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Gilles Laporte
septentrion
Les éditions du Septentrion remercient le Conseil des Arts du Canada et la Société de développement des entreprises
culturelles du Québec (SODEC) pour le soutien accordé à leur programme d’édition, ainsi que le gouvernement du Québec
pour son Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres. Nous reconnaissons également l’aide financière du
gouvernement du Canada par l’entremise du Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour
nos activités d’édition.
Illustration de la couverture :
Révision : Gaston Deschênes, Sylvie Gamache et Solange Deschênes
Chargé de projet : Gilles Herman, Guillaume Binns et Denis Vaugeois
Maquette de la couverture : Bleu outremer
Mise en pages : Folio infographie
sion de leur opposition au projet libéral et qui existe au niveau régional joue un rôle
nationaliste des patriotes et qui, dès 1834, se important dans la motivation des acteurs,
consacre à la mise sur pied d’organisations mais qu’elle s’avère généralement nécessaire
structurées qui s’avéreront bien mieux adaptées pour que naissent dans le Bas-Canada des
que celles de leur adversaire pour participer à mouvements politiques conséquents. Ainsi, si
la phase militaire. Enfin, cette première partie dans une région la clientèle traditionnelle
présente les principales caractéristiques écono- d’un mouvement ne souffre localement d’au-
miques et sociales des leaders de chacun des cune concurrence de la part du mouvement
deux camps. adverse, alors elle ne connaîtra pas non plus
La seconde partie constitue une tournée une mobilisation politique notable. En revan-
des circonscriptions électorales du Bas- che, les comtés les plus mobilisés sur le plan
Canada mobilisées sur le plan politique entre politique sont exactement les mêmes pour les
1834 et 1838. En fait, seules les régions du patriotes et les loyaux. Ces comtés sont en
Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie, peu sen- outre les mêmes que ceux où la population
sibles aux débats politiques qui occupent le anglophone et la population francophone
centre de la colonie, échapperont à cet inven- cohabitent avec le plus de proximité : Mont-
taire systématique. Dans tous les cas, l’ordre réal et Québec bien sûr, mais aussi Missisquoi,
de présentation sera le même. On brossera l’Acadie et Deux-Montagnes. Mis à part
d’abord un portrait socioéconomique du quelques exceptions, on constatera donc que
comté. On décrira ensuite la mobilisation ce que les historiens ont souvent appelé un
loyale entre 1834 et 1837, ainsi que le person- mouvement national n’est peut-être en fait
nel politique qui s’y rattache. Le même exer- que la somme de plusieurs tensions régionales,
cice a ensuite lieu à propos de la mobilisation dont les mots d’ordre et les figures emblé-
patriote. Enfin, on donnera généralement un matiques purent paraître partout les mêmes,
aperçu des principaux événements politiques mais dont les enjeux se résument en fait à
survenus dans le comté, en particulier si des occuper l’espace politique local et à réduire le
faits significatifs s’y sont produits durant les mouvement de l’adversaire dans la mesure où
rébellions de 1837 et de 1838. il se trouve à proximité. Nous avons donc
Le but essentiel de cet ouvrage consiste à accordé une grande importance à l’étude des
offrir une revue systématique des activités de leaders régionaux, bien plus qu’aux têtes d’af-
mobilisation politiques au Bas-Canada entre fiche dont on a peut-être exagéré l’importance
1834 et 1838 et à mettre clairement en parallèle historique. Abordé dans sa perspective régio-
les stratégies des mouvements loyal et patriote. nale, l’engagement de la plupart de ces leaders
Dès lors, la manière de mettre en scène les deux apparaît tout à coup plus tangible et plus
mouvements antagonistes nous aura longtemps conforme au rapport qu’était alors en mesure
fait hésiter. Il nous apparaît cependant désor- d’entretenir avec le monde un habitant de la
mais clair que la meilleure lecture qu’on puisse vallée du Saint-Laurent. Plus généralement, la
faire de ces événements consiste à les aborder lutte entre patriotes et loyaux semble la syn-
du point de vue régional. thèse de ces dynamiques régionales, canalisées
Nous sommes ainsi à même de soutenir il est vrai et en partie récupérées sur un plus
que, non seulement la dynamique politique vaste théâtre, où l’enjeu principal demeure le
avant-prop os 11
contrôle de l’État bas-canadien. Cette dimen- verture en 1988 d’un centre d’interprétation
sion nous semble pourtant avoir été négligée dit Maison nationale des Patriotes à Saint-
par l’abondante historiographie qui nous a Denis-sur-Richelieu. Je me suis donc joint au
précédé. Mais, puisque nous pouvons désor- groupe en 1985 où durant quatre années j’ai
mais compter sur une panoplie d’études en pu bénéficier d’un environnement intellectuel
histoire régionale, on aura quand même pu et matériel stimulant, ainsi que de bonnes
réaliser la collecte des données dans des condi- conditions pour m’initier à l’étude de ces
tions optimales et proposer la première syn- rébellions bas-canadiennes. La recherche
thèse de la crise bas-canadienne abordée du initiale qui a en partie servi à la rédaction de
point de vue régional. ce livre doit donc autant au travail de l’équipe
Plus prosaïquement, notre but était enfin du professeur Bernard qu’au mien. Je veux
de mettre à la disposition des étudiants et des ainsi souligner la contribution de mesdames
chercheurs une banque de faits, d’individus et Denyse Beaugrand-Champagne et Johanne
de sources, disponibles mais pour la première Muzzo qui se sont jointes au groupe de
fois systématiquement exploitées, et d’offrir recherche en même temps que nous et dont
un portrait complet de la mobilisation poli- les travaux à la maîtrise, respectivement sur le
tique dans les années qui précèdent les rébel- mouvements patriotes et loyaux dans les
lions de 1837 et 1838. Cantons-de-l’Est et dans la ville de Montréal,
Ce travail ne se sera cependant pas accom- se sont avérés absolument essentiels pour moi.
pli sans contracter une immense dette envers En somme, ce livre n’aurait pas pu exister sans
de nombreux collègues et amis, étudiants et des investissements qui ne sont pas que les
chercheurs, généalogistes ou érudits. Notre miens. Il est donc opportun ici de déclarer
reconnaissance va d’abord au professeur Jean- mes dettes envers une démarche collective,
Paul Bernard de l’UQAM qui a bien voulu que tout en assumant entièrement et personnelle-
nous tirions profit des données accumulées ment l’interprétation et le contenu soutenus
par le groupe de recherche Patriotes et Loyaux dans cet ouvrage.
dans les rébellions de 1837-1838. Jean-Paul Le groupe de recherche dirigé par le pro-
Bernard, qui avait déjà publié Les Rébellions fesseur Bernard a été dissout en 1989. En tant
de 1837-1838. Les Patriotes dans la mémoire que responsable au sein du groupe du volet
collective et chez les historiens (Boréal, 1983), informatique, je me suis alors retrouvé dépo-
avait entrepris à compter de 1985 de travailler sitaire des données accumulées que j’ai par la
à la fois sur les Patriotes et sur leurs adver- suite fait en sorte d’enrichir à l’aune des
saires « Loyaux », convaincu que les premiers années et de mes maigres ressources. À comp-
ne peuvent être adéquatement compris qu’à ter de 1995, un site Internet et la prestation
travers leurs relations antagoniques avec les d’un des seuls cours au Canada consacré aux
seconds et inversement. Il obtint à cet effet Rébellions nous auront mis en contact avec
une subvention de démarrage de l’université une foule de chercheurs et d’étudiants et
(UQAM) et deux subventions annuelles du fourni l’impulsion nécessaire à la mise en
Conseil canadien de recherche en sciences chantier de ce livre.
humaines (CRSH), ainsi qu’une commandite Parmi les collaborateurs qui se sont joints
pour la recherche historique relative à l’ou- au projet, il convient de souligner tout parti-
12 pat r iotes et loyaux
culièrement l’apport de Jonathan Lemire, cher- Marie Beauchamp, Nicolas Beaudette, Patrick
cheur attitré au Musée de Saint-Eustache et de Beaulieu, François Bellemare, Lorraine Benoit,
ses Patriotes, qui nous a assisté pour l’ensemble Marie-France Bonsaint, Patrick Bouvier, Carl
du travail et qui a effectué pour nous des Brault, Martin Carmel, Jean Cerretti, Jonathan
recherches sur le comté de Vaudreuil et, plus Charbonneau, Philippe Cliche, Mathieu
particulièrement, pour le chapitre sur le comté Constantineau, Martial Dassylva, François-
de Deux-Montagnes dont il peut être à bon Xavier Delorme, Christian Desjardins, Nathalie
droit considéré comme le coauteur. Dubois, Françoise Dubuc, Marc-André Dufour,
Nous tenons aussi à remercier notre col- Jean-François Dumouchel, Emmanuel Estérez,
lègue Luc Lefebvre, du Cégep du Vieux- Yan Ethier, Emmanuel Farmer, Sébastien
Montréal, David Milot et Mathieu Sossoyan, Forgues, Éric Fortin, Alain Fréchette, Mireille
du Musée Stewart au fort de l’île Sainte- Gagnon, Stéphanie Gaudreau, Patrick Gauthier,
Hélène pour leurs remarques à propos des Sophie Geoffrion, Stéphanie Gilbert, Josée
questions autochtones et militaires, Matthieu Hamelin, Stéphane Hayes, Geneviève Héroux,
Giguère au sujet du comté de Terrebonne, Marie-Hélène Lachance, Maude Landry,
Sébastien Gauthier relativement à Verchères, Sébastien Larose, Karine Lauzon, Jannick
Daniel Magnan à propos de Saint-Hyacinthe, Lavoie, Isabelle Lecavalier, Geneviève Leclerc,
Onil Perrier au sujet de Richelieu et la généa- Sarah Lecours, Jean-François Lefebvre, Michel
logiste Gwen Rawlings Barry pour son aide L’Héreault, Catherine Lozeau, Stéphane
précieuse relativement aux comtés de Mégan- Mailhiot, Nathalie Mailhot, Linda Marcotte,
tic et de Drummond. Nos remerciements vont Geneviève Massicotte, Isabelle Milot, David
aussi à monsieur Gaston Deschênes qui a lu Montpetit, Isabelle Montpetit, Yvan Moreau,
tout le manuscrit et a pu nous faire profiter Sophie Morel, Joëlle Morin, Claudine Nolin,
de son expérience. Marc Ouimet, Jean-François Pelletier, Fanie
Quelques étudiants ont aussi grandement Perras, Sébastien Perron, Sébastien Perron,
contribué par leurs travaux à explorer pour Donald Prémont, Marc-André Proulx, Eduardo
nous certaines pistes et à nous révéler diffé- Ramos, Amélie Régimbald-Côté, Tina Rioux,
rentes sources. Nous tenons personnellement à Marie-France Rochon, Mathieu Roy, Véronique
souligner leur apport et la rigueur assez Rozon, Marc-André Saindon, Marie-Ève
généralisée de leur travail. Certains sont même St-Denis, Madeleine St-Germain, David Tessier,
devenus de bons amis. Nous pensons en parti- Simon Tessier, Jean-Nicolas Tétreault, Nor-
culier à Jean-Mathieu Nichols, Vincent mand Trudel, François Vaillancourt et Émilie
Fontaine, Stéphanie Beaupied et Maxime Visconti.
Gohier. Nous tenons aussi à souligner la con- Gilles Laporte
tribution de Marc Allaire, Stéphane Aubry,
introduction
Les origines de la crise politique Loyalistes à migrer vers le nord. Bon nombre
au Bas-Canada d’entre eux prennent le chemin des colonies
Quoi qu’on en dise, ces rébellions de 1837- maritimes, mais aussi celui de la Province de
1838 sont d’abord l’aboutissement d’un pro- Québec. La voix de ces Loyalistes s’ajoute alors
cessus visant au premier chef à tirer le Bas- aux griefs formulés par les sujets d’origine
Canada d’une impasse politique. Si, depuis des britannique arrivés depuis la Conquête de 1760
décennies, les historiens se sont penchés et de réformistes francophones qui réclament
surtout sur des données environnementales, des institutions parlementaires et le passage du
concernant les rapports sociaux et écono- code civil français aux lois britanniques. À la
miques, il demeure que la lecture la plus claire suite de pétitions réitérées, le gouverneur sir
et la plus manifeste qu’on puisse faire de la Guy Carleton crée, en 1786, deux comités char-
crise bas-canadienne consiste à retracer les gés d’étudier les changements dans la colonie,
grandes lignes du cadre constitutionnel qui mais la vraie décision sera prise à Londres
régit depuis 1791 la province de Bas-Canada (VAUGEOIS, 1962 : 10-11 ; REYNOLDS, 1992 :
puis de suivre le fil des événements politiques 164 ; WALLOT, 1971 : 259, 300 ; ANC, 1911 :
qui devaient mener aux insurrections. Cette 743).
revue sommaire nous permettra en même En Angleterre, les Whigs proposent de tirer
temps de situer certains paramètres et évé- les leçons de la Révolution américaine et
nements clés et de nous concentrer ensuite d’établir des institutions parlementaires afin de
sur l’évolution endogène des mouvements s’assurer la fidélité de la majorité francophone
patriote et loyal. héritée du Régime français. Les Tories au
L’Acte constitutionnel (Anno Tricesimo pouvoir considèrent plutôt qu’il faut s’appuyer
primo 31 Geo. III, c. XXXI) tire son origine de sur la minorité anglaise en droit de retrouver
la création des États-Unis qui, en 1783, modifie l’équivalent du système conservateur qui règne
en profondeur la situation du domaine colonial dans la métropole. D’abord favorable à la
demeuré fidèle à la Couronne britannique. La tendance réformiste, le Premier ministre
Révolution américaine avait déjà retardé la William Pitt constate en même temps que ce
mise en place d’une chambre d’assemblée au sont peut-être des institutions trop libérales qui
Canada ; elle pousse maintenant des milliers de ont permis l’éclatement de la révolte des Treize
14 pat r iotes et loyaux
un élu, représentant de la majorité canadienne- Les mises en candidature ont lieu lors
française (BRUN,1970 : 125 ; CHAPAIS, 1972, d’une assemblée devant le bureau de scrutin.
183 ; REYNOLDS, 1992 : 165 ; VAUGEOIS, S’il n’y a qu’un seul candidat pour chaque
1962 : 18). poste en lice, « l’officier-rapporteur » le déclare
Dans l’apprentissage des institutions par- immédiatement élu et clôt l’élection. S’il y a
lementaires, le processus électoral joue vite un plusieurs candidats, on procède à un compte
rôle central. Initialement encadrée par l’Acte à vue des personnes en faveur de chacun
constitutionnel, la loi électorale prend une d’eux. Encore là, si l’un des candidats jouit
forme plus définie par des amendements en d’une majorité évidente, il est déclaré élu. S’il
1800, 1807, 1822 et 1825 mais connaît peu de y a le moindre doute, l’« officier-rapporteur »
changements sur le fond. Pour pouvoir voter, ouvre son registre ou cahier de scrutin et les
un électeur doit être un sujet britannique âgé électeurs sont priés de se présenter à lui en
d’au moins 21 ans et tenir feu et lieu dans son indiquant à voix haute le candidat de leur
comté. Il doit en outre être propriétaire de choix. Le scrutin se déroule en général de huit
biens ruraux produisant un revenu de 40 shil- heures le matin à six heures le soir et, s’il
lings, d’une habitation urbaine assurant un s’écoule plus d’une heure sans qu’un électeur
revenu minimal de cinq livres sterling ou se présente, l’« officier-rapporteur », à la
payer un loyer annuel équivalant à au moins demande de trois électeurs, peut décider de
dix livres sterling. Les femmes qui remplissent fermer le poll et de déclarer l’élection close.
ces conditions ne sont pas formellement écar- Une élection peut ainsi se prolonger durant
tées du scrutin, mais peu d’entre elles se pré- plusieurs semaines, tant que de nouveaux
valent alors de ce droit (HAMELIN 1962 : 25). électeurs se présentent pour exercer leur droit.
Jusqu’en 1829 la carte électorale est divisée Lors d’une élection contestée, notamment
en 21 comtés ruraux et quatre comtés urbains celle de 1827 ou de 1834, la corruption et la
dont 18 élisent deux députés et, trois, un seul brutalité peuvent devenir pratiques courantes.
député. Les cités de Québec et de Montréal Comme le scrutin est public et que l’état du
sont divisées en deux circonscriptions vote est publié jour après jour, la tension
urbaines et un comté rural élisant chacun s’installe rapidement autour du bureau. Il
deux députés. Le bourg de Trois-Rivières a arrive que les partisans d’un candidat s’orga-
droit à deux députés et celui de Sorel à un nisent en groupe de « boulés » ou fiers-à-bras
seul. Un candidat a alors la possibilité de se afin d’intimider l’adversaire, d’empêcher ses
présenter dans plus d’un comté. Toutefois, s’il partisans de parvenir au bureau de vote et de
est élu en plus d’un endroit, il doit laisser l’un clore l’élection. L’« officier-rapporteur » doit
de ses mandats et on procède à une élection d’ailleurs à l’occasion lui-même engager des
partielle. Dans la plupart des circonscriptions, hommes de main, des connétables ou des
il n’y a qu’un seul bureau de scrutin. Cela juges de paix, afin d’assurer sa propre sécurité.
favorise l’abstentionnisme en raison des Il est même autorisé au besoin à recourir à
distances à parcourir et le marchandage à l’armée régulière. C’est en particulier ce qui se
propos de l’emplacement du poll puisque cela produit en mai 1832, alors que l’armée fait
peut favoriser une clientèle politique aux feu sur des partisans du candidat patriote,
dépens d’une autre. Daniel Tracey (GALARNEAU, 1979 : 582).
16 pat r iotes et loyaux
Peu familière avec les institutions parle- publique, l’élite canadienne peut envisager la
mentaires britanniques, la majorité franco- tribune politique comme le forum privilégié où
phone ne s’intéresse guère aux premières affirmer les droits d’une majorité canadienne-
élections, contribuant initialement à l’élection française et trouver la voie de sa propre ascen-
d’un nombre disproportionné de députés sion sociale.
d’origine britannique, 16 sur 50 en 1792. Les De 1791 à 1824, les crises parlementaires
Canadiens ne sont cependant pas long à s’ini- sont sporadiques. Elles opposent générale-
tier aux rouages du parlementarisme, à la ment l’Assemblée au gouverneur, dont la
surprise d’ailleurs de certains aristocrates et personnalité et les inclinations idéologiques
marchands anglais qui comptaient jusque-là sont déterminantes. Dès septembre 1792, puis
contrôler le jeu politique. Ce sont donc vite des en janvier 1793, le choix de l’orateur de
Canadiens français qui entrent en grand l’Assemblée et la place du français dans les
nombre à l’Assemblée législative, imposant débats et la législation offrent un premier
promptement le bilinguisme dans les débats terrain de lutte à saveur ethnique. En 1793 et
parlementaires et dans la législation et l’un 1795, des lois sur les subsides instaurent le
des leurs au poste d’orateur de la Chambre pouvoir de taxation de l’Assemblée. Les
(CREIGHTON, 1956 : 127 ; BÉLANGER, 1994 : sommes perçues sont consacrées surtout à des
54 ; HAMELIN, 1962 : 24). dépenses d’immobilisation et sont dites
Les contours des camps qui se forment alors « extraordinaires », par opposition aux dépen-
sont à la fois flous et mouvants. L’origine ses courantes ou « ordinaires », dont le salaire
ethnique fait en général foi de l’allégeance des fonctionnaires, qui continuent à être à la
politique au point où l’on parle couramment charge de la Couronne. Au tournant du siècle,
de « Parti canadien » et de « Parti anglais ». le principal débat porte sur l’éducation
William Grant, James McGill, John Richardson publique, en particulier sur la liquidation des
puis James Stuart commandent alors le vote biens des Jésuites, ordre aboli en 1773, et
des députés anglophones, tandis que Pierre- qu’on entend consacrer à un système d’en-
Stanislas Bédard, Joseph Papineau, Pierre-Louis seignement public et laïc.
Panet, Pierre de Bonne et Gabriel Taschereau La première véritable crise survient sous
dirigent le caucus canadien. D’abord conserva- l’administration du gouverneur sir James
teur et monarchiste, ce dernier tend progres- Craig (1807-1811), accusé de népotisme, de
sivement à devenir plus libéral et nationaliste, à favoritisme et de ne pas respecter la volonté
mesure qu’y diminue le nombre de seigneurs du peuple. Autour de Craig, on retrouve les
issus des traditions de l’Ancien Régime et que premiers ferments de la « Clique du Châ-
s’accroît celui des représentants des classes teau » : Jacob Mountain Jonathan Sewell et
moyennes, généralement des membres des pro- Herman W. Ryland, respectivement évêque
fessions libérales. Ce caucus canadien tend anglican, procureur général de la province et
aussi à devenir plus aguerri et plus audacieux président du Conseil exécutif. Insatisfait de la
dans ses demandes, à mesure qu’il maîtrise composition de la Chambre, Craig proroge le
mieux le fonctionnement des institutions par- Parlement à trois reprises en 16 mois en 1808
lementaires. Puisqu’elle joue désormais un rôle et 1809, forçant chaque fois la tenue de
marginal dans le commerce et l’administration nouvelles élections générales. La politique
introduct ion 17
(1820-1827) à propos du vote des subsides attend alors avec un vif intérêt la session
deviennent systématiques. Dalhousie choisit convoquée pour le 20 novembre 1827. À
d’emblée l’affrontement et exige le vote en l’ouverture des travaux, Papineau est élu
bloc des subsides et qu’une somme perma- orateur à trente-neuf voix contre cinq. Amer,
nente soit affectée pour la vie du roi pour Dalhousie, déclare ne pas approuver le choix
solder le déficit entre les dépenses ordinaires des députés et les invite à en faire un autre.
de la liste civile et enfin donner un caractère Devant le refus de la Chambre, Dalhousie
plus permanent aux lois fiscales de la pro- maintient sa position et proroge soudai-
vince. L’Assemblée se campe derrière son obli- nement la Chambre. Ce geste entraîne dans la
gation constitutionnelle de voter annuelle- population un tollé de protestations et une
ment « toutes les dépenses nécessaires du pétition portant 87 000 noms est prompte-
gouvernement civil de Sa Majesté dans cette ment réunie afin d’exprimer à la Couronne
colonie » (JALBC, 1821 : 44). Non seulement les griefs de la province. En janvier 1828, John
elle refuse de voter les subsides tels que le Neilson, Denis-Benjamin Viger et Austin
demande le gouverneur, choisissant plutôt de Cuvillier partent pour Londres afin de deman-
les voter article par article, mais elle décide en der l’intervention du Parlement britannique.
plus de tarir ses propres sources de perception Leur voyage est fructueux car, après deux mois
en laissant expirer les lois fiscales sans les et demi d’enquête, Londres adopte un rapport
renouveler. L’affaire devient personnelle qui, dans l’ensemble, justifie leurs reven-
quand le gouverneur Dalhousie porte l’affaire dications et demande à ce que des redres-
en Angleterre afin que la chambre soit mise sements appropriés soient apportés. Issu de
en accusation. membres éminents du Parlement anglais, ce
En mars 1827, l’Assemblée rejette de nou- rapport de 1828 constitue un événement
veau la demande de crédit de lord Dalhousie. mémorable et coïncide avec le rappel de lord
Ce dernier dissout la législature lors d’un Dalhousie. Il est en réalité fort sibyllin. S’il est
discours trahissant une très vive irritation et clairement perçu comme une victoire pour les
mettant en cause la loyauté et le travail des députés canadiens, il ne présente en revanche
députés du « Parti canadien ». En ordonnant aucun échéancier pour répondre à leurs
de nouvelles élections, Dalhousie est bien revendications traditionnelles. Les échos de
résolu à tout faire pour empêcher la réélec- ces promesses non tenues de 1828 résonne-
tion de Papineau et « d’une demi-douzaine ront dans les 92 Résolutions et jusqu’au cœur
d’avocats démocrates qui mènent par le bout des rébellions, maintes fois évoquées par
du nez un groupe de fous ignorants » Papineau et ses lieutenants afin de démontrer
(CHAPAIS, 1972 : 180 ; LAMONDE, 1998 : la duplicité des autorités coloniales. En
80). Laissant de côté son devoir de réserve, le attendant, la question des subsides n’est nulle-
gouverneur appuie ouvertement des candidats ment réglée et demeurera jusqu’en 1837 une
tories et raye de la liste des magistrats plu- arme entre les mains des députés patriotes
sieurs notables associés aux députés récal- afin de faire pression sur l’exécutif, désta-
citrants. L’élection se solde par une éclatante bilisant l’administration publique chroni-
victoire pour le « Parti canadien » et l’ap- quement sous-financée. On peut encore une
proche radicale prônée par Papineau. On fois prendre la mesure de l’importance
20 pat r iotes et loyaux
des résolutions Russell qui, en mars 1837, de crises qui le replongent dans la paralysie
retireront à l’Assemblée ce droit d’allouer ou politique. En Grande-Bretagne d’abord, on
non les subsides, provoquant l’ire des députés tarde à matérialiser les engagements pris envers
patriotes et, selon certains, les acculant à la la colonie en 1828 en raison de l’instabilité
rébellion (BRUN, 1970 : 221). politique du pays et parce que se succédent pas
Au début des années 1830, la conjoncture moins de quatre secrétaires aux colonies en
semble pourtant favorable aux réformistes du onze mois. Au Bas-Canada, l’année 1832
Bas-Canada. C’est que la Grande-Bretagne s’ouvre sur une campagne de La Minerve et du
connaît une véritable révolution politique. Les Vindicator qui prennent pour cibles les
Tories qui dominent la scène politique depuis membres du Conseil législatif qu’on accuse de
le xviiie siècle arrivent mal à juguler les trans- vénalité et de mépriser la volonté populaire.
formations sociales causées par la Révolution Leurs directeurs, Ludger Duvernay et Daniel
industrielle et doivent abandonner le pouvoir Tracey, sont arrêtés pour libelle en janvier,
aux Whigs. Ces derniers engagent immé- suscitant une grande passion dans l’opinion.
diatement une réforme parlementaire qui, en Au printemps, le dénouement tragique d’une
1832, élargit le suffrage aux classes moyennes élection partielle à Montréal, où ce même
supérieures et consolide leur emprise sur le Tracey est candidat pour le Parti patriote, élève
pouvoir. Pour le Canada, cela peut vouloir dire encore la tension d’un cran. Arrivé l’été, c’est
un regard critique qui sera enfin jeté sur le une épidémie de choléra qui s’abat sur Québec
travail de l’aristocratie coloniale qui tient et Montréal, provoquant la mort de milliers de
toujours les rênes de l’administration locale, personnes. Au même temps, les comtés du sud
et une oreille plus attentive pour les reven- de la province sont affectés par une invasion
dications des députés canadiens. Le bureau de la mouche de Hesse qui s’attaque aux épis
colonial leur adresse d’ailleurs des pro- de blé, causant de grandes disettes dès l’au-
positions sincères. En 1831, la loi Horton tomne et révélant le piètre état de l’agriculture
propose de céder à l’Assemblée la mainmise laurentienne. Ces crises atteignent à des degrés
sur toute la liste civile à la seule exception du variables toutes les couches de la société cana-
salaire d’une dizaine de fonctionnaires, dont dienne et prennent dans certains cas une cou-
le gouverneur, en échange d’un subside leur politique et ethnique.
perpétuel de 5 900 louis par année. L’année L’entourage de Papineau n’est pas non plus
suivante, le gouverneur lord Aylmer offre étranger à cette relance de la tension. Empêtré
même à Louis-Joseph Papineau un siège dans la guerre des subsides qui fait rage depuis
au Conseil exécutif. Dans les deux cas, dix ans, l’administration provinciale est à ce
l’administration essuie des refus catégoriques, moment réduite à des expédients et des dépu-
Papineau et le parti lui-même tirant appa- tés s’interrogent de plus en plus ouvertement
remment un profit non négligeable du climat sur l’opportunité de poursuivre cette guérilla
de crise perpétuelle. Cette accalmie permet en procédurière. Associée à la ligne dure, l’au-
attendant d’adopter des lois importantes dans torité de Papineau est de plusieurs manières
le domaine électoral et scolaire. minée par le climat de collaboration qui perce
L’année 1832 sonne cependant la fin de la au début des années 1830. On assiste aux pre-
trêve alors que le Bas-Canada connaît une série mières lézardes dans l’unité des députés
introduct ion 21
réformistes. Plusieurs députés influents votent per sous une même bannière un chapelet de
désormais contre Papineau, en particulier ce récriminations largement répandues dans la
groupe de la région de Québec, pourtant la population, qu’elles concernent le gaspillage
phalange de la lutte constitutionnelle sous des fonds publics, l’accès aux terres de la
Dalhousie, formé de John Neilson, Domi- Couronne ou l’octroi des charges publiques.
nique Mondelet, Philippe Panet et Frédéric- Quoi qu’il en soit, par les 92 Résolutions, la
Auguste Quesnel. direction du parti prend clairement la déci-
Dans les circonstances, la direction du parti sion de passer du mode résistance passive au
comprend l’importance de consolider sa mode revendicatif, avec pour conséquence de
plateforme politique. Tout en tablant sur les rendre caduc le compromis de 1828 et de pro-
engagements non respectés par la Grande- voquer la rupture définitive avec certains
Bretagne et en poursuivant son obstruction députés modérés mais respectés. Les 92 Réso-
sur la question des subsides, de nouveaux lutions rendent en tout cas pour un temps aux
enjeux sont soulevés. On pense en particulier patriotes l’initiative de l’agenda politique et
à cette question de la composition du Conseil suscitent un véritable engouement populaire,
législatif, qui rejette en nombre croissant les la tenue d’assemblées publiques et le lance-
projets de loi soumis par l’Assemblée et où les ment d’une vaste pétition étant annoncés dès
adversaires politiques de Papineau trouvent de qu’est connu le résultat du vote à l’Assemblée.
plus en plus refuge. Il y a aussi cette question
des pouvoirs dévolus aux députés de la Des 92 Résolutions à la rébellion
Chambre. Si l’on demande leur accroissement Quand Louis-Joseph Papineau se lève du siège
en échange d’un assouplissement sur la d’orateur de l’Assemblée le 17 février 1834
question des subsides, nulle part le parti n’a pour inviter les députés à se prononcer sur les
encore formulé la liste complète de ses 92 Résolutions, il se doute probablement de
doléances en ce domaine. Enfin, en 1833, l’oc- l’immense pavé que lui et son parti venaient
troi à une compagnie britannique de vastes de jeter dans le débat politique au Bas-Canada
étendues de terres dans les townships du sud et de l’onde de choc qu’il allait causer. Le pro-
de la province trahit le favoritisme qui règne cessus politique enclenché par les 92 Réso-
encore dans l’administration et réveille le lutions ne devait en effet connaître son terme
vieux spectre de l’assimilation. que sur les champs de bataille de 1837. La
On peut considérer que les 92 Résolutions période privilégiée dans cet ouvrage, les 46
poursuivrent d’abord et avant tout des objec- mois allant de janvier 1834 à novembre 1837,
tifs stratégiques visant à relancer le pro- correspond donc à une situation assez parti-
gramme politique des radicaux. Par leur culière sur le plan politique, alors que les
caractère radical et solennel, elles permettent contours des camps adverses se cristallisent, à
aussi de resserrer les rangs autour de la per- mesure aussi que le discours et les moyens
sonne de Papineau et, au besoin, d’épurer le déployés se radicalisent.
parti de ses éléments trop modérés ou sus- Rédigés apparemment en décembre 1833
ceptibles à terme de succomber aux entre- en cinq nuits consécutives par un petit
prises de charme menées par l’administration groupe autour de Louis-Joseph Papineau et
coloniale. Elles permettent enfin de regrou- d’Augustin-Nobert Morin, les griefs du Parti
22 pat r iotes et loyaux
patriote sont finalement au nombre de 92 et sont en fait carrément reçues comme une
sont fin prêts pour être présentés à la véritable déclaration d’indépendance à laquelle
Chambre dès l’ouverture de la session le aucun sujet de Sa Majesté ne saurait accorder
7 janvier 1834. Le 14, le député Elzéar Bédard son appui. Selon l’historien Fernand Ouellet,
fait adopter le principe que la Chambre se « il ne fait aucun doute que ce manifeste
transforme en comité plénier afin de prendre nationaliste pouvait être perçu par les radicaux,
« en considération l’état de la province ». À la les catholiques et les libéraux anglophones
fois cahier de doléances et véritable manifeste comme un manifeste révolutionnaire, les
politique, les 92 Résolutions représentent menaces de sécession y sont moins significa-
d’emblée la somme des récriminations et des tives que l’extraordinaire concentration de la
revendications accumulées par le « Parti cana- critique politique sur le Conseil législatif »
dien » depuis le début des luttes parlemen- (OUELLET, 1976 : 357). En mars, la Quebec
taires. Difficile d’accès et un tant soit peu sen- Gazette de John Neilson, jusque-là solidaire des
tencieuses, elles sont destinées moins à émou- demandes des députés, n’hésite plus à soutenir
voir l’électeur bas-canadien qu’à alerter le que c’est « une révolution dans toute la force
gouvernement whig de Grande-Bretagne sur du terme que les auteurs des 92 Résolutions
le piètre état où se trouve sa colonie et sur les demandent et fomentent » (LAMONDE, 2000 :
problèmes profonds qu’y rencontre l’appli- 125).
cation de l’Acte constitutionnel (LAMONDE, Les 92 Résolutions sont adoptées en troi-
2000 : 238 ; CHAPAIS, IV : 17 ; PAPINEAU, sième lecture le 22 février par 56 voix contre
2000 : 301). 23. En sa qualité d’orateur, Papineau prépare
Selon la commission Grey-Gibbs justement ensuite une adresse approuvée par la Chambre
chargée de les étudier, elles se résument pour le 1er mars et qui est jointe au texte des réso-
l’essentiel à obtenir l’élection populaire du lutions, aux annexes, ainsi qu’à une impres-
Conseil législatif, la responsabilité directe du sionnante pétition de 78 000 noms. Le tout
Conseil exécutif devant la Chambre, la cession est confié à Augustin-Norbert Morin, chargé
immédiate à la Chambre d’assemblée de tous d’aller le remettre à l’agent du parti à Londres,
les revenus de la province, sans aucune stipu- le fidèle Denis-Benjamin Viger, qui doit lui-
lation préalable pour une liste civile, la révo- même voir à ce que l’ensemble soit déposé
cation de certaines lois du Parlement impérial, avec le plus de visibilité possible devant cha-
comme la loi des tenures et la loi plus récente cune des deux Chambres du Parlement
autorisant une compagnie à posséder des impérial.
terres dans le Bas-Canada et le contrôle par le La session de 1834 avait vécu. La Chambre
Parlement provincial de l’administration et de est dissoute en mars avec l’annonce d’élections
la colonisation des terres de la Couronne (cité générales à l’automne. L’enjeu en est claire-
par RUMILLY, 1977 : I : 422). ment posé par le Parti patriote et consiste à
Lors des cinq journées d’orageux débats plébisciter la population sur son adhésion
suivant le dépôt, on assiste moins à un échange au principe des 92 Résolutions. Sur le modèle
sur chacune des résolutions que sur le caractère de la mobilisation entreprise lors de l’élec-
explosif qu’elles recèlent mises ensemble. Par la tion de 1828, patriotes et loyaux organi-
presse anglophone et les députés tories, elles sent entre-temps d’importantes assemblées
introduct ion 23
RYERSON : 49 ; FILTEAU : 183, 186 ; CHA- social et rend sainte toute résistance, même
PAIS, IV : 103).. physique. Dans La Minerve du 13 avril et le
Les divers documents sont déposés par la Vindicator du 14, on crie à l’infamie et on
Commission devant le Parlement anglais le propose de suivre promptement l’exemple des
2 mars 1837. Dans l’ensemble, leurs conclu- anciennes colonies américaines.
sions sont très favorables aux demandes de De grands rassemblements ont déjà eu lieu
l’Assemblée. On y recommande l’élection du à Montréal, à Québec et dans les comtés les
Conseil législatif, la « correspondance avec plus militants quand, craignant le désordre et
l’exécutif », soit la responsabilité ministérielle, la sédition, le gouverneur Gosford publie le
et la cession immédiate à la Chambre de tous 15 juin une proclamation interdisant de tels
les revenus de la province. Le dépôt donne attroupements et commandant aux officiers
lieu à un débat animé où la voix des défen- de milice et aux juges de paix de s’opposer à
seurs des positions patriotes, John Arthur leur tenue (BERNARD, 1988 : 17). Les assem-
Roebuck et John Leader, rencontre peu blées ne cessent pas pour autant, bien au
d’échos. Dès le 6, la cause est entendue selon contraire, et les résolutions adoptées encoura-
le ministère whig qui rend publique une série gent désormais les magistrats et les officiers à
de dix résolutions dont le principal mérite est démissionner de leur charge. Ce mouvement
de répondre point pour point aux principales de démission s’étend bientôt, menaçant le
demandes formulées dans les 92 Résolutions. maintien de l’ordre, en particulier dans les
Présentées par sir John Russell, les quatrième, campagnes. Au mois d’août, dans Richelieu,
cinquième et sixième résolutions décrètent l’Acadie, Deux-Montagnes et ailleurs, on
notamment que les membres du Conseil assiste à une série d’émeutes ou charivari où
législatif demeureront nommés par la Cou- l’on force les magistrats fidèles au gouverne-
ronne, qu’il n’est pas temps d’accorder ment à « remettre leur commission ». En cer-
quelque forme de gouvernement responsable tains endroits, on jette même les bases d’un
à la colonie et que la British American Land gouvernement populaire et autoproclamé.
Company est maintenue dans ses privilèges. C’est dans un tel contexte que lord Gosford
La septième résolution fera plus particuliè- convoque le Parlement pour le 22 août et tente
rement parler d’elle puisqu’elle prévoit retirer de marquer un grand coup en renouvelant les
à l’Assemblée le contrôle sur l’octroi des effectifs du Conseil législatif où il nomme
subsides — son seul véritable moyen de pres- spontanément dix nouveaux conseillers, dont
sion sur l’administration et auquel Papineau sept Canadiens français. C’est peine perdue.
et ses partisans recourent depuis près de 20 Le Parlement, qui n’avait siégé que 32 jours en
ans — si bien que le gouverneur serait désor- 1835 et 23 en 1836, ne siégera que six jours en
mais autorisé à utiliser les surplus de l’Assem- tout et pour tout en 1837 quand la session du
blée, même si cette dernière s’y objecte. Parlement du Bas-Canada est prorogée pour
La nouvelle des résolutions Russell arrive une dernière fois.
au pays le 10 ou 11 avril où elle provoque un La grande assemblée des Six-Comtés les 23
véritable émoi dans les cercles politiques. et 24 octobre conclut en quelques sorte la
Le Canadien du 12 avril reconnaît dans cet saison des assemblées publiques à peine
acte celui d’une agression qui rompt le contrat divertie par la brève session du Parlement. Le
26 pat r iotes et loyaux
lendemain, l’Église catholique, par la voix de surtout les dirigeants du Parti patriote. Le 16
l’évêque de Montréal, Jean-Jacques Lartigue, novembre, 26 mandats d’arrêt sont émis
rend public un mandement qui constitue sa contre les principaux chefs, dont Louis-Joseph
position officielle à propos de l’état de crise Papineau et plusieurs autres députés.
où se trouve plongé le diocèse. Le mandement Pris de panique et ne voyant d’autres
reprend la doctrine traditionnelle de l’Église moyens de poursuivre la lutte politique qu’à
catholique sur « l’obéissance due aux puis- travers l’exil, la plupart des personnalités
sances ». L’évêque invoque des textes de saint visées prennent la fuite. Devant le climat d’in-
Paul et de saint Pierre, cite des témoignages surrection, l’armée est désormais autorisée à
des Pères de l’Église et utilise des passages de escorter les juges de paix dotés de mandat et
deux textes récents du pape Grégoire XVI : chargés de poursuivre les fugitifs. Le 20
l’encyclique Mirari vos (15 août 1832) et le novembre, le Conseil exécutif recommande de
Bref aux évêques de Pologne (juillet 1832). proclamer la loi martiale dans le district de
Rejetant ensuite l’argument du peuple souve- Montréal. Les batailles de Saint-Denis et de
rain qu’il juge fallacieux, il évoque les Saint-Charles précipitent les événements et, le
« horreurs d’une guerre civile, les ruisseaux de 27 novembre, la Cour des sessions de la paix
sang inondant vos rues et vos campagnes » et de Montréal demande au gouverneur Gosford
ajoute que, « presque sans exception, toute de placer le district sous un régime de la loi
Révolution populaire est une œuvre sangui- martiale. À ce moment, les juristes s’affrontent
naire comme le prouve l’expérience » et interprètent la loi de façon telle que le
(MANDEMENTS, 1869 : 20, 21). Le mande- gouverneur peut la proclamer sans avoir
ment du 24 octobre 1837 est bien sûr très mal recours à la sanction de l’Assemblée, ce qui est
accueilli par les patriotes et provoque dans la finalement fait le 5 décembre, suspendant par
région de Montréal un frisson d’anticléri- le fait même les libertés individuelles et
calisme (MIN 30-10-1837 ; CHAUSSÉ, 1980 : l’application de la Constitution dans le Bas-
211). Canada.
Le 6 novembre suivant, l’Association des Le général en chef des forces britanniques
Fils de la liberté, un club politique réunissant n’a à ce moment guère les moyens de pacifier
surtout des jeunes partisans patriotes, doit la province. Au début de l’été 1837, John
tenir une assemblée statutaire au centre de Colborne ne peut compter que sur 600 soldats
Montréal. Craignant un affrontement violent, britanniques dans l’immense district de
des magistrats avaient émis une ordonnance Montréal. Les forces réunies des deux Canadas
interdisant tout rassemblement et fait lecture donnent cependant environ 2500 hommes.
de l’acte d’émeute. De fait, la manifestation Colborne entreprend donc de faire venir des
dégénère en bagarre alors que des membres renforts de Toronto et de Halifax. Ainsi ren-
de l’Association affrontent des partisans forcée, la garnison de Montréal compte plus
loyaux et que sont commis divers actes de de 1000 hommes au début de l’automne. Ce
violence et de vandalisme aux quatre coins de n’est cependant qu’au début de novembre que
la ville. Cet affrontement pave la voie à la Colborne fait transférer son quartier général
rédaction d’actes d’accusation contre les de Québec à Montréal, qu’il demande des ren-
responsables de l’émeute mais qui visent forts au gouvernement métropolitain et
introduct ion 27
Canadien — est encore associée à une affilia- pied en mars 1838 par Robert Nelson et
tion monarchique et renvoie généralement au Cyrille-Hector-Octave Côté et entre en action
titre de sujet d’un souverain ou d’une sou- en novembre suivant. On recourra donc de
veraine héréditaire, incarnation de l’intégrité préférence au terme de « Frère chasseur » ou
territoriale. Symptomatiquement, le terme plus simplement « chasseur » afin de décrire
« patriotes » apparaît à notre connaissance ceux qui entreprennent un nouveau soulève-
pour la première fois dans la presse du Bas- ment, même si, comme nous le verrons, la
Canada dans les comptes-rendus de la Révo- plupart sont issus des cadres patriotes.
lution des Trois Glorieuses de juillet 1830, pour Des élections de 1827 aux insurrections de
désigner ceux qui à Paris se révoltent contre la 1837, le Parti patriote connaît une évolution
dynastie des Bourbons, appelant à la création structurelle et idéologique. La tendance est
d’un gouvernement issu du peuple (MIN 23- généralement à la radicalisation avec des pauses
08-1830 ; VIN 21-08-1830, BERTRAND, 2003 : momentanées en 1830 et 1831, et à l’automne
170). de 1835. Ainsi, dès 1827, le mouvement patriote
C’est d’abord pour des raisons de clarté a fait le plein de ses effectifs et l’érosion pro-
que nous utilisons ici indifféremment le terme gressive apparaît conséquente avec la radica-
« patriote », autant pour décrire le mouvement lisation de l’idéologie. À mesure que les reven-
politique structuré à compter de 1834 que dications deviennent plus incisives et les
pour désigner les individus qui, en novembre procédures plus tendancieuses, seigneurs,
et décembre 1837, mènent une rébellion leaders de la ville de Québec, commis de l’État
contre le gouvernement colonial. On préférera puis marchands et enfin la plupart des
cependant les termes « réformistes » et « Parti anglophones, qui appuyaient jusque-là le
réformiste », en parlant du pendant de ce mouvement, le quittent pour la neutralité ou
mouvement dans les comtés anglophones de pour le camp adverse. Le programme patriote
Missisquoi et de Stanstead puisque, comme le reste en même temps difficile à cerner dans la
souligne justement Denyse Beaugrand- mesure où, sur plusieurs thèmes, il demeure
Champagne, le mot « patriote » n’y est équivoque, trahissant une grande absence de
virtuellement jamais utilisé (Beaugrand- débat. Généralement posées dans les 92 Réso-
Champagne, 1990 : 12). Quant au terme lutions, les principales revendications patriotes
« résolutionnistes », il est couramment utilisé s’enrichissent ensuite progressivement à l’aune
entre février et novembre 1834 pour parler du républicanisme, en s’inspirant des principes
des partisans de Papineau et des 92 Réso- de la Révolution américaine ; pensons seule-
lutions. Il est opportun pour les distinguer des ment au Manifeste de Saint-Ours, à la Décla-
patriotes modérés, incapables d’assumer la ration des Fils de la liberté ou à l’Adresse de la
radicalisation du parti. Enfin, pour des raisons Confédération des Six-Comtés. De manière
logiques, les termes « rebelles » ou « insurgés » générale, on y insiste sur les libertés démocra-
pourront être substitués à celui de « patriote » tiques, mais surtout sur la réforme des institu-
lorsque les événements seront décrits du point tions parlementaires. Dès les élections de 1830,
de vue des autorités policières et militaires, l’électivité du Conseil législatif et « l’extension
une fois déclenchée la répression des troubles. du principe électif à tous les niveaux où s’exerce
L’Association des frères chasseurs est mise sur le pouvoir » ont notamment succédé à la ques-
introduct ion 29
tion des subsides à titre de principales reven- chargés, par exemple, des renseignements, de la
dications et le demeureront jusqu’aux rébel- propagande ou de la correspondance. Dans
lions (LAMONDE, 2000 : 100 ; OUELLET, l’immédiat, toute l’organisation a cependant
1980 : 336). surtout pour tâche de préparer les troupes en
Le mouvement patriote connaît deux vue de l’échéance électorale d’octobre 1834 et
moments forts du point de vue de l’orga- demeure en ce sens assujettie à la stratégie
nisation et de la mobilisation. D’abord, le parlementaire du parti (MUZZO, 1990 : 40 ;
printemps 1834, alors qu’il est surtout ques- BERNARD, 2001 : 87 ; BERNIER, 1982 : 212).
tion de donner son appui aux 92 Résolutions Les grandes lignes de l’organisation patriote
et de former des comités de paroisses et de sont dès lors jetées, s’appuyant à la fois sur un
comtés, ensuite, à l’été de 1837, quand on caucus parlementaire discipliné et sur des
dénonce les résolutions Russell et qu’on prend comités de comté et de paroisses, chargés
des mesures radicales afin de marquer sa d’entretenir à l’échelle locale la mobilisation et
désapprobation. La tendance est dès lors de d’assurer la communication avec la centrale de
miser de moins en moins sur une stratégie Montréal.
parlementaire et de s’appuyer de plus en plus La correspondance entre le Comité central
sur la mobilisation des masses paysannes sans et permanent de Montréal et les divers comi-
toutefois jamais complètement abandonner la tés de comté de 1834 est d’abord chronolo-
première. gique. Annoncé le 7 avril 1834, le premier
Ces assemblées du printemps de 1834 sont CCPM est officiellement formé le 16 mai.
destinées d’abord à donner un appui populaire Dans son sillage, on crée un comité de comté
aux 92 Résolutions et à signer la vaste pétition. dans Terrebonne (13 mars), Deux-Montagnes
Elles ont aussi pour but de créer les premiers (20 mars), Montmorency (1er avril), Trois-
comités de comté, chargés d’assurer la Rivières (19 avril), Acadie (7 mai), Kamou-
communication avec le premier Comité central raska et Bellechasse (18 mai) etc. Il faut
et permanent de Montréal (CCPM). La cependant noter la précocité du comté de
naissance, en mai 1834, du CCPM témoigne Verchères, à plusieurs titres le laboratoire des
certainement d’une volonté nouvelle de organisations patriotes, où un comité de
coordonner l’organisation patriote jusqu’au comté est créé dès le 6 janvier 1834. Dès
cœur des campagnes. Le CCPM est initiale- janvier 1834, l’assemblée de Saint-Marc (Ver-
ment formé de 75 délégués provenant de 22 chères) constitue un premier point tournant.
comtés, des députés pour la plupart, flanqués Jusqu’alors, les comités régionaux ne
de leurs principaux organisateurs. Symptoma- détenaient qu’un rôle subalterne, consistant à
tiquement aussi appelé « Convention », le faire circuler des pétitions et à mobiliser l’élec-
premier CCPM a pour rôle de prendre des torat lors des scrutins. On décide désormais
positions politiques officielles au nom du parti, de mettre en place des structures perma-
de préparer des dossiers destinés au travail des nentes, « la nouveauté consist[ant] dans la
députés à la Chambre et de rédiger des réso- création de comités de paroisse et de comités
lutions à voter dans les diverses assemblées de comté élus pour deux ans avec des mandats
organisées par les comités de comté locaux. Les généraux et non plus limités » (BERNARD,
tâches sont réparties entre divers sous-comités 2001 : 83).
30 pat r iotes et loyaux
En plus d’un comité de comté, on crée populaires connaissent une pause marquée.
aussi souvent un comité de correspondance L’effort est désormais mis à préparer le travail
plus restreint. Ces deux organisations regrou- des députés en vue de la session de 1835 et à
pent les membres les plus influents de l’orga- assurer la présence du parti en Grande-
nisation patriote d’une communauté, ses Bretagne où les 92 Résolutions sont mainte-
véritables leaders. Alors que les délégués à la nant débattues et d’où les chefs patriotes
Convention générale sont souvent des nota- attendent des décisions importantes. La poli-
bles choisis d’abord en raison de leur prestige tique anglaise devient alors la clé de voûte de
et que les comités de surveillance ou de stratégie politique patriote, en particulier dans
vigilance créés à l’été 1837 regroupent plutôt l’entourage de Papineau et d’O’Callaghan, qui
de jeunes militants plus impétueux, les prin- n’entretient plus guère d’espoir à propos des
cipaux leaders locaux se retrouvent prati- dispositions des autorités locales. Le chan-
quement tous au comité de comté. Certains gement le plus visible est que le premier
d’entre eux sont d’une ampleur extravagante, CCPM se mue, à compter du 5 novembre, en
comme celui de Deux-Montagnes et ses 80 un comité de correspondance justement
membres, celui de Vaudreuil, 97 membres, ou destiné à constituer des dossiers pour les
celui de Trois-Rivières avec 179 membres. députés et à assurer les communications avec
Un second CCPM sera créé lors de l’as- les alliés du parti dans la métropole et au
semblée de Saint-Laurent le 15 mai 1837. Haut-Canada.
Conformément au mot d’ordre de Montréal, À partir de 1835, le mouvement patriote
on procède à de nouvelles nominations dans connaît peu de changements dans son orga-
Richelieu (7 mai), l’Acadie (15 mai), Saint- nisation, alors qu’en mai deux nouvelles
Hyacinthe (24 mai), Terrebonne (11 juin), instances apparaissent autour de Montréal.
Vaudreuil (6 août) et enfin à Québec le 30 L’Union patriotique de Montréal naît le 2 mai
octobre 1837. On fera donc constamment 1835. Associations plutôt lâches, les « unions »
allusion dans plusieurs comtés au « premier semblent surtout destinées à élargir les bases
comité de comté », soit un comité créé au du parti dans les campagnes, à amasser des
printemps de 1834, dont la vocation est sur- fonds en vue d’organiser des activités de
tout de préparer l’élection de l’automne, et à mobilisation et à tenir des commémorations
un « second comité de comté », renouvelé ou nationales comme les banquets de la Saint-
créé à l’été de 1837 et dont le mandat est plus Jean-Baptiste. Cela expliquerait en partie
compromettant sur le plan politique puisqu’il pourquoi on n’entend plus guère parler d’elles
sera en maints endroits le ferment d’un gou- une fois annoncée leur fondation. Outre celle
vernement révolutionnaire à l’échelle locale. de Montréal, on retrouve de telles « unions
Reste que leur personnel politique s’avère patriotiques » dans Deux-Montagnes (18
plutôt stable. On en veut pour preuve ceux juin), L’Acadie (21 juin), Laprairie (6 juillet),
qu’on retrouvera membre du premier et du Yamaska (11 juillet) et dans Richelieu (17
second comité de comté. août).
Le triomphe des Patriotes aux élections de Les associations de réforme remplissent
l’automne de 1834 entraîne certains change- apparemment un rôle équivalent et sont d’ail-
ments tactiques et les grands rassemblements leurs créées en même temps que les unions
introduct ion 31
FIGURE 1
destinées non plus à signer des pétitions, mais persécuteur repousse toutes et chacune des
à désavouer publiquement les autorités métro- réformes demandées. […] Désormais, toutes
politaines et à appeler à la création d’institu- les colonies anglaises ont les motifs les plus
tions parallèles issues du consentement des urgents d’avancer l’heure de leur séparation et
gouvernés. Dès le 20 avril, La Minerve annonce il faut que nous soyons tôt ou tard prêts à
une première grande assemblée dite « anti- prendre ce que la main de fer du pouvoir veut
coercitive » pour le 7 mai dans le comté de nous arracher ». Contrairement aux batailles
Richelieu. L’assemblée de Saint-Ours inaugure bien connues de 1837-1838, confinées à la
une intense campagne de manifestations région de Montréal, ces assemblées se tiennent
populaires et sert de modèle aux suivantes. à la grandeur du Bas-Canada et regroupent des
Véritable appel au peuple, le Manifeste de Saint- milliers d’individus. Le 1 er juin, à Saint-
Ours rompt avec les précédentes revendications Scolastique (Deux-Montagnes), William H.
légales, annonce le boycottage des produits Scott considère que « nous travaillerons sans
anglais et porte aux nues Louis-Joseph peur et sans reproche, comme dans le passé, à
Papineau, déclaré chef absolu du mouvement. assurer à tout le peuple, sans distinction, les
Le 15 mai, trois assemblées se tiennent à mêmes droits, une justice égale et une liberté
Québec, Saint-Marc (Verchères) et surtout à commune ». À La Malbaie, à 400 kilomètres de
Saint-Laurent (Montréal) où Louis-Joseph Montréal, Louis Bouchard propose que « nous
Papineau annonce que « la circonstance nou- considérons comme rompu et nul le contrat
velle c’est que le Parlement britannique prend social qui nous attachait à l’empire britannique,
parti contre nous puisque le gouvernement qui en cessant de remplir ses engagements nous
introduct ion 33
relève des obligations que les traités nous 3 juillet 1837, la Chambre des communes, à la
imposaient ». À Saint-François (Yamaska), demande de la jeune reine Victoria, décide de
Célestin Caron appelle à ne compter « que sur surseoir à leur application. La nouvelle est
nous-même, sur notre propre énergie et sur la connue dans la province au début d’août. Si
sympathie de nos voisins du continent les patriotes se gardent bien de crier victoire
d’Amérique ». À Napierville (L’Acadie), Cyrille et de renouer le dialogue, ils entendent cepen-
O. Côté : « Qu’on fasse en sorte d’assurer tôt ou dant éluder ce sujet pour se consacrer à des
tard le triomphe des principes démocratiques thématiques dilatoires, comme l’état des infra-
qui seuls peuvent fonder un gouvernement structures ou des griefs plus traditionnels
libre et stable sur ce nouveau continent » (LECLERC : 100).
(LATOUCHE, 1977 : 71, LAMONDE, 2002 : Un autre type de résolutions correspond
442). aux mesures concrètes prises dans l’immédiat
Vraisemblablement rédigées à l’avance et pour contrer les résolutions Russell. La plus
forcément répétitives, les résolutions adoptées populaire est certainement le boycottage des
à ces rassemblements ont néanmoins le mérite produits importés, généralement accompagné
de brosser un tableau assez fidèle des enjeux d’une incitation à recourir à la contrebande
qui préoccupent les leaders patriotes et du avec les États-Unis. Dans les deux cas, il s’agit
message qu’on veut adresser à la population. de priver l’administration coloniale des
La sélection proposée par Jean-Paul Bernard revenus générés par les taxes douanières et
(Boréal, 1987) offre un bon échantillon des d’encourager les manufactures locales en con-
assemblées les plus chargées et des résolutions sommant de préférence des produits fabriqués
adoptées aux quatre coins du Bas-Canada et au Bas-Canada. Louis-Joseph Papineau le
se prête assez aisément à une synthèse sous rappelle lui-même à l’assemblée de Saint-
forme d’un tableau. Laurent :
Comme on le constate, les résolutions
adoptées à Saint-Ours donnent initialement C’est la marche qu’ont pris les Américains, dix
le ton aux assemblées tenues ailleurs. La con- ans avant de combattre. Ils ont bien com-
mencé, et ils ont bien fini dans des circonstances
damnation des résolutions Russell constitue
semblables à celles où nous sommes placés [...]
en général la première résolution adoptée. Elle je crois que nous devons [...] discontinuer
est suivie dans la majorité des cas de consi- l’usage des vins, eaux de vie, rhums et de toutes
dérations constitutionnelles s’appuyant sur les autres liqueurs spiritueuses, importées et taxées.
droits et privilèges de sujets britanniques. Le [...] j’ai de suite renoncé à l’usage de sucre
principe le plus souvent formulé est certaine- raffiné mais taxé, et acheté pour l’usage de ma
ment celui de « no taxation without repre- famille du sucre d’érable ; je me suis procuré du
sentation », généralement adopté textuelle- thé venu en contrebande [...]. J’ai écrit à la cam-
ment. On se porte de la sorte à la défense du pagne pour me procurer des toiles et des lai-
droit de la Chambre d’assemblée de contrôler nages fabriqués dans le pays, [...] me dispenser
l’allocation des sommes perçues dans la d’en acheter d’importation. J’ai cessé de mettre
colonie. Ces résolutions à propos des réso- du vin sur ma table et j’ai dit à mes amis : Si
vous voulez vous contenter [...] d’eau, de bière,
lutions Russell disparaissent à compter du
ou de cidre canadiens (MIN 18-05-1837).
mois d’août. Il faut en effet savoir que, le
34 pat r iotes et loyaux
TABLEAU 1
RÉSOLUTIONS/ASSEMBLÉES
Dénoncer les résolutions Russell ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ 7
Dénoncer les violations
de la Constitution ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ 10
Peuple trompé, confiance brisée ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ 9
Les Américains sont nos alliés naturels ✓ ✓ ✓ ✓ 4
« No taxation without representation » ✓ ✓ ✓ 3
Rappel de l’Acte de tenure ✓ 1
Boycott des produits anglais ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ 8
Encourager la contrebande ✓ ✓ 2
Développer les manufactures du pays ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ 8
Créer un comité de vigilance ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ 7
Créer une Union patriotique ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ 8
Remercier nos amis à Londres et Toronto ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ 5
Conseil législatif inadapté ✓ ✓ ✓ ✓ 4
Dénoncer le gouverneur Gosford ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ 5
Pétition au Congrès des États-Unis ✓ 1
Ne pas voter les subsides ✓ ✓ ✓ 3
Égalité de droit entre les citoyens ✓ ✓ 2
Conseil législatif électif ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ 8
Exécutif responsable ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ 5
Contrôle du budget par l’Assemblée ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ 5
Dénoncer le monopole des terres ✓ ✓ ✓ 3
Dénoncer l’aristocratie coloniale ✓ ✓ ✓ 3
Chercher l’appui des États-Unis ✓ ✓ 2
Appel aux autres colonies ✓ ✓ ✓ 3
Dénoncer l’attitude de l’Angleterre ✓ ✓ ✓ ✓ 4
L’ennemi fomente une lutte raciale ✓ 1
Dénoncer la commission Grey-Gibbs ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ 5
Propager l’éducation ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ 6
introduct ion 35
Les chiffres de 1 à 14 correspondent à des assemblées tenues entre le 7 mai (Saint-Ours) et le 23 octobre 1837
(Saint-Charles). Le crochet signifie qu’une résolution équivalente au libellé proposé y a été votée. Ce tableau offre
donc un portrait d’ensemble des demandes patriotes, ainsi que de l’évolution des thèmes abordés sur une période
de quelques mois.
36 pat r iotes et loyaux
La plupart des assemblées ayant adopté le charges publiques attribuées à des membres
boycott procèdent ensuite à l’élection d’un de l’élite locale par la Couronne à qui ils ren-
comité. Ils s’appellent soit « comité de sur- dent des comptes : grand voyer, commissaire
veillance » soit « comité de vigilance » et sont aux chemins ou maître de poste. Deux charges
créés au printemps et au cours de l’été. En sont cependant plus importantes et seront
marge des comités de comté, ils ont pour davantage affectées par la vague de démission :
vocation d’abord de voir appliquées les les officiers de la milice locale et les juges de
mesures exécutoires adoptées à une assemblée paix (GREER, 1998 : 200-201 ; STATUTS...,
anticoercitive. Au premier chef, il s’agit de 1832 : 581 ; TREMBLAY, 1995 : 36).
s’assurer du respect des mesures de boycot- Issue du Régime français, l’institution de la
tage et de consommation de produits locaux. milice avait joué un rôle essentiel de force de
Dans Richelieu, L’Acadie et Rouville notam- réserve durant les guerres de la Nouvelle-
ment, les comités de surveillance verront en France. Les autorités britanniques revitalisent
plus à recevoir la démission des magistrats. l’institution de la milice à compter de 1777 et y
On y retrouve donc en général des militants ont en particulier recours lors de la guerre de
plutôt radicaux, pour qui la violence verbale 1812. La compagnie de milice correspond aux
et physique fait partie des moyens envisagés cadres de la paroisse ou du quartier urbain
pour remplir leur mandat. (wards). Elle est composée de 30 à 120 hommes
La résolution VII de Russell suggère l’abo- âgés de 16 à 60 ans commandés par trois offi-
lition du régime seigneurial. Cela explique ciers issus de l’élite locale : le capitaine, le lieute-
probablement que cette question délicate soit nant et l’enseigne de milice. Chaque compagnie
abordée à Sainte-Rose le 11 juin, à Napierville est attachée à un bataillon ou division, sous les
le 12 juillet, à Vaudreuil le 6 août et à Saint- ordres d’un lieutenant-colonel, et corres-
Polycarpe le 15 octobre. En général, on y pondant à chacun des cinq districts mili-
prône l’abolition de la tenure, assortie ou non taires du Bas-Canada : Montréal, Québec,
d’une compensation pour les seigneurs. Lors Trois-Rivières, townships (Drummondville) et
d’une assemblée consacrée uniquement à cet Gaspé. La milice bas-canadienne est placée sous
enjeu, le 6 août à Saint-François-du-Lac, on le commandement suprême du gouverneur
préfère plutôt parler de réforme, tout comme général à Québec qui peut déléguer son
à Saint-Ignace le 10 septembre. autorité au général en chef de l’armée en cas de
Le non-respect assez généralisé de la pro- situation de guerre. À l’époque des rébellions,
clamation du 15 juin force bientôt lord la milice est en fait une institution en pleine
Gosford à démettre de leur fonction les juges déliquescence dont la fonction est devenue
de paix et les officiers de milice qui assistent à symbolique, voire discréditée. Subsiste cepen-
des assemblées ou qui ne font pas en sorte de dant la tradition consistant à réunir, une fois
les empêcher. Bientôt, afin de marquer leur l’an, les hommes valides pour procéder à des
solidarité avec la stratégie patriote et leur manœuvres destinées à les maintenir prêts au
opposition aux injonctions de l’exécutif, cer- combat, entériner le choix du capitaine de la
tains décident spontanément de démissionner milice et s’adonner à de viriles ripailles. Les
ou de « remettre leur commission ». Ce mou- miliciens ne disposent d’ailleurs d’aucun
vement de démission concerne une série de uniforme distinctif et leurs maigres appuis
introduct ion 37
logistiques dépendent du gouvernement civil relatives aux crimes, d’entamer les procédures
et même pas de l’armée régulière. L’entraîne- judiciaires et d’assurer une administration
ment des corps de milice d’élite ou incorporée locale au nom du roi. Les juges de paix « stipen-
est plus conséquent. Ces corps regroupent les diaires » et juges des Quarter Sessions sont des
hommes âgés de 18 à 30 ans, placés sous le magistrats rétribués et autorisés à rendre la
commandement d’officiers du service actif et justice dans leur champ de compétence. Quant
pouvant être conscrits en temps de crise pour aux juges à l’assermentation, il s’agit de juges
une période maximale de 90 jours (LÉPINE : de paix autorisés à appliquer le serment d’allé-
9-12 ; CHARTRAND, 1995 : 143-44 ; PAQUET geance et à procéder à des mises en accusation
et WALLOT, 1973 : 18). pour trahison. Introduits au Canada dès la
Si les officiers démissionnaires viennent Conquête de 1760, les juges de paix jouent vite
surtout de la milice sédentaire, il faut aussi un rôle important en tant que représentants du
évoquer le rôle de la milice volontaire. gouvernement dans les campagnes les plus
Comme leur nom l’indique, les corps de la reculées. À l’époque des rébellions, en Angle-
milice volontaire sont formés des citoyens qui terre comme au Bas-Canada, les pouvoirs des
se mettent à la disposition du gouvernement juges de paix ont cependant tendance à passer
afin de défendre la colonie. C’est ainsi qu’en entre les mains de chefs de police ou d’édiles
1812 Charles-Michel d’Irumberry de Sala- municipaux et cette institution disparaît en
berry avait mis sur pied le corps des Volti- 1879 avec la création des entités municipales.
geurs. Dans le contexte tendu de la crise des Bien que la désignation des juges de paix soit
années 1830, le gouvernement doit décider s’il du seul ressort du gouverneur, ce dernier prend
accepte ou non que des citoyens s’arment et cependant soin de les choisir parmi des
s’improvisent défenseurs de l’ordre. Nous membres de l’élite locale réputés pour leur
aurons à reparler de ces corps de la milice probité et parmi les cadres de la milice dont le
volontaire que les partisans loyaux noyautent mode de désignation est plus proprement issu
complètement dès 1835 et qui joueront un du consentement populaire (CHARTRAND,
rôle clé dans la répression des soulèvements 1995 : 144 ; CORNELL : 2001 ; PALLARD, 1999 :
de 1837-1838. 67).
L’institution du Justice of the Peace est quant À la fin de l’été de 1837, le gouverneur
à elle une tradition anglaise d’abord associée à Gosford se trouve donc devant une impasse
l’application de la justice du roi dans les quand plusieurs de ses respectables représen-
campagnes afin de faire contrepoids à l’emprise tants locaux décident de lui remettre leur
des landlords locaux. Les juges de paix doivent démission. Il n’a alors d’autre choix que de les
être respectables et laïcs, mais n’ont pas de remplacer par des individus dont la fidélité à
compétences judiciaires particulières. Ils ne la Couronne ne fait aucun doute, quitte à les
sont pas non plus rétribués pour leur travail, exposer à la raillerie populaire. En plusieurs
mais utilisent volontiers leur charge pour endroits, des comités de vigilance enjoignent
promouvoir leur carrière et s’allouer une allo- les habitants d’éviter tout contact avec ces
cation à même les amendes perçues pour « personnes indignes » en attendant de les
des crimes mineurs. Leurs fonctions sont contraindre à démissionner à leur tour lors de
d’entendre les dénonciations et les plaintes charivaris destinés à les terroriser.
38 pat r iotes et loyaux
crise ethnique à l’orée de son épisode violent, Belleville propose de tenir la Convention à
on est plutôt ici amené à penser que la dualité Sainte-Pie le 4 décembre 1837. La rencontre
ethnolinguistique serait a priori responsable n’aura finalement jamais lieu (BERNARD,
de la naissance et de l’intensité de la mobilisa- 2001 : 115 ; 174 ; 182).
tion politique à l’échelle locale, du moins à Entre-temps, la bagarre de Montréal, le 6
compter de 1834. novembre 1837, marque le point d’arrêt brutal
L’organisation patriote atteint son apogée du déploiement des organisations patriotes et
lors de grande assemblée de la Confédération annonce leur liquidation progressive sous
des Six-Comtés les 23 et 24 octobre 1837. l’effet de la répression militaire. La disparition
Radicale, l’assemblée y appuie l’établissement des journaux propatriotes, l’emprisonnement
d’une justice parallèle investie d’une « autorité ou la fuite des chefs du mouvement et l’im-
conférée par le peuple » et l’organisation de position de la loi martiale, qui a tôt fait de
milice patriote autour d’un capitaine de milice remplir les prisons d’une foule de partisans,
élu, chargé d’initier la population au manie- compléteront l’œuvre de démembrement du
ment des armes. Mais les 92 Résolutions premier parti politique canadien voué à
annoncent surtout la convocation d’une étendre le principe démocratique et à
assemblée constituante, ou « Convention géné- défendre les droits de la majorité.
rale », chargée de jeter les bases d’un gou-
vernement provisoire et de rédiger une consti- L’épisode chasseur
tution (LECLERC : 102 ; RYERSON : 57 ; Dès avant les défaites de Saint-Charles et de
OUELLET, 1980 : 445 ; LATOUCHE, 1977 : 79 ; Saint-Eustache, les patriotes les plus compro-
BERNARD, 2001 : 150 ; GREER, 1997 : 209). mis avaient traversé aux États-Unis et trouvé
L’idée d’une convention générale avait refuge dans les villages frontaliers de Cham-
d’abord été lancée le 15 mai 1837 à l’assem- plain, Chazy, Plattsburgh, Rouse’s Point,
blée de Saint-Laurent, en même temps qu’on Swanton ou Highgate. En décembre, ils sont
relance le Comité central et permanent de entre 400 à 500, dont la plupart des chefs du
Montréal du district de Montréal. Au sens mouvement. Lui-même en fuite, Louis-Joseph
strict, le second CCPM est donc la délégation Papineau demeure le chef des exilés et entre-
de la ville et du comté de Montréal à une prend de solliciter ceux qui, aux États-Unis,
éventuelle convention réunissant des repré- pourraient être en mesure de voler au secours
sentants de tous les comtés de la province. De du peuple canadien. Papineau rencontre
fait, des délégués sont au moins élus pour notamment le gouverneur Marcy, de l’État de
Verchères (dès le 10 mai), Saint-Hyacinthe New York, le sénateur Beardsley et même le
(1er juin), Terrebonne (11 juin), L’Acadie président Martin Van Buren. Le bilan de ces
(17 juillet), Yamaska (18 juin), Berthier (18 rencontres est généralement décevant, si bien
juin également), Missisquoi (4 juillet), que, le 23 décembre 1837, la Maison-Blanche
Laprairie (6 août) et pour Vaudreuil (6 août déclare que les États-Unis demeureront offi-
également). La Convention des Six-Comtés ciellement neutres dans la crise qui secoue le
réunit, le 24 octobre, les délégués à la Con- Canada. Cette déclaration est renforcée le
vention nommés dans chacun des six comtés 5 janvier suivant par des menaces d’arres-
de la région. Le 16 novembre, Pierre Boucher- tation contre quiconque compromettra cette
introduct ion 41
neutralité (VAUGEOIS, 1962 : 153 ; FILTEAU, vaste offensive tout le long de la frontière
1975 : 146 ; MORIN, 1949 : 485 ; OUELLET, américaine, du Michigan au Maine, et desti-
1972 : 89 ; ANQ, P-B : III). née à susciter un conflit international en
À la demande de Papineau, les chefs du tablant sur les appétits territoriaux de certains
mouvement en exil se réunissent le 2 janvier États. Au début de 1838, Nelson rédige une
1838 à Middlebury (Vermont) afin de décider déclaration d’indépendance qu’il prend soin
de la marche à suivre. Papineau est alors un de ne pas dater et l’achemine aux journaux
homme miné par la tournure des événements américains sympathiques à sa cause afin de
et profondément déçu par l’annonce de la préparer l’opinion américaine. La déclaration
stricte neutralité américaine. Aussi se trouve- est faite en territoire canadien lors de
t-il dès le départ dans une situation de fai- l’incursion de Caldwell’s Manor (Rouville), le
blesse face aux radicaux réunis autour de 28 février 1838. Obligés de retraiter promp-
Cyrille-Hector-Octave Côté, Édouard-Élisée tement aux États-Unis, les chefs de l’expé-
Malhiot et Édouard-Étienne Rodier qui dition sont arrêtés à leur retour aux États-Unis
demandent qu’on forme un gouvernement en pour non-respect de la neutralité américaine.
exil et qu’on déclare sine die l’indépendance Acquittés, ils décident dès lors de donner un
du Bas-Canada. Les radicaux sont aussi favo- caractère secret au mouvement insurrec-
rables à une série de raids transfrontaliers tionnel ; « Désespérés de voir tous leurs secrets
« destinés à provoquer des incidents interna- dévoilés par l’indiscrétion des gens et ayant
tionaux susceptibles de déboucher sur une absolument besoin du secret comme d’une
rupture entre les États-Unis et la Grande- qualité requise chez tous les employés et les
Bretagne » (SENIOR, 1997 : 215). L’assemblée conspirateurs, ils résolurent d’établir une asso-
de Middlebury ouvre une brèche dans la ciation dont on devait cacher jusqu’à
cohésion des exilés. Dorénavant, les inspi- l’existence aux États-Unis, comme en
rateurs du soulèvement de 1837 sont tenus à Canada » (ANC, MG 24, B 39 : AUBIN, 2000 :
l’écart des préparatifs ou abandonnent le 216 ; SENIOR, 1997 : 219 ; CARON, 1926 : 22).
mouvement. Papineau lui-même quitte Le président autoproclamé de la république
Albany pour Philadelphie le 20 février, du Bas-Canada, Robert Nelson, se retrouve à
Thomas Storrow Brown gagne la Floride en la tête de l’organisation, secondé de deux
septembre et Ludger Duvernay juge un Grands Aigles se partageant l’Amérique du
nouveau soulèvement insensé et refuse de s’y Nord : Édouard-Élisée Malhiot aux affaires
joindre. À l’autre bout du spectre, le secrétaire canadiennes et Charles G. Bryant aux affaires
du CCPM, Chevalier DeLorimier, et quelques américaines. Sous le nom de Frères chasseurs
autres « qui ne sont pas de ces hommes qui se et de Hunters lodges, ils entreprennent ensuite
contentent de joutes oratoires », selon le North de recruter parmi les exilés bas-canadiens à
American, rejoignent Robert Nelson à partir du quartier général de Saint-Albans. Il
Champlain (New York) et le persuadent de faut cependant attendre juillet 1838 pour
prendre la tête du mouvement de résistance que des campagnes de recrutement aient lieu
(SENIOR, 1997 : 215 ; MORIN, 1949 : 486). au Bas-Canada. En tant que société secrète,
De concert avec le leader haut-canadien l’Association des frères chasseurs accueille ses
William Lyon Mackenzie, Nelson projette une nouveaux membres au terme d’une cérémonie
42 pat r iotes et loyaux
compliquée, les nouveaux venus devant prêter fois réunis autour d’objectifs à la fois beau-
serment de fidélité. Selon Ivanhoé Caron, « le coup plus radicaux et mieux définis.
tout était souvent noyé dans un flot de paroles Selon la déposition de Brien, le plan géné-
et déclarations fantastiques bien propres à ral de la Société aurait consisté en un sou-
frapper les esprits et à les échauffer au delà de lèvement général des loges de chasseurs au
la mesure » (CARON, 1926 : 19-20 ; SENIOR, Bas-Canada dès le 3 novembre 1838, au
1997 : 220). Le nombre exact d’adhérents moment où une armée d’invasion bien équi-
ayant prêté serment reste imprécis. Les esti- pée pénètre au Canada par le sud. L’opération
mations vont de 15 000 à 200 000 membres à ne sera cependant pas couronnée de succès
travers l’Amérique du Nord. La réalité dut mais vite suivie, à compter du samedi 10
davantage correspondre au premier chiffre novembre, d’une répression particulièrement
(TIFFANY, 1972 : 62 ; STATE TRIALS, 2 : 54 ; féroce menée par l’armée et les corps de
AUBIN, 2000 : 225 ; FORTIN, 1988 : 58). volontaires levés par les loyaux.
La loge est l’unité de base de l’organisation
« chasseur ». Au début de septembre 1838, l’or- Le mouvement loyal
ganisation compte 35 de ces loges au Bas- Le 12 novembre 1835, le secrétaire de la com-
Canada, la plupart au sud de Montréal où mission Grey-Gibbs trace une rapide esquisse
affluent bientôt les recruteurs formés aux des trois partis qui se trouvent selon lui en
États-Unis. Au sein du comité, on met sur présence au Bas-Canada.
pied une « bureaucratie complexe » où des
assistants travaillent sous les ordres de divers Le parti officiel ou, comme les Français
l’appellent, le parti bureaucrate, se compose
chefs de service, et des messagers font la
d’un petit nombre d’hommes âgés qui occu-
navette entre Montréal, St. Albans et « les
pent les plus hauts emplois. Ces hommes
agents de la campagne. » (AUBIN, 2000 : 219 ; semblent avides de privilèges, jaloux de leur
SENIOR, 1997 : 220 ; AUBIN, 2000 : 218, 226- autorité, et prêts à s’offenser de tout examen
227 ; FORTIN, 1988 : 52 ; ANC, MG 24, B 39 ; des allégations du peuple. […] Quant au parti
MORIN, 1950 : 201 ; STATE TRIALS, 2 : 533- anglais, [il] se compose de presque tous les
534). Les cadres militaires de l’organisation marchands, auxquels se joignirent de grands
sont formés à même ces loges. Sous le com- propriétaires fonciers, et d’une partie des fonc-
mandement des deux « Grands Aigles », des tionnaires civils les plus jeunes et les plus intel-
« Aigles », équivalents de brigadiers généraux, ligents. Il possède beaucoup d’intelligence, de
sous lesquels on retrouve encore deux « Cas- grands moyens, et un crédit plus grand encore ;
tors » ou capitaines, commandant chacun à en outre, il a cette confiance mutuelle, et cette
précision et unité de but que nos compatriotes
cinq « Raquettes » (caporals), dirigeant neuf
— il faut leur rendre cette justice — savent
« Chasseurs » ou simples soldats (CARDINAL, mieux qu’aucun autre peuple donner aux asso-
1980 : 35). Dans le même esprit très hiérar- ciations politiques. Et cependant je n’aime pas
chique, Nelson recrute des officiers français le parti anglais. Il a tout autant l’ambition de
formés à l’école de l’armée napoléonienne, dominer que le parti français, et, selon moi, il
Pierre Touvray et Charles Hindelang. Parmi est prêt à employer pour y arriver des moyens
les meneurs se trouvent bon nombre de lea- moins scrupuleux. Chaque fois que l’un des
ders de la période de 1834 à 1837, mais cette deux actuellement parle de sécession, je
introduct ion 43
regarde la chose comme pur pathos, un arti- tique, d’un caucus de députés et d’institutions
fice pour faire plier le gouvernement. C’est le locales destinées d’abord à mener des luttes
parti le plus rancunier, car il n’a pas oublié le électorales, il serait plus juste de parler d’une
pouvoir qu’il a perdu, et hait son rival comme coalition pour décrire le mouvement loyal.
s’il était en quelque sorte usurpateur (cité par Cette coalition finit par regrouper des intérêts
CHAPAIS, III : 65-67).
économiquement et socialement assez dis-
Il est donc admis dans l’esprit du gouver- tincts, mais rassemblés à l’occasion de la mise
nement colonial que ce parti loyal ou anglais en échec du projet nationaliste et libéral des
ne doit pas être a priori confondu avec la patriotes. Elle est d’abord animée à Montréal
Clique du Château, formée de fonctionnaires et à Québec par de puissants marchands d’ori-
partisans du statu quo, et qu’il a toutes les gine écossaise et anglaise qui lui impriment
raisons de s’en méfier, pratiquement autant leurs vues, lui fournissent ses leaders les plus
que du « Parti patriote » lui-même. décidés et qui récolteront les plus beaux fruits
Depuis 1792, la Chambre d’assemblée a de leur victoire en 1837-1838. Ce groupe pri-
toujours compté bon an mal an jusqu’à un mordial dispose aussi d’un allié indéfectible
quart d’indéfectibles défenseurs des préroga- dans les comtés ruraux autour d’une poignée
tives de la Couronne, généralement des fonc- d’agents de colonisation, de spéculateurs et de
tionnaires et des marchands d’origine britan- grands propriétaires plus ou moins liés à la
nique. Cependant, contrairement à ce qui se vente des terres de la Couronne ou townships.
produit au Haut-Canada, on ne peut en aucun Ces deux groupes s’avèrent à la fois les plus
moment parler ici d’un véritable parti tory, constants adversaires des Patriotes et les plus
équivalent bas-canadien d’un mouvement con- aptes à offrir un programme politique cré-
servateur idéologiquement décidé à défendre dible. Épisodiquement, mais avec de plus en
les privilèges de l’aristocratie et l’orthodoxie plus de constance à mesure que s’accroît le
monarchique. Jusqu’en 1835, ce mouvement péril patriote et qu’approche l’échéance de la
d’essence conservatrice correspond donc à rébellion, ils purent compter sur l’appui du
l’alliance épisodique de groupes momentané- parti officiel, soit cette fameuse Clique du
ment réunis autour d’un gouverneur plus Château, formée de hauts fonctionnaires, mais
autoritaire, cherchant à contraindre l’influence aussi de vieilles familles seigneuriales, jusque-
des députés canadiens : James Craig, lord là surtout soucieux de protéger leurs privilèges
Sherbrooke, puis lord Dalhousie. C’est d’ail- archaïques au sein de l’administration colo-
leurs la vigueur du mouvement adverse, animé niale et donc d’assurer un certain équilibre
par les députés canadiens, qui sonne en général politique au Bas-Canada, menacé autant par
le ralliement des forces loyales de la colonie. les bouillants marchands anglais que par les
Plus encore, c’est clairement la consolidation et agitateurs patriotes. Se joignent aussi aux mar-
la radicalisation d’un « Parti patriote » qui con- chands un certain nombre de professionnels,
duit, au tournant de 1835, à la mise sur pied notamment des avocats de droit commercial,
d’un mouvement loyal rayonnant à partir soucieux dans toutes les sociétés de s’accointer
d’associations constitutionnelles structurées. avec les véritables détenteurs du pouvoir poli-
Alors que le mouvement patriote est clai- tique. D’une manière générale, la coalition
rement organisé autour d’un chef charisma- loyale peut enfin compter sur les principaux
44 pat r iotes et loyaux
« tories » ou « parti tory » jusqu’à l’automne patriotes. La création du « British Rifle Corp »
de 1834 à un moment où les loyaux ambi- en janvier 1836, groupe interdit par lord
tionnent encore de former un véritable parti à Gosford, est le point d’origine de cette crise.
la Chambre et au Conseil avant de plutôt se Enfin, à l’automne de 1837, le mouvement loyal
tourner vers l’action plus discrète menée par connaît un important sursaut quand, spon-
les associations constitutionnelles. Enfin, nous tanément, dans plusieurs régions, on rappelle
avons généralement exclu l’usage du terme sa fidélité indéfectible envers la Couronne aux
« bureaucrates », couramment utilisé par les heures les plus sombres de la rébellion. Bien
patriotes pour désigner leurs adversaires, pour que les deux grandes associations constitu-
le réserver à son sens étymologique, associé à tionnelles de Montréal et de Québec amorcent
l’entourage du gouverneur et correspondant la plupart de ces vagues de mobilisation, le
aux détenteurs des postes clés dans la fonction mouvement loyal n’atteindra jamais le
publique. niveau de centralisation et de cohérence qu’on
L’adhésion d’un individu ou d’une com- retrouve chez les patriotes, mais demeure au
munauté à la mouvance loyale doit par contraire très sensible à la conjoncture poli-
conséquent être envisagée en tenant compte tique et au rapport dialectique avec les initia-
de la conjoncture ou d’une sorte de scéno- tives prises par l’adversaire.
graphie politique. Participer à une assemblée Ces premières assemblées du printemps
loyale en octobre de 1834, alors qu’il n’est 1834 sont contemporaines de celles des
encore question que de gagner des élections, patriotes. Leurs participants sont déjà ceux
n’a pas le même sens ni la même portée que qu’on retrouvera jusqu’à l’automne 1837, des
de le faire en janvier de 1835 quand des asso- marchands, des transfuges du Parti patriote
ciations constitutionnelles sont mises sur pied déçus par les 92 Résolutions et, au premier
à bien d’autres fins. De la même manière, chef, des seigneurs et de grands propriétaires
exprimer sa loyauté en décembre de 1837, fonciers qui acceptent en nombre croissant de
tandis que l’armée et les volontaires procèdent se compromettre aux côtés des loyaux. Les
partout à des opérations punitives, n’implique plus importants rassemblements ont lieu à
pas nécessairement une grande abnégation Québec (29 mars 1834), Montréal (5 avril
loyale. 1834), Leeds (Mégantic, 31 mars 1834), Beau-
À l’instar du mouvement des patriotes, celui harnois (9 avril 1834), Sherbrooke (28 avril
des loyaux connaît quatre moments forts entre 1834) et Kildare (Lachenaie, 11 mai 1834).
le vote des 92 Résolutions et le recours aux Les élections générales de 1834 portent
armes. Un premier se situe au printemps de clairement sur le principe des 92 Résolutions
1834, afin de dénoncer les résolutions patriotes patriotes. Les ténors du Parti tory, John
et de signer de grandes pétitions loyales. Un Neilson, Andrew Stuart, François Languedoc
second se produit à l’hiver de 1835 quand sont ou Bartholomew Gugy, sont d’abord ceux qui
créées la plupart des associations constitu- se sont le plus ouvertement opposés aux
tionnelles. Un troisième a lieu à l’hiver de 1836, résolutions et à qui Papineau entend bien
au paroxysme de la crise qui oppose les mener une lutte féroce afin qu’aucun d’eux ne
associations constitutionnelles au gouverneur soit réélu. Papineau passe bien près de rem-
qu’on accuse de trop céder aux demandes porter son pari tant est complète la déroute
46 pat r iotes et loyaux
du Parti tory. Le mouvement loyal doit en délégués de l’une assistant dans les deux cas à
particulier subir des pertes sensibles dans des la fondation de l’autre. Ce n’est que progres-
châteaux-forts anglophones comme Stanstead sivement qu’apparaîtront des différences entre
et Missisquoi, tandis que seuls la Gaspésie et l’association de Québec, réputée plus modé-
les confins de l’Estrie résistent à la vague pro- rée, et celle de Montréal, radicale et plus agres-
patriote. sive. C’est en particulier entre ces tendances
Les loyaux tirent alors la leçon que la qu’auront à choisir les Branch Associations
victoire sur le mouvement patriote et le natio- qui se créent dans des délais étonnamment
nalisme canadien-français ne pourra être courts au début de 1835. Bientôt, on retrouve
purement constitutionnelle et électorale. des associations constitutionnelles à Framp-
L’avoir compris si tôt, trois ans avant les ton (22 janvier), Beauharnois (28 janvier),
rébellions, est déjà un avantage dont la coa- Sherbrooke (31 janvier), Drummond (31 jan-
lition loyale saura plus tard tirer profit. De vier), etc.
toute façon, le caucus des députés loyaux se Dès l’établissement des associations cons-
retrouve à ce point émacié qu’il aurait été vain titutionnelles, on propose partout d’achemi-
de se concentrer sur une quelconque stratégie ner aux autorités britanniques une grande
parlementaire. On s’affaire plutôt à regrouper pétition dans le but de rappeler sa loyauté, de
les forces hostiles aux patriotes au sein d’or- signifier que les récentes élections ne reflè-
ganisations structurées en marge des institu- tent nullement l’état de la population bas-
tions parlementaires. La rhétorique électora- canadienne et que la minorité britannique
liste et pluraliste cède le pas à un discours n’entend pas se laisser dominer par la poignée
clairement plus radical et chauvin sur le plan de démagogues dans l’entourage de Papineau.
socio-ethnique. Il est dès lors question d’or- C’est ce qui se produit dans à peu près toutes
ganiser un efficace lobby et de miner la les associations loyales, à Québec le 5 février
légitimité de l’Assemblée en attendant d’en 1835, à Montréal le 31 mars 1835, à Sher-
découdre sur un terrain plus viril. brooke le 12 décembre 1835, à Stoneham le
Les associations constitutionnelles sont à 28 janvier 1835 ou à Frelighburg le 6 juin
peu près toutes créées sur le même modèle 1836. Les loyaux entendent enfin participer à
très structuré. On tient en général une vaste la mise sur pied de la commission d’enquête
assemblée où le principe d’une association est créée par Londres afin d’enquêter sur les griefs
entériné, d’abord à Québec le 11 novembre du Parti patriote. Comme ce dernier est déjà à
1834, puis à Montréal le 23 janvier 1835. Suit pied d’œuvre en sol anglais par l’intermédiaire
peu après une assemblée de fondation (à du député de Bath, John Arthur Roebuck, les
Québec le 22 novembre et à Montréal le 28 associations constitutionnelles de Québec et
janvier). Un exécutif est ensuite désigné afin de de Montréal y dépêchent John Neilson et
rédiger les statuts de l’association. Après une William Walker.
ou deux réunions de l’exécutif, l’assemblée La cohésion politique du mouvement loyal
générale est convoquée de nouveau afin de au Bas-Canada atteint son sommet au tour-
voter les règlements de l’association. nant de 1836 quand on annonce la tenue d’un
La concertation semble initialement assez vaste congrès des associations constitution-
forte entre les deux grandes organisations, des nelles de la colonie à Montréal pour le 23 juin
introduct ion 47
suivant. On désigne des délégués pour ce journaux de chacun des deux camps de
Select General Committee of the Petitionners chaque fois crier victoire. Peu importe, dès
à Québec (21 janvier 1836), Montréal (16 septembre, les associations constitutionnelles
janvier 1836), Sherbrooke (12 décembre en particulier se consacrent surtout à recruter
1835), Leeds (25 mars 1836) ou Kildare (23 des volontaires afin de prêter leur concours
décembre 1835) Drummond (23 décembre), au gouvernement et de contribuer à la répres-
Stanstead (8 janvier), Beauharnois (8 février), sion du soulèvement.
Missisquoi (13 février), Sorel (29 février), Les régions mobilisées du côté des patriotes
Terrebonne (23 avril), Laprairie (12 mai), sont-elles les mêmes que chez les loyaux ? Ni
L’Acadie et Yamaska (30 mai). Les conclusions la droite de corrélation (0,335) ni le coeffi-
et les travaux de ce congrès sont mal connus. cient de détermination (0,198) ne révèle de
On sait que la date initiale fut vite reportée du relation statistique entre les deux variables.
10 au 17 novembre 1836. On sait aussi Cependant, en y regardant de plus près, le lien
qu’éclatent au grand jour les différends entre ne fait parfois pas de doute. Ainsi Missisquoi
les délégations de Québec et de Montréal. Le est en même temps le comté rural où les
mouvement loyal sort manifestement affecté loyaux tiennent le plus d’activités politiques
de ces tensions. En fait foi le ralentissement (37) et un comté fort mobilisé du côté
marqué des activités loyales jusqu’au prin- patriote avec pas moins de 28 activités poli-
temps de 1837, alors que l’agenda politique et tiques entre 1834 et 1837. Dans une moindre
la radicalisation du mouvement patriote mesure, Beauharnois, Stanstead, Terrebonne,
forcent les loyaux à mettre de côté leurs Deux-Montagnes et Laprairie présentent aussi
querelles idéologiques et à afficher de manière cette caractéristique, corroborant l’impression
plus visible leur attachement au lien colonial que la dynamique locale influence notable-
et la preuve de leurs assises dans la population. ment les comportements politiques. Dans le
Dès l’annonce des résolutions Russell en coin inférieur gauche, on retrouve les comtés
avril 1837, les Patriotes avaient lancé une très faiblement mobilisés sur le plan politique.
vague d’assemblées publiques. Les associa- Ce sont essentiellement des comtés franco-
tions constitutionnelles tiennent par consé- phones de la grande région de Québec : Mont-
quent des rassemblements équivalents. On morency, Orléans, L’Islet, Champlain,
pense d’abord à la grande assemblée tenue à Bellechasse, Nicolet, Lotbinière ou Kamou-
Québec sur l’Esplanade, le 31 juillet 1837, et raska. La rivalité entre les clans politiques y
surtout à l’assemblée de Montréal, tenue le est faible, si bien que ni le mouvement loyal ni
23 octobre, alors même que les patriotes sont le mouvement patriote n’y prend racine.
assemblés à Saint-Charles pour l’Assemblée Dès 1820, lord Dalhousie avait fait en sorte
des Six-Comtés. Dans bien d’autres cas, on d’accroître le nombre d’anglophones, réputés
verra qu’assemblées patriotes et assemblées plus loyaux, dans la milice, en particulier dans
loyales alternent comme pour se répondre, les villes. La milice connaît en 1828 une purge
opposant le tumulte au tumulte. On verra importante quand le gouverneur destitue les
même nombre de cas où des assemblées officiers s’étant exprimés contre son autorité.
annoncées sont détournées dans le désordre Lord Dalhousie se souvient sans doute que les
au profit de l’adversaire, n’empêchant pas les milices de volontaires avaient joué un rôle
48 pat r iotes et loyaux
FIGURE 3
hostiles. Le « British Rifle Corp » avait alors souffrances vécues par leurs compatriotes des
prudemment décidé de se saborder. C’est en comtés de Richelieu et de Deux-Montagnes.
fait à compter de septembre 1837 qu’on En mars 1838, la nomination de lord
assiste, de Sherbrooke à Frelighburg et de Durham à titre de gouverneur et d’enquêteur
Québec à Montréal, à des « offres de volon- sera l’occasion de la dernière manifestation
taires » en bonne et due forme. Encore là, le notable des associations constitutionnelles du
gouverneur a généralement tendance à Bas-Canada. Celles-ci cherchent alors à par-
accueillir ces offres avec froideur, mais, dès la ticiper au processus avant même que la
fin d’octobre, des régiments de volontaires, commission ne soit créée. Des représentants
soldés et équipés par l’armée régulière, sont de la QCA et de la MCA sont d’ailleurs à pied
désormais créés à même ces offres de volon- d’œuvre en Angleterre dès le printemps de
taires. Si, dans certains comtés peu exposés 1838. À l’arrivée du gouverneur en mai à
comme Sherbrooke ou Drummond, ces corps Québec, des délégués des associations tentent
de volontaires n’occupent qu’une fonction à nouveau d’entrer en contact avec lui. À ce
symbolique, on sait le rôle crucial qu’ils jeu, ce sont apparemment les idées plus
joueront dans Deux-Montagnes, Beauharnois, modérées de l’Association constitutionnelle de
L’Acadie et dans Missisquoi, autant à l’au- Québec qui semblent obtenir l’oreille du
tomne de 1837 qu’en 1838. Au terme des gouverneur. On peut généralement considérer
troubles, les régions compromises du côté des que certains membres influents des associa-
patriotes se voient imposer des postes de tions constitutionnelles, William Badgley,
police rurale, une force armée de surveillance Adam Thom et George Moffat en particulier,
et de maintien de la paix, souvent recrutée à joueront un rôle important dans l’élaboration
même les corps de volontaires (CHAR- du Rapport Durham et surtout dans les
TRAND, 1995 : 144). discussions qui s’ensuivront en Angleterre et
Déjà, en septembre, on avait assisté à un qui mèneront en 1840 à l’Acte d’Union.
nouveau type de rassemblements loyaux avec Dès 1839, l’union sacrée contre le radica-
des clientèles qu’on ne leur connaissait pas lisme patriote, qui avait justement donné au
jusque-là. Généralement organisées par le mouvement loyal sa cohésion et sa vitalité, est
seigneur local, un officier à l’assermentation ou à peu près dissoute. Durement prise à partie
des juges de paix demeurés fidèles, les dans le Rapport Durham, la vieille Clique du
« démonstrations de loyauté » deviennent de Château mènera encore un combat d’arrière-
plus en plus nombreuses au cours de l’automne garde pour le maintien de ses privilèges, alors
de 1837 pour atteindre des localités tradi- que les marchands les plus radicaux jettent les
tionnellement acquises au Parti patriote, mais bases du Parti conservateur en s’alliant aux
qui semblent désormais privilégier la soumis- « tories » d’Allan McNab dans le Haut-
sion et la collaboration. Il faut donc nuancer la Canada, tandis que d’autres, notamment à
ferveur apparente des participants à ces asser- Québec, désavouent maintenant le projet
mentations publiques consécutives au début d’union et rejoignent d’ex-patriotes comme
des opérations militaires. Cette ferveur — plus Denis-Benjamin Viger ou Louis-Hippolyte
apparente que réelle — est surtout le propre La Fontaine. La coalition loyale et anti-
d’une population soucieuse de s’épargner les patriote avait vécu.
50 pat r iotes et loyaux
ou joignent un comité est alors une pratique respondant à des personnes distinctes qui
courante dans les journaux. Dans la mesure participent en plusieurs occasions à des événe-
où l’exercice est réalisé d’une manière sys- ments politiques ou militaires.
tématique, il permet de suivre à la trace Il ne peut bien sûr être question de con-
l’engagement politique d’un individu, son sidérer un individu comme leader du simple
degré d’intensité et, d’une manière plus fait qu’il a été arrêté ou qu’il a signé quelques
générale, l’évolution des organisations loyales pétitions. Puisque la liste des dirigeants vise à
et patriotes. établir l’ontologie de chacun des deux mou-
De prime abord, les partisans loyaux sem- vements selon des critères constants, déclarés
blent mieux mobilisés. Il faut cependant tenir et falsifiables, un individu a donc d’abord été
compte que 10 449 de leurs actions ne sont retenu en considérant l’importance, l’ampleur
que de simples signatures au bas d’une péti- et la diversité de sa contribution à sa famille
tion ou d’une adresse diffusée par les jour- politique. On a aussi tenu compte du degré de
naux (62,6 %), alors que de telles signatures leadership dont il a pu faire preuve au sein de
ne représentent que 3 444 actions indivi- sa communauté locale, en raison de l’impor-
duelles patriotes (31,6 %). Restent 6 236 tance des rôles qu’il occupe, de sa profession,
actions chez les loyaux et 7 443 actions chez du prestige de ses charges publiques ou de son
les patriotes où des individus participent niveau d’enracinement dans la région.
physiquement à des activités de mobilisation Pour les leaders patriotes, on a d’abord
entre 1834 et 1837. À cela, il faut ensuite ajou- considéré qu’un individu devait nécessaire-
ter ceux qui, quoique absents des activités de ment avoir joué au moins trois rôles lors d’au
mobilisation, se distingueront durant la phase moins deux activités clairement associées au
militaire de la crise, en particulier à titre de mouvement patriote entre le 1er janvier 1834
« rebelle » du côté patriote ou de milicien et le 10 novembre 1838 et dans un comté
volontaire du côté loyal. Les sources les plus particulier. Deuxièmement, en au moins une
utiles furent les dépositions judiciaires, les de ces occasions, il doit avoir tenu un rôle de
rapports de police, les listes de prisonniers et direction, que ce soit à titre de président ou
les « rôles » de la milice volontaire lors des de vice-président d’assemblée, de membre
rébellions de 1837-1838. d’un comité, d’organisateur, ou à un rôle de
Ce qu’il importe évidemment de savoir, c’est commandement sur les champs de bataille.
par combien d’individus distincts ces actions Nous avons par ailleurs considéré certaines
furent posées ? Il demeure difficile de l’évaluer variables pouvant nuancer l’évaluation de
avec précision tant les procès-verbaux d’ac- chaque cas. On s’est donc demandé si la par-
tivités sont parfois sommaires, n’offrant par- ticipation d’un individu est bien distribuée
fois que le nom de famille d’un participant. dans le temps ; s’il possède certains titres de
Reste que 3 123 noms chez les patriotes et notabilité (écuyer, notaire public, médecin,
2 838 noms chez les loyaux ne se retrouvent député, officier de milice, juge de paix ou
qu’une fois. Une fois certains recoupements marguillier) le rendant plus à même de jouer
effectués au terme d’une procédure uniforme, un rôle effectif dans sa communauté ; s’il
on retrouve plus ou moins 544 noms chez les semble s’être livré à des activités partisanes
loyaux, et 783 noms chez les patriotes cor- hors de son comté d’origine, que ce soit à titre
52 pat r iotes et loyaux
de délégué, de conférencier ou d’invité ; enfin, Nos critères de sélection nous ont donc
s’il a été fait prisonnier lors du premier ou du permis de constituer la liste crédible des véri-
second soulèvement ou si sa présence sur les tables leaders politiques du Bas-Canada entre
champs de bataille est confirmée. Mention- 1834 et 1837. Dans la mesure où il s’appuie
nons ici cependant qu’une simple capture ne sur un corpus plus complet et sur des pro-
fait pas forcément d’un individu un leader cédures falsifiables, cet inventaire complète
patriote puisque les arrestations furent sou- ceux de Fauteux (1950), Bernard (1983),
vent réalisées sans grand discernement sur Fortin (1988) et plus récemment Messier
tout individu se trouvant à proximité d’un site (2002). Notre principale contribution est
d’affrontement, par exemple. cependant d’avoir tenu compte autant des
Le mode de désignation des leaders loyaux chefs de la coalition loyale que des meneurs
est sensiblement le même. Un leader loyal a du côté patriote. Puisque les sources utilisées
nécessairement joué au moins trois rôles lors et que les procédures de validation appliquées
d’au moins deux activités clairement associées furent les mêmes pour les deux groupes, on
au mouvement loyal ou constitutionnel entre peut donc raisonnablement appliquer la
le 1er janvier 1834 et le 23 novembre 1837, même marge d’erreur à notre connaissance de
dans un comté précis, et en au moins une la réalité de chacun des deux mouvements. On
occasion à une fonction de direction. Comme est ainsi à même de procéder au premier exa-
pour les patriotes, on a ensuite évalué son men moderne de l’un et l’autre camp et de se
degré de notabilité et vérifié s’il fut membre livrer à certaines comparaisons.
d’une organisation proche du mouvement Restaient auparavant deux problèmes plu-
loyal (une société nationale, par exemple), s’il tôt mineurs que nous croyons avoir pu cir-
a obtenu une commission judiciaire à compter convenir. Le premier concerne les leaders
de l’été 1837 ou s’il s’est porté volontaire en patriotes dont le rayonnement politique est
1837 ou en 1838. loin de se limiter à un seul comté, et le second
À partir de ces critères, on obtient, du côté porte sur les individus, généralement associés
loyal, 193 individus provenant de 25 régions aux loyaux, dont l’orientation politique
et, du côté patriote, 310 individus provenant demeure floue ou changeante.
de 27 régions. Dans les deux cas, ces individus Alors que les leaders loyaux sont plus inti-
se démarquent assez clairement sur le plan mement associés à leur localité, on retrouve à
statistique. Les leaders loyaux ont en moyenne la tête du mouvement patriote un petit groupe
posé huit actions politiques avérées (bien que d’animateurs très enclins à prononcer des
le mode ne soit que de quatre actions), seuls discours et à soutenir la mobilisation en
11 % ont été actifs hors de leur comté et 23 % dehors de leur comté, en particulier dans des
se retrouvent sur la liste de corps de volon- comtés où le parti cherche à faire des gains.
taires en 1837 ou 1838. Quant aux leaders Ce sont essentiellement les députés Édouard-
patriotes, ils ont en moyenne participé à sept Étienne Rodier, Edmund Bailey O’Callaghan,
activités, 21 % se retrouvent à des activités Côme-Séraphin Cherrier, Charles-Ovide
partisanes hors de leur comté et 37 % ont été Perrault, Augustin-Norbert Morin et, bien sûr,
impliqués dans des actes illégaux à compter de Louis-Joseph Papineau. Papineau, en
de novembre 1837. particulier, déploie une énergie peu commune
introduct ion 53
xixe siècle. Quant aux Irlandais, ils arrivent en 1790 et 1831, Québec et Montréal passent
nombre croissant à compter de 1815. Québec respectivement de 18 000 à 27 297 habitants et
est alors la grande porte d’entrée de l’Amé- de 14 000 à 27 562 habitants. Québec est alors
rique britannique, même si les immigrants qui peuplée d’environ 40 % d’anglophones tandis
y débarquent décident de moins en moins de que Montréal est déjà une ville à majorité
s’établir au Bas-Canada, se dirigeant de pré- anglophone et le demeurera jusqu’en 1865. Le
férence vers les États-Unis et le Haut-Canada. poids économique de cette communauté lui
On ne sera pas non plus surpris de cons- permet encore d’accroître le rayonnement de
tater que l’origine ethnique demeure le plus la culture anglaise puisque les deux tiers des
sûr moyen de distinguer un leader patriote journaux, la plupart des théâtres et la seule
d’un leader loyal. Comme on le voit, le leader- université de la colonie sont anglophones. La
ship loyal reste dans l’ensemble une affaire surprise serait en fait que la différence n’est
d’Anglo-Saxons, Anglais, Écossais, Irlandais et pas si grande, tant une certaine historiographie
ressortissants américains représentant 153 des nous a habitué à l’image d’un mouvement
193 leaders loyaux, soit près de 80 %. La caté- patriote essentiellement rural et à celle d’un
gorie autre ne regroupe quant à elle qu’une mouvement loyal confiné aux villes. On
poignée de Français, d’Italiens, de Suisses, de découvrira en fait plus loin que le mouvement
Polonais et de Juifs issus de Grande-Bretagne loyal a de profondes racines dans bon nombre
et surtout intégrés au mouvement loyal. Du de régions rurales, et pas seulement dans celles
côté patriote, certains historiens ont insisté qui sont peuplées d’anglophones, et qu’à
sur la place des anglophones à la tête du mou- l’inverse le mouvement patriote est pour
vement patriote, comme si « la dimension l’essentiel animé par des organisations nées à
socioéconomique dicte certaines orientations Montréal. Reste que l’intense activité des deux
qui transgressent le clivage ethnique » (BER- principales associations constitutionnelles de
NIER, 1982 : 213-214 ; MUZZO, 1990 : 62). la colonie et la prépondérance des grands mar-
Cette hypothèse peut en partie être confirmée chands coloniaux renforcent la position de
quand on ne considère que la tête du Parti Montréal et de Québec au sein du leadership
patriote et que les villes de Québec et de loyal (SAINT-YVES, 1982 : 68 ; GENTILCORE,
Montréal où se retrouvent quand même près 1993 : 54).
du tiers (31,91 %) des leaders patriotes dont Dès le xviie siècle, la géographie et la divi-
les parents ne sont pas nés au Canada. sion des terres en seigneuries avaient cloué le
Ailleurs, ce constat ne se vérifie nullement. peuplement français aux rives du fleuve Saint-
Dans l’ensemble, seuls 48 leaders patriotes Laurent, dans ce que nous appelons les comtés
sur 310, soit 15,5 %, ne sont pas Canadiens ruraux. En 1837, ce peuplement s’est étendu
français. Cette représentation respecte quand aux rives de L’Assomption, de la Yamaska, de
même en gros la part de chacun des groupes la Chaudière et du Richelieu. Sous l’effet de la
dans la société bas-canadienne, en tout cas poussée démographique, la colonisation
bien mieux que chez les loyaux. agricole a tendance, de proche en proche, à
Pas de surprise enfin à constater que les s’enfoncer vers l’intérieur jusqu’aux contre-
villes comptent en proportion davantage de forts des Appalaches et du Bouclier canadien.
leaders loyaux que de leaders patriotes. Entre Sur les marches de ce domaine seigneurial,
introduct ion 55
TABLEAU 5
Professions des leaders loyaux et patriotes selon l’origine ethnique
sorte d’éducation citoyenne et, souvent, choi- Moins nombreux, mais autrement plus
sissent leur future famille politique. L’inven- puissants, les grands marchands semblent en
taire des biens de ces professionnels révèle revanche acquis au mouvement loyal. Le grand
aussi qu’ils bénéficient déjà à l’époque d’un commerce est d’abord associé à ces Écossais et
niveau de vie bien supérieur à celui de la ces Anglais arrivés dès après la Conquête et
majorité de la population constituée d’artisans enrichis par le commerce des fourrures puis
et de paysans. Leur participation au réseau de par celui du bois. Les liens familiaux, ethniques
crédit et l’accès à des connaissances et à un et religieux occupent une place importante
savoir leur confèrent enfin une position privi- pour cette petite communauté d’expatriés. Dès
légiée dans la société que certains tentent de la seconde génération, leurs fils sont bien établis
consacrer par un siège à l’Assemblée législative et diversifient leurs activités dans le transport
(VACHON, 1962 : 70-73, 85 ; HARDY et fluvial, les banques et la spéculation foncière.
RUDDEL, 2001 : 1 ; PAQUET WALLOT, 1973 : Sous le titre d’entrepreneurs sont ici regroupés
116-119 ; LAFORTUNE, 1998, 123). les hommes d’affaires qui, en marge du grand
En termes absolus, les marchands sont plus commerce, se consacrent d’abord à des activités
nombreux à joindre les rangs patriotes. Leur immobilières, financières ou industrielles dont
importance vient surtout de la profonde col- l’envergure dépasse le cadre de la boutique ou
lusion de toute l’élite locale de bon nombre de l’échoppe. On y a placé les banquiers, les
de villages derrière la bannière patriote. Pen- armateurs, les agents de colonisation et les
sons à Saint-Hyacinthe par exemple, à Saint- spéculateurs fonciers, de même que ceux se
Charles ou à Verchères. On constatera d’ail- définissant par la qualité de bourgeois. Ils sont
leurs que ces marchands associés au mou- généralement acquis à la coalition loyale et
vement patriote mènent surtout des affaires habitent plutôt les villes et les principaux
au niveau local, qu’ils visent principalement la bourgs.
clientèle des agriculteurs francophones et Les artisans et les gens de métier sont à peu
qu’ils sont socialement très proches des pro- près équitablement répartis entre les deux
fessionnels ruraux. mouvements. On y a placé ceux exerçant un
introduct ion 57
métier, le plus souvent à titre d’artisans mem- breux surtout parmi les patriotes où ils sont
bres d’une corporation, travailleurs engagés quand même loin de représenter la part qu’ils
dans une entreprise de transformation ou de occupent dans la population. Clairement cela
services dont la taille est modeste. On y ren- est moins attribuable au souci démocratique
contre notamment des apothicaires, artistes ou représentatif du mouvement patriote qu’au
peintres, commis, aubergistes, cordonniers, fait tout simplement que les patriotes soient
forgerons, huissiers, imprimeurs, instituteurs, mieux que leurs adversaires implantés dans les
journalistes, libraires, maçons, meuniers, campagnes. Les habitants sont d’ailleurs peu
navigateurs et tailleurs. considérés à cette époque, en particulier par
D’un côté comme de l’autre, les seigneurs les citadins. Ils sont plus ou moins à l’aise
sont peu nombreux à s’engager politiquement. selon leur proximité avec les voies de com-
Rappelons qu’après la Conquête les Britanni- munication, les écarts de richesse demeurant
ques ont reconnu leurs droits de propriété faibles dans les campagnes où la tenure sei-
mais ont aboli leurs pouvoirs juridiques, gneuriale contribue à freiner la concentration
désormais confiés à des juges de paix. C’est de la propriété et possède, comme on l’écrit
que des Britanniques, attirés par le prestige en 1832, l’immense mérite de procurer de la
aristocratique et des récoltes alors abondantes, terre à bon marché. L’habitant embauche à
achètent eux-mêmes des seigneuries et béné- l’occasion des journaliers, main-d’œuvre
ficient de ce système. Ces seigneurs britan- encore plus démunie et très mobile, compo-
niques ne sont pas forcément mal vus par les sée surtout d’hommes célibataires et qu’on
habitants qui les associent plutôt à de riches retrouve tantôt dans les villes, tantôt dans les
investisseurs en mesure de stimuler l’éco- chantiers forestiers, tantôt travaillant à gages
nomie locale. Le prestige et le pouvoir éco- pour les cultivateurs.
nomique des seigneurs sont en revanche en La crise de l’agriculture et du régime sei-
constant déclin depuis la fin du xviiie siècle. gneurial est une donnée essentielle : épuise-
À mesure que baissent les rendements et que ment des sols, appauvrissement des paysans,
le commerce du bois supplante l’agriculture élévation des droits seigneuriaux, poli-
dans l’économie, les seigneurs voient dimi- tique restrictive des seigneurs en matière de
nuer le rendement tiré de la rente et tentent concession des terres, ventes détournées,
de la majorer. confiscations, relèvement des cens et sur-
Les fonctionnaires, soit la petite élite de valeur des hypothèques. Le taux annuel
l’administration coloniale, ainsi que quelques moyen de natalité élevé, de l’ordre de 48,5
militaires incorporés à l’armée régulière, se naissances pour mille habitants, fait aussi en
retrouvent dans une situation semblable à celle sorte que la population croît deux fois plus
des seigneurs. Voyant leur prestige menacé par rapidement que l’ouverture de nouvelles
la refonte des cadres de l’État colonial tradi- terres, accélérant du coup le phénomène de
tionnel, ils choisissent plutôt en général de division des terres et de baisse des rendements.
s’associer à la coalition loyale, soit par réflexe Enfin, si les moissons de 1824, 1830 et 1831
conservateur, soit par conformisme ethnique. permettent encore l’exportation de surplus de
Les cultivateurs — métayers, fermiers et blé et de farine, « en 1832, la production de
censitaires ou franc-tenanciers — sont nom- blé s’effondre à jamais […] conséquence de
58 pat r iotes et loyaux
deux siècles de mauvaises pratiques et l’abou- durement affectée par le passage à la domina-
tissement de trente années de déclin » tion britannique, notamment parce qu’elle est
(LAHAISE, 1999 : 125 ; SAINT-YVES, 1982 : désormais coupée de ses sources de recrute-
69). Le blé, qui représentait 73 % de la produc- ment en France. Les bases de la coopération
tion agricole au xviiie siècle, n’en représente avec l’occupant sont cependant vite posées,
plus que 20 % en 1831. notamment en 1774 quand l’Acte de Québec
Les colons des townships tentent eux de abolit le serment du Test et reconnaît plei-
pratiquer une agriculture plus sensible aux nement la religion catholique et le droit du
innovations techniques et orientée vers les clergé à percevoir la dîme. Une crise se produit
marchés urbains. Si l’on compare la produc- cependant sous l’administration Craig et lors
tivité des cantons à celles des seigneuries pour du projet d’union de 1822, alors que l’épis-
l’année 1831, on constate que le rendement copat catholique, solidaire dans ce cas avec les
moyen dépasse 14 minots par arpent dans députés canadiens, affronte l’administration
31,7 % des exploitations des townships, contre coloniale notamment à propos du mode d’at-
5 % seulement dans les vieilles paroisses tribution des cures et des privilèges conférés à
seigneuriales. Cette prospérité des townships l’anglais et à l’Église anglicane dans l’ensei-
est cependant aussi attribuable au fait qu’il gnement public.
s’agit de terres récemment mises en culture et Plus préoccupante cependant est la crise des
demeure de toute façon entravée par l’absence effectifs que traverse le clergé séculier. « Déjà
d’infrastructure, par les coûts de transport insuffisants au temps des Français, les effectifs
élevés et par une dépendance aussi grande du clergé catholique diminuent jusqu’en
qu’ailleurs envers l’agriculture de subsistance. 1838. » Si bien qu’on dénombre 323 prêtres en
La dimension religieuse sera peu tenue en 1837 pour une population qui frôle 500 000
compte dans cet ouvrage parce qu’elle laïcs. Des paroisses grandes comme des dio-
implique une analyse plus approfondie de la cèses sont confiées au soin d’un seul homme »
société bas-canadienne. Étant donné la place (VOISINE, II : 34). Parmi les prêtres en service,
que les institutions religieuses jouent de bien plusieurs sont vieillis et fatigués, alors que
des manières dans la vie sociale et culturelle d’autres sont épuisés à la fleur de l’âge, que la
des individus étudiés ici, il est cependant utile, pratique religieuse diminue et que le clergé doit
avant de conclure, de rappeler quelques don- en même temps lutter contre la menace pro-
nées de base. testante. La formation des nouveaux clercs est
Une fois répartis, les catholiques représen- insuffisante. « De 1766 à 1836 inclusivement,
tent en 1831 approximativement 85 % des 553 109 candidats à la prêtrise abandonnèrent, plus
134 habitants du Bas-Canada, les fidèles de de la moitié, à partir de 1820 […]. Le manque
l’Église d’Angleterre, environ 7 %, et ceux de de prêtre et le peu d’exigences intellectuelles
l’Église presbytérienne d’Écosse et de confes- pouvaient ouvrir la voie à du sacerdoce à des
sion méthodiste un peu plus de 3 % chacune individus de tout acabit» (LEMIEUX, 1989 : 64,
(SAINT-YVES, 1982 : 69). La foi catholique est 113 ; VOISINE, II : 34).
déjà, sous le Régime français, considérée Entre-temps, les rapports entre les autorités
comme une caractéristique intrinsèque du coloniales et l’Église s’améliorent progressi-
peuple canadien-français. L’Église est donc vement. En 1818, Mgr Plessis est civilement
introduct ion 59
reconnu à titre d’évêque catholique de Québec, mal la fabrique et décident d’assister aux
en 1824, l’Église reçoit le pouvoir de fonder des assemblées pour y surveiller les décisions du
écoles par la loi des écoles de fabrique et, en curé et des marguilliers. À Contrecœur en 1826,
1836, le diocèse de Montréal est finalement créé les habitants refusent que leur argent serve aux
avec à sa tête le dynamique Jean-Jacques dépenses de l’église et du presbytère, etc.
Lartigue. À l’approche des troubles de 1837- (REMIGGI, 1998 : 92 ; GREER, 1997 : 66 ;
1838, l’Église a déjà affirmé son allégeance COURVILLE, 2001 : 84-85 ; LEMIEUX, 1989 :
envers le gouvernement en place et condamne 13, 43, 141 ; VOISINE, II : 20 ; CHABOT, 1975 :
maintenant les rebelles. Au mois d’août 1837, 81-82).
Mgr Lartigue dénonce publiquement la dérive Depuis le xvie siècle, l’Église anglicane ou
révolutionnaire du mouvement patriote. Le l’Église officielle d’Angleterre reprend essen-
24 octobre suivant, dans un premier man- tiellement les grands points de la théologie
dement, il rappelle aux catholiques leur devoir chrétienne, mais en plaçant le souverain
d’obéissance envers les institutions en place. En anglais à la tête de la hiérarchie religieuse. Les
janvier, un second mandement, plus dur premiers anglicans qui arrivent au Canada en
encore, rejette de l’Église tout ceux qui ont pris 1759 sont surtout des aumôniers au service
les armes contre l’autorité légitime (LEMIEUX, des forces armées anglaises. Par la Proclama-
1968 : 191, 438 ; OUELLET, 1980 : 263-64 ; tion royale de 1763, l’Angleterre annonce son
COURVILLE, 2001 : 83 ; PLANTE, 1970 : 54). intention d’établir l’Église officielle « en prin-
À l’échelle locale, la paroisse est une struc- cipe et en pratique » . Peu d’engagements con-
ture d’encadrement autant civile, militaire que crets sont cependant pris par la métropole
religieuse. La paroisse est gérée par le conseil pour convertir la population catholique dont
ou l’assemblée de la fabrique présidé par le curé les prérogatives sont d’ailleurs confirmées par
assisté des marguilliers. Le conseil sert surtout l’Acte de Québec. La Révolution américaine
à désigner les marguilliers, à déposer le compte amène au Canada davantage d’adhérents
des dépenses, à voir à l’entretien des édifices anglicans et surtout un certain nombre de
religieux et du cimetière. Les revenus de la membres de religions non conformistes,
fabrique proviennent de la location des bancs méthodistes notamment, forçant le gouver-
d’église, des contributions volontaires des nement colonial à prendre plus clairement
paroissiens, d’une portion des frais exigés des position sur le plan religieux (DUPUY, 1984 :
mariages, enterrements et d’amendes. Le 148 ; RUDIN, 1986 : 103).
conseil paroissial peut, à l’occasion, devenir un L’Acte constitutionnel est donc explicite à
terrain de lutte entre le curé et les partisans propos des dispositions relatives à l’aide pro-
patriotes, en particulier en 1830 quand la loi mise à l’Église d’Angleterre à qui on octroie
des fabriques tente de donner l’accès au Conseil un septième des terres dans les nouveaux can-
pour des laïcs et de permettre de vérifier l’état tons soit, officiellement, 3 000 000 d’acres
des dépenses de la fabrique. À Longueuil, le dans le Haut-Canada et 900 000 acres dans le
leader patriote Thimothée Kimber se fait Bas-Canada dont le produit de la vente doit
d’abord connaître par ses luttes épiques contre servir à l’entretien de missions anglicanes. En
le clergé local. À Sainte-Geneviève-de-Batiscan, 1793, Jacob Mountain prend la tête du nou-
les paroissiens trouvent que le curé administre veau diocèse anglican de Québec et joue vite
60 pat r iotes et loyaux
un rôle politique notable au sein du Conseil essentiels avant d’aborder la revue comté par
législatif (1795), puis du Conseil exécutif comté de la mobilisation patriote et loyale. On
(1796). Même si, en 1812, son clergé ne verra dans un premier temps la situation telle
compte toujours que 15 prêtres, Mountain qu’elle se présente dans les villes de Québec
entend donner la prépondérance aux prin- et de Montréal, d’ailleurs en général les
cipes anglicans dans la colonie. Il affronte initiatrices des mots d’ordre ensuite repris
donc régulièrement ses vis-à-vis catholiques : dans les comtés ruraux. La seconde partie sur
Mgr Denault, puis Mgr Plessis, et instaure en la Confédération des Six-Comtés permettra en
1801 le tout premier système public d’ensei- particulier d’étudier le modèle classique de
gnement, la Royal Institution for the Advan- l’organisation patriote dans les comtés ruraux
cement of Learning, qui privilégie l’enseigne- les mieux mobilisés. Les comtés martyrs de
ment en anglais et des dogmes anglicans Laprairie et de Beauharnois offrent ensuite
(GREGG, 1885 : 408 ; WALLOT, 1973 : 196 ; l’exemple d’une région assez peu mobilisée
RUDIN, 1986 : 106). durant la phase politique, mais où des évé-
Contrairement à la situation vécue au nements à la fois importants et tragiques se
Haut-Canada, les privilèges conférés à l’Église dérouleront durant les rébellions. Réunis sous
anglicane suscitent cependant peu de passion le titre des « Républiques du Nord », les trois
au Bas-Canada où la prépondérance de comtés du nord de Montréal sont générale-
l’Église catholique et la modestie de leurs ment acquis au mouvement patriote. Ils
propriétés foncières dans la colonie atténuent offrent cependant des exemples percutants de
notablement l’emprise des anglicans sur le l’importance des enjeux régionaux et du
pouvoir. Par ailleurs, la docilité relative de caractère dialectique du double soulèvement
l’Église méthodisme bas-canadienne et les loyal et patriote. Dans la partie suivante, on
tiraillements théologiques qui assaillent alors abordera la dizaine de comtés qui jalonnent le
l’Église presbytérienne ne militent pas non fleuve en aval de Montréal, massivement
plus en faveur de déchirement à l’intérieur de peuplés de francophones et pourtant particu-
la famille protestante, d’ailleurs généralement lièrement amorphes sur le plan politique.
convaincue que la menace vient d’abord Enfin, une dernière partie consacrée aux six
des catholiques (RUDIN, 1986 : 104-108 ; comtés du sud-est de la province, peuplés
GREEG, 1885 : 149 ; BRIDGMAN, 1985 : 710 ; d’anglophones et découpés en townships, nous
FRENCH, 1977 : 828). permettra en particulier d’observer la forme
Ce long chapitre visait pour l’essentiel à classique des organisations loyales dans le
poser certains éléments de connaissance milieu rural.
introduct ion 61
du Canada, où converge le bois glané le long instable et peu sûre, étroitement surveillée par
des affluents du Saint-Laurent et destiné à les autorités policières et militaires. Québec
l’Angleterre et où débarquent depuis 1815 des offre un portait socio-ethnique particulière-
milliers d’immigrants irlandais et britan- ment complexe. Les habitants de Québec
niques. La basse-ville de Québec bourdonne originaires d’Écosse et d’Angleterre sont envi-
alors au rythme de l’Empire britannique. En ron 10 000. En y ajoutant la population irlan-
1837, environ 2 800 employés travaillent aussi daise, la proportion d’anglophones oscille
dans les chantiers navals de la région, ce qui autour de 40 % en 1837. Ce clivage linguis-
en fait la grande industrie du temps. Con- tique se double d’un clivage social, puisque les
trairement à Montréal cependant, Québec Britanniques sont plutôt fortunés, habitent la
souffre de l’étroitesse de la plaine alluviale au haute-ville et au pied du cap Diamant, tandis
sud comme au nord et du manque de voies de qu’Irlandais et Canadiens français vivent
communication terrestre. Québec est donc plutôt dans les faubourgs mal famés de Saint-
davantage coupée de son hinterland agricole, Jean et de Saint-Roch, à proximité des quais
toute entière tournée vers son commerce et des chantiers navals.
extérieur (CAMU, 1996 : 177 ; LACELLE,
1979 : 3 ; HARE, 1971 : 193). La coalition loyale de Québec
Entre 1818 et 1851, la population de la ville Bien qu’il soit structuré et très bien intégré
triple, passant de 15 839 à 45 940, dont plus aux cercles du pouvoir, le mouvement loyal de
ou moins 3 000 matelots qui séjournent à Québec demeure le fruit d’une coalition.
bord des navires amarrés. L’immigration Comme on le verra, l’adoption des 92 Réso-
atteint alors des sommets. Si le nombre total lutions et surtout le balayage électoral
d’immigrants n’avait pas atteint 70 000 entre patriote, qui raye les loyaux de la carte poli-
1815 et 1825, il croît rapidement par la suite. tique de Québec en novembre 1834, forcent
En 1828, 12 000 immigrants débarquent à ces derniers à quelques constats. On réalise
Québec, 26 000 en 1829, 30 000 en 1830, premièrement que le péril patriote et la
50 000 en 1831 et 60 000 en 1832, l’année du menace d’une domination politique des
grand choléra. Leur nombre se stabilise Canadiens français sont plus présents que
ensuite, fléchit momentanément en 1837 et jamais, impression qui sera renforcée en 1835
1838, puis se remet à croître à compter de et 1836, quand lord Gosford entreprend de
1842. Québec reçoit ainsi, bon an mal an, courtiser certains patriotes de Québec.
l’équivalent de toute sa population en immi- Deuxièmement, on constate désormais qu’il
grants. Même si presque tous se dispersent à n’y a plus rien à attendre d’une joute élec-
travers l’Amérique, le coût initial que repré- torale, tant le Parti patriote et son chef cha-
sente l’accueil et l’hébergement de cette popu- rismatique semblent contrôler une pluralité
lation est important pour la communauté. En des voix, élection après élection. Les loyaux
1851, le nombre de ressortissants irlandais réalisent troisièmement l’importance de
habitant Québec est de 9 120, soit 20 % de la regrouper tous les adversaires des patriotes
population. À l’époque des troubles, ces afin d’offrir à la métropole l’impression d’un
immigrants dépenaillés, ajoutés aux turbu- parti tory uni et puissant. Enfin, les loyaux
lents matelots, forment une population concluent qu’il est devenu essentiel de
les v il les 69
modifier en profondeur les règles du jeu société anglaise du temps, permettant à l’État
politique au Bas-Canada afin que les loyaux d’offrir des débouchés lucratifs aux cadets des
sujets puissent y reprendre l’initiative. Que ce familles nobles. Cette filière fort ancienne
soit en haussant le cens électoral ou en existait déjà avant la révolution américaine
unissant le Haut et le Bas-Canada, on est de dans ce qu’on a appelé « the Old Colonial
toute façon conscient de la nécessité d’abro- System ». À Québec, on a fini par donner le
ger l’Acte constitutionnel de 1791 et de réfor- nom de « Clique du Château », de « gens à
mer les institutions politiques de la province. place » ou plus souvent de « bureaucrates » à
Pour toutes ces raisons, les loyaux se tour- ces individus, généralement issus de l’élite
nent donc entre 1834 et 1837 vers une forme coloniale fraîchement et débarqués d’Angle-
d’organisation misant sur la cohérence et terre ou des Loyalistes de 1783. Souvent juges,
l’efficacité, plutôt que sur la visibilité et la procureurs ou même solliciteur général, ces
popularité, en marge de la joute électorale et individus sont en soi tenus au devoir de
des règles démocratiques. Le parti tory ou réserve sur le plan politique. Une longue
« bureaucrate » va donc se muer après les élec- tradition inaugurée sous Craig et jalonnée de
tions de 1834 en un lobby destiné à exercer bureaucrates notoires comme John Caldwell
une pression sur le gouvernement par tous les et Jonathan Sewell fit cependant que fort peu
moyens à sa disposition. Il se détourne du jeu de membres de la « Clique » ont eu des scru-
électoral pour plutôt agir directement auprès pules à s’engager dans l’arène politique et à y
des fonctionnaires et des ministres. Troquer la combattre les patriotes.
proie pour l’ombre en somme, en escomptant La coalition loyale de Québec est aussi
de la sorte être plus efficace et constituer une formée de la puissante classe des marchands
issue crédible une fois écartée la menace coloniaux. Québec est, durant les années 1830,
patriote. une des plaques tournantes du commerce
À Québec, la coalition loyale s’appuie géné- impérial et des fortunes colossales se sont
ralement sur trois groupes sociaux, tous, à des constituées en particulier depuis que le blocus
degrés variables, adversaires des idées napoléonien a forcé la Grande-Bretagne à offrir
patriotes, mais qui ont a priori peu de choses un tarif préférentiel pour le bois venant du
en commun. On retrouve d’abord une série Canada. Toute une classe de grands et de petits
de hauts fonctionnaires, généralement de for- marchands de Québec, qui perçoit son avenir à
mation juridique, mêlés de toutes sortes de l’intérieur de l’Empire britannique, voit donc
manières à l’administration coloniale. Ils d’un mauvais œil l’établissement d’un Bas-
bénéficient de ce qu’on appelle des « siné- Canada plus indépendant.
cures, » terme à l’origine neutre qui désigne Le dernier groupe est formé de profession-
des emplois prestigieux et bien rémunérés nels et d’intellectuels. Il est en quelque sorte le
mais qui ne requièrent ni compétence ni ciment de cette coalition loyale et lui donne sa
effort particulier à son détenteur. Les sinécures légitimité politique. Les avocats Neilson, Stuart
sont particulièrement nombreuses dans et Aylwin appartiennent en fait bien plus au
l’administration coloniale britannique et ver- monde des Papineau et Parent qu’à celui des
tement dénoncées par les patriotes. Elles Forsyth ou Sewell. Leur rupture avec les réfor-
jouent en fait un rôle important dans la mistes est d’ailleurs momentanée. Andrew
70 pat r iotes et loyaux
1839, voyant comme eux dans l’Union de Imprimeur au journal de son père, Samuel
1840 un acte despotique, ne respectant pas Neilson est naturellement engagé dans son
l’équilibre entre la loi et l’ordre d’un côté et le sillage politique. Alors que John fut longtemps
principe démocratique de l’autre. De 1834 à lié aux réformistes canadiens, la loyauté de
1837, Neilson est donc un adversaire des Samuel ne semble jamais avoir fait de doute.
patriotes qui le lui rendent bien. Brièvement membre du conseil exécutif de la
John Neilson, c’est d’abord et avant tout la QCA à la fin de 1835, il est toutefois défait à
Quebec Gazette, véritable institution fondée en ce poste convoité à l’automne de 1836 (QM
1764 et qui semble toujours s’être gardé des 10-12-1835). Il faut dire que Samuel est déjà
extrêmes. En 1796, à 20 ans, Neilson entre gravement malade. Il quitte le Canada dès la
officiellement dans ses fonctions d’éditeur. Le fin de l’année et meurt à New York, le 16 jan-
journal suit dès lors les méandres de la pensée vier 1837. À la tête de La Gazette, Neilson avait
politique de son propriétaire. À compter de également formé l’imprimeur et rédacteur
1812, La Gazette prend timidement position John Charlton Fisher. En 1831, l’homme
pour la défense des libertés populaires. En d’affaires Thomas Cary confie à Fisher la salle
1818, Neilson est élu député du comté de de presse de l’autre journal anglophone de
Québec et se rapproche des Viger, Cuvillier et Québec : The Quebec Mercury. Le Mercury est
surtout de Papineau. En 1822, il cède à son alors reconnu pour sa francophobie et ses
fils Samuel et à William Cowan la direction attaques cinglantes contre le « Parti canadien ».
du journal pour se donner les coudées Sans changer l’orientation politique du jour-
franches sur le plan politique. Quand La nal, Fisher en fait un organe plus modéré et
Gazette de Québec perd le lucratif titre d’im- plus respectable, aligné en somme sur La
primeur de la reine, Neilson n’hésite plus à Gazette de Neilson (BONVILLE, 1995 : 59 ;
dénoncer le gouvernement. « La Gazette
reprend ainsi la croisade entreprise depuis Samuel Neilson (1800-1837) Né à Québec, de John Neilson
trente ans contre les abus et contre ceux qui et de Marie-Ursule Hubert. Il a reçu une solide instruction,
cherchaient à les perpétuer. En agissant de la puis voyage trois ans en Europe où il reçoit son diplôme de
maître ès arts en 1819. Dès son retour à Québec, il com-
sorte, la Gazette avait gagné de profondes mence à travailler à La Gazette de Québec de son père. Le
sympathies des Canadiens français » (GUÉ- travail au journal occupe énormément Neilson, cependant
que son père s’occupe de politique.
RIN, 1864 : 45). Au début des années 1830, la
nouvelle génération de réformistes radicaux
John Charlton Fisher (1794-1849) Né à Carlisle, Angle-
reproche à La Gazette de ne plus être aussi terre, où il avait épousé Elinor Isabella Auchmuty. Après de
incisive. C’est que Neilson se détache de plus brillantes études en droit, il s’installe à New York en 1822.
en plus de Papineau. La rupture est consom- À l’été 1823, il accepte l’offre des autorités du Bas-Canada
et part à Québec afin d’y occuper le poste d’éditeur de La
mée lors de l’adoption des 92 Résolutions, Gazette de Québec. À partir de 1826, il se voit aussi octroyer
vivement combattues par Neilson. La Gazette la fonction d’imprimeur du roi. Au cours des années 1830,
il travaille de plus comme journaliste au Quebec Mercury et
prend dès lors clairement clairement position se joint au mouvement loyal. Le 24 novembre 1837, il se
contre les patriotes. Battu aux élections de porte volontaire à Québec. Il siège en 1838 à titre de greffier
1834, John Neilson, alors âgé de près de puis de secrétaire de la Commission d’enquête sur les pertes
subies pendant la rébellion de 1837-1838. Il est plus tard
soixante ans, revient à la rédaction du journal président de la Société littéraire et historique de Québec et
(BONVILLE, 1995 : 176). de l’Association de la bibliothèque de Québec.
72 pat r iotes et loyaux
DUFEBVRE, 1953 : 269). Le Mercury conserve opposer les « résolutionnistes », fidèles à Papi-
cependant sa réputation de feuille à scandale, neau, à d’ex-patriotes désormais clairement
en particulier dans ses démêlés avec Le Cana- opposés au parti et aux 92 Résolutions. Dans
dien entre 1831 et 1834. Le journal fait aussi la haute-ville de Québec, où Andrew Stuart
beaucoup plus ouvertement que La Gazette la est candidat, on tient coup sur coup quatre
promotion de l’union des deux Canadas, y assemblées électorales du 16 au 28 octobre.
voyant le seul moyen de se débarrasser du Elles visent surtout à motiver l’électorat tory
populisme démagogique des patriotes. durant la période de votation. Ceux qui parti-
Neilson fait donc nommer Fisher à presque cipent à ces assemblées électorales semblent
tous les comités dès la fondation de l’asso- différents de ceux qu’on retrouvera aux ras-
ciation loyale. Dès lors, les deux journaux semblements constitutionnels. Le ton y est
anglophones de Québec se retrouvent soli- tout de même déjà virulent : « Britons,
daires dans leur combat, en même temps que remember England expects every man to do
leurs rédacteurs respectifs siègent à l’exécutif his duty. » Une nouvelle assemblée prévue
de l’association constitutionnelle (QM 07-05- pour le 4 novembre est annulée. On sait pour-
1835 ; MG 24 B31 2 2 : 217 ; QG 13-03-1835). quoi : le 29 octobre, Andrew Stuart se retire de
la lutte, battu par le candidat patriote Elzéar
L’Association constitutionnelle de Québec Bédard. Son colistier Jean-François-Joseph
Une première assemblée devant mener à la Duval n’est pas plus chanceux. Il en est de
création d’une association loyale à Québec a même dans la basse-ville où George Pem-
lieu le 16 avril 1833 au Quebec Exchange sous berton et John Neilson sont aussi défaits. En
la présidence du marchand William Price. Elle fait, c’est un raz-de-marée patriote dans le
consiste à préparer une adresse destinée à district de Québec où aucun opposant aux
informer le roi du malaise politique dont Résolutions n’est élu (QM 23-10-1834, 20-11-
souffre le Bas-Canada. En haut de chacune des 1834, 11-12-1834 ; QG 24-10-1834, 27-10-
24 propositions adoptées figure le nom d’un 1834, 29-10-1834).
futur leader de l’association constitutionnelle. Jean-François-Joseph Duval aurait pu être
Les résolutions restent d’un caractère géné- le seul francophone membre de la direction
ral, se résumant à rappeler sa fidélité à la de l’Association constitutionnelle de Québec.
Couronne et à dénoncer les manœuvres poli- Son seul coup d’éclat aura finalement été
tiques de la majorité des députés de la
Chambre. La 23e résolution prévoit la for- Jean-François-Joseph Duval (1802-1881) Né à Québec,
mation d’un comité de 13 personnes pour de François Duval, enseigne dans le Royal Canadian
rédiger le texte d’une adresse. Après un an de Volunteer Regiment, et d’Ann Eliza Germain. Il épouse, en
1849, Adélaïde Dubuc, veuve de Joseph-Jacques Duval. Il
silence, le projet d’adresse loyale réapparaît en fait l’apprentissage du droit auprès de George Vanfelson,
mars 1834. Les auteurs constatent que le cli- puis de Joseph-Rémi Vallières de Saint-Réal, dont il devient
l’associé en 1823. Élu député de la Haute-Ville de Québec à
mat s’est singulièrement détérioré entre- une élection partielle le 30 juin 1829, puis réélu en 1830.
temps, en particulier du fait de l’adoption des Influencé par John Neilson, il vote contre les 92 Résolutions
« infâmes résolutions patriotes ». en janvier 1834. Nommé juge assistant de la Cour du banc
du roi en juillet 1839 à la suite de la suspension d’Elzéar
Dès la fin de l’été, tout Québec se pas- Bédard et de Philippe Panet, puis juge de la Cour supérieure
sionne pour la joute électorale qui doit en janvier 1852.
les v il les 73
d’avoir voté contre les 92 Résolutions et donc titutionnelle. Pemberton est lui-même élu coup
d’être battu dans la Haute-Ville à l’automne sur coup au Comité des 75 (22 novembre), à
suivant. Duval est bien nommé au Comité des un comité de rédaction (26 novembre), au
75, le tout premier noyau de la QCA formé le comité de correspondance (10 janvier) et, le 10
22 novembre, mais c’est apparemment tout janvier 1835, à l’exécutif de la Quebec Cons-
(MG24 B31 : 2 : 217). Il est possible que Duval titutional Association, puis réélu ad vitam
ne se soit pas montré intéressé à participer à æternam. Pemberton représente dès le départ
la mutation du parti tory en une coalition le volet mercantile de la QCA. À côté des
loyale. Reste qu’on doit bel et bien parler Neilson et Stuart, professionnels cultivés mais
d’une organisation qui ne compte absolument sans véritables intérêts dans l’économie bas-
aucun francophone au sein de ses instances canadienne, Pemberton est celui qui amène à
de direction et où pratiquement aucun nom à la QCA ces grands marchands qui imprimeront
consonance française ne se retrouve dans les à l’idéologie loyale le primat de l’économie et
procès-verbaux d’assemblées. Manifestement, des affaires, expression de leurs intérêts de
quand les tories de Québec tournent la page à classe (MG 24 B31 2 2 : 217 ; MC 21-03-1835 ;
la joute électorale et décident de se cantonner QM 25-02-1836 ; QG 07-12-1835).
au rôle de lobby, ils le font en jouant cartes Entre-temps, une série de banquets sont
sur table sur le plan sociolinguistique (MG24 donc organisés en l’honneur du candidat
B31, 1, 2 : 68 ; MC 21-03-1835 ; QM 15-04- défait, Andrew Stuart, le 17 novembre 1834.
1836 ; QG 11-12-1835). Le recours à trois salles est nécessaire tant le
Battu également, George Pemberton nombre d’invités est grand selon le Quebec
montre parfaitement combien l’engagement Mercury (22-11-1834). Le banquet le plus
politique de la communauté marchande de important réunit 130 personnes à l’Hôtel
Québec est lié aux stratégies commerciales et Albion, dont John Neilson et James Hastings
aux liens d’affaires. Très tôt actif dans le mou- Kerr. À l’issue de son discours, Kerr propose
vement loyal, Pemberton est le candidat tory le premier la formation d’une association
dans la Basse-Ville, où se trouve la résidence de constitutionnelle. Andrew Stuart se rend
nombreux marchands et de leurs employés. Il ensuite à l’Elephant & Castle Hotel où sont
ne semble pas démonté par sa défaite et attablées 40 personnes sous la présidence du
participe, entre novembre 1834 et mars 1835, à marchand John Young. Stuart gagne finale-
pas moins de huit réunions de la coalition ment le Maguire’s Shamrock Inn où 80 per-
loyale. Des réunions d’ailleurs cruciales, tandis sonnes sont présentes, dont William Power,
que le parti tory se mue en association cons- président, et J. Murray, vice-président. L’assis-
tance y est composée surtout d’Irlandais
George Pemberton (vers 1795-1868) Marchand de bois de
Québec. En 1830, il épouse Hélène-Henriette Desbarats, fille catholiques. On boit d’ailleurs à la Old
de l’imprimeur Pierre-Édouard Desbarats. Administrateur de Ireland, à l’Immigrant Society et même à
la Maison de la Trinité en juillet 1831, il occupe ensuite la
présidence du « Committee of Trade de Québec » de 1838
Daniel O’Connell, même si ce dernier toast
à 1841 et prend part à la mise sur pied du Bureau de suscite quelques réserves (QM 20-11-1834).
commerce de Québec en 1841. En décembre 1837, il est Dans son édition du 20 novembre 1834, le
habilité à faire prêter le serment d’allégeance. Entre-temps,
il est nommé au Conseil exécutif le 22 août 1837, puis Quebec Mercury annonce que la page est
appelé au Conseil législatif le 9 juin 1841. décidément tournée.
74 pat r iotes et loyaux
Let us then take a lesson from the enemy […] patriote. Elles sont aussi liées par une origine
the silence of the Constitutionalists has been ethnique commune, les Britanniques de Qué-
mistaken for acquiescence in the measures bec formant en outre un cercle fermé dont les
pursued by the Resolutionists […]. We rejoice, membres étaient étroitement liés aussi bien
under these circumstances in being able to sur le plan social et commercial, que sur le
announce that a Loyal and Constitutional
plan politique (BERVIN 1991 : 16)
Association is now on foot […].
The plan of the Association, as far as we are
L’historiographie a apparemment sous-
informed, is to form, principal or parent, Asso- estimé l’engagement politique des marchands
ciations in two cities and the most populous de Québec à cette époque. Selon Louise
towns of the Province, which Branch Com- Dechêne, un William Price ne s’intéresse pas
mittees in the several counties, and to maintain vraiment à la politique et ne s’y engage que
a general correspondence and cooperation for discrètement (DBC, IX : 704-709). En fait, les
their mutual support and defense. sources démontrent plutôt que Price joue un
rôle clé dans le mouvement loyal à Québec où
Qui sont donc ces hommes qui fondent le il retrouve d’ailleurs bon nombre de ses parte-
premier club anti-patriote déclaré ? Rappelons naires commerciaux. Actif dès 1833 et réélu
d’abord que l’association est dominée par à trois reprises à titre de vice-président de
d’anciens patriotes : Andrew Stuart et John l’Association constitutionnelle, Price est le seul
Neilson, des intellectuels ayant déjà une bonne membre de l’exécutif à demeurer en poste
feuille de route sur le plan politique. Ils feront tout le long de la période, des 92 Résolutions
pour la plupart de belles carrières sous à l’appel aux volontaires. Son nom se retrouve
l’Union aux côtés des réformistes : William à pas moins de 27 reprises dans les procès-
Bristow, Thomas Cushing Aylwin et John verbaux des assemblées loyales et à tous les
Neilson lui-même. À côté d’eux, ce que le Bas- titres : rédaction de communiqué, président
Canada compte de plus conservateur et de d’assemblée, membre de l’exécutif, orateur et
plus attaché aux privilèges de la Clique du finalement vice-président de la QCA.
Château : Edward Bowen, Andrew Cochran et Il est en effet frappant de constater combien
des marchands « sans autre esprit de liberté les associations commerciales entre les mar-
que celle que peut donner une simple éduca- chands de Québec ont tendance à se reproduire
tion de comptoir » : Allan Gilmour, George
Pemberton, James B. Forsyth (MIN 20-08- William Price (1789-1867) Né à Hornsey en Angleterre, de
Richard Price et Mary Evans. Il débarque à Québec en 1810
1832) . Ces trois tendances ne pourront coha- comme commis de la succursale de commande de bois d’Idle
biter que dans la mesure où elles se sentent et commence une brillante carrière dans le domaine de
toutes trois menacées par le radicalisme l’exploitation forestière. Durant les dix années suivantes, il
parcourt les forêts du Vermont, de l’Outaouais et du Haut-
Canada en plus d’apprendre les structures du commerce. En
Andrew Stuart (1785-1840) Né à Kingston (Haut-Canada), 1820 il devient l’associé de la Parker & Yeoman, courtiers en
de John Stuart et de Jane Okill. Il épouse Marguerite bois à Londres, une entente qui le lie aussi à Peter McGill et
Dumoulin, puis Jane Smith. Admis au barreau en 1807, puis Kenneth Dowie de Montréal. Ses entreprises connaissent
exerce à Québec en association avec Henry Black à compter ensuite une croissance rapide et ses chantiers forestiers
de 1820. Élu député de la Basse-Ville de Québec sous la s’étendent à toute la région autour de Québec, dans le
bannière du Parti canadien à partir de 1814, puis pour la Haut-Canada et le long de la rive nord du Saint-Laurent. Il
Haute-Ville après 1820. Le 25 octobre 1838, il est nommé est aussi propriétaire de goélettes qui assurent notamment
solliciteur général, fonction qu’il occupera jusqu’à son décès. le transport de ses produits forestiers.
les v il les 75
au sein de l’Association constitutionnelle qui hommes les plus riches de l’Amérique britan-
joue le rôle d’une sorte de chambre de nique. Ses entreprises font alors travailler pas
commerce où se retrouvent les entrepreneurs moins de 5 000 hommes dans les ports et les
les plus puissants de l’Amérique britannique. chantiers forestiers, en particulier le long de la
Marchand de fourrures puis de bois, James Bell Miramichi, au Nouveau-Brunswick. Déjà âgé
Forsyth est aussi engagé dans les institutions et très fortuné en 1837, Gilmour représente, à
charitables telles que la Société littéraire de côté des puissants Forsyth et Pemberton, la
Québec, la « St. Andrew Society » et même la conscience des premiers grands marchands de
franc-maçonnerie. Mais Forsyth est d’abord le bois de Québec issus de la vieille Écosse où
porte-parole des marchands de bois de Québec Gilmour retournera d’ailleurs finir ses jours.
et n’a jusqu’en 1834 guère d’autre credo que Il participe pourtant à plusieurs activités
l’ouverture de nouveaux marchés pour ses sociales organisées par l’Association consti-
produits et le maintien des tarifs préférentiels. tutionnelle, comme des célébrations, des
La crise politique de 1834-1837 offre cependant pétitions ou des banquets de la St. Andrew.
à Forsyth l’occasion d’exprimer son royalisme On offre ainsi une grande visibilité à Gilmour
et son chauvinisme envers le groupe canadien- qui siège à la fois à l’exécutif élargi, dit
français qu’il ignore avec un superbe dédain. « Comité des 75 », et à l’exécutif jusqu’en 1837.
Membre du conseil exécutif dès 1835, il parti- Il est également actif à Montréal à quelques
cipe à une vingtaine d’assemblées, réunions ou assemblées de la St. Andrew’s Society locale et
banquets en plus de se porter volontaire pour de la MCA. James Duncan Gibb n’en cède en
combattre aux côtés de l’armée en novembre rien à un Pemberton sur le plan de ses rela-
1837. Poursuivant dans cette foulée, il siégera tions d’affaires. Lié au puissant clan des
au Conseil spécial de 1838 à 1841, vote en Torrance à Montréal et constamment sur la
faveur de l’Union, puis fait carrière comme route pour son commerce de produits ali-
député et conseiller législatif, désormais con- mentaires, il connaît bien le Bas-Canada et le
vaincu que le pouvoir économique s’appuie sur nord des États-Unis et est aussi actif dans le
un engagement politique conséquent. mouvement loyal montréalais (AMI 12-12-
D’autres marchands de bois s’engagent
dans la QCA. En fait, Allan Gilmour est le Allan Gilmour (1775-1849) Né à Renfrewshire, Écosse,
d’Allan Gilmour, fermier, et d’Elizabeth Pollock. Marchand
plus puissant marchand de Québec et un des de bois et propriétaire de navires, Gilmour s’enrichit notam-
ment après le blocus continental de 1806. En 1818, son
entreprise employait un grand nombre de bûcherons et
James Bell Forsyth (1802-1869) Né à Kingston (Haut- d’ouvriers de scierie, et la Pollok, Gilmour and Company,
Canada) du célèbre marchand de fourrures Joseph Forsyth forte d’une flotte de 15 navires, passait pour la plus grosse
et d’Alicia Robins. Marchand de bois, Forsyth est déjà, en entreprise sur le marché du bois de l’Amérique du Nord
1837, l’un des plus grands propriétaires fonciers de Québec. britannique. Gilmour ouvre ainsi des succursales à Saint-
Le rapport Durham en parle comme de l’une des familles les Jean (1822), à Québec (1828), à Montréal (1829), à Bathurst,
plus nanties de la colonie. Membre du Conseil spécial de au Nouveau-Brunswick (1832), à Dalhousie et à Campbellton
1838 à 1841, député de Rouville (1842–1843) et enfin (1833). En 1834, la compagnie exporte plus de 300 car-
membre du Conseil législatif de 1842 à sa mort. Il est aussi gaisons de bois. L’année suivante, devant le comité spécial
l’un des fondateurs de la « Literary and Historical Society of du Parlement britannique chargé d’étudier les droits sur le
Quebec » et du « Stadacona Club » et vice-président de la bois, Gilmour déclara que 5 000 hommes travaillaient pour
« St. Andrew’s Society de Québec » (1838). Impérialiste ses établissements nord-américains. La compagnie réalisa de
convaincu et sûr de lui, Forsyth semble n’avoir eu que très tels bénéfices de 1812 à 1838 que Gilmour fut en mesure
peu de contacts avec des Canadiens français. d’acheter de vastes domaines en Écosse.
76 pat r iotes et loyaux
1835). Sans siéger aux plus hautes instances La présence de l’avocat Robert Hunter
de l’association, Gibb est toutefois présent à Gairdner au sein de l’exécutif de la QCA peut
toutes ses manifestations importantes et se d’abord s’expliquer par des liens d’affaires
porte volontaire pour combattre les patriotes entrelacés avec ces marchands, notamment
en même temps que Forsyth (QG 29-11- avec James Bell Forsyth et William Price, de
1837). Parmi les marchands, mentionnons même qu’avec Andrew Stuart, son associé.
encore Peter Langlois et surtout George Black, Gairdner est en 1837 au centre d’une impor-
l’un des plus importants armateurs de Qué- tante transaction en vue d’acquérir pas moins
bec, mêlé à un réseau d’affaires qui s’étend à de 225 000 acres de terres de la Couronne, dans
toute l’Amérique du Nord et à l’Europe. Black le comté de Mégantic. En tant que secrétaire de
sera engagé particulièrement dans la cam- l’association, on retrouve Gairdner dans à peu
pagne électorale d’Andrew Stuart en 1834, près tous les comités de la QCA, présent à plus
puis dans celle de 1836. Difficile dès lors de d’une vingtaine d’événements loyaux. Il est en
nier l’engagement politique des marchands de particulier délégué de Québec au Select General
Québec. En fait, pour ces hommes, le main- Committee en juin 1836. Personnalité discrète
tien du lien politique avec la Grande-Bretagne et mal connue, Gairdner n’en sera pas moins
est indissociable des avantages qu’ils en tirent volontaire en 1837 et entreprendra une carrière
sur le plan commercial. politique une fois la rébellion vaincue. Son rôle
apparaît particulièrement important sur les
plans idéologique et organisationnel. Ses liens
James Duncan Gibb (1799-1858) Né en Écosse, il épouse
en 1822 Marion Torrance, fille du puissant marchand de d’affaires avec les plus grands marchands de
Montréal, David Torrance. La Thomas Gibb and Company Québec et son rôle de secrétaire-rédacteur lui
fut dissoute au début de l’année 1835 lorsque Thomas Gibb
se départit de ses actions au profit de Robert Shaw, l’un des
donnent en outre une position unique. Après
fondateurs à Montréal du Doric Club. À la fin des années Neilson et Stuart, Gairdner est le numéro trois
1830, la James Gibb and Company Gibb était devenue une de la QCA.
des principales entreprises de commerce de Québec dans le
domaine des produits alimentaires. La crise agricole bas- On y retrouve enfin de plus jeunes avocats,
canadienne lui fournit d’intéressantes occasions de spécu- de modestes marchands ou carrément des
lation et de profit. Gibb est aussi un important propriétaire
opportunistes attirés par les cercles influents.
foncier. En 1837, il acquiert la seigneurie Jolliet, dans le
comté de Beauce. À Québec, il est installé hors des murs, Mentionnons par exemple le rôle méconnu de
sur le chemin Saint-Louis où son imposante demeure voisine William King McCord, un Irlandais vivant en
celle des Forsyth, Fisher et Black.
Peter Langlois Né en 1803, marchand de Guernesey, arrivé William King McCord (1803-1858), avocat et fonctionnaire
à Québec vers 1811. En 1813, il épouse mademoiselle originaire de Dublin (Irlande). En 1827, il épouse Aurelia
Sparrow, de Montréal. Félicite Arnoldi, fille de Daniel Arnoldi. En 1828, il réside,
semble-t-il, dans la paroisse Saint-Joseph, dans le village des
Cèdres, où il pratique le droit, mais est apparemment acca-
George Black (1778-1854) L’un des principaux construc- blé de difficultés financières. En 1834, il habite Québec.
teurs de navires du port de Québec en 1837. Charpentier McCord amorce alors sa carrière de magistrat au moment où
de navires en 1817, il semble s’être lancé en affaires en s’engage la crise politique. Recommandé au poste de com-
1819. À compter de cette date et jusqu’en 1846, il cons- missaire chargé de la décision sommaire des petites causes
truisit au moins 54 bateaux. Grâce au vapeur à aubes Royal en 1838, il est nommé « magistrat stipendiaire » dans le
William, construit avec Campbell en 1831, Black atteint une district de Montréal le 18 mai 1839 et participe à la répres-
certaine notoriété. Il s’occupe de politique municipale et est sion des troubles dans la région de Sainte-Scholastique. En
élu conseiller du quartier Saint-Laurent en 1835. 1840, il est juge de paix et magistrat de police de Montréal.
les v il les 77
fait à Montréal, mais qu’on retrouve alors à rédiger les statuts et règlements de l’Association
Québec où il obtient une charge de magistrat. (QM 25-11-1834). Il regroupe la fine fleur de
Proche d’Andrew Stuart, King McCord la coalition antipatriote, qu’on retrouvera cons-
participe activement aux campagnes de 1834 tamment durant les trois prochaines années
et de 1836 dans la haute-ville. La rébellion lui aux fonctions les plus diverses. Pensons à un
donne l’occasion de participer à la répression William Foster Coffin, soldat de carrière,
et à la chasse aux patriotes menée par le shérif devenu avocat en 1835, qui fait partie de l’appa-
T. C. Young et le chef de police Robert Symes. reil de soutien de la QCA et siège à de nom-
Dès lors auréolé de loyalisme, il mène après breux comités d’importance secondaire. On
les troubles une respectable carrière dans la tire même parti de son expérience militaire
police. Aussi Edward Glackmeyer, notaire de pour le désigner majordome lors de certains
Québec, actif dans la QCA à compter de 1835, soupers honorifiques. En 1837, il reprend du
qu’on retrouve régulièrement à l’exécutif de service à titre de volontaire et combattra
l’Association. De même, Alexander Simpson, notamment dans Deux-Montagnes.
caissier de la succursale de la Banque de La liste des 15 membres du premier
Montréal à Québec, est de tous les événements exécutif de la QCA paraît dans les journaux
loyaux dès 1833 et sans interruption par la de Québec le 26 novembre 1834. Tous ceux
suite, jusqu’à se porter volontaire le 24 qui avaient assisté aux banquets du 17 sont
novembre 1837. Simpson siège entre-temps à cordialement invités à la première réunion de
plusieurs comités, dont le comité exécutif, où l’Association devant se tenir à l’hôtel Albion
il s’occupe des finances et fait office de le 11 décembre. Quatre cents personnes y
trésorier. assistent. La déclaration de fondation est lue,
Présidée par Andrew Stuart, l’assemblée de adoptée puis largement diffusée dans les jour-
fondation de la QCA se tient le 22 novembre naux loyaux. On y décrit l’état de la province,
1834 à l’hôtel Albion. On y propose en parti- la situation politique des habitants d’origine
culier la création à Québec d’une association britannique au Bas-Canada et les différents
constitutionnelle chapeautée d’un comité griefs qui nuisent selon eux au progrès de la
exécutif de quinze personnes. Une souscrip- colonie. Ainsi, les loyaux prient le gouver-
tion de 400 £ est levée en à peine trois heures. nement britannique de s’en tenir à l’avenir à
John Molson, Henry Griffin et Sydney une politique coloniale strictement cohérente,
Bellingham, ceux-là mêmes qui venaient qui ne vacillera plus au gré des changements
d’organiser une assemblée équivalente à des portefeuilles de ministres. La Déclaration
Montréal le 20 novembre, assistent à l’assem-
blée de fondation de la QCA. Alexander William Foster Coffin (1808-1878) Soldat, auteur et fonc-
tionnaire né à Bath (Angleterre). Après un court séjour avec
Simpson, de la Banque de Montréal, est sa famille à l’époque de la guerre de 1812, Coffin s’établit
nommé trésorier et chargé de recevoir les au Bas-Canada en 1830. Il fait son apprentissage auprès de
Charles Richard Ogden, puis est admis au Barreau du Bas-
souscriptions (CHRISTIE, II : 35, 23 ; MG24 Canada en 1835. Ses études de droit et sa participation à la
B31, 2,2 : 217 ; QG 26-11-1834). répression des troubles orientent ensuite sa carrière. En
Dès le 24 novembre, un comité de 75 1838, sir John Colborne le nomme secrétaire civil adjoint
avec mandat d’organiser une force policière dans la province.
membres se réunit à huis clos à l’hôtel Albion. En 1840, Coffin est nommé préfet de police pour le Bas-
Ce Comité des 75 a en particulier pour tâche de Canada, puis shérif adjoint du district de Montréal.
78 pat r iotes et loyaux
par contre aucun scrupule à prendre position député à l’Assemblée et porte-parole des
sur le plan politique. Ouvertement raciste et marchands de la basse-ville. Aux élections de
membre à part entière de la Clique du 1834, les marchands lui préférèrent cependant
Château, Bowen participe à plus d’une George Pemberton. Membre important de
douzaine d’activités loyales entre 1833 et 1838. l’exécutif de la QCA, Young joue un rôle
Andrew William Cochran est un autre croissant à l’approche des troubles. Il est passé
membre notoire de ce groupe. Avocat de for- à l’histoire surtout à titre de surintendant de
mation, Cochran est avant tout un fonc- la police de Québec, entre 1837 à 1840.
tionnaire bardé de titres officiels, lui donnant Québec avait alors besoin d’un administrateur
accès au cercle du pouvoir et à l’entourage du ferme et autoritaire, Young se montrera à la
gouverneur. Cochran peut avoir eu l’oreille hauteur de la situation, pourchassant les
d’un lord Gosford à compter de 1837, en patriotes et les présumés patriotes avec un zèle
particulier le 15 juin quand ce dernier interdit exemplaire.
les assemblées publiques et, en août, démet les James Hastings Kerr est le père du brillant
juges de paix récalcitrants. Cochran est en avocat et futur lieutenant-gouverneur onta-
attendant un participant épisodique aux rien William Warren Hastings Kerr (1826-
rassemblements loyaux où on lui confie le rôle 1888). On sait peu de chose sur lui mis à part
de président d’assemblée. En dépit du fait qu’il qu’il est protestant et agent de colonisation
était haut fonctionnaire, shérif de la ville de dans les Eastern Townships. Il est pourtant très
Québec, Thomas A. Young fut pendant 10 ans actif au sein de la QCA où il œuvre depuis les
tout débuts. Il assiste à toutes les assemblées
Andrew William Cochran (1793-1849) Né à Windsor, sans toutefois détenir des responsabilités
Nouvelle-Écosse, de William Cochran et de Rebecca
Cuppaidge. Très tôt remarqué, Cochran a à peine 19 ou 20 importantes. C’est que son nom subodore le
ans quand il arrive à Québec et est nommé, en juin 1812, scandale, James Hastings Kerr n’étant nulle
assistant au cabinet du secrétaire civil. En avril suivant, on le
nomme adjoint au secrétaire civil. Après son rappel en 1828,
autre que le propre fils d’un des personnages
Dalhousie dit de lui qu’il avait été « le mieux informé et le les plus controversés du Bas-Canada et un
plus compétent de [ses] adjoints ». Papineau soutient plutôt membre atypique de la Clique du Château.
que Cochran avait été « le bras droit [de Dalhousie], le vil
artisan des complots de son maître, le confident de tous ses Devenu juge sur un coup de chance en 1794,
injustes projets contre le pays ». Peu avant de quitter la James Kerr père (1765-1846) préside la Cour
colonie, Dalhousie avait récompensé Cochran en le nom-
mant juge de paix, conseiller du roi, de même que com-
du banc du roi en 1814 et est nommé au
missaire des biens tombés en déshérence et des propriétés Conseil législatif dès 1823. Pour fulgurante,
confisquées. En août 1837, Cochran conseille Gosford sur son ascension sera proportionnelle à sa dis-
certains aspects juridiques. Le 24 juin 1839, on le nomme
juge suppléant de la Cour du banc du roi à Québec. grâce. Dépensier impénitent, il détourne bien-
tôt des fonds de l’État à son profit. Quand
Thomas Ainslie Young (1797-1860) Né à Québec, de l’Assemblée et le gouvernement l’apprennent
Christiane Ainslie et de John Young, membre des conseils et somment Kerr de démissionner, ce dernier
exécutif et législatif et très gros marchand à Québec. En
1823, il épouse Monique-Ursule Baby, fille de feu François
refuse et tente même de monnayer son départ.
Baby. Young occupe très tôt des postes dans l’administration Vers 1835, il est en Grande-Bretagne en train
publique. Avant même d’avoir 21 ans, il est nommé secré- de mêler le Colonial Office à ces querelles. La
taire du comité du Conseil exécutif chargé de vérifier les
comptes publics, puis vérificateur général des comptes situation ridicule dans laquelle le haut fonc-
publics de la province. tionnaire place l’administration coloniale est
80 pat r iotes et loyaux
bien palpable à la veille des troubles et tend à connaît les détails de sa mission en compagnie
discréditer toute la haute fonction publique. de Walker. Ils débarquent tous deux à Londres
On peut donc se demander le profit que tire le 13 mai pour apprendre que le Parlement
la QCA à s’associer ces bureaucrates notoires. vient tout juste de créer une commission d’en-
Ils représentent en fait un accès non négli- quête sur le Canada. Avant même d’avoir
geable au pouvoir et exercent au nom des commencé, la mission des émissaires est donc
loyaux un lobby efficace, eux qui de toute inutile puisque la commission Gosford doit
façon ont à peu près renoncé à la joute justement faire la lumière sur les griefs for-
électorale. mulés à la fois par les associations cons-
Dès l’assemblée du 5 février 1835, l’exécutif titutionnelles et par les résolutions patriotes.
de la QCA fait état de la création de plusieurs Neilson et Walker rencontrent quand même
nouvelles associations constitutionnelles. Il le secrétaire aux colonies lord Glenelg le
s’agit bien sûr de la Montreal Constitutional 13 juin. Telle est la situation quand lord
Association, créée officiellement le 23 janvier Gosford débarque à Québec le 23 août 1835
1835, de la Mecanic’s Constitutional Union of (QG 31-10-1835).
Quebec, le 8 décembre 1834, de l’Association Le 23 octobre, l’Assemblée générale de la
constitutionnelle de Leeds, le 26 décembre, de QCA reçoit le rapport de son agent John
la Central Association of Megantic, de l’Asso- Neilson, rentré à Québec le 25 septembre. On
ciation de Sainte-Marie–Nouvelle-Beauce, de propose ensuite d’envoyer une pétition au
la Frampton Branch Constitutional Associa- nouveau gouvernement. Il y est entre autres
tion, le 22 janvier 1835 et de l’Association de choses suggéré que le gouverneur aille puiser
Durham, le 31 janvier. Le rapport souligne dans les surplus des revenus de l’Assemblée
également les contacts établis avec des loyaux législative sans avoir à subir le chantage des
de Deux-Montagnes. Le comité exécutif pro- patriotes. C’est à peu près mot pour mot ce
pose ensuite d’acheminer une nouvelle péti- que retiendra la Commission puisque cet
tion au roi à même la Déclaration de la QCA aménagement se retrouvera parmi les réso-
et que les nouvelles associations constitution- lutions Russell deux ans plus tard. L’adresse
nelles, ainsi que celles à venir, fassent circuler est entre-temps présentée à Gosford le 26
cette pétition dans leur localité (il s’agit des octobre, soit une journée avant l’ouverture de
associations constitutionnelles de Valcartier, la session (QM 01-12-1835).
Ireland, Halifax, Bellechasse, Kingsey, Kildare, Au moins durant la première année de son
Inverness, Saint-Sylvestre, Lac-Beauport et de mandat de gouverneur-enquêteur, on sait que
Missisquoi) (QG 06-02-1835). lord Gosford entreprend en particulier de
Qui de Montréal ou de Québec désignera séduire les chefs patriotes. Ces manœuvres
l’émissaire chargé d’acheminer la pétition au sont bien sûr très mal reçues par l’Association
roi et aux deux Chambres du Parlement constitutionnelle de Québec qui commence à
impérial ? À Québec, on décide le 12 mars se demander où veut en venir le nouveau gou-
1835 que John Neilson sera de la partie. Il sera verneur. La QCA tient donc une importante
finalement accompagné de William Walker de assemblée le 7 décembre 1835 sur l’avenir de
la MCA. Neilson quitte Québec le 3 avril. l’Association (QM 10-12-1835). Les premières
Grâce à sa correspondance avec l’exécutif, on dissensions apparaissent tandis que l’avocat
les v il les 81
Thomas Cushing Aylwin critique ouverte- QCA et Aylwin rentre dans les rangs. L’unité
ment l’exécutif sortant. L’élection a lieu le 9 et loyale est sauve (QM 10-12-1835 ; AP 16-12-
le nouvel exécutif est élu à l’acclamation. 1835).
Continuent à y dominer d’anciens députés,
défaits en 1834 : Neilson, Pemberton et Stuart, Le Select General Committee
mais T.C. Aylwin en fait désormais partie. On Soucieuse de rencontrer le nouvel exécutif, la
est alors passé près d’une crise grave à la QCA. Commission Gosford invite en décembre
C’est que, dès avant le départ de Neilson et l’Association constitutionnelle de Québec à
Walker pour l’Angleterre, des divergences exposer son programme aux commissaires.
étaient apparues entre les associations de L’exécutif crée promptement deux comités qui
Montréal et de Québec. Une question les rencontrent finalement les commissaires les 14
divise en particulier : quel cadre donner à la et 18 janvier 1836 (QM 26-01-1836). La ren-
colonie pour se débarrasser des démagogues contre est décevante. Le gouverneur fait
patriotes ? À l’association de Québec, la clairement sentir qu’il tient à améliorer ses
tendance dominante est plutôt favorable à relations avec la majorité réformiste et que les
l’union avec le Haut-Canada, projet déjà tories devront accepter de jouer un rôle de
ancien, presque réalisé en 1822 et toujours à moins en moins grand dans l’administration
l’esprit des tories de la capitale. À Montréal, et la vie sociale. Alors que les patriotes de
cependant, et en quelques autres endroits, on Québec jubilent, les loyaux sont amenés à un
propose plutôt de redessiner les contours de dur examen de conscience. L’assemblée
la province afin que l’archipel de Montréal générale qui suit le 21 janvier 1836 est, selon
soit désormais annexé au Haut-Canada. Pour le Quebec Mercury, la plus grosse jamais
les Britanniques de Québec, cette éventualité organisée par l’Association. Des personnalités
est intenable puisqu’elle les isolerait irrémé- importantes, représentants de la MCA, y
diablement dans une mer francophone, assistent : William Walter, Turton Penn, James
dévouée au Parti patriote. Aylwin fait allusion Holmes. Dans son rapport, l’exécutif fait le
à ce déchirement quand il annonce ne pas voir bilan de sa rencontre avec les commissaires et
l’urgence de proclamer l’union, provoquant brosse un tableau particulièrement sombre de
un malaise certain. La question sera finale- la situation politique du Bas-Canada à l’heure
ment tranchée au profit de la position de la où des « révolutionnaires républicains » sem-
blent avoir la faveur du gouverneur. On pro-
Thomas Cushing Aylwin (1806-1871) Né à Québec, de
pose donc solennellement que soit convoquée
Thomas Aylwin, marchand, et de Louise-Catherine Connolly. une vaste convention des forces loyales de la
Après un bref séjour à la Harvard University, il étudie le droit colonie, nommée Select General Committee
à Québec chez Louis Moquin et est reçu au Barreau du Bas-
Canada en décembre 1827. Il se fait rapidement une répu- of the Petitionners, où se retrouveront des
tation d’excellent criminaliste. Selon le Dictionnaire biogra- délégués de tout le Bas-Canada et où les deux
phique du Canada, le jeune avocat s’engage dans le tour-
billon politique aux côtés des patriotes, et, au plus fort de la
grandes associations pourront vider leurs
lutte, il se fait en effet le défenseur des prisonniers dont il sources de dissension. Dans une série de gestes
a été l’avocat. Bien que modéré, Aylwin est cependant un magnanimes lors de réunions les 6, 8 et 17
vigoureux militant loyal à Québec et dans Mégantic. Après
l’Union, il est le principal lieutenant de La Fontaine à Québec, février, le comité exécutif de la QCA se déclare
puis solliciteur général du Canada-Est dès 1841. d’ailleurs solidaire avec plusieurs initiatives de
82 pat r iotes et loyaux
la MCA. Une réponse enthousiaste est théâtre d’échauffourées entre les partisans de
expédiée de Montréal le 29 février (QM 23- chacun des candidats. Le docteur Painchaud
02-1836 ; QG 14-03-1836). doit même panser et raccommoder plusieurs
Considérons ici le remarquable chemin de ses propres partisans maltraités (HARE,
parcouru par les loyaux depuis la débâcle 1971 : 40). La situation s’aggrave quand le
électorale de 1834. Moins de deux ans plus prêtre irlandais Patrick McMahon dénonce le
tard, les loyaux forment de nouveau une force Parti patriote en chaire. Painchaud se retire le
politique cohérente, désormais organisée en 26 mars, provoquant la colère de Papineau et
une douzaine d’associations constitutionnelles de ses partisans. Andrew Stuart est élu, mais
à l’échelle de tout le Bas-Canada, capables de ne siégera guère que six jours au grand total.
se concerter et, comme nous le verrons, Cette victoire loyale est surtout révélatrice des
d’infléchir sur toute la politique coloniale de divisions qui assaillent le camp des patriotes
la Grande-Bretagne. Dans l’immédiat, au de Québec et trouble à peine le travail de la
début de 1836, ils se sentent abandonnés par QCA, désormais peu sensible aux trivialités
la mère patrie et jugent urgent de tenir un électorales.
vaste événement propre à traduire leur désac- Le Select General Committee of Delegates
cord sur la manière dont la Grande-Bretagne of the Constitutionalists of Lower Canada se
gère la crise canadienne. Le 30 mai, on réunira en fait du 10 au 17 novembre 1836.
annonce sans surprise qu’Andrew Stuart, John Sans qu’on sache trop non plus pourquoi, T.C.
Neilson, Henry LeMesurier et T.C. Aylwin Aylwin est finalement le seul représentant de
seront les délégués de Québec et que la con- Québec à y assister. Des dissensions entre
vention loyale se tiendra à Montréal à compter Montréal et Québec semblent avoir perturbé
du 23 juin (QG 07-12-1836). la convention, mais les journaux loyaux sont
Au printemps de 1836, les loyaux de particulièrement discrets sur l’ensemble des
Québec sont aussi occupés par une élection délibérés.
partielle dans la Haute-Ville, rendue néces- Quand on sait à quel point ce fameux
saire par la démission de René-Édouard Select General Committee s’avérera un échec
Caron. Les patriotes désignent le docteur politique, il est difficile de saisir à quel point
Joseph Painchaud comme candidat dans ce les associations constitutionnelles — en parti-
qui a toutes les allures d’un match revanche culier celle de Québec — mettront d’efforts à
pour Andrew Stuart. Ceux qui travaillent à sa préparer cette rencontre. Le Select General
campagne, notamment George Black et Committee a aussi été peu étudié par les
Robert Gairdner, sont d’ailleurs les mêmes historiens, en particulier parce que, de fait, il
qu’en octobre 1834. La violence et l’intimi- n’aboutira sur rien de concret et que les asso-
dation qui marquent cette élection rappelle ciations représentées ne s’entendront pas sur
combien le climat s’est détérioré entre une position commune.
patriotes et loyaux, en particulier depuis Le 7 décembre, lors de l’assemblée générale
février 1836, quand éclate le scandale des ins- annuelle à l’hôtel Albion, Andrew Stuart, qui
tructions à Gosford et que se radicalise le dirige la QCA depuis ses tout premiers débuts,
discours de Papineau. La campagne ne dure déclare ne pas se représenter pour des raisons
que six jours et le vote, trois. La ville est le professionnelles. Auparavant, Stuart tente,
les v il les 83
dans son discours, de dresser un bilan encou- préside le Committee of Trade, l’équivalent
rageant du Select General Committee et de d’une chambre de commerce de Québec. Son
minimiser les dissensions apparues. John accession à la vice-présidence de la QCA est le
Neilson devient le président de l’Association, résultat d’un irréprochable engagement dès
William Price et Henry LeMesurier, vice- 1833. LeMesurier a littéralement occupé
présidents, Robert H. Gairdner et T.A. Young, toutes les tâches à la QCA, de président d’as-
secrétaires, William Bristow et T.C. Aylwin, semblée à membre de l’exécutif et secrétaire
officiers, et Peter Sheppard, trésorier. en passant par délégué au Select General
Ce nouvel exécutif présente peu de chan- Comittee, jusqu’à volontaire pour réprimer la
gements par rapport au précédent. Peter rébellion en novembre 1837. On parle ici de
Sheppard est un marchand de Québec, à ne 37 actions posées par LeMesurier à Québec
pas confondre avec William Sheppard, impor- pour la cause loyale. LeMesurier pave en parti-
tant marchand de bois, conseiller exécutif en culier la voie à de nombreux autres mar-
1837, mais indifférent au débat politique. chands de bois de Québec, généralement plus
Sheppard est présent aux assemblées à comp- importants que lui. L’Association constitu-
ter de 1835 et fait son entrée à l’exécutif à la tionnelle de Québec compte enfin une série
fin de 1836. Mentionnons encore William de membres importants dont il est difficile de
Bristow (1808-après 1868), qui débarque tout retracer l’identité : J. U. Ahern, Thomas Amiot,
juste d’Angleterre et qui se joint aussi à John Bonner, William Burke, David Burnet,
l’Association à cette époque. C’est lui qui avait J.F.M. Collard, médecin et écuyer, John M.
été chargé de faire le bilan comptable du Fraser, Thomas Marsden et Timothee J.
voyage de Neilson en Angleterre le 28 no- Donoughue qui siège à l’exécutif pour la
vembre 1835 et qu’on retrouve ensuite à la Basse-Ville.
plupart des assemblées constitutionnelles. Au printemps de 1837, le rapport de force
Après 1840, Bristow sera avec Baldwin un des politique au Bas-Canada a singulièrement
théoriciens du principe de gouvernement changé. Quand, le 15 novembre 1836, la
responsable appliqué au Canada-Uni et, en commission Gosford dépose son rapport final,
attendant, clairement associé aux modérés : la lune de miel entre les patriotes et le gou-
Neilson et Aylwin. Sans être aussi puissant que verneur Gosford est bien terminée. En
Forsyth ou Gilmour, Henry LeMesurier est un Chambre, Papineau fait en sorte qu’aucune
marchand de bois important. Originaire de allocation ne soit votée à l’exécutif, si bien que
Jersey, il arrive à Québec vers 1820. Il est aussi le gouvernement est de plus en plus paralysé.
engagé dans la construction navale et au Le 6 mars, le Parlement impérial adopte les
centre du réseau social des marchands : il dix résolutions Russell, autorisant l’exécutif à
puiser dans le surplus des revenus de l’Assem-
Henry LeMesurier (1791-1861) Né à Guernesey, fils de blée de quoi payer les arrérages dus aux fonc-
Havilland LeMesurier, commissaire général dans l’armée
britannique. Arrivé à Québec entre 1818 et 1823, LeMe-
tionnaires. La nouvelle des résolutions Russell
surier joue rapidement un rôle important dans le commerce met le feu aux poudres et lance le mouvement
du bois. Il fait construire au moins quatre bateaux dans les patriote sur la voie de la radicalisation. Paral-
chantiers maritimes de Québec entre 1825 et 1847.
LeMesurier joue également un rôle actif dans le Committee lèlement, les loyaux de Québec sont sur le
of Trade de Québec, dont il est président de 1833 à 1838. point de fusionner en une vaste coalition où
84 pat r iotes et loyaux
on retrouvera de plus en plus des patriotes Selon les journaux de Québec, de 5 000 à
modérés, des Irlandais convertis et de nom- 8 000 personnes participent à la manifestation
breux opportunistes que la QCA va se faire du 31 juillet, des chiffres qui rivalisent avec les
un plaisir de placer sous sa bannière à l’heure plus grandes assemblées patriotes. « As if all
où la peur s’installe et qu’une partie de Quebec was there » (QM 03-08-1837). Dès
l’opinion semble chercher protection. onze heures, les délégations commencent à se
La QCA prend cependant du temps à rassembler en des points différents de la
s’adapter au nouveau contexte. L’exécutif est ville, puis à converger vers l’Esplanade de la
donc saisi le 3 juillet 1837 d’une lettre signée haute-ville, juste à l’extérieur des murs,
par 53 de ses membres qui demandent : « that des habitants de chaque quartier de la ville
a General meeting of the Association be called défilant en bon ordre derrière leurs bannières.
at an early period of time to take into consi- Défilent aussi les corporations, dont les Loyal
deration the present momentous crisis of Printers of Quebec, portant l’étendard de
public affairs... » (QM 16-12-1837). chacun des journaux loyaux du Bas-Canada.
La date n’est pas anodine. Depuis le 28 mai, « The Printers lanner which followed, was of
les patriotes de Québec sont sortis de leur scarlet with a press in the centre, in a star of
torpeur et organisent de vastes assemblées white and umber rays, each ray bearing the
publiques sous l’impulsion de radicaux autour title of one of the loyal journals of this
de Robert-Shore-Milnes Bouchette. L’exécutif province. » La palette des tendances repré-
de la QCA conclut qu’on est mûr pour une sentées est fort étendue. On y retrouve autant
vaste démonstration publique qui fasse la des marchands, des fonctionnaires, des
preuve que le mouvement loyal trouve des ouvriers des chantiers navals et des Irlandais
appuis dans toutes les couches de la popu- catholiques que des Canadiens français. Parmi
lation et qu’il constitue une réponse crédible les orateurs, on reconnaît même l’ex-chef
et populaire au radicalisme patriote. Après patriote Louis Fiset qui propose maintenant
s’être mué en une organisation fermée et de rédiger une adresse loyale à la jeune reine
hautement structurée, le mouvement loyal de Victoria (QM 03-08-1837 ; CHRISTIE, 38 :
Québec décide, au cours de l’été de 1837, 365).
d’élargir sa base politique et d’assurer davan- À l’issue de la journée, les membres de la
tage de visibilité à son programme politique. QCA se retrouvent à l’hôtel Albion pour
L’assemblée du 31 juillet 1837 sera ainsi le plus adopter quelques résolutions bien senties et
grand rassemblement loyal jamais tenu au clôturer cette journée historique pour les
Bas-Canada. L’organisation de cette manifes- loyaux de Québec, dénoncer les assemblées
tation traduit la volonté de la QCA de cons- anti-coercitives et le désordre qui règne à la
tituer une vaste coalition antipatriote. Dans législature, réaffirmer leur loyauté à la Cou-
les deux dernières semaines de juillet, on tient ronne et rappeler au gouvernement que son
des assemblées préparatoires dans chacun des devoir est d’abord d’assurer l’ordre (QM 03-
quartiers de Québec : dans les faubourgs 08-1837).
Saint-Jean, Saint-Louis, Saint-Roch, dans la Après un épisode populaire, le mouvement
basse-ville et bien sûr dans la haute-ville loyal est ensuite prêt à engager la phase mili-
(QM 25-07-1837, 18-07-1837, 27-07-1837). taire. Le 1er septembre a lieu à l’hôtel Albion la
les v il les 85
première réunion officielle du Loyal Victoria séditieuses », donnant une idée dispropor-
Club, pendant québécois du Doric Club. Le tionnée de l’ampleur du mouvement rebelle à
3 novembre, un groupe de loyaux se rassemble Québec. C’est aussi Young qui fera arrêter les
pour établir des patrouilles dans la haute- journalistes Étienne Parent, Jean-Baptiste
ville (QM 04-11-1837 ; SENIOR, 1997 : 31). Fréchette, Napoléon Aubin et Adolphe
L’Association constitutionnelle comme telle Jacquies.
demeure cependant discrète, si bien que, le Le 12 novembre 1837 a lieu un accrochage
26 octobre, le Quebec Mercury publie une entre des membres du Loyal Victoria Club et
lettre posant la question suivante : « In these des partisans patriotes. Comme cela s’était
momentous times, pray what has become of produit à Montréal en février 1836 lors de
the Executive Committee of the Constitutio- l’affaire des Montreal Rifle Corp, des magis-
nal Association ? What can make them so trats se réunissent en vue de décider de la sup-
regardless of character ? » Le 3 novembre, la pression du corps franc, mais se contentent de
QCA annonce donc par voie de communiqué souligner que de telles réunions risquent de
qu’elle prendra tous les moyens pour protéger perturber l’ordre public. Le même jour, le
ses membres et leur famille et invite tous les Club prend connaissance de la proclamation
citoyens à offrir leurs services comme volon- des magistrats et décide prudemment d’ajour-
taires (QM 16-12-1837). Quoi qu’on en dise, ner une réunion prévue le 24 novembre (QM
cette réplique est timide. Alors qu’à Montréal 25-11-1837). Curieusement, paraît, toujours le
l’Association constitutionnelle va au-devant 12 novembre, une offre de volontaires en
des patriotes, précipitant l’appel sous les dra- bonne et due forme, accompagnée de plu-
peaux, à Québec, l’association s’avère beau- sieurs signatures (QG 29-11-1837). Dans une
coup plus prudente et modérée. C’est en fait à proclamation du 27 novembre, le gouverneur
peine si elle appuie la création de corps de décide de la formation des Royal Quebec
volontaires. Volunteers, avec la liste des officiers qui y sont
affectés, dont plusieurs appartiennent au con-
L’agitation politique à Québec troversé Loyal Victoria Club. Le 29 novembre,
Membre de l’exécutif de l’Association consti- deux compagnies de la Quebec Volunteers
tutionnelle, T. A. Young est nommé chef de la Light Infantery sont aussi créées au Miller’s
police de Québec en novembre. L’ordonnance St. Lawrence Hotel. Leur nombre est porté à
de 1838 lui donnera plus tard le pouvoir de quatre le 7 décembre. Aucune bien sûr n’aura
commissaire à l’assermentation, l’autorisant à à intervenir militairement. Elles permettent
arrêter toutes personnes soupçonnées de tra- cependant de libérer une partie de l’armée
hison. Il se met en frais d’arrêter des sympa- stationnée à Québec qui peut alors être dépê-
thisants patriotes autour de Québec et même chée dans les zones plus chaudes du district
de les pourchasser jusqu’aux frontières améri- de Montréal.
caines en recourant aux dénonciations, à un Comme il fallait s’y attendre, surgissent alors
réseau d’espions et à l’ouverture du courrier. de Québec et d’ailleurs des déclarations
Il procède également à des arrestations « pré- spontanées de loyauté. L’une, le 29 novembre,
ventives » — une quarantaine — sous des de la part de citoyens du faubourg Saint-Roch,
accusations de haute trahison et de « menées l’autre, le 3 décembre, par d’autres du faubourg
86 pat r iotes et loyaux
les corps paramilitaires y apparaissent assez dans cette genèse. On se rappelle d’abord de
tard et ne semblent pas téléguidés par l’Asso- lui comme du fondateur en 1806 du premier
ciation constitutionnelle. L’évolution de journal réformiste de la colonie, Le Canadien,
l’association de Québec traduit bien le climat qui, malgré ses hauts et ses bas, est encore très
politique qui règne dans la capitale, où les influent à l’époque des troubles sous la direc-
camps politiques sont moins tranchés et où tion d’Étienne Parent. Bédard est également
bon nombre de patriotes sont susceptibles de celui qui donnera au « Parti canadien » sa doc-
se joindre à la coalition loyale. Son existence, trine politique et qui posera les bases stra-
bien circonscrite aux années 1834 à 1838, tégiques de l’action des députés canadiens.
correspond à la phase radicale du conflit au Pour Bédard, la tâche consiste dans un pre-
Bas-Canada, alors que sont le plus clairement mier temps à « prendre le contrôle » de
marquées les différences entre les deux mou- l’Assemblée législative par une stratégie
vements et que se pose avec acuité la question efficace lors des élections ; de là le rôle des
du destin politique de la province. Elle agit journaux. Dans un second temps, les reven-
davantage comme une force consensuelle, dications des députés canadiens doivent faire
mieux préparée pour l’après-rébellion, plutôt en sorte d’accroître le rôle de la Chambre aux
que comme une force de combat, à l’instar de dépens de l’exécutif qu’on juge coupé de la
l’association de Montréal. Par conséquent, réalité canadienne. Dès 1809, il conçoit un
même si elle ne rencontra pas Durham, la plan avant-gardiste destiné à implanter la res-
Quebec Constitutional Association est peut- ponsabilité ministérielle dans les institutions
être aussi celle dont les vues seront les mieux canadiennes en confiant les ministères aux
reprises dans le célèbre rapport. membres du parti majoritaire à l’Assemblée.
On attribue donc à Bédard la fondation du
Québec patriote premier véritable parti politique au Canada,
L’origine du mouvement réformiste de Qué- consacré non plus à faire pression sur l’exé-
bec remonte bien avant les années 1830. En cutif, mais bel et bien à éventuellement exercer
fait le nationalisme canadien, et avec lui le une partie du pouvoir. Par le fait même,
« Parti canadien », y serait né dès la première Bédard inaugure également les interminables
décennie du xixe siècle. L’avocat et journaliste luttes entre l’exécutif et l’Assemblée qui
Pierre-Stanislas Bédard joue un rôle éminent demande un accroissement de ses pouvoirs,
en particulier sous le gouvernement de James
Craig, entre 1807 et 1811. Création d’une opi-
Pierre-Stanislas Bédard (1762-1829) Né à Québec, de
Pierre-Stanislas Bédard et de Marie-Josephte Thibault. Le nion publique par les journaux, programme
26 juillet 1796, il épouse Luce Lajus, fille de François Lajus, audacieux conciliant démocratie et nationa-
chirurgien en vue de Québec. Il étudie au Petit séminaire de
Québec de 1777 à 1784. Après un stage de clerc, il est reçu lisme et contrôle de la Chambre d’assemblée
au barreau le 6 novembre 1790. À compter de 1792, il est par des députés canadiens, puis accroissement
successivement élu député pour les circonscriptions de de ses pouvoirs : l’héritage de Pierre-Stanislas
Northumberland, Basse-Ville et Surrey. Arrêté sur l’ordre du
gouverneur James-Henry Craig et emprisonné en mars 1810 Bédard est fondamental. Celui-ci sort cepen-
pour « pratiques traîtresses. », réhabilité par le gouverneur dant de scène dès 1812. Se pose dès lors la
Prévost, il sert en qualité de capitaine pendant la guerre de
1812. Il est nommé juge de la Cour du banc du roi à Trois- question de sa succession à la tête du parti
Rivières le 11 décembre 1812. qu’il a créé.
88 pat r iotes et loyaux
Bédard est intimement associé à la ville de partent dès les années 1820. James Stuart puis
Québec dont il fut député et où œuvreront ses Andrew Stuart, voyant s’évanouir leurs
fils Joseph-Isidore et Élzéar. Le caucus des chances de prendre la tête du parti, choisissent
députés de Québec croit donc tout naturel de le quitter, l’un pour la magistrature et la
hériter de la direction du parti. Comme la Clique du Château, l’autre pour le mouvement
responsabilité ministérielle n’existe pas, le constitutionnel. De même, Joseph-Rémi
gouverneur n’a pas à choisir les membres de Vallières de Saint-Réal et Amable Berthelot
l’exécutif au sein du parti majoritaire. Le prennent discrètement leurs distances. Le coup
« Parti canadien » a donc beau dominer la sera plus dur à encaisser à l’orée des années
Chambre, la seule fonction la moindrement 1830 quand le plus solide et le plus crédible
prestigieuse qui soit à la disposition de son appui de Papineau à Québec, le propriétaire
chef est celle de président ou « orateur » de de la Quebec Gazette, John Neilson, désavoue
l’Assemblée. Tous les candidats sérieux à la la radicalisation du « Parti canadien » et le
succession de Bédard sont issus de Québec, quitte. Au début de 1834, le dépôt des 92 Réso-
sauf un, le fils de Joseph Papineau, lieutenant lutions cause une plus grande hémorragie
montréalais de Bédard, Louis-Joseph Papi- encore au sein des rangs patriotes à Québec.
neau. Tous les rivaux de Papineau seront de S’opposer à la direction du parti comporte
fait écartés les uns après les autres entre 1815 cependant de grands risques, en particulier
et 1827 : François-Xavier Blanchet, Gabriel- parce que les électeurs ont tendance à appuyer
Elzéar Taschereau, James puis Andrew Stuart la radicalisation du discours politique. Aux
et enfin Joseph-Rémi Vallières de Saint-Réal. élections d’octobre 1834, tous les candidats de
Aucun de ces leaders québécois n’arrivant à la région de Québec qui s’opposent aux réso-
s’imposer, l’ascendant politique de la capitale lutions patriotes sont battus à plates coutures.
diminue sans cesse. Pendant ce temps s’accroît Les députés de Québec font face à un
le poids du caucus montréalais, en particulier dilemme à compter de 1834. D’un côté, s’ils
autour du clan familial des Chérrier- ne sont généralement pas solidaires des idées
Papineau-Viger-Dessaulles d’où émergent des radicales issues du caucus montréalais, ils ne
personnalités fortes, s’appuyant sur un pro- peuvent pas non plus compter s’opposer
gramme radical (OUELLET, 1959 : 319-320). ouvertement à Papineau, au sommet de sa
popularité auprès des électeurs. La consé-
Le parti de Québec quence est que la mobilisation dans la ville de
À compter de 1828 et jusqu’aux rébellions, le Québec, berceau du nationalisme canadien
mouvement patriote de Québec ne fera que français, sera insignifiante jusqu’aux rébellions
s’effriter. Si, au départ, Papineau peut compter de 1837-1838. Le mouvement patriote de
sur d’éminents politiques à Québec comme Québec aura donc tendance à nourrir en son
John Neilson, Andrew Stuart, Amable sein un groupe de députés et de militants fort
Berthelot et Étienne Parent, en 1837, il ne peut peu empressés à relayer les mots d’ordre de
s’appuyer que sur une poignée de radicaux Papineau, mais dépourvus du courage poli-
regroupés autour du Robert-Shore-Milnes tique de s’y opposer et qu’on désigne bientôt
Bouchette, bon nombre de ses lieutenants du nom de « parti de Québec » ou de « petite
étant passés dans le camp loyal. Les premiers famille » par opposition à la « grande famille »
les v il les 89
de Montréal. Avec le conseil de la corporation allié au Parti patriote, il est reconnu pour sa
de la ville de Québec, créé en 1832, le comité modération et sa défiance envers Papineau. En
de correspondance de Québec s’avérera la tri- février 1836, il peut même se permettre
bune du parti de Québec, hostile à la radica- d’affronter l’orateur, se déclarant ouvertement
lisation du Parti patriote, mais paralysée par en faveur d’une politique plus conciliante
la peur de s’y opposer (GALLICHAN, 1994 : envers le gouverneur Gosford. Berthelot
117 ; MG24 B129 : 31). participe bien à toutes les réunions du Comité
Les raisons de cette anémie se trouvent de correspondance, on lui confie même la
donc dans la perplexité de la députation présidence de la première grande assemblée
québécoise, jalouse de son influence perdue, patriote le 8 juin 1835 et une place au Comité
peu encline à s’engager dans le radicalisme permanent de Québec, mais il ne sera jamais
mais soucieuse de ne pas froisser le chef du ennuyé par les autorités. Berthelot incarne à
parti. La faiblesse de la mobilisation s’explique Québec le réformiste modéré qui n’entend pas
aussi par la vigueur et la puissance du mou- se laisser dicter sa conduite par les mots d’ordre
vement loyal, d’ailleurs constamment ali- incendiaires venus de Montréal (QM 11-06-
menté par des transfuges du mouvement 1835 ; LIB 19-09-1837 ; CHAPAIS, 1933 : 76).
patriote. Elle s’explique aussi par l’influence Étienne Parent est l’un des premiers à
plus grande dont semblent y jouir les prêtres s’inquiéter ouvertement de la dérive radicale
et les seigneurs, en particulier dans les comtés au sein du « Parti patriote ». Quand il relance
ruraux autour de la capitale. Enfin, Québec Le Canadien, en 1831, on voit pourtant en lui
ne semble pas faire face aux mêmes difficultés l’éminence grise du « Parti patriote ». Pour
économiques que le district de Montréal. Elle Parent, les maux dont souffre le Canada fran-
profite en fait d’une certaine prospérité éco- çais sont cependant bien plus profonds que de
nomique attribuable au commerce avec simples vices aux institutions politiques. En ce
l’Empire britannique et dont, par voie de con- sens, la radicalisation de Papineau dans
séquence, la plupart des couches de la popu- les 92 Résolutions lui apparaît une fuite en
lation semblent profiter. avant qui « ne pourra donner que des effets
Un des membres les plus représentatifs du
parti de Québec est sans conteste le député de
Étienne Parent (1802-1874) Né à Beauport, d’Étienne-
la Haute-Ville Amable Berthelot. À près de François Parent et de Josephte Clouet. Il étudie au collège
soixante ans, Berthelot est déjà un vieux routier de Nicolet, puis au Séminaire de Québec. Encouragé par
Augustin-Norbert Morin, il se lance dans le journalisme et
de la politique en 1834 et un personnage devient à 20 ans directeur du Canadien. Avec Neilson et
respecté, indépendant de fortune. Bien qu’il est Papineau, il combat alors le projet d’union. Durant l’inter-
ruption du Canadien, il étudie le droit puis entre au gouver-
nement à titre de traducteur, puis greffier. Il relance Le
Amable Berthelot (1777-1847) Né à Québec, de Michel- Canadien le 7 mai 1831. Il est l’un des premiers à plaider en
Amable Berthelot d’Artigny et de Marie-Angélique Bazin. faveur des insurgés faits prisonniers durant les événements
Reçu avocat en 1799, il s’établit à Trois-Rivières. Capitaine de de 1837 et est finalement arrêté le 26 décembre 1838 pour
milice du 1er bataillon de Trois-Rivières durant la guerre de « menées séditieuses ». À sa sortie de prison en avril 1839,
1812, député de Trois-Rivières en 1814, il est de ceux qui Parent est devenu presque sourd et se consacre exclusive-
préfèrent le Québécois Jean-Thomas Taschereau au Mont- ment à son journal où il publie et commente le rapport de
réalais Louis-Joseph Papineau à titre d’orateur de la Chambre Durham. La Fontaine le nomme greffier du Conseil exécutif
(DBC, VII : 78-79). Après un long séjour en Europe, il est de en 1842. Il donne aussi des conférences et des lectures
retour en politique en 1834 comme député de la Haute-Ville. publiques, notamment à l’Institut canadien.
90 pat r iotes et loyaux
déplorables » (CAN 12-04-1837). Déclaré Bédard est sans conteste le chef du parti de
« traître à la nation » par le Comité central de Québec. Papineau en est conscient et c’est à
Montréal, Parent n’en jouit pas moins d’une lui qu’il avait confié, le 13 janvier 1834, la
grande influence à Québec, où la haute tenue tâche hautement solennelle de présenter les 92
intellectuelle du Canadien fait généralement Résolutions à la Chambre. Son prestige vient
consensus. Pas étonnant donc que ce soit moins de son titre de député de Montmo-
Étienne Parent, le 18 mars 1834, qui réunisse rency, depuis 1832, que de son statut de fils
chez lui, rue Saint-Joseph, les réformistes de du grand Pierre-Stanislas Bédard, fondateur
Québec inquiets de la radicalisation du parti. du Canadien et du « Parti patriote » lui-même.
Officiellement, la rencontre vise à faire circuler En 1835, les tensions sont de plus en plus vives
la pétition accompagnant les 92 Résolutions et entre l’orateur et le chef du parti de Québec
destinée à l’Angleterre ; une tâche confiée à qui veut laisser sa chance au gouverneur
Québec au député Hector-Simon Huot. La Gosford, qui fait des avances sincères auprès
pétition est déposée le 21 juin 1834, le district des députés patriotes. Conséquemment,
de Québec ayant fourni pas moins de 18 000 Bédard remet en question l’autorité de Papi-
signatures (VIN 27-06-1834). François-Xavier neau qui s’obstine à prendre en défaut l’admi-
Garneau nous apprend en fait que la rencontre nistration coloniale : « L’honnorable Orateur,
du 18 mars est particulièrement houleuse, au qui partout et en toute occasion proclame la
point qu’on doit la poursuivre les 22, 24 et 26 pureté de ses motifs et de ses actes, n’est pas
mars suivants (CAN 17-03-1834 ; 24-03-1834). disposé à accorder aux autres ce qu’il croit être
L’assistance ne partage pas le ton alarmiste des son droit inhérent. Du moment que nous
résolutions patriotes et ressent de vives réti- osons différer avec lui, nos motifs sont en
cences à exprimer son appui. Autour de ce butte à ses observations sévères et irréfléchies »
groupe naît bientôt non pas une fronde, mais (RUMILLY, 1977 : I : 372).
plutôt une forme de résistance passive au pro- Qui retrouve-t-on chez Bédard à ces réu-
gramme patriote, suffisante pour enrayer toute nions de décembre 1834 et de mars 1835 ?
mobilisation significative à Québec, tandis que D’abord, des députés George Vanfelson
le sud du Bas-Canada est au même moment (Basse-Ville), Hector-Simon Huot (Portneuf),
emporté par un feu roulant d’assemblées Louis-Théodore Besserer (Québec), René-
publiques. Édouard Caron et Amable Berthelot (Haute-
Il faut de fait attendre le 8 décembre 1834 Ville), Elzéard Bédard (Montmorency), André
pour qu’on crée un comité de correspondance Simon (Saguenay) ; on y retrouve aussi un
de Québec, pour assurer la communication certain Louis Fiset qui joue un rôle discret
avec le Comité central de Montréal. La réu- mais très important dans le parti de Québec.
nion de fondation a lieu chez Elzéar Bédard. Même s’il ne fut jamais député, Louis
Fiset devint très tôt l’ami, le conseiller et
Elzéar Bédard (1799-1849) Né à Québec, de Pierre-Stanislas
Bédard et de Luce Lajus. Il renonce en 1819 à une carrière Louis Fiset (1797-1867) Né à Québec, de Pierre Fiset et
ecclésiastique et entre en apprentissage auprès de l’avocat d’Ursule Maufet. En 1821, il épouse Mary Powers. Il étudie
Andrew Stuart. En 1831, il participe à la relance du Canadien chez les protonotaires Joseph-François Perrault et John Ross
de Québec. Nommé juge en février 1836, il abandonne alors et est admis au barreau le 4 janvier 1822. Il pratique ensuite
la politique. à Québec jusqu’en 1844.
les v il les 91
l’organisateur politique de nombre d’entre bien plus floues qu’à Montréal et profitent
eux. Fiset domine en fait l’aile conservatrice généralement aux loyaux.
du parti de Québec et présente plusieurs affi- Déjà, le 24 avril 1833, Louis-Théodore
nités avec les loyaux. Il sera l’un des prin- Besserer est de ceux qui demandent le contrôle
cipaux organisateurs de la grande assemblée des subsides par l’Assemblée et l’électivité des
loyale sur l’Esplanade le 31 juillet 1837 où, en conseils exécutif et législatif et qui dénoncent
compagnie des Duval et Neilson, il fustige l’octroi de vastes territoires à la British Ame-
ceux qui selon lui sabotent le régime parle- rican Land Company (VIN 30-04-33). Cela lui
mentaire, prêchent la contrebande et fomen- vaut la reconnaissance du parti qui le fait élire
tent la révolution. Proclamant sa fidélité aux député de Québec le 7 octobre suivant. Trois
institutions britanniques, Fiset propose mois plus tard, il vote en faveur des 92 Réso-
notamment d’envoyer une pétition à la reine lutions. Le malaise n’est pourtant pas long à
pour l’assurer de la fidélité de ses sujets cana- s’établir entre Besserer et la direction du parti.
diens et lui demander de mettre fin aux abus À l’assemblée du 20 mars 1834, dans le fau-
et aux dissensions dont les Canadiens sont bourg Saint-Jean, son discours porte déjà un
victimes. Fiset ne semble cependant pas avoir regard critique sur les résolutions patriotes et
sombré dans la délation à compter de l’au- tend clairement à disculper le gouverneur
tomne 1837, contribuant au contraire à Aylmer. Prononcé dans la confusion la plus
disculper certains individus mis en accusation, totale, le discours de Besserer se termine de
dont Augustin-Norbert Morin, Étienne Parent façon abrupte. Ce dernier quitte précipitam-
et Jean-Baptiste Fréchette. Le parcours ment l’assemblée dès lors plongée dans le
politique tortueux d’un Fiset n’est pas excep- malaise (MG B129 : 11-17). La brèche semble
tionnel. John Maguire est au départ un colmatée quand il se joint au Comité de
partisan d’Andrew Stuart et du parti bureau- correspondance qui se réunit intensément en
crate, qu’il appuie aux élections d’octobre décembre 1834 en vue d’acheminer une nou-
1834. On le retrouve cependant aux assem- velle pétition au Parlement impérial. Besserer
blées patriotes à compter du 18 mai 1835. fait de nouveau parler de lui le 8 juin 1835 dans
Actif jusqu’à la fin de 1836, il se détache pro- le faubourg Saint-Jean quand il critique le
gressivement du mouvement patriote, pro- principe de l’électivité du Conseil législatif, un
bablement effrayé par le radicalisme du discours que le Quebec Mercury s’empresse de
groupe de Bouchette, et rallie les loyaux aux publier le 11 juin. Besserer participe encore à
heures les plus chaudes de 1837. Ce genre de l’Assemblée de la Garde-Robe le 28 mai 1837
revirement n’est pas exceptionnel à Québec où et à l’assemblée du 4 juin 1837 au marché
les frontières entre les deux mouvements sont
Louis-Théodore Besserer (1785-1861) Né à Château-
Richer, de Johann Theodor Besferer, chirurgien militaire d’ori-
John Maguire (1810-1880) Né en Irlande, il arrive à Québec gine allemande, et de Marie-Anne Giroux. Il fait ses études
avec sa famille en 1823. Après des études classiques au au Petit Séminaire de Québec, puis se consacre au notariat
petit séminaire, il fait sa cléricature au bureau de William sous la supervision de Félix Têtu. Reçu notaire en 1810.
Power. Reçu avocat le 20 septembre 1834. En 1852, il est Épouse Angèle Réaume en 1830, puis Margaret Cameron
nommé juge de la Cour des sessions de la paix pour le en 1844. Au cours de la guerre de 1812, il est reçu lieute-
district de Québec, puis juge de la Cour supérieure pour le nant, puis capitaine du 2e bataillon de Québec. Il s’établit à
district de Bonaventure (1868) et enfin à Rimouski (1871). Bytown en 1845.
92 pat r iotes et loyaux
personnes présentes dont nous avons le nom véhicule de promotion sociale. Le futur
semblent d’origine irlandaise (QM 11-06- premier lieutenant-gouverneur de la province
1835). de Québec (1867), Narcisse-Fortunat Belleau,
À l’été 1835, une commission chargée d’en- vient à peine d’installer son étude de droit à
quêter à propos des griefs de l’Assemblée est Québec qu’on le retrouve à courir les assem-
sur le point d’être créée à Londres et lord blées du parti de Québec. Il prend une part
Aylmer est remplacé comme gouverneur. On active à celle du 4 juin 1837 et se retrouve au
sent alors la tension s’accroître avec le parti de Comité permanent le 2 novembre 1837, sans
Montréal qui trouve que la petite famille tarde être ennuyé par la police. C’est en fait un jeune
à s’organiser. Le 5 août 1835 se tient donc une homme indépendant de fortune qui saura fort
importante réunion des « députés résidents à bien profiter de ce bref engagement politique.
Québec » : Berthelot, Besserer, Caron, Boisson- On retrouve encore, assidus aux réunions du
nault, Morin, Deblois, Godbout, Huot, Tessier, « parti de Québec » : Olivier Fiset, Ignace
Vanfelson et Elzéar Bédard (MG24 B128 : Gagnon, François O. Gauthier et Félix Têtu,
60C). À cette heure, l’Association constitu- notaire public de Québec.
tionnelle de Québec a déjà délégué John La crise entre Québec et Montréal atteint
Neilson en Grande-Bretagne, parti le 3 avril, son apogée en avril 1836 quand un proche
afin de porter sa pétition. Profitant de ce fait, d’Étienne Parent, le député René-Édouard
le caucus de Québec propose ni plus ni moins Caron, convaincu de la bonne foi de lord
de nommer Louis-Joseph Papineau à titre de Gosford, décide de s’exprimer contre Papineau
délégué en Angleterre afin d’y plaider la cause et de voter en faveur de l’octroi des subsides au
des Canadiens et de faire contrepoids à l’émis- gouvernement. C’est un véritable affront pour
saire de la QCA. Ce geste est clairement un son chef qui sent chanceler ses appuis au profit
affront visant à éloigner Papineau du Bas- d’une politique de rapprochement. Caron avait
Canada et à voir triompher la tendance modé- pourtant appuyé les 92 Résolutions, fait circuler
rée au sein du parti. La manœuvre avait une pétition d’appui dans le quartier du Palais,
d’ailleurs été tentée en 1823 durant l’absence participé aux réunions du comité de corres-
de Papineau en mission à Londres. Certains pondance et à l’assemblée du 8 juin 1835 (QM,
« patriotes de Québec voient dans cette
mesure une occasion favorable de détrôner Narcisse-Fortunat Belleau (1808-1894) Né à Québec, de
Gabriel Belleau, cultivateur, et de Marie-Renée Hamel. Il fait
Papineau » (OUELLET, 1959 : 325). La ses études classiques au Petit Séminaire de Québec de 1818
manœuvre échoue bien évidemment, si bien à 1827, puis sa cléricature auprès de Joseph-François
qu’en débarquant de bateau, en août 1835, Perrault, protonotaire à la Cour du banc du roi. Il est reçu
avocat le 26 septembre 1832, puis s’installe rue Saint-Louis
lord Gosford est en mesure d’apprécier la et s’adonne à la pratique du droit. Après l’Union, il s’affilie
tension qui divise le Parti patriote. Diplomate, à La Fontaine puis aux conservateurs de George-Étienne
Cartier qui le couvrent d’honneurs.
le nouveau gouverneur saura exploiter cette
faille et séduire en particulier la députation de
Olivier Fiset, marchand de Québec, fils de Pierre Fiset et
Québec en lui faisant miroiter des places au d’Ursule Monfette. Épouse, en 1821, Julie Diganard.
Conseil législatif et dans la magistrature.
Au grand dam de Papineau, l’adhésion au Ignace Gagnon Né à Québec vers 1809, de Jean-Baptiste
Parti patriote put alors devenir un excellent Gagnon et de Marguerite Levesque.
94 pat r iotes et loyaux
11-06-1835 ; CAN 21-03-1834 ; MG24 B128 : Norbert Morin, se voit confier par Papineau la
35C). À la suite de son geste, Caron est tâche de revitaliser le mouvement patriote à
cependant dénoncé par ses électeurs. Le 6 mars, Québec. Introverti et peu doué pour l’or-
Charles Hunter, Joseph Légaré et Charles ganisation, Morin est aussi mal à l’aise avec les
Drolet remettent à Papineau une pétition querelles de la capitale et ne choisit jamais
signée par 700 électeurs dénonçant le geste du vraiment son camp. Jusqu’en 1836, Morin est
député Caron, forcé de démissionner dès le d’abord un Montréalais où il fonde La Minerve
lendemain (BIBAUD, III : 343). En vue de et rédige une bonne part des 92 Résolutions. Il
l’élection partielle qui s’ensuit, les patriotes est d’ailleurs chargé par le Comité central et
proposent Joseph Painchaud, un homme de permanent de les acheminer personnellement
Papineau, cependant battu par Andrew Stuart en Angleterre. Morin s’avère une excellente
le 26 mars au terme d’un scrutin houleux. Les plume doublée d’un authentique intellectuel ;
patriotes tiennent donc le 1er avril une assem- peut-être le seul que le parti puisse opposer à
blée de « protestation » dénonçant la violence Étienne Parent. À l’instar de R.-S.-M. Bou-
utilisée par les tories lors du scrutin. Si Étienne chette, il participe à toutes les manifestations
Parent y assiste, aucun député ne s’y présente. de 1837 et tente de satisfaire l’exigeant mandat
L’assemblée est en fait organisée par les confié par Papineau. Ses efforts ne se limitent
radicaux irlandais : Connolly, Teed et Hunter pas à la ville de Québec. Il organise aussi des
(VIN 19-04-1836). Au printemps 1836, le assemblées dans L’Islet, à Trois-Rivières et
mouvement patriote est démembré à Québec même dans Missisquoi (MIN 19-02-1837 ;
et plus aucune manifestation sympathique aux MIN 6-7-1837). Dans l’ensemble, Morin n’aura
patriotes ne s’y tient avant un an. pas vraiment infléchi sur le cours des événe-
L’annonce à travers le Bas-Canada des dix ments. Son manque d’énergie et d’esprit de
résolutions Russell le 10 avril 1837 aura pour décision pourrait expliquer que « son action
effet de raccommoder les réformistes de toutes comme chef de la rébellion à Québec fut un
tendances pour s’opposer en bloc à cette véritable échec » (PARADIS, 1977 : 628). Son
atteinte aux droits constitutionnels de l’Assem- regret de ne pas avoir su empêcher le recours à
blée. Le député de Bellechasse, Augustin- la violence pourrait aussi expliquer son man-
que de détermination (BÉCHARD, 1885 : 70).
René-Édouard Caron (1800-1876) Né à Sainte-Anne-de-
Beaupré d’Auguste Caron et d’Élisabeth Lessard. Admis au
barreau le 7 janvier 1826, il épouse Marie-Vénérande- Augustin-Norbert Morin (1803-1865) Né à Saint-Michel-
Joséphine Dubois deux ans plus tard. Il débute en 1833 sur de-Bellechasse d’Augustin Morin et de Marianne Cottin, dit
la scène municipale de Québec comme représentant du Dugal. Le 28 février 1843, il épouse Adèle Raymond, sœur
quartier du Palais, puis succède à Elzéar Bédard comme de Joseph-Sabin Raymond, supérieur du séminaire de Saint-
maire jusqu’en 1836, puis de 1840 à 1846 (DBC, X :144- Hyacinthe. Il étudie au Séminaire de Québec de 1815 à
149). Caron accède au Conseil législatif à la veille des 1822, puis fait son apprentissage à l’étude de Denis-Ben-
rébellions, Gosford ayant ainsi une accointance avec un jamin Viger à Montréal pour être reçu avocat en 1828. En
patriote modéré et premier maire de Québec. Caron fera 1826, il fonde La Minerve, qu’il cède aussitôt à Ludger
une belle carrière sous l’Union : lieutenant de La Fontaine à Duvernay tout en y collaborant durant les dix années sui-
Québec, président du Conseil exécutif, juge de la Cour supé- vantes. Il est élu député de Bellechasse le 30 octobre 1830
rieure, puis de la Cour d’appel et à la Cour seigneuriale en et réélu en 1834. Il est brièvement incarcéré en 1838. Fer-
1854. Il siège à la Commission d’élaboration du code civil vent opposant à l’Union, il est de nouveau député dès 1841.
finalement adopté en 1866. Lieutenant-gouverneur en Président de la Chambre en 1847 et premier ministre con-
1873. jointement avec Hincks, puis McNab.
les v il les 95
Ainsi donc, les patriotes de Québec qu’on avant l’heure prévue en faisant un grand
tenait pour morts tiennent une série d’assem- meeting patriote. L’Assemblée de la garde-robe
blées publiques à compter de mai 1837. (qui tire son nom du vestiaire de l’Assemblée
Cependant, le noyau de l’organisation a nota- législative où elle se déroule) servira à recevoir
blement changé entre-temps. Depuis l’inci- et à rédiger des résolutions adoptées lors d’une
dent Caron en 1836, le parti de Québec est sur grande assemblée le 4 juin suivant. Très peu
la touche. En revanche, on remarque l’ascen- de modérés y assistent, à part Besserer et Rémi
dant d’un groupe de radicaux autour du jeune J. Belleau, père de Narcisse. Pour le reste, des
R.-S.-M. Bouchette. Ce groupe s’était déjà radicaux, Teed, O’Kane, Connolly, Hunter,
signalé à l’assemblée du 8 juin 1835 où les Drolet et surtout R.S.M. Bouchette qui, juché
deux tendances s’affrontent. On décide de sur une table, prononce un discours impé-
se regrouper autour d’une association de tueux destiné à secouer la torpeur des Qué-
réforme où aucun député ne figure. On bécois (GALLICHAN, 1994 : 124-125 ; MIN
retrouve leur trace le 8 septembre suivant à 01-06-1837).
une assemblée des « former members of the Une véritable assemblée populaire sur le
British and Irish of the Association de réforme modèle de celles qu’on retrouve ailleurs au
de Québec » qui donnent un appui sans Bas-Canada est tenue au marché Saint-Paul le
équivoque aux 92 Résolutions et à la lutte du 4 juin 1837 devant 2000 à 3000 personnes
peuple irlandais (VIN 18-09-1835). Lors du sous les auspices d’Augustin-Norbert Morin.
banquet de la St. Patrick du 17 mars 1836 à S’y retrouve à peu près toute la coalition
l’hôtel Murphy (basse-ville), on retrouve patriote, du peintre Joseph Légaré à Narcisse
essentiellement le même noyau d’« Irish Belleau en passant par Louis-Théodore
Reformers », à savoir Connolly, Maguire, Besserer, dans ce qui a toutes les apparences
O’Leary, Quigley et un ancien de Québec : d’une réunion de famille un peu forcée et
Edmund Bailey O’Callaghan. Comme c’est la placée sous la présidence de Jean Guillet. On
coutume, des Canadiens français y sont aussi : y choisit en particulier la délégation devant
Augustin Taschereau et Charles Drolet, fraî- représenter Québec à l’éventuelle Convention
chement élu dans Saguenay (VIN 11-03- nationale. Aucun député n’y figure. Les huit
1836). Si bien que, quand éclate la nouvelle délégués choisis sont tous des radicaux :
des résolutions Russell en avril 1837, c’est Bouchette, Hunter, Légaré, Eugène Trudeau,
désormais ce groupe qui prend l’initiative à Jean Tourangeau, Barthelemy Lachance et
Québec. Les « Irish & British Reformers » se Édouard Rousseau. Le ton de certaines réso-
réunissent dès le 15 mai dans la basse-ville lutions adoptées laisse d’ailleurs entendre le
sous la présidence de Michael Connolly (VIN triomphe de ce groupe. À preuve, le lende-
23-05-1837). Une assemblée improvisée a lieu main 5 juin, George Vanfelson, n’approuvant
deux semaines plus tard devant le Palais pas les propos tenus la veille, abandonne son
épiscopal le 28 mai. Une assemblée convoquée siège de député de la Basse-Ville et quitte
par les loyaux de Québec à l’entrée de l’As-
semblée législative est alors complètement
noyautée par les hommes de Robert-Shore- Jean Guillet dit Tourangeau épouse Adélaïde Bernier. Il
Mills Bouchette qui s’emparent de la place est le père d’Adolphe Tourangeau, maire de Québec.
96 pat r iotes et loyaux
définitivement la vie politique (ROY, 1959 : blées loyales. Son fils Robert-Shore-Milnes,
243 ; MIN 8-06-1837 ; RUMILLY, 1977, I, 440). aussi doué et affable que bilingue, est bientôt
Cette démission étale encore une fois au la coqueluche de la société anglaise. Il a
grand jour les divisions parmi les patriotes de séjourné en Angleterre où on l’a même pré-
Québec. Prenant l’initiative, le groupe des senté au futur Guillaume IV. C’est donc une
radicaux pose dès le 18 juin la candidature de commotion pour cette famille résolument
son leader : le marchand irlandais Michael loyale quand Robert-Shore-Milnes décide, à
Connolly (CAN 19-06-1837). Connolly est l’âge de 31 ans, de se ranger du côté des plus
alors au centre d’une controverse à propos du radicaux patriotes de Québec et de plonger
comité de la paroisse St. Patrick. Cette élec- tête baissée dans la rébellion. « En entrant
tion prend donc les allures d’un plébiscite dans le parti des libéraux ou des radicaux,
auprès de la communauté irlandaise de Qué- j’agissais conformément à mes convictions,
bec. Les loyaux vont redoubler d’efforts pour mais je faisais violence à mes goûts, car je
le défaire et lui opposent l’influent homme m’aliénais un grand nombre d’amis person-
d’affaires John Munn. Au terme d’un vote très nels qui se trouvaient au nombre de mes
serré, Munn enlève un autre siège aux adversaires politiques » (AUBIN, 2000 : 64).
patriotes à Québec. De fait, jusqu’en 1836, sinon 1837, Bouchette
Du fait de ses relations et surtout du fait est un inconnu dans les cercles politiques. Par
de son célèbre père — Joseph Bouchette la suite, son activité politique et militaire sera
arpenteur général du Canada —, tout dési- cependant d’une intensité peu commune.
gnait Robert-Shore-Milnes Bouchette à Profitant du prestige de son père, il pose sa
s’engager du côté loyal ou, à tout le moins, à candidature comme député du comté de
demeurer loin du conflit politique. Joseph Saguenay à l’élection partielle de février
Bouchette (1774-1841) a en effet de nom- 1836, mais est battu par Charles Drolet, un
breux liens avec des membres de la Clique du homme de Papineau. Le patriotisme de
Château et participe lui-même à des assem- Bouchette, on le voit, restait encore à
démontrer. Nullement démonté, Bouchette
organise coup sur coup les trois assemblées
George Vanfelson (1784-1856) Né à Québec, d’Antoine
(Anthony) Vanfelson et de Josephte Meunier. Il est avocat,
officier de milice, puis juge. En 1806, il épouse Dorothée- Robert-Shore-Milnes Bouchette (1805-1879) Né à Qué-
Magleine Just. Élu député de la Haute-Ville dès 1815. bec, de Joseph Bouchette, arpenteur général du Bas-
D’origine allemande et d’allégeance réformiste, il reçoit le Canada, et de Marie-Louise-Adélaïde Chaboillez. Il
suffrage des francophones comme des anglophones. Après entreprend l’étude du droit dans le bureau d’Andrew Stuart,
un passage à la magistrature, il est de retour comme député mais s’intéresse surtout à la cartographie et aux voyages.
de la Basse-Ville en 1832 et est dès lors associé aux patriotes. Arrêté et condamné à l’exil aux Bermudes, il quitte Québec
Il défend ainsi les 92 Résolutions, mais résiste fortement à la le 4 juillet 1838, à bord de la frégate Vestal et arrive à
radicalisation du parti. Leader du parti de Québec depuis la destination le 28 courant. Il est bientôt libéré et s’installe au
nomination de Bédard comme juge en 1836, il s’en retourne Vermont où il est reçu avocat. De retour au Canada en
à la magistrature après les troubles avant de devenir chef de 1845, il est nommé greffier du procureur général du
la police de Montréal. Canada-Est, puis commissaire des douanes en 1851 ainsi
qu’à d’autres charges publiques. L’épisode patriote de
Michael Connolly Marchand originaire du Wexfort Bouchette aura donc été bref, mais intense. Ironiquement, il
(Irlande). Né en 1794, il arrive à Québec vers 1800. Il est semble correspondre à sa courte période de célibat entre le
l’un des fondateurs de la paroisse St. Patrick et siège au décès de sa première épouse en 1834 et son mariage avec
conseil municipal de Québec. Caroline-Anne, fille d’Amable Berthelot, en 1838.
les v il les 97
anti-coercitives de Québec : les 28 mai, 4 juin qu’on retrouve dans les mêmes organisations
et 18 juin 1837. caritatives et au centre d’une controverse lors-
L’entrée en scène de Bouchette est aussi qu’ils sont exclus du comité de direction de la
ponctuée par la fondation, le 17 juin, du paroisse « pour la paix et l’harmonie de ce
bihebdomadaire Le Libéral /The Liberal, dont comité ». Cette exclusion fut sans doute causée
il assume la partie française et confie la rédac- par les pressions venant d’influents membres
tion de la partie anglaise à Charles Hunter, de l’Association constitutionnelle, notamment
grâce notamment à l’appui financier de Pierre de Patrick Lawlor et de Dominick Daly, égale-
Chasseur et de Joseph Légaré. Aligné sur la ment président de la St. Patrick Society de
pensée de Papineau et d’un radicalisme qui Québec. John B. Ryan est un proche du leader
l’apparente au Vindicator de Montréal, Le montréalais E. B. O’Callaghan et agit comme
Libéral vise clairement à faire contrepoids au agent de La Minerve à Québec, qui fait contre-
Canadien d’Étienne Parent (BEAULIEU, 1973 : poids au Canadien avant la fondation du
95). Charles Hunter milite en particulier pour Libéral. Ryan réussit à fuir aux États-Unis en
que les institutions politiques soit assainies et novembre, où il s’implique à fond dans la
qu’on étende le système électif. En 1836, il est cause des Frères chasseurs. Le parcours difficile
impliqué dans un conflit avec la fabrique de la que suit Ryan par la suite témoigne chez lui
paroisse St. Patrick, lui inspirant quelques de profondes convictions libérales, républi-
sorties au ton anticlérical, inadmissible au caines et parfois anticléricales.
sein de la communauté irlandaise de Québec. Lié dès le départ à l’aventure du Libéral,
Hunter a beau se rétracter le 25 octobre et l’artiste peintre Joseph Légaré est avant tout
accepter publiquement les doctrines catholi- un fidèle de Louis-Joseph Papineau et assure
ques, le curé de la paroisse Notre-Dame de dès 1834 la circulation de la pétition d’appui
Québec, Charles-François Baillargeon, exige aux 92 Résolutions. C’est aussi lui qui dirige
davantage. Si bien que l’édition anglaise du une délégation exigeant la démission du
Libéral cesse de paraître dès le 28 octobre. député Caron. En 1837, on le retrouve dans le
Finalement, poursuivis et arrêtés par le chef sillage de Bouchette et de Hunter au Comité
de police Robert Symes, les actionnaires permanent de Québec. Il est arrêté et empri-
Chasseur et Légaré se retirent le 14 novembre sonné le 13 novembre, puis libéré sous caution
suivant, entraînant la fermeture définitive du cinq jours plus tard.
Libéral le 20 novembre 1837.
Teed, Connolly, Quigley, Hunter, et John B. John B. Ryan (1792-1863) Propriétaire de navires, né à
St. John’s, Terre-Neuve. Arrivé à Québec vers 1823, il s’en-
Ryan forment un quintet de radicaux irlandais gage dans le transport de passagers entre Montréal et
Québec. En fuite en 1837, il s’installe avec son fils John au
Vermont où il correspond avec les chefs rebelles réfugiés
Charles Hunter (1808-1839) Né à Québec, de Charles aux États-Unis. Il est de retour au Canada en 1844.
Hunter, marchand tonnelier, et d’Elizabeth Tough. Il est reçu
avocat le 11 juin 1833
Joseph Légaré (1795-1855) Né à Québec, de Joseph Légaré
et de Louise Routier. En 1818, il épouse Geneviève Damien. Il
Michael Quigley (aussi Quighley) Irlandais catholique. est artiste peintre, un des plus connus du XIXe siècle québécois.
Entrepreneur en construction, il travaille notamment à la Il peignit quelque 250 œuvres dont une centaine de tableaux
construction de l’église St. Patrick (1831) et à la réfection de religieux et certains sujets historiques célèbres. Il anima
l’hôtel Albion où se tiennent les rassemblements loyaux. également une galerie d’art et fut un collectionneur avisé.
98 pat r iotes et loyaux
Hunter réussit lui à prendre la fuite. Il est William Keating, John Kelly, Edward Moss,
cependant arrêté le 8 mars 1839 pour avoir Patrick O’Connor, James O’Neil ou Edward
apparemment trempé dans l’évasion de la Quigley qui assistent en particulier à la réu-
citadelle de rebelles du Haut-Canada. Libéré nion du 10 et qui montrent qu’en se radica-
sans procès le 29 avril, il meurt le 8 septembre lisant le mouvement patriote à Québec a
1839 à Rimouski, où il s’était rendu plaider sa curieusement tendance à s’angliciser ? Le
cause. Quant à Bouchette, on suit sa trace Comité permanent de Québec compte 88
jusqu’au 9 novembre 1837, alors qu’il parti- membres et les Irlandais forment environ le
cipe à une dernière réunion du comité perma- quart de l’effectif (LIB 19-09-1837). La pre-
nent, puis il se réfugie aux États-Unis (LIB mière réunion du Comité a officiellement lieu
10-11-1837). Le 6 décembre 1837, il participe le 12 octobre chez Pierre Chasseur, sculpteur.
à l’affrontement de Moore’s Corner (MISSIS- Y dominent les Irlandais, ainsi que de jeunes
QUOI) où il est blessé et fait prisonnier. Le francophones radicaux : Bouchette et Morin
28 juin 1838, avec sept autres chefs, il est bien sûr, mais aussi Barthelemy Lachance,
condamné à l’exil aux Bermudes en échange Joseph Légaré, Eugène Trudeau et Joseph-
de l’amnistie pour les autres prisonniers. Édouard Turcotte (LIB 14-11-1837). Joseph-
Après celle du 4 juin, deux assemblées Édouard Turcotte était déjà connu pour ses
patriotes ont ensuite lieu en septembre, le 10, poèmes et ses chroniques particulièrement
rue du Glacis et, le 17, à la porte de l’église du durs envers le régime britannique parus dans
faubourg Saint-Roch (VIN 09-06-1837 ; MIN La Minerve au cours de 1834 (POTHIER,
08-06-1837 ; CAN 19-06-1837). C’est lors de 1984 : 60-63). Installé à Québec, ce prêtre
ces rassemblements qu’on jette enfin les bases défroqué est clairement associé aux radicaux.
d’un comité permanent de Québec, devant Il surgit sur la scène politique en juin 1837, à
incarner l’unité retrouvée et permettre à Qué- l’occasion de l’élection partielle opposant
bec d’occuper sa juste place au sein du mou- Connelly à Dunn. En septembre, il est
vement patriote. « Que nous voyons avec secrétaire fondateur du Comité permanent
satisfaction que nos compatriotes du comté (LIB 17-09-1837 ; MIN 12-10-1837).
des Deux-Montagnes et des Six-Comtés [… ]
se sont organisés d’une manière permanente Une vague d’arrestations
pour aviser aux moyens de régler leurs affaires Le climat devient survolté à Québec à compter
[…] et que nous regardons cette organisation de novembre 1837. Le Comité permanent de
comme devant être imitée ailleurs, et comme Joseph-Édouard Turcotte (1808-1864) Né à Gentilly, de
un gage des plus heureux résultats » (LIB 19- Joseph Turcot et de Marguerite Marchildon. Reçu prêtre en
09-1837 ; BERNARD, 1983 : 104). Ceux qui y 1830, il abandonne les ordres à la suite d’un accident et se
consacre au droit auprès d’Elzéar Bédard à Québec et publie
assistent sont sensiblement les mêmes qui régulièrement dans La Minerve. Admis au barreau en 1836,
étaient là le 4 juin. Certains modérés comme il est candidat patriote radical défait dans Nicolet à une
élection partielle en avril 1835 face à Jean-Baptiste Hébert.
Besserer, Belleau et Morin sont encore une fois Après ses esclandres de novembre 1837, il plaide la défense
dominés par les Irlandais radicaux (LIB 15- de Célestin Houde et réussit à le faire libérer, malgré la
09-1837). Comment en effet douter de l’ori- suspension de l’habeas corpus (Pothier, 1984 : 70). Il s’ins-
talle à Trois-Rivières en 1839 où il mène une brillante carrière
gine des Thomas Boyd, M. Connolly, James politique comme maire et député d’allégeance bleue à
Doyle, Denys Fitzpatrick, Charles Hunter, compter de 1841.
les v il les 99
Québec se réunit encore le 2 novembre, puis La situation est beaucoup plus calme à
le 12, mais à compter du 10, les membres du l’automne 1838. Les autorités britanniques
Comité sont la cible de rafles policières. Une détiennent cependant pendant plusieurs
certaine nervosité anime les autorités, si bien semaines des réformistes de Québec soup-
qu’une trentaine d’arrestations sont effectuées çonnés de haute trahison. La citadelle de
sans grand discernement à même la liste des Québec est le théâtre d’un fait d’armes auda-
membres publiée dans Le Libéral du 19 octo- cieux qui vaudra la renommée à son auteur :
bre. La plupart sont d’ailleurs libérés dès le 18 Charles Drolet. Le 16 octobre 1838, avec John
novembre, comme les marchands Eugène Heath, Drolet fait évader cinq Américains
Trudeau et Barthelemy Lachance. Le len- arrêtés dans le Haut-Canada et condamnés à
demain, un dimanche, plus de 1000 personnes la déportation en Australie. Drolet est cepen-
sont réunies au marché Saint-Paul. Après la dant arrêté sur ordre de son cousin François
harangue de Joseph-Édouard Turcotte, la Quirouet, chez qui il s’était réfugié. Il s’enfuit
foule envahit les rues en poussant des hourras bientôt à son tour et réussit à gagner les États-
devant la résidence de ceux qui les ont fait Unis. Il est aussi question à compter du
arrêter (ROY, 1959 : 243). Des loyaux se mani- 11 novembre de l’arrestation préventive de
festent à leur tour, brisant des carreaux de John Teed, associé au groupe des Irlandais
fenêtres. On rapporte aussi des bagarres entre radicaux. Teed se trouve dès lors au cœur d’un
manœuvres et calfats canadiens et anglais aux débat judiciaire qui allait engager les plus
chantiers maritimes (FILTEAU, 1975 : 355). hautes instances de la colonie. L’avocat de
L’excitation devient si intense que les auto- Teed, Thomas Cushing Aylwin, est un membre
rités militaires décrètent un couvre-feu pour éminent de la QCA. Il présente pour son client
les journées suivantes et verrouillent la haute- une requête en habeas corpus, malgré sa sus-
ville, pendant que les banques de la basse-ville pension par le Conseil spécial le 8 novembre.
mettent tout leur numéraire à l’abri dans les À la surprise générale, les juges Philippe
murs de la citadelle. Ce climat de tension est Panet et Elzéar Bédard acceptent la requête
alimenté par un réseau de rumeurs et de d’Aylwin, déclarent inconstitutionnelle
bruits qui entretiennent le qui-vive même si
aucun autre incident n’est rapporté (CAN 22-
Charles Drolet (1795-1873) Né à Québec, de Charles Drolet
11-1837 ; HARE et al., 1987 : 241 ; ROY, 1959 : et d’Angélique Hill. Il épouse en 1830 Marguerite Quirouet,
244). fille du patriote Rémi Quirouet. Admis au barreau en 1827,
il exerce sa profession à Québec. Il est élu député de
Eugène Trudeau (1797-1878) Fils de François Trudeau et Saguenay à l’élection partielle le 6 février 1836. Il prend la
Marguerite Weilbrenner, frère de Romuald Trudeau, apo- fuite aux États-Unis où il se joint aux Frères chasseurs. Reçu
thicaire à Montréal. Marchand, il tient un magasin général à au barreau de l’État de New York, à Buffalo, en 1839, il
Maskinongé de 1827 à 1831, puis s’établit à Québec. pratique ensuite le droit à Detroit. Il s’installe cependant à
Membre du Comité permanent et l’un des plus fermes Montréal en 1849. Il est nommé greffier de la Cour de la
supporters du Libéral, il est arrêté le 11 novembre et libéré vice-amirauté de Québec en 1850 puis, en 1854, greffier
le 18 (MARTIN, 1981 : 24). suppléant de la Cour d’appel.
Barthelemy Lachance (1783-1860) Né à Saint-Jean de l’île John Teed Américain d’origine et tailleur à Québec. L’un
d’Orléans, de François Pepin dit Lachance et de Véronique des trois Irlandais exclus du comité de direction de la paroisse
Trudel. Marchand de Québec, marié le 20 avril 1807 à Fran- St. Patrick à la suite des manœuvres de Dominick Daly de la
çoise Demers. Arrêté le 11 novembre, il est libéré dès le 18. QCA.
100 pat r iotes et loyaux
The Montreal Gazette est déjà une véritable sujets britanniques […], de dépasser leur haine
institution en 1837. Le journal accompagne et pour tout ce qui est anglo-saxon, de consulter
commente en effet la vie canadienne depuis leurs propres intérêts » (LEFEBVRE, 1970 : 47,
1778. À l’origine réformiste et bilingue, La 78, 127, 205). Même après l’Union, The
Gazette a cependant bien changé depuis Montreal Gazette continuera de s’opposer aux
l’époque de Fleury Mesplet. C’est en 1826 que revendications réformistes et au gouver-
Robert Armour prend officiellement position nement responsable réclamé par Baldwin et
contre le « Parti canadien ». La Gazette devient La Fontaine.
un journal farouchement loyal et mène une En 1837, au plus chaud de la crise poli-
lutte sans merci aux publications réformistes tique, Armour confie la rédaction du journal
qui qualifient à leur tour La Gazette de « grosse à David Chisholme, un ultra conservateur
cloche du Parti britannique » (LEFEBVRE, associé au régime du très honni lord
1970 : X). Robert Armour fils est engagé dans Dalhousie dès les années 1820, puis à son tour
bien d’autres activités, commerciales, bancaires ostracisé par les patriotes de Papineau. En
et philanthropiques, au sein de la puissante effet, Chisholme ne cache pas ses préjugés
communauté écossaise de Montréal. Sous sa raciaux qui transparaissent dans le journal de
direction, La Gazette poursuit en fait le rêve même que dans l’ouvrage qu’il consacre à
d’un empire-nation unitaire où la communauté l’histoire des rébellions, Annals of Canada for
canadienne doit accepter de jouer un rôle 1837 and 1838, qui paraît en feuilleton dans la
secondaire. Le reproche fondamental que La Montreal Gazette de 1838 à 1840. Sous sa
Gazette adresse aux revendications patriotes est houlette, La Gazette fait intensément la pro-
qu’elles auraient pour effet de priver la popu- motion de l’union des Canadas, seul moyen
lation britannique de tout pouvoir et d’ins- d’assurer la prépondérance britannique et
taurer un régime despotique, appuyé sur un « l’entière destruction de l’ignorance et des
groupe homogène, jouet d’une poignée de préjugés canadiens-français » (CHISHOLME,
démagogues poursuivant des fins égoïstes : 1838 : 9).
« … to place the whole power of the Govern- Le Montreal Herald est fondé en 1811 par
ment, legislative, administrative in the hands des immigrants écossais avec l’appui de l’épis-
of one class of the population » (MGZ 11-02- copat anglican. Avec plus de 3000 abonnés, le
1837). Les leaders canadiens-français s’avèrent Herald est en 1837 le plus important journal
« incapables de se hausser au niveau des libres du Bas-Canada. Dès la guerre de 1812, le jour-
nal oriente sa pensée vers le torysme pour
Robert Armour Jr. (1781-1857) Né à Kilmarnock, en Écosse,
de Robert Armour, cordonnier, et de Jean Shaw. Il arrive à
Montréal en 1798. En 1806, il épouse Elizabeth Harvie, de David Chisholme (1796-1842) Vint au Bas-Canada en
Kilmarnock. En mai 1816, Armour s’était associé à George 1822, probablement sous les auspices de lord Dalhousie.
Davis et, en juin de l’année suivante, il fonde la Banque de Chisholme avait étudié le droit et occupé des fonctions
Montréal avec huit autres associés, dont George Moffatt, juridiques en Écosse. Il travaille pour plusieurs journaux
James Leslie et Austin Cuvillier. Il est lieutenant dans le 1er montréalais dont La Gazette. En novembre 1826, Dalhousie
bataillon de milice de la ville de Montréal et trésorier de la nomme Chisholme greffier de la paix du district de Trois-
congrégation Scotch Presbyterian. Outre La Gazette, il fait Rivières. De 1829 à novembre 1835, il délivre des permis de
l’acquisition, en septembre 1837, du Farmer’s Advocate and magasins et de tavernes au nom du secrétaire de la province.
Townships Gazette qui devient le Sherbrooke Gazette and Chisholme redevient rédacteur en chef de la Montreal
Townships Advertiser et se met au service des loyaux. Gazette en 1837 et cela jusqu’à sa mort.
les v il les 103
dénoncer l’envahisseur américain et accuser les SIÈRE ; 1996 : 412). Un tel polémiste ne tarde
réformistes du « Parti canadien » de s’inspirer évidemment pas à se joindre au mouvement
de l’idéologie yankee. En 1833, le journal est loyal montréalais. Les 1er et 5 avril 1834, Thom
vendu à Robert Weir, un loyal et un gallophobe est secrétaire de deux assemblées destinées à
notoire. Dès 1834, il embauche un autre dénoncer les 92 Résolutions (MGZ 1er-04-
Écossais, Adam Thom, à titre de directeur et 1834 ; MGZ 8-04-1834). Au début de 1835, il
de rédacteur. Dès lors débute une mémorable signe la pétition afin que soit créée la Montreal
croisade antipatriote. Tout comme son patron, Constitutionnal Association, puis siège à
Adam Thom est un loyal forcené. « Le temps l’exécutif à compter de 1836. Thom prononce
d’indécision est passé. Les Britanniques doivent enfin un discours lors de la grande assemblée
ou écraser leurs oppresseurs, ou se soumettre du Tattersall, le 23 octobre 1837 (MGZ 22-01-
tranquillement au joug qui leur est préparé » 1835, 15-12-1836, 19-12-1836, 6-07-1837).
(MH, 11-09-1836). En fait, le ton du Herald Dans le sillage de Thom, on trouve James
devient toujours plus virulent envers les Charles Grant, un avocat influent, associé de
nationalistes canadiens-français, en particulier Michael O’Sullivan, qui avait offert son appre-
quand la sécurité de sujets d’origine britan- ntissage à Adam Thom et qui le protégea
nique est en péril : « Neverthless the supremacy jusqu’à sa mort en 1836.
of the laws must be maintained inviolate, the Fondé en 1835 par T.M. Smith et Rollo
integrity of the Empire respected, and peace Campbell, The Morning Courier se range aussi
and prosperity assured to the English, we must derrière la bannière loyale. Plus sérieux que
find those rebels and judge them » (MH 11- La Gazette ou le Herald par son ton et sa
09-1838). La rébellion de 1837 renforce les facture, le Courier publie des prises de posi-
préjugés de Thom à l’égard des Canadiens tion plus nuancées (BEAULIEU, 1973 : 105).
français et lui fournit la preuve irréfutable de Dès 1813, Michel Bibaud entreprend à
leur déloyauté. Le journal sombre en fait Montréal une inlassable carrière de journaliste
carrément dans l’hystérie raciste au lendemain au Spectateur canadien. Il s’associe ensuite à
de la rébellion de 1838, alors que le Herald en Joseph-Victor Delorme et fonde L’Aurore
appelle à des pendaisons massives : « La (1817) qui fusionne bientôt avec Le Spectateur
providence favorise évidemment les loyaux, et dont il assure la rédaction. Il se consacre
puisqu’elle a livré à la justice un si grand
coupable ; personne ne convient mieux à Michel Bibaud (1782-1856) Né à Côte-des-Neiges, de
Michel-Ange Bibaud et de Cécile-Clémence Fresne. Il
l’échafaud que [François] Nicolas » (LACOUR- entreprend des études collégiales au collège de Saint-
Raphaël de Montréal à 18 ans, âge auquel en général on les
termine. Le 11 mai 1812, à Montréal, il se marie à Élisabeth
Adam Thom (1802-1890) Né à Brechin, en Écosse, Delisle. Selon Sicotte, Bibaud possède une culture extra-
d’Andrew Thom, marchand, et d’Elizabeth Bisset. Thom ordinaire : « Il est tour à tour botaniste, géologue, zoologiste,
obtient une maîtrise ès arts en 1824, ainsi que son doctorat agronome, physicien, mathématicien […] » (SICOTTE, 1908 :
en droit en 1840 du King’s College. À la fin de 1832, il 8). Après les rébellions, il réunit ses textes sur l’histoire du
émigre au Canada où il collabore à divers journaux. En 1835, Canada, déjà parus dans ses divers périodiques, dans ce qui
il devient rédacteur du Montreal Herald et est reçu au deviendra son Histoire du Canada sous la domination
barreau en 1837. En 1838, il offre ses services à lord Durham française, puis anglaise où il se livre à une charge sans équi-
et obtient un poste de commissaire adjoint afin d’étudier voque contre les patriotes qu’il assimile à des révolu-
l’administration municipale. En 1839, il quitte pour l’Ouest tionnaires insensés (SICOTTE, 1908 : 13 ; BERNARD, 1983 :
à l’emploi de la Hudson’s Bay Company. 66 ; FRÉGAULT, 1944-45 : 1-7).
104 pat r iotes et loyaux
ensuite à une série de périodiques à vocation l’autorité, il ne veut être l’instrument d’aucun
plus ou moins culturelle : Le Courrier du Bas- parti » (AMI 22-07-32). Michel Bibaud en est
Canada (1819), le Voyage (1820), La Biblio- le premier rédacteur, mais est remplacé à la
thèque canadienne (1825), L’Observateur fin de 1833 par Alfred-Xavier Rambau, jour-
(1830) et Le Magasin du Bas-Canada (1832). naliste français qui avait d’abord travaillé au
En 1822, il s’oppose au projet d’union, mais journal patriote l’Écho du pays avant de s’ali-
son conservatisme et son monarchisme bien gner clairement sur les loyaux et de joindre
ancrés ont tôt fait de l’éloigner des réfor- l’équipe de L’Ami. La plume de Rambau est
mistes. Ses journaux deviennent de féroces quand même plus subtile que celle d’un
opposants aux idées de Papineau, notamment Bibaud et bien plus nuancée que celle d’un
à L’Ami du peuple de l’ordre et des lois (1832). Thom. Il préfère semer le doute, discréditer
Sa dénonciation des idées patriotes lui vaut l’adversaire à l’aide d’anecdotes compromet-
une espèce de sinécure aux marchés à foin à tantes ou qui le rendent ridicule. Les thèses
compter de 1833 (SICOTTE, 1908 : 5,13 ; défendues par Rambau tournent autour de
BERNARD, 1983 : 66 ; MALCHELOSSE, 1945 : trois pivots essentiels : le peuple n’est pas mal-
363). heureux, l’indépendance du Bas-Canada est
À titre de journaliste, Pierre-Édouard une absurdité et l’union aux États-Unis cons-
Leclère acquiert le Canadian Spectator en 1826 titue un suicide collectif (AMI 11-05-1836 ;
et surtout L’Ami du peuple, de l’ordre et des BEAULIEU, 1973 : 74). Rambau ne participe
lois, qu’il fonde avec John Jones en 1832. L’Ami cependant qu’à une seule assemblée loyale,
du peuple joue dès lors un rôle crucial dans la soit au grand rassemblement du 23 octobre
diffusion des idées loyales auprès du public 1837. Pour sa part, Leclère abandonne la
francophone. Il se donne pour mission de direction de L’Ami en mai 1836 pour se con-
« maintenir le peuple dans l’ordre et le guider sacrer pleinement à son rôle de surintendant
dans le dédale des questions à résoudre » de la police de Montréal et, à ce titre, d’agent
(BEAULIEU, 1973 : 89). « Ami des droits et des au service du gouvernement et symbole vivant
libertés constitutionnelles [sic] du Peuple, tout de la répression du mouvement patriote
en respectant les justes prérogatives de (BEAULIEU, 1973 : 57).
Qu’ils soient militaires, juges ou simples
Pierre-Édouard Leclère (1798-1866) Né à Montréal, de magistrats, on doit se garder d’accoler trop
Pierre Leclerc, marchand, et de Marguerite Bourg. En 1819, vite l’étiquette de loyaux à des fonctionnaires,
il épouse Josephte, fille de Jean-Baptiste Castonguay. Notaire
de formation, le jeune Leclerc a été à bonne école, ses trois
tenus à une stricte obéissance et à un certain
patrons successifs, maîtres Chaboillez, Mondelet et Jobin, sens du devoir envers le gouvernement en
furent au nombre des plus éminents praticiens de leur temps place. Cependant, le moins qu’on puisse dire
et tous firent leur marque à l’Assemblée législative (AUDET,
1943 : p. 110). En 1825, il obtient enfin sa commission et
ouvre une étude à Montréal où il pratique jusqu’en 1840. Alfred-Xavier Rambau (1810-1956) Né en France, il fait
Après les troubles, Leclerc est nommé juge de paix et com- ses études au collège de Clermont-Ferrand. En 1832, il s’em-
missaire. Grâce à ses connaissances des événements, il par- barque pour les États-Unis. À New York, Pierre-Dominique
ticipe au premier rapport recommandant le paiement d’une Debartzch lui offre de devenir rédacteur de son nouveau
indemnisation aux victimes innocentes qui auraient pu subir journal : l’Écho du pays. Ses talents de rédacteur lui attirent
des pertes et des dommages à leurs propriétés. En 1840, il rapidement la faveur de l’élite. Installé à Montréal, il tente
se fixe à Saint-Hyacinthe où il exerce jusqu’en 1859 et d’étudier le droit mais doit surtout se consacrer au jour-
remplit la charge de magistrat « stipendiaire »jusqu’en 1843. nalisme, de sorte qu’il n’est reçu au barreau qu’en 1848.
les v il les 105
est que Pierre-Édouard Leclère est doté d’un Hyacinthe-Poirier Leblanc de Marconnay.
sens du dévouement particulièrement aigu et Dans le contexte des rébellions, Le Populaire
qu’il appliqua ces ordres avec un zèle tout apparaît comme loyal, quoiqu’il s’avère à la
particulier dans le contexte de la crise poli- fois plus prudent et moins conservateur que
tique. À titre de surintendant de police à l’Ami du peuple. Le journal prend cependant
Montréal à compter de 1830, il est d’abord clairement position contre les radicaux. Dès
responsable de l’application des ordres éma- sa fondation, Papineau et ses amis donnent la
nant du secrétaire civil. En 1832, la recon- consigne de boycotter Le Populaire, qui,
naissance juridique de Montréal accroît le encouragé par le clergé, n’en dépasse pas
pouvoir de Leclère et lui donne l’occasion de moins La Minerve et le Vindicator en tirage,
mettre sur pied un véritable corps policier. En avec 1500 exemplaires (RUMILLY, 1977, I,
1837, il fait mettre sous surveillance le Parti 428). Le Populaire condamne par exemple le
patriote, les assemblées publiques et les Fils de rassemblement des Fils de la liberté, le
la liberté grâce à un vaste réseau d’infor- 6 novembre 1837 et l’illégitimité de l’associa-
mateurs qui constitue une véritable police tion, déclare infâme la conduite de Papineau
secrète où l’on retrouve Alexandre Comeau, qui fuit pour ne pas être arrêté et dénonce
Siméon Lespérance, Charles Vidal et le fameux vertement les actes commis par les patriotes
Félix Poutré (AUDET, 1943 : 113 ; ROY, 1970 : lors du premier soulèvement (POP nos 91, 95,
506). 103). Il faut dire que, durant sa brève exis-
Derrière les noms officiels de Leclère, Jones tence, Le Populaire traverse une conjoncture
et Rambau à la direction de L’Ami du peuple particulière : il naît le jour où sont connues au
se cache en vérité celui de l’abbé Joseph- Bas-Canada les dix résolutions de lord John
Vincent Quiblier (1796-1852), supérieur du Russell et disparaît avec le départ de lord
Séminaire de Saint-Sulpice. En effet, l’ordre Durham pour l’Angleterre, laissant au passage
des Sulpiciens négocie à cette époque la recon- une impression ambiguë quant à ses opinions
naissance de ses droits de propriété au politiques (DBC ; IX : 383 ; BEAULIEU,1973 :
Canada. Quiblier estime donc qu’il serait dans 103).
l’intérêt de l’ordre de démontrer ouvertement À Montréal, Clément-Charles Sabrevois de
sa loyauté et son opposition aux idées et aux Bleury se trouve coupé de sa véritable famille
actions de Papineau et des patriotes. Quiblier
va donc trouver Leclère et Jones pour les Clément-Charles Sabrevois de Bleury (1798-1862) Né à
William Henry (Sorel), de Clément Sabrevois de Bleury, mili-
convaincre de fonder un journal loyal modéré. taire, et d’Amélia Bowers. Il est élevé dans un milieu con-
Le prospectus du journal souligne d’ailleurs servateur, anglican et profondément loyaliste. De 1809 à
que « L’Ami du peuple sera aussi celui de la 1815, il étudie au collège de Montréal et est admis au bar-
reau en 1819. Par son élégance et le raffinement de ses
religion ; il sera l’organe de la vérité sur manières, il charme rapidement la haute société. Avocat
laquelle cette Religion est basée, convaincu brillant, il perpétue aussi la tradition militaire familiale : tour
à tour lieutenant du troisième bataillon de la milice de Mont-
que, comme elle, cette vérité prévaudra » réal (1825), capitaine dans les Chasseurs canadiens (1830),
(AMI 22-07-32 ; BEAULIEU, 1973 : 74). major (1838), puis lieutenant-colonel, commandant des
Le Populaire paraît le 10 avril 1837, à Montreal Rifles Corps, le 7 juillet 1848. En 1839, il est l’au-
teur d’une cinglante Réfutation de l’écrit de Papineau où il
l’initiative de transfuges patriotes : Clément- accuse le chef patriote d’être le seul responsable des rébel-
Charles Sabrevois de Bleury, Léon Gosselin et lions et des dévastations qu’elles ont entraînées.
106 pat r iotes et loyaux
idéologique qui vit plutôt à Québec. Mal lui prononce un discours lors de la grande assem-
en prend, puisque, s’il avait pu être modéré blée loyale du 6 juillet 1837 et signe une
dans la capitale, il n’est plus qu’un chouayen invitation à celle du 23 octobre (MGZ 6-07-
dans le château-fort patriote. Il est encore bien 1837, 21-10-1837).
vu dans les cercles libéraux quand il pose sa S’il faut se garder d’associer au mouvement
candidature en juillet 1832 dans la cir- loyal tous les magistrats de police et les soldats
conscription de Richelieu, à la suite de la de l’armée régulière, il est cependant parfois
démission de François-Roch de Saint-Ours. Sa difficile de cerner là où le dévouement devient
jeunesse, sa brillante réputation et le soutien l’expression d’une opinion politique bien
du « Parti patriote » lui accordent une victoire arrêtée. Avec Pierre-Édouard Leclère, Austin
facile. Sabrevois de Bleury se range du côté de Cuvillier est l’un de ces fonctionnaires franco-
Papineau, appuie l’expulsion de Dominique phones profondément épris du sens du devoir.
Mondelet en 1832 et même les 92 Résolutions Cuvillier présente surtout l’extraordinaire
en 1834. La rupture est consommée à la particularité d’être le seul Canadien français à
session de 1835 quand de Bleury refuse de avoir pu jouer un rôle significatif au sein
suivre son chef. Il rejoint les dissidents Austin d’une association constitutionnelle. Il faut dire
Cuvillier, John Neilson, Andrew Stuart ou que très tôt Cuvillier est mêlé au monde du
Dominique Debartzch et se rapproche des commerce et qu’il baigne littéralement dans la
idées modérées d’un Elzéar Bédard à Québec. société anglo-saxonne de Montréal. Il fut
De Bleury est dès lors violemment pris à parti pourtant l’un des pionniers du mouvement
par les patriotes, en particulier dans son comté patriote, engagé dès 1822 dans la lutte au
de Richelieu où il est pendu en effigie (MIN, projet d’union. En 1828, il est même délégué
11 mai 1837 ; GREER, 1997 : 258). La rupture en Angleterre avec Viger et Neilson pour pro-
devient irréversible quand Sabrevois de Bleury tester contre l’administration de lord Dal-
fonde Le Populaire en avril 1837, accepte la housie. Il se dissocie cependant du « Parti
vice-présidence d’une assemblée loyale en canadien » en 1829 et s’oppose férocement aux
juillet, puis un poste de conseiller législatif en 92 Résolutions. C’est donc une recrue de
août. Quant à Hyacinthe-Poirier Leblanc de
Marconnay, il prétend n’avoir d’abord fré-
Austin Cuvillier (1779-1849) Né à Québec, d’Augustin
quenté des patriotes que dans « le but de les Cuvillier et d’Angélique Miot, dit Girard. Très jeune, il devient
étudier et surtout tenter de combattre leur responsable de toute sa famille à la mort de son père. Il fait
des études, mais ne parvient pas à les terminer. Il entre ensuite
folie » (ANQ P224 : 4077, 25-10-39). Il au service du riche encanteur Henry Richard Symes. En 1802,
il épouse à Montréal Marie-Claire Perrault, fonde à Québec
une compagnie d’encan et s’initie ainsi au monde du
Hyacinthe-Poirier Leblanc de Marconnay (1794-1868) Né commerce et de la finance. En 1817, il est l’un des fonda-
à Paris, il est très tôt initié aux loges maçonniques. Arrivé au teurs de la Banque de Montréal, ainsi que de la Compagnie
Canada en 1834, il se fait connaître en publiant un récit sur d’assurances de Montréal contre le feu. Il participe, en 1812,
l’élection très controversée dans Deux-Montagnes où il loue à la guerre contre les Américains puis connaît une ascension
le courage et la ténacité des patriotes. Rédacteur à La rapide. Élu député en 1814, Cuvillier est alors l’un des rares
Minerve puis au Populaire, il se retrouve à L’Ami du peuple hommes d’affaires canadiens à entrer en politique et est vite
de l’ordre et des lois, puis à L’Aurore des Canadas en février une étoile montante au sein du « Parti canadien ». Délégué
1840 avant de regagner Paris la même année. Après les de l’Assemblée en Angleterre en 1828, il se détache
troubles, il publie une réfutation de l’Histoire de l’insurrec- cependant de Papineau à qui il reproche de manquer de
tion du Canada, écrite par Louis-Joseph Papineau. vision sur le plan économique (DBC, 7 : 243).
les v il les 107
choix pour le mouvement loyal. En 1836, il 3028). Ironiquement, après les rébellions, Hart
est délégué de Montréal au Select General est déçu que son zèle loyal ne lui ait attiré
Committee, participe aux rencontres de juin aucune récompense sous forme de charge
et de novembre et collabore même à la rédac- publique. En 1849, il signe le manifeste
tion des résolutions du SGC, aux côtés des annexionniste et est relevé de ses fonctions de
Molson, Moffat et Badgley (QGZ, 25-05- magistrats et d’officier de milice. Il quitte le
1836 ; MGZ 31-05-1836 ; MGZ 18-10-1836). pays pour s’établir à New York et y noyer son
En novembre 1837, Cuvillier commande le 5e amertume.
bataillon de la milice de Montréal et, à titre de
juge de paix, procède à l’arrestation d’une Les sociétés nationales
dizaine d’éminents patriotes dont Wolfred Les organisations nationales qui se forment
Nelson, Louis Perrault, Thimothé Franchère, spontanément à Québec et à Montréal en
Édouard B. Rodier, Alphonse Gauvin, 1834 et 1835 ne sont pas un phénomène
Rodolphe Des Rivières et Joseph J. Drolet propre au Bas-Canada et se retrouvent aussi à
(ANQ, nos 3014 À 3021, 16-12-1837). Le 24 la même époque en Europe et aux États-Unis.
janvier 1838, Cuvillier fonde l’Association Elles jouent cependant à Montréal un rôle
loyale canadienne du district de Montréal qui politique qu’on ne leur connaît pas ailleurs
dénonce tant les chefs de la rébellion que les (JAMES, 1997 : 29). Ce sont, à la base, des
partisans de l’union avec le Haut-Canada et sociétés d’entraide mises sur pied par l’élite
où l’on retrouve d’autres grands notables économique d’une communauté nationale et
demeurés jusque-là hors du conflit : Louis destinées à venir en aide aux plus démunis.
Guy, Dominique Mondelet, Jules Quesnel ou Elles visent aussi à faciliter l’installation des
Joseph Masson (RUMILLY, 1977 : I, 577). Il en nouveaux arrivants, à leur offrir une aide
est de même pour Benjamin Hart. Lors- matérielle, à leur trouver du travail et à leur
qu’éclatent les rébellions de 1837-1838, Hart assurer des services religieux et médicaux.
est juge de paix à Montréal, mais n’a jamais Elles jouent enfin le rôle d’un club privé où
caché son antipathie envers les patriotes et son l’élite économique d’une communauté peut se
adhésion au Comité général de l’Association côtoyer. Qu’il s’agisse de la St. Andrew, de la
constitutionnelle (AMI 12-12-1835 ; MGZ St. George, de la St. Patrick ou de la German
1er-04-1834). Hart s’avérera particulièrement Society, leur organisation est à peu près la
actif et efficace lors des troubles, procédant à même. Chaque membre doit débourser de
de nombreuses arrestations (ANQ P224 : deux à cinq dollars de frais annuels, selon qu’il
s’agit d’un membre résident, qui habite le
comté, d’un membre honoraire ou d’un
Benjamin Hart (1779-1855) Né à Montréal, fils d’Aaron
Hart, grand marchand juif de Montréal et de Trois-Rivières. officier élu au vote secret, dont un président
Il fait ses études à New York et à Philadelphie pour qui convoque de deux à quatre réunions par
finalement revenir à Trois-Rivières en 1798 pour aider dans
l’entreprise familiale. Lorsque son père meurt en 1800, Hart
année. Chaque société requiert aussi en géné-
se retrouve avec le principal magasin de Trois-Rivières et une ral les services d’un aumônier et d’un médecin
maison à Montréal où il ouvre bientôt un magasin. Il par- (ICMH, 53911 : 45-53). Dans le contexte bas-
ticipe aux luttes pour les libertés civiles juives. Depuis 1820,
il fait partie du bataillon de milice de la ville de Montréal où canadien, les sociétés nationales adoptent dès
il s’est installé en 1818. leur origine un caractère politique particulier
108 pat r iotes et loyaux
et s’opposent toutes aux revendications du des hommes qui siègent au comité de direc-
Parti patriote (ICMH, 53911 : 4). tion de la St. George sont aussi membres du
Fondée le 6 février 1835, la St. Andrew’s comité général de la MCA : Adam Ferrie,
Society of Montreal précède celle de Québec, Henry Griffin, Turton Penn ou James Holmes
créée le 30 novembre suivant. Elle s’adresse (MGZ 12-04-1836 ; MUZZO : 78). Il en est de
exclusivement aux sujets de descendance même à Québec où des hommes d’affaires
écossaise, dont bon nombre de membres de comme William Price, président en 1836-
l’élite économique coloniale (COWAN : 7). La 1837, et William Patton, président de 1837 à
Saint-Andrew’s Society of Quebec est moins 1845, jouissent d’une grande influence et
radicale que son pendant montréalais, mais participent tous deux aux activités de l’asso-
tout aussi liée à l’Association constitutionnelle ciation constitutionnelle (MGZ 5-02-1835 ;
locale ; qu’on pense à John Neilson, Allan 14-01-1836 ; ICMH, 13303 : 2-8 ; ICMH,
Gilmour ou à Thomas Ainslie Young. À 47497 : 2-11 ; ICMH, 18584 : 3).
Montréal, on y retrouve surtout de grands Futur président de la St. George’s Society
marchands écossais tels Peter McGill, prési- et grand-maître de la maçonnerie montréa-
dent à partir de 1835, John Fleming, John laise, le marchand William Badgley, est
Boston, James Leslie, un des fondateurs de la d’emblée au centre du groupe des loyaux
Banque de Montréal, ou des journalistes montréalais. Ses liens d’affaires correspondent
influents comme Robert Armour de La trait pour trait à ses affiliations politiques. En
Gazette et Adam Thom du Herald. novembre 1835, il fonde avec Molson et
Une St. George’s Society voit le jour à McGill l’Association constitutionnelle de
Montréal le 19 décembre 1834 et, à Québec, le Montréal dont il devient immédiatement
12 octobre suivant. Tandis que la société de secrétaire (MS 3-01-1837 ; MGZ 12-01-1837).
Québec s’adresse exclusivement aux sujets Badgley est de toutes les assemblées loyales. Il
d’origine anglaise ou galloise, celle de Mont- est secrétaire de la grande assemblée 6 juillet
réal accepte dans ses rangs des sujets d’origine 1837 qui dénonce les assemblées anticoerci-
autant anglaise, galloise, écossaise qu’irlan- tives et l’un des plus chauds partisans de
daise. Elles sont composées surtout de mem- l’union avec le Haut-Canada (MGZ 6-07-
bres des professions libérales et de la petite et 1837 ; DBC, XI : 44). En 1837, il est délégué en
moyenne bourgeoisie ; ainsi, à Montréal, Grande-Bretagne avec George Moffatt afin de
l’avocat William Badgley ou, à Québec, faire la promotion d’une union législative. La
Thomas Cary, rédacteur du Quebec Mercury
et président fondateur de la société. Les liens William Badgley (1801-1888) Né à Montréal, de Francis
entre la St. George et les associations cons- Badgley, marchand, et d’Elizabeth Lilly. Il mène un appren-
tissage commercial avant de terminer ses études de droit
titutionnelles sont particulièrement évidents. (reçu le 20 novembre 1823). Sous la raison sociale Badgley
À Montréal, en janvier 1835, George Moffatt and Abbott, son étude devient prospère. En 1828, il
participe à la fondation de la bibliothèque du barreau du
devient président des deux organisations à Bas-Canada. Durant un voyage en Grande-Bretagne, il
quelques jours d’intervalle seulement. Il pré- épouse en 1834 Elizabeth Wallace Taylor. Après les rébel-
side en fait la St. George de 1835 à 1841, à lions, Badgley connaît une grande carrière politique avec les
conservateurs et représente, face aux coalitions de
l’exception de l’année 1838, alors que John La Fontaine, la vieille école torie, hostile aux réformes, aux
Molson occupe ce poste. La grande majorité francophones et à un statut distinct pour le Canada-Est.
les v il les 109
rigueur de cet excellent juriste fait sensation à pour affronter le Parti patriote (RUDIN,1985 :
Londres où l’on tente même de le retenir. 110 ; AMI 04-05-1836). Thomas A. Begly avait
Une St. Patrick’s Society est fondée à d’ailleurs avancé que « M. Papineau s’est servi
Montréal en mars 1834. Sa création précède des Irlandais comme d’instruments » (MGZ
de deux ans celle de Québec (ICMH 47545 : 14-03-1834). Begly sera donc invité à s’expli-
1). Le cas de la St. Patrick’s Society est partic- quer devant la Hibernian Society le 10 avril
ulier et significatif de la coalition que les 1834. L’assemblée se déroule plutôt mal pour
loyaux sont à mettre en place dans les deux lui. Il est particulièrement hué par l’assistance
villes. Clairement confessionnelle et catho- quand il annonce son intention de se pré-
lique, la Hibernian Society est également des- senter aux élections de l’automne suivant en
tinée aux sujets d’origine irlandaise et est déjà sollicitant le suffrage de ses compatriotes
bien établie à Montréal en 1834. Or, elle irlandais. Les membres de la St. Patrick’s
s’aligne à cette époque sur le Parti patriote, Society appartiennent surtout à la classe
surtout sous l’influence de Daniel Tracey et de moyenne ; les quelques grands bourgeois
son président, Edmund B. O’Callaghan (VIN qu’on y retrouve, tel Benjamin Holmes, y
18-03-1834). Des Irlandais loyaux créent donc jouissent cependant d’une grande influence
le 17 mars 1834 la St. Patrick’s Society, tissent (JAMES : 18-20).
rapidement des liens avec les autres sociétés Les Allemands sont la dernière commu-
nationales et l’alignent bientôt sur les posi- nauté nationale à s’organiser à Montréal avant
tions de l’association constitutionnelle les rébellions. Le 31 mars 1835, une assemblée
(MUZZO, 1990 : 31). Son premier président, « nombreuse et respectable » réunit à l’hôtel
Benjamin Holmes, siège d’ailleurs au premier Nelson des Allemands, des Hollandais et leurs
conseil exécutif de la MCA. Il en est de même descendants au sein d’une société nationale
pour les premiers officiers de la St. Patrick : dénommée German Society of Montreal et
Thomas A. Begly, Samuel Gerrard et Sydney destinée à assister ses membres dans le besoin.
Bellingham (MGZ 03-03-1835 ; MGZ 5-02- Louis Gugy est élu président, assisté d’un
1835). Encore là, sous la présidence du conseil de sept membres (MGZ 02-02-1835).
secrétaire provincial Dominique Daly, la Il semble, si on exclut la Hibernian Society
St. Patrick’s de Québec est moins radicale que et ce qui allait devenir la Société Saint-Jean-
son pendant montréalais (JAMES, 1997 : 35 ; Baptiste, que les sociétés nationales aient
DBC, IX : 208). La St. Patrick’s Society se pose toutes contribué à la fondation de l’Associa-
d’emblée comme non confessionnelle et tion constitutionnelle de Montréal au début
compte même une majorité de catholiques.
Dans le contexte des années 1830, alors que
Thomas A. Begly, originaire du comté de Longford, en
les catholiques d’Irlande luttent contre les Irlande où il épouse Catherine Thompson. Arrivé au Canada
protestants pour leur reconnaissance poli- en 1831, il participe aussitôt à la création de la Banque de
la Cité de Montréal. Il occupe une place centrale à la plupart
tique, ce fait ne manque pas de surprendre. des assemblées de la MCA en plus de siéger au Comité
Selon Ronald Rudin, cette union non général et au Comité exécutif pour l’année 1836. Cepen-
confessionnelle des Irlandais de Montréal est dant, il échoue dans sa tentative de représenter l’Association
lors du Select General Committee de juin et novembre 1836.
tout à fait exceptionnelle et ne peut s’expliquer Sous l’Union, il est administrateur au Département des
que par la nécessité momentanée de se liguer travaux publics.
110 pat r iotes et loyaux
tôt en mesure d’y organiser, le 2 avril 1834, tions patriotes et où les loyaux de Montréal
une grande manifestation où des milliers de comptent bien faire la démonstration de leur
personnes signent une pétition destinée à la influence auprès de l’électorat.
Grande-Bretagne. Aussitôt, les loyaux de Dans le quartier Est de Montréal, les loyaux
Montréal tentent de répliquer et organisent, ne présentent qu’un seul candidat : Sydney
dès le samedi 5 avril, une assemblée rivale. Bellingham. Conscient de se retrouver en
Selon la Montreal Gazette, 2 500 personnes y terrain hostile, Bellingham tient dans les cir-
assistent, dont MoIson, Auldjo, Mondelet, constances un discours tout compte fait
Hart, Bagg, Weir, Thom, Valentine et modéré. Ainsi, s’il refuse à l’Assemblée le
Bellingham, qu’on retrouvera plus tard à la pouvoir de contrôler l’ensemble des dépenses
MCA. L’assemblée est présidée par Samuel de l’exécutif, il lui reconnaît un droit de regard
Gerrard tandis qu’Adam Thom et Pierre E. sur le budget. Autrement, il se dit surtout
Leclère agissent comme secrétaires. L’assem- préoccupé de défendre les intérêts commer-
blée affirme la nécessité de maintenir le lien ciaux. Bellingham admet vite sa défaite et se
colonial et de régler au plus tôt le cul-de-sac retire de la course dès le 31 octobre avec la
financier dans lequel les députés patriotes ont moitié moins de voix que ses adversaires
plongé la colonie. On crée aussi un comité de patriotes (AMI 11-10-1834).
correspondance afin de rédiger une adresse au Dans le quartier Ouest, William Walker et
roi. Il est formé de Thomas A. Begly, Charles John Donnellan affrontent Louis-Joseph
Dewey Day, James Charles Grant, Charles Papineau et Robert Nelson. William Walker
Mondelet, Jules Quesnel et Adam Thom. Ce est un puissant avocat de Montréal, de ten-
comité regroupe donc à la fois des transfuges dance modérée et surtout soucieux de faciliter
patriotes tels Mondelet et Quesnel — dont la le commerce sur le Saint-Laurent et de renta-
présence est momentanée — et des tories purs biliser les installations portuaires de Montréal
et durs qu’on retrouvera à l’Association cons- où il a lui-même investi. Il est aussi partisan
titutionnelle (MGZ 08-04-1834). de l’annexion de Montréal au Haut-Canada
La requête au roi est présentée au gou- « au plus tôt » pour ainsi régler la question du
verneur le 21 mai par Quesnel, Masson, Grant, partage des revenus douaniers entre les deux
Phillips et Thom et signée par pas moins de colonies. Cette conviction de Walker sera plus
16 000 personnes. La délégation fait remar- tard au centre d’une controverse avec la QCA
quer au gouverneur que la pétition porte entre à propos de l’avenir constitutionnel de la
autres les signatures de 400 Canadiens français colonie. John Donnellan se présente, lui,
de la paroisse de Saint-Martin et garantit que
tous les signataires sont des « persons of William Walker (1797-1844) Walker fait son apprentissage
auprès de Charles R. Ogden à Trois-Rivières et est reçu avocat
respectability, and, almost without exception, en 1819. Dès 1822 il milite en faveur du projet d’union du
of mature age » (MGZ 22-05-1834). Reste que Haut et du Bas-Canada. Piqué au vif par sa défaite électorale
de 1834, il est au centre de la fondation de la QCA. Walker
ce sera là la seule réaction loyale aux 92 est en fait un modéré, surtout soucieux de faciliter le com-
Résolutions à Montréal. Les loyaux y ont pris merce sur le Saint-Laurent et de rentabiliser les inves-
un certain retard sur l’adversaire. Le prochain tissement consentis par les marchands dans les installations
portuaires de Montréal. Sous l’Union, il se joint aux réfor-
round se déroulera donc à l’automne lors des mistes de La Fontaine et est député de Rouville durant une
élections générales sur le thème des résolu- brève période en 1843.
112 pat r iotes et loyaux
the Legislation, and who, therefore, cannot Trois hommes incarnent le mouvement
influence its acts. » Selon Philip Goldring, la loyal montréalais et assurent sans partage la
création de telles ligues politiques d’essence direction effective de la MCA. En fait, George
ethnique est typique de la part de colons Moffatt, Peter McGill et John Molson joueront
britanniques qui se mettent à l’abri des inco- un rôle essentiel lors de la crise politique de
hérences du gouvernement colonial et, dans ce 1834 à 1837, lors de la rébellion comme telle
cas-ci, des tentations républicaines de la et, au-delà, lors des tractations politiques
majorité patriote (GOLDRING, 1978 : 141). devant mener à l’Acte d’Union de 1840.
Cela revient dans l’immédiat à laisser aux Hommes d’affaires, banquiers et marchands
députés de Papineau la plénitude des institu- puissants, ils sont eux-mêmes partenaires
tions de l’Acte constitutionnel, d’ailleurs en dans de nombreuses entreprises. Ils ont donc
plein naufrage, pendant qu’eux, au sein de leurs tous des intérêts communs et usent de tout
propres organisations, préparent déjà l’avène- leur poids pour assurer au Canada la péren-
ment d’un nouvel ordre dans la colonie. nité du lien colonial et la prééminence de la
Le 23 janvier 1835, des centaines de per- communauté d’affaires anglo-saxonne.
sonnes « of british and irish origin » répon- La participation de George Moffatt au
dent à l’invitation signée par 254 personnes, mouvement loyal est considérable. En 1832,
et se rendent au Jones’ Long Room, dans le en tant que membre de la magistrature de la
but d’y fonder une association constitution- ville de Montréal, il est en partie responsable
nelle. George Moffatt en est le président et J. des trois morts du 21 mai 1832 lors de l’élec-
Guthrie Scott, secrétaire. À Québec, la QCA tion partielle dans le quartier Ouest de Mont-
avait été fondée le 22 novembre. Les Mont- réal alors qu’il demande à l’armée de ramener
réalais reprennent donc à leur compte la l’ordre. Membre du Conseil exécutif dès 1831,
déclaration de l’Association de Québec où il crée des remous dans l’administration en
sont décrits les motifs de sa fondation. On se poursuivant deux directeurs de journaux
permet cependant à Montréal d’insister sur le ayant calomnié le Conseil : Ludger Duvernay
danger que représentent les manœuvres de La Minerve et Daniel Tracey du Canada
patriotes pour le commerce et la prospérité Advertiser and Irish Vindicator (DENISON,
(MC 11-11-1835 ; 10-02-1835). Un comité
général de 147 personnes est chargé de définir George Moffatt (1787-1865) Né le 13 août 1787 à Side-
les statuts et règlements de la nouvelle head en Angleterre dans le comté de Durham. Il se marie
d’abord à une Indienne, puis à Sophia MacRae. Il arrive à
association qui, le 28 janvier, élit à son tour Montréal en 1801 où il participe à la traite des fourrures
un comité exécutif de 25 personnes : le centre pour la Compagnie XY et est brièvement secrétaire du
nerveux du mouvement loyal montréalais. Beaver Club de Montréal. Il fonde en 1811 sa propre com-
pagnie d’import-export qui devient l’une des plus impor-
George Moffatt, marchand et président de la tantes de Montréal au cours des années 1840. En 1812, il
St. George’s Society est élu président de la participe à la guerre contre les États-Unis au sein des
Montreal Volunteers. De 1822 à 1835, il est membre du
nouvelle association, tandis que Peter McGill, conseil d’administration de la Banque de Montréal, dont il
marchand, banquier et ci-devant président de sera l’« éminence grise ». En 1834, avec Peter McGill, Moffat
la St. Andrew’s Society, est nommé vice- est commissaire canadien de la British American Land
Company qui contrôle de vastes étendues de terres dans les
président avec John Molson et William Eastern Townships et que dénoncent les députés patriotes
Walker. (DENISON, 1966, I : 55, 203).
114 pat r iotes et loyaux
1966 : I, 327 ; DBC : IX : 611). Moffat est aussi miques du temps : la Banque de Montréal, le
président de la St. George Society et un ami commerce maritime, le chemin de fer et la
d’Adam Thom du Herald. Le 28 janvier 1835, spéculation foncière dans les Eastern Town-
il est élu président de la MCA et le demeure ships. Dès 1832 il accède au Conseil législatif
jusqu’à la fin de 1836 quand il est remplacé mais se mêle peu à ses puérils délibérés et n’y
par Peter McGill, tout en demeurant à l’exé- siège pratiquement jamais. Il est aussi fonda-
cutif. À l’automne 1837, il se rend à Londres teur de la St. Andrew’s Society, dont il est pré-
pour y défendre les positions du mouvement sident de 1835 à 1842 et, en 1836, de la
loyal et rencontrer lord Durham auquel il Montreal Constitutional Association. À ce
vante les vertus de l’union législative et sur titre, il prend notamment la parole lors de la
qui il aurait eu une certaine influence. En grande assemblée loyale du 23 octobre 1837
novembre 1838, il est nommé au Conseil devant 4000 personnes. McGill croit surtout à
spécial par Sir John Colborne et où il votera la nécessité de maintenir une chambre haute
en faveur de l’Union des deux Canadas non élue, d’unir le Haut et le Bas-Canada, de
(MUZZO, 1990 : 82 ; 114 ; DENISON, 1966 : promouvoir les infrastructures commerciales
1 : 373). et d’abolir le régime seigneurial (MUZZO,
En affaires comme en politique, aux côtés 1990 : 146). Il a certainement joué un rôle
de Moffatt, on retrouve généralement le nom dans la formation de corps de volontaires en
de McGill. Peter McGill est le neveu du célèbre novembre 1837 et participe en 1838 à des
marchand James McGill, arrivé peu après la discussions avec lord Durham sur l’avenir de
Conquête pour s’emparer du lucratif marché la colonie (DENISON, 1966 : 372). En avril
de la fourrure. Marchand audacieux à la for- 1838 il est nommé au Conseil spécial créé par
tune changeante, McGill est, comme Moffatt John Colborne et, en 1841, au Conseil
et Molson, mêlé aux grandes aventures écono- législatif du Canada-uni. McGill put ainsi
mener une carrière politique fort active sans
Peter McGill (1789-1860) Né en Écosse, de John jamais n’avoir, de quelque façon, à être élu par
McCutcheon et de Mary McGill. Il émigre au Canada à l’âge
de 20 ans où il retrouve son oncle maternel, James McGill,
la population.
qui l’aide à trouver son premier emploi chez Parker, Gerrard Tout comme celui de ses deux comparses,
& Ogilvy et prend alors le nom de famille de sa mère. Il l’apport de John Molson fils au mouvement
fonde, peu de temps après, sa propre compagnie d’import-
export. En 1832, il épouse Sarah Elizabeth Shuter Wilkins.
Ce mariage avantageux ajouté à l’héritage qu’il reçoit de
son oncle en 1834 font de lui l’un des hommes les plus John Molson (1787-1860) Né à Montréal, de John Molson,
riches de Montréal. Son association la plus durable est au brasseur et commerçant, et de Sarah Insley Vaughan. Il
sein de la Banque de Montréal dont il est vice-président en s’occupe d’abord de l’entreprise de navigation à vapeur de
1830 et président en 1834, à la suite de Horatio Gates et où la famille et participe, à compter de 1822, à la St. Lawrence
il côtoie ses collègues de l’Association constitutionnelle : Steamboat Company, en plus d’être syndic de la Maison de
John Molson Jr. et George Moffatt (DENISON, 1966 : 290). la Trinité de Montréal de 1832 à 1838. Engagé dans le
Il participe aussi à la construction du premier chemin de fer commerce d’import-export à compter de 1829, dans la
de la colonie et au transport maritime sur la rivière des construction et le transport ferroviaire à partir de 1831, dans
Outaouais. McGill est également très actif sur le plan social : la métallurgie, ayant hérité de la St. Mary’s Foundry en 1836,
juge de paix dès 1827, gouverneur de l’Université McGill, et dans l’éclairage au gaz de Montréal de 1836 jusque vers
bienfaiteur de l’Hôpital Général de Montréal, grand surin- 1851. Actionnaire de la Banque de Montréal, dont il fut
tendant des francs-maçons de la Royal Arch de la province président, de la Banque de la cité, dont il est l’un des fon-
du Bas-Canada. Calviniste, il est enfin président de la dateurs, et de la Banque Molson, dont il est vice-président
Montreal Auxiliairy Bible Society de 1834 à 1843. en 1855.
les v il les 115
loyal montréalais est absolument remar- John Molson qui appuie la suspension de l’ha-
quable. La multiplicité de ses rôles et de ses beas corpus afin de pouvoir garder des patrio-
intérêts dans la colonie, l’importance des tes emprisonnés sans avoir à tenir de procès
fonctions qu’il occupe et son dévouement à la (SENIOR, 1997 : 84 ; FILTEAU, 1975 : 386).
cause loyale en font aussi un acteur crucial de Le 26 mars 1835, l’exécutif de la MCA
l’histoire canadienne au xixe siècle. Fils de présente son premier rapport devant l’assem-
l’honorable John Molson père, célèbre bras- blée générale réunie au théâtre Molson. On y
seur montréalais et fondateur d’une véritable fait notamment lecture de la correspondance
dynastie financière, John fils est d’emblée un de l’Association de Québec qui a décidé de
membre éminent de la grande bourgeoisie déléguer John Neilson en Angleterre pour y
marchande de Montréal. Les valeurs qu’il pri- défendre la position des loyaux. On croit alors
vilégie sont celles de sa classe sociale : monar- que le Parlement impérial est sur le point de
chisme, anglicanisme fervent, promotion du créer une commission chargée d’enquêter sur
grand commerce impérial et défense d’un les griefs soulevés par les 92 résolutions
principe aristocratique au sein des institutions patriotes. L’exécutif de la MCA arrive au
politiques (DUBUC, 1967 : 21). Il est notam- même constat et suggère qu’elle délègue aussi
ment administrateur de la Banque de Mont- un agent afin d’épauler Neilson et, au besoin,
réal à compter de 1836, à l’époque où McGill de compléter l’information que pourrait
en est le président (DENISON, VOL II, 1967 : fournir l’agent de la QCA. Dans son discours,
419 ; 421). Quand, en janvier 1835, les comités Benjamin Holmes recommande alors chau-
constitutionnels se réunissent à Montréal et dement la candidature de William Walker, un
qu’on décide de former un comité permanent, brillant avocat montréalais. William Walker
John Molson est élu tout premier président partira donc avec Neilson tenter d’influer sur
du regroupement (WOODS, 1983 : 129). Lors le mandat de la future commission (MGZ 28-
de la fondation de l’Association constitution- 03-1835).
nelle, il s’installe à demeure au sein du Comité Jusqu’en 1835 Benjamin Holmes a fait le
exécutif et participe à presque toutes les choix judicieux de rester en dehors des débor-
manifestations loyales. dements politiques. C’est par son adhésion à la
Faisant fi de sa notabilité, Molson s’engage St. Patrick’s Society qu’il s’initie à la politique
avec passion dans la répression des troubles à et, de là, à l’Association constitutionnelle (MGZ
l’automne de 1837. En novembre, il crée des
vigiles de quartier à titre de lieutenant-colonel Benjamin Holmes (1794-1865) Né à Dublin, en Irlande, de
de la milice urbaine. En tant qu’officier de la Thomas Holmes et de Susanna Scott. C’est en 1801 qu’il
Royal Montreal Cavalry, il participe aux toutes s’installe au Canada où, dès les premières années, sa famille
jouit d’une certaine aisance. Il participe à la guerre de 1812
premières arrestations effectuées à Saint-Jean alors qu’il est fait prisonnier. En 1817, il débute comme
le 16 novembre. Le lendemain, son détache- commis aux escomptes à la nouvelle Banque de Montréal.
Dix ans plus tard, il en est directeur général. Le 18 septembre
ment est pris en embuscade par un groupe de 1842, il appuie publiquement le gouvernement remanié et
patriotes à Longueuil. Molson frôle la mort réformiste de La Fontaine et Baldwin. Il confie alors « être
quand une balle emporte sa casquette. Quand entré au Parlement imbu de préjugés mais [que] depuis ses
yeux [se sont] ouverts et il se sen[t] prêt à collaborer
John Colborne met sur pied un Conseil spé- cordialement avec les gentilshommes d’origine française »
cial à l’hiver 1838, il y nomme immédiatement (DBC, 9 : 437).
116 pat r iotes et loyaux
8-03-1836). Holmes semble accorder beaucoup nelles. Walker rencontre enfin le député lord
d’importance à conserver des relations har- Sandon afin que la pétition des loyaux du Bas-
monieuses avec l’Association de Québec, il est Canada soit déposée devant le Parlement, ce
très lié à Walker et le recommande chaudement qui est fait le 29 juin. Après quoi Walker écrit
à titre d’émissaire en Angleterre. Il l’ac- à George Moffat, président de l’Association,
compagne d’ailleurs dans sa calèche en janvier pour l’informer des derniers développements
suivant quand ce dernier se rend triom- et prendre de nouvelles instructions (MH 17-
phalement à l’assemblée faire son rapport 11-1835 ; CHRISTIE, 1866 : 246)
(MGZ 12-01-1836, 21-01-1835, 28-03-1835). Même si les instructions de Walker étaient
En novembre 1837, Holmes est lieutenant- de proposer l’annexion de Montréal au Haut-
colonel de la Montreal Light Infantry et Canada et l’union des deux colonies, on lui
contribue à la répression des troubles. À comp- avait conseillé de n’insister sur aucune option
ter de l’Acte d’Union, et surtout après 1842, en particulier afin de ne pas embarrasser la
Holmes change subitement d’allégeance et délégation de Québec. Walker choisit plutôt
devient le principal lieutenant anglophone de de soumettre une troisième voie qui remet-
Louis-Hippolyte La Fontaine. Difficile donc de trait la gestion du Saint-Laurent et des revenus
ne pas voir poindre l’opportunisme dans l’en- douaniers entre les mains du gouvernement
gagement politique de l’avocat montréalais. impérial. À son retour au Bas-Canada en
Au début de mai 1835, William Walker, janvier 1836, Walker fait une halte à Québec
John Neilson et Alexander Gillespie fils, de la et, avec James Holmes et Turton Penn, ren-
North American Colonial Association, sont à contre des représentants de l’association
pied d’œuvre à Londres. Le 18 mai, ils sont locale. Il soumet une idée plus ambitieuse
reçus par lord Glenelg au Colonial Office. encore : tenir une assemblée des représentants
Trois jours plus tard, Glenelg demande à les de toutes les colonies de l’Amérique du Nord
rencontrer de nouveau, mais cette fois en pré- britannique afin de vider les sources de
sence des fonctionnaires sir George Grey et de dissension entre les deux associations cons-
George Stephen pour discuter de la pétition titutionnelles. L’idée d’une telle convention est
de la QCA ; le 22 mai, nouvelle rencontre, cette d’autant mieux reçue que le gouverneur
fois à propos des pétitions et des résolutions Gosford a déjà réussi à se mettre à dos à peu
de la MCA. Le lendemain, 30 mai, les agents près tous les loyaux du Bas-Canada à cause de
rencontrent le chancelier de l’Échiquier et le sa politique conciliante envers les patriotes.
secrétaire aux colonies qui confirment que le Une telle convention aurait pu s’avérer un
cabinet se penche sur la question. Le 6 juin, puissant moyen de faire entendre haut et fort
les agents demandent à lord Glenelg des clari- l’opposition des constitutionnels à la politique
fications quant aux intentions de Westminster. du Château Saint-Louis. La suite sera bien
Le 13 juin, Neilson et Walker rencontrent plus modeste et se résumera aux rencontres
Glenelg, Grey et Stephens qui leur confirment du Select General Committee de juin et de
la création d’une commission royale chargée novembre 1835
de faire enquête non seulement sur les griefs C’est le 11 août 1835 que l’exécutif de la
patriotes, mais aussi sur les récriminations MCA avait appris la nomination d’une com-
formulées par les associations constitution- mission royale chargée d’enquêter sur la crise
les v il les 117
politique au Bas-Canada. L’arrivée de la com- la presse. Pour les journaux loyaux, c’est une
mission et du nouveau gouverneur, Archibald solution de rechange efficace aux institutions
Acheson, comte de Gosford, le 31 août 1835, coloniales où certains sentent qu’ils n’ont plus
inaugure une période de crise au sein des voix au chapitre. Pour la presse patriote, c’est
associations constitutionnelles qui assistent, justement une tentative dangereuse de se
paniquées, à la réconciliation momentanée substituer aux institutions représentatives.
entre l’administration coloniale et les patriotes
Que font les Bureaucrates ? […] Les colonnes
modérés. Cette crise laisse même croire aux de leurs journaux sont remplies d’écrits où les
constitutionnels qu’ils devront eux-mêmes se mots comités, sous-comités, exécutif, délégués,
charger de défendre la civilisation britannique séances, procédés, résolutions, débats, etc. se
au Canada. C’est du moins ce que laissent trouvent entassés comme s’il était question de
entendre Adam Thom et ses adeptes dans les la législature du pays ! En parlant de la « Con-
terribles Anti-Galeic Letters, qui paraissent vention » loyale : Mais en vertu de quelle auto-
dans le Herald durant l’automne. La crise con- rité est-elle donc constituée ? Elle n’est cons-
naît son apogée avec l’affaire des British Rifle tituée en vertu d’aucune autorité. C’est donc
Corp au début de 1836, quand lord Gosford l’œuvre de quelques individus, ou celle d’une
exige le démantèlement du corps franc mis fraction isolée de la communauté […]. Son
existence est donc illégitime (MIN 04-07-
sur pied par les loyaux montréalais.
1836).
Le 7 décembre se tient devant 1500 per-
sonnes la première assemblée annuelle de la Le nouveau comité général de 154 mem-
MCA. Le rapport des activités de l’Association bres s’assemble le 11 décembre pour élire le
depuis le 26 mars est lu et adopté avec le nouvel exécutif qui se réunit lui-même le
rapport du comité exécutif élu la semaine pré- 2 janvier suivant sous la présidence renouvelée
cédente. L’assemblée critique vertement le com- de George Moffat (MH 11-12-1835). On y
portement indigne du député de Montréal- retrouve quelques piliers de l’Association dont
Ouest, Louis-Joseph Papineau, et reproche à John Boston, George Auldjo et Henry Griffin.
l’Assemblée de retarder indûment le parachève- John Boston est en fait présent dès les tout
ment du chemin à lisse devant relier Laprairie débuts de l’Association. En novembre 1834, il
à Saint-Jean. Mais ce qui retient cependant signe la pétition contestant les résultats de
l’attention est sans conteste la proposition de l’élection dans le quartier Ouest et, en 1835,
l’exécutif de tenir une convention des délégués assiste à l’assemblée de fondation de la MCA.
de toutes les associations constitutionnelles Désormais à l’exécutif, il est aussi représentant
créées depuis un an à travers le Bas-Canada : de Montréal au Select General Committee et
« to devise the best and speediest means of poli- assiste à Québec à quelques réunions de
tical emancipation » et d’assurer une meilleure
communication avec les loyaux du Haut-
John Boston (1786-1862) Né en Écosse, il s’installe à
Canada, aux prises eux aussi avec un mouve- Montréal en 1802. Rapidement, il joint l’élite marchande où
ment populaire de réforme (CHRISTIE, 1866 : prédominent ses compatriotes. Il devient avocat et est l’un
261). des fondateurs de la St. Andrew’s Society de Montréal. En
1821, il est lieutenant dans la milice de Montréal. Il avait
Cette idée d’un Select General Committee également beaucoup d’intérêts dans les chemins de fer, les
of the Petitionners est inégalement reçue par banques et l’immobilier.
118 pat r iotes et loyaux
l’association locale. En 1837, il est l’invité du vapeur Sir Robert Peel quand celui-ci est
d’honneur à une assemblée des loyaux de pris d’assaut et incendié à l’île de Wells par
L’Acadie pour protester contre celle des des rebelles haut-canadiens dirigés par
patriotes à Napierville le 17 juillet. Boston William Johnston.
joue enfin un rôle actif lors de la grande
assemblée de la place d’Armes en octobre. Le British Rifle Corp
Doté d’un sens civique apparemment fort L’affaire du British Rifle Corp (BRC) éclate le
élevé, Boston ne participe pas directement à 12 décembre 1835. Le groupe paramilitaire n’a
la répression et accepte plutôt en 1838 le con- pas officiellement une longue existence, de
voité poste de shérif du district de Montréal décembre au 20 janvier suivant, mais s’avère
(MGZ 18-11-1834, 22-01-1835, 24-01-1835 ; très actif, organisant pas moins de 13 activités,
5-02-1835, 18-10-1836, 21-10-1837 ; QGZ 25- dont 7 réunions en moins de quarante jours
05-1836 ; AMI 22-07-1837). George Auldjo est (MUZZO, 1990 : 95). Cette crise marque un
membre du tout premier Comité de corres- sommet dans les tensions qui opposent les
pondance d’avril 1834 et du premier Comité loyaux bas-canadiens et l’administration colo-
exécutif de la MCA en 1835. On le retrouve à niale. Déjà en septembre, des membres de la
la plupart des assemblées, notamment à titre MCA, rendus nerveux par les premiers gestes
d’orateur et de responsable des collectes de du gouverneur Gosford et excités par les
fonds au profit de l’Association. Il est éditoriaux d’Adam Thom, suscitent la créa-
cependant surtout l’hôte du fameux Select tion de vigiles de quartiers (MGZ 17-09-1835 ;
General Committee qui se déroule à Montréal 24-10-1835). Le 12 décembre, 400 personnes
en juin 1836. Le juré d’Auldjo, Henry Griffin, se réunissent au Jone’s Long Room afin de
est aussi un membre assidu de la MCA et le former un groupe paramilitaire destiné à pro-
notaire de familles aussi prestigieuses que téger les intérêts de la population d’origine
celles de John Molson, Horatio Gates et John britannique. Le 15 décembre, un comité est
Forsyth à Québec, tous de grands marchands mandaté pour trouver des armes et des muni-
mêlés à l’association constitutionnelle. tions, cependant que le 16 on fonde officielle-
Coïncidence oblige, en 1838, Griffin est à bord ment le British Rifle Corp, connu dans la
presse francophone sous le nom de Corps des
George Auldjo (1790-1846) Né à Aberdeen, en Écosse, de carabiniers ou de Légions bretonnes. Le 22,
George Auldjo, marchand, et de Susan Beauvais. La une lettre est adressée au gouverneur afin de
Maitland, Garden and Auldjo était devenue l’une des
principales maisons d’import-export de Montréal en faisant
l’in-former de la naissance de l’organisation
le commerce entre Londres et le Haut-Canada. Dès 1825, et pour obtenir son parrainage. Les signataires
elle importait de grandes quantités de vin, de porto, de sont tous des membres de la MCA et, plus
brandy, d’articles de mercerie, d’indigo, de poudre à canon,
de verrerie, d’huile ainsi que des cordages et d’autres important encore, de futurs membres du
matériaux pour la construction navale. Auldjo était aussi un Doric Club : le docteur Thomas Arnoldi, fils
membre influent de l’Église presbytérienne, administrateur à
vie du Montreal General Hospital en 1829, syndic de la
d’un fondateur de la German Society, Francis
Maison de la Trinité de Montréal en 1832, commissaire Hunter, membre du comité central de la
chargé d’améliorer la navigation intérieure l’année suivante, MCA, Robert Weir, Aaron P. Hart, Robert
commissaire chargé de surveiller la construction du canal de
Lachine en 1835 et, en 1838, inspecteur des cendres des- McKay et Samuel Gerrard (CHRISTIE, 1866 :
tinées à l’exportation. 142-143 ; SENIOR, 1997 : 31).
les v il les 119
Durant ces journées sombres de l’hiver 1836, fortunes, and our sacred honor (MGZ 24-03-
Ferrie s’attire l’antipathie des autres membres 1836).
de l’Association quand il les invite à ne pas se Alors que les travaux de la Chambre sont
joindre à « ce groupe de jeunes chiens gro- compromis et que la session est ajournée dès
tesques qui se donnait le nom de Doric Club » le 21 mai, les loyaux consacrent plutôt l’hiver
(MGZ 04-12-1834). de 1836 à échafauder des plans afin de sortir
Le 13 février 1836, Louis-Joseph Papineau le Bas-Canada de la crise constitutionnelle.
divulgue solennellement à la Chambre les Ces plans vont d’une union fédérale des colo-
instructions « secrètes » communiquées à lord nies britanniques d’Amérique du Nord à
Gosford avant même son départ pour le l’union législative du Haut et du Bas-Canada
Canada. Selon les patriotes, ces instructions en passant par le rattachement du comté de
sont que le gouverneur n’a nullement le Vaudreuil et de l’île de Montréal au Haut-
mandat d’engager quelque réforme que ce soit Canada (MGZ 01-03-1836). Cette dernière
à propos du contrôle de la liste civile ou du idée est cependant récusée par le manifeste du
mode de nomination au Conseil législatif. Doric Club diffusé le 16 mars suivant. Le texte
Cela laisse entendre que les ouvertures du considère qu’il serait injuste de partitionner
gouverneur ne sont donc qu’une entreprise de Montréal, en particulier pour les Britanniques
charme destinée à amadouer les plus modérés. de Québec et des townships en ne reconnais-
Cette bombe politique accroît subitement la sant pas « their efforts to obtain deliverance
tension entre les députés patriotes et l’admi- from the withering domination of an illiterate,
nistration coloniale, mais applique un baume anti-commercial and anti-British faction »
sur les relations de cette dernière avec les (MGZ 24-03-1836). La question n’est pas
associations constitutionnelles. Durement mis tranchée quand se met en branle le processus
à mal par la toute récente crise du Rifle Corp, devant mener au Select General Committee.
les loyaux savent au moins que le bureau colo- Le 8 avril sont fixées le règles d’élection des
nial n’entend pas obtempérer aux demandes délégués et, le 30 mai, on élit les six délégués
jugées extravagantes formulées dans les 92 de Montréal : Austin Cuvillier, Charles Dewey
Résolutions. La confiance envers le gouver- Day, James Holmes, William Walker, John
neur n’est pas rétablie pour autant et semble Boston et John Molson fils (MGZ 31-05-1836 ;
durablement détériorée. Il faudra attendre AMI 01-06-1836).
la nomination de sir John Colborne en Du 23 au 30 juin 1836, les délégués du
novembre 1838 pour que les loyaux s’avisent Select General Committee of the Petitionners
d’être satisfaits du choix de leur principal s’assemblent aux installations de la Maitland,
administrateur. En attendant, les loyaux de Gardner & Auldjo, rue Saint-Paul. Cette con-
Montréal entendent ne pas se laisser intimider vention loyale doit réunir les délégués des
par les imprécations de Papineau : associations constitutionnelles de tout le Bas-
Rather than submit to the degradation of Canada, mais les comptes-rendus ne donnent
being subject of a French Canadian republic, pas de précision sur qui y assiste vraiment.
we are determined by our right arms to Qu’est-ce qui en ressort ? Peu de chose en
work out our deliverance […], we are ready vérité. On demande bien sûr le rappel de lord
mutually to pledge to each other our lives, our Gosford, mais pour le reste on délègue des
les v il les 121
pauvres paysans francophones (MGZ 09-09- de Richelieu pour la grande assemblée des Six-
1837). Ce nouveau manifeste est en fait sur- Comtés, les loyaux de Montréal rassemblent
tout pour consommation métropolitaine, une foule équivalente pour rappeler leur
l’essentiel consistant à réclamer haut et fort fidélité à la Couronne. Sous la présidence de
l’union des Canadas, toute autre considération Peter McGill, la grande l’assemblée du 23
étant secondaire. C’est que se déroule à octobre 1837 réaffirme le droit de tout sujet
Londres le débat sur la position à adopter face britannique de compter sur l’assistance et la
aux recommandations de la commission protection du gouvernement en ces temps
Grey-Gibbs, finalement déposées le 1er mars. troublés. On dénonce aussi les récentes
Les loyaux de Montréal ne s’attendaient tout nominations de leaders francophones au
de même pas à ce que les résolutions du Conseil législatif, le principe électif appliqué
ministre de l’Intérieur, lord John Russell, leur au Conseil législatif, la tenure seigneuriale et
donnent raison sur le fond. Ils trouveront le manque de bureaux d’enregistrement dans
néanmoins matière à se réjouir lorsque leur les townships (QM 28-10-1837).
contenu est enfin connu en avril, en parti-
culier parce que les dix résolutions en ques- L’appel aux armes
tion attentaient aux privilèges de la Chambre Les premières traces du Doric Club appa-
d’assemblée et donc au prestige de Papineau. raissent dès le 15 décembre 1835, alors qu’une
Reste que l’essentiel de la réaction aux organisation de ce nom tient une première
résolutions Russel appartient aux patriotes qui assemblée annuelle à l’hôtel Orr en présence
lancent promptement une série d’assemblées de 30 à 40 personnes. Les convives boivent à
dites « anticoercitives » à la grandeur du Bas- la santé des associations constitutionnelles de
Canada. À Montréal, on pense surtout à la la province et au maintien du lien colonial. Ils
célèbre assemblée de Saint-Laurent, tenue le lèvent également leur verre à une déconfiture
15 mai 1837, puis, à Montréal même, le 29 patriote et à toute domination canadienne-
juin. C’est le moment que les loyaux choi- française. « Death in preferance to French
sissent pour tenir à leur tour un vaste ras- domination […]. When the conflict with our
semblement populaire le 6 juillet devant pas enemies arrive, may it be short, sharp and
moins de 4000 personnes pour approuver les decisive, and may each and all of us bodly cry,
résolutions de lord John Russell et dénoncer “Come on, M’Duff ”, and damned be he who
les assemblées patriotes. Les loyaux veulent first cries, hold enough […]. Confusion to the
alors faire la démonstration de leur plura- designs of Papineau and his tail » (MGZ 17-
lisme ethnolinguistique. Deux francophones , 12-1835). Le 16 mars 1836, le groupe fait
Sabrevois de Bleury et Jules Quesnel, sont paraître un manifeste exprimant son désir de
désignés vice-présidents d’assemblée et se porter à la défense des intérêts britanniques.
Bartholomew Gugy prononce un discours en On perd ensuite la trace du Doric Club jus-
français (MGZ 06-07-1837 ; RUMILLY, 1977 : qu’au lundi 6 novembre 1837.
I, 443). Ce jour-là, une réunion de l’Association
La coïncidence est plus évidente encore en des Fils de la liberté était déjà prévue à l’au-
octobre suivant quand, au moment même où berge Bonacina. La veille, dans le Herald, puis
5000 patriotes sont rassemblés dans le comté par des billets distribués dans les rues, on
les v il les 123
appelait les « loyal inhabitants of Montreal to venir à bout de l’insubordination qui règne
a meeting at noon at the Place d’Armes to nip dans la ville s’ils étaient sûrs d’être soutenus
the rebellion in the bud » (SENIOR, 1986 : 44). par l’exécutif, mais qu’en attendant elles igno-
Les jeunes patriotes sont pris au dépourvu au raient jusqu’où au juste elles pouvaient « léga-
sortir de leur réunion, si bien que le Doric lement » aller (SENIOR, 1997 : 63). Conscient
Club se rend vite maître de la rue. Marie- que la situation risque encore de se détériorer,
Thomas DeLorimier est touché d’une balle et lord Gosford se rend compte que les loyaux
Thomas Storrow Brown, grièvement blessé à de Montréal demeurent dans les circonstances
un œil. Le groupe défile sur la rue Dorchester ses alliés les plus sûrs. Les comités de quartiers
et s’en prend aux maisons du docteur Gauvin, de Montréal ou Ward Battalions, l’équivalent
de T.-S. Brown et de Joshua Bell. Certains se d’une milice urbaine, se réunissent intensé-
dirigent ensuite vers la maison de Louis- ment les 26 et 28 octobre et les 2 et 4
Joseph Papineau où ils scandent des insultes novembre afin de mettre sur pied de véritables
et se mettent à lancer des pierres. Ce sont vigiles urbaines, précurseurs des corps de
finalement les soldats qui refoulent les volontaires équipés par l’armée. Une première
émeutiers, tandis que d’autres sont à l’autre offre de volontaires est faite le 20 septembre,
bout de la ville à saccager les locaux du jour- mais elle est encore à ce moment déclinée par
nal The Vindicator, sur la rue Sainte-Thérèse. le gouverneur. Sa réponse est cependant diffé-
Les émeutiers font finalement un peu de rente quand une offre équivalente, signée par
grabuge devant le domicile du docteur Robert Peter McGill, lui est adressée le 13 novembre
Nelson avant de rentrer chez eux. Symptoma- suivant. Deux jours plus tard est formée la
tiquement, le Doric Club s’en est pris surtout « force municipale auxiliaire » (MC 27-11-
à des anglophones tels Brown, Bell, Nelson et 1837 ; MS 05-12-1837 ; MGZ 30-11-1837).
O’Callaghan. De même, on s’attaque au Les sociétés nationales St. Patrick,
Vindicator mais on néglige La Minerve. St. Andrew et St. George, qui avaient déjà fait
La commotion provoquée par la « bagarre » une offre conjointe de volontaires, sont fina-
du 6 novembre est importante et aura pour lement autorisées le 16 novembre à mettre sur
effet immédiat de rapprocher les autorités pied leur propre corps franc incorporé aux
politiques et militaires des militants loyaux. Dès comités de quartiers. Le 22 novembre, ce corps
le lendemain, le procureur général Charles est réorganisé au sein du second bataillon de
Richard Ogden confère à la Royal Montreal volontaires ou Montreal Light Infantry et placé
Cavalry, un régiment de miliciens formé de sous le commandement du lieutenant-colonel
bourgeois anglophones, les pouvoirs de magis- Benjamin Holmes. Ce second bataillon est
trats pour une période d’un mois. Aussitôt, le divisé en trois sections de cent hommes cha-
Royal organise des patrouilles dans les rues de cune, recrutés à même les effectifs des sociétés
Montréal. Il est plus tard réorganisé en nationales : les Royal Irish, les Scotch et les
bataillon, le corps d’élite du premier bataillon British Fusileers. On crée aussi une unité de
de volontaires (SENIOR, 1986 : ANNEXE B). cavalerie d’élite d’une cinquantaine d’hommes :
Plus tôt en novembre, John Molson le Queen’s Light Dragoon’s, commandé par le
s’adresse au gouverneur en rappelant que les capitaine Walter Jones (MGZ 07-10-1837 ; MC
organisations loyales pourraient aisément 27-11-1837, 22-11-1837).
124 pat r iotes et loyaux
En décembre s’ajoute encore un troisième La Royal est aussi utilisée à des tâches
bataillon de volontaires, désigné sous le nom d’infiltration durant la campagne du Riche-
de Montreal Loyal Volunteers, dont les prin- lieu. À l’affrontement de Saint-Charles,
cipaux officiers sont les lieutenants-colonels Eléazar David a sous son commandement une
Norman Bethune, John Molson et John vingtaine de cavaliers qui surveillent les
Maitland, ce dernier étant un officier de l’ar- environs et qui transportent les dépêches. Les
mée régulière. Presque tous les officiers de ces services rendus par David sont appréciés de
corps figurent au moins une fois aux assem- ses supérieurs, ce qui lui vaut d’être promu
blées de la MCA. Outre Molson et Benjamin major de la Royal. Le 25 novembre, le mandat
Holmes, Robert Weir et John Torrance, on y de la Royal Montreal Cavalry est prolongé de
retrouve encore Stanley Bagg, Sydney Belling- six mois. L’entretien des troupes et des che-
ham, candidats loyaux à diverses élections, vaux est dès lors aux frais du budget militaire,
James Holmes, John Boston ou Henry Griffin et ses hommes sont rémunérés au même trai-
de l’exécutif de la MCA. On retrouve encore tement que les réguliers, soit quatre shillings
nul autre que John Shay, fondateur en 1835 par jour (SENIOR, 1997 : 147, 257).
du British Rifle Corp et du Doric Club par À compter du 8 décembre David, Belling-
qui en quelque sorte tout a commencé... ham et Ermatinger prennent part à la
Entre-temps, le 11 novembre, paraît la campagne des Deux-Montagnes avec 95
nouvelle liste des juges de paix du district de cavaliers de leur unité et un contingent du
Montréal qui compte près de 300 noms. Cette Queen’s Light Dragoons. Sur 1500 hommes,
liste étale au grand jour la véritable crise qui
secoue l’institution constabulaire du Bas- Charles Oakes Ermatiger Fils aîné d’un riche marchand de
fourrure de Montréal et d’une princesse indienne ojibwée. Il
Canada. Ce réaménagement est rendu néces- sert dans la Royal Montreal Cavalry jusqu’en 1850. En 1853,
saire du fait des démissions de magistrats il est nommé chef de police de Montréal. Son frère Frederic
patriotes et des démotions auxquelles le secré- William fera également carrière dans la police de Montréal
comme superintendant.
taire civil a été contraint afin d’assurer la
loyauté de sa police.
Sydney Bellingham (1808-1900) Né en Irlande, il émigre
Les régiments de volontaires seront abon- au Bas-Canada à l’âge de 15 ans où il trouve du travail chez
damment utilisés par les autorités militaires, un exportateur de bois de Québec. En 1831, il ouvre à
Montréal sa propre maison d’import-export. Après les rébel-
soit pour surveiller la population de Montréal lions, Bellingham étudie le droit et se consacre à plusieurs
durant les opérations militaires, soit carrément activités telle la rédaction du journal réformiste Times and
pour seconder les forces régulières lors d’opé- Daily Commercial Advertiser de Montréal. Il connaît
également une carrière politique sous la Confédération et
rations punitives. La Royal Montreal Cavalry siège au Parlement provincial comme député conservateur
sera d’abord impliqué à Saint-Jean et lors de d’Argenteuil. En 1878, il retourne vivre en Irlande où il meurt
en 1900 à l’âge de 92 ans (Daley, 1990 : 99).
l’embuscade de Longueuil le 17 novembre où
l’on retrouve un autre membre de la MCA :
Eléazar David (1811-1887) Né à Montréal, il fait ses études
Charles Oakes Ermatinger. Le lendemain, c’est de droit et entre au barreau en 1832. Il se joint à la Royal
encore un détachement de la Royal, accom- Montreal Cavalry au début des années 1820 et, lorsque les
pagné du juge de paix Sydney Bellingham, qui rébellions éclatent en 1837, il est élevé au rang de capitaine.
Sa conduite pendant les rébellions lui assure une excellente
est chargé de poursuivre les responsables de réputation. En 1860, il est promu lieutenant-colonel et, en
l’embuscade (DBC, XI : 96). 1866, adjudant général adjoint de la Royal Montreal Cavalry.
les v il les 125
est nommé juge à Trois-Rivières dès 1812 et se mémoire contre le projet d’union du Haut et
retire de l’arène politique. S’ouvre dès lors la du Bas-Canada. Papineau est ensuite le grand
course à sa succession. timonier de la querelle des subsides, puis il
Fils de Joseph Papineau, cousin des mène le combat pour un Conseil législatif élu
Lartigue et Viger ou grand-père de Henri à compter de 1830. Il est responsable de la
Bourassa, Louis-Joseph Papineau est cepen- radicalisation du « Parti canadien » et de
dant d’abord pour la postérité le chef incon- l’adoption des 92 Résolutions. En ce sens, il
testé du Parti patriote et l’une des figures doit assister au départ de ses principaux
emblématiques du nationalisme canadien- collaborateurs : Austin Cuvillier, Jules Quesnel,
français. Élu député de Kent à compter de Andrew Stuart, John Neilson, jaloux de l’as-
1808, puis de Montréal-Ouest à compter de cendant pris par le chef ou effrayés par la
1814, il se hisse à la présidence de l’Assemblée radicalisation du parti sous sa direction. À
législative le 21 janvier 1815 et règne dès lors compter de l’annonce des résolutions Russell,
sur les destinée de la Chambre basse et sur le Papineau lance un appe l au peuple par une
« Parti canadien ». En mai 1823, il se rend à vaste campagne d’assemblées publiques. Il
Londres avec John Neilson pour présenter un domine bien sûr les appareils du parti : le
Comité central et permanent, le Comité de
Joseph Papineau (1752-1841) Né à Montréal, de Joseph correspondance, l’Union patriotique et, par là,
Papineau et de Marie-Josèphe Beaudry. Il fait ses études leurs succursales dans les comtés les plus mili-
classiques au Séminaire de Québec. En 1773, il obtient une
commission d’arpenteur. Il épouse, en 1779, Rosalie Cherrier,
tants du Bas-Canada. Papineau quitte Mont-
fille d’un riche notaire, et reçoit un an plus tard sa com- réal à la veille de l’émission des mandats
mission de notaire. Député de Montréal en 1792 au tout d’arrêt le 16 novembre 1837. Après la bataille
premier Parlement du Bas-Canada. Apparemment natio-
naliste et associé au « Parti canadien », Joseph Papineau se de Saint-Denis, il se réfugie à Saint-Hyacinthe,
désintéresse cependant vite de la politique, préférant se puis aux États-Unis et de là en France où il
consacrer à sa nouvelle propriété, la Petite-Nation, dans
l’Outaouais, acquise en 1801. Entre 1809 et 1814, il siège
demeure jusqu’en 1845.
aux côtés de son fils Louis-Joseph avec qui il affronte le De ses premiers articles parus en 1792 dans
gouverneur Craig. La Gazette de Montréal à sa démission du
poste de conseiller législatif en 1858, Denis-
Louis-Joseph Papineau (1786-1871) Né à Montréal, de Benjamin Viger connut une vie publique
Joseph Papineau et de Rosalie Cherrier. Épouse en 1818,
Julie Bruneau, fille du marchand Pierre Bruneau et de Marie- longue de 66 ans, plus de six décennies à
Anne Robitaille. Il étudie au collège Saint-Raphaël de défendre ce qui était pour lui les meilleurs
Montréal à compter de 1796 et au Petit Séminaire de
Québec, de 1802 à 1804. Il fait l’apprentissage du droit
intérêts du peuple canadien-français. Élu pour
chez son cousin Denis-Benjamin Viger, puis est admis au la première fois en 1808 dans Montréal-Ouest,
barreau en 1810. Il sert pendant la guerre de 1812, puis il entre à l’Assemblée législative en même
acquiert de son père la seigneurie de la Petite-Nation en
1817. Le 8 février 1839, Papineau s’embarque à New York temps que son cousin L.-J. Papineau et se
pour Paris où il publie en mai une Histoire de l’insurrection rallie au « Parti canadien » à une époque où
du Canada. Il obtint une amnistie complète et revient d’exil
en 1845. Élu député de Saint-Maurice en 1848, il se joint
ses leaders sont surtout de la région de Qué-
initialement au groupe de Viger mais s’affiche rapidement bec. C’est à l’occasion de l’incarcération de
aux côtés des nationalistes et libéraux de tendance rouge. Bédard pour ses propos dans Le Canadien que
Défait à Montréal en 1851, puis élu dans Deux-Montagnes
à une élection partielle le 9 juillet 1852 ; rouge, il ne s’est Papineau et Viger se hissent à la tête du parti.
pas représenté en 1854 et se retire à la Petite-Nation. Alors que l’un en deviendra le chef, l’autre
les v il les 129
fera plutôt office de leader à Montréal. Viger Entre le 2 avril 1834, où il est nommé
est notamment délégué de l’Assemblée à membre du premier Comité central et
Londres de 1832 à 1834. Il appuie ensuite la permanent de Montréal (CCPM), et le 6 août
fondation de la Banque du Peuple, préside des 1837, quand il prononce un discours à une
banquets de la Saint-Jean-Baptiste, puis assemblée dans Laprairie, on retrouve Côme-
l’Union patriotique de Montréal. C’est bien Séraphin Cherrier à au moins cinquante
sûr un membre éminent du Comité central et activités du Parti patriote, dans Laprairie,
permanent et l’organisateur de nombreuses Stanstead, Saint-Maurice, L’Acadie, Montréal
assemblées, dont celle de Saint-Laurent, le 15 et dans Richelieu où il possède une magni-
mai 1837. Viger n’est cependant pas un grand fique demeure. En 1834, Cherrier se laisse
orateur. Il est en revanche un des principaux convaincre par Viger de se porter candidat
architectes de l’idéologie patriote et croit en pour le comté de Montréal. Il est du nombre
particulier au pouvoir de la presse pour diffu- des patriotes qui se présentent à Québec
ser des idées et toucher le peuple. Il sera habillés d’étoffe du pays pour soutenir le
d’ailleurs toute sa vie intimement lié à des boycott des produits étrangers en août 1837.
projets de journaux, Le Canadian Spectator, Cherrier est cependant trop malade en 1837
La Minerve, La Quotidienne, Le Temps, pour participer à la tournée des assemblées
L’Aurore des Canadas, propriétaire des uns, anti-coercitives. L’intensité de l’engagement de
écrivant dans certains, commanditaire des Cherrier témoigne en attendant de la place
autres. Par son étude d’avocat, Viger formera importante qu’il prend rapidement dans le
aussi toute une fournée de jeunes profession- parti du fait en particulier de ses puissantes
nels qu’on retrouvera ensuite dans les rangs attaches familiales.
patriotes.
Les journaux
Denis-Benjamin Viger (1774-1861) Né à Montréal, de Vers 1837, une entreprise de presse n’est pas
Denis Viger, et de Périne-Charles Cherrier. Au début de une entreprise très hardie. Une petite équipe
1828, Viger est mandaté avec Neilson et Augustin Cuvillier
pour aller à Londres défendre les intérêts de la colonie et,
comptant au moins un imprimeur et un
ensemble, ils comparaissent devant la Commission royale rédacteur suffit en général à en assurer la
d’enquête sur l’administration du Bas-Canada. Viger, qui parution. Nombreux et plus ou moins éphé-
siège maintenant au Conseil législatif, sera envoyé à Londres
une seconde fois en 1831. De retour au pays, il multiplie les mères, les journaux sont à l’époque des trou-
appels au boycott et à la contrebande pour priver le bles particulièrement engagés politiquement
gouvernement des revenus douaniers. De la même façon, il
finance La Minerve sans toutefois y écrire. De plus, sans être
et échappent rarement à une quelconque
membre des Fils de la liberté, ces derniers utilisent un de ses
terrains pour effectuer des exercices militaires (DBC,
vol. IX :897). Arrêté en novembre 1838, il demande tout au Côme-Séraphin Cherrier (1798-1885) Né à Repentigny, de
long de son incarcération – qui dure jusqu’en mai 1840 – un Joseph-Marie Cherrier et de Marie-Josephte Gaté. Il est reçu
procès qu’il n’obtint jamais. À sa sortie de prison, Viger, au barreau du Bas-Canada en août 1822. Arrêté et empri-
alors âgé de 66 ans, reprend la lutte politique pour cette sonné en décembre 1837, il tombe gravement malade. Il est
fois s’opposer au projet d’union des Canadas et aux cependant libéré dès mars 1838. Sa liberté n’est encore que
principes qui la soutiennent. Il est élu dans Richelieu en partielle à ce moment puisqu’il est assigné à demeure. Il
1841 et prend la tête du mouvement anti-unioniste. Viger prend ensuite position contre l’Union de 1840 et la Confé-
accepte en 1843 de former un ministère avec W.-H. Draper, dération en 1865. Membre de l’Association de la délivrance,
un conservateur modéré, « au grand scandale de ses amis » mise sur pied en 1843, il est aussi président de la Société
(Parizeau, 1980 :149). Saint-Jean-Baptiste de Montréal en 1853.
130 pat r iotes et loyaux
étiquette politique. Les patriotes de Montréal abattus par l’armée. En 1832, il vend une part
ont donc tôt fait de s’approprier cet outil de du journal à un groupe de patriotes associés à
diffusion idéologique indispensable afin de La Minerve, dont Édouard-Raymond Fabre,
rendre compte du travail des députés patriotes Ludgey Duvernay, Jacob DeWitt, Denis-
en Chambre et de rapporter les progrès de la Benjamin Viger et Louis Perrault (VERNAY,
mobilisation politique dans les campagnes. 1999 : 49). C’est d’ailleurs en compagnie de
Les leaders montréalais se montrent en parti- l’éditeur de La Minerve que Tracey compa-
culier soucieux de soutenir au moins un jour- raît devant le Conseil législatif à la suite d’une
nal de langue anglaise qui défende leur pro- série d’articles demandant justement son
gramme. Un tel journal témoigne alors de abolition (MIN 23-01-32). Condamné
l’ouverture du parti dont il assure la visibilité pour diffamation, Tracey est incarcéré du 17
auprès de la très convoitée communauté irlan- janvier au 25 février 1832. Il meurt du choléra
daise de la ville. le 18 juillet suivant. Son journal est aussitôt
The Irish Vindicator and Canada General repris par Édouard-Raymond Fabre qui en
Advertiser est fondé par Daniel Tracey le 12 confie la rédaction au docteur O’Callaghan,
février 1828. The Vindicator est d’ailleurs le qui en fait un outil docile entre les mains
digne successeur du journal de Jocelyn Waller, du Parti patriote et « l’un des plus fou-
Canadian Spectator (1822-1829), auparavant gueux organes antigouvernementaux » (CHA-
le porte-parole du « Parti canadien » auprès de PAIS, 1923 : 151). Après la proclamation du
la communauté irlandaise. Plus encore que 15 juin interdisant les assemblées patriotes,
Waller, Daniel Tracey est la figure embléma- O’Callaghan lance des appels à la mobili-
tique du radicalisme irlandais associé au mou- sation (VIN 15-06-1837). L’éditeur use d’une
vement patriote. Particulièrement engagé dans
sa communauté durant son bref passage dans
Daniel Tracey (1794-1832) Né en Irlande, il ne passa guère
la province, il demeure associé au « massacre que les sept dernières années de sa vie au Canada. Médecin
du 21 mai », quand trois de ses électeurs sont talentueux, il est cependant remarqué surtout pour son
hostilité envers le régime britannique. Dès 1827, deux ans à
peine après son arrivée au Bas-Canada, il participe au
Jocelyn Waller (1772-1828) Né en Irlande et installé à mouvement de protestation contre le gouverneur Dalhousie.
Québec à compter de 1817. Juge de paix en 1821, il Le 12 décembre 1828, il fonde The Irish Vindicator and
collabore un temps à la Montreal Gazette où son franc- Canada General Advertiser qui se révèle bientôt aussi reven-
parler et son réformisme lui sont reprochés. Le Canadian dicateur et audacieux que La Minerve de Duvernay. Tracey
Spectator, qui s’adresse à la population irlandaise et et Duvernay sont donc arrêtés le 13 janvier 1832 et conduits
réformiste de Montréal, succède au Spectateur canadien en à Québec (Mullally, 1934 : 40). À sa libération, Tracey est
octobre 1822. C’est probablement à ce moment que Walter accueilli en héros le long du trajet qui le ramène à Montréal.
y fait son entrée. En janvier 1825, il en devient l’éditeur, Le prestige acquis par ce dernier lui assure l’appui incon-
alors que le journal est imprimé par Ludger Duvernay. ditionnel des réformistes qui lui proposent l’investiture dans
Apprécié des réformistes, Waller s’attire cependant les le quartier Ouest de Montréal où doit se dérouler une
foudres du gouverneur Dalhousie qui refuse, le 21 novembre élection partielle. Le scrutin débute le 25 avril 1832 et
1827, de sanctionner l’élection de Papineau à titre d’orateur oppose Tracey au candidat loyal Stanley Bagg. L’élection
de la Chambre. L’auteur qualifiait même ce discours du gou- s’étend finalement sur 23 jours et est marquée par la
verneur « d’extraordinaire, d’inconvenant, d’inexcusable » et violence. Le vingt-deuxième jour de l’élection connaît un
qui « n’aurait jamais dû être prononcé ». Le 18 décembre, dénouement tragique et sanglant, mais Tracey est élu. Un
par ordre du procureur général, Waller est donc arrêté en mois plus tard, le choléra apparaît à Montréal. Tracey, qui
compagnie de Duvernay pour diffamation. Des accusations exerce sa profession de médecin et soigne les victimes de la
pèsent toujours contre Waller quand il meurt le 2 décembre terrible maladie, la contracte à son tour et décède le 18
1828. juillet 1832.
les v il les 131
diffusion des idées du Parti patriote dont elle (MONIÈRE, 1987 : 129). Le séjour américain
est en fait l’organe officiel. Derrière Duvernay, de Duvernay dure cinq ans. Il est au centre du
on devine donc la présence discrète mais réseau des exilés canadiens, notamment par
essentielle d’un Denis-Benjamin Viger et d’un les journaux qu’il anime outre-frontière.
Édouard-Raymond Fabre qui assurent en Dès sa première parution, en octobre 1832,
particulier la santé financière du journal. On le Montreal Daily Advertiser affirme son inten-
devine aussi le rôle de plusieurs rédacteurs, tion de conserver une stricte neutralité sur les
dont Augustin-Norbert Morin, Duvernay ne affaires politiques bas-canadiennes, s’occu-
rédigeant que de courts articles, mais assu- pant surtout de nouvelles économiques et de
mant en contrepartie toutes les prises de posi- politique anglaise. Cependant, durant la cam-
tion du journal (LEBEL, 1982 : 18). Le 17 pagne électorale d’octobre 1834, le journal
janvier 1832, Duvernay et Daniel Tracey du appuie ouvertement les candidats patriotes.
Vindicator sont incarcérés durant quarante Cette prise de position a des conséquences sur
jours pour libelle diffamatoire, en raison d’un les finances du journal, une partie de la classe
article titré « Pensez-y bien » où les membres marchande de Montréal refusant dorénavant
du Conseil législatif sont traités de « vieillards d’y annoncer. Le journal ferme ses portes dès
malfaisants » (BOYER, 1966 : 445). Ces arres- le 3 décembre 1834. Le rédacteur et éditeur du
tations sont prétexte à plusieurs assemblées de journal, Henry Samuel Chapman, est un Bri-
protestation où l’on revendique une pleine et tannique issu des cercles radicaux qui voit un
entière liberté de la presse. À compter de l’été lien entre la lutte patriote et celle de la petite
1833, La Minerve fait l’objet d’une campagne bourgeoisie anglaise radicale. Pour lui, le
de boycottage menée par le clergé, alors en conflit politique au Bas-Canada n’a rien
conflit avec les patriotes à propos de la loi des d’ethnique, mais repose — comme en Angle-
Fabriques (MONIÈRE, 1987 : 85). En 1834, terre — sur la lutte entre deux principes, celui
l’adoption des 92 Résolutions, les assemblées de la réforme, défendu par les élus du peuple,
publiques et les élections agitées de l’automne et celui de la conservation, défendu par les
propulsent les ventes de La Minerve qui joue oligarques et les aristocrates. Chapman
désormais un rôle essentiel pour convoquer accepte donc l’offre du Comité de correspon-
des assemblées publiques et diffuser les mots dance de Montréal qui le délègue en Grande-
d’ordre du Comité central et permanent. La Bretagne pour y acheminer les derniers griefs
dénonciation par La Minerve des mauvaises de la Chambre et pour prêter main-forte à
conditions des prisons, qui ont conduit le pri- John Arthur Roebuck, représentant aux
sonnier John Collins à mourir de froid, vaut Communes de la Chambre d’assemblée
un nouveau séjour en prison à Duvernay en (LAPORTE, 1998 : 55).
1836 (BOYER, 1966 : 445). La Minerve ferme Fondée par François Lemaître, plus tard un
momentanément ses portes le 16 novembre des artisans de l’Association des frères chas-
1837 quand Duvernay quitte Montréal pour seurs, La Quotidienne est publiée à Montréal
participer aux rébellions. Un numéro paraît le du 30 novembre 1837 au 3 novembre 1838.
20 novembre sous la direction de James D’une publication irrégulière à ses débuts, cet
Phelan et de François Lemaître, mais leur in-quarto de 4 pages passe rapidement à trois
projet de maintenir le journal échoue parutions par semaine. Dans son prospectus,
les v il les 133
formation de comités de paroisses, ainsi les plus influents de Montréal, fait certaine-
que d’un comité central de MontréaI, qui ment partie de ce groupe. Bien qu’il soit
regroupe surtout des députés et quelques absolument hostile à toute violence, Peltier
proches de Papineau (VIN 8-04-1834). joue un rôle important en 1834, notamment à
L’historiographie a négligé le rôle de cer- cette assemblée du 2 avril, où il jette les bases
tains notables dont l’appui au Parti patriote du premier CCPM dont il est le premier prési-
fut pourtant indispensable en ce printemps de dent (VIN 04-04-1834). En 1837, il participe
1834. Suite à l’hémorragie qui affecte le mou- au second CCPM et est l’invité d’honneur du
vement patriote après l’adoption des 92 Réso- banquet de la Saint-Jean-Bapiste où il fait
lutions, le parti doit en effet démontrer qu’il l’apologie du boycottage, ce qui lui vaudra
bénéficie toujours de l’appui de bourgeois probablement sa brève incarcération. Louis-
modérés et non plus seulement d’intellectuels Roy Portelance est l’un de ces personnages
radicaux issus de la bourgeoisie profession- respectables auxquels le « Parti patriote » aime
nelle. On pense notamment à l’homme à être associé du fait de leur notabilité et de
d’affaires Paschal Persillier Lachapelle, de leur réputation. Vétéran de la guerre de 1812,
Saint-Laurent, ou au docteur Michel-François cofondateur de la Banque du Peuple, mar-
Valois, de Pointe-Claire, mais aussi à d’au- chand prospère et député de Montréal dès
thentiques Montréalais, réputés pour leur 1804, il a déjà 73 ans en 1837. On le retrouve
modération, leur intégrité et respectés dans pourtant à plusieurs assemblées patriotes où
leur communauté. Le plus important de ces il occupe le siège de président. Il est président
notables est certainement le député du à la grande assemblée de Saint-Laurent du 15
quartier Est, Joseph Roy. Commerçant bien mai, membre du second CCPM, dont il pré-
établi à Montréal, côtoyant les marchands side les réunions du 18 et du 22 mai. À l’au-
britanniques, Roy collection aussi les titres de tomne de 1837, Portelance quitte Montréal et
magistrat, d’officier de milice et d’édile s’installe chez son beau-fils, curé à Kamou-
municipal. Membre à part entière du Parti
patriote, il est aussi un intime de Papineau et
Toussaint Peltier (ou Pelletier, 1792-1854) Né à Montréal,
de Fabre. Il appuie les 92 Résolutions en 1834 de Toussaint Pelletier et d’Elizabeth Lacoste. Admis au
et participe l’année suivante à la fondation de barreau en 1816. Patriote modéré, il est cependant partisan
du boycottage. Il est arrêté le 1er décembre 1837 et libéré
l’Union patriotique. Il demeure cependant un sous caution le 8 juillet suivant.
modéré qui n’est pas inquiété par les auto-
rités au moment de l’arrestation des chefs Louis-Roy Portelance (1764-1838) Né à Pointe-Claire de
patriotes. Toussaint Peltier, l’un des avocats Joseph Roy, dit Portelance, laboureur, et de Catherine Mallet.
Il étudie au collège Saint-Raphaël de Montréal de 1778 à
1784. Il travaille d’abord comme voyageur, puis se lance
dans le commerce du bois à Montréal. Il fait bientôt l’ac-
Joseph Roy (1771-1856) Né à Mascouche de Charles Roy quisition de vastes terrains, notamment d’un verger. Il
et d’Élizabeth Beauchamp. Il s’installe à Montréal en 1790 participe à la guerre de 1812 à titre de capitaine dans la
où il est d’abord artisan, puis commerçant où il réussit au- milice et accède plus tard au grade de lieutenant-colonel. Il
delà de toutes attentes. En 1819, il épouse Émilie épouse sa cousine germaine Marie-Josephte Périnault, fille
L. Lusignan, fille de Charles Lusignan. À titre de juge de de François Périnault et de Marie-Josephte Mallet. Élu député
paix, il intervient contre les militaires impliqués dans la de Montréal à compter de 1804, il est généralement fidèle
fusillade du 21 mai 1832. Roy est élu au premier conseil de au Parti canadien. Il est élu une dernière fois dans le quartier
ville en 1833. Est en 1816.
les v il les 135
raska, où il décède l’année suivante. Certains « Chaque comté pour déléguer trois personnes
de ces notables persévèrent cependant, comme pour chaque député envoyé au Parlement »,
Raymond Plessis-Belair, « bourgeois » de dont les députés d’office membres du comité.
Montréal, âgé de 70 ans en 1834, qui préside Ce premier CCPM a donc d’abord une voca-
quelques réunions du CCPM à la fin de l’été tion électorale et c’est dans cet esprit qu’on
de 1837 et même membre honoraire des Fils invite les comtés du district à y déléguer des
de la liberté (MIN 24-08-1837 ; 07-09-1837 ; représentants afin d’arrêter une stratégie en vue
16-10-1837). Après les élections de 1834 et des élections à l’automne suivant. Dans
surtout après les résolutions Russel de mars l’immédiat, le CCPM fait office surtout de
1837, l’appui de tels notables s’avère moins comité de correspondance afin de faire circuler
important pour le parti. Leur participation une pétition et d’acheminer les 92 Résolutions
aux assemblées a d’ailleurs tendance à s’espa- en Angleterre. Joseph Roy est le premier
cer. La stratégie consiste désormais davantage président du CCPM, Robert Nelson (Montréal-
à intimider le gouvernement par de vastes ras- Ouest), Louis Lacoste (Chambly), Étienne Roy
semblements populaires et par des appels à la (Vaudreuil), Norbert Éno (Berthier), Pierre
désobéissance sociale. Héroux (Laprairie) et Wolfred Nelson
En attendant, dès le 7 avril 1834, des délé- (Richelieu) sont vice-présidents. Charles-Ovide
gués provenant de neuf paroisses se réunissent Perrault et E. B. O’Callaghan en sont co-secré-
chez Julien Perrault pour y adopter le texte taires et Édouard-Raymond Fabre, trésorier.
d’une pétition devant accompagner les 92 On y retrouve alors des membres modérés
Résolutions en Angleterre (MGZ 10-04-1834). qu’on ne reverra guère par la suite, comme
Ce comité se réunit de nouveau le 16 mai pour Patrick Brennan ou Pierre Beaudry. Ce premier
fonder, avec des représentants de tout le district CCPM se réunit sept fois entre le 16 mai et le
de Montréal, le « Comité central et permanent 6 octobre pour peaufiner la stratégie électorale
du district de Montréal ». Ce comité perma- du parti. On ne le retrouvera ensuite qu’au
nent, qu’on désigne aussi du nom de « Con- printemps 1837 sous une autre forme et pour
vention », sert clairement à appuyer le travail de toutes autres fins (VIN 04-04-1834).
des députés en Chambre et à leur faire « con-
naître au juste l’état de l’opinion publique » Les sociétés nationales
(MIN 14-04-1834 ; VIN 08-04-1834, 11-04- Les patriotes de Montréal ont bien moins ten-
1834). En ce sens, la « Convention » peut être dance que les loyaux à se réclamer d’une ori-
assimilée à l’exécutif d’un parti politique gine ethnique particulière. Alors que la
moderne dont la tâche consiste à débattre des « MCA » lance à tous venants des appels aux
positions du parti, à fournir des dossiers aux « True Britons of all origins », le credo patriote
députés et à soutenir l’ardeur des troupes en veut plutôt que leurs revendications trans-
périodes électorales. La composition du comité cendent toutes les origines et s’adressent à
est fonction de la députation en Chambre : tous les habitants du Bas-Canada épris de
justice et de liberté. Les dirigeants du parti
sont donc tout particulièrement soucieux
Julien Perrault Maître boulanger puis agent du service de
diligence entre Québec et Montréal. Père de Louis et d’attirer dans leurs rangs des Britanniques
Charles-Ovide Perrault. susceptibles d’étayer ce postulat et de con-
136 pat r iotes et loyaux
Baptiste est précédé, le 8 mars 1834, par la La Saint-Jean-Baptiste de 1836 est marquée
fondation de la société « Aide-toi, le Ciel quant à elle par des dissensions puisque deux
t’aidera ». Les membres fondateurs souhaitent banquets concurrents sont tenus à Montréal.
se doter d’un « lieu de réflexion destiné aux L’un, à l’hôtel Rasco, réunit les habitués de ce
réformistes désireux de discuter de l’état du genre d’événements : Denis-Benjamin Viger,
pays » (RUMILLY, 1975 : 21-22). On attribue Larocque, Dunn et Brown et 112 invités.
cette fondation à Ludger Duvernay, éditeur de L’autre banquet est organisé par Pierre-
La Minerve, d’ailleurs le premier journal à Clément Sabrevois de Bleury dans les jardins
annoncer l’avènement de l’association consa- McDonnell, à l’endroit même où avait eu lieu
crée « à ranimer le feu sacré de l’amour de la le premier banquet en 1834, et réunit « plu-
patrie, soit en éclairant la conduite de nos sieurs patriotes, qui ne sont point de la nuance
gouvernants, soit en accordant un juste tribut des amateurs de La Minerve » (AMI 28-06-
de louanges aux éloquents et braves défen- 1836). Le 26 juin 1837, près de deux cents
seurs de nos droits, aux Papineau, aux Bour- personnes célèbrent la Saint-Jean-Baptiste à
dages, aux Viger, etc. » (MIN 24-04-1834). La l’hôtel Nelson pour un banquet où l’on sert
société propose de se réunir le premier samedi uniquement des produits du pays. Denis-Ben-
de chaque mois. Les délibérations de l’asso- jamin Viger est président devant une assis-
ciation sont en principe secrètes, si bien que tance surtout canadienne. Dans son discours,
c’est en partie pour assurer la visibilité du Joshua Bell déplore que les Irlandais tendent à
regroupement que ce dernier débouche trois déserter les manifestations patriotes. Cette
mois plus tard sur la tenue du banquet de la année encore, un banquet concurrent est
Saint-Jean-Baptiste. organisé. Selon L’Ami du peuple, « La Saint-
Le 24 juin 1834, une soixantaine d’invités Jean-Baptiste doit être en deux volumes, cette
célèbrent la fête des Canadiens français dans année, à Montréal. L’un se composera des
les jardins de John McDonnell à Montréal ultra patriotes ou parti Papineau. L’autre de la
dans « le but de cimenter l’union entre les portion plus calme des Canadiens. Les der-
Canadiens ». Jacques Viger, maire de Montréal, niers qui craignent moins l’excitation se per-
préside le souper, assisté de John Turney, mettront de boire du vin » (AMI 24-06-1837).
membre du conseil de ville. On porte plu-
sieurs toasts en l’honneur des idéaux défendus Les élections de 1834
dans le Haut-Canada, en Irlande, aux États- En vue du scrutin général de novembre
Unis, et en faveur des 92 Résolutions qui ont 1834, l’élection des candidats patriotes dans le
obtenu « l’appui du peuple dans les trois quartier Est pose peu de problèmes alors que
districts de la colonies ». On décide enfin d’en James Leslie et Joseph Roy l’emportent sur
faire une célébration annuelle partout au Bas- Sydney Bellingham qui s’avoue vaincu dès le
Canada (MIN 26-06-1834). Une seconde fête 10 novembre. Dans le comté de Montréal, il
de la Saint-Jean-Baptiste est célébrée en 1835
à l’hôtel Rasco, sur la rue Saint-Paul. Denis- James Leslie (1786-1873) Né en Écosse, il émigre au
Benjamin Viger, préside le banquet, secondé Canada en 1804 et met sur pied à Montréal un commerce
de gros en alimentation. Il participe en 1817 à la fondation
de F.-A. Larocque, Peter Dunn, Thomas de la Banque de Montréal. Député patriote du quartier Est
Storrow Brown et Édouard-Raymond Fabre. depuis 1824.
138 pat r iotes et loyaux
s’agit aussi d’une formalité pour Côme-Séra- cependant de la course dès le deuxième jour
phin Cherrier, facilement élu avec Louis- du scrutin au profit des candidats Nelson et
Joseph Papineau (également candidat victo- Papineau (AMI 25-10-1834). Sa candidature
rieux dans le quartier Ouest, Papineau est inopinée ne semble pas avoir eu de consé-
remplacé par André Jobin, élu par acclamation quences puisqu’on le retrouve ensuite aux
le 25 novembre). assemblées, parfaitement intégré à l’appareil
Il en va autrement dans Montréal-Ouest patriote, probablement favorisé par son titre
où l’élection sera beaucoup plus contestée et, d’Irlandais réformiste ; il est membre du
l’électorat irlandais, tout particulièrement CCPM de 1834 et sera, en mai 1837, délégué
courtisé. Le Comité permanent des Irlandais à l’éventuelle Convention générale (VIN 04-
réformistes créé au printemps reprend du 04-1834 ; MIN 18-05-1837). Le vote com-
service et se réunit au moins cinq fois à comp- mence le 28 octobre et est marqué par la
ter du 2 octobre. Le 14 octobre, le « Comité violence et l’intimidation de part et d’autre.
des électeurs irlandais du Quartier-Ouest » Le 17 novembre, l’officier-rapporteur suspend
appuie officiellement la candidature de Louis- le vote alors que les candidats patriotes bénéfi-
Joseph Papineau et de « tout autre candidat cient d’une mince avance et proclament la
opposé au monopole de la British American victoire controversée de Papineau (588 voix)
Land Company, à une liste civile permanente, et Nelson (587 voix) sur William Walker (541
à l’ingérence du Parlement impérial dans les voix) et John Donnellan (547 voix ; MUZZO,
affaires de la province et en faveur de l’élec- 1990 : 62).
tivité du Conseil législatif et des 92 Réso- Déjà l’élection de 1830, mais plus encore
lutions en général » (MIN 17-10-1834). Le celle de 1834, marque l’entrée d’une nouvelle
même jour, les dirigeants du parti réunis chez génération de jeunes et fougueux députés qui
Édouard Rodier désignent Louis-Joseph n’ont jamais connu de chef que Papineau et
Papineau et Robert Nelson candidats dans de principes que ceux qui sont défendus dans
Montréal-Ouest, ce qui à l’heur de déplaire à les 92 Résolutions. La conscience politique de
certains Irlandais qui s’attendaient à ce qu’on ces jeunes députés s’est en général forgée en
nomme au moins un candidat issu de leur 1827 au cours des luttes contre le gouverneur
communauté (MIN 23-10-1837 ; VIN 24-10- Dalhousie. Ils se distinguent par leur radi-
1837). Parmi ces Irlandais, Patrick Brennan est calisme et leur goût pour les vastes assemblées
un habitué des banquets de la St. Patrick et il publiques où on en appelle à la volonté popu-
est particulièrement actif durant l’élection. On laire. Alors que les anciens compagnons
le retrouve depuis mai au premier CCPM et à de route de Papineau, Cuvillier, Neilson,
l’assemblée de Saint-Laurent le 29 juin 1837, Debartzch, le laissent progressivement tomber,
mais à cette date ses liens avec le « Parti ces jeunes députés, élus dans les comtés
patriote » se sont beaucoup distendus (VIN ruraux du district mais résidant tous à Mont-
04-04-1834, 17-03-1836, 27-06-1837).
Dans le quartier Ouest, les cartes sont en
outre brouillées par l’entrée en lice de Joshua Joshua Bell ( ?1793-1863) Cordonnier et marchand de cuir
du faubourg Saint-Laurent. Il assiste au banquet de la
Bell qui se présente en sollicitant, lui aussi, le St. Patrick de 1834. Fils de Liberté, il se réfugie ensuite aux
soutien des « amis patriotes ». Bell se retire États-Unis et participe à la bataille de Moore’s Corner.
les v il les 139
réal, seront les plus fidèles soutiens du chef et teurs de la bagarre du 6 novembre où il invite
les plus chauds partisans de la ligne dure, ses camarades à résister aux provocations du
quitte à conduire le parti aux portes de la Doric Club. Son action dans le mouvement
rébellion. Ce sont notamment La Fontaine, patriote peut donc à juste titre être qualifiée
Rodier et Perrault. de téméraire. Menacé d’arrestation en
Louis-Hippolyte La Fontaine est probable- novembre 1837, il prend la fuite aux États-
ment le plus doué du groupe et, malgré son Unis, d’où il participe au raid sur Moore’s
jeune âge, Papineau n’hésite pas à lui confier Corner. Il s’enfonce ensuite dans la prostra-
de grandes responsabilités dans le parti. Élu tion et l’inaction et meurt dès 1840.
pour une première fois dans Terrebonne en Nous parlerons plus longuement de
1830, il est présent aux différentes manifes- Charles-Ovide Perrault (1809-1837) dans le
tations, dont l’émeute du 21 mai 1832. chapitre sur le comté de Vaudreuil dont il est
La Fontaine se fait rapidement remarquer d’ailleurs le député depuis novembre 1834.
comme un propagandiste radical, notamment Rappelons simplement ici qu’il appartient
en publiant en 1834 la pièce Les Deux éminemment à ce groupe de jeunes députés
Girouettes, ou l’hypocrisie démasquée, où il
dénonce deux ex-patriotes, les frères Domi-
Louis-Hippolyte La Fontaine (1807-1864) Né à Boucher-
nique Mondelet et Charles-Elzéar Mondelet. ville, d’Antoine Ménard, dit La Fontaine et de Marie-Josephte
Ses Notes sur l’inamovibilité des curés dans le Fontaine. Admis au barreau du Bas-Canada en 1828, il se
crée rapidement une enviable clientèle et acquiert une belle
Bas-Canada lui permettent ensuite, en 1837, réputation pour ses talents de plaideur. Le 9 juillet 1831, il
de se tailler une belle réputation d’anti- épouse Adèle Berthelot, fille d’un riche avocat et homme
clérical. Jusqu’à son revirement au cours de politique. Il s’intéresse très tôt à la politique et publie plu-
sieurs articles d’opinions dans La Minerve. À partir de
l’été de 1837, il est par conséquent l’un des novembre 1837, il délaisse le ton agressif qui le caractérise
leaders les plus radicaux, opposé à quelque jusque-là et devient un habile politicien ouvert aux compro-
mis. À la mi-novembre de 1837, il tente de convaincre le
forme de compromission avec les modérés, gouverneur de convoquer l’Assemblée, puis gagne ensuite
avec le clergé ou le gouvernement. l’Angleterre. Il est brièvement incarcéré à son retour, puis
Plus encore que La Fontaine, Édouard- relâché le 13 décembre 1838. Il entreprend alors une
brillante carrière politique sous l’Union, réussissant à s’allier
Étienne Rodier acquiert très tôt une répu- aux réformistes du Haut-Canada et à obtenir la responsa-
tation de radical, usant à l’occasion d’un lan- bilité ministérielle.
gage particulièrement violent. Député de
L’Assomption le 30 juillet 1832, il se consacre Édouard-Étienne Rodier (1802-1840) Né à Montréal, de
Barthélemy Rodier, voyageur, et de Marie-Louise Giroux. Il
désormais à l’action politique, quitte à fait son apprentissage auprès de Hippolyte Saint-Georges
négliger sa carrière d’avocat. À la veille des Dupré, puis de Dominic-Benjamin Rollin. Reçu avocat en
troubles de 1837, Rodier participe à de nom- 1827, il devient l’un des avocats les plus en vue de Montréal.
Rodier est de toutes les assemblées importantes qui
breuses assemblées où ses allocutions ont s’intensifient dès le printemps de 1837. En novembre, il se
généralement l’heur de hausser d’un cran la réfugie à Pointe-à-la-Mule où il retrouve d’autres leaders sur
le chemin de l’exil, dont le docteur Côté et Lucien Gagnon.
tension politique, notamment après son Rodier participe ainsi à l’attaque de Moore’s Corner le 6
vibrant discours à l’Assemblée des Six-Com- décembre 1837 où il est blessé (Fauteux, 1950 : 366). Il doit
tés. Il s’engage aussi à fond dans l’orga- retourner aux États-Unis. Il habite Burlington pour quelques
temps et assiste à la conférence de Middlebury au début de
nisation des Fils de la liberté où il occupe une janvier. L’inaction de Papineau le déçoit cependant et il rentre
place prépondérante. Il est l’un des instiga- bientôt à Montréal où il meurt peu après.
140 pat r iotes et loyaux
radicaux, particulièrement actifs en Chambre correspondre avec les agents patriotes sur
et opposés à tout compromis avec l’exécutif, place, d’abord Viger, puis Morin et mainte-
qu’il s’agisse du vote de la liste civile ou de la nant Chapman, Roebuck et John Leader
composition du Conseil législatif. Bien qu’il (MG24 B129).
soit nouveau venu, Perrault est vite au centre Malgré ses insistances, le dynamisme du
du mouvement patriote montréalais. Il est caucus de Montréal ne suscite aucun enthou-
notamment le frère de Louis Perrault, impri- siasme à Québec où règne la morosité la plus
meur du Vindicator, avocat, associé d’André complète malgré, là-bas aussi, un balayage
Ouimet, président des Fils de la liberté et, patriote aux élections. On y crée bien un
depuis 1837, gendre d’Édouard-Raymond comité de correspondance le 8 décembre, mais
Fabre, grand argentier du Parti patriote. Pré- on refuse de se déplacer à Trois-Rivières et
sent lors d’une cinquantaine de réunions et même de doter ces comités d’un budget
d’assemblées et dans une dizaine de comtés, indépendant ; en d’autres mots, de dépenser
Perrault est plus particulièrement utilisé par le moindre sou. Qu’à cela ne tienne, le Comité
Papineau, du fait de sa fougue, de son élo- de correspondance de Montréal est officielle-
quence et de son biliguisme afin de fouetter ment créé le 4 décembre. On crée aussi dans
l’ardeur des troupes lors des assemblées popu- l’exubérance pas moins de cinq sous-comités
laires. Il est enfin membre honoraire des Fils chargés de s’enquérir à propos de différentes
de la liberté dans la compagnie d’Édouard- questions et d’assurer au comité un finan-
Étienne Rodier, George-Étienne Cartier et cement adéquat. Ces sous-comités serviront
John Macdonell (DAVID, 1936 : 170D). surtout à préparer des dossiers sur les ques-
Surexcités par leur victoire électorale, des tions de l’heure en vue de la session de 1835.
« députés résidant à Montréal », Louis-Joseph Le président est Louis-Joseph Papineau ;
Papineau, Robert Nelson, L.-H. La Fontaine Joseph Roy et Jacob DeWitt étant vice-prési-
(Terrebonne), Augustin-Norbert Morin dents, Léon Gosselin et André Ouimet,
(Bellechasse), E.B. O’Callaghan (Yamaska) et secrétaires, et Édouard-Raymond Fabre, tré-
Charles-Ovide Perrault (Vaudreuil) contac- sorier. On a donc droit à une copie quasi
tent leurs collègues de Québec afin de les parfaite du feu CCPM. Comme son prédéces-
enjoindre de concrétiser la 89e des 92 résolu- seur, le Comité de correspondance aura une
tions et de se réunir au plus tôt à Trois- vie intense, mais brève. Il correspond fébrile-
Rivières en vue de la reprise des travaux de la ment avec des réformistes du Haut-Canada,
Chambre. Cette résolution prévoyait la mise les députés radicaux anglais et dépêche Henry
sur pied de deux comités de correspondance, S. Chapman et Robert Nelson avec une
l’un à Montréal, l’autre à Québec. À Montréal, nouvelle fournée de griefs trouvés par les
ce comité de correspondance semble se subs- patriotes. Le Comité se réunit une dizaine de
tituer au premier CCPM qui s’éclipse. Cette fois jusqu’au 9 septembre 1835, dont à deux
mutation s’explique par la nécessité de mettre reprises à Trois-Rivières, malgré l’absence de
de côté l’action partisane une fois les élections son vis-à-vis de Québec.
passées, et de suivre avec plus d’acuité l’évo- L’année 1835 correspond aussi à une autre
lution de la situation en Angleterre où sont aventure liée à l’histoire du mouvement
maintenant rendues les 92 Résolutions et de patriote, celle de la fondation de la Banque du
les v il les 141
Peuple à laquelle sont associés certains leaders affaires et fut d’ailleurs longtemps associé à
influents qu’on retrouve également au Comité L.-M. Viger de qui il demeure très proche sur
de correspondance. En 1833, Thomas Storrow le plan des idées. Originaire des États-Unis, il
Brown participe avec Jacob DeWitt aux vient à la politique au moyen de sa défense des
démarches pour obtenir la reconnaissance droits religieux et civils des non-conformistes.
juridique de la Banque de la cité et à l’or- Député de Beauharnois à compter de 1830, il
ganisation de la Banque du Peuple. Selon s’engage aussi dans l’action politique en même
Jean-Claude Robert, « cette nouvelle banque temps que Viger. Les deux hommes sont
répond aux vœux des milieux réformistes de cependant des modérés et ne prennent aucune
mettre un terme au monopole que la Banque part dans la rébellion. Homme d’affaires tout
de Montréal exerce sur le crédit dans le Bas- compte fait prudent, c’est à peine si DeWitt
Canada et de créer un établissement plus prendra au sérieux les allégations selon les-
ouvert et plus attentif aux besoins économi- quelles la « Banque du Peuple » aurait con-
ques de la petite bourgeoisie de la colonie » tribué à financer l’achat d’armes pour les
(DBC, XI : 244). Pour Louis Richard, la patriotes. John Donegani est plus turbulent
Banque du Peuple « devait assurer aux nôtres que Viger et DeWitt mais, comme eux, est
les ressources pécuniaires destinées à activer surtout soucieux d’assurer la sécurité de ses
et encourager le commerce et l’industrie dans intérêts financiers. Bien qu’il soit seigneur de
la province » (RICHARD 1949-50 : 542). À Foucault (Rouville), juge de paix et conseiller
l’origine du projet, on retrouve au moins municipal à Montréal, Donegani n’hésite
quatre éminents patriotes, membres du pre- cependant pas à s’engager dans la cause
mier CCPM : Louis-Michel Viger, Jacob patriote. Il est membre du premier CCPM et
DeWitt, John Donegani et Thomas Storrow l’invité le 16 février 1836 d’une assemblée
Brown. loyale dans Stanbridge qui tourne finalement à
Le principal architecte du projet est aussi l’avantage des patriotes. Arrêté en novembre
député de Chambly. Mais Louis-Michel Viger 1838, il ne passe cependant qu’un mois en
est surtout intimement lié au puissant clan prison. Plus tard, il paticipe à des campagnes
familial des Papineau-Viger-Cherrier. À de collecte de fonds afin de financer le retour
preuve, Louis-Michel Viger fait son cours
secondaire avec son cousin Louis-Joseph Jacob DeWitt (1785-1859) Né à Windham, Connecticut,
Papineau, son apprentissage du droit auprès de Henry DeWitt et Hannah Dean. Commerçant en quin-
de son cousin Denis-Benjamin Viger et s’asso- caillerie, il accumule une jolie fortune qu’il investit dans le
transport fluvial, la spéculation foncière, ainsi que dans
cie enfin à son cousin Côme-Séraphin Cher- diverses industries, notamment dans le comté de Beau-
rier. Viger a déjà une cinquantaine d’années à harnois. Il y affronte bientôt la famille Ellice dont il critique
la gestion seigneuriale. Après l’« Union », il prend la direction
l’époque ; c’est cependant un néophyte en de la « Banque du Peuple » tout en demeurant associé aux
politique, s’étant jusque-là consacré au com- cercles réformistes, aux côté de Louis-Hippolyte La Fontaine.
merce et à la finance. Soutenu par Papineau, il
gravit vite les échelons dans l’organisation John Antony Donegani (1798-1868) D’origine italienne, il
patriote à qui Viger offre en retour une cer- fait ses études au Collège de Montréal. À la mort de son
père, il prend la direction de la taverne familiale en plus de
taine crédibilité auprès de la communauté des spéculer sur les biens immobiliers. Il est également admi-
affaires. Jacob DeWitt vient aussi du milieu des nistrateur de la « Banque du Peuple ».
142 pat r iotes et loyaux
des exilés d’Australie (VIN 4-04-1834, 17-03- naissance à Montréal de l’« Union patrio-
1836 ; MIN 19-02-1835 ; DBC, IX : 228 ; tique », fondée à Montréal le 2 mai par des
MESSIER, 2002 : 153). Thomas Storrow « patriotes éprouvés ». Denis-Benjamin Viger,
Brown connaîtra un destin beaucoup plus revenu depuis quelques mois de sa mission de
agité que celui de ses trois associés. Bien qu’il deux ans en Grande-Bretagne, en est le prési-
est engagé dans le Comité de correspondance, dent. Jacob DeWitt et Joseph Roy sont secré-
puis dans le second CCPM et qu’il est rédac- taires et Fabre, l’inévitable trésorier. Augustin-
teur occasionnel au Vindicator, Brown n’est pas Nobert Morin et Edmund B. O’Callaghan sont
un membre influent du mouvement patriote secrétaires et chargés de correspondre avec les
montréalais. L’événement qui changera sa filiales ou « branches » de l’« Union » de Mont-
destinée semble être son adhésion à la branche réal, car ce type de regroupement semble
militaire des Fils de la liberté le 5 septembre. destiné à essaimer un peu partout au Bas-
Dès lors, il participe à l’échauffourée contre le Canada. Les « unions patriotiques » se pré-
« Doric Club » où il est blessé. Menacé d’arres- sentent comme des « organisation[s] apoliti-
tation, il arrive à Saint-Charles auréolé par sa que[s] destinée[s] à regrouper tous ceux
participation à la bagarre du 6 novembre. Il est soucieux de protéger les droits, libertés et
désigné général des troupes patriotes de Saint- intérêts des peuples des colonies de l’Amé-
Charles avec les funestes conséquences que l’on rique du nord et à obtenir une forme de gou-
sait. Ces quatre hommes d’affaires — Viger, vernement responsable ». Difficile par consé-
DeWitt, Donegani et Brown — ont au moins quent d’en discerner plus précisément la voca-
en commun de contester le monopole écono- tion. On est mieux avisé quand on sait que
mique de la grande bourgeoisie écossaise et de l’adhésion à l’« Union » s’accompagne d’une
faire en sorte de décloisonner les cadres étroits contribution annuelle de 30 sols (CAN 01-06-
de la finance montréalaise. Avec la « Maison 1835). Des « unions patriotiques » sont ainsi
canadienne de commerce » de F. X. LaRocque, créées un peu partout jusqu’au cœur de 1837
la « Banque du Peuple » représente le fer de sans qu’on puisse en savoir davantage. Qui
lance du volet économique du programme plus est, après leur fondation, on ne semble
patriote, dont la finalité risque autrement de plus en entendre parler, comme s’il s’agissait
n’apparaître que purement politique. d’une forme d’adhésion plutôt lâche, s’appa-
Le 1er juin 1835, Le Canadien annonce la rentant à l’acquisition d’une simple carte de
membre. On peut donc conclure à un nou-
Thomas Storrow Brown (1803-1888) Né à St. Andrews,
veau moyen pour élargir la base du mouve-
Nouveau-Brunswick, de Henry Barlow Brown, marchand, et ment patriote dans les campagnes et, le cas
de Rebecca Appleton. En 1818, il quitte sa famille et s’établit échéant, financer des activités de mobilisation.
à Montréal comme quincaillier mais n’obtient pas beaucoup
de succès. En 1829, il épouse Jane Hughes. En 1833, il Le moins qu’on puisse dire est qu’Édouard-
participe avec Jacob DeWitt aux démarches devant mener à Raymond Fabre s’avère central, voire indis-
la fondation de la « Banque du Peuple ». Le 16 novembre
1837, il quitte Montréal pour Varennes. Il arrive à Saint-
pensable à la santé financière des diverses
Charles au moment où se met en place le camp retranché organisations créés à Montréal par l’entourage
dans le manoir Debartzch. Nommé général, il mène ses de Papineau. La diversité des rôles joués
troupes à un désastre, mais réussit lui-même à fuir aux États-
Unis. Après un court séjour en Floride, il revint à Montréal par Fabre semble en fait à la mesure de la
et retourne à la quincaillerie. multiplicité des talents de cet homme
les v il les 143
locales et des produits du pays et développe- entendre un nouveau chant patriotique de son
ment du commerce avec les États-Unis. On cru : Avant tout je suis Canadien, qui devient
décide de même que les autres comtés se dotent plus tard l’hymne de ralliement des Fils de la
aussi de tels comités. Quant au mandat de liberté auxquels Cartier adhère lui-même le 5
veiller au boycottage et de mettre en pratique septembre 1837. Il n’assiste probablement pas
la contrebande, il sera assuré en particulier par à l’assemblée des Six-Comtés, mais participe à
des comités de vigilance qu’on crée généra- la bataille de Saint-Denis.
lement à l’issue des assemblées anti-coercitives. Selon son testament politique, Chevalier de
Le CCPM est enfin chargé de préparer une Lorimier « prend une part active en politique
« convention générale », véritable assemblée à partir de l’âge de 17 ou 18 ans, soit dès 1821
constituante vouée, le cas échéant, à proposer ou 1822 « (DELORIMIER, 1996 : 56).
un nouveau cadre constitutionnel. « Comme tous les hommes qui aiment leurs
pays [...] avec l’ardeur des cœurs jeunes et
Qu’on mette sur pied une convention générale
dont feront partie les membres de la Chambre enthousiastes, de Lorimier se mêle de bonne
d’assemblée et du Conseil législatif et des heure de politique et d’affaires publiques »
déléguées de tous les comtés, villes et villages (FABRE, 1996 : 85). Dès 1827, il signe la
de la province, et qu’un comité fût nommé pétition contre les menées du gouverneur
pour représenter la cité et le comté de
Montréal à cette convention et que ce comité George-Étienne Cartier (1814-1873) Né à Saint-Antoine,
fût composé comme suit : Docteur Valois, de Jacques Cartier et de Marguerite Paradis. Il termine ses
études secondaires en 1831, s’initie ensuite au droit à l’étude
E.-R. Fabre, George Watson, Louis-Roy Porte- d’Édouard-Étienne Rodier et est admis au Barreau du Bas-
lance, Thomas McNaughton, Urbain Des- Canada le 9 novembre 1835. Après la défaite de Saint-
rochers, P. Lachapelle, Stanislas David, John Charles, il doit se cacher à Verchères où il passe l’hiver chez
un cultivateur. Il fuit ensuite aux États-Unis où il demeure de
Dillon, I. Bell, Joseph-Antoine Gagnon et mai à octobre 1838. Puis il revint à Montréal où il est
Joseph Létourneux (MIN 18-05-1837). brièvement incarcéré. Il mène par la suite la grande carrière
politique que l’on sait.
Ceux qu’on retrouve au second CCPM sont
sensiblement les mêmes qu’au premier et qu’au François-Marie-Thomas Chevalier de Lorimier (1803-
Comité de correspondance. Léon Gosselin a 1839) Né à Saint-Cuthbert (Berthier), de Guillaume-Verneil
entre-temps été limogé et traîne désormais De Lorimier et de Marguerite-Adelaïde Perrault. En 1824, il
entreprend un stage de notaire (reçu le 25 août 1829). En
l’étiquette de chouayen. Les secrétaires du 1832, il épouse Henriette Cadieux. Le 15 novembre 1837, il
nouveau CCPM, George-Étienne Cartier et est à Saint-Eustache où il organise la résistance des insurgés.
Il quitte à la veille de la bataille et arrive aux États-Unis au
Thomas-Marie Chevalier DeLorimier, sont terme d’un périple de plusieurs jours. Là, il participe à la
quant à eux célèbres. réunion de Middlebury du 2 janvier avec plusieurs chefs
Dès mai 1834, le jeune avocat George- patriotes, dont Papineau. Il est avec Robert Nelson à
Caldwell’s Manor le 28 février suivant lors de la Déclaration
Étienne Cartier est co-secrétaire du CCPM et d’indépendance du Bas-Canada mais, à son retour aux États-
travaille plus tard à l’élection de Louis-Joseph Unis, il est arrêté pour avoir violé la neutralité américaine. Il
est acquitté peu de temps après par un tribunal favorable
Papineau et de Robert Nelson. Le 24 juin il aux patriotes. Il se consacre ensuite à organiser le mou-
entonne le chant qu’il venait de composer et vement insurrectionnel des Frères chasseurs. Le 7 novembre
qui devait lui survivre, O Canada, mon pays, 1838, il prend avec Prieur le commandement du soulève-
ment dans Beauharnois. Arrêté avant d’atteindre la frontière
mes amours, lors du premier banquet de la le matin du 12 novembre, il est condamné à mort le 21
Saint-Jean-Baptiste. Au banquet de 1835, il fait janvier et pendu le 15 février suivant.
les v il les 145
Dalhousie, lors de l’élection partielle de 1832, comité afin de lui permettre de rejoindre plus
il est un ardent partisan de Daniel Tracey et de gens et de voir appliquées avec plus de
assiste à l’émeute du 21 mai et, comme rigueur les mesures de boycottage. Un appel à
Cartier, il participe à l’élection de 1834. C’est la création de comités locaux sera de nouveau
cependant l’annonce des résolutions Russel lancé lors de l’assemblée du faubourg Saint-
qui marque le point de départ de son ascen- Laurent, le 28 juin, mais demeurera plutôt
sion dans le mouvement patriote. Secrétaire lettre morte.
du CCPM, il occupe cette fonction à plusieurs Cet élan de mobilisation sans précédent à
autres assemblées, notamment le 29 juin et compter du printemps de 1837 entraîne aussi
surtout le 23 octobre 1837 à l’assemblée des l’entrée massive de nouveaux visages dans le
Six-Comtés. Membre de l’Association des fils mouvement patriote. Romuald Trudeau est
de la liberté, il est blessé le 6 novembre, puis il un citoyen respectable qui se joint au mouve-
prend la route de la résistance, d’abord dans ment, mais dont l’engagement n’ira jamais
Deux-Montagnes, puis dans Beauharnois en jusqu’à la rébellion. On retrouve aussi des
passant par les États-Unis. radicaux, qui reviennent en 1837 après une
Le CCPM se réunit presque toutes les éclipse en 1835 et 1836. Joseph-Augustin
semaines entre le 23 mai et le 9 novembre Labadie est membre du premier et du second
1837, généralement les jeudis à l’hôtel Nelson. CCPM. Il est arrêté le 4 novembre 1838, puis
Il est composé de 153 membres, dont 55 vien- libéré le 12 décembre sans procès. On pense
nent de la cité de Montréal. La présence des aussi au jeune Jérôme Pilon, tanneur de
membres ruraux aux réunions semble un Montréal, et à Augustin Tulloch, né en 1811,
problème puisque, dès la première réunion, un tailleur de Montréal qu’on pouvait aper-
on enjoint les membres des campagnes à créer cevoir à une assemblée à Saint-Laurent de
leurs propres comités locaux de vigilance dans 1834 et au premier CCPM, puis qui réapparaît
leur paroisse respective et à user de tous les au sein des Fils de la liberté. Tulloch y rejoint
moyens — y compris les criées aux portes des alors son meilleur ami, François Tavernier,
églises — « pour tenir leurs compatriotes au frère de la religieuse Émilie Gamelin-
courant des procédés concernant la présente
position du pays et l’attaque atroce dirigée par
Romuald Trudeau (1802-1888) Né à Montréal, de François
le ministère anglais contre les droits du Bas- Trudeau et de Marguerite Weilbrenner. Il épouse Aurélie
Canada » (MIN 26-05-1837). Paul en 1833. Apothicaire de Montréal, il est connu surtout
Encore là, cet effort de mobilisation est en pour le journal Mes tablettes, qui relate le récit des événe-
ments entonnant les troubles de 1837-1838. Il se joint au
partie destiné à collecter des fonds afin de mouvement patriote dès 1834, siège à un comité de
financer les activités partisanes. Cette question paroisse, puis au second CCPM et signe enfin une invitation
pour l’assemblée du Faubourg Saint-Laurent (Vindicator, 4
du financement semble le talon d’Achille de avril 1834 ; 23 juin 1837 ; 27 juin 1837). Après les troubles,
toutes les organisations patriotes autour de il est conseiller municipal en plus de participer à la relance
Montréal où l’on tente de pallier le manque de la Banque du Peuple en 1843.
criant de ressources en augmentant le nombre
de membres. Dès le 15 juin, le CCPM doit se Joseph-Augustin Labadie Né en 1805 à Montréal, de
Joseph et Marie-Françoise Desautels. Il étudie au collège
pencher sur les faiblesses de l’organisation Saint-Thomas de Verchères, puis est reçu notaire en 1826. Il
patriote. On recommande de décentraliser le est époux de Marie-Louise Grenier.
146 pat r iotes et loyaux
Tavernier, un radical qui s’engage tard dans le assemblées publiques depuis leur interdiction
mouvement patriote, mais qui sera arrêté le 15 juin. La colère y disputant à l’enthou-
deux fois en 1837 et 1838. Pilon, Tulloch et siasme, ce sont plutôt les officiers et les juges
Tavernier sont des ouvriers peu fortunés, dont de paix qui décident spontanément de démis-
les inclinations radicales semblent particuliè- sionner, laissant planer une odeur de révo-
rement marquées et qu’on retrouvera à la lution sur fond d’improvisation. Les réunions
bagarre du 6 novembre. suivantes du CCPM (20, 27 juillet, 3 et 10
Le 29 juin 1837, une nouvelle assemblée août) seront sur le même modèle, tandis que
publique se tient à la place du Marché, sur la les annonces de destitutions et de démissions
grande rue du Faubourg Saint-Laurent à tombent jour après jour et que le Comité en
Montréal, afin de nouveau de prendre en appelle à l’urgence de créer des comités de
considération les résolutions Russell. La vigilance afin que le démantèlement des ins-
Gazette et Le Populaire estiment la foule à 800 titutions légales se fasse avec un semblant
personnes tandis que La Minerve parle plutôt d’ordre (MIN 13-07-1837, 06-07-1837).
d’entre 3 500 et 4 000 personnes parmi les- Le 17 août, le CCPM s’en prend à l’attitude
quelles « ces notabilités de la cité et des fau- du clergé catholique qu’il invite à ne pas
bourgs, cette classe bourgeoise, composée de s’ingérer dans le conflit « parce qu’une pareille
propriétaires, d’hommes libres et indépen- démarche ne regarde nullement leur saint
dants » (MIN 29-06-1837). Les résolutions ministère, et tend inévitablement à attirer le
adoptées concluent notamment qu’on ne peut mépris sur un état que nous sommes obligés,
plus rien attendre de la Grande-Bretagne et par les usages sociaux et notre propre désir de
que les habitants ne doivent compter que sur respecter et d’honorer » (MIN 24-08-1837). Le
eux-mêmes et sur leur voisin, les États-Unis. 7 septembre, on prend connaissance d’une
L’atmosphère de la réunion du CCPM du lettre d’appui envoyée par l’« Association des
3 juillet est particulièrement enfiévrée dans un industriels de Londres » au peuple canadien et
l’hôtel Nelson apparemment plein à craquer qu’on s’empresse d’imprimer et de diffuser en
(MIN 03-07-1837). On y annonce la création des milliers d’exemplaires. Au même moment,
d’un nouveau comité de vigilance pour les démissions se multiplient dans la magis-
Longue-Pointe et dans d’autres paroisses de trature et la milice. Les membres du Comité
l’île, mais ce qui retient surtout l’attention est expriment même leur inquiétude de voir
l’annonce de la destitution des premiers offi- qu’un grand nombre de paroisses sont privées
ciers de milice accusés d’avoir assisté à des de services judiciaires. On en profite cepen-
dant pour attribuer à l’avance au gouver-
François Tavernier dit Sanspitié, père (1792-1867)
nement « tous les maux qui pourraient
Marchand né à Montréal d’Antoine et de Marie-Josephte résulter pour la vie et propriétés du peuple de
Maurice dit Lafantaisie. Il est le frère d’Émilie Gamelin- cette province en l’absence de magistrats et
Tavernier, fondatrice de l’Institut de la Providence. Il par-
ticipe à l’assemblée de Saint-Laurent où il est nommé d’officier de milice » (MIN 18-09-1837).
au second CCPM. Fils de la liberté, il est l’un des premiers Rendu au 12 octobre, le CCPM doit prendre
arrêtés le 16 novembre 1837. Il est libéré sous caution lors
de l’amnistie le 8 juillet suivant. Arrêté de nouveau le
acte des différents « débordements » dont le
24 décembre 1838 pour propos séditieux, puis libéré le district de Montréal est la proie, dans Deux-
31 janvier 1839. Montagnes, où le peuple commence à élire ses
les v il les 147
informations pour tout l’est de Montréal. Avec juillet 1837 membre du CCPM pour Pointe-
Joseph et Médard Laporte, il assure la commu- aux-Trembles et participe à deux réunions à
nication avec les leaders du comté de Varennes, l’hôtel Nelson, en août, et à deux autres, à
Amury Girod et Eugène-Napoléon Dusches- Pointe-aux-Trembles, en septembre (MIN 17-
nois, et aide à la fuite de plusieurs leaders 08-1837 ; 18-09-1837). Membre aussi de
montréalais, dont Louis-Joseph Papineau. Un l’Association des fils de la liberté de Montréal
mandat d’arrestation est émis contre lui le et des Miliciens du peuple de Pointe-aux-
1er décembre 1837 et de nombreux affidavits de Trembles, Campbell contribue à faciliter la
Joseph Archambault, Amable Dufresne, Charles fuite de plusieurs patriotes, dont Rodolphe
Vinette et James Allan sont déposés contre lui Desrivières, Alphonse Gauvin et Papineau lui-
(ANQ P224 : 1047, 1048, 1049, 1051, 2986 ; même. Les frères Laporte sont aussi des
MIN 3-07-1837 ; ). Il a cependant déjà pris la habitués des rendez-vous à l’auberge Le Châ-
fuite pour les États-Unis et ne revient qu’à telain. À la réunion du comité de paroisse du
l’amnistie. À son retour à Pointe-aux-Trembles, 22 juin 1837, Joseph Laporte s’en prend
il est recruteur pour les Frères chasseurs en vue vivement à la proclamation Gosford du 15
de préparer un second soulèvement (BER- juin et se joint ensuite aux Fils de la liberté le
NARD, 2001 : 143 ; FAUTEUX, 1950 : 309). 24 août (VIN 23-06-1837 ; MIN 28-08-1837).
Autour de Malo, on retrouve les habitués En décembre 1837, Laporte se compromet
de ces réunions à l’auberge Le Châtelain et gravement en acceptant d’héberger Amury
qui tremperont notamment dans le complot Girod, alors en fuite, après la débâcle dans
visant à attaquer Sorel lors du soulèvement Deux-Montagnes et poursuivi par l’armée et
général prévu le 4 novembre 1838. Jean- les chasseurs de primes (BERNARD, 2000 :
Baptiste Cadieux est capitaine de milice à 211). Médard Laporte assiste aux réunions du
Pointe-aux-Trembles où il organise quelques 11 et 22 juin 1837, mais prend la parole pour
réunions (VIN 23-06-1837). Avec son frère la première fois à la réunion du 17 août 1837
Pierre, il fait partie du second CCPM pour
Rivière-des-Prairies et participe à la plupart
Marc Campbell (1821-1890) Fils de Jean-Baptiste Campbell
des réunions du Comité jusqu’en août 1837
et de Clothilde Chalifoux. Il est commis aubergiste de Pointe-
(MIN 14-08-1837 ; 17-08-1837). On retrouve aux-Trembles quand il est arrêté une première fois le 26
Cadieux lors du second soulèvement à janvier et libéré le 3 mars suivant, puis de nouveau le 22
novembre 1838 et libéré sous caution le 3 avril 1839.
l’auberge Le Châtelain où, avec une quinzaine
d’hommes armés commandés par François
Joseph Laporte (1806-1862) Né à Pointe-aux-Trembles, de
Ayet dit Malo, il envisage d’attaquer Sorel. Il Charles Laporte, cultivateur, et de Josephte Christin dit Saint-
est cependant possible qu’il s’agisse d’un autre Amour, et frère de Médard Laporte. Cultivateur et capitaine
de milice et époux de Desanges Messier. Après les troubles,
Jean-Baptiste Cadieux, de Saint-Denis, prési- il est nommé commissaire au tribunal des petites causes en
dent à une assemblée le 28 août 1837 (04-09- 1851, ainsi qu’à diverses autres commissions. Il est élu
1837). On est par ailleurs étonné de la place député bleu-réformiste pour Hochelaga en 1857 (Audet,
1943 : 429).
que, dès l’âge de seize ans, le jeune Marc
Campbell a pris dans le mouvement patriote
Médard Laporte Né à Pointe-aux-Trembles, de Charles
montréalais. Commis serveur au Châtelain et Laporte et de Josephte Christin dit Saint-Amour. Il épouse
employé de Malo, Campbell est nommé le 27 Zoé Mercier en 1834, puis Mathilde Pigeon en 1885.
les v il les 149
nombreux discours, il s’en prend surtout aux 1834 ; MG24 B129 : 102-107). En novembre,
marchands anglais qui monopolisent le com- tablant sur sa position courageuse en 1832 et
merce, les terres et le pouvoir politique (MIN sur son implication au printemps précédent,
17-08-1837). Intense propagandiste, il orga- André Jobin est élu sans opposition député de
nise des rassemblements dans sa propre Montréal. À l’assemblée du 15 mai 1837, il est
demeure. Malgré sa grande activité, il main- désigné d’office au CCPM. En juin, il démis-
tient des liens ténus avec l’exécutif patriote. sionne comme juge de paix. Dans sa lettre, il
Valois sera tout de même mis en accusation à rappelle que, de toute façon, son mandat n’a
la suite des affidavits de Guillaume Malette, aucune signification, puisqu’il ne lui venait
Paschal Legault et William Glasford, déposés pas du peuple. À l’annonce des mandats
le 11 décembre 1837 (ANQ nos 166, 168 ; 169). d’arrêt en novembre, Jobin demeure caché
Il y est accusé d’avoir tenu des propos encou- pendant plus de cinq mois, mais est finale-
rageant la résistance aux autorités légales. ment arrêté le 3 mai 1838 et libéré avec les
Selon Audet, toute une escouade de soldats autres le 7 juillet suivant.
avait été envoyée pour l’arrêter. Valois aurait Parmi les autres leaders du comté de Mont-
eu le temps de prendre la fuite et ne sera arrêté réal, citons encore, du secteur des Tanneries
que plus tard à Sainte-Geneviève (AUDET, (Saint-Henri), Joseph Létourneux, membre du
1943 : 424). premier et du second CCPM, qu’il préside
Officier de milice et juge de paix à Sainte- d’ailleurs à l’hôtel Nelson le 15 juin 1837 et
Geneviève, le notaire André Jobin se fait délégué du faubourg Saint-Laurent à la Con-
connaître le 21 mai 1832 quand il s’objecte à vention patriote (VIN 18-05-1837 ; 23-06-
ce que l’armée intervienne pour rétablir 1837). Capitaine de milice de Rivière-des-
l’ordre à Montréal. Il siège au Comité de Prairies, Paul Côté participe pour sa part à au
correspondance de Montréal à la fin de 1834 moins quatre réunions du CCPM en août et
et crée un comité local dans sa paroisse. C’est septembre 1837 (MIN 7-08-1837, 24-08-1837,
là qu’il organise notamment une assemblée le 28-08-1837, 11-09-1837). Au Sault-au-
dimanche 13 avril 1834, à la porte de l’église Récollet, Stanislas David assiste à la toute
afin de recueillir des appuis aux 92 Résolu- première assemblée du comté de Montréal le
tions. Réunissant au moins 250 personnes, 2 avril 1834 et à la grande assemblée de Saint-
autant des loyaux que des patriotes, l’assem- Laurent du 15 mai 1837 (VIN 4-04-1834, 16-
blée aurait cependant tourné à l’avantage de 05-1837 ; MIN 18-05-1837). À 19 ans seule-
ces derniers selon La Minerve. Charles-Ovide ment, le maître-chantre de la paroisse de
Perrault y prononce notamment un discours Lachine, Thimoléon Ducharme, est membre
bien senti (MIN 14-04-1834 ; VIN 22-04- du comité de paroisse et du second CCPM à
compter du 8 juin 1837. Frère chasseur,
André Jobin (1786-1853) Né à Montréal, de François Jobin Ducharme contribue à préparer le soulè-
et d’Angélique Sarrère dit La Victoire ; il eût quatre épouses.
Jobin termine son cours classique en 1805 au collège Saint-
Raphaël et il est reçu notaire en 1813. Après les rébellions,
Jobin ne perd pas le goût de la politique. Il est député de Stanislas David est toujours vivant en 1851. Major dans la
1843 à 1851 et appuie les réformistes de La Fontaine. En milice et cultivateur au Sault-au-Récollet, il est l’époux
1847, il est élu premier président de la Chambre des notaires d’Élisabeth Tremblay et le père de Laurent-Olivier David,
de Montréal. homme politique, journaliste et historien.
les v il les 151
vement de novembre 1838 avec un autre de Édouard Therien, secrétaire, Georges de Bou-
Lachine, Célestin Beausoleil, 37 ans, notam- cherville, secrétaire de correspondance, et
ment actif dans Rouville et Laprairie (VIN 13- François Tulloch, trésorier. Le volet militaire
06-1837 ; MESSIER, 2002 : 33). est calqué sur l’organisation de la milice. La
ville de Montréal est divisée en six sections,
Les Fils de la liberté elles-mêmes subdivisées en compagnies.
L’association politique et paramilitaire des Fils Chaque compagnie compte un capitaine, deux
de la liberté est fondée au courant du mois lieutenants, un enseigne, cinq sergents et pas
d’août 1837, mais ne tient sa première assem- plus de 50 hommes. Les officiers étaient mem-
blée publique que le 5 septembre quand se bres du comité de régie, assurant la liaison
réunissent entre 500 et 700 jeunes hommes entre les deux volets de l’organisation, soit le
(PARKS : 26-27). L’association est destinée à docteur Amable Simard, Henri-Alphonse
« redresser les griefs qu’ils disaient ne pouvoir Gauvin, André Ouimet, Chamilly DeLorimier,
obtenir par la force morale » (STATE TRIALS, François Tavernier et Rodolphe DesRivières.
1839 : 2, 123). Tout jeune homme est invité à Les quelques rencontres de l’association
en faire partie s’il démontre « l’honnêteté et furent pour le moins suivies et comptaient
l’expression sincère de défendre son pays rarement moins de 500 participants et parfois
contre l’arbitraire administration qui le régit jusqu’à 1200 personnes (MIN 09-09-1837). À
sans distinction de rang, d’origine ou de la réunion du 5 septembre on décide notam-
culte » . Il devra également adhérer aux prin- ment que :
cipes défendus par l’association et s’engager à […] l’association s’occupera exclusivement de
respecter ses règlements. Les liens entre le la politique et de ce qui s’y rattache […]. La
nouveau club et le CCPM sont notamment société se composera de la jeunesse en général
assurés par François-Marie-Thomas Chevalier et les seuls titres exigibles pour ceux qui dési-
de Lorimier et George-Étienne Cartier. Pour reront en faire partie seront l’honnêteté et
transmettre l’information, on fait usage de la l’expression sincère de défendre leur pays
section « petites annonces » de La Minerve contre l’arbitraire administration qui le régit,
sous le titre de « En avant ». D’autres factions sans distinction de rang, d’origine ou de culte
à l’extérieur de Montréal se forment mais ne (MIN 7-11-1837).
comptent pas plus d’une centaine de membres Le 4 octobre, les Fils de la liberté exposent,
(BOYER, 1966 : 376 ; MIN 14-09-1837 ; dans un manifeste adressé aux « Jeunes gens
SENIOR, 1997 : 34 ; MIN 07.09-1837). des colonies de l’Amérique du Nord », les
On distingue une section civile, placée sous griefs qu’ils entretiennent vis-à-vis de l’ad-
le patronage de Louis-Joseph Papineau et ministration coloniale et leur engagement en
d’E.B. O’Callaghan, et une section militaire, faveur d’un régime représentatif. L’organisa-
dirigée par Thomas Storrow Brown. Le volet tion n’a en ce sens rien d’une société secrète et
politique est organisé autour de sept officiers, cherche au contraire à voir établi :
membres d’un comité de régie de trente mem- […] un cadre démocratique qui se composera
bres. André Ouimet en est le président, de toute la jeunesse que l’amour de la patrie
secondé de Jean-Louis Beaudry et Joseph rend sensible aux intérêts de son pays, quelque
Martel, vice-présidents, Georges-Henri- puissent être d’ailleurs leur croyance, leur
152 pat r iotes et loyaux
origine et celles de leurs ancêtres. Pour eux, les troupes. Les jeunes patriotes commencent à
liens avec la Grande-Bretagne sont brisés. Il rentrer chacun chez eux quand T.-S. Brown
leur faut donc se tenir prêts a saisir l’occasion est tabassé et grièvement blessé. The Vindi-
favorable de prendre notre place parmi les sou- cator reçoit ensuite la visite de loyaux furieux.
verainetés indépendantes de l’Amérique (MIN L’imprimerie de la rue Sainte-Thérèse et son
05-10-1837).
équipement sont complètement ruinés.
La publication de l’Adresse des Fils de la À compter de cette date, la tension s’installe
liberté marque en quelque sorte le début des à demeure à Montréal. Selon Gérard Filteau,
hostilités avec les organisations loyales, tandis
On n’était guère intéressé à faire jeter en prison
que sa création est saluée à l’assemblée des André Ouimet, Édouard Rodier, Brown, G. de
Six-Comtés le 23 octobre (BERNARD, 1988 : Boucherville, Fournier, DeLorimier et autres, les
214-222 ; MIN 09-09-1837, 9-11-1837). seuls ou à peu près qu’il était possible
Peu de temps avant la réunion prévue le d’incriminer dans l’échauffourée. Quelques-uns
6 novembre, on apprend que le Doric Club d’entre eux possédaient de l’influence et étaient
compte aussi organiser une manifestation. déjà des citoyens remarqués et même assez
Dans ces conditions, les magistrats Théophile remarquables, mais on ne les considérait que
Dufort et John Donegani tentent d’annuler comme menu fretin. Ce que voulait l’oligarchie,
ces rassemblements ou, à tout le moins, de c’était frapper la tête même, Papineau, Viger,
conclure une trêve entre les organisations Duvernay, La Fontaine, O’Callaghan, Girouard,
les Nelson, etc., et décapiter de la sorte le Parti
rivales. Le 6 novembre, La Minerve confirme
patriote dont on aurait ensuite eu bon compte
la tenue de l’assemblée et dénonce les mesures
(FILTEAU, 1975 : 306).
prises par les magistrats pour empêcher
qu’elle ait lieu. Les membres des Fils de la Dans l’immédiat, on ne procède qu’à une
liberté se rendent donc à l’auberge Bonnacina, demi-douzaine d’arrestations parmi les plus
calmement, deux par deux, afin de respecter turbulents, dont André Ouimet, Georges de
l’injonction des magistrats, sans musique pour Boucherville et François Tavernier, mais aussi
ne pas faire de bruit et sans drapeau pour ne Louis-Michel Viger qui a négligé de s’enfuir et
pas s’afficher. Les principaux orateurs y sont qui est arrêté le 17 novembre (RUMILLY,
André Ouimet, président, Amury Girod, 1977 : I, 498).
Brown, O’Callaghan et Rodier. On y adopte Ces jeunes qui fondent l’association sont
ensuite douze résolutions, dont une qui met pour la plupart des néophytes en politique et,
fin aux activités de l’association pour la à part Ouimet, de parfaits inconnus dans le
période de l’hiver. L’assemblée se termine vers mouvement patriote avant leur adhésion à
16 heures et la majorité des 500 à 600 per- l’association. L’engagement politique d’André
sonnes rentrent chez elles (MIN 06-11-1837 ; Ouimet commence vers 1835. On le retrouve
CAN 08-11-1837 ; AMI, 07-11-1837). Cepen- à la librairie d’Édouard-Raymond Fabre où il
dant, quelques-uns, « gonflés à bloc », enga- côtoie certainement les dirigeants du parti. Il
gent une bagarre avec des loyaux rassemblés participe, avec eux, à la fondation de l’« Union
sur place d’Armes et en profitent pour patriotique » en 1835 et au CCPM de mai
saccager la maison du Dr William Robertson. 1837 ; mais on se souvient de lui surtout
Un magistrat s’empresse de prévenir les comme du président de la section civile de
les v il les 153
l’Association des Fils de la liberté et premier novembre, Beaudrieu prend la fuite aux États-
signataire de l’Adresse des Fils de la liberté de Unis où, aussitôt, il entre en contact avec
Montréal aux jeunes gens des colonies de R.-S.-M. Bouchette. Il participe ensuite à la
l’Amérique du Nord (BERNARD, 1988 : 214 à bataille de Moore’s Corner, à la rencontre de
222). Ouimet est blessé à un genou lors de la Middlebury, puis à la Déclaration d’indépen-
bagarre du 6 novembre suivant. Demeuré à dance du 28 février à Caldwell’s Manor.
Montréal, il est l’un des premiers arrêtés après Toujours actif en 1838, on le retrouve en
l’émission des mandats d’arrêt et libéré le novembre à fomenter l’attaque du fort Cham-
8 juillet 1838. Jean-Guillaume Beaudrieu est bly. Louis Perrault a 29 ans en 1837. Il est
fort représentatif de ces tout jeunes militants bien sûr le frère aîné du député de Vaudreuil,
dont l’apport accélère la crise. Étudiant en mais c’est davantage par l’entremise
médecine d’à peine 20 ans, Beaudrieu aurait d’Édouard-Raymond Fabre qu’il est très jeune
fréquenté le collège de Saint-Hyacinthe en initié au travail d’éditeur-imprimeur du
compagnie d’Amédée, fils de Papineau, qui Vindicator, puis aux Fils de la liberté. Jean-
l’introduit aux Fils de la liberté où il occupe Louis Beaudry est un homme d’affaires
rapidement un rôle central. Il est secrétaire de audacieux, plutôt dépourvu de scrupules. Son
l’assemblée du 24 août et du 5 septembre en engagement politique ne va guère plus loin à
plus d’être trésorier de l’association. En cette époque. Georges de Boucherville est
quant à lui un jeune homme de 23 ans qui
André Ouimet (1808-1853) Né à Sainte-Rose, de Jean
vient tout juste d’être reçu avocat en jan-
Ouimet et de Marie Bautron. En 1839, il épouse Charlotte vier 1837. Rodolphe DesRivières, lui, est
Roy, veuve de Toussaint Brosseau. Bien qu’il soit le quinzième
d’une famille de vingt-six enfants, André Ouimet réussit à
faire des études classiques au Séminaire de Montréal. En
1831, il travaille comme commis chez Joseph Roy, un impor- Louis Perrault (1807-1866) Né à Montréal, de Julien
tant marchand de Montréal. En 1832, il entreprend ses Perrault et Marie-Euphradine Roy et frère de Charles-Ovide
études en droit comme clerc chez Charles-Elzéar Mondelet. Perrault, député de Vaudreuil. Associé d’Édouard-Raymond
Il est admis au Barreau le 25 avril 1836 et fonde une société Fabre dans la Librairie française à compter de 1828, il se
avec son ami et collègue Charles-Ovide Perrault. Sa clientèle consacre à compter de 1835 à l’impression de journaux, en
se constitue alors surtout de paysans. Après les rébellions, il particulier The Vindicator. Membre des Fils de la liberté, il se
reste à l’écart de la politique jusqu’en 1841, alors qu’il se réfugie aux États-Unis jusqu’en 1839 où il collabore avec
range du côté de Louis-Hyppolyte La Fontaine, puis s’engage Ludger Duvernay à assurer la communication entre les exilés
en politique municipale aux côtés d’Édouard-Raymond canadiens.
Fabre.
connu essentiellement pour l’ardeur qu’il met de son adhésion aux Fils de la liberté, joue un
dans les bagarres de rue contre des loyaux et rôle clé à la bataille de Saint-Charles et sera
ne fréquente guère les assemblées patriotes. Il plus tard lui aussi exilé au Bermudes. Enfin,
participera en revanche à la bataille de Saint- Charles-Chamilly de Lorimier est membre du
Charles et sera exilé aux Bermudes. Comme second CCPM et un Fils de la liberté. Il se
Desrivières, rien non plus avant le premier réfugie ensuite aux États-Unis où il est tou-
coup de feu à propos du docteur Henri- jours en avril 1838. L’automne suivant, il
Alphonse Gauvin. Âgé de 22 ans, Gauvin administre le serment à plusieurs Frères chas-
s’implique à fond dans la rébellion à compter seurs (VIN 16-05-1837 ; MIN 17-08-1837 ;
FAUTEUX, 1950 : 216).
Pierre-Georges-Provost de Boucherville (1814-1894) Fils Richard Hubert est considéré comme l’un
de Pierre Boucher et de Marguerite-Émille de Sabrevois de des membres les plus utiles de l’association
Bleury. Fait ses études au collège de Montréal. Il est
secrétaire de l’Association des Fils de la liberté quand, le 16
(DAVID, 1884 : 142). Le 15 juin 1837, il est
novembre, il est l’un des premiers arrêtés. Libéré sous nommé au CCPM, puis il assiste à une
caution le 8 juillet 1838, il pratique ensuite le droit à assemblée le 5 septembre à l’hôtel Nelson
Montréal avec son associé André Ouimet. Il évite une
seconde arrestation en novembre 1838 en gagnant les États- (MIN 7-09-1837 ; VIN 23-06-1837). Vers la fin
Unis. Il se rend alors en Louisiane avec Benjamin Ouimet et de novembre 1837, il se rend dans Deux-
passe près de deux ans à La Nouvelle-Orléans. Il est de
retour en 1841 et s’établit dans le township d’Aylmer. Cette
Montagnes avec les frères de Lorimier et
année-là, il épouse Louise-Élisabeth Gregory, fille du docteur Ferréol Peltier afin de seconder Amury Girod
Silas Gregory. Il est l’auteur d’un roman picaresque : Une de et Jean-Olivier Chénier. À la fin de novembre,
perdue, deux de trouvées, paru pour la première fois en
1874, et qui raconte l’épopée d’un Louisianais au Bas- il prononce à Saint-Eustache un discours
Canada durant les rébellions. Il est secrétaire du lieutenant- recommandant aux habitants de « prendre les
gouverneur Belleau en 1867, puis greffier du Conseil
exécutif de la province de Québec.
armes contre le gouvernement de Sa Majesté,
d’effectuer une révolte et, par ce moyen, de se
Rodolphe DesRivières (1813-1847) Né à Montréal, de rendre indépendant de la mère patrie et ce
P.-E.-R. Trottier Desrivières-Beaubien et de Henriette Pilette. par la force » (ANQ P224 : 715, 736, 781 ;
En 1837, il est clerc au bureau de la « Banque du Peuple ». LAURIN, 1982 : 28 ; GIROD, 1998 : 133). Il
Il fuit Montréal le 16 novembre et se rend dans Richelieu où
il participe à la bataille de Saint-Charles comme aide de prend une part active à l’expédition d’Oka et
camp de Brown. Il est arrêté le 8 décembre en cherchant à
gagner la frontière. Il accepte ensuite, contre une amnistie
pour les autres prisonniers, d’être exilé aux Bermudes. Il Charles-Chamilly de Lorimier (1798-1882) Avocat né à
gagne cependant vite les États-Unis et s’installe à New York Montréal de Guillaume-Verneil de Lorimier et de Marguerite-
où il devient commerçant. Adelaïde Perrault et frère aîné des patriotes François-Marie-
Thomas et Gédéon.
Henri-Alphonse Gauvin (1815-1841) Né à Montréal, de
Joseph Gauvin, ébéniste, et de Marguerite Barsalou. Il étudie René-Auguste-Richard Hubert (1811-1884) Né à Saint-
encore la médecine au moment des troubles. Après avoir fui Denis, de Louis-Édouard Hubert et de Cécile Cartier
Montréal, il participe au conciliabule de Varennes en com- (FAUTEUX, 1950 : 270). Il est aussi le cousin germain de
pagnie de Papineau et Girod, puis joue un rôle important George-Étienne Cartier. Le 26 décembre 1833, il épouse
lors de la bataille de Saint-Charles. Arrêté et conduit à Hermine Viger, fille de Joseph Viger et de Thérèse
Montréal le 9 décembre, il accepte en juin d’être exilé aux Archambault, à Pointe-aux-Trembles. Après des études au
Bermudes en échange de la libération des autres prisonniers. collège de Sainte-Hyacinthe, Hubert est admis au Barreau le
Interdit de séjour par la suite, il se rend en France où il 16 avril 1836. Il exerce sa profession pendant 30 ans, puis
retrouve Papineau. De retour aux États-Unis, il épouse, en est nommé protonotaire du district de Montréal le 11 janvier
1840, Lucie A. Mills. 1866, fonction qu’il occupe jusqu’à sa mort le 19 juin 1884.
les v il les 155
église en pierres en 1837. Bouchette est ders sont le forgeron Jean-Baptiste Dufresne,
notamment surpris de la dévotion des habi- qui aurait rassemblé et réparé des armes, le
tants de Varennes, puisque, selon lui, leur marchand Prudent Malot, qui y fait figure de
église surpasse en beauté celles des seigneuries rassembleur, et le docteur Jean-Baptiste Allard
des alentours. On y trouve aussi un calvaire (LAMBERT, 1994 : 18-25 ; CONTRECŒUR,
depuis 1828. Le comté possède cependant peu 1993 : 63).
d’autres édifices publics (BOUCHETTE, Il faut remonter à 1827 pour voir les pre-
1815 : 203). mières formes de mobilisation dans Verchères.
On remarque dans Verchères la présence Le 7 mai et le 27 décembre, les habitants du
d’une petite élite prospère, engagée politique- comté sont réunis afin de donner leur appui à
ment, parfois du côté loyal, plus souvent du la majorité en Chambre et de dénoncer les
côté patriote. Les appuis à la Couronne se agissements du gouverneur Dalhousie et du
trouvent surtout chez l’élite religieuse et sei- Conseil législatif. L’élite patriote du comté
gneuriale. Les curés de Verchères et de participe aussi aux assemblées de Saint-
Varennes, René-Olivier Bruneau et Charles- Charles, le 7 octobre 1830 et le 30 juillet 1832,
Joseph Primeau, font tout en leur pouvoir pour où sont représentés les cinq comtés de la vallée
voir cesser l’agitation à l’automne 1837. Sur du Richelieu (LAMBERT, 1994 : 14).
Primeau pèse même des soupçons d’être un On demeure interloqué par la fébrilité qui
« ennemi des paroissiens », un « chouayen », règne dans Verchères au tournant de l’année
voire un délateur (AUDET, 1943 : 25 ; FILION, 1834, tandis que le reste du Bas-Canada
1991 : 35 ; POP 30-06-1837). demeure silencieux au moins jusqu’au mois
De manière générale, le comté de Verchères de mars. Le « bureau de la paroisse et du
tient très tôt des assemblées publiques. Il est comté de Verchères » se réunit le 22 décembre
aussi frappant de voir le niveau de sophis- 1833, le 1er janvier et surtout le 6 janvier 1834.
tication qu’y atteint l’organisation politique. Joseph Cartier est président et Amury Girod,
Le dynamisme des sous-comités ou bureaux qui vient d’arriver dans le comté, agit à titre
de paroisses témoigne aussi d’une organisa- de secrétaire. On crée coup sur coup le
tion très décentralisée, essentiellement autour « Comité central de communication de
de trois pôles. L’un se trouve à Varennes, Verchères » et le « Comité de correspondance »
animé par Eugène-Napoléon Duchesnois et dirigé par Girod, avec mandat de corres-
Amury Girod qui y affrontent les rares loyaux pondre entre autres avec W. L. Mackenzie dans
du comté ; le second, à Verchères, autour de le Haut-Canada. Le comté de Verchères est
Paul Lussier, Azarie Archambault et du député donc le premier à s’organiser en comité
Pierre Amiot et un dernier à Contrecœur politique, avant même Montréal et avant
autour du docteur A.C. Lenoblet Duplessis et même le dépôt des 92 Résolutions ! Une telle
du capitaine de milice Cormier. L’organisation précocité contribue à étayer la thèse qu’une
des paroisses richelaines de Saint-Marc, Saint- partie des 92 Résolutions aurait été rédigée à
Antoine et Belœil a peu à voir avec ce qui se la résidence de Lenoblet Duplessis à Contre-
déroule dans les paroisses laurentiennes et cœur (CONTRECŒUR, 1993 : 67). Cepen-
semble davantage liée aux comtés de Richelieu dant, à compter du printemps, Verchères
et de Chambly. À Belœil notamment, les lea- s’aligne plutôt sur les autres comtés ruraux du
l a confédér ation des six-comtés 159
district. Le 3 avril, les habitants du comté se pays » récidivent de nouveau le 6 août suivant
réunissent au presbytère de Verchères pour (MIN 03.07-1837, 06.07-1837, 17.08-1837).
donner leur appui aux résolutions patriotes.
Comme souvent ailleurs, la mobilisation entre Le groupe de Verchères
ensuite en dormance (CAN 25-04-1834). Les deux députés du comté sont plus parti-
L’activité patriote dans Verchères explose à culièrement engagés autour du noyau de
compter de 1837. Une semaine seulement Verchères. Pierre Amiot et Joseph-Toussaint
après la célèbre assemblée de Saint-Ours, se Drolet seront d’ailleurs tous deux incarcérés
tient, juste de l’autre côté du Richelieu, une en 1837 et mourront chacun des suites de
assemblée sur le parvis de l’église de Saint- leurs conditions d’emprisonnement. Pierre
Marc. On y nomme les délégués à la Conven- Amiot est un vétéran de l’Assemblée légis-
tion générale pour le comté de Verchères, soit lative. Député de Surrey dès 1813, puis de
Ignace Archambault, Charles Blanchard, Jean- Verchères depuis 1830, il n’hésite pas à s’enga-
Baptiste Bougrette, Joseph Dansereau, ger dans la cause patriote au point d’y sacrifier
Eugène-Napoléon Duchesnois, Jean-Baptiste sa réputation et sa santé. Il contribue notam-
Dufresne, Amury Girod, Joseph Jannotte, ment à la popularité et à la légitimité du
Prudent Malo et Amable Marion (MIN 11.05- mouvement dans Verchères. Membre du
1837). Les propositions adoptées à Saint-Marc Comité de paroisse de Verchères le 6 janvier
sont particulièrement audacieuses, allant du 1834, Amiot est présent à des réunions de
boycott des produits anglais à la mise en place députés montréalais pour former le Comité
d’un réseau de contrebande, en passant par de correspondance le 4 et le 5 décembre 1834.
l’opposition à toute loi qui irait dans le sens Le 23 juin 1836, il est vice-président des
du rapport de Russell. Le comté de Verchères célébrations de la Saint-Jean-Baptiste à l’hôtel
se dote ensuite, le 18 juin, d’un comité de de Mignault de Saint-Denis, puis signataire
vigilance devant assurer le respect des mesures d’une invitation en vue de l’assemblée des Six-
arrêtées à Saint-Marc. Comtés. Il participe enfin à la bataille de
Un fait qui témoigne de la décentralisation Saint-Charles. Il est arrêté le 8 décembre et
politique dans Verchères est que, la semaine
suivante, se tiennent pas moins de trois com-
Pierre Amiot (1781-1839) Né à Verchères, de Joseph Amiot
mémorations de la Saint-Jean-Baptiste. L’une et d’Archange Brousseau. Il épouse Charlotte Brin en 1804
se déroule à l’hôtel Girard de Varennes où se puis, en secondes noces, Marie-Archange Chagnon dit
Larose, en 1807 (FAUTEUX, 1950 : 86). Agriculteur très pros-
retrouvent 74 convives, dont Louis Lacoste, père, il est député de Surrey, puis de Verchères, de 1816 à
Félix Lussier, Georges Boucher de Boucher- 1838. Capitaine de milice, il est destitué pour avoir été vice-
ville, E.N. Duchesnois, A. Girod, E. Beaudry et président à une assemblée en 1827 qui demandait le rappel
de lord Dalhousie. Rétabli à son poste, il est plus tard promu
les trois frères Beauchamp. Une autre se major du 1er bataillon du comté de Verchères (RACINE,
déroule chez Lenoblet Duplessis à Contre- 1986 : 31). Durant son séjour en prison, sa santé se détériore
sérieusement comme en témoignent ses codétenus de
cœur. Une commémoration a enfin lieu à même que le docteur Arnoldi (ANQ, P224 : 3075-3076).
Verchères, où les « Amis du pays » se retrou- Libéré le 8 juillet, son état de santé continue à s’aggraver et
vent chez Pierre Ménard en présence notam- il meurt le 31 janvier 1839. Grand rassembleur et modèle
type du cultivateur prospère et engagé, le Cincinnatus cana-
ment du député Pierre Amiot, de Xavier dien a largement contribué à la popularité des idées
Malhiot et de Pascal Chagnon. Les « Amis du patriotes dans Verchères.
160 pat r iotes et loyaux
n’est libéré que le 8 juillet 1838 (FAUTEUX, Saint-Marc (CAN 13-01-1834 ; MIN 11-05-
1950 : 86 ; AUBIN, 2000 : 70 ; 398 ; ANQ P224 : 1837). Au groupe de Verchères, il faut aussi
3150 ; MIN 04-07-1836, 19-10-1837 ; CAN 13- associer Pascal Chagnon qui participe à l’as-
01-1834 ; MG24 B129, 1 : 23, 29). semblée du 1er janvier 1834 où on le nomme
Codéputé de Verchères depuis 1832, au comité de paroisse avec les Amiot, Pierre
Joseph-Toussaint Drolet est notamment actif Ménard et Joseph Dansereau. Le 3 avril 1834,
à Montréal au sein du CCPM et signe le Chagnon est vice-président de l’assemblée
23 décembre 1834 la pétition destinée au d’appui aux 92 Résolutions à Verchères, où
Parlement impérial. Il participe aussi à des l’on félicite les députés Amiot et Drolet pour
réunions du Comité de correspondance chez leur bonne représentation du comté. Il parti-
Joseph Roy le 4 décembre 1834 et le 30 avril cipe ensuite au banquet de la Saint-Jean-
1835. Il est aussi bien sûr actif dans son comté, Baptiste célébré chez Ménard. On retrouve par
notamment aux côtés d’Amiot à la grande la suite sa signature sur une invitation à
assemblée de Saint-Marc de mai 1837. Rayé participer à l’assemblée des Six-Comtés (VIN
des cadres de la milice en août, il est encore 18-04-1834 ; MIN 3-08-1837, 19-10-1837 ;
vice-président d’une réunion des délégués CAN 13-01-1834). Étienne Gaudreau est vice-
d’où sortira la Déclaration des Six-Comtés le président à l’assemblée du 1er janvier 1834 et
24 octobre (MIN 02-11-1837). Un mandat l’un des douze membres du comité de paroisse
d’arrestation est lancé contre lui le 29 de Verchères. Le 15 mai 1837, il est vice-pré-
novembre. Drolet se livre aux autorités un sident à l’assemblée de Saint-Marc. Il appuie
mois plus tard après s’être épuisé à se cacher. la troisième résolution invitant au boycottage
Il est libéré sous caution le 15 juin 1838 et des produits anglais et joint le comité de cor-
meurt peu après des suites de son incarcé- respondance (VIN 26-05-1837 ; CAN 13-01-
ration (MIN 11-05-1837 ; MG24 B129, 1 : 23, 1834). Dans le groupe des modérés de Ver-
101-118 ; AUBIN, 2000 : 82-83). Écuyer et chères, on retrouve enfin Joseph Dansereau.
notaire à Verchères, Pierre Ménard (1805- Avec Pierre Ménard, Dansereau est secrétaire
1891) est aussi étroitement lié à ce groupe. d’assemblée et membre du comité de paroisse
Vice-président du Comité de comté dès le 6 le 1er janvier 1834. Le 6 janvier suivant, il est
janvier 1834, c’est chez lui que se tient le vice-président avec le seigneur Paul Lussier
banquet de la Saint-Jean-Baptiste de juin d’une réunion du comité de comté. Le 15 mai
1837. Il est aussi secrétaire à l’assemblée de
Pascal Chagnon Propriétaire terrien de la paroisse de
Verchères très respecté au village. Il épouse en 1815
Joseph-Toussaint Drolet (1786-1838) Né à Saint-Marc de
Charlotte Amiot, fille du député Pierre Amiot.
Joseph-Marie-Charles Drolet et de Brigitte Raynault, dit
Blanchard. Marchand à Saint-Marc, associé à son père, il
sert pendant la guerre de 1812, notamment à l’Île aux Noix, Étienne Gauvreau, marchand puis capitaine de milice né
en qualité de capitaine dans la milice et obtient en 1815 le en 1789 dans la paroisse de Verchères. Démis de sa charge
grade de major. Le 22 octobre 1825, il acquiert la seigneurie le 19 octobre 1837 (Messier : 2002, 206).
de Cournoyer (Saint-Marc). En 1829, il est nommé com-
missaire chargé de l’ouverture des chemins et de l’amé-
lioration de la navigation sur la rivière Richelieu. Destitué de Joseph Dansereau fils (1800-1887) Né à Verchères, fils de
la milice une première fois en 1827 et réintégré en 1830. Joseph Dansereau, marchand et capitaine de milice à
Élu sans opposition député de Verchères à une élection Verchères. Le 14 janvier 1834, il épouse Amélie Amiot, fille
partielle le 31 juillet 1832, puis réélu en 1834. du député Pierre Amiot.
l a confédér ation des six-comtés 161
1837, Dansereau seconde la sixième résolution entre Malhiot et le parti se produit proba-
de l’assemblée de Saint-Marc afin de créer une blement lors de l’assemblée des Six-Comtés
délégation de 12 personnes chargées de cor- où il prononce un discours. Après l’envolée
respondre avec les radicaux d’Angleterre et les incendiaire du docteur Côté, le propos de
réformistes des autres provinces. Pour le vil- Malhiot, réfractaire à tout bouleversement
lage de Verchères, on nomme Pierre Ménard social et à la violence armée, a l’effet d’une
et Joseph Dansereau. En novembre 1838, il douche froide. Il est dès lors un adversaire des
aurait enfin participé au camp de Mailhiot en patriotes de son comté. Le 19 décembre, il pré-
vue de marcher sur Sorel (MIN 11-05-1837 ; side, à la maison d’école de Verchères, une
FAUTEUX, 1950 : 195 ; RÉCLAMATION assemblée destinée à exprimer sa fidélité à la
no 498 ; CAN 13-01-1834). Couronne (MG24 B129 : 101-118, 158-160 ;
Ancien député de Chambly et conseiller MIN 03-07-1837 ; BERNARD, 2001 : 151,
législatif depuis 1828, François-Xavier 215).
Malhiot est un vétéran des luttes politiques
au Bas-Canada. Il est aussi un membre à part Le groupe de Contrecœur
entière du noyau de Verchères même si, Le noyau patriote de Contrecœur est plus ou
finalement, il ralliera le camp des loyaux et du moins autonome et échange du personnel
gouvernement. D’abord solidaire de Papineau avec celui de Verchères. Le comité de paroisse
et des 92 Résolutions, Malhiot participe le y est cependant actif et se réunit le 1er octobre
2 décembre 1835 à une réunion du comité de 1837, probablement chez Lenoblet Duplessis
correspondance de Montréal, puis de nouveau et possiblement pour faire état des démissions
les 30 avril et 1er mai. Malhiot participe encore de magistrats. En marge de cette rencontre, se
à une réunion des députés et des conseillers tient dans la pièce à côté une rencontre des
législatifs patriotes à Trois-Rivières le 9 sep- « Dames de Contrecœur » pour laquelle nous
tembre. Toujours associé au camp patriote, n’avons pas de détail. Verchères serait donc,
mais davantage à titre de notable prestigieux avec Richelieu et Deux-Montagnes, l’un des
et seigneur de Contrecœur, il préside la Saint- trois endroits où des « Dames patriotiques »
Jean-Baptiste à Verchères en 1837. La scission se soient organisées, ce qui témoigne encore
là de la richesse de son organisation. Verchères
François-Xavier Malhiot (1781-1854) Né à Verchères, de fut d’ailleurs le seul comté à préciser les prin-
François Malhiot, commerçant, et d’Élisabeth Gamelin. En cipes politiques d’un gouvernement contrôlé
1804, il s’associe à l’un de ses frères dans le commerce par le Parti patriote, notamment lors de
établi par leur père à Verchères. Officier dans le Royal
Canadian Volunteer Regiment, puis dans la milice, il accède l’assemblée de Saint-Marc (RAPC, 1923 : 408-
au grade de lieutenant-colonel en 1813, puis est destitué en 419 ; CAN 13-01-1834 ; MIN 19-10-1837 ;
1828 pour avoir protesté contre le gouverneur Dalhousie.
Titulaire d’une partie du fief Saint-Jean dans la seigneurie de
LAMBERT, 1994 : 29). On s’y réunit de nou-
Saint-Ours en 1814, Malhiot devient seigneur principal de veau le 10 octobre, cette fois pour rendre
Contrecœur en 1816. Élu une première fois dans Richelieu hommage au capitaine Cormier, démis de sa
en 1815, puis dans Surrey en 1828 et enfin dans Verchères
en 1830. Il démissionne en 1832 et accède au Conseil légis- charge par Gosford.
latif. Il est l’époux de Julie Laperière, fille du seigneur Au centre de la mobilisation dans Contre-
François Boucher de La Perrière, puis, en 1821, de Sophie
Labruère, fille de Charles Labruère et de Josephte
cœur, on retrouve Alexis-Carme Lenoblet
Labroquerie. Duplessis, âgé de 56 ans en 1837. Il est juge de
162 pat r iotes et loyaux
paix, cultivateur prospère et très respecté de complexifiée par les relations nombreuses
ses concitoyens, notamment du fait de son qu’entretiennent radicaux et modérés à
engagement en faveur de l’instruction pu- Varennes ; ainsi, les relations d’affaires entre
blique et pour la construction d’une école au Archambault et Pinet ou familiales entre
village. On le retrouve aux côtés des députés Duchesnois et Massue.
Drolet et Amiot dans des fonctions hono- Entre ces tendances, certains notables de
rifiques, un discours à Contrecœur le 6 août Varennes semblent tergiverser. C’est notam-
1837 ou la présidence du banquet du 13 août ment le cas de Paul Lussier, l’un des rares sei-
aux côtés de Paul Lussier, Aimé Massue et gneurs à appuyer le mouvement patriote.
J. A. Azaire Archambault. Il avait aussi parti- Malgré ses hésitations, il devient vite une
cipé à deux assemblées dans Richelieu, à figure publique liée au mouvement patriote
Saint-Denis le 17 mars 1834 et à Saint-Ours le de Verchères. C’est lui qui préside l’assemblée
17 août 1835. Un mandat d’arrêt est émis du 22 décembre 1833 chez Duchesnois, où est
contre lui le 28 janvier 1838, sur la foi de la créé le Comité de comté. Il est par la suite
déposition de Joseph Berthiaume (VIN 25-03- vice-président à Saint-Marc le 6 janvier 1834,
1834 ; CAN 24-08-1835 ; MIN 24-08-1837, 17- pour former le « Comité central de Ver-
08-1837 ; DESPRÉS, 1926 : 198). chères ». Quelques mois plus tard, il est de
nouveau président à Verchères le 3 avril 1834
Le groupe de Varennes pour appuyer les 92 Résolutions. Malgré qu’il
Si les noyaux autour de Verchères et de soit âgé de 69 ans, Lussier est tout aussi actif
Contrecœur sont solidaires, notamment lors de la ronde de 1837. Le 11 mai, il signe
autour des députés Amiot et Drolet, le groupe l’invitation à l’assemblée de Saint-Marc, puis
de Varennes paraît tiraillé entre une branche participe au fameux débat contradictoire du
modérée et une aile radicale. La mobilisation 29 juin devant l’église de Varennes, où il
politique s’y étale en fait le long d’un spectre ferraille aux côtés des ténors loyaux du comté :
très distendu. D’un côté, on retrouve les Aignan-Aimé Massue et Alexis Pinet. On
intellectuels radicaux : le docteur Eugène- discute alors de l’opportunité d’annuler un
Napoléon Duchesnois, Azarie Archambault et rassemblement patriote convoqué par le doc-
Amury Girod, associés à une famille sei- teur Duchesnois. Le 13 août, Paul Lussier pré-
gneuriale appauvrie et, de l’autre, de petits side une séance du sous-comité de Varennes
marchands et propriétaires fonciers, d’ascen- tenue à l’hôtel Girard. Le 9 septembre, Louis-
dance loyale : le seigneur et marchand Aignan- Joseph Papineau, qui va reconduire ses fils au
Aimé Massue et le notaire Alexis Pinet. Au
milieu, un certain nombre de modérés, plutôt
Paul Lussier (1768-1851) Né à Varennes, il est fils unique
d’indécis, penchant tantôt vers l’un tantôt vers et très tôt orphelin. Dès 1796, il fait l’acquisition d’un tiers
l’autre camp. Cette pléiade de tendances est de la seigneurie de Varennes. Sept ans plus tard, il achète
d’Ambroise et de Christophe Sanguinet le reste de la sei-
gneurie, ce qui fait de lui le seigneur de Varennes dès 1803
Alexis-Carme Lenoblet Duplessis (1781-1840), né à (HORMAN, 1972 : 119). Il est élu député de Surrey en 1806
Contrecœur. Cultivateur, marchand, notaire depuis le et appuie le « Parti canadien ». Il ne se représente cependant
18 mars 1811 et juge de paix depuis le 13 mars 1819. Il pas aux élections de 1808. En janvier 1814, il est capitaine,
épouse en 1803 Marie-Anne Tremblay avec qui il a puis major de milice pour Verchères et juge de paix en 1830
13 enfants, dont quatre deviendront notaires. (HORMAN, 1972 : 119).
l a confédér ation des six-comtés 163
tement armé lors des rébellions de 1837-1838, nommé membre honoraire. Le 25 juin de la
principalement en raison de la proximité des même année, il est arrêté pour avoir déchiré la
villages de Saint-Denis et de Saint-Charles où proclamation Gosford attachée à la porte de
les plus radicaux ont facilement pu se rendre. l’église. Son procès est cependant retardé, le
Parmi eux, on retrouve les députés Amiot et gouverneur ayant d’autres soucis. Il en profite
Drolet, le fils de ce dernier, Alexandre, Leno- le 29 juin pour prononcer un véhément dis-
blet Duplessis, Joseph Dansereau, Étienne cours devant l’église. La tenue d’assemblées
Gauvreau, Paul Lussier, Pierre Ménard et bien s’intensifie et Duchesnois en est. Le 8 août, il
sûr les radicaux : Eugène-Napoléon Duches- reçoit d’ailleurs une lettre du secrétaire civil
nois et Amury Girod. exigeant des explications sur sa présence à
L’engagement politique d’Eugène-Napoléon certaines d’entre elles. Sa réponse du 28 août
Duchesnois nous est connu à compter de 1833 est lapidaire : « Monsieur, en réponse à votre
quand il participe à une assemblée le 22 décem- lettre en date du 8 ultimo, [...]. [Je reconnais]
bre à Varennes. Duchesnois prend ensuite part que j’étais présent et que j’ai pris une part très
à la réunion de Saint-Marc le 6 janvier 1834 où active aux procédés de l’assemblée, tenue à
il propose d’autoriser son beau-frère Amury Saint-Marc, le 15 mai dernier, mais que je ne
Girod d’entrer en correspondance avec crois pas devoir donner des explications en
Mackenzie. Le 15 mai 1837, le comité central justification de ma conduite en cette occasion
du comté se réunit à Saint-Marc et Duchesnois [...]. » Présent à l’assemblée des Six-Comtés,
seconde la deuxième résolution dénonçant les Duchesnois seconde la cinquième proposition,
résolutions Russell. On y nomme aussi les s’opposant aux nominations faites par lord
douze membres d’un comité de correspon- Gosford. Les événements se précipitent ensuite.
dance, dont Duchesnois et Girod pour Le 16 novembre, une réunion se tient chez lui
Varennes. Le 24 mai, la première assemblée du réunissant Girod, Papineau, O’Callagan et
« Comité central et permanent de Montréal » Boucher-Belleville : c’est le conciliabule de
se tient à l’hôtel Nelson et Duchesnois y est Varennes. Le lendemain, Duchesnois se dirige
vers Saint-Marc dans la voiture de Papineau. Il
Eugène-Napoléon Duchesnois (1808-1880) Né à rebrousse cependant chemin et retourne à
Varennes, d’Étienne Duchesnois, marchand prospère, et de Varennes. Le soir du 17 novembre, c’est au tour
Marie-Josephte Massue. En 1827, il épouse Françoise Ainsse,
fille de Joseph Ainsse, seigneur de l’île Sainte-Thérèse. Formé de Thomas Storrow Brown d’arriver blessé chez
à la médecine par Perkins Nichols et Robert Nelson, il est le docteur à la suite de la bagarre avec les
reçu le 2 décembre 1830. À la suite des infortunes de la
seconde insurrection, les docteurs Duchesnois et Alphonse
membres du Doric Club le 6 novembre précé-
Gauvin viennent notamment en aide aux exilés aux États- dent. Duchesnois informe Brown que Papineau
Unis pour qui ils amassent des fonds. En août 1839, le est à Saint-Marc où les deux se rendent le
consul général de France à New York lui offre une place de
chirurgien sur la frégate Le Météore. Il en profite pour se lendemain (LIB, 19-09-1837 ; MIN 2-11-1837 ;
rendre à Paris où il retrouve Louis-Joseph Papineau, lui aussi VIN 26-05-1837 ; CAN 3-01-1834, 13-01-1834 ;
en exil. Un an plus tard, Duchesnois part pour l’Argentine et
s’installe à Buenos Aires où il décide de demeurer
BERNARD, 2001 : 137, 160 ; HORMAN, 1972 :
définitivement en 1841. Malgré son engagement profond, il 126 ; RUMILLY, 1977 : I, 495).
réussit à se faire indemniser par la commission des pertes Lié au « Parti patriote » depuis son arrivée
pour 44 livres. Il décède le 16 novembre 1880, après s’être
remarié (HORMAN, 1972 : 132 ; BERNARD, 2001 : 72, 221 ; au Canada, l’aventurier suisse Amury Girod est
RUMILLY, 1977 : 184). associé au comté de Verchères où il a épousé la
166 pat r iotes et loyaux
fille du seigneur et où, avec son beau-frère rencontrer Amury Girod. Ils le trouvent
Eugène-Napoléon Duchesnois, il met sur pied finalement à l’hôtel Girard de Varennes, où il
le mouvement patriote à Varennes. Il participe est en train de boire et de bavarder avec l’un
notamment à la mise sur pied du comité de des Cartier de Saint-Antoine. Girod trouvent
comté et assure la communication avec les trois hommes plutôt dépenaillés et déso-
Montréal puisqu’il siège au premier et au rientés : « Ce n’est pas sans beaucoup de peine
second CCPM. Il est aussi organisateur et que je parvins à les persuader de nous rendre
secrétaire de l’assemblée des Six-Comtés chez Duchesnois et là nous verrions ce que
d’octobre 1837. Il est enfin membre fondateur nous avions à faire » (GIROD, 1923 : 408).
de l’Association des Fils de la liberté et participe Girod, Papineau, O’Callaghan et Boucher-
à l’affrontement contre le Doric Club le Belleville se rendent donc chez Duchesnois
6 novembre. Pour ces raisons, il figure parmi afin de discuter des mesures à prendre face à
les 26 chefs patriotes qui font l’objet d’un la vague d’arrestations qui s’annonce. Ce con-
mandat d’arrestation le 16 novembre. seil de guerre réunit également Alphonse
Girod joue un rôle clé dans le mouvement Gauvin et Rodolphe DesRivières. Boucher-
insurrectionnel. Le soir du 15 novembre, Belleville propose de convoquer une conven-
Papineau, O’Callaghan et Boucher-Belleville tion pour établir un gouvernement provisoire,
viennent le trouver à Varennes, cherchant à bien que « cette première mesure équivalait à
fuir la région de Montréal par le plus sûr un acte de rébellion ouverte » (GIROD, 1923 :
moyen. Papineau et O’Callaghan s’étaient 408-409). Il ajoute qu’il serait bon de tout
d’abord rendus à Pointe-aux-Trembles, pas- d’abord organiser le peuple et de se procurer
sant la nuit dans la maison de Malo et rejoints des armes et des munitions. On discute égale-
là par Philippe Boucher-Belleville. Le lende- ment de questions financières et il est décidé
main matin, les trois hommes se dirigent en de tenir une convention le 4 décembre 1837 à
canot vers l’île Sainte-Thérèse où ils comptent Saint-Pie, au sud de Saint-Hyacinthe. Avant
de se quitter, il est convenu que Girod organise
Amury Girod (1800-1837) Girod quitte l’Europe après avoir
les troupes dans « le Nord » et y prépare la
reçu son éducation en Suisse. Il aurait servi dans l’armée de résistance. Girod promet aussi de fournir un
libération de Simon Bolivar et participé au Mexique au conflit rapport sur ses activités. Par la suite, on mange
contre les Espagnols à titre de lieutenant-colonel de
cavalerie. Après un bref séjour aux États-Unis, Girod arrive à et on se repose un peu avant de se séparer une
Québec entre 1828 et 1831 (HUGUET-LATOUR 1902 : 139 ; dernière fois en fin d’après-midi. Papineau,
BERNARD 1987 : 373). Peu après son arrivée, il rencontre
Jean-François Perrault avec qui il fonde une école
O’Callaghan et les autres partent pour Saint-
d’agriculture à Québec qui est vite en faillite. Cela vaudra à Denis et Girod, pour le Grand-Brûlé, « voir ce
Girod une réputation de débiteur insolvable qui le poursuivra qu’on peut y faire » (GIROD 1924 : 409).
longtemps (GIROD, 1940 : 274-275 ; HUGUET-LATOUR
1902 : 140). En 1833, on le retrouve à Varennes où il épouse Girod est reçu dans Deux-Montagnes le 23
Zoé Ainsse, fille du seigneur de l’île Sainte-Thérèse. Il s’y novembre à titre de « général des armées du
établit et pratique l’agriculture en même temps qu’il rédige,
sous différents pseudonymes dont celui de Jean-Paul, des
nord » et se met rapidement en rapport avec
traités d’agriculture pour La Minerve, Le Canadien, L’Écho Jean-Olivier Chénier et William Henry Scott.
du pays et Le Glaneur. Girod y prône une réforme modérée Le 30, il mène une expédition à Oka avec le
du régime seigneurial. Il publie aussi un recueil de Notes
diverses sur le Bas-Canada, ainsi qu’une traduction du Traité Dr Chénier pour y prendre des armes à la
théorique et pratique de l’agriculture de William Evans. Compagnie de la Baie d’Hudson et chez les
l a confédér ation des six-comtés 167
mission, il est victime d’un charivari mené par patriotes se livrent à des petits coups de mains
Coté et Decoigne. Le 17 novembre, les leaders destinés à désorienter l’action de l’armée.
patriotes Davignon et Démaray sont ensuite Cette stratégie est plutôt couronnée de succès
gardés à son hôtel. Entre Mott et Démaray puisque, depuis le 8 novembre, John Colborne
existe d’ailleurs une rivalité certaine. Ils sont ne cesse d’expédier des troupes de plus en plus
tous deux membres de l’élite johanaise et res- importantes au sud du Saint-Laurent où l’on
pectivement premier et second maire de dénombre bientôt 200 hommes (SENIOR,
Saint-Jean-l’Évangéliste. 1997 : 64 ; FORTIN, 1988 : 24, 28).
Ces incidents engendrent une crainte gran- Enfant de Longueuil où il passe sa vie,
dissante chez les loyaux qui se mettent par Joseph Vincent a dès 1824 des démêlés avec
conséquent à amplifier la menace patriote et à l’abbé Lartigue et l’abbé Chaboillez à propos
bombarder littéralement le gouvernement de des coûts de construction de l’église et de l’ac-
missives alarmistes. Un conseiller législatif cès aux assemblées de fabrique. Les déposi-
habitant Chambly, Samuel Hatt, aperçoit par tions offrent de Joseph Vincent l’image d’un
exemple un attroupement dans sa localité en homme déterminé « recommandant aux habi-
novembre. Pris de panique, il rédige un rap- tants de prendre les armes et de se révolter
port affirmant qu’une troupe d’insurgés s’est contre le gouvernement établi et la reine »
emparée de l’île aux Noix, de Saint-Jean et de (ANQ P224 : 59). Très actif dans Chambly, son
Chambly, ce qui n’était bien sûr pas fondé nom apparaît en tant que président, secrétaire,
mais qui traduit bien la profonde insécurité signataire en plusieurs occasions et dans plu-
où est plongée la poignée de loyaux du comté sieurs comités. Il organise des assemblées le
(FORTIN, 1988 : 24 ; DUBOIS, 1998 : 42). 12 février et le 12 juin 1832 et, en septembre
Devant les menaces croissantes et dans le 1834, participe à une réunion du CCPM aux
but de protéger le receveur de douane qui côtés de Cardinal, Chénier et Girod. Il est bien
avait été forcé de quitter son poste, un déta- sûr de l’assemblée d’appui aux 92 Résolutions
chement de cavalerie et d’artillerie est dépêché dans Chambly le 31 mars 1834 et, en 1837, à
de Montréal le 10 novembre. Un attroupe- la grande assemblée du 4 juin (ANQ P224 :
ment de patriotes dirigés par Démaray et 59-60). Le 22 juin, il accompagne Lacoste à
Davignon leur bloque un temps l’accès au une réunion du comité de correspondance de
pont Jones. Quelques jours plus tard, le 16 Montréal et préside même une séance du
novembre, le constable Malo arrête Démaray
et Davignon, mais est pris en embuscade à Joseph Vincent (1801-1852) Né à Longueuil, de Pierre
son retour par les hommes de Joseph Vincent. Vincent et d’Élisabeth Brais Labonté, il est cultivateur et
Tout au long du mois de novembre, des capitaine de milice à Longueuil (FAUTEUX, 1950 : 398). Exilé
aux États-Unis, tout porte cependant à croire qu’il revient en
douce au Bas-Canada dès décembre 1840 : « Joseph Vincent
Samuel Hatt (avant 1796-1842) Né à Londres, de Richard se montre depuis Noël » (Louis Perreault à Ludger Duvernay,
Hatt et d’une prénommée Mary. Installé d’abord dans la De Montréal, 19 février 1841, P 680 : no 477 ; PAPINEAU,
région de Niagara où il s’occupe de spéculation foncière. En 1978 : 66-67 ; FAUTEUX, 1950 : 398 ; SENIOR, 1997 : 215 ;
1816, il achète une partie de la seigneurie de Chambly où FALARDEAU, 1965 : p. 325 ; Répertoire des baptêmes de la
il s’établit et contribue à la construction d’une église paroisse de Saint-Antoine-de-Pades, de Longueuil). Celui qui
anglicane. Président du Bureau de santé de Chambly en avait eu tant maille à partir avec le clergé avant 1837 est élu
1832 et membre du Conseil législatif à compter de marguillier en chef de la paroisse en 1841 (JODOIN : 1893).
novembre 1829. À son décès, Vincent lègue d’importantes propriétés.
172 pat r iotes et loyaux
Belleville, Rodolphe DesRivières et de quel- sont libérés sous caution le 9 septembre 1840.
ques autres à la maison de Remy Germain, à Trois mois plus tard, un nouveau procès ne
Bedford. Emprisonné au fort Lennox de l’île donne pas plus de résultats.
aux Noix, Kimber est transferé à Montréal Les autres leaders de Chambly jouent un
quelques jours plus tard. En fait, de tous les rôle moins consistant. Selon Le Populaire,
leaders de Chambly, seul Joseph Vincent Pierre-Amable Boucher de Boucherville est
réussit à gagner les États-Unis où il participe à « l’un des plus déterminés révolutionnaires de
l’assemblée de Middlebury et joint les rangs la province » et est tenu en haute estime par
des radicaux (ANQ P 224 : 862 ; MIN 04-04- Louis-Joseph Papineau, bien que rien ne
1834, 12-06-1837 ; HTTP : //PARKSCANADA. puisse démontrer son implication concrète. Il
PCH. GC.CA/). est arrêté le 4 novembre 1838 et libéré sans
Bonaventure Viger n’avait pris aucune part procès le 13 décembre. Médecin à Belœil,
dans la mobilisation politique et ne surgit une Jean-Baptiste Allard participe à l’assemblée
première fois qu’à l’assemblée des Six-Comtés, du comté de Verchères puis intervient à celle
en octobre en 1837. C’est pourtant à lui que des Six-Comtés. En octobre 1838, Allard est
Vincent fait appel le 17 novembre 1837 pour
intercepter la patrouille qui s’en revient à
Hilarion Viger (1811-1871) Né à Boucherville en 1811. En
Montréal avec deux prisonniers. Viger parti- 1842, il épouse Sophie Cousineau, fille d’Urbain Cousineau.
cipe ensuite aux affrontements de Saint-Denis Le 19 mai 1871, le coroner H.-R. Blanchard se rend à Saint-
Pie tenir une enquête sur la mort de Hilarion Viger, devenu
et de Saint-Charles, puis tente de gagner la « mendiant de profession », mort subitement le 17 au soir.
frontière. Il est arrêté près de Bedford, en L’alcool, dont l’usage est très répandu dans sa famille,
compagnie de Louis-Isaac Larocque, de semble à l’origine de cette déchéance. Il avait quand même
60 ans. Il était aussi connu sous le nom de Bénoni.
Rigaud, et de Jean-Baptiste Sénécal, de Saint-
Hilaire. Après une brève incarcération à l’île
Boucherville, Pierre-Amable Boucher de (1780-1857) Né
aux Noix, tous trois sont conduits à la prison à Boucherville, de l’honorable René-Amable Boucher et de
de Montréal le 7 décembre 1837. Sept mois se Madeleine Raimbault de Saint-Blain. Il sert durant la guerre
de 1812 en tant qu’aide au gouverneur sir Georges Prévost,
sont écoulés quand il accepte, avec sept com- lieutenant-colonel du 8e bataillon de la milice, division de
pagnons d’armes, d’être exilé aux Bermudes Trois-Rivières. Cette année-là, il épouse Marguerite-Émilie,
moyennant la libération des autres prison- fille de Clément-Christophe-Anne-Sabrevois de Bleury.
Cinquième seigneur de Boucherville. Il est appelé au Conseil
niers. Malgré sa mise en liberté dès le mois législatif le 27 septembre 1843. De son mariage naissent
d’octobre, il est décrété persona non grata au trois enfants dont Pierre-Georges, également emprisonné,
et Charles-Eugène, qui deviendra conseiller législatif,
Canada. Il décide donc d’élire domicile tout sénateur et Premier ministre du Québec.
près de la frontière. Son obstination le ramène
en prison le 8 juin 1839, accusé, avec son frère Jean-Baptiste Allard (1809-1874) Né à Saint-Denis, de
Hilarion Viger, pour le meurtre d’un certain Joseph-Emery Allard, agriculteur, et de Marie-Angélique
Vosburgh à Noyan. Un premier procès se Lamothe. Il est admis à la pratique de la médecine le 2 avril
1832, il acquiert alors la terre du docteur Joseph Hensley à
conclut sur un non-lieu et les deux prévenus Belœil où il s’installe (LAMBERT, 1994 : 126). En juillet 1837,
il épouse Élisabeth Anne Eberts. À sa sortie de prison, il
reprend ses activités. Il est aussi nommé commissaire d’école
Bonaventure Viger (1804-1877) Cultivateur de Longueuil. et juge de paix, puis à la cour des commissaires pour la
En 1840, il épouse Eudoxie Trudel. En 1867, il est fromager, paroisse de Belœil (LAMBERT, 1994 : 127 ; FAUTEUX, 1950 :
capitaine de milice et coroner à Saint-Bruno. 85).
174 pat r iotes et loyaux
Richelieu
Richelieu est bordé à l’ouest par le Richelieu,
au nord par le fleuve Saint-Laurent et à l’est 40 % des 1063 habitants sont anglophones
par la Yamaska et le comté de Saint-Hyacinthe. (GIROD, 1835 : 94 ; COURVILLE, 1990 : 284 ;
Le comté compte six paroisses ou « missions » BOUCHETTE, 1978 ; 206-230).
en 1837 : Saint-Pierre (1675) et Christ Church Richelieu se distingue comme l’un des
(1784) à Sorel, Saint-Ours (1681), Saint-Denis principaux comtés agricoles du Bas-Canada,
(1740), Saint-Charles (1741), Saint-Jude disposant de terres sablonneuses au nord,
(1822) et Saint-Barnabé (1840). Elles sont argileuses au sud. Il jouit d’un climat éton-
toutes situées le long du Richelieu, la prin- namment clément et de la plus forte moyenne
cipale voie de communication, été comme de jours sans gel dans la province. La présence
hiver. La population de 16 149 personnes d’une importante voie d’eau navigable et d’un
(1831) est massivement d’origine franco- réseau routier passable permet en outre l’accès
catholique. Une enclave britannique a cepen- aisé aux marchés de Montréal, Québec et du
dant pris racine à William-Henry (Sorel), où nord des États-Unis. C’est en partie pour ces
176 pat r iotes et loyaux
raisons qu’on y cultive encore le blé à des fins Nicolet depuis 1804, Louis Bourdages est l’un
commerciales jusqu’au cœur des années 1830, des fondateurs du Parti patriote, associé à son
alors qu’on l’abandonne ailleurs au profit des aile radicale. Bourdages plonge tôt dans
cultures vivrières. On remarque aussi la pré- l’arène politique pour y assurer son prestige
sence de nombreuses industries de petite et son autorité. Le 30 juillet 1832, aux côtés de
taille, la plupart liées à l’économie agricole. Debartzch à Saint-Charles, il préside une
L’apparition, à cette époque, de bateaux à assemblée dénonçant les politiques répressives
vapeur sur le Richelieu stimule encore le com- du gouvernement colonial. On le verra surtout
merce et l’industrie locale. La région dispose dans les dernières années de sa vie afficher des
de moulins à cadrer et à fouler, de moulins à vues toujours plus nationalistes et radicales,
l’huile de lin, d’une brasserie, d’une brique- prônant même l’abolition pure et simple des
terie et d’une distillerie à Saint-Denis où l’on conseils. Peu avant de mourir en 1835, il signe,
retrouve de plus une fabrique de voitures. le 23 décembre 1834, la pétition du comité de
L’industrie de la poterie y emploie également correspondance de Montréal destinée au
près de 30 potiers en 1837. À Saint-Charles, Parlement impérial. Cela dit, il restera, comme
on trouve une petite fonderie, une tannerie et une fraction importante de la petite bour-
même un journal entre 1833 et 1836 : L’Écho geoisie de l’époque, un prudent réformiste sur
du pays. Avec ses 3000 habitants, Saint-Ours les plans religieux et social (GAUDETTE,
est le principal village du comté et un impor- 1986 : 83-94).
tant centre d’échange et de transit. En 1829, Jusqu’en 1834, les deux députés de Riche-
des commissaires nommés par le gouverne- lieu, François-Roch de Saint-Ours et Jacques
ment du Bas-Canada y entreprennent la Dorion, sont associés aux patriotes. François-
construction d’une écluse permettant aux Roch de Saint-Ours abandonne son siège en
bateaux de plus fort tonnage de remonter le 1832 pour accepter une place au Conseil
Richelieu jusqu’au bassin de Chambly. Les législatif, consommant ainsi sa rupture avec le
travaux ne débutent réellement qu’en 1844 et Parti patriote. Quoique suspecté de sympa-
se terminent cinq ans plus tard. Sorel est
plutôt dépourvue sur le plan agricole. À l’em-
bouchure du Richelieu et à mi-course entre Louis Bourdages (1764-1835) Né à L’Ancienne-Lorette, de
Raymond Bourdages (Bordage), chirurgien et commerçant,
Montréal et Québec, elle est en revanche bien et d’Esther Leblanc. Il étudie au Petit Séminaire de Québec
située pour assurer le transit des produits de 1777 à 1784, puis exerce un temps le métier de marin.
En 1787, il tente sa chance comme marchand à Québec,
agricoles et forestiers du Haut-Richelieu. De puis s’établit en 1790 à Saint-Denis où il cultive la terre. En
même, les hôtels de Sorel accueillent les 1800, Bourdages entreprend un stage de clerc en notariat,
passagers des steamers qui y passent la nuit. reçoit sa commission en 1805 et pratique sa profession de
1805 à 1835. Il est agent seigneurial, officier de milice et
Sorel compte enfin une petite garnison participe à la fondation du journal Le Canadien en 1806. Il
jusqu’en 1866 (COURVILLE, 1986 : 154, 410 ; participe aussi à la guerre de 1812, puis est nommé en
1814 surintendant des postes de relais. Élu député de
GREER, 2000 : 259 ; FILION, 1988 ; 32). Richelieu en 1804, réélu en 1808, 1809 et 1810, puis de
Le comté de Richelieu est généralement Buckingham, à une élection partielle le 13 mars 1815 et en
représenté par des députés francophones liés 1820 jusqu’en 1827. Élu dans Nicolet en 1830 et en 1834,
il décède en fonction à Saint-Denis, le 20 janvier 1835.
à la majorité réformiste. Pionnier du mouve- Bourdages avait épousé Louise-Catherine Soupiran, fille de
ment patriote et député de Richelieu, puis de Charles-Simon Soupiran, chirurgien.
l a confédér ation des six-comtés 177
thies patriotes, pointé dans certaines déposi- impliqué dans la mobilisation patriote en
tions et épargné par les charivaristes patriotes, divers endroits du Bas-Canada. Il fait partie
de Saint-Ours fait preuve d’un loyalisme pru- des députés réunis par le comité de corres-
dent. Le 3 avril 1837, il est nommé shérif de pondance de Montréal chez René-Joseph
Montréal et aura à ce titre la charge de la pri- Kimber à Trois-Rivières le 9 novembre 1835
son du Pied-du-Courant. De même, en et est présent à au moins quelques réunions
novembre et décembre 1837, il offre asile aux du « Comité de correspondance de Montréal »,
troupes anglaises à son manoir de Saint-Ours. les 4 et 5 septembre 1837, pour considérer la
Les deux députés élus en 1834, Bleury et démission des officiers et des juges de paix
Dorion, sont d’allégeance patriote et ouverte- (MG24 B129 : 158-160). Dorion signe aussi
ment favorables aux 92 Résolutions, de même l’invitation pour l’assemblée des Six-Comtés.
que le réformiste John Pickels, élu pour le Il est directement impliqué dans l’affaire du
bourg de Sorel. Cependant, si Jacques Dorion bateau-vapeur Varennes, donnant l’ordre, le 28
demeure fidèle à Papineau et prend une part novembre 1837, de faire feu et de s’emparer
active dans les événements armés, Clément- du navire reliant Saint-Denis à Saint-Ours
Charles Sabrevois de Bleury s’éloigne progres- pour couper l’approvisionnement des troupes
sivement, et du parti et de son comté. Si bien du colonel Charles-Stephen Gore. Grâce à la
qu’à compter de 1836 il est devenu un choua- déposition du capitaine du Varennes, Peter
yen, détesté par ses électeurs patriotes et l’ob- Cotté, et pour sa participation à l’assemblée
jet de leurs attaques incessantes. Des électeurs des Six-Comtés, Dorion est arrêté le 12
se réunissent d’ailleurs à Saint-Ours pour décembre 1837 pour haute trahison. Appré-
réclamer sa démission, comptant le remplacer hendé par le shérif Édouard-Louis-Antoine
par le docteur Wolfred Nelson, de Saint-Denis. Juchereau Duchesnay, il est conduit à la prison
Le docteur Jacques Dorion présente le de Montréal où on l’écroue jusqu’au 3 mars
profil type du leader régional, un profes- 1838. Gore fait entre-temps piller sa maison.
sionnel aisé en pleine ascension sociale, près Jacques Dorion peut être libéré avant l’amnis-
de l’élite locale des Saint-Ours et Debartzch. tie générale en raison de ses amitiés influentes,
Il se démarque cependant par une éducation notamment celles de Debartzh et de François-
plus soignée et plus poussée que la moyenne. Roch de Saint-Ours, shérif de Montréal et
Député de Richelieu depuis 1830, il est aussi cousin de son épouse (ANQ P224 : 321 ;
MG24 B129, 1 : 23 ; MG24 B129 : 29-1838 ;
François-Roch de Saint-Ours (1800-1839) Né à Saint-Ours,
DBC, 10 : 236 ; FAUTEUX, 1950 : 217).
de Charles de Saint-Ours, seigneur, et de Josephte (Josette)
Murray. Il est lieutenant dans la division de Saint-Ours en
1818, puis colonel en 1833. Élu syndic de Saint-Ours en Jacques Dorion (vers 1797-1877) Né à Québec, de Pierre
1829, puis commissaire chargé de l’amélioration de la Dorion, boucher, et de Jane Clarke. Il étudie au Petit
navigation sur le Richelieu en 1830. Élu député de Richelieu Séminaire de Québec de 1810 à 1816. Fait sa médecine à
en 1824, il démissionne de son siège pour accéder au Paris entre 1816 et 1822. Il exerce ensuite toute sa vie sa
Conseil législatif le 1er janvier 1832. Saint-Ours avait épousé profession à Saint-Ours. Élu député de Richelieu en 1830,
Catherine-Hermine Juchereau Duchesnay, fille de Michel- puis réélu en 1834, juge de paix et officier de milice, fon-
Louis Juchereau Duchesnay, seigneur et adjudant général dateur et président de la Société Saint-Jean-Baptiste de
adjoint de la milice du Bas-Canada. Il est cousin par alliance Saint-Ours. Dorion avait épousé Catherine-Louise Lovell, fille
de Jacques Dorion et beau-frère de Pierre-Dominique de Jacques-Édouard Lovell et de Josephte-Catherine Murray,
Debartzch. et nièce de Charles de Saint-Ours (SAINT-PIERRE, 1993 : 231).
178 pat r iotes et loyaux
Député de Kent, puis de Surrey à compter des conséquences fâcheuses pour le conseiller.
de 1809, et conseiller législatif après 1814, Debartzch est bientôt forcé de quitter Saint-
Pierre-Dominique Debartzch se fait remar- Charles avec sa famille et de s’établir tempo-
quer dès 1822 pour son opposition au projet rairement à Montréal (GREER, 1997 : 257 ;
d’union et est dès lors intimement associé au DBC, IX : 1977 : 256).
« Parti canadien » de Louis-Joseph Papineau. Auparavant, le 28 février 1833, Debartzch
Allié des patriotes au Conseil législatif, avait lancé le journal réformiste L’Écho du pays
Debartzch organise et préside en 1830 une avec comme premier rédacteur Alfred-Xavier
assemblée à Saint-Charles qui réunit les prin- Rambau. Dans son prospectus de « St. Charles,
cipaux leaders des comtés de Richelieu, de Village Debartzch », le 1er janvier 1833, les
Verchères, de Saint-Hyacinthe, de Rouville et éditeurs expliquent que leur priorité sera
de Chambly. Avec Louis Bourdages, en 1832, l’éducation et l’économie rurale. Reste que la
il préside une assemblée où sont adoptées à vocation de L’Écho du pays demeure avant tout
l’unanimité 21 propositions qui contiennent la politique et la défense des droits des
en germe les 92 Résolutions de 1834. Sa rup- Canadiens. On y reproduit les débats à
ture avec le « Parti patriote » ne survient qu’en l’Assemblée et l’intégrale des déclarations de
1836, en particulier à cause d’un profond con- Debartzch au Conseil législatif. C’est sur les
flit de personnalité qui l’oppose à Papineau. presses de L’Écho qu’est imprimé l’opuscule
Le 22 août 1837, il accepte l’offre de Gosford d’Amury Girod, Notes diverses sur le Bas-
de siéger au Conseil exécutif, ultime effort en Canada, remarqué par Papineau. Debartzch
vue de s’attacher les élites canadiennes. À ce cède bientôt l’entreprise à bail à Jean-Philippe
moment, Debartzch use de l’influence dont il Boucher-Belleville mais en demeure le prin-
jouit auprès du gouverneur Gosford et du cipal créancier. Selon Meunier, « c’est par ce
général Colborne afin que des mesures soient journal, encore plus que par les assemblées,
prises pour rétablir l’ordre. Cela excite la que Debartzch participait à la lutte politique ».
colère des habitants de Richelieu et entraîne D’ailleurs, Debartzch fait reproduire l’en-
semble des 92 Résolutions dans son journal
au mois de février 1834. Après trois années et
Pierre-Dominique Debartzch (1782-1846) Né à Saint- demie d’existence, L’Écho du pays disparaît le
Charles-sur-le-Richelieu, de Dominique Debartzch, d’origine
polonaise et marchand-fermier à Saint-Charles, et de Marie- 21 juillet 1836. Parmi les raisons invoquées, la
Josephte Delorme. Orphelin dès l’âge de douze ans, il distance séparant Saint-Charles des grands
entreprend sa cléricature à Montréal sous Denis-Benjamin
Viger et est admis au Barreau en 1806. En 1802, il hérite
centres, l’accès à un trop petit marché d’an-
des deux-huitièmes de la seigneurie de Saint-Hyacinthe par nonceurs et de clients, la baisse des revenus
la succession de sa mère et de sa tante Marie-Anne Delorme. des souscripteurs à la suite de la crise agricole,
Il acquiert, en 1813, la seigneurie de Saint-Charles et devient
seigneur entrepreneur engagé dans le développement mais surtout le changement d’allégeance de
économique des seigneuries de Saint-Hyacinthe et de Saint- Pierre-Dominique Debartzch. En effet, durant
Charles (CHICOINE, 1983 : 33 ; MEUNIER, 1986 : 15 ; BOU-
CHARD, 1994 : 20). Debartzch épouse, en 1815, Josephte
la session parlementaire 1835-1836, Debartzch
de Saint-Ours, fille de Charles de Saint-Ours, l’un des plus commence à s’opposer à Papineau et aux
riches seigneurs canadiens de l’époque. En 1841, il acquiert réformistes. Il aurait donc demandé à
la seigneurie de Cournoyer (Saint-Marc) où il se retire avec
sa famille. Député de Kent, puis de Surrey à compter de Boucher-Belleville d’abandonner les questions
1809, puis conseiller législatif après 1814. d’ordre politique. « Fidèle à ses principes et ne
l a confédér ation des six-comtés 179
voulant pas réorienter L’Écho, Boucher- mai 1835, mais est surtout secrétaire à de
Belleville suggère de purement et simplement nombreuses assemblées dans Richelieu et
fermer le journal et de le remplacer par Le Chambly et non des moindres, à Saint-Ours
Glaneur, qui serait exempt de contenu poli- le 7 mai, dont il rédige les résolutions, et lors
tique » (BOUCHARD, 1994 : 29 ; 34 ; 42, 112- de l’assemblée des Six-Comtés le 23 octobre
113 ; DBC, IX : 1977 : 256 ; MEUNIER, 1986 : 1837, en compagnie de Wolfred Nelson et
43-44 ; 49, 56 ; BEAULIEU, 1973 : 94). d’Amury Girod. Il participe entre-temps à une
Boucher-Belleville substitue alors au débat dénonciation du « traître » Sabrevois de
politique celui de « la lucidité et de la connais- Bleury, le 29 juin 1837. Il est aussi correspon-
sance » et s’en tient à la promotion de l’édu- dant régulier de Ludger Duvernay et l’un des
cation « qui peut seule mener les Canadiens messagers de Wolfred Nelson (CAN 22-05-
au niveau des peuples les plus avancés et sortir 1835 ; MIN 11-05-1837, 30-10-1837 ; DAVID
l’agriculture du marasme ou l’ont plongé les 1937, 22 ; MESSIER 2001, 43).
méthodes routinières des paysans ». Le Gla- Boucher-Belleville jouit surtout de l’estime
neur publie par exemple un Abrégé de leçons de Louis-Joseph Papineau. Le 16 novembre
de chimie appliquée à l’agriculture, adapté de 1837, il participe au conciliabule de Varennes
l’ouvrage de Jean-Baptiste Meilleur. Le petit où se trouve aussi le tribun. Il y défend des
in-quarto de 16 pages cesse de paraître en idées dans l’air depuis l’assemblée de Saint-
septembre 1837 quand son rédacteur est pris Charles mais dont le caractère est proprement
dans le tourbillon des assemblées patriotes révolutionnaire : la tenue d’une convention
(DBC ; 10 : 80 ; BEAULIEU, 1973 : 92). générale et la création d’un gouvernement
C’est que Boucher-Belleville est très engagé provisoire. Il se montre aussi particulièrement
dans le parti et, dès septembre 1834, il parti- favorable au recours aux armes. Maillon
cipe aux réunions du CCPM (CAN 10-09- important à la bataille de Saint-Charles, il
1834). Boucher-Belleville s’avère l’une des approvisionne les postes de combat en vivres
meilleures plumes du Bas-Canada et le Parti et en munitions fabriquées au magasin de
patriote cherche à se l’attacher en l’employant Jean-Baptiste-Eusèbe Durocher. Boucher-
systématiquement durant la campagne idéo- Belleville est arrêté le 7 décembre 1837 avant
logique inaugurée par les 92 Résolutions. Il d’avoir pu franchir la frontière américaine, en
est signataire d’une invitation à Québec le 18 compagnie de Marchessault et de Desrivières.
Sa détention sera particulièrement pénible :
Jean-Philippe Boucher-Belleville (1800-1874) Né à Qué-
traîné de l’île aux Noix à Saint-Jean, puis à
bec, de Pierre Boucher-Belleville, maçon, et de Louise Montréal, il réussit à éviter l’aveu de culpa-
Belleau. Il fait ses études classiques au Collège de Montréal bilité qui conduit d’autres chefs de Richelieu
de 1814 à 1825, puis devient instituteur à Saint-Charles
avec Siméon Marchessault. Il publie à Saint-Charles, en 1831 aux Bermudes. Il est libéré le 9 juillet 1838
et 1832, des grammaires de français et de latin. En 1835, « démuni financièrement et moralement ».
Boucher-Belleville devient propriétaire et rédacteur en chef
de L’Écho du pays, du Glaneur, puis de L’Aurore des Canadas
Boucher-Belleville retourne au journalisme
(BOUCHARD, 1994 : 24-25). En 1855, il publie le Diction- pour le compte de L’Aurore des Canadas de
naire des barbarismes et des solécismes . Époux de François Cinq-Mars où il met tout son talent
Marguerite Porlier, fille de Jacques Porlier, voyageur, il
possède à la fin de sa vie une ferme à Saint-Michel-de- au profit du parti de Viger, plus conservateur,
Napierville. contre La Fontaine, rompant avec de nom-
180 pat r iotes et loyaux
breux ex-patriotes (ANQ P224 : 346 ; SENIOR, tent le seul siège du bourg en novembre 1834 :
1997 : 95 ; DBC 10,75 ; FAUTEUX, 1950 : 37). John Pickels, du côté réformiste, et John Jones
fils, candidat loyal. William-Henry ne compte
L’affaire Marcoux que 140 voix valides pour l’élection, donnant
La mobilisation loyale dans le Bas-Richelieu une grande importance à chaque vote. Rappe-
se résume à deux assemblées tenues à lons que, pour être électeur, un propriétaire
William-Henry au printemps de 1834. On doit tenir feu et lieu dans le comté et, par con-
remarque cependant, parmi les participants, séquent, posséder au moins une maison avec
le propre frère de Wolfred et de Robert cheminée. Le 5 novembre au soir, un petit
Nelson, soit George Nelson, qui brise l’har- groupe de partisans de Jones, avec à leur tête
monie réformiste de la famille et n’hésite pas Isaac Jones, parent du candidat, se dirigent
à afficher son loyalisme. Nelson embrasse dans donc vers la maison d’un dénommé Dumas
un premier temps la cause patriote, mais s’en afin d’y ériger une cheminée, le rendant habile
dissocie rapidement et se joint au mouvement à voter et escomptant donc le gagner à la cause
loyal, causant de graves frictions familiales. loyale (CAN 10-10-1834 ; DESPRÉS, 1926 :
Une première assemblée le 27 mars 1834 vise 192 ; RUMILLY, 1977 : I 333).
à dénoncer une assemblée patriote tenue à Louis Marcoux et des partisans de Pickels
Saint-Denis le 17. Les loyaux de Sorel se tiennent une réunion électorale chez la veuve
réunissent encore le 29 février 1836 pour créer Paul, en face de chez Dumas. Vers 21 heures,
une association constitutionnelle alignée sur ils auraient entendu du bruit provenant d’en
celle de Montréal et pour nommer un repré- face et Marcoux se serait rendu chez le voisin.
sentant au Select General Committee. George Surpris, Isaac Jones aurait pointé une arme
Nelson y agit comme secrétaire (MIN 10-04- sur Marcoux. Le frère d’Isaac, James, l’aurait
1834 ; MGZ 01-04-1834 ; DBC, 8 : 724-725). encouragé à tirer pendant que Marcoux
Malgré sa faiblesse, le mouvement loyal s’évertuait à les en dissuader. Le coup part
sera dès 1834 à l’origine d’un événement tra- finalement, Marcoux s’effondre, pendant que
gique lors de l’élection dans le comté urbain les meurtriers prennent la fuite et qu’accou-
de William-Henry. Deux candidats s’y dispu- rent les compagnons de la victime. Le corps
de Marcoux est porté à la maison d’Alexis
George Nelson (1786-1859) Né à William-Henry, de Péloquin où le docteur Haller lui donne les
William Nelson et de Jane Dies ; frère aîné des leaders premiers soins. Le 6 novembre vers 11 heures,
patriotes Wolfred et Robert Nelson. Il passe une partie de
son enfance à William-Henry (Sorel) où son père est maître
ayant appris les événements tragiques,
d’école. À 16 ans il entreprend sa carrière de trafiquant de Wolfred Nelson se rend au chevet de Marcoux
fourrures pour la New North West Company. De ses mais ne peut que constater la gravité de sa
nombreux voyages dans l’Ouest canadien, il contracte un
premier mariage avec Mary Ann, fille d’un chef de la nation blessure. Marcoux décède le 8 novembre, non
des Sauteux en 1808. En 1804, il devient commis pour la
North West Company qui vient d’absorber la XY Company
et, jusqu’en 1813, travaille dans les différents postes de Louis Marcoux (1798-1834) Marchand de Sorel, il s’engage
traite de l’Ouest. Insatisfait de ses gages, il quitte son poste en politique en 1827 lors de l’élection dans William-Henry.
en 1823. Ses expériences et les rencontres avec les nations Wolfred Nelson est alors candidat et sa victoire est acquise
amérindiennes de l’Ouest lui permettent plus tard de rédiger par une coalition réunissant des anglophones modérés et
quelques récits ethnographiques détaillés. Il est ensuite de des réformistes locaux tels que Marcoux (DESPRÉS, 1926 :
retour à Sorel où il est négociant. DAVID, 2000 : 197 ; NELSON, 1998 : 19).
l a confédér ation des six-comtés 181
sans avoir fait une déposition décrivant les seigneuriale et catholique. En ce sens, il
événements et désignant Isaac Jones comme demeure atypique de la plupart des anglo-
son assassin (COURT OF KING’S BENCH, phones engagés dans le Parti patriote. Nelson
1835 : 10 ; CAN 12-10-1834 ; DESPRÉS, 1926 : est en fait l’archétype du professionnel entre-
192). prenant, mêlé à une foule d’activités dans sa
Un procès s’ouvre à Montréal le 4 mars communauté, où il jouit d’une grande respec-
1835 contre les frères Isaac et James Jones. tabilité, transcendant de beaucoup ses origines
Plusieurs témoins, dont Wolfred Nelson, nationales. Associé à la cause réformiste dès
Alexis Péloquin et le docteur Haller, compa- l’époque du gouverneur Craig, Nelson se lance
raissent à la barre. L’accusé est acquitté, le jury en politique en 1827 pour dénoncer l’attitude
n’ayant pas retenu la déposition du défunt de lord Dalhousie. Candidat dans le château
(DESPRÉS, 1926 : 194). Cette décision contro- fort tory de William-Henry, il y est élu par
versée aura un grand retentissement dans tout seulement quatre voix de majorité. La mort de
le Bas-Canada et en particulier sur Wolfred son ami Louis Marcoux à Sorel le 6 novembre
Nelson qui en gardera une profonde amer- 1834 l’aurait profondément marqué et cor-
tume envers les institutions britanniques. respond à son engagement total dans la cause
Figure emblématique du mouvement réformiste. Nelson participe à plusieurs assem-
patriote, dont la réputation ne cède que devant blées à Montréal, mais demeure actif surtout à
de Papineau, Wolfred Nelson demeure Saint-Denis, dont il est le leader incontesté. Il
cependant, jusqu’à la fatidique bataille de est au cœur de la mobilisation patriote dans
novembre 1837, un leader régional, enraciné Richelieu et préside autant le Comité de
dans la communauté de Saint-Denis où il est correspondance de 1834 que le Comité de
médecin et entrepreneur, allié à une famille comté de 1837. Il préside donc l’assemblée des
Six-Comtés où il prononce un discours d’une
Wolfred Nelson (1791-1868) Né d’une grande famille extrême violence. « Eh bien ! moi, je diffère
bourgeoise anglaise apparentée au légendaire amiral Horatio d’opinion avec monsieur Papineau. Je prétends
Nelson, Wolfred Nelson est le quatrième enfant de William
Nelson et de Jane Dies, une Américaine de l’État de New que le temps est arrivé de fondre nos plats et
York. Baptisé dans la religion anglicane. Sa famille déménage nos cuillères d’étain pour en faire des balles. »
ensuite à William-Henry. En 1805, il commence l’appren-
tissage de la médecine auprès du docteur Christopher Carter
Le 16 novembre suivant, le gouvernement émet
à Sorel et est reçu le 13 février 1811. Médecin du 5e bataillon des mandats d’arrestations contre plusieurs
de la milice incorporée durant la guerre de 1812, Nelson chefs patriotes, dont Nelson. Ayant aussi leur
« est [alors] un ardent tory et est porté à détester tout ce qui
est catholique et canadien-français, mais une connaissance tête mise à prix, Papineau et O’Callaghan
plus intime de ces gens change son point de vue » viennent à Saint-Denis où Nelson entreprend
(THOMPSON, 1988 : 655). Il s’établit comme médecin à
Saint-Denis à l’issue du conflit. Il y épouse Charlotte-Josèphe
d’organiser la défense, remportant contre toute
Noyelle de Fleurimont. En 1830, il ouvre une distillerie à attente la victoire devant les troupes du
Saint-Denis avec le docteur Kimber et son beau-frère, Louis lieutenant-colonel Gore. Prévoyant le retour de
Deschambault, seigneur de l’endroit. De retour des
Bermudes en 1838, il séjourne à Plattsburgh où il est rejoint Gore et voyant ses effectifs diminuer de jour en
par sa famille. De retour au Canada en août 1842, il s’installe jour, Nelson quitte Saint-Denis avec quelques
désormais à Montréal où il entreprend une brillante carrière
de médecin, de magistrat et d’homme politique, allié à
partisans le 1er décembre 1837 en direction des
La Fontaine, mais désormais adversaire de Louis-Joseph États-Unis. Le 11 décembre, après dix jours de
Papineau. marche difficile, il est arrêté près de Stukeley
182 pat r iotes et loyaux
(Potton). Le 28 juin 1838, il signe un aveu de offert à une centaine de convives. Le conseiller
culpabilité avec sept autres condamnés et est législatif François-Xavier Malhiot préside la
exilé aux Bermudes. La condamnation pro- soirée, assisté du député Jacques Dorion
noncée ayant été déclarée illégale le 26 octobre (RUMILLY, 1977 : I : 352).
1838, Nelson quitte l’île pour les États-Unis. Il Le 17 août suivant, on forme à Saint-Ours
y assiste bien à des assemblées patriotes à une « association de réforme » ou « union
Albany, St. Albans et Swanton, mais ne prend patriotique » de Richelieu. Des représentants
aucune part dans le soulèvement de 1838 sont élus pour Saint-Ours, Saint-Denis, Sorel
(DBC, 8 : 659 ; AUBIN, 1998 : 155 ; FILTEAU, et Saint-Jude parmi les quelque 1000 per-
1975 : 277). sonnes rassemblées. Dans la plupart des cas, il
ne s’agit que de réélire les membres du Comité
Le mouvement patriote de correspondance de 1834, soit Olivier Cha-
L’organisation patriote dans Richelieu est mard (Saint-Denis) Côme-Séraphin Cherrier,
significative, mais n’atteint pas le niveau de Louis Fleury d’Éschambault, le député Jacques
sophistication qu’on retrouve par exemple Dorion, Louis Duplessis (Sorel), Chicou-
dans Verchères ou Deux-Montagnes. Elle est Duvert (Saint-Charles), André Gadbois
cependant très tôt marquée par la violence et (Saint-Jude), Joseph Haller, Charles Gouin
les débordements. Du meurtre de Marcoux à pour Sorel, Adolphe Malhiot, Siméon Mar-
la bataille de Saint-Charles, en passant par les chessault (Saint-Charles), François-Toussaint
charivaris des Septembriseurs, c’est dans Mignault (Saint-Denis), Joseph-Édouard
Richelieu que sont largement écrites les pages Mignault, Louis Mogé (Saint-Ours), Wolfred
les plus sanglantes de la rébellion de 1837. Nelson (président), Charles Olivier (Saint-
Dès le 17 mars 1834, une assemblée d’ap- Denis), François-Xavier Potvin (Saint-Jude),
pui aux 92 Résolutions à Saint-Denis réunit Peter Spink (Saint-Charles), François Saint-
déjà les leaders de Richelieu : Wolfred Nelson, Germain et Louis Giard (Saint-Ours) (CAN
Siméon Marchessault, François Chicou- 24-08-1835).
Duvert et Pierre-Dominique Debartzch. On y Peu d’éléments nous permettent d’évaluer
crée un comité de correspondance de 15 le degré de participation du médecin de Saint-
membres, représentant les paroisses de Ours, Louis Giard, mis à part sa participation
Richelieu et de Sorel, suivi d’un hommage
chez Louis Bourdages, qui tire alors sa révé- Louis Giard (1809-1887) Né à Saint-Ours, de François Giard
et de Marie-Charles Daigle. Il épouse, le 22 juin 1840, Lucille
rence de la vie politique. Un grand banquet a Drolet, fille du député patriote Joseph-Toussaint Drolet.
ensuite lieu le 3 mai à Saint-Antoine, en face Après des études au Séminaire de Sainte-Hyacinthe, il
de Saint-Denis, en vue de signer la pétition enseigne comme ecclésiastique au Collège de Chambly de
1830 à 1834. Rapidement lassé, Louis Giard se rend à
d’appui aux résolutions patriotes : « Chaque Montréal pour y entreprendre sa médecine. Reçu médecin
volée de feu d’artifice rendant hommage à l’un en 1837, il s’installe à Saint-Pie après les troubles. Durant
son séjour à Montréal, il agit comme collaborateur à La
de nos représentants » (VIN 25-03-1834 ; Minerve. Préoccupé des questions d’éducation, il sera tour à
ÉCHO 15-05-1834). tour secrétaire du Bureau d’éducation, surintendant et
Pour la Saint-Jean-Baptiste de 1835, officier d’académie au ministère de l’Instruction publique. Il
collabore également au Journal de l’Instruction publique
Wolfred Nelson organise une fête qui com- dont il est rédacteur en chef à compter de 1868 (DBC, 11 :
mence par une messe et finit par un banquet 378-379).
l a confédér ation des six-comtés 183
tuer des ponctions dans les revenus de pour seul chef des Canadiens, Louis-Joseph
l’assemblée sans son consentement. C’est La Papineau, pourtant absent pour l’occasion, et
Minerve qui annonce, le 20 avril, la tenue invite à se rallier à lui. Finalement, les onzième
d’une grande assemblée dans le comté de et douzième résolutions remercient les
Richelieu. Elle est annoncée une seconde fois réformistes d’Angleterre et du Haut-Canada
une semaine avant sa tenue par un groupe de qui appuient la cause réformiste et dénoncent
professionnels, de marchands, cultivateurs et les partisans patriotes qui ont tourné le dos à
d’artisans influents des paroisses de Saint- la cause réformiste (COUILLARD, 1917 : 232 ;
Charles, Saint-Denis et de Saint-Ours. Plus de OUELLET, 1976 ; 434-435 ; FILTEAU, 1975 ;
1200 électeurs y auraient assisté, la plupart du 211 ; BERNARD, 1988 ; 23-24-25 ; LATOU-
comté de Richelieu, mais aussi des comtés CHE, 1977 ; DOC.15).
environnants, venus notamment à bord du La presse de Montréal couvre largement la
vapeur Le Cygne qui avait abaissé ses tarifs ronde des assemblées inaugurée à Saint-Ours
pour l’occasion. L’assemblée débute à 14 heu- sous le titre de « La voix du peuple ». Dans
res, après les vêpres. Côme-Séraphin Cherrier, son compte rendu, La Minerve en profite
de Saint-Denis, est désigné président et pour interpréter la douzième résolution qu’elle
Boucher de Belleville, secrétaire. Les discours applique promptement à Dominique Debartzch
sont prononcés par Wolfred Nelson, de Saint- et à « son acolyte » Clément-Charles Sabrevois
Denis, Cyrille-Hector-Octave Côté, député de de Bleury. À Québec, Le Canadien du 12 mai
L’Acadie, et Siméon Marchesseault, de Saint- juge les résolutions de Saint-Ours « étranges,
Charles. Douze résolutions préparées par le absurdes et inexécutables ». Les journaux loyaux
« Comité central et permanent » — auxquelles sont momentanément silencieux. Plus tard, on
on peut donner le nom de Déclaration de décrira les assemblées qui ont débuté à Saint-
Saint-Ours — sont entendues et votées à Ours comme « une tentative de fanatiser les
l’unanimité. Les six premières dénoncent les habitants par des discours d’une apparente
résolutions Russell et la violation de l’Acte démence ». Filteau compare les résolutions
constitutionnel par un gouvernement oppres- votées à Saint-Ours à la Déclaration des droits de
seur, « qui n’inspire que dégoût et mépris ». La l’homme de 1789, y voyant l’expression claire et
septième résolution exprime la volonté de radicale de la volonté du peuple (MIN 11-05-
résistance des habitants. Les huitième et neu- 1837 ; VIN 12-05-1837 ; FILTEAU, 1975 ; 218 ;
vième sont associées au principe No taxation LATOUCHE, 1977 ; DOC.15 ; BERNARD,
without representation. On décide pour la 1988 : 16 ; BIBAUD, 1878 : 416).
première fois de boycotter les produits impor- Le marchand Olivier Chamard jouit d’une
tés dans le but de priver le gouvernement des notabilité certaine à Saint-Denis et Saint-Ours
revenus douaniers. Par là même, on déclare où il possède des magasins. Il participe entre
également comme licite « le commerce désigné autres aux assemblées de Saint-Ours du 7 mai
sous le nom de contrebande ». La neuvième et du 17 août et remet ses deux commissions
résolution pourvoit à la création d’un comité le 7 août 1837. Il a été mêlé au moins au sou-
de vigilance, qui verra à l’application des lèvement puisque, lors de son examen volon-
résolutions, et d’un comité de corres- taire le 14 décembre 1838, il s’engage à l’ave-
pondance. La dixième résolution proclame, nir à être fidèle et loyal envers la Couronne
l a confédér ation des six-comtés 185
(ANQ P224, 336 ; MIN 11-05-1837 ; CAN 24- sur la vague de charivaris qui déferle sur le
08-1835). comté à partir de septembre. Le mouvement
À compter de la Saint-Jean-Baptiste de est lancé quand le gouvernement décide de
1837, les réunions du Comité de vigilance créé démettre les juges de paix et les officiers de
à Saint-Ours ont toutes lieu à Saint-Denis, milice accusés d’avoir participé à des assem-
généralement sur la terre de M. Bruneau. Elles blées patriotes depuis le 15 juin. En réaction,
se tiennent le 29 juin, le 23 juillet et le 28 un groupe d’agitateurs s’adonne à de nom-
août, et visent apparemment à assurer le breux méfaits contre des individus associés au
respect du boycottage. Leur rythme s’accélère pouvoir ou soupçonnés de sympathies loyales.
ensuite : des réunions sont tenues les 10, 18 et Les charivaristes du Bas-Richelieu, qu’on
23 septembre et le 12 octobre. Wolfred Nelson nomme les Septembriseurs dans les journaux
y joue un rôle central. Elles sont consacrées à loyaux, viennent surtout de Saint-Denis, de
appuyer les magistrats démis de leurs fonc- l’entourage de Wolfred Nelson, bien que ce
tions et surtout à préparer la grande assemblée dernier ne semble pas personnellement impli-
des Six-Comtés, véritable ébauche d’une con- qué. À leur tête, on retrouve Siméon Mar-
fédération et d’un gouvernement parallèle au chessault et Eusèbe Cartier, de Saint-Antoine.
Bas-Canada. Dans ce vaste dessein, la popu- Cette fièvre révolutionnaire vient en partie de
lation de Richelieu est tout entière mobilisée. la visite que Papineau rend à la région lors
Parallèlement, le 10 septembre, se réunissent d’une tournée du Bas-Canada. Le Populaire
les « jeunes gens de Saint-Denis » qui lancent attribue la responsabilité des événements de
un appel sans équivoque aux jeunes de saisir septembre au discours tenu par l’orateur à
le « vent de liberté qui souffle sur le pays ». Le Saint-Hyacinthe. Selon le journal, Papineau
23 septembre, c’est au tour des « Dames lui-même aurait cautionné les charivaris par
patriotes de Saint-Denis » de se réunir. Selon des déclarations telles que : « Il n’y a pas de
La Minerve, pas moins de 149 femmes bureaucrates ici ; s’il y en avait, il faudrait les
s’assemblent pour offrir leur soutien à la cause mettre entre deux bœufs » (POP 16-10-1837 ;
défendue par leurs époux (MIN 24-09-1837, 27-09 37 ; MIN 12-10-1837 ; CHOQUETTE,
28-09-1837). 1930 : 131 ; GREER, 1990 : 35,51 ; RICHARD,
1935 : 17-18 ; LAMONDE, 2000 : 246).
L’épopée des Septembriseurs Le seigneur de Saint-Charles, Pierre-
Si le « Comité de comté » se réunit si souvent, Dominique Debartzch, est alors l’un des
c’est aussi en vue de garder un certain contrôle hommes politiques les plus impopulaires du
Bas-Canada. Au terme d’une courte session
du Conseil législatif, Debartzch est de retour à
Olivier Chamard Né à Québec, il s’installe à Saint-Denis en
1818 où il épouse Claire Chiniquy. Il y devient propriétaire Saint-Charles en septembre avec sa famille. Il
d’un vaste entrepôt de grains, l’un des principaux de la fait halte à Saint-Ours, chez son beau-frère
paroisse. Marchand avisé aux qualités intellectuelles
certaines, il jouit bientôt d’une grande notoriété. Il participe
Roch de Saint-Ours, où l’on fête le baptême
à la construction du nouveau presbytère et dans l’éducation d’un fils. Mettant fin à l’aristocratique récep-
en agissant comme syndic. Il est en 1835 lieutenant-colonel tion, des émeutiers se présentent au manoir
commandant du second bataillon de milice de Richelieu avec
Louis Bourdages. À compter de 1830, il se consacre à la de Saint-Ours pour faire subir à ses occupants
médecine (ALLAIRE, 1905 : 69-70, 213, 341). un charivari terrifiant. Certains Septembriseurs
186 pat r iotes et loyaux
s’excuseront d’ailleurs dès le lendemain auprès Après Debartzch, c’est au tour de Léonard
de Roch de Saint-Ours pour la frayeur causée Godefroy de Tonnancour d’être victime des
à sa famille, en précisant que la cible était bien Septembriseurs. Député de Yamaska, il est issu
Pierre-Dominique Debartzch (POP 27-09- d’une prestigieuse famille seigneuriale de
1837 ; MIN 12-10-1837). Saint-Michel. Ayant longtemps partagé les
Après quelques jours, Debartzch, son vues de Louis-Joseph Papineau, ses convic-
épouse et ses quatre filles sont de nouveau en tions politiques changent subitement vers la
route pour le manoir de Saint-Charles. Une mi-août. De Tonnancour se trouve à Saint-
« garde d’honneur » à cheval, les habits à l’en- Denis le 24 septembre vers cinq heures pour y
vers et couverts de grelots, les suit en silence. visiter sa belle-mère, la veuve Benjamin
À Saint-Denis, où il doit passer, on se prépare Cherrier, chez qui est improvisée une fête
à l’accueillir et à le pendre en effigie au bout familiale. Le village de Saint-Denis étant déjà
d’une perche. Se doutant que quelque chose secoué par le charivari contre Debartzch, la
se prépare, Debartzch s’arrête à l’orée du présence de Tonnancour échauffe à nouveau
village pour demander à un cultivateur ce qui les esprits. Un groupe d’hommes venant de la
se trame au village. Informé des préparatifs, distillerie de Wolfred Nelson et commandés
Debartzch trouve prudent de changer sa route par Marchesseault entendent lui faire subir un
pour éviter le village. C’est là, dans sa préci- charivari pour avoir « voté contre le vœu de
pitation, qu’il s’embourbe avec sa calèche. Papineau ». De Tonnancour, qui souhaite
Selon ses dires, personne ne lui porte secours, s’expliquer à la foule, en est dissuadé par les
la justice populaire en ayant décidé ainsi. convives. Les charivaristes font du tapage
Debartzch n’est pas au bout de ses peines pendant environ une heure et pendent en
puisque le charivari le suit à son domicile. Il effigie lord Gosford, Debartzch, Saint-Ours et
quitte finalement la région pour trouver Sabrevois de Bleury. Dame Saint-Jacques,
refuge à Montréal. Les patriotes auront toute également connue sous le nom de Rosalie
liberté d’occuper son manoir solidement bâti Cherrier, intervient, arrache les inscriptions
et de le fortifier en attendant les troupes de placées sur les effigies et se permet dans son
Wetherall le 25 novembre 1837. L’Ami du emportement d’exposer ses vues à propos de
peuple rapporte que son manoir fut mis à sac : l’action des émeutiers. La témérité de Rosalie
« […] on ouvrit les caves de la maison sei- Cherrier laisse cependant des traces et les
gneuriale ; on s’empara de la vaisselle et de Septembriseurs la relancent chez elle. Le soir
l’argenterie. Les livres seigneuriaux et terriers même, une foule bruyante entoure sa maison
tombèrent entre les mains de ces barbares qui en chantant des chansons obscènes pour
les mirent en pièces et n’eurent pas honte de réclamer son départ de la paroisse. On tente
détruire une bibliothèque précieuse et consi-
dérable ». Plus tard, Debartzch réclamera des Rosalie Cherrier « Madame Saint-Jacques » est née en 1800
à Repentigny de Joseph-Marie Cherrier et Marie-Josette Gaté,
indemnités s’élevant à 26 000 dollars pour les mais est élevée par sa tante Marie-Anne Chevalier-Lecavalier.
pertes matérielles subies lors des rébellions Le 31 juillet 1821, elle épouse Louis Cheval dit Saint-Jacques.
(AMI, 25-11-1837 ; MIN 14 ; 18-09-1837, 12- Elle est la sœur du patriote Côme-Séraphin et donc cousine
de Louis-Joseph Papineau, mais aussi de Mgr Jean-Jacques
10-1837 ; POP 2-10-1837 ; 16-10-1837 ; DBC, Lartigue dont elle se sent beaucoup plus proche. Collabo-
IX : 1977 : 256). ratrice au Populaire de Sabrevois de Bleury.
l a confédér ation des six-comtés 187
ensuite de pénétrer dans la maison aux cris de son à son jeune amant, l’américain Mitchell
« Vive les patriotes ! ». À l’intérieur, dame alias W. Southwick. Vers 21 heures, une foule
Saint-Jacques réplique : « Vive les bureau- encore plus nombreuse et plus menaçante que
crates, ils ne se sont jamais comportés en la veille se présente. C’est vers 10 h 30, appa-
gredins comme vous » (POP 2-10-1837 ; MIN remment encouragé par une des filles de
12-10-1837 ; GREER, 1997 : 1 98 ; SENIOR, Cherrier, que Mitchell tire en direction de la
1997 : 52 ; BIBAUD, 1878 : 454-456). foule. La fusillade fait deux blessés. La foule
Sur ces entrefaites, toujours le 24 sep- exprime sa fureur en démolissant la maison,
tembre, le « Comité permanent du comté de mais les occupants réussissent tout de même
Richelieu » se réunit à l’école de Pierre à prendre la fuite (MIN 12-10-1837 ; POP 2-
Dussault, de Saint-Denis. Le président de 10-1837).
l’assemblée, Wolfred Nelson, qui revient tout Devant la vague de charivaris qui déferle
juste de Lavaltrie, fait une sortie contre les sur sa région, le curé Blanchet de Saint-
officiers de milice qui n’ont pas encore remis Charles tente de calmer ses ouailles. En chaire,
leur commission pour protester contre il prononce un sermon sur l’indécence des
l’attitude du gouvernement. Le lendemain, les charivaris et les conséquences fâcheuses qu’ils
Septembriseurs de Saint-Denis ont donc fort à peuvent entraîner. Il fait ensuite lecture du
faire. Ils doivent certes régler le cas de Saint- mandement de Mgr Lartigue qui « défend for-
Jacques, mais, auparavant, visiter quelques mellement ces assemblées nocturnes et désor-
officiers de milice récalcitrants de Saint- ganisatrices ». Rosalie Saint-Jacques n’avait pas
Antoine, en face de Saint-Denis. Ils consacrent pour autant quitté Saint-Denis. Elle est
donc notamment la soirée du 25 septembre finalement arrêtée par le huissier Lacasse, de
au cas de Jacques Cartier, père du patriote Contrecœur, et conduite à Montréal. Ces évé-
George-Étienne Cartier. Injuriant et proférant nements feront couler beaucoup d’encre dans
des menaces, les Septembriseurs lui ordonnent les journaux du Bas-Canada et même aux
de rendre sa commission au plus tard le États-Unis (COURIER INQUIRIER, 6-10-
lendemain. Le juge de paix Firmin Perrin et le 1837). L’affaire Saint-Jacques fait sensation
docteur Allaire subissent le même soir les puisqu’elle met en scène des discordes idéo-
foudres des charivaristes (CAN 02-10-1837 ; logiques au sein même du clan familial des
MIN 12-10-1837 ; POP 2-10-1837 ; ALLAIRE, Papineau-Cherrier-Viger. En effet, le propre
1905 : 346). frère de l’accusée, l’avocat patriote Côme-
Malgré les menaces proférées la veille, Séraphin Cherrier, est pointé pour ne pas
dame Saint-Jacques n’entend pas quitter la avoir intercédé en sa faveur. C’est finalement
paroisse ; dans la journée, elle s’est plutôt Sabrevois de Bleury, un loyal, qui défendra
procuré un fusil et a fondu des cuillères pour Rosalie Cherrier et lui assurera un certain con-
fabriquer des munitions. Par bravade, elle se fort durant son incarcération. Bartholomew
serait aussi vêtue en sœur grise et aurait Gugy et Pierre-Édouard Leclère assureront
circulé au village avec son amant, ce qui est en ensuite sa libération provisoire sans caution-
soi un motif traditionnel de charivari. Dans la nement. Certains loyaux proposent même de
soirée, en attendant les émeutiers, elle se retire lui décerner une médaille pour son courage.
avec sa famille et confie la défense de la mai- Lors de son procès devant le grand jury à
188 pat r iotes et loyaux
Montréal, la cour rejette les accusations qui pour rédiger les résolutions des Six-Comtés.
pèsent contre Saint-Jacques (POP 2-10- Durant l’importante assemblée qui suit, il
1837,16-10-1837, 7-03-1838). appuie la résolution proposant la création
Siméon Marchesseault est le principal dans Richelieu d’une section des Fils de la
lieutenant de Wolfred Nelson et l’un des plus liberté (FAUTEUX, 1950 : 313). Le 5 no-
fervents leaders patriotes de Richelieu. Entre- vembre, il chahute le curé Blanchet, à Saint-
preneur et marchand audacieux, voué à un Charles, quand ce dernier fait lecture du man-
grand succès, il est intelligent, cultivé, excellent dement Lartigue et improvise une assemblée
orateur et aurait joui « de l’empire sur le aux portes de l’église où il exhorte ses com-
peuple » (DAVID, 2000 : 112). Le 17 mars patriotes à continuer à s’opposer au gouver-
1834, il agit à titre de secrétaire durant l’as- nement. À partir du 18 novembre 1837,
semblée de Saint-Denis, débattant des 92 Marchesseault organise avec Thomas Storrow
Résolutions. Il y est aussi nommé membre du Brown, Henri-Alphonse Gauvin et Rodolphe
Comité de correspondance de Richelieu en DesRivières un camp retranché autour du
vue des élections de l’automne suivant (VIN manoir Debartzch. Le lendemain, il est
25-03-1834). En 1835, il participe à la Saint- nommé capitaine et aide de camp du général
Jean-Baptiste à Saint-Denis et à l’inauguration Brown (SENIOR, 1997 : 103). Il prend part
du monument à la mémoire de Louis aux batailles de Saint-Denis et de Saint-
Marcoux où, pour l’occasion, il prononce un Charles où, selon Edward Alexander Theller,
discours à saveur républicaine. En 1837, il il abat le cheval que monte le lieutenant-
soulève le peuple lors des grandes assemblées colonel Wetherall (MIN 30-10-1837, 03-08-
dans Richelieu. Le 7 mai, à l’assemblée de 1837, 4-11-1837 ; FAUTEUX, 1950 : 314 ;
Saint-Ours, avec Wolfred Nelson et Cyrille- BERNARD, 1988 : 28 ; AUBIN, 1996 : 8).
Hector-Octave Côté, il condamne les réso- Après la désertion de Brown, Marches-
lutions Russell qu’il qualifie de « violation du seault prend le commandement des hommes,
contrat social » et dit regretter que les Cana- mais n’a bientôt d’autre choix que de s’enfuir
diens français n’aient pas pris le parti des à son tour. Le 7 décembre, il est arrêté à
Américains en 1775. Marchesseault y propose Bedford avec Boucher-Belleville, DesRivières
la douzième résolution, remerciant les amis et Timothée Kimber en tentant de gagner les
de la cause réformiste à Londres et à Toronto. États-Unis, puis il est écroué au fort Lennox.
En août, il est reporté au Comité de corres- Le 26 juin 1838, il accepte avec sept autres
pondance et prononce un discours pour chefs patriotes de signer un aveu de culpabilité
appuyer les magistrats déchus. Le 23 octobre, en échange de l’amnistie pour les autres pri-
c’est chez lui que les délégués se réunissent sonniers politiques. Peu de jours avant, dans
une lettre à sa femme, il se déclare « martyr,
Siméon Marchesseault (1806-1855) Né à Saint-Ours, pour avoir combattu pour les libertés de son
d’Abraham-François Marchessaut, maître forgeron à Saint-
Antoine, et d’Émélie Cormier, tous deux descendants
pays ». À son retour d’exil en 1840, il s’établit
d’Acadiens. Après des études au Collège de Saint-Hyacinthe, à Saint-Hyacinthe (DAVID, 2000 : 113 ;
Marchesseault devient instituteur à Saint-Denis, puis à Saint- SENIOR, 1997 : 135-139 ; AUBIN, 1996 : 11-
Charles. Grâce à ses liens avec le seigneur Debartzch, il est
nommé huissier. Époux de Judith Morin, fille d’Henri-Pierre 13, 40, 121).
Morin, menuisier à Saint-Marc.
l a confédér ation des six-comtés 189
fait mention d’un quelconque appel aux compter de 1834 aux assemblées patriotes
armes. dans Richelieu et siège au premier comité de
L’assemblée se déroule sur deux journées. correspondance. En 1837, il participe notam-
Lors de la première, on écoute les discours et ment aux assemblées du 29 juin et du
on vote les résolutions. La journée suivante 12 octobre. Avec son frère, il est vice-président
permet aux délégués des Six-Comtés de à l’assemblée des Six-Comtés. Il est appré-
rédiger une adresse au peuple du Bas-Canada. hendé dans la nuit du 28 novembre 1837 par
Dès le lendemain de la célèbre assemblée les troupes du colonel Wetherall (ANQ P224 :
Mgr Jean-Jacques Lartigue, espérant calmer les 45, 349 ; MIN 30-10-1837, 02-11-1837 ; VIN
esprits échauffés, émet un premier mande- 25-03-1834 ; FAUTEUX, 1950 : 241).
ment où il prie les opposants au gouverne- Comme on le sait, l’assemblée des Six-
ment de recouvrer leur calme et de se sou- Comtés marque un point de rupture dans la
mettre à l’autorité légitime. Lu dans les églises mobilisation patriote, dans Richelieu plus que
du diocèse à compter du dimanche suivant, ce partout ailleurs. La lecture du mandement de
texte aura plutôt l’heur de susciter la contro- Mgr Lartigue y pose ensuite d’infinis problèmes,
verse et d’envenimer le conflit larvé entre en particulier pour le curé de Saint-Charles,
l’Église et le mouvement patriote (CHAPAIS, François-Norbert Blanchet. Après la bagarre à
1972 : 171-172). Montréal entre les membres du Doric Club et
Le docteur François Chicou-Duvert jouit des Fils de la liberté, où sont présents bon
d’une excellente réputation à Saint-Charles. Il nombre de jeunes Richelains, Nelson et
joue notamment un rôle central à l’assemblée Marchesseault entreprennent d’organiser leur
des Six-Comtés — d’ailleurs organisée sur sa défense. Le 14 novembre, on se réunit à la salle
propriété — et dont il est vice-président. En du presbytère de Saint-Denis en vue d’« em-
apprenant qu’un mandat d’arrêt est émis prunter » l’argent de la fabrique afin de financer
contre lui le 13 novembre, Chicou-Duvert se l’achat d’armes. Le coffre est finalement saisi le
cache d’abord en compagnie de Drolet, mais 20 novembre sans que son contenu ne puisse
se livre, le 27 décembre 1837, aux mains du servir (RICHARD, 1938 : 27-28).
juge de paix Firmain Perrin. Chicou-Duvert
séjourne ensuite sept mois à la prison du Pied- Les batailles
du-Courant. Lors de son examen volontaire, Le 22 novembre 1837, l’armée de sir Charles
le 28 mars 1838, il nie avoir été l’un des Gore arrive à Sorel à bord du Saint-George. Le
organisateurs de l’assemblée des Six-Comtés
et affirme ne pas avoir encouragé la prise des
armes en 1837, clairement afin de s’attirer la Louis Chicou-Duvert (1809-1840) Fils du docteur Pierre
Chicou-Duvert et de Madeleine Côté. Il épouse, tout comme
clémence des autorités. Il est libéré sous cau- son frère, l’une des filles du chirurgien Philip Mount. Admis
tion le 8 juillet 1838. Son frère, Louis Chicou- notaire le 4 août 1809, il exerce sa profession dans le village
de Saint-Charles. Accusé pour haute trahison, il est écroué
Duvert, notaire de Saint-Charles, participe à à la prison du Pied-du-Courant à Montréal. Le 18 juin 1838,
Louis Chicou-Duvert adresse une pétition protestant de son
François Chicou-Duvert (1789-1841) Fils du docteur Pierre innocence à Charles Buller, l’un des conseillers de lord
Chicou-Duvert et de Madeleine Côté, de Saint-Vallier. Il Durham pour le sort réservé aux rebelles. Il n’est tout de
épouse Hélène Mount, fille de Philip Mount et de Christiane même libéré qu’au moment de l’amnistie, le 7 juillet 1838
Munro. Il est médecin à Saint-Charles. (ANQ, P224 : 350 ; FAUTEUX, 1950 : 142 ; DBC, 7 :127-128).
l a confédér ation des six-comtés 191
but de l’expédition est de rejoindre les troupes formée en forteresse, mais sans entamer l’im-
du colonel George Augustus Wetherall, parties posante maçonnerie. Vers 14 h, voyant les
de Chambly, pour attaquer le village de Saint- réserves de munitions diminuer, Nelson envoie
Charles, bastion de la résistance patriote dans George-Étienne Cartier à Saint-Antoine, sur
la vallée du Richelieu. Sir Charles Gore a donc l’autre rive du Richelieu, pour aller chercher du
sous son commandement les compagnies de plomb et de la poudre. Après une traversée
flancs du 24 e régiment, dirigées par le laborieuse, il revient avec des renforts de Saint-
lieutenant-colonel Charles H. Hughes, une Antoine, Contrecœur, Saint-Ours, Saint-Roch
compagnie légère du 32e régiment comman- et Verchères, faisant pencher la balance en
dée par le capitaine Frederick Markham, un faveur des patriotes. Malgré la tentative d’en-
détachement de la Royal Artillery et un déta- cerclement par la gauche du village, à travers
chement de la Royal Montreal Cavalry com- les champs, les soldats sont repoussés par un
mandé par le cornette Campbell Sweeney. détachement de patriotes de Saint-Antoine.
Rendue à Sorel, l’armée s’adjoint une compa- C’est la « compagnie des bâtons de clôture »
gnie du 66 e régiment sous les ordres du qui, maniant leurs bâtons de façon à faire croire
capitaine Crompton pour un total de 300 qu’ils sont bien armés, arrivent à tenir l’armée
hommes. Ils sont aussi accompagnés par le en respect. Après sept heures de combat, Gore
shérif Édouard-Louis-Antoine Juchereau- décide de se replier sur Sorel, laissant les
Duchesnay et par le magistrat Pierre-Édouard défenseurs maîtres de la place (SENIOR, 1997 :
Leclère, détenteurs de mandats d’arrestation 121, 332 ; FILTEAU, 1975 : 331-332).
contre certains chefs patriotes. Marchand prospère, Jean-Baptiste Masse
L’armée arrive aux portes de Saint-Denis possède à Saint-Denis un entrepôt de grains
au matin du 23 novembre. Les soldats sont jouxant un magasin depuis 1807. Il participe
trempés et épuisés par leur marche forcée sous à quelques assemblées et est notamment
le mauvais temps. De leur côté, les rebelles de admis au Comité central et permanent de
Saint-Denis, sous les ordres du docteur Richelieu à compter de juillet 1837. Arrêté dès
Wolfred Nelson, sont déjà sur le qui-vive. Les novembre, il aurait apparemment pris part à
hostilités débutent donc vers 9 h. Il y a alors la bataille de Saint-Denis, malgré ses 71 ans,
au village 200 résistants mal armés. À ce et offert deux fusils à Louis-Joseph Papineau
moment, Louis-Joseph Papineau est encore au pour l’aider à se rendre à Sainte-Hyacinthe.
village. Il part durant l’affrontement avec Lors du retour de Gore à Saint-Denis, des offi-
Edmund B. O’Callaghan en direction de ciers britanniques logent chez lui. Sa maison
Saint-Hyacinthe, en apprenant que les troupes sera épargnée du saccage, mais son magasin
de Wetherall marchent sur Saint-Charles. est pillé. Les soldats découvrent alors la
D’un peu partout, des renforts viennent prêter dépouille du lieutenant George Weir, appa-
main-forte aux gens de Saint-Denis, si bien remment assassiné par des habitants et aban-
que le nombre d’insurgés augmente toute la donné sur les bords du Richelieu (MIN 03-
journée (SENIOR, 1997 : 115,126-127 ; 08-1837 ; ALLAIRE, 1905 : 341, 416 ; FAU-
FILTEAU, 1975 : 326). TEUX, 1950 : 318).
Durant plusieurs heures, l’armée bombarde Les protagonistes de la mort du lieutenant
la maison de la veuve Saint-Germain trans- Weir semblent bien se connaître avant le
192 pat r iotes et loyaux
drame. Lié au Parti patriote depuis peu, d’abord battu par Joseph Pratte, Jean-Baptiste
François Jalbert devient vite l’un des prin- Maillet et le capitaine François Jalbert, mais
cipaux agitateurs du comté de Richelieu. Il c’est l’aubergiste Louis Lussier qui termine
participe aux assemblées de Saint-Ours et des l’affaire d’un coup de pistolet. Mignault et
Six-Comtés et agit à titre de capitaine de Maillet auraient ensuite enterré le corps sous
Wolfred Nelson lors de la bataille de Saint- un tas de pierres au bord du Richelieu où
Denis. Arrêté le 12 décembre, il est accusé de l’armée le retrouve le 3 décembre suivant. Le
haute trahison et d’avoir participé au meurtre témoignage de Mignault contribuera plus tard
de George Weir, lieutenant du 32e régiment à l’acquittement de Jalbert. Ironie du sort, le
arrêté pour « espionnage ». En effet, juste grand coupable, Louis Lussier, réussit entre-
avant la bataille de Saint-Denis, Wolfred temps à s’évader de la prison de Montréal par
Nelson charge François Jalbert de conduire l’entremise d’un gardien qu’il avait corrompu
Weir à Saint-Charles, mais le prisonnier est (ANQ P224 : 380 ; DAVID, 1937 : 157 ;
tué lors d’une tentative d’évasion. Arrêté, FILTEAU, 1975 : 330 ; RUMILLY, 1977 : 515 ;
Jalbert ne profite pas de l’amnistie de Durham ALLAIRE, 1905 : 386 ; SENIOR, 1997 : 118 ;
et doit subir son procès en septembre 1838. À CAN : 24-08-1835).
la suite de l’acquittement des présumés meur- Le 18 novembre, Thomas Storrow Brown,
triers de Joseph Chartrand dans L’Acadie et général des Fils de la liberté, arrive au manoir
de la rage où sont depuis plongés les loyaux du seigneur Debartzch à Saint-Charles et en
de Montréal, la cause est cependant remise à fait un camp retranché. Les effectifs sur les-
l’année suivante (ANQ P224 : 3035 ; ALLAIRE, quels Brown peut compter sont plus impor-
1905 : 375 ; MIN 11-05-1837 ; 30-10-1837). tants qu’à Saint-Denis et incluent notamment
Entre-temps, l’aubergiste François- un fort contingent provenant des comtés de
Toussaint Mignault, un autre acteur de Saint-Hyacinthe et de Chambly, que Brown
l’affaire, est arrêté le 30 avril 1838 et appelé à déploiera le long d’un retranchement formé
la barre quand s’ouvre le nouveau procès de d’arbres renversés au moment de la bataille.
Jalbert le 3 septembre 1839. Selon le témoi- Rodolphe DesRivières est posté à l’orée des
gnage de Mignault, c’est lui qui conduisait la bois avec quelques dizaines de sympathisants
charrette transportant Weir vers Saint-Charles dépourvus d’armes, afin de défendre le flanc
au matin du 23 novembre. Lors de sa tentative gauche. Selon la plupart des historiens, ils sont
d’évasion et de la mêlée qui suit, Weir est environ 250, dont une centaine sont armés,
retranchés au matin de la fatidique bataille
François-Pix Jalbert (1775-1854) Né à Saint-Denis, de (SENIOR, 1997 : 135 ; ROCHON, 1987 : 160).
François Jalbert père. Très engagé dans sa communauté, il La brigade du lieutenant-colonel Wetherall
est élu syndic en 1802, lors de la construction de l’église de
son village. Tout comme son père en 1796, il est marguillier
comprend quatre compagnies de Royals sous
en 1824 et capitaine de milice en 1813 (ALLAIRE, 1905 : le commandement du capitaine Charles
227, 296). Beauclerk, deux compagnies du 66e régiment
sous la conduite du capitaine Dames, les
François-Toussaint Mignault Né à Saint-Denis vers 1793, grenadiers du capitaine Warde, un piquet de
aubergiste, officier de milice et maître de poste à Saint-
Denis. Célibataire, il est dans le mouvement patriote richelain cavalerie commandé par le capitaine David,
depuis août 1835. 12 à 20 membres de la Royal Montreal Cavalry
l a confédér ation des six-comtés 193
Hubert Goddu, de Saint-Césaire, se joint à stratégies et projette d’aller rejoindre les résis-
Malhiot avec un groupe de 75 à 112 hommes. tants à Saint-Eustache. Le 6 décembre 1837, il
Après avoir appris l’ampleur de la défaite de commande 80 hommes lors de la bataille de
Saint-Charles, quelques centaines d’hommes Moore’s Corner. Durant l’escarmouche, il est
laissent tomber Malhiot et rentrent chez eux. blessé au genou, mais réussit tout de même à
À l’aube du 28 novembre, il ne reste plus regagner Swanton. Le 2 janvier 1838, il assiste
qu’« un corps nombreux d’habitants abusés ». à la rencontre de Middlebury et se range
Le 28 novembre, après une brève escarmouche bientôt du côté des radicaux, autour de Robert
entre les troupes de Wetherall et celles de Nelson. Entre-temps, le comté de Richelieu
Malhiot, les rebelles s’avouent vaincus et sortira meurtri de la rébellion de 1837. C’est
prennent la fuite. Malhiot et plusieurs de ses particulièrement le cas des villages de Saint-
compagnons d’armes se replient sur Sainte- Charles et de Saint-Denis dont l’économie ne
Marie (Rouville) pour apparemment y pren- se relèvera pas (BERNARD, 1983 : 100 ; ROBY,
dre livraison d’une grande quantité d’armes 1991 : 540 ; FORTIN, 1988 : 43).
en provenance des États-Unis. Selon Fauteux,
« une courte escarmouche, ce fut tout ce qui Saint-Hyacinthe
résultat d’un gros rassemblement qu’Édouard- Issu de la subdivision du grand comté de
Élisée Malhiot avait réussi à former, à la Richelieu, Saint-Hyacinthe forme une marche
Pointe-Olivier » (FAUTEUX, 1950 : 45-46). entre les comtés de Richelieu et de Rouville,
Dans ces circonstances, l’escarmouche à Saint- divisés en seigneuries, et celui de Shefford,
Mathias, du 28 novembre 1837, fait partie des divisé en townships, selon la tenure anglaise. Il
« quelques échauffourées indignes du nom de est lui-même organisé en sept seigneuries :
bataille, si mal préparées, si gauchement Ramesay, Rosalie, Delorme, Debartzch,
engagées et sans autre issue que l’amère Mondelet, Yamaska et Dessaulles-propre. Le
défaite » (ROY, 1988 : 9 ; SENIOR,1997 : 143 ;
FAUTEUX, 1950 : 46 ; SAINT-PIERRE, 1937 :
Édouard-Élisée Nicolas Talentin Malhiot (1812-1875) Fils
10). de Michel-Reuben Malhiot et de Marie-Louise Demers-
Dès son arrivée à Montréal, en 1834, Dumais. En 1837, il est étudiant en droit à Montréal (Roby,
Édouard-Élisée Nicolas Talentin Malhiot est 1991 : 540 ; Bernard, 1983 : 291 ; Roy, 1988 : 19) ou déjà
établi comme médecin à Boucherville (Fortin, 1988 : 191).
séduit par la cause patriote. Son père Michel Après la débâcle de 1838, Malhiot s’exile aux États-Unis et
est d’ailleurs membre du comité de comté de sombre dans une profonde dépression. Il accuse pra-
tiquement tout le monde pour la débandade des Frères
Lotbinière. Le 5 décembre 1834, Édouard- chasseurs. À cet effet, il écrit à Duvernay « son mépris pour
Élisée est membre fondateur du Comité de l’égoïsme et l’ignorance des Américains, pour l’ingratitude
correspondance de Montréal et, le 5 sep- de ses compatriotes et surtout pour la fourberie et la lâcheté
d’une partie de ceux qui prêchaient la révolution avant
tembre 1837, membre fondateur de l’Asso- novembre 1837 dans le but de se faire une popularité ou
ciation des Fils de la liberté. Le 6 novembre par intérêt personnel » (Roby, 1991 : 540-541). À l’inverse,
le docteur Côté dit de lui qu’il n’est qu’« un ignorant de la
1837, il participe à l’affrontement contre des pire espèce qui sait à peine signer son nom et qui par
membres du Doric Club et quitte ensuite pour surcroît n’est rien d’autre qu’un vaniteux, présomptueux et
la vallée du Richelieu où se déroule l’essentiel démesurément ambitieux » (Fonds Wolfred Nelson, ANC).
En 1839, il se réfugie à L’Assomption (Assumption), en
de son engagement. Malhiot se réfugie ensuite Louisiane, puis en Illinois où il fonde une famille et meurt du
à Swanton. De là, il échafaude de nouvelles choléra en 1875 (Senior, 1997 : 273).
l a confédér ation des six-comtés 195
tillier (1834-1838) sont ensuite élus et tous les élèves du Collège avaient eu à soutenir
engagés dans la mobilisation patriote. Selon la plusieurs thèses, dont l’une à propos du
liste établie par Bernard en 1983, 35 habitants système de Lamennais. L’abbé Jacques Odelin,
du village de Saint-Hyacinthe et 86 personnes nouveau curé de Saint-Hyacinthe, opposé aux
du comté sont identifiés comme patriotes. idées de théologien, est interrogateur aux
Selon Choquette (1930 ; 145), les ruraux du examens. Odelin prend son rôle très au
comté sont peu impliqués dans les soulève- sérieux et « pousse les élèves à tel point que le
ments. Louis-Joseph Papineau y est très professeur dut intervenir ». Sur le moment, la
populaire et s’y rend fréquemment visiter sa décision de clore la discussion est prise, mais
sœur, Marie-Rosalie Dessaulles, née Papineau, elle se poursuit dans les journaux. Le cartésien
épouse du seigneur de Saint-Hyacinthe. Odelin écrit dans L’Ami du peuple, tandis que
Deux des fils de Papineau, Lactance et ses opposants menaisiens du Séminaire de
Gustave, étudient au Séminaire en 1837. Plu- Saint-Hyacinthe répliquent dans L’Écho du
sieurs autres élèves sont d’ailleurs intimement pays. En 1834, le Collège se voit interdire
liés aux patriotes : « cinq Papineau, fils, neveux d’enseigner les idées de Lamennais qui vient
ou cousins de l’agitateur ; deux Dessaulles, ses de sceller sa rupture avec le pape Grégoire XVI
neveux ; Arthur et Horace Nelson, fils du en publiant les Paroles d’un croyant. De 1834 à
docteur Wolfred ; deux Marchesseault, deux 1836, un calme relatif règne au Collège qui
Duvert et d’autres : Cartier, Blanchard, devient le Séminaire de Saint-Hyacinthe en
Authier, Franchère, Jalbert, L’Heureux, 1835. À l’automne 1837 règne cependant une
Pacaud, etc. » Il fait d’ailleurs octroyer une grande effervescence tandis que plusieurs
allocation à même le budget de l’Assemblée jeunes professeurs n’entendent pas cacher leur
législative « en faveur du Collège de M. adhésion aux idées patriotes. Deux d’entre
Girouard ». Il est l’invité d’honneur à la eux, Alexandre Taché et Augustin Régnier,
collation des grades en 1833 et accueilli par plantent dans l’enceinte du collège un mai à
un « Vive la patrie ! » Fondé en 1811 sur l’ini- l’ombre duquel sont prononcés plusieurs dis-
tiative du dynamique curé Antoine Girouard, cours échevelés d’inspiration libérale. C’est
le Séminaire se distingue en outre très tôt par aussi là que se tient, le 4 novembre 1837, sous
sa haute tenue intellectuelle et par l’intensité la gouverne du directeur du Collège, Jean-
du nationalisme qui y règne (CHOQUETTE, Charles Prince, une réunion de plusieurs curés
1911 : 126-127 ; 155-156, 202 ; ANONYME, de la vallée du Richelieu visant à répliquer au
1899 : 4). mandement du 24 octobre de Mgr Lartigue.
À preuve, l’affaire Odelin qui éclate au Au début de décembre, les troupes du colonel
Collège de Saint-Hyacinthe en 1833. Cette Gore logent au collège tandis que les docteurs
polémique démontre notamment l’influence Boutillier et de LaBruère s’y trouvent cachés
qu’exerce, dans les collèges du Bas-Canada, le et que Prince en aide plusieurs à fuir aux
libéralisme catholique de Félicité de Lamen- États-Unis. La direction du Séminaire est donc
nais, théologien français préoccupé par les contrainte de publier, en mai 1838, un
réalités sociales contemporaines et par le mémoire réitérant la loyauté de ses dirigeants
piètre état moral de la classe ouvrière (BER- et de procéder à certaines purges dans son
NARD, 1971 : 9, 19). Au printemps de 1833, personnel (CHOQUETTE, 1911 : 163, 199,
l a confédér ation des six-comtés 197
Eusèbe Cartier est le beau-frère du député d’arrêt ayant été lancé contre lui le 6 décembre
Boutillier et se retrouve aussi promptement 1837, il se réfugie aux États-Unis d’où il revint
au comité permanent d’avril 1834. Le même après l’amnistie de juin 1838. Joseph Bisto-
jour, il signe une invitation à Saint-Hyacinthe, deau (1768-1856) fait clairement partie de
puis de nouveau le 24 mai 1837 pour une cette élite maskoutaine, unanimement rangée
assemblée le 1er juin où il est nommé délégué derrière Papineau. Riche marchand de Saint-
à la « Convention générale ». On retrouve son Hyacinthe, propriétaire de vastes domaines,
nom le 12 octobre suivant sur une invitation syndic du village, juge de paix et fondateur de
pour l’assemblée de Saint-Charles. Selon la Saint-Pie — où il a d’ailleurs fait don du
déposition de Joseph Palardie, Cartier parti- terrain permettant de construire l’église —,
cipe à la bataille de Saint-Charles. Réfugié aux c’est un notable de tout premier rang. Bisto-
États-Unis vers la fin de novembre, il y est deau est en même temps membre du « Comité
encore en mars suivant puisque Amédée permanent » d’avril 1834 et président de
Papineau écrit que « Mesdames Boutillier et l’assemblée du 11 juillet 1835. Le 27 juillet
Cartier sont arrivées à Highgate [Vermont] 1837, il est destitué de sa charge de juge de
pour rejoindre leurs époux ». Les Boutillier et paix. Il est même présent le 3 novembre 1838
Cartier sont de retour à Saint-Hyacinthe à quand Malhiot réunit des hommes chez
l’été de 1838. Entre-temps, le 7 mars 1838, Henry Laparre pour fomenter la prise de
Cartier a été démis de sa charge de greffier au Sorel.
tribunal des petites causes. Avec Boutillier, il L’engagement de députés et de gentils-
est enfin brièvement incarcéré en novembre hommes comme Boutillier, Blanchard et
1838 (ANQ P224 : 1543, 1557 ; VIN 15-04- Bistodeau témoigne de l’engagement tangible
1834, 19-10-1837, 26-05-1837 ; MIN 29-06- d’une certaine élite de haut-vol dans Saint-
1837 ; CAN 21-12-1838, 11-04-1834). Hyacinthe. Seigneurs, députés, riches mar-
Quant à l’autre député, Louis Raynaud dit chands et grands propriétaires, autant de
Blanchard, il est élu député de Saint- groupes qu’on retrouvera ailleurs parmi les
Hyacinthe dès 1830, puis facilement réélu en modérés, sinon carrément dans le camp loyal.
1834. Actif dans Saint-Hyacinthe, on le C’est que plus qu’ailleurs les liens familiaux et
retrouve aussi à Montréal et dans Richelieu, à le clientélisme jouent dans Saint-Hyacinthe un
l’assemblée des Six-Comtés. Un mandat rôle important dans les allégeances politiques.
Ce sont bien les affiliations familiales qui
Eusèbe Cartier (1795-1862) Né à Saint-Hyacinthe, de
expliquent, par exemple, l’engagement de
Joseph Cartier et de Marie-Anne Cuvillier. Il étudie au Petit
Séminaire de Montréal de 1807 à 1810. Pendant la guerre
de 1812, il sert comme enseigne dans la milice de la division Louis Raynaud dit Blanchard (1789-1868) Né à L’Assomp-
de Saint-Denis, puis comme aide-major dans celle de Saint- tion, de Jean-Baptiste Blanchard, cultivateur, et de
Hyacinthe. Il épouse alors Angélique Boutillier, fille de Magdeleine Payette. Cultivateur à Saint-Hyacinthe. Nommé
William Boutillier et sœur de Thomas Boutillier. Il est ensuite commissaire au tribunal des petites causes en 1844, il refuse
marchand à Saint-Hyacinthe. Là, il est lié à la reconnaissance de prêter le serment requis. Il est ensuite au nombre
légale de la Compagnie du chemin à lisses du Saint-Laurent des commissaires chargés de l’érection civile des paroisses
et de l’Atlantique, juge de paix, lieutenant-colonel dans la du diocèse de Saint-Hyacinthe établi en 1852. Il accède
milice, puis préfet de comté. Maire du conseil du comté en au grade de lieutenant-colonel dans la milice en avril
1851. Cartier est nommé conseiller législatif le 8 février 1856. Époux d’Angélique Poulin, fille du cultivateur Étienne
1855. Poulin.
l a confédér ation des six-comtés 201
Donald George Morrison. Neveu de Jean Avec les députés Boutillier et Raynaud dit
Dessaulles et notaire de Saint-Hyacinthe, Blanchard, Philippe-Napoléon Pacaud est
Morrison est d’ailleurs intimement mêlé aux certainement un maillon essentiel de l’orga-
affaires de la seigneurie dont il est l’agent. On nisation patriote à Saint-Hyacinthe et entre-
le retrouve donc tout naturellement, dans le tient aussi des liens étroits avec la direction
sillage du clan Dessaulles-Papineau, à la du parti à Montréal. C’est un des Maskou-
plupart des assemblées patriotes, surtout à tains qui fréquentent la librairie d’Édouard-
titre de secrétaire. Il siège aussi à l’« Union Raymond Fabre où se tiennent des réunions
patriotique » de 1834, au « Comité de comté » du CCPM à compter de mai 1837. Le 24 mai
de 1835 et au « Comité de correspondance » 1837, Pacaud signe l’invitation pour l’assem-
de 1837. Morrison prononce même un blée du 1er juin où il est nommé au « Comité
discours à l’assemblée du 23 juin 1837, dont de comté » et, le 23 juin, au Comité de cor-
nous n’avons toutefois pas la teneur. Malgré respondance. À l’automne, Pacaud est nommé
son statut social et ses inclinations modérées, capitaine d’une section des Fils de la liberté
Morrison sera quand même arrêté à deux pour Saint-Hyacinthe avec la bénédiction du
reprises, sans motif sérieux. Il est d’abord jeune George-Henri-Édouard Thérien de
appréhendé à Saint-Hyacinthe le 2 décembre Saint-Hyacinthe, alors membre des Fils de la
1838, puis libéré moins de deux semaines plus liberté de Montréal. On retrouve Pacaud peu
tard. Le 28 novembre 1838, sur la foi d’une après à Saint-Denis, proposant l’émission des
déposition d’Onésime Messier, il comparait billets de banque pour financer la rébellion.
devant le juge de paix afin de justifier sa Demeuré ensuite sur place, il participe aux
présence à certaines réunions. Fauteux ne s’y batailles de Saint-Denis et de Saint-Charles,
trompe pas : ce sont tout autant ses affiliations puis tente de gagner la frontière avec trois de
économiques et familiales que ses convictions ses frères et Pierre Boucher de la Bruère. La
personnelles qui expliquent l’engagement retraite lui étant coupée, il se cache en divers
politique de même que les arrestations endroits à Saint-Hyacinthe, notamment au
abusives d’un Morrison. Voilà sans doute ce séminaire où il se déguise en ecclésiastique. Le
qui arrive quand, dans un comté, l’élite sei-
gneuriale, commerciale et une partie du clergé Philippe-Napoléon Pacaud (1812-1884) Né à Québec, de
Joseph Pacaud et d’Angélique Braün. Il est le deuxième par
décident de s’affilier aux patriotes : elle y rang d’âge de sept frères dont six prirent une part active
entraîne une clientèle qui, ailleurs, a plutôt dans les rébellions de 1837-1838. Il fait ses études au
Séminaire de Nicolet, puis est admis notaire par commission
tendance à se rallier du côté de la loi et de le 23 juin 1833. Ce n’est que l’année suivante qu’il s’établit
l’ordre (ANQ P224 : 1538, 2069 ; MIN 29-06- à Saint-Hyacinthe où il se fait aussi connaître comme
1837 ; FAUTEUX, 1950 : 329). marchand. Il se marie une première fois à Saint-Hyacinthe
en 1834 à Julie-Aurélie, fille du colonel René Boucher de la
Bruère et de Julie Weilbrenner. Devenu veuf en 1847, il
épouse Clarisse Duval, de Trois-Rivières. Vers la fin de l’année
1841, il part exercer son métier à Saint-Norbert-d’Artha-
Donald-George Morrison (1805-1875) Né à William-Henry baska. Il y devient juge de paix, capitaine de milice, maître
(Sorel), d’Alan Morrison et de Jessy Waden. Il est admis de poste et greffier à la cour d’Athabaska. En 1866, toujours
notaire le 11 octobre 1831, puis pratique à Saint-Hyacinthe animé par des idées libérales, Pacaud mène un procès contre
de 1831 à 1874 et agit durant la même période comme Pierre Roy, le curé de la paroisse Saint-Norbert, qu’il accuse
agent de la seigneurie. En 1833, il épouse Marie-Angélique d’avoir détourné des sommes destinées aux écoles de la
Rosalie, fille de Denis-Benjamin Papineau. région (Fauteux, 1950 : 340-42).
202 pat r iotes et loyaux
28 juin 1838, Pacaud peut enfin sortir de sa blement lié à Marcel Sené, de Saint-Césaire,
cachette avec la proclamation d’amnistie. Il est arrêté en même temps que lui en 1838 (MIN
cependant appréhendé le 2 décembre suivant 08-06-1837, 19-06-1837). Dans la même caté-
pour avoir apparemment assisté à l’assemblée gorie, on retrouve encore Laurent Bédard qui
convoquée par Édouard-Élisée Malhiot le 3 prononce un discours à l’assemblée du 5 avril
novembre. Emprisonné à la prison du Pied- 1834, membre du « Comité de correspon-
du-Courant, Pacaud recouvre sa liberté le dance » du 1er juin 1837 et délégué en vue de
22 janvier 1839 sans avoir subi de procès la « Convention générale » de Saint-Charles.
(ANQ P224 : 1543 ; FAUTEUX, 1950 : 341 ; « Chasseur » le 2 novembre 1838, Bédard est
VIN 26-05-1837 ; MIN 08-06-1837, 19-06- informé par Mailhiot que l’attaque générale
1837 ; DAVID, 1884 : 122 ; TOUSIGNANT, doit bientôt être lancée. Enfin, Michel Pla-
1987 ; DAVID, 2000 : 126). mondon est aussi membre des principaux
Parmi les leaders moins importants, Pascal comités et délégué à la « Convention géné-
Gendron est tout de même président d’élec- rale ». Il participe à la bataille de Saint-Charles
tion à l’assemblée du 11 juillet 1835, membre et est reconnu membre de l’organisation
du « Comité de correspondance » le 1er juin « chasseur » par quelques dépositions.
1837 et du « Comité de comté » du 23 juin L’agitation qui précède les troubles ne se
pour la paroisse de Saint-Hugues. De même, limite pas au séminaire ou à des comités de
Vital Lefebvre qu’on retrouve aux mêmes correspondance. Même si les quelque loyaux
comités pour la paroisse de Saint-Pie, ainsi du comté sont vite circonscrits, des charivaris
qu’à une assemblée à l’Acadie le 8 octobre politiques ont lieu dans Saint-Hyacinthe, dont
(VIN 04-08-1835 ; MIN 08-06-1837, 19-06- un célèbre infligé à nul autre que sir John Col-
1837, 16-10-1837). Amable Archambault est borne, général en chef des troupes britan-
marchand et lieutenant-colonel du 1er batail- niques au Canada. Le 13 septembre 1837, en
lon de milice de Saint-Hyacinthe. Membre du effet, le général Colborne fait halte à Saint-
comité permanent, il signe quelques invita- Hyacinthe lors d’une tournée d’inspection.
tions, préside l’assemblée du 11 juillet 1835 et Par le plus pur des hasards, s’y trouve aussi
participe à la bataille de Saint-Charles (VIN Louis-Joseph Papineau qui y conduit ses fils
4-08-1835). Archambault participe probable- Lactance et Gustave au collège pour le début
ment au Conseil paroissial puisque c’est un des classes. L’arrivée du tribun est attendue et
proche du curé Édouard Crevier, lui-même des festivités sont déjà prévues. Profitant de
soupçonné de sympathies patriotes. Joseph l’effervescence, certains détournent la foule
Sené apparaît comme un leader plus marginal. vers l’auberge où séjourne Colborne. Une
Modeste cultivateur à Saint-Damase, où il est quarantaine de manifestants sont menés par
tout de même capitaine de milice, on le Thomas Boutillier, Eusèbe Cartier, Ambroise
retrouve au « Comité de comté » et au Brunelle, François Papineau et Arthur
« Comité de correspondance ». Il est proba- Delphos. Ensemble, ils encerclent d’abord
l’auberge où loge la suite du général en
scandant des insultes comme « À bas
Joseph Sené Né à Saint-Damase, de Nicolas Chené et
Charlotte Tétreau. En 1813, il épouse à Montréal Marie- Colborne ; c’est un traître au pays ! À bas les
Scholastique Godereau. Anglais ! Hourra pour Papineau ! À bas les
l a confédér ation des six-comtés 203
soldats ! » ou « Vive Papineau ! À bas Colborne Duvernay et, le 29 mai 1837, les résolutions
et Gosford ! » Embarrassé, Louis-Joseph Russell, en plus de se livrer à la contrebande
Papineau demande à ce qu’on cesse le cha- avec les États-Unis et de participer aux chari-
rivari et convoque les manifestants chez dame varis dans Saint-Hyacinthe. Il est arrêté une
Rosalie Papineau-Dessaulles où il loge. Le première fois et conduit à Montréal le 8 dé-
lendemain, Boutillier, Cartier, Pierre Boucher cembre 1837 pour avoir « conseillé et engagé
de La Bruère et une trentaine de sympathi- la population de Saint-Césaire contre les
sants plantent en l’honneur de Papineau un droits de notre souveraine […] ». Libéré dès le
mai surmonté d’un bonnet de la liberté 19 février 1838, le futur premier maire de
devant l’église de Saint-Hyacinthe. L’événe- Farnham s’engage aussitôt dans le second
ment symbolise clairement que, à l’encontre soulèvement (BERTHIAUME, 1989 : 11).
du général, c’est l’orateur qui, aux yeux du L’émission des mandats d’arrêt contre les
peuple, représente l’autorité légitime (POP leaders patriotes et la fuite de la plupart
13-09-1837 ; MIN 14-09-1837 ; SENIOR, d’entre eux inaugurent une nouvelle phase
1997 : 49 ; CHABOT, 1975 : 212-213). propre au comté de Saint-Hyacinthe. La fron-
Au moins trois autres charivaris politiques tière immédiatement au sud de Montréal
ont lieu dans Saint-Hyacinthe, le 5 novembre, étant étroitement surveillée, c’est par l’est, en
contre le juge de paix Jean-Baptiste Casavant, passant par Saint-Hyacinthe, que bon nombre
le lendemain, contre le lieutenant Benjamin de fugitifs tentent d’échapper aux autorités
Goulet et un autre contre l’officier de milice pour se rendre aux États-Unis. Pour Filteau,
Emmanuel Couillard-Després. Le charivari « le rôle des habitants de Saint-Hyacinthe
mené contre le marchand William Chaffers, le devait surtout être de fournir des moyens
22 novembre, s’apparente lui davantage à un d’évasion aux fugitifs » (1942 : 50).
pillage. À chacune de ces manifestations, on Membre du Comité permanent de Saint-
retrouve sensiblement les mêmes individus, en Hyacinthe, Jean-Baptiste Bousquet dit
particulier Ambroise Brunelle, François Raynaud est de ces Maskoutains qui accueil-
Papineau et le jeune Louis Bourdon. Né en
1804, Ambroise Brunelle est reçu notaire en Louis Bourdon (1817-1863) Né à Montréal, de Louis Bour-
1827 et pratique à Saint-Césaire. Il est don père et de Marie-Anne Borman. Marchand et cultivateur
de Saint-Césaire. Le 2 août 1836, il épouse Césarie
membre du comité permanent et vice- Papineau, fille de François Papineau, notaire de Saint-
président le 12 novembre 1837 à l’assemblée Hyacinthe. Bourdon bénéficie d’une instruction de qualité et
de Saint-Césaire, la seule tenue hors de Saint- parle couramment l’anglais (BERTHIAUME, 1989 : 3-5). Exilé
un temps aux États-Unis, il reprend son métier de marchand
Hyacinthe. François Papineau (1776-1840) est à son retour et s’engage activement dans sa communauté.
membre du Comité permanent et délégué à la Il devient capitaine de milice, juge de paix et commissaire
d’école. En 1855, il est élu premier maire de Farnham et le
« Convention générale ». Brunelle et François demeure jusqu’à son décès (BERTHIAUME, 1989 : 74 à 146).
Papineau tentent de fuir ensemble aux États-
Unis et sont arrêtés en cours de route, le 15 Jean-Baptiste Bousquet dit Raynaud (1789-1846) Né à
décembre. Quant au jeune Louis Bourdon, il Saint-Césaire. Il est meunier et célibataire. Il est arrêté une
est actif surtout dans Chambly où il parti- seconde fois le 27 novembre 1838. Son procès en cour
martiale a lieu le 28 février 1839. Il est alors condamné à
cipe 25 septembre 1836 à une assemblée pour mort, puis sa peine est commuée en déportation en Aus-
dénoncer l’emprisonnement de Ludger tralie. Gracié en 1844, il revient au Canada en janvier 1845.
204 pat r iotes et loyaux
lent chez eux des patriotes en fuite après le avoir quitté Saint-Denis au matin de la fati-
désastre de Saint-Charles. Siméon Marches- dique bataille. Il y retrouve la propre fille du
seault écrira plus tard : « L’honnête homme docteur Wolfred Nelson, arrivée le 20. Papi-
chez qui l’on s’arrête est Jean-Baptiste Bous- neau et O’Callaghan y demeurent moins
quet, maintenant dans le cachot avec moi .» d’une semaine, le temps de préparer leur fuite
Bousquet offre aussi refuge à Wolfred Nelson, vers les États-Unis (SOCIÉTÉ, 1998 : 77 ;
Thomas Storrow Brown, François Jalbert, DION, 1984 : 292 ; FILTEAU, 1975 : 345-348).
Timothée Kimber puis à J.-B. Sénécal, J.-B. C’est ensuite le tour de son frère André-
Laroque et Bonaventure Viger. Dénoncé par Augustin. Peu mêlé à la mobilisation avant
Jean-Baptiste Archambault, il est arrêté le 1837, frère du tribun et notaire à Saint-
16 décembre 1837 et emprisonné à Montréal Hyacinthe, André-Augustin Papineau se
le lendemain pour avoir caché des hommes révèle un foudre de guerre puisqu’il participe
recherchés et s’être rallié au camp de la pointe aux combats de Saint-Denis et de Saint-
Olivier du 25 au 27 novembre (ANQ P224 : Charles en plus de prêter le serment de « Frère
1485, 1481). chasseur » en 1838. Il séjourne donc chez sa
Rosalie Papineau, veuve du seigneur Jean sœur, puis chez Thomas Boutillier avant d’être
Dessaulles, joue aussi un certain rôle dans la arrêté une première fois près de Kingsey le 24
fuite de bon nombre de patriotes. Son manoir janvier 1838, puis de nouveau le 2 décembre
servira en fait de relais, autant pour les insur- suivant. Vient ensuite le tour de son neveu
gés en fuite vers les États-Unis que pour les Louis-Joseph-Amédée, dont la seigneuresse
régiments anglais qui fouillent d’ailleurs le organise la fuite de concert avec Jean-Charles
domaine à plusieurs reprises. Les réfugiés qui Prince, directeur du séminaire où Amédée a
y transitent sont d’abord des membres de sa étudié. Selon la déposition de son domestique,
famille. Son célèbre frère, Louis-Joseph Joseph Sicard, dame Dessaulles aurait aussi
Papineau, accompagné d’Edmund Bailey fait parvenir « deux poches pleines de pains »
O’Callaghan, arrive le 23 novembre après aux insurgés de Saint-Charles. Cédant bientôt
à la pression, la seigneuresse quitte peu après
Marie-Rosalie Papineau-Dessaulles (1788-1857) Née à son manoir pour se réfugier chez son frère
Montréal, de Joseph Papineau et Marie-Rosalie Cherrier. En Toussaint-Victor Papineau. À son décès en
février 1816, après un court « exil » dans la seigneurie de la
Petite-Nation, elle épouse un veuf de vingt-deux ans son 1857, la seigneurie est cédée à son fils Louis-
aîné, Jean Dessaulles, et le couple s’installe au manoir de Antoine (FAUTEUX, 1950 : 343 ; MESSIER,
Saint-Hyacinthe. De ce mariage naissent trois enfants : Louis-
Antoine (1818), Rosalie-Eugénie (1824) et Georges-Casimir 2002 : 368 ; PARIZEAU, 1976 : 63-64, 73 ;
(1827). Souvent laissée seule puisque son mari est député, CHOQUETTE, 1930 : 143).
elle prend une part active à la gestion de la seigneurie et En 1837, le jeune seigneur n’a que 19 ans.
participe à l’essor de Saint-Hyacinthe (Dion, 1984 : 292). À
la mort de son époux en 1835, elle hérite de la moitié de la Après un séjour au Séminaire de Saint-
seigneurie. Tout au long de sa vie, la seigneuresse se dis-
tingue par son esprit de charité et sa noblesse d’âme, ce qui
lui vaut le surnom de « Providence des pauvres ». À ce titre, André-Augustin Papineau (1790-1876) Né à Montréal,
elle transforme son manoir de Saint-Hyacinthe en dispensaire de Joseph Papineau et de Rosalie Cherrier, il épouse, en
et accueille les pauvres, les déshérités et les cholériques. Elle 1826, Sophie Lebrodeur. Notaire et syndic des affaires du
est également la fondatrice et première présidente du comité village de Saint-Hyacinthe en 1824. Après les troubles, il
des Dames de la charité (Choquette, 1930 : 85-86 ; Dion, demeure à Saint-Hyacinthe jusqu’en 1854, puis se retire sur
1984 : 293). le domaine familial de la Petite-Nation.
l a confédér ation des six-comtés 205
Hyacinthe, Louis-Antoine Dessaulles habite Dessaulles se rend aux États-Unis avec sa mère
chez son oncle Louis-Joseph Papineau à où il retrouve son cousin Amédée, bientôt
Montréal où il étudie le droit « à l’école rejoint par Louis-Joseph Papineau. Impé-
intime, tous les jours, d’hommes comme tueux, il s’engage parmi les « Frères chas-
D.B. Viger, C.S. Cherrier, Joseph Papineau et seurs », mais ne participe qu’à quelques
L.J. Papineau ». Déjà, c’est un habitué de la réunions avant de partir pour l’Europe
librairie Fabre et des réunions du CCPM. Une (LAMONDE, 1994 : 27, 30).
fois connues les résolutions Russell en avril Affairés à couvrir la fuite de leurs leaders,
1837, Louis-Antoine accompagne son oncle les patriotes de Saint-Hyacinthe participent
aux assemblées populaires organisées d’un aussi aux opérations militaires. Selon la
bout à l’autre du district de Montréal. Il est déposition d’Alexis-Arthur Delphos, une
d’ailleurs chez Papineau le 6 novembre quand soixantaine d’hommes armés sous la direction
les émeutiers affiliés au Doric Club y tiennent du docteur Boutillier auraient demandé le 23
une sorte de charivari. Quand Papineau novembre 1837 l’absolution au curé Édouard
décide de quitter Montréal, Louis-Antoine Crevier avant de se rendre dans le Richelieu.
l’accompagne jusqu’à Pointe-aux-Trembles et, Une quarantaine de Maskoutains se retrou-
le lendemain, conduit sa femme Julie chez les vent de fait à la bataille de Saint-Denis. Deux
Viger. Le 23 novembre, il est à Saint-Denis et jours plus tard, Boutillier et Blanchard com-
assiste à l’échange entre le docteur Nelson, mandent deux régiments du comté chargés de
O’Callaghan et Louis-Joseph Papineau à voler au secours de Saint-Charles (SENIOR,
propos de l’opportunité pour le chef patriote 1985 : 82 ; CHOQUETTE, 1930 : 145 ;
de demeurer ou de fuir. Il conduit donc Papi- SOCIÉTÉ D’HISTOIRE, 1996 : 78).
neau et O’Callaghan chez sa mère à Saint- Le plus connu de ces combattants de 1837
Hyacinthe, d’où il organise leur fuite vers les est certainement Toussaint-Hubert Goddu.
États-Unis au grand dam de sa mère qui craint Son rôle est d’abord marginal dans le mou-
« toujours qu’il ne s’expose et qu’on ne l’en- vement patriote où il ne se manifeste qu’au
cage comme tant d’autres ». En juin 1838, printemps de 1837. Il joint promptement le
Comité de correspondance et le Comité de
Louis-Antoine Dessaulles (1818-1895) Né à Saint-
Hyacinthe, de Jean Dessaulles et de Rosalie Papineau. À six Toussaint-Hubert Goddu (1793-1879) Né à Saint-Denis,
ans, il entre au Collège de Saint-Hyacinthe et y étudie durant de Joseph Goddu et de Marie Charron. Il se marie une
cinq ans, puis à Montréal chez les Sulpiciens. Il y subit première fois à Marie-Joseph Bisaillon, de Sainte-Marie-de-
l’influence de L. .J. Papineau chez qui il demeure et prend Monnoir, puis, le 14 août 1833, à Sophie Morrisseau, fille
contact avec les idées libérales et nationalistes. En 1832, une de Jean-Baptiste Morrisseau. En 1812, il s’enrôle dans les
épidémie de choléra incite ses parents à le ramener au Volontaires de Québec, commandés par le major Joseph
Séminaire. C’est durant ce deuxième séjour qu’il est initié aux Bouchette. Il est ensuite muté au 3 e bataillon de milice
idées de l’abbé Félicité de Lamennais par l’entremise de ses incorporée. Déjà enseigne, il est promu capitaine le 25 mars
professeurs Raymond et Désaulniers (Lamonde, 1994 : 23). 1813, et major le 7 février 1815. Goddu fait, dès lors, cam-
Entre 1838 et 1847, Dessaulles effectue trois voyages en pagne sous les ordres du colonel de Salaberry et acquiert
Europe et deux aux États-Unis. Il participe notamment à la une certaine gloire à Lacolle et à Châteauguay. Après la
fondation du journal L’Avenir en juillet 1847 où il donne libre guerre, il s’établit à Sainte-Marie-de-Monnoir jusqu’en 1835
cours à ses idées libérales, combattant en particulier pour le quand il reçoit en récompense de ses services, une médaille
rappel de l’Union de 1840. Dessaulles se replie sur Saint- militaire et cent acres de terrain dans le township de
Hyacinthe à compter de 1850. Il y épouse sa cousine Cathe- Weedon. Après une vaine tentative pour s’y établir, il choisit
rine Zéphirine Thompson et devient maire et entrepreneur. de s’installer à Saint-Césaire.
206 pat r iotes et loyaux
la nuit du 3 au 4 novembre 1838, Bourdon fin du xviie siècle, compte 11 419 habitants en
commande une centaine d’hommes à qui il a 1831 et a une vocation essentiellement agri-
distribué des armes en vue de prendre le fort cole. Encore largement couvert de marécages
Chambly. Ils se dirigent ensuite vers la pointe et de forêts, L’Acadie apparaît assez peu défri-
Olivier dans le but d’y prendre livraison d’ar- ché en regard des standards bas-canadiens. La
mes et d’y attendre un signal pour attaquer le région présente d’ailleurs un développement
fort. Le signal ne vient jamais et ils rebrous- très inégal d’une seigneurie à l’autre et les
sent chemin. Emprisonné de nouveau le 28 écarts de richesse y sont notables. Les sei-
novembre 1838, il subit son procès du 22 au gneurs de l’endroit semblent d’une avidité peu
28 février 1839. Il est condamné à mort, mais commune et font peser de lourdes charges
sa sentence est commuée en déportation en sur leurs censitaires. L’endettement des habi-
Australie. À Longbottom, Bourdon est tants semble donc être un phénomène
nommé secrétaire du camp des prisonniers chronique dans L’Acadie. La question seigneu-
bas-canadiens parce qu’il parle l’anglais. Louis riale y est d’ailleurs un enjeu politique impor-
Bourdon est le seul des 58 exilés à risquer et à tant et « il est certain que les rapports entre les
réussir son évasion de la colonie pénitentiaire. habitants et les seigneurs se détériorent dans
Le 10 septembre 1842, il s’embarque à bord L’Acadie après 1835 » (GENDRON, 1986 : 77).
d’un baleinier français, arrive à New York le Pas moins de sept pétitions critiquant la
3 juillet 1843 et s’installe au Vermont en atten- gestion seigneuriale sont adressées à l’Assem-
dant l’amnistie de 1845. blée législative par les censitaires de l’Acadie
Les leaders Bourque, Raynaud et Bourdon, entre 1831 et 1836 (GENDRON, 1986 : 63, 64,
étaient tous déjà impliqués dans la mobi-
lisation dès 1834 et avaient participé au soulè-
vement de 1837. Cette constance est sans
doute due au fait que la répression n’avait pas
été sévère en 1837 et que toute résistance
n’avait pas été annihilée dans Saint-Hyacinthe.
Si bien que le comté est de nouveau prêt, en
1838, à fournir les mêmes effectifs, allant,
encore là, mener le conflit dans les comtés
voisins.
L’Acadie
Officiellement constitué lors de la refonte
électorale du 5 octobre 1829, le comté de
L’Acadie occupe une vaste plaine d’une tren-
taine de kilomètres de large, le long de la rive
occidentale du Richelieu. L’ensemble est
découpé en six seigneuries, et un lot en franc
et commun soccage, entre Babyville et Sher-
rington. La région est colonisée surtout à la
208 pat r iotes et loyaux
79, 121, 124, 130 ; GRENON, 1986 : 63, 64 ; de 1838, tandis que les volontaires seront bien
GREER, 1997 : 43, 243 ; COURVILLE, 1988 : postés pour couper les lignes de communi-
51). cations des Frères chasseurs et pour intercep-
Les habitants d’origine française représen- ter les fugitifs.
tent 72 pour cent de la population, mais la
minorité anglophone n’est pas négligeable. Le mouvement loyal
Elle est composée pour l’essentiel des fils et Le mouvement loyal dans l’Acadie se retrouve
des filles de Loyalistes arrivés par le sud après autour du bastion d’Odelltown, près de la
1783. Au nord du comté, la seigneurie de De frontière, et à Napierville, où vivent quelques
Léry est la plus peuplée avec 5437 habitants marchands anglophones. C’est le 11 mai 1834,
en 1831, essentiellement des franco-catho- soit avec un léger retard sur les autres comtés,
liques. Au sud, la seigneurie de Lacolle (2150 que se tient à Napierville une assemblée pour
hab.) est en revanche peuplée à 63 pour cent dénoncer les 92 Résolutions. Présidée par le
d’anglophones. Toutes deux sont la propriété major Isaac Wilsey, l’assemblée remercie aussi
de William Plenderleath Christie, qui possède les députés Robert Hoyle et François Langue-
aussi des seigneuries dans Rouville. Découpées doc (d’ailleurs présent) de s’être objectés aux
à même le township de Sherrington (1809), les 92 Résolutions en janvier. On y dénonce
quatre petites seigneuries du versant ouest l’assemblée patriote du 7 mai et le principe
sont nées en 1820 d’un compromis juridique. électif appliqué au Conseil législatif. Selon les
En 1837, Saint-Georges est la propriété de loyaux de Napierville, le conseil actuel est le
François Languedoc, député du comté de 1831 seul en mesure de les protéger contre « any
à 1834. Thwaite et Saint-James appartiennent possible tyranny of the Crown and against a
depuis 1825 à l’avocat montréalais et membre popular faction » et d’assurer un juste milieu
de l’Association constitutionnelle, John Bos- entre le despotisme et le populisme sédicieux.
ton. Enfin, la seigneurie de Saint-Normand est L’assemblée se termine dans le désordre quand
depuis 1835 propriété de Collin McCallum. des patriotes s’interposent et en prennent le
Les localités francophones sont situées plutôt contrôle (VIN 16-05-1834). Le 30 mai, une
au nord : L’Acadie (Sainte-Marguerite-de- assemblée se tient pour les mêmes motifs à
Blairfindie, 1784), Napierville (Saint-Cyprien, Odelltown (MGZ 03-06-1836). Dès 1834, les
1823), Saint-Rémi (1830), Saint-Valentin deux bastions loyaux de l’Acadie ont tenu
(1830) et Saint-Édouard (1833), tandis qu’on des assemblées, l’une organisée par des mar-
retrouve au sud des missions protestantes à chands de Napierville, l’autre par des fermiers
Odelltown et à Henrysburg. La mission descendants de Loyalistes. Languedoc est
méthodiste de Saint-Blaise est fondée à quand même battu à plate couture aux élec-
l’époque des troubles pour desservir une tions de l’automne 1834 et la population
population francophone. Selon Selar, la loyale assiste, interdite, à l’élection de deux
volonté de peupler la zone frontalière de patriotes radicaux pour l’Acadie.
Loyalistes conservateurs est délibérée dès la fin Le 30 mai 1836, les loyaux de Napierville
du xviiie siècle, afin de protéger l’accès au se réunissent pour élire leurs représentants au
Canada depuis les États-Unis. Cela allait avoir Select General Committee, qui doit se réunir
des conséquences certaines durant la rébellion à Montréal dès le mois de juin. Il s’agit
l a confédér ation des six-comtés 209
d’Edward March et de Daniel Stott (MS 07- rassemblement pro-patriote (RAPC, 1923 :
06-1836). Edward March joue certainement 311-313 ; AMI 22-07-1837 ; MIN 14-08-1837).
un rôle central chez les loyaux de l’Acadie et C’est en 1788 que Joseph Odell, loyaliste
sa présence est attestée lors de la seconde originaire de Poughkeepsie (New York),
bataille de Lacolle, ainsi qu’à Odelltown. s’établit au Bas-Canada et reçoit 1036 arpents
D’ailleurs, sur la plaque devant l’église de terres sur la troisième concession de la sei-
d’Odelltown, on peut encore lire : « This gun gneurie de Lacolle. Odell ouvre ainsi la
captured at the battle of Odelltown and marche aux autres Loyalistes qui s’installent à
presented by the governor to colonel Edward sa suite, de part et d’autre du Richelieu, avec
March was donated by his grand’children in la bénédiction du seigneur Gabriel Christie.
1924 to the Dominion of Canada. » En fait, le Lewis, Hiram et Loop Odell (1802-1859) sont
canon a été pris aux patriotes lors de la tous ses parents, établis dans la seigneurie de
seconde bataille de Lacolle, le 7 novembre. Lacolle. Ils joueront tous un rôle clé au sein
Le 17 juillet 1837, les loyaux de Napierville des régiments de volontaires chargés de répri-
comptaient tenir une assemblée à l’hôtel Odell mer le soulèvement « chasseur » en novembre
devant 250 personnes (POP 19-07-1837). Mal 1838. Lewis Odell est en particulier lieutenant-
leur en prit, les patriotes se réunissent le colonel en 1838.
même jour et éclipsent complètement le ras- George Keddy est signataire d’une invita-
semblement loyal avec des milliers de parti- tion le 17 juillet 1837 (AMI 22-07-1837).
cipants et la participation des Papineau et Originaire d’Angleterre, il obtient une terre
O’Callaghan. Ne voulant pas être en reste, les près d’Henrysburg en 1821. Il s’installe ensuite
loyaux organisent dès la semaine suivante une avec son fils Joseph Keddy dans la partie est
nouvelle assemblée à Napierville qui réunit du township d’Hemmingford (Beauharnois),
notamment des magistrats loyaux du comté. autour d’une clairière aménagée par l’ar-
Faute de mieux, l’essentiel de l’assemblée est mée durant la guerre de 1812, tout comme
consacré à dénoncer le rassemblement Edward Braithwaite, un autre colon anglais,
patriote du 17 et la présence de Papineau, arrive à Lacolle en 1824. Originaire de
comme ne représentant pas les justes senti- Bubwith (Yorkshire), Braithwaite acquiert une
ments des habitants du comté. Parmi les per- terre à Henrysburg. Il y fonde un magasin
sonnalités présentes, le seigneur François autour duquel se greffe bientôt une commu-
Languedoc, Frederick Singer, leader loyal de nauté de confession méthodiste (SELLAR,
Laprairie et des leaders locaux : Loop Odell, 1888 : 65).
George Keddy, Richard Harper et Joseph À Lacolle, la propriété de Richard Harper
Schriver. Le petit jeu se reproduit le 6 août est connue sous le nom de « Harper’s
1835, cette fois à Saint-Valentin. Les loyaux y Corners ». C’est là que s’installe une commu-
avaient invité la population à écouter leurs nauté originaire de Roxham en Angleterre. La
arguments et lancé un appel au calme. C’était construction de l’église sur la deuxième con-
sans compter avec les radicaux Lucien cession commence en 1823. Sellar mentionne
Gagnon, Joseph Hébert et Jean-Baptiste que c’est à la maison de Harper que 220
Bornais qui, comme en 1834, noyautent com- volontaires des milices de Havlock, Covey Hill,
plètement l’assemblée, la transformant en un Hemmingford et Sherrington se restaurent le
210 pat r iotes et loyaux
7 novembre 1838 avant d’aller affronter les cœur de la campagne de peur entreprise par
patriotes lors de la seconde bataille de Lacolle les radicaux. Éloigné de la vie publique pen-
à Bullis Farm (SELLAR, 1888 : 124). dant quelques années pour remettre de l’ordre
Dès le 2 octobre 1837, la tension semble dans sa seigneurie de Saint-Georges, Langue-
bien installée quand 123 personnes — dont doc renoue avec la politique en 1830.
une majorité de francophones — signent à Languedoc entretient d’abord le doute sur ses
Saint-Édouard une pétition d’appui à Fran- opinions politiques, mais le 17 février 1834 il
çois Languedoc et Joseph Brissette, magistrat prend officiellement position contre les 92
et commissaire des petites causes, notaire de Résolutions. Le 11 mai, à Napierville, il ferraille
Saint-Édouard et greffier de la cour des com- rudement afin d’empêche les patriotes de
missaires de la paroisse. C’est que, la semaine prendre le contrôle de l’assemblée. Il s’oppose
précédente, Languedoc avait osé condamner à à deux reprises à l’élection d’un président
l’amende Antoine Doré (de Saint-Jacques-le- d’assemblée pro-patriote et à la signature de la
Mineur) et Robert Robitaille (marchand, pétition favorable aux résolutions patriotes. Il
commissaire et maître de poste) pour mau- quitte finalement l’assemblée avec quelque 50
vaise conduite dans un lieu saint. En tant que supporteurs. On retrouve ensuite Languedoc
juge de paix, François Languedoc fait aussi en juillet 1837 à une assemblée à Napierville
arrêter Pierre-Rémi Narbonne le 7 novembre apparemment destinée à rapprocher les deux
1837, ce qui lui vaudra une haine tenace de la camps. Languedoc y prononce un discours sur
part du patriote de Saint-Rémi. Pour le reste, les « véritables intérêts du comté », décrivant
une pétition de « loyaux sujets de L’Acadie » L’Acadie comme un comté loyal qui n’aura
est acheminée au gouverneur le 9 décembre, aucun mal à en faire la preuve au moment
probablement motivée par la peur de la venu... (ANQ P224 : 3033 ; MIN 19-05-1834 ;
répression (POP 15-12-1837). POP 18-12-1837 ; DBC, 7 : 524).
En voilà un que même Lucien Gagnon
n’arrivera pas à intimider ! François Langue- Le mouvement patriote
doc demeurera tel un rempart loyal jusqu’au Avec près de 400 individus retracés comme
patriotes, la contribution de L’Acadie au mou-
vement insurrectionnel paraît exceptionnelle.
François Languedoc dit Borgia (1790-1840) Né à Québec,
de Jacques Languedoc, marchand, et d’Angélique Samson. Il faut cependant tenir compte du fait que
Élevé au milieu des marchands de la basse-ville de Québec, plusieurs affrontements s’y sont déroulés en
il s’initie rapidement au commerce. En 1813, Languedoc
épouse Anna Maria Phillips. En 1816, il est copropriétaire 1838, y attirant tout naturellement ceux qui
d’un vapeur reliant Québec et Pointe-Lévis, puis entre vivent à proximité des champs de bataille.
Québec et Montréal. Il est un des premiers promoteurs du Lors de la répression, les arrestations préven-
canal de Chambly et il participe à l’établissement de la
Banque de Québec en 1818. À partir de 1816, il fait son tives dans les campagnes des environs furent
entrée sur la scène politique : de 1816 à 1820, il est député aussi tout naturellement plus nombreuses
de la Basse-Ville de Québec et s’occupe principalement
d’acheminer les doléances des marchands. En 1824,
qu’ailleurs (BERNARD, 1983 : 296-299, 321-
Languedoc s’installe dans la seigneurie de Saint-Georges, 322). Il n’en demeure pas moins qu’avec ses
subdivision du township de Sherrington, qu’il a acquise en 14 assemblées publiques avant le recours aux
1817 et dont il devient seigneur le 21 juin 1823. D’abord
officier de milice à Québec, juge de paix en 1830, puis armes le comté de L’Acadie est le comté rural
magistrat habilité à faire prêter serment en 1837. le plus mobilisé de tout le Bas-Canada. À titre
l a confédér ation des six-comtés 211
de comparaison, c’est deux fois plus que dans dement. L’assemblée de Saint-Édouard, le
Deux-Montagnes. Ces assemblées sont aussi dimanche 15 mai, avait pour but de recueillir
bien réparties à l’échelle du comté. On se des appuis aux résolutions votées la semaine
réunit sept fois à Napierville, devant l’édifice précédente à Napierville. Des loyaux se trou-
du comté, quatre fois à L’Acadie, à l’hôtel vent dans l’assistance et l’assemblée doit se
Desforges ou chez le major Bertrand, deux fois déplacer chez Joseph Robert. Là, on recueille
au presbytère de Saint-Valentin et une fois 200 nouvelles signatures à la pétition. Une
chez Joseph Robert à Saint-Édouard. Pas telle fièvre est étonnante en 1834 et rappelle le
moins de neuf organisations y sont mises sur climat survolté qui règne dans le comté de
pied et une pléthore de charivaris politiques y Deux-Montagnes. Reste qu’elle s’explique en
sont commis. Il faut aussi reconnaître que le partie par la joute électorale qui doit opposer
comté fut particulièrement mobilisé en 1838 en novembre les candidats patriotes au député
et que Robert Nelson ait pu rassembler plu- sortant, François Languedoc (MIN 19-05-
sieurs milliers de combattants à Napierville au 1834). Le même jeu dangereux se répète à
début de novembre demeure en soi un fait Napierville le 2 juin, où les patriotes prennent
remarquable. La vaste majorité des leaders le contrôle d’une assemblée apparemment
politiques entre 1834 et 1837 se trouveront convoquée par des loyaux (VIN 10-06-1834).
mêlés à l’épisode militaire avec parfois des Les élections dans L’Acadie sont chaude-
conséquences tragiques. On est donc en face ment disputées et se soldent par la victoire
d’un comté étonnant, où le débat national des candidats patriotes C.-H.-O. Côté et
occupe bien sûr une place importante, mais Merritt Hotschkiss.
où les rivalités régionales jouent aussi un rôle À l’été de 1835, on crée pas moins de trois
crucial, notamment la question de la tenure comités de paroisse, sur le modèle de ceux qui
seigneuriale et de la cohabitation avec la sont créés à Montréal ou dans Verchères par
minorité anglo-protestante. exemple. Appelés « Union patriotique » ou
Une première assemblée d’appui aux 92 « Association de réforme », ils sont créés coup
Résolutions a lieu à L’Acadie le 30 avril en pré- sur coup à Napierville, le 21 juin, à Saint-
sence de 750 francs-tenanciers de la paroisse. Valentin, le 10 juillet et à L’Acadie le 19 juillet
L’assemblée est suivie d’un banquet où une (CAN 6-7-1835 ; MIN 27-7-1835). Les élus
pétition d’appui de 500 noms aurait été signée sont, à Napierville, C.-H.-O. Côté, Théophile
(VIN 02-05-1834). Le 7 mai 1834, une assem- Decoigne, Antoine Merizzi et Joseph Grégoire.
blée rassemble environ 300 personnes à À Saint-Valentin, ce sont Lucien Gagnon,
Napierville. On y crée un « comité de surveil- Joseph Hébert, Jean-Baptiste Bornais et à
lance et de correspondance » où siègent pas nouveau Côté. Dans L’Acadie, ce sont enfin
moins de 58 personnes, dont Lucien Gagnon, François Bourassa, Jacob Bouchard, Louis
Pierre-Rémi Narbonne, Jean-Baptiste Lukin, Decoigne, Pierre Roy et Ambroise Sénécal.
Jacques Robert et François Bourassa. Encore Alors que le reste du Bas-Canada est calme,
là, l’assemblée est suivie d’un banquet à l’hôtel l’été 1836 demeure chaud dans L’Acadie. Une
de M. Rodrigue (MIN 12-05-1834). grande assemblée a lieu à Napierville le 4 juil-
Dans un comté où sont actifs à la fois les let et porte sur un seul point : les griefs des
loyaux et les patriotes, la tension monte rapi- censitaires envers la tenure seigneuriale et son
212 pat r iotes et loyaux
application outrancière par des seigneurs du des magistrats patriotes, tout en célébrant les
comté. Les députés La Fontaine et Morin sont démissionnaires et apostrophant ceux qui ne
mandatés afin de présenter une nouvelle se sont pas encore exécutés. D’ailleurs, dès le
pétition devant la Chambre (VIN 1-7-1836 ; lendemain, en vertu d’une « réorganisation
19-7-1836). locale de la milice », C.-H.-O. Côté entreprend
La grande assemblée anticoercitive de une série de charivaris, bousculant le rapport
Napierville, le 17 juillet 1837, est la plus de force dans le comté, l’un des plus atteints
importante manifestation patriote à avoir eu par cette forme de contestation populaire.
lieu dans L’Acadie. Quatre mille personnes y L’assemblée se prononce enfin sur deux enjeux
auraient assisté selon La Minerve. En d’autres chers à Côté : la réforme en profondeur de la
mots, le tiers de la population du comté ! tenure seigneuriale et l’ingérence du clergé
Papineau, O’Callaghan et T.S. Brown sont dans les affaires temporelles (MIN 21-09-
notamment présents aux côtés des Gagnon, 1837).
Hotchkiss et Côté. On y renouvelle les effectifs L’assemblée de L’Acadie du 15 octobre est
du « Comité de vigilance et de correspon- convoquée d’urgence par C.-H.-O. Côté
dance » qui connaît peu de changements. On puisque le comté vient de joindre la Confédé-
nomme aussi les trois représentants de ration des comtés du Richelieu et, à ce titre,
L’Acadie en vue de la « Convention générale » doit désigner dix autres représentants à la con-
de Saint-Charles : Jean-Baptiste Dozois, vention de Saint-Charles qui se tient dès la
Antoine Merizzi et Wislow Williams. Une semaine suivante. Ce sont pour la plupart des
réception est ensuite organisée en l’honneur habitants de Sainte-Marguerite-de-Blairfindie.
de Papineau à l’hôtel Lewis (MIN 20-07-1837 ; Une pétition est aussi lancée et adressée « aux
GENDRON, 1986 : 156 ; GREER, 1997 : 254- électeurs des cinq comtés » (MIN 26-10-1837,
255). Merritt Hotschkiss est un marchand 30-10-1837). À compter de cette date, les ras-
d’origine américaine. Bien qu’il ne participe semblements dans L’Acadie s’apparentent
pas aux événements armés, il est engagé dans davantage à des émeutes et des conseils de
le mouvement patriote de L’Acadie jusqu’à guerre qu’à des rencontres politiques.
assez tard. Il prononce un discours à cette
assemblée du 17 juillet et assiste à l’assemblée Les principaux leaders
des Six-Comtés, ce qui lui vaut d’être destitué Un jeune médecin de Napierville, Cyrille-
de sa fonction au tribunal des petites causes Hector-Octave Côté, et un paysan de Pointe-
(MIN 20-07-1837 ; 26-07-1837). à-la-Mule, Lucien Gagnon, méritent sans
Deux mois plus tard, le 10 septembre, conteste le titre de dirigeants patriotes dans
l’« Assemblée des Francs-Tenanciers du comté L’Acadie. Le premier sera non seulement
de l’Acadie » dénonce avec force la destitution député du comté à partir de 1834, mais égale-
ment un acteur de premier plan lors des sou-
Merritt Hotchkiss (avant 1814-1865) Fils adoptif de Henry lèvements de 1837 et 1838. Réputé pour son
Hoyle et d’une prénommée Sarah. Commissaire au tribunal caractère violent, Lucien Gagnon ne lui cédera
des petites causes du 22 mai 1834 jusqu’à sa destitution, le
10 août 1837. Hotchkiss épouse Sarah Anne Schuyler le 2 que peu d’influence. Il est d’ailleurs le prin-
mai 1837. En 1865, il exploite un moulin à farine sur la cipal organisateur du ralliement de Pointe-à-
rivière Lacolle. la-Mule et un important recruteur des « Frères
l a confédér ation des six-comtés 213
chasseurs » en 1838. Côté et Gagnon sont aussi Côté disait que c’était s’avilir que de faire des
d’authentiques radicaux, envisageant la lutte assemblées et d’y passer des résolutions, qu’il
patriote bien au-delà de sa dimension poli- fallait faire usage de balles et ne pas s’em-
tique, posant clairement les enjeux du soulè- barrasser des mises en garde de l’épiscopat. La
vement en termes d’une révolution sociale tête de Côté est mise à pris dès l’émission des
pour l’indépendance nationale (GENDRON, premiers mandats d’arrêt (MG24 B129, 1 : 23 ;
1986 : 90, 91). GREER, 1997 : 249 ; GENDRON, 1986 : 89).
Cyrille-Hector-Octave Côté peut à lui seul D’après Fortin, Lucien Gagnon était
avoir infléchi le cours politique de son comté l’homme invincible et inlassable, connu sous
et l’avoir engagé vers un radicalisme intense le sobriquet de « la terreur de la paroisse » à
et profond. On retrouve Côté d’abord à Saint-Valentin. Toutes les sources confirment
Montréal où il participe au premier CCPM. qu’il est un cultivateur prospère, possédant de
Ses états de service lui permettent ensuite, à vastes propriétés au nord de Saint-Valentin.
24 ans, de se porter candidat dans L’Acadie où Membre du « Comité de surveillance et de
il habite à compter de 1832. Côté est en parti- correspondance » pour Napierville et délégué
culier un adversaire de l’Église catholique et à la convention des Six-Comtés, il participe à
du régime seigneurial. Il signe notamment plusieurs assemblées et est notamment à
dans La Minerve une série de lettres incen- l’origine du « coup de force » du 6 août, quand
diaires sous le pseudonyme d’Agricola où il une assemblée loyale est noyautée par ses
propose d’abolir la tenure sans indemniser les hommes (MIN 14-08-1837). Il est ensuite
seigneurs. Son combat contre l’Église catho- engagé dans la plupart des charivaris de la
lique sera quant à lui l’affaire de toute une vie. Grande-Ligne et de Saint-Jean. Le 27 no-
Il affronte notamment le puissant évêque de vembre, sa maison devient le quartier général
Montréal, Mgr Lartigue, il organise la plupart où convergent les patriotes en fuite et où l’on
des assemblées dans L’Acadie, particulière- projette de s’emparer du fort Saint-Jean
ment celles à Napierville, et il est délégué à (FORTIN, 1988 : 162). À côté de l’« intellec-
l’assemblée des Six-Comtés où son appel aux tuel » Côté, il est le « chef populaire » en qui le
armes cause un grand malaise parmi les plus peuple, connaissant sa sincérité, trouve l’in-
modérés. L’automne venu, il procède au désar- terprète de ses sensibilités (FORTIN, 1988 :
mement de quelques loyaux et à plusieurs 162 ; DAVID, 1981 : 112 ; SENIOR, 1997 : 249).
charivaris. Selon F.-X. Mailhot, le docteur Si Côté domine à Naperville et Gagnon à
Saint-Valentin, François Bourassa père et fils
Cyrille-Hector-Octave Côté (1809-1850) Né à Québec, de sont certainement les principaux chefs
Charles-Claude Côté, navigateur, et de Rose Duhamel, patriotes à Sainte-Marguerite-de-Blairfindie
famille d’origine acadienne. Après ses études aux séminaires
de Québec et de Montréal, il devient enseignant. En 1831, (L’Acadie). Tous deux sont cultivateurs, l’un
il fait ses études en médecine et pratique en 1832 à L’Acadie
où il combat l’épidémie de choléra. En 1833, il s’installe à
Napierville et épouse Margaret Yelloby Jobson. Le Lucien Gagnon (1793-1842) Aussi appelé Julien. Né à Laprai-
22 novembre 1834, il devient député de L’Acadie. Après les rie, il est cultivateur à Pointe-à-la-Mule, paroisse de Saint-
troubles, Côté demeure aux États-Unis mais abandonne la Valentin. Prospère, il posséderait 360 arpents de terre, 5 che-
politique et engage un combat personnel contre l’Église vaux, 25 têtes de bétail et une grande quantité de céréales.
catholique. Converti à la religion baptiste, il revient au Bas- Gagnon s’est marié à deux reprises, une première fois en
Canada pour tenter d’y implanter sa religion. 1815 à Catherine Cartier puis, en 1828, à Sophie Régnier.
214 pat r iotes et loyaux
sur la première concession, au sud de la rivière L’Acadie. La présence simultanée d’un vigou-
L’Acadie, l’autre au haut de la rivière des reux mouvement loyal et d’une intense mobi-
Deux-Côtes. Passionné de politique, Bourassa lisation patriote y a sans doute contribué. La
le jeune participe à toutes les assemblées du tenue de nombreuses assemblées chaudement
printemps 1834 et prononce un discours le 30 disputées et la résistance de quelques magis-
avril 1834. Il est aussi membre du comité de trats d’une indéfectible fidélité à la Couronne
comté, vice-président du comité de paroisse ont aussi engendré des rancunes tenaces qui
et signataire de la pétition des électeurs de débouchent à l’automne de 1837 sur la vio-
Richelieu contre Sabrevois de Bleury en juin lence physique et un profond climat d’insé-
1837. Les Bourassa sont en fuite aux États- curité. Parmi les personnes prises à partie par
Unis à l’hiver 1838 quand Côté sollicite leur les charivaristes de L’Acadie, mentionnons
concours pour mettre sur pied l’organisation seulement le capitaine de milice de Napier-
« chasseur ». Le jeune Bourassa fait partie de ville, Pierre Gamelin, Timoléon Quesnel, de
la délégation qui se rend à Pointe-à-la-Mule le L’Acadie, le marchand de Saint-Jean Nelson
25 octobre 1838 sous la direction de Pierre Mott, le curé Amiot, de Napierville et la mis-
Granger et est castor (capitaine) au camp de sion protestante d’Odin-Feller. Le charivari
Napierville. Insatisfaits du leadership de mené par le docteur Cyrille-Octave Côté
Nelson et Côté, les deux Bourassa participent contre le lieutenant Dudley Flowers, de la
avec Joseph Grégoire à une mutinerie visant à Grande-Ligne, est particulièrement terrifiant
livrer Robert Nelson aux loyaux et à signer et se poursuit trois nuits consécutives, du
une paix séparée. Le projet tourne court le 6 27 au 29 octobre, forçant Flowers à remettre
novembre en échange d’une nouvelle pro- sa commission et à fuir aux États-Unis avec
messe d’approvisionnement. Le 8, il déserte toute sa famille (GENDRON, 1986 : 158, 159 ;
finalement le camp de Napierville et encou- GREER, 1997 : 242 ; SENIOR, 1997 : 52, 61).
rage ses hommes à faire de même (ANQ Autour de Gagnon et de Côté, Pointe-à-la-
P224 : 262 ; VIN 02-05-1834 ; MIN 13-07- Mule sera le principal foyer d’agitation du
1837, 12-05-1834, 27-07-1835 ; FORTIN, comté en 1837. Le hameau est situé à l’extré-
1988 : 90). mité du chemin de la Grande-Ligne, sur le
bord du Richelieu, là où Lucien Gagnon pos-
La campagne de charivaris sède d’ailleurs sa ferme. Lieu de transit et de
Nulle part ailleurs la pratique du charivari refuge menant aux États-Unis, le chemin de la
politique ne sera aussi répandue que dans Grande-Ligne est aussi le théâtre de plusieurs
échauffourées en novembre, destinées surtout
François Bourassa fils (1813-1898) Né à Sainte-Marguerite- à intimider et à désarmer des loyaux. Dans
de-Blairfindie (L’Acadie), de François Bourassa, aubergiste, et
de Geneviève Patenaude. Après des études primaires, il cultive son rapport à John Colborne, le capitaine
la terre paternelle, puis s’établit comme fermier dans son George Phillpotts écrit qu’à Saint-Valentin « la
village natal. En 1832, il épouse Sophie Trahan. Après 1840,
le cultivateur s’oriente vers la politique. Il est maire de L’Acadie
situation est épouvantable » (FORTIN, 1988 :
en 1858, et représente Saint-Jean à l’Assemblée législative du 164 ; SENIOR, 1997 : 79).
Canada-Uni à compter de 1854. Élu sous la bannière rouge, La mission évangéliste de madame
c’est un féroce adversaire de la Confédération de 1867. Il est
le frère du sculpteur Napoléon Bourassa, gendre de Louis- Henriette Odin-Feller sur la Grande-Ligne est
Joseph Papineau. visitée le 26 octobre, quand des émeutiers s’en
l a confédér ation des six-comtés 215
prennent déjà aux maisons des convertis. Parmi les principaux charivaristes, Pierre-
L’arrivée de cette nouvelle religion dans la Rémi Narbonne est aussi membre du comité
région est vue par plusieurs comme une de comté et secrétaire à l’assemblée de Saint-
nouvelle menace pour la société tradition- Édouard du 15 mai 1834. On perd ensuite sa
nelle. Incapables de s’établir à Montréal ou à trace de l’animation politique. Narbonne se
Saint-Jean, où le clergé exerce une surveillance révèle cependant un extrémiste qui se promet
étroite, Henriette Odin-Feller et Louis Roussy, « d’égorger François Languedoc et Joseph
un missionnaire suisse, fondent une mission Brisset notaire de Saint-Édouard ; les autres
sur ces terres de colonisation où l’absence nous les ferons prisonniers ». Il participe
d’école et de médecin fournit un premier ter- d’abord à la bataille de Saint-Charles, puis
rain d’apostolat aux missionnaires. Ils gagnent rejoint Lucien Gagnon à Swanton et se retrouve
la confiance de quelques familles, de telle sorte à Moore’s Corner. Infatigable, Narbonne entre-
qu’à l’aube des rébellions la petite commu- prend ensuite d’aller prêter main-forte aux
nauté protestante compte 16 convertis et une patriotes de Deux-Montagnes. Son périple
dizaine de sympathisants. Les patriotes pren- s’interrompt à Sherrington où il est fait
nent la mission pour cible en octobre. Ils prisonnier. Détenu à Montréal, il y apprend la
reprochent aux convertis d’être asservis au mort de sa femme. David raconte qu’il est dès
pouvoir anglais, de ne pas participer au lors torturé par la rancœur. En juillet 1838, il
mouvement réformiste et de venir troubler le profite de l’amnistie de Durham et s’empresse
pays par leur religion suspecte. Après une série de rentrer à Saint-Édouard afin de revoir ses
de charivaris devant leurs demeures, Odin- enfants. Il se retrouve cependant vite aux États-
Feller et les familles de convertis fuient à Unis où il joint les « Frères chasseurs ».
Champlain, dans l’État de New York. De Narbonne est d’abord à Saint-Édouard le
retour à la Grande-Ligne dès 1838, Mme 3 novembre, puis à Napierville à la tête d’une
Odin-Feller fait distribuer à une cinquantaine soixantaine d’hommes avec qui il participe à la
de personnes des provisions, des semences et bataille d’Odelltown. Il est arrêté le 14
des médicaments et suspend les poursuites novembre et pendu le 15 février suivant
engagées contre ceux qui ont saccagé leur (FILTEAU, 1942 : 51 ; BERNARD, 1983 : 114 ;
demeure en 1837. Elle peut écrire : « En RUMILLY, 1977 : II, 26 ; MESSIER, 2002 : 350).
général, l’esprit du peuple est tellement Notaire de L’Acadie, Louis-Mars Decoigne
changé envers nous, qu’il n’est, je crois, aucune est, sur le plan politique, le plus actif des trois
maison de la Grande-Ligne dans laquelle je ne
puis entrer maintenant. » L’année 1838 sera Pierre-Rémi Narbonne (1803-1839) Peintre et huissier de
quand même marquée par des exactions Saint-Rémi ou, selon La Minerve du 12 mai 1835, à Saint-
Édouard.
envers les ex-patriotes de Saint-Valentin. Des
actes de pillage et des incendies sont signalés
Louis-Mars Decoigne (1804-1857) Né à Saint-Philippe-de-
sur les propriétés de Pierre Boursquet, Louis Laprairie ou Vaudreuil, de Louis Decoigne, notaire, et de
Dupuis, Ambroise Guay, Toussaint Martin, Marguerite Bezeau. Époux d’Henriette Almira Hommond en
Jacques Métivier, Joseph Palin, Antoine 1830. Frère de Pierre-Théophile Decoigne et beau-frère de
Jean-Baptiste Lukin. À la mort de son père, notaire à L’Acadie
Rocque, Cyprien Saint-Amant et Eustache en 1832, il reprend son étude et sa clientèle. Il est aussi
Signouin (HAUT-RICHELIEU, 1993 : 44-50). maître de poste.
216 pat r iotes et loyaux
d’indépendance du Bas-Canada qui réclame la les préparatifs en vue d’une attaque menée
république, les procès devant jury, le vote depuis Swanton et destinée à créer un état
secret, la séparation de l’Église et de l’État en d’alerte dans le sud du Bas-Canada à l’heure
plus d’abolir la peine de mort, la tenure sei- où l’armée prépare une grande expédition
gneuriale et la ségrégation envers les Autoch- contre le comté des Deux-Montagnes. Lucien
tones. Au terme de l’incursion ratée de Gagnon et 80 patriotes affrontent les 300
Caldwell’s Manor le 28 février 1838, Nelson et volontaires de Kempt à Moore’s Corner.
Côté sont brièvement arrêtés à leur retour aux Gagnon est blessé durant le combat. Il rejoint
États-Unis pour avoir violé la neutralité amé- cependant d’autres exilés à Middlebury le
ricaine. Ils forment par conséquent « l’Asso- 2 janvier et participe le 28 février 1838 à la
ciation des Frères chasseurs », destinée à pré- Déclaration d’indépendance à Caldwell’s
parer l’invasion du Bas-Canada et à l’éman- Manor. Exclu de l’amnistie offerte par lord
ciper de la tutelle britannique. À l’appel au Durham, Gagnon est dès lors un des princi-
soulèvement général, ils occupent Napierville paux recruteurs de Frères chasseurs dans
dans la nuit du 3 au 4 novembre 1838. Le L’Acadie où il réapparaît illégalement. Le 3
docteur Côté voit en particulier à récolter les novembre 1838, il se présente au grand camp
327 livres du coffre de la fabrique locale, rem- de Napierville dirigé par François Trépanier et
boursables au lendemain de l’indépendance. prend immédiatement le commandement
Après la défaite définitive à Odelltown le d’une centaine d’hommes. Gagnon participe
9 novembre, Côté se réfugie aux États-Unis ensuite aux deux batailles de Lacolle, les 6 et 7
puis sombre dans la méfiance et l’amertume. novembre 1838 et, selon Fortin, à la bataille
« Au cours de l’été de 1839, les défections, les d’Odelltown deux jours plus tard, avant de
mésententes, les coups bas, les conflits de per- regagner les États-Unis (FORTIN, 1988 : 162-
sonnalité se multiplient […] de la part des 64 ; CADIEUX, 1988 : 260, 274 ; DAVID, 1981 :
insurgés qui le perçoivent chaque jour davan- 114-116).
tage comme un être exécrable. » Aux assem- Dans l’entourage immédiat de Gagnon, on
blées de Swanton et de Corbeau, Côté retrouve le jeune Jacob Bouchard, membre du
dénonce la passivité des patriotes, critique l’at- « Comité de surveillance et de correspon-
titude de Papineau et rend l’Église catholique dance » et du Comité de la paroisse de Sainte-
responsable de l’échec du soulèvement. Marguerite. Bouchard participe au moins aux
D’après Chabot, il réussit à se mettre à peu charivaris contre Quesnel et Flowers, puis aux
près tout le monde à dos (CHABOT, 1966 : manœuvres militaires à Pointe-à-la-Mule en
228). novembre. Le 6 décembre 1837, il est officier à
Pour leur part, après avoir abandonné leur Moore’s Corner, puis regagne les États-Unis.
projet d’attaquer Saint-Jean, Gagnon et les Chasseur, il est arrêté vers minuit le 2 no-
autres conjurés de Pointe-à-la-Mule passent vembre 1838 par le colonel Taylor, alors qu’il
aux États-Unis dans l’intention d’y trouver des
armes et de poursuivre la résistance. La pro-
Jacob Bouchard Né en 1813. En 1837, il est étudiant en
priété de Gagnon est entre-temps fouillée de droit et cultivateur sur la ferme familiale à L’Acadie. Empri-
fond en comble et étroitement surveillée. C’est sonné à Montréal le 5 novembre 1838, il est libéré dès le
seulement le 1er décembre 1837 que débutent 16 janvier 1839.
l a confédér ation des six-comtés 219
Schriver, et d’alerter le fort Lennox (FILTEAU, menée par Narbonne s’était rendue chez Loop
1975 : 415 ; SENIOR, 1997 : 251). Odell pour négocier une reddition. Odell
Pendant ce temps, les hommes de Côté demande toutefois que cela soit mis par écrit.
parviennent au point de rendez-vous, à envi- Narbonne, craignant de fournir ainsi une
ron 180 mètres de la frontière, sur la ferme pièce à conviction, préfère s’enfuir. Il sera
d’un nommé Bullis (SENIOR, 1997 : 251). Ils arrêté le 10 au matin (ANQ, N° 2723 : 2 ;
y trouvent peu d’armes et moins de 40 volon- STATE TRIALS, 2 : 12, 56, 535).
taires américains commandés par Benjamin À cette heure, les différents corps de
Mott et décident de passer la nuit sur place. volontaires sont maintenant massés dans leur
Au matin du 7 novembre, les volontaires bastion d’Odelltown. Le lieutenant-colonel
encerclent le camp patriote. La compagnie du Cyril Taylor se joint entre-temps à eux et
Lacolle Frontier Volonteers du capitaine annonce l’arrivée prochaine des troupes de
Edward March livre l’attaque initiale par la Colborne. Il prend en attendant le comman-
droite pour immédiatement bloquer toute dement des 200 hommes des capitaines
retraite vers les États-Unis. Le bataillon de Fischer, Weldon et Charles McAllister et
Hemmingford du major Schriver occupe le appelle des renforts de Hemmingford, où était
centre, tandis que les capitaines Fischer et retournée la compagnie de Schriver, de
Weldon se dirigent vers le nord pour couper Caldwell’s Manor, où le capitaine Vaughan se
la retraite vers Napierville et le Richelieu. trouve avec 100 hommes, et de l’île aux Noix
L’affrontement dure moins d’une demi-heure où le capitaine Grattan est stationné avec une
mais il est intense et meurtrier pour les partie du 43e régiment. Les 140 hommes du
patriotes qui y perdent huit hommes, dont lieutenant-colonel Lewis Odell se joindront
Narcisse Grégoire. Quelques-uns purent s’en aux volontaires au cours de la bataille, faisant
retourner à Napierville en passant par les bois, peser la balance du côté loyal (FILTEAU, 1975 :
mais le gros des troupes se réfugie aux États- 418 ; ANQ, 1837-1838 : n° 2437).
Unis. Les volontaires se sont emparés des 400 Arrivés devant Odelltown, les chasseurs
fusils, d’un canon et de munitions. Les con- placés sous le commandement du brigadier-
séquences de la bataille de Lacolle sont désas- général Charles Hindenlang donnent immé-
treuses pour Robert Nelson (SENIOR, 1997 : diatement l’assaut. La bataille se déroule
252). essentiellement devant l’église méthodiste
Informé de l’infortune de Côté, Nelson d’Odelltown où sont réfugiés les volontaires.
décide le 8 de quitter le grand camp et de Elle dure plusieurs heures et son dénouement
marcher vers le sud afin de rétablir ses com- demeure un temps incertain. Voyant baisser
munications avec les États-Unis et de leurs munitions, les chasseurs décident cepen-
permettre aux armes de passer au Bas-Canada. dant de retraiter. Plusieurs ont déjà choisi de
La colonne patriote compte environ 1000 se disperser, tandis que les chefs tentent de
hommes, dont 200 sont armés. En fin d’après- gagner la frontière américaine (AUBIN, 2000 :
midi, ils s’arrêtent à Lacolle pour la nuit et 293-317 ; FORTIN, 1988 : 100 ; RUMILY,
reprennent leur chemin le 9 novembre au 1977 : I, 168).
matin. Entre-temps, vers quatre heures du Parmi les combattants arrêtés pour leur
matin, une délégation d’officiers chasseurs participation à la bataille, mentionnons
l a confédér ation des six-comtés 221
Pierre-Rémi Narbonne, Amable Daunais, en mars 1839 et jusqu’à une date aussi tardive
Pierre Lanoie, Antoine Coupal-Lareine, que juin 1843 (FILTEAU, 1975 : 419 ; FORTIN,
François Camyré, François Bigonesse dit 1988 : 99, 103-104 ; GREER, 1997 : 310 ; GEN-
Beaucaire, Antoine Doré, Joseph Moreau, DRON, 1986 : 178, 179).
François Nicolas, Charles Hindenlang, Pierre-
Théophile Decoigne, Achille Morin, Joseph- Les autres leaders de L’Acadie
Jacques Hébert, Hubert et David Drossin- Dans un comté aussi mobilisé que L’Acadie,
Leblanc, François Trépanier fils, Pierre-Hector où le personnel politique est imposant et où
Morin, Joseph Paré, Louis Lemelin et Jean- se dérouleront parmi les plus importants
Baptiste Dozois. Les différentes versions font affrontements des rébellions du Bas-Canada,
état de 12 à 50 combattants rebelles morts et les leaders patriotes n’appartiennent pas à un
autant de blessés, alors que les volontaires type unique. En effet, on y retrouve une
comptent six morts et neuf blessés. La bataille cohorte d’individus provenant de toutes les
d’Odelltown marque la fin du soulèvement classes et dont les motivations et la destinée
des chasseurs d’un trait décisif : l’état-major varient sensiblement. Outre les principaux
rebelle est en fuite et le camp de Napierville se chefs déjà présentés, on peut classer les autres
dissout à l’approche de l’armée régulière. La à l’intérieur de trois catégories. On retrouve
répression sera brutale dans le comté de d’abord ceux qui sont impliqués dans l’anima-
L’Acadie, particulièrement dans la paroisse de tion politique mais qui n’iront pas mettre leur
Saint-Cyprien-de-Napierville où 80 maisons vie et leur réputation en jeu dans la révolte
sont détruites et 170 arrestations sont effec- armée. Ce sont souvent des notables issus des
tuées. L’agitation rebelle prend cependant du villes, tels Jean-Baptiste Dozois, Ignace
temps à s’évanouir. Des assemblées secrètes Bertrand ou Antoine Merrezzi. On retrouve
ont encore lieu à Pointe-à-la-Mule au prin- ensuite ceux qui sont activement impliqués
temps 1839 et la seigneurie de Lacolle sera la dans la mobilisation politique et qu’on revoit
cible toute désignée d’incursions « punitives » ensuite sur les champs de bataille. On pense
bien sûr à Gagnon, Côté ou Narbonne, mais
Charles Hindenlang (1810-1839) Aussi connu sous les aussi à Lukin, Baker, Hébert, Dragon ou Huot
noms de Hindelang, Lamartine et de Saint-Martin. D’origine
suisse et de religion protestante, il est né à Paris d’une famille
qui témoignent ainsi de l’intense engagement
de commerçants. Enrôlé dans l’armée française durant la des leaders politiques de L’Acadie qui contri-
révolution de juillet, il « avait conquis plutôt lentement ses buent aussi aux effectifs militaires. Ce fait est
premiers grades d’officier » (WEBER, 1987 : 181). Selon son
ami Touvray, soldat français lui aussi associé à la cause assez rare et plutôt propre à ce comté,
patriote, Hindenlang s’était rendu à New York en novembre atypique à plus d’un titre. On retrouve enfin
1838 dans le but de se joindre au mouvement révolutionnaire
bas-canadien. Dès son arrivée, il rencontre Ludger Duvernay
ce groupe plus traditionnel des individus,
par l’entremise d’un commerçant français nommé Bonnefoux généralement des paysans ou des étudiants,
et se montre immédiatement sympathique à la cause totalement absents de la mobilisation poli-
patriote. Ils se rendent ensuite à Rouse’s Point pour y
rencontrer Robert Nelson avec qui Hindenlang met au point tique entre 1834 et 1838, mais particulière-
une stratégie visant à soulever le Bas-Canada. Au-delà de ment engagés sur le plan militaire : L’Huissier,
toute attente, l’aventurier français s’engage dans la rébellion,
n’hésitant pas à s’exposer au péril de sa vie. Hindenlang est
Marceau, Paré ou Louis-Guillaume Lévesque.
arrêté le 7 novembre 1838 et pendu le 15 février suivant Comme ailleurs, on retrouve dans L’Acadie
(GALARNEAU, 1988 : 444-445 ; RUMILLY, 1977 : 44). des notables dont l’engagement n’ira pas au-
222 pat r iotes et loyaux
delà de l’implication politique. Comparé à est cependant plus étoffé. Juge de paix et
d’autres comtés, leur nombre demeure cepen- cultivateur prospère de la 2e Grande-Ligne à
dant modeste dans L’Acadie ; on franchira Napierville, il accède en mai 1834 au Comité
allègrement la ligne séparant la politique de la de comté. Il est ensuite vice-président du
rébellion. Certains, comme Merrezzi, n’auront comité de Saint-Cyprien, vice-président à
d’ailleurs pas le choix que d’épauler les l’assemblée du 6 juin 1836 et à la grande
membres de leur famille politique durant la assemblée anticoercitive du 17 juillet où il est
rébellion. De bons exemples sont Robert nommé délégué en vue de la Convention
Robitaille et surtout son associé Ignace Ber- générale (MIN 20-07-1837). À l’automne, il
trand, tous deux de gros marchands à L’Aca- joint le comité de vigilance chargé de recueillir
die. Bertrand préside notamment l’assemblée les démissions des magistrats du comté et est
du 30 avril 1834 et y prononce un discours. lui-même destitué en septembre. Dozois
Craignant d’être arrêté, il choisit de fuir aux participe bien au camp de Napierville où il
États-Unis et n’est pas inquiété quand il habite, mais refuse d’y assumer des respon-
revient (VIN 02-05-1834). De même, le sabilités. Il est fait prisonnier le 14 novembre,
notaire, réputé excellent orateur, Jean-Baptiste puis acquitté le 2 janvier suivant (GENDRON,
Bornais, de Saint-Valentin, secrétaire d’au 1986 : 93-94 ; MESSIER, 2002 : 157). Pour sa
moins deux assemblées (MIN 27-07-1835 ; 16- part, l’aubergiste de Napierville Antoine
11-1837). Le Populaire l’accuse dès septembre Merrezzi est réputé cultivé et instruit. Il exerce
1837 d’agiter la ferveur révolutionnaire à aussi les fonctions de magistrat et capitaine de
Saint-Valentin. Il n’est en fait membre d’au- milice au village et, à compter de 1845, de
cun comité et ne s’implique dans aucun évé- notaire. Merrezzi est profondément engagé
nement armé. Aussi, s’il est emprisonné le dans l’action politique dès 1834. Membre du
13 novembre 1838, il est relâché sans procès Comité de comté et du Comité de Saint-
dès le 10 décembre (FORTIN, 1988 : 130). Le Cyprien, il est particulièrement impliqué dans
parcours politique d’un Jean-Baptiste Dozois l’assemblée du 4 juillet 1836 consacrée à la
tenure seigneuriale. Il comprend alors le
Ignace Bertrand (1782-1856) Né à L’Acadie, d’Ignace Bert-
potentiel mobilisateur que revêt la question
rand père et de Marie-Josephte Papineau, une tante agricole et combien elle est susceptible de
maternelle de Louis-Joseph Papineau. En 1837, il est un soulever les masses (VIN 01-07-1836). Il est
marchand de L’Acadie et est marié à Césarie Robitaille.
vice-président de l’assemblée anticoercitive du
Jean-Baptiste Bornais Né à Québec en 1801 et fils
17 juillet et représentant de L’Acadie à l’assem-
d’Auguste Bornais, cordonnier. Il fait des études de notaire blée des Six-Comtés. Inactif en 1837, on le
et s’installe à Québec après son mariage avec Ellinor retrouve au camp de Napierville le 3 novem-
Hewison en 1825. En 1834, il s’établit à l’île aux Noix, près
de Saint-Valentin, où il est notaire jusqu’en 1844 bre 1838. On peut supposer qu’à titre d’au-
bergiste au village il ne devait guère avoir le
Jean-Baptiste Dozois dit Chicoine Apparemment né à choix que de collaborer avec les insurgés. Il y
Verchères ou Contrecœur en 1791 de Joseph-Paul Chicoine est donc chargé de l’approvisionnement —
dit Dozois et de Marie Audet dit Lapointe. Il épouse Marie-
Amable Poulin dit d’Abonville en 1817 et devient cultivateur
lire pillage —, de l’abattage des animaux, de la
à Saint-Cyprien. Dozois est ensuite juge de paix et capitaine cuisson du pain et de la distribution des vivres
de milice mais est destitué par lord Gosford en août 1837. aux hommes de Nelson. L’auberge de Merrezzi
l a confédér ation des six-comtés 223
est incendiée par les troupes de Colborne tant, avec Charles Huot, des bons de rationne-
quand elles entrent dans Napierville dans la ment distribués aux capitaines de compagnie,
nuit du 10 au 11 novembre. Il réclamera plus et participe donc au pillage des loyaux des
tard 619£ en dommages et intérêts. environs. Dans sa déposition, il déclare avoir
Déjà impliqués au niveau politique, cer- forcé Loop Odell à rendre les fusils qu’on avait
tains individus poursuivent leur engagement dû concéder en 1837. Il est arrêté et conduit à
au niveau militaire. Cette continuité est plus Montréal le 12 novembre 1838 (ANQ P224 :
rare qu’on le croit dans l’histoire du mou- 2536 ; MIN 20-07-1837, 26-10-1837 ; FOR-
vement patriote. Ailleurs, on distingue plus TIN, 1988 : 189).
facilement les notables engagés politiquement Jacques-David Hébert appartient appa-
mais soucieux de ne pas sombrer dans l’illé- remment aussi à une certaine élite à Naper-
galité et les authentiques révolutionnaires, ville. Il est en tout cas capitaine de milice et
généralement issus de classes plus modestes, sait lire. Il apparaît tard dans le mouvement
indifférents aux subtilités des 92 Résolutions patriote, mais occupe des positions de pres-
mais pressés d’en découdre sur les champs de tige : vice-président le 4 juillet 1836, président
bataille. Dans L’Acadie de nombreux individus le 15 octobre 1837 et délégué à l’assemblée
contreviennent à ce cliché. des Six-Comtés où il prend la parole. Il est à
Par son épouse, Jean-Baptiste Lukin se Saint-Athanase le 2 novembre 1837 pour
trouve lié à ses frères, Pierre-Théophile, Louis- exiger de Louis Bessette qu’il remette sa
Mars et Olivier Decoigne, tous de redoutables commission de capitaine de milice. Il participe
militants patriotes. Par ses liens avec les l’année suivante au camp de Napierville, mais
Gagnon, Huot et Decoigne, Jean-Baptiste se compromet dans le complot visant à
Lukin s’avère aussi un des membres du groupe remettre Robert Nelson aux loyaux. Arrêté le
des radicaux du comté. Notaire et major dans 14 novembre, puis condamné à mort, il sera
le premier bataillon de milice, il fait pourtant exilé en Australie (VIN 01-07-1837 ; MIN 26-
partie de la petite élite de Napierville. Membre 10-1837 ; MIN 02-11-1837).
du Comité de comté le 7 mai 1834, Lukin est Tous deux voisins sur le chemin de
rien de moins que président à la grande Burtonville, François Trépanier et Patrick
assemblée du 17 juillet où sont présents les Barker connaîtront un destin commun.
Papineau et Brown. Membre du comité de Patrick Barker est cultivateur à Napierville et
Saint-Cyprien et représentant de l’Acadie à lieutenant de milice. Membre du « Comité de
l’assemblée des Six-Comtés, le 9 août, il est surveillance et de correspondance » et du
dépouillé de sa charge de juge de paix et comité de paroisse de Napierville, il joue un
d’officier. Il siège toujours au Comité de vigi- rôle actif aux assemblées du 4 juillet 1836 et
lance à l’automne, ce qui permet de présumer
de sa participation aux charivaris. Inactif en Jacques-David Hébert (1789-1880) Né à L’Acadie, de
René-David Hébert et d’Élisabeth Landry. En 1813, il épouse
1837, il participe en novembre 1838 à l’in- Archange Boutin. Cultivateur à Saint-Cyprien. Arrêté le 14
surrection « chasseur », notamment en émet- novembre, il subit son procès du 12 au 19 mars 1839 et est
condamné à mort. Sa peine est commuée en un exil en
Jean-Baptiste Lukin ou Luckin Notaire et propriétaire Australie, alors que tous ses biens sont saisis et vendus à
(écuyer) à Saint-Cyprien né en 1800. En 1829, il épouse l’encan. En terre australe, Hébert exerce le métier de menui-
Henriette Decoigne. sier avant de revenir au pays en 1845.
224 pat r iotes et loyaux
débat politique pour cet homme d’action. Napierville, où il seconde Charles Huot,
Paré prend les armes en 1838 et s’implique chargé des approvisionnements. Quand Nel-
activement au camp de Napierville où il est son quitte Napierville le 7 novembre, c’est à
officier de Hindenlang, responsable des trans- Lévesque qu’il confie la défense du camp.
ports et quartier-maître à la prison du camp. Lévesque est arrêté le 11 novembre à la rivière
On l’accuse aussi d’avoir confisqué chevaux, Lacolle en tentant de fuir. Le procès des
cochons et provisions chez Edward Wheeler meneurs du camp de Napierville débute la
Douglass, à Napierville. Lors de son procès du veille de Noël 1838. Guillaume Lévesque est le
24 décembre au 2 janvier, il avoue avoir parti- seul des 11 accusés à plaider la culpabilité. Sa
cipé au soulèvement, mais concède ne pas être peine de mort sera plus tard commuée en une
sain d’esprit, ce qui ne fut pas nié par les sentence de bannissement (OUELLET, 1976 :
témoins. Ses biens sont quand même saisis et 481 ; DAVID, 1884 : 242 ; MH 15-11-1838 ;
il est condamné à mort. Sa peine est commuée LANCTOT, 1999 : 105, 176,196 ; SENIOR,
en un exil en Australie d’où il revient en 1997 : 220, 247 ; DAVID, 1939 : 182).
janvier 1845 (ANQ, n° 2704 ; FILTEAU, 1975 :
413 ; MIN 12-05-1834 ; SENIOR, 1997 : 247- Rouville
248 ; FORTIN, 1988 : 209). Nommé en 1829 en hommage à Jean-Baptiste
À 18 ans, l’absence de Louis-Guillaume Hertel de Rouville (1668-1722), le comté de
Lévesque du processus politique s’explique Rouville est issu de la subdivision du grand
facilement. Ce n’est qu’en juillet 1838 comté de Bedford. Il occupe presque tout le
qu’Édouard-Élisée Malhiot recrute le jeune flanc oriental du Richelieu, du mont Saint-
étudiant en droit au sein du comité canadien Hilaire à la frontière américaine au sud. On y
des Frères chasseurs, dont il devient secrétaire. compte sept seigneuries : Rouville, Monnoir,
En novembre, Lévesque est au camp de Chambly-Est, Bleury, Sabrevois, Noyan et
Foucault. Les principales paroisses sont Saint-
Hilaire (1799), Saint-Jean-Baptiste (1797),
Joseph Paré Né à Saint-Joachim en 1794, d’Antoine
(Ambroise selon Fortin) Paré et de Thérèse Gagnon.
Saint-Mathias (1739), Sainte-Marie-de-Mon-
Cultivateur de Saint-Cyprien, il épouse Madeleine Nor- noir (1801), Saint-Athanase (1823) et Saint-
mandin en 1825. Juge de paix et vétéran de la guerre de Georges d’Henryville (1833). En 1831, Rouville
1812-1814, il atteint le grade de sergent (AUBIN, 1998 :
389 ; FORTIN, 1988 : 208). compte 18 115 habitants.
Rouville se présente comme une vaste
Louis-Guillaume Lévesque (1819-1856) Né à Montréal, plaine en voie de défrichement, l’un des cen-
de Charles-François Lévesque et de Charlotte-Mélanie Panet. tres agricoles les plus importants du Bas-
Il étudie au Petit Séminaire de Montréal, puis le droit à
l’étude d’Édouard-Étienne Rodier. En 1837, il est préposé
Canada en raison de la fertilité de son sol. En
aux écritures au bureau du shérif de Montréal. L’influence 1837, la production de céréales y domine
de son oncle maternel, le juge Philippe Panet, lui évite pro- encore largement. Cependant, selon Fernand
bablement la potence. Il demeure emprisonné jusqu’au mois
de septembre 1839 contre une promesse de ne plus revenir Ouellet, le comté est l’un des premiers touchés
au Canada. Il s’installe donc en France où il prend pour nom par la crise agricole. Les signes de détério-
Guillaume d’Ailleboust de Ramezay. Guillaume Lévesque est
de retour en 1843, après l’amnistie et est admis au barreau
ration y sont déjà partout visibles : hausse des
l’année suivante (FAUTEUX, 1950 : 302 ; FILTEAU, 1975 : prix agricoles, apparition de la rouille du blé
433 ; BOIVIN 2000). et essor de la mouche de Hesse qui s’attaque
l a confédér ation des six-comtés 227
tué à la fin du xviiie siècle, depuis les berges et Careau, insensibles au sort des colons qui
du lac Champlain, par d’authentiques Loya- souffrent du manque d’infrastructures au sud
listes fuyant la Révolution américaine du comté. Le climat se dégrade rapidement
(FILION, 1984 : 2). dans les semaines qui suivent, en particulier
quand les patriotes tiennent une grande
Le mouvement loyal assemblée de Saint-Athanase le 5 novembre et
C’est donc au sud que se retrouve l’essentiel forcent désormais les officiers loyaux à
des appuis loyaux dans le comté. Le principal démissionner de leur fonction. Un loyal de
noyau de cette communauté se trouve dans le Henryville, E. J. Goodnow, écrit à propos des
hameau de Caldwell, paroisse de Saint- charivaris perpétrés dans la région :
George-de-Clarenceville, où vont se dérouler
trois assemblées loyales. Dès le 12 mars 1834, The rebels (or Patriots as they style themselves)
on s’y réunit pour dénoncer les 92 Résolu- collect in mobs of from 50 to 500 persons all
masked (in disguise, every night & pass
tions. L’assemblée est présidée par Conrad
through the country demanding all the com-
Derck et organisée par Albert Chapman et missions both military (civil). They have taken
Reuben Taylor. La dizaine de résolutions qui from the county of Lacaida [l’Acadie] 78 com-
sont adoptées se résument à considérer que missions from magistrates Capts, Col, Mag,
les institutions actuelles sont fort adéquates etc. & have compelled them to resign there &
(MGZ 22-03-1834). On conclut en remerciant take a oath never to hold another office under
le député Théophile Lemay qui s’est opposé the present government. Many of the Capts
aux résolutions patriotes deux mois plus tôt. they dragged out of their houses, obliged them
Les mêmes personnes ne se retrouvent to cut down their poles walk the length of
assemblées que le 13 octobre 1837. L’heure est them & give three churns for Papineau. Some
à l’intense campagne de charivaris et au persons have refused to obey their commands,
renouvellement des effectifs de la milice et de when they immediately commenced breaking
doors, windows, furniture & threatened to set
la police depuis qu’ils ont été purgés de leurs
to fire their Houses & Barns, & in some cases
éléments patriotes. L’assemblée salue d’ailleurs threatened their lives, if they did not submit,
les nouvelles nominations faites dans Rouville, & were finally compelled to do so. Last evening
mais dénonce l’attitude de ses députés Bardy they went through the village of St.Johns &
took the most of the commissions there,
demanded the custom house to be thrown
Théophile Lemay (1784-1848) Né à Varennes, de Paul
Lemay, dit Delorme, et d’Élisabeth Monjon. Il épouse en
open, & the officers to resign, & threatened
1810 Marie-Esther Letêtu. D’abord cultivateur à Sainte- than with violence if they resisted. Mr.
Marie-de-Monnoir (Marieville), il obtient sa commission de [Mcbrai] sent his family & goods to the States
notaire le 16 novembre 1820. Officier de milice, il sert
last week for fear of [Braky] they will probably
pendant la guerre de 1812 en qualité d’adjudant dans le
6e bataillon des Townships. Nommé capitaine en novembre have help [then] [in] night as there was 500
1820, il accède en 1836 au grade de lieutenant-colonel du red coats came yesterday to Chambly which is
2e bataillon de Rouville. À compter de 1833, il est com- the first sent into the country (Lettre
missaire au tribunal des petites causes et, en 1836, juge de
paix. Élu député de Rouville à une élection partielle le
d’EDWARD J. GOODNOW, HENRYVILLE,
20 décembre 1832, il vote contre les 92 Résolutions, ce qui 7-11-1837).
entraîne sa défaite en 1834. En novembre 1838, il est
brièvement gardé prisonnier par les « Frères chasseurs ».
l a confédér ation des six-comtés 229
éventuelle. Il est aussi attentif aux censitaires Saint-Athanase. Les participants y signent la
absentéistes, notamment ceux qui sont mêlés pétition en faveur des 92 Résolutions et votent
aux rébellions de 1837 et 1838, de sorte qu’il quelques résolutions lues sur le parvis de
puisse les poursuivre pour arriérés de fermage. toutes les églises du comté le dimanche sui-
Sellar écrit que « W. P. Christie attempted to vant (VIN 25-03-1834,18-03-1834 ; VIN 15-
rid his seigniories of the French-Canadians 02-1833, 25-04-1834, 9-05-1834). La petite
who participated and did so to some extent communauté irlandaise de Rouville n’est pas
by successfully recovering land from a number en reste. Le 30 avril 1834, Patrick Murray, un
of absentees seeking refuge accross the cultivateur de Sainte-Marie-de-Monnoir, est
border » (SELLAR, 1888 : 121). Christie est l’hôte d’une assemblée destinée aux habitants
volontaire en 1837, agit à titre de secrétaire irlandais du sud-ouest. On décide là aussi de
militaire du Bas-Canada et d’une partie du signer la pétition en faveur des 92 Résolutions
Haut-Canada de 1838 à 1841 et siège au (VIN 09-05-1834).
Conseil spécial. On se prépare ensuite pour les élections
prévues à l’automne. Le 12 juillet, Pierre-
Le mouvement patriote Martial Bardy et Pierre Carreau sont désignés
Mis à part un noyau loyal au sud, Rouville se candidats réformistes lors d’une assemblée
comporte généralement comme les comtés chez Jean Deragon (d’Aragon) dans Monnoir
voisins de Richelieu ou Saint-Hyacinthe où l’on (VIN 01-07-1834).
élit essentiellement des députés fidèles à Comme dans la plupart des autres comtés
Papineau. Aux élections de novembre 1834, le de la Confédération des Six-Comtés, l’engage-
député Théophile Lemay, hostile aux 92 Réso- ment politique des deux co-députés de Rou-
lutions, est remplacé par Pierre Carreau et le ville est assez remarquable. Pierre Careau est
docteur Pierre-Martial Bardy. À l’instar de déjà signataire de l’adresse de Sainte-Marie-
Saint-Hyacinthe, peu d’affrontements armés s’y de-Monnoir du 9 février 1833 quand il
produisent. Cependant, des Rouvilois se por- devient député le 19 novembre suivant (VIN
teront en revanche au secours de leurs frères 15-02-1833). En janvier 1834, il vote en faveur
d’armes lors des batailles qui se déroulent dans des 92 Résolutions, puis est réélu en 1834.
les comtés voisins (OUELLET, 1976 : 364). Membre de l’« Association réformiste » et de
Une trentaine de patriotes se réunissent l’« Union patriotique » de Rouville en 1835, il
d’abord à Sainte-Marie-de-Monnoir le 9 se retrouve ensuite à celle des Six-Comtés,
février 1833 afin d’offrir leur appui à Ludger puis à l’assemblée de Sainte-Marie-de-
Duvernay qui vient d’être arrêté pour libelle Monnoir du 12 novembre, où il remet sa
et signer une pétition demandant sa libération commission de capitaine de milice (MIN 16-
(VIN 15-02-33). Le 8 mars 1834, le docteur 11-1837, 30-07-1835).
François-Joseph Davignon tient chez lui une Député en 1834, Pierre-Martial Bardy est
assemblée d’appui aux 92 Résolutions sous la actif surtout hors de son comté. Dans Rou-
présidence d’Étienne Poulin. Deux jours plus
tard, Antoine-Eusèbe Bardy préside une
Pierre Careau (1786-1856) Né à Saint-Mathias, de Joseph
assemblée des « paroissiens du comté de Careau et de Dorothée Loisel. Le 17 juillet 1804, il épouse
Rouville », cette fois à l’hôtel Henderson de Victoire Tétrau. Il est cultivateur à Saint-Mathias.
l a confédér ation des six-comtés 231
Sont nommés Édouard Vancellette, président, loyaux est un échec. Il est possible que le
Joseph Gariépy, vice-président, Charles Mon- leadership dans Rouville ait traversé une crise.
geon, trésorier, M. Dugas et Joseph Dacier, Cela expliquerait en particulier qu’aucune
secrétaires, ainsi que 14 officiers (VIN 010- assemblée anticoercitive ne s’y soit tenue au
07-1834 ; MIN 30-07-1835 ; CLARK, 1959 : printemps, ni qu’aucun désordre notable n’ait
285). lieu à l’automne. Quoi qu’il en soit, le 12
Le comté de Rouville ne connaît curieu- novembre 1837 a lieu une ultime réunion de
sement aucune assemblée dans la foulée de l’Union à Sainte-Marie-de-Monnoir sous la
l’adoption des résolutions Russell qui lan- présidence de Pierre Carreau et de Joseph-
cent ailleurs la ronde des assemblées anti- Trefflé Franchère avec pour but de recueillir
coercitives. Il faut attendre le 15 octobre 1837 les démissions des officiers et des juges de paix
pour qu’on daigne se réunir pour élire des du comté et, le cas échéant, de faire pression
délégués en vue de la Convention des Six- sur ceux qui tardent à s’exécuter. C’est le cas
Comtés de Saint-Charles. Les 10 représentants notamment d’Ambroise Bédard, de François
désignés sont tous des inconnus, provenant de Bessette, de Sainte-Marie-de-Monnoir, et de
la paroisse de Saint-Jean-Baptiste : Jean- Louis Bessette, de Saint-Athanase (MIN 09-
Baptiste Beaudry, Charles Blanchard, François 11-1837, 16-11-1837 ; RUMILLY, 1977 : I,
Beaulieu-Laporte, Francois Nadeau, Séraphin 459).
Robert, Jean-Baptiste Sénécal, Jean-Baptiste Le docteur François-Joseph Davignon est,
Soret, Emmanuel Vadnais, Louis Vadnais et dès 1833, l’un des principaux animateurs
Simon Vasseur (MIN 26-10-1837). patriotes dans Rouville et l’un des plus fer-
La plus importante assemblée tenue dans vents adversaires du gouvernement. Pour ces
Rouville a lieu à Saint-Athanase le dimanche raisons, son nom apparaît rapidement sur la
5 novembre 1837. Organisée par François- liste de personnes à arrêter. Davignon organise
Joseph Davignon, elle est convoquée par « des des assemblées chez lui à Sainte-Marie-de-
personnes d’opinion différente dans la poli- Monnoir, prononce des discours, met sur pied
tique de cette province aux fins d’aviser aux l’Union patriotique et assiste à l’assemblée des
moyens de conciliation entre les partis patrio- Six-Comtés. Selon les dépositions, il se serait
tes et constitutionnels », en fait pour dénoncer exprimé en faveur de la révolte et aurait pro-
le renvoi par Gosford de plusieurs juges de posé d’acheter des armes pour renverser le
paix et éviter une escalade de la violence gouvernement (CADIEUX, 1996 : 124 ; ANQ
(ANQ, E-99-100). Les 24 propositions votées P224 : 131). Ce qui est sûr, c’est qu’il est décidé
concernent la composition du Conseil légis- à élire de nouveaux officiers de milice pour le
latif, le contrôle de la liste civile et l’abolition village de Dorchester et qu’il est le principal
du régime seigneurial. On y note en parti- organisateur des assemblées du 6 et du 12 no-
culier la participation de Timothée Franchère, vembre 1837 où il collecte lui-même les
président, Eustache Soupras et Gabriel
Marchand, vice-présidents et du patriote de François-Joseph Davignon (1807-1867) Né à Saint-
L’Acadie, Louis-Mars Decoigne, à titre de Mathias, de Joseph Davignon et Victoire Vandandaigne, dit
Gadbois. Il est reçu médecin le 10 juillet 1833 et s’établit à
secrétaire. Comme on n’y retrouve que des Saint-Jean. Au terme des rébellions, il s’installe définitive-
patriotes notoires, la conciliation patriotes- ment à Sable Forks (New York) où il pratique la médecine.
l a confédér ation des six-comtés 233
démissions. Alerté par des loyaux de Saint- arrêté la semaine suivante, même si son enga-
Jean, un détachement de la Royal Montreal gement était jusque-là plutôt modeste. Réfugié
Cavalry se rend à Dorchester y faire une aux États-Unis après son évasion, Démaray
reconnaissance. Avec Pierre-Paul Démaray et participe à l’escarmouche de Moore’s Corner
Patrick McKinnan, Davignon décide de leur le 6 décembre, s’engage dans l’organisation de
faire obstruction et rassemble 200 partisans, Robert Nelson et joint le camp de Napierville
armés de fusils, de bâtons et d’un canon où, avec Médard Hébert, il réalise des perqui-
(CADIEUX, 1996 : 132). Cela vaut à Davignon sitions chez les loyaux des environs. Absent de
et Démaray d’apparaître le 16 sur la liste des la scène politique, Dèmaray jouera cependant
personnes à arrêter. La police et l’armée sont un rôle important sur le plan militaire. Exilé
donc de retour le même jour et les deux et exclu de toute amnistie avant 1841, il n’au-
hommes sont arrêtés en pleine nuit. Selon rait participé à la rébellion que par désœu-
Fortin, le convoi aurait délibérément traversé vrement. À preuve, son ami et associé, le
une zone contrôlée par les patriotes afin de commerçant Gabriel Marchand, est lui aussi
donner l’exemple et d’inciter les gens à un pur inconnu des cercles patriotes avant
demeurer tranquilles. Le peloton est finale- l’automne 1837. D’abord importateur à
ment pris en embuscade à Longueuil par les
hommes de Bonaventure Viger et les prison-
niers libérés gagnent ensuite les États-Unis. Pierre-Paul Démaray (1798-1854) Né à Trois-Rivières, de
Pierre Dèmarest, menuisier, et de Louise Patrie. Il fait son
Davignon ne bénéficie pas de l’amnistie de apprentissage avec Pierre Lanctôt et Laurent Archambeault,
Durham le 28 juin 1838. Il est à Rouse’s Point de L’Acadie, puis Jean-Emmanuel Dumoulin, de Trois-
Rivières. Reçu notaire le 17 avril 1824, il s’installe ensuite à
en novembre où il soigne des blessés patriotes Dorchester. Rapidement, il se bâtit une clientèle importante
et ne reviendra plus au Canada (ANQ P224 : qui comprend des propriétaires fonciers des environs.
56 ; MIN 9-11-1837 ; FORTIN, 1988 : 30 ; Démaray collectionne dès lors les commissions et les charges
publiques. Il est l’un des fondateurs de la paroisse Saint-
FAUTEUX, 1950 : 199). Jean-L’Évangéliste (1828), marguillier (1829), commissaire
Le notaire de Saint-Jean, Pierre-Paul chargé de la construction de la route entre Dorchester et
Laprairie (1831), commissaire chargé de la décision
Démaray, fait certainement partie de l’élite de sommaire des petites causes (1832) et juge de paix (1833).
Dorchester où il est mêlé à plusieurs transac- Il occupe aussi les fonctions de maître de poste de
tions commerciales et foncières. Le futur Dorchester et sert comme lieutenant de milice dans le 3 e
bataillon du comté de Chambly. Démaray revient à Dor-
maire de Saint-Jean joue en fait un rôle chester en 1841 à la faveur d’une amnistie et reprend son
marginal dans l’organisation et son nom étude de notaire. Il devient maire de Saint-Jean en août
1851 et crée notamment le premier corps de police de cette
n’apparaît que tard en 1837. Rien donc avant municipalité.
qu’il assiste en octobre à l’assemblée des Six-
Comtés, puis, le 5 novembre, à l’assemblée de Gabriel Marchand (1780-1852) Né à Québec, de Louis
Saint-Athanase où il propose d’abolir la Marchand, capitaine de navire, et de Françoise Roussel. Il
tenure seigneuriale. Le lendemain, de son est de passage au Petit Séminaire de Québec en 1790-1791.
En 1807, il épouse, à l’église anglicane de Venise-en-Québec,
propre chef, il démissionne de son poste de Amanda Bingham, fille d’Abner Bingham, Loyaliste originaire
juge de paix et de celui de lieutenant de milice. de l’État de New York, puis, en 1810, Mary MacNider, fille
du marchand John MacNider. En 1812, il sert dans la milice,
Le 10 novembre, dans un geste audacieux, il d’où il sort avec le grade de colonel en 1831. En 1841, il
s’interpose avec Davignon devant une siège au premier conseil municipal de Saint-Jean. Il est le
patrouille de l’armée. Cela lui vaut d’être père du futur premier ministre Félix-Gabriel Marchand.
234 pat r iotes et loyaux
Québec, Marchand est lié à la bourgeoisie tous trois à l’assemblée des Six-Comtés en
anglophone, notamment par son association octobre 1837. Franchère est président et Sou-
avec son futur beau-père, John MacNider. Il pras, vice-président à l’assemblée du 5 no-
s’établit à Dorchester en 1806 où il fait le com- vembre 1837. Ils signent également quelques
merce du bois. Comme Démaray, il est juge pétitions et renvoient leurs commissions. Lors
de paix, cofondateur de la paroisse de Saint- de l’émission des mandats d’arrêt, le 16, des
Jean, puis marguillier. Le 22 août 1837, Mar- rumeurs circulent selon lesquelles tous les
chand refuse un siège au Conseil législatif et, participants à l’assemblée de Saint-Charles
le 5 novembre, il est vice-président à l’assem- seraient arrêtés. Soupras, Franchère et Mar-
blée de Saint-Athanase. Contrairement à chand décident de quitter Saint-Mathias et de
Démaray, Marchand se gardera bien de pren- se réfugier à Highgate, New York, où ils
dre les armes et demeurera dans les bonnes demeurent six semaines. De là, ils rédigent des
grâces du gouvernement (MIN 9-11-1837 ; lettres destinées aux autorités afin que leur
FORTIN, 1988 : 151). fuite ne soit pas perçue comme un aveu de
L’histoire de Rouville a notamment retenu culpabilité. Cependant, une récompense pour
le nom de trois habitants de Saint-Mathias, leur capture est bel et bien annoncée le 1er
victimes surtout d’un autre concours de cir- décembre. Le 31 décembre 1837, ils deman-
constances. Timothée Franchère, Eustache dent pardon, prêtent serment de fidélité à la
Soupras et son associé Louis Marchand font reine et se livrent aux autorités. Ils sont fina-
tous trois partie de l’élite de Saint-Mathias où lement écroués le 5 janvier 1838. Soupras
ils mènent des affaires importantes et occu- tombe d’ailleurs malade en prison et doit
pent, particulièrement pour Franchère, plu- apparemment sa survie aux soins du docteur
sieurs fonctions publiques. Ils mettent cepen- Wolfred Nelson, détenu avec lui (MIN 16-11-
dant le doigt dans l’engrenage en assistant 1837 ; ANQ, P224 : 47,48, 49, 308 ; FAUTEUX,
1950 : 376).
Timothée Franchère (1790-1849) Né à Saint-Mathias, Le 22 novembre au soir, les troupes de
d’Antoine Franchère et de Marie-Josette Nicolas. Membre Wetherall en marche vers Saint-Charles s’arrê-
du premier bataillon de milice de la division de Chambly, il
sert pendant la guerre de 1812 et devient capitaine et tent au manoir du seigneur Hertel de Rouville
adjudant dans la division de Rouville en 1821. Il épouse et y sont bien accueillies pour bivouaquer et
Louise-Eugénie Faribault à L’Assomption, le 18 octobre 1824.
Marchand à Saint-Mathias, il est élu commissaire d’école en
refaire leurs forces. Le 24 novembre, Wetherall
juillet 1832 et désigné surveillant de la construction du canal ordonne à ses soldats de feinter un départ.
de Chambly dans les mêmes années. Franchère n’est pas Ceux qui guettent le mouvement des troupes
actif en 1838. En 1840, il devient administrateur de la
« Banque du Peuple » et, en 1843, député de Rouville. Il britanniques du haut de la montagne Rouville
devient, en 1845, le premier maire de Saint-Mathias (ANQ, alertent le camp de Saint-Charles où les
P224 : 49 ; DESCHÊNES, 1983 : 212 ; CADIEUX 1996 :167).
patriotes vont attendre toute la nuit les
troupes de Wetherall. Cependant, ces der-
Eustache Soupras (1788-1851) Né à Saint-Mathias, de
Louis-Joseph Soupras et de Marie-Louise Prévost. Soupras
nières, restaurées par deux jours de repos et
posséderait pas moins de trois magasins avec son associé par une nuit de sommeil, ne quittent Saint-
Louis Marchand, soit un à Saint-Mathias, un à Saint-Jean- Hilaire que le 25 au matin. Au retour de Saint-
Baptiste et un autre à Saint-Césaire. Il meurt le 29 novembre
1851, capitaine de milice et apparemment assez riche Charles, le colonel Wetherall laisse ses blessés
(FAUTEUX, 1950 : 376). à Saint-Hilaire et ceux qui y succombent
l a confédér ation des six-comtés 235
Clément Fortin, cultivateur aisé et capitaine Cette affaire révèle la pression que pou-
de milice d’Henryville qui connaît bien la vaient subir des individus cherchant à demeu-
région mais qui n’a rien d’un patriote. Un rer neutres dans un comté sous aussi haute
certain Médard Lamoureux et David Lanoue surveillance que Rouville. À part Poulin,
conduisent donc les fugitifs chez Fortin où ils aucun de ceux qui aident Papineau n’est
arrivent au milieu de la nuit. Ne voulant pas connu comme patriote. Une fois émis les
assumer une telle responsabilité, Fortin com- mandats d’arrêt et déclenché le processus
mande à son engagé, Germain Chouinard, de insurrectionnel, l’engagement d’un côté
conduire le tribun et O’Callaghan jusqu’à comme de l’autre devient largement une
Swanton. Chouinard et un voisin dénommé affaire de circonstances. Ainsi, un patriote
Béloni Campbell les conduisent d’abord en comme Bardy se mue en loyal quand il se
voiture jusqu’à la baie. Le reste du trajet se fait retrouve coincé à Québec, alors qu’un loyal
à pied dans des conditions difficiles, mais les comme Louis-Clément Fortin se mue en
deux fugitifs arrivent sains et saufs. Chouinard vaillant patriote quand un Papineau en fuite
est cependant arrêté à son retour et interrogé vient frapper à sa porte. On pense aussi à un
par une patrouille. L’affaire s’ébruite, si bien notable comme Démaray, confiné à la
que la maison du capitaine Fortin est fouillée. clandestinité après avoir été malencon-
Prévenu à temps par le colonel James treusement libéré sur le chemin Chambly. Plus
McGillivray, officier à Saint-Jean et ami de ironique encore est le cas de Félix Poutré
Fortin, ce dernier put s’enfuir avant l’arrivée (1814-1885), un ouvrier agricole de L’Acadie
de l’armée. Pendant trois mois, il demeure qui assermente de nombreux chasseurs dans
caché chez le curé Perreault à Henryville. Rouville. De rebelle gracié pour aliénation
Bientôt arrêté, il est traduit devant un conseil mentale, il devient plus tard héros pour avoir
militaire. Fortin feint l’ignorance en pré- trompé la vigilance de ses juges, mais on
textant qu’il n’avait fait que secourir deux découvre enfin, des années après sa mort, qu’il
étrangers. Après le procès, il est confiné à était en fait un espion à la solde du gou-
demeure (BROSSEAU, 1913 : 129-133). vernement (GAGNON, 1982 : 204).
les comtés martyrs d e 1 8 3 8
débardeurs irlandais (St. Luke’s, 1830) et des coloration politique. La cérémonie aurait
missions presbytériennes à Laprairie et attiré jusqu’à 400 partisans qui se retrouvent
Georgetown. Une mission catholique destinée ensuite à l’hôtel Hotchkiss, propriété du
aux Mohawks du Sault-Saint-Louis est enfin docteur James Thompson père (AMI 17-05-
établie à Caughnawaga ou Kahnawake (Saint- 1834 ; MGZ 10-07-1834).
François-Xavier, 1735). Kahnawake occupe Il faut attendre le 15 avril 1836 pour que se
une superficie de 12 625 acres, l’une des retrouvent, à Laprairie toujours, les « Amis des
plus grandes réserves amérindiennes du Bas- associations constitutionnelles », provenant
Canada, pour une population d’environ 1000 des paroisses de Saint-Pierre (Saint-Constant),
individus. Contrairement aux paroisses avoi- Saint-Philippe, Châteauguay et de Laprairie.
sinantes, Kahnawake a encore des ressources Ils adoptent les statuts de l’Association consti-
forestières considérables, mais le territoire tutionnelle de Montréal. Aucun représentant
mohawk n’échappe pas à la crise agricole des de la paroisse Saint-Louis (Kahnawake) n’y
années 1830. En 1837, la réserve est au bord assiste, ce qui révèle l’absence de lien entre les
de la disette et le curé Marcoux adresse plu- Autochtones et les loyaux de Laprairie. Dès le
sieurs requêtes afin d’obtenir de l’aide du gou- 12 mai suivant, les « Amis de l’Association
vernement anglais. La réserve reçoit en mai constitutionnelle du comté de Laprairie »
1837 un providentiel octroi de « 500 barils de offrent leurs services « as an auxiliary to the
blé, trente barils de blé d’Inde et quinze barils Montreal Constitutionnal Association ». L’as-
de fèves et de pois » (SOSSOYAN 1999 : 2). semblée appuie le principe d’une réunion des
associations loyales du Bas-Canada et désigne
Le mouvement loyal James McDonald comme représentant de
Le mouvement loyal dans Laprairie se Laprairie au Select General Committee. On
retrouve essentiellement autour de Laprairie n’entendra ensuite plus parler de cette asso-
où vit une petite communauté de marchands ciation (MGZ 26-05-1836).
d’origine britannique établie à proximité des Pour le reste, on retrouve, après le coup de
quais. Modestes, les appuis loyaux sont feu la traditionnelle déclaration de loyauté
fortement pris à partie dans ce château-fort destinée au gouverneur, l’« Adresse des loyaux
patriote. Une assemblée loyale convoquée le sujets canadiens d’origine française de la
21 avril 1834 au presbytère de Saint-Philippe paroisse de Laprairie », signée par 228 per-
doit finalement se dérouler sous bonne garde sonnes, et envoyée le 8 décembre 1837 (POP
à la résidence du leader Frederick Singer, 13-12-1837).
épaulé de Thomas E. Smart, tous deux de
Saint-Philippe. L’assemblée s’y déclare contre Le mouvement patriote
les 92 Résolutions, en particulier contre la En 1829, les députés Jean-Moïse Raymond et
reconfiguration du Conseil législatif. Le Austin Cuvillier sont plutôt liés au « Parti
9 juillet suivant, une cérémonie du mai en canadien ». Cuvillier est cependant très tôt cri-
l’honneur du nouveau capitaine Singer est tiqué pour ses positions trop modérées. Après
ponctuée d’imprécations loyales. Comme s’être opposé aux 92 Résolutions, il est défait
quoi les patriotes ne sont pas les seuls à teinter par Joseph-Narcisse Cardinal au scrutin de
l’investiture d’un officier de milice d’une 1834. Une première assemblée d’appui aux
les comtés mart y rs de 183 8 239
résolutions a d’ailleurs lieu dès le 3 avril à la assisté de Pierre Héroux, Vital Dumouchelle,
salle publique du presbytère de Saint- Amable Foucher, André Lacroix, Joseph
Constant. Elle avait été précédée d’une invi- L’Écuyer, Joachim-M. Primeau et Narcisse
tation parue dans le Vindicator et signée par Mallet (MIN 13-07-1835).
les principaux leaders du comté. On y forme Laprairie n’est pas en reste lors de la ronde
un comité électoral destiné à appuyer la can- de 1837. Le dimanche 6 août, on tient une
didature de Raymond et de Cardinal, et un grande assemblée anticoercitive en face de
comité de correspondance de 11 membres, l’église de Saint-Constant pour dénoncer les
tous de futurs leaders politiques du comté et résolutions Russell. Plusieurs personnalités
la plupart actifs durant la rébellion : Jean- importantes y prennent place, dont le ministre
Baptiste Bonin, Vital Bourassa, Joseph- plénipotentiaire de France aux États-Unis,
Narcisse Cardinal, Charles Dewitt, Médard Édouard de Pontois, les députés Jean-Moïse
Hébert, Pierre Héroux, André Lacroix, Luc Raymond, Joseph-Narcisse Cardinal et Côme-
Lefebvre, A.N. Le Blanc, Jean-Baptiste Sainte- Séraphin Cherrier, et plus de 2 000 personnes
Marie et Charles Saint-Germain. L’assemblée venues écouter les discours dénonçant les
est suivie d’un souper à l’hôtel de François actes d’un gouvernement tyrannique. Louis
Camyre (VIN 01-04-1834, 11-04-1834). Lérigé y va d’une proposition particulière-
Les patriotes de Saint-Philippe emboîtent le ment dépourvue d’équivoque : « Si les
pas le 21 avril suivant en organisant à leur tour habitants du comté prennent jamais les armes,
une assemblée d’appui aux 92 Résolutions. ce ne sera pas pour conserver au gouverne-
Quatre cents cinquante personnes y auraient ment un pouce dans l’Amérique du Nord. »
assisté sous la présidence de Pierre Héroux, la Une section des Fils de la liberté est aussi
vice-présidence de Vital Bourassa et André fondée le 6, organisant des processions et
Lacroix en guise de secrétaire. Trois vedettes défilant dans les rues. On renouvelle par la
montantes du Parti patriote, Édouard Rodier, même occasion le Comité de comté et on
Côme-Séraphin Cherrier et Charles-Ovide nomme six délégués en vue de la Convention
Perrault, y vont chacun d’un discours. Le 9 générale : Vital Bourassa, Charles Dewitt,
octobre enfin, en pleine fièvre électorale, le Zephirin Grenier, Pierre Héroux, Jean-
« Comité central et permanent du comté de Baptiste Sainte-Marie et François Surprenant.
Laprairie » est formé à l’hôtel Camyre de Saint- À noter que Laprairie n’est apparemment pas
Constant (MIN 24-04-1834, 02-10-1834). invité à joindre la confédération des comtés
L’année suivante, le 6 juillet, Châteauguay de la rive-sud de Montréal et n’y a donc aucun
ferme la marche des paroisses qui s’organisent représentant officiel. Cardinal y assiste quand
dans Laprairie. On crée l’« Union patriotique même à la tête d’une délégation officieuse
et indépendante de Châteauguay » à la rési- (MIN 03-08-1837 ; ANQ P224 : 85 ; FAU-
dence de Narcisse Mallet avec pour mandat TEUX, 1950 : 29 ; FILION, 2001 : 265 ;
de favoriser l’éducation politique de ses mem- RUMILLY, 1977 : 1, 455).
bres en leur faisant lecture des journaux et en La phase militaire se distingue très claire-
les informant sur différents sujets ayant trait ment de la phase politique dans Laprairie.
aux affaires de la province. Le nouveau député, L’animation politique, plutôt modérée jusque-
Joseph-Narcisse Cardinal, en est le président, là, semble s’épuiser à la fin de l’été de 1837,
240 pat r iotes et loyaux
tandis que le comté est calme à l’automne Cuvillier, discrédité depuis sa rupture avec
suivant. En revanche, en novembre 1838, le Papineau. Élu par acclamation en novembre
comté connaît une effervescence militaire peu 1834, il est présent ensuite à la librairie
commune, alors qu’éclatent des soulève- d’Édouard-Raymond Fabre, aux côtés des
ments en divers endroits. Les leaders diffèrent Papineau, Viger et La Fontaine, et à la création
aussi entre l’une et l’autre phase. Les André du premier CCPM. En Chambre, Cardinal se
Lacroix, Vital Bourassa et Pierre Héroux range toujours du côté des partisans de Papi-
dominent la période « politique ». Ce sont neau, mais se fait autrement peu remarquer.
d’ailleurs des notables, œuvrant principale- Très intéressé par les problèmes scolaires, il
ment dans le commerce et qu’on retrouve joint le comité permanent sur l’éducation et
dans le mouvement patriote à des positions les écoles en 1835. Après la dissolution de la
de prestige : présidents d’assemblée ou délé- Chambre, le 26 août 1837, Cardinal renvoie sa
gués. Médard Hébert, Joseph Dumouchelle, commission de capitaine de milice. C’est sa
Samuel Newcombe, Pierre-Rémi Narbonne, présence en octobre à la tête d’une délégation
Joseph Robert et Joseph Duquet dominent, à l’assemblée des Six-Comtés qui le consacre
eux, la période « militaire ». Ce sont incidem- comme le leader patriote de Laprairie. Il s’abs-
ment des paysans plutôt mal nantis, totale- tient cependant de participer à l’insurrection
ment absents des assemblées politiques, mais de 1837, bien qu’il ne fasse pas mystère de ses
qui s’engagent intensément dans la révolte sympathies. Des loyaux menacent même de le
armée. dénoncer aux autorités. Devant les instances
Un individu fait cependant le pont entre de sa femme et de ses amis, Cardinal se réfugie
ces deux groupes et ces deux phases, de l’ac- donc aux États-Unis où il rencontre Robert
tivisme politique à la rébellion armée. Prenant Nelson et s’engage dans la préparation d’une
une part active à la politique dès sa majorité, nouvelle insurrection. De retour clandestine-
Joseph-Narcisse Cardinal est mêlé à la cam- ment à l’hiver de 1838, il convertit sa maison
pagne électorale de Jean-Moïse Raymond en en loge chasseur et assermente lui-même de
1830. Cardinal appuie ensuite les 92 Résolu- nombreux adhérents.
tions à l’assemblée de Saint-Constant. Notaire Entre 1834 et 1837, les lieutenants de
fort engagé dans sa communauté depuis 1829, Cardinal sont tous des notables assurant la
il est pressenti pour remplacer le député consistance du mouvement patriote dans
Laprairie. Le cas type est certainement Pierre
Joseph-Narcisse Cardinal (1808-1838) Né à Saint-
Héroux, un marchand de Saint-Isidore dont
Constant, de Joseph Cardinal, commerçant de Montréal, et l’engagement politique est impressionnant
de Marguerite Cardinal. En 1817, il étudie au Petit Séminaire avant les troubles : président à l’assemblée de
de Montréal, puis retourne chez son père, maintenant
cultivateur à Châteauguay. Il entreprend son stage de clerc
en 1823 sous la direction du notaire François-George Pierre Héroux (1795-1844) Né à Yamachiche, de Pierre-
Lepailleur de Châteauguay où il s’établit et où il se dote Joseph Héroux et de Marie-Louise Rivard-Loranger. Il est le
d’une belle clientèle. Entre 1829 et 1832, Cardinal est syndic principal marchand à Saint-Isidore. Commissaire d’école à
de l’école avec le curé Pierre Grenier et Lepailleur. En 1831, Châteauguay en 1829, juge de paix en 1831 et premier
il épouse Eugénie Saint-Germain, fille de Bernard Saint- magistrat de Saint-Isidore en 1834. Il épouse Marie-Anne
Germain, interprète au département des Affaires indiennes. Hébert en 1832 (ROMME, 1983 : 27). Après les rébellions,
En 1833, il est adjudant-lieutenant, puis capitaine dans le Héroux est notamment lieutenant-colonel pour le territoire
deuxième bataillon de milice du comté de Laprairie. de Châteauguay et de Saint-Rémi.
les comtés mart y rs de 183 8 241
Saint-Constant d’avril 1834, délégué au projet d’union en 1822. En 1824, il est élu
« Comité de correspondance de Montréal », dans Huntington, puis en 1830 dans Laprairie.
président de nouveau à Saint-Philippe le Il est perçu comme un député d’arrière-banc,
21 avril, membre fondateur de l’« Union soumis à Papineau. À ce titre, il vote bien en
patriotique » en 1835 et organisateur de la faveur des 92 Résolutions, mais ne se distingue
grande assemblée du 6 août 1837, où il pro- surtout pas par son radicalisme. En décembre
nonce un discours, et délégué à la « Con- 1834, Raymond assiste aux premières réu-
vention générale ». Clairement, Pierre Héroux nions du « Comité de correspondance de
est un grand notable, engagé dans l’économie Montréal » et participe au caucus des députés
régionale, que les leaders patriotes Cardinal et patriotes à Trois-Rivières, le 8 décembre 1835.
Lacroix cherchent à attirer. Héroux est Ses apparitions dans son comté sont cepen-
cependant fermement attaché à une politique dant rarissimes et se résument à assister à la
modérée, voyant probablement dans la grande assemblée du 6 août 1837. Raymond
rébellion un péril pour ses activités commer- semble faire primer ses intérêts de marchand
ciales avec le Haut-Canada. Il ne prend donc sur ceux de député patriote et serait en fait
pas les armes et refuse même de remettre sa plutôt un conservateur. On le sait abonné à
charge de colonel de milice, bien qu’il n’ob- L’Ami du peuple et les rébellions auront, de
tempère pas aux ordres de son major loyal. Il fait, des effets désastreux sur ses affaires (MIN
se réfugie néanmoins aux États-Unis à la fin 14-08-1837 ; ANQ P224 : 85 ; MG24 B129 : 29-
de 1837 à cause de ses liens avec Joseph- 1838, 61-101, 130-160).
Narcisse Cardinal et André Lacroix, mais Cultivateur et capitaine de milice à Saint-
revient au Canada en juillet 1838, après que Philippe, Vital Bourassa participe à la plupart
lord Durham eut proclamé l’amnistie. Il est des assemblées à titre de vice-président le 3 et
fait prisonnier le 13 novembre 1838, mais est le 21 avril 1834 de même qu’à la grande assem-
libéré dès le 13 décembre, plusieurs déposi- blée du 6 août 1837. Il est délégué au CCPM et
tions attestant de son innocence (ANQ P224 : à la « Convention générale », et sa présence est
85, 1780 ; VIN 1-04-1834 ; MIN 3-08-1837, confirmée à au moins une réunion à Mont-
16-11-1837 ; FAUTEUX, 1950 : 268). réal. Arrêté le 10 novembre 1838, Bourassa
Encore plus prudent et préoccupé que le niera son implication dans le soulèvement,
climat politique ne nuise à ses affaires : le co- bien que des dépositions le désignent comme
député de Laprairie, Jean-Moïse Raymond. l’une de ses têtes dirigeantes du comté (ANQ
Raymond est de ceux qui avaient combattu le P224 : 1901, 1902 ; CAN 10-09-1834 ; VIN 11-
04-1834 ; MIN 24-04-1834, 14-08-1837).
Jean-Moïse Raymond (1787-1843) Né à La Tortue (Saint- Médecin de Sainte-Martine, Aimé-Rémi
Mathieu), de Jean-Baptiste Raymond, marchand, et de
Marie-Clotilde Girardin. De 1798 à 1805, il étudie au collège Dugas est aussi actif dans Chambly que dans
Saint-Raphaël de Montréal, puis s’associe au commerce de Laprairie. Il préside l’assemblée de Boucher-
son père spécialisé dans la production de la potasse. Major
dans la milice en 1813, il est présent à la bataille de
ville le 9 juillet en plus de siéger au Comité de
Châteauguay. En 1837, il est juge de paix et inspecteur
d’écoles. Après les troubles, il s’installe à L’Assomption où il Vital Bourassa (1772-1847) Né à Laprairie, de François
met sur pied une distillerie. Là, il redevient brièvement Bourassa et Agnès Lefebvre. Il est cultivateur à Laprairie. Il
député en 1841. Il épouse d’abord Archange Denaut en se marie en 1796 à Isabelle Dupuis. En 1837, il est capitaine
1810, puis Angélique Leroux d’Esneval en 1815. de milice.
242 pat r iotes et loyaux
comté. Le mois suivant, Dugas est secrétaire à ment seul au camp patriote de Saint-Charles.
l’Assemblée de Saint-Constant. Son frère Il y retrouve Thomas Storrow Brown qui
cadet, Adolphe Dugas, est étudiant en méde- l’incite à rester et à prendre les armes. Lacroix
cine. Le jeune Dugas est peu impliqué dans la choisit plutôt de quitter Saint-Charles pour
mobilisation, mais participe à Boucherville à Saint-Athanase, où il rencontre Antoine-
une manifestation visant à empêcher l’appli- Eusèbe Bardy, avec qui il prend la route des
cation du serment d’allégeance. Il sera arrêté à États-Unis. Il est arrêté le 24 novembre avant
pas moins de deux reprises (MIN 24-07-1837, d’avoir franchi la frontière, puis est relâché le
14-08-1837 ; VIN 25-07-1837 ; FAUTEUX, 7 juillet suivant. À sa sortie de prison, il est de
1950 : 229). nouveau vu dans le comté de Rouville. Il passe
Enfin, au sein du groupe des modérés, actifs le serment des Frères chasseurs et incite d’au-
dans la phase politique mais absents de la tres personnes devenir membre de l’organisa-
phase militaire, le docteur André Lacroix tion. Il est réincarcéré le 5 novembre 1838,
occupe une place particulière : il habite en puis libéré le 1 er février 1839. Habitant à
effet Montréal, mais s’avère actif surtout dans Montréal mais plutôt actif dans Laprairie et
Laprairie où il participe à presque toutes les Rouville, incitant les autres à prendre les
manifestations à titre de conférencier. Une armes, mais dédaignant lui-même à se battre,
telle tribune lui assure un rôle important de Lacroix demeure une personnalité mal con-
propagandiste, Cardinal lui cédant largement nue et, pour l’instant, ambivalente (ANQ
sur le plan de l’éloquence. Délégué au P224 : 23, 870 ; CADIEUX, 1996 : 189 ; VIN
« Comité central et permanent », Lacroix est 11-04-1834 ; MIN 24-07-1835, 14-08-1837 ;
d’ailleurs aussi présent à Montréal. On le PAPINEAU, 1998 : 66 ; TOUSIGNANT, 1987).
retrouve à l’assemblée de Saint-Laurent du
29 juin 1837 et à la fondation des Fils de la Le camp de Châteauguay
liberté. À l’émission des mandats d’arrêt, La modeste mobilisation politique dans
Lacroix quitte Montréal pour Châteauguay en Laprairie est hors de proportion avec la vive
compagnie d’Édouard-Étienne Rodier. Au agitation qu’on y rencontre durant le bref sou-
Sault-Saint-Louis, Ignace Kaneratahere, le lèvement de novembre 1838. À cette occasion,
chef de la nation iroquoise, rapporte que, sur de nombreux individus, inconnus jusque-là,
son chemin, ils tentent d’influencer les per- s’engagent dans le soulèvement chasseur sans
sonnes à combattre. Lacroix se rend finale- qu’il soit possible de démontrer la profondeur
de leur engagement ni de leurs convictions.
Aimé-Rémi Dugas Né à Boucherville, d’Aimé Dugas, navi-
gateur, et de Marie Roy.
Ces leaders paieront cependant un tribut par-
ticulièrement lourd. Après L’Acadie, Laprairie
Adolphe Dugas (1817-1878). Né à Boucherville, d’Aimé est le comté le plus durement touché par les
Dugas et de Marie Roy. Reçu médecin en 1843, il s’établit à arrestations, avec pas moins de 277 détenus,
Saint-Rémi. Il épouse Marie-Clotilde Oligny en 1844, puis
dont une dizaine seront déportés en Australie
Pélagie David en 1852.
et sept, pendus haut et court pour leur parti-
André Lacroix Né à Montréal en 1803 où il est médecin.
cipation à la rébellion.
Sa clientèle se trouve cependant surtout dans Laprairie. Joseph-Narcisse Cardinal est de retour
Après les troubles, il pratique à Saint-Athanase. dans la région dès février 1838 et s’affaire
les comtés mart y rs de 183 8 243
de Lorimier, puis pris la fuite. Selon le curé Dorchester le 17 novembre. Duquet part alors
Marcoux, « une femme qui cherchait sa vache prévenir des amis de Montréal. Quand il
dans le bois […] rapporte [aussi] qu’elle a vu arrive à Longueuil, il apprend que son oncle a
[…] une masse compacte d’hommes armés, été délivré par les hommes de Bonaventure
qui lui a paru être de plusieurs cents ». Cardi- Viger. Il le rejoint et gagne avec lui les États-
nal, Duquet, Bruyère et Meloche s’enfuient, Unis. Le 6 décembre, Duquet participe à
tandis que les Amérindiens rassemblent une l’affrontement de Moore’s Corner sous les
quarantaine d’hommes au centre du village et ordres de Lucien Gagnon puis, le 28 février
que Jacques Sohahio part pour Lachine afin 1838, à la déclaration d’indépendance de
d’obtenir l’assistance des Lachine Volunteers. Robert Nelson. Il rentre au Canada au
Les Iroquois envoient dix parlementaires non moment de l’amnistie pour trouver la maison
armés, dont George de Lorimier, Jacques de sa mère brûlée par les volontaires. Recruté
Teronhiahere et le chef Ignace Kaneratahere par Cardinal, il se joint aux « Frères chasseurs »
Delisle. Voulant éviter toute effusion de sang, avec le grade d’« Aigle » et s’avère par la suite
Lepailleur demande aux Iroquois s’il peut l’un des principaux recruteurs de la loge de
obtenir leurs armes. Teronhiahere et de Châteauguay : « Il allait d’une paroisse à
Lorimier répondent qu’un tel emprunt n’est l’autre, recrutant des adhérents et leur don-
possible qu’en discutant avec les chefs. Les nant le mot d’ordre, il travaillait surtout la
« chasseurs » se rendent au centre du village, nuit, dormant le jour dans quelques garages. »
où, soudainement, 64 d’entre eux sont faits Avec Joseph-Narcisse Cardinal et François-
prisonniers par une trentaine d’Iroquois Maurice Lepailleur, il est l’un des organisa-
embusqués. Les Iroquois organisent ensuite teurs de la marche sur la mission mohawk de
des recherches et trouvent 11 autres « chas- Kahnawake où il est fait prisonnier. Le 28 no-
seurs », dont Cardinal, Duquet et Bruyère. En vembre, Duquet est appelé à comparaître en
tout, 75 hommes sont capturés à Kahnawake cour martiale et est comdamné à mort. Sa
le 4 novembre. Vers deux heures de l’après- peine ne sera pas commuée parce qu’il est
midi, 12 heures après le début de l’incident, considéré comme un récidiviste. Il est pendu
presque tous ceux qui ont pris part au raid avec Cardinal le 21 décembre (MIN 07-09-
sur Kahnawake étaient incarcérés à Montréal 1837 ; BOYER, 1966 : 92 DAVID, 1884 : 208 ;
et 12 d’entre eux traduits devant le conseil de SCHULL, 1971 : 182 ; LACOURSIÈRE, 1996 :
guerre le 28 novembre 1838 (ANQ P224 : 401 ; REAVES MORACHE, 1975 : 11 ; FIL-
2269, 2310, 2305 ; MARCOUX À TURGEON, TEAU, 1972 : 286).
7/11/1838, AAQ, 26 CP, D-43 ; SOSSOYAN Il semble que les activités en faveur de la
1999A ; 1999B ; SOSSOYAN, 1999 ; STATE cause patriote du docteur Samuel Newcomb
TRIALS, 1839 : 32-4 ; MARCOUX à COFFIN, ne remontent qu’à 1837 alors qu’il a déjà
22-07-40, AAQ, G.VIII-132 ; SELLAR, 1888 :
Joseph Duquet (1815-1839) Né à Châteauguay, de Joseph
515). Duquet, aubergiste, et de Louise Dandurand. Il entreprend
Âgé de 22 ans, Joseph Duquet se trouve à un cours classique au Petit Séminaire de Montréal en 1829
Montréal lors de la fondation des Fils de la et le termine au collège de Chambly six ans plus tard. Il
étudie le notariat auprès de deux patriotes : Joseph-Narcisse
liberté. Il est cependant chez son oncle Pierre- Cardinal, Chevalier de Lorimier, puis auprès de son oncle
Paul Démaray quand ce dernier est arrêté à Pierre-Paul Démaray.
les comtés mart y rs de 183 8 245
62 ans et qu’il signe des invitations à des 2254, 2263, 3082 ; LANCTOT, 2000 : 133 ;
assemblées à Montréal et à Saint-Constant. BERNARD, 1983 : 292 ; VIN 27-06-1837 ; MIN
Avec ses fils Samuel et Henry, âgé de 30 ans en 03-08-1837 ; CAN 30-09-39).
1837, Newcomb participe au recrutement de Lors de son procès, Cardinal choisit de
« Frères chasseurs ». Les dépositions regorgent contester la compétence du tribunal militaire
de plaintes contre lui en raison de son intense et exige un procès devant jury. On fait fi
prosélytisme. Dans son examen volontaire (en de sa requête et Cardinal mène lui-même le
anglais) du 11 décembre 1838, Samuel contre-interrogatoire. Il sollicite donc et
Newcomb fils dit être âgé de 24 ans, travailler obtient un délai de trois jours pour permettre
comme commis pour M. Donegani et désire aux accusés de préparer leur défense. Le
retourner aux États-Unis rejoindre sa femme à 8 décembre 1838, le tribunal militaire trouve
leur résidence permanente de West Plattsburgh. tous les accusés coupables de haute trahison,
Henry reçoit quant à lui une sentence de haute à l’exception de deux qui sont acquittés.
trahison en juin et est libéré sous caution. Quatre des accusés, dont Cardinal, sont con-
Quant au troisième fils de Newcomb, « c’est le damnés à mort pour avoir été des chefs de la
jeune George Newcomb qui m’en fournit une rébellion à Châteauguay. Cette sentence
discaine [de cartouches] pour marcher sur le n’étant pas conforme aux dispositions, Col-
village des sauvages ». Il sera plus tard arrêté, borne demande au conseil de guerre de réviser
puis acquitté. Pour ce qui est du docteur son jugement. Le 14 décembre, le tribunal
Newcomb lui-même, il refuse toute colla- condamne tous les accusés à mort. Dès que la
boration avec les autorités et décline son exa- décision est connue, la femme de Cardinal
men volontaire. Condamné à mort, il est plutôt écrit à lady Colborne pour la supplier en vain
déporté en Australie. Lorsqu’il apprend la d’intercéder en faveur de son mari.
nouvelle, il est très surpris et « désespérait
presque ». Le Canadien rapporte que « tous ont Le camp de Saint-Constant
fait preuve de fermeté, et le Dr Newcomb, Dans Laprairie, les « chasseurs » se regroupent
malgré son âge assez avancé et une santé également à Saint-Constant, village qui s’était
delahiée [sic] qui fait craindre pour ses jours, déjà distingué durant la phase politique. Les
s’est montré aussi courageux qu’aucun de ses insurgés avaient reçu ordre d’y converger et, de
compagnons d’infortune » (BORTHWICK, là, de s’emparer du village de Laprairie, de ses
1884, 152 ; ANQ P224 : 2242, 2244-2249-2252- casernes et du bateau à vapeur faisant la liaison
avec Montréal. Robert Nelson avait aussi assuré
Samuel Newcomb (1773-1866) D’origine américaine, il est les responsables qu’un corps de troupes
le fils de Cyrinius Newcomb et d’Anne Norris. Il parle anglais considérables venu des États-Unis les attendrait
et est catholique (BOISSERY, 1995 : 294). En 1810, il épouse
Josèphe Stubinger. On peut supposer qu’il fait son appren- plus au sud, à La Tortue (Saint-Mathieu), pour
tissage auprès de son beau-père. Il pratique la médecine leur prêter main-forte. Le groupe de 150
d’abord à Boucherville, puis à Châteauguay, où il demeure
lors des troubles en 1838. Ses trois fils, Henry, George et
hommes de Saint-Constant est commandé par
Samuel, prennent aussi part aux activités patriotes. Les Joseph Robert, de Saint-Édouard, Ambroise et
propriétés du Dr Newcomb sont incendiées pendant les Charles Sanguinet, de Saint-Philippe, Pascal
rébellions. De retour d’Australie en 1848, il se remarie à
l’âge de 77 ans avec Onésime Loranger, dont il aura encore Pinsonneau, de Saint-Édouard, Joseph Longtin,
un fils (LEPAILLEUR, 1996 : 388). de Saint-Constant et par le jeune marchand
246 pat r iotes et loyaux
Hubert Lefebvre dit Rigoche, du sud de Grand Camp. Deux jours plus tard, Hébert
Laprairie. Le 3 novembre, ils font d’abord le est l’un des principaux lieutenants de Nelson
tour du village, désarment les volontaires, dans sa marche vers le sud afin de rétablir les
perquisitionnent des maisons, recrutent des communications avec la frontière. C’est donc
partisans et font quelques prisonniers. Ils une armée forte de 600 hommes qui se profile
s’emparent notamment du vapeur Princess devant Odelltown le 9 novembre pour faire
Victoria, succeptible de transporter les Lachine face aux volontaires. Médard Hébert se voit
Loyal Volunteers. Durant la soirée, une division confier par Nelson le commandement d’une
commandée par Joseph Robert visite des colonne. Dès le premier coup de canon,
loyaux le long de la rivière à la Tortue. Ils ren- Hébert aurait été renversé de son cheval. Plus
contrent cependant plus de résistance devant la tard, devant la débandade, il prend la fuite
maison d’un certain David Vitty, où s’étaient avec Charles Hindenlang. Les deux retournent
réfugiés la plupart des loyaux de Saint-Philippe à Napierville, où ils se plaignent au curé de la
et de Saint-Constant. Les occupants de la couardise de leurs hommes. Ils décident
maison furent d’abord sommés de sortir, après cependant de profiter de la nuit pour fuir eux-
quoi des coups de feu auraient surgi de mêmes aux États-Unis. Ils sont vite séparés
l’intérieur de la maison et déclenché une car Hindenlang est pris sans offrir de résis-
intense fusillade au terme de laquelle Vitty est tance. Hébert, lui, réussit à passer la frontière,
sérieusement blessé et un officier de milice, exténué. Il se rend chez le docteur Davignon
Aaron Walker, atteint mortellement. La maison qui doit soigner ses pieds gelés. Hébert
est rapidement envahie, ses occupants faits demeure quelque temps à Rouses Point où il
prisonniers est les armes saisies. Le lendemain, soutient les journaux animés par Ludger
le camp de Saint-Constant compte environ Duvernay : le North American et Le Patriote
200 hommes sous le commandement de canadien. Il fonde peu après une épicerie à
Médard Hébert. De là, ils devaient marcher sur Plattsburgh avec Pierre-Paul Démaray. Le 19
Laprairie, mais Hébert décide plutôt de rallier mars 1839, il est à Corbeau (New York), secré-
le camp de Napierville, où ils arrivent le mardi taire d’une association des exilés avant de
6 novembre (FAUTEUX, 1950 : 63, 70). revenir au moment de l’amnistie. Le destin de
Durant la phase politique, on ne retrouve Hébert sera plus heureux que celui de Hin-
guère le notaire et riche marchand Médard denlang. Alors que ce dernier est pendu à
Hébert qu’à l’assemblée d’avril 1834, nommé Montréal, Hébert, l’autre colonel à Odelltown,
délégué au « Comité de correspondance de coulera encore de nombreuses années au
Montréal ». Une fois parvenu à Napierville, la milieu des siens (VIN 11-04-1834 ; MIN 05-
troupe de Hébert est incorporée à l’armée de 05-1834 ; FORTIN, 1988 : 65, 90 ; FAUTEUX,
Nelson et affectée à différentes tâches dans le 1950 : 73 ; DAVID, 1937 : 190 ; PAPINEAU,
1998 : 248 ; MESSIER, 2002 : 237).
Médard Hébert (1810-1849) Né à Laprairie, d’Ambroise
Hébert et de Charlotte Sainte-Marie. Il est admis notaire à
Ces hommes du camp de Saint-Constant
Laprairie en 1831. En 1834, il épouse Marie-Esther Barbeau. paieront cher leur participation au soulèvement,
Revenu d’exil aux États-Unis vers 1843, il fonde à Laprairie, en particulier ceux qui ont trempé dans la mort
en société avec Hiram Duclos, un commerce qui connaîtra
un grand succès. En 1846, il est le premier secrétaire- d’Aaron Walker, le 3 novembre. Cultivateur à
trésorier de Laprairie (GUENETTE, 1992 : 41). Saint-Philippe et capitaine dans la milice,
les comtés mart y rs de 183 8 247
manœuvrer pour prendre le rapide des des intérêts dans de multiples domaines, la
Cèdres. Aucun radeau ne pouvant résister à la seigneurie connaît un certain essor. Elle
chute aux Bouleaux, de petits canaux sont s’étend sur 324 milles carrés, sur la rive sud
aménagés le long des berges afin de faciliter le du Saint-Laurent, à l’ouest de Montréal. Elle
passage des barques et d’éviter les rapides. La est reconnue pour sa grande valeur et, bien
navigation augmente donc, de même que le qu’elle soit gérée par un agent résidant,
tonnage des bateaux et la quantité de mar- Lawrence G. Brown, bénéficie de l’attention
chandises. Au début du xixe siècle, le com- particulière de son propriétaire et d’une
merce du bois remplace celui de la fourrure. longue série d’améliorations et d’investisse-
Plusieurs auberges sont ouvertes afin d’ac- ments, souvent considérables, dont la cons-
cueillir les draveurs qui doivent s’arrêter à truction de routes, de chemins de fer, de
Châteauguay. La guerre de 1812-1814 accélère canaux et la construction de moulins, d’écoles
l’aménagement de voies d’accès à la seigneurie et même d’un palais de justice. Ellice est un
et un bateau à vapeur dessert Châteauguay à des apôtres de la conversion en franc et
compter de 1820. À Beauharnois, le premier commun soccage ou township. Il profite
moulin est construit en 1831, pour le compte notamment du Canada Tenure Act de 1825,
du seigneur Ellice. Plus tard, on y ajoute un pour convertir les terres non concédées au sud
moulin à scier le bois. Quant au premier canal
de Beauharnois, sa construction ne débute Edward Ellice (1783-1863) Deuxième fils d’Alexander Ellice
et d’Ann Russell. Il fut à la fois un habile financier, un
qu’en 1842 et il est ouvert à la navigation en important propriétaire foncier et un homme politique
1845. Les catholiques ne représentent que influent de l’Angleterre du XIXe siècle. Époux de Hannah
56 % des 16 829 habitants du comté en 1831, Althea Grey. Très engagé dans la politique coloniale au
Canada, il crée notamment en 1810 le Canada Club, un
ce qui laisse une forte minorité anglo- lobby anglais voué à la promotion d’un système protec-
protestante, notamment des presbytériens tionniste et oligarchique au Canada. En 1822, il est le
principal promoteur du projet d’union du Haut et du Bas-
d’origine écossaise. Canada dénoncé par les députés canadiens. Edward Ellice
Sous la direction du richissime Edward séjourna à quelques reprises au Canada et aux États-Unis,
Ellice, homme d’affaires influent possédant une dernière fois avant les troubles en 1836.
250 pat r iotes et loyaux
de sa seigneurie. Le reste est divisé en plusieurs battre le cumul des charges par des hauts fonc-
domaines auxquels il donne les noms des tionnaires et qu’une partie des 92 Résolutions
membres de sa famille. Saint-Timothée reçoit sont acceptables (MGZ 01-05-1834). Le 15,
par exemple le prénom de sa fille Helen pour c’est au tour des loyaux de North Georgetown,
devenir « Helenstown ». Ellice est cependant réunis à la taverne Reeves, de se prononcer
détesté de ses censitaires, selon Greer, contre les 92 Résolutions (MGZ 15-04-1834).
pourchassant activement les squatters installés Le 19, c’est aux loyaux de Huntington à dénon-
sur ses propriétés, alors que Colthart qualifie cer les 92 Résolutions et, d’une manière
plutôt ses relations avec les paysans de explicite, les deux députés de Beauharnois :
« satisfaisantes » (COLTHART, 1988 : 259 ; Jacob DeWitt et Charles Archambault (MGZ
GREER, 1997 : 243). 01-05-1834). Les loyaux de Beauharnois sont
d’ailleurs ulcérés par la tenue d’assemblées
Le mouvement loyal patriotes dans leur région. Le 26 avril, ceux de
Coup sur coup, cinq assemblées loyales ont lieu Hemmingford s’interposent lors d’une assem-
en avril 1834 dans Beauharnois. Elles concluent blée convoquée par des patriotes et tentent d’en
toutes que les 92 Résolutions sont en partie ou prendre le contrôle. Depuis la résidence de
totalement inacceptables. Elles conviennent William Scriver, au moins 18 personnes pré-
aussi d’adresser une requête au gouverneur. sentes demandent que leur nom soit retiré de
Cette requête est signée par quelques dizaines la pétition d’appui aux 92 Résolutions (MGZ
d’individus lors de chaque rassemblement. Le 06-05-1834 ; VIN 20-05-1834).
8 avril 1834, des habitants de Williamstown se C’est à Georgetown, le 23 octobre 1834,
réunissent. Ils reconnaissent les bienfaits de la que sont désignés les candidats loyaux en vue
constitution actuelle qui permet « a mixed des élections générales : William Bowron et
forme of government » et garantit les droits de Thomas McLeay Gardner. McLeay Gardner se
toutes les composantes de la société bas- désiste toutefois immédiatement, pour ne pas
canadienne. On dénonce ensuite l’attitude de diviser le vote entre lui et Bowron. De ce fait,
la majorité parlementaire qui consacre temps on concède automatiquement un siège au
et énergie à des revendications qui n’améliorent candidat patriote Jacob DeWitt, que la majo-
en rien le sort du peuple. La plupart des rité réformiste du comté ne manquera pas de
résolutions portent cependant sur le piètre état réélire. Le choix de Bowron est entériné le
des infrastructures : le mauvais état des routes, lendemain à Williamstown, dans une nouvelle
des systèmes de drainage, l’absence de bureau assemblée publique. On en profite pour pro-
d’enregistrement et les retards dans la canali- céder à une collecte de fonds en faveur du
sation du fleuve. On conclut en remerciant la candidat loyal (MGZ 31-10-1834). Finale-
députation loyale à l’Assemblée et en suggérant ment, DeWitt et Archambault sont facilement
que seule l’unification du Haut et du Bas- élus en novembre 1834, laissant Beauharnois
Canada peut aplanir les tensions sociales qui se sans député pro-gouvernemental.
manifestent dans la province (MGZ 22-04- Dès le 9 mars 1835, les loyaux de Beauhar-
1834). Le 10 avril, des loyaux se réunissent à nois s’organisent au sein d’une association
Hinchinbrook et dénoncent les députés patrio- constitutionnelle. Fait intéressant, ils décident
tes. On reconnaît cependant qu’il faut com- de s’affilier à l’association constitutionnelle de
les comtés mart y rs de 183 8 251
Québec plutôt qu’à celle de Montréal, malgré cependant totalement absent en 1837 lors de
l’évidente proximité géographique. Les loyaux l’appel des volontaires. À Hinchinbrook,
de Beauharnois sont-ils embarrassés par la pro- Thomas McLeay Gardner est aussi présent à
position de la MCA qui prône l’annexion la plupart des assemblées. Il serait arrivé au
de l’île de Montréal au Haut-Canada ? Ou Canada en 1828 et ensuite juge de paix et
trouvent-ils les propositions de la QCA plus major de milice. Contrairement à Bowron,
nuancées, donc plus proches de ce que les McLeay Gardner joue, lui, un rôle central dans
assemblées ont voté au printemps de 1834 ? l’appel aux volontaires à l’automne de 1837 et
Toujours est-il que la charte de la Beauharnois préside les assemblées de Hinchinbrook le 27
Constitutional Association (BCA) est immédia- novembre et de Russeltown le 4 décembre, en
tement signée par 57 personnes et qu’un plus de commander la Huntingdon Volunteer
exécutif de 18 personnes est formé. Lawrence Cavalry en 1837 et 1838 (MGZ 26-02-1835,
G. Brown est nommé président et Robert H. 12-12-1837 ; HUNTINGDON COUNTY
Norval, secrétaire de l’association. Ils seront MILITIA PAY LISTS, 1838).
d’ailleurs réélus l’année suivante. Les autres Un an plus tard, le 8 février 1836, l’exécutif
membres de l’exécutif sont le candidat défait de la BCA remet son premier rapport. On y
William Bowron, Thomas McLeay Gardner, indique que l’adhésion à la QCA s’explique
John Charters, James Davidson, John David- par les avances que cette association avait
son, Alexander Douglas, Finlay Fisher, M. W. faites auprès des loyaux du comté, alors que la
Harrison, John McGibbon, James Millar, MCA n’avait pas daigné le faire. Il est cepen-
Robert Murray, John Napier, Robert Robertson, dant question de rétablir la situation et de
John Severs et John Stewart (MGZ 17-03-1835). désormais s’aligner sur l’association de Mont-
William Bowron est un commerçant ins- réal. L’exécutif annonce aussi qu’il participe à
tallé juste au nord de la frontière et du village l’envoi à Londres d’émissaires des associations
de Champlain (New York). Il est officier de de Montréal et de Québec, donc qu’il contri-
milice et juge de paix à Hinchinbrook, qu’il bue aux dépenses des délégués. On nomme
représente d’ailleurs au sein de l’exécutif de la ensuite les délégués du comté au Select Gene-
BCA (MGZ 17-03-1835). Du fait de sa nota- ral Committee. Sans surprise, il s’agit de
bilité et de ses nombreuses commissions, on Thomas McLeay Gardner et de Lawrence G.
le retrouve à presque toutes les manifestations Brown. L’été de 1836 est marqué par un
loyales où il prononce des discours. Il est événement significatif. Le 30 juillet, à l’hôtel
Reeves de Beauharnois, le propriétaire de la
William Bowron Originaire de Cotherston, dans le seigneurie, l’éminent Edward Ellice, l’un des
Yorkshire et de confession quaker. Selon Robert Sellar, hommes les plus influents de l’empire britan-
Bowron aurait perdu sa fortune en investissant dans une
fabrique de toiles de Montréal. En 1822, il est nommé agent
nique, est l’invité d’honneur d’un souper
des terres de la Couronne et fonde le village de Huntingdon. regroupant quelque 500 personnes, dont son
Il est également un proche du seigneur Ellice (Sellar, Vin 11- agent et ci-devant président de l’association
04-1834) ; associé de Robert Hoyle, il fournit en viandes les
troupes britanniques stationnées sur la frontière. constitutionnelle de Beauharnois, Lawrence G.
Brown (MGZ 13-02-1836 ; MS 23-08-1836).
Thomas McLeay Gardner Originaire d’East Lothian en Le fait que le président de l’association
Écosse et époux de Marion Pringle. constitutionnelle de Beauharnois soit en
252 pat r iotes et loyaux
même temps l’agent de colonisation du ford. Deux officiers ont en outre été envoyés à
seigneur Edward Ellice témoigne d’une collu- Montréal afin de quérir des armes et des
sion évidente entre les grands propriétaires et ordres pour leurs régiments. La compagnie de
le mouvement loyal. Lawrence George Brown Hemmingford du capitaine William Schriver
est aussi délégué au Select General Committee (1794-1878) jouera notamment un rôle
et donc en contact avec les ténors du mouve- crucial lors des batailles qui se dérouleront
ment loyal à Montréal et Québec. En 1838, il dans le comté voisin de L’Acadie en novembre
est colonel de la compagnie des volontaires de 1838 (MGZ 12-12-1837, 16-12-1837).
Beauharnois. À ce titre, le 4 novembre 1838, il Les principaux officiers de la milice volon-
commande les volontaires retranchés dans le taire du comté sont, pour le Beauharnois
manoir Ellice et assure la protection de Jane Loyal Volunteers, le colonel Lawrence G.
Ellice et de lady Balfour. Il est fait prisonnier Brown, le capitaine John Ross et le quartier-
par les patriotes et détenu jusqu’au 10 novem- maître David Norman. Pour Hemmingford,
bre (CHÂTEAUGUAY COUNTY, MILITIA les cinq compagnies de volontaires sont sous
PAY LISTS, COMPANIES IN THE BEAU- le commandement du lieutenant-colonel John
HARNOIS BATTALION). La collusion Schriver et des capitaines Joshua J. Odell,
devient évidente quand on sait que le secré- Humphreys Nesbitt, James Shields, John
taire de la BCA, Robert H. Norval, est lui aussi Edwards, Donald McFee, Alexander McFee,
un agent de colonisation à l’emploi du sei- Thomas Hall Woolrich (HUNTINGDON
gneur (tax collector). Norval est également COUNTY MILITIA PAY LISTS, 1838). Pour
agent de la Hudson Bay Company, dont son Châteauguay, les principaux officiers sont les
patron Edward Ellice est l’un des principaux capitaines Henry Wright (North George-
actionnaires. Il est avec Brown au manoir town), Andrew Strachan (Jamestown), James
Ellice lorsqu’il est attaqué par les hommes de Nicol (Ormstown), Robert Watherston, John
de Lorimier et de Prieur. Tate, George Howden, Robert Orr Wilson,
Les loyaux de Beauharnois entrent de nou- James Craig, D. Finlayson, John Ainslie, John
veau en action à compter de novembre 1837 Robinson, John Sever, James Wright, William
pour former des corps de volontaires. À Hin- Steele et le lieutenant de cavalerie Thomas
chinbrook le 27, à Huntingdon le 28, à Hem- Gebbie. La Huntingdon Volunteer Cavalry est
mingford le 1er décembre, le 4 décembre à sous le commandement du capitaine Thomas
Russeltown et le 6 décembre à Jamestown, on McLeay Gardner.
procède à l’enrôlement de tous les volontaires
présents. Si bien qu’en décembre le comté est Le mouvement patriote
en mesure d’aligner 750 hommes provenant Comté jumeau de Laprairie avec lequel il par-
principalement des townships de Dundee, tage de nombreux leaders régionaux, Beau-
Godmanchester, Hinchinbrook et Hemming- harnois offre cependant un spectacle différent
quant à la mobilisation politique. Autant l’or-
Robert Howden Norval (1798-1855) Né à Abbotshall en ganisation loyale est famélique dans Laprairie,
Écosse. Il tente d’attacher son nom à l’endroit où il habite autant elle est dynamique dans Beauharnois.
sous le nom de Norvalville, qui deviendra finalement Saint-
Chrysostome (1838). Capitaine de milice en 1827 pour le À l’inverse, autant les patriotes sont plutôt
village de Beauharnois. bien organisés dans Laprairie, autant ils sem-
les comtés mart y rs de 183 8 253
blent peu actifs dans Beauharnois. Cette Ensuite, plus rien. On sait que les loyaux du
impression doit cependant être nuancée comté, fermement encadrés par les agents
quand on considère à quel point le mouve- seigneuriaux et les juges de paix, voient d’un
ment de révolte de 1838 s’y avère intense, mauvais œil la tenue d’assemblées patriotes.
même si les principaux leaders viennent de En tant que marchand très dynamique,
l’extérieur du comté. Jacob DeWitt atteint une popularité notable
Le mouvement politique patriote dans parmi les Canadiens français de Montréal et de
Beauharnois connaît une existence brève, Beauharnois. Député du comté en 1830, il se
entre mars et mai 1834. Au départ. il semble range du côté patriote et appuie les 92 Réso-
vouloir offrir une chaude lutte au mouvement lutions : « Il s’identifia si bien au groupe des
loyal qui démarre lui aussi promptement. Une défenseurs des droits des Canadiens français
première assemblée d’appui aux 92 Résolu- que certains historiens, peu renseignés peut-
tions a lieu à Saint-Clément, le 31 mars. On y être sur ses origines, sa langue et sa religion,
crée un comité de correspondance chargé de l’ont qualifié de patriote canadien-français »
faire circuler une pétition et on délègue le (RICHARD 1949-50 : 541). DeWitt milite en
député Jacob DeWitt comme représentant de particulier afin que les églises chrétiennes
Beauharnois au « Comité central et perma- dissidentes puissent célébrer et enregistrer les
nent de Montréal » (VIN 04-04-1834). Une mariages de leurs membres. Rejetée deux fois
assemblée analogue a lieu à la salle de l’école par un Conseil législatif principalement
de Huntingdon le 7 avril. Selon The Vindi- anglican, cette proposition est enfin acceptée
cator, de 300 à 350 habitants de Hinchin- grâce à la ténacité de DeWitt. Ce dernier
brook, Godmanchester et Dundee viennent y s’attaque ensuite à la question des droits sei-
appuyer les résolutions patriotes et créer, eux gneuriaux et défend les droits des colons éta-
aussi, un comité de correspondance où l’on blis dans les régions périphériques et menacés
retrouve notamment Charles DeWitt et James par la conversion de leur terre en franc et
Perrigo (VIN 11-04-1834). Enfin, les réfor- commun soccage. Pour le clan Ellice, d’anciens
mistes de Williamstown, Edwardtown et tracés d’arpenteurs démontraient ses droits sur
Russeltown se retrouvent à Norton Creek, certaines terres voisines de sa seigneurie. On
chez Patrick Kehoe pour le même motif. refuse donc de vendre des lots et de concéder
Christopher Read est président et James des droits aux colons qui s’y étaient installés.
Duncan secrétaire. La quinzaine de noms au Durant sa longue lutte, DeWitt acquiert une
procès-verbal sont tous anglophones (VIN 23- grande connaissance du régime seigneurial et
05-1834). Le 26 avril, les patriotes de Beau- participe plus tard aux travaux qui devaient
harnois avaient tenté d’organiser une réunion mener à son abolition en 1854. Cependant, en
similaire. L’assemblée est cependant détournée homme d’affaires prudent, DeWitt refuse de
par des loyaux qui empêchent sa tenue et
Charles Archambault Il sert pendant la guerre de 1812 à
demandent que des noms soient retirés de la titre de capitaine dans le 2 e bataillon de milice de Beau-
pétition favorable aux 92 Résolutions (MGZ harnois ; il prend part à la bataille de La Fourche en 1813.
06-05-1834 ; VIN 20-05-1834). La pétition de Obtient une commission d’arpenteur, le 26 juin 1816. Exerce
sa profession à Beauharnois, arpente notamment la
150 noms est quand même acheminée au seigneurie de Beauharnois et, en 1833, est l’un des experts
CCPM, ce qui est somme toute modeste. pour l’évaluation des terres. Inspecteur d’école en juin 1831.
254 pat r iotes et loyaux
s’engager dans l’animation politique de son 1997 : 221, 240-242, 280). Les deux autres
comté et ne jouera aucun rôle dans la rébellion artisans du soulèvement de 1838 ne sont pas
dans Beauharnois. du comté. Le sort du notaire montréa-
On peut en dire autant de son colistier, lais François-Thomas Marie Chevalier de
arpenteur de Beauharnois, Charles Archam- Lorimier et celui du médecin de l’île Jésus
bault, élu député de Beauharnois en 1830 et (Terrebonne), Jean-Baptiste-Henri Brien sont
réélu en 1834. Archambault vote en faveur des en fait liés depuis l’assemblée de fondation de
92 Résolutions mais se fait autrement peu l’Association des Fils de la liberté, le 5 sep-
remarquer. Le 11 décembre 1834, il participe tembre 1837 et la bagarre contre des membres
à une réunion du comité de correspondance du Doric Club, le 6 novembre suivant. On
de Montréal, mais ne participe qu’à un seul les retrouve ensuite tous deux dans Deux-
vote à la session de 1836 et ne siège pas en Montagnes à organiser la résistance. Ils pren-
1837 (ANC MG24 B129 : 38). nent la fuite aux États-Unis et, le 2 janvier,
participent à la rencontre de Middlebury où
Le soulèvement de 1838 ils décident conjointement de se joindre à
La faible mobilisation patriote dans Beauhar- l’organisation de Robert Nelson. De Lormier
nois est hors de proportion avec l’intense et Brien débarquent donc dans Beauharnois
agitation qui règne durant le bref soulèvement en juillet suivant et recrutent activement des
de novembre 1838. À cette occasion, de nom- membres dans la région de Sainte-Martine en
breux individus, inconnus jusque-là, s’enga- vue du soulèvement de novembre.
gent dans le soulèvement « chasseur ». Le chef Comme Prieur, dont il est très proche,
de la révolte de 1838 est un jeune marchand Charles Rapin est commerçant à Saint-
de Saint-Timothée, François-Xavier Prieur,
qui avoue lui-même ne pas avoir pris une Charles Rapin (1809-1897) Né à Pointe-Claire. Il fréquente
un collège de Montréal et entreprend des études notariales
grande part à l’organisation du mouvement qu’il ne terminera pas sous Jean-Baptiste Peltier à Sainte-
patriote dans sa paroisse. On sait seulement Geneviève. En 1831, il prend en charge un magasin établi à
qu’il fréquentait la librairie d’Édouard- Saint-Timothée et s’y installe tout en prenant pour épouse
Rose Léger. Le 21 décembre commence le procès de Charles
Raymond Fabre à Montréal. D’ailleurs, dans Rapin. Il est comdamné à mort, mais obtient finalement son
son journal, il n’aborde point les événements pardon le 23 septembre 1839.
précédant le 3 novembre 1838 (PRIEUR,
1974 : 90 ; BOISSERY,1995 : 104 ; SENIOR, Toussaint Rochon Né à Beauharnois, de Pascal Rochon et
de Marie-Rose Guibault. Il se dit carrossier, huissier et
peintre. Sait lire et écrire. Frère d’Édouard-Pascal Rochon et
François-Xavier Prieur (1814-1891) Né à Saint-Joseph-de- de Jérémie Rochon, aussi déportés en Australie. Se marie à
Soulange, d’Antoine Prieur et d’Archange Véronneau-Denis. Sophie Roy le 7 janvier 1835 (sœur de Joseph Roy et cousine
Il passe son enfance à Saint-Polycarpe, puis s’établit comme de Basile Roy, tous deux déportés avec Toussaint Rochon).
marchand à Saint-Timothée en 1835. Il a l’occasion de Son procès devant la cour martiale se tient du 11 au 21
rencontrer les politiciens du Parti canadien. C’est durant sa janvier 1839. On le déporte en Australie. En 1842, quand il
fuite qu’il rencontre sa future femme, Marguerite Neveu. Il peut être loué et travailler pour un marchand, il est engagé
se marie le 17 juillet 1849. Exilé en Australie, Prieur revient par un certain M. Semphill avec son frère Édouard-Pascal
au Canada le 5 septembre 1846 à bord du Saint-George, (AUBIN, 1998 : 392). Il revient au Canada en janvier 1845.
grâce à son ancien maître M. Mesnier qui lui paie son billet Après les troubles, il s’installe dans son village de Beau-
(PRIEUR, 1974 : 225 ; 243 ; DUCHARME,1998 : 74 ; LEPAIL- harnois et y entreprend le commerce de voitures. Conseiller
LEUR, 1996 : 390 ; MIN du 3 février ; du 5 février 1891 ; du village de 1849 à 1862 alors qu’il est élu maire de Beau-
LEPAILLEUR, 1996 : 390 ; FALARDEAU, 1944 : 9). harnois (JULIEN, 1988 : 2-3).
les comtés mart y rs de 183 8 255
s’emparer du navire, Prieur déploie ses commandés par James Perrigo et Charles Roy
hommes en deux groupes. Une centaine dit Lapensée. Ce jour-là, les volontaires du
d’hommes se dissimulent aux abords du quai Glengarry Highlanders et du 71e régiment du
de Beauharnois, tandis que Prieur et cin- major Carmichael arrivent dans le comté. Le
quante hommes occupent un hangar à même détachement de Prieur et Perrigo se place en
le quai, laissant au capitaine le temps d’accos- position d’attaque et, contre toute attente,
ter et d’amarrer son navire. Ils sautent à bord, réussit à contenir l’adversaire. Après l’affronte-
prenant possession du vaisseau. On fait une ment, le camp Baker reçoit ordre de se replier
trentaine de prisonniers, passagers et mem- sur Napierville. Arrivés à Lapigeonnière, ils
bres d’équipage, qui sont conduits au pres- apprennent que leur victoire a été inutile
bytère du curé Quintal, où se trouvent main- quand un courrier les informe de la défaite de
tenant aussi mesdames Ellice et Balfour. Leur Nelson à Odelltown. Dans la nuit du 9 au 10
tâche accomplie, ils reçoivent l’ordre du novembre, Perrigo donne ordre de dispersion.
général Robert Nelson d’attendre ses instruc- Prieur écrit dans son journal : « Ici se termine
tions pour se rallier. Ces instructions ne leur ma carrière de militaire et de chef de troupe,
parviendront jamais. Ils se dispersent finale- et va commencer celles de fugitif, de prévenu,
ment à l’arrivée des troupes à Beauharnois le de condamné et d’exilé parmi les forçats »
10 (JULIEN, 1986 : 53-54). (PRIEUR, 1974 : 101). Il est finalement pris le
Avec d’autres, Prieur et de Lorimier ne 20 novembre et incarcéré avec les autres fugi-
demeurent pas inactifs et rallient le camp tifs au moulin de Beauharnois, avant d’être
Baker au matin du 9 novembre en apprenant transféré à la prison du Pied-du-Courant le
qu’une troupe de 800 volontaires s’y dirigent. 1 er décembre. Les volontaires incendient
Le camp est alors constitué de 500 hommes ensuite le camp Baker où l’on fait de nom-
breux autres prisonniers.
James Perrigo (1788-1853) Né à Burlington, Vermont, de
Le 10 novembre, l’armée marche sur Beau-
James James Perrigo, d’origine italienne et d’Anna Graham.
En 1812, Perrigo est voltigeur sous le grade de capitaine et harnois, délivrant du coup les prisonniers
participe à la bataille de Châteaugay. Il commandait un loyaux, dont les personnalités faites prison-
détachement de 40 Indiens. Il possède d’abord un magasin
à la mission du Sault-Saint-Louis, puis à Sainte-Martine. Avec nières lors de l’attaque du manoir Ellice. Les
son beau frère George Washington Baker, il achète la membres de la famille Ellice sont à nouveau
concession d’une terre sur la seigneurie de Beauharnois où réunis le 18 novembre 1838 quand ils sont
il construit une maison, un magasin et une fabrique de
potasse. Forcé par les circonstances, il s’improvise médecin. rejoints par le jeune Edward. Une semaine
En 1831, il participe avec un groupe de concitoyens de plus tard, ils quittaient le Canada pour retour-
Sainte-Martine à la création de l’école élémentaire no 3 de
la rivière Châteauguay.
ner en Angleterre. Le vapeur Brougham est
quant à lui ramené à Lachine. Les miliciens
Charles Roy dit Lapensée Né en 1788 à Saint-Clément- constatent les dégâts au navire et remarquent
de-Napierville (Beauharnois). Oncle de Charles et de Basile que le courrier du Haut-Canada est intact. La
Roy. Il est cultivateur. Participe à l’assemblée de l’Acadie, le
8 octobre 1837 et, en novembre 1838, au camp Baker,
répression quant à elle fait quatre morts et des
armé d’un fusil. Arrêté, il subit son examen volontaire le 30 dizaines de prisonniers parmi les « Frères
novembre 1838. Condamné à mort, sa peine est commuée chasseurs » de Beauharnois (JULIEN, 1986 :
en déportation en Australie, séjour qui lui fut apparemment
particulièrement pénible (MESSIER, 2002 : 426). De retour 55 ; AUBIN, 2000 : 15).
au Canada en 1845.
les « républiques » du nord
rappeler ses 40 ans de loyauté envers les futures émeutes et d’un autre vote » (Relation
Canadiens. Le bureau de vote est installé historique..., 1835 : 31 ; GREER, 1997 : 335).
d’abord à Saint-André, fief loyal. L’« officier- Déjà en 1827, le notaire Stephen Mackay
rapporteur » Stephen Mackay ouvre le scrutin épaule le seigneur Dumont lorsque ce dernier
le 4 novembre à 14 heures et dès 15 heures on décide de destituer les officiers coupables
annonce que les candidats patriotes mènent d’avoir pris position contre le gouverneur
par 91 voix contre 27. À la suite d’une Dalhousie puis assiste à l’assemblée loyale du
échauffourée, Mackay ajourne l’élection. Dans 14 avril 1834 à Saint-Eustache. Il occupe à
les jours qui suivent, des électeurs loyaux de deux reprises le rôle d’« officier-rapporteur »,
Grenville, Gore et Chatham tentent de s’in- en 1831 et en 1834, même si cela était con-
terposer afin de renverser la tendance du vote. traire à la loi. Son poste est d’autant plus cru-
À quoi on réplique en faisant appel aux cial en 1834 quand il prend la décision de
Irlandais de Saint-Colomban, qui ne tardent suspendre le vote (MIN 7-07-28 ; MGZ 19-
pas à niveler les forces aux portes du bureau 04-1834 ; BERTHELOT, 1975 : 17 ; SÉGUIN,
de vote. À l’ajournement, lundi 10 novembre, 1955 : 12).
Scott a 416 voix, Girouard, 416, Brown, 706 et
Globensky, 698. Le poll se transporte à Saint- La mobilisation loyale
Eustache à compter du jeudi 13 novembre On le constate, la dynamique d’affrontement
1834. Dans la nuit du mercredi au jeudi, des entre loyaux et patriotes est déjà bien établie
groupes hostiles aux patriotes dirigés par les dès 1834. En mars 1834, des habitants des
Davis, McVicar, McLean, Hertel et Earle et des townships de Grenville et de Chatham se
orangistes d’Argenteuil arrivent au village afin réunissent afin de dénoncer les 92 Résolutions
« d’assurer la victoire de Brown et Globensky » qu’on considère inacceptables, with very few
(Relation historique..., 1835 : 20). Le lende- exceptions. On conclut aussi que la léthargie
main, vendredi soir, Girouard et Scott dispo- qui frappe l’économie de la province peut être
sent respectivement de 674 et 675 voix, tandis attribuée au manque de loyauté d’une bonne
que les candidats Brown et Globensky n’ont part de ses habitants. Le 4 avril suivant, des
pas bougé. Le soir même, une bataille rangée anglophones de Saint-André s’objectent à un
éclate sur la grande-rue opposant les partisans Conseil législatif électif et demandent « qu’il
des deux camps qui demeurent sur le qui-vive
la nuit durant. À l’ouverture du poll le samedi
Étienne (Stephen) Mackay (1779-1859) Né à Montréal, de
matin, Brown se présente seul et convoque Louise-Marguerite Herbin et de Samuel Mackay, un officier
l’« officier-rapporteur ». Stephen Mackay mercenaire écossais cornet dans l’armée hollandaise, puis
annonce que MM. Brown et Globensky se dans l’armée britannique contre les Américains (VALLIÈRES,
L’Éveil, 2000). En 1805, Mackay épouse Marie-Françoise
retirent de la course et proclame du même Globensky, sœur de Frédéric-Eugène, Maximilien et Hubert.
coup Girouard et Scott élus. Pourtant, « les Mackay obtient sa commission de notaire le 1er mars 1821 et
pratique sa profession à Saint-Eustache. Il possède aussi une
constitutionnels mènent encore à ce moment- terre sur la côte du Lac. Le 25 mai 1812, il est capitaine dans
là par une légère marge. Ils se retirent, semble- le 2e bataillon de la milice canadienne et major en 1826. En
t-il, pour éviter d’autres actes de violence, 1837, il est adjudant de l’état-major du 1er bataillon du comté
du lac des Deux-Montagnes (SÉGUIN, 1955 : 131-132 ;
quoique leur décision soit peut-être influencée ANQM, greffe de Stephen Mackay, minute 3509, 19 juillet
par la crainte des conséquences probables de 1853 ; ANQM, First Battallion…).
260 pat r iotes et loyaux
soit pris des mesures pour assurer l’indépen- de l’assemblée. Joseph-Amable Berthelot est
dance de ce corps ». La semaine suivante, une alors élu président et Émery Feré, secrétaire
pétition d’appui au gouvernement est signée à (MIN 17-04-1834). Tour à tour, les Raizenne,
une assemblée loyale à Sainte-Thérèse (Terre- Feré, Chénier, Girouard et Scott prennent la
bonne) (AMI 19-04-1834). parole, transformant le rassemblement en
Le clan seigneurial autour des Globensky, rallye patriote. Les loyaux décident entre-
de De Bellefeuille et du seigneur Eustache- temps de se rendre chez le notaire Frédéric-
Nicolas Lambert-Dumont n’est pas en reste et Eugène Globensky où ils poursuivent tant
organise le lundi 14 avril 1834 une vaste bien que mal leurs travaux, adoptant cinq
assemblée loyale à Saint-Eustache. Pas moins résolutions et écoutant les discours d’Aaron
de 1000 personnes y auraient assisté pour P. Hart, avocat de Montréal, et de Charles
dénoncer les 92 Résolutions et les agissements Dolbec, marchand de Saint-Eustache (MGZ
de l’orateur Louis-Joseph Papineau. Une 19-04-1834 ; AMI 16-04-1834).
adresse loyale est lue et immédiatement signée Massivement mobilisés pour rejeter les 92
par 200 électeurs. Les signataires « déclarent Résolutions, les loyaux de Deux-Montagnes
[être] prêts à verser leur sang de nouveau afin sont aussi prompts à s’organiser en associa-
de cimenter l’union entre la colonie et la tion constitutionnelle. Le 23 décembre 1834,
mère-patrie » (VIN 15-04-1834 ; MGZ 19-04- J. C. Grant, de Montréal, et J. F. M. Collard, de
1834 ; PAQUIN, 1978 : 86 ; AMI 16-04-1834). Québec, assistent à une assemblée des francs-
L’assemblée est toutefois interrompue par tenanciers du village de Saint-André. On y
quelques agitateurs patriotes présents dans la forme notamment une association vouée à la
foule qui arrivent même à prendre le contrôle sauvegarde des droits des loyaux de Deux-
Montagnes, la St. Andrews Constitutionnal
Eustache-Nicolas Lambert-Dumont (1767-1835) Né à Association, qui adopte les mêmes statuts que
Trois-Rivières, de Louis-Eustache Lambert-Dumont, cosei-
gneur des Mille-Îles, et de Marguerite-Angélique Boisseau. Il la QCA, créée à peine un mois plus tôt. Aussi-
étudie d’abord au collège de la Longue-Pointe, puis au tôt, une souscription est lancée et l’association
Séminaire de Québec (PAQUIN, 1978 : 86). Établi à Saint-
Eustache vers 1780, il acquiert d’abord en 1797 la seigneurie
compte vite 170 membres (QM 6-01-1835).
de l’île à la Fourche (Nicolet) (ANQM, greffe de Pierre-Rémy Dans sa déclaration, l’association en appelle à
Gagnier, minute 1973, 2 février 1797). En septembre 1800, l’harmonie entre Britanniques et Canadiens
il épouse à Saint-Eustache Marie-Narcisse Lemaire dit Saint-
Germain, fille d’un important marchand du village. À la mort qui sont dans l’ensemble les bienvenus « with
de son père en 1807, Lambert-Dumont hérite des deux tiers the exception of the salaried followers of a few
de la seigneurie de la Rivière-du-Chêne. Il entreprend alors
des travaux de construction de toutes sortes : moulins,
demagogues ». Cependant, on y annonce rien
digues, ponts, quais, ainsi qu’un nouveau manoir à Saint-
Eustache (GIROUX, 1997 : 54). En 1834, il épouse en secon- Charles Dolbec (1778-1834) Né à La Pérade, de Charles
des noces Sophie Ménéclier de Morochon. En 1795, il est Dolbec et de Marie-Reine Baril. Premier membre de la famille
major dans la milice de Vaudreuil, puis lieutenant-colonel, Dolbec à s’établir à Saint-Eustache, il devient rapidement un
juge de paix en 1800 et juge des petites causes en 1821 des plus importants marchands du village. Il épouse d’abord
(DBC, VI : 423-425). En 1827, il fait destituer la plupart des Marie-Claire Barsalou en 1812, puis en 1815 Marie-Suzanne
officiers de milice de son bataillon opposés au gouverneur Masson, sœur de Joseph Masson, seigneur de Terrebonne et
Dalhousie et à sa gestion seigneuriale (Les Cahiers d’histoire enfin Rosalie Payfer en 1824 (VALLIÈRES, L’Éveil, 2001 ;
de Deux-Montagnes, 1989 : 44). L’année suivante, en juillet ANQM, greffe de Pierre-Rémy Gagnier, minute 6325, 20
1828, il préside une cour martiale afin de juger ces 17 novembre 1812 ; greffe de Joseph-Amable Berthelot, minute
individus accusés de trahison « pour ne pas s’être enrôlés 811, 15 octobre 1815 ; greffe de Stephen Mackay, minute
suivant les ordonnances » (MIN 7 juillet 1828). 730, 2 décembre 1824).
les « républiques » du nord 261
de moins qu’une guerre civile si le gouver- diate de l’armée (RAPC, 1923 : 279). En août,
nement acquiesce à la demande de l’Assem- c’est au tour des officiers de milice d’Argenteuil
blée de rendre le Conseil législatif électif. d’adresser une pétition équivalente (MS 26-09-
Enfin, l’intimidation et la violence des 1837). Le 28 novembre, la tension politique
réformistes sont dénoncées lors des élections atteint des sommets lors d’une assemblée des
dans Deux-Montagnes. On décrit de même les habitants du chemin de Lachute et de Beech
pétitions patriotes et on entend vérifier nom Ridge (Argenteuil). On y convient de l’urgence
par nom si les signataires sont bien des de se liguer « to assist and support with our
électeurs enregistrés dans le comté. lives and fortunes our links with the Mother
L’ampleur de la mobilisation loyale dans Country ». Citant une déclaration incendiaire
Deux-Montagnes est donc notable en 1834. du notaire Girouard datée le 19 novembre à
C’est qu’on y retrouve côte à côte deux clien- Saint-Benoît, on décide ensuite de pourvoir à
tèles loyales rarement présentes dans un la création d’un corps de volontaires, ou
même comté : d’une part, des immigrants bri- association mutuelle destinée à se prémunir
tanniques pratiquant l’agriculture et forte- contre les attaques nocturnes des patriotes : « ...
ment imprégnés de traditions loyales, tels we must one and aIl, march this night to
qu’on les retrouve par exemple dans Sher- St.Andrews, and also to the adjoining Settle-
brooke ou Missisquoi, d’autre part, à Saint- ments, and indiscriminately slaughter man,
Eustache notamment, un clan seigneurial woman and child, so that no individual be left
conservateur, allié objectif de l’oligarchie colo- alone to tell the tale » (MC 11-12-1837). L’as-
niale, tel qu’on peut en retrouver un dans semblée convient cependant que la vie des
Lachenaie autour de Pangman ou dans L’As- femmes et des enfants, ainsi que les propriétés
somption avec Barthélemy Joliette. L’entente des rebelles doivent être considérées comme
entre ces deux forces politiques semble aussi sacrées et sous aucune considération ne
excellente, constituant une menace constante devraient être profanées.
pour les châteaux-forts patriotes pris en Un corps de volontaires est entre-temps
tenaille entre les deux bastions loyaux. formé le 27 novembre 1837. La première com-
Le mouvement loyal entre en dormance à pagnie du St. Eustache Loyal Volunteers est
compter de 1835. Qui plus est, en 1837, il a placée sous le commandement du capitaine
désormais du mal à suivre le train d’enfer qu’a Maximilien Globensky, assisté du lieutenant
pris la mobilisation patriote. On tente néan- Louis-Eustache Mackay, de l’enseigne Eus-
moins de répondre coup pour coup afin de tache Cheval, des sergents James Marshall et
contrecarrer l’image républicaine et radicale Andrew Brian et du caporal William Inglis.
que Deux-Montagnes est en train de prendre Une seconde compagnie est plus tard placée
aux yeux des autorités coloniales. sous le commandement du capitaine Basile
Dans le but de répliquer aux assemblées Choquette. Ces corps demeurent actifs jus-
patriotes, les magistrats de Saint-Eustache qu’en mai 1839, alors qu’on leur substitue le
adressent une pétition au gouverneur en juillet magistrat stipendiaire Frédéric-Eugène Glo-
1837. Ils déclarent que leur vie et leur propriété bensky qui met sur pied la première police
sont désormais en danger (AMI 12-07-1837) et locale (ANC War Office 13 ; ANC lettre de
demandent conséquemment l’assistance immé- Goldie à Globensky, 27-11-1837).
262 pat r iotes et loyaux
de l’assemblée patriote du 15 octobre 1837. À est grandement appréciée par les autorités et,
la vue des hommes qui s’approchent pour la le 4 novembre 1838, on lui confie à nouveau
neutraliser, elle sort aussitôt un pistolet le mandat de lever un corps de volontaires
« qu’elle tient caché dans son sein » (MIN 20- pour faire face à la menace chasseur (BER-
07-1837). Cette fâcheuse habitude qu’elle a de NARD, 2001 : 193 ; GAGNON, 1977 : 352 ;
brandir le pistolet chargé lui attire bientôt des A.P.C., War Office… ; PAQUIN, 1978 : 200 ;
ennuis. Dans l’espoir de la faire arrêter, BERTHELOT, 1975 : 16 ; GIROUX, 1998 : 44 ;
Girod et ses hommes se rendent à Sainte- VALLIÈRES, 1995 : 88 ; ANQ P224 : 3454,-08-
Scholastique le lundi 27 novembre 1837, mais 39).
elle avait déjà pris la fuite. Brave jusqu’à la David Mitchell et James Gentle signent la
témérité, Hortense Globensky a un tempéra- pétition loyale de Sainte-Thérèse le 10 avril
ment bouillant et pour le moins exceptionnel 1834, puis participent à l’assemblée du 14 à
(GLOBENSKY, 1991 : 89). Son rôle lui vaut Saint-Eustache. Ils se réfugient à Montréal à
notamment les surnoms de « Chevalière des compter du 5 décembre 1837. L’auberge de
Deux-Montagnes » (POP 26-07-1837), de Mitchell et le magasin de Gentle, sur la grande-
« l’Héroïne du Nord » (AMI 25-09-1838), de rue de Saint-Eustache, seront notamment pillés
« nouvelle Jeanne d’Arc » ou de « nouvelle
Maximilien Globensky (1793-1866) Né à Verchères, de
Pucelle d’Orléans » (MIN 20-07-1837 ; Marie-Françoise Brousseau et d’August Franz Globensky.
GREER, 1997 : 196-97 ; GIROD, 1998 : 131 ; Voltigeur canadien sous les ordres de Salaberry en 1812, il
ANQ P224 : 4010). est présent aux batailles de Châteauguay, Lacolle et
Ormstown (GLOBENSKY, 1991 : 59). Le 24 mars 1813, il
De fait, face à une situation de plus en plus obtient le grade de second lieutenant. Le 8 février 1815,
intenable pour eux, les principales familles avec la fin de la guerre, il est nommé premier lieutenant et
reçoit une demi-solde. Le 15 février 1819, il marie Élisabeth
loyales de Saint-Eustache se réfugient à Mont- Lemaire-Saint-Germain à Saint-Eustache, puis Marie-Anne
réal au tournant de décembre. Le magasin et Panet à Sainte-Mélanie-de-Joliette le 3 mars 1851 (A.P.S.E.,
la maison de Hubert Globensky sont alors 15 février 1819). Capitaine dans le premier bataillon de
milice du comté d’York en 1826. Le 12 septembre 1845, il
pillés par les rebelles, puis abritent une partie reçoit le grade de lieutenant-colonel dans la milice du Bas-
de l’état-major du général Colborne. Entre- Canada. Vers la fin de sa vie, il offre de nouveau ses services
au gouvernement pour faire face à la menace fénienne.
temps, le 27 novembre 1837, les autorités
coloniales avaient demandé à Maximilien
David Mitchell Né vers 1796, aubergiste et maître de poste
Globensky — gardien de la tradition militaire de Saint-Eustache. En juillet 1836, il acquiert la maison de
de la famille, ayant servi sous Salaberry durant Fleury Tison sur la grande-rue (ANQM, greffe d’Henry Griffin,
la guerre de 1812-1814 — de lever le St. Eus- 14 juillet 1836).
et occupés par les rebelles. Mitchell joint alors novembre, il rencontre Amury Girod « pour
la 1re compagnie des St. Eustache Loyal Volun- tâcher de terminer cette affaire d’une façon
teers du capitaine Globensky et participe à la pacifique ». Il est aussi « l’entremetteur de la
bataille de Saint-Eustache (AMI 19-04-1834 ; délégation à Saint-Benoît à l’arrivée de Col-
AMI 16-04-1834 ; Montreal Herald, 12-04- borne le 15 décembre 1837 » (C.R.L.G., lettre
1834 ; MGZ 19-04-1834 ; ANQ P224 : 734, 29- de Girouard à Morin, 27-04-1838 ; CAN 9-
01-1838 et no. 752, 28-12-1837 ; ANC H3/3401, 07-32 ; MGZ 22-04-1834 ; GIROD, 1998 : 140 ;
Saint-Eustache/1837 ; GIROUX, 1998 : 47 ; BERNARD, 2001 : 189). Moses Davis est, lui,
ANC lettre de Goldie à Mitchell, 18-12-1837 ; un authentique loyaliste arrivé après la créa-
A.P.C., War Office 13…). tion des États-Unis et l’un des pionniers de
À l’ouest du comté, les patriotes tentent Saint-André-d’Argenteuil où il fait figure de
d’abord de s’attacher les leaders des petites leader auprès de ses concitoyens. On le
communautés anglophones de Saint-André et retrouve d’abord aux côtés des réformistes à
de Lachute en tablant sur leur pauvreté et leur Saint-Benoît en juin 1832 et même au Comité
isolement. James Brown, Moses Davis, Donald de comté en mars 1834. Il rompt cependant
Charles McLean, Thomas Barron, Robert avec les patriotes et participe à l’assemblée de
McVicar et Owen Quinn ont cependant tôt Saint-André d’avril 1834 et siège à l’exécutif
fait de joindre les loyaux. Leur engagement les de la St. Andrews Constitutionnal Association
mènera jusqu’à la formation de corps de à compter de décembre. Afin de remplacer les
volontaires, si bien qu’avec eux les miliciens patriotes démis, Davis est nommé juge de paix
de ces localités joueront un rôle tristement en août 1837. Son nom apparaît ensuite sur
célèbre lors du saccage de Saint-Benoît. une déclaration de loyauté des miliciens le
James Brown avait déjà participé à une 3 août 1837. À titre de maîtres de paie du
assemblée réformiste en juin 1832. Il participe 2e bataillon de milice des Deux-Montagnes,
ensuite aux assemblées loyales du 12 avril et Moses Davis et Donald C. McLean lèvent une
du 23 décembre 1834, où il est nommé à l’exé- compagnie de volontaires d’Argenteuil et par-
cutif de la St. Andrews Constitutionnal Asso- ticipent au saccage de Saint-Benoît en
ciation. Candidat loyal défait aux élections de décembre (DUBOIS, 1937 : 90 ; MGZ 26-09-
1834, Brown continue cependant à se pré- 1837 ; MS, 26-09-1837 ; CAN 9-07-32 ; VIN
senter comme un intermédiaire crédible entre 25-03-1834 ; MGZ 22-04-1834 ; MGZ 8-01-
patriotes et loyaux à l’automne de 1837. Le 30
Moses Davis Originaire de Chesterfield au New Hampshire
James Brown (1776-1845) Originaire de Glasgow en (É.-U.), il s’installe dans Argenteuil vers 1799 où il ouvre un
Écosse. Il arrive à Montréal avec sa famille en 1797 (DBC, magasin général rapidement prospère. Il inaugure ainsi la
VII : 121). À ce moment, il travaille comme relieur au service première tannerie au village de Saint-André-Est qu’il
de l’imprimeur et député John Neilson. Il s’installe par la conserve jusqu’en 1847. En avril 1806, Moses Davis épouse
suite comme libraire et relieur à Montréal (DBC, VII : 121). Lurena MacArthur, fille d’un autre important pionnier de la
En 1804, il est engagé à titre d’agent de vente à Montréal région et acquiert, la même année, 90, puis 150 acres de
dans une papeterie à Saint-André où il s’établit en octobre terre. Il occupe plus tard le poste de juge de paix et de
1810 en qualité d’imprimeur-relieur. En juillet 1807, il fonde commissaire des petites causes dans sa région. En 1832,
à Saint-André, avec son frère Charles, La Gazette Moses Davis fait construire une imposante maison de pierre
canadienne/Canadian Gazette. En février 1808, il fait au centre du village de Saint-André qui servira de caserne
l’acquisition de La Gazette de Montréal qu’il revend en 1822 aux soldats d’Argenteuil lors des troubles de 1837 (WALES,
pour mieux se consacrer à sa papeterie. 1934 : 8 ; THOMAS, 1896 : 78-79,146 ; BÉRUBÉ, 1990 : 136).
266 pat r iotes et loyaux
1835). Tout comme Davis, Donald Charles une centaine de volontaires loyalistes de
McLean participe aux assemblées loyales du Lachute incorporés au 24e régiment du major
12 avril et du 23 décembre 1834 et signe la Henry Townshend. Selon Amédée Papineau,
déclaration de loyauté des miliciens en août Barron est le « meurtrier » de demoiselle Cléo-
1837. En décembre, McLean dirige un peloton phée Masson, sœur du docteur Luc-Hyacinthe
de cavalerie de volontaires de Saint-André, Masson, qui est dépouillée de ses vêtements
Carillon et Argenteuil. Ses hommes, tout par les volontaires de Barron et chassée de
comme ceux de Thomas Barron à Lachute, chez elle avec sa mère (DUBOIS, 1937 : 90 ;
sont incorporés aux corps du major Henry PAPINEAU, 1998 : 307 ; SENIOR, 1997 : 156).
Townshend et participent au saccage de Saint- Robert McVicar est sans contredit l’un des
Benoît (THOMAS, 1896 : 79 ; MS 26-09-1837, loyaux les plus actifs dans Deux-Montagnes.
26-09-1837 ; MGZ 22-04-1834 ; QM 6-01- On le retrouve d’abord à l’assemblée patriote
1835 ; MGZ 8-01-1835). Le notaire Thomas du 20 mars 1834 et même au CPCDM (VIN
Barron est aussi présent à l’assemblée 25-03-1834). Cependant, dès avril, on le
réformiste de 1832, mais se joint aux retrouve chez les loyaux, rédigeant une adresse
assemblées loyales d’avril et de décembre destinée à dénoncer les 92 Résolutions et, en
1834. Promu juge de paix à l’été de 1837, il est décembre, à l’exécutif de la St. Andrews Cons-
déjà major dans le 2e bataillon de Deux- titutionnal Association. En août 1837, il signe
Montagnes et signe la déclaration de loyauté la déclaration de loyauté et est secrétaire à l’as-
du 3 août. En septembre 1837, Barron dirige semblée du 28 novembre où il dénonce
l’attitude du député Girouard et encourage la
formation de corps de volontaires dans le
Donald Charles McLean (1786-1873) Originaire du comté
d’Argyll en Écosse. En juillet 1813, il travaille à la Hudson’s comté (MS, 26-09-1837 ; Morning Courier, 11-
Bay Company comme « patron de challoupe » (DBC, X : 12-1837). Enfin, on sait peu de chose d’Owen
« McLean » ). En 1816, il passe à la North West Company et
est nommé capitaine de la milice de Saint-André. En 1820,
Quinn qui participe pourtant au rassemble-
il épouse Annie Warren, de Fort Érié, et s’installe à Beech ment de mars 1834 à Saint-Benoît, puisqu’il
Ridge, à l’est de Saint-André, puis à Lochaber (Outaouais). agit comme secrétaire à l’assemblée constitu-
Juge de paix en 1833, membre de l’Église presbytérienne
d’Écosse, il est toutefois inhumé dans le cimetière anglican tionnelle de Saint-André. Tout comme ses
d’Eardley (THOMAS, 1896 : 49). acolytes, il se retrouve à la St. Andrews Consti-
Thomas Barron (1794-1864) Né dans le comté de Moray Robert McVicar (avant 1799-1864) Probablement né à
(Morayshire) en Écosse de Thomas Barron et de Catherine Bowmore dans l’île d’Islay en Écosse. D’abord commis à la
Hubert. Après un séjour au Haut-Canada, il épouse Sophie Hudson’s Bay Company, il passe ensuite 14 années dans la
Fortier en 1803. Premier Écossais à s’installer à Lachute, il se région de la rivière Saskatchewan et du lac Athabasca et
fait construire une grande demeure sur la rue principale, collabore notamment aux expéditions de John Franklin dans
près de la rivière du Nord en 1836. Il épouse en secondes l’Arctique de 1819 à 1822. C’est d’ailleurs ce dernier qui
noces Eliza Hastings. Reçu notaire en 1812, avocat en 1828, célèbre son mariage avec Christina McBeath en mai 1827
capitaine-adjudant de la division d’Argenteuil lors de la au fort Chipewyan. La même année, il est envoyé dans le
guerre de 1812, juge de paix en 1825, Barron participe district de Saint-Maurice afin de concurrencer les marchands
entre-temps en 1813 à la fondation d’une loge maçonnique de fourrures locaux. Il quitte finalement la Compagnie de la
à Saint-André dont il est le premier maître. Il est aussi vice- Baie d’Hudson en 1830 et s’installe dans la seigneurie d’Ar-
président de la Société d’agriculture du comté d’York en genteuil en tant que fermier. Adjudant dans le 2 e bataillon
1828 et agent des terres pour les townships de Chatham, de milice du comté des Deux-Montagnes, il est inspecteur
Gore, Wentworth et plus tard, Morin et Howard (RIGBY, des réserves du clergé dans le Haut-Canada en 1844. (DBC,
1964 : 17, 34 ; THOMAS, 1896 : 45, 204). IX : « McVicar » ).
les « républiques » du nord 267
tutionnal Association. Après la destitution que la seigneurie est pauvre, mal peuplée et a
d’officiers de milice en 1837, il est juge de paix même du mal à compter sur la présence d’un
pour sa paroisse (VIN 25-03-1834 ; MGZ 22- curé résidant. En l’absence de son frère, c’est
04-1834 ; QM 6-01-1835 ; MGZ 8-01-1835 ; Denis-Benjamin Papineau qui voit à la bonne
DUBOIS, 1937 : 90 ; MS, 26-09-1837). marche du domaine (BARIBEAU, 1983 : 81).
On est donc en face d’un comté excentrique
Ottawa en apparence, absolument étranger aux débats
Au-delà des hameaux de Saint-André et de qui déchirent les habitants de la vallée du Saint-
Lachute, l’Outaouais apparaît comme une Laurent. La mobilisation loyale n’y est pourtant
terre de passage entre la vallée du Saint- pas en reste quoiqu’elle s’exprime parfois d’une
Laurent et les pays d’en Haut, autrefois réser- manière inusitée. Le 25 mars 1835, on crée à
vés à la traite des fourrures, mais depuis le Hull une petite association constitutionnelle du
début du siècle déjà destinés à l’exploitation comté d’Ottawa. On y forme un comité
des inépuisables forêts de pin blanc. exécutif et une pétition est signée par les per-
L’occupation européenne est donc ancienne, sonnes présentes. Les mêmes se retrouvent le
mais encore fort superficielle en 1837. Le 14 janvier 1837 pour une assemblée annuelle.
comté s’étend à l’arrière du comté des Deux- Enfin, le 4 août suivant, on se rassemble à
Montagnes et est constitué d’un chapelet de l’église presbythérienne de Hull pour offrir son
townships échelonnés le long de la rivière appui au gouvernement colonial (MGZ 31-04-
Ottawa. La plupart ne sont pas peuplés et sont 1835 ; Bytown, 19-01-1837). Peuplé d’à peine
pour l’essentiel la chasse gardée d’entre- 6000 habitants, le comté d’Ottawa n’envoie
preneurs américains et britanniques ayant initialement qu’un représentant à l’Assemblée.
entrepris d’y attirer une main-d’œuvre saison- Député en 1834, James Blackburn participe
nière, formée pour l’essentiel de Canadiens aux assemblées loyales du 14 janvier et du 4
français et d’immigrants irlandais. À l’orée du août 1837, respectivement comme président et
comté, toutefois, la seigneurie de la Petite- orateur. En décembre 1837, il est nommé com-
Nation est une exception remarquable. Seule missaire chargé de faire le prêter serment
véritable expérience de colonisation agricole d’allégeance à Hull.
dans le comté jusque-là, la seigneurie occupe Selon Chad Gaffield, la crise politique bas-
aussi une place mythique puisqu’elle est la canadienne se traduit différemment dans ce
propriété de la famille Papineau depuis 1801 comté sous-développé, peuplé surtout de
et de Louis-Joseph Papineau lui-même depuis travailleurs forestiers de passage. La lutte entre
1817. De nombreuses études ont démontré patriotes et loyaux y prend plutôt la forme de
la guerre des Shiners qui, durant les années
Owen Quinn (1788-1851) Communément appelé
« Eugene » par ses proches, Quinn possède une terre dans la
paroisse de Saint-André. Il épouse Ann Conway, à Lachute. James Blackburn (1799-1851) Né à Glasgow en Écosse, il
Il est enseigne dans le 2 e bataillon de milice de Deux- rejoint des membres de sa famille établis dans la région de
Montagnes. Son nom apparaît sur une déclaration de Gatineau vers 1830. Deux ans plus tard, il s’installe à Hull
loyauté des miliciens du comté lors d’une assemblée à où il est capitaine d’un vapeur et marchand. En avril 1835,
Argenteuil le 3 août 1837 (MS, 26 septembre 1837). Meurt il obtient une concession sur le rang 12 du township de
le 14 mai 1851 dans le comté de Longford en Irlande Hull. On sait qu’il s’est par la suite établi à Aylmer en 1842,
(FORGET, non daté : 104). puis à Bairdstown, Illinois.
268 pat r iotes et loyaux
1830, met officiellement aux prises les tra- Celui qui verra cependant le plus sûrement
vailleurs forestiers et leurs employeurs aux à rétablir l’ordre dans le comté d’Ottawa est
marchands qui refusent de leur faire crédit en fait l’un des ténors de l’association consti-
pour l’hiver. En fait, il s’agit là d’une véritable tutionnelle de Montréal. La famille de Charles
guerre commerciale, comme le Nord-Ouest en Dewey Day s’installe d’abord à Montréal en
avait connu d’autres, qui se double d’une riva- 1812. En 1828, Day s’établit à Hull où son père
lité ethnique opposant travailleurs canadiens- possède une scierie, un moulin à foulon et
français et irlandais. Durant les années 1830, une forge. Bien qu’il conserve un bureau à
« les draveurs irlandais chercheront de plus en Montréal, Day pratique surtout dans la vallée
plus à chasser les Canadiens de la rivière parce de l’Outaouais, agissant à titre d’avocat-con-
que ces derniers travaillent pour des salaires seil auprès des grands du commerce du bois :
inférieurs » (GAFFIELD, 1994 : 216). Les Bowman, Ruggles et Philemon Wright. Dès
Canadiens reprochent en outre aux com- 1834, Day s’engage avec passion aux côtés des
pagnies forestières de bloquer la région aux loyaux de Montréal. Membre fondateur du
véritables défricheurs francophones pour comité exécutif de la MCA, Day participe
plutôt les maintenir dans la précarité et dans aussi au prestigieux Select General Committee
des emplois saisonniers mal rémunérés. À leur en juin 1836. En 1838, il est nommé juge-avo-
tête, on retrouve le légendaire Joe Mont- cat suppléant du tribunal militaire chargé de
ferrand, qui défend en fait les intérêt de la présider aux procès des patriotes emprison-
compagnie de Baxter Bowman. Ensemble, ils nés. En mai 1840, il entre au Conseil spécial à
affrontent les Irlandais représentant les inté- titre de solliciteur général, afin d’assurer
rêts des marchands Peter Ayler et Andrew promptement l’union du Haut et du Bas-
Leamy. Élu en 1834 en même temps que Canada (MGZ 8-04-1834, 22-11-1834, 23-01-
Blackburn, Baxter Bowman est capitaine de 1835, 5-02-1835, 31-05-1836, 21-10-1837, 30-
milice et puissant entrepreneur forestier, 11-1837 ; AMI 12-12-1835).
apparemment champion de la cause des tra-
vailleurs canadiens-français. Sa loyauté ne fait La mobilisation patriote
cependant aucun doute. Résidant le plus clair Comme on l’a vu précédemment, le comté des
du temps à Montréal, il signe deux invitations Deux-Montagnes possède ses propres fron-
loyales les 21 octobre et 24 novembre 1837. tières naturelles et occupe une place plutôt
Nommé commissaire à l’assermentation le 21 excentrique sur les marches occidentales de ce
décembre 1837, il se joint à l’ordre de la milice qu’est alors le Bas-Canada. Le peuplement de
d’Ottawa appelé le même jour par le major la région est aussi plus récent, les forêts y sont
Tiberius Wright. encore abondantes et une certaine mentalité
pionnière, propre à une zone de frontière,
Baxter Bowman (<1814-1853) Marchand de bois à
Buckingham et propriétaire de quelques chantiers sur la
rivière du Lièvre et dans le haut de la rivière des Outaouais Charles Dewey Day (1806-1884) Né à Bennington,
dont la première scierie fut bâtie en 1824. Il exploita aussi Vermont, d’Ithmar Hubbell Day et de Laura Dewey. En 1830,
un moulin à farine. C’est sur un terrain par lui cédé que il épouse Barbara Lyon, puis Maria Margaret, fille du ténor
l’église anglicane est construite. En tant que juge de paix de de la MCA, Benjamin Holmes. Il est admis au Barreau de
la basse Lièvre, il favorise plus tard le regroupement des Montréal en 1827, mais pratique surtout dans la vallée de
protestants en une seule commission scolaire. l’Outaouais (DBC, XI : 261).
les « républiques » du nord 269
teinte manifestement encore les mœurs la tenure telle qu’elle est pratiquée dans les
sociales et politiques du comté. Deux- townships du Nord-Ouest. Il faut enfin
Montagnes apparaît ainsi le plus jacksonien considérer la vigueur et l’intensité du mouve-
des comtés francophones, s’appuyant sur des ment loyal dans Deux-Montagnes qui, comme
fermiers prospères, épris d’indépendance, dans la plupart des comtés où l’on remarque
méfiants envers les gouvernements centraux une telle dualité, a tendance à exciter la mobi-
et, à terme, plus radicaux dans leurs intentions lisation politique et à démultiplier l’effet des
et plus audacieux dans leurs actions. Cette débats nationaux dans la mesure où ils sont
indépendance envers les pressions extérieures relayés par des rivalités locales.
s’exprime d’ailleurs autant à l’endroit de l’ad- Isolement géographique, mentalité de la
ministration coloniale qu’envers les injonc- frontière, consistance du leadership local,
tions de la direction même du Parti patriote. importance des enjeux locaux et vigueur du
Cette indépendance est confortée par la mouvement adverse contribuent à une forte
présence sur place d’un leadership particuliè- indépendance du mouvement réformiste local
rement vigoureux, assuré par des notables qui rayonne en partie sur les comtés voisins
bénéficiant de solides appuis dans la popula- de Vaudreuil et Terrebonne. En ce sens, on
tion locale. Peu de comtés peuvent en effet se peut parler de « républiques du nord » pour
fier à des leaders de l’envergure de Scott, décrire cette dynamique où des élites de divers
Girouard, Masson, Feré, Dumouchel, villages, Saint-Benoît, Sainte-Scholastique,
Raizenne, Berthelot ou Chénier. De fait, si les Saint-Hermas et dans une moindre mesure
députés Scott et Girouard demeurent géné- Saint-Eustache, semblent s’être liguées autour
ralement discrets en Chambre, ils jouissent d’un projet de société pensé localement. Dans
d’une influence considérable au niveau régio- de telles conditions, il était prévisible que « le
nal. D’après Le Canadien, le comté des Deux- comté agité de Deux-Montagnes occupe le
Montagnes « s’est toujours montré à l’avant- devant de la scène » (GREER, 1997 : 201).
poste dans la défense de nos droits. Nous On peut donc expliquer pourquoi les
voudrions qu’il en ait de semblables dans tous patriotes de Deux-Montagnes iront plus loin
les comtés » (CAN 01-04-1836). que leurs congénères sur bien des plans : plus
Un autre fait caractérise la mobilisation loin sur le plan de l’organisation, plus loin
dans Deux-Montagnes, soit la place qu’occu- aussi dans la mise sur pied d’un véritable gou-
pent les enjeux régionaux dans le débat vernement parallèle à l’automne de 1837, plus
politique. Alors qu’ailleurs les résolutions loin enfin sur le chemin de la violence poli-
patriotes demeurent généralement à l’inté- tique. L’ampleur du sacrifice consenti durant
rieur des balises fixées par les 92 Résolu- les tragiques journées du 14 au 16 décembre
tions ou votées à Saint-Ours, dans Deux- et le fait que les notables liés au mouvement
Montagnes, elles font une large place aux aient en partie participé aux martyres de
questions propres au comté, que ce soit pour Saint-Eustache et de Saint-Benoît témoignent
critiquer le rôle des seigneurs Lambert- de l’enracinement des idées réformistes et de
Dumont à Saint-Eustache, pour obtenir leur prégnance sur les réalités locales de Deux-
l’accès au marché de la garnison de Carillon Montagnes, véritable microcosme du Québec
sur la rivière des Outaouais, ou pour dénoncer d’alors.
270 pat r iotes et loyaux
Dès 1822, les notables de Deux-Montagnes ouvertement leur obscurité, leur longueur
se réunissent afin de s’opposer au projet démesurée et la piètre qualité de leur rédaction
d’union. Le clivage sociopolitique du comté (DUBOIS, 1937 : 64). Dans l’immédiat, l’as-
est cependant plus palpable lors d’une assem- semblée patriote déclenche la tenue de deux
blée tenue à Saint-Eustache le 4 juin 1827 qui autres rassemblements, organisés par les loyaux
réunit d’influents citoyens afin de dénoncer de Saint-André le 12 avril, et surtout à Saint-
les politiques abusives du gouverneur Dal- Eustache le 14 avril, mais les patriotes per-
housie et les agissements du député et cosei- turbent les travaux au point d’en prendre le
gneur Eustache-Nicolas Lambert-Dumont. contrôle. Sous la présidence de Joseph-Amable
L’Assemblée forme le Comité de la partie du Berthelot, l’assemblée reprend alors les
comté d’York (MIN 7-07-28, 5-06-27). résolutions votées à Saint-Benoît un mois plus
D’après Girouard, le but de l’assemblée est de tôt et donne son appui aux 92 Résolutions tan-
« réclamer d’une manière légale et constitu- dis que, à quelques pas de là, les loyaux trou-
tionnelle, les droits de libres sujets anglais, vent refuge chez Globensky afin d’y voter
[…] et de se plaindre au Roi et son Parlement exactement le contraire (MGZ 19-04-1834).
de divers actes de l’administration coloniale C’est dans ce contexte que se déroule l’élection
[et] d’examiner la conduite publique des deux tant contestée de novembre 1834 ; la tension et
représentants du comté d’York, M. Dumont la violence atteignent alors, dans Deux-
et Simpson » (Cahiers d’histoire des Deux- Montagnes, un niveau qui n’a nulle part d’égal
Montagnes, 1989 : 36). À la suite de leur parti- au Bas-Canada.
cipation, plusieurs officiers de milice sont des- Conformément aux mots d’ordre de
titués, fondant les luttes politiques qui allaient Montréal, les patriotes de Deux-Montagnes
déchirer les élites du comté dix ans plus tard. créent à Saint-Benoît le 18 juin 1835 une union
Afin de protester contre la spéculation sur patriotique « vouée à la défense des intérêts
les terres en franc et commun soccage de la canadiens face aux agressions militaires, judi-
région, on réunit des citoyens de tous ciaires et administratives du gouvernement ». Il
horizons politiques à Saint-Benoît le 21 juin est cependant souligné que cette instance
1832. Présidée par le député J.-J. Girouard, demeure une branche du Comité de comté et
l’assemblée adopte 34 résolutions décriant le donc sous la gouverne des leaders locaux tels
favoritisme dans l’attribution des nouvelles Raizenne, Girouard, Barcelo, Masson et
terres, ainsi que les réserves octroyées au Lemaire (CAN 6-07-1835). On y retrouve aussi
clergé anglican. On forme aussi un comité de Berthelot, Feré et Chénier, pour Saint-Eustache,
vigilance de 30 représentants (CAN 9-07-32). et les Dumouchel pour Saint-Benoît. Le 11 avril
Une assemblée d’appui aux 92 Résolutions 1836 une nouvelle assemblée présidée par
se tient à Saint-Benoît le 20 mars 1834 sous la Raizenne se tient à Saint-Benoît ; on adopte 12
présidence d’Ignace Raizenne. On crée un résolutions appelant à un gouvernement
premier comité de comté de 80 membres (VIN responsable, au boycott des produits britan-
25-03-1834). La relative indépendance des niques et à la création de manufactures natio-
leaders de Deux-Montagnes s’exprime alors. nales (CAN 18-04-1836).
Tout en ne doutant pas de la pertinence des Le 1er juin 1837, la grande assemblée anti-
92 Résolutions, le député Girouard critique coercitive de Sainte-Scholastique réunit une
les « républiques » du nord 271
foule estimée à 2000 personnes sous la 1937 : 90 ; MIN 5 juin, 20 juillet,17 août ;
présidence de Jacob Barcelo. Louis-Joseph FILTEAU, 1975 : 233).
Papineau prononce un discours. L’assemblée Incidemment, lors de la séance du 13 août,
adopte neuf motions dénonçant principale- Ignace Raizenne fait part du désir des femmes
ment les résolutions Russell. C’est aussi de du comté de former une association afin
cette assemblée que date la véritable création « d’agir dans la sphère qu’il est permis à leur
du Comité permanent du comté des Deux- sexe de parcourir, pour la protection et la
Montagnes (CPCDM). Selon la 8e résolution, défense des droits et des libertés cana-
l’assemblée désigne 42 représentants de huit diennes » (MIN 17-08-1837). L’Association
localités pour former « un Comité permanent des dames patriotiques du comté des Deux-
afin de communiquer au nom du comté avec Montagnes projette notamment de se réunir
tout autre comité dans la province ou colonies prochainement chez madame Girouard, à
voisines, les mesures adoptées pour protéger Saint-Benoît, pour appuyer les mesures
les intérêts canadiens » (MIN 5-06-1837). La dernièrement adoptées dans les comités
seconde séance du CPCDM se tient le 22 juin locaux (MIN 17-08-1837). L’épouse du député
1837. Le 16 juillet suivant, la 3e séance a lieu à Girouard, et belle-sœur de Jean-Baptiste
Saint-Hermas. On y lit la proclamation du 15 Dumouchel, Marie-Louise Félix, avait d’ail-
juin interdisant les assemblées publiques, leurs rédigé une pétition en ce sens. Sur une
l’ordre général de milice et la lettre d’Ignace motion du docteur Luc-Hyacinthe Masson, de
Raizenne qui refuse de faire lecture de l’ordre Saint-Benoît, il est donc convenu que les
à ses miliciens. La cinquième séance du dames de ce comté aient l’appui incondi-
CPCDM se déroule à Saint-Benoît le 13 août. tionnel du CPCDM et que celui-ci mette
Le docteur Vital-Léandre Dumouchel y tient certaines ressources à leur disposition. Parmi
alors un discours à saveur franchement régio- les femmes les plus engagées du côté réfor-
nale, en appelant à la seule volonté du peuple miste, outre Marie-Louise Félix, citons Émélie
qui n’entend déléguer à quiconque sa souve- Berthelot, fille du notaire Joseph-Amable
raineté politique : « Qu’il est inutile d’offrir Berthelot et seconde épouse de Girouard,
aucune explication au gouverneur relative- Marie-Louise-Zéphirine Labrie, fille du
ment à sa conduite publique ; qu’il lui suffit docteur Jacques Labrie et femme de Jean-
de l’approbation de ses compatriotes et parti- Olivier Chénier. Marie-Victoire Félix, épouse
culièrement de ce comité […] » (MIN 17-08- de Jean-Baptiste Dumouchel, et dame Luc-
1837). Comme en 1827, les élites loyales sont Hyacinthe Masson auraient apparemment
sur le qui-vive et la plupart des officiers de conçu et confectionné le drapeau destiné aux
milice présents à ces réunions sont destitués combattants de Saint-Eustache. De leurs côtés,
et remplacés par des loyaux ; les Raizenne, les demoiselles Labrie et Berthelot auraient
Berthelot, Scott, Girouard, Feré, Chénier participé à la fonte de balles au camp de
cédent leurs postes aux Dumont, Globensky, Saint-Eustache (ARCHAMBAULT,1978 : 16 ;
Laviolette, Hertel et Cheval. Au même REEVES-MORACHE, 1975 : 4-7).
moment, en juillet et en août, les loyaux inti- Le CPCDM se substitue graduellement au
ment le gouvernement d’agir pour rétablir pouvoir local entre les mois de juin et de
l’ordre dans Deux-Montagnes (DUBOIS, novembre. Lors de la septième séance du
272 pat r iotes et loyaux
neutralité dans le conflit et refusent de prêter sanguin et violent, bouillant, voire emporté, le
ou de vendre leurs armes aux patriotes. À une curé Paquin voit 13 vicaires se succéder durant
invitation de demeurer neutre dans le conflit, ses 26 années à Saint-Eustache. Paquin s’en
le chef Onarahison de rétorquer : « Je ne peux prend aussi aux chefs patriotes en qui « les
rien vous promettre ; mes mains sont liées. Je Canadiens allouaient beaucoup trop de
suis sous la loi de mon Père britannique et du patriotisme et plus de talent qu’ils n’en pos-
Conseil des Sept Feux, Kahnawake ; tout ce qui sédaient ». Le 1er décembre, Paquin est sommé
se passe doit se décider là-bas. » Peu désireux de remettre les clés du couvent à Chénier qui
d’en venir à un conflit ouvert avec les Indiens, y établit son quartier général (PAQUIN, 1978 :
Girod et ses hommes quittent la mission du 181 ; GRIGNON, 1996 : 73 ; GLOBENSKY,
lac des Deux-Montagnes et rapportent leur 1974 : 211). Le 3 décembre 1837, après la
maigre butin à Saint-Eustache. Le général grand-messe, le vicaire François-Xavier
rebelle se félicite tout de même de s’être assuré Desève fait quand même lecture de la pro-
« la bonne volonté de ces enfants de la clamation de lord Gosford du 29 novembre.
nature ». Girod apprendra plus tard qu’entre- Le soir même, Paquin, Desève et le curé
temps les chefs autochtones avaient confié Turcotte de Sainte-Rose convoquent Jean-
leurs canons aux volontaires de Saint-André. Olivier Chénier au presbytère afin de le
Dans la soirée du 2 décembre 1837, Chénier dissuader de « mourir les armes à la main ».
et Girod font arrêter Scott et Feré qu’ils Le lendemain, les clercs tentent de fuir le
constituent prisonniers au presbytère parce village, mais sont vite interceptés. Amer,
qu’ils refusent de se mettre à la tête des insur- Chénier admoneste le curé : « Vous nous avez
gés du village (ANC journal de Stikeman, nui extraordinairement ; vous êtes la cause du
2-12-1837 ; cité dans Hughes à Napier, 5/12/
1837, ANC RG10 (94) : 38822-25 ; ANQ P224 :
Jacques Paquin (1791-1847) Né à Deschambault, de Paul
665, 736 ; GIROD, 1998 : 134-138 ; Journal Paquin et de Marguerite Marcot, famille de cultivateur
historique…, 1838 : X). apparemment très pieuse. En 1805, il entre au Séminaire de
Durant l’occupation de Saint-Eustache, le Nicolet où ses études le mènent à la prêtrise. Ordonné prêtre
en 1814, il devient l’année suivante curé de Saint-François-
curé Jacques Paquin, un fervent loyal, et son du-Lac et de la mission d’Odanak. Curé de Saint-Eustache
vicaire François-Xavier Desève se retrouvent de 1821 à sa mort en 1847, il est souvent cité comme
l’auteur du Journal historique des événements arrivés à
en quelque sorte pris en otage et tentent plus Saint-Eustache… publié en 1838. Toutefois, d’après ses
d’une fois de raisonner les insurgés. Depuis propres Mémoires, ce serait l’œuvre de son vicaire de
son arrivée dans la paroisse en 1821, Jacques l’époque, François-Xavier Desève (PAQUIN, 1978 : 202).
avec Jean-Baptiste Lefebvre. Après la pro- sein de l’Union patriotique. Le 18 juin 1835, il
rogation de la session par le gouverneur compare notamment le régime colonial à un
Dalhousie, il travaille à divers ouvrages d’his- « despotisme administratif et judiciaire ». Il est
toire politique. Secrétaire lors de l’assemblée bien sûr nommé au CPCDM le 1er juin 1837,
du 4 juin 1827, il est ensuite dépouillé de son après quoi il est sommé le 16 août de s’expli-
grade dans la milice (MIN 5-06-27). Labrie quer à propos de sa participation à des assem-
décède en 1831. De ses onze enfants, seul blées. Dans sa lettre du 21 août suivant, il
Pierre-Auguste est emprisonné du 6 février au demande candidement que son nom soit rayé
12 avril 1838 suivant pour sa participation à de la liste des juges de paix et des commis-
la bataille de Saint-Eustache. saires des petites causes. Il est rétabli dans ses
À 43 ans, Émery Feré est l’un de ces fonctions par la volonté populaire le 15 oc-
notables associé à l’aile modérée. À Saint- tobre 1837, mais il est cependant résolu à ne
Eustache, il est notamment lié aux notaires pas prendre les armes. Le samedi 2 décembre
Berthelot et Gagnier, au marchand Scott et au 1837, il aurait confié à Chénier : « Vous défen-
docteur Jacques Labrie. Il est déjà présent à dez une position qui vous sera fatale ainsi qu’à
l’assemblée du 21 juin 1832, puis le 20 mars vos malheureux compatriotes, et je ne puis
1834, comme membre du premier comité de m’empêcher de vous dire qu’il y a chez vous
comté. Avec d’autres, il prend le contrôle de plus d’orgueil et d’entêtement que de juge-
l’assemblée loyale de Saint-Eustache le 14 avril ment et de patriotisme » (GLOBENSKY, 1974 :
où il est secrétaire. On le retrouve ensuite au 226). Furieux et exaspéré, Chénier fait arrêter
Feré le soir même et le fait garder prisonnier.
Le lundi suivant, Paquin et Feré demandent
Jacques Labrie (1784-1831) Né à Saint-Charles de
Bellechasse, de Jacques-Philippe Naud dit Labrie et de Marie- en vain l’autorisation de se rendre à Montréal.
Louise Brousseau. En 1798, il fait son entrée au Séminaire Libéré, Feré se trouve hors de Saint-Eustache
de Québec en Belles-Lettres. À 20 ans, après ses études en
philosophie, il s’inscrit en médecine auprès du docteur lors de la bataille et ne sera pas arrêté. Charles-
François Blanchet de 1804 à 1807. De juin 1807 à août Auguste-Maximilien Globensky le décrit
1808, il parfait ses connaissances en Écosse à la Royal comme un « excellent patriote […], en un mot
Physical Society of Edimbourg. Il s’établit à Montréal, puis à
Saint-Eustache. Chirurgien dans le 2 e bataillon de milice un type rare et parfait de l’ancienne bour-
incorporée du Bas-Canada, il connaît une importante carrière geoisie française […] qui l’accueille favora-
militaire jusqu’en 1830. Fonde Le Courier de Québec en
janvier 1807. Établit plusieurs écoles dans le comté des
blement, particulièrement pour le charme de
Deux-Montagnes. Auteur de L’Histoire du Canada, œuvre ses conversations attrayantes et agréables »
colossale de plus de 5000 pages rédigée entre 1825 et 1831. (GLOBENSKY, 1974 : 225 ; VIN 15-04-1834 ;
Le manuscrit est cependant détruit à Saint-Benoît lors du
passage des troupes britanniques (C.R.L.G., lettre de MIN 17-04-1834, 18-09-1837 ; Journal histo-
Girouard à Morin, 27 avril 1838). rique…, 1838 : XII).
Jusqu’en novembre 1837, le marchand
Émery Feré (1795-1860) Né à Saint-Eustache, de Jean- William Henry Scott est le chef incontesté des
Baptiste Feré, ancien membre du Parlement, et de Josette
(Josephte) Bouchard. Il obtient sa commission d’arpenteur- patriotes de Saint-Eustache. Après le décès du
géomètre le 18 mars 1818. En 1823, son père lui cède sa député Lefebvre, il est élu député pour Deux-
terre sur la côte du Lac. En septembre 1824, il épouse à Montagnes en 1829 et vote en faveur des
Saint-Eustache Angèle Paquin, sœur du curé Jacques Paquin.
Enseigne dans la milice durant la guerre de 1812, puis 92 Résolutions. Le 20 mars 1834, il est du
quartier-maître en 1836 (ANQM, First Battallion…). premier comité de comté puis, le 18 juin 1835,
les « républiques » du nord 279
battre parce qu’il est trop âgé, lui et sa famille l’appel du lieutenant-colonel Lambert-
sont, à quelque distance du village, occupés à Dumont. En mai 1832, il est secrétaire d’une
couler des balles ». Berthelot est arrêté le 18 assemblée réformiste de Saint-Benoît, puis
décembre et conduit à la prison de Montréal nommé membre du Comité des trente le 21
en même temps que Scott. Il est finalement juin suivant. Secrétaire du premier comité de
libéré le 8 juillet 1838 moyennant une caution comté en mars 1834, il participe ensuite
de 100 £. (R.H.A.F., lettre de Girouard à sa activement à la réélection des députés Scott et
femme, 21-05-1838, XIX : 463-464 ; DUBOIS, Girouard. En juin 1835, il est membre de
1937 : 215 ; POP 13-12-1837 ; FAUTEUX, l’Union patriotique pour Saint-Eustache,
1950 : 110 ; SENIOR, 1997 : 183 ; BERTHE- secrétaire à l’assemblée de Saint-Benoît et il
LOT, 1975 : 3 ; MIN 5 juin, 11-06-27, 16-07- prononce en juin 1837 un véhément dis-
27 ; CAN 9-07-32 ; VIN 25-03-1834 ; VIN 15- cours lors de la grande assemblée de Sainte-
04-1834 ; MIN 17-04-1834 ; CAN 6-07-1835 ; Scholastique. On le retrouve ensuite aux
MIN 16-10-1837 ; DAVID, 1921 : 164 ; réunions du CPCDM. Le 1er octobre, il pro-
BERTHELOT, 1975 : 4 ; DUBOIS, 1937 : 152). nonce son fameux « Ce que je dis, je le pense
Au plus chaud des événements, le jeune méde- et je le ferai : suivez-moi, et je vous permets de
cin Amable Berthelot est encore pensionnaire me tuer si jamais vous me voyez fuir »(DAVID,
chez le sculpteur Pierre-Urbain Desrochers, de 1884 : 148). Chénier occupe encore le poste de
Saint-Eustache, avec qui il tient des propos secrétaire lors de l’assemblée du 15 octobre
jugés séditieux envers le gouvernement et avec où il est aussi nommé juge de paix pour Saint-
qui il aurait « insulté la garde ». Il est arrêté Eustache. Le 23, il participe même à l’as-
par les volontaires d’Eustache Mackay en semblée des Six-Comtés, arborant le drapeau
compagnie de Desrochers le 29 novembre des patriotes du comté des Deux-Montagnes.
1838. Selon L.-H. La Fontaine, « son seul La tête de Chénier est mise à prix à compter
crime est d’être médecin et surtout d’être son du 16 novembre. Girod dit de lui « [qu’ il]
beau-frère. […] c’est ce qui lui a servi de paraissait bien disposé en faveur de notre parti
passeport pour venir habiter les cachots » […]. Je pense que cet homme est bon mais il
(ANQ P224 : 722, 768, 765 ; C.R.L.G., lettre de parle trop et cela lui enlève de son mérite » ; il
Girouard à sa femme, 3-12-1838 ; ANC lettre se ravise dix jours plus tard en écrivant que
de La Fontaine à lord Brougham, 3-12-1838 ; « Chénier ne pensait qu’à se venger de ses
BERTHELOT, 1975 : 51). ennemis de la Rivière-du-Chêne et il déclara
Dès son arrivée à Saint-Benoît en 1828, le qu’il ne ferait rien d’autre ». En attendant,
jeune Jean-Olivier Chénier s’intéresse de près
aux affaires politiques (GRIGNON, 1995 : 10).
Jean-Olivier Chénier (1806-1837) Né à Montréal, de Victor
Cette année-là, il fait partie des quelques offi- Chénier, cultivateur aisé à Lachine, et de Cécile Morel. Il
ciers de milice ayant refusé de répondre à passe son enfance à Lachine où il fait ses études primaires.
Vers l’âge de 12 ans, le docteur René-Joseph Kimber lui
apprend les rudiments de la médecine. À 22 ans, il est
Amable Berthelot (1813-1852) Fils adoptif de l’avocat autorisé à pratiquer et s’établit à Saint-Benoît en 1828. En
Amable Berthelot d’Artigny, député de Québec. Il pratique septembre 1831, il épouse Marie-Louise-Zéphirine Labrie,
la médecine à Saint-Eustache. Il s’installe aux Cèdres fille d’un leader réformiste, le docteur Jacques Labrie. À la
(Vaudreuil) après les rébellions. En 1840, il épouse Zoé suite du décès de son beau-père en octobre 1831, Chénier
Desrochers, fille d’Urbain Desrochers. s’établit à Saint-Eustache.
les « républiques » du nord 281
Chénier et ses partisans ratissent les campa- membre d’un comité de correspondance à
gnes à la recherche d’armes et de vivres pour Sainte-Geneviève (Montréal) le 25 juin 1837
les insurgés et il organise avec Girod l’expé- et président de la sixième séance du CPCDM
dition d’Oka. D’abord major lors d’une réu- le 20 août. Le 15 octobre, il est élu juge de
nion tenue au presbytère de Saint-Eustache le paix par le peuple. Les Robillard sont plus tard
18 novembre, puis lieutenant-colonel lors accusés d’avoir participé au charivari d’Eus-
d’une réunion du 23 novembre du Comité des tache Cheval en juillet et à l’expédition d’Oka
affaires militaires, le 1er décembre, il com- en novembre. En décembre, Robillard est
mande la prise du couvent de Saint-Eustache capitaine au camp de Saint-Eustache, puis
où il installe son quartier général. Vers 11 h 15, arrêté avec son fils. Libéré sur parole, il est de
le 14 décembre, apercevant les volontaires de nouveau arrêté le 1er février 1838 et relaxé en
Maximilien Globensky, Chénier prend le juillet. Sa maison de la rue Sainte-Elmire est
commandement d’un groupe d’hommes qui entre-temps réduite en cendres. À titre de
se lancent à sa rencontre. Il est presque aussi- maçon, Robillard sera plus tard chargé de
tôt surpris par la mitraille envoyée par le gros reconstruire l’église et la sacristie de Saint-
des troupes régulières de Colborne, alors Eustache (MIN 3-07-1837, 16-19-10-1837 ;
arrivées à moins d’un kilomètre à l’est du ANC Saint-Eustache/1837 ; ANQ P224 : 688,
village, et il rebrousse immédiatement chemin. 752, 680 ; GIROD, 1998 : 133-134 ; ANQ,
Alors que la plupart des chefs, dont Girod, greffe de Stephen Mackay, 20-06-42).
ont déjà fui le village, Chénier se réfugie avec Joseph Beauchamp est à Saint-Eustache au
une soixantaine d’hommes (recrutés de gré ou matin du 14 décembre : « Les canons tiraient
de force) dans les jubés de l’église d’où ils déclare-t-il, je me sauvai du village à travers
entendent résister le plus longtemps possible. les champs où je vis venir la cavalerie et des
Vers 16 h, l’armée réussit à embraser l’édifice volontaires à pied qui, me prenant pour un
qui prend rapidement feu. « Chénier et ses des rebelles, me firent prisonnier. » Difficile
hommes apparaissent aussitôt aux fenêtres, pourtant de nier quand on sait que Beau-
déchargent leurs fusils sur les soldats et s’élan- champ était déjà membre du premier comité
cent dans le vide. Plusieurs, atteints en plein de comté de 1834, présent à l’assemblée d’avril
saut, tombent morts sur le sol » (FILTEAU,
1975 : 366 ; DUBOIS, 1937 : 159). Vers 18 h, Joseph-Amable Robillard Né à Saint-Eustache le 6 juillet
on retrouve son corps à l’arrière du cimetière, 1780. Cultivateur et maître-maçon de formation, il possède
puis on procède à une autopsie controversée une résidence à la Rivière-Sud à Saint-Eustache. En 1809, il
épouse à Terrebonne Marie-Ursule Clément. Le couple a
(GRIGNON, 1995 : 25 ; ANQ, lettres de L.-A. sept enfants, dont Joseph qui est impliqué dans
Desrochers, 22-04-84 ; CAN 6-07-1835 ; l’affrontement du 14 décembre 1837 à Saint-Eustache
(ANQM P224 : 688, 20 février 1838). À titre de maçon,
GIROD, 1998 : 121, 129 ; MIN 16-10-1837 ; Robillard est entre autres maître d’œuvre de la construction
ANQ P224 : 715). du manoir Lambert-Dumont en 1818 (ANQM, greffe de
Dès 1834, Joseph-Amable Robillard et son J.-A. Berthelot, 26 octobre 1818).
Dès 1822, on retrouve le nom de Jean- lui qui offre l’hospitalité à Girod à la mi-
Joseph Girouard parmi les opposants au novembre et convoque ensuite le Comité des
projet d’union. Il participe ensuite à affaires militaires et des routes. Dès lors,
l’assemblée tenue à Saint-Eustache le 4 juin Girouard craint une attaque des volontaires
1827, ce qui lui vaut d’être traduit en cour de la région de Saint-André et favorise une
martiale par le lieutenant-colonel Dumont stratégie défensive consistant à fortifier Saint-
(MIN 5-06-27, 7-07-28). Élu député d’York le Benoît. À la mi-novembre, sa tête est mise à
20 décembre 1831, c’est un fidèle de Papineau prix pour 500 livres. En apprenant la défaite
et un proche d’Augustin-Norbert Morin. En de Saint-Eustache, il prend le parti d’inviter
Chambre, le jeune député intervient cepen- les habitants à cacher leurs armes et à se retirer
dant fort peu, mais est passablement actif chez eux alors que lui-même trouve refuge
dans son comté : président de l’assemblée du aux Éboulis, aux abords du lac des Deux-
21 juin 1832, membre du premier comité de Montagnes. Il traverse ensuite l’Outaouais,
comté, instigateur de l’obstruction du 14 avril gagne Vaudreuil et se réfugie à Saint-Polycarpe
1834 et premier vice-président de l’Union chez un nommé Lanthier, sur la côte Saint-
patriotique de juin 1835 (CAN 6-07-1835). Le Emmanuel, puis se constitue lui-même pri-
député Girouard est de nouveau candidat lors sonnier. Incarcéré le 26 décembre 1837, il
de la controversée élection de novembre 1834, occupe son temps à dessiner le portrait de ses
ne contribuant en rien à calmer le climat compatriotes et recueille des notes sur
survolté. Afin de dénoncer les résolutions 495 d’entre eux. En juin 1838, il refuse de
Russell, il participe activement à l’assemblée signer l’aveu de culpabilité qu’on lui soumet
de Sainte-Scholastique et prononce des dis- comme aux huit exilés aux Bermudes. Il est
cours à la plupart des séances du CPCDM, libéré le 16 juillet moyennant un énorme cau-
ainsi qu’à des assemblées dans Terrebonne et tionnement de 5000 livres, puis de nouveau
Vaudreuil et jusqu’à celle des Six-Comtés. Lors incarcéré en novembre, mais libéré dès
de la dixième séance du CPCDM, Girouard décembre. À son retour à Saint-Benoît, il est
propose rien de moins qu’un « plan d’admi- ruiné. Il fait néanmoins reconstruire sa mai-
nistration communal » pour la région. C’est son en 1839 qu’il partage avec la famille
Lemaire (MIN 16-11-1837 ; ANQ P224 : 824,
Jean-Joseph Girouard (1794-1855) Né à Québec, de 3-02-1838 ; GIROD, 1998 : 126 ; BERNARD,
Joseph Girouard, un navigateur, et de Marie-Anne Baillairgé. 2001 : 173 ; LINTEAU, 1967 : 305 ; C.R.L.G.,
Très tôt orphelin de père, sa famille s’installe en septembre
1800 chez son grand-père maternel où il demeure entre
lettre de Girouard à Morin, 27-04-1838 ;
6 et 10 ans. En 1806, la famille aménage à Sainte-Anne- CHASSÉ, 1974 : 291 ; R.H.A.F., lettre de
des-Plaines jusqu’en 1811, puis à Saint-Eustache. Girouard Girouard à sa femme, 16-01-1838 ; C .R.L.G.,
commence son apprentissage sous Joseph Maillou à Sainte-
Geneviève en 1811 et, la même année, il prend pension lettre de Girouard à sa femme, 3-12-1838).
chez Stephen Mackay à Saint-Eustache (BERTHELOT, 1975 : Comme Girouard et Raizenne, Jean-
30). Il reçoit sa commission de notaire le 13 juin 1816 et
s’établit à Saint-Benoît où il s’installe temporairement chez
Baptiste Dumouchel est un vétéran de la
Jean-Baptiste Dumouchel. En 1818, il y épouse Marie-Louise cause réformiste. Président de l’assemblée de
Lamédèque dit Félix, sœur de Marie-Victoire Félix, épouse juin 1827, il est immédiatement destitué de
de Dumouchel. Il fait ensuite bâtir sa première maison en
1819 sur la rue Saint-Jean-Baptiste. Capitaine de milice en son grade de capitaine. On le retrouve néan-
1821 avant d’être destitué en 1828. moins au Comité des trente de juin 1832 et à
284 pat r iotes et loyaux
l’assemblée du 20 mars 1834 où il propose une faillite (ANQ P224 : 805, 824 ; ANC lettre
d’appuyer les 92 Résolutions. En juillet 1834, de Ouimet à Perrault, 15-06-1838 ; DUFOUR-
il représente même Deux-Montagnes lors DUMOUCHEL, 1978 : 101 ; GIROD, 1998 :
d’une réunion du Comité central et perma- 129 ; DUBOIS, 1937 : 120 ; CAN 9-07-1834 ;
nent du district de montréal, privilège géné- DAVID, 1884 : 91).
ralement conféré à un député. Le 18 juin 1835, Ses trois fils sont tous impliqués dans le
il devient trésorier de l’Union patriotique de soulèvement à Saint-Benoît. Dès l’âge de 16
Deux-Montagnes et participe encore aux ans, Vital-Léandre Dumouchel accompagne
assemblées du 11 avril 1836 et du 1er juin 1837 son père à l’assemblée de juin 1827. On le
et, conséquemment, à la plupart des séances retrouve dix ans plus tard comme représen-
du CPCDM. Le 1er octobre, il est élu major de tant de Sainte-Scholastique au CPCDM. Il est
milice par le peuple et, le 15, juge de paix pour notamment présent à la troisième séance de
Saint-Benoît. On peut notamment se procurer juillet, ce qui lui vaut d’être destitué. Il est
des munitions chez le marchand de Saint- cependant de nouveau juge de paix élu par le
Benoît à compter de l’automne. Le 25 peuple lors de la séance du 15 octobre. On
novembre, il décide de ne pas appuyer le plan soupçonne aussi Dumouchel de s’être rendu à
de Girod consistant à « marcher sur Mont- une assemblée à Saint-Jérôme pour y soulever
réal ». À l’issue du désastre de Saint-Eustache, les habitants et dénoncer l’évêque de Mont-
les leaders de Saint-Benoît se réunissent chez réal. Durant les troubles, il se réfugie à Sainte-
lui pour décider de ne pas offrir de résistance Anne-du-Bout-de-l’Île où il demeure jusqu’à
et de prendre les dispositions pour fuir. l’amnistie du 28 juin 1838 (ANQ P224 : 574,
Dumouchel est cependant arrêté dès le 15 567 ; MIN 5-06-1837, 20-07-1837, 17-08-
décembre à la côte Saint-Joseph. Lors de son 1837, 16-10-1837 ; GIROUARD, 1989 : 40).
examen volontaire, il nie avoir encouragé le Quant aux deux cadets, Camille et Hercule
recours aux armes, mais convient d’avoir Dumouchel, ils participent tous deux au raid
fabriqué quelques centaines de cartouches.
D’abord menacé d’exil aux Bermudes, il est
Vital-Léandre Dumouchel (1811-1882) Né à Saint-Benoît,
finalement libéré le 8 juillet 1838. Dumouchel du marchand Jean-Baptiste Dumouchel et de Marie-Victoire
est alors totalement ruiné et doit bientôt Félix. Il étudie au Petit Séminaire de Montréal de 1821 à
1829, puis est admis comme médecin en 1835. La même
vendre à l’enchère les biens qui ont échappé à année, il s’installe à Sainte-Scholastique d’où il dessert toute
l’incendie de ses propriétés afin de liquider la région environnante (AUCLAIR, 1934 : 269). Le 20 no-
vembre 1839, il épouse Hermine Peltier. Pendant 19 ans, il
est président de la Société d’agriculture du comté des Deux-
Jean-Baptiste Dumouchel (1784-1844) Né à Sandwich Montagnes. Conseiller législatif de la division des Mille-Îles
(Windsor) dans le Haut-Canada, de Louis-Vital Dumouchel en 1864, il représente la même division au Sénat à compter
et de Magdeleine Goyau. Arrivé à Montréal, il entreprend du 23 octobre 1867 et appuie le Parti conservateur.
un cours classique au collège Saint-Raphaël et, en 1803, il
devient commis auprès du marchand Alexis Berthelot, de
Sainte-Geneviève. En 1808, il ouvre son propre magasin à Camille Dumouchel (1818-1882) Né à Saint-Benoît, du
Saint-Benoît dans le comté d’York où il prospère. Le 13 marchand Jean-Baptiste Dumouchel et de Marie-Victoire
février 1809, il épouse Marie-Victoire Félix, sœur du curé de Félix, frère cadet de Vital-Léandre et de Hercule Dumouchel.
Saint-Benoît. Le couple a quatre enfants dont trois impliqués Il a, semble-t-il, étudié au collège de Montréal de 1829 à
comme leur père dans les troubles de 1837. En 1812, il 1833 (LAURIN, 1973 : 56). En 1847, il épouse en premières
obtient le grade de capitaine dans le bataillon de milice de noces Mary-Jane Woods, fille de John Woods de Saint-Jean
la Rivière-du-Chêne. (Chambly).
les « républiques » du nord 285
sur Oka le 30 novembre, puis collaborent à la ders importants, liés par leur famille aux
fabrication de munitions. Ensemble, ils Raizenne et aux Dumouchel. Si on peut
quittent Saint-Benoît le 14 décembre au soir douter de la profondeur des convictions de
en apprenant l’arrivée imminente de l’armée. Damien, celles de son frère aîné ne font pas de
Ils sont arrêtés peu après à la mission du lac doute. Luc-Hyacinthe est en effet secrétaire
des Deux-Montagnes et incarcérés avec leur correspondant de l’Union patriotique en juin
père à compter du 19 décembre 1837. D’après 1835, puis de nouveau en avril 1836, et le
le notaire Girouard, Camille « s’amuse beau- 1er juin 1837 à Sainte-Scholastique. Membre
coup en prison, où il chante et joue avec les du CPCDM pour Saint-Benoît, il participe
autres détenus […]. Il est bien portant et cou- ensuite à la plupart de ses séances, encore là
rageux, tout comme son frère aîné Hercule ». comme secrétaire, et prononce notamment un
Les propriétés d’Hercule sont pour leur part discours à une assemblée dans Vaudreuil. À
ravagées par les volontaires de Gore et de titre de commissaire des petites causes et de
Chatham. Enfin, parmi les Dumouchel, juge de paix, Masson est bientôt forcé de
rappelons le rôle joué à Rigaud (Vaudreuil) s’expliquer sur ses affiliations politiques.
par Ignace Dumouchel, frère de Jean-Baptiste Démis par le gouvernement, il est réélu par le
(ANQ P224 : 665, 825, 826 ; DAVID, 1921 : peuple le 15 octobre. À l’automne, Luc-
166 ; DUBOIS, 1937 : 202 ; R.H.A.F., lettre de Hyacinthe et Damien participent à plusieurs
Girouard à sa femme, 16-01-1838 ; C.R.L.G., opérations visant à amasser des armes, dont
lettre de Girouard à sa femme, 9-03-1838). l’une, avec Thomas Danis, destinée à désarmer
Arrivés à Saint-Benoît en 1835, le docteur les loyaux de la côte Saint-Pierre. Lors de la
Luc-Hyacinthe Masson et son frère Damien réunion du Comité des affaires militaires du
Masson sont vite considérés comme des lea- 23 novembre, « [L.-H.] Masson dit qu’il est
prêt à se défendre jusqu’à la dernière goutte
Hercule Dumouchel (1815-1854) Né à Saint-Benoît, du
marchand Jean-Baptiste Dumouchel et de Marie-Victoire
de son sang ». Il est alors désigné quartier-
Félix. À l’époque des troubles, il s’occupe activement de son maître au camp de Saint-Benoît et s’occupe
commerce à Saint-Benoît. Vers 1839, il épouse Anne (Annie) de recruter des volontaires pour voler au
Woods à Vaudreuil.
secours de Saint-Eustache. Les frères Masson
fuient Saint-Benoît le 15 décembre, mais sont
Luc-Hyacinthe Masson (1811-1880) Né à Saint-Benoît, de
Louis Masson, cabaretier et capitaine de milice, et de Marie-
Louise Choquet. Il étudie au collège de Montréal de 1821 à Damien Masson (1817-1877) Marchand de Saint-Benoît,
1827. Fait sa médecine sous la tutelle de Robert Nelson et fils de Louis Masson, marchand et officier de milice, et de
est reçu en 1833. Il exerce sa profession d’abord à Saint- Marie-Louise Choquet (Choquette). Il fait ses études au
Clément (Beauharnois), puis à Saint-Benoît à compter de collège de Montréal de 1827 à 1831. Il séjourne ensuite au
janvier 1835, lorsqu’il acquiert la demeure et la terre du Séminaire de Sainte-Thérèse pour finalement prendre la
docteur Jean-Olivier Chénier (ANQM, greffe d’André Jobin, relève de son père à son magasin. À sa sortie de prison en
minute 5190, 28 janvier 1835). Exilé aux Bermudes en juillet 1838, il épouse à Saint-Martin Flore-Anastasie Brien dite
1838, il arrive aux États-Unis en novembre suivant et s’établit Desroches, devient un des plus riches cultivateurs de Saint-
comme marchand à Fort Covington (New York) où il épouse Benoît et se lance dans le commerce en compagnie des
Marie-Célanine Masson, fille d’Eustache Masson. Il revient frères Dumouchel. Président de commission scolaire de 1854
finalement au Bas-Canada en 1842 comme commerçant à à 1863 et maire de la paroisse de Saint-Benoît de 1861 à
Saint-Anicet en association avec son frère. En 1844, Denis- 1866, il est défait par Gédéon Ouimet lors des élections
Benjamin Viger le nomme collecteur des douanes de législatives de 1867 dans le comté des Deux-Montagnes
Dundee. Élu député de Soulanges en 1854, puis de nouveau (ANQM, greffe de Félix-Hyacinthe Lemaire, 19 avril 1877 ;
le 3 novembre 1867, pour le Parti conservateur. LAURIN, 1973 : 85).
286 pat r iotes et loyaux
arrêtés à proximité du canal de Beauharnois. sermons sans équivoque, Chartier n’est certes
Emprisonnés à Montréal le 16 décembre 1837, pas étranger à la ferveur politique de ses
Luc-Hyacinthe accepte en juin 1838 l’exil aux paroissiens, ce qui a l’heur de déplaire à son
Bermudes moyennant la libération des autres homologue de Saint-Eustache, l’abbé Jacques
prisonniers, alors que Damien rentre chez lui Paquin. Louis-Joseph Papineau dit notam-
dès le 23 juin 1838 (ANQ P224 : 820 ; MIN 5- ment de lui que, « sur la politique, […] c’est
06-1837, 10-08-1837 ; SÉGUIN, 1955 : 73, 354- lui qui peut m’en montrer […]. Je le crois
18356 ; VALLIÈRES, 1997 : 86, 88 ; GIROD, disposé à prendre de temps à autre une des
1998 : 127 ; LAURIN, 1982 : 28). 92 Résolutions pour texte de ses sermons
À plus de 60 ans, Pierre Danis fait figure […] ». Le 25 novembre 1837, Chartier est soli-
de doyen du groupe de Saint-Benoît. Membre daire de la décision de s’en tenir à une stra-
de l’Union patriotique pour Saint-Benoît, il tégie défensive à Saint-Benoît, mais rappelle
fait partie du premier et du second comité de la semaine suivante qu’il est résolu à se battre
comté. Il préside ensuite la huitième séance s’il le faut. Au matin du 13 décembre, il est au
du 1er octobre 1837. Réélu juge de paix par le camp armé de Saint-Eustache. Devant 600 à
peuple le 15 octobre, il prononce en novembre 800 personnes, il prononce un long discours
un discours remarqué. On l’aperçoit ensuite, d’une extrême violence. Promptement de
souvent armé d’un fusil, en quête d’armes, de retour à Saint-Benoît à la veille de la bataille,
partisans et de nourriture. Au camp de Saint- il se résout à prendre la fuite avec Brien,
Eustache, il fait apparemment office de juge Hubert et les frères de Lorimier et parvient
de la cour martiale. Selon Amédée Papineau, sain et sauf aux États-Unis.
Danis se réfugie aux États-Unis et ses pro- Le 9 janvier 1838, Chartier assiste à l’as-
priétés de Saint-Benoît sont détruites (MIN semblée de Swanton avec Robert Nelson et
16-11-1837 ; PAPINEAU, 1998 : 127-128,134 ; C.-H.-O. Côté et s’engage dans la préparation
ANQ P224 : 680, nos. 747 et 748, 30-12-1837 ; du soulèvement des Frères chasseurs. Radical
LAURIN, 1982 : 28 ; FAUTEUX, 1950 : 94 ; sur le plan des moyens, Chartier est cependant
DUBOIS, 1937 : 202). hostile à certaines revendications du groupe
Déjà en 1834, le curé Étienne Chartier est
considéré comme un adversaire des autorités
Étienne Chartier (1798-1853) Né à Saint-Pierre-de-la-
politiques et un intime des principaux chefs Rivière-du-Sud, de Jean-Baptiste Chartier, cultivateur, et de
patriotes. Il est le seul prêtre à avoir clairement Marie-Geneviève Picard Destroimaisons. En 1811, il com-
mence ses études en théologie sous la tutelle d’Ignace
pris position en faveur de la rébellion. De Bourget, puis entreprend un stage en droit en 1818 sous la
guerre lasse, Mgr Lartigue lui cède, en sep- direction de Louis Lagueux, de Québec. En 1820, il accepte
tembre 1835, la paroisse de Saint-Benoît, un emploi de rédacteur au Canadien où il fait la con-
naissance d’Augustin-Norbert Morin. Il est finalement reçu
pourtant réputée un foyer du radicalisme avocat le 31 décembre 1823. Il travaille quelque temps dans
politique où Chartier est chaleureusement le cabinet de Denis-Benjamin Viger, puis, en janvier 1825, le
curé Rémi Gaulin, de L’Assomption, l’invite à fonder une
accueilli par les leaders locaux. Du fait de ses école de fabrique dans sa paroisse. Chartier entre donc au
Grand Séminaire de Québec à l’automne 1826 et est fina-
Pierre Danis Né vers 1777 de Pierre Danis et de Véronique lement ordonné prêtre en 1828. En septembre 1829, il est
Carrière. Cultivateur à Sainte-Scholastique, il épouse en nommé directeur du collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière,
1841 Osite Charbonneau, fille de Jean-Baptiste Charbon- d’où il est renvoyé à cause de ses propos jugés trop critiques
neau et de Josette Labelle. envers le gouvernement (DBC, VIII : 156-163).
les « républiques » du nord 287
d’événements patriotes. Présent dès 1827, on afin de démontrer qu’il n’entend pas déroger
le retrouve en 1837 pour le CPCDM pour à ses principes pour conserver sa commission.
Saint-Hermas. Président de la 3e séance du Il est d’ailleurs réélu par le peuple deux mois
16 juillet, il lit notamment la proclamation de plus tard. Barcelo recueille à la même époque
Gosford du 15 juin et le nouvel ordre général de l’argent destiné à acheter des armes et à
de milice du 21 juin. Il est président de l’as- enrôler des partisans. Appelé en renfort avec
semblée du 15 octobre 1837 où il est élu juge ses miliciens pour prêter main-forte aux
de paix populaire pour Saint-Hermas. Au hommes de Girod et Chénier, Barcelo ne
début de décembre, Aubry prend le comman- réussit apparemment pas à soulever sa
dement des insurgés de la paroisse de Saint- paroisse et choisit plutôt de prendre la fuite
Hermas. Ses miliciens ne rallient cependant vers les États-Unis. À Sainte-Scholastique, ses
pas l’armée du Nord de Girod, qui lui propriétés sont les premières saccagées et
reproche amèrement d’ailleurs. Par la suite, « à incendiées (ANQ P224 658, 780 ; CAN 09-12-
Saint-Hermas, il y eut un nombre considé- 1832, 01-12-1837 ; DUBOIS, 1937 : 142, 218 ;
rable d’animaux et d’autres objets d’emportés. C.R.L.G., lettre de Girouard à Morin, 27-04-
La superbe maison et dépendances du 1838 ; MIN 17-08-1837, 16-10-1837 ; GIROD,
capitaine Laurent Aubry sont incendiées » 1998 : 129 ; BERNARD, 2001 : 182-86).
(C.R.L.G., lettre de Girouard à Morin, 27-04- À Sainte-Thérèse, c’est surtout au fait qu’il
1838 ; DUBOIS, 1937 : 202 ; GIROUARD, est le frère du député William Henry Scott que
1989 : 40 ; MIN 5-06-1837, 20-07-1837 ; Neil Scott doit sa réputation de patriote. On
BERNARD, 2001 : 182, 190). le retrouve quand même à des assemblées à
À Sainte-Scholastique, Jacob Barcelo est Saint-Benoît, Terrebonne, Sainte-Rose et au
aussi présent à l’assemblée de juin 1827 et est Comité permanent du comté de Terrebonne.
pour cela destitué de sa commission de capi- Reste que Scott appartient clairement à la
taine. On le retrouve à l’assemblée de Saint- fraction modérée. Mis au courant de l’am-
Benoît de juin 1832 au comité des trente, puis pleur du camp armé de Saint-Eustache, Scott
au premier comité de comté, à l’Union patrio- s’y rend le 2 décembre 1837 dans l’intention
tique et au CPCDM. Le 13 août 1837, avec de convaincre ses chefs de cesser toute résis-
Luc-Hyacinthe Masson, il rend publique sa tance. Forcé de prendre la parole le lendemain
correspondance avec le secrétaire civil Walcott devant une assemblée improvisée, il persiste à
dénoncer la résistance armée. Lors du passage
de l’armée, la maison de Scott est épargnée
Laurent Aubry dit Tècle (1783-1847) Né à Saint-Laurent,
d’André Aubry dit Tècle et d’Émerence Desmoulin. Il est grâce à l’intervention du curé Ducharme. Il
établi à Sainte-Scholastique et est marié à Marie-Louise est tout de même arrêté le 8 février 1838, après
Lefebvre.
l’arrestation de son ami Pierre-Auguste Labrie,
Jacob Barcelo (1789-1852) Né à Sainte-Scholastique où il
est marchand. Époux de Luce Dorion. Il a plusieurs enfants Neil Scott (1813-1846) Presbytérien né en Écosse, de
dont Luce-Arthémise qui épouse Félix-Hyacinthe Lemaire dit William Scott et de Catherine Ferguson. Il est le frère cadet
Saint-Germain, et Hyacinthe-Maurice qui épouse Henriette de William Henry Scott, marchand à Saint-Eustache. Il étudie
Cardinal, fille de Joseph-Narcisse Cardinal, patriote pendu au collège de Montréal de 1822 à 1824. Par la suite, il
au Pied-du-Courant le 21 décembre 1838 (FAUTEUX, 1950 : s’établit à Sainte-Thérèse (Terrebonne). Il y ouvre un magasin
96). général et fait office de maître de poste (GOUIN, 1980 : II).
290 pat r iotes et loyaux
mais libéré dès le 27 février suivant (ANQ, organisation. Pionnier de la localité, Daniel
lettre de Girouard à Morin, 27-04-1838 ; Jour- Phelan en est certainement le plus grand
nal historique..., 1838 : XI ; ANQ P224 578, 10- propriétaire foncier et l’un de ses plus émi-
02-1838 ; VIN 25-03-1834 ; MIN 15-06-1837, nents notables. Quant à son homonyme, John
14-08-1837). Phelan, cultivateur, marchand et même auber-
On retrouve à Saint-Colomban un groupe giste, c’est une figure familière pour qui-
d’Irlandais favorables aux idées patriotes. Une conque habite la côte Saint-Paul de Saint-
religion commune et une certaine amertume Colomban. Fortement engagé dans sa com-
due au sous-développement chronique de leur munauté, il organise une assemblée, en février
localité peuvent expliquer cette adhésion et 1830, afin d’entreprendre la construction de
donc leur opposition aux loyaux de Saint- la première église du village. Il est ensuite
André, Lachute et Carillon. John et Daniel trésorier de la fabrique, puis marguillier en
Phelan ainsi que John Ryan participent tous chef à compter de 1835. La feuille de route
trois à l’assemblée de Saint-Benoît en juin sans tache de ces trois hommes ne les con-
1832, à l’assemblée du 20 mars 1834, à celle duira cependant pas jusqu’aux champs de
du 11 avril 1836 et jusqu’à celle de Sainte- bataille où très peu de leurs concitoyens sem-
Scolastique, en juin 1837, alors qu’ils sont blent s’être rendus (ANQ P224 : 632, 3429 ;
nommés représentants pour Saint-Colomban
au CPCDM en compagnie de Patrick Purcell.
Daniel Phelan Né vraisemblablement à Ballyragget dans le
Ils organisent surtout conjointement une comté de Kilkenny, en Irlande, de Joseph Phelan et de
assemblée réformiste destinée aux Irlandais de Catherine Brennan. Là, il épouse Elizabeth Donton. Il serait
leur localité le 19 juillet 1835 et forment la ainsi le frère cadet de Patrick Phelan, futur évêque au Haut-
Canada, et beau-frère de John Phelan. Il s’installe comme
Reform Association des habitants de Saint- cultivateur sur le lot 141 de la côte Saint-Georges de Sainte-
Colomban, conformément à un vœu émis par Scholastique en novembre 1826 et possède d’autres terrains
à Saint-Colomban. En février 1830, il est secrétaire à une
l’exécutif de Montréal au printemps. John assemblée publique des habitants de Saint-Colomban afin
Phelan, Daniel Phelan et John Ryan sont de trouver un emplacement pour l’église. Il est aussi
d’ailleurs respectivement trésorier, président capitaine de milice et marguillier de Saint-Colomban pour la
côte Saint-Patrick en 1835 (FORGET, non daté : 97 ;
et secrétaire-correspondant de la nouvelle A.C.A.M., Requête de habitants de Saint-Colomban, 10
juillet 1830 ; ANQM, greffe de Nicolas-Benjamin Doucet, 27
novembre 1826 ; ANQM, greffe d’Augustus Mackay, minute
Patrick Purcell (1791-1870) Né en sol canadien et un des 1772, 28 décembre 1836 ; A.C.D.S.J., 1re assemblée de
principaux leaders patriotes dans la paroisse de Saint- paroisse, 14 octobre 1835).
Colomban. Époux d’Ann Murphy avec qui il aurait eu cinq
enfants.
John Phelan (1787 ou 1790-1862) Né vraisemblablement à
Kilkenny en Irlande de Michael Phelan et de Mary Corcoran.
John Ryan (1796-1864) Originaire du comté de Tipperary Il épouse, en Irlande, Mary Phelan. En 1831, il acquiert à
en Irlande. On peut supposer qu’il immigre au Bas-Canada Saint-Colomban le lot 232 de la côte Saint-Paul et se livre
au milieu des années 1820, au début de la colonisation de par la suite à de nombreuses transactions immobilières, ce
la future paroisse de Saint-Colomban. Il se marie selon les qui en fait le principal propriétaire à Saint-Colomban.
rites catholiques à Johanna Burke, fille de Michael Burke et D’après le recensement de 1842, John Phelan est cultivateur
de Catherine Mahan. Il se fait ensuite concéder le lot 230 sur la côte Saint-Paul à Saint-Colomban et y fait le commerce
de la côte Saint-Paul le 15 juillet 1825. Il est alors maître de la potasse (FORGET, non daté : 97 ; BOURGUIGNON,
d’école et possède 150 acres de terres, dont 16 en culture 1988 : 72-73). (ANQM, greffe d’Augustus Mackay, minute
(FORGET, non daté : 107 ; ANQM, greffe de Nicolas-Benjamin 684, 25 juin 1831 ; ANQM, greffe d’Augustus Mackay,
Doucet, 15 juillet 1825 ; Recensement 1831, C-723). minute 1473, 21 mars 1835).
les « républiques » du nord 291
est en fait un esprit libéral et sa conduite à secrétaire civil Charles Buller en 1838 (ANQ
titre de seigneur est plutôt irréprochable. « Peu P224 1064, 4100).
de seigneurs ont su se faire aimer de leurs Commissaire des petites causes, juge de
censitaires autant que lui » (MIN 16-04-63). paix en 1826 et major de la milice de
Ainsi, il participe à l’assemblée de Vaudreuil Vaudreuil, John Augustus Mathison cumule
du 12 mai 1837 dont le but est de fonder une un nombre impressionnant de fonctions
compagnie d’assurance mutuelle contre le feu publiques et joue un rôle très actif dans
et où patriotes et loyaux se côtoient (VIN 12- Vaudreuil, en particulier auprès de la com-
05-1837, SÉGUIN, 1955 : 24). Avec Mathison, munauté protestante. Ténor du mouvement
il rédige le 3 juillet 1837 une « proclamation » loyal dans Vaudreuil, il est délégué au Select
à portée locale, interdisant les assemblées General Committee de 1836. Lors d’une
populaires (SÉGUIN, 1955 : 25). Harwood est réunion des magistrats du comté le 3 juillet
cependant en désaccord avec le zèle déployé 1837, il émet une proclamation incitant le
par Mathison qui persécute les patriotes du peuple à ne pas se rendre aux assemblées
comté et il s’en plaint même auprès du populaires et s’engage personnellement à
les « républiques » du nord 293
recueillir les dénonciations contre les contre- Greer, « certains magistrats pêchent davantage
venants. Son discours hargneux du 3 juillet a par leurs caprices et leur corruption que par
l’heur de déplaire à une partie de l’auditoire, leur laxisme » (GREER, 1997 : 95). C’est
puisque Mathison aurait été interrompu apparemment le cas de Mathison qui aurait
durant sa prestation et aurait choisi de se abusé de ses pouvoirs de magistrat, semant le
rendre à une auberge voisine pour y tenir une trouble et la discorde dans la région. Invo-
« réunion privée » en compagnie d’une dizaine quant des lettres dénonçant le magistrat,
de loyaux (MIN 20-07-1837 ; QGZ 25-05- Harwood suggère que Mathison empoche des
1836 ; AMI 11-11-1837 ; POP 15-11-1837). amendes disproportionnées pour les crimes
En novembre 1837, le major Mathison et le commis. À titre de commissaire aux petites
lieutenant William Griffin forment le Loyal causes, Mathison aurait aussi promis certains
Vaudreuil Volunteers, composé de 200 mem- arrangements hors cour afin d’empocher une
bres, principalement des anglophones de la rétribution en échange de sa clémence (ANQ
paroisse de Saint-Thomas-d’Aquin (Hudson) P224 : 4100 ; SÉGUIN, 1955 : 90-91). On le
(Programme souvenir…, 1947). Le détache- soupçonne également d’avoir falsifié des
ment de volontaires est cantonné à Perry- dossiers afin de justifier certains verdicts.
House, sur l’île Perrot où Mathison et Griffin D’après Séguin, « le zélé serviteur souffre
prennent leurs quartiers. Dans une lettre au d’une psychose de conspiration ». Mathison
capitaine Goldie, le 22 décembre 1837, il rapporte au secrétaire civil T.W.C. Murdock
annonce l’arrestation de William Whitlock qui que des réunions secrètes se seraient tenues
accusera d’ailleurs plus tard Mathison de chez François-Xavier Desjardins les 7, 8 et 9
brutalité excessive (ANQ P224 : 3890, 3895). novembre 1839 sans qu’il soit autrement
Mathison n’est pas non plus étranger à l’ar- possible de le prouver (SÉGUIN, 1955 : 103 ;
restation de son adversaire sur le plan poli- ANQ P224 : 1067, 10-11-39 ; ANQ(M),
tique et rival sur le plan commercial : GREFFE DE H.-F. CHARLEBOIS, MINUTE
François-Xavier Desjardins. D’après Allan 430, 11-12-33 ; ANQ P224 : 1074).
Desjardins, William Whitlock, Narcisse Valois 18 février 1833 dans une élection partielle,
et Joseph Rassette, à Vaudreuil, d’Ignace puis réélu en 1834. Il a donc l’occasion de
Dumouchel, à Rigaud, d’Hyacinthe-Fabien voter en faveur des 92 Résolutions et de signer
Charlebois, à Saint-Polycarpe, et de Godefroy la pétition destinée à la Grande-Bretagne. Il
Beaudet, à Coteau-du-Lac. Il faut cependant est aussi présent dans son comté, membre du
souligner la contribution d’un « étranger » au comité de comté d’avril 1834, puis de celui du
comté : le député Charles-Ovide Perrault qui, 6 août 1837 (MIN 01-05-1834, 10-08-1837).
du fait de son rôle à la direction du Parti Son rôle est toutefois modeste. Son titre de
patriote, de son extraordinaire énergie dans commerçant et de propriétaire foncier,
les travaux parlementaires et de son rôle notamment au Haut-Canada, peut avoir été
crucial dans l’animation politique partout un sérieux frein à un engagement plus
dans le district de Montréal, demeure la figure profond.
emblématique du mouvement patriote Quant à Charles-Ovide Perrault, il fait
vaudreuilois. partie d’une nouvelle génération de jeunes
Les patriotes de Vaudreuil donnent offi- députés plus radicaux, avec La Fontaine,
ciellement leur appui aux 92 Résolutions le Morin, Rodier et Côté, et prend part en
28 avril 1834, lors d’une assemblée tenue après Chambre à tous les débats importants. Fervent
la grand-messe, aux portes de l’église de partisan des 92 Résolutions, il se montre
Vaudreuil, et qui aurait réunit 600 personnes notamment attentif aux questions d’agricul-
dont plusieurs Irlandais de Rigaud. L’assem- ture et d’éducation. La session de 1836 reste
blée est présidée par Étienne Roy, des Cèdres. célèbre pour ses séances orageuses, alors que
Edmund Bailey O’Callaghan, Narcisse Valois Perrault se montre particulièrement agressif
et le futur député Charles-Ovide Perrault y
prononcent chacun un discours. On crée aussi Charles Rocbrune dit Larocque (1784-1849) Né à Sainte-
Geneviève, de Charles Laroquebrune et de Geneviève
le Comité permanent du comté de Vaudreuil McDonell. D’abord cultivateur et journalier à Sainte-
qui, avec ses 97 membres, est certainement Geneviève, il s’installe vers 1812 à Rigaud où il est
l’un des plus imposants comités ruraux marchand. Vers 1834, il s’occupe d’exploitation forestière et
ouvre un magasin sur le site de la future municipalité de
patriotes. Des loyaux de la région sont aussi Saint-Louis-de-Gonzague. En 1806, il épouse Marie Lefebvre,
présents. Le magistrat John A. Mathison y fille du forgeron Pierre Lefebvre, puis, en 1833, Julie
Fournier, fille de Jean-Baptiste Fournier, veuve du notaire
aurait même interrompu Perrault durant son Charles Nolin.
discours, qui l’aurait à son tour invité à
s’exprimer publiquement. Mathison aurait Charles-Ovide Perrault (1809-1837) Né à Montréal, de
cepen-dant décliné l’invitation (MIN 01-05- Julien Perrault, un boulanger, et d’Euphrosine Lamontagne.
1834 ; VIN 29-04-1834). Il n’en faut pas plus, Il est le frère cadet de Louis Perrault, imprimeur du
Vindicator, et neveu d’Austin Cuvillier. Le 25 juillet 1837, il
le mardi 4 novembre suivant, pour que le mar- épouse à Montréal Mathilde Roy. Il fait des études au Petit
chand Charles Rocbrune dit Larocque et le Séminaire de Montréal en 1818 et commence l’étude du
droit en 1828 sous Denis-Benjamin Viger, puis avec Toussaint
jeune Charles-Ovide Perrault soient élus Peltier. Il est admis au barreau le 2 juillet 1832. Pratiquant à
par acclamation co-députés patriotes de Montréal, le jeune avocat est associé à André Ouimet à
Vaudreuil. partir de 1836, fréquentant par le fait même de plus en plus
le milieu patriote. Lors de l’élection partielle en 1832, il est
Charles Rocbrune dit Larocque est entre- l’un des plus fervents partisans de Daniel Tracey, candidat
preneur à Rigaud. Il est d’abord élu le patriote dans l’ouest de Montréal.
les « républiques » du nord 295
L’assemblée du dimanche 6 août est précédée 1830 au 15 octobre 1831, Godefroy Beaudet
d’une réunion du comité de correspondance est quant à lui un grand notable engagé du
le 23 juillet et d’une assemblée improvisée sur côté patriote. Il est notamment membre du
le perron de l’église paroissiale de Vaudreuil le comité de comté de 1834, du comité de cor-
30 juillet, alors que patriotes et loyaux discu- respondance et du comité de comté de 1837
tent férocement de l’opportunité de tenir un de la paroisse de Saint-Polycarpe. Il est vice-
grand rassemblement la semaine suivante président le 28 avril 1834 et propose la toute
(MIN 24-07-1837 ; SÉGUIN, 1955 : 25-26). La première motion qui appuie les 92 Résolu-
grande assemblée du comté de Vaudreuil réu- tions, comme seul moyen « de resserrer les
nit à Rigaud 2000 représentants de tout le liens de la colonie avec sa mère-patrie » (VIN
comté, sous la présidence de François Sauvé. 29-04-1834). À l’assemblée du 26 juillet 1836,
Les députés Perrault et O’Callaghan haran- Beaudet rappelle que les Canadiens doivent se
guent la foule en anglais, tandis que le député préparer à de nouveaux sacrifices et faire
Jean-Joseph Girouard et le docteur Luc- preuve de vigilance afin d’obtenir les réformes
Hyacinthe Masson le font en français. On désirées. Finalement, à l’assemblée du 6 août
forme alors un comité de comté plus compact 1837, il propose des mesures afin d’accroître
de 31 membres avec « pouvoir de recevoir de les échanges commerciaux avec nos parte-
nouveaux membres, de correspondre avec les naires du Haut-Canada. Beaudet n’ira cepen-
organisateurs de l’extérieur, d’établir des sous- dant pas plus loin, son statut social le distin-
comités pour chaque paroisse et généralement guant nettement du groupe des conjurés
de surveiller les intérêts de la région ». On y autour des Racette, Charlebois ou Desjardins
retrouve à peu près intégralement les mem- (VIN 2-08-1836 ; MIN 10-08-1837).
bres du comité de correspondance, dont Au-delà du rôle tutélaire d’un Perrault et
Godefroy Beaudet et Joachim Watier (CAN de l’appui moral des Larocque, Watier et
14-08-1837 ; MIN 10-08-1837, VIN 15-08- Beaudet, l’animation politique dans Vaudreuil
1837 ; SÉGUIN, 1955 : 30). demeure le fait d’un petit groupe de mar-
Joachim Watier est d’abord membre du chands et d’entrepreneurs, extrêmement sou-
comité de comté de 1834 et de celui de 1837, dés entre eux et à qui on peut attribuer
pour la paroisse de Saint-Ignace. Il participe l’essentiel de l’agitation dans Vaudreuil. En
aussi à l’assemblée du 26 juillet 1836 et à la plus de participer aux mêmes assemblées,
grande assemblée du 6 août où il formule la
toute première proposition s’opposant aux Godefroy Beaudet (1794-1855) Né à Deschaillons, de
résolutions Russell (VIN 29-04-1834 ; MIN Jacques Beaudet et de Marianne Trottier. Il s’établit aux
Cèdres dans la seigneurie de Soulanges et est aussi
1er-05-1834 ; VIN 2-08-1836 ; MIN 10-08- propriétaire d’une terre à Coteau-du-Lac (VIN 2 août 1836).
1837). Marchand, officier de milice, juge de En 1823, il épouse Zoé Lemaire Saint-Germain, la fille de
paix et député de Vaudreuil du 26 octobre Hyacinthe Lemaire Saint-Germain, arpenteur à Saint-
Eustache. Lors de la fondation de la paroisse de Saint-
Polycarpe, il déménage son commerce sur les abords de la
rivière Delisle. Capitaine de milice le 29 juillet 1828 et major
Joachim Watier Né aux Cèdres en 1785 de Pierre Watier et par la suite. Commissaire chargé de l’amélioration de la
d’Archange Sauvé dit Laplante. Cultivateur aux Cèdres, il navigation sur le Saint-Laurent, des Cascades jusqu’au lac
épouse Angélique Leroux, veuve de Joseph Parent, com- Saint-François, le 8 juin 1830. Par ailleurs, il est nommé juge
merçant, le 15 janvier 1817. de paix le 31 décembre 1831.
les « républiques » du nord 297
anglais. Sa vie est aussi marquée par une crate », afin de lui faire un mauvais parti.
longue rivalité l’opposant à son voisin, le Prévenu à temps, le notaire se barricade chez
major John A. Mathison, leader loyal de lui, si bien que les assiégeants en ont pour
Vaudreuil. En fait, leur compte. Activement recherché à l’au-
[…] constamment au cours de leur vie, les tomne 1837, Charlebois trouve refuge
deux hommes sont en opposition dans tous d’abord chez la seigneuresse Charlotte de
les domaines. Qu’il s’agisse de questions mili- Lotbinière. Il est finalement arrêté en compa-
taires, civiles, judiciaires, religieuses, politiques gnie de Narcisse Valois le 20 décembre 1837 à
et commerciales, chaque événement leur Sainte-Anne-de-Bellevue et immédiatement
donne l’occasion de s’opposer l’un à l’autre et conduit à la prison de Montréal (ANQ P224 :
d’exprimer leurs jugements contradictoires. De 1070 ; VIN 12-05-1837 ; MIN 24-07-1837, 10-
culture et de foi différente, on constate qu’en 08-1837 ; SÉGUIN, 1955 : 25-26 ; POP 01-12-
aucune circonstance, rien dans la vie de ces 1837 ; LINTEAU, 1967 : 286 ; FAUTEUX,
hommes ne contribue à les rapprocher l’un et 1950 : 165).
l’autre (Programme souvenir… 1947 : 21).
Narcisse Valois signe notamment le mani-
Le notaire Hyacinthe-Fabien Charlebois feste des Fils de la liberté à l’automne 1837 et
participe dès 1834 à l’animation politique. participe à la plupart des assemblées dans
Membre du Comité permanent du comté de Vaudreuil. Membre du comité de comté de
Vaudreuil de 1834 et du Comité de correspon- 1834 et du comité de correspondance, il est
dance le 26 juillet 1836, il est ensuite systéma- aussi vice-président à l’assemblée du 28 avril
tiquement secrétaire aux assemblées suivantes, 1834 et propose, le 26 juillet 1836, qu’on
traduisant la grande continuité du mouve- réforme en profondeur la tenure. Le 23 juillet
ment patriote de Vaudreuil. Charlebois est 1837, il préside une réunion générale des
donc secrétaire à l’assemblée du 23 juillet, à habitants du comté, puis l’assemblée impro-
l’assemblée improvisée du 30 et lors de la visée du 30 juillet. Il assiste à la grande assem-
grande assemblée du 6 août où il propose blée du 6 août où il s’exprime à nouveau à
« que l’assemblée n’a plus confiance envers la propos des droits seigneuriaux. Le samedi
Chambre du gouvernement impérial ainsi que 13 novembre, avec Rassette, Charlebois et les
le ministre des colonies ». Le 24 novembre frères Desjardins, il fait partie de l’expédition
1837, il se rend avec d’autres chez son propre vers Grand-Brûlé. « N’étant pas inquiété par
frère J.-A. Charlebois, notaire à Coteau-du- les mandats d’arrestations, [Valois] profite de
Lac, dont le « grand tort » est d’être « bureau- son passage à Saint-Benoît pour pousser une
reconnaissance jusqu’à la Pointe-aux-Anglais »
Hyacinthe-Fabien Charlebois (1806-1868) Né à Vaudreuil,
de Joseph Charlebois et de Marie-Amable Cholet de Saint-
Michel-de-Vaudreuil. Il est reçu notaire le 18 octobre 1831 Narcisse Valois (1786-1859) Né à Pointe-Claire, de Pierre
et pratique à Vaudreuil, puis à Saint-Polycarpe. En 1833, il Valois et de Catherine Lefebvre. Cultivateur à Vaudreuil. Il
épouse Marie-Cléophée Ranger, fille de Jean-Baptiste épouse Marie-Agathe Lalonde en 1810, puis, en 1843,
Ranger. Arrêté le 20 décembre 1837. Libéré sans procès le Marie-Josephte Huneault dit Deschamps (SÉGUIN, 1955 :
7 juillet suivant, moyennant une caution de mille livres. En 143). Promu lieutenant de milice en 1829, il est rétrogradé
1844, il est nommé régistrateur du comté de Vaudreuil. au grade de capitaine en 1845, à la suite de sa participation
Puis, l’année suivante, il est le premier maire de la muni- aux troubles de 1837. Au cours de sa vie, il est non seu-
cipalité de la paroisse de Vaudreuil (FAUTEUX, 1950 : 165 ; lement maire de sa municipalité, mais aussi juge de paix
JEANNOTTE, 1964 : 22). pendant 50 ans.
les « républiques » du nord 299
Dans la nuit du 21 au 22 décembre 1837, le juillet 1836. Le 6 août 1837, il est désigné
juge de paix Mathison, le huissier William représentant de Vaudreuil en vue de la Con-
Cook et le capitaine Richard Robins procèdent vention générale. En 1837, le marchand de
à l’arrestation de Whitlock et à la saisie de son Rigaud participe notamment à l’émission de
matériel d’imprimerie. Le lendemain, il est nouveau papier-monnaie à Rigaud et organise
conduit sous bonne garde à la prison de quelques rencontres secrètes à son magasin.
Montréal et n’est libéré que le 9 juillet suivant D’après l’Acte des émeutes du 21 novembre
(ANQ P224 : 3890, 3891, 3892, 3895, 3897 ; 1837, les juges de paix sympathiques à la cause
MC 3-02-1838). Nous avons en revanche peu patriote sont officiellement démis ; Ignace
d’information sur William Purcell, patriote Dumouchel est du nombre (SÉGUIN, 1955 :
anglophone de Coteau-du-Lac. Il est certai- 51). Le jeudi 30 novembre 1837, il se rend à
nement présent à l’assemblée du 26 juillet Saint-Benoît à une réunion tenue chez le
1836, membre du comité de correspondance notaire Girouard. Après le sac de Saint-Benoît
et membre du second comité de comté (VIN le 16 décembre 1837, Dumouchel se rend au
2-08-1836). Le 6 août 1837 il propose de village dévasté en compagnie de son frère
remercier les députés radicaux anglais qui Jean-Baptiste, prend la mesure des dégâts
défendent la cause patriote à Londres (MIN causés par l’armée et prête secours aux sinis-
10-08-1837, 10-08-1837). Lors du couronne- trés, notamment à Marie-Louise Félix,
ment de la nouvelle souveraine Victoria 1re, l’épouse du notaire Jean-Joseph Girouard
on chante le Te Deum durant la messe à Saint- (VIN 15-08-1837, VALLIÈRES, 1997 : 92 ;
Polycarpe présidée par l’abbé Quévillon. SÉGUIN, 1955 : 30, 45, 56).
Quelques insoumis empêchent alors le curé Même si Vaudreuil demeure dans l’en-
de faire sonner les cloches de l’église, dont semble calme durant les rébellions, les autori-
John McDonald et William Purcell (SÉGUIN, tés sont cependant soucieuses d’assurer l’ordre
1955 : 34). Purcell est enfin secrétaire lors dans ce comté frontalier, notamment autour
d’une assemblée à Saint-Ignace le 10 sep- du site de Coteau-du-Lac qui joue un rôle
tembre 1837 et propose qu’on remercie à crucial dans les communications avec le Haut-
nouveau John Arthur Roebuck et Daniel Canada. Construit en 1780 afin d’accélérer
O’Connell pour leur appui au Parlement
impérial. Purcell décède le 19 octobre 1847 et Ignace Dumouchel (1791-1876) Né à Sandwich (Windsor)
son service funèbre est célébré en la cathédrale dans le Haut-Canada, de Louis-Vital Dumouchel et de
Magdeleine Goyau. Son frère aîné, le marchand Jean-
anglicane de Montréal (MIN 21-09-1837 ; Baptiste Dumouchel de Saint-Benoît, est aussi très connu
SÉGUIN, 1955 : 137). dans la région de Deux-Montagnes. Ignace est le père
Bien qu’il ne soit pas originaire du comté, d’Alfred Dumouchel qui réside longtemps chez son oncle, le
notaire Girouard. Il s’installe à Saint-Benoît en 1809 où il
Ignace Dumouchel est un marchand bien travaille au commerce de son frère Jean-Baptiste. À l’âge de
établi de Rigaud, associé au patriote Joseph 21 ans, il participe en qualité de capitaine de milice à la
guerre de 1812 (SÉGUIN, 1955 : 122). En 1820, il épouse en
Racette. Il est notamment présent à l’assem- premières noces Félicité Girouard, sœur de Jean-Joseph,
blée du 28 avril 1834 et siège au premier notaire de Saint-Benoît, puis, en 1829, Marie-Thérèse-
comité de comté. Avec Henry Roebuck, il est Antoinette Fournier. Vers 1823, il vient s’établir à Rigaud où
il ouvre un magasin général et fonde, en 1829, une petite
secrétaire de l’assemblée de Vaudreuil et entreprise commerciale en s’associant à un marchand de
nommé au comité de correspondance de Vaudreuil, Joseph Rassette (SÉGUIN, 1955 : 122).
les « républiques » du nord 301
Filiatrault y va d’abord d’un discours virulent électif ; que la Couronne « y appelle des mem-
contre la démarche du Parti patriote et dépose bres indépendants choisis parmi les sommités
une série de résolutions loyales. André- de la société ».
Benjamin Papineau, le cousin de Louis- L’assemblée du 10 est organisée par deux
Joseph, prend la parole, chaudement applaudi grands propriétaires fonciers : John Hettrick
par ses partisans. Les partisans patriotes et Eustache-Antoine Lefebvre de Bellefeuille.
décident ensuite d’évacuer l’assemblée qui se En 1817, la seigneurie des Mille-Îles est scin-
poursuit tant bien que mal (AMI 31-05-1834). dée en deux et la partie sud passe à William
Ceux qui restent témoignent de leur loyauté Clauss, procureur général du Haut-Canada,
envers la Couronne, dénoncent l’éligibilité du puis à John Hettrick. Quant à de Bellefeuille,
Conseil législatif et « préfèrent que l’on fasse il est à Saint-Eustache lié au puissant clan
place à un plus grand nombre de membres seigneurial des Dumont-Globensky. Autour
indépendants sans l’ingérence ni du Conseil des deux hommes, un « comité permanent
exécutif, ni de la Couronne ». On dépose enfin autorisé à correspondre avec le comité central
la pétition apparemment signée par 462 de Montréal » — vraisemblablement l’exécutif
loyaux canadiens-français du comté et de l’Association constitutionnelle — doit
dénonçant l’attitude des deux députés du d’abord rédiger une adresse loyale au roi. Y
comté. La version de La Minerve à propos du siègent MM. E. A. L. de Bellefeuille, Charles
même événement est passablement différente. Bouc, François Gratton, Charles F. Greece,
Selon le journal patriote, l’assemblée du Janvier D. Lacroix et John McKenzie de Terre-
31 mars tourne carrément à l’avantage des bonne, un proche de Joseph Masson. Une
patriotes, alors que les 200 personnes pré- pétition de 116 noms — tous des Canadiens
sentes se scindent en deux groupes et que les français de la seigneurie de Mille-Îles — est
loyaux doivent céder la place (MIN 7 AVRIL aussi déposée (LAPIERRE, 1983 : 4 ; AMI 19-
34). Les loyaux réussissent en tout cas à faire 04-1834).
circuler leur pétition et à tenir au moins une Une assemblée loyale a lieu le 30 avril au
autre assemblée, plus calme celle-là, le 13 avril moulin du hameau de New Glasgow et réunit
suivant chez Paul-Joseph Filiatrault, afin de « une quarantaine d’écossais et d’irlandais
justement dénoncer la version de La Minerve protestants » (MIN 9-05-1834). Le 3 mai sui-
(QG 34-04-1834 ; AMI 16-04-1834, 31-05- vant, 164 habitants de New Glasgow se réu-
1834). nissent pour déplorer l’attitude de la Chambre
C’est ensuite au tour des loyaux de la rive d’assemblée. On se déclare contre un Conseil
nord de se réunir à Sainte-Thérèse de Blain- législatif électif, préférant qu’on y ajoute
ville, le 10 avril 1834. On y désapprouve « la davantage de membres indépendants (MGZ
plus grande partie des 92 Résolutions », qu’on 03-06-1834). Le 23 avril 1836, une majorité
considère dangereuses pour la religion et qui de Britanniques et « quelques loyaux Cana-
soumettraient le peuple à un système ruineux diens » de la rive nord se réunissent à Sainte-
de taxes et d’impôts directs. On considère Thérèse pour élire un délégué au Select Gene-
aussi que l’attitude des patriotes crée des « ani- ral Committee de juin à Montréal. Ce sont
mosités et des préjugés nationaux ». On se John Hettrick, David Miller et William
déclare enfin contre un Conseil législatif Porteous (MGZ 28-04-1836).
304 pat r iotes et loyaux
Le 1er mars 1834 se déroule à Terrebonne leurs efforts pour faire triompher la cause du
une première réunion sous la présidence de peuple canadien ». L’assemblée est présidée
François Coyteux. On y annonce en par- par le futur député Séraphin Bouc qui y va
ticulier la tenue d’une assemblée deux aussi d’un discours. Sont notamment présents
semaines plus tard afin d’appuyer offi- F.-X. Valade, Augustin Lemay dit Delorme,
ciellement les 92 Résolutions. On se retrouve Thomas Barron et Augustin Tassé (MIN 14-
donc le 13 mars à l’école de Terrebonne pour 04-1834).
également élire les candidats en vue des Les townships du nord du comté ne sont
élections de l’automne suivant. Louis- pas en reste. On organise le 30 avril une
Hippolyte La Fontaine demeure en poste, assemblée à la salle de l’école de New Glasgow
mais il s’agit de trouver un remplaçant pour sous la pluie battante. Selon La Minerve du 9
Joseph-Ovide Turgeon qui se retire ; Séraphin mai, il s’agit là encore d’une réunion loyale
Bouc est alors désigné. On choisit ensuite les détournée en une assemblée patriote. On con-
membres d’un comité électoral composé de fie la présidence à un anglophone de l’endroit,
75 membres, représentant les paroisses de Robert Adamson, alors que Bouc est plus
Terrebonne, Saint-Martin, Sainte-Anne-des- modestement vice-président et, avec François
Plaines, Saint-Vincent-de-Paul, Sainte-Rose et Coyteux, répète son discours de Sainte-
Sainte-Thérèse (MIN 20-03-1834 ; VIN 07-03- Thérèse. Les neuf représentants élus pour
1834, 18-03-1834). représenter Terrebonne au CCPM de Mont-
Le 30 mars suivant, à Saint-Martin, sur l’île réal sont tous des anglophones de New
Jésus, la criée convoque les habitants de la Glasgow et de New Paisley (VIN 06-05-1834).
paroisse à une assemblée pour le lendemain. En 1836, deux assemblées sont organisées à
Comme on le sait, cette assemblée est marquée Saint-Martin par André-Benjamin Papineau
par un grand désordre, patriotes et loyaux se et François Coyteux, les 23 mai et 12 juin, à
disputant la tribune et tentant d’orienter la propos de « l’État de la province ». On y vote
discussion. Selon La Minerve, les deux cents une série de résolutions, en particulier en
patriotes alors présents restent maîtres de la faveur du boycott des produits britanniques,
place, sous la présidence d’André-Benjamin un an avant l’assemblée de Saint-Ours. Ce
Papineau. Le but de l’assemblée est apparem- seront notamment les deux dernières activités
ment de présenter aux paroissiens les six politiques auxquelles participe Séraphin Bouc
représentants de Saint-Martin au Comité per- (LAURIN, 1999, 11 ; VIN 13-05-1836, 14-06-
manent du comté de Terrebonne, élus le 13 1836).
mars à Terrebonne, ainsi que les trois délégués Dès l’adoption des 92 Résolutions en
du comté au Comité central et permanent de février 1834, Séraphin Bouc se retrouve à
Montréal, soit Papineau, Henri Descôtes et plusieurs rassemblements politiques. Il est
C. Bélair (MIN 07-04-1834). d’abord présent à l’assemblée du 13 mars et
Le 10 avril, ce sont de 250 à 300 personnes nommé au Comité permanent de Sainte-
qui se réunissent à Sainte-Thérèse pour Anne-des-Plaines avec Jérôme Longpré. Il
appuyer à leur tour les 92 Résolutions, signer préside ensuite l’assemblée du 10 avril à
la pétition destinée au Parlement impérial et Sainte-Thérèse, prononce un discours à New
« inviter les personnes présentes à réunir tous Glasgow le 30 avril et est nommé au comité
306 pat r iotes et loyaux
de correspondance. Patriote influent et élo- 1834 (MIN 15-06-1834, 15-06-1837 ; VIN 13-
quent, Bouc est facilement élu député de 05-1836).
Terrebonne avec Louis-Hippolyte La Fontaine Le comité de comté se réunit le 13 août
en novembre. Les 4 et 5 décembre 1834, il suivant à l’hôtel Reeves de Terrebonne. On y
participe à deux réunions du comité de cor- crée un comité de vigilance — ici de « sur-
respondance de Montréal afin de préparer le veillance » — de cinquante membres, en vue
travail des députés sur des dossiers portant d’assurer le respect des résolutions votées à
sur le commerce, les ravages du choléra et les Sainte-Rose à propos du boycott des produits
dépenses du gouvernement. On le retrouve anglais, de correspondre avec le comité de
enfin le 12 juin 1836, lors d’une assemblée à Montréal et de réagir au décès du député
Saint-Martin. Il demeure en fonction jusqu’à Séraphin Bouc (MIN 14-08-1837). Le 20 août,
sa mort survenue le 29 juillet 1837 à Sainte- lors d’une assemblée à Sainte-Anne-des-
Anne-des-Plaines à l’âge de 48 ans. Dans sa Plaines, on désigne André-Benjamin Papineau
déclaration de culpabilité, le docteur Jean- candidat pour succéder à Bouc (MIN 28-08-
Baptiste-Henri Brien considère Bouc comme 1837). Papineau est ensuite élu à l’acclamation
un fervent partisan des institutions répu- le 18 septembre.
blicaines (ANC, MG 24, B 129, 23, 29-1838 ; Selon qu’ils soient de Saint-Martin, de
VIN 14-06-1836, 18-03-1834, 6-05-1834 ; Sainte-Rose ou de Saint-Louis-de-Terrebonne,
MIN 9-05-1834, 20-03-1834 ; CAN 20-06- les leaders de Terrebonne réagissent diffé-
1836, 15-11-39). remment à l’automne de 1837. Les plus vieilles
Dans Terrebonne, la grande assemblée paroisses sont plutôt calmes. Cependant, plus
anticoercitive se tient à Sainte-Rose le 11 juin on s’éloigne de Montréal, plus une trompeuse
1837. Plus de mille personnes, représentant impression de sécurité semble donner de la
toutes les paroisses du comté, y sont délé- hardiesse aux leaders de Sainte-Anne-des-
guées. Un certain Hyacinthe S. Saint-Germain, Plaines et de Saint-Jérôme, qui se joignent
arpenteur, est président et André-Benjamin plus volontiers aux insurgés des Deux-
Papineau, secrétaire. Les discours sont Montagnes.
de François Coyteux, Louis-Hippolyte À Terrebonne, les leaders politiques sont
La Fontaine, André Ouimet et Jean-Joseph surtout des notables ayant peu à voir avec les
Girouard, de Saint-Benoît. On y désigne 30 chasseurs qui prendront l’initiative en no-
membres à un nouveau comité permanent de vembre 1838. Antoine Dumas est l’un des plus
Terrrebonne, nommés d’office représentants à gros marchands de Terrebonne. Membre du
une éventuelle convention générale patriote. comité de comté en 1834 et en 1837, il par-
Ce sont en fait sensiblement les mêmes qu’en ticipe aux assemblées de Saint-Martin de
1836. Le 20 août, il est président de l’assem-
Séraphin Bouc (1788-1837) Né à Lachenaie, de Charles- blée d’investiture de Sainte-Anne-des-Plaines,
Jean-Baptiste Bouc, homme politique et marchand, et
d’Archange Lepage. Il est le frère de Charles-Guillaume
puis disparaît du mouvement patriote à
Bouc, exilé en Australie. Il s’établit en tant que cultivateur à
Sainte-Anne-des-Plaines. Lieutenant dans le 3 e bataillon de Antoine Dumas (1774-1842) Né à Terrebonne, d’Antoine
milice de Blainville en 1812, il participe à la guerre canado- et de Geneviève Marié. Il épouse Marie-Rose Roy. Selon
américaine. Il épouse, en 1813, Françoise Dalcourt, fille de Pronovost, il est un marchand important et influent du bourg
Joseph Dalcourt et d’Angélique Gravel. de Terrebonne.
les « républiques » du nord 307
Pierre Auger (1797-1868) Né à Terrebonne, de Joseph et Joseph Pratte (1793-1882) Médecin à Saint-Vincent-de-
d’Angélique Lapointe. Époux de Josette Gauthier. Paul et sergent dans la milice locale (VIN 21 juillet 1837).
308 pat r iotes et loyaux
Amédée Papineau dans ses Souvenirs de jeu- représenter Saint-Martin au CCPM le 8 juin
nesse. Vers la mi-novembre, il se rend aux 1837. Brien est bien sûr présent à la grande
camps de Saint-Eustache et de Saint-Benoît se assemblée de Sainte-Rose et nommé avec
placer sous les ordres de Girod qui l’envoie André-Benjamin Papineau au Comité perma-
aussitôt à Sainte-Scholastique et Saint-Hermas nent du comté de Terrebonne pour Saint-
à la recherche d’armes. Au moment de la Martin. Le 5 septembre 1837, il assiste à
bataille, Girod le poste devant l’église. Voyant l’assemblée de fondation des Fils de la liberté
Chénier se barricader dans l’église, « il croit et est nommé au comité de régie. Il n’a alors
plus prudent de rester en dehors et d’attendre que 21 ans (VIN 13-05-1836, 14-06-1836, 13-
là une chance d’échapper s’il fallait retraiter » 06-1837 ; MIN 15-06-1837, 07-09-1837).
(PAPINEAU, 1998 : 130). Il prend ensuite la À la mi-novembre, Brien se rend dans le
fuite avec Amury Girod en passant par Saint- comté de Deux-Montagnes en compagnie des
Benoît, Sainte-Scholastique, L’Assomption et frères de Lorimier, Hubert, Pelletier et André-
Rivière-des-Prairies, avant de revenir chez lui Benjamin Papineau. Au début de la bataille de
à Saint-Martin, où ses trois sœurs et sa mère Saint-Eustache le 14 décembre 1837, il quitte
sont laissées sans soutien. Il se constitue alors vers Saint-Benoît avec les de Lorimier et
prisonnier au capitaine Bélanger de Saint- Pelletier. De là, il part vers le nord-ouest
Martin et est incarcéré à la prison de Montréal jusqu’à Berthier et Trois-Rivières, traverse le
le 26 décembre. Libéré l’été suivant, il s’engage Saint-Laurent et gagne Drummond et Sher-
dans l’organisation chasseur. Brien soutient brooke où il franchit la frontière avec le curé
que Papineau « a montré beaucoup d’ardeur Chartier et les deux de Lorimier (FAUTEUX,
et de zèle dans ses préparatifs ». Ce dernier ne 1950 : 141). Brien arrive à St. Albans le 27 dé-
participe toutefois pas au soulèvement de cembre 1837 où il s’installe quelque temps.
1838 mais il est de nouveau arrêté durant une En compagnie de plusieurs leaders, Brien
brève période (POP 27-12-1837 ; FAUTEUX, participe à la réunion de Middlebury le 2 jan-
1950 : 345 ; GAUTHIER-PELLETIER, 1985 : vier 1838, puis à celle de Swanton le 9 janvier
27-29 ; PAPINEAU, 1998 : 133 ; CAN 15-11- 1838 où les chefs Nelson, Côté et de Lorimier
39). jettent les bases de la seconde insurrection. Il
Le docteur Jean-Baptiste-Henri Brien participe ensuite à l’incursion de Caldwell’s
s’engage en politique dès son plus jeune âge. Manor le 28 février 1838. Initié aux Frères
Il est d’abord signataire d’une invitation le 11 chasseurs par Antoine Doré à l’hôtel Campbell
mai 1836 en vue d’une assemblée à Saint- de St. Albans, Brien fabrique 80 000 cartou-
Martin prévue le 23 mai 1836, puis secrétaire ches en compagnie d’autres Canadiens et
le 12 juin suivant. On le délègue aussi pour Américains à Plattsburgh. Au début de juillet
1838, il revient au Bas-Canada et s’installe à
Jean-Baptiste-Henri Brien (1816-en ou après 1841) Né à Sainte-Martine afin de préparer l’insurrection
Saint-Martin de l’île Jésus. Il fait des études au Séminaire de
Montréal entre 1827 et 1833, puis apprend les rudiments
dans Beauharnois où il joue un rôle prépon-
de la médecine auprès des docteurs William Robinson, de dérant jusqu’à son arrestation le 5 novembre
Saint-Vincent-de-Paul, et Charles Smallwood, de Saint- (CAN 15-11-39 ; PC 23-10-39).
Martin. Il est admis à la pratique médicale le 2 octobre 1837
et s’associe au docteur Jean-Baptiste Trestler, de Saint-
Laurent (North American, 4 décembre 1839).
312 pat r iotes et loyaux
témoigner contre eux (MASSON ; 1972 : 222 ; Le traité n’est toutefois pas respecté par les
BERNARD ; 1983 : 127). autorités britanniques qui vont s’empresser
dès le lendemain d’effectuer de nouvelles
Le 7 novembre, 1838 - 51/2 heures, p.m. arrestations. Dans sa déposition, Joseph
Il est convenu entre MM. Joseph Masson, John Masson suggère avoir proposé l’accord de
Mackenzie et Jean-Baptiste Prévost, d’une part,
bonne foi en se basant sur un billet mention-
et MM. Capitaine Bastien, Joseph Roussin,
Charles Bouc et Jean-Baptiste Dagenais,
nant que le pardon était promis à tous ceux
d’autre part, que les premiers s’abstiendront qui déposaient leurs armes sans avoir
de toute attestation contre ces derniers et leur importuné qui que ce soit. Il ajoute « la raison
parti, pour tout ce qui a été fait ou commis pour laquelle je reste ici [est pour] protéger ce
pas eux contre le Gouvernement jusqu’à cette coin du pays, car je sais que si je m’en allais
heure ; et que les derniers mettront à bas leurs tout le nord se lèverait ». Dans cette affaire, six
armes et se retireront dans leurs maisons, en rebelles de Terrebonne sont traduits devant la
par les dites parties se rendant réciproquement cour martiale. Deux d’entre eux, C.-G. Bouc
les prisonniers par elles faits et ont signé à et Édouard-Pascal Rochon seront exilés en
l’instant, à Terrebonne. J.L. Prévost, Ch. G. Australie, alors que Leclaire, Gravelle, Roussin
Bouc, Michel Balent, Toussaint Bastien, Ant. et Saint-Louis sont libérés sous caution et que
Dumas, fils (témoin) et G. M. Prévost
Joseph-Léandre Prévost réussit à prendre la
(témoin) Joseph Roussin (sa marque) Léon
Leclaire (sa marque), Pierre Urbain (sa mar-
fuite. Dans le nord du comté, l’agitation insur-
que), Pierre Labelle (sa marque) (ROCHON, rectionnelle se poursuit jusqu’au 12 no-
1838 : 287). vembre, mais la force policière a vite fait de
confisquer les fusils et de mettre un terme à
Le traité de Terrebonne est rédigé par le l’activité des résistants (MASSON ; 1972 : 220-
notaire François-Xavier Valade. Ce dernier 224 ; LAURIN, 1999, 14 ; BERNARD ; 1983 :
s’était d’abord engagé aux côtés des patriotes : 127, 132-133).
secrétaire aux assemblées du 1er et du 13 mars Charles-Guillaume Bouc est un cultivateur
à Terrebonne, membre du comité de comté de Terrebonne et frère cadet du député Séra-
en 1834 et en 1837 et délégué au Comité cen- phin Bouc. Il est pourtant totalement absent
tral et permanent de Montréal. Il est à l’assem- de la mobilisation politique puisqu’il ne signe
blée de Saint-Martin le 12 juin 1836 et à la guère qu’une invitation en 1836. En 1837
grande assemblée anticoercitive du 11 juin cependant, il porte assistance aux patriotes de
1837. À partir de ce moment cependant, Saint-Eustache, puis se réfugie aux États-Unis.
Valade se démarque des patriotes et exprime Il est à Plattsburgh en janvier 1838 et adhère
son désir de demeurer « neutre » (CAN 9-08- à l’organisation de Nelson et Côté. Une fois
1834 ; VIN 14-06-1836, 26-05-1837 ; MAS- arrêté, Bouc continuera à voir en Joseph
SON, 1972 : 222). Masson un protecteur et à invoquer son
secours, se présentant comme son « très
humble et très obéissant serviteur » (AUBIN, rassemble des sympathisants. Prévost asser-
2000 : 208). mente lui-même quelques habitants de Terre-
Écuyer et notaire bien connu de Terre- bonne et menace de représailles ceux qui
bonne, Joseph-Léandre Prévost est un acteur refusent de se joindre aux Frères chasseurs.
important de ces journées du 3 au 9 novem- Après la signature du traité de paix, il prend la
bre. Contrairement aux autres, généralement fuite à temps pour éviter l’arrestation et se
des cultivateurs peu politisés, c’est un notable réfugie à Burlington où il arrive le 19 février
familier avec l’organisation patriote. Il est 1839, après neuf jours de « peine et misère ».
membre des comités de comté de 1834 et de Il s’installe à Swanton, en contact avec Nelson
1837 pour Terrebonne, membre du comité de et Côté, les deux généraux déchus de la
surveillance et secrétaire à l’assemblée de New rébellion de 1838, pendant que « le méconten-
Glasgow. À l’automne 1837, Prévost est tement va croissant de jour en jour et que les
considéré comme le chef des patriotes de gens ne font que crier pour des armes » (ANC,
Terrebonne et défend notamment aux parois- lettre de Perrault à Papineau, 19-02-39 ; ANQ
siens d’aller à l’église entendre la lecture du P224 1124, 1120, 1118 ; ANC, lettre de Per-
mandement de Mgr Lartigue. Le 14 décembre rault à Papineau, 19-02-39 ; ANQ (M), lettre
1837, il réquisitionne une charrette et tente de de Nelson à Duvernay, 14-10-39 ; VIN 18-03-
recruter des volontaires pour prêter main- 1834 ; 6-05-1834 ; MIN 20-03-1834, 9-05-
forte aux insurgés de Saint-Eustache. En 1838, 1834, 15-06-1837 ; 14-08-1837 ; LAGRANGE,
avec Charles-Guillaume Bouc, il met sur pied 1978 : 20).
une organisation, recherche des munitions et
le 5 avril 1834 s’y tient une assemblée destinée 14 ; BERNARD, 1988 : 153). Au plus chaud des
à dénoncer les 92 Résolutions patriotes. Elle événements, le 28 novembre 1837, une assem-
réunit « un nombre considérable des citoyens blée loyale a lieu à Trois-Rivières. On s’y
les plus respectables de la ville », y compris déclare solidaire des appels à l’ordre lancés la
ceux qui allaient s’avérer les ténors du mou- veille par les magistrats du district de Trois-
vement loyal mauricien : Pierre Vézina, James Rivières. Comme on le fera à la QCA de Qué-
Dickson et James Bell. On y crée notamment bec, on se contente de se mettre à la dispo-
un comité de neuf membres chargé de rédiger sition des autorités pour occuper les charges
une adresse loyale destinée à Sa Majesté, publiques laissées vacantes par le renvoi de
soit Joseph M. Badeaux, Thomas Barron, magistrats patriotes (POP 11-12-1837).
A. D. Bostwick, G. Carter, James Dickson, Les activités loyales à Trois-Rivières
J. Mondelet, P. Vezina, R. P. Wagner et James apparaissent donc clairsemées et sans con-
Bell (MGZ 15-04-1834). De par le ton tinuité. Elles sont aussi confinées à Trois-
employé et les acteurs qui s’y retrouvent, Rivières, sauf pour une assemblée à Saint-
l’assemblée du 23 janvier suivant ressemble Joseph-de-Maskinongé à l’automne 1837,
beaucoup à la première ; on y adopte quelques d’ailleurs commandée autant par la peur de la
résolutions loyales et on forme le comité de répression que par d’authentiques sentiments
rédaction d’une nouvelle pétition. Le texte loyaux (RG4 B37, 3). On note aussi l’impor-
paraît dans les journaux loyaux le 31 janvier tance qu’y occupent les élites judiciaires
1835. Une nouvelle adresse datée du 24 août francophones qui se contentent en général
suivant rend hommage à lord Aylmer qui d’adresser de pusillanimes pétitions sans se
quitte alors ses fonctions (MGZ 29-01-1835). lancer dans des offres de volontaires, ni même
Signées surtout par des officiers de milice et dans la création d’une association constitu-
des magistrats, ces pétitions s’en tiennent à tionnelle locale affilée aux organisations de
des généralités et à l’expression de loyaux Québec ou de Montréal.
sentiments. Elles s’apparentent davantage aux Parmi les leaders, on retrouve un Mathew
traditionnels serments de loyauté régulière- Bell, homme d’affaires très en vue, notam-
ment émis par les officiers judiciaires à chaque ment directeur des forges du Saint-Maurice et
départ d’un gouverneur qu’aux dénonciations conseiller législatif depuis 1823. Son fils aîné,
acrimonieuses envers la majorité patriote et James Bell, participe à la plupart des assem-
généralement adressées dans des comtés plus blées loyales de Trois-Rivières, siège à l’exé-
militants. cutif de l’association locale et rédige le texte
Ce n’est qu’en juillet 1837, au moment où d’une adresse loyale en août 1837 (MGZ 15-
ont lieu de grandes manifestations loyales à
Montréal et Québec, qu’on tient un nouveau Mathew Bell (1769-1849) Homme d’affaires et seigneur
rassemblement à Trois-Rivières. S’y retrouvent et, à compter de 1789, propriétaire des forges du Saint-
Maurice, l’une des plus importantes entreprises industrielles
selon le Morning Courrier des gens qui ne sont du Bas-Canada. Sous sa tutelle, les forges connaissent une
pas des habitués des assemblées constitution- grande renaissance, entraînant des retombés pour toute la
nelles. En six résolutions, on rappelle son région environnante. La famille Bell est cependant mêlée à
la spéculation foncière et au favoritisme politique de haut
attachement à la constitution et au statu quo vol, ce qui lui attire les foudres des patriotes qui les
politique (MC 24-07-1837 ; RAPC, 1923 : 313- dénoncent notamment dans les 92 Résolutions.
318 pat r iotes et loyaux
04-1834, 3 SEPT 1835). Jusque-là discret, notaire, propriétaire foncier, juge de paix,
Mathew Bell monte aux barricades en novem- fonctionnaire, seigneur et ancien député de
bre et fait prêter le serment d’allégeance aux Trois-Rivières, Badeaux est en fait l’un des
officiers du 1er bataillon de milice du comté Trifluviens les plus en vue jusqu’à sa mort
de Saint-Maurice, constitué des travailleurs subite en 1835. Son fils Joseph est aussi
des forges et de leurs fils. En décembre, de son impliqué dans le mouvement loyal (MGZ 15-
propre chef, il met sur pied deux compagnies 04-1834, 29-01-1835, 03-09-1835). Député
de volontaires où il nomme ses fils Bryan, de Trois-Rivières de 1827 à 1832, Pierre-
enseigne, et Greive, capitaine. Craignant pour Benjamin Dumoulin avait rompu avec Papi-
la sécurité des Bell et désireux de maintenir neau sur la question du Bill des fabriques et
l’ordre dans la région, John Colborne dépêche, préféra démissionner de son siège. On l’aper-
en janvier 1838, une centaine de soldats à çoit pourtant d’abord à des manifestations pro-
Trois-Rivières avec d’abondantes munitions. patriotes, comme président de l’assemblée du 8
Pour leur part, les élites francophones de mai 1834 et membre d’un comité de rédaction
Trois-Rivières se gardent en général de se du 19 mai suivant. Au cours de l’été 1837,
joindre au mouvement patriote, tout en se con- Dumoulin rompt cependant avec les patriotes
tentant d’offrir un appui timide au mouvement et se déclare contre la tenue d’assemblées
loyal. L’essentiel pour eux semble de se ménager anticoercitives. Il est dès lors président de l’as-
les bonnes grâces de l’administration coloniale, semblée loyale du 25 juillet, prononce un
dispensatrice de patronage. La présence de discours loyal dans Yamaska le 6 août et, au
Joseph Badeaux au sein du mouvement loyal plus chaud des troubles, se retrouve à l’as-
de Trois-Rivières montre que les patriotes n’ont semblée du 28 novembre. Ses bons et loyaux
pas réussi à s’y attacher les élites urbaines qui services sont récompensés dès 1838, lorsqu’il
auraient pu à leur tour orienter l’opinion est promu conseiller de la reine et juge de paix.
publique en leur faveur. Officier de milice, Homme d’affaires à Trois-Rivières, Benedict
Paul Wagner se voit confier la tâche de
Joseph Badeaux (1777-1835) Né à Trois-Rivières, de Jean-
Baptiste Badeaux et de Marguerite Bolvin. Après un premier
président d’assemblée (Trois-Rivières,
mariage, il épouse, en 1802, Geneviève Berthelot, fille de 23 janvier 1835) et d’orateur (Trois-Rivières,
l’avocat Michel-Amable Berthelot Dartigny. Percepteur de la 25 juillet 1837). Enfin, l’avocat trifluvien
fabrique (1804), marguillier (1806), commissaire chargé de
faire prêter le serment d’allégeance (1812, 1833), shérif
(1813), commissaire responsable de l’amélioration des com-
munications intérieures (1815, 1817), membre du Bureau Pierre-Benjamin Dumoulin (1799-1856) Né à Trois-
d’examinateurs des candidats aux postes d’inspecteurs de Rivières, du négociant François Dumoulin et de Louise-
potasse et de perlasse (1818, 1830), membre d’un bureau Charlotte Cressé. Après des études au séminaire de Nicolet
d’« Examinateurs pour l’Inspection de la Fleur et de la de 1810 à 1815, il se joint à Pierre Vézina en 1816, avocat
Farine » (1818), un des cinq syndics nommés par le gou- de Trois-Rivières, afin de poursuivre son apprentissage. Admis
verneur pour diriger les travaux de réparation de l’église de au barreau en juillet 1821, il s’installe à Trois-Rivières comme
Trois-Rivières (1818) et, enfin, commissaire responsable de la avocat. En mai 1825, il épouse Hermine Rieutord, fille du
construction des églises et des presbytères (1819, 1820). Le médecin François Rieutord et de Françoise-Ursule Leprouste.
18 février 1823, Badeaux est nommé notaire royal, titre en La même année, il devient propriétaire d’une partie de la
grande partie honorifique qui lui accorde néanmoins le seigneurie de Grosbois-Est. Défait en 1826 contre Charles
privilège exclusif de recevoir les contrats où la Couronne a Richard Ogden, il est élu député de Trois-Rivières l’année
des intérêts. Entre-temps, il est élu député de Trois-Rivières suivante jusqu’au 31 octobre 1832, alors qu’il démissionne.
en 1808, puis de Buckingham en 1816 et enfin de Yamaska Par la suite il est maire de Trois-Rivières (1845-1854) et
en 1830 où il ne se représente pas en 1834. député de Yamaska (1851-1854) (DBC, 1983 VIII : 115 ).
des seig neur ies jalouses de leur quiétude 319
Antoine Polette et Pierre Desfosses sont des le bail de grandes étendues de terres du ci-
proches de Dumoulin et l’accompagnent devant ordre des jésuites (BÉDARD, 1869 :
notamment lors de la controversée assemblée 342 ; CAN 19-05-1834).
de Yamaska le 6 août (RAPC, 1923 : 313-14 ; Un vaste comité de comté de 179 personnes,
POP 11-12-1837 ; AUDET, 1934 ; 43 ; MGZ 29- représentant pas moins de 18 paroisses, est
01-1835 ; CAN 8-05-1834 ; MIN 28-05-1834 ; alors formé, y inclus des représentants du
RUMILLY, 1977 : I, 279 ; BIBAUD : 454-6). comté voisin de Champlain. La Minerve du 5
mai mentionne d’ailleurs qu’une assemblée
La mobilisation patriote « destinée aux habitants du comté de Cham-
Du côté patriote, l’activité politique n’est plain qui n’avaient pu se rendre à l’assemblée
intense qu’au printemps de 1834 et à l’été de de Trois-Rivières » a lieu pour eux au village de
1837. Des assemblées ont notamment lieu à Champlain la semaine suivante (MIN 28-04-
Trois-Rivières (Palais de justice, puis chez 1834, 14-04-1834 ; CAN 21-04-1834, 14-05-
R.J. Kimber), à Yamachiche (salle du pres- 1834). Le 4 mai 1834 se tient, à Sainte-Anne-
bytère, hôtel de Joseph Cartier) et à Saint- de-Yamachiche, une nouvelle assemblée d’ap-
Joseph-de-Maskinongé (salle paroissiale). pui aux 92 Résolutions, puis une autre à
C’est d’abord à l’occasion d’une assemblée Rivière-du-Loup le 13 mai sous la présidence
loyale convoquée à Trois-Rivières le 8 avril de François Caron, ancien député de Saint-
1834 que se réunissent des réformistes de Maurice (CAN 14-05-1834). On note ensuite
Trois-Rivières. Après avoir pris le contrôle de une pause marquée dans la mobilisation
l’assemblée, les 300 personnes présentes patriote, pendant que se tiennent, en septembre
conviennent de l’opportunité d’organiser une 1835, une série de réunions du Comité de cor-
véritable assemblée d’appui aux 92 Résolu- respondance de Montréal chez le député René-
tions. Les réformistes de Saint-Joseph-de- Joseph Kimber.
Maskinongé se réunissent aussi dans ce but le La grande assemblée anticoercitive de
dimanche 14 avril (CAN 11-04-1834). Cette Yamachiche du mercredi 26 juillet 1837 a
grande assemblée aura lieu à Trois-Rivières le lieu au lendemain de celle des loyaux à Trois-
19 avril 1834. L’administrateur des forges du Rivières. Alors que les Bell, Badeaux et
Saint-Maurice, Mathew Bell, était nommé- Dumoulin avaient accusé la Chambre d’as-
ment dénoncé dans les 92 Résolutions. On fait semblée d’être la cause de tous les maux en
donc lecture de la 34e résolution à la joie refusant de voter les subsides, l’assemblée de
générale. Yamachiche accuse à son tour la Couronne
Matthew Bell, concessionnaire indûment et d’aller à l’encontre de la constitution et salue
illégalement favorisé par l’exécutif dans le bail le travail des députés. Préparée de longue date
des Forges Saint-Maurice, et dans l’acquisition par Kimber et Caron, l’assemblée avait été
de grandes étendues de terres vacantes, et par précédée d’une invitation publique signée par
400 notables et d’au moins deux réunions du
Antoine Polette (1807-1887) Né à Pointe-aux-Trembles, comité de comté, le 29 juin et le 19 juillet. Au
(Neuville) d’Antoine Paulet, cultivateur, et de Marie-Josephe moins 5 000 personnes s’y seraient rassem-
Bertrand. Il étudie à l’école de sa paroisse natale, puis au
Petit Séminaire de Québec. Il fait l’apprentissage du droit à blées. Plusieurs personnalités importantes du
Québec à compter de 1821 et est reçu avocat en 1828. comté sont présentes : le docteur Kimber, le
320 pat r iotes et loyaux
major B. Rivard, le capitaine P. Fortier, l’avocat députés patriotes, dont Papineau, Viger,
Édouard-Louis Pacaud et d’autres membres O’Callaghan, etc. Il semble qu’on ne retrouve
de professions libérales. Neuf résolutions sont ensuite Kimber qu’en 1837, répondant à
adoptées sous la présidence de François l’appel de son chef et s’affairant à réanimer la
Caron. L’assemblée est consacrée surtout à mobilisation patriote. Il organise ainsi la
dénoncer les résolutions Russell. La huitième grande assemblée de Yamachiche du 26 juillet.
résolution pourvoit en particulier à la création Au même titre que la plupart des notables de
d’un comité permanent pour Saint-Maurice sa région, Kimber s’oppose cependant à
de 55 membres « pour se tenir au courant des l’usage des armes. Au plus chaud des troubles,
questions politiques et aussi pour faire part on retrouve même le nom de Kimber à une
aux autres comtés des recommandations assemblée loyale le 28 novembre 1837.
votées ici » (MIN 24-07-1837, 31-07-1837 ; Cependant, il s’agit probablement de son père
BERNARD, 1988 : 156). (L.C. : 1-11 ; MG24 B129 : 126 ; VIN 21-07-
Bien qu’ils soient tous élus sous la bannière 1837 ; MIN 31-07-1837 ; MGZ 29-01-1835).
patriote, un seul des quatre députés de la Avocat et écuyer et codéputé du bourg de
région, René-Joseph Kimber, appartient Trois-Rivières depuis 1834, Edward Barnard
véritablement à l’appareil du parti et a ses est aussi l’un des rares notables trifuviens à
entrées dans l’entourage de Papineau. D’abord prendre fait et cause pour les patriotes.
élu pour le bourg de Trois-Rivières le 5 Signataire de la seconde pétition d’appui aux
décembre 1832, Kimber est réélu en 1834. On 92 Résolutions en décembre 1834, il assiste à
retrouve son nom d’abord sur la grande trois des réunions du caucus patriote tenues
pétition de décembre 1834, mais surtout à chez Kimber en septembre 1835. Il prend
titre d’organisateur en 1835 d’une série de ensuite la parole à la grande assemblée de
rencontres politiques tenues chez lui par le Yamachiche. Barnard ne prend aucune part
Comité central et permanent de Montréal et dans le soulèvement armé. On l’emprisonne
réunissant une bonne part du caucus des tout de même le 9 novembre 1838, pour le
libérer en décembre de la même année. Il
conteste alors son arrestation qu’il juge sans
René-Joseph Kimber (1786 -1843) Né à Québec, de René fondement (ANQ P224 : 1155 ; BORTH-
Kimber et de Marie-Josette Robitaille. Sa famille s’établit à
Trois-Rivières vers 1798. Kimber étudie à Montréal, au WICK, 1898 : 75 ; MG24 B129 : 126-160 ; L.C. :
collège Saint-Raphaël, de 1801 à 1806. Il entreprend ensuite 1-11 ; MIN 31-07-1837).
l’étude de la médecine à Trois-Rivières, qu’il poursuit en
Europe d’août 1806 à octobre 1808. Admis à la pratique de
sa profession le 22 juillet 1811, il s’installe à Trois-Rivières où
il est notamment médecin pour le couvent des Ursulines. Il Edward Barnard (1806-1885) Probablement né à Québec
épouse, le 29 octobre 1811, Apolline Berthelet, fille de Pierre de William James Barnard et d’Élisabeth Barber. Son père
Berthelet et de Marguerite Viger. Durant la guerre de 1812, est d’origine américaine et sa mère est Londonienne. En
il sert d’abord comme officier de milice à la division de Trois- 1828, il épouse Mathilde Blondin, fille de Jean-Baptiste
Rivières, puis comme chirurgien à partir de janvier 1813 et Blondin. Il étudie alors le droit à Trois-Rivières et à Montréal
enfin comme capitaine en février 1814. L’année suivante, il et accède au barreau le 3 juillet 1928. Il s’établit à Trois-
devient juge de paix dans le district de Trois-Rivières. Il Rivières dont il est député en 1834. En 1844, il est nommé
obtient ensuite diverses commissions, notamment pour greffier de la Couronne et protonotaire du district de Trois-
l’entretien des hôpitaux et à la Société d’éducation de Trois- Rivières. Il accède ensuite au poste de greffier de la Cour du
Rivières. Adversaire de l’Union de 1840, il est élu dans circuit, puis à la Cour supérieure (AUDET, 1934 : 60-62,
Champlain en 1841, aux côtés du groupe de Viger. FAUTEUX, 1950 : 97 ; DESCHÊNES, 1983 : 19).
des seig neur ies jalouses de leur quiétude 321
Pierre Bureau devient député de Saint- l’instar de son prédécesseur Pierre Bureau.
Maurice le 18 février 1819 au milieu de la Son nom apparaît à certaines activités patrio-
controverse. Aux élections de mars 1820, la tes en 1834, notamment à titre de proposeur à
population le réélit, tout comme en 1820, l’assemblée de Yamachiche le 4 mai 1834
1824, 1827, 1830 et 1834, jusqu’à son décès le (CAN 14-05-1834). On ne retrouve ensuite sa
6 juin 1836. Bureau appuie le « Parti cana- trace qu’en 1837 parmi les 400 signataires de
dien » et vote en faveur de Papineau à la prési- l’invitation à l’assemblée de Yamachiche où il
dence de l’assemblée en 1825. En 1831, il se est d’ailleurs absent. Il fait cependant parvenir
rallie à deux résolutions hostiles au Conseil une lettre au Comité de comté afin de s’excu-
législatif et vote en faveur des 92 Résolutions. ser de son absence et ordonner une propo-
Malgré sa participation à certains comités sition par laquelle il dénonce la troisième des
parlementaires, on ne le retrouve apparem- résolutions de Russell (VIN 21-07-1837 ; MIN
ment pas aux activités patriotes, mis à part sa 31-07-1837).
signature au bas de la pétition de décembre Malgré sa députation uniformément
1834 avec des milliers d’autres électeurs (L.C. : patriote, l’appui des élites francophones de
1-11). Il est davantage question d’un J.-P. Trois-Rivières à la cause patriote est donc pour
Bureau qu’on retrouve à plusieurs activités le moins fragile. Il en va cependant autrement
patriotes. Selon Audet, Pierre Bureau a un fils dans le comté rural de Saint-Maurice où l’on
du nom de Joseph-Pierre Bureau (AUDET, trouve certains appuis plus consistants. Fait
1934 : 49 ; MIN 28-04-1834 ; VIN 21-07- plutôt rare : l’engagement du seigneur de Mas-
1837). kinongé et de Carufel, François Boucher, qui
Co-député avec Pierre Bureau, Valère offre sa caution aux 92 Résolutions en orga-
Guillet choisit de démissionner après le décès nisant et en présidant l’assemblée du 14 avril
de Bureau. L’élection partielle du 12 août 1836 1834 (CAN 21-04-1834). Capitaine de milice
porte Alexis-Bareille Lajoie et Lessieur et ex-député déjà âgé de 70 ans, François Caron
Desaulniers. Alors que Lajoie est absent de la est l’un des grands notables de Yamachiche à
mobilisation politique, François Lessieur qui l’on confie la fonction honorifique de pré-
Desaulniers joue un rôle actif mais discret, à sident à Rivière-du-Loup en mai 1834 et à
Yamachiche en juillet 1837 (CAN 19-05-1834 ;
Pierre Bureau (1771-1836) Né à L’Ancienne-Lorette, de
Jean-Baptiste Bureau et d’Angélique Allain. En 1791, il
MIN 31-07-1837).
épouse Geneviève Gilbert, fille de Jean-Baptiste Gilbert. Il
s’établit en tant que marchand d’abord à Québec, puis à
Saint-Anne-de-la-Pérade, où il tient un relais de poste et François Boucher fils (1778-1861) Dès l’âge de 10 ans, il
agit à titre de passeur sur la rivière Saint-Anne. Vers 1811, navigue avec son père, capitaine de navire en Nouvelle-
il s’installe comme marchand à Trois-Rivières, tout en menant Écosse. Après avoir reçu une éducation commerciale, il est
des affaires à Québec et en remplissant occasionnellement enseigne à 16 ans dans le 1 er bataillon de la Compagnie de
les fonctions de procureur. Bleury, milicien en 1812 et lieutenant-colonel en 1822. Le
11 février 1802, il épouse, à Berthier, Julie Olivier (1781-
1857), fille d’un riche marchand de l’endroit. Avec l’aide de
François Lessieur Desaulniers (1785-1870) Né à ce dernier, il ouvre un magasin général près de l’église de
Yamachiche, de Charles Desaulniers et de Marie Maskinongé où peu à peu la paroisse tout entière ira
Carbonneau. Il épouse en 1805 Charlotte Rivard. Cultivateur s’approvisionner. Ses affaires lui permettent d’acquérir de
à Yamachiche, capitaine de milice en 1837, il accède au larges étendues de terres, en particulier les seigneuries de
grade de lieutenant-colonel de milice. Il est de nouveau Carufel et de Maskinongé (L’Opinion publique, 5 mars
député de Saint-Maurice en 1844. 1874).
322 pat r iotes et loyaux
Autrement, les membres du comité per- Le futur maire de Montréal assiste aussi à
manent de Saint-Maurice sont pour la plupart quelques assemblées à Montréal alors qu’il fait
de petits professionnels, associés à l’économie son apprentissage du droit. À Trois-Rivières,
rurale et issus surtout de Yamachiche, Rivière- les principaux membres du comité permanent
du-Loup et, dans une moindre mesure, de sont James Dickson, écuyer, aussi membre du
Trois-Rivières. À Yamachiche on retrouve le comité de rédaction, Édouard Vézina, écuyer
notaire Ambroise B. Deblois, secrétaire à et avocat, et Jean E. Dumoulin, écuyer, lieute-
l’assemblée du 4 mai 1834, Charles Dupont, nant de milice et juge de paix. Si le comté
écuyer, juge de paix et époux de Clotilde voisin de Champlain est virtuellement inactif
Geffrard, Antoine-G. Saint-Louis, major de durant la période, ses habitants sont cepen-
milice et vice-président à l’assemblée de dant invités à se joindre aux assemblées dans
Yamachiche, et Charles Lesieur Desaulniers, Saint-Maurice. À Batiscan, Louis Guillet est
cultivateur, fils de Rosalie Caron, capitaine un de ces notables qu’on ne retrouve qu’au
(1834), puis enseigne de milice (1837) et des- début des activités patriotes ; il assiste à trois
cendant de Charles Lesieur, l’un des fonda- réunions du caucus patriote tenues à Trois-
teurs de Yamachiche. À Rivière-du-Loup, on Rivières le 10 août, puis le 8 et le 9 septembre
retrouve Pierre Fortier, impliqué dès 1834 et 1835. Marchand et député de Champlain
actif jusqu’aux rébellions, et Joseph Bourret, depuis 1830, Pierre-Antoine Dorion est pour
secrétaire de l’assemblée du 13 mai 1834 et sa part un ardent défenseur des idées de
présent à la grande assemblée de Yamachiche. Louis-Joseph Papineau. Élu inspecteur
d’écoles en août 1829, il s’oppose vigoureuse-
ment au curé local qui souhaite implanter une
François Caron (1766-1848) Né à Saint-Roch-des-Aulnaies,
de Michel Caron et Marie-Josephte Parent. En 1783, il école de fabrique. C’est chez Dorion que
s’établit avec sa famille à Yamachiche. Il y épouse Catherine Papineau tient en 1836 quelques réunions de
Lamy, fille de François Lamy, le 21 novembre 1791 et s’établit
comme cultivateur. De 1810 à 1814, il est député de Saint-
députés et sympathisants. C’est également lui
Maurice avec son frère Michel. Il sert pendant la guerre de
1812 comme lieutenant dans la milice de Rivière-du-Loup.
Capitaine en septembre 1822, il prend sa retraite en 1845 Louis Guillet (1788-1868) Né à Batiscan, de Jean-François
avec le grade de major (P.-G. R., 1943 : 119 ; AUDET,1934 : Guillet et de Marguerite Langlois. Après des études en
9 ; DESCHÊNES, 1983 : 66). notariat à Pointe-aux-Trembles (Neuville), il obtient une
commission de notaire en février 1809 et pratique ensuite
sa profession à Sainte-Geneviève-de-Batiscan. Il épouse, au
Joseph Bourret (1802-1859) Né à Rivière-du-Loup même endroit, Louise Leclerc vers 1818. Il obtient ensuite
(Louiseville), de Joseph Bourret et d’Angélique Lemaire- diverses commissions, dont juge de paix le 5 août 1830. En
Bellenoix. Après ses études au Séminaire de Nicolet, il 1838, il est commissaire aux petites causes pour la seigneurie
entreprend l’apprentissage du droit à Montréal en 1820. Le de Batiscan. Il est ensuite député de Champlain entre 1844
8 janvier 1834, il épouse Émilie Pelletier, fille du marchand et 1848 sous la bannière réformiste.
Toussain Pelletier, puis Marie-Stéphanie Bédard en octobre
1839. Reçu avocat en 1848, il pratique à Montréal où il
devient le premier recorder en 1852, président de la Banque Pierre-Antoine Dorion (-1850) Fils de Noël Dorion et de
d’épargne de Montréal et président de la Société Saint-Jean- Barbe Trudelle. En 1814, il épouse Geneviève Bureau, fille
Baptiste dont il est l’un des fondateurs (BIBAUD, 1857 : 58). de Pierre Bureau. Actif et entreprenant, il met sur pied à
Maire de Montréal à plus d’une reprise entre 1842 et 1849, Sainte-Anne-de-la-Pérade un commerce de bois florissant
il accède au Conseil législatif le 21 novembre 1848. Il est qui lui assure une confortable aisance. Juge de paix et syndic
ensuite président du Conseil exécutif au sein du ministère La d’école pour Sainte-Anne-de-la-Pérade, il est député de
Fontaine-Baldwin du 17 avril 1850 au 27 octobre1851, puis Champlain à compter de 1830. Il est le père de Jean-
commissaire des Travaux publics. Baptiste-Éric Dorion (1826-1866).
des seig neur ies jalouses de leur quiétude 323
qui préside à Saint-Ours le banquet annuel de et au moins 18 d’entre eux sont arrêtés en
la Saint-Jean-Baptiste de 1837 (MG24 B129 : 1837 et 1838.
126, 130-158, 158-160 ; MGZ 15-04-1834, 29- Concédé et mis en valeur dès la fin du xviie
01-1835 ; MIN 28-04-1834, 11-05-1837, 31- siècle, le territoire de Yamaska est en général
07-1837 ; CAN 14-05-1834, 11-04-1834, 19- propice à l’agriculture, bien que les rives du
05-1834 ; VIN 27-06-1837, 21-07-1837). lac Saint-Pierre forment de vastes marécages
Le comté de Saint-Maurice ne connaît pas inondables sur plusieurs kilomètres. L’impor-
de perturbations marquantes durant les trou- tance du comté vient surtout qu’il correspond
bles, si bien qu’on n’y procède qu’à quelques à l’embouchure de deux rivières cruciales à la
arrestations (BERNARD, 1983 : 311). Con- colonisation du sud-est de la province : la
trairement à ses frères Philippe-Napoléon, Saint-François, qui remonte jusqu’aux confins
Charles-Adrien et Joseph-Narcisse, Édouard- du comté de Sherbrooke, et la Yamaska, navi-
Louis Pacaud ne participe pas activement au gable sur une partie de son cours et qui tra-
conflit. On le retrouve cependant à une verse tout le comté de Saint-Hyacinthe. Les
assemblée le 21 juillet chez Joseph Cartier à habitants de Yamaska seront d’ailleurs de
Yamachiche où il est nommé au comité grands colonisateurs et on retrouve leurs des-
permanent de Trois-Rivières (MIN 31-07- cendants jusque dans les townships de Stoke et
1837). En janvier 1838, il obtient aussi la Weedon. La population de 12 000 habitants
libération d’André-Augustin Papineau et un en 1831 subit en attendant les affres de la crise
bref d’habeas corpus pour Célestin Houde, agricole, notamment les dommages causés par
cultivateur de Rivière-du-Loup. la mouche à blé (KESTEMAN, 1998 : 251
CARTE 9).
Yamaska
Parmi les comtés ruraux à l’est du district de
Montréal, seul Yamaska mérite une attention
particulière du fait de la relative vigueur de sa
vie politique. Que ce soit à cause de la proxi-
mité du bouillant comté de Richelieu ou sous
l’impulsion de quelques fortes personnalités
comme Jean-Olivier Arcand, plusieurs Mas-
koutains prennent des positions audacieuses
cours à l’assemblée du 18 juin, l’essentiel de la 23 juillet et portent sur des sujets généraux.
mobilisation réformiste semble le fait des élites La réunion du 9 est ainsi consacrée surtout à
de Saint-François et de Saint-Michel (1727). la promotion de l’éducation dans le comté et
Aucune assemblée patriote n’a lieu dans celle du 16 à former un comité de rédaction
Yamaska au printemps de 1834. On se réunit d’une adresse demandant la réforme de la
cependant le 11 juillet 1835 pour répondre à tenure seigneuriale. Cette pétition doit ensuite
l’appel de l’exécutif de Montréal et jeter les être signée par l’assistance lors d’un rassem-
bases d’une union patriotique (CLARK : 285). blement prévu le 6 août suivant. Cette
Le 3 juillet de l’année suivante, on se retrouve fameuse assemblée du 6 a fait couler beaucoup
devant l’église de Saint-François pour appuyer d’encre du fait qu’elle est essentiellement
les députés patriotes et créer un comité de consacrée à la tenure seigneuriale. Même si
comté de douze membres, dont Jean-Olivier cet enjeu est sous-jacent lors des rébellions de
Arcand, Joachim Charpentier et Pierre-Joseph 1837-1838, il serait injuste d’inclure ce ras-
Chevrefils (VIN 08-07-1836). semblement dans la lignée des assemblées
La grande assemblée du 18 juin 1837 anticoercitives tenues dans le sillage de l’an-
regroupe de 700 à 800 partisans rassemblées nonce des résolutions Russell et de la procla-
devant l’église de Saint-François. Pressé par mation Gosford du 15 juin, tant les questions
Papineau, c’est le député Edmund B. O’Calla- débattues font abstraction de toute autre con-
ghan qui en assure la tenue (FAUTEUX, 1950 : sidération. Qu’à cela ne tienne, l’opposition
160). Les résolutions adoptées sont par consé- traditionnelle entre patriotes et loyaux s’y
quent très convenues ; un véritable résumé des manifeste promptement, au point de dégé-
principaux griefs patriotes depuis 1835 où nérer en affrontement. Les résolutions votées
l’on insiste cependant sur la nécessité critiquent en particulier les pratiques des
d’étendre le boycott des produits anglais. À seigneurs, les douaries et les hypothèques
cette fin, on crée un comité de vigilance formé générales et visent clairement à gagner l’appui
de Joseph Brousseau et Joachim Charpentier, des censitaires exploités. Ne s’y trompant pas,
pour Baie-du-Febvre, Jean-Olivier Arcand et les membres de la famille Tonnacour rompent
Pierre-Joseph Chevrefils, pour Saint-Michel, alors avec le mouvement patriote et ils ne sont
et de Joseph Courchène, François Despins, pas les seuls ! Au milieu du tumulte, Adolphe
William Pitt et Ignace Gill, pour Saint- Lozeau écuyer et capitaine de milice de Baie-
François. Du nombre, Arcand, Despins et du-Febvre, un proche du seigneur de
Lozeau siègent aussi au comité permanent de Tonnancour, déclare renoncer à sa fonction de
Yamaska ou Comité de paroisse de Saint-Michel délégué patriote. Bien qu’il soit immédiate-
qui a en particulier pour tâche de « faire la ment remplacé par le notaire Pierre Blondin,
promotion du commerce libre avec les États- de Baie-du-Febvre, il s’agit bien d’une crise
Unis » et dont les membres sont nommés qui secoue le mouvement patriote dans
d’office pour représenter le comté à la Con- Yamaska, alors que 40 partisans d’Arcand
vention générale du parti qui doit avoir lieu à affrontent 56 dissidents (BIBAUD : 454-6 ;
l’automne (VIN 20-06-1837). MIN 14-08-1837 ; VIN 08-07-1836). Le
Des réunions du Comité de paroisse de comité de Saint-Michel se réunit encore le
Saint-Michel se tiennent donc les 9, 16 et le 15 et le 22 octobre. Arcand y aurait alors
326 pat r iotes et loyaux
prononcé des discours très durs qui devaient aux rebelles de Saint-Denis et de Saint-
paver la voie à son arrestation (MIN 14-08- Charles. Arcand est par conséquent arrêté à
1837, 06-11-37). Le 21 novembre Arcand con- Sorel le 28 mars 1838 et emprisonné à Mont-
voque une assemblée afin de voir les moyens réal. En juin, il rédige un mémoire où il
de voler au secours des insurgés de Richelieu. allègue n’avoir cherché qu’à défendre les lois
Le 26 cependant, à l’annonce de la défaite de et les statuts de la province :
Saint-Charles, les Maskoutains décident de ne Que sitôt que l’agitation de la province a pris
pas se compromettre davantage (ANQ P224 : le caractère de l’insurrection, nous avons cessé
2857). d’en faire partie, et que dans un temps ou le
Vétéran de la guerre de 1812 et ancien Gouvernement de la Province paraissait aban-
député de la région au début des années 1820, donné d’un grand nombre de Canadiens, nous
Jean-Olivier Arcand est un personnage en vue avons fait tous nos efforts pour retenir dans
à Saint-Michel. Il ne cache cependant pas ses l’ordre et le devoir les habitants de notre
convictions politiques, si bien qu’en 1828 on comté. Que nous ne sommes jamais sortis des
lui retire les terres concédées en 1814 à cause bornes d’une allégeance que nous avons
de ses prises de position contre le gouverneur renouvelée solennellement en janvier dernier.
(ANQ P224 : 2857, 2858)
Dalhousie. Bien qu’il ne participe à aucune
manifestation d’appui aux 92 Résolutions, on Arcand est finalement libéré sous caution
retrouve Arcand à titre de secrétaire à le 7 juillet 1838 et se voit bientôt réintégré
l’assemblée de juillet 1836, puis au comité de dans les terres qu’on lui avait retirées dix ans
comté. Il organise dès lors les rassemblements plus tôt (FAUTEUX, 1950 : 88).
du 18 juin, du 9 juillet et du 6 août 1837. À Autour d’Arcand gravitent plusieurs méde-
chaque occasion, en guise de préambule, cins et notaires, engagés du côté patriote. Du
Arcand explique le but poursuivi et les nombre, les frères Charles et Joachim Char-
moyens à entreprendre pour les atteindre. Une pentier sont les plus actifs. Joachim est
telle visibilité vaut bientôt des ennuis à Arcand membre du Comité permanent de Yamaska et
qui a su se faire des ennemis puissants dans préside au moins deux assemblées : le 18 juin
son propre fief de Saint-Michel. Entre décem- et le 6 août 1837. Il est arrêté au début de
bre 1837 et mars 1838, pas moins de 30 dépo- janvier 1838 et libéré peu après. À l’automne
sitions sont recueillies contre lui. On l’accuse de 1838, plusieurs dénonciations préparent
principalement d’avoir encouragé la popula- une nouvelle arrestation ; il décide alors de se
tion à prendre les armes et à porter secours réfugier aux États-Unis (MIN 14-08-1837 ;
VIN 20-06-1837 ; FAUTEUX, 1950 : 167).
Jean-Olivier Arcand (1793-1875) Né à Deschambault, de Capitaine de milice de Saint-François,
Joseph Arcand, dit Boulard et de Marie-Louise Deslisle. Il
étudie au Séminaire de Nicolet de 1808 à 1811, puis François Despins est membre du comité de
participe comme milicien à la guerre de 1812 et reçoit en vigilance, proche de Charpentier et de Arcand.
récompense une terre du gouvernement. Il épouse en 1824
Marguerite Pelissier. Le 17 mars 1821 il obtient une charge
En effet, à la plupart des assemblées de Saint-
d’arpenteur et s’établit à Yamaska où il exerce sa profession.
Député de Hampshire de 1822 à 1824, il se range du côté Joachim Charpentier Né à Baie-du-Febvre en 1787. Frère
de Papineau et Neilson. Entre 1831 et 1837, il occupe plu- du patriote Charles, charpentier, arrêté le 28 novembre
sieurs charges publiques dont celle du recensement du 1838. Il est cultivateur, capitaine de milice et écuyer à Baie-
comté de Yamaska en 1832 (FAUTEUX, 1950 : 88). du-Febvre.
des seig neur ies jalouses de leur quiétude 327
François, Charpentier préside, Arcand est sur une vaste région ne retrouve-t-on de véri-
secrétaire et Despins est vice-président (VIN table rivalité à l’échelle locale telle qu’elle
20-06-1837). Le docteur Léon Rousseau est apparaît dans les comtés mieux mobilisés, où
vice-président d’une assemblée d’appui aux 92 les assemblées des uns visent souvent à
Résolutions à Trois-Rivières le 19 avril 1834. répliquer à celles des autres. Cette constatation
Il préside ensuite coup sur coup trois réunions confirme en particulier l’impression que les
du comité de la paroisse de Saint-Michel. Il dynamiques antagonistes se nourrissent
est notamment chargé de rédiger l’adresse des mutuellement à l’échelle locale. A contrario,
habitants de Yamaska en juillet 1837. Deux quand le mouvement patriote est famélique,
Rousseau de Baie-du-Febvre, Joseph et Pierre- aucune réaction loyale ne semble pressée
Joseph-Oscar, sont pour leur part arrêtés en d’émerger.
1838 (MIN 28-04-1834, 06-11-1837). Joseph Or, nulle part cela ne se vérifie mieux que
Courchène est un cultivateur de Saint- dans les comtés francophones jalonnant le
François né en 1797, représentant de Saint- fleuve, du lac Saint-Pierre à l’estuaire du
François au comité de vigilance. Un autre Saint-Laurent. Il est ici question, sur la rive
Courchène de Saint-François, Jean-Baptiste, sud, des comtés ruraux de Nicolet, Lotbinière,
un cultivateur de 40 ans, est arrêté pour haute Dorchester, Bellechasse, L’Islet et de Kamou-
trahison (VIN 20-06-1837). Enfin, notaire et raska. Sur la rive nord de ceux de Lachenaie,
juge de paix à Saint-Michel, Pierre-Joseph L’Assomption, Berthier, Champlain, Portneuf,
Chevrefils siège au comité de comté (3-06- Québec rural, Orléans, Montmorency et de
1836), au comité de vigilance (18 juin 1837) Saguenay. Dans tous les cas, on a affaire à une
et préside une des réunions du comité de population massivement francophone, con-
Saint-Michel. Il est emprisonné après les centrée le long d’une mince plaine littorale,
troubles mais rapidement libéré grâce aux de plus en plus encaissée à mesure qu’on des-
démarches menées par le curé Joseph Beaupré, cend le fleuve. Les limites de l’expansion
de Saint-Michel (VIN 20-06-1837 ; MESSIER, agricole y sont donc atteintes dès le début du
2002 : 111). siècle, si bien que la population y plafonne et
que l’agriculture y est plutôt laborieuse. Les
Les comtés riverains du Saint-Laurent paysans installés le long de la rive s’en tirent
Plus on s’éloigne de Montréal vers l’est, plus plutôt bien alors qu’à l’intérieur des terres, ils
la mobilisation politique, d’un côté comme de sont pauvres et démunis. La rareté des terres y
l’autre, va en s’atténuant. Nulle part en effet entraîne aussi l’essor d’un prolétariat rural
formé de journaliers. En 1831, ces derniers
Léon Rousseau (1798-1869) Né à Saint-Pierre-les-Becquets, représentent déjà 11 % de la population de
de Joseph Rousseau, négociant, et de Josephte Trudel. Il
étudie la médecine aux États-Unis où il est admis dans la Bellechasse. Cette zone est aussi assez tôt
société médicale de Dartmouth, Massachusetts, le 21 oc- touchée par les effets de la crise agricole :
tobre 1819. Il obtient l’autorisation de pratiquer la méde-
cine au Bas-Canada le 5 octobre 1822. Il s’établit alors à
baisse des rendements, appauvrissement du
Saint-Michel. Propriétaire de fermes, Rousseau s’occupe sol et conversion à l’agriculture de subsistance
aussi d’agriculture. Il est également juge de paix et commis- (COTÉ, 1993 : 153-160).
saire au tribunal des petites causes. Élu député de Yamaska
en 1844, on l’associe au groupe de Viger. Il ne se représente
pas en 1848.
328 pat r iotes et loyaux
des seig neur ies jalouses de leur quiétude 329
et on propose que les habitants des townships in Quebec, est aussi formée pour Lotbinière le
de la province soient représentés séparément 24 février 1835. On s’y montre particulière-
à la législature afin d’éviter d’être noyés au ment préoccupé par le problème de la juste
milieu du vote des censitaires. Une telle représentation des citoyens d’origine britan-
initiative vise clairement à concentrer le vote nique. Un comité exécutif de cinq personnes
des anglophones. On décide enfin l’envoi est même formé pour se réunir le premier
d’une adresse au roi traduisant ces préoccu- samedi de chaque mois jusqu’à ce que ce
pations (MGZ 06-05-1834 ; VIN 6-05-1834). problème soit résolu (QG 23-04-1835).
Dans Berthier, une modeste assemblée hostile Il faut attendre 1837 pour assister à de
aux 92 Résolutions à Kildare le 28 avril se nouvelles manifestations loyales sur les rives
déclare contre tout changement au Conseil du Saint-Laurent. La plus importante a jus-
législatif tout en saluant le départ du gouver- tement lieu à Rawdon le 29 juin, alors qu’une
neur Aylmer : « They felt satisfied that the assemblée réunissant 360 personnes — dont
governor-in-chief had discharged his duty » une majorité d’origine irlandaise — déclare
(MGZ 6-05-1834). Les partisans patriotes de qu’elle « préviendra de tout son pouvoir à ce
Berthier répliquent trois semaines plus tard que toute assemblée séditieuse ait lieu dans le
avec leur propre assemblée. Le 27 février 1835, township ». Se sentant menacée par des
les loyaux de Kildare s’organisent en une patriotes, l’assemblée décide aussi l’envoi
association constitutionnelle affiliée à la QCA d’une adresse au gouverneur pour qu’on lui
en ne s’adressant qu’aux habitants d’origine fournisse des munitions, qu’on l’autorise à
anglaise, irlandaise, écossaise ou américaine former des corps de volontaires, que les capi-
(MGZ 17-03-1835). taines de milice fassent signer l’adresse par les
Entre-temps une autre association consti- habitants dans les limites de leurs compagnies
tutionnelle est mise sur pied à Stoneham, au respectives. Si des armes sont bien acheminées
nord de Québec, le 28 janvier 1835. Véritable à la milice locale, le commandement militaire
créature de la QCA, la Branch Constitutional ne jugera cependant pas nécessaire de former
Association of the Township of Stoneham, des corps francs dans L’Assomption (BER-
Tewkesbury and the adjoining settlements se NARD, 1988 : 122-125 ; QM 15-8-1837).
dote d’un comité de six membres pour rédiger Entre le 6 décembre 1837 et le 27 février
le texte d’une pétition destinée à l’Angleterre. 1838, se tiennent pas moins de treize assem-
Le comité est censé se réunir le 3 février et blées loyales dans les comtés ruraux en aval de
remettre un bilan de son travail lors d’une Montréal. Dans la plupart des cas, nous
assemblée le 17 mars 1835. Une telle pétition n’avons toutefois que peu d’informations. Ce
ne sera proposée par la QCA que le 5 février sont en tout cas des francophones, dont plu-
suivant (MGZ 21-02-1835). Une association sieurs sont jusque-là associés à des activités
constitutionnelle et un comité de correspon- patriotes, qui se réunissent le 28 novembre à
dance de huit personnes (tous de patronyme Berthier et, le 5 décembre 1837, au village
anglais) sont créés au lac Beauport le 2 février d’Industrie, afin de manifester leur appui au
1835. Une autre association, la St. Sylvester gouvernement et spontanément prêter le ser-
Branch Constitutional Association, auxiliary ment d’allégeance devant quatre juges de paix,
to the Constitutional Association established dont Barthélemy Joliette (MGZ 30-11-1837 ;
des seig neur ies jalouses de leur quiétude 331
POP 11-12-1837). Le lendemain, des notables lièrement bien ancrée dans ces comtés. Elles
francophones de Lavaltrie se présentent chez expriment en fait la crainte des magistrats et
Barthélemy Joliette à l’Industrie (Saint-Paul) des habitants de se voir suspectés de sympa-
pour à leur tour prêter le serment d’allé- thies patriotes. Il est symptomatique que le
geance. Le vendredi 15 décembre, c’est au tour rythme de ces démonstrations loyales s’ac-
des habitants de Saint-Henri, dans Dorchester, célère à compter du 6 décembre, jour où est
d’exprimer leur loyauté. Le dimanche suivant, proclamée la loi martiale qui dote l’armée de
pas moins de trois assemblées loyales sont pouvoirs étendus et les juges de paix, du droit
tenues, puis trois de nouveau dès le lende- de procéder à des arrestations et d’administrer
main. Le dimanche, on se réunit à Maski- le serment d’allégeance.
nongé, où un haut gradé de la milice, le Ni des quelques foyers loyaux des townships
lieutenant-colonel Boucher de Trois-Rivières, anglophones ni des paroisses catholiques fri-
administre le serment. Une autre assemblée se leuses ne ressortent de véritables leaders loyaux.
tient en même temps à Cap-Santé (Portneuf) Dans Berthier cependant, Joseph-Édouard
où plus de 200 citoyens signent une pétition Faribault et surtout Barthélemy Joliette ont pu
attestant de leur fidélité au gouvernement. faire preuve d’une loyauté plus intense, au
Enfin, à Champlain, on prête serment sous la point de compromettre la mobilisation patriote
supervision de MM. L.-E. Dubord et de N.-J. dans leur région.
Martineau (GQ 22 déc. 1837). Le lendemain, Joseph-Édouard Faribault est d’abord un
lundi 18, une assemblée loyale se tient à éminent Trifluvien qui possède apparemment
Bécancour (Nicolet), une autre à Cap-Santé une fortune colossale. Déjà bien vu par le
(Saint-Augustin, Portneuf ) et une autre gouvernement, Faribault se garde de trop
encore, juste à côté, à Sainte-Geneviève-de- bruyamment s’afficher aux côtés des loyaux.
Batiscan (Portneuf), autour des magistrats Il est d’ailleurs appelé au Conseil spécial en
David Trudel et François Filteau. On convient avril 1838. Cependant, il soutient clairement
qu’il « devient important que les amis de la les loyaux de Trois-Rivières et préside au
paix expriment au gouvernement de sa moins une assemblée à L’Assomption le 12 dé-
majesté le vif désir de voir cesser les troubles cembre 1837 (POP 18-12-1837). Son neveu,
que des hommes sanguinaires s’efforcent de Barthélemy Joliette, avec qui il sera d’ailleurs
dissimuler parmi nos citoyens ». Des assem- lié sa vie durant, est d’abord ce célèbre entre-
blées similaires se tiennent encore dans Belle- preneur « quasiment vénéré dans sa région ».
chasse le 26 décembre, dans Saguenay le 26 et Notaire, juge de paix et officier de milice,
à Gaspé le 27 février 1838 (VAUGEOIS, 1962 :
157 ; TR ARCHIVES PIERRE BOUCHER, Joseph-Édouard Faribault (1773-1859) Né à Berthier-en-
Haut, de Barthélemy Faribault, notaire, et de Catherine-
TROUBLES DE 37-1838, 04 ; MG4 B37, 3 ; Antoine Véronneau. En 1794, il épouse Marie-Anne-
COTÉ, 1993 : 170-171 ; QG 22-12-1837 ; POP Élisabeth Poudret, fille du négociant Antoine Poudret. Reçu
notaire dès 1791, il est aussi homme d’affaires, juge de paix
22-12-1837 ; QM 12-12-1837 ; MGZ 22-12- et officier de milice. Faribault est également un riche pro-
1837). priétaire qui gère notamment les propriétés de Paul-Roch de
Ces assemblées en cascades ne témoignent Saint-Ours. Il est brièvement député de Leinster en 1808.
En 1838, John Colborne le nomme au Conseil spécial, puis
ni de la profondeur des convictions de leur de nouveau du 19 janvier 1839 jusqu’en 1841. Il s’absenta
participants ni d’une tradition loyale particu- cependant lors du vote sur l’union des Canadas.
332 pat r iotes et loyaux
appui aux résolutions patriotes. On y forme de Lachenaie le 19 avril où l’on forme aussi
un comité de correspondance et un comité de un imposant comité de comté de 75 membres,
comté de 29 membres représentant les représentant les paroisses de Saint-Henri,
paroisses de Saint-Joachim, Château-Richer, Saint-Roch, Saint-Lin, Lachenaie et Saint-
Sainte-Anne, L’Ange-Gardien et Saint-Féréol Esprit (VIN 28-03-1834, 09-05-1834, 16-05-
(CAN 07-04-1834). Le dimanche 13 avril, c’est 1834 ; MIN 28-04-1834).
au tour du comté de L’Islet à exprimer son Entre mai 1834 et juin 1837 les comtés
appui aux 92 Résolutions et à signer la péti- ruraux en aval de Montréal entrent en dor-
tion pour le district de Québec (MIN 21-04- mance. On ne note aucun événement, à moins
1834, 28-04-1834). À Portneuf, 200 électeurs qu’il ne s’agisse d’un banquet de la Saint-Jean-
se retrouvent le dimanche suivant sous la Baptiste, comme dans L’Assomption, ou d’une
présidence d’Antoine Laroche pour les mêmes élection partielle, comme dans Nicolet ou
motifs. Les noms des 70 signataires de la péti- dans Saguenay en mai 1836 (VIN 17-05-1836 ;
tion paraissent dans Le Canadien du 23 avril. MIN 4-07-1836).
Le mercredi 25, le comté de Champlain tient Conscients de l’importance de mobiliser les
son assemblée qui réunit notamment ceux qui campagnes en aval de Montréal, Louis-Joseph
n’avait pu assister à celle de Trois-Rivières Papineau et Augustin-Norbert Morin entre-
(MIN 05-05-1834). Les électeurs de Lotbinière prennent en juin 1837 d’y tenir quelques
se retrouvent quant à eux à Sainte-Croix le 5 assemblées anticoercitives. On table en parti-
mai. Comme souvent ailleurs, on y crée un culier sur le fait qu’il s’agit ici d’une contrée
comité de correspondance, ici de 23 mem- peuplée essentiellement de Canadiens fran-
bres, chargé de faire circuler la pétition çais, ayant partout élu des députés favorables
pour le district de Québec et représentant aux 92 Résolutions. Cet effort se résumera
les paroisses de Saint-Antoine-de-Tilly, pourtant à une poignée d’assemblées dispa-
Lotbinière, Saint-Gilles, Saint-Sylvestre, Saint- rates. L’assemblée de Berthier du 18 juin est la
Jean-de-Deschaillons et Sainte-Croix (CAN première à être tenue. Papineau y assiste, pré-
14-05-1834 ; MIN 19-05-1834). Enfin, deux cédé d’un cortège de 105 voitures et d’un arc
assemblées se tiennent le dimanche 18 mai ; de triomphe marqué « Honneur à Papineau ! »
l’une à Kamouraska, l’autre à Saint-Michel- On y dénonce vigoureusement les résolutions
de-Bellechasse, chaque fois destinées à assurer Russell et on reprend les mots d’ordre alors
la circulation de la pétition du district de véhiculés dans les autres comtés : un conseil
Québec et à mettre sur pied un petit comité législatif élu et l’application intégrale des 92
de correspondance (CAN 23-05-1834, 30-05- Résolutions. On nomme aussi M. D. Arm-
1834 ; GQ 12-12-1834). strong, Jean-Baptiste Lafontaine, G. Mercure
Dans le district de Montréal, on retrouve et Hercule Olivier à titre de délégués en vue
quelques manifestations organisées aux de la Convention générale (VIN13-06-1837 ;
mêmes fins. Un premier rassemblement a lieu MIN 2306-1837).
à L’Assomption le 24 mars 1834, afin de C’est aux confins du district de Québec, à
dénoncer les abus engendrés par l’administra- Saint-Étienne-de-la-Malbaie, qu’on se réunit
tion britannique. On se retrouve ensuite à ensuite le dimanche 25 juin pour dénoncer les
Berthier le 12 mai, mais d’abord à Saint-Roch résolutions Russell et former un comité de
334 pat r iotes et loyaux
comté. Les 14 résolutions expriment tout et de L’Assomption avait été précédée d’une
autant la détresse matérielle que l’indignation invitation publique et de deux réunions d’un
des habitants envers le joug britannique. comité de correspondance les 16 et 22 juillet
Outre l’opposition aux résolutions Russell, on (MIN 03-07-1837, 24-07-1837) L’assemblée
en appelle au boycott des produits britan- aurait réuni 4000 francs tenanciers de la région
niques et on offre un appui inconditionnel à rassemblés pour écouter plusieurs orateurs
Louis-Joseph Papineau, ainsi qu’aux membres dénoncer les résolutions Russell. Les principales
de la Chambre des communes d’Angleterre résolutions votées portent sur le gouvernement
ayant défendu les intérêts du peuple canadien colonial, l’électivité du Conseil législatif et un
(BERNARD,1988 : 105-110 ; MÉDÉRIC,1975 : exécutif responsable (LIB 9-08-1837). L’as-
272-273 ; LIB 31-10-1837 ; CAN 29-07-1837). semblée qui se tient à Bécancour le 25 août
Le lendemain, les francs tenanciers de L’Islet n’est pas moins spectaculaire. Selon La Minerve,
et Bellechasse tiennent une assemblée sem- elle aurait réuni pas moins de 3000 personnes.
blable à Saint-Thomas de Montmagny. Dans Il faut dire que, dans Nicolet, les deux popu-
son discours, le député patriote Jean-Charles laires députés Hébert et Proulx viennent de
Létourneau lance un vibrant appel au boycott prendre clairement position en faveur de la
des produits anglais. Selon François-Xavier résistance aux résolutions Russell et s’affairent
Garneau, l’assemblée ne réunit en fait que à resserrer les rangs des élites locales autour de
« quelques têtes fortes parmi les cultivateurs la bannière patriote. L’assemblée tourne d’ail-
montés par Étienne-Paschal Taché ». Pourtant, leurs à une quasi-émeute quand des loyaux,
c’est un rassemblement beaucoup plus opposés à sa tenue, tentent de s’interposer
imposant qui est décrit par Casault avec ses (MIN 10-07-1837, 28-08-1837).
quelque 600 participants, un corps de cavale-
rie et une compagnie d’artillerie (HARE,
1971 : 86 ; CASAULT, 1979 : 401,8-413, 426-
427 ; MIN 06-07-1837). Une assemblée sem-
blable a enfin lieu à Sainte-Anne (Québec)
deux jours plus tard, le mercredi 28 juin (VIN
25-07-1837).
De toutes ces assemblées, la plus considé-
rable se déroule dans L’Assomption le 29 juillet
1837. Apparemment fort bien organisée, l’as-
semblée anticoercitive des comtés de Lachenaie
Difficile de caractériser le leadership dans mieux établi dans la région, Hébert est élu
cette vaste zone. Dans l’ensemble, les mani- pour Nicolet le 3 avril. Il est, dès lors, co-
festations patriotes y sont trop clairsemées député avec son beau-frère Jean-Baptiste
pour que des chefs se démarquent vraiment. Proulx avec qui il est emprisonné à Montréal
Il faut cependant évoquer le cas des comtés de le 4 février 1838 et libéré dès le 27 courant. Il
Nicolet, de Berthier et de Lachenaie, davan- semble en fait que la compromission de
tage dans le giron montréalais et où émergent Hébert soit fort exagérée, son arrestation étant
quelques meneurs d’hommes. Ailleurs, probablement attribuable à sa parenté avec
comme dans L’Assomption ou dans Kamou- Proulx de même qu’au discours particuliè-
raska, les têtes d’affiches patriotes se trouvent rement violent qu’il aurait prononcé à ses
passablement isolées. côtés à Nicolet le 13 août 1837 avec Joseph-
Le comté de Nicolet semble de fait mieux Ovide Rousseau. En fait, on retrouve aussi
organisé et s’appuie sur une couple de députés Hébert à des assemblées loyales, dont celle de
intimement melés à l’économie locale. Dès Nicolet, le 3 mai 1834, où il y signe une
1834, Jean-Baptiste Proulx défend ardemment adresse réitérant la confiance des officiers de
les 92 Résolutions, puis est facilement réélu milice envers le gouvernement (AMI 11-07-
dans son comté. Ses positions particulière- 1834 ; MESSIER, 2002 : 235). Dans l’ensemble,
ment radicales détonnent dans cette région l’action des Proulx et Hébert connaît cepen-
soumise au clergé et aux seigneurs loyaux. De dant peu de succès. Les interventions répétées
plus en plus radical, Proulx en vient à l’été de du curé de Saint-Jean-Baptiste, Jean Raim-
1837 à réclamer l’indépendance du Bas- bault, semblent porter fruit. De même, la
Canada, ce qui lui vaudra apparemment son soumission au clan seigneurial de la plupart
arrestation à la fin de 1838. Il est cependant des professionnels et des petits marchands a
vite libéré, faute de preuve. Pour sa part, élu pour effet de démobiliser les masses rurales,
député dès 1808, marchand, cultivateur et accablées par les redevances seigneuriales.
architecte (on lui doit notamment le sémi- Avec 24 781 habitants en 1831, Berthier est
naire de Nicolet), Jean-Baptiste Hébert appar- le comté rural le plus peuplé du Bas-Canada.
tient à la fine fleur de la bourgeoisie nicole- Contrairement à la plupart des localités con-
toise. De retour en politique en 1835, il sidérées ici, les récoltes de blé y sont alors
affronte un autre patriote, Joseph-Édouard
Turcotte, alors connu pour ses textes enflam-
Jean-Baptiste Hébert (1779-1863) Fils du cultivateur
més dans La Minerve. Plus modéré et surtout d’origine acadienne Étienne Hébert et de Marie-Joseph
Babin, Jean-Baptiste Hébert naît le 19 septembre 1779 au
Jean-Baptiste Proulx (1793-1856) Né à Nicolet, de Joseph village Godefroy (Bécancour). Architecte, marchand et
Proulx, cultivateur, et de Geneviève Crevier Descheneaux. agriculteur de Saint-Grégoire (Bécancour ; FAUTEUX, 1950 :
Proulx suit le cours classique au Séminaire de Nicolet en 266). Il épouse Marie Béliveau le 4 mai 1801, fille de François
1803. Il est milicien durant la guerre de 1812. En 1828, Béliveau et de Marie Leblanc, puis Judith Lemire le 31 mai
Joseph Proulx octroie à son fils un arrière-fief de 45 arpents 1807, sœur de Flore, épouse du député Jean-Baptiste Proulx.
de superficie exempt à toutes fins utiles de redevance En 1808 et de nouveau en 1809, Jean-Baptiste Hébert
seigneuriale. Son domaine foncier garantit alors à Jean- devient député du comté de Buckingham. Pendant la guerre
Baptiste Proulx une supériorité sur la masse des autres exploi- de 1812, il commande la compagnie de Saint-Grégoire de
tants de la région et il compte parmi les gros fournisseurs de Nicolet en qualité de capitaine ; il accède par la suite au
viande de boucherie de Nicolet et vend même du foin sur le grade de major. En 1814, il semble ne pas s’être représenté.
marché de Trois-Rivières. Député de Nicolet en 1830. Il est en même temps maître charpentier et entrepreneur.
336 pat r iotes et loyaux
abondantes et les habitants écoulent encore comté, ne signant que la grande pétition de
une bonne part de leur production à l’exté- décembre 1834 avec des milliers d’autres. Il
rieur. Berthier est aussi plus cosmopolite que est cependant probablement déjà malade
les comtés voisins. À mi-chemin entre Mont- puisqu’il décède subitement le 2 janvier 1837.
réal et Trois-Rivières, elle compte un nombre Son successeur à compter de mars 1837,
appréciable d’auberges jalonnant le chemin Norbert Éno, signe une invitation pour une
du Roy. Au nord-ouest, la petite communauté assemblée à Berthier, préside l’assemblée du
anglophone de Kildare est clairement alignée 12 mai 1834, y prononce un discours et par-
sur les loyaux, tout comme les townships ticipe à l’assemblée de Berthier de juin 1837.
voisins de Rawdon et de Chersey (L’Assomp- Éno est enfin de ceux qui renvoient leur com-
tion). Outre l’assemblée du 12 mai 1834 et la mission de major de milice le 6 novembre
grande assemblée du 18 juin 1837, se tient 1837 (VIN 9-05-1834,16-05-1834, 13-06-
tout de même une petite assemblée patriote 1837 ; DESCHÊNES, 1993 : 265 ; BERNARD,
dans le township de Kildare, le 18 mai 1834 où 1988 : 85 ; ANQ P224 : 4030).
est présentée une pétition de pas moins de Bien que les habitants du comté de Lache-
500 électeurs en faveur des résolutions naie soient bien disposés envers les idées
patriotes (VIN 1-06-1834). Reste que seuls patriotes, peu de sympatisants sont enclins à
trois ressortissants de Berthier sont arrêtés et se joindre au mouvement politique ou armé.
qu’aucun d’eux n’est un véritable leader. Les En fait, seuls quatre d’entre eux figurent sur la
deux députés, Jacques Deligny (1814-1837) et liste de prisonniers, dont le député Charles
Alexis Mousseau (1834-1838), s’affichent Courteau. Il semble que les interventions du
comme patriotes et ont voté en faveur des 92 seigneur de Lachenaie, John Pang-man, et du
Résolutions. Député depuis 1824, Alexis capitaine de milice Étienne Mathieu aient été
Mousseau est en fait l’un des plus fermes assez efficaces pour empêcher tout débor-
supporters de Papineau et il participe à tous dement (MARTEL ; 1994 : 27-28, 329). La
les événements dans Berthier. Il signe aussi la mort du député de Lachenaie, Jean-Marie
grande pétition du district de Montréal en
décembre et l’invitation aux assemblées du 3 Jacques Deligny (1776-1837) Né à Québec, de François
mai 1834 et du 18 juin 1837. Déjà âgé de 70 Deligny et de Marie-Anne Gély (Deschênes, 1993 : 212.). En
1799, il épouse Françoise Langevin. D’abord potier à
ans au moment des troubles, la participation Québec, il s’installe à Berthier en 1802 en tant que cultiva-
de Mousseau est quand même significative teur et marchand. Il sert dans la milice de Berthier en 1812
(MIN 5-05-1834 ; VIN 8-06-1837 ; BERNARD, et en 1814, devient capitaine, puis major en 1827. Entre-
temps, il est commissaire des chemins de Warwick en 1817.
1988 : 84.). Quant à Deligny, il vote bien en Député à compter de 1814, mais battu en 1820, puis de
faveur des 92 Résolutions mais ne s’engage nouveau à compter de 1827.
guère dans la mobilisation politique dans son
Norbert Éno (1793-1841). Né à Berthier, d’Antoine Éno,
Alexis Mousseau (1767-1848) Né à Berthier, de Jean- coseigneur de Berthier, et de Marie-Josephte Fauteux.
Baptiste Mousseau, cultivateur, et de Marie-Catherine Marchand à Saint-Cuthbert. En 1815, il épouse sa cousine
Lafrenière. Il épouse Marie-Anne Piette en 1793, à Berthier. Geneviève Fauteux. Capitaine dans la milice de Berthier en
Mousseau est élu député pour la première fois en 1820 1818, puis major en 827, il devient juge de paix en 1830 et
dans le comté de Warwick. Battu en 1824 par Jacques commissaire au tribunal des petites créances en 1834. Toutes
Deligny, il est de retour en 1827. Capitaine du premier ses commissions lui sont retirées en 1837 à cause de sa
bataillon de Warwick en 1823, il est autrement cultivateur. participation au mouvement patriote.
des seig neur ies jalouses de leur quiétude 337
aussi nommé membre du comité de comté. empressé même, Dionne ne cache cependant
Ses lettres de créance lui permettent proba- pas sa désapprobation devant la tournure
blement de briguer le suffrage des électeurs prise par la campagne des assemblées publi-
patriotes et de remporter l’élection partielle ques. En août 1837, il est d’ailleurs appelé au
de juin 1835. Arrivé tard dans le jeu politique, Conseil législatif, puis offre même son con-
il siège très peu. Quant au futur ministre con- cours aux troupes anglaises venues du
servateur Étienne-Paschal Taché, il n’est Nouveau-Brunswick, s’engageant à leur offrir
encore à l’époque qu’un modeste médecin à le gîte et même des voitures pour les aider à
Montmagny. On le retrouve d’abord à la con- poursuivre leur route vers le lointain district
vention de Trois-Rivières en 1836 avec les de Montréal (RUMILLY, 1977, I, 440).
principaux leaders patriotes, mais il est sur- La vaste zone rurale en aval de Montréal
tout l’organisateur de la grande assemblée de ne connaît bien sûr aucun désordre notable
Montmagny tenue le 26 juin 1837 en l’hon- durant les rébellions de l’automne 1837 et de
neur de Louis-Joseph Papineau, à qui il offre 1838. Des magistrats et des officiers y remet-
d’ailleurs l’hospitalité. En 1838, Taché fait tent quand même leur commission à l’au-
partie d’un réseau instauré sur la Côte-du-Sud tomne de 1837. On tient même un banquet
destiné à organiser la fuite de patriotes vers en leur honneur à Lavaltrie (Berthier) le 24
les États-Unis. Il fait l’objet d’une enquête en septembre. Une espèce de conseil de guerre en
janvier 1839 et sa résidence est perquisi- vue de porter secours aux patriotes de Deux-
tionnée. Il est alors étroitement surveillé par Montagnes a bien lieu à Saint-Charles-de-
Cornelius Hutton, un enseignant à la solde de Lachenaie le 4 novembre 1837, mais, pour le
la police de Québec et enquêteur particulière- reste, on ne note qu’une poignée d’arres-
ment suspicieux (DESCHÊNES, 1991 : 44 ; tations préventives, effectuées surtout auprès
DESCHÊNES, 2001 : 67-74 ; HÉBERT, 1996 : de députés trop compromis ou de militants
70-74, 117). s’étant rendus sur les champs de bataille du
À Kamouraska, Papineau descend chez district de Montréal (CAN 11-10-1837 ; MIN
l’ancien député du comté, Amable Dionne, 16-11-1837).
seigneur de La Pocatière, hôte courtois,
les réserves du clergé anglican auxquelles début du siècle en toute légalité ou à titre de
doivent souscrire tous les colons, qu’il soient squatters sans aucun titre de propriété, un
méthodistes, presbytériens ou catholiques. Au temps à l’abri au milieu de la forêt sauvage. Ils
Bas-Canada, cet enjeu soulève moins le tollé, proviennent en particulier des comtés de
en particulier parce que les colons sont davan- Nicolet et de Yamaska, remontent la rivière
tage issus des rangs loyalistes ou directement Nicolet ou la Bécancour pour s’infiltrer dans
venus d’Angleterre ou d’Écosse. Plusieurs Blandford, Stanfold (Princeville), Somerset
indices nous permettent aussi d’avancer que, (Plessisville), Chester, Arthabaska et Warwick
devant le péril catholique et francophone, les (O’BREADY, 1949 : 12-15).
diverses populations anglo-protestantes des Au début du xixe siècle, le gouvernement
townships se sont momentanément solidarisées. colonial inaugure une politique qui devait
À l’époque des troubles, le système des retarder tout projet de colonisation de quelque
townships est cependant pris à partie au envergure. La loi de 1800 prescrit qu’à l’avenir
Bas-Canada. On critique surtout le sous- on pourra demander des lots individuellement,
développement des infrastructures de trans- sans avoir à se grouper en société. Cet amé-
port, l’absence de bureaux d’enregistrement à nagement s’avère une véritable aubaine pour
la disposition des colons et les obstacles qu’on certains amis du pouvoir qui se taillent alors de
érige à la colonisation canadienne-française. vastes domaines. Ainsi, William Grant obtient
Déjà, au début du siècle, l’établissement des 27 000 acres dans Grantham, Hugh Finlay,
Loyalistes ne fut pas partout couronné de 42 000 acres dans Stanbridge, Henry Caldwell,
succès. L’administration coloniale, méfiante à 26 000 acres dans Melbourne, Thomas Dunn,
leur endroit, les laisse souvent se débattre dans 12 000 acres dans Stukely et jusqu’au gou-
la solitude, changeant deux ou trois fois le verneur Robert-Shore-Milnes Bouchette qui se
mode d’octroi des townships, les privant d’éco- fait octroyer pas moins de 71 000 acres dans la
les et de routes. Par conséquent, on n’ouvre le région de Stanstead. Les marchands de Mont-
chemin Craig, de Richmond à Québec, qu’en réal et de Québec, enrichis dans le commerce
1811 et le chemin Gosford, de Sherbrooke à des fourrures, deviennent aussi de grands
Québec qu’en 1835. Si certains colons réussis- propriétaires de townships, notamment Simon
sent, notamment à proximité de la frontière McTavish, 15 000 acres dans Chester, William
américaine, comme John Savage à Shefford, McGillivray, 15 000 acres dans Inverness, ou
Johnson Taplin à Stanstead ou Josiah Sawyer à Joseph Frobisher, 15 000 acres dans Ireland.
Eaton, d’autres souffrent, comme Gibert Hyatt Placé sous la responsabilité de grands pro-
à Sherbrooke, ou abandonnent tout, comme priétaires forains, l’établissement des colons
James Cowan et ses associés à Stoke. n’est guère stimulé, les landlords faisant sou-
Les Canadiens français ne sont en effet vent preuve de négligence et de prévarication,
pas nécessairement les bienvenus dans cette n’hésitant pas à exiger des prix trop élevés
région, en particulier parce que les lots y sont qui retardent l’installation des authentiques
vendus et non concédés, si bien que les colons laboureurs.
doivent obtenir un financement afin d’en C’est en particulier afin de parer ce pro-
devenir propriétaires. Malgré cela, des fran- blème qu’un premier projet de compagnie de
cophones s’installent dans les townships dès le colonisation voit le jour en 1824. L’idée est
l ’ est r ie, entre loyalistes et am ér icains 343
lancée par le grand propriétaire William plus grande part aboutit dans les poches d’une
Bowman Felton qui souhaite qu’on prenne poignée de spéculateurs ayant su se position-
exemple sur la Canada Land Company que ner afin de lui vendre des terres ou pour
dirige son frère John dans le Haut-Canada. obtenir de lucratifs contrats dans la construc-
L’objectif est alors qu’une compagnie équi- tion de routes et de ponts. Cette petite cour
valente obtienne à rabais de vastes concessions s’installe à Sherbrooke, jusque-là un hameau
en échange desquelles elle s’engage à installer peu développé. On retrouve les mêmes per-
des colons, à construire des structures d’ac- sonnes dans les organisations maçonniques et
cueil et même à y administrer la justice. Le au sein des associations constitutionnelles
projet reçoit l’appui de plusieurs puissants locales. Au moment des troubles, la BALC
marchands londoniens, dont Edward Ellice, finance même la création de compagnies de
Nathaniel Gould et Alexander Gillespie qui volontaires, telles que les Sherbrooke Dra-
donnent naissance en 1832 à la British Ameri- goons, les Loyal American Rifles et les Queen’s
can Land Company (BALC). Deux marchands Mounted Rangers (MGZ 15-02-1838, 17-11-
montréalais, Peter McGill et Georges Moffat, 1838 ; SKELTON, 1920 : 7 ; DEMERS 1969 :
sont alors nommés commissaires, alors qu’un 142-152 ; KESTEMAN, 2000 : 162).
jeune entrepreneur de Sherbrooke, Samuel La scène politique offre un portrait assez
Brooks, est désigné agent résident. L’entente complexe dans la région des townships. Dans
avec le gouvernement est conclue au début de Missisquoi et Stanstead en particulier, les mou-
1833. Elle porte sur près d’un million d’acres vements loyaux et patriotes sont aussi dyna-
confiés au groupe d’actionnaires pour la miques l’un que l’autre, si bien qu’au moment
somme globale de 120 000 livres. Vertement d’évaluer le clivage politique il faut se garder de
dénoncé par les 92 Résolutions patriotes, le toute simplification abusive. On ne peut
monopole de la BALC s’avère encore peu fruc- simplement y opposer anglophones à franco-
tueux avant les troubles. Ce n’est qu’à compter phones pour la simple raison que ces derniers
des années 1840, sous l’impulsion du dyna- sont en nombre dérisoire avant 1837 et inca-
mique Alexander Tilloch Galt, que la com- pables de soutenir à eux seuls une mobilisation
pagnie entreprend de développer son domaine pro-patriote conséquente. Il s’avère tout aussi
en l’ouvrant à la population canadienne- hasardeux d’opposer par exemple les United
française (BROOKS, 1985 : 57 ; KESTEMAN, Empire Loyalists, arrivés au Canada au tour-
1998 : 95 ; MGZ 19-03-33). nant du xixe siècle, à leurs suivants arrivés plus
Certains entrepreneurs locaux ne sont pas récemment, pour la raison que le flux migra-
long à comprendre le profit à tirer à s’associer toire est à peu près continu entre 1790 et 1812
à la nouvelle compagnie. À Sherbrooke et ne montre pas de démarcation claire. De
notamment, l’entourage de Samuel Brooks même, on ne peut non plus opposer les colons
fait en sorte que la BALC se porte systémati- venus des États-Unis, familiers avec les insti-
quement acquéreur de terres lui appartenant tutions républicaines, à ceux des îles bri-
et à des prix nettement surévalués, compte tanniques, pour la simple raison que les ressor-
tenu de l’état du marché. Dans ces conditions, tissants américains et leurs descendants for-
même si la BALC dépense des sommes ment encore dans l’ensemble la très vaste majo-
substantielles dans la région avant 1837, la rité de la population des townships.
344 pat r iotes et loyaux
Selon Jean-Pierre Kesteman, l’opposition Brooks dans Sherbrooke, d’un Ralph Taylor
entre réformistes et constitutionnels ne corres- dans Missisquoi, d’un Paul Holland Knowlton
pond pas à un découpage ethnique ou idéo- dans Shefford, du major Frederick Heriot dans
logique, mais serait d’ordre social. Ceux qui Drummond ou du colonel Gilbert Henderson
adhèrent aux idées patriotes sont en général dans la Beauce.
des fermiers indépendants, d’authentiques
défricheurs, qui craignent que la spéculation Missisquoi
et le poids des grandes compagnies foncières Tout le long de la frontière américaine, à l’est
nuisent à l’établissement de leurs enfants. Ceux du lac Champlain, Missiskoui désigne d’abord
qui demeurent fidèles à la Couronne sont au en langue amérindienne là où il y a des oiseaux
contraire associés aux compagnies de terres et aquatiques. Le peuplement du comté est rela-
au système de favoritisme, toute une faune tivement récent : bien que la seigneurie de
d’ex-militaires lotis, d’agents de colonisation, Saint-Armand ait été concédée dès 1748, elle
de grands propriétaires et d’entrepreneurs en n’est pas ouverte au peuplement avant 1787
travaux publics qui habitent plutôt les bourgs lorsque Thomas Dunn en fait l’acquisition.
(KESTEMAN, 1998 : 209). Chose certaine, Quant à Dunham, il est en 1796 le premier
l’octroi de vastes étendues de terres à la British township concédé au Bas-Canada ; Stanbridge
American Land Company est au cœur du et Sutton suivent en 1800 et 1802 (BELDEN,
débat politique entre 1834 et 1837, en parti- 1972 : 11 ; KESTEMAN, 1998 : 89, 94 ; BOU-
culier lors de la joute électorale de 1834. Dans CHETTE, 1815 : LXI). Certains sites sont
maints townships, cette question polarise occupés et mis en valeur avant l’octroi officiel
clairement l’opinion. Alors que la compagnie des terres, mais ce peuplement demeure par-
investit des sommes importantes dans la cellaire et des pionniers sont évincés par les
région et accorde de gros contrats aux amis de nouveaux propriétaires. Jusqu’en 1820, la
Samuel Brooks, le clivage politique dans les colonisation y procède surtout du sud vers le
townships semble opposer ceux qui en tirent nord. Dans un premier temps, des Loyalistes
profit et ceux qui considèrent en faire les frais. fidèles à la Couronne britannique s’installent
Plusieurs indices le laissent entendre ; par le long de la frontière. À compter de 1800, ce
exemple, tous les hameaux où la compagnie sont surtout des Américains, mus par des
aménage un bureau d’enregistrement s’avèrent motifs économiques, qui s’installent au-delà,
des châteaux forts loyaux : Sherbrooke et le long de la rivière aux Brochets (FOUR-
Georgeville dans Stanstead, Frost Village dans NIER, 1978 : 8-9). En 1831, la population de
Shefford, Frelighsburg dans Missisquoi et Missisquoi s’élève à 10 736 habitants. Du
Leeds dans Mégantic. Notons aussi que, dans nombre, les Canadiens français ne représen-
tous les comtés de la région, le mouvement tent qu’environ dix pour cent. Ils sont venus
loyal local semble sous l’influence occulte d’un pour la plupart par le chemin Kempt, d’ail-
important landlord, puissant propriétaire leurs le lien essentiel entre Missisquoi et le
terrien, parfois un militaire de carrière, sou- reste du Bas-Canada, depuis les paroisses
vent responsable de la colonisation et, dans richelaines, et sont installés au nord-ouest du
bien des cas, lié à la BALC. Nous aurons ainsi comté, autour de Notre-Dame-des-Anges
à reparler du rôle politique d’un Samuel (Stanbridge).
l ’ est r ie, entre loyalistes et am ér icains 345
pas moins de 36 événements organisés par des envoie à la Chambre un loyal, William Baker,
loyaux et 32 événements patriotes ; que ce soit et son premier député patriote : Ephraïm
des assemblées, des réunions ou des soupers à Knight. En effet, sans être un raz-de-marée, la
saveur politique. Les activités de l’un et l’autre poussée patriote dans Stanstead et Missisquoi
camp représentent respectivement 18 et 7 pour en surprend plusieurs, en tout cas certaine-
cent de toutes celles qui se déroulent dans les ment le candidat défait Ralph Taylor, qui avait
comtés ruraux du Bas-Canada entre 1834 et voté contre les 92 Résolutions en janvier.
1837. C’est le comté rural le plus actif du côté Riche marchand et propriétaire foncier, Taylor
loyal et un comté aussi mobilisé que celui de ne s’implique pas davantage dans le mouve-
Deux-Montagnes chez les patriotes. Particu- ment loyal, mais finance plusieurs de ses
lièrement remarquable dans un comté essen- initiatives, dont le journal ultra-conservateur
tiellement anglophone, la mobilisation patriote Missiskoui Standard de James Ferres (KESTE-
dans Missisquoi a cependant tendance à MAN, 1998 : 211).
s’effriter au tournant de 1837. L’examen des William Baker aura plus de chance. Il joue
activités organisées par chaque camp, l’origine d’abord un rôle éminent dans la campagne
des militants et l’allégeance des journaux du du printemps de 1834 contre les 92 Résolu-
comté nous permettent de constater une cer- tions, puis préside l’assemblée du 29 avril où
taine dualité géographique. Les loyaux sont il est nommé membre de deux comités de
cantonnés surtout au sud du comté, le long de correspondance (MHC 08-05-1834). Il est
la fron-tière, autour des bastions de Philipsburg donc élu en 1834 lors de son baptême poli-
et de Frelighsburg, et le long du chemin Saint-
Armand, plus anciennement peuplés par des Ralph Taylor (1793-1847) Probablement né à Philipsburg,
d’Alexander Taylor, loyaliste de la région de Saratoga, New
Loyalistes établis au Canada pour des raisons York, et de Jane Brisbane, veuve d’un officier britannique.
politiques. Les patriotes trouvent leurs appuis Presbytérien, marié à Maria Lester en 1816, il est com-
merçant et agent de colonisation à Philipsburg où son père
surtout au nord du comté, autour de Dunham s’était installé à la suite de la guerre de l’Indépendance
et de Stanbridge, townships plus récemment américaine. Commissaire au recensement pour Bedford
peuplés par des colons ayant grandi dans la (1825), commissaire aux petites causes (1826) et visiteur des
écoles pour Missisquoi et Shefford (1831). Il est élu député
république américaine et généralement moins de Missisquoi à une élection partielle le 4 décembre 1829.
fortunés que leurs vis-à-vis établis au sud (KES- Réélu en 1830, il est brièvement incarcéré à Québec, le 13
mars 1833, pour avoir publié dans le Quebec Mercury une
TEMAN, 1998 : 213 ; DESJARDINS, 1902 : 124, lettre diffamatoire envers Louis-Joseph Papineau. Il vote
149 ; BEAUGRAND-CHAMPAGNE, 1990 : 21, conséquemment contre les 92 Résolutions, mais est défait
24, 41, 58, 81, 166, 190-191). aux élections d’octobre 1834. Taylor est totalement absent
des travaux de l’Association constitutionnelle de Missisquoi
et ne participe à aucune de ses assemblées. Il est en
La mobilisation loyale revanche présent à titre de juge de paix lors de la bataille de
Moore’s Corner où il appréhende Robert-Shore-Milnes
Le comté de Missisquoi élit ses deux premiers Bouchette.
députés aux élections partielles de 1829, à la
suite du démantèlement du vaste comté de William Baker (1789-1866) Né à Petersham, Massa-
Bedford : Richard V.-V. Freligh et Ralph Taylor. chusetts, de Joseph Baker, capitaine dans la milice et juge
Le premier est remplacé dès 1830 par Stevens de paix, et de Maria Stevens, issue d’une famille loyaliste. La
famille de Baker s’installe à Dunham en 1799. Baker étudie
Baker, éleveur de bétail et colonel de milice de la médecine, mais ne l’exercera pas. Maître d’école en 1812,
Dunham. Aux élections de 1834, Missisquoi il se dirige ensuite vers le commerce.
l ’ est r ie, entre loyalistes et am ér icains 347
tique alors qu’un vieux routier comme Taylor local pour chaque township de Missisquoi. On
est battu. Il demeure ensuite impliqué dans le élit par conséquent les deux représentants du
mouvement loyal dans Missisquoi — il est comté au Select General Committee : Joshua
membre de l’exécutif de l’Association consti- Chamber et Metcalf Haven. On crée enfin un
tutionnelle à compter de février 1837 — mais comité de vigilance formé de représentants de
aussi à Montréal et Québec, où il signe quel- toutes les localités et chargé d’entretenir la
ques pétitions (MC 03-07-1837 ; QM 25-07- mobilisation à l’échelle locale (MGZ 20-02-
1837). 1836).
Une première assemblée loyale a lieu à Jounaliste, agitateur politique et anti-
Frelighsburg le 29 avril 1834. Elle y dénonce patriote fanatique, James Moir Ferres est cer-
les 92 Résolutions, demande à ce que les tainement le plus important leader loyal de
membres du Conseil législatif continuent à Missisquoi, un tory radical, partisan de la ligne
être nommés par la Couronne et salue la créa- dure à l’égard des députés patriotes et des
tion à Londres de la British American Land Canadiens français en général. Ferres souhaite
Company. Un comité est aussi formé afin de à tout prix maintenir intactes les institutions
recueillir des signatures d’appui à la pétition britanniques dans la province et dénonce à
lancée par les loyaux de Montréal lors de leur l’avance tout affermissement des pouvoirs de la
assemblée du 5 avril précédent (AMI 10-05- Chambre d’assemblée, d’ailleurs responsable
1834 ; MHC 08-05-1834 ; BEAUGRAND- des maux de la colonie. Dès avril 1834, il est
CHAMPAGNE, 1990 : 47-48, 58). Une nou- secrétaire adjoint à l’assemblée de Frelighs-
velle assemblée est convoquée à Frelighsburg burgh. On le retrouve ensuite à demeure à
pour le 9 février suivant. Elle est cependant l’exécutif de la MBCA. C’est cependant à la
contremandée et a finalement lieu le 23 cou- barre du Missiskoui Standard, hebdomadaire
rant. Il s’agit ici d’une véritable assemblée de qu’il fonde à Frelighsburgh avec Joseph D.
comté : « The notice of the meeting having Gilman le 8 avril 1835, que Ferres pourra
been widely circulated, the inhabitants of the déployer toute sa verve antipatriote. Par la
county began at an early hour to assemble même, le Standard permet de tracer le portrait
from all parts » (MGZ 14-02-1835, 05-03- sommaire des principales préoccupations de la
1835). En plus de réitérer son opposition aux Missiskoui Branch Constitutional Association
résolutions patriotes, l’assemblée crée la puisque non seulement Ferres est-il membre
Branch Constitutional Association of Missis- de l’exécutif, mais avec lui la moitié du comité
quoi (BCAM) et adopte telle quelle la charte des souscripteurs de son journal (MGZ 20-02-
de la QCA. Horatio N. May en est élu prési- 1836 ; QM 12-03-1835 ; MGZ 05-03-1835 ;
dent et Joshua Chamberlain et James M. MILLMAN, 1965 : 17 ; DESCHÊNES, 1993 :
Ferres, co-secrétaires. On est ensuite sans
nouvelle de l’association jusqu’à ce que l’exé- James Moir Ferres (1811-1870) Né à Aberdeen en Écosse.
Il arrive à Montréal en 1833 où il trouve rapidement un
cutif présente son premier rapport annuel à poste d’enseignant à l’école d’Edward Black, ministre de
Dunham Flat, le 13 février 1836. Les recom- l’Église d’Écosse, avant d’être nommé directeur de l’aca-
mandations sont alors d’assurer une meilleure démie de Frelighsburg dans Missisquoi. Après les troubles, il
exerce une variété de fonctions, alternant entre les postes
communication avec les associations de de fonctionnaire, journaliste et député. Il obtient aussi des
Montréal et de Québec et de créer un comité commissions sous divers gouvernements conservateurs.
348 pat r iotes et loyaux
272 ; HAMELIN, 1973 : 86-87 ; BONVILLE, concret du Select General Committee (MGZ
1995 : 40 ; BEAUGRAND-CHAMPAGNE, 20-02-1836 ).
1990 : 39, 40-41, 71). Véritable chantre du mouvement constitu-
On a dit de James Moir Ferres qu’« il sem- tionnel bas-canadien, le Standard n’hésite
blait ne songer qu’à la meilleure façon de faire cependant pas prendre à contre-pied les posi-
du tort ou de détruire » (DBC, IX, 1977 : 282- tions de l’Association constitutionnelle de
283). Disons d’emblée que le Missiskoui Stan- Montréal avec laquelle Ferres a sa part de
dard ne manque aucune occasion de ramener problèmes. Il déplore la critique que formule
le débat à sa dimension ethnolinguistique. la MCA à propos des réserves du clergé dans
L’habitant canadien-français y est régulière- les townships et les velléités annexionnistes des
ment décrit comme archaïque et inefficace loyaux de Montréal qui jonglent avec l’idée de
dans ses pratiques agricoles, ignorant, indo- se joindre au Haut-Canada et d’abandonner
lent et d’un caractère apathique. Le journal de le reste du Bas-Canada à la junte de Papineau
Frelighsburg se montre même un temps (MS 19-01-1836). Ferres reproche en général
favorable à l’annexion aux États-Unis, plutôt aux marchands de Montréal de n’être mus que
que de voir le pays sombrer entre les mains de par leurs intérêts économiques, aux dépens
l’entourage de Louis-Joseph Papineau. L’appui des valeurs de la civilisation britannique en
de ressortissants américains au mouvement général et des aspirations des colons anglo-
patriote répugne cependant à l’éditeur qui tire phones des townships en particulier. Ce ton,
la conclusion que la monarchie demeure la ces opinions et cette ferveur ne sont pas sans
seule avenue valable (BEAULIEU-HAMELIN, rappeler un Adam Thom, rédacteur du Mont-
1965 : 87 ; BEAUGRAND-CHAMPAGNE, real Herald. Ferres attire d’ailleurs l’attention
1990 : 123-124, 138, 143). L’autre thème favori de ce dernier qui lui offre un poste au Herald
du Missiskoui Standard est la condamnation où il travaille à compter du 6 décembre 1836,
du gouverneur Gosford, qui serait compromis laissant la barre du Standard à Joseph D.
avec les députés patriotes. On met même en Gilman, jusqu’à sa fermeture du journal en
demeure les autorités britanniques de limoger 1839 (BEAULIEU, 1973 : 87 ; DBC, IX, 1977 :
le gouverneur et d’opposer un non catégo- 283, XI, 1982 : 753 ; DESCHÊNES, 1993 : 272).
rique aux revendications patriotes, sous peine Structurée et dotée d’un solide leadership,
d’assister à un soulèvement général des loyaux l’Association constitutionnelle de Missisquoi
(MS 30-06-1835). Dès le 26 janvier 1836, le est en mesure le 23 février 1837 de tenir une
Standard appelle à la création d’un groupe nouvelle assemblée générale à l’école que
paramilitaire dans Missisquoi, sur le modèle dirige James Ferres à Frelighsburg. Le rapport
du British Rifle Corps à Montréal. Le mois de l’exécutif indique alors qu’on se montre
suivant, à l’assemblée de Dunham Flat, il pro- satisfait du Select General Committee qui s’est
pose l’envoi d’une pétition au roi en vue de réuni en juin précédent, en particulier puis-
mettre Gosford en accusation. En juin 1836, qu’on a retenu sa suggestion de réclamer le
cette proposition de Ferres est acceptée à rappel du gouverneur Gosford. On convient
l’unanimité par les représentants des associa- cependant de l’état de crise où se trouve
tions constitutionnelles réunis en congrès à plongé le Bas-Canada et de l’obligation de
Montréal et constituera de fait le seul résultat demeurer vigilant (MS 28-02-1837).
l ’ est r ie, entre loyalistes et am ér icains 349
leur propriété sera le théâtre de la bataille de 1836 ; MIN 27-07-1835 ; VIN 22-01-1836).
Moore’s Corner. Tous deux membres de l’exé- Une première véritable assemblée patriote a
cutif de la BCAM, ils font aussi conjointement lieu le 16 février 1835 à l’hôtel de Chandler à
une offre comme volontaires le 1er novembre Stanbridge Upper Mills, sur la rivière aux
1837 et participent à la bataille du 6 décembre. Brochets, sous la présidence d’Ebenezer
Il en est de même pour Ammi C. Squiers qui Phelps. Y assistent notamment des gens du
se présente à l’assemblée du 1er novembre Vermont et des invités de Montréal : Thomas
1837 avec 47 autres volontaires. Prentice Storrow Brown, John Donegani, Augustin-
Hitchcock et James Botham, de Stanbridge, Norbert Morin et Edmund Bailey O’Calla-
William Allen, de Sutton, John Pettis, ghan. Un tel effort de l’exécutif de Montréal
Jonathan Selby, Jacob Ruiter, John Gilbert et traduit le vif désir de bien s’implanter dans ce
Levi Stevens, de Dunham où ce dernier comté peuplé d’Américains susceptibles d’ap-
possède un hôtel construit en 1837 et un relais puyer les réformes avancées dans les 92 Réso-
de diligence, Ephraim F. Hurlbut et Levi et lutions. Un petit comité de correspondance
Oren J. Kemp, de Frelighsburg, capitaine de avec Montréal est d’ailleurs alors formé (MIN
milice et époux de Dorothy Lauvens (décédé 19-02-1835).
en 1837), complètent la liste des membres de À compter de juillet 1835, les patriotes de
l’exécutif les plus actifs (MISSISQUOI, 1908 ; Missisquoi sont particulièrement fébriles. Le
67 ; MS 5 DÉC 1837 ; MGZ 20-02-1836 ; 12 juillet, le comité de correspondance ren-
BROME, no 10). contre Thomas Storrow Brown à l’hôtel de
George Chandler en vue d’une importante
La mobilisation patriote rencontre avec nul autre que l’orateur de la
Le mouvement patriote dans Missisquoi Chambre, Louis-Joseph Papineau, qui doit
débute tard et dans la controverse. Les loyaux prendre part à un rassemblement dans Missis-
de Frelighsburg avaient en effet annoncé une quoi afin d’y débattre des sujets qui touchent
assemblée de comté pour le 9 février 1835 afin les gens du comté. La rencontre aura finale-
de se doter d’une association constitution- ment lieu à Saint-Hyacinthe où Papineau est
nelle. Réunis à l’hôtel Parker Cross, des réfor- retenu. En attendant, les réformistes orga-
mistes font alors une obstruction et l’assem- nisent quand même un vaste rassemblement
blée est bel et bien contremandée sans qu’il le 16 juillet qui débute à l’hôtel de Levi
nous soit possible de l’attribuer ou non à Stephen à Dunham Flat et se déplace bientôt
l’intervention des opposants. devant la chapelle de l’Église unie. De 800 à
Les patriotes ne sont pas les bienvenus dans 1000 personnes auraient assisté à l’événement,
le bastion loyal de Frelighsburg. Les assem- ce qui est considérable dans le contexte de
blées patriotes sont organisées essentiellement 1835. C’est qu’on est préoccupé à Dunham
dans l’axe allant de Dunham à Stanbridge et par les vastes étendues de terres concédées à la
correspondant aux hameaux de Dunham Flat, BALC et par l’éventualité que des agents zélés
Stanbridge Upper Mills et Stanbridge East. On stimulent une hausse des prix ou entrepren-
se réunit soit à l’hôtel de George Chandler à nent d’ennuyer ceux dont les titres de pro-
Stanbridge, soit à l’hôtel Stevens ou devant la priétés ne seraient pas conformes. Plus géné-
Union Free Church de Dunham (VIN 22-01- ralement, on dénonce le sous-développement
l ’ est r ie, entre loyalistes et am ér icains 351
des infrastructures, l’absence de bureaux d’en- townships. William Baker est d’ailleurs absent
registrement et on donne un appui évasif aux lors de la rencontre de Québec, preuve qu’il
92 Résolutions. On y forme notamment la s’était peut-être fait tirer l’oreille. En voilà un
Missiskoui Reform Association, sur le modèle qu’on ne reverra de toute façon plus aux côtés
des associations de réforme de Montréal et de des patriotes. Il joint plutôt l’exécutif de la
Québec. Le leader patriote de Dunham, MBCA en février 1837. Juge de paix depuis
Leonard Brown, est nommé président, 1831, Baker est autorisé en décembre 1837 à
secondé de Chauncey Clement, Sylvanus appliquer le serment d’allégeance et participe
Jenkins Ebenezer Martin, Frederick Moore, à la répression en 1837 (VIN 22-01-1836).
l’incontournable Elkanah Phelps, C. A. A contrario de Baker, le parcours politique
Seymour et, portant un prénom pas très d’Ephraïm Knight débute du côté loyal pour
loyaliste, George Wahington Stone. Osons à se poursuivre avec les patriotes. En avril 1834,
cet égard avancer que les références bibliques il est aux côtés des loyaux de Frelighsburgh,
des prénoms peuvent à l’époque traduire des membre du comité chargé de recueillir des
affiliations religieuses non conformistes, soit signatures pour une adresse. Quand il se porte
baptiste, soit méthodiste. L’assemblée se ter- candidat aux élections de l’automne, Knight a
mine par un banquet réunissant une centaine changé d’allégeance et milite maintenant en
de convives (MIN 27-07-1835). L’Association faveur des 92 Résolutions. La surprise sera de
de réforme se réunit ensuite à plusieurs taille pour les électeurs loyaux, ce qui lui attire
reprises jusqu’au 17 octobre, soit pour s’ad- notamment les foudres du Standard de Ferres.
joindre de nouveaux membres, soit tout À titre de député patriote, Knight participe en
bonnement pour fouetter l’ardeur des mili- janvier 1835 au dîner public de Stanstead aux
tants réformistes (VIN 09-10-1835, 13-10- côtés de Papineau, Viger, Perrault et O’Calla-
1835 ; MS 22-03-1836). ghan. Dans Missisquoi, Knight prend ensuite
Au début de 1836, les réformistes s’affairent part à l’assemblée de Dunham Flat le 16 juillet
à obtenir des signatures à une pétition des- 1835 où il prononce un vibrant discours. Alors
tinée au gouverneur. Le texte promouvoit que les transferts se font plutôt vers les rangs
l’électivité du Conseil législatif, dénonce loyaux, Ephraïm Knight demeure au contraire
l’administration coloniale et réclame des fidèle à la cause réformiste, même après les
améliorations aux services offerts aux colons
des townships. Le comité de rédaction est Ephraïm Knight (1786-1868) Né à Shrewsbury, Vermont.
Vers 1810, il habite Saint-Armand, puis Dunham où il épouse
formé de quatre députés : Marcus Child, Jacob Philinda Beeman en 1819. Il s’installe par la suite à Bedford
DeWitt, Ephraim Knight et William Baker. Si et pratique le commerce pendant un certain temps. Il pos-
les trois premiers forment la fine fleur du sède également des intérêts dans un moulin et un hôtel à
Pike River. Ephraïm Knight agit pendant plusieurs années à
mouvement patriote dans les townships et sont titre de bailli du district de Bedford et compte parmi les
de fervents adversaires du monopole octroyé membres de la Masonic Select Surveyor’s Lodge (plus tard
appelée la Prevost Lodge). En décembre 1837, un mandat
à la BALC, on peut s’interroger sur la présence d’arrestation est émis contre lui pour haute trahison. Il est
de William Baker, élu sous la bannière loyale. emprisonné à Montréal du 5 au 11 janvier 1838. En 1840,
Le comité rencontre finalement le gouverneur il crée avec son fils la Knight Homestead, une exploitation
agricole installée entre Bedford et Stanbridge East (Broad-
en grande pompe à Québec le 22 février 1836 hurst, 1991 : 306 ; Desjardins, 1902 : 149 ; Deschênes, 1993 :
et présente l’adresse des francs-tenanciers des 400).
352 pat r iotes et loyaux
ment commissaire aux petites causes et juges patriote et participe à toutes les assemblées du
de paix. Leader des réformistes de Dunham, il groupe de Dunham. Membre du comité de
préside pas moins de trois assemblées et vigilance à l’été de 1837, Il est également
soupers à l’hôtel Chandler de Stanbridge en représentant de Saint-Armand en vue de la
janvier 1836 et, à Dunham, le 16 juillet 1835 Convention générale (MIN 13-07-1837).
et le 4 janvier 1836 (MIN 27 JUIL 1835 ; MIN La grande assemblée du 4 juillet 1837 a
27-07-1835 ; VIN 22-01-1836). Il fut aussi beau se conclure par une procession et une
président-fondateur de l’association de fête, elle n’aura pas de suite dans Missisquoi
réforme et membre du comité de vigilance où déjà la désaffection ronge les rangs
(MIN 27-07-1835, 13-07-1837). À titre de patriotes. On reste perplexe à propos de cette
représentant du comté, il rencontre Louis- mobilisation tant elle demeure spontanée et
Joseph Papineau à Saint-Hyacinthe à l’été de atypique. Démarrée tard, l’organisation y est
1835 afin de le sensibiliser aux particularités couvée par l’exécutif de Montréal, en par-
d’un comté anglophone comme Missisquoi ticulier par Thomas Storrow Brown. Quoi-
(MIN 27-07-1835). Brown ne semble pas qu’intense, cet effort s’essouffle bientôt. Si
avoir pris ses distances avec les réformistes bien que fort peu de militants persévéreront
puisqu’il est fait prisonnier à l’automne de jusqu’à l’épisode armé. Après juillet, le mou-
1837 (examen volontaire le 15 février suivant). vement de contestation semble s’être évanoui
Dans le sillage de Brown, George Chandler dans Missisquoi, si bien qu’on y effectuera
participe aussi à l’association de réforme et au seulement quelques arrestations. Le seul évé-
comité de vigilance. Il est notamment nement de nature militaire qui s’y déroule est
tenancier de l’hôtel Chandler de Stanbridge l’initiative de patriotes étrangers au comté et
où se tiennent plusieurs rassemblements. provenant principalement de L’Acadie. Autant
Mentionnons aussi Aaron Martindale, écuyer dire qu’à la bataille de Moore’s Corner tous
et juge de paix à Stanbridge East, qui rédige les habitants de Missisquoi présents sont dans
les résolutions de plusieurs assemblées (MIN le camp loyal.
19-02-1835). Hiram J. Thomas complète le Au début de décembre 1837, les volontaires
groupe des principaux leaders réformistes, de Missisquoi sont sur un pied d’alerte, crai-
notamment à titre de secrétaire d’assemblée gnant un raid transfrontalier que menacent
(Stanbridge Upper Mills, 16 fév. 1835 ; Min, de mener les patriotes exilés aux États-Unis.
19 fév. 1835). Totalement inactif en 1837, Le 6, les capitaines O. J. Kemp, Henry Baker et
Thomas se réfugie néanmoins aux États-Unis 50 miliciens escortent un convoi d’armes pro-
à l’automne de 1837 et fonde à Swanton le venant de la garnison de l’île aux Noix qui
North American, auquel collabore Ludger leur est destiné. À l’approche de Philipsburg,
Duvernay, afin d’assurer la communication ils apprennent que des rebelles dirigés par
entre les exilés. Thomas est plus tard arrêté et Lucien Gagnon s’apprêtent à réaliser un raid
incarcéré à Montréal (MESSIER, 2002 : 458). par-delà la frontière. Kemp commande alors
Si l’axe Philipsburg à Frelighsburg est contrôlé la mobilisation et des renforts arrivent bientôt
par les loyaux, un réformiste de Saint- de Pigeon Hill, Frelighsburg, Stanbridge et
Armand, Charles A. Seymour, écuyer, joue Bedford. À 16 h 30, ils sont 300 près de l’église
enfin un rôle significatif dans la mobilisation méthodiste de Philipsburg et les armes
l ’ est r ie, entre loyalistes et am ér icains 355
arrivées à point nommé sont distribuées aux l’indiscipline de ses hommes recrutés au pied
volontaires présents (FORTIN, 1988 : 261-67 ; levé, mais Colborne n’en a cure : les compa-
SENIOR, 1997 : 154 ; LACOURSIÈRE, 1996 : gnies de volontaires ont fait le travail sans
366). même que les troupes régulières aient à inter-
Partis de Swanton au Vermont, Gagnon et venir. Déjà, le 7 décembre, confiant que les
80 hommes apprennent bientôt qu’ils sont patriotes ont été matés au sud de Montréal, le
attendus de pied ferme à Philipsburg. Ils général entame les préparatifs d’une vaste
décident donc de passer plutôt par la route de expédition contre les Deux-Montagnes
l’Est et de franchir la frontière à Highgate, sur (BERNARD, 1996 : 9-10 ; SENIOR, 1997 : 154,
le chemin de Saint-Armand, à environ 3 km à 179).
l’est de Philipsburg. Vers 20 heures, un éclai-
reur apprend aux volontaires le changement Stanstead
de tactique des rebelles. Un groupe de volon- Au sud-est de la province, plongé dans un
taires reste en poste à Philipsburg, mais le gros environnement américain, tout autour du lac
des troupes se précipite à Moore’s Corner et Memphrémagog, le comté de Stanstead est
se poste sur un promontoire, d’où ils bénéfi- colonisé dès le début du xixe siècle, alors que
cient à la fois de l’avantage du nombre et de la la Couronne britannique offre des terres à une
position. Sans crier gare, la fusillade débute poignée d’amis du pouvoir. Joseph Bouchette
vers 21 heures. L’échange se poursuit pendant souligne l’excellence des terres du comté et la
une quinzaine de minutes, jusqu’à ce que les qualité de son bois. Au début du siècle, le
rebelles retraitent, laissant derrière eux leurs comté produit déjà du blé de qualité supé-
armes et quelques blessés. Les hommes rieure à la moyenne provinciale. Le comté est
d’Oran J. Kemp se rendent alors chez Hiram bien desservi sur le plan hydrographique avec
Moore où ils trouvent Hubert Patenaude, les lacs Memphrémagog et Massawippi, ainsi
mort, et Robert-Shore-Milnes Bouchette, que les rivières Coaticook, Magog et Tomi-
blessé au talon. Le capitaine James Botham, fobia. Quant aux routes, elles sont tournées
des Missisquoi Borderers, et le juge de paix surtout vers les États voisins du Vermont et
Ralph Taylor procèdent alors à un interro- du New Hampshire, d’où l’influx continuel de
gatoire sommaire de Bouchette. Au moins ressortissants américains qui forment en 1837
cinq autres rebelles sont faits prisonniers. Ils l’essentiel de la population du comté. Les
sont conduits le lendemain au fort de l’île aux 10 306 habitants en 1831 sont répartis entre
Noix, avant d’être écroués à Montréal (ANQ les townships de Stanstead (4226), Barnston
P224 : 545 ; FOURNIER, 1978 : 57 ; FORTIN, (2221), Hatley (1600), Bolton (1170), Potton
1988 : 269-273 ; SENIOR, 1997 : 154 ; AUBIN, (1005) et Barford (84). Peuplé d’Américains,
2000 : 62). le comté est aussi nettement non conformiste
Dès l’annonce des événements, sir John sur le plan religieux. Si le comté ne compte
Colborne envoie un détachement de 600 sol- aucune paroisse catholique et qu’une seule
dats à Saint-Armand. Précaution inutile mission anglicane (HATLEY, 1818), il accueille
puisque les volontaires de Missisquoi ont déjà en revanche une mission de l’Église unie
repoussé l’attaque. Dans son rapport, Kemp (1827), une mission congrégationaliste (1837)
justifie la fusillade par l’impétuosité et et deux missions baptistes (1834 et 1837)
356 pat r iotes et loyaux
électoral des réformistes. En février 1836, il M’Connell et Taylor Wadleigh. Le texte est
rencontre le gouverneur Gosford et présente présenté à la Chambre d’assemblée le 1 er
une adresse au nom des habitants des town- décembre 1835 par le député Marcus Child
ships. Child est démis de sa fonction de maître (VIN 04-08-1835 ; 04-08-1835, 13-11-1835,
de poste et de juge de paix à compter de l’au- 29-11-1835).
tomne de 1837. Il choisit alors de se réfugier Une assemblée tenue le 20 février 1836
au Vermont afin d’échapper à l’arrestation chez un certain Scott, à Potton, en présence
(MG24 B129, 1 : 23 ; PETITION FROM L.C. : de résidents du Vermont semble avoir été per-
1-11 ; CAN 09-05-1834 ; FCSG 02-10-1834 ; turbée par la présence inopinée de loyaux. On
VIN 27-01-1835, 22-01-1836). réussit tout de même à créer un comité de
Alors que les loyaux, momentanément vigilance de 14 membres pour Potton (VIN
dépités par leur défaite électorale, jettent les 04-03-1836 ; BEAUGRAND-CHAMPAGNE,
bases de leur association constitutionnelle, les 1990 : 89).
réformistes célèbrent leur double victoire en Le mouvement patriote est pris de court
grande pompe par un banquet le 25 janvier à par le départ de John Grannis, personnage res-
l’hôtel Brooks de Stanstead. Sont alors attablés pecté, incarnant la modération, alors que
pas moins de 200 convives, dont plusieurs Child aurait représenté l’opportunisme et le
invités du Vermont et du New Hampshire. Les radicalisme. Quoi qu’il en soit, le 1er novembre
plus éminents patriotes n’ont pas voulu man- 1836, chez John Langmayd, de Massawippi
quer un tel rendez-vous. Fait unique dans (Hatley), on désigne Eli Selie en vue de l’élec-
l’histoire de la mobilisation patriote, on tion partielle. La défaite est cuisante en janvier
retrouve alors réunis, à plus de 300 kilomètres suivant, au point où Marcus Child songe
de Montréal, Louis-Joseph Papineau, Denis- même à démissionner. Dès lors, la mobilisa-
Benjamin Viger, Charles-Ovide Perrault, tion patriote dans Stanstead devient erratique.
Édouard Rodier et Edmund Bailey O’Calla- Après les résolutions Russell, en avril 1837, les
ghan. Organisé dans le but de réunir les réfor- patriotes de Potton se réunissent encore afin
mistes de toutes origines, l’événement marque d’établir un comité de vigilance et de voir au
l’apogée de l’influence démocratique et respect du boycottage et de correspondre avec
républicaine des yeomen d’origine américaine les autres comités de la province. Selon Allan
au sein du mouvement réformiste (VIN 27- Greer, bien qu’on observe un certain essouf-
01-1835 ; BEAUGRAND-CHAMPAGNE, flement de la mobilisation patriote dans Stan-
1990 : 65-66). stead en 1837, l’esprit de réforme et l’oppo-
Le 18 juillet suivant, une association de sition au gouvernement y demeurent quand
réforme est fondée à Hatley et les autres town- même vifs (GREER, 199 : 23 ; BEAUGRAND-
ships sont invités à s’y joindre. L’association CHAMPAGNE, 1990 : 104).
décide également d’envoyer une adresse au Au milieu d’une population anglo-
gouverneur afin de l’informer du profond protestante, où l’habitude de la lecture est plus
mécontentement des habitants à propos de la répandue que chez les catholiques, le nombre
gestion des terres la Couronne. Au comité de journaux publiés dans les townships est
de rédaction, on retrouve Abial Abbott Jr., proportionnellement bien plus important
George Damon, Stephen C. Lord, John qu’ailleurs au Bas-Canada. On retrouve à cette
l ’ est r ie, entre loyalistes et am ér icains 359
Sherbrooke et dans Missisquoi. Les principaux opposent le candidat Moses French Colby, un
foyers se trouvent à Potton et à Georgeville, médecin d’origine américaine établi à Stan-
où la BALC a des bureaux, par opposition aux stead. Colby remporte facilement l’élection,
réformistes, mieux établis à Stanstead et forçant Marcus Child à un dur examen de
Hatley. La mobilisation loyale dans Stanstead conscience et confirmant l’impression que les
commence ainsi sur les chapeaux de roues, pro-patriotes sont désormais en perte de
alors que des opposants aux 92 Résolutions vitesse dans Stanstead et que la poussée réfor-
s’interposent à une assemblée pro-patriote miste n’était que momentanée. À mesure
dans le township de Potton. L’obstruction d’ailleurs qu’on s’approche des rébellions, on
échoue et les loyaux en sont quitte pour leur semble de plus en plus associer crise politique
peine (MIN 22-05-1834). et conflit racial entre marchands anglais et
Les loyaux tiennent donc leur propre professionnels francophones. Dans un tel con-
assemblée dans leur bastion de Georgeville la texte, il était évident qu’on allait assister à un
semaine suivante. Deux cent cinquante per- revirement de l’opinion.
sonnes y assistent mais, encore là, la présence Parmi ceux qui changent de camp, on
d’une vingtaine de réformistes suffit à pertur- retrouve William Ritchie, notaire de George-
ber les travaux. On réussit quand même à ville, maître de poste et agent de colonisation.
prendre position contre les résolutions patrio- Ritchie participe d’abord à quelques activités
tes et à jeter les bases d’un mouvement loyal réfomistes en 1834, mais a tôt fait de se muer
(MHC 02-06-1834). en un ardent loyal, actif dans Stanstead mais
Après le désastre électoral de 1834, les surtout à Montréal où il se rend apparemment
loyaux engagent dès le début de 1835 le pro- pour affaires. Il assure vite un rôle important
cessus de la formation d’une association cons- de communication entre les loyaux de Mont-
titutionnelle. Les fondements sont posés à l’as- réal et ceux de la région de Memphrémagog.
semblée de Stanstead où l’on crée le Stanstead En janvier 1837, les familles conservatrices
County Committee. C’est cependant à Potton de Stanstead convainquent Ritchie de se por-
que vont se dérouler les assemblées suivantes. ter candidat à la succession de John Grannis.
Le 24 avril, on lance l’Association constitu- Le puissant éditeur du Missiskoui Standard,
tionnelle du township de Potton qui tisse im- James Moir Ferres, et les organisations
médiatement des liens avec celles de Montréal maçonniques donnent plutôt leur appui au
et de Québec (QM 24-01-1835 ; MGZ 05-05- docteur Colby, qu’on juge d’une plus pure
1835). ascendance loyale. Membre de la St. Andrews
L’association de Potton se réunit un an plus Society de Montréal, Richie participe ensuite
tard, le 8 janvier 1836, pour sa première à quelques banquets qui allaient mener à la
réunion annuelle. Elle offre un appui au gou-
vernement et désigne le représentant du town- Moses French Colby (1795-1863) Né à Thornton, New
Hampshire, de Samuel Colby et de Ruth French. En 1814, il
ship en vue du Select General Committee : entreprend l’étude de la médecine à Derby, Vermont, puis
Levi A. Coit (MS 26-01-1836 ; BEAUGRAND- au Yale College de New Haven, Connecticut, et enfin au
CHAMPAGNE, 1990 : 84). Dartmouth College de Hanover, New Hampshire. Reçu
médecin en 1821, il s’établit à Stanstead en 1832 où il est
En janvier 1837, les loyaux sont confiants aussi engagé dans la fabrication et la vente de médicaments.
de faire oublier leur déconvenue de 1834 et En 1826, il épouse Lemira Strong.
l ’ est r ie, entre loyalistes et am ér icains 361
même la possibilité de
confisquer les concessions
qui n’ont pas été mises en
valeur. Une première loi
votée à Londres en 1825
demeure inapplicable. On
envisage aussi de taxer les
plus grands propriétaires,
sans plus de résultats. Ils
ont finalement décidé de
retourner à la Couronne
les lots qui n’ont pas été
développés et de vendre
désormais les terres à de
véritables laboureurs, dis-
posés à s’installer dans la
région. En 1826, les terres
se paient en quatre verse-
ments annuels, sans inté-
rêt. Les plus pauvres
pourront acheter un lot
en payant une rente an-
nuelle de 5 % de la valeur
le début du siècle, le gouverneur Milnes y du lot à régime de quarante cents à quatre
accorde une soixantaine de concessions. Un piastres l’acre. Ce système pose d’inouïs
million et demi d’acres sont accordés de 1800 problèmes de gestion des terres, si bien que la
à 1807, la plupart à des favoris habitant Qué- vente à crédit est abolie en 1837. Entre-temps,
bec et peu enclins à développer leur domaine. près d’un million d’acres auront été vendus
On pense au receveur de la province, Henry ou octroyés à d’anciens soldats et miliciens.
Caldwell (38 000 acres), ou au receveur de la Enfin, en 1833, la British American Land
douane, Thomas Scott (22 000 acres). L’ab- Company (BALC) se porte acquéreur de
sence de routes et l’isolement absolu du comté 800 000 acres, dont une bonne part dans le
ont tôt fait de décourager les plus entrepre- comté de Sherbrooke.
nants. En 1815, le gouverneur Prescott a En mai 1834, on ouvre un bureau régional
encore concédé quelque 700 000 acres de plus, de la BALC à Lennoxville, dans la résidence de
la plupart libéralement offerts à des miliciens Brooks qui en devient premier secrétaire.
de la guerre de 1812. Le comté de Sherbrooke L’année suivante, le bureau est installé à
se retrouve ainsi concédé en entier alors que demeure à Sherbrooke. La plus grande part
pratiquement personne n’y vit. des investissements consentis par la compa-
Les gouverneurs qui se succèdent consta- gnie entre 1834 et 1837 ont d’ailleurs lieu
tent l’erreur de telles largesses. Ils entrevoient surtout dans le comté, profitant d’abord à la
l ’ est r ie, entre loyalistes et am ér icains 365
en particulier parce qu’elles donneraient un duit en fait que le volet rural du programme
trop grand pouvoir au seigneurs féodaux qui loyal.
tiennent leurs censitaires dans la sujétion. À Samuel Brooks est le véritable pivot autour
noter qu’on se nomme « Constitutional Refor- duquel tourne l’organisation loyale à compter
mers » dans cette association. Le 12 février, le de 1836. En plus d’être le premier député élu
comité exécutif se réunit pour adopter la dans Sherbrooke, Brooks est d’abord le plus
déclaration de la Constitutional CASDCS et puissant homme d’affaires du comté. Ses
rappeller la longue tradition loyaliste du nombreux liens d’affaires avec d’autres loyaux
comté (MGZ 06-02-1836 ; CHRISTIE, XL : comme Hollis Smith et C.F.H. Goodhue sont
15). également notoires. Hôtelier, puis marchand
Les deux associations constitutionnelles du et surtout secrétaire à Sherbrooke de la BALC,
comté de Sherbrooke s’unissent à l’occasion Brooks est donc engagé dans toutes les opé-
d’une pétition acheminée aux membres de la rations foncières de la région. À titre de prési-
commission Gosford le 15 mars 1836. Le dent fondateur de la CASDCS, il entend alli-
commanditaire de la pétition est marqué du gner les positions de l’association sur les
seul nom de Constitutional association of the intérêts de l’entreprise foncière. Brooks est
County of Sherbrooke suivi des mentions de aussi membre de tous les comités de rédaction
Southern et Northern Division. J. McKenzie et et instigateur de l’adresse loyale du 13 dé-
Thomas Tait, respectivement président et cembre 1837. Il est donc en mesure d’influen-
secrétaire de la SFBQA, sont associés à la cer les positions prises par les loyaux du comté
Northern Division. On demande à nouveau la (QM 26 déc., 1837 ; MGZ 6-02-1836).
subdivision du comté de Sherbrooke, l’établis- Hollis Smith est intimement associé aux
sement d’une cour de justice permanente, de entreprises de Brooks, notamment au sein de
bureaux d’enregistrement, la généralisation de la BALC et lors de la construction du chemin
la tenure en franc et commun soccage, la venue Gosford. Propriétaire de plusieurs magasins, il
du chemin de fer, etc. (MGZ 7-04-1836).
Samuel Brooks (1783-1849) Né à Haverhill, New
Dans l’ensemble, les loyaux de Sherbrooke Hampshire, de Samuel Brooks, marchand, et d’Anna Bedel,
reprennent les mots d’ordre qu’on retrouve fille du républicain Timothy Bedel et veuve du docteur
ailleurs. Trois préoccupations locales ressor- Thadeus Butler. Brooks pratique le commerce d’abord à
Newbury, au Vermont, et dans sa ville natale d’où il part au
tent toutefois : la défense de la BALC, injus- cours de l’hiver 1820-1821 pour venir au Bas-Canada. Il
tement critiquée par les patriotes selon les s’installe d’abord à Stanstead comme hôtelier, libraire et
douanier adjoint avant de s’établir – probablement au début
Sherbrookois, l’opposition au régime électoral de 1825 – comme marchand à Lennoxville. Il investit alors
qui donne apparemment trop de poids aux dans la propriété foncière et le prêt. En 1832, il s’associe
censitaires et la création d’une nouveau aux marchands Hollis Smith et A.W. Kendrick dans le com-
merce de la viande. Agent et secrétaire dans les townships
comté, entre Drummond et Sherbrooke, afin de la BALC de mars 1834 jusqu’en avril 1836. Il est président
d’assurer une meilleure représentation de la à compter d’octobre 1842 de la Stanstead and Sherbrooke
Mutual Fire Insurance Company, dont il avait été l’un des
population locale. Il faut cependant se garder promoteurs en 1835. Administrateur du Farmers’ and
de taxer de régionalistes de telles doléances. À Mechanic’s Journal, fondé en décembre 1838. Il obtint
Québec et Montréal, les loyaux ne sont-ils pas quelques postes de commissaire. Il est aussi juge de paix et
officier dans la milice. Élu député de Sherbrooke à une
autant préoccupés de commerce et d’infra- élection partielle le 21 novembre 1829, réélu en 1830, il
structures de transport ? Sherbrooke ne tra- démissionne le 18 juillet 1831.
l ’ est r ie, entre loyalistes et am ér icains 369
a ainsi l’occasion d’approvisionner les colons dant, il participe avec ses patrons Brooks et
installés par la compagnie. Bien qu’il soit Smith à quelques assemblées constitution-
d’origine américaine et de religion baptiste, nelles et notamment à l’offre de volontaires
Smith réussira quand même à infiltrer les cer- du 20 novembre (QM 28-11-1837). Médecin
cles de la bourgeoisie anglicane de She- et entrepreneur immobilier, Charles Frederick
rbrooke. Il va jusqu’à se joindre à l’association Henry Goodhue est présent dans l’organisa-
constitutionnelle où il est actif surtout à tion loyale de Sherbrooke depuis ses tout pre-
compter de 1836. Représentant d’Ascot au miers débuts, y assumant des responsabilités
comité de vigilance à compter de janvier, il croissantes à l’approche des troubles. Il est
préside l’assemblée de recrutement de volon- notamment organisateur et président des as-
taires du 20 novembre 1837. Il est aussi semblées du 20 novembre et du 13 décembre
l’auteur d’une adresse loyale destinée au 1837 à Sherbrooke. Loyal fervent, Joseph
gouverneur le 13 décembre 1837 (MGZ 6-02- Soper Walton est secrétaire à des assemblées
1836 ; QM 26-12-1837). de la CASDCS. Délégué de Sherbrooke au
Le jeune Alexander Tilloch Galt n’a que Select General Commitee de Montréal, il par-
dix-huit ans quand il s’embarque pour le ticipe aussi à des événements loyaux dans
Canada en mars 1835 et entre au service de la Stanstead et se porte volontaire le 30 no-
BALC à Sherbrooke à titre de commis aux vembre 1837. À titre d’imprimeur, Walton
écritures. C’est que son père est à Londres le contribue surtout à la cause loyale par la
principal actionnaire de la compagnie. Du fait Sherbrooke Gazette (MGZ 7-04-1836 ; QG 25-
du prestige de sa famille et de ses talents 05-1836, 15-12-1837).
d’organisateur, Galt joue vite un rôle central Ce n’est que le 20 novembre 1837 que se
dans le réseau loyal de Sherbrooke. Le jeune déroule une nouvelle manifestation loyale à
homme connaîtra bien sûr une grande car- Sherbrooke. Portant officiellement sur le
rière à l’époque de la Confédération. En atten- mode de répartition des terres, l’assemblée
vise en fait à former un corps de volontaires.
Des comités sont mis sur pied afin de rédiger
Hollis Smith (1800-1863) Né à Plainfield, New Hampshire,
de Levi Smith et de Sally Wright. Il passe ses premières des offres de service et procéder au recrute-
années dans le township de Hatley, au sud de Sherbrooke. ment. Une nouvelle séance d’enrôlement a
Fermier apparemment prospère, il s’occupe de sociétés
agricoles puis s’installe à Compton. En 1831, Smith habite
lieu le 18 décembre à Compton. Trois com-
une ferme près de Lennoxville d’où il dirige une chaîne de pagnies sont organisées dans Sherbrooke et
magasins établis à Compton, Lennoxville et Eaton, associé à placées sous le commandement du colonel
Samuel Brooks de Lennoxville et à Alder W. Kendrick de
Compton. À titre d’agent de la BALC, Brooks recrute Hollis
Smith en 1835 en vue de la construction d’un tronçon de Charles Frederick Henry Goodhue Né à Putney, Vermont,
24 milles du « chemin du Roy », au nord de Sherbrooke et de Josiah Goodhue, éminent médecin, et de Rachel Burr.
traversant le township de Stoke. Devenu entrepreneur et spéculateur à Orford, il loue les
terres du riche propriétaire William Bowman Felton (QM 28
nov 1837).
Sir Alexander T. Galt (1817-1893) Né à Chelsea (Londres),
de John Galt et d’Elizabeth Tilloch. Après un premier séjour
en 1828, il s’établit à Sherbrooke où il mène de front plu- Joseph Soper Walton (1802-1875) Né au Vermont où il
sieurs affaires dans le domaine foncier, industriel, bancaire est apprenti à l’imprimerie de son oncle à l’âge de 14 ans.
et surtout ferroviaire. Il ne commence sa brillante carrière Il aurait par la suite toujours exercé le métier d’imprimeur. Il
politique qu’en 1849 au côté des conservateurs. dirigera plus tard la Sherbrooke Gazette.
370 pat r iotes et loyaux
Frederick G. Heriot : les Sherbrooke Dra- townships de Tingwick et de Chester, les routes
goons, les Sherbrooke Rifles et les Queen’s sont à peu près inexistantes dans le comté, de
Mounted Rangers. Financés par des mar- sorte que l’accès aux marchés extérieurs est
chands de Sherbrooke, ces corps eurent peu difficile, que les habitants y sont isolés et
d’influence si ce n’est peut-être d’avoir inti- doivent compter surtout sur une agriculture
midé les réformistes de Stanstead (MGZ 15- de subsistance. Le nouvel arrivant peut acqué-
02-1838, 15-17-11-1838 ; SG 28-12-1837 ; QM rir une concession de la Couronne, acheter
28-11-1837). une terre d’un particulier ou d’une compagnie
Une assemblée publique a encore lieu à foncière telle la British American Land Com-
Lennoxville le 13 décembre 1837, en fait une pany depuis décembre 1833. En s’appropriant
assemblée de la CASDCS. Elle donne mission l’ensemble des terres de la Couronne, la BALC
à un comité de rédiger une adresse To the suscite une certaine pression spéculative, prive
inhabitant of the United States of America, de l’habitant d’une terre à bas prix et, à terme,
l’imprimer et de la distribuer aux États-Unis. retarde le peuplement du comté. Un tel état
Le texte vise à convaincre les Américains que de fait suscite le mécontentement de la petite
la plupart des Bas-Canadiens sont heureux population résidente et se retrouve au cœur
dans la constitution actuelle et que la présente des préoccupations politiques dans Drum-
rébellion n’est le fait que d’un petit nombre : mond (BROOKS, 1985 : 55 ; KESTEMAN,
2000 : 117, 127).
We are fully aware that you have been told, On peut estimer à environ 5000 habitants
that the present struggle is similar to your own la population de Drummond en 1837, dont
in the war of Revolution. If this be true, what les deux tiers sont des catholiques irlandais
opinion can you now form of Papineau and plutôt pauvres, débarqués entre 1815 et 1840.
his associates [...] was it thus with your
L’autre tiers est composé d’anglicans et de
Washington, jour Hancock, your Adams, your
Warren, and a thousand other worthies in the
presbytériens d’origine écossaise et d’Amé-
day of trial ? [...] We cannot therefore believe ricains arrivés tardivement. Les Canadiens
for a moment, that you will enter the lists with français sont à peu près absents avant 1840.
them against your own kindred (QM 26-12- Le recensement du township de Grantham de
1837). 1831 nous révèle cependant la présence de
quelques familles canadiennes-françaises ori-
Drummond ginaires de Nicolet (KESTEMAN, 1998 : 114-
Le comté de Drummond est situé derrière la 115 ; STATISTIQUE CANADA, 1831-1844).
zone seigneuriale et coincé entre Mégantic, Drummond n’envoie initialement qu’un
Sherbrooke et Shefford, traversé par les député à l’Assemblée, puis deux à compter de
rivières Bécancour, Nicolet, Bulstrode et Saint- 1836. Militaire à la carrière prestigieuse, pion-
François. Il est entièrement découpé en dix- nier de la région et important propriétaire
sept townships en apparence faciles d’accès, foncier, Frederick Heriot est tout naturelle-
mais dont le développement est très lent du ment désigné pour représenter la population
fait de la faiblesse des voies de transport et de anglophone du comté. Réélu sans opposition
la pauvreté du sol (DEMERS, 1969 : 29). Mis en 1830, Heriot s’intéresse en particulier au
à part le chemin Craig qui passe au sud des développement des voies de transport. Il
l ’ est r ie, entre loyalistes et am ér icains 371
démissionne cependant en 1833 et est rem- ordonne la levée d’une centaine d’hommes au
placé par le jeune Edward Toomy. Appelé au sein du Royal Townships Volonteers qu’il
Conseil spécial en avril 1840, Heriot ne prend place sous le commandement du lieutenant et
part qu’à une seule session. En décembre 1837, député de Sherbrooke, John N. Moore
on confie au major Heriot l’organisation (GRAVEL : 14 ; DBC, VII : 430 ; MARTEL : 30).
militaire de toute la région et le recrutement Le capitaine Alexander Kilborn recueille quant
de volontaires le long du Saint-François. Il à lui tous les faits et gestes des leaders
réformistes de Stanstead et en tient informé le
Frederick George Heriot (1786-1843) Originaire de l’île de
quartier général de Drummondville d’où
Jersey, il est Écossais par son père Roger Heriot, chirurgien Heriot transmet des dépêches au général en
dans l’armée anglaise, et Irlandais par sa mère Anne Suzanne chef des armées britanniques. Le 2 janvier
Nugent. Dans l’armée dès quinze ans à titre d’enseigne dans
le 49th Foot. Promu capitaine en 1811, puis major intérimaire 1838, Heriot intercepte notamment une lettre
en 1813 et enfin lieutenant-colonel de milice alors qu’il n’a faisant mention d’un projet d’invasion à
que 28 ans (DBC, vol VII : 429-430). Après la guerre, il
participe à l’installation de vétérans dans la vallée du Saint-
Potton (Stanstead) (APQ : 3786-183789 ;
François. Il obtient ainsi une concession initiale de 1200 3798).
acres dans les townships de Grantham et de Wickham, qu’il
accroît par la suite, et fonde Drummondville en 1815. Selon Henry Menut (1784-après 1856) Né à Québec d’Alexandre
les enquêteurs désignés par lord Durham, il possède en 1838 Menut, aubergiste natif de France, et de Marie de Land
pas moins de 12 000 acres. Il cumule de nombreuses com- (Deland). En 1818, il épouse Mabel Root dans une église
missions : juge de paix, visiteur des écoles, commissaire en anglicane. Il est propriétaire d’un lot de 99 acres dans le
charge de la construction des routes (DBC, VII : 431). 6e rang de Grantham.
372 pat r iotes et loyaux
Des successeurs de Heriot, Edward Toomy efforts du candidat tory défait par Toomy :
est élu en mars 1833 et Henry Menut en 1836. William King McCord, d’ailleurs membre de
Alors que Menut se range sans surprise du l’Association constitutionnelle de Québec et,
côté des loyaux, Edward Toomy appuie géné- plus tard, de l’appareil de répression dans
ralement le Parti patriote et vote en faveur des Deux-Montagnes. Comme ailleurs, la décep-
92 Résolutions. Cela ne semble pas avoir tion électorale à l’échelle provinciale mène le
mécontenté outre mesure ses électeurs puis- 31 janvier 1835 à la formation d’une associa-
qu’ils le réélisent en 1834 (DESCHÊNES, tion constitutionnelle. On crée en même temps
1993 : 522). Ce fait ne manque pas de sur- un comité de correspondance de sept mem-
prendre dans un comté essentiellement bres : George Alexander, William Borill, James
britannique où aucune manifestation pro- Bothwell, John Bothwell, Andrew Ferguson,
patriote n’est enregistrée. On ne s’étonnera Joseph Findly et William Mountain, un vétéran
donc pas que le député réformiste ait tenté de du 27e Régiment d’infanterie établi par Heriot
passer inaperçu jusqu’en 1838. La corres- (MH 17-11-1834 ; MGZ 05-03-1835).
pondance du curé missionnaire catholique Nous ne savons pas si cette association pré-
MacMahon laisse néanmoins entendre que tendait représenter tout le comté de Drum-
certains catholiques du comté aient pu être mond ou seulement Durham. Pourtant,
sympathiques à la cause patriote. Apeuré par lorsqu’on écrit « that this Association will
les progrès des réformistes, le curé prêche sans cheerfuly admit any inhabitants at the adjoin-
cesse l’obéissance à l’autorité établie. À ing Townships who may wish to become
Tingwick et à Kingsey, il prononce des dis- members », tout nous porte à croire qu’elle n’a
cours alarmistes au début de 1838 et écrit pas pour ambition de représenter tout le
« que les gens de cette localité paraissent comté. Comme pour renforcer cette présomp-
déloyaux » (MARTEL, 1964 : 5). tion, une semaine plus tard, le 6 février, dans
Les centres de la mobilisation loyale sont le township voisin de Kingsey, est formée une
essentiellement les townships de Kingsey et autre Branch Constitutional Association. Les
surtout de Durham. Une première assemblée deux associations semblent assez liées l’une à
à Durham en avril 1834 a lieu en réaction aux l’autre (QM 24-02-1835). De fait, dès l’assem-
92 Résolutions patriotes. Aucune dénoncia- blée du 31 janvier, puis de nouveau le 23 dé-
tion n’apparaît pourtant clairement dans les cembre 1835, on parle désormais de la
six résolutions adoptées, même si leur ton Kingsey and Durham Constitutional Associa-
loyal ne fait aucun doute. On décide ensuite tion. La réunion de décembre se tient dans le
l’envoi d’une adresse au gouverneur pour l’in- township de Durham chez William Mountain.
former des loyaux sentiments qui animent le En six résolutions, on réaffirme sa loyauté et
comté (AMI 17-04-1834). sa solidarité avec l’association constitution-
Le 25 décembre suivant, une assemblée des nelle de Québec. On nomme aussi Henry
électeurs du township de Durham félicite les Evans de Kingsey en vue du Select General
Committee, « to attend any general conference
which may be held by the Constitutional
Edward Toomy (vers 1809-1859) Marchand établi à
Drummondville. Avait épousé Catherine Clarke. En 1851, il Association, as our delegate » (GMZ 05-03-
possède le lot no 4 du cinquième rang de Grantham. 1835 ; GQ 30-01-1836). Une dernière assem-
l ’ est r ie, entre loyalistes et am ér icains 373
blée a lieu durant les troubles, le 30 décembre rivières gelées. Le comté est encore largement
1837, cette fois dans le township de Tingwick. couvert de marécages et de forêts, mais
Elle adopte cinq résolutions dénonçant les certaines terres s’avèrent déjà propices à la
actes de rébellion (QG 10-01-1838). Dans culture du chanvre et du lin. L’ouverture du
l’ensemble, bien qu’elle soit essentiellement chemin Craig en 1811, de Québec à Ireland, et
mobilisée du côté loyal, la population de du chemin Gosford en 1835, jusqu’à Sher-
Drummond paraît modérée, n’offrant guère brooke, permet un premier peuplement de la
qu’un appui discret au gouvernement. L’agita- région. En 1837 la population compte moins
tion patriote apparaît bien lointaine, stimu- de 4000 habitants, pour l’essentiel venus direc-
lant d’autant moins la naissance d’un mouve- tement des îles britanniques. De 1815 à 1840,
ment loyal. la région reçoit notamment plusieurs Irlandais
protestants qui choisissent de quitter l’île
Mégantic plutôt que d’y subir l’empire de la population
Bien qu’il soit fort étendu et découpé en pas catholique. Il viennent pour la plupart du
moins de seize townships, le comté de Mégan- nord de l’Irlande et s’avèrent, dès avant leur
tic est peu développé et n’est peuplé en 1837 arrivée, de fervents loyaux. On compte aussi
que dans les townships de Leeds, Ireland et un petit groupe de fermiers écossais expulsés
Inverness. Il est jalonné de lacs et de rivières, de l’île d’Arran en Écosse en 1828, et particu-
notamment la Thames (Bécancour), cepen- lièrement actifs au niveau politique. Les Cana-
dant peu propices à la navigation, de sorte que diens français n’y sont guère présents avant
les nouveaux arrivants préfèrent en général 1850 et les catholiques ne peuvent compter
emménager en hiver, en empruntant les sur un prêtre résidant qu’à compter de 1855
(BARRY, 2003 : 39 ; RUDIN, 1986 : 66 ;
KESTEMAN, 1998 : 116).
Leeds est le hameau le plus important.
Construite en 1831, l’église anglicane St. James
y forme un pôle autour duquel se greffent
bientôt la Leeds Wesleyan Methodist Church,
puis des temples baptiste et presbytérien. En
1838, c’est à Leeds qu’on choisit d’ériger le
premier bureau d’enregistrement et la pre-
mière cour judiciaire du comté. On y retrouve
aussi quelques forges et au moins deux mou-
lins à scie : ceux de Goff en 1826 et de Wilson
en 1834 (DEMERS, 1969 : 19 ; BOUCHETTE,
1978 : 587-597).
Créé en 1832, Mégantic n’envoie qu’un seul
député à la Chambre d’assemblée. Son
premier représentant élu, Anthony Anderson,
est un tory qui prend clairement position
contre les 92 Résolutions. Étant donné une
374 pat r iotes et loyaux
Incidemment, Lambie participe à l’assemblée gouverneur de mettre sur pied quelques com-
de Leeds du 25 mars 1836 et organise celle pagnies de volontaires. Durant la semaine du 3
d’Upper Ireland le 4 décembre 1837 (BARRY, au 6 décembre, Clapham convoque coup sur
2003 : 43). Des membres des familles pion- coup quatre assemblées loyales. Une première a
nières d’Inverness , William et Arnold Aldrich, lieu le 3 à Hamilton, où au moins vingt per-
George Davidson, William Marshall et Hugh sonnes s’enrôlent spontanément. Une seconde
Hogg, sont tous de proches voisins dans les 2e a lieu le lendemain à Upper Ireland « for the
et 3e rangs et participent ensemble aux assem- purpose of forming a Volunteer Corps, to assist
blées loyales. Hugh Hogg se porte en plus the Garrison of Quebec ». Le lendemain encore,
volontaire le 9 décembre 1837. Michael Clapham est à Leeds pour haranguer l’assem-
Keough s’installe à Lower Ireland en 1833 où blée qui convient « de se mettre à la disposition
sa famille gère un des premiers moulins. Il de Son Excellence si celle-ci décide de
participe à l’assemblée du 25 mars 1836 et, l’organiser en corps volontaire ». Le lendemain
avec son fils William, se porte volontaire lors — on est alors le 6 — c’est au tour des habi-
de l’appel du 9 décembre (QM 16-12-1837 ; tants de Lower Inverness de considérer la mise
BARRY, 2003 : 37). sur pied d’un corps de volontaires (QG 15-12-
La prochaine étape dans le comté de Mégan- 1837 ; MC 25-12-1837 ; QM 16-12-1837).
tic sera d’ailleurs militaire. Au début de Malgré les efforts déployés, la récolte est
décembre 1837, John Graves Clapham arrive cependant mince : le samedi 9 décembre
avec, apparemment, le mandat confié par le parvient au gouverneur Gosford une offre de
43 volontaires provenant de Lower Ireland.
Arnold Aldrich Né en 1785 à Scituate, Rhode Island, de
Moses et Abigail Aldrich. Il se marie au Vermont et est
Manifestement, les habitants de Mégantic ne
protestant. Avec toute sa famille, il s’installe en 1816 dans semblent pas partager les alarmes de leur
le 3e rang de Lower Ireland, dans le township d’Inverness. député et ne jugent pas urgent de courir à la
poursuite « that about tree individuals traitors
George Davidson Né en 1781 dans le comté de Tyrone, to their birth and origin ».
Irlande. Protestant, il s’installe en 1827 dans le 3 e rang
d’inverness. Dans sa réponse datée du 13 décembre, le
gouverneur, par la voie de son secrétaire civil,
William Marshall Né vers 1800 dans le comté de Leitrim, félicite chaudement les habitants du comté
Irlande. Protestant, en 1831 il est établi avec ses parents au pour leur loyauté, mais juge inopportun d’y
2e rang du township d’Inverness.
former des compagnies de volontaires pour
l’instant. Une réponse semblable est adressée
Hugh Hogg (c1774-1867) Né à Banbridge, comté de Down
en Irlande. Il vient au Canada une première fois en 1807 avec le 28 décembre aux 47 volontaires du township
le 4e Royal Veteran’s Battalion. Il sert aussi en France et dans de Broughton qui, le 12 décembre, avaient
les Indes occidentales. Au Canada, il est en garnison aux
postes de l’île Verte et du portage du Temiscouata (1814-
tardivement offert leurs services (QM 11-O1-
1824). En 1824, il obtient une concession dans le 3e rang du 1838 ; ANC MC24B37, 2 : 682-3). Clapham ne
township d’Inverness. En 1814, il épouse, à Québec, Louisa l’entend pas ainsi et, dès janvier 1838,
Giffard.
demande un remboursement pour les frais
qu’il a encourus lors de sa croisade dans
Michael Keough Né en 1806 à Cheshire, Angleterre, de
James Keough et de Dame Scott Telford Redfern. Sa famille Mégantic. On l’informe le 26 janvier que le
est établie dans les 11e et 12e rangs d’Ireland. Protestant. gouvernement ne s’était nullement engagé à
l ’ est r ie, entre loyalistes et am ér icains 377
assumer de tels coûts. L’affaire traîne en mées de foyers de peuplement britannique tels
longueur tandis que Clapham adresse plu- Leeds, Broughton et Frampton. Selon le recen-
sieurs lettres consécutives au bureau du gou- sement de 1831, la population s’élève à 12 527
verneur. En mai, une enquête indépendante personnes dont une majorité de catholiques.
confirme l’avis émis en janvier. Le dévoue- Le peuplement du comté se fait le long de la
ment de Clapham ne semble pas entamé rivière Chaudière. La Beauce est unie aux rives
puisqu’il est nommé lieutenant d’une com- du Saint-Laurent par la route justinienne et, à
pagnie de volontaires à Québec le 28 novem- partir de 1830, le chemin Kennebec, entre
bre suivant (ANQ P224 : 3852, 3854, 5859, Québec et l’État du Maine. Le réseau routier
3860, 3863, 3864, 3866, 3868, 3871). est bien développé jusqu’à Saint-Joseph,
lamentable par la suite. La région est riche en
Beauce terre agricole et en bois de construction. On y
Beauce est créé en 1829 à même le vaste comté retrouve plusieurs moulins à farine, à scie et à
de Dorchester, entre Bellechasse et Mégantic. carder, notamment dans la seigneurie de
Grâce à la rivière Chaudière qui arrose tout le Vaudreuil (BOUCHETTE, 1978 : 517-522).
comté, du sud au nord, la région est peuplée L’archaïsme des institutions seigneuriales et
et découpée en seigneuries dès le xviiie siècle : le manque de disponibilité des terres semblent
Jolliet, Saint-Étienne, Sainte-Marie, Saint- les principaux enjeux dans la Beauce. S’ap-
Joseph, Vaudreuil, Delisle et Aubert-Gallion. puyant sur la coutume de Paris, les seigneurs
De sorte qu’en 1837 la Beauce apparaît y réintroduisent certaines pratiques oubliées
comme une sorte d’enclave franco-catholique depuis longtemps afin d’accroître leur revenu.
entourée de vastes étendues sauvages, parse- Les censitaires se plaignent des redevances
élevées et du refus des seigneurs de concéder
des terres. De 1820 à 1850, une commission
est mise sur pied pour d’évaluer les droits sei-
gneuriaux et entendre les récriminations des
censitaires. En Beauce, cela engendre un con-
flit à propos de l’abolition de certains privi-
lèges seigneuriaux. À mesure que les pressions
s’accentuent afin d’assouplir la tenure, les
seigneurs réagissent en restreignant l’accès à
de nouvelles terres destinées plutôt à l’exploi-
tation forestière. Au début du siècle, une forte
poussée démographique interne et un apport
constant d’immigrants anglais entraînent
pourtant des pressions afin qu’on ouvre de
nouvelles terres. En 1837, les tensions sont
donc plutôt vives entre les paysans et le clan
seigneurial, notamment avec la puissante
famille Taschereau, propriétaire des seigneu-
ries de Jolliet, Sainte-Marie et Saint-Joseph, et
378 pat r iotes et loyaux
qui contrôle le jeu politique dans le comté. de Québec les trois quarts des électeurs sont
Les terres découpées en townships sont quant d’avis que les membres de la Législature doi-
à elles concédées plutôt à des soldats, des mili- vent reprendre leurs fonctions, doivent
ciens ou des fonctionnaires ayant rendu divers procéder aux affaires. »
services au gouvernement. Une fois la terre
octroyée, les propriétaires dédaignent à les La mobilisation loyale
concéder à des yeomens, soit par négligence, L’animation loyale s’organise pour l’essentiel
soit encore là afin de les consacrer à l’exploi- dans le township de Frampton, où sont
tation forestière. La Beauce connaît enfin une implantés des Irlandais catholiques et protes-
succession de disettes et de mauvaises récoltes. tants. Contrairement à ce qui se produit ail-
Le blé est particulièrement affecté par les leurs, on n’enregistre aucune activité loyale au
insectes et les conditions climatiques défavo- printemps de 1834 en réaction aux résolutions
rables. En 1815, 1816, 1829, 1834 et 1837, de patriotes. La première assemblée a en fait lieu
mauvaises récoltes mènent la population de la le 22 janvier 1835 sous la présidence de
Beauce aux portes de la misère (BÉLANGER, Charles Julvan. Elle vise à former la Frampton
1990 : 56-62). Branch Constitutional Association, affiliée à
Au moment du dépôt des 92 Résolutions, l’association de Québec. Un comité exécutif
Antoine-Charles et Pierre-Elzéar Taschereau de 20 membres est immédiatement mis sur
représentent le comté à l’Assemblée législative. pied pour correspondre avec la QCA et réali-
En novembre 1835, Joseph-André Taschereau ser un recensement du comté en vue d’y
remplace Antoine-Charles, qui se retire de la dénombrer les habitants d’origine britan-
vie politique. Ils sont tous trois parents et nique et éventuellement de les regrouper dans
propriétaires de nombreuses seigneuries. un comté majoritairement anglophone en
Taschereau, à l’image de son comté, n’est mesure d’élire un député de leur commu-
certainement pas un radical. Quand il est nauté. Les procès-verbaux laissent d’ailleurs
invité en août 1837 à joindre son comté au largement entendre que ces organisations sont
mouvement de démission des magistrats, il réservées aux sujets d’origines anglaise, écos-
répond plutôt : « Je ne connais pas l’opinion saise et irlandaise. De fait, une résolution
du district de Montréal, mais dans le district encourage les anglophones du township voisin
de Stanton (Bellechasse) à joindre les rangs de
la Frampton Branch (QM, 05-02-1835). Cinq
Pierre-Ezéar Taschereau (1805-1845) Né à Québec, de
Thomas-Pierre-Joseph Taschereau, homme d’affaires et
jours plus tard, en plein domaine seigneurial,
seigneur, et de Françoise Boucher de la Bruère de des habitants de Sainte-Marie se rassemblent
Montarville. Avocat à Québec, puis propriétaire de la sous la présidence de J.-N. Martin et créent
seigneurie Sainte-Marie. Admis au barreau le 15 février
1828, il exerce sa profession à Québec avec son frère Joseph- une autre Branch Association to co-operate
André Taschereau pendant moins d’un an, puis s’établit dans with the Constitutional Association of Que-
la seigneurie de Sainte-Marie. En 1834, il épouse Catherine-
Hénédine Dionne, fille du seigneur Amable Dionne. Tas-
bec. Là encore, il est entendu que l’assemblée
chereau est élu député de Beauce en 1830. Il est associé au ne s’adresse qu’aux « inhabitants of Ste-Marie
Parti patriote mais se distingue par son conservatisme. Il of British origin » (MGZ 21-02-1835). Finale-
vote quand même pour les 92 Résolutions et est réélu en
1834. Élu dans Dorchester en 1844, il adhère au groupe de ment, le 6 mai 1836, une pétition parvient aux
Viger. Royal Commissioners signée par 125 citoyens
l ’ est r ie, entre loyalistes et am ér icains 379
rurale ne peuvent à aucun égard y expliquer institutions politiques, s’avère en soi insuffi-
la faiblesse du mouvement patriote. Ces sant pour susciter la mobilisation du côté
comtés possèdent certains bourgs importants patriote, à moins qu’il ne soit relayé par des
comme Nicolet et Berthier, ils sont tous rivés contentieux locaux, idéalement de nature
au fleuve Saint-Laurent, la meilleure voie de ethnique.
communication à l’époque, et ne sont certai- Plus au sud, autour de Montréal, on a
nement pas plus isolés que des comtés comme d’ailleurs droit à un spectacle complètement
Deux-Montagnes ou Stanstead, aux confins différent. Ces comtés forment un arc de cercle
du district de Montréal. Les enjeux de nature en périphérie du district de Montréal : Terre-
pan-nationale y sont d’ailleurs aussi efficace- bonne, Deux-Montagnes, Vaudreuil, Beauhar-
ment relayés par des leaders comme Augustin- nois, Laprairie, L’Acadie, Rouville, Missisquoi
Norbert Morin (Bellechasse) ou Édouard et Stanstead. Tous sont politiquement très actifs
Rodier (L’Assomption). Malgré tout, cela entre 1834 et 1838, autant du côté patriote que
s’avère insuffisant pour y susciter la naissance du côté loyal, et comptent incidemment tous
d’un mouvement patriote qui irait un tant soit une population anglophone plus ou moins
peu plus loin que de signer des pétitions au importante. Tous reliés à Montréal, ils en sont
printemps de 1834 et de tenir une poignée cependant suffisamment éloignés pour avoir
d’assemblées anticoercitives à l’été de 1837. développé une identité régionale forte, un lea-
Seul le fait qu’on soit en face de populations à dership vigoureux et des formes originales
plus de 95 % franco-catholiques peut ironi- d’organisation. Les leaders patriotes y sont peu
quement y expliquer la faiblesse du mou- sensibles aux injonctions lancées par l’exécutif
vement patriote. En d’autres mots, l’absence à de Montréal et ne créent pas toujours leurs
l’échelle locale de communautés anglophones, organisations selon les formes prescrites.
généralement à l’origine d’un mouvement Guillaume Prévost (Terrebonne), Jean-Baptiste
loyal, désamorce l’une des principales sources Dumouchel, Jean-Olivier Chénier (Deux-
de conflits à l’échelle locale. Comme pour s’en Montagnes), Joseph-Narcisse Cardinal (Laprai-
convaincre, les comtés de cette zone qui s’en rie), Lucien Gagnon ou le docteur Côté (L’Aca-
tirent mieux du côté patriote sont ceux qui die) sont bien de fervents patriotes, mais sont
comptent au moins un township peuplé d’an- dévoués d’abord à leur région et par consé-
glophones : Frampton dans la Beauce, Rawdon quent difficile à contrôler depuis Montréal. Si
dans L’Assomption ou Aston près de Nicolet. leurs députés s’avisent d’être des leaders natio-
Malgré une sociographie complètement naux préférant résider à Montréal, alors l’orga-
différente de celle de la région environnante, nisation de leur comté apprend à se passer
la ville de Québec répond aussi aux caractéris- d’eux et on ne les voit guère lors des mani-
tiques de cette zone. Le mouvement patriote festations locales. Pensons à Louis-Hippolyte
de Québec, modeste et peu organisé, est à La Fontaine, totalement absent dans Terre-
l’image des comtés avoisinants qui, comme bonne, à Charles-Ovide Perrault dans Vau-
elle, éprouvent peu d’intérêt pour les enjeux dreuil, à Jacob deWitt dans Beauharnois ou à
mis de l’avant par l’exécutif de Montréal. On Pierre-Martial Bardy dans Rouville.
constate donc ici que le débat national, por- Parmi ces enjeux locaux si chaudement
tant principalement sur la réforme des débattus autour de Montréal, la dualité ethno-
384 pat r iotes et loyaux
montréalais tels les Viger dans Chambly, Hyacinthe. Le discours libéral et démocratique
Cherrier et Nelson dans Richelieu et à com- des grandes revendications patriotes y est
mencer par Papineau lui-même qui, de diffusé avec une telle force qu’il suffit appa-
Montréal à Saint-Hyacinthe, sait qu’il peut remment à soutenir l’engouement des élites
compter sur une chaîne ininterrompue d’amis locales. Après les rébellions, c’est d’ailleurs
sûrs. À preuve, lors de l’émission des mandats dans cette région seule que le rameau du libé-
d’arrêt en novembre 1837, c’est par là que les ralisme et du nationalisme des Rouges et des
chefs patriotes pensent immédiatement trou- papineauistes demeurera vivace jusqu’à l’orée
ver refuge et organiser la résistance. Papineau, de la Confédération.
au début de sa fuite, les traverse presque tour Une fois pris en compte l’importance des
à tour, convaincu d’y trouver des appuis enjeux régionaux et l’effet de la composition
fidèles. ethnolinguistique sur la mobilisation poli-
L’axe Montréal–Saint-Hyacinthe est donc tique, on est en droit de se demander quelle
moins sensible aux antagonismes ethniques place cette dimension a pu occuper dans le
que les autres régions du Bas-Canada. Ce trait déclenchement de ces rébellions, un événe-
découle des liens privilégiés que les leaders et ment qui semble avoir surpris tout le monde
la population locale ont tissés avec Montréal et dont personne à l’époque ne se considère
où est essentiellement véhiculé un discours de responsable. Déjà au lendemain des troubles,
portée nationale sur la conquête de droits d’ex-patriotes et d’ex-loyaux se rejettent
démocratiques, la refonte des institutions mutuellement la responsabilité d’avoir plongé
politiques et scrupuleusement exempt d’allu- la province dans le chaos et la répression.
sion à l’origine ethnique. Plus qu’ailleurs l’or- Certains, dont Louis-Joseph Papineau, parlent
ganisation et les leaders patriotes de ces com- d’un « complot » destiné à faire sombrer le
tés nous auront de fait semblé incarner mouvement patriote dans l’illégalité afin de
l’orthodoxie patriote, dénuée de tout atavisme commodément pouvoir arrêter ses chefs et
régional. Les résolutions de Saint-Ours, Saint- réprimer les foyers de résistance. D’autres
Charles ou de Saint-Marc présentent autant parlent plus simplement d’un dérapage où des
de rectitude que celles du faubourg Saint- éléments incontrôlables, à force d’actes de
Laurent. On s’y trouve en somme partie pre- provocation isolés, auraient précipité la pro-
nante de la gestation des idées patriotes qu’on vince dans la rébellion. Si cette interprétation
s’est tout entières appropriées au point de les nous séduit spontanément puisqu’elle semble
faire siennes. corroborée par les faits, elle repose a priori sur
Le noyau idéologique et organisationnel du des facteurs impondérables. Si, en revanche,
mouvement patriote nous apparaît donc tenir on analyse plus attentivement l’organisation
autant de cette région que de Montréal. L’un de l’un et l’autre camp et qu’on tient mieux
de ses pieds repose bien sûr en ville autour du compte de la dimension régionale, on est à
chef, de l’hôtel Nelson ou de la librairie Fabre, même d’expliquer comment un tel dérapage a
tandis que l’autre repose quelque part le long pu se produire en novembre 1837. De fait,
de cet axe rural, entre la distillerie Nelson à l’organisation et la stratégie favorisées par les
Saint-Denis, l’atelier de L’Écho du pays, la deux camps reposaient sur un équilibre délicat
maison d’Amury Girod et le collège de Saint- entre, d’une part, la diffusion d’un discours à
386 pat r iotes et loyaux
portée universelle et, d’autre part, la nécessité stratégie qui, dans l’ensemble, est analogue :
de tabler en partie sur les enjeux locaux afin déléguer des représentants à Londres pour
de susciter la participation des masses rurales. faire pression directement sur les ministres,
En agissant de la sorte, les deux organisations mettre sur pied des organisations structurées
auraient posé en germe les ingrédients suffi- à travers le Bas-Canada et susciter un vaste
sants à leur propre dérapage. mouvement populaire, seul capable d’impres-
Rappelons à nouveau que la crise bas-cana- sionner et au besoin d’intimider les autorités
dienne tire pourtant sa source d’un différend coloniales.
politique opposant l’exécutif à la majorité les Dans le prolongement d’un parti politique
députés en Chambre. Pour ces derniers, l’ob- déjà constitué en Chambre, le mouvement
jectif consiste à obtenir la réforme des insti- patriote choisit de se doter d’organisations
tutions politiques et à accroître le pouvoir des partisanes où les députés occupent un rôle clé.
élus, tandis que pour leurs adversaires il con- Ce seront le Comité central et permanent de
siste à assurer la prépondérance politique des Montréal, les comités de correspondance et, à
sujets d’origine britannique et la pérennité du l’échelle locale, des comités de comté chargés
lien colonial. De prime abord, il ne s’agit de relayer les mots d’ordre du parti dans les
nullement d’engager une guerre civile et le circonscriptions électorales. Ces comités de
débat semblait voué à demeurer dans les comté chapeautent à leur tour des unions
limbes du politique, comme c’était d’ailleurs patriotiques et des petits comités de vigilance
le cas depuis déjà trente ans. très militants mais plus ou moins instables. Le
La nouveauté des 92 Résolutions de 1834 parti escompte ainsi montrer qu’il bénéficie
réside moins dans leur portée radicale que de l’appui massif de la population, qu’il est en
dans le clair désaveu qu’elles opposent aux mesure de perturber les services du gouver-
autorités coloniales locales. Elles correspon- nement, de tarir ses sources de financement
dent donc à un changement de stratégie con- par le boycottage, voire de prendre au besoin
sistant à adresser ses griefs directement à la la direction d’un soulèvement populaire. Il est
Grande-Bretagne en prenant toute la popu- cependant essentiel pour Papineau et ses sui-
lation bas-canadienne à témoin. Minoritaires vants que ces moyens de pression demeurent
à Chambre d’assemblée, les loyaux se désin- dans les strictes limites de la légalité afin que
téressent aussi de la scène politique provin- le parti puisse prétendre exercer le pouvoir à
ciale et de même entreprennent de faire l’intérieur d’un État de droit respectueux des
entendre leur voix dans la métropole. Cette lois et des coutumes.
stratégie « transatlantique » s’est encore impo- Du fait que la députation torie ait été
sée en 1835 quand l’administration du gou- réduite à sa plus simple expression aux élec-
verneur Archibald Acheson, 2e comte de tions de 1834, les loyaux mettent sur pied des
Gosford, s’est rendue odieuse aux yeux des organisations plus discrètes, agissant plutôt
loyaux en se rapprochant publiquement de comme un lobby et coalisant des groupes tous
leaders patriotes, puis aux yeux de ces derniers hostiles aux revendications patriotes à des
en ne répondant aucunement à leurs deman- degrés variables. Les associations constitution-
des historiques. Dans le but d’amener la nelles de Montréal et de Québec se distinguent
métropole à prendre plus clairement position, donc par leur haut niveau d’organisation,
les deux mouvements vont donc élaborer une leur caractère relativement fermé et leur
conclusion 387
composition plus franchement homogène sur et les patriotes de Napierville vouent une
le plan ethnique. À l’instar des patriotes, les haine antédiluvienne au seigneur François
loyaux se dotent aussi d’organisations locales Languedoc. Ces rivalités s’expriment durant
là où le nombre d’anglophones les rend la phase politique, alors que les assemblées des
viables. Ces « branch constitutional associa- uns sont tenues spécialement pour répondre à
tions » sont affiliées soit à l’association de celles des autres. Elles s’expriment aussi à la
Québec, soit à celle de Montréal. De 1834 à toute veille de la phase militaire, autant en
1837, les loyaux mènent aussi une campagne 1837 qu’en 1838, alors que les « grandes
de presse particulièrement dynamique desti- batailles » sont partout précédées d’une série
née à discréditer les demandes patriotes, selon de coups de main destinés d’abord à assouvir
eux l’expression d’un réflexe purement des rivalités locales.
ethnique, à la fois réactionnaire et révolution- À ce jeu, il est probable qu’à un moment
naire. Indifférente au débat politique à l’As- ou un autre les organisations locales aient pu
semblée, la coalition loyale envisage aussi plus agir de leur propre chef, faire déraper la stra-
tôt que ses adversaires de recourir à l’action tégie commandée par la direction du mou-
militaire et de transformer sa base politique vement et engager le mécanisme devant
en une armée de volontaires. mener à l’émission des mandats d’arrêt et à
Soutenir de la sorte une intense mobilisa- l’ouverture des hostilités. Ce péril guette parti-
tion populaire permet en attendant aux mou- culièrement les patriotes.
vements loyaux et patriotes de prétendre Les résolutions Russell de mars 1837 inau-
représenter de vastes pans de la société et de gurent une période délicate pour Papineau et
poser d’imposantes pétitions aux pieds des le Parti patriote qui doit à la fois accroître la
ministres anglais. Une fois macérés au milieu pression sur le gouvernement et rappeler que
des campagnes du Bas-Canada, ces grands le peuple est la seule autorité souveraine, tout
idéaux sont toutefois relayés par des querelles en s’assurant que les militants demeurent dans
locales qui répondent à d’autres ressorts et qui la légalité. Les moyens mis en œuvre con-
sont susceptibles de s’exprimer par d’autres sistent surtout à tenir de vastes rassemble-
voies. On l’a vu, l’identité locale joue un rôle ments publics, à boycotter les produits anglais
important dans les préoccupations des habi- et à multiplier les organisations locales afin
tants. Des questions comme l’accès à des d’asseoir la plus large mobilisation possible.
terres, l’endettement des paysans, la spécu- On peut parler de dérapage à partir du
lation foncière ou tout bonnement la haine moment où certaines de ces organisations
envers tel seigneur ou les rivalités entre mem- prennent d’elles-mêmes des initiatives sans le
bres de l’élite locale reviennent régulièrement. consentement de la direction du parti. Ces
Parmi ces sources de conflits, les tensions initiatives apparaissent d’ailleurs surtout dans
entre des communautés de langues et de reli- les comtés où les rivalités locales sont vivaces
gions différentes s’avèrent généralement les et davantage susceptibles de substituer les
plus sensibles. La communauté écossaise de rancœurs locales aux mots d’ordre ambigus
St. Andrew énerve les patriotes de Saint- d’un Papineau. Ce sera d’abord à compter de
Benoît, les anglophones de Huntington et de juillet une première vague de démissions chez
Russelltown sont vite irrités par les quelques les magistrats pro-patriotes, suivie d’une autre
assemblées patriotes tenues dans Beauharnois plus intense encore à la fin d’août. On l’a vu,
388 pat r iotes et loyaux
le 9 septembre, le CCPM réuni à l’hôtel les ténors loyaux à concilier un discours d’au-
Nelson est soudainement inondé des lettres tant plus agressif et tonitruant qu’il est destiné
de ces démissionnaires enthousiastes, au point à traverser l’Atlantique, avec le souci de
de souligner le danger que le désordre s’ins- s’assurer que leurs troupes demeurent de bons
talle dans les campagnes. Puis ce sera en et loyaux sujets de fait comme de nom. Plus
septembre et en octobre une vague de chari- prompts à envisager l’action militaire, les
varis en périphérie du district de Montréal, loyaux créent des compagnies de volontaires
d’abord afin de forcer les magistrats récalci- dès septembre dans Sherbrooke et Beau-
trants à démissionner, mais aussi pour régler harnois, tandis qu’à Montréal Peter McGill
certaines querelles locales contre un Casavant multiplie les démarches afin qu’on confie les
à Saint-Césaire, la mission Odin-Feller à vigiles urbaines à ses Constitutionals. Il va de
Saint-Valentin ou Eustache Cheval à Saint- soi qu’un Lucien Gagnon à Pointe-à-la-Mule
Eustache. Ces rivalités locales jouent encore sait que juste à côté les loyaux de Hemming-
au cœur de Montréal où l’assemblée des Fils ford sont en train de s’armer, qu’à Saint-
de la liberté du 6 novembre dégénère bien en Benoît on s’inquiète que ceux de St. Andrew
bataille rangée dans la mesure où les jeunes et de la côte des Anglais forment des compa-
patriotes ont devant eux des adversaires gnies. Il va en somme de soi qu’à l’échelle
locaux disposés à en découdre. locale on voit d’un très mauvais œil que ces
Jamais ces débordements locaux ne visaient Britanniques mêlent à leur tour la crise
en soi à engager une conflagration générale ou nationale aux querelles locales et qu’en plus
à forcer la direction du parti à prendre la on leur fournisse les fusils !
direction d’un mouvement armé. Ils sont Alors que les mouvements « nationaux »
motivés d’abord par le désir de régler certains tentent en principe de suivre la ligne étroite
comptes au niveau local en s’en prenant par- séparant l’agitation politique de la rébellion
fois à de vieux adversaires. Leur accumulation ouverte, les organisations « locales » semblent
entre septembre et novembre montre aussi mieux disposées à la franchir. Les antinomies
l’incapacité chronique de l’exécutif patriote à y personnelles y sont plus sensibles, les rivalités
mettre bon ordre ou à les canaliser sur un plan ethniques plus ouvertement assumées et, de
politique. Cela explique à la fois comment la manière plus pratique, l’adversaire est à proxi-
direction se trouva tout à coup à gérer une crise mité. Une telle explication ne remet pas en
devenue militaire et combien elle y fut mal cause l’existence d’un grand mouvement
préparée. Que le mouvement loyal ait fait en patriote et d’une vaste coalition loyale, tous
sorte de faciliter ce dérapage demeure parfaite- deux en lutte au nom d’idéaux politiques. Elle
ment possible. Reste que la stratégie de mobi- rappelle cependant l’importance de tenir
lisation mise de l’avant par les chefs patriotes, compte davantage de la dimension régionale
reposant en partie sur des réalités locales afin d’expliquer l’escalade politique au Bas-
parfois explosives, peut à elle seule expliquer Canada, les ressorts de la rébellion armée ou
que dans certains comtés on se soit senti en tout simplement pour mieux comprendre à
droit de passer immédiatement à l’action. quoi au juste pensaient John Smith et Jean-
Du côté loyal, le dérapage peut aussi Baptiste à la veille de ces jours difficiles de
s’expliquer par la difficulté pour la presse et 1837 et 1838.
sources citées
Cette liste de sources a été construite à partir de divers catalogues généralement accessibles sur Internet.
L’auteur donne parfois les pages précises qui sont pertinentes, parfois il mentionne un chapitre ou un article.
Ces renseignements sont utiles et l’éditeur a préféré la conserver malgré l’absence d’uniformité. Cette remarque
est également valable pour la méthode de présentation.
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