoinette Mercure, qui seront propriétaires de
l’immeuble.
C’est dans le second édifice de l’ensemble Victor Hudon, que P.P.
Martin, dont il a été question dans le secteur numéro , amorcera
l’ascension de son entreprise dans l’importation de « nouveautés » et la
vente en gros de « marchandises sèches ». La maison aura ses installations
dans ce bâtiment à partir de , jusqu’en . Depuis la fin des années
, ce sont les Artisans du meuble québécois, devenus par la suite
propriétaires de l’édifice, qui y exercent leurs activités. Le rez-de-
chaussée est cependant loué à un restaurateur qui y tient un café-bistro,
faisant en même temps office de chocolaterie et de pâtisserie.
C’est le sieur Pierre Perthuis dit Lalime, un soldat du régiment de
Carignan devenu plus tard marchand sur la rue Saint-Paul, qui fut le
voisin du sieur Archambault. Originaire d’Amboise près de Tours, il
avait épousé Claude Damisé à Montréal en . Devenu veuf, il épousera
par la suite, au même endroit, Françoise Moisan.
Sur la concession du sieur Perthuis et le résidu de celle du sieur
Archambault, repose un édifice de cinq étages sur Saint-Paul et de six
sur de la Commune, une différence qui est due à la dénivellation qui
existe entre les deux rues. Deux des principaux propriétaires de
l’immeuble seront versés dans la fabrication et le commerce de produits
en cuir. Ce sera d’abord Siméon Delorme, qui fait construire l’édifice en
. En , une entreprise exerçant des activités similaires acquerra le
bâtiment. La maison Hector Lamontagne inc. de même que celle qui lui
succédera, Lamontagne-Bouchard, continueront d’y fabriquer et d’y
commercialiser des articles en cuir, jusqu’en . Depuis, l’édifice a
été recyclé en établissement hôtelier : l’Auberge du Vieux Port. Quant
au restaurant Les Remparts, il a son entrée principale au , rue de la
Commune Est.
Les deux bâtiments qui suivent ( et , rue Saint-Paul Est) n’en
formaient qu’un seul à l’origine, lorsque le marchand Amable Prévost
les construisit en . Tout en débordant un peu sur les concessions
voisines, l’ensemble couvre essentiellement celle que le sieur François
  L E V IE U X-M O N T R É A L

Sabatier avait obtenue en . Ce dernier avait quitté son Languedoc


natal, quelques années plus tôt, pour venir s’établir à Ville-Marie.
L’entreprise Amable Prévost & cie s’installa dans le nouvel édifice pour
une vingtaine d’années. À la différence de plusieurs concurrents du genre
dans le secteur, Amable Prévost ne s’intéressait pas uniquement qu’aux
« dry goods » (tissus, mercerie, etc.), mais également aux produits alimen-
taires. Le bâtiment sera divisé en deux unités distinctes en , qui seront
réunies à nouveau lorsque la maison Hector Lamontagne, juste à côté,
décidera d’élargir ses activités, en . Depuis les années , c’est un
marchand de tapis qui occupe les lieux, sous le nom d’Indiport.
« Les Pierrots » étant intimement liés, on peut considérer les trois
édifices suivants comme un ensemble, même si les unités sont tout à fait
disparates. D’ailleurs, les deux premières constructions ne portent qu’un
seul numéro, au niveau de la désignation cadastrale. Cet ensemble, donc,
couvre à peu près les trois concessions qu’avaient obtenues en  les
sieurs François Daux (probablement Beau), Charles Testard sieur de
Folleville et René Sauvageau de Maisonneuve. Mais, ce dernier perdra
la sienne dès l’année suivante, au profit du sieur François Lorry dit
Gargot, un huissier royal qui venait de Poitiers et qui s’était marié avec
Pérette Parement.
D’origine bourgeoise, le père de Charles, Jean Testard sieur de
Lafontaine, grimpa encore plus haut dans l’échelle sociale lorsqu’il
épousa une fille de la noblesse rouennaise, Anne Godfroy. En , on
note sa présence à Trois-Rivières, où il assiste à l’inventaire des biens de
son beau-frère Thomas Godfroy, sieur de Normanville, qui vient d’être
tué par les Iroquois. Mais il semble bien qu’il soit retourné mourir dans
sa ville natale, en Normandie. Ses fils, Jacques, sieur de Laforest et Jean,
sieur de Folleville, sont demeurés en Nouvelle-France. Les Testard et
leurs descendants se sont illustrés surtout en tant que militaires. En ,
le sieur de Folleville épouse Anne Lamarque et s’installe quelques années
plus tard sur la rue Saint-Paul. Nous ne connaissons pas les origines du
sieur Daux, mais nous savons que le soldat et chirurgien René Sauvageau
a épousé Anne Hubon, en .
Le premier immeuble des « Pierrots » (, rue Saint-Paul) est occupé
par le cabaret-club de nuit et boîte à chansons Les Deux Pierrots. Au
milieu du e siècle, deux constructions existantes appartenant à Simon
Valois, entre les rues Saint-Paul et de la Commune, sont rattachées et
complètement rénovées par le locataire, pour former, à partir de , le
SE C T E U R N UM ÉR O 5  

bâtiment actuel. Le deuxième immeuble (, rue Saint-Paul) est beau-


coup plus récent. Avec sa terrasse, il sert d’annexe à la boîte à chansons.
La rôtisserie Le Pierrot est le dernier édifice de l’ensemble. Ici encore, la
construction de la rue Saint-Paul (n ) et celle de la rue de la Commune
(n ) ont été reliées par une adjonction vers , pour former une
seule et même unité.
Si la rôtisserie Le Pierrot déborde quelque peu sur la concession du
sieur Pierre Janot, la majeure partie de cette dernière et de la suivante
vers l’est, qui a appartenu en premier au sieur Pierre De Vanchy, corres-
pond aujourd’hui à l’emplacement sur lequel les frères Jean-Baptiste
(John) et Charles-Ferdinand Pratt font construire un édifice de cinq
étages en -. Mais les deux marchands de cuir n’en profiteront pas
vraiment car, si Charles-Ferdinand vend sa part à son frère en juin ,
John décède le mois suivant. La succession louera l’édifice à la maison
de tissus J. N. Dupuis et aux épiciers en gros Gaucher & Telmosse Co.
Plus tard, la Coopérative fédérée de Québec, qui regroupe des coopéra-
tives de produits agricoles, s’y installera en même temps que dans le
bâtiment voisin du côté est. De nos jours sur Saint-Paul, des boutiques
occupent le rez-de-chaussée, alors que le Pub Saint-Paul se trouve au
premier étage.
Fils de Marin Janot, arrivé avec la Grande Recrue de , Pierre
épousa Pétronille Tessier, la fille du bâtisseur de la place d’Armes. Quant
au menuisier De Vanchy venu de la Picardie, il avait convolé avec
Geneviève Laisné en .
On arrive au  de la rue Saint-Paul et au - de la rue de la
Commune. Le bâtiment se trouve à la fois sur la partie est de la conces-
sion du sieur De Vanchy et sur la partie ouest de celle du sieur Julien
Blois. Avant la fin du e siècle, la concession de ce dernier passera
successivement aux mains du sieur Pierre Roussel dit Le Taillandier, de
madame Saint-Amant et du sieur Joseph Parent.
La succession de feu François Ricard fera construire le bâtiment actuel,
en . C’est à cet endroit que la Coopérative fédérée de Québec
s’installera en premier, pour près de quarante ans, à partir de . Après
, plusieurs entreprises s’y succéderont. De nos jours, des boutiques
offrent leurs marchandises sur Saint-Paul et de petits comptoirs
d’alimentation ont pignon sur de la Commune.
Un autre bâtiment se trouve sur la concession du sieur Blois. Comme
dans plusieurs autres cas semblables entre la rue Saint-Gabriel et la place
  L E V IE U X-M O N T R É A L

Jacques-Cartier, un immeuble de la rue de la Commune s’est retrouvé


réuni à un autre de la rue Saint-Paul, à l’occasion d’une rénovation. Ce
serait le médecin et pharmacien Joseph-Auguste Laviolette qui aurait
procédé à cette réunification, en . Lorsque le docteur occupa son
nouveau bâtiment, il est probable que ce fut dans le but de fabriquer des
médicaments. Mais, à partir du e siècle, on y retrouve plusieurs loca-
taires qui utilisent les locaux pour des activités variées, allant de la fabri-
cation des cigares à l’imprimerie et à la reliure. En , c’est une
boutique d’artisanat qui a front sur Saint-Paul, alors que les étages abri-
tent des bureaux.
La concession voisine de celle du sieur Blois a d’abord appartenu au
sieur Jean-Vincent Chamaillard dit Lafontaine, un autre soldat du régi-
ment de Carignan, et au sieur Pierre Cabassier. Leur emplacement est
occupé en bonne partie de nos jours, par le  de la rue Saint-Paul et le
 de la Commune. Datant de , l’édifice fut construit par Victor
Hudon qui était fort connu dans le milieu montréalais des affaires, à
l’époque. Dix ans plus tard, Hudon vend son immeuble à une société de
transport maritime qui fusionnera par après à quatre autres entreprises
du même genre pour former la compagnie Canada Steamship Lines. La
société gardera cet édifice, qui lui sert surtout d’entrepôt, jusqu’en .
À partir de ce moment, la vocation du bâtiment change tout à fait et on
y retrouve, entre autres, deux restaurants, l’un sur Saint-Paul, le Thaï
Orchid, et l’autre sur de la Commune.
Sur l’extrême partie est de la concession Chamaillard-Cabassier repose
un bâtiment de trois étages sur Saint-Paul, avec un étage de plus sur de
la Commune, une différence de hauteur courante dans ce secteur, à cause
de la dénivellation. Construit en , l’immeuble a longtemps servi de
bureau administratif pour la Canada Steamship Lines.
Originaire de Toulouse, le sieur Cabassier avait épousé Jeanne
Guiberge quatre ans avant l’acquisition de son emplacement. L’ensemble
de la concession n’a cependant pas tardé à revenir aux seigneurs qui
céderont par la suite le tout au Breton Sidrac Dugué (Duguay), sieur de
Boisbriant.
Les deux derniers bâtiments avant d’atteindre la place Jacques-Cartier,
ont connu une utilisation complexe par le passé. Différents sur le plan
architectural, ils ont par ailleurs une désignation cadastrale commune.
Construits aussi à peu près au même moment, ils sont reliés entre eux et
SE C T E U R N UM ÉR O 5  

le restaurant de renom Chez Queux occupe les deux rez-de-chaussée,


sur la rue Saint-Paul.
En , l’espace restant entre la concession Chamaillard-Cabassier
et la rue Saint-Charles fut subdivisé en cinq lots qui avaient chacun
trente-deux pieds de largeur. Ils furent distribués, d’ouest en est, aux
sieurs Jean Senécal, Étienne Campeau, Pierre Lugeras, Jacques Thuillier
dit Desvignes et Pierre Lorrain. Dix ans plus tard, une lisière de cinq
pieds de largeur, soustraite de la concession du sieur Senécal, ainsi que
les quatre autres lots vers l’est furent réunis de nouveau, pour être rendus
aux seigneurs, qui les ont redistribués presque aussitôt. Mais, dans l’in-
tervalle, des transactions de lots et de parties de lots s’étaient déroulées.
À titre d’exemple, le sieur Daniel Dulude de Greslon profitait d’un lot de
cinquante-huit pieds de largeur au moment de la rétrocession. Son
emplacement se situerait plus ou moins au centre de l’extrémité sud de
la place Jacques-Cartier.
Quant au reste du terrain du sieur Senécal, qui mesurait vingt-sept
pieds de largeur, il était déjà passé aux mains de Marie Grandin, la veuve
du sieur Jacques Picot dit Labrie, en . En peu de temps, quatre autres
changements de propriétaire s’effectuèrent sur ce lot jusqu’en , alors
que le sieur Étienne Trudeau fils s’en est porté acquéreur.
L’emplacement cadastral actuel qui comprend les deux derniers bâti-
ments jusqu’à la place Jacques-Cartier est irrégulier, avec environ
quarante-quatre pieds en front de la rue Saint-Paul et trente-trois sur la
rue de la Commune. La correspondance avec les concessions originales
est difficile à établir, mais on peut confirmer quand même que le restau-
rant Chez Queux repose en grande partie sur le terrain que possédait la
veuve Picot, en .
Pour ce qui est des autres concessions vers l’est et de l’ancienne rue
Saint-Charles, on comprendra qu’elles se retrouvent, de nos jours, dans
l’emprise de la place Jacques-Cartier.
Mais auparavant elles ont, pour la plupart, été acquises par le marquis
Philippe Rigaud de Vaudreuil qui tenait à ce que rien n’obstrue sa vue
sur le fleuve. Son domaine constitue le sujet du chapitre suivant.
  L E V IE U X-M O N T R É A L

   

On sait que, dès le départ, l’auteur du présent ouvrage s’est fixé pour
objectif principal d’établir le lien entre les premiers concessionnaires et
l’occupation actuelle des lieux, tout en parcourant le déroulement des
événements d’intérêt qui ont marqué ces endroits, au cours de cent
cinquante ans d’histoire. La place Jacques-Cartier et les terrains qui la
bordent du côté ouest en sont un exemple typique.
L’espace dont il est question ici correspond à deux concessions origi-
nales : l’une accordée au sieur Paul Benoît dit Livernois en , et l’autre
au sieur André Demers dit Chedeville l’année suivante. Évidemment, la
rue Saint-Charles n’existait pas encore, mais on peut supposer que leurs
limites à l’est auraient longé cette rue. Toutes deux d’une largeur d’un
arpent, la concession du sieur Benoît avait front sur la rue Notre-Dame,
et celle du sieur Demers donnait sur la rue Saint-Paul. Avec aussi chacune
un arpent de profondeur, elles s’adossaient l’une à l’autre.
Ces concessions ne tardèrent pas à changer de mains et, dans le cas
du sieur Benoît, à subir un important morcellement. Ainsi, la demie nord
de son emplacement alla à Jacques Mailhot en , puis à Jacques Testard
de La Forest en , pour être aussitôt retirée par le fondateur de
Montréal qui l’octroya au sieur Charles d’Ailleboust des Musseaux, avant
qu’elle n’aboutisse au nom des jésuites en . Ceux-ci subdivisèrent le
terrain en trois lots, dont l’un fut même resubdivisé par après. Pour ce
qui est de la demie sud de l’emplacement de Paul Benoît, elle a aussi été
subdivisée en trois entités que se partageront des acquéreurs différents.
Quant à la concession du sieur Demers, si elle ne fut pas morcelée, elle
connut néanmoins plusieurs propriétaires. Quelques mois après son
obtention, la concession passa aux mains de Pierre Godin dit Chatillon,
et le chirurgien Étienne Bouchard l’a eue un certain temps, avant que
Daniel Dulude de Greslon en devienne propriétaire, en .
Mais, à partir du e siècle, commence un regroupement de tous
ces lots qui conduira en  à la reconstitution des deux premières
concessions accordées à Paul Benoît et à André Demers, pour ne faire
qu’une seule entité, celle dont jouira le dernier gouverneur de la Nouvelle-
France, Pierre de Rigaud, marquis de Vaudreuil.
En effet, son père Philippe de Rigaud, marquis de Vaudreuil, alors
gouverneur de Montréal, puis plus tard lui aussi gouverneur de la
Nouvelle-France, amorcera timidement le processus dès , en louant
SE C T E U R N UM ÉR O 5  

une maison à l’angle nord-ouest des rues Saint-Paul et Saint-Charles. En


, il avait déjà fait, par transactions successives, l’acquisition de
l’emplacement qui avait appartenu au sieur Demers dit Chedeville et de
la demie sud de celui dont avait bénéficié le sieur Benoît dit Livernois et
qui avait fait, entretemps, l’objet d’une subdivision en plusieurs parcelles.
Le gouverneur entreprend alors la construction d’une majestueuse
résidence que l’on appellera le château de Vaudreuil.
Après le décès du marquis en , les héritiers conserveront la
propriété pour la louer au roi qui y logera les futurs gouverneurs. Le fils
du premier résidant étant devenu lui-même gouverneur, il occupera le
château de son père… ou de sa mère ! Car, à la mort de son époux, Louise-
Élisabeth de Joybert avait laissé son château à ses enfants, avant de passer
en France. Ce n’est donc pas seulement à titre de représentant du roi,
mais également en tant que propriétaire des lieux, que le marquis de
Vaudreuil habite la résidence. C’est alors qu’il décide d’agrandir son
domaine en faisant l’acquisition des trois emplacements créés par les
jésuites sur la demie nord de la concession de Paul Benoît. Effectuée en
, la transaction consacre l’unification de la totalité des deux arpents
de terre concédés, plus de cent ans auparavant, à Paul Benoît et à André
Demers.
Dix ans après le départ définitif des Vaudreuil, la Fabrique de la
paroisse Notre-Dame établira un collège pour garçons à l’intérieur du
château. On est en . Mais la propriété ne demeurera pas toujours
d’un seul tenant. Après l’incendie du collège Saint-Raphaël en , la
Fabrique cède le fonds de terre à deux marguilliers : Jean-Baptiste Péri-
nault et Jean-Baptiste Durocher qui verront à la disposition du terrain.
À la demande des instances municipales qui cherchent un emplacement
pour le nouveau marché, la partie est de l’ancienne propriété du marquis
de Vaudreuil, le long de la rue Saint-Charles, sera cédée à cette fin avec,
comme limite ouest, une nouvelle artère, la rue de la Fabrique.
Les marguilliers imposent cependant une servitude : le site servira à
perpétuité, comme marché public. Aujourd’hui, la place Jacques-Cartier
englobe l’ancien marché et les deux rues qui le bornaient. Un observa-
teur le moindrement attentif remarquera que, chaque année, la Ville de
Montréal y maintient depuis longtemps un petit marché aux fleurs. Une
façon plutôt symbolique de respecter son obligation !
Quant à l’extrême partie ouest du domaine, les marguilliers Périnault
et Durocher l’ont subdivisée en lots. Ce sont des bâtiments qui y ont été
  L E V IE U X-M O N T R É A L

construits qu’il sera maintenant question. Inutile de dire qu’avec la


présence du « Marché neuf », les lots fraîchement lotis du côté ouest de
la rue de la Fabrique n’ont pas tardé à trouver preneur et la deuxième
décennie du e siècle verra surgir un grand chantier de construction.
Bon nombre de bâtiments alors érigés ont résisté au temps et subsistent
encore en l’année .
Bien sûr, nous sommes toujours sur le domaine du marquis de
Vaudreuil et, par le fait même, sur les premières concessions de  et
de . En comptant le  de la rue Notre-Dame Est, on peut dire que
les cinq bâtiments les plus au nord occupent la maison du sieur Benoît
et que les autres, vers le sud, se retrouvent sur celle du sieur Demers.
En  et , fut érigée, au coin de la rue Notre-Dame, la maison
Malard, du nom de son propriétaire, Antoine Malard dit Deslauriers.
En pierre et de deux étages et demi, elle a eu pour concepteur Nicolas
Morin, maçon de son métier. C’est le bureau du tourisme de la Ville de
Montréal qui a enseigne au rez-de-chaussée (, rue Notre-Dame Est),
les étages supérieurs ainsi que le sous-sol servant de local à la Société
historique de Montréal (, place Jacques-Cartier).
Le bâtiment voisin sur Notre-Dame, dont le fonds du terrain faisait
aussi partie des jardins du château de Vaudreuil, est récent et fut érigé
en , à la suite d’un incendie. Dans sa conception, on s’est cependant
inspiré du type de magasin fréquent au début du e siècle.
La seconde construction sur la place Jacques-Cartier (n -),
également en pierre et de deux étages et demi, date comme celle du coin
des années  et fut réalisée par le même maçon, Nicolas Morin. Le
Restaurant des Gouverneurs occupe le rez-de-chaussée.
Construit par Joseph Roy en - sur les ruines d’une ancienne
auberge, l’édifice suivant est beaucoup plus spacieux et a toujours servi
d’hôtel sous diverses appellations jusqu’en , alors qu’il perdit sa
vocation hôtelière pour faire place à des bureaux loués à différents
ministères du gouvernement du Québec. Mais, aujourd’hui, il est de
nouveau en complète restauration. C’est sous le nom de Richelieu que
l’hôtel connut sa plus grande expansion, alors que, durant un certain
temps, il couvrait trois édifices jusqu’à la rue Saint-Vincent, vers
l’arrière.
Le - a été construit en . On l’appelle la maison-magasin
Seraphino (probablement mieux Serafino) Girardi. Mais, après sa moder-
nisation en , l’édifice a servi longtemps d’hôtel conjointement avec
SE C T E U R N UM ÉR O 5  

l’édifice précédent. De l’incendie de , il ne reste plus que la façade


du bâtiment d’origine.
La construction voisine vers le sud (n -) porte elle aussi le nom
de Seraphino Girardi. Elle servait plutôt d’entrepôt aux fins commer-
ciales de la précédente. Datant de -, elle a sûrement remplacé
celle qui avait été érigée à la suite du lotissement des anciens jardins du
gouverneur.
Le sixième bâtiment en partant de la rue Notre-Dame (n -)
est connu sous le nom de maison-magasin Jean-Baptiste Castonguay qui
le fit construire en . Auparavant, le terrain avait été occupé par une
modeste maison en bois dont le sieur Castonguay avait hérité de sa mère.
En pierre et de trois étages et demi, le bâtiment actuel est plutôt appelé
le restaurant Le Fripon qui y a d’ailleurs toujours pignon sur rue.
L’édifice en béton qui suit (n -) est récent (). Même si l’on
a tenté de respecter le caractère particulier du site en milieu patrimonial,
il cadre mal avec son environnement. Il abrite surtout des bureaux.
L’étroite maison sise sur le côté nord de la rue Saint-Amable (,
place Jacques-Cartier) porte le nom de Côme-Séraphin Cherrier, le
propriétaire-constructeur qui l’a fait ériger vers . Elle remplaçait
alors la maison initiale qui datait de  (circa). En , Cherrier était
déjà âgé de soixante-huit ans, mais devait encore continuer sa brillante
carrière d’avocat, de patriote et de financier durant de nombreuses
années. À sa mort, en , il était riche et possédait de nombreux
immeubles, notamment dans le Vieux-Montréal.
En traversant la rue Saint-Amable, on arrive à la maison Perrine-
Charles Cherrier (n ), du nom du propriétaire-constructeur. Celui-ci
avait acheté son lot dès , sûrement peu de temps après le lotissement.
Mais la maison en pierre de trois étages et demi ne fut érigée que six ans
plus tard. S’y trouve maintenant un restaurant bien connu des Montréa-
lais : Le Saint-Amable.
Le reste du lotissement du début du e siècle supporte un ensemble
de trois bâtiments qui porte le nom du premier propriétaire, Pierre
Delvecchio, un aubergiste de profession. L’ensemble restera dans la
famille Delvecchio, jusqu’en . La maison qui fait le coin de la place
Jacques-Cartier (n ) et de la rue Saint-Paul (n ) fut construite en
 par les maçons Jean-Baptiste Allard et Jean-Baptiste Tribot dit
Lafricain, un an après l’acquisition du terrain. En pierre et de deux étages
et demi, elle constituait essentiellement l’Auberge Delvecchio. Le second
  L E V IE U X-M O N T R É A L

bâtiment sur Saint-Paul (n -) correspond à la maison même du


propriétaire, appelée une maison-magasin à l’époque, qui servait à la fois
d’habitation et de commerce. En pénétrant par une porte cochère (n ),
on accède au troisième édifice, soit l’entrepôt qui s’étend jusqu’à la rue
Saint-Amable et dont la construction remonte à .
Voilà qui termine le cycle qui a permis de couvrir le domaine du
dernier gouverneur de la Nouvelle-France, un domaine qui correspond
aux deux arpents de terre cédés en premier à deux pionniers de Ville-
Marie. Tout en contemplant ce qui est devenu l’un des sites les plus
fréquentés du Vieux-Montréal, leurs descendants, de même que tous les
promeneurs, peuvent laisser aller leur imagination et remonter trois
siècles et demi d’histoire.
Le domaine du gouverneur s’arrêtait à la rue Notre-Dame. Au nord
de celle-ci, dans le prolongement de la place Jacques-Cartier, nous
tombons de nouveau sur celui que détenaient les jésuites. C’est à peu près
à cet endroit que les pères construisirent leur résidence en . Après la
Conquête, les autorités britanniques l’aménagèrent en prison. Devenu
par la suite caserne militaire, le bâtiment, qui s’étend aussi plus loin vers
l’ouest, sera démoli pour faire place à l’ancien palais de justice, dont il a
été question au début du secteur numéro .
Aujourd’hui, l’espace compris à l’intérieur du prolongement vers le
nord, des limites latérales de la place Jacques-Cartier, porte le nom du
capitaine de vaisseau Jean Vauquelin. Un monument réalisé par le sculp-
teur Paul-Eugène Benet rend hommage au valeureux marin dont les
exploits au e siècle ont constitué une glorieuse épopée.
Toujours en s’avançant vers le nord, on aperçoit les vestiges des
anciennes fortifications que l’on a excavées il y a une trentaine d’années.
Elles correspondent à la limite nord du secteur numéro .
  

De la place Jacques-Cartier à la porte Québec
’  

Borné vers l’ouest par les places Jacques-Cartier et Vauquelin, le secteur


numéro  s’arrête aux anciennes fortifications pour ce qui est des autres
limites de son pourtour, ce qui nous conduit vers l’est, quelque part entre
les rues Berri et Saint-Hubert actuelles.
En partant de la place Vauquelin, du côté nord de la rue Notre-Dame,
nous sommes toujours chez les jésuites, dont le domaine s’étendait
jusqu’à un point situé aujourd’hui un peu à l’est de la rue Gosford. Mais,
du temps de la Nouvelle-France, ceux-ci vendront deux emplacements
de ce côté, de telle sorte que la confiscation de leurs biens s’est effective-
ment arrêtée à ladite rue Gosford.
C’est le magnifique hôtel de ville de Montréal qui profite maintenant
du terrain qui était devenu propriété de la couronne, après la Conquête.
Si les fondations datent de , on peut dire que le bâtiment a été prati-
quement refait, à la suite de l’incendie de . Imitant l’architecture du
Second Empire très en vogue à l’époque, les concepteurs de l’édifice
d’origine se sont inspirés de la Renaissance et de la Rome de l’Antiquité.
La reconstruction avec la récupération des murs extérieurs a contribué
à conserver le premier style d’architecture du bâtiment.
On pourrait élaborer longtemps sur l’influence française dans la réali-
sation et la restauration de l’immeuble. Le balcon, entre autres, favorise
le contact avec la foule. Ce dont le général de Gaulle a su profiter, lors de
sa visite durant l’Expo . L’intérieur mérite également l’admiration, avec
son hall d’honneur, ses grands escaliers, sa salle du conseil et les éléments
en marbre, en bois et en métaux précieux qui les décorent. Montréal a
de quoi s’enorgueillir du monument qu’elle a construit pour ses édiles et
ses administrateurs.

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     

À une date qui demeure indéterminée, les jésuites vendent deux terrains
situés à l’extrémité est de leur domaine, en front de la rue Notre-Dame.
  L E V IE U X-M O N T R É A L

Le plus à l’ouest, qui mesure quarante-cinq pieds de largeur, est aliéné


en faveur du sieur Claude de Ramesay. En , c’est le sieur Pierre
Sareau, l’époux de Marie-Anne Bourbon, qui s’en porte acquéreur. On
peut considérer que plus de la moitié de ce lot se retrouve maintenant
dans l’emprise de la rue Gosford. D’une largeur de trente-huit pieds, le
second terrain, juste à la limite du domaine, est allé à un certain Ignace,
dont il a été impossible d’établir le nom de famille. En , le sieur
François Brossard en deviendra le nouveau propriétaire.
Plus loin vers l’est, ce sont les seigneurs qui ont créé des emplacements.
D’une largeur variable, les cinq premiers ont été concédés en , alors
que le dernier lot, avant d’atteindre la rue Bonsecours, fut accordé l’année
suivante. Dans l’ordre, les bénéficiaires ont été les sieurs Louis Agnier,
Claude Brossard, Jacques-Hyacinthe Boucher dit Saint-Amour, Henri
Catin, Sébastien Gouin dit Champagne et Louis Poitras.
Avant de réserver quelques notices généalogiques à quelques-uns de
ces pionniers, signalons que le sieur Louis Agnier a perdu son lot un an
après son obtention, soit exactement le  avril , et que les seigneurs
en ont disposé le même jour, en faveur du sieur Claude Brossard qui
possédait déjà le lot voisin.
Le terrain au coin de la rue Bonsecours était le plus grand des six, avec
une largeur de soixante-quinze pieds en front de la rue Notre-Dame. Le
sieur Poitras le subdivisera en deux parties égales pour se garder le lot du
coin qui restera dans la famille jusqu’en . La demie ouest avait été
vendue au sieur Jean-Baptiste Deneau dès . Ce dernier, qui épousera
la petite-fille de Paul Benoît venu avec la Grande Recrue, était le petit-fils
de Jean Deneau (originalement Deniau) et d’Hélène Daudin. Établi d’abord
à Ville-Marie, ce couple ira ensuite exploiter une ferme à Boucherville. Le
 août , les grands-parents Deneau du résidant de la rue Notre-Dame
ont été assassinés, lors d’une rencontre avec les Iroquois.
Le sieur Urbain Brossard, qui était arrivé avec la Grande Recrue, a eu
plusieurs enfants qui se sont retrouvés concessionnaires sur cette partie
de la rue Notre-Dame. Jeanne Brossard, l’épouse du sieur Catin, était la
sœur de François et de Claude Brossard.
Le promeneur a sans doute remarqué les vestiges des anciennes forti-
fications, derrière l’hôtel de ville de Montréal. À partir du coin des rues
du Champ-de-Mars et Gosford, le mur d’enceinte se rapproche de plus
en plus de la rue Notre-Dame et les premiers concessionnaires ont vu la
profondeur de leurs emplacements s’arrêter plus tard audit mur. Ce qui
SE C T E U R N UM ÉR O 6  
  L E V IE U X-M O N T R É A L

veut dire que le complexe Chaussegros de Léry, ainsi nommé en


l’honneur de l’ingénieur du roi responsable des fortifications de la ville,
repose, de nos jours, sur le site même de ces anciennes fortifications, tout
en les débordant de part et d’autre.
L’architecte Dan S. Hanganu fut appelé à devenir le concepteur original
des deux bâtiments. Deux firmes se sont jointes au projet pour en assurer
la réalisation, à savoir Provencher et Roy et Cardinal et Hardy et associés.
Le bâtiment de la phase I, au coin de la rue Gosford, est un immeuble à
bureaux. Il repose essentiellement sur les concessions originales des frères
Brossard, dont celle qui avait été destinée, à un certain moment, au sieur
Louis Agnier. À cela il faut ajouter un résidu sur le coin qui faisait partie
du terrain que le sieur de Ramesay avait obtenu des jésuites.
Le second édifice du complexe est un immeuble à caractère résidentiel
avec quelques espaces commerciaux au rez-de-chaussée. En forme de U,
le bâtiment protège une cour et un jardin intérieurs réservés à l’usage
exclusif de la centaine de copropriétaires qui l’habitent. La phase II de
l’ensemble se situe sur les concessions initiales qu’avaient reçues les sieurs
Boucher dit Saint-Amour, Catin, Gouin dit Champagne et Poitras.

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Nous sortons ici de l’enceinte de la ville du e siècle. Mais la petite


maison de la rue Saint-Louis, juste au nord de celle du Champ-de-Mars
qui lui est parallèle, vaut le détour, comme disent souvent les guides
touristiques. D’autant plus que le  a une relation étroite avec le sieur
Claude Brossard, dont il a été question au chapitre précédent.
Il est plutôt rare, dans le Vieux-Montréal, qu’à partir du constructeur
d’une résidence toujours existante on puisse à la fois suivre la chaîne des
titres, sur une période de cent quatre-vingts ans jusqu’à ce jour, et
remonter un autre cent quatre-vingts ans, dans la généalogie de son
premier propriétaire. C’est pourtant le cas de la magnifique petite maison
en bois de l’ancien faubourg Saint-Louis. C’est aussi sans doute parce
qu’elle n’a pas été érigée à l’intérieur des limites de la ville d’alors que
son propriétaire n’a pas été contraint d’utiliser la pierre comme matériau
de recouvrement.
Le menuisier Joseph Brossard et Marie-Josephte Dupéré ont reçu, à
l’occasion de leur mariage en , l’emplacement concerné qui était alors
SE C T E U R N UM ÉR O 6  

vacant. Ce sont Joseph Brossard père et son épouse, Marie-Josephte


Mathieu, qui en furent les généreux donateurs. Or, Joseph Brossard père
était à la fois le fils de Denis et le petit-fils de Claude, dont il a été ques-
tion sur la rue Notre-Dame entre les rues Gosford et Bonsecours. Il se
trouvait donc à être aussi l’arrière petit-fils d’Urbain Brossard, arrivé
avec la fameuse Recrue.
On pourrait croire qu’à travers tout ce laps de temps il y aurait une
génération manquante. Mais il n’en est rien. Urbain Brossard attendra
dix-sept ans, après avoir mis le pied à terre à Ville-Marie, pour se marier ;
Claude était parmi les plus jeunes de sa génération ; Denis est issu d’un
second mariage et Joseph fils épousera Marie-Josephte Dupéré, trente-
huit ans après les noces de ses parents.
Devenu veuf, Joseph Brossard fils vend sa maison à Joseph Boulanger
en . La famille de ce dernier conservera la propriété durant plus de
cent ans. Omer Robitaille, qui y réside déjà en tant que locataire, l’achète
en . Encore aujourd’hui, la maison garde toujours sa vocation
résidentielle. Espérons qu’elle la conservera fort longtemps, sous le cachet
qu’on lui connaît.

Non, nous ne sommes pas dans Charlevoix ni à l’île d’Orléans, mais bien en
plein cœur du Vieux-Montréal, à quelques pas du Château Ramesay. C’est le
435 de la rue Saint-Louis.
  L E V IE U X-M O N T R É A L

   

Un survol au début du e siècle aurait permis à un observateur de


voir la façon dont les concessions avaient évolué depuis le milieu du e
siècle, jusqu’à la formation du domaine du sieur Claude de Ramesay de
Lagesse, vers .
Un an après l’arrivée de la Grande Recrue, alors qu’aucune rue n’existe
encore, le sieur Paul Benoît dit Livernois, qui a bénéficié à peu près au
même moment d’une autre concession dont il a été question dans le
secteur numéro , reçoit un terrain d’un demi-arpent de largeur sur un
arpent de profondeur. Si l’on se fie au plan que l’arpenteur-géomètre
Pierre-Louis Morin a publié en , c’est à cet endroit que le conces-
sionnaire a érigé sa maison et quelques dépendances.
En , avec le plan de monsieur de Casson en mains et les pouvoirs
qui lui ont été conférés, l’arpenteur notaire Bénigne Basset n’a pas eu trop
de mal à prendre une lisière de vingt et un pieds, à même l’extrémité sud
de la concession du sieur Benoît, pour la rue Saint-Paul et une autre de
onze pieds, pour la demie est de la rue Saint-Charles. Cette transaction
laissa un terrain de quatre-vingt-cinq pieds en front sur Saint-Paul, sur
cent soixante-dix de profondeur, que le sieur Charles d’Ailleboust des
Musseaux, déjà propriétaire depuis  d’une grande concession en front
de la rue Notre-Dame, récupéra après le départ de Paul Benoît, parti
exploiter sa nouvelle terre de l’autre côté du fleuve. Après , les héritiers
d’Ailleboust créeront, à même la concession Benoît, deux lots d’égale
largeur sur Saint-Paul sur cinquante-trois pieds de profondeur. Trois autres
lots s’ajouteront derrière ceux-ci, avec façade sur la rue Saint-Charles.
S’il fut relativement facile à l’arpenteur notaire de créer la rue Saint-
Paul et la demie est de la rue Saint-Charles à même la profondeur et la
largeur de la concession du sieur Benoît, le travail ne s’avéra pas aussi
simple en continuant vers l’est. Il a fallu découper les lots, en laissant des
résidus du côté sud de la rue Saint-Paul.
Le voisin du sieur Benoît est arrivé en Nouvelle-France avant la
Grande Recrue, puisqu’il épousa Marguerite Charlot en l’église de Ville-
Marie durant l’hiver de . Pourtant, le sieur Louis Loiselle devra
attendre dix autres années avant de recevoir une concession. D’une
largeur de quatre-vingt-seize pieds sur cent quatre-vingt-douze, sa
profondeur fut réduite à cent trente-deux pieds, lors de l’ouverture de la
rue Saint-Paul.
SE C T E U R N UM ÉR O 6  

Lorsque le sieur Loiselle vendit son lot au boulanger François Blot


(Bleau), en , ce dernier était déjà propriétaire, depuis deux ans, d’un
terrain de quatre-vingt-seize pieds juste à l’est, acquis à même la conces-
sion que le sieur Claude Robutel de Saint-André avait obtenue en deux
temps ( et ), et qui mesurait, au total, deux cent quarante pieds
en front de la rue Saint-Paul. L’ouverture de cette rue ne lui avait cepen-
dant laissé qu’une profondeur de cent sept pieds. Vers , c’est le sieur
Jean Petit de Boismorel qui devient propriétaire du cent quarante-quatre
pieds restant de la concession du sieur de Saint-André. Dix ans plus tard,
il se réserve trente-six pieds de largeur à l’extrémité est de sa concession,
lorsqu’il vend tout le reste au sieur Claude de Ramesay de Lagesse. À la
même époque, celui-ci s’apprête à acheter, sur la rue Notre-Dame, un
vaste terrain qui appartient au sieur Charles d’Ailleboust.
En fait, c’est le sieur d’Ailleboust lui-même qui obtint le premier, en
, tout l’espace entre ce qui allait devenir les rues Saint-Charles et
Saint-Claude, sur une profondeur moyenne de cent quatre-vingt-douze
pieds. Après avoir cédé une lisière de onze pieds pour la demie est de la
rue Saint-Charles, il réservera à son gendre, le sieur De Muy, un lot de
quatre-vingt-cinq pieds de façade sur la rue Notre-Dame, borné à l’ar-
rière par l’ancienne concession Benoît que détient toujours le sieur
d’Ailleboust. C’est à peu près au même moment, soit vers , que ce
dernier vendra, au sieur de Ramesay, tout le reste de ce qu’il possède en
front de la rue Notre-Dame.
Cette dernière transaction nous amène aux environs de la future rue
Saint-Claude. Or, comme la concession obtenue du sieur Petit de Bois-
morel du côté de la rue Saint-Paul s’étend plus à l’est, le sieur de Ramesay
veut donner une meilleure configuration à son nouveau domaine. Il
achète donc une concession de soixante-quatorze pieds de largeur sur
Notre-Dame, que possède le sieur Gédéon de Catalogne, dans le prolon-
gement de l’extrémité est du terrain acquis du sieur de Boismorel.
Mais qui était donc ce Claude de Ramesay de Lagesse ? Descendant
d’une famille écossaise du nom de Ramsay établie à Lagesse en France,
c’est à cet endroit qu’il naquit en . Lieutenant dans les Troupes de la
Marine, il arriva dans la colonie en  et, dès l’année suivante, il parti-
cipait à l’expédition de Denonville contre les Iroquois. En , on le voit
au siège de Québec, puis il est nommé gouverneur de Trois-Rivières
quelques mois plus tard. En , il assume le poste de commandant des
troupes royales pour toute la colonie. Fait chevalier de Saint-Louis, il
  L E V IE U X-M O N T R É A L
SE C T E U R N UM ÉR O 6  
  L E V IE U X-M O N T R É A L

deviendra gouverneur de Montréal en , puis administrateur de la


Nouvelle-France.
Au décès du sieur de Ramesay, en  d’après certains ou en 
selon Larousse, sa famille procède à l’ouverture de la rue Saint-Claude,
ainsi nommée on s’en doute bien, en l’honneur du patron du seigneur
des lieux. Des lots peu profonds sont créés de part et d’autre de la nouvelle
artère. On vend d’abord ceux qui sont sur la rue Saint-Paul. Le coin nord-
ouest est cédé au sieur Jacques Moquin, dès . Ce dernier était le fils
de Mathurin Moquin, originaire de la région d’Angers. De l’autre côté
de la rue Saint-Claude, un lot de quarante-trois pieds de largeur sur
cinquante-trois de profondeur est acquis par le sieur Joseph Guérin, qui
le subdivisera en deux. En , il vendra le terrain du coin au sieur
Charles Lefebvre et gardera le suivant pour lui-même. Ce Lefebvre et
son fils achèteront plus tard, de madame de Ramesay, l’emplacement
voisin vers le nord qui mesure soixante-six pieds en front de la rue
Saint-Claude.
La véritable liquidation du château avec ses dépendances et la majeure
partie du terrain ne surviendra toutefois qu’en , soit trois ans après
le décès de la veuve du sieur de Ramesay. C’est alors la Compagnie des
Indes qui offre de tout acheter. Cependant, à peu près au même moment,
les héritiers vendent un terrain de cinquante-trois pieds de largeur, au
coin sud-ouest des rues Notre-Dame et Saint-Claude, au sieur Antoine
Salvail dit Trémont, dont les grands-parents paternels s’étaient mariés
à Gênes, en Italie. Une dizaine d’années avant d’acquérir sa propriété, le
sieur Salvail avait épousé, lors d’un second mariage, Catherine-Delphine
Le Gardeur. Beaucoup plus tard, ce terrain de même qu’un résidu que
les héritiers Ramesay ne céderont qu’en  seront réduits considéra-
blement, pour élargir ladite rue, au point que la partie restante sera ratta-
chée au Château Ramesay qui avait connu des transformations profondes,
après le départ de la famille de son premier occupant.
On donne souvent  comme année de construction du Château
Ramesay. S’il est vrai que le propriétaire des lieux confia effectivement,
cette année-là, les travaux au maçon Pierre Couturier dit Bourguignon,
il ne resta pas beaucoup de vestiges de la maison originale après l’incendie
qui la ravagea en . Sa reconstruction aux dimensions beaucoup plus
grandes l’année suivante, par le maçon Paul Tessier dit Lavigne, porte à
croire que l’utilisation des anciennes structures est demeurée restreinte.
De plus deux agrandissements subséquents du côté est, avec aussi l’ajout
SE C T E U R N UM ÉR O 6  

d’une tour, font qu’il est difficile d’imaginer une quelconque ressem-
blance avec le château de .
Le Musée du Château Ramesay n’en constitue pas moins l’un des plus
beaux joyaux que nous a laissés l’époque française. Son passé est égale-
ment chargé d’histoire, tant par les personnages célèbres qui y ont
séjourné que par les institutions qui l’ont occupé.
Pour ce qui est de l’extrême partie ouest de la propriété du sieur de
Ramesay et du terrain que le sieur d’Ailleboust avait réservé à son gendre
le sieur De Muy, ils constituent, de nos jours, ce que l’on a appelé la place
De La Dauversière, ainsi nommée en l’honneur du fondateur de la Société
Notre-Dame qui a conduit à la fondation de Montréal, en .
Madame de Portneuf, la fille du sieur De Muy, hérita de l’emplacement
en . Elle le vendra au sieur Jacques Lemoine-Despins qui construira
sur le site, en , une grande et magnifique maison que la Ville, devenue
propriétaire, fera malheureusement démolir au début du e siècle. Enfin,
quelques années après la disparition de Jean Drapeau, certes l’un des
plus illustres maires qu’a eus Montréal, un monument fut érigé en son
honneur, dans le jardin même de la place De La Dauversière.
Mais que s’est-il passé avec les concessions de la rue Saint-Paul, en
partant de la place Jacques-Cartier ? Trois bâtiments construits le long
de ladite place occupent aujourd’hui celle qu’avait obtenue le sieur Paul
Benoît, en . Le quatrième, au coin de la rue Le Royer, se trouve sur
l’extrémité sud du premier terrain concédé au sieur Charles d’Ailleboust,
six ans plus tard.
La construction de la vieille maison de deux étages et demi sur le coin
de la rue Saint-Paul, avec lucarnes du côté de la place Jacques-Cartier,
remonte à . À l’étage, elle abrite le restaurant Le Homard fou. La
deuxième maison, en se dirigeant vers le nord, est de style identique à la
précédente.
Au , on retrouve les Jardins Nelson, un café-terrasse qui, en saison
estivale, sert les clients sur son espace arrière et sur celui qui est caché
par la façade d’un vestige sur la rue Saint-Paul. Vient ensuite l’Hôtel
Nelson érigé en  par le propriétaire-constructeur, Amable Prévost.
On arrive enfin à la maison Vandelac (n ), du nom de celui qui y a
tenu longtemps une taverne au e siècle. Ce bâtiment en pierre fut
cependant construit beaucoup plus tôt, soit entre les années  et .
De retour sur la rue Saint-Paul, on constate que les limites des
propriétés actuelles ne coïncident généralement pas avec celles des
  L E V IE U X-M O N T R É A L

concessions originales. Ainsi, le vestige mentionné plus haut occupe une


partie de la concession du sieur Benoît, tout en reposant principalement
sur celle du sieur Loiselle, soit plus particulièrement sur le terrain
qu’avaient acquis successivement, les sieurs Bleau, Tabeau et Parent. La
structure n’est qu’une façade en pierre de trois étages, derrière laquelle
on retrouve le Jardin Nelson qui rejoint le restaurant du même nom qui
a pignon sur la place Jacques-Cartier. Le bâtiment original avait été
construit en , par le propriétaire du lot, Augustin Perrault, selon un
objectif fréquent à l’époque, qui faisait d’un édifice ce qu’on appelle une
maison-magasin.
Quant au -, il fut érigé, approximativement, sur une autre partie
de l’emplacement que le sieur Bleau possédait, plus à l’est. Connu sous le
nom de son propriétaire constructeur, le marchand Hubert Paré, l’édifice
date de . Divisé en deux, l’immeuble connaîtra plusieurs locataires,
notamment des quincailliers et des épiciers. Mais la famille Paré demeu-
rera propriétaire de la bâtisse durant soixante et un ans. À partir de ,
le magasin entrepôt change de vocation. On y trouve entre autres
aujourd’hui, un restaurant : L’Usine de spaghetti du Vieux-Montréal.
L’hôtel Rasco a environ quatre-vingt-seize pieds de façade sur la rue
Saint-Paul. Établissement de prestige en son temps, sa construction est
terminée en . Ayant apparemment mené son entreprise avec succès,
Francesco Rasco la vend huit ans plus tard et regagne son Italie natale.
Séraphin Rodier, un futur maire de Montréal, en deviendra le proprié-
taire pour une trentaine d’années. Mais, à partir du début du e siècle,
les gros hôtels ont tendance à quitter le Vieux-Montréal et l’établissement
perd sa vocation première.
Toujours connu sous le nom d’hôtel Rasco, le bâtiment est complète-
ment recyclé après un incendie, en . Des boutiques et des restaurants
s’installent au rez-de-chaussée et des bureaux aux étages. En , il est
encore en complète rénovation.
La construction de l’hôtel Rasco n’était pas encore tout à fait terminée
lorsque Peter McGill, un autre futur maire de Montréal, qui venait de
fonder la Saint Andrew’s Society, dans le but de venir en aide aux compa-
triotes écossais, présidera, dans l’immeuble tout neuf, la fête de la Saint
Andrews, le soir du  novembre . La coutume ne s’est jamais
démentie par la suite, car ce soir-là, chaque année, quelque part dans un
grand hôtel de la ville, c’est toujours le grand bal pour la haute bour-
geoisie montréalaise, un événement qui, à une époque maintenant
SE C T E U R N UM ÉR O 6  

révolue mais pas si lointaine, était associé au célèbre « bal des


débutantes ».
Le bâtiment au coin de la rue Saint-Claude est une des réalisations
architecturales de la firme Cardinal, Hardy et associés qui s’est illustrée
dans plusieurs projets du Vieux-Montréal. Les condos Le Royer Saint-
Claude mesurent tout près de soixante-deux pieds sur la rue Saint-Paul.
Ils longent la rue Saint-Claude jusqu’à la rue Le Royer et couvrent une
longueur d’environ cent cinquante pieds sur celle-ci, jusqu’à mi-chemin
vers la place Jacques-Cartier. Sur la rue Saint-Paul, c’est la Galerie
Clarence-Gagnon qui occupe le rez-de-chaussée.
De la propriété du sieur de Ramesay, il resterait, théoriquement du
moins, à traiter les bâtiments situés présentement sur le côté est de la rue
Saint-Claude. Ils occupent les lots créés vers , lors de l’ouverture de
cette rue. L’auteur écrit théoriquement car il se serait produit une erreur,
que l’on peut qualifier de monumentale, dans l’attribution ou la désigna-
tion de la concession que le sieur Gédéon de Catalogne avait vendue au
sieur de Ramesay sur la rue Notre-Dame, vers .
Pourtant, le célèbre cartographe du roi devait bien s’y connaître en
description de terrain. Quoi qu’il en soit, lorsqu’en  le sieur Jean-
Baptiste de Ramesay voulut liquider le dernier terrain de la succession à
l’est de la rue Saint-Claude, on s’est aperçu que la largeur de l’occupation
était de beaucoup supérieure à celle qu’on trouvait aux titres. A-t-on jugé
qu’il y avait prescription ? Probablement que oui, car le notaire Barolet
n’hésita pas à faire une correction de la désignation qui fit passer la
largeur du lot de soixante-quatorze pieds à cent soixante pieds sur Notre-
Dame, lors d’une vente au sieur Jacques Porlier et autres, datée du 
mars . Le contrat fut « ensaisiné » (enregistré) le  juillet de l’année
suivante.
En partant de la rue Saint-Paul, sur les terrains qu’ont possédés les de
Ramesay du côté est de la rue Saint-Claude, on remarque, au coin, un
bâtiment de quatre étages qui a été construit en , selon les plans de
l’architecte Victor Bourgeau. Ce fut longtemps un établissement hôtelier,
dont la partie avant sur Saint-Paul, où l’on retrouve le restaurant Chez
l’Épicier, avait été vendue au e siècle, au sieur Joseph Guérin. La
propriété, qui comprend une dépendance à l’arrière, couvre également
une partie du terrain que le sieur Charles Lefebvre et son fils avaient
achetée de madame de Ramesay, dans le but d’agrandir l’espace acquis
du sieur Guérin auparavant.
  L E V IE U X-M O N T R É A L

Les trois bâtiments qui suivent, sur Saint-Claude, sont du e siècle,
même si certaines structures peuvent remonter au début du e. Les
deux premiers (n  et  à ) sont situés sur la même unité cadas-
trale. Ils sont en fait intégrés l’un à l’autre, le plus au nord contournant
l’arrière du , devenu en quelque sorte, une dépendance. Au , on
retrouve Le Club chasse et pêche, dont le restaurant offre au public une
table de qualité, dans un décor et une ambiance agréables.
Avec le troisième immeuble qui mesure tout près de cent pieds en
façade, l’ensemble couvre l’extrême nord du terrain des sieurs Lefebvre
et pratiquement tout le grand lot que les héritiers Ramesay n’avaient
vendu qu’en , au sieur Nicolas Morand. Le  à , rue Saint-Claude
est un bâtiment résidentiel récent conçu par la firme d’architectes
Provencher, Roy et associés et construit par la Société immobilière du
patrimoine architectural de Montréal (SIMPA).
D’allure plutôt minable, la construction suivante de deux étages
semble servir de local utilitaire aux entrepreneurs qui construisent Le
, en front de la rue Notre-Dame. Au début du e siècle, le  et ,
rue Saint-Claude aurait été relié au bâtiment du coin, lorsque la maison
de tissus et de « marchandises sèches » Coutlée et Frères, déjà installée
au  de la rue Notre-Dame, a décidé de faire l’acquisition des deux
édifices et de les transformer radicalement.
Aujourd’hui, c’est le resto-café l’À propos qui se trouve au rez-de-
chaussée du , alors que les étages sont consacrés au résidentiel. Les
deux édifices occupent largement la partie ouest de la concession qu’avait
obtenue le sieur de Catalogne en . Agrandie comme on l’a vu avec
le notaire Barolet, celle-ci couvre aussi l’emplacement du  voisin.
À la fin du e siècle, ce secteur de la rue Notre-Dame était un
endroit de prédilection pour la haute bourgeoisie de Montréal. En ,
le juge John Fraser acheta non seulement l’ancien lot des Ramesay au
coin de la rue Saint-Claude, mais également les deux concessions origi-
nales suivantes qui avaient été accordées vers , respectivement au
sieur Pierre Hunault et au sieur Antoine Courtemanche. Ces acquisitions
procurèrent au juge Fraser un emplacement de près de deux cent
cinquante pieds de largeur sur Notre-Dame. C’est à ce beau-frère que la
mère du futur grand explorateur confia son fils Simon, pour lui permettre
d’entreprendre des études dans un collège de Montréal.
En , le négociant William Maitland deviendra propriétaire de la
maison du juge. Il la fera démolir pour en construire une nouvelle. Mais,
SE C T E U R N UM ÉR O 6  

le  de la rue Notre-Dame ressemble bien peu à la structure d’origine.


Sur le côté est de la maison, William Maitland fera aménager l’un des plus
grands jardins privés situés à l’intérieur des fortifications de la ville.
Ironie du sort peut-être, John Forsyth achète la propriété en . Ce
négociant en fourrures était l’un des deux associés de la Forsyth,
Richardson and Company, une société rivale de la Compagnie du Nord-
Ouest dans laquelle était fortement impliqué le neveu du juge Fraser. En
, la famille Forsyth cédera la maison à René de Beaujeu, seigneur de
Soulanges. Même si la famille de Beaujeu en demeura propriétaire durant
trois quarts de siècle, ses membres n’y résidèrent que de façon très ponc-
tuelle, partagés qu’ils étaient entre le manoir de Soulanges et une maison
qu’ils détenaient dans l’ancienne mère patrie.
D’ailleurs, à partir de , les de Beaujeu lui ont donné une vocation
commerciale hétéroclite que le bâtiment a conservée avec ses différents
propriétaires ou locataires, dont l’organisation du théâtre expérimental
de Jean-Pierre Ronfard. Une société de graphistes et de photographes
acheta l’édifice en , pour le réaménager en immeuble à bureaux.
Quant à l’édifice appelé Le  et qui vient juste d’être terminé, il
couvre principalement les anciennes concessions des sieurs Hunault et
Courtemanche ou, si l’on préfère, le grand jardin de William Maitland.
Plus à l’est, les trois bâtiments suivants ont été construits par Sir
George-Étienne Cartier qui ne demeurait pas très loin, à l’angle des rues
Berri et Notre-Dame. C’était, au départ, deux magasins entrepôts et, sur
le coin de la rue Bonsecours, une maison magasin. L’homme politique
louait les trois immeubles. S’il se débarrassa rapidement des deux
premiers qui deviendront eux aussi des édifices avec commerces au rez-
de-chaussée et logements aux étages, sa succession ne vendra la maison
magasin qu’en .
Parmi les boutiques qui ont pignon sur la rue Notre-Dame, on
remarque la Galerie Hoenig au . Le bâtiment même occupe la partie
nord de la concession du sieur Nicolas Brazeau, soit la partie qu’il avait
obtenue en . Pour ce qui est des deux autres bâtiments (-A et
-, rue Notre-Dame), leur site correspond à la concession dont avait
bénéficié le sieur Pierre Hunault en . On aura remarqué que ce
concessionnaire en avait déjà obtenu une autre, voisine de celle du sieur
Courtemanche. Mais cette première acquisition lui avait vraisemblable-
ment été destinée par l’intermédiaire de son épouse, dame Catherine
Beauchamp.
  L E V IE U X-M O N T R É A L

La Galerie Hoenig au 344, rue Notre-Dame Est.

Deux autres bâtiments immédiatement au sud sur Bonsecours font


également partie de la concession du sieur Hunault. La première est
connue sous le nom de Maison Papineau, Joseph et son fils Louis-Joseph
l’ayant habitée et la succession l’ayant conservée jusqu’en .
Construite en  par John Campbell, sur un terrain qui avait déjà
appartenu aux Papineau, cette maison a une longue et fascinante histoire.
SE C T E U R N UM ÉR O 6  

Depuis , c’est le gouvernement du Canada qui en est propriétaire.


L’édifice original a connu plusieurs transformations, particulièrement
avec le notaire Joseph Papineau. La dernière restauration de la façade
s’est terminée en . Un observateur non averti peut se demander qui
a bien pu avoir l’idée saugrenue de lambrisser le mur avec des plaquettes
de bois imitant la pierre. Eh bien, c’est Joseph Papineau lui-même qui l’a
eue et ceux qui étaient chargés de la restauration n’ont fait que respecter
le choix du notaire et de son épouse qui voulaient, disaient-ils, cacher
« la mauvaise maçonne ». Ce qui n’empêche pas le promeneur de demeurer
perplexe devant cette façade en bois verni présentant une trop parfaite
imitation de la pierre de taille.
Deux dépendances se trouvent à l’arrière de la Maison Papineau, dont
l’une, construite vers , est non seulement rattachée à la maison même,
mais y est également intégrée.
Les deux immeubles au sud sur la rue Bonsecours forment un
ensemble appelé Jane Tate, du nom de la dame qui les fit construire en
, sur des terrains qu’elle possédait déjà. Le plus au nord se trouve sur
la concession du sieur Hunault, alors que le second occupe l’arrière des
deux concessions qu’avaient obtenues les frères Jean-Baptiste et André
Demers dit Chedeville, en front de la rue Saint-Paul, au e siècle.
La construction n’est pas encore tout à fait terminée, lorsque made-
moiselle Tate décide d’emménager dans les étages supérieurs du  de
la rue Bonsecours. Il faut dire que, pour construire le - juste au
sud, il avait fallu démolir la petite maison que Jane Tate habitait avant
la réalisation du projet.
Parmi les locataires, on retrouve la fille de Louis-Joseph Papineau et
son mari, le sculpteur de renom Napoléon Bourassa, qui résideront un
certain temps, au . Au rez-de-chaussée de cette même adresse, on
remarque aujourd’hui la présence de la Galerie Michel-Ange. Après le
décès de la propriétaire en , ses frères hériteront des deux immeubles
et les Tate les garderont jusqu’en .
En plus du bâtiment sud de l’ensemble Jane Tate, trois autres édifices
occupent de nos jours les concessions originales accordées aux frères
Demers dit Chedeville (Chefdeville). Toujours sur la rue Bonsecours, il
y a le - qui a été construit en  pour Christophe Brodeur qui
était à la fois manufacturier et hôtelier. La biscuiterie Brodeur & Cie s’y
installe aussitôt. Mais pas pour longtemps car, en , Christophe
Brodeur cède la jouissance des immeubles qu’il possède au médecin
  L E V IE U X-M O N T R É A L

Plaque commémorative
sur la maison où Joseph
et Louis-Joseph Papineau
ont habité.

Chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours et façade de la Maison Papineau en


panneaux de bois imitant la pierre.

Azarie Brodeur dont les descendants garderont le bâtiment jusqu’en .


La Guilde graphique, une boutique spécialisée dans la vente de gravures
originales, se trouve au .
En fait, Jean-Baptiste et André Demers avaient obtenu chacun une
étroite concession de quarante-deux pieds et demi en front de la rue
Saint-Paul, sur cent quarante-neuf de profondeur. Si les deux emplace-
ments actuels qui ont front sur Bonsecours traversent la pleine largeur
des deux concessions, les deux bâtiments sur Saint-Paul n’occupent
SE C T E U R N UM ÉR O 6  

chacun que la partie avant de l’une ou l’autre des concessions. C’est celle
du coin de la rue qui a appartenu à Jean-Baptiste, à partir de , alors
qu’André n’obtiendra la sienne que sept plus tard.
La concession obtenue en deux temps par le maître charron Nicolas
Brazeau père s’étendait de la rue Notre-Dame à la rue Saint-Paul. La
section en front de cette dernière rue lui avait été accordée en  et
celle de la rue Notre-Dame en . Le sieur Brazeau, qui avait épousé
Pérette Billard, cédera le tout à son gendre, le soldat Guillaume Tougard
(Tougas) dit Laviolette, l’époux de Marie Brazeau.
Ce sont les de Beaujeu, les seigneurs de Soulanges, qui entreprirent
de construire le - en , sur l’emplacement qui avait appartenu
un temps au soldat Tougard. Pendant un quart de siècle, l’immeuble
gardera une fonction hôtelière. Depuis plusieurs années, c’est le ° En
cave, une maison spécialisée dans la conservation des vins et la vente
des accessoires qui permettent d’exercer cette activité, qui loge au .
À partir d’ici, les mesures du cadastre actuel ne concordent plus très
bien avec celles du terrier. Mais on peut quand même conclure que le
- de la rue Saint-Paul repose sur une partie de la concession qu’avait
obtenue le sieur François Brunet dit Belhumeur en  et que le -
se trouve sur le reste de ladite concession et sur une partie de celle qui a
été accordée au sieur Abraham Bouat en .
À l’ouest du ° En cave, se trouve l’auberge Le Beau Soleil et, par une
porte cochère, on atteint, tout à fait à l’arrière du terrain, un ancien
bâtiment de service qui a été transformé en établissement hôtelier en
. D’allure coquette, il porte le nom d’Auberge Bonsecours. En façade
du bâtiment de la rue Saint-Paul, on remarque la boutique Senteurs de
Provence, tenue par un parfumeur et marchand d’odeurs.
Datant de , le - mesure tout près de quatre-vingts pieds de
largeur. Il a servi d’hôtel jusqu’en . Durant soixante-dix ans, il a été
connu sous le nom d’Hôtel du Canada puis, d’Auberge du Canada,
quoiqu’un autre établissement hôtelier, maintenant démoli, ait aussi porté
ce nom à la même époque, dans le Vieux-Montréal. Parmi les commerces
actuels qui occupent le rez-de-chaussée, il y a la boutique Tant qu’il y
aura des fleurs () et le restaurant La Boucherie ().
L’espace voisin, vers l’ouest, est un terrain de stationnement qui rejoint
le bâtiment sur le coin de la rue Saint-Claude, où a commencé l’étude
du pourtour du quadrilatère formé des rues Saint-Claude, Notre-Dame,
Bonsecours et Saint-Paul.
  L E V IE U X-M O N T R É A L

-  ,    -


   ----

Si la concession du sieur Benoît ne traversait pas entièrement la rue Saint-


Paul, on a constaté que les concessionnaires, plus à l’est, avaient dû
sacrifier des résidus de terrain, en plus de l’emprise même de la rue. Joints
à la commune devenue inutile, ces résidus ont permis la création de
nouveaux lots entre la rue Saint-Paul et le fleuve Saint-Laurent.

Les d’Ailleboust

En plus d’une grande concession en front de la rue Notre-Dame qui lui


fut accordée en  et de la récupération de celle du sieur Benoît, le sieur
Charles d’Ailleboust s’est vu octroyer, en , un vaste terrain de quatre-
vingt-seize pieds de largeur dont la profondeur s’étendait le long de la
rue Saint-Charles, depuis le côté sud de la rue Saint-Paul jusqu’à « la
grande rivière ».
Parmi ceux qui ont habité le fort de Pointe-à-Callière entre  et
, il y a eu les sieurs Louis et Charles d’Ailleboust. Louis fut le troi-
sième gouverneur général de la Nouvelle-France de  à , puis par
intérim (-). Auparavant, il avait été gouverneur de Montréal
durant quelques mois, en l’absence de Maisonneuve. Après son intérim
à Québec, il revint à Montréal pour y mourir en .
De par leur rang, les d’Ailleboust avaient une certaine influence auprès
de la Cour. Né en Champagne en , Louis était le fils de Suzanne
Hotman et d’Antoine d’Ailleboust, conseiller du prince de Condé. En
, il maria, à Paris, Marie-Barbe de Boulogne.
Antoine d’Ailleboust et Suzanne Hotman étaient également les
parents de Nicolas d’Ailleboust, le père de Charles, celui qui figurait,
comme son oncle Louis, parmi les résidants du fort, dans les débuts de
Ville-Marie. Ce Charles d’Ailleboust maria Catherine Le Gardeur à
Québec, en . Ils eurent plusieurs enfants qui s’établirent soit à
Montréal, soit à Québec.
Mais qu’a fait le sieur Charles d’Ailleboust de sa concession au sud de
la rue Saint-Paul ? Probablement pas grand-chose. Si bien que, le  avril
, la famille d’Ailleboust la rétrocède aux seigneurs. Six jours plus
tard, ceux-ci accordent la même concession au sieur Nicolas Marchand,
selon sa largeur initiale, mais avec une profondeur très réduite, à cause
des fortifications construites récemment.
SE C T E U R N UM ÉR O 6  

Par la suite, le terrain fut subdivisé en trois lots, dont celui du coin,
d’une largeur de trente-huit pieds, qui revint au roi pour le corps de
garde. Les deux autres allèrent en guise de dot aux sieurs Jean-Baptiste
de Coste et Charles Charpentier qui avaient épousé les filles du sieur
Marchand. Le plus à l’ouest, celui du sieur de Coste, avait une largeur de
quarante pieds. Le lot de Charpentier ne mesurait, quant à lui, que vingt-
cinq pieds de front. La somme des trois largeurs présente un léger excé-
dent sur la mesure originale de la concession, ce qui était tout à fait
normal à l’époque. Signalons que le terrain du sieur Charpentier, de
vingt-cinq pieds qu’il était, fut augmenté de quinze pieds cinq ans plus
tard, à même le lot voisin qui appartenait alors aux héritiers du sieur
François Blot (Bleau), ce qui en fit un lot de dimensions équivalentes à
celles de l’emplacement de son beau-frère.
On peut dire que les dimensions d’origine des trois lots formés du
poste de garde et des emplacements des sieurs de Coste et Charpentier
correspondent presque à la perfection, du moins en largeur, à celles des
trois bâtiments qu’ils supportent de nos jours.
Au coin de la place Jacques-Cartier, c’est l’épicier en gros Thomas
Tiffin qui fit construire, en , le bâtiment actuel qui occupe exacte-
ment le site du poste de garde. L’incendie de  fera disparaître le
fronton triangulaire d’origine et l’édifice sera alors doté d’un toit plat.
À la suite de Thomas Tiffin, d’autres épiciers en gros exerceront leurs
activités à cet endroit, sur une longue période. De nos jours, le rez-de-
chaussée abrite Le Panoramique, un restaurant de spécialités italiennes,
ainsi qu’une boutique d’artisanat appelée L’Amérindien.
Le bâtiment suivant, construit sur la concession du sieur d’Ailleboust
ou plus précisément sur le lot du sieur Jean-Baptiste de Coste, est un
édifice en pierre de trois étages et demi sur Saint-Paul et de quatre et
demi sur de la Commune, la différence étant due à la forte dénivellation
entre les deux artères. Sa construction ne date que de . Le  mène
aux niveaux supérieurs, alors que le rez-de-chaussée est occupé par deux
restaurants : Le Sénateur (n ) et le Ménara (n ). Ce dernier sert
des mets typiquement marocains.
Quant au -, rue Saint-Paul et  de la Commune construit sur
le dernier lot provenant de la concession du sieur d’Ailleboust, à savoir
celui du sieur Charpentier, il a été érigé en . Rénové en , il abrite
entre autres, en son rez-de-chaussée, le restaurant Place Saint-Paul.
  L E V IE U X-M O N T R É A L

Le marché Bonsecours

Si le -, rue Saint-Paul et  de la Commune ne fait évidemment


pas partie du marché Bonsecours même, son histoire demeure liée au
grand bâtiment. En plus de reposer tous les deux sur une même conces-
sion d’origine, à savoir celle qu’avait reçue le sieur Jean Drapeau dit
Desforges en , l’édifice situé sur le côté ouest de la rue du Marché-
Bonsecours avait été prévue par le conseil municipal de Montréal comme
une sorte d’annexe réservée au marché du poisson. C’est d’ailleurs le
même architecte, William Footner, qui en réalisa la conception et ce sera
l’architecte George Brown qui modifiera les plans et mènera à terme la
construction des deux bâtiments. La lenteur des travaux a fait que le
marché à poisson a eu le temps de s’installer dans le plus grand des deux
immeubles.
En , la Ville cède l’édifice du côté ouest de la rue du Marché-
Bonsecours à l’entreprise privée. Celui-ci a connu des usages multiples
par la suite, notamment en front de la rue Saint-Paul où le local du rez-
de-chaussée a servi de succursale à deux institutions bancaires.
Depuis le début des années , La Galerie de l’empreinte, apparte-
nant à une coopérative d’artisans, y tient une boutique et une exposition
permanente. À partir de , et ce, durant une période de vingt-cinq
ans, Madeleine Arbour, signataire du Refus global de  et spécialiste
dans le domaine des arts visuels, installa dans les étages supérieurs son
bureau de design intérieur.
La concession du sieur Drapeau dit Desforges ayant été subdivisée,
on peut dire que le bâtiment du côté ouest de la rue du Marché-
Bonsecours se trouve alors sur une partie du lot qu’avait obtenu le sieur
Pierre Guy au e siècle et que le grand édifice repose sur une partie
de l’emplacement qui a appartenu à son voisin, le sieur Pierre Roy, à partir
de . Une très petite partie en fait, si l’on considère que le monumental
marché Bonsecours mesure plus de cinq cents pieds de largeur.
L’édifice en pierre est imposant et son dôme demeure un point de
repère familier pour ceux qui parcourent les rues du Vieux-Montréal.
Propriété de la Ville de Montréal, le fonds de terre n’a toutefois pas
toujours été du domaine public. Au début de e siècle, de nombreuses
familles y avaient pignon sur rue.
Conformément aux objectifs que s’est fixé l’auteur, il n’y a générale-
ment pas lieu de décrire de façon exhaustive les édifices et les monuments
publics d’importance qui couvrent le territoire du Vieux-Montréal. Beau-
SE C T E U R N UM ÉR O 6  

coup d’ouvrages de tout genre y ont été consacrés. Mais, dans le cas du
marché Bonsecours, le contexte est différent, en ce sens que le site a des
liens directs avec plusieurs familles qui l’ont occupé jadis. Ici, l’impor-
tant, c’est le rapport qui relie l’histoire des premiers habitants à ce qui
existe de nos jours. Ainsi, nous constatons que les descendants de
nombreux pionniers ont eu des ancêtres qui, autrefois, habitaient sur
l’emplacement actuel du marché Bonsecours.
Les premières concessions étaient relativement grandes, mais elles ont
été rapidement subdivisées et partagées entre plusieurs propriétaires.
Notons qu’au moment où elles furent accordées les grands ouvrages des
fortifications n’étaient pas encore commencés et on considérait la rue
Saint-Charles comme la limite est de la ville. La rue Saint-Paul s’arrêtait
là. Plus loin, c’était la friche au travers de laquelle un simple sentier
menait aux installations des sœurs de la Congrégation.
D’ouest en est, en partant de la concession du sieur Drapeau dit
Desforges, les concessions originales se répartissaient comme suit :
Claude Robutel de Saint-André pour une concession de quatre-vingt-
seize pieds accordée entre  et  ; celle de Jean Petit de Boismorel
pour une largeur de cent quarante-quatre pieds (). Ensuite, vient un
emplacement de quatre-vingt-onze pieds dont la description originale
demeure obscure, mais qui sera subdivisé en trois lots dès . Enfin,
plusieurs concessionnaires se partageront un dernier espace de cent
quatre-vingt-trois pieds entre  et .
Ce qui est intéressant, c’est de pouvoir suivre dans l’ordre, à partir de
la rue du Marché-Bonsecours, l’occupation approximative des maisons
des premiers propriétaires, à l’endroit de l’édifice actuel. On a donc, en
partant du lot du sieur Pierre Roy, soit près de la limite ouest du bâtiment,
des concessions qui, à un certain moment, ont appartenu aux sieurs
Étienne Truteau (Trudeau) ( pi), Charles Désery ( pi), André Mercil
( pi), Timothée Sylvain ( pi), Vincent Lenoir ( pi), Pierre Devanchy
( pi), Pierre Chêne dit Saint-Onge ( pi), et Charles Le Moyne de
Longueuil, pour un résidu de treize pieds dont il prit possession le  juillet
. Évidemment, le baron de Longueuil n’aurait su que faire de cette
étroite bande de terrain, si la veille du  juillet il n’avait pas pris soin
d’acheter la propriété voisine qui appartenait alors au sieur Chêne dit
Saint-Onge, ce qui lui donna une largeur totale de soixante-six pieds.
Toutefois, l’appétit du sieur de Longueuil qui projetait la construction
de son manoir ne s’arrêta pas là. Petit à petit, il acheta également les
  L E V IE U X-M O N T R É A L

propriétés des sieurs Devanchy et Lenoir, ce qui lui permit de reconsti-


tuer l’espace total initial de cent quatre-vingt-trois pieds qui existait avant
. Il devra cependant attendre jusqu’en  avant que mademoiselle
Soumande, détentrice des droits de Vincent Lenoir, ne consente à lui
vendre sa propriété.
En dernier lieu, le baron fit l’acquisition, sur son flanc est, du Palais
de l’Intendance, ce qui l’amena à la clôture de la propriété des sœurs de
la Congrégation, la rue Bonsecours n’étant pas encore ouverte.
Chose intéressante, malgré de petites anomalies, la transposition sur
le cadastre moderne des maisons des sieurs Lenoir, Devanchy et Chêne
dit Saint-Onge, qui figurent sur les plans de l’arpenteur Pierre-Louis
Morin de , démontre clairement que ces personnes ont bel et bien
habité sur l’emplacement actuel du marché Bonsecours.
À l’extrémité est du bâtiment, une plaque commémorative rappelle
que siégeait à cet endroit le Palais de l’Intendance, construit en .
Mais le bâtiment devra céder sa place en vue de l’érection du manoir du
baron de Longueuil.
En , tous les terrains du baron de Longueuil deviendront la propriété
du sieur Bégon, vraisemblablement Claude-Michel de son prénom, et frère
de Michel Bégon qui avait été plus tôt intendant de la Nouvelle-France,
mais qui, en , était retourné dans la métropole. Plus tard, il sera nommé
intendant de la Normandie, précisément durant l’année où son frère
prenait possession du domaine du baron Longueuil. Claude-Michel Bégon
a épousé Marie-Élisabeth Rocbert à Montréal, en décembre . Après la
Conquête, Sir John Johnson fera du manoir sa résidence. Le site sera ensuite
occupé par un luxueux hôtel, appelé le Mansion House, puis par le théâtre
Royal et enfin par le British American Hotel.
Voici quelques repères en partant de l’extrémité ouest de l’édifice du
marché Bonsecours. À environ cent cinquante pieds du coin de l’édifice,
soit au , nous sommes aux environs des propriétés que possédaient
respectivement Étienne Truteau, Charles Désery et André Mercil. À
l’entrée principale, nous pouvons imaginer être devant l’emplacement
qu’avait Timothée Sylvain.
Mais qu’y a-t-il à l’intérieur même du bâtiment du marché ? Au rez-
de-chaussée, se trouve notamment La Paneterie du petit paysan qui a
une entrée directe sur la rue Saint-Paul et dont la spécialité se concentre
sur les mets du terroir. Bien entendu, il ne faut pas oublier La Galerie
des métiers d’art du Québec et la boutique qui s’y rattache. À l’étage,
SE C T E U R N UM ÉR O 6  

soit au , se trouvent situés les bureaux du Conseil des métiers d’art
du Québec.

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   -

À part la reconnaissance de l’Église catholique pour leurs vertus et leur


sainteté, que peuvent bien avoir en commun les deux personnages en
titre du présent chapitre ? Évidemment, pas grand-chose. Marguerite
Bourgeoys est née en France et est venue mourir ici, dans le Vieux-
Montréal, alors qu’André Grasset est né dans le Vieux-Montréal, pour
aller ensuite mourir en France. N’ayant pas vécu à la même époque, ils
ne se sont pas connus. Mais, sur le plan foncier qui régit cet ouvrage, ils
sont demeurés sur des emplacements voisins.

La chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours

Construite en , la première chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours


occupait un site d’environ cent sept pieds sur Saint-Paul qui ne fut jamais
concédé à quiconque. D’ailleurs, dès , les religieuses rendaient leur
chapelle à la Fabrique de la paroisse de Montréal, autrement dit aux
seigneurs, les propriétaires du fonds. Très endommagée par un incendie
en , elle fut reconstruite et c’est cette construction qui subsiste encore
de nos jours. Elle représente, notamment par l’histoire qui l’entoure, l’un
des fleurons du patrimoine religieux au Québec.
Les vestiges de la première chapelle constituent l’un des plus impor-
tants sites archéologiques du Vieux-Montréal. Quant au second bâtiment
terminé en , soit exactement cent ans après la chapelle initiale, il a
connu avec le temps de nombreuses transformations, dont l’ajout, par
exemple, de deux clochetons de part et d’autre de la façade. Les rénova-
tions intérieures de l’église et du musée sont beaucoup plus récentes et
datent des années .

La maison de Jacques Testard, sieur de Montigny

Immédiatement à l’est de l’emplacement de la chapelle Notre-Dame-de-


Bon-Secours, un lot de figure irrégulière ayant quatre-vingt-treize pieds
  L E V IE U X-M O N T R É A L
SE C T E U R N UM ÉR O 6  
  L E V IE U X-M O N T R É A L

sur Saint-Paul, fut partagé entre plusieurs particuliers en , avant de


revenir dans sa totalité, avec la maison qui s’y trouvait, à la veuve du sieur
Jacques Testard de Montigny, dame Marie-Anne de La Porte de Louvigny,
épousée en secondes noces à Québec, en .
Les tout premiers concessionnaires avaient été les sieurs Jacques Poulin,
Charles-Nicolas Brazeau, Urbain Baudreau et de Montigny lui-même.
Même une petite rue séparait les propriétés des sieurs Poulin et Brazeau.
Quand le sieur de Montigny s’est éteint en , après avoir acquis les
emplacements de ses voisins, les seigneurs, qui voulaient agrandir
l’emplacement de la chapelle voisine, proposèrent à madame de Montigny
qu’elle leur cédât une bande de terrain, en échange de quoi les messieurs
seraient prêts à lui concéder la petite rue qui coupait malencontreusement
sa propriété. Et le marché fut conclu. De quatre cent soixante et onze toises
en superficie que l’ensemble représentait en , il en resta tout de même
quatre cent vingt-trois à madame de Montigny.
Jacques Testard de Montigny demeure une figure importante dans
l’histoire de la Nouvelle-France. Cet officier, longtemps compagnon de
Le Moyne d’Iberville, combattit à plusieurs endroits, notamment à
Québec. Il s’illustra particulièrement sous Subercase, ce gouverneur de
l’Acadie qui repoussa trois expéditions anglaises en , mais dut capi-
tuler après un long siège, trois ans plus tard.
Montréal l’honora en donnant son nom à une importante artère qui
partait des limites est de la ville pour se terminer aux environs de la rue
Saint-Urbain. Puis, en , le toponyme de Montigny fut accolé à celui
de Berri pour désigner la plus importante station de métro. Mais l’ouver-
ture du boulevard De Maisonneuve à travers toute la ville fit disparaître
à peu près toute la rue De Montigny et, quelques années plus tard, on
jugea avec raison que le nom de station Berri-UQAM collait mieux à la
réalité. Malheureusement, les autorités municipales n’ont pas cru bon
de trouver une autre façon d’honorer le nom d’un illustre personnage
qui le mériterait peut-être plus que beaucoup d’autres. Il semble qu’un
sort analogue doive attendre le sieur de Bleury, lui aussi une grande figure
du Montréal du e siècle.
La maison du sieur de Montigny a connu un autre propriétaire qui a
laissé sa marque dans l’histoire de Montréal. Il s’agit du sieur André
Grasset de Saint-Sauveur, le père du bienheureux André Grasset, né sur
la place Royale, mais dont la famille retournera en France en . Le fils
était déjà de ce monde lorsqu’André Grasset père se portera acquéreur
SE C T E U R N UM ÉR O 6  

de la propriété, à l’est de la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours, en


.
Avocat de formation, c’est en qualité de secrétaire du nouveau gouver-
neur de la Nouvelle-France qu’André Grasset débarque à Québec en .
Trois ans plus tard, Pierre de La Jonquière décède et le sieur Grasset de
Saint-Sauveur opte pour habiter Montréal, en tant que secrétaire du
gouverneur de la ville, Pierre de Vaudreuil. Il continuera d’occuper ce
poste lorsque ce dernier deviendra gouverneur de toute la colonie, en
.
On sait qu’une importante maison d’enseignement porte le nom
d’André-Grasset dans le nord de la métropole. Dans le résumé de la
biographie que nous propose Jacques Bannon dans son ouvrage intitulé
Le Collège André-Grasset –  ans d’histoire, on apprend que le patron
de l’institution serait né au coin nord de la place Royale et de la rue de
la Capitale en , ce qui est tout à fait plausible car, à son arrivée à
Montréal en , André Grasset va demeurer dans la maison que
possède René de Couagne sur la rue Saint-Paul. Peu d’années après, veuf
depuis quelques mois, il ne tardera pas à s’éprendre de Marie-Joseph, la
fille de Jacques Quesnel Fonblanche et l’épousera finalement le  juillet
. Le sieur de Fonblanche est alors propriétaire de l’emplacement situé
à l’angle nord-ouest de la rue de la Capitale et de la place Royale, celui-là
qu’avait obtenu originalement le sieur Louis Marié dit Sainte-Marie, en
tant que premier concessionnaire. Les nouveaux époux emménageront
dans la maison du père de Marie-Joseph. Comme ils n’étaient pas
propriétaires des lieux, le nom de Grasset ne pouvait figurer au terrier
qui a servi de document de base à la production du présent ouvrage.
Après la naissance du troisième fils du couple en , le logis de la
place Royale commence à devenir vraiment trop exigu. Alors, malgré
l’évidence de l’effondrement de la Nouvelle-France, André Grasset, qui
n’était pas sans moyens, décide de procurer de l’espace et de l’air pur aux
siens. Il n’hésite pas à acheter la grande maison qui avait appartenu à la
famille de Montigny. Le terrain, d’une superficie de quatre cent vingt-
trois toises, soit environ dix-sept mille trois cents pieds carrés, permettra
au jeune André, qui vient d’avoir deux ans, de s’ébattre à sa guise avec
ses frères sur les ruines de la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours qui
n’avait pas encore été reconstruite.
Mais le sieur Grasset de Saint-Sauveur, qui s’accommode mal de l’oc-
cupation anglaise, ne tardera pas à regretter de s’être permis une aussi
  L E V IE U X-M O N T R É A L

vaste demeure. Proche des casernes, l’occupant exigera que la maison


du sieur Grasset loge une douzaine de brigadiers de Sa Majesté. C’en est
trop, Grasset vend tous ses biens et, en novembre , il s’embarque
pour la mère patrie, avec toute sa famille.
Devenu prêtre à Sens en Bourgogne, vers , André Grasset fils quitte
cette ville durant la Révolution et gagne Paris avec d’autres religieux. Il
pourrait se cacher chez ses parents qui habitent maintenant la capitale, mais
il préfère rester avec ses confrères. Il se retrouve bientôt au couvent des
Carmes, transformé en prison. Le régime de la terreur n’épargnera pas ceux
qui y sont enfermés et tous mourront au début de septembre . André
Grasset n’a que trente-quatre ans. Il sera béatifié le  octobre .
L’ancien secrétaire du marquis de Vaudreuil a-t-il vraiment vendu sa
propriété avant son départ, ou l’a-t-il plutôt simplement rétrocédée aux
messieurs ? Chose certaine, ces derniers étaient propriétaires lorsqu’ils
entreprirent de construire plusieurs bâtiments sur l’ancien emplacement
du sieur Grasset, à partir de la fin du e siècle.
En plus de la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours, quatre autres
constructions occupent de nos jours le quadrilatère compris entre les
rues Saint-Paul, Bonneau, de la Commune et Bonsecours. Le premier,
érigé en  et jouxté à la chapelle même, fut d’abord une école qui sera
fermée au début des années . À compter de , il est devenu offi-
ciellement le Musée Marguerite-Bourgeoys.
Le plus grand bâtiment a front sur la rue Saint-Paul. À l’origine, c’était
un groupe de maisons qui servirent principalement, à loger des familles
de marchands. Mais, vers , une partie de l’ensemble est convertie en
un hospice confié aux soins des sœurs grises. L’autre partie est trans-
formée en école. Les besoins allant en augmentant, l’hospice s’agrandira
peu à peu, jusqu’à occuper l’école même.
Puis la vocation de l’édifice s’oriente vers l’itinérance, pour devenir
l’Accueil Bonneau (n ), dont la réputation n’est plus à faire. Suit, sur
Saint-Paul, la maison des sœurs grises (n ), qui sont responsables de
cette œuvre de bienfaisance.
La bâtisse arrière sur la rue Bonneau n’est qu’une dépendance. Une
explosion qui avait entraîné la mort d’une religieuse, il y a une dizaine
d’années, suscita beaucoup d’émoi. Partiellement démoli, l’immeuble a
été reconstruit en . Un dernier édifice sur la rue de la Commune
(n ) constitue le nouvel Accueil Bonneau, l’institution devant
répondre de plus en plus à la demande.
SE C T E U R N UM ÉR O 6  

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Le présent chapitre traite de l’espace qui va de la rue Saint-Paul vers le


fleuve, depuis la rue Bonneau (autrefois Saint-Victor), jusqu’au mur est
des fortifications. Originalement, toutes les concessions situées sur le
côté sud de la rue Saint-Paul entre les rues Bonneau et Saint-Gilles
mesuraient quarante-trois pieds de largeur. Leur profondeur, de
cinquante-cinq pieds qu’elle était le long de la rue Bonneau, augmentait
graduellement jusqu’à quatre-vingt-treize pieds sur la rue Saint-Gilles
qui se confond aujourd’hui à l’intérieur de l’emprise de la rue Berri.
Le premier lot, en partant de la rue Bonneau, alla à Élie Beaujean, en
. Sa fille Suzanne ayant épousé le sieur Mathurin Mauquin (Moquin)
c’est probablement lui qui en est devenu propriétaire en  et non son
fils Jacques, comme l’indique le terrier. Il n’est pas impossible cependant
que ledit Jacques l’ait eu plus tard en héritage. En cette même année ,
Mathurin Mauquin s’est vu concéder le lot voisin sur Saint-Paul de même
qu’un autre emplacement sur la rue Saint-François, appelée maintenant
rue de la Friponne, juste derrière celui qui avait appartenu à son
beau-père.
En continuant sur Saint-Paul, le troisième concessionnaire se nommait
Henri Catin. Son contrat date de . En plus de son lot, dans la première
décennie du e siècle, le sieur Catin s’est retrouvé propriétaire des
concessions originales des sieurs Beaujean et Mauquin, pour une largeur
totale de cent vingt-neuf pieds en front de la rue Saint-Paul. En , il
a vendu le tout au sieur Jacques Viger.
La concession voisine des lots d’Henri Catin, vers l’est, a d’abord été
accordée au sieur Léonard Paillé (Paillard) dit Saint-Amour, en .
Contrairement aux lots précédents et à ceux qui suivent sur Saint-Paul,
l’emplacement du sieur Paillé dit Saint-Amour fut prolongé dans le même
contrat jusqu’à la rue de la Friponne, avec une largeur de quarante-cinq
pieds en front de cette dernière rue. Quant à l’emplacement suivant, il
avait déjà été concédé au sieur François Couturier, dès . Un dernier
terrain sur Saint-Paul fait le coin avec la rue Saint-Gilles. Le sieur
Séraphin Lauzon en prendra possession en , et le sieur Joseph-
François Lepage l’acquerra des héritiers Lauzon, en .
Revenons au coin des rues Bonneau et de la Friponne. Les deux empla-
cements qui suivent celui du sieur Mauquin ont chacun quarante-trois
pieds de largeur et ont tous les deux été accordés en . Le premier alla
  L E V IE U X-M O N T R É A L

au sieur Jean Sarros dit Laviolette et le plus à l’est au sieur Henri Catin,
dans le prolongement de celui qu’il obtiendra sur la rue Saint-Paul. Nous
arrivons alors au terrain du sieur Léonard Paillé dit Saint-Amour qui,
comme on l’a mentionné précédemment, s’étendait de la rue Saint-Paul
à la rue de la Friponne. Il reste alors deux autres lots avant d’arriver au
coin de la rue Saint-Gilles, soit celui qui a été obtenu par le sieur François
Guillemot dit Lalande, en , suivi de celui qui été du sieur Toussaint
Hunault, le fils de celui du même patronyme arrivé avec la Grande Recrue
de .
Six bâtiments se dressent de nos jours sur le pourtour du quadrilatère.
Trois d’entre eux forment un ensemble qui occupe exactement les conces-
sions que possédaient les sieurs Beaujean, Mauquin, Catin, Laviolette et
Paillé dit Saint-Amour, au e siècle. Les trois immeubles ont été
construits au début du e siècle, pour satisfaire aux besoins de la
fonderie Lymburner Limited, à savoir des bureaux, un atelier d’usinage
et la fonderie même. Probablement à cause d’un changement de vocation
à un certain moment, le , rue Saint-Paul porte, gravée dans la pierre,
l’inscription Credit & Warehouse Corporation.
Quant aux trois autres bâtiments, ils longent la rue Berri. Il semble bien
que celui qui est situé au coin de la rue Saint-Paul occupe la concession du
sieur Couturier, alors que les deux autres immeubles se trouvent sur celle
du sieur Guillemot dit Lalande qui avait front sur la rue Saint-François (de
la Friponne). En effet, les deux concessions qui longeaient la rue Saint-
Gilles auraient été emportées lors de la création de la rue Berri.
Le , rue Saint-Paul est un édifice résidentiel qui date de .
L’édifice d’un étage au sud a été construit en  et il ne soulève pas
tellement d’intérêt. Par contre, celui du coin de la rue de la Friponne
avait sûrement plus de caractère lors de sa construction, il y a une
centaine d’années. Mais un malheureux incendie, en , lui aurait fait
perdre beaucoup d’éléments décoratifs qui n’ont pas été remplacés. À
l’origine, le propriétaire constructeur, l’hôtelier Hormidas Courtois, avait
installé sa taverne au rez-de-chaussée et son logement à l’étage. C’est le
restaurant Le Tug qui occupe maintenant le  de la rue Berri.
L’espace au sud de la rue de la Friponne, qui se rendait jusqu’au fleuve,
a connu plusieurs concessionnaires. Il est à se demander cependant s’il
a déjà été construit au temps de la Nouvelle-France. Chose certaine,
l’érection de l’enceinte n’a laissé qu’une bande étroite de terrain qui, de
nos jours, a été transformée en petit parc.
SE C T E U R N UM ÉR O 6  

Le vaste terrain situé de l’autre côté de la rue Saint-Gilles, et qui se


rendait jusqu’aux limites est de la ville, fut réservé pour la construction
des casernes militaires. Quant à la lisière de terre sur le bord de l’eau,
elle servit à ce que l’on appelait la « Canoterie du roi ». C’est à cet endroit
qu’on pouvait, selon les besoins et les saisons, mettre à l’eau ou retirer
les embarcations de toutes sortes et aussi les entreposer.
Auparavant, les récollets avaient temporairement pris possession du
site pour leurs établissements. C’était en . Ils changèrent leurs plans
par la suite et le terrain passa aux mains du sieur Charles Gaspard Piot
de la Langloiserie. Pour une raison évidente, le sieur Piot fut dispensé
de l’obligation rattachée au fonds de terre qui consistait à y dire une
messe annuellement, sans doute aux intentions des seigneurs. Cette
exigence fut remplacée par la charge de payer une rente annuelle. Origi-
naire de l’Île-de-France, ce Charles Gaspard Piot, capitaine et chevalier,
ne semble pas avoir laissé de descendants mâles, après son mariage avec
Marie-Thérèse Duguay, dans le village de Sorel, en .
Depuis le début du parcours qui doit nous amener à couvrir tout le
Vieux-Montréal, le lecteur aura peut-être remarqué que, dans la plu-
part des secteurs qui divisent la ville naissante, les liens familiaux
incitaient les premiers habitants à s’installer tout près d’un père, d’une
sœur ou d’un cousin. Si l’auteur n’a pas poussé ses recherches dans le but
d’évaluer l’importance de cette situation, la seule observation et même
le simple hasard lui ont permis de constater que le phénomène est
constant. C’est comme si chaque coin de la ville devenait un petit village
en soi.
On peut trouver normal qu’une jeune épouse désire habiter près de
son frère et vice-versa. Mais il ne faut pas gratter longtemps pour s’aper-
cevoir que la dot ou l’héritage ne sont pas les seules raisons qui ont pu
favoriser cet état de fait. Les liens du sang y sont pour beaucoup.
La situation n’est pas particulière au présent chapitre. Il est fort
probable que la concentration familiale puisse avoir été encore plus
marquée ici qu’en d’autres endroits du Vieux-Montréal. Évidemment,
on ne peut parler de ghettos, D’ailleurs, il n’y avait qu’une seule paroisse
pour l’ensemble de la population de la ville. C’est donc sans trop d’efforts
que l’auteur a pu constater les nombreux liens de parenté qui existaient
à certains moments entre les propriétaires de maisons dans le secteur
présentement étudié. Les familles deviennent tellement entremêlées que
la lecture du paragraphe qui suit peut devenir fastidieuse et le lecteur
  L E V IE U X-M O N T R É A L

peut bien préférer passer au chapitre suivant. Le texte démontre néan-


moins, toute la complexité des liens familiaux, dans un même îlot foncier.
Étienne Campeau et Catherine Paulo, dont le mariage a été célébré en
, ont eu une descendance fort impliquée dans l’îlot situé entre les rues
Saint-Paul et de la Friponne. François Couturier, concessionnaire en 
dont il a été question précédemment, a quant à lui épousé Louise, une fille
du couple Campeau qui, soit dit en passant, a eu plusieurs enfants. Parmi
eux, il y a eu Étienne junior, dont la fille Marguerite, qui était la nièce de
Couturier, a épousé Pierre Chevalier qui deviendra propriétaire en 
du lot que possédait initialement Henri Catin sur la rue de la Friponne.
Le jeune Étienne avait épousé Jeanne Foucher et sa belle-sœur Marie-
Anne unira son destin à Joseph Sénécal qui deviendra propriétaire du lot
qui avait appartenu à Léonard Paillé (Paillard). Il est à noter que les deux
voisins Paillé et Guillemot dit Lalande verront leurs enfants unir leur
destinée. Il s’agit de Gabriel Paillé et de Catherine Guillemot. Étienne
Campeau junior a eu un fils prénommé Michel et c’est de toute apparence
lui qui deviendra propriétaire, en , du lot situé au coin des rues
Bonneau et de la Friponne. Enfin, on aura remarqué, au début du chapitre,
qu’Élie Beaujean était le beau-père de Mathurin Mauquin.
Cette étude est incomplète, mais elle est suffisante pour démontrer
un genre de situation qui était fréquent dans le Montréal de l’époque.
On pourrait dire que, dans chaque coin de la ville, une « future parenté »
est arrivée et s’est installée.

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En arrivant à la rue Berri, on remarque forcément qu’aujourd’hui la rue


Saint-Paul s’arrête à cet endroit et que, si les casernes militaires existaient
encore, elles ne seraient plus bornées par cette rue qui, dans le temps, se
rendait jusqu’aux fortifications, plus précisément à la porte Québec.
À peu près tout le secteur de la ville au nord de la rue Saint-Paul,
depuis la rue Saint-Charles (place Jacques-Cartier) jusqu’à ladite porte
Québec, s’appelait le coteau Saint-Louis. Le présent chapitre s’en tient
cependant à la section est du coteau, depuis la rue Bonsecours, la partie
ouest ayant été traitée plus haut.
Comme la rue Saint-Gilles (Berri) partait du fleuve pour s’arrêter à la
rue Saint-Paul et qu’aucune autre artère ne traversait celle-ci, les conces-
sions sur le côté nord de la rue furent accordées sur une longueur
SE C T E U R N UM ÉR O 6  

continue atteignant près de sept cent cinquante pieds depuis la rue


Bonsecours, jusqu’au mur d’enceinte, ce qui représente, pour l’époque,
une distance plutôt exceptionnelle dans l’établissement d’un réseau de
rues et de lots d’habitation en milieu urbain.

Les   pieds carrés du sieur Brazeau

Au tournant du e siècle, à l’angle nord-est des rues Bonsecours et


Saint-Paul, un grand lot s’est retrouvé, selon différents titres s’échelon-
nant sur une vingtaine d’années, entre les mains du sieur Nicolas
Brazeau. Ce vaste terrain, presque carré, mesurait originalement plus
ou moins cent soixante-quinze pieds sur cent soixante-dix.
La concession de Nicolas Brazeau fit l’objet d’un partage entre les
héritiers, en , sauf la partie de terrain située directement sur le coin
des deux artères. Il appert que celle-ci avait déjà été adjugée dès , en
faveur du sieur Céloron de Blainville. Le reste du lot original fut partagé
entre neuf héritiers.
En remontant la rue Bonsecours, on trouve, après le lot du coin, celui
dont a hérité Nicolas Brazeau fils avec trente-trois pieds de front, puis un
emplacement de même largeur, soit celui de Jeanne Martineau, la fille de
Jeanne Brazeau, qui était probablement décédée au moment du partage.
Enfin, ce sera un nommé Esprit Senet dit Lachenaye, veuf de Marguerite
Brazeau, qui prendra possession du dernier emplacement avant d’arriver
à la partie du coteau qui fut concédée temporairement au sieur Claude de
Ramesay de Lagesse, en . En effet, ce vaste espace fut vite repris par
le roi, car les autorités militaires jugèrent la crête d’une importance stra-
tégique capitale dans le système de défense de la ville. On y érigea une
citadelle ou batterie royale, de même qu’un mur d’enceinte qui section-
nera en deux la concession accordée au sieur de Ramezay, quatre ans plus
tôt. La rue Notre-Dame s’était arrêtée à la rue Bonsecours. Ce ne sera
qu’après la Conquête qu’elle sera prolongée vers l’est.
De retour sur la rue Saint-Paul, à la suite du lot du sieur Céloron de
Blainville, la concession du sieur Brazeau fut partagée en six lots en
faveur des héritiers. Les cinq premiers avaient chacun une largeur de
vingt-deux pieds, alors que le dernier mesurait vingt et un pieds. Ils
furent distribués, dans l’ordre, à Joseph Brazeau, à Jean-Baptiste Brazeau,
à Charles Joussiaume (Jussiaume) et Marie Brazeau, à Jacque Martel et
Françoise Brazeau, à Étienne Brazeau et à Charles Poupart et Agnès
Brazeau.
  L E V IE U X-M O N T R É A L

Comme on peut le constater, Nicolas Brazeau père et Anne Pinsonneau,


qui avaient uni leur destinée en , eurent de nombreux enfants. Il ne
faudrait pas oublier le grand-père Nicolas, un maître charron qui exerça
son métier en fabriquant des charrettes et des accessoires de toutes sortes
devant satisfaire les besoins de ses concitoyens. Malgré une mort préma-
turée peu de temps après son mariage avec Pérette Billard en , il
laissa deux fils dont l’aîné, comme on l’a vu précédemment, a assuré la
descendance des Brazeau.
En avril , en plus d’acheter le lot du coin, Pierre Du Calvet se porte
acquéreur, auprès des descendants Brazeau, des quatre lots suivants, à
savoir ceux dont avaient hérités Joseph, Jean-Baptiste, Marie et Françoise.
Le tout forme un emplacement de cent vingt-quatre pieds sur lequel
il construit aussitôt une grande maison de quatre-vingt-dix pieds
de façade, telle qu’il la décrit lui-même, dans la Gazette de Québec,
en .
La maison de Pierre Du Calvet que l’on connaît aujourd’hui ne mesure
même pas quarante pieds, mais, en ajoutant le bâtiment voisin où se
trouve le restaurant Les Filles du Roy, qui fait partie du complexe
hôtelier, on arrive à une façade d’environ quatre-vingt-dix pieds. Le ,
rue Bonsecours et le stationnement adjacent joints aux deux entités de
la rue Saint-Paul font que l’ensemble couvre aussi les héritages de Nicolas
fils et de la fille de Jeanne Brazeau.
Le terrain occupé par le bâtiment suivant sur Saint-Paul (n -)
faisait lui aussi partie des acquisitions de Pierre Du Calvet. D’ailleurs, le
marchand de fourrures Samuel Davies, qui a fait construire l’immeuble
en , avait dû acheter aussi le bâtiment voisin qui précède, juste à
l’ouest. À l’intérieur du -, se trouve La Maison du chevreuil, une
boucherie spécialisée surtout dans la viande de venaison.
L’édifice suivant, de cinq étages, couvre le reste de la concession du
sieur Nicolas Brazeau sur la rue Saint-Paul, à savoir les héritages d’Étienne
et d’Agnès. Il fait partie des Habitations Dollier de Casson, un ensemble
résidentiel datant d’une trentaine d’années. Le présent immeuble est
appelé Le Saint-Paul II. On doit cependant noter que, sur la recomman-
dation de la commission Viger, les arcs du rez-de-chaussée de l’ancien
bâtiment du e siècle ont été conservés et intégrés dans la nouvelle
structure.
SE C T E U R N UM ÉR O 6  

Du sieur Brazeau à la rue Berri

Du temps de la Nouvelle-France, en partant de l’extrémité est de la


concession du sieur Nicolas Brazeau, on pouvait suivre un chapelet
continu de lots jusqu’à la porte Québec. Il faut dire qu’à l’arrière de ces
emplacements il n’y avait aucune maison privée, l’espace ayant été réservé
aux besoins du roi, pour assurer la protection de la ville.
Avant d’être subdivisée en trois emplacements dans les années ,
la concession voisine de celle du sieur Nicolas Brazeau fut accordée en
 au sieur Jacques Robitard dit Manyau. Elle mesurait alors cent
vingt-huit pieds, mais sa largeur passera à cent trente-neuf pieds, lorsque
l’on fera disparaître la petite rue Saint-Martin. En , le sieur Gabriel
Antoine dit La Charpente en devient propriétaire et la subdivise en trois
parties.
Le premier terrain, de quarante-trois pieds de largeur, a été accordé
au sieur Antoine Desrosiers dit Laniel, en . Repose aujourd’hui sur
le site l’édifice Saint-Paul I des Habitations Dollier de Casson, le troisième
bâtiment du groupe se trouvant sur la rue Notre-Dame. L’ensemble a été
conçu par l’architecte Laurent Calame, dans le but d’accueillir des
personnes âgées autonomes. Antoine Desrosiers dit Laniel, qui avait
épousé Marie-Anne Fouquereau peu de temps après son acquisition sur
la rue Saint-Paul, était le fils de Julien Laniel, originaire de Paris.
Deux bâtiments intéressants se retrouvent de nos jours sur le deuxième
emplacement, qui avait eu comme bénéficiaire le sieur Vincent Morand
dit La Charpente, en . La maison Dumas (n ) représente une
valeur patrimoniale incontestable. Des habitations artisanales du Régime
français, érigées à l’intérieur de l’ancien mur d’enceinte, c’est la seule qui
a résisté au temps. Le tonnelier Eustache Prévost a entrepris sa construc-
tion en , après s’être assuré les services du maçon Joseph Brazeau,
sans doute celui qui ne demeurait pas très loin, sur la partie est du site
de la maison du Calvet. Si la famille Prévost conserva la maison jusqu’en
, les Dumas, qui suivirent, la gardèrent quant à eux jusque dans les
années . Elle est maintenant divisée en deux logements tenus en
copropriété.
La seconde construction située sur la concession initiale est une
coquette maison étroite en pierre et en brique de cinq étages. Construite
en  par Avila-Romuald Marsolais, elle ne peut évidemment pas
prétendre à autant d’ancienneté que la précédente. Mais elle n’en soulève
pas moins beaucoup d’intérêt, surtout par le charme qui s’en dégage.
  L E V IE U X-M O N T R É A L

Nous arrivons au troisième lot issu de la subdivision entreprise par le


sieur de La Charpente. Il est devenu l’emplacement du sieur Michel
Demers dit Chedeville, en . Si la façade du n  correspond assez bien
à la largeur du lot du sieur Demers, l’édifice même, qui est plus ou moins
en forme de L, déborde par l’arrière vers l’est et contourne l’immeuble
voisin qui fait partie de l’ensemble. Ce qui fait qu’en plus du lot du sieur
Demers le Refuge de la porte du ciel comprend également une concession
qu’avait reçue le sieur Joseph Chevalier, dès . Pour une raison
inconnue, ce dernier a dû rétrocéder son emplacement aux seigneurs, en
. Presque aussitôt, le terrain a connu un nouveau concessionnaire, en
la personne du sieur Charles Viger, déjà propriétaire d’un lot voisin mesu-
rant quatre-vingt-cinq pieds de largeur, ce qui lui donna un emplacement
totalisant cent vingt-huit pieds, en front de la rue Saint-Paul.
Comme résultat, en plus d’occuper la concession du sieur Demers,
l’ensemble du Refuge de la porte du ciel repose également sur la demie
ouest de la propriété que possédait le sieur Viger au début du e siècle.
Quant à la demie est, elle est partiellement couverte par un espace de
stationnement, le reste se perdant dans l’emprise de la rue Berri.
Construit en , le bâtiment le plus à l’est du Refuge avait été conçu
par le maçon Jean-Baptiste Tribot dit Lafricain. Entre  et , il
comptait parmi les nombreuses propriétés que possédait George-Étienne
Cartier dans le secteur. C’est cependant durant le e siècle que l’ensemble
connaîtra une histoire émouvante, tant par la générosité et le dévouement
des nombreux intervenants que par la diversité des services offerts au fil
du temps, envers les plus démunis de la société.
Au départ, en , c’est un nommé Achille David qui entreprend
d’héberger et de soigner les indigents. Mais, de façon chronique, l’argent
fait défaut. En , le journaliste Olivar Asselin rencontre Achille David
et il s’émeut de l’œuvre que ce dernier a créée. Il sensibilise le public,
fonde un conseil d’administration et réussit à faire venir de France un
groupe de frères hospitaliers de Saint-Jean-de-Dieu, dont la communauté
est installée à Lyon. Les finances sont remises sur pied. On achète l’édifice
et la vieille maison voisine. Cette dernière sera rénovée, afin de servir de
noviciat pour les nouveaux frères recrutés.
Il serait un peu long de raconter l’histoire de ces deux bâtiments. Mais
en voici un bref résumé. À la suite d’un grave incendie en , le n 
subira des transformations considérables, selon les plans de l’architecte
Jean-Omer Marchand. Le résultat permettra de loger deux cents hommes
dans le besoin, à l’intérieur d’un édifice à l’épreuve du feu.
SE C T E U R N UM ÉR O 6  

Après avoir confié l’hôpital Saint-Charles-Borromée aux frères hospi-


taliers, le cardinal Paul-Émile Léger donnera un nouveau souffle au
Refuge qui accueillera, sous le nom de Porte du ciel, les femmes malades
et indigentes. Une grande corvée, à laquelle participeront bénévolement
des ouvriers de différents métiers, est organisée. À partir de , la Porte
du ciel deviendra un centre de ressourcement spirituel. Actuellement,
l’ancien noviciat est en grande rénovation.

De la rue Berri à la porte Québec

Au bout de la rue Saint-Paul, c’est-à-dire au coin de la rue Berri, nous


atteignons un genre de belvédère. Mais où est-il ce coteau Saint-Louis ?
De l’endroit où nous sommes, nous devrions voir une pente ascendante
vers le nord dont la crête, couronnée autrefois d’une citadelle, nous aurait
empêchés de distinguer les fortifications dressées en contrebas, à un peu
plus d’une centaine de mètres de nous. Au contraire, c’est plutôt un
cratère urbain que nous avons à nos pieds. Qu’est-il arrivé ? Le progrès
commanda d’éliminer le coteau jusqu’à la rue Berri, de façon à permettre
d’acheminer une ligne de chemin de fer tout près des quais où se termi-
nait le voyage des transatlantiques, de construire la gare Dalhousie et
plus au nord, en dehors de l’ancien mur d’enceinte, un hôtel dont le style
architectural rappellera celui que le Canadien Pacifique avait adopté pour
plusieurs installations de sa chaîne hôtelière, à travers le pays. Aujourd’hui,
l’ancien hôtel Viger loge des services municipaux, notamment celui des
travaux publics.
Les maisons érigées sur le flanc sud du coteau Saint-Louis, le long de
la rue Saint-Paul, soit celles qui ont été construites sur les concessions
des sieurs Jean-Baptiste Prévost, François Dumaine, Jean Sénécal,
Charles Cabassier et Louis Chèvrefils dit Belisle, ont été emportées sans
pitié, avec les masses de terre, de sable et de roc. Quant à la dernière
concession aux limites mêmes de la ville, qui lui fut accordée en , le
sieur Godefroy Lefebvre n’a peut-être pas eu le temps d’y construire sa
demeure, puisque l’emplacement sera en partie réquisitionné pour faire
place à l’imposante porte Québec. Nous sommes ici à environ deux cent
cinquante pieds de la rue Berri.
En fait, une autre concession suivait celle du sieur Lefebvre. Mais son
bénéficiaire, le sieur Charles Brazeau, n’a pu en prendre avantage car, si
elle se trouvait hors les murs, elle tombait sur les glacis et le large fossé
qui faisait partie des ouvrages de fortifications.
  L E V IE U X-M O N T R É A L

Le lecteur comprendra qu’aujourd’hui on ne retrouve aucune trace


de la porte Québec, dont les fondations furent entièrement détruites.
Pour bien saisir la situation, il n’est pas nécessaire de descendre de notre
observatoire jusqu’au niveau de l’allée inférieure de la rue Berri. De
l’extrémité est de la rue Saint-Paul, on peut très bien se faire une excel-
lente idée de ce que pouvaient nous présenter les lieux avant la Conquête,
de même que l’évolution qu’a connue cet espace jusqu’à nos jours.
Autrefois, l’axe de la rue Saint-Paul, qui est derrière nous, se prolon-
geait jusqu’à mi-chemin entre les rues Berri et Saint-Hubert, soit à l’en-
droit où se trouvait la porte est de la ville qu’on appelait la porte Québec.
À notre gauche, reposaient sur un plan plus élevé les maisons qui ont été
emportées lors de la construction du chemin de fer. C’est là que fut érigée
la gare Dalhousie. L’édifice en pierre et brique existe toujours et, grâce à
des rénovations importantes, il demeure attrayant. Sur le plan historique,

Partie de l’ancienne gare Dalhousie occupée de nos jours par le cirque Éloize et
dessus des anciens rails.
SE C T E U R N UM ÉR O 6  

une plaque commémorative rappelle que c’est de cette gare que partit, le
 juin , le premier train transcontinental régulier, ce qui consacrait
l’unification du pays au niveau du transport ferroviaire. Aujourd’hui, le
bâtiment qui porte le n  de la rue Berri abrite le cirque Éloize. C’est
droit devant nous, dans l’ancienne rue Saint-Paul, que les grosses
locomotives à vapeur crachaient leur fumée noire. Le niveau du sol
aménagé en promenade laisse voir le dessus des anciens rails qu’on a pris
soin de laisser sur place.
À notre droite, soit au sud du tronçon disparu de la rue Saint-Paul en
allant vers les fortifications érigées pas très loin du fleuve, le terrain était
occupé jadis par les casernes militaires, où logeaient et s’exerçaient les
soldats de l’armée française. Actuellement, on y aperçoit un complexe
moderne d’habitation dont la hauteur varie de trois à sept étages. L’en-
semble s’étend vers l’est, au-delà de la porte Québec, pour se rendre
jusqu’à la rue Saint-Hubert et couvrir une aire plus grande que le site
des casernes militaires. Si le complexe demeure une réalisation conve-
nable, on peut se demander pourquoi on n’a pas mieux tiré profit du
caractère historique de ce site où la « Canoterie du roi » venait longer les
casernes.

La citadelle et le moulin à vent

Les installations sur le point le plus élevé du coteau Saint-Louis, un site


réservé au roi et qui ne sera morcelé et cédé au secteur privé qu’après la
Conquête, n’existent évidemment plus aujourd’hui. La citadelle et le
moulin à vent se dressaient légèrement à l’ouest de la rue Berri
actuelle.
Pour terminer notre tour du Vieux-Montréal, il convient de couvrir
tout au moins cet espace situé à l’intérieur des anciennes fortifications,
de part et d’autre de la rue Notre-Dame, depuis la rue Bonsecours jusqu’à
la rue Berri. On a mentionné, dans un chapitre précédent, qu’il avait
appartenu au sieur Claude de Ramesay durant un court laps de temps.
Au coin sud-est des rues Bonsecours et Notre-Dame, se trouve un
bâtiment datant de  qui a été construit par l’homme d’affaires et
politicien Alexandre-Maurice Delisle. Originalement un magasin
entrepôt, l’édifice est devenu maintenant un immeuble à bureaux.
Le - est un bâtiment résidentiel de quatre étages, suivi du
troisième immeuble de l’ensemble des Habitations Dollier de Casson, les
  L E V IE U X-M O N T R É A L

deux autres, comme on l’a vu précédemment, ayant front sur la rue Saint-
Paul. L’édifice antérieur au bâtiment actuel a logé le journal Le Devoir
de  à , avant qu’il ne déménage sur la rue du Saint-Sacrement.
Suit un bâtiment d’appartements en copropriété.
Le  de la rue Notre-Dame correspond à l’ancienne église orthodoxe
grecque syrienne, construite en . Après avoir servi de lieu de culte
jusqu’en , l’immeuble abrita par la suite le centre socioculturel de la
communauté belge, durant tout près de cinquante ans. Il fut par la suite
transformé en copropriétés.
Les deux derniers bâtiments avant d’atteindre la rue Berri s’appellent
les Maisons George-Étienne Cartier. Propriétaire de ces deux résidences
dont la famille Cartier demeurera en possession jusqu’en , l’homme
politique canadien les habitera à tour de rôle, les deux périodes étant
entrecoupées par un séjour à Québec, entre  et . Le gouverne-
ment du Canada se portera acquéreur de l’ensemble en , pour en
faire un musée.
L’arrière des constructions qui s’élèvent du côté nord de la rue Notre-
Dame, entre les rues Bonsecours et Berri, occupe plus ou moins l’empla-
cement de l’ancien mur d’enceinte. Ce sont les derniers bâtiments à être
traités dans ce livre. L’espace plus au nord était considéré comme « hors
de la ville », du temps de la Nouvelle-France.
L’édifice d’appartements en copropriété à l’angle des rues Bonsecours
et Notre-Dame a été construit entre les années  et . Juste au nord,
le n  avec commerce au rez-de-chaussée et logement aux étages date
de  et occupe le site d’une ancienne école qui avait été érigée à cet
endroit vers .
De retour sur Notre-Dame, nous rencontrons la plus à l’est (n )
des quatre maisons magasins que Mary Grant, la veuve de Nicolas-
Fortuné-Charles de Montenach, a fait construire, en . Deux ans après
le début des travaux, l’opticien Robert F. Andrews et l’ébéniste John
Tweedy occuperont le seul bâtiment qui résistera au temps. La façade
cependant sera reconstruite par madame de Montenach, lors de
l’élargissement de la rue Notre-Dame.
Devenue la nouvelle propriétaire en , Ann McCormack y installe
son commerce de « marchandises sèches ». Comme elle n’a laissé ni
héritier ni testament à son décès vingt-neuf ans plus tard, c’est le gouver-
nement du Québec qui recouvrera les biens de madame McCormack.
Plus tard, l’édifice deviendra un refuge pour les miséreux, appelé la
SE C T E U R N UM ÉR O 6  

Maison Ignace-Bourget. Sous la direction des servantes de Marie-


Immaculée, le bâtiment sera converti par la suite en refuge pour femmes
âgées et malades. Au début des années , l’immeuble, qui avait subi
un incendie, est restauré et recyclé en appartements. Un commerce s’est
installé au rez-de-chaussée.
Comme l’édifice précédent, le n  date de la même époque et a dû
lui aussi refaire sa façade, lors de l’élargissement de la rue Notre-Dame,
en . Le marchand Jean-Baptiste Beaudry l’avait fait construire et ce
n’est qu’en  que la famille Beaudry s’en départira. L’immeuble
restauré et recyclé en copropriétés porte depuis le nom de Cour Notre-
Dame.
Divisé en quatre unités lors de sa construction, le - de la rue
Notre-Dame porte le nom de son premier propriétaire : Maisons-
magasins Daniel Gorrie. Comme l’édifice a été érigé lui aussi dans les
mêmes années que les deux bâtiments précédents, il subira les mêmes
contraintes et sa façade sera refaite, vers . Les quatre locataires auront
leur commerce au rez-de-chaussée et résideront le plus souvent aux
étages. Cette situation demeurera jusqu’en . Dans les années ,
les grandes vitrines font place à de petites fenêtres et tout l’immeuble
adopte un caractère strictement résidentiel, pour aboutir en condomi-
niums de nos jours.
Le grand bâtiment qui a façade à la fois sur les rues Notre-Dame, Berri
et du Champ-de-Mars, se trouve bien sûr à cheval sur l’emplacement des
anciennes fortifications. Construit il y a vingt-cinq ans, La Chancellerie
du Vieux-Montréal est un édifice à logements en copropriété.
CONCLUSION

   

Le dernier plan de la série que l’arpenteur Pierre-Louis Morin a produite


au e siècle présente l’emplacement des habitations de la ville à la
fin du Régime français. Une note dans le haut du document signale
qu’en ce début de septembre  deux armées anglaises, sous un
commandement unifié, sont aux portes de Montréal, juste de l’autre côté
du ruisseau Saint-Martin. Le campement du général Murray fait face
à la partie ouest de la ville, alors que celui du général Amherst couvre
le secteur est.
La note indique que trente-deux mille combattants cantonnés de
l’autre côté du ruisseau font face aux fortifications, soit vingt mille
soldats de l’armée régulière de Sa Majesté le roi George et « douze mille
volontaires et sauvages venant de la Nouvelle-Angleterre et d’autres lieux
du territoire britannique ». Ces derniers sont sous le commandement du
baron William Johnson.
L’ampleur d’un tel déploiement, qui n’a pas été vérifié par l’auteur,
excite l’imaginaire. Il suscita certainement l’inquiétude et la consterna-
tion chez cette population de sept mille ou huit mille âmes, tout au plus.
Laissons aller notre imagination. Aux premiers jours du mois, les habi-
tants voient arriver petit à petit, du nord-ouest, les troupes anglaises qui
dévalent le coteau dont la crête, sillonnée aujourd’hui par la rue Sher-
brooke, trace la ligne d’horizon. Les militaires s’installent dans la plaine
qui sépare le ruisseau Saint-Martin du coteau.

. Certaines études tendent à démontrer que la population était très inférieure à  
âmes. Par contre, il faut penser que, si la colonie était de   habitants en , il
est difficile de concevoir que Montréal constituait un groupe de moins de  
personnes, même si la population de l’époque était fortement rurale. Montréal repré-
sentait un pôle stratégique de haute importance vers l’intérieur de l’Amérique du Nord.
Sur son plan, l’arpenteur Morin établit le nombre d’habitants à  .
  L E V IE U X-M O N T R É A L

En cette fin d’après-midi du  septembre, le spectacle devient hallu-


cinant : des milliers de costumes écarlates, des centaines de chevaux
fringants, des Amérindiens au visage maquillé, des feux de camp, des
tentes, des tipis, des canons et des roulements de tambour. Puis, le soleil
couchant qui se met de la partie, en éclairant le firmament de mille feux
chatoyants. Le déploiement est gigantesque mais, pour les Montréalais,
le cœur n’est pas à la fête. Même si les murailles ont dix-huit pieds en
hauteur, de l’étage de leurs maisons, les descendants de Jacques Archam-
bault, d’Urbain Tessier et de combien d’autres habitants des rues Saint-
Jacques et Notre-Dame portent leurs regards par-dessus les fortifications,
légèrement en contrebas. Celles-ci leur paraissent peu rassurantes, car
on leur a souvent laissé entendre qu’elles ne pouvaient résister aux tirs
des canons. Aussi grandiose soit-elle, l’immense fresque qui s’offre à
leurs yeux, et tient de la magie et de l’irréel, les remplit maintenant
d’effroi.
Le général Lévis s’était replié à l’île Sainte-Hélène où, paraît-il, il brûla
ses drapeaux. Il n’y aura même pas de baroud d’honneur. Malgré sa
symbolique victoire à Sainte-Foy, un an après la capitulation de Québec,
le valeureux soldat s’était résigné. Son régiment allait bientôt appareiller
pour rentrer en France.
Dans quelques heures, on ouvrira les portes à l’envahisseur. Le gouver-
neur, le marquis de Vaudreuil, s’apprête à signer la reddition. À quoi bon
sacrifier inutilement d’innocentes victimes, alors qu’on sait très bien que
la guerre de Sept Ans est bel et bien terminée et que la France a capitulé
non seulement à Québec, mais sur tous les fronts. C’en était bien fini de
l’épopée française en Nouvelle-France
L’obscurité arriva comme une tombée de rideau. Un rideau parsemé
de milliers de feux follets qui scintillaient dans la nuit, du côté du ruis-
seau Saint-Martin. Ils rappelaient ces fascinantes lucioles qui, selon la
légende, éclairaient les gestes nocturnes des premiers habitants de Ville-
Marie, en .
Mais une aube nouvelle s’annonce. Pas très prometteuse pour l’ins-
tant. Mais une aube qui permettra au petit peuple de Montréal et de toute
la Nouvelle-France de se tailler une place sur la planète. Si Ville-Marie
n’est plus, Montréal grandira beaucoup plus que ne l’auraient imaginé
ses pionniers. Et des centaines de milliers de leurs descendants, venant
de partout en Amérique, peuvent aujourd’hui se promener dans le Vieux-
Montréal et s’imbiber du souvenir du site de la première résidence de
C O NC L USIO N  

leur ancêtre et de celles d’amis et de voisins que celui-ci côtoyait dans la


vie de tous les jours et dont les descendants sont devenus souvent leurs
propres amis ou leurs propres voisins.
BIBLIOGR APHIE

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volume XII, no .
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Trépanier, Léon, Les Rues du Vieux-Montréal au fil du temps, Fides, .
Trudel, Marcel, Le Terrier du Saint-Laurent en , Éditions du Méridien,
.
index

Cet index fournit les noms propres de personnes dans la forme sous
laquelle ils sont apparus dans les ouvrages consultés. Il arrive que dans
un même document, ces noms s’orthographient différemment et que
plusieurs noms propres se retrouvent dans l’identification d’un même
personnage.
L’auteur n’a pas nécessairement éliminé toutes les ambiguïtés qui
peuvent surgir. Mais dans l’ensemble, il croit avoir réalisé une synthèse
qui ne pose pas problème. L’utilisateur de l’index devrait donc s’y
retrouver facilement.

A DHÉM A R d it SA I N T-M A RTI N, ANDREWS, Robert F., 


Antoine, - ANGUS, Richard B., 
ADHÉMAR dit SAINT-MARTIN, Jean- ARBOUR, Madeleine, 
Baptiste,  ARCHAMBAULT, Anne, , ,
AGNIER, Louis, ,  -
AGNIER, Paul, ,  ARCHAMBAULT, Jacques, , , ,
AILLEBOUST, Antoine d’, ,  , , , -
AILLEBOUST, Charles d’, -, , , ARCHAMBAULT, Laurent, 
-, , , - ARCHAMBAULT, Louis, 
AILLEBOUST, Charles-Joseph d’,  ARCHAMBAULT, Marie, 
AILLEBOUST, Félicité d’,  ARNAULD, Bertrand, -, -
AILLEBOUST, Louis d’, , ,  ARNAULT dit DESLAURIERS, Jean,
AILLEBOUST, Nicolas d’,  -, 
AILLEBOUST de COULONGE, d’,  ARRIVÉ, Jacques, , 
AILLEBOUST de CUSY, d’,  ARTUS, Michelle, 
ALARIE, René, , - ASSELIN, Léon, 
ALAVOINE, Charles, , , ,  ASSELIN, Olivar, 
ALAVOINE, mademoiselle, - AUBERT, maître, 
ALLARD, Jean-Baptiste,  AUBUCHON, Angélique, 
AMHERST, Jeffrey,  AUBUCHON, Marguerite, veuve de Jean
AMYOT, Jean-Baptiste, - Cusson, -
AMYOT, Raymond,  AUBUCHON dit LESPÉRANCE, Jean,
, , 
  L E V IE U X-M O N T R É A L

AUBUCHON dit LESPÉRANCE, Jean, BEAUJEU, Louis Liénard de, 


fils,  BEAUJEU, René de, , 
AUDOIN dit LAVERDURE, François, BEAUMONT, Antoine, , 
 BEAUMONT, Henri (Henry), , ,
AUGER dit LEFEBVRE, Jean-Baptiste, , 
 BEAUMONT, Marguerite, 
AUGER dit BARON, Jean,  BEAUVAIS, Raphaël, , , 
AUGER dit GRANDCHAMP, Julien, , BECQUET dit SAINT-SAUVEUR, Fran-
 çois, , 
AUSTIN, Élizabeth, BÉGON, Claude-Trichet, 
AVERTY dit LÉGER, Maurice,  BÉGON, Michel, , 
BÉLANGER, Adolphe, 
BADEL, Anne,  BELESTRE, François, Picoté de, 
BAILLY, François, - BELESTRE, Hélène, Picoté de, 
BAILLY, Louise-Charlotte,  BELESTRE, Pierre, Picoté de, , , 
BANNON, Jacques, ,  BÉLIVEAU, Louis-Joseph, -
BARBEAU, Victor,  BENET, Paul-Eugène, 
BARBIER, Adrienne,  BENOÎT, François, 
BARDET, Françoise,  BENOÎT dit LIVERNOIS, Élisabeth, 
BAROLET, Claude, - BENOÎT dit LIVERNOIS, Paul, ,
BARRETTE, Mathilde, ,  -, , , , , 
BARROIS, Antoine,  BENNY, Walter, 
BARROIS, Jean-Baptiste, ,  BERCY, sieur de, 
BARRON, Thomas-Philippe,  BERNHARDT, Sarah, 
BARTE, nommé (Raymond),  BERNIER, frères, 
BASSET, Bénigne, , -, , -, BERTHELET, Antoine-Olivier, , 
, , , , ,  BERTHELET, Marie-Angélique-Amélie,
BAUDREAU, Madeleine,  
BAUDREAU dit GRAVELINE, Gabriel, BERTHELET, Olivier, 
,  BERTHELET, Pierre, , 
BAUDREAU dit GRAVELINE, Urbain, BERTHELOT, Joseph-Amable, 
, ,  BERTHIAUME, Trefflé, 
BAUGY, Michel, - BERTOLINO, Daniel, 
BEAU (voir DAUX),  BESNARD, Françoise, 
BEAUBIEN, Pierre,  BESNARD, Jeanne, 
BEAUCHAMP, Catherine,  BESNARD, René, -
BEAUCHEMIN, Charles-Odilon,  BIGOT dit LA GIROFLÉE, Jacques, 
BEAUCHEMIN, Louis-Joseph-Odilon, BILLARD, Pérette, , 
 BILLERON dit LAFATIGUE, Pierre, 
BEAUDRY (BAUDRY), Barbe,  BIRON, Jacques, 
BEAUDRY, Jean-Baptiste,  BIRON, Pierre, 
BEAUDRY, Jean-Louis, , ,  BIZARD, Jacques, -
BEAUDRY, Toussaint,  BIZARD, Louise, 
BEAUGRAND, Honoré,  BLAINVILLE, Jean-Baptiste Céloron de,
BEAUHARNOIS, Charles de,  -, 
BEAUJEAN, Élie, , -,  BLAINVILLE, Pierre-Joseph Céloron de,
BEAUJEAN, Suzanne, ,  
I N DE X  

BLANCHE, Rose,  BOURGEAU, Victor, , , 


BLEURY, Clément Sabrevois de, , BOURGEOYS, Marguerite, , , ,
-,  , , , 
BLOIS, Julien, - BOURGINE, Hilaire, 
BLONDEAU, Maurice, , , ,  BOURLIS dit LEBRETON, Jean, 
BLOT (BLEAU), François, , ,  BOUSQUET, Barbe, , 
BOILEAU (Boisneau), Marie-Anne,  BOUSQUET, Jean, , 
BOISBRIANT, Sidrac Duguay (Dugué) BOUTHILLIER, Louis-Tancrède, , 
de, -, , , BOUTIN, Pierre, -
BOISMOREL, Françoise Petit de,  BOUVIER, Michel, 
BOISMOREL (BOIS MOREL), Jean Petit BOXER, capitaine, 
de, , ,  BOYER, Louis, 
BOISMOREL, Louise-Thérèse de,  BOYER, Nicolas, , 
BOISMOREL, Suzanne Petit de,  BRADDOCK, Edward, général, 
BOISSEAU, Angélique,  BRANSAC, Denise-Thérèse Migeon de,
BOISSEAU, Antoine,  
BOISSEAU, Pierre,  BRANSAC, Jean-Baptiste Migeon de, ,
BOIVIN, Catherine-Madeleine, ,  -, , -
BOIVIN, Michel, ,  BRAZEAU, Agnès, -
BONDY, Jacques Douaire de,  BRAZEAU, Charles, 
BOUAT, Abraham, , , , ,  BRAZEAU, Charles-Nicolas, 
BOUAT, François-Marie, , , , , BRAZEAU, Étienne, -
, , , , -, - BRAZEAU, Françoise, 
BOUAT, Marguerite, ,  BRAZEAU, Jean-Baptiste, 
BOUCHARD, Étienne, , ,  BRAZEAU, Jeanne, -
BOUCHARD, Françoise,  BRAZEAU, Joseph, , 
BOUCHARD, Louise,  BRAZEAU, Marguerite, 
BOUCHARD, Paul, -,  BRAZEAU, Marie, , 
BOUCHER, Antoinette,  BRAZEAU, Nicolas, , , -
BOUCHER, Jeanne,  BRAZEAU, Nicolas, fils, -
BOUCHER de BOUCHERVILLE, Pierre, BREBANT, Marie-Anne, 
,  BRIDGE, Thomas-Henry, 
BOUCHER de GROSBOIS, Pierre,  BRIGEAC, sieur de (Claude), 
BOUCHER dit SAINT-AMOUR, Jacques- BRILLAUD dit BARREAU, Jean, 
Hyacinthe, ,  BRODEUR, Azarie, 
BOUDARD, sieur (Jean),  BRODEUR, Christophe, 
BOUDREAU, Élizabeth,  BROSSARD, Claude, , 
BOUGRET dit DUFORT, Pierre, ,  BROSSARD, Denis, 
BOULANGER, Joseph,  BROSSARD, François, 
BOULANGER, Marie-Angélique,  BROSSARD, Jeanne, , 
BOULOGNE, Marie-Barbe de,  BROSSARD, Joseph, fils, 
BOURASSA, Henri,  BROSSARD, Joseph, père, -
BOURASSA, Napoléon,  BROSSARD, Urbain, -, , , ,
BOURBON, Marie-Anne,  
BOURDON, Marie-Anne Charles, veuve BROWN(E), George, , 
César-Marin,  BRUNEL dit de LASABLONNIÈRE, Jean,
BOURGEAU, Alexandre,  
  L E V IE U X-M O N T R É A L

BRUNET, Jean, - CATALOGNE, Gédéon de, -, , ,


BRUNET dit BELHUMEUR, François, -, , , , -
 CATALOGNE, Jeanne-Élizabeth de, 
BRUNET dit LETANG, Mathieu,  CATIN, Catherine, 
BUDEMONT, madame,  CATIN, Henri, , , , , -,
BUDEMONT, Pierre DERIVON de, , 
, , ,  CAUCHOIS, Jacques, , 
CAVELIER, Guillaume, 
CABASSIER, Charles, ,  CAVELIER, Jeanne, -, , , 
CABASSIER, Pierre,  CAVELIER, Louis, -, , , ,
CAESAR dit DE LA GARDELETTE, -
François,  CAVELIER, Madeleine, 
CAESAR dite DE LA GARDELETTE, CAVELIER de LA SALLE, Robert, ,
Marguerite, - -, , , -, , , , ,
CAILLÉ, Jacques, , , , , , , 
CAILLÉ dit LAROCHELLE, Pierre,  CAVELIER dit DESLAURIERS, Robert,
CAILLOUX (CAILLAU) dit BARON, , , , 
Jean,  CAVERHILL, John, 
CALAME, Laurent,  CELLES, Barbe, 
CALLIÈRE, Louis-Hector de,  CHABOILLEZ McTAVISH, Marguerite,
CAMPBELL, John,  , 
CAMPEAU, Étienne, , ,  CHAMAILLARD dit LAFONTAINE,
CAMPEAU, Étienne, fils,  Jean-Vincent, -
CAMPEAU, Jacques,  CHAMPLAIN, Samuel de, , 
CAMPEAU, Louise,  CHANCEREL, Étienne, 
CAMPEAU, Michel,  CHAPLEAU, Jean, -
CARAQUILLE dit l’ESPAGNOL,  CHAPUT, Laurent, , 
CARDINAL, Barbe, ,  CHARLEBOIS, R., 
CARDINAL, Jacques, -, ,  CHARLEVOIX, Pierre-François-Xavier
CARDINAL (CARDINAULT), Jacques, de, 
 CHARLOT, Marguerite, 
CARDINAL, Joseph-Narcisse, ,  CHARLY, sieur, 
CARDINAL, Madeleine,  CHARLY dit SAINT-ANGE (SAINT-
CARDINAL (CARDINAULT), Simon, ONGE), André, , , -, -
 CHAR LY dit SAINT-ANGE, Jean-
CARDINAUX, Gabriel,  Baptiste, , 
CARION, Philippe (sieur Dufrenoy), , CHARPENTIER, Charles, 
 CHARRON, Claude, -, 
CARON, Claude, - CHARRON, Élizabeth, 
CARRIÈRE, André, - CHARTRAND, nommé, 
CARTER, William,  CHARTRAND, Pierre, 
CARTIER, George-Étienne, , ,  CHARTRAND, Thomas, , -
CARTIER, Marie,  CHAUSSEGROS DE LÉRY, Gaspard, ,
CARTIER dit LAROSE, Joseph, - , -, , , 
CASSON, Dollier de, -, -, , , CHAUVIN, Gilles, , 
, -,  CHEDEVILLE (CHEFDEVILLE) dit LA
CASTONGUAY, Jean-Baptiste,  GARENNE, Maximilien, , -
I N DE X  

CHÊNE dit SAINT-ONGE, Pierre, CUILLERIER, Jean, veuve de, 


- CUILLERIER, Marie-Charlotte, 
CHERRIER, Côme-Séraphin, -,  CUILLERIER, René, , , , ,
CHEVAL dit SAINT-JACQUES, Jacques- -, 
Joseph,  CUMMINGS, Walter F., 
CHEVALIER, Joseph,  CUSSON, Jean, 
CHEVALIER, Pierre,  CUSSON, Marguerite, , 
CHEVAUTIER, Joseph,  CUSSON dit LACROIX, Madame Jean,
CHÈVREFILS dit BELISLE, Louis,  -
CHEVRIER, Lionel,  CUVILLIER, Augustin, 
CHICOINE, Pierre, , 
CHICOT dit SICOTTE, Jean,  DAMISÉ, Claude, 
CHOUÉ dit LALIBERTÉ, Nicolas,  DANDONNEAU, Angélique, 
CHRISTIN dit SAINT-AMOUR, Isaac, DANIS, Honoré, 
- DANIS (DANY), Jean, -
CLAIRIN, Denis Étienne de, -, DARAGON, Marthe, 
- DAUDELIN, Charles, 
CLEGG, Alfred,  DAUDIN, Hélène, 
CLOSSE, Jeanne-Cécile,  DAUGROLLE dit LAMARCHE, Jacques,
CLOSSE, Lambert, , , -, , 
, , - DAUX (BEAU), François, 
COBB, Henry Ives,  DAVELUY dit LAROSE, Jean, , 
COMBETH dit DESJARDINS, Antoine, DAVELUY dit LAROSE, Jean-Paul, 
 DAVELUY dit LAROSE, Marguerite, 
COMTE, Pierre,  DAVELUY dit LAROSE, Paul, 
CORISTINE, James, ,  DAVID, Achille, 
CORON (CARON), Jean,  DAVIES, Samuel, 
CORSE, Mary,  DAWSON, Charles F., , 
CORSE, Susannah,  DAZÉ, Paul, 
COSTE, Jean-Baptiste de,  DÉCARIE, François, 
COURAULT DELACOSTE, Pierre,  DÉCARIE, frères, 
COURTEMANCHE, Antoine, - DÉCARIE, Louis, -, , 
COURTOIS, Hormidas,  DÉCARIE, Michel, 
COUSINEAU, Jean-Baptiste, ,  DÉCARIE, Paul, , 
COUSINEAU, Jean-Baptiste, fils, ,  DECOUAGNE, Charles, 
COUSINEAU, Marie-René,  DECOUAGNE, Charles, veuve de, 
COUTURIER, François, -,  DECOUAGNE, René, , -, , 
COUTURIER, Jean-Baptiste,  DECOUAGNE, sieur, , , , 
COUTURIER, Marie-Josèphte,  DE GAULLE, Charles, 
COUTURIER dit BOURGUIGNON, DEGUIRE, Marie-Madeleine, 
Pierre, ,  DEGUIRE, Jean-Baptiste, 
CRÉPEAU, Maurice,  DEGUIRE dit LAROSE, Jean-Baptiste,
CRÉPEAU, Pierre, , , -, - , -
CRÉPIN-RAPIN, Marie-Anne,  DELEIGNE, Jean-Baptiste, 
CREVIER, Christophe,  DELEIGNE, Thérèse, 
CREVIER, Joseph, ,  DELIÈRES dit BONVOULOIR, Julien,
CROSS, Alexander, - 
  L E V IE U X-M O N T R É A L

DELISLE, Alexandre-Maurice,  DIEU, Jean de, 


DELISLE, Charles M.,  DOBIE, Richard, 
DELMAS, Antoine,  DRAPEAU, Jean, , 
DELORME, Charles-Simon, ,  DR APEAU dit DESFORGES, Jean,
DELORME, Pierre,  -
DELORME, Siméon,  DROUILLARD dit LAPRISE, Charles,
DELVECCHIO, Pierre,  
DEMERS, Jean-Baptiste, , -,  DROUILLARD dit LAPRISE, Marie, 
DEMERS dit CHEDEVILLE, André, , DROUILLARD dit LAPRISE, René, 
-, - DROUILLARD dit LAPRISE, René, fils,
DEMERS dit CHEDEVILLE, André, fils, 
 DUBORD, Alexis, 
DEMERS dit CHEDEVILLE, Charles, DUBUC, Michel, 
 DU BUISSON, Charles, 
DEMERS dit CHEDEVILLE, Jean- DUBUISSON dit SUBTIL, Pierre, 
Baptiste, - DU CALVET, Pierre, 
DEMERS dit CHEDEVILLE, Michel,  DUCHESNEAU, Joseph, -
DEMERS dit CHEDEVILLE, Robert, DUCHESNEAU, Magloire-Edmond,
 -
DEMERS dit DESSERMONS, Charles, DUDEVOIR, Claude, , , , , 
 DUDEVOIR, Claude, fils, 
DENEAU (DENIAU), Jean,  DUDEVOIR, Marie-Josephte, 
DENEAU (DENIAU), Jean-Baptiste,  DUFRESNE, nommé, , 
DENEAU dit DESTAILLIS, Joseph,  DUFRESNOY CARION, Jeanne, 
DENONVILLE, Jacques-René de Brisay DUGAS dit LAFONTAINE, Vincent,
de,  -
DESAULNIERS, Pierre,  DUGUAY, Marie-Thérèse, 
DÉSERY, Charles, - DUGUÉ (DUGUAY) de BOISBRIANT,
DESFORGES dit SAINT-MAURICE, Jean, Sidrac, -, , 
 DU LU DE de GR E SLON, Da n iel,
DESLANDES dit CHAMPIGNY, Jean, -
- DULUTH, Daniel Greysolon, 
DESMARTEAU, Narcisse,  DUMAINE, François, 
DESRIVIÈRES, Jean-Noël, - DUMESNIL, Marie, 
DESROCHES, Jean, , -, , DUMOUCHEL, Bernard, 
-,  DUMOUCHEL, Paul, , , 
DESROCHES, Pierre, ,  DUPÉRÉ, Marie-Josephte, -
DESROSIERS, Antoine,  DUPLESSIS dit FABER, François,
DESROSIERS dit DUTREMBLE, Jean- -
Baptiste, , ,  DUPRÉ, Catherine, 
DESROSIERS dit LANIEL, Antoine,  DUPUIS, J. N., 
DESSAULLES, Georges-Casimir,  DUPUY, Claude-Thomas, 
DEVANCHY, Pierre, - DUQUET dit MADRY, Antoine, 
DEVAUX dit DESCORMIERS, Michel, DURANCEAU, Alexandre, 
,  DURANCEAU, Charles, 
DIEL, Jacques, - DUROCHER, Jean-Baptiste, 
DIESKAU, Jean-Armand de,  DUVERGER, Élisabeth, 
I N DE X  

DUVERNAY, Ludger, ,  GADOIS, Roberte, , , , 
DUVIVIER, Adriane,  GAGNÉ, Pierre, -
GAGNIER (Gagné), Pierre, 
FABRE, Édouard-Raymond,  GALARNEAU, Marie-Madeleine, 
FABRIS,  GALIPEAU, Gilles, 
FAILLON, Étienne-Michel, -, , GALIPEAU, Marie, 
 GAMELIN, Ignace, 
FAIRIE, James,  GAMELIN, Laurent-Eustache, 
FELDS, Ferdinand,  GAMELIN, Marguerite, 
FERRIER, James,  GAMELIN dit MAUGRAS, Pierre, fils,
FERRON dit SAUCERRE, Jean,  -, 
FÉZERET, Claude, ,  GAR EAU dit SAINT-ONGE, Jean,
FÉZERET, René, ,  -
FILIAU (FILIAULT), François,  GAREAU dit SAINT-ONGE, Pierre,
FLEURY dit DESCHAMBAULT, Jacques- -, 
Alexis de, -,  GARNIER, Gilles, 
FLEURY dit DESCHAMBAULT, Jeanne- GASTIGNON, Thérèse, 
Charlotte,  GATIEN, François-Lucien, 
FOISY, Martin,  GATIEN, René, 
FONTENELLE dit CHAMPAGNE, Jean, GATIEN dit TOURANGEAU, Pierre-
, , , , - René, , 
FOOTNER, William,  GATINEAU, Madeleine, 
FORESTIER, Antoine,  GAUCHET, Catherine, -, , , 
FORGET, Louis-Joseph,  GAUDRY dit BOURBONNIÈRE, Nicolas,
FORGET dit DESPATIS, Nicolas, - , 
FORSYTH, John,  GAUTHIER, Joseph, 
FORTIER dit FORESTIER, Antoine,  GAUTHIER, Marguerite, 
FORTIER dit FORESTIER, Pierre, -, GAUTHIER dit SAINT-GERMAIN,
 Pierre, 
FOUBERT, Marie,  GAUTIER (GAUTHIER), Jean, 
FOUCHER, Jeanne,  GAUTIER dit RABOT, Pierre, , 
FOUCHER, Marie-Anne,  GENDRON, Catherine, 
FOUQUEREAU, Marie-Anne,  GÉNÉREUX, Esprit, 
FOURNIER DUVIVIER, Hector,  GEOFFRION, Henri, 
FRASER, Alexander,  GERVAIS, Jean, 
FRASER, John, - GERVAISE, Charles, -, 
FRASER, Simon, - GERVAISE, Jean, -, 
FROBISHER, Benjamin,  GERVAISE, Madeleine, 
FROBISHER, Joseph, -, ,  GERVAISE, Urbain, , -
FRONTENAC, Louis de Buade de, , , GIBAULT (GIBEAU), Étienne, 
FROTHINGHAM, John, ,  GIBEAULT, Angélique, 
GIBEAULT, Étienne, -
GADOIS, Françoise,  GIRALDI, Serafino, 
GADOIS, Jeanne,  GODARD dit LAPOINTE, Joseph, 
GADOIS, Pierre, , -, , , , -, GODART, Jeanne, 
, , , , ,  GODDARD FROTHINGHAM, Louisa,
GADOIS, Pierre, fils, -, -,  
  L E V IE U X-M O N T R É A L

GODÉ, Françoise, , ,  GUY, Étienne, 


GODÉ, Marie, , , , ,  GUY, Jean, -, 
GODÉ (GAUDET), Nicolas, , -, GUY, Louis, 
, , , -, ,  GUY, Pierre, , 
GODÉ, Nicolas, fils, , ,  GUYON, Anne, 
GODFROY, Anne,  GUYON dit DESPRÉS, Joseph, , , 
G ODFROY DE NOR M A N V I LL E , GUYONNET dit LAFLEUR, Marie-
Thomas,  Charlotte, 
GODIN dit CHATILLON, Pierre, 
GORRIE, Daniel,  HALL, Archibald, 
GOUIN dit CHAMPAGNE, Sébastien, HALLÉ, Pierre, 
,  HANGANU, Dan S., 
GOYAU dit LAGARDE, Guillaume,  HARDY (LARDY), Louis, 
GRAHAM, Felix,  HAREL dit DESPOINTES, François, 
GRAHAM, Hugh,  HATANVILLE, Antoine, -
GRANDIN, Marie,  HAUTMESNIL, Vincent Philippes de,
GRANT, Charles William,  , -, , , -, , ,
GRANT, David Alexander, ,  
GRANT, Mary,  HAZUR, François, , , 
GRASSET de SAINT-SAUVEUR, André, HAZUR dit PETIT MAROIS, François,
-, , , - 
GRASSET de SAINT-SAUVEUR, André, HÉBERT, Henri, 
fils, - HÉBERT, Léger, , 
GRAY, Edward William,  HÉBERT, Louis-Philippe, , 
GREENSHIELDS, John,  HENDERSON, Alexander, 
GREENSHIELDS, Samuel,  HERVIEUX, Jacques, , 
GRISARD, Louise,  HERVIEUX, Jean-Baptiste, 
GRIVEAU dit BOISJOLI, Jean, - HERVIEUX, Marie-Jeanne, 
GUÉRIN, Joseph, ,  HERVIEUX, Marie-Karine, 
GUIBAL, Dieudonné-Barthélemy,  HÉRY, Charles, 
GUIBERGE, Jeanne,  HEURTEBISE (HURTUBISE), Marie,
GUICHARD dit LASONDE, Jean, , -
,  HOGUE, Jeanne, 
GUICHARD dit LASONDE, Marie- HOPE, William, 
Charlotte, - HOPKINS, John William, , 
GUILLEMOT, Geneviève,  HOTESSE, Élisabeth, 
GUILLEMOT dit LALANDE, Catherine, HOTESSE, Jean, 
 HOTESSE, Paul, , 
GUILLEMOT dit LALANDE, François, HOTMAN, Suzanne, 
, ,  HOUÉ dit LALIBERTÉ, Nicolas, 
GUILLET, Mathurin, - HUBERT, Pierre, , 
GUILLET, Pierre,  HUBERT dit LACROIX, Charles, ,
GUILLET de CHAUMONT, François- 
Auguste,  HUBERT dit LACROIX, Jacques, ,
GUILLON dit DUPLESSIS, Jean-Baptiste, -
 HUBERT dit LACROIX, Nicolas, ,
GUILLORY, Simon, -, ,,  
I N DE X  

HUBON, Anne,  J USSI AUM E d it SA I N T-PI ER R E ,


HUBOUX dit DESLONGSCHAMPS, Léonard, , 
Jean, 
HUBOUX dit DESLONGSCHAMPS, KAY, Frederick, 
Mathieu,  KIMBER, Harline, 
HUDON, Victor, -,  KIMBER, René, 
HUET dit DULUDE, Michel, 
HUNAULT, André, , ,  LABELLE, Henri, 
HUNAULT, Pierre, - LACELLE, Jacques, , , 
HUNAULT, Thècle,  LACHENAYE, Philippe de, 
HUNAULT, Toussaint, , ,  LA CHARPENTE, Gabriel Antoine dit,
HUTCHISON, James,  
HUTTON, James,  LA CHESNAYE, Charles Aubert de, ,

JANOT, Marin, ,  LACROIX, Jacques-Hubert, 
JANOT, Pierre,  LACROIX, Jean, 
JANSON dit LAPALME, Antoine,  LACY, Mary, 
JANSON dit LAPALME, Dominique, , LA DÉCOUVERTE, madame You de, ,
 , 
JANSON (JEANSON) dit LAPALME, LA DÉCOUVERTE, Pierre You de, ,
Pierre, , ,  
JARRY, Éloi,  LA FARGUE dit SAINTE-FOY, François
JARRY, Henri, -, -,  de, ,
JARRY, Jean-Baptiste,  LA FAYE, Louis, 
JARRY, Marguerite,  LAFLAMME, Rodolphe, 
JEAN dit VIEN, Ignace,  LA GAUCHETIÈRE, Daniel Migeon de,
JENKINS, Thomas,  , 
JOBIN, François,  LA GAUCHETIÈRE, Marie-Thérèse
JOHNSON, John,  Migeon de, 
JOHNSON, William,  LAGUIDE, Madeleine, 
JOHNSTON, James,  LAHAISE, Robert, , 
JONCAIRE, Thomas, - LAISNÉ, Geneviève, 
JONQUIÈRE, Pierre de La, ,  LAJEUNESSE, Wilfrid, 
JOSEPH, Jacob Henry, ,  LAMARQUE, Anne, 
JOSEPH, Jesse, , - LAMARQUE, Jacques Nolan de, 
JOBERT, Charlotte,  LAMARQUE, Marie-Anne (madame de
JOUSSET, Louise,  Tonty), 
JOUSSET, Suzanne,  LAMARQUE, Marin, 
JOUSSET dit LA LOIRE, Mathurin, LAMBERT, Alfred, , , 
- LAMBERT DE BAUSSY, Marie-Catherine,
JOUSSIAUME (JUSSIAUME), Charles, 
 LAMONTAGNE, Hector, , 
JOYBERT, Louise-Élisabeth de,  LAMOTHE, Pierre, 
JUCHEREAU, Catherine,  LAMOUREUX dit SAINT-GERMAIN,
JUCHEREAU, Charles,  Pierre, , 
JUILLET, Charles,  LAMOUREUX dit SAINT-GERMAIN,
JUILLET, Mathurine,  Suzanne Charbonnier, 
  L E V IE U X-M O N T R É A L

LANCTOT, Gustave,  LECLAIRE, Jean, 


LANGEVIN dit LACROIX, Mathurin, , LE COMTE DUPRÉ, Jean-Baptiste, 
, ,  LE COMTE DUPRÉ, Louis, , , 
LANGLOIS, Jacques,  LE COMTE DUPRÉ, Madame Catherine,
LANGLOIS, Robert,  , 
LANGLOIS dit LACHAPELLE, Honoré, LECOURS, Denis, , 
 LECOURS, Michel, 
LANGLOISERIE, Charles Gaspard Piot LECOURT, Michel, , , 
de la,  LEDUC, Jean, , , 
LANIEL, Julien,  LEDUC, Jean-Baptiste, , 
LAPALICE, Ovide M.,  LEDUC, Marie, 
LAPIERRE, Zéphirin,  LEDUC, Pierre, 
LAPORTE, Angélique,  LEDUC dit SOULIGNY, Pierre, , 
LAPORTE dit SAINT-GEORGES, Jacques, LEFEBVRE, Charles, , , 
 LEFEBVRE, Godefroy, 
LA PORTE de LOUVIGNY, Marie-Anne LEFEBVRE, Hypolite, 
de,  LEFEBVRE, Jean-Baptiste-Charles, 
LAPRAIRIE dit SAINT-GEORGES, sieur, LEFEBVRE, Pierre, 
 LEFEBVRE dit AUGER, Jean-Baptiste,
LARCHEVÊQUE, Jean,  
LARCHEVÊQUE, Marie-Josephte,  LEFEBVRE dit SAINT-JEAN, Jeanne,
LAROCQUE, Alfred,  
LAROCQUE, Pierre, ,  LEFEBVRE DUCHOQUET, Louis, 
LASALLE, Jules,  LE GARDEUR, Catherine, , 
LASERRE dit LAFORME, Claude,  LE GARDEUR, Catherine-Delphine,
LASERRE dit LALIME, Claude,  
LA SOURCE, Jeanne de,  Legardeur de REPENTIGNY, Jean-
LATOUCHE dit SAINT-JEAN, Jean,  Baptiste, 
LATOUR, Jean-Baptiste,  Le gardeur de REPENTIGNY, Pierre, ,
LAURENT, Michel,  , 
LAURENT dit BÉRICHON, Silvain,  LEGRAND, Jean-Baptiste, 
LAURIN, Pierre, fils,  LEGRAS, Jean, 
LAUSON, Charles de,  LEGRAS, Marie-Catherine, 
LAUSON, Gilles,  LEGUAY, Alexis, , 
LAUZON, Anne,  LEGUAY de BEAULIEU, Madeleine,
LAUZON, Séraphin,  
LAVAL, François Montmorency de,  LEGUILLE dit DEGUILLE, Jean-Baptiste,
LAVALTRIE, Séraphin Margane de,  , 
LAVIOLETTE, Joseph-Auguste,  LEHOUX dit DÉCARIE, Michel, 
LEBEAU, Louis,  LEHOUX dit DÉCARIE, Paul, 
LE BER, Pierre,  LEHOUX dit DÉCARIS (DÉCARIE),
LE BER DE SENNEVILLE, Jacques, , Jean, , -, 
, , , , ,  LELOUP, Catherine, , 
LEBLANC, Louise,  LEMAÎTRE LA MORILLE, François,
LEBLOND, Michel,  
LECAVALIER, Robert,  L E M A RCH A N D DE L IGN E RY,
LECLAIRE, François,  François-Marie, 
I N DE X  

LEMIRE, Marie-Anne,  LOVELL, John, 


LEMOINE, Jacques,  LUGERAS, Pierre, 
LEMOINE-DESPINS, Jacques,  LYMAN, Benjamin, 
LE MOYNE, Anne,  LYMAN, Henry, 
LE MOYNE, Charles, , , , , , LYMAN, Henry Herbert, 
, , , , ,  LYMAN, William, 
LE MOYNE, Jacques, , , , , ,
,  MACDONALD, William C., 
LE MOYNE, Jeanne,  MACFARLANE, Andrew, 
LE MOYNE de MARICOURT, Paul,  MACKENZIE, Alexander, 
LE MOYNE d’IBERVILLE, Pierre, , MADORE, Charles, 
, ,  MADOX, Daniel, 
LEMYRE, Anne, ,  MAGNAN dit LESPÉRANCE, Antoine,
LENOIR dit TOURANGEAU, Vincent, 
, , ,  MAGNAN dit LESPÉRANCE, Jean, ,
LEPAGE, Joseph-François,  , , 
LEPAILLEUR, Michel,  MAGUÉ dit LACROIX, Sébastien, 
LE PELLETIER, Catherine-Geneviève, MAILHOT, François, 
 MAILHOT, veuve François, , , 
LEROUX, Hubert, , MAILHOT, Jacques, 
LEROUX dit LA CHAUSSÉE, Louis,  MAILLET, Marie-Geneviève, 
LEROY, Pierre,  MAISONNEUVE, Paul Chomedey de, ,
LESCUYER, Agathe,  , , , , , , , , , ,
LE SUEUR dit DAGENAIS, Pierre,  , , , , , , , , ,
LESTAGE, Pierre, , ,  , , , , , , , 
LETANG, Anselme,  MAITLAND, William, , 
LE VERRIER, François, , , ,  MALARD dit DESLAURIERS, Antoine,
LÉVIS, Gaston-François, chevalier de, , 
 MALLET (MAILLET), Jean-Baptiste,
L’HUILIER dit DESVIGNES, Jacques, , 
 MALLET (MAILLET), Pierre, , 
LIGNERY,  MANCE, Jeanne, , , , , , ,
LIVILLIER,  , , 
LOISELLE, Louis, , ,  MARCHAND, Jean-Omer, 
LONGUEUIL, Charles-Jacques, baron de, MARCHAND, Louis, 
 MARCHAND, Nicolas, , 
LONGUEUIL, Marie Charles Joseph, M ARCHETEAU dit DESNOYERS,
baronne de,  Joseph, 
LORAIN (LAURIN), Françoise,  M ARCHETEAU dit DESNOYERS,
LORAIN (LAURIN), Jean, ,  Laurent, 
LORION, Catherine,  MARCHETEAU dit DESNOYERS, Pierre,
LORRAIN, Pierre,  
LORRY dit GARGOT, François,  MAREST dit LÉPINE, Jean-Baptiste, ,
LOTBINIÈRE, Alain Chartier de, , , 
 MARIÉ dit SAINTE-MARIE, Louis, ,
LOTBINIÈRE, Michel Chartier de,  , , , , , 
LOUIS XIV,  MARION, Ducharme, 
  L E V IE U X-M O N T R É A L

MARS, Anne,  MILOT, Jacques, , , 


MARS, Jean,  MILOT, Jean, , , , , , 
MARS dit COMTOIS, Joseph, , , MITTLEBERGER PLATT, Elizabeth,
MARSOLAIS, Avila-Romuald,  
MARTEL, Étienne-Joseph, , ,  MOISAN, Antoine, 
MARTEL, Jacques,  MOISAN, Françoise, 
MARTEL, Joseph, , ,  MOISAN, Jean, , 
MARTIN, Abraham,  MOLSON, John, 
MARTIN, Madeleine,  MONTCALM, Louis-Joseph, marquis de,
MARTIN, Pierre,  
MARTIN, Pierre-Paul, ,  MONTENACH, Nicolas-Fortuné, Charles
MARTINEAU, Jeanne,  de, 
MARTINET de FONTBLANCHE, Jean, MONTIGNY, Pierre Pinguet de, 
-, -,  MONTIGNY, Jacques Testard de, , ,
MASSÉ, Martin, ,  
MASSÉ, Michel, ,  MOQUIN (MAUQUIN), Jacques, ,
MASSICOTTE, Édouard-Zotique,  
MASSON, Joseph, ,  MOQUIN (MAUQUIN), Mathurin, ,
MATHIEU, Marie-Josephte,  , , 
MATOU, Jeanne, ,  MORAN (MORAND), Jean, 
MAUBLANC dit SAINT-AMANT, Jean- MORAND, Nicolas, 
Baptiste,  MORAND dit LA CHARPENTE, Vincent,
MAUGER, Louise,  
MAUGRAS, Marie-Jeanne,  MOREAU dit JOLICŒUR, Jean, 
MAUGUE, Claude, , , , , , MOREL, François dit Madore, , 
, ,  MORIN, Augustin-Norbert, 
MAUGUE, Marie-Anne, ,  MORIN, Lucien, 
MAUREPAS, Jean-Frédéric Phélipeaux MORIN, Marie (sœur), 
comte de,  MORIN, Nicolas, 
McCORMACK, Ann,  MORIN, Pierre-Louis, , , , , ,
McDOUGALL, James Cecil,  , , , , , , 
McGEE, Thomas d’Arcy,  MORIN, Victor, 
McGILL, Peter,  MORISSEAU, Jean-Baptiste, , 
McKENZIE, John,  MOUNT STEPHEN, Lord, 
McTAVISH, Simon, , , ,  MOYEN, Élisabeth, , , , , ,
MÉNARD, Jean-Baptiste,  , , , 
MÉNARD, Louis,  MUNDERLOH, W.C., 
MERCIL, André, ,  MURRAY, James, 
MERCURE, Marie-Antoinette,  MUY, sieur de, , 
MESSIER, Marguerite, 
MESSIER, Martine,  NAFRÉCHOUX, Dominique, 
MESSIER, Michel, , , , , , , , NAFRÉCHOUX, Isaac, , 
 NEPVEU, Jean-Baptiste, , , 
MILLET dit LE BEAUCERON, Nicolas, NEPVEU, Thomas, 
, , ,  NOËL, Jacques, 
MILLS, John E.,  NOLAN, Jean-Baptiste, 
MILOT, Charles, , ,  NORMANDEAU, Joseph-Athanase, 
I N DE X  

OLIER, Jacques, ,  PERRAULT, Augustin, 


OSTELL, John, ,  PERRAULT, Charles-Ovide, 
OUIMET, André,  PERRAULT, Henri-Maurice, , 
OUIMET, Joseph-Alfred,  PERRAULT, Jean-Julien, 
PERRAULT, Julien, 
PACAUD, Antoine, , , ,  PERRAULT, Louis, 
PACHOT, François-Vienney, ,  PERRIN, François, 
PACRO (PACRAU ou PACAUD), Marie, PERROT, Claude, , , , 
,  PERROT, François-Marie, , , 
PAILLÉ (PAILLAR D) dit SAINT- PERROT, Jacques, 
AMOUR, Gabriel,  PERROT, madame, 
PAILLÉ (PAILLAR D) dit SAINT- PERROT dit VILLEDAIGNE, Joseph,
AMOUR, Léonard, , , ,  
PAILLET dit SAINT-AMOUR, Jean- PERTHUIS, Angélique, 
Baptiste,  PERTHUIS dit LALIME, Pierre, , ,
PAIRE dit CARPENTRAS, François- , 
Joseph,  PETIT, Jean-Baptiste, 
PALADÈRE, mademoiselle,  PHILI-QUERIGON, Michel, 
PAMPALON dit LABRANCHE, Louis- PHILIPPAUX, Louis, 
Joseph,  PHIPS, William, 
PAPIN, Gilles,  PICARD, Alexis, 
PAPINEAU, Joseph, , ,  PICARD, Jacques, 
PAPINEAU, Louis-Joseph, , , , PICOT dit LABRIE, Jacques, , , ,
 
PARÉ, Hubert,  PIETTE, Geneviève, 
PAREMENT, Pérette,  PIGEON, Pierre, , 
PARENT, Jean-Baptiste, ,  PILET, Madeleine, 
PARENT, Joseph, , , ,  PINGUET, Jacques, 
PARENT, Mathurin, ,  PINSONNEAU, Anne, 
PARENT, Pierre, ,  PIPARDIÈRE, sieur de la, 
PARENT, Thomas, ,  PIVERT dit LE PARISIEN, Louis, ,
PATENAUDE, Pierre,  
PATENOTE (PATENAUDE), Jean- PLESSIS-BÉLAIR, Louis, 
Baptiste,  PLICHON dit DUVERNAY, veuve de,
PAULO, Catherine,  
PAYET dit SAINT-AMOUR, Jean,  PLICHON dit DUVERNOIS, sieur, 
PAYETTE dit SAINT-AMOUR, Pierre, POIRIER, Jean, , 
 POITIER (POTHIER), Toussaint, 
PÉLADEAU dit SAINT-JEAN, Jean, , POITIERS, Jeanne de, 
 POITRAS, Louis, , 
PÉLODEAU, Horace,  PONTON, Joseph, 
PÉRINAULT, Jean-Baptiste,  PONTONIER, Marie, , 
PÉRINEAU, Jacques, PORLIER, Jacques, 
PÉRINEAU dit LAMARCHE, Jacques, PORTNEUF, madame de, 
,  POST, George B., 
PÉRINEAU dit LAMARCHE, Toussaint, POTHIER, , , 
, ,  POTHIER, Louise, 
  L E V IE U X-M O N T R É A L

POTHIER dit LAVERDURE, Claude,  RADISSON, Françoise-Esprit de, 


POTHIER dit LAVERDURE, Jean, , RADISSON, Jean-François Volant de,
,  
POTHIER dit LAVERDURE, Michelle,  RADISSON, Pierre Esprit de, 
POTHIER DUBUISSON, Guillaume, , RAIMBAULT, Claude, , 
 RAIMBAULT, Pierre, , , , , , ,
POUDRET, Antoine,  , , , 
POULIN, Jacques,  RAMESAY, Jean-Baptiste, 
POULIN, Marguerite,  RAMESAY de LAGESSE, Claude de, ,
POULIN, Marthe,  , , , , , , , ,
POULIN, Maurice,  , 
POULIN de SAINT-MAURICE, Michel, RAMSAY, Alexander, 
 RAPIN, André, 
POULIN dit FRANCHEVILLE, François, RASCO, Francesco, 
,  RAUDOT, Jacques, 
POUPART, Charles,  RAZA, Alphonse, , 
POUPART dit LAFLEUR, Joseph,  REA, Kenneth Guscotte, 
POURNAIN, Marie,  REBOUL dit LÉVEILLÉ, Toussaint, 
PRATT, Charles-Ferdinand,  REDPATH, John, 
PRATT, Jean-Baptiste (John),  REDPATH, Peter, 
PRÉVOST, Amable, , ,  REFORD, Elsie, 
PRÉVOST, Eustache, ,  REFORD, Robert, 
PRIAT, Yves,  REMIGAUD, Étienne, 
PRIMOT, Antoine,  RENAUD, Agnès, 
PRIMOT, Catherine,  RENAUD, Jeanne, 
PRUD’HOMME, Élisabeth,  RENAULT, Laurent, , 
PRUD’HOMME, François, , ,  RENAULT, veuve, , 
PRUD’HOMME, Louis, ,  REPENTIGNY, madame de, , 
PRUD’HOMME, Marguerite,  RHÉAUME, Charles-Auguste, 
PRUD’HOMME, Marie-Josephte,  RHÉAUME, Thérèse, 
PRUD’HOMME, Pierre, , , ,  RICARD, François, 
PUYPEROUX dit LAFOSSE, Antoine,  RICHARD, Guillaume, 
RICHARD, Jacques, , 
QUENET, Jean, ,  RICHAUME, Pierre, 
QUENNEVILLE, Jean-Baptiste, ,  RICHER, Jules, 
QUESNEL, Frédéric-Auguste,  RIVON, Pierre de, 
QUESNEL, Olivier, ,  ROBERT, Étienne, 
QUESNEL dit FONTBLANCHE, Jacques, ROBERT, Jean-Claude, 
, ,  ROBILLARD, Claude, 
QUESNEL dit FONTBLANCHE, Marie- ROBILLARD, Jean-Denis, 
Josephte,  ROBITAILLE, Marguerite, 
QUEYLUS, Gabriel de,  ROBITAILLE, Omer, 
ROBITAILLE, Philippe, 
RADISSON, Élisabeth,  ROBITARD, dit MANYAU, Jacques, 
RADISSON, Étienne Volant de, , ,  ROBUTEL de SAINT-ANDRÉ, Claude,
RADISSON, François Volant de, , , , 
,  ROCBERT, Abel, 
I N DE X  

ROCBERT, Étienne, , , , , , , SANGUINET, Ambroise, 
,  SANGUINET, Charles, 
ROCBERT, Louis,  SANGUINET, Simon, , 
ROCBERT, Marie-Élisabeth,  SANSON, Moullart, 
RODIER, Séraphin,  SANTON dit LA GIROFLÉE, François,
ROLLAND, Jean-Baptiste, ,  
RONFARD, Jean-Pierre,  SAREAU, Pierre, 
ROSE, Nicolas,  SARRAZIN, Nicolas, 
ROSS, Donald, ,  SARRAZIN, Thomas, 
ROULLIER, Mathurin,  SARROS dit LAVIOLETTE, Jean, 
ROUSSEL, dit LE TAILLANDIER, Pierre, SAUVAGEAU, René, 
 SAVAGE, Alfred, 
ROY, Angélique,  SÉDILOT, Marguerite, 
ROY, Jean, ,  SENÉCAL, Jean, 
ROY, Joseph,  SÉNÉCAL, Jean, 
ROY, Marie,  SÉNÉCAL, Joseph, 
ROY, Pierre, ,  SENET dit LACHENAYE, Esprit, 
ROY dit DESCHATS, Jean,  SERAT dit COQUILLARD, François, ,
ROYBON d’ALONNE, Madeleine de, , 
 SERAT dit COQUILLARD, Pierre, 
ROYER de la DAUVERSIÈRE, Jérôme le, SERRE, Jean, 
 SEYMOUR, Hiram, 
RUOT, Geneviève,  SHAUGHNESSY, Thomas, , 
RUPALAIS,  SIMONET, François, 
SOUART, Gabriel, , , , , ,
SABATIER, François,  
SABOURIN dit CHAUVANIÈRE, Denis, SOUMANDE, mademoiselle, 
 SOUMANDE, Pierre, 
SAINT-AMANT, Madame,  STEPHENS, George W., 
SAINT-ANDRÉ, Claude Robutel de, , STEPHENS, Harrison, , 
,  SUBERCASE, Daniel Auger de, 
SAINT-COSME, Pierre,  SURAULT-BLONDIN, Madeleine, 
SAINT-DIZIER, Étienne Nivard de,  SUTHERLAND, William, 
SAINT-DIZIER, veuve,  SYLVAIN, Timothée, , 
SAINT-GEORGES, Catherine, 
SAINT-OURS, Pierre de, ,  TABAUT, Jean, , 
SAINT-OURS, Jean-Baptiste des Chaillons TABEAU, 
de, ,  TALON, Jean, , , 
SAINT-PÈRE, Agathe de, ,  TANGUAY, Cyprien, 
SAINT-PÈRE, Jean de, , , , , TARDIF, Claude, 
, ,  TARTRE, Guillaume, 
SAINT-PÈRE, Mathurine de, ,  TATE, Jane, 
SAINT-ROMAIN, François Chorelle de, TAVERNIER, Marie-Anne, 
,  TESSIER, Marie-Hypolite,
SAINT-VALLIER, monseigneur Jean- TESSIER dit LAVIGNE, Agnès, , 
Baptiste de la Croix de Chevrières de,  TESSIER dit LAVIGNE, Jacques, , 
SALVAIL dit TRÉMONT, Antoine,  TESSIER dit LAVIGNE, Jean, 
  L E V IE U X-M O N T R É A L

TESSIER dit LAVIGNE, Paul,  URQUHART, Alexander, 


TESSIER dit LAVIGNE, Pétronille,  UWIN HAROOD, Robert, 
TESSIER dit LAVIGNE, Urbain, , ,
, , , , , , , , , VACHON, Louise, 
,  VALADE, Charles, 
TESTARD, Catherine,  VALADE, Guillaume, 
TESTARD de FOLLEVILLE, Charles, VALOIS, Henriette-Delphine, 
 VALOIS, Joseph-Moïse, 
TESTARD de FOLLEVILLE, Jean,  VALOIS, Simon, 
TESTARD de LAFONTAINE, Jean,  VARIN dit LAPISTOLE, Jean-Baptiste,
TESTARD de LA FOREST, Jacques, , 
, , ,  VARIN dit LAPISTOLE, Nicolas, , ,
TESTARD de MONTIGNY, Jacques, , 
 VAUDREUIL, 
TÉTREAULT, Jean, ,  VAUDREUIL, Pierre Rigaud de, , ,
TÉTREAULT, Louis, ,  , , , 
THAUMUR dit LA SOURCE, Dominique, VAUDREUIL, Philippe Rigaud de, ,
 , , 
THOMPSON, Hugh,  VAUDRY, Jacques, 
THOMPSON, Johnson,  VAUQUELIN, Jean, 
THUILLIER dit DESVIGNES, Jacques, VAUVILLIERS, Jeanne, 
 VERCHÈRES, Madeleine de, 
THUNAY, Félix,  VERCHÈRES, François Jarret de, 
THUNAY dit DUFRESNE, Antoine, , VERDON, Pierre, 
 VERNET, Antoine, , 
TIFFIN, Joseph, ,  VERSAILLES, Joseph, 
TIFFIN, Thomas,  VIAU dit LESPÉRANCE, Jean (Jacques),
TONTY, sieur de,  
TOUGARD (TOUGAS) dit LAVIOLETTE, VIEUXPONT, Godefroy de, 
Guillaume,  VIGER, Antoine,
TOUPIN, Noël,  VIGER, Charles, 
TOURELLE, Joseph,  VIGER, Denis-Benjamin, , , 
TRACEY, Ann,  VIGER, Louise, 
TRANCHEMONTAGNE, C.-F., ,  VIGER, Jacques, 
TRIBOT dit LAPIERRE, Jean-Baptiste, VIGNAL, l’abbé, 
,  VIMONT, Barthélemy, 
T RO T T I E R d it DE SAU L N I E R S , VINET, Prudent, 
Catherine,  VOLANT, Claude, 
TROTTIER dit DESAULNIERS, Pierre, VOLANT, François, , , 
,  VOLANT, Nicolas, 
TUILLIER, dit LACOMBE, Jean, 
TRUDEAU (TRUTEAU), Bertrand,  WADDELL, Samuel, 
TRUDEAU (TRUTEAU), Étienne, , WAITE, Richard A., 
, ,  WALKER, Hovenden, 
TRUDEAU, Laurent, ,  WALLACE, J. N., 
TWEEDY, John,  WALLACE, W. S., 
WARREN, Madeleine,  XAINTES, Louise de, 
WHITNEY, Hannibal H.,  YVON (HIVON) dit LEBER, Gabriel,
WILSON, Charles,  , 
WISEMAN, Samuel,  YVON (HIVON) dit LEBER, Pierre, ,

TABLE DES MATIÈRES

Remerciements 
Introduction 
Les sources 
Le système de mesures 
Méthodologie 
Aperçu historique 

SECTEUR NUMÉRO 
Les débuts 
Messier dit Saint-Michel 
De Pierre Gadois à la Banque Royale 
Le Centre de commerce mondial 
Le quadrilatère McGill, Saint-Jacques, Saint-Pierre et Notre-Dame 
Les récollets 
Les rues Saint-Pierre et Saint-Paul 

SECTEUR NUMÉRO 
Un important repère 
Conflagration 
Commune et cimetière 
Un réseau urbain prend forme 
Le morcellement s’accentue 
Le côté sud de la rue Saint-Paul jusqu’à la rue Saint-Nicolas 
Un gouverneur pas très « catholique » 
Le polygone borné par les rues Saint-Paul, Saint-Pierre et du Saint-
Sacrement et par la limite est de la concession de Robert Cavelier 
Héritage et partage 
La concession de Jean Milot 
La concession de Jean Desroches (partie sud) 
Le quadrilatère compris entre les rues du Saint-Sacrement
et Notre-Dame, depuis la concession de Robert Cavelier
jusqu’à la rue Saint-François-Xavier 
Le polygone compris entre les fortifications et les rues
Saint-François-Xavier, Notre-Dame et Saint-Pierre 

SECTEUR NUMÉRO 
Urbain Tessier dit Lavigne 
La Banque Canadienne Nationale 
Les Messieurs de Saint-Sulpice 
La Bourse de Montréal 
Un secteur durement touché 
Le château de Maisonneuve 
Au sud de la rue Saint-Paul 

SECTEUR NUMÉRO 
Jeanne Mance et l’Hôtel-Dieu 
Au sud de la rue Saint-Paul 
Les Hospitalières et les Dames de la Congrégation 
Au nord de la rue Notre-Dame 

SECTEUR NUMÉRO 
Les concessions de Lambert Closse 
« Les » palais de justice 
Sabrevois de Bleury et les barons de la fourrure 
Le milieu des patriotes, des intellectuels… et aussi de la société
mondaine francophone du e siècle 
Le côté sud de la rue Saint-Paul 
Le domaine du gouverneur 

SECTEUR NUMÉRO 
L’hôtel de ville 
Le côté nord de la rue Notre-Dame entre les rues Gosford
et Bonsecours 
Le  de la rue Saint-Louis 
Autour du château Ramesay 
Saint-Paul côté sud, de la place Jacques-Cartier à la chapelle
Notre-Dame-de-Bon-Secours 
Sainte-Marguerite-Bourgeoys et le bienheureux André-Grasset 
La parenté est arrivée 
Le coteau Saint-Louis 

Conclusion
Crépuscule et aube nouvelle 
Bibliographie 
Index 
        
      
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