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UE : Aérodynamique Fondamentale
Chapitre 1 : Concepts & Enjeux
ENSEIGNANTS :
Année 2010 – 2011
Jean-Christophe ROBINET
1 Introduction générale 3
1.1 Contexte du cours . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
1.2 Classification des écoulements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
1.3 Outils d’analyse des écoulements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.4 Objectifs du cours . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
1
3.3 Optimisation et contrôle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121
3.3.1 Problématiques du domaine aéronautique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123
3.3.2 Problématiques du domaine automobile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 124
3.3.3 Multidisciplinarité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126
Chapitre 1
Introduction générale
3
4 CHAPITRE 1. INTRODUCTION GÉNÉRALE
que l’émission de tourbillons par les extrémités des ailes d’avions ; le sillage tourbillonnaire émis par
un avion au décollage et à l’atterrissage doit être suffisamment dissipé avant qu’un nouvel avion
ne se présente sur la piste empruntée par l’appareil précédent. Dans la mesure où l’intensité de ces
tourbillons est proportionnelle à la portance de l’aile, donc au poids de l’avion, les distances de sé-
curité associées aux avions gros porteurs tels que le Boeing 747 ou l’Airbus A380 doivent donc être
accrues ce qui est en contradiction avec la logique d’accélération du trafic aéroportuaire. Certains
domaines dans lesquels se développe une autre part de l’activité de recherche et développement en
aérodynamique répondent à des contraintes de conception différentes : dans le domaine militaire par
exemple, il est possible de privilégier la manoeuvrabilité d’un avion de chasse plutôt que le confort
du passager ; dans le domaine de la haute compétition sportive, il est possible de se concentrer sur
l’amélioration continue des performances parfois en dehors de toutes contraintes économiques ou es-
thétiques (optimisation des performances des véhicules de courses ou de celles de skieurs, cyclistes . . .).
La définition de l’aérodynamique donnée ci-dessus peut être élargie à l’étude des mouvements de
l’air dans des contextes qui n’incluent pas le déplacement de véhicules aériens ou terrestres, tels que
les domaines de la ventilation ou du génie civil ou encore celui de l’environnement. A titre d’exemple,
l’étude présentée dans [2] est ainsi consacrée à l’analyse efficace par voie numérique des variations
de températures à l’intérieur d’un bureau (dans la perspective de l’optimisation économique des sys-
tèmes de ventilation ou climatisation) ; la publication [3] analyse l’impact possible des écoulements
d’air autour des bâtiments d’un aéroport sur les conditions de décollage et d’atterrissage au niveau
de la piste ; enfin, le travail décrit dans [4] porte sur la propagation dans un tunnel des fumées
émises par un véhicule en feu (avec bien sûr des conséquences déterminantes sur la sécurité) et des
gaz d’échappement émis par les véhicules bloqués dans ce même tunnel. Ingénieurs et chercheurs pu-
blient les résultats de leurs travaux dans les très nombreuses revues publiées sur ces thématiques : Fire
Safety Journal, Tunnelling and Underground Space Technology, Atmospheric Environment, Building
and Environment, Energy and Buildings, International Journal of Ventilation, International Jour-
nal of Environmental Pollution, Journal of Wind Engineering and Industrial Aerodynamics, Wind
and Structures, Water, Air and Soil Pollution-Focus . . . En France, un organisme tel que le Centre
Scientifique et Technique du Bâtiment possède une soufflerie qui lui permet par exemple d’étudier
sur des modèles réduits le comportement au vent d’immeubles de grande hauteur en projet (voir le
site http ://www.cstb.fr pour plus d’informations sur la soufflerie climatique Jules Verne). Dans le
même ordre d’idées, il est d’ailleurs intéressant de signaler que Gustave Eiffel, le grand ingénieur et
entrepreneur français bien connu pour ses constructions métalliques fut également au début du 20ème
siècle un acteur majeur de l’aérodynamique française - la soufflerie Eiffel est d’ailleurs encore active
aujourd’hui (voir le site http ://www.aerodynamiqueeiffel.fr). On insiste ici sur l’existence et l’im-
portance d’études aérodynamiques dans un domaine (le génie civil) qui n’est pas traditionnellement
associé à l’aérodynamique afin de mettre en évidence la grande diversité des possibilités d’activité
pour l’ingénieur aérodynamicien.
Naturellement, il est hors de question d’embrasser la totalité des thématiques ci-dessus dans le cadre
de cet unique cours d’aérodynamique, qui s’organise en 14 séances d’un peu moins de 2 heures cha-
cune ! Le choix a donc été fait de restreindre les domaines d’application visés à l’aéronautique et
aux transports terrestres. L’analyse des écoulements autour d’objets aussi différents qu’un avion de
chasse tel que le Griffon, création de l’ingénieur français René Leduc, d’une voiture grand public
aussi mythique que la DS ou d’une voiture de série un peu plus "sportive" comme la Corvette, ou
encore d’un train à grande vitesse relève d’une démarche commune comme l’illustrent les figures 1.1
1.1. CONTEXTE DU COURS 5
à 1.4 en donnant un aperçu des essais en soufflerie indispensables à la mise au point de ces différentes
technologies. Dans tous les cas, on s’intéresse par exemple à la réduction de la traînée mais il existe
également de nombreux aspects spécifiques à chacun de ces véhicules en raison :
– des vitesses bien différentes auxquelles ils évoluent (à titre indicatif le Griffon pouvait atteindre
1500 km/h alors que la DS "monte" jusqu’à 140 km/h et que le train à grande vitesse peut
rouler à 300 km/h) ; aux grandes vitesses, il devient notamment indispensable de prendre en
compte les effets dits de compressibilité, c’est-à-dire les variations de la masse volumique dans
l’air en écoulement.
– de la possibilité ou non du "profilage" (on parle en anglais de "streamlining") de leur géométrie
avec des conséquences déterminantes sur le frottement visqueux et la traînée ; par exemple, les
contraintes fonctionnelles liées à la conception d’un véhicule automobile de série (nécessité d’un
coffre, d’une lunette arrière de dimensions raisonnables . . .) conduisent en général à une situation
d’écoulement décollé (voir par exemple [12]) alors que les profils utilisés dans la conception d’une
aile d’avion peuvent être conçus de façon à assurer un écoulement attaché en régime de croisière.
– de conditions de fonctionnement particulières, par exemple le passage d’un train à grande
vitesse dans un tunnel ou bien l’effet de sol dans le domaine des véhicules terrestres, présent
uniquement en phase d’atterrissage ou de décollage dans le domaine aéronautique.
L’analyse qualitative et quantitative de ces différents types d’engins d’un point de vue aérodynamique
s’appuie sur un ensemble de connaissances à caractère fondamental, qui seules permettent ensuite
d’utiliser à bon escient des "recettes" ou formules toutes faites pour l’ingénieur. Vous disposez déjà de
certaines de ces connaissances fondamentales en mécanique des fluides mais d’autres vous font encore
défaut. L’ambition de ce cours est donc double : d’une part compléter votre corpus de connaissances
en matière de modélisation et d’analyse des écoulements et d’autre part appliquer ce corpus de
connaissances à l’étude des performances de véhicules aéronautiques et automobiles. L’accent sera
mis sur deux grandes notions qui n’ont pas été, en règle générale, abordées de façon approfondie
dans le cursus que vous avez suivi jusqu’à présent : les effets de compressibilité d’une part et les
effets de la viscosité d’autre part. Comme on le verra dans ce cours, la bonne compréhension dans un
premier temps des aspects les plus fondamentaux de ces effets permettra dans un second temps de
maîtriser les enjeux associés à la conception de dispositifs réels. Les études menées par ingénieurs et
chercheurs dans les domaines "traditionnels" de l’aérodynamique (aéronautique et espace, automo-
bile, ferroviaire) font l’objet de publications dans un ensemble de revues qui peuvent mettre l’accent
sur les aspects fondamentaux de compréhension fine des écoulements (Journal of Fluid Mechanics,
Physics of Fluids, Comptes Rendus à l’Académie des Sciences) ou davantage sur les enjeux techno-
logiques des dispositifs mettant en jeu des écoulements d’air (Journal of Fluid Engineering, ASME
Journal of Turbomachinery, Mécanique et Industries . . .) Les revues plus spécifiquement consacrées
aux applications aéronautiques sont notamment l’AIAA Journal (sans doute l’un des journaux les
plus lus par la communauté scientifique dans le domaine aéronautique), le Journal of Aircraft, Aeros-
pace Science and Technology, Progress in Aerospace Sciences. Enfin, des revues telles que le Journal
of Computational Physics, Computers and Fluids, International Journal for Numerical Methods in
Fluids sont plus particulièrement dédiées au développement de méthodes numériques pour la simula-
tion des écoulements mais traitent également de façon conséquente la question de la mise en oeuvre
de ces méthodes pour l’analyse des écoulements.
La suite de cette introduction va situer de façon précise les notions d’aérodynamique fondamen-
tale détaillées dans ce cours dans le paysage général de l’aérodynamique. En particulier, puisqu’il est
classique de diviser l’aérodynamique en grandes sous-catégories, qu’il est indispensable de connaître
6 CHAPITRE 1. INTRODUCTION GÉNÉRALE
car il existe en général des outils d’études (qu’ils soient de nature analytique, expérimentale ou nu-
mérique) adaptés à chacune d’entre elles, la section qui suit présente une classification schématique
des écoulements rencontrés dans les grands domaines d’application de cette discipline.
Fig. 1.2 – A gauche : visualisation des lignes de frottement sur un modèle réduit de Corvette 1960
(image extraite de l’ouvrage [7]). A droite : la réalisation industrielle du modèle étudié sur la figure
ci-contre (image extraite du site http ://www.art.com).
Fig. 1.3 – A gauche : essai en soufflerie pour la DS (image tirée de la revue [8]). A droite : la même
voiture, une fois commercialisée (image tirée du site http ://automobile.nouvelobs.com).
Fig. 1.4 – A gauche : essai en soufflerie pour le projet de train à grande vitesse en Corée (image tirée
de l’article [9]). A droite : le Korean Express Train (KTX) après sa mise en service (image tirée du
site http ://ktx.korail.go.kr).
négliger les effets de la viscosité ou les variations de masse volumique (ce qui permet de simplifier
considérablement l’analyse des écoulements étudiés) sans nuire de façon significative à la prédiction
de certains efforts aérodynamiques. Savoir effectuer de façon pertinente ces simplifications dans la
modélisation d’un écoulement est une compétence essentielle pour l’aérodynamicien et nous aurons
largement l’occasion de revenir sur ce point dans la suite du cours.
La première grande distinction qui peut être établie dans la description d’un écoulement d’air est
celle entre milieu continu et gaz dit raréfié : pour toutes les applications qui seront traitées dans ce
cours, l’air peut être considéré comme un milieu continu (on reviendra sur ce point dans la chapitre
de rappel qui suit) ; cependant, à très haute altitude, le libre parcours moyen entre les molécules qui
composent l’air au niveau microscopique devient si grand qu’il n’est plus possible de considérer l’air
comme un milieu continu et qu’il devient alors nécessaire de recourir à une description statistique
dite théorie cinétique des gaz. Cette description est spécifiquement utilisée dans le secteur aérospatial
pour l’étude des problèmes de rentrée dans l’atmosphère d’une navette spatiale par exemple.
Dans le cadre d’une description de type milieu continu, on peut tout d’abord distinguer deux grandes
catégories d’écoulements (voir Fig. 1.5 pour un schéma de synthèse) : d’une part les écoulements de
8 CHAPITRE 1. INTRODUCTION GÉNÉRALE
fluides réels ou visqueux puisque tous les fluides réels possèdent une certaine viscosité, parfois très
faible mais en tout cas non-nulle et d’autre part les écoulements de fluides dits idéaux ou parfaits
ou non-visqueux (en anglais on parle de "inviscid flow"). Tous ces écoulements sont régis par les
mêmes grands principes physiques ou lois de conservation : conservation de la masse, conservation
de la quantité de mouvement ("momentum" en anglais) et conservation de l’énergie. Pour établir
l’équation de conservation de l’énergie, il est nécessaire de faire appel à la thermodynamique afin de
disposer d’une équation d’état du gaz qui permet de relier entre elles des variables d’état telles que la
pression, la masse volumique, la température, l’énergie interne. Dans de très nombreuses situations,
on peut se contenter de décrire l’état thermodynamique de l’air à l’aide de la loi d’état dite des gaz
parfaits. Dans un vocabulaire moderne, l’ensemble des équations qui régissent un écoulement de fluide
parfait est désigné comme le système des équations d’Euler ou simplement "les équations d’Euler".
Lorsque les grands principes physiques de conservation de la masse, de la quantité de mouvement
(principe fondamental de la dynamique) et de l’énergie (premier principe de la thermodynamique)
sont appliqués à un écoulement de fluide réel, i.e. en tenant compte de la viscosité du fluide, le sys-
tème d’équations aux dérivées partielles obtenu est communément appelé système des équations de
Navier-Stokes ou tout simplement "les équations de Navier-Stokes".
Les équations d’Euler ou de Navier-Stokes traduisent l’évolution des grandeurs masse volumique,
composantes de la vitesse et énergie totale (ou pression) pour un écoulement de fluide idéal ou
réel ; selon la vitesse de l’écoulement générateur, ou plus précisément selon la valeur du nombre de
Mach de cet écoulement générateur (c’est-à-dire le rapport entre la vitesse et la vitesse du son) on
distingue deux grands régimes d’écoulement : le régime incompressible qui correspond à des écoule-
ments "basse-vitesse" et le régime compressible qui correspond à des écoulements "grande-vitesse".
La limite (arbitraire) classique entre ces deux régimes se situe typiquement à Mach 0.3. Pour fixer
les idées, avec des vitesses de déplacement qui peuvent atteindre 360 km/h (soit 100 m/s) et une
vitesse du son à température ambiante de l’ordre de 340 m/s, des véhicules du type voiture de course
ou train à grande vitesse présentent des écoulements qui atteignent la limite haute du régime in-
compressible ; les avions de ligne moyen ou long-courrier en régime de croisière volent typiquement
aux alentours de Mach 0.8 et les écoulements associés se situent donc largement dans le domaine
compressible. Le domaine des écoulements compressibles se subdivise lui-même en plusieurs régimes :
lorsque le nombre de Mach dans l’écoulement autour d’un corps reste partout inférieur à 1 on parle
de régime subsonique ; lorsque il existe des zones de l’écoulement pour lesquelles le nombre de Mach
dépasse localement l’unité alors que l’écoulement générateur (i.e. à l’infini amont) reste subsonique
(M∞ < 1), on se situe dans le régime transsonique. Lorsque le nombre de Mach de l’écoulement
générateur est supérieur à 1, l’écoulement est en régime supersonique ; enfin, si M∞ dépasse typi-
quement 5, on entre dans le régime hypersonique. Comme on l’a signalé ci-dessus, le régime trans-
sonique est notamment celui des avions de ligne ; le régime supersonique est plus particulièrement
celui des avions militaires, des missiles . . . et de certains avions de transport de passagers, réalisés (le
Concorde bien sûr) et à venir (voir notamment les lien http ://www2.cnrs.fr/presse/journal/2210.htm
et http ://www.jaxa.jp/missions/projects/engineering/aero/). Le régime hypersonique est par exemple
celui des navettes spatiales lors des phases de rentrée dans l’atmosphère mais aussi de certains mis-
siles. Lorsque le nombre de Mach générateur devient suffisamment grand pour que l’écoulement entre
en régime transsonique, les performances des véhicules tendent à être largement influencées par l’ap-
parition d’ondes de choc.
Lorsque les effets de la viscosité sont pris en compte (écoulements de fluide réel), un nouveau pa-
1.3. OUTILS D’ANALYSE DES ÉCOULEMENTS 9
ramètre essentiel apparaît dans la classification des écoulements : le nombre de Reynolds. En aé-
rodynamique externe et interne des véhicules, tous les écoulements s’effectuent à grand nombre de
Reynolds (de l’ordre de plusieurs millions ou plusieurs dizaines de millions) dans un régime dit tur-
bulent. Pour certains dispositifs de petite taille (mini ou micro-drones par exemple), les nombres
de Reynolds caractéristiques des écoulements rencontrés peuvent prendre des valeurs plus faibles
(de l’ordre de quelques centaines de milliers voire quelques dizaines de milliers) et le régime de ces
écoulements visqueux peut alors rester laminaire. Pour des écoulements à grands nombres de Rey-
nolds en présence des parois solides d’un véhicule, les effets de la viscosité restent cantonnés dans
une zone de faible épaisseur (devant les dimensions caractéristiques du véhicule) dite zone de couche
limite. Les différences d’aspect entre écoulements turbulents et laminaires sont bien marquées : en
laminaire, les écoulements restent réguliers alors qu’ils présentent un aspect désorganisé (chaotique)
en turbulent. Surtout, cette différence de régime modifie en profondeur l’impact de l’écoulement sur
les performances du véhicule : augmentation du frottement en turbulent mais dans le même temps
meilleure résistance aux gradients de pression adverses pour une couche limite turbulente et donc
moindre tendance au décollement.
La figure 1.6 résume de façon très schématique la position de certains domaines d’application tradi-
tionnels dans le plan (nombre de Mach, nombre de Reynolds) ; cette vision simplifiée est destinée à
vous donner un peu de recul par rapport à la grande diversité des applications qui existent pour l’aé-
rodynamicien. Son caractère schématique peut être illustré par deux exemples : dans le domaine des
avions de chasse, l’étude spécifique d’appareils à décollage verticale de type Harrier a exigé l’analyse
simultanée d’écoulements compressibles (jets émis par les tuyères propulsives en position verticale
et destinés à assurer la sustentation en phase de décollage) et incompressibles (écoulement autour
de l’appareil en phase ascendante à faible vitesse) ; enfin, dans le domaine des procédés, il existe
naturellement des procédés qui mettent en jeu des écoulements à (très) grande vitesse : ainsi dans le
procédé de découpe par jet d’eau, on rencontre des jets d’eau très haute pression qui conduisent à
des écoulements supersoniques (dans l’eau !).
Fig. 1.5 – Vue schématique des grandes catégories d’écoulements rencontrées en aérodynamique.
Fig. 1.6 – Vue schématique de quelques applications traditionnelles de l’aérodynamique dans le plan
(nombre de Mach / effets de compressibilité, nombre de Reynolds / effets de la viscosité).
même temps ses grands avantages à savoir sa souplesse d’utilisation et la facilité avec laquelle l’outil
numérique permet d’obtenir des informations sur un écoulement. On présente ainsi sur la figure 1.9
des résultats de simulation obtenus chez Boeing dans lesquels on visualise notamment certaines lignes
de courant autour d’un avion complet. La beauté plastique de certains résultats de simulation tend
parfois à faire oublier les limitations encore très importantes de l’outil numérique ; les résultats fournis
par un code de calcul sont entachés de deux grands types d’erreur : les erreurs liées à la modélisation
d’une part et celles liées aux méthodes numériques de résolution du modèle d’autre part. Certaines
limites de modélisation sont facilement identifiables : comme on le verra par la suite, si on a choisi
de négliger les effets de la viscosité du fluide et de résoudre par conséquent les équations d’Euler
pour décrire un écoulement, on sait qu’il ne sera pas possible de reproduire un phénomène tel que
le décrochage lors de la montée en incidence d’un profil car ce phénomène est directement relié au
décollement de la couche limite, qui n’existe pas pour un fluide idéal. D’autres limitations sont un peu
plus subtiles mais tout aussi cruciales en particulier dans le domaine de la modélisation de la turbu-
lence. Les approches de modélisation statistique de la turbulence privilégiées par l’ingénieur pour des
raisons de coût de simulation ne permettent pas d’être prédictif dans le cas général : concrètement,
il sera possible de "caler" les constantes du modèle de turbulence pour un type de configuration
donnée en s’appuyant par exemple sur des données expérimentales disponibles puis d’utiliser avec un
bon degré de confiance l’outil de simulation pour tester des variantes d’une configuration de base.
Les quelques configurations sélectionnées sur la base de ces essais numériques pourront alors être
testées en soufflerie. Cette démarche interactive entre aérodynamique expérimentale et numérique
12 CHAPITRE 1. INTRODUCTION GÉNÉRALE
est très pratiquée dans l’industrie car elle permet de réduire les coûts de conception en tirant parti
des avantages propres à chaque approche (fiabilité pour l’expérimental, flexibilité et faible coût pour
le numérique).
Enfin, il est important d’insister sur le fait que les composantes expérimentale et numérique de l’aé-
rodynamique s’appuient de façon décisive sur l’aérodynamique fondamentale, dite parfois théorique.
Pour mettre en place un dispositif expérimental (savoir par exemple où il sera judicieux de placer
tel ou tel capteur de pression) ou une simulation (faire par exemple les bons choix de raffinement de
maillage) il est absolument indispensable de posséder une connaissance a priori de l’écoulement et
celle-ci est fondée sur les concepts et outils fournis par l’aérodynamique fondamentale. Inversement,
les résultats d’essais et de simulations nourrissent, avec les jeux de données qu’ils fournissent, le travail
d’analyse, d’explication et de conceptualisation de l’aérodynamique fondamentale (cf. Fig. 1.7). Dans
le cadre de la formation de 3ème année à l’ENSAM, la composante numérique de l’aérodynamique
et de la dynamique des écoulements en général est traitée à l’occasion du cours ECOUL2, qui est
également proposé aux étudiants du Master EFA.
Fig. 1.8 – Exemples de montage de modèles réduits dans la soufflerie transsonique européenne (Eu-
ropean Transonic Wind tunnel) (images tirées du site de l’ETW http ://www.etw.de). A gauche :
maquette de type 1/2-envergure (half-span). A droite : maquette de type envergure complète (full-
span).
Fig. 1.9 – Exemples de maillage non-structuré pour un 1/2-Boeing complet et d’écoulement calculé
dans ce maillage (image tirée de l’article [11] qui décrit 30 ans d’utilisation de la CFD chez Boeing).
pas abordée. Les bases de la simulation numérique des écoulements sont données dans un autre cours
du thème ECOUL (ECOUL2) qui est également proposé aux étudiants du Master "Energie, Fluides,
Aérodynamique". Par ailleurs, même si les séances consacrées à la couche limite traiteront bien sûr du
régime laminaire et du régime turbulent, la thématique de la modélisation de la turbulence dépasse
le simple cadre d’un cours d’aérodynamique fondamentale : ce point fait l’objet de cours spécifiques
proposés en Master et d’une partie du cours ECOUL4. Dans ce même cours ECOUL4 sera également
14 CHAPITRE 1. INTRODUCTION GÉNÉRALE
Fig. 1.10 – Potentiel d’utilisation offert par la soufflerie ETW : valeurs accessibles des paramètres
de similitude (nombre de Mach, nombre de Reynolds) situées par rapport aux valeurs de vol ty-
piques des avions de transport modernes (image tirée de la brochure de l’ETW disponible sur le site
http ://www.etw.de).
traitée la question du bruit généré par les écoulements, c’est-à-dire l’aéroacoustique des écoulements.
Enfin, même si il ne s’agit pas là d’un objectif scientifique ciblé, ce cours souhaite également entretenir
ou susciter votre intérêt pour cette discipline passionnante qu’est l’aérodynamique. Vous êtes donc
naturellement invités à vous cultiver sur cette thématique en allant par exemple explorer certains des
sites répertoriés dans la liste (absolument non-exhaustive !) fournie ci-dessous.
– http ://www.dlr.de : site du "Deutsches Zentrum für Luft- und Raumfahrt (DLR)", équivalent
allemand de l’ONERA, qui développe d’ailleurs des programmes communs avec l’organisme
français, notamment dans le domaine des hélicoptères.
– http ://www.cira.it : site du "Centro Italiano Ricerche Aereospaziali (CIRA)", le grand orga-
nisme italien.
– http ://www.aiaa.org : site de l’American Institute of Aeronautics and Astronautics, une asso-
ciation à laquelle adhère de très nombreux acteurs de l’aéronautique et de l’astronautique, tant
au niveau industriel qu’universitaire (il est commun pour un étudiant américain d’un dépar-
tement d’Aerospace Engineering d’être AIAA (Junior) Member). L’AIAA publie notamment
l’AIAA Journal, une revue scientifique extrêmement lue par les industriels et les scientifiques
du monde entier et organise régulièrement des grandes conférences thématiques (sur l’aérody-
namique, l’aéroacoustique, les structures ou les matériaux . . .)
– http ://www.asme.org : The American Society of Mechanical Engineers, une autre société sa-
vante (américaine) d’envergure qui édite notamment des journaux techniques tels que Journal
of Turbomachinery, Journal of Fluids Engineering, Journal of Engineering for Gas Turbines
and Power . . .
Principes généraux
Nous considérons donc dorénavant le fluide comme un milieu continu et nous souhaitons maintenant
construire les outils permettant de décrire l’écoulement de ce fluide. Pour y parvenir, nous allons
procéder suivant la démarche générale suivante :
1
Notez cependant que, à une altitude de 130 km, il y a moins d’une molécule dans le petit cube de 10−3 mm d’arête
précédemment mentionné et le libre parcours moyen atteint alors 10 m ! Dans de telles conditions, rencontrées par
les ingénieurs en charge de problèmes spatiaux, le fluide ambiant peut difficilement être considéré comme un milieu
continu et l’utilisation de la théorie cinétique s’avère indispensable.
2
Un système matériel est un ensemble de particules fluides.
17
18 CHAPITRE 2. NOTIONS DE BASE. RAPPELS DE MÉCANIQUE DES FLUIDES
3
L’approche différentielle, qui s’appuie sur un volume de contrôle élémentaire est a priori plus concrète et donc plus
simple à comprendre que l’approche intégrale ; cependant, sa mise en oeuvre, si elle est effectivement simple dans le cas
de la conservation de la masse, devient vite fastidieuse lorsqu’il s’agit de traduire un bilan de quantité de mouvement
ou d’énergie.
19
lignes de courant
de l’écoulement
(a)
Fig. 2.1 – Différents systèmes matériels utiles pour décrire l’écoulement d’un fluide.
20 CHAPITRE 2. NOTIONS DE BASE. RAPPELS DE MÉCANIQUE DES FLUIDES
V = ui + vj + wk
y
position 1
O x
i
k
position 2
Si on divise cette expression par (t2 − t1 ) et que l’on néglige les termes d’ordre supérieur on obtient
le taux de variation temporelle moyen de l’élément de fluide lorsqu’il se déplace du point 1 au point
2:
ρ2 − ρ1 ∂ρ ∂ρ x2 − x1 ∂ρ y2 − y1 ∂ρ z2 − z1
( ) = ( )1 + ( )1 ( ) + ( )1 ( ) + ( )1 ( )
t2 − t1 ∂t ∂x t2 − t1 ∂y t2 − t1 ∂z t2 − t1
Le taux de variation instantané au cours du temps est obtenu en prenant t2 → t1 . Par définition de
la vitesse de l’élément on a :
x2 − x1
lim ( ) = u1
t2 →t1 t2 − t1
ρ2 − ρ1 Dρ ∂ρ ∂ρ ∂ρ ∂ρ
lim ( )=( )1 = ( )1 + u1 ( )1 + v1 ( )1 + w1 ( )1
t2 →t1 t2 − t1 Dt ∂t ∂x ∂y ∂z
Dρ
La quantité ( ) désigne le taux de variation temporelle instantané de l’élément de fluide lors-
Dt 1
qu’il passe au point 1. Le point 1 pouvant être n’importe quel point de l’espace considéré, on peut
abandonner l’indice 1 et écrire finalement en termes d’opérateurs :
D ∂ ∂ ∂ ∂
= ( ) + u( ) + v( ) + w( ) (2.1)
Dt ∂t ∂x ∂y ∂z
Dρ
Le taux de variation temporelle instantané de la masse volumique, noté , est appelé dérivée
Dt
particulaire ou dérivée matérielle : il correspond physiquement au taux de variation temporelle de la
masse volumique d’un élément de fluide lorsque l’on suit le mouvement de cet élément.
Si on introduit l’opérateur vectoriel ∇ :
∂ ∂ ∂
∇≡ i+ j+ k (2.2)
∂x ∂y ∂z
on peut réécrire :
D ∂
= + V ·∇ (2.3)
Dt
|{z} ∂t
|{z} | {z }
dérivée particulaire dérivée locale dérivée convective
Une grandeur physique associée à une particule fluide varie donc en passant en un point de l’écoule-
ment parce que :
– en ce point donné, la grandeur physique en question peut présenter une variation temporelle
∂
⇒ dérivée locale
∂t
– la particule fluide est en mouvement vers un autre point de l’écoulement en lequel la grandeur
physique étudiée aura changé de valeur ⇒ dérivée convective V · ∇
Exemple 1 :
Soit une fusée sonde effectuant un vol vertical dans une atmosphère dont la température décroît
linéairement à partir du sol suivant la loi :
L’engin est muni d’un capteur de température. Calculer le taux de variation de la température me-
surée par ce capteur lorsque la fusée s’élève avec une vitesse de 360 km/h.
• Le taux de variation au cours du temps de la température mesurée par le capteur est la déri-
vée matérielle de cette température :
DT ∂T
= + V · ∇T
Dt ∂t
où V est la vitesse du capteur, i.e. la vitesse de la fusée. Le champ de température T (x, y, z) est
∂T ∂T
stationnaire ( = 0) et tel que ∇T = k = −bk (où k est le vecteur unitaire associé à l’axe z
∂t ∂z
supposé vertical ascendant). La vitesse du capteur vaut wk avec w = 100 m/s. Ainsi :
DT
= −bw = −0.8 K/s
Dt
La température mesurée par le capteur diminue donc de 0.8K toutes les secondes. ¤
Exemple 2 :
Par définition l’accélération d’une particule fluide est la dérivée matérielle ou particulaire de la vitesse
de cette particule, elle-même dérivée matérielle du vecteur position. On note γi la ime composante
du vecteur accélération ; on peut donc écrire :
dvi ∂vi ~
γi = = + V · ∇vi
dt ∂t µ ¶
∂vi ∂v1 ∂v2 ∂v1
= + v1 + v1 + v3
∂t ∂x1 ∂x2 ∂x3
∂vi ∂vi
= + vj
∂t ∂xj
Remarque :
Les développements précédents avaient pour but de donner une signification physique à la notion
de dérivée matérielle. On peut raisonner de la façon plus mathématique suivante. Soit une particule
fluide en mouvement ; sa position à l’instant t est donnée par (x, y, z). La masse volumique (par
exemple) de cette particule fluide à l’instant t s’écrit donc :
puisque la position de la particule évolue au cours du temps. On peut alors calculer la dérivée totale
de ρ par rapport au temps en appliquant les règles classiques de dérivation composée :
dρ ∂ρ ∂ρ dx ∂ρ dy ∂ρ dz
= + + +
dt ∂t ∂x dt ∂y dt ∂z dt
2.2. EQUATION DE CONSERVATION DE LA MASSE 23
dx
Puisque u = et similairement pour v et w, on constate donc que la dérivée totale d’une grandeur
dt
par rapport au temps n’est rien d’autre que la dérivée matérielle de cette grandeur (et inversement).
Cette importante notion préliminaire établie, nous pouvons nous intéresser maintenant à l’obtention
des équations qui régissent l’écoulement d’un fluide.
La variation de la masse m quand V(t) se déplace avec le fluide est par définition donnée par la dérivée
matérielle de m. Puisque la masse de chaque particule fluide est conservée au cours du mouvement
(principe physique A), il en va de même pour la masse globale m du volume de contrôle matériel
V(t) et on peut écrire : Z
D
( ρdV) = 0 (2.4)
Dt V(t)
dF m = ρVn dS
Par ailleurs, puisque le volume de contrôle considéré est fixe, le taux de variation temporelle de la
masse de fluide contenue dans V est simplement donné par :
Z Z
m ∂ ∂ρ
τ = ρdV = dV.
∂t V V ∂t
Cette variation de masse est positive s’il entre plus de masse dans le volume de contrôle qu’il n’en
sort d’où, compte tenu des conventions adoptées plus haut :
τ m = −F m
soit Z Z
∂ρ
dV + ρV · ndS = 0 (2.5)
V ∂t S
élément de surface
dS
intérieur
du volume de contrôle V
vecteur normal unitaire
n
vecteur vitesse V
La difficulté de l’évaluation de I est liée au fait que dans l’intervalle de temps ∆t on a variation à la
fois de la grandeur f et du volume de contrôle V(t). On va contourner cette difficulté en analysant
tout d’abord la variation de V(t). La surface de contrôle S(t) associée à V(t) peut être décomposée
en deux sous-surfaces selon le signe de V · n (V désigne toujours la vitesse locale du fluide et n la
normale extérieure à S(t)) ; on note S1 (t) la partie de S(t) sur laquelle V · n ≤ 0 et S2 (t) celle sur
laquelle V · n ≥ 0. Pendant l’intervalle de temps ∆t, S1 (t) balaie un volume V1 (∆t) qui se retrouve
à t + ∆t à l’extérieur de V(t + ∆t) (puisque V · n ≤ 0 sur S1 (t)) et similairement S2 (t) balaie un
volume V2 (∆t) qui se retrouve à t + ∆t à l’intérieur de V(t + ∆t) (puisque V · n ≥ 0 sur S2 (t)).
Par conséquent, la variation du volume de contrôle matériel entre l’instant t et l’instant t + ∆t peut
s’écrire : V(t + ∆t) = V(t) + V2 (∆t) − V1 (∆t) (cf. Fig. 2.4(a)). On peut alors réécrire I sous la forme :
Z Z
1
I = lim [ f (r, t + ∆t)dV − f (r, t)dV]
t→0 ∆t V(t)
Z V(t) Z
1 1
+lim f (r, t + ∆t)dV − lim f (r, t + ∆t)dV
t→0 ∆t V (∆t) t→0 ∆t V (∆t)
2 1
Z
∂f (r, t)
On identifie naturellement le premier terme entre crochets de cette expression à dV.
V(t) ∂t
Pour évaluer les termes restants, nous allons raisonner sur les surfaces de contrôle. Le volume V2 (∆t)
par exemple est la somme des volumes élémentaires balayés pendant ∆t par une surface élémentaire
de S2 (t) (cf. Fig. 2.4(b)). On peut donc écrire dans ce cas dV = (V · n)∆tdS, d’où :
Z Z Z
1
lim f (r, t + ∆t)dV = lim f (r, t + ∆t)V · ndS = f (r, t)V · ndS
∆t→0 ∆t V (∆t) ∆t→0 S (t) S2 (t)
2 2
On établit similairement :
Z Z
1
lim f (r, t + ∆t)dV = − f (r, t)V · ndS
∆t→0 ∆t V1 (∆t) S1 (t)
où le signe − provient du fait que V · n étant négatif sur S1 (t), l’élément de volume élémentaire dV
balayé par un élément de surface élémentaire de S1 (t) pendant ∆t est donné par dV = −(V · n)∆tdS.
Puisque S(t) = S1 (t) + S2 (t), on obtient finalement :
Z Z
∂f (r, t)
I= dV + f (r, t)V · ndV
V(t) ∂t S(t)
26 CHAPITRE 2. NOTIONS DE BASE. RAPPELS DE MÉCANIQUE DES FLUIDES
Le taux de variation au cours du temps de l’intégrale d’une grandeur scalaire f sur le volume matériel
V(t) est égal à la somme de l’intégrale sur le volume matériel V(t) de la variation de f par rapport
au temps et du flux de f à travers la surface de V(t).
V(t+∆ t)
V . n >0
V1 ( ∆t) V
n
V
V
n
V2 ( ∆t)
V . n <0
n
V(t)
(a)
S(t+ ∆t)
dV(∆ t) 1
V
S (t)
1
dS
n
(b)
Remarque 1 :
La relation (2.6) appliquée avec f = ρ permet de prouver immédiatement l’équivalence entre les
2.2. EQUATION DE CONSERVATION DE LA MASSE 27
formulations (2.4) et (2.5) de la conservation de la masse. On constate en effet que (2.4) peut s’écrire :
Z Z
∂ρ
dV + ρV · ndS = 0
V(t) ∂t S(t)
et cette équation est en particulier équivalente à (2.5) lorsque le volume matériel V(t) coïncide avec
le volume fixe V.
Remarque 2 :
Si on applique (2.6) dans le cas particulier où f = 1, on obtient :
Z Z
D
dV = V · ndV
Dt V(t) S(t)
∂(φFx )
où φ (resp. F ) est une grandeur scalaire (resp. vectorielle) et ∇ · (φF ) = div(φF ) = +
∂x
∂(φFy ) ∂(φFz ) ∂(φFi ) 4
+ = .
∂y ∂z ∂xi
On a donc : Z
DV(t)
= ∇ · V dV
Dt V(t)
Si on choisit alors comme volume matériel V(t) un volume de contrôle élémentaire δV(t) sur lequel
la quantité ∇ · V peut être supposée constante, on peut écrire :
1 DδV(t)
=∇·V (2.8)
δV(t) Dt
Physiquement, on a donc établi que le taux de variation relatif du volume d’un élément de fluide
est égal à la divergence de la vitesse V . Si ∇ · V = div(V ) ≥ 0, le volume de l’élément augmente
(le fluide se détend) ; si ∇ · V ≤ 0, le volume de l’élément diminue (le fluide se comprime). Si le
volume de l’élément de fluide n’a pas de variation relative au cours du mouvement de cet élément,
cela signifie que le fluide est incompressible ou que les effets de compressibilité sont négligeables dans
l’écoulement considéré. On observe donc qu’un fluide incompressible est tel que div(V ) = 0 en tout
point de l’écoulement.
Remarque 3 :
4
On rappelle que l’on a utilisé dans cette dernière expression la convention d’Einstein selon laquelle la présence
d’un même indice doublé dans une expression signifie une sommation sur cette indice.
28 CHAPITRE 2. NOTIONS DE BASE. RAPPELS DE MÉCANIQUE DES FLUIDES
volume de contrôle 3
1 D
U
2
On a établi le résultat (2.6) dans le cas où f est une grandeur scalaire. Si on souhaite évaluer le taux
de variation de l’intégrale d’une grandeur vectorielle F (r, t) sur le volume de contrôle matériel V(t),
on a intérêt à raisonner sur les composantes du vecteur F :
F (r, t) = Fx i + Fy j + Fz k = F1 e1 + F2 e2 + F3 e3 = Fi ei
• On choisit comme volume de contrôle fixe V une portion du tuyau comprise entre deux sections
quelconques SU à l’amont (upstream) et SD à l’aval (downstream). La surface de contrôle associée à
V sera notée S.
La conservation de la masse appliquée à V s’écrit (cf. (2.5)) :
Z Z
∂ρ
dV + ρV · ndS = 0
V ∂t S
2.2. EQUATION DE CONSERVATION DE LA MASSE 29
Le tuyau étant implicitement supposé étanche, il n’y a pas de flux de masse à travers ses parois, de
sorte que l’égalité ci-dessus se réduit à :
Z Z
V · ndS + V · ndS = 0
SU SD
Forme conservative
Considérons la forme intégrale (2.5) de l’équation de conservation de la masse :
Z Z
∂ρ
dV + ρV · ndS = 0
V ∂t S
Dans le cas où la masse volumique est continue sur V (cette hypothèse exclut la présence d’un choc),
on peut appliquer à l’intégrale de surface ci-dessus le théorème de Green-Ostrogradsky (2.7) :
Z Z
ρV · ndS = ∇ · (ρV )dV
S V
30 CHAPITRE 2. NOTIONS DE BASE. RAPPELS DE MÉCANIQUE DES FLUIDES
Comme cette intégrale est nulle pour un volume de contrôle V arbitraire, cela signifie que la fonction
intégrée est identiquement nulle soit :
∂ρ
+ ∇ · (ρV ) = 0 (2.10)
∂t
∂(ρu) ∂(ρv) ∂(ρw) ∂(ρvi )
où on rappelle que ∇ · (ρV ) = + + = .
∂x ∂y ∂z ∂xi
L’équation (2.10) constitue la forme différentielle conservative 5 de l’équation qui traduit la conser-
vation locale de la masse. Cette équation est parfois appelée équation de continuité ; il s’agit d’un
anglicisme dérivé de l’appellation "continuity equation" donnée à l’équation de conservation de la
masse dans la littérature anglo-saxonne.
Forme non-conservative
Partons de l’équation de conservation de la masse (2.10) et utilisons l’identité vectorielle :
∇ · (ρV ) = ρ∇ · V + V · ∇ρ
∂ρ
+ ρ∇ · V + V · ∇ρ = 0
∂t
soit encore
Dρ
+ ρ∇ · V = 0 (2.11)
Dt
La relation (2.11) constitue la forme différentielle non-conservative de l’équation traduisant la conser-
vation de la masse.
Remarque :
On a vu précédemment (2.8) que le caractère incompressible d’un fluide pouvait se traduire par
l’égalité ∇ · V = 0 en tout point de l’écoulement. La relation (2.11) nous indique qu’un fluide in-
Dρ
compressible est également tel que = 0. Autrement dit, pour un fluide incompressible, la masse
Dt
volumique ρ se conserve le long des trajectoires des particules fluides. En particulier, si l’écoulement
à l’infini amont est uniforme - ρ = ρ∞ ; on parle également d’écoulement homogène -, on aura partout
dans l’écoulement ρ = ρ∞ = cste. Ce cas d’un écoulement générateur uniforme étant très classique,
on assimile souvent “fluide incompressible” à “fluide à masse volumique constante” ; cet abus de lan-
gage sera parfois commis dans ce cours.
5 ∂φ
On dit qu’une équation est sous forme conservative lorsqu’elle est du type : + ∇ · F = 0. On reviendra
∂t
ultérieurement dans ce cours sur l’origine et l’intérêt de la distinction forme conservative / forme non-conservative.
2.2. EQUATION DE CONSERVATION DE LA MASSE 31
c - Exemple d’utilisation
δ( x)
x
∂ρ ∂(ρu) ∂(ρv)
+ + =0
∂t ∂x ∂y
L’écoulement étant supposé stationnaire, cette équation se réduit à ∇ · (ρV ) = 0 ; le fluide étant de
plus supposé incompressible (ρ = cste) cette relation se réduit elle-même à div(V ) = 0 soit
∂u ∂v
+ =0
∂x ∂y
∂v ∂u U∞ y 1/7 dδ
=− =
∂y ∂x 7 δ 8/7 dx
32 CHAPITRE 2. NOTIONS DE BASE. RAPPELS DE MÉCANIQUE DES FLUIDES
U∞ y 8/7 dδ
v= +k
8 δ 8/7 dx
où la constante d’intégration k est déterminée par la condition au limite v = 0 pour y = 0 qui traduit
le fait qu’il n’y a pas d’écoulement au travers de la plaque ; on en tire immédiatement k = 0.
On rappelle qu’une ligne de courant est une courbe qui admet en chacun de ses points une tangente
parallèle au vecteur-vitesse en ce point. Par conséquent, la droite y = ∆ est une ligne de courant si
U∞ ∆ 8/7 dδ
le vecteur vitesse en y = ∆ est tel que v = 0. Comme v(y = ∆) = ( ) 6= 0, la ligne y = ∆
8 δ dx
n’est pas une ligne de courant (du fluide s’écoule à travers cette ligne). ¤
Note :
Il est important de savoir utiliser aussi bien la forme intégrale que la forme différentielle de l’équation
de conservation de la masse. La forme différentielle fournit une information locale sur l’écoulement ;
la forme intégrale fournit une information globale : elle permet notamment d’évaluer les forces appli-
quées à un système matériel sans connaître le détail de l’écoulement.
Le volume de contrôle choisi pour appliquer la forme intégrale de la conservation de la masse peut
contenir des surfaces de discontinuités (chocs) (voir sur ce point le chapitre du cours consacré aux
écoulements supersoniques) alors que l’utilisation de la forme différentielle suppose la continuité de
l’écoulement.
La distinction forme conservative / forme non-conservative ne présente pas d’intérêt d’un point de
vue physique - nous avons vu que ces deux formulations étaient équivalentes -. En fait, l’intérêt
de telle ou telle formulation est lié à la résolution numérique des équations de l’écoulement comme
cela sera montré dans le cours "Bases de la simulation numérique des écoulements compressibles"
qui présentera les principaux concepts de la Mécanique des Fluides Numérique dite aussi CFD pour
"Computational Fluid Dynamics".
Le taux de variation de la quantité de mouvement du fluide contenu dans V(t) est égal à la somme
des forces qui s’exercent sur V(t).
La quantité de mouvement du fluide contenu dans le volume de contrôle matériel V(t) est donnée par
Z
ρV dV.
V(t)
2.3. EQUATION DE LA QUANTITÉ DE MOUVEMENT 33
Le taux de variation de cette quantité au cours du temps est par définition sa dérivée matérielle soit :
Z
D
( ρV dV).
Dt V(t)
– forces de surface qui agissent au niveau de la surface de contrôle S(t). Ces forces sont dues
uniquement à deux sources : la distribution de pression imposée par le fluide entourant le
volume de contrôle matériel, qui agit sur la surface S(t) suivant la normale à cette surface ; les
contraintes visqueuses liées à la viscosité et à l’état de déformation du fluide - ces contraintes
peuvent être normales ou tangentes à la surface de contrôle -.
Les forces de surface s’écrivent sous la forme générale :
Z
t(n)dS
S(t)
On admet dans ce cours les résultats suivants relatifs au vecteur contrainte - la démonstration de ces
propriétés serait l’objet d’un cours de Mécanique des Milieux Continus - :
– t(n) est défini par la relation :
Txx Txy Txz nx T11 T12 T13 n1
t(n) = T · n = Tyx Tyy Tyz · ny = T21 T22 T23 · n2 (2.12)
Tzx Tzy Tzz nz T31 T32 T33 n3
| {z }
tenseur des contraintes
– le tenseur des contraintes T est symétrique : Tij = Tji . Les Tii sont les contraintes normales,
les Tij (i 6= j) sont les contraintes tangentielles ou de cisaillement (cf. Fig. 2.7).
6
On remarquera que l’équation de la quantité de mouvement est une équation vectorielle qui conduit donc à 3
équations scalaires dans le cas d’un écoulement tridimensionnel.
34 CHAPITRE 2. NOTIONS DE BASE. RAPPELS DE MÉCANIQUE DES FLUIDES
– dans un fluide au repos la seule contrainte est la pression p qui agit suivant le sens opposé à n
et par conséquent :
−p 0 0
T = 0 −p 0 = −pδ
0 0 −p
où δ est le tenseur unitaire de matrice associée la matrice identité.
– dans un fluide en mouvement il y a apparition de contraintes visqueuses. On écrit alors :
T = −pδ + τ (2.13)
τzz
τ zy
τ zx τyz
τ yy
τxz
y
τyx
τxx τxy
Fig. 2.7 – Contraintes visqueuses agissant sur un élément de fluide. Par convention, τab désigne
une contrainte agissant dans la direction b sur la surface de l’élément dont la normale pointe dans la
direction a. Les contraintes τaa sont donc des contraintes normales ; les contraintes τab avec a 6= b sont
des contraintes tangentielles ou de cisaillement. Les contraintes visqueuses normales dans un fluide
sont en général négligeables devant les contraintes de cisaillement ; ces contraintes normales peuvent
∂vi
devenir importantes lorsque les gradients de vitesses “normaux”, du type , sont importants ce qui
∂xi
est typiquement le cas dans une structure d’onde de choc par exemple.
2.3. EQUATION DE LA QUANTITÉ DE MOUVEMENT 35
Cette équation - vectorielle - est la forme intégrale conservative de l’équation de la quantité de mou-
vement.
On peut réécrire (2.15) sous forme d’une équation scalaire sur les composantes du vecteur quan-
tité de mouvement ρV . On note : ρV = ρui + ρvj + ρwk = ρvi ei .
Par ailleurs :
τ11 τ12 τ13 n1 τ1,j nj
τ · n = τ21 τ22 τ23 · n2 = τ2,j nj
τ31 τ32 τ33 n3 τ3,j nj
donc (τ · n)i = τij nj .
L’équation (2.15) exprimée en termes de composantes est donc de la forme :
Z Z Z Z Z
∂(ρvi )
dV + ρvi (vj nj )dS = −pni dS + τij nj dS + ρgi dV. (2.16)
V ∂t S S S V
On précise que le coefficient de traînée (grandeur sans dimension) est défini comme le rapport entre
la force de traînée D de la plaque (résultante des forces qui s’opposent au mouvement du fluide) et
la pression dynamique7 associée à l’écoulement infini amont multipliée par la surface de la plaque :
D
CD = 1
ρ U2 S
2 ∞ ∞
7
On désigne classiquement en aérodynamique la pression p comme la pression statique ; par analogie, la quantité
1 2
2 ρV est appelée pression dynamique - elle est nulle pour un écoulement au repos -.
36 CHAPITRE 2. NOTIONS DE BASE. RAPPELS DE MÉCANIQUE DES FLUIDES
Dans le cas d’un écoulement bidimensionnel tel que celui considéré ici, on suppose que l’envergure de
la plaque - dans la profondeur de la page - est égale à l’unité et on écrit :
D
CD = 1
ρ U2 c
2 ∞ ∞
y
volume de contrôle
S2
U y= ∆
8
S3
S δ( x)
1
x
S
4
x=c
Fig. 2.8 – Ecoulement sur une plaque plane. Bilan de quantité de mouvement.
Puisque la pression est supposée uniforme sur la surface de contrôle, on peut écrire :
Z Z
−pndS = −p ndS
S S
Par conséquent, la résultante des forces de pression qui s’appliquent uniformément sur V est nulle -
ce qui est parfaitement conforme à l’intuition -.
∂(ρV )
L’écoulement étant supposé stationnaire, on a en particulier = 0.
∂t
L’équation de la quantité de mouvement (2.15) se réduit donc dans le cas présent à la relation :
Z Z
ρV (V · n)dS = τ · ndS
S S
2.3. EQUATION DE LA QUANTITÉ DE MOUVEMENT 37
Le membre de droite de cette relation correspond aux forces de frottement visqueux qui ralentissent
l’écoulement au niveau de la plaque. Si on projette ce terme sur la direction x de l’écoulement incident,
on peut écrire : Z
( τ · ndS) · i = −D
S
où D désigne l’intensité de la force de traînée et le signe − traduit l’orientation de cette force qui
s’oppose au mouvement du fluide suivant les x croissants.
On en déduit donc la relation :
Z Z
( ρV (V · n)dS) · i = ρ∞ u(V · n)dS = −D
S S
où on a utilisé ρ =Zρ∞ puisque le fluide est supposé incompressible. On cherche donc maintenant à
évaluer l’intégrale ρ∞ u(V · n)dS :
S
– il n’y a pas de flux de masse à travers la plaque donc
Z
ρ∞ u(V · n)dS = 0
S4
– sur S1 , V = ui = U∞ i et n = −i donc
Z Z
2 2
ρ∞ u(V · n)dS = −ρ∞ U∞ dS = −ρ∞ U∞ ∆
S1 S1
Pour déterminer entièrement la traînée D, il faut être en mesure d’évaluer cette dernière intégrale ;
pour y parvenir, appliquons l’équation de conservation de la masse sous forme intégrale (2.5) à notre
volume de contrôle ; on obtient : Z
ρ∞ V · ndS = 0
S
38 CHAPITRE 2. NOTIONS DE BASE. RAPPELS DE MÉCANIQUE DES FLUIDES
puisque l’écoulement est stationnaire et incompressible. On peut écrire de façon plus explicite :
Z Z Z Z
ρ∞ V · n dS + ρ∞ V · n dS + ρ∞ V · n dS + ρ∞ V · n dS = 0
S1 | {z } S2 | {z } S3 | {z } S4 | {z }
=−U∞ =ve y 1/7 =0
=U∞ ( )
∆
soit Z c
1 2
ρ ∞ U∞ ve dx = ρ∞ U∞ ∆
0 8
7 ∆
On en déduit in fine CD = ( ) = 1.94 × 10−3 si ∆ = 0.01c. ¤
36 c
On a vu précédemment que pour parvenir à une forme différentielle de l’équation ci-dessus il convient
de transformer les intégrales de surface qui y apparaissent en intégrales de volume afin d’obtenir une
relation mettant en jeu une unique intégrale sur le volume de contrôle V ; la nullité de cette intégrale
pour un volume V arbitraire implique alors la nullité de l’expression intégrée ce qui fournit la relation
différentielle désirée.
Pour transformer des intégrales de surface en intégrales de volume, nous allons utiliser le théorème
de Green-Ostrogradsky (2.7) et la relation (2.17) qui en découle ; nous rappelons ici ces relations
vectorielles en les donnant sous forme de relations scalaires sur les composantes des vecteurs :
Z Z
∂(φFj )
φFj nj dS = dV (a)
ZS Z V ∂xj (2.18)
∂φ
φni dS = dV (b)
S V ∂xi
et on peut apprécier l’intérêt d’une notation indicielle nettement plus compacte. La forme ci-dessus
∂(ρu2 ) ∂(ρuv) ∂(ρuw)
peut être légèrement condensée en notant que + + = ∇·(ρuV ) - et similairement
∂x ∂y ∂z
pour les équations en v et w -.
La relation (2.19) peut aussi être mise sous forme vectorielle :
∂(ρV )
+ ∇ · (ρV ⊗ V ) = −∇p + ∇ · τ + ρg (2.20)
∂t
où le produit V ⊗ V est dénommé produit dyadique et représente un tenseur :
a1 b1 a1 b2 a1 b3
a ⊗ b = a2 b1 a2 b2 a2 b3
a3 b1 a3 b2 a3 b3
∂(ρvi vj )
La divergence de V ⊗ V est naturellement un vecteur de composantes .
∂xj
Formulation non-conservative
Partons de la forme semi-développée de l’équation (2.19) ci-dessus pour la première composante
cartésienne de la vitesse :
∂(ρu) ∂p ∂τ1j
+ ∇ · (ρuV ) = − + + ρgx
∂t ∂x ∂xj
∂(ρu) ∂ρ ∂u
+ ∇ · (ρuV ) = u + ρ + u∇ · (ρV ) + ρV · ∇u
∂t ∂t ∂t
∂ρ Du
= u[ + ∇ · (ρV )] + ρ
|∂t {z } Dt
=0 par (2.10)
Dans une large partie de ce cours, on considérera des écoulements de fluides idéaux, c’est-à-dire de
fluides de viscosité nulle : en l’absence de viscosité, le tenseur des contraintes visqueuses est identi-
quement nul.
Naturellement ce fluide idéal est un modèle de fluide - dans la réalité tous les fluides ont une visco-
sité, plus ou moins élevée - ; ce modèle est très intéressant pour au moins deux raisons : la première,
immédiate, est qu’il permet de simplifier considérablement les équations décrivant l’écoulement ; la
seconde raison, plus fondamentale, est que ce modèle permet de décrire correctement de nombreux
problèmes d’aérodynamique, en dépit de cette simplification.
Ainsi, dans le cas de l’écoulement supersonique dans une tuyère par exemple, les caractéristiques de
l’écoulement obtenues en supposant l’air fluide idéal - en particulier les structures de chocs - repro-
duisent pour l’essentiel les caractéristiques de l’écoulement réellement observées ; les différences entre
prédiction et observation sont liées à la non-prise en compte des effets de la viscosité dans la zone de
couche-limite qui se développe sur les parois de la tuyère.
Naturellement, il existe aussi de nombreux écoulements pour lesquels il est impossible de négliger la
viscosité, au risque d’une prédiction gravement erronée. Il convient alors de préciser la forme retenue
pour les contraintes visqueuses dont on a dit précédemment qu’elles dépendaient de la viscosité et de
l’état de déformation du fluide.
L’air appartient à la famille des fluides newtoniens ; pour de tels fluides les contraintes visqueuses
dépendent linéairement des taux de déformation dans l’écoulement - donc des gradients de vitesse -
suivant la relation 8 :
où µ désigne la viscosité dynamique du fluide et où on rappelle que la notation δij désigne les com-
posantes du tenseur unité δ qui vérifient donc δii = 1, δij = 0 pour i 6= j. La viscosité µ est une
propriété du fluide considéré mais dépend aussi de l’état thermodynamique local de l’écoulement.
Pour des températures inférieures à 3000 K, la viscosité de l’air peut être considérée comme indé-
pendante de la pression et seule la dépendance vis-à-vis de la température demande à être prise en
compte. Cette dépendance est bien décrite par la loi dite de Sutherland :
T 1.5
µ(T ) = 1.458 × 10−6 (2.23)
T + 110.4
où la température T s’exprime bien sûr en K et µ est donnée en kg m−1 s−1 . La viscosité dynamique
de l’air à 293 K vaut 1.8 × 10−5 kg m−1 s−1 .
8
Des fluides dans lesquels les contraintes visqueuses ne sont pas proportionnelles aux gradients de vitesses sont dits
non-newtoniens ; le sang est un exemple de ces fluides et l’hémodynamique, ou étude des écoulements sanguins, s’appuie
donc sur les équations de Navier-Stokes mais fermées par une loi de comportement non-newtonienne qui introduit une
dépendance non-linéaire entre contraintes et taux de déformation.
2.3. EQUATION DE LA QUANTITÉ DE MOUVEMENT 41
L’équation de la quantité de mouvement écrite pour un fluide newtonien est appelée équation de
∂τij
Navier-Stokes. Pour obtenir sa forme différentielle à partir de (2.19) il faut évaluer le terme :
∂xj
∂τij ∂ 2 vi ∂ 2 vj 2 ∂ ∂vk
= µ( 2
+ )− µ ( )δij
∂xj ∂xj ∂xi ∂xj 3 ∂xj ∂xk
∂ 2 vi ∂ ∂vj 2 ∂ ∂vk
= µ( 2 + ( )) − µ ( )
∂xj ∂xi ∂xj 3 ∂xi ∂xk
∂ 2 vi ∂ 2 ∂
=µ 2 +µ (∇ · V ) − µ (∇ · V )
∂xj ∂xi 3 ∂xi
µ ∂
= µ∆vi + (∇ · V )
3 ∂xi
∂2φ ∂ 2φ ∂ 2φ ∂ 2φ
où ∆ désigne l’opérateur laplacien : ∆φ = + + = (l’indice j est doublé car
∂x2 ∂y 2 ∂z 2 ∂x2j
∂x2j ≡ ∂xj ∂xj et il y a donc sommation sur cet indice).
On en déduit la forme différentielle de l’équation de Navier-Stokes :
∂(ρvi ) ∂(ρvi vj ) ∂p µ ∂(∇ · V )
+ =− + ρgi + µ∆vi + (2.25)
∂t ∂xj ∂xi 3 ∂xi
On rappelle que :
∂(ρvi ) ∂(ρvi vj ) ∂vi ∂ρ ∂vi ∂ρvj
+ =ρ + vi + ρvj + vi
∂t ∂xj ∂t ∂t
µ ∂xj ¶ ∂xj µ ¶
∂ρ ∂ρvj ∂vi ∂vi
= vi + +ρ + vj
∂t ∂xj ∂t ∂xj
| {z } | {z }
=0par conservation de la masse dvi
= = γi
dt
dvi
=ρ
dt
42 CHAPITRE 2. NOTIONS DE BASE. RAPPELS DE MÉCANIQUE DES FLUIDES
et par conséquent l’équation de Navier-Stokes (2.25) peut aussi se mettre sous la forme équivalente :
dvi ∂p µ ∂(∇ · V )
ρ =− + ρgi + µ∆vi + (2.26)
dt ∂xi 3 ∂xi
Dans le cas d’un écoulement incompressible, la relation ∇ · V = 0 permet de simplifier l’équation
(2.25) ou (2.26) en :
∂ ∂(vi vj ) 1 ∂p
vi + =− + gi + ν∆vi
∂t ∂xj ρ ∂xi
ou
dvi 1 ∂p
=− + gi + ν∆vi
dt ρ ∂xi
µ
où ν = désigne la viscosité cinématique.
ρ
Exemple d’application
On considère un écoulement stationnaire incompressible d’un fluide newtonien dans un canal bidi-
mensionnel de longueur infinie et de hauteur h (cf. Fig. 2.9) ; cet écoulement est classiquement appelé
écoulement de Poiseuille. On suppose que l’écoulement est pleinement développé c’est-à-dire qu’il n’y
a pas d’évolution des composantes de la vitesse dans la direction principale de l’écoulement (direction
x). On suppose de plus que les forces de volume sont négligeables. On souhaite déterminer le profil
de la vitesse du fluide dans le canal.
u(y)
h
y
v = 0 au niveau des parois du canal (il n’y a pas d’écoulement de fluide à travers ces parois), on a
nécessairement v = 0 partout dans l’écoulement.
Dans le cas de ce problème incompressible (∇ · V = 0) bidimensionnel, l’équation de Navier-Stokes
conduit a priori aux deux équations scalaires suivantes :
∂u ∂(u2 ) ∂(uv) 1 ∂p µ
+ + =− + ∆u
∂t ∂x ∂y ρ ∂x ρ
∂v ∂(uv) ∂(v 2 ) 1 ∂p µ
+ + =− + ∆v
∂t ∂x ∂y ρ ∂y ρ
L’écoulement est stationnaire, pleinement développé et v est identiquement nulle ; par conséquent ces
équations se réduisent à :
∂p
0=− + µ∆u
∂x
∂p
0=−
∂y
La pression p est donc fonction de l’abcisse x seulement et comme les composantes de la vitesse sont
supposées être fonction de l’ordonnée y seulement, la composante u de la vitesse vérifie l’équation
différentielle ordinaire :
d2 u 1 dp
2
= ,
dy µ dx
dont la solution générale est de la forme :
1 dp 2
u(y) = y + k1 y + k2
2µ dx
Les constantes k1 et k2 sont déterminées par les conditions aux limites de l’écoulement. Dans le cas
d’un écoulement visqueux, la vitesse du fluide à la paroi est la vitesse de la paroi ; dans le cas d’une
paroi fixe, la vitesse du fluide à la paroi est donc nulle - nous reviendrons sur ces conditions aux
limites à la fin de ce chapitre (cf. 6.3) -. Dans le cas présent on a donc u(0) = 0 et u(h) = 0 (cf. Fig.
2.9). On en déduit immédiatement :
1 dp 2
u(y) = ( )(y − hy)
2µ dx
Le profil de vitesse dans le canal est donc parabolique ; la vitesse maximale du fluide est atteinte au
1 dp dp
centre du canal (y = h/2) et vaut umax = − ( )h2 . On observe que le gradient de pression
8µ dx dx
doit être négatif pour que l’écoulement se fasse suivant les x croissants ; on a une diminution de la
pression suivant le sens de l’écoulement. ¤
L’équation (2.27) régit l’évolution de la quantité de mouvement pour un écoulement de fluide parfait
ou idéal et a été largement étudiée dans des cours de mécanique des fluides antérieurs. Plus particu-
lièrement, on s’intéresse souvent à des formes simplifiées de cette équation qui peuvent être obtenues
au prix de certaines hypothèses sur l’écoulement considéré. Remarquons tout d’abord que les forces
de gravité dérivent d’un potentiel dit gravitationnel Φ = ||~g ||z (où z désigne l’axe vertical orienté de
bas en haut) tel que ~g = −∇Φ. L’équation (2.27) peut donc encore s’écrire :
dV~ 1
= − ∇p − ∇Φ.
dt ρ
Une manipulation vectorielle du premier membre de cette équation permet de la transformer en :
∂ V~ V~ 2 1
+ ∇( ) + (∇ × V~ ) × V~ = − ∇p − ∇Φ
∂t 2 ρ
∂ V~ V~ 2 1
+ ∇( ) + ∇p + ∇Φ + ω × V~ = 0
∂t 2 ρ
Si on suppose maintenant que l’écoulement de fluide idéal est incompressible et homogène, on en
déduit ρ = cste partout dans l’écoulement soit :
à !
∂ V~ V~ 2 p
+∇ + + Φ + ω × V~ = 0 (2.28)
∂t 2 ρ
L’équation (2.28), dite équation de Lamb (grand hydrodynamicien anglais) est une forme alternative
de l’équation d’Euler, qui se prête bien à quelques simplifications supplémentaires.
Si, en plus de supposer le fluide idéal et l’écoulement incompressible à masse volumique constante, on
fait l’hypothèse d’un écoulement stationnaire ou permanent, i.e. tel que les propriétés de l’écoulement
∂
ne varient plus en fonction du temps (soit encore pour toutes les grandeurs caractéristiques de
∂t
l’écoulement), la conservation de la quantité de mouvement se réduit à :
à !
V~ 2 p
∇ + + Φ + ω × V~ = 0
2 ρ
En projetant cette relation sur le vecteur vitesse local V~ , on élimine le dernier terme du premier
membre puisqu’il fait apparaître un produit mixte entre 3 vecteurs dont 2 sont colinéaires (le vecteur
V~ étant colinéaire à lui-même) et on obtient donc :
à !
V~ 2 p
∇ + +Φ =0
2 ρ
V~ 2 p
+ + gz = cste le long d’une ligne de courant (2.29)
2 ρ
2.3. EQUATION DE LA QUANTITÉ DE MOUVEMENT 45
V~ 2 p
+ = cste le long d’une ligne de courant
2 ρ
Si il est utile de retenir cette relation, il est également indispensable de se souvenir des hypothèses
formulées pour l’obtenir ; ainsi, la propriété ci-dessus est valable pour un écoulement stationnaire et
incompressible de fluide idéal.
Cette propriété peut être généralisée au prix d’une hypothèse supplémentaire sur l’écoulement.
Si on repart maintenant de l’équation de Lamb, valable pour un écoulement de fluide idéal, et si on
suppose cet écoulement incompressible, stationnaire et irrotationnel, c’est-à-dire tel que ω × V~ = ~0,
alors l’équation de Lamb se réduit à :
à !
V~ 2 p
∇ + +Φ =0
2 ρ
V~ 2 p
+ + gz = cste partout dans l’écoulement
2 ρ
ou encore, en négligeant les effets de la gravité, ce qui est légitime pour un fluide léger tel que l’air :
V~ 2 p
+ = cste partout dans l’écoulement
2 ρ
L’étude des écoulements stationnaires, incompressibles et irrotationnels de fluide idéal constitue un
point central des cours de base de mécanique des fluides. Sous l’hypothèse d’irrotationnalité, le vecteur
vitesse dérive d’un potentiel, c’est-à-dire que l’on peut écrire V~ = ∇Ψ ; en injectant cette relation
dans la relation de conservation de la masse, qui se réduit en incompressible à exprimer la nullité
de la divergence de la vitesse, on obtient une équation de Laplace pour le potentiel des vitesses :
∆Ψ = 0, complétée bien sûr par des conditions aux limites. Cette équation de Laplace peut être
résolue par exemple par des techniques de transformation conforme en passant du plan physique au
plan complexe. Une fois obtenu le potentiel des vitesses, son intégration fournit la vitesse et l’équation
de Bernoulli fournit la pression ; la distribution de pression permet alors de calculer les efforts exercés
par le fluide. Dans le cadre de ce cours d’aérodynamique, on s’intéressera tout particulièrement à des
écoulements compressibles pour lesquels les relations de Bernoulli ne sont pas valables.
amont, où l’écoulement uniforme est défini par une masse volumique ρ∞ ou ρ constante dans tout
l’écoulement, une pression p∞ et s’achève sur le profil en un point dit d’arrêt, noté A sur la figure 2.10
où la vitesse de la particule fluide s’annule et où la pression prend la valeur pA , dite pression d’arrêt.
Sans qu’il soit besoin de supposer l’écoulement irrotationnel, la première version de la relation de
Bernoulli appliquée le long de cette ligne de courant particulière permet d’écrire :
pA 1 p∞
0+ = V~∞2 +
ρ 2 ρ
soit encore :
1
pA = p∞ + ρV~∞2 (2.30)
2
La pression au point d’arrêt pA , ou pression d’arrêt, est donc la somme de la pression p∞ à l’infini
amont et de la pression dynamique 12 ρV~∞2 associée à l’écoulement générateur à l’infini amont. Cette
relation peut être utilisée pour mesurer la vitesse d’un écoulement incompressible à partir de me-
sures de pression. On considère (voir Fig. 2.11) un écoulement incompressible dans une soufflerie.
L’écoulement est supposé s’effectuer de la droite vers la gauche. Un tube de Pitot permet de mesurer
la pression d’arrêt p0 au point B ; un capteur de pression permet de mesurer la pression (statique)
p au point A. On suppose la pression et la vitesse à peu près uniformes dans la veine d’essai ; la
masse volumique, constante dans l’écoulement, est notée ρ. L’application de la relation (2.30) permet
d’obtenir de façon immédiate :
r
p0 − p
V1 = 2 (2.31)
ρ
La mesure d’une pression d’arrêt grâce au tube de Pitot placé dans la veine d’essai et d’une pression
statique par un dispositif pariétal permet donc d’estimer la vitesse de l’écoulement dans la section de
mesure de la pression statique. Il faut bien noter que la formule (2.31) n’est valable en toute rigueur
que pour un écoulement incompressible.
2.4. EQUATION DE CONSERVATION DE L’ÉNERGIE 47
Fig. 2.11 – Mesure de vitesse dans une soufflerie basse-vitesse : cas d’un écoulement incompressible.
Le taux de variation de l’énergie contenue dans V(t) est égal à la somme du travail effectué par
unité de temps par les forces extérieures appliquées au volume V(t) et du flux de chaleur qui passe
par unité de temps à travers S(t).
Pour pouvoir mettre ce principe physique en équation, la première question à se poser est natu-
rellement de savoir quelle est l’énergie d’un élément de fluide ?
L’énergie totale d’un élément de fluide se décompose en :
– une énergie interne liée au mouvement moléculaire ; on notera e l’énergie interne spécifique (i.e.
par unité de masse). Dans un gaz, même au repos, chaque atome ou molécule est animé d’un
mouvement aléatoire qui s’accompagne en outre de phénomènes de rotation et de vibration
de ces particules ; enfin, le mouvement des électrons autour des noyaux atomiques ajoute une
énergie d’origine électronique à la particule. L’énergie interne e d’un élément de fluide est donc
la somme de ces énergies sur l’ensemble des atomes ou molécules présents dans l’élément.
1
– une énergie cinétique liée au mouvement macroscopique du fluide et égale à V 2 (par unité de
2
masse).
L’énergie totale spécifique E s’écrit donc :
1
E =e+ V2
2
48 CHAPITRE 2. NOTIONS DE BASE. RAPPELS DE MÉCANIQUE DES FLUIDES
où il nous faut déterminer Ẇ et Q̇, respectivement travail effectué par unité de temps par les forces
extérieures appliquées au volume V(t) et flux de chaleur traversant S(t) par unité de temps.
Flux de chaleur
Le flux de chaleur traversant S(t) peut avoir deux origines :
– échauffement “en volume” de l’élément de fluide lié à des phénomènes de rayonnement
– transfert de chaleur à travers la surface de contrôle lié à la présence de gradients de température :
on parle alors de conduction thermique.
On se limitera dans ce cours à prendre en compte la conduction thermique. On note q le flux de
chaleur par conduction (par unité de surface et de temps) ; q est lié à la température T du fluide par
une loi de Fourier :
q = −k∇T (2.32)
où k désigne la conductivité thermique du fluide - k est en principe fonction de la température T mais
cette dépendance peut être négligée dans le contexte des applications du cours -. Le flux de chaleur
élémentaire qui passe par unité de temps et de surface à travers un élément infinitésimal dS de la
surface de contrôle S(t) est donné par −q · ndS (où le signe − provient de l’orientation du vecteur
normal unitaire n et du fait que l’on compte positivement la chaleur reçue par le système considéré)
et donc le flux de chaleur qui traverse S(t) par unité de temps vaut :
Z
Q̇ = − q · ndS
S(t)
Le théorème de transport (2.6) appliqué à un instant t où V coïncide avec V(t) permet d’écrire la
forme intégrale conservative de l’équation de conservation de l’énergie :
Z Z Z Z Z
∂ρE
dV + ρE(V · n)dS = t(n) · V dS + ρg · V dV − q · ndS (2.34)
V ∂t S S V S
On considère un écoulement stationnaire de fluide idéal incompressible dans une conduite dont on
connaît les différents paramètres géométriques - altitude et surface des sections d’entrée et de sortie
- (cf. Fig.2.12) ; l’écoulement peut être considéré comme étant monodimensionnel - les propriétés de
l’écoulement sont supposées constantes dans une section donnée de la conduite -. Le fluide s’écoule
hors de la conduite, dans l’atmosphère, avec un débit volumique connu Qf . On n’observe pas de
variation de l’énergie interne e entre l’entrée et la sortie de la conduite. Indiquer comment la pression
statique au niveau de la section d’entrée peut être déterminée.
z
section d’entrée
p S1
1
g
section de sortie
Qf
S2 p
a
• On choisit un volume de contrôle V qui englobe le fluide compris entre les sections d’entrée 1 et
de sortie 2 et on applique à ce fluide idéal et incompressible en écoulement stationnaire, l’équation
(2.35) de conservation de l’énergie ; on obtient :
Z Z Z
ρ∞ E(V · n)dS = − p(V · n)dS + ρ∞ g · V dV
S S V
= − ρ∞ gzV · ndS
S
On a donc finalement : Z
p
[E + + gz](V · n)dS = 0
S ρ∞
Comme V · n = 0 sur les parois de la conduite et que les propriétés de l’écoulement sont supposées
constantes dans une section donnée, l’évaluation de cette intégrale conduit à :
p1 p2
(E1 + + gz1 )V1 S1 = (E2 + + gz2 )V2 S2
ρ∞ ρ∞
La conservation de la masse entre la section 1 et la section 2 fournit de façon immédiate (cf. 2.1.d) :
ρ1 V1 S1 = ρ2 V2 S2
1
Puisque E = e + V 2 et que l’énergie interne ne présente pas de variation perceptible dans l’écou-
2
lement, on obtient par conséquent une forme de l’équation de l’énergie bien connue sous le nom
d’équation de Bernoulli :
1 2 p1 1 p2
V1 + + gz1 = V22 + + gz2
2 ρ∞ 2 ρ∞
Dans cette expression z1 et z2 sont des altitudes connues, p2 est la pression atmosphérique, V2 est
donnée par Qf = V2 S2 et V1 s’obtient par V1 S1 = V2 S2 ; on peut donc évaluer p1 . ¤
2.4. EQUATION DE CONSERVATION DE L’ÉNERGIE 51
H = cste = H∞ (2.39)
Formulation non-conservative
On procède classiquement en écrivant :
∂(ρE) ∂(ρEvi ) ∂ρ ∂E
+ =E +ρ + E∇ · (ρV ) + ρV · ∇E
∂t ∂xi ∂t ∂t
DE
=ρ
Dt
Après substitution dans (2.36) on obtient la forme non-conservative de l’équation de l’énergie totale :
DE
ρ = −∇ · (pV ) + ρg · V + ∇ · (τ · V ) + k∆T (2.40)
Dt
Remarque :
De nombreuses manipulations des équations (2.36) et (2.40) sont possibles ; on peut en particulier ob-
tenir des équations de bilan pour l’énergie interne e, l’énergie cinétique, l’enthalpie h, la température
T . . . Un exemple de manipulation permettant d’obtenir une équation d’évolution pour la tempéra-
ture est fourni dans une section ultérieure qui présente une synthèse des équations permettant de
modéliser des écoulements de fluide idéal ou réel.
L’air sera considéré dans ce cours comme un gaz parfait, i.e. un gaz dans lequel les forces inter-
moléculaires sont négligées - les propriétés macroscopiques de ce modèle de gaz parfait fournissent
une très bonne approximation des propriétés d’un gaz réel, excepté aux très basses et très hautes
températures et densités, cas qui ne seront pas traités dans ce cours -.
Un gaz parfait obéit à l’équation d’état thermique suivante :
R
où r est une constante du gaz ; r = avec R la constante universelle des gaz parfaits et M la masse
M
molaire du gaz considéré.
Aux conditions normales de température et de pression 10 , l’air est constitué de 21% d’oxygène et
de 79% d’azote, d’où une masse molaire égale à 28.97 et une constante r qui vaut :
r = 287.06 J/kg − K
L’énergie interne e est une variable d’état qui peut être reliée à (ρ, T ) par une équation d’état dite
équation d’état calorifique : e = e(ρ, T ).
On peut aussi écrire e = e(v, T ), où v désigne le volume spécifique du gaz, i.e. le volume par unité
de masse donc v = 1/ρ. On peut alors écrire la relation différentielle exprimant la variation d’énergie
interne en fonction des variations élémentaires de température et de volume spécifique :
∂e ∂e
de = ( )T dv + ( )v dT
∂v ∂T
∂
où la notation ( )b signifie “dérivée partielle par rapport à la variable a, la variable b étant maintenue
∂a
constante”.
∂e
Pour un gaz parfait, ( )T = 0 et par conséquent l’énergie interne est uniquement fonction de la
∂v
température : e = e(T ). On note :
∂e
Cv = ( )v
∂T
et on appelle Cv le coefficient de chaleur spécifique à volume constant. Dans le cas de l’air, Cv reste
pratiquement constant pour des températures inférieures à 600 K ; pour les applications visées dans
ce cours, on pourra supposer Cv constant de valeur :
Cv = 717 J/kg − K
On qualifie un gaz pour lequel Cv = cste de gaz caloriquement parfait. On peut alors écrire :
e = Cv T + cste ou e = Cv T (2.42)
sous réserve d’avoir défini de façon appropriée un état de référence. La relation (2.42) permet donc
de déterminer l’énergie interne e lorsque la température T est connue.
Cp = 1004 J/kg − K
2.5. UN PEU DE THERMODYNAMIQUE 55
Cp − Cv = r
Puisque Cp et Cv sont constants, on peut introduire une nouvelle constante γ, rapport de ces chaleurs
spécifiques :
Cp
γ=
Cv
Pour des écoulements d’air dans lesquels la température ne dépasse pas 600 K, le coefficient γ reste
constant et tel que :
γ = 1.4
11
Cette valeur sera systématiquement utilisée dans ce cours sauf mention explicite du contraire . On
peut déduire des relations précédentes les expressions suivantes pour Cv et Cp :
r γr
Cv = et Cp =
γ−1 γ−1
p = (γ − 1)ρe (2.44)
Conservation de l’énergie
Compte tenu de l’expression de l’enthalpie spécifique h en fonction de la température T , on
peut exprimer la conservation de l’énergie pour un écoulement stationnaire de fluide parfait avec des
conditions uniformes à l’infini amont sous la forme :
1 1~ 2
Cp T + V~ 2 = Cp T∞ + V (2.45)
2 2 ∞
écoulements de fluides réels subissent les effets irréversibles des frottements visqueux et des transferts
de chaleur. Cependant, si on considère un élément de fluide situé hors de la zone de couche limite
dans laquelle se produit l’essentiel des effets de la viscosité et de la conductivité thermique, et en
l’absence d’ondes de choc dans l’écoulement, on peut estimer que l’évolution de cet élément se fait
de façon quasiment réversible.
L’irréversibilité d’un écoulement de fluide réel suggère qu’il existe des limitations sur le sens dans
lequel peut avoir lieu un échange d’énergie.
La seconde loi de la thermodynamique va nous permettre de préciser dans quel sens peut se faire
l’évolution de l’état d’un système thermodynamique et de quantifier le degré d’irréversibilité d’un
processus.
Notion d’entropie
Le deuxième principe de la thermodynamique stipule que :
– il existe une variable d’état s, appelée entropie, qui est donnée, pour un processus réversible,
par la relation :
δq
ds = ( )rev (2.46)
T
où δq désigne l’apport de chaleur au système thermodynamique considéré. Cet apport de chaleur
peut être relié à l’énergie interne e grâce au premier principe de la thermodynamique :
de = δq − pdv
où pdv représente le travail des forces de pression. On rappelle que v désigne le volume mas-
sique,i.e. v = 1/ρ ; le produit pdv doit être vu ici comme le produit de la pression par la surface
élémentaire de l’élément de fluide, ce qui correspond à la force s’exerçant sur cet élément, lui-
même multiplié par le déplacement élémentaire de l’élément, afin de traduire le travail de cette
force.
En combinant les deux relations ci-dessus, on obtient la relation de Gibbs, entre les variables
d’état température, entropie, énergie interne, pression et masse volumique :
1
T ds = de + pd( ) (2.47)
ρ
– tout changement d’état d’un système thermodynamique s’accompagne d’une variation d’entro-
pie ds qui se décompose comme suit :
δq
ds = ( )rev + dsirrev (2.48)
T
où la contribution dsirrev provient des processus irréversibles du type frottement visqueux,
transfert de chaleur, choc, qui se produisent dans le système, et est telle que :
dsirrev ≥ 0 (2.49)
– pour tout processus adiabatique, i.e. s’effectuant sans échange de chaleur (δq = 0) :
ds ≥ 0
ds = 0
T2 v2
s2 − s1 = Cv ln( ) + r ln( )
T1 v1
T2 p2 ρ1
Compte tenu de = ( ) · ( ) par (2.41) appliquée pour l’état 1 et l’état 2, on en déduit :
T1 p1 ρ2
p2 ρ1
s2 − s1 = Cv ln( ) + (Cv + r) ln( )
p1 ρ2
La relation (2.51) jouera un rôle très important dans la suite de ce cours lors de l’analyse des écou-
lements compressibles internes et externes. Là-encore, il est tout aussi important de se rappeler les
conditions de validité de cette relation que la relation elle-même : la relation (2.51) est valable dans
un écoulement compressible qui peut être supposé isentropique ; tout écoulement de fluide parfait
12
Il n’y a pas de processus réels qui soient parfaitement isentropiques. Cependant, on peut toujours supposer un
écoulement isentropique et prédire alors les caractéristiques de l’écoulement compte tenu de cette hypothèse. Si cette
prédiction s’avère incorrecte, cela signifie que les irréversibilités de l’écoulement doivent être impérativement prises en
compte.
58 CHAPITRE 2. NOTIONS DE BASE. RAPPELS DE MÉCANIQUE DES FLUIDES
peut être considéré comme un processus isentropique en-dehors des zones de discontinuité : la tra-
versée d’une discontinuité s’accompagne d’une production d’entropie irréversible. Dans le cas d’un
écoulement incompressible de fluide réel, il n’y a pas de discontinuités présentes dans l’écoulement
mais les zone de couche limite et de sillage, dans lesquelles les effets visqueux ne peuvent être négli-
gées, sont des zones de production d’entropie irréversible ; l’écoulement pourra être considéré comme
isentropique en dehors de la couche limite et du sillage.
Entre deux points d’une zone d’écoulement isentropique, on peut écrire :
p1 p2
γ = γ
ρ1 ρ2
soit µ ¶ µ ¶γ
p2 ρ2
= (2.52)
p1 ρ1
En utilisant la loi d’état p = ρrT , on peut aussi écrire :
µ ¶ µ ¶ γ−1
γ
p2 T2
= (2.53)
p1 T1
On observe donc que pour un écoulement compressible la mesure d’une pression statique et d’une
pression d’arrêt permet d’accéder au nombre de Mach de l’écoulement mais pas à sa vitesse. Puisque
vitesse et nombre de Mach sont reliés par V = a × M et puisque la vitesse du son a ne dépend que
de la température T , on constate donc qu’il est nécessaire de disposer également d’une mesure de
température pour pouvoir estimer la vitesse de l’écoulement. On écrit précisément :
v" #
r u µ ¶ γ−1
2 u p0 γ
V1 = a1 M1 = a1 t −1 (2.57)
γ−1 p1
Cette formule peut être comparée à la formule (2.31) valable uniquement pour un écoulement in-
compressible et que l’on manipule ici pour la mettre sous une forme analogue à la formule (2.57)
ci-dessus :
s µ ¶ s µ ¶ s µ ¶ r sµ ¶
p0 − p1 p1 p0 p0 2 p0
V1 = 2 = 2 − 1 = 2rT1 −1 = a1 −1
ρ1 ρ1 p1 p1 γ p1
Application numérique
On considère un avion en vol à une altitude de 10 km. Un tube de Pitot placé en bout d’aile mesure
une pression de 40000 P a ou N/m2 . La température de l’air ambiant est de 230 K ; la pression de
l’air ambiant à cette altitude est de 26500 P a environ. Calculer le nombre de Mach et la vitesse de
déplacement de l’appareil.
• Puisque toutes les données du problème ci-dessus sont exprimées en unités du Système Internatio-
nal, on peut directement appliquer la formule (2.56) ou (2.57). Le rapport des chaleurs spécifiques γ
60 CHAPITRE 2. NOTIONS DE BASE. RAPPELS DE MÉCANIQUE DES FLUIDES
vaut 1.4 pour l’air et la constante r vaut 287.06 J kg −1 K −1 . Un calcul immédiat fournit M12 = 0.6242
soit M1 = 0.79. De plus, V1 = a1 × M1 avec a1 = 304.0285 m/s soit V1 ≈ 240.2 m/s.
Si on applique "sans réfléchir" la formule (2.31) valable dans le seul cas d’un écoulement incompres-
sible, on obtient V1 = 259.4 m/s soit une erreur de 8% par rapport à la valeur correcte obtenue en ne
supposant pas l’écoulement incompressible. Plus le nombre de Mach de l’écoulement sera proche de 1
et plus l’écart des prédictions fournies par les 2 formules sera grand. Pour un écoulement supersonique
(tel que le nombre de Mach dans l’écoulement générateur est supérieur à 1), la formule (2.57) n’est
elle-même plus valable car on doit tenir compte de la formation d’une onde de choc devant le tube
de Pitot : ce cas sera abordé dans le cadre du cours consacré aux écoulements supersoniques.
Fig. 2.13 – Mesure de vitesse dans une soufflerie basse-vitesse : cas d’un écoulement compressible.
l’équation de l’énergie - ; nous tenons compte dans ces formulations de l’existence de forces volu-
miques - gravitationnelles dans la plupart des applications - afin de leur donner un caractère aussi
général que possible même si dans le cas des écoulements d’air considérés en aérodynamique l’effet
de la gravité est négligeable.
Forme intégrale
La formulation intégrale des équations d’Euler est particulièrement fondamentale : elle s’applique pour
tous types d’écoulements ; en particulier, le volume de contrôle V peut contenir des discontinuités.
Z Z
∂ρ
dV + ρV · ndS = 0
V ∂t S
Z ∂(ρV ) Z Z Z
dV + ρV (V · n)dS = −pndS + ρgdV. (2.58)
V ∂t S S V
Z Z Z Z
∂(ρE)
dV + ρE(V · n)dS = − p(V · n)dS + ρg · V dV
V ∂t S S V
La forme différentielle fournit une information locale sur l’écoulement ; elle permet de connaître
l’état de l’écoulement en chaque point de l’espace. Nous donnons ici la formulation conservative des
équations d’Euler ; on parle aussi dans la littérature anglo-saxonne de divergence form puisque ces
∂φ
équations sont de la forme + ∇ · F = G où ∇ · F désigne la divergence du flux F .
∂t
• Equations en formulation vectorielle :
∂ρ
+ ∇ · (ρV ) = 0
∂t
∂(ρV )
+ ∇ · (ρV ⊗ V ) = −∇p + ρg (2.59)
∂t
∂(ρE) + ∇ · (ρEV ) = −∇ · (pV ) + ρg · V
∂t
Cette appellation est tout à fait correcte d’un point de vue historique. Cependant, le développement
de la CFD a conduit à désigner sous le vocable “équations de Navier-Stokes” l’ensemble des équations
qui régissent l’écoulement d’un fluide visqueux conducteur de la chaleur et que les chercheurs en
CFD cherchent à résoudre numériquement. Nous adopterons cette terminologie dans ce cours. Nous
64 CHAPITRE 2. NOTIONS DE BASE. RAPPELS DE MÉCANIQUE DES FLUIDES
rappelons ci-dessous la formulation différentielle - sous forme indicielle - de ces équations de Navier-
Stokes. Celles-ci différent des équations d’Euler par la présence : de termes supplémentaires dans les
équations de la quantité de mouvement, qui correspondent aux contraintes visqueuses ; de termes
supplémentaires dans l’équation de l’énergie, qui traduisent le travail de ces contraintes visqueuses
et le transfert de chaleur.
∂ρ ∂(ρvi )
+ =0
∂t ∂xi
∂(ρv ) ∂(ρv v ) ∂p ∂τij
i i j
+ =− + ρgi + (2.63)
∂t ∂xj ∂xi ∂xj
∂(ρE) ∂(ρEvi ) ∂(pvi ) ∂(τij vi ) ∂ 2T
+ =− + ρgi vi + +k 2
∂t ∂xi ∂xi ∂xj ∂xi
2.7. SYNTHÈSE DES ÉQUATIONS DE L’ÉCOULEMENT 65
Dvi ∂p ∂τij
ρvi = −vi + ρgi vi + vi
Dt ∂xi ∂xj
Comme :
Dvi ∂vi ∂vi
vi = vi + vi vj
Dt ∂t ∂xj
∂ 1 2 ∂ 1 2
= ( vi ) + vj ( v )
∂t 2 ∂xj 2 i
D 1 2
= ( v )
Dt 2 i
on en déduit l’équation de l’énergie cinétique :
D 1 2 ∂p ∂τij
ρ ( vi ) = −vi + ρgi vi + vi
Dt 2 ∂xi ∂xj
DE D 1 2
En effectuant maintenant la différence entre et ( v ) on obtient :
Dt Dt 2 i
DT ∂ 2T ∂(pvi ) ∂p ∂(τij vi ) ∂τij
ρCv =k 2 − + vi + − vi
Dt ∂xi ∂xi ∂xi ∂xj ∂xj
DT ∂ 2T ∂vi ∂vi
ρCv =k 2 −p + τij (2.65)
Dt ∂xi ∂xi ∂xj
66 CHAPITRE 2. NOTIONS DE BASE. RAPPELS DE MÉCANIQUE DES FLUIDES
ou encore
DT
ρCv = k∆T − p∇ · V + τ : ∇V (2.66)
Dt
On pose classiquement φ = τ : ∇V ; physiquement, φ correspond à un terme de dissipation, c’est-à-
dire à l’énergie irréversiblement transformée en chaleur par les contraintes de cisaillement.
Dans le cas d’un fluide idéal incompressible, l’équation de la chaleur se réduit à
DT
=0
Dt
puisque dans ce cas k = 0, τ = 0 et ∇ · V = 0. La température T reste donc constante le long des
trajectoires des particules fluides ; si la distribution de température est uniforme à l’infini amont de
l’écoulement, T = T∞ , la température sera constante dans tout l’écoulement, que l’on qualifie alors
d’isotherme.
de Navier-Stokes et les conditions aux limites sont écrites en utilisant des variables adimensionnées
par l’état infini amont pris comme état de référence, on montre que les seules données du problème
sont la géométrie Σ de l’obstacle, le nombre de Mach M∞ , l’angle d’incidence α et le nombre de
Reynolds basé sur les conditions à l’infini amont et une dimension caractéristique de l’obstacle (corde
d’un profil par exemple) Re∞,L = ρ∞ V∞ L/µ∞ . La conservation de l’énergie fait également apparaître
un nombre sans dimension fonction de µ∞ et k∞ , dit nombre de Prandtl, mais celui-ci est en réalité
une constante du fluide considéré et ne dépend donc pas de l’écoulement (pour l’air le nombre de
Prandtl est une constante qui vaut typiquement 0.71). On s’intéressera tout particulièrement dans
le présent cours à des problèmes d’écoulement pour lesquels le nombre de Reynolds tend vers l’infini
(on parle d’écoulements "à grand nombre de Reynolds") puisqu’il s’agit d’une situation typique des
écoulements rencontrés en aérodynamique externe dans les domaines aéronautique et automobile.
u=U o (dT/dn)=0
d u,T?
x u=0 T=T o
d2 u
soit p = cste = p∞ dans l’écoulement et = 0. On en déduit immédiatement :
dy 2
u(y) = k1 y + k2
y
Comme u(0) = 0 et u(d) = U0 on obtient finalement : u(y) = U0 ( ).
d
Pour cet écoulement stationnaire et incompressible, l’équation de l’énergie s’écrit :
ρCv V · ∇T = k∆T + τ · ∇V
T aw
dT
=0 -> paroi supérieure adiabatique
dy
y dT
= 0 -> transfert de chaleur à la paroi inférieure
dy
x To
Nous avons présenté en détail au chapitre précédent les modèles qui permettent de décrire les écou-
lements de fluides ; nous avons mentionné dans l’introduction de ce cours que cette connaissance des
écoulements avait en particulier pour but le calcul des efforts auxquels est soumis un véhicule en
mouvement au sein d’un fluide. Nous souhaitons maintenant revenir plus précisément sur cette no-
tion cruciale d’efforts aérodynamiques, indicateurs essentiels des performances aérodynamiques d’un
système. La première section de ce chapitre sera consacrée à une très brève revue des caractéristiques
géométriques des formes auxquelles s’appliquent généralement ces efforts ; la deuxième section dé-
taillera les principaux efforts et coefficients aérodynamiques en s’attachant plus particulièrement à la
génération de portance et à la création de traînée. Les effets de la viscosité et du nombre de Mach sur
ces coefficients seront évoqués. La troisième et dernière section abordera ensuite de façon succincte -
car ces questions seront précisées ultérieurement, une fois maîtrisés certains concepts fondamentaux
- la question devenue aujourd’hui cruciale de l’optimisation de forme et du contrôle des écoulements
destinés à élever toujours davantage le niveau des performances aérodynamiques ; la position de la
discipline aérodynamique dans ce processus de conception optimale hautement multidisciplinaire en
pratique sera précisée.
71
72 CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
Fig. 3.1 – Avion biplan Bellanger à surface variable (photographie tirée de [5]).
Fig. 3.2 – Essai d’une section d’aile à profil constant dans la soufflerie Eiffel (photographie tirée de
[5]).
3.1. FORMES AÉRODYNAMIQUES 73
est classiquement la longueur de référence retenue dans l’analyse de l’écoulement sur un profil.
Par exemple, on définit un nombre de Reynolds de référence à partir de la vitesse, de la masse
volumique et de la viscosité dynamique à l’infini amont du profil ainsi que de la corde ; simi-
lairement, on se repère le long du profil en raisonnant sur des distances adimensionnées par la
corde, y/c, x/c. On situera par exemple un capteur à 60% de corde le long du profil pour dire
que sa position projetée sur la ligne de corde est égale à 0.6 × c.
– la ligne de cambrure moyenne désigne le lieu des points situés à mi-distance de la partie su-
périeure (extrados) et de la partie inférieure (intrados) du profil. La cambrure est la distance
maximale entre la ligne de corde et la ligne de cambrure moyenne, mesurée perpendiculairement
à la ligne de corde.
La cambrure, la forme de la ligne moyenne (ou ligne de cambrure moyenne) et, dans une moindre
mesure, la distribution d’épaisseur d’un profil sont les paramètres essentiels qui contrôlent l’effort
portant du profil (qui assure la sustentation) et son moment (essentiel en termes de stabilité en
vol). La figure 3.5 reproduit un croquis du grand designer Raymond Loewy, qui présente l’évolution
des formes typiques des véhicules automobiles entre les années 1900 et 1930. On observe la tendance
marquée vers des véhicules de plus en plus "profilés", qui offrent de façon intuitive un moindre niveau
d’effort de pénétration dans l’air (on aura l’occasion dans la suite du cours d’expliquer soigneusement
et rigoureusement en quoi telle ou telle forme de véhicule est effectivement plus "aérodynamique"
qu’une autre). La figure 3.6 qui présente un magnifique modèle de voiture des années 1930 illustre
notamment ce souci d’aérodynamisme dans la forme en goutte d’eau des carénages de roue. Si la
réduction de la traînée reste un objectif prioritaire de l’aérodynamicien dans le domaine automobile,
pour d’évidentes raisons économiques en ce qui concerne les véhicules de série, le souci de produire
une anti-portance ou portance négative (on parle aussi en anglais de downforce) apparaît également
dès lors que l’on s’intéresse à des véhicules de course dont les vitesses élevées peuvent conduire à des
effets de soulèvement si des dispositifs de type becquet arrière (rear spoiler) par exemple ne sont pas
mis en place pour plaquer le véhicule au sol (voir par exemple la Fig. 3.7).
74 CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
Cette situation est typiquement celle rencontrée lors d’un essai en soufflerie : la maquette - fixe - est
plongée dans un écoulement animé d’une vitesse uniforme V ∞ afin de reproduire, en vertu du principe
de réciprocité aérodynamique, le cas d’un véhicule en mouvement à la vitesse V ∞ au sein d’une masse
d’air au repos. Dans la réalité la maquette n’est bien sûr pas bidimensionnelle mais constituée d’une
aile de section constante suivant son envergure et positionnée perpendiculairement à la direction de
l’écoulement incident de sorte que, si les effets de bord peuvent être négligés, l’écoulement ne varie
pas dans la direction de l’envergure et on peut donc se limiter à analyser, comme nous le faisons,
l’écoulement suivant une section quelconque de cette aile. En pratique, une aile est généralement de
section variable en envergure.
L’ensemble des forces exercées par l’écoulement sur le profil peut être exprimé par un effort équivalent
3.2. LES PRINCIPAUX EFFORTS AÉRODYNAMIQUES 75
Fig. 3.5 – Evolution du design des véhicules automobiles entre les années 1900 et 1930. Croquis de
Raymond Loewy tiré de [7].
F appliqué en un point appelé foyer aérodynamique (voir figure 3.9). Cette force résultante est
classiquement décomposée en :
– une composante parallèle à la vitesse V ∞ que l’on appelle traînée ou force de traînée et que
l’on peut noter Fx si l’on suppose - ce qui est souvent le cas - que la direction de l’écoulement
à l’infini amont est celle du vecteur de base i du repère cartésien que l’on associe au problème.
– une composante perpendiculaire à la vitesse V ∞ que l’on désigne sous le nom de portance ou
76 CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
Fig. 3.6 – Delahaye de 1937 carrossée par Figoni et Falaschi. On notera la forme en goutte d’eau du
carénage des roues (photographie tirée de [7]).
Fig. 3.7 – Lamborghini Cala (photographie tirée de [7]) munie d’un becquet arrière.
force de portance et que l’on va noter Fz (y correspond à la direction de l’envergure qui s’enfonce
dans le plan de la feuille).
Dans certaines applications, notamment l’aérodynamique des missiles, la résultante F est plutôt
décomposée comme suit :
– une composante normale FN perpendiculaire à la corde du profil
– une composante axiale FA alignée avec la corde du profil
Les différentes composantes ci-dessus sont reliées de façon évidente par les expressions suivantes :
bord d’attaque
extrados
bord de fuite
V∞
α
intrados
FN
Fz F
Fx
V∞ α
FA
z foyer aerodynamique
dF = −pnds + τ sds
dF 2 = τ sds.
Dans le cas tridimensionnel, dF 2 doit être décomposée suivant deux vecteurs unitaires s1 et s2 conte-
nus dans le plan tangent à la surface du corps.
Les forces élémentaires normale et axiale exercées sur l’extrados du profil (de corde alignée avec l’axe
des x) peuvent donc s’écrire :
où θ désigne l’inclinaison locale du profil, qui est comptée positivement si elle est au-dessus de
l’horizontale et négativement dans le cas contraire. On rappelle également que la force normale est
positive si elle dirigée globalement vers le haut (selon l’axe Oz) et que la force axiale est positive si
elle est dirigée globalement selon Ox. On peut écrire une relation similaire pour les forces exercées
sur l’intrados du profil :
(dFN )i = pi cos (θ)ds + τi sin (θ)ds
(dFA )i = −pi sin (θ)ds + τi cos (θ)ds
En intégrant ces deux contributions du bord d’attaque BA au bord de fuite BF on obtient l’expression
des forces axiale et normale (par unité d’envergure) :
Z BF Z BF
FN = (−pe cos (θ) + τe sin (θ))ds + (pi cos (θ) + τi sin (θ))ds
Z BF
BA Z BF
BA
FA = (pe sin (θ) + τe cos (θ))ds + (−pi sin (θ) + τi cos (θ))ds
BA BA
Notons que la portance Fz et la traînée Fx sont obtenues en utilisant les formules de passage données
plus haut. La terminologie anglo-saxonne désigne la portance comme lift (L) et la traînée comme
drag (D). Dans le cas où les efforts de frottement peuvent être négligés devant les efforts de pression,
on peut simplifier l’expression ci-dessus pour la force normale en :
Z BF Z BF
FN ≈ (−pe cos (θ))ds + (pi cos (θ))ds
BA BA
soit encore Z BF
FN ≈ (pi − pe )dx
BA
3.2. LES PRINCIPAUX EFFORTS AÉRODYNAMIQUES 79
z n
θ
s
BA BF
s
θ x
V∞
n
α
En supposant l’incidence du profil faible (hypothèse valable par exemple pour le régime de croisière
des avions de transport), on peut écrire Fz ≈ FN et par conséquent la force de portance peut être
approchée par : Z BF
Fz ≈ (pi − pe )dx (3.1)
BA
Cette expression est particulièrement intéressante puisqu’elle montre que l’effort portant résulte pour
l’essentiel de la différence de pression entre l’intrados et l’extrados du profil. Pour générer de la por-
tance, il faut donc obtenir des niveaux de pression à l’intrados les moins bas possibles tandis que les
niveaux de pression à l’extrados doivent être aussi peu élevés que possible. En d’autres termes, on va
chercher à construire un profil de façon à accélérer le plus possible l’écoulement à l’extrados - ce qui
va correspondre à de faibles pressions associées - tandis que l’écoulement à l’intrados sera aussi peu
accéléré que possible. Nous donnerons un exemple un peu plus loin, après avoir introduit la notion
de coefficient de pression.
dM = OP × dF
obtient finalement l’expression du moment aérodynamique par rapport au bord d’attaque ; puisque,
en écoulement plan, ce moment est un vecteur perpendiculaire au plan du mouvement, on notera
MBA la composante du moment suivant la direction perpendiculaire au plan du mouvement. De plus
on choisit en aérodynamique la convention suivante : MBA est positif si le moment est cabreur, c’est-
à-dire si il tend à faire augmenter l’incidence du profil (sens inverse du sens trigonométrique) tandis
que MBA est négatif si le moment est piqueur, c’est-à-dire si il tend à faire diminuer l’incidence du
profil. L’expression du moment par rapport au bord d’attaque du profil est la suivante :
Z BF
MBA = [(pe cos (θ) − τe sin (θ))x + (pe sin (θ) + τe cos (θ))y] ds
Z
BA
BF
+ [(−pi cos (θ) − τi sin (θ))x + (−pi sin (θ) + τi cos (θ))y] ds
BA
Comme cela a été fait précédemment pour les composantes de la force aérodynamique, on associe à
ce moment un coefficient sans dimension, dit coefficient de moment, défini par :
M
Coefficient de moment : Cm =
q∞ SL
Mc = MBA + xc FN
On constate qu’il existe un point particulier, appelé centre de poussée, pour lequel Mc s’annule ;
ce point est tel que xcp = −MBA /FN . Ce point pourrait être choisi comme point conventionnel de
référence dans le calcul du moment aérodynamique mais historiquement le choix s’est plutôt porté
sur le quart de corde. Ainsi, sauf mention explicite du contraire, le moment aérodynamique est tel
que :
c
Mc/4 = MBA + FN
4
véhicule / projectile étudié. Le coefficient 1/2 a été introduit de façon à faire apparaître la pression
dynamique :
1
q∞ = ρ∞ V∞2
2
La surface S étant une grandeur de référence a priori arbitraire il est nécessaire de savoir comment elle
a été choisie pour être en mesure de juger des performances aérodynamiques d’un véhicule par la seule
donnée de coefficients aérodynamiques. Ainsi, certaines publicités pour des véhicules automobiles
fournissent un coefficient de traînée Cx sans plus de précision ; pour calculer la traînée de votre
automobile, la connaissance de S est bien sûr indispensable. En général, dans le domaine automobile,
S est la surface projetée du véhicule dans un plan perpendiculaire à sa direction d’avancement
(maître-couple). On signale que pour certains véhicules particuliers, tels que les véhicules développés
pour des courses qui privilégient une très faible consommation de carburant (Marathon Shell par
exemple), on choisit plutôt la surface mouillée du véhicule comme surface de référence ; comme on
aura l’occasion de le préciser dans la suite du cours, ces choix différents sont motivés par la nature
des mécanismes de génération de traînée : dans le cas d’un véhicule de série, la principale source de
traînée est la présence de décollements de la couche limite directement liés à la forme du véhicule
et notamment à son maître-couple alors que pour des véhicules profilés tels que ceux qui participent
au Marathon Shell ou aux courses d’engins fonctionnant à partir de l’énergie solaire la couche limite
peut rester attachée sur la totalité du véhicule et c’est alors la traînée liée au frottement pariétal qui
est dominante.
Les coefficients classiquement utilisés en aérodynamique sont les suivants :
Fz
Coefficient de portance : Cz =
q∞ S
Fx
Coefficient de traînée : Cx =
q∞ S
FN
Coefficient de force normale : CN =
q∞ S
FA
Coefficient de force axiale : CA =
q∞ S
Les coefficients de traînée et de portance sont notés en anglais CL et CD . On trouvera dans l’ouvrage
[14] consacré à l’histoire de l’aérodynamique des éléments intéressants sur la construction de ces coef-
ficients sans dimension que l’on résume brièvement ici. Les observations de Leonard de Vinci avaient
conduit celui-ci à postuler que les forces aérodynamiques dépendaient d’une surface de référence S.
Il faut attendre ensuite 50 ans et les travaux de Galilée pour que soit établie expérimentalement
la relation proportionnelle entre la densité de l’air et la résistance aérodynamique. En 1638 il était
donc connu que la traînée D était de la forme D ∝ ρSf (V ) où f (V ) est une fonction de la vitesse
V qui reste à déterminer. Léonard de Vinci et à sa suite Galilée pensaient que cette dépendance de
la résistance de l’air vis-à-vis de la vitesse était linéaire. Il faudra attendre la fin du 17ème siècle
et les travaux expérimentaux du Français Mariotte et du Hollandais Huygens pour qu’il soit établi
que la résistance de l’air était en fait proportionnelle au carré de la vitesse. Ce résultat sera prouvé
par Newton dans le cadre conceptuel de la Mécanique décrit dans son fameux ouvrage Philosophiae
naturalis principa mathematica.
Naturellement, il faut bien avoir en tête que les coefficients aérodynamiques introduits ci-dessus
ne sont pas des constantes ! Ils dépendent de la géométrie du profil considéré et de l’incidence du
profil, mais aussi du nombre de Reynolds de l’écoulement, qui caractérise l’importance des effets
82 CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
visqueux, et du nombre de Mach lorsque les effets dit de compressibilité deviennent significatifs.
Pour un écoulement incompressible de fluide parfait, il n’y a prise en compte ni des ef-
fets de compressibilité ni des effets de la viscosité ; les forces de traînée et de portance peuvent donc
se mettre sous la forme suivante :
Fx = 12 ρ∞ V∞2 S Cx (α)
(3.2)
Fz = 12 ρ∞ V∞2 S Cz (α)
Supposons maintenant que l’on souhaite connaître les efforts produits sur un profil qui se déplace à
faible altitude à une vitesse qui peut varier entre 30 m/s et 60 m/s ; à la faible altitude considérée la
température de l’air ambiant est typiquement de l’ordre de 300 K (soit 27 degrés Celsius, on suppose
donc que le vol s’effectue dans un climat chaud) et la pression ambiante est la pression atmosphérique
normale soit 1 atm ou 101325 P a en unités du Système International. Comme dans ces mêmes condi-
tions r = 287.06J kg −1 K −1 et γ = 1.4 on en déduit la valeur de la masse volumique ρ = 1.177 kg/m3
et celle de la vitesse du son a ≈ 347 m/s. On vérifie donc que le nombre de Mach associé aux écou-
lements considérés va varier entre 0.086 et 0.173 ce qui signifie que l’écoulement va bien rester dans
le domaine incompressible. Supposons de plus que le profil soit caractérisé par une corde de 60 cm ;
la surface de référence retenue sera typiquement le produit de cette corde par une longueur unitaire
soit 0.6 m2 . Pour connaître l’évolution des efforts de traînée et de portance en fonction de l’incidence
et de la vitesse d’avancement du drone (équivalente à la vitesse génératrice dans la soufflerie), il
suffit de se fixer une valeur de V∞ dans l’intervalle considéré (par exemple V∞ = 30 m/s), de faire
varier l’incidence α et de mesurer Fx et Fz dans chaque cas. On forme alors les rapports Fx /(q∞ S)
et Fz /(q∞ S), où on rappelle que q∞ = 21 ρ∞ V∞2 est la pression dynamique associée à l’écoulement
générateur, pour obtenir les coefficients de portance et de traînée en fonction de l’incidence. Si on
souhaite maintenant connaître les valeurs des efforts de portance et de traînée pour V∞ = 60 m/s par
exemple, il suffit d’appliquer les formules (3.2) avec les valeurs des coefficients aérodynamiques qui
viennent d’être calculées. On note en particulier que la dépendance en V∞2 des forces de portance et
de traînée entraîne une multiplication par 4 de la valeur de ces efforts lorsque la vitesse d’avancement
(ou vitesse à l’infini amont dans le repère lié au corps en mouvement dans l’air au repos) est doublée.
cette variété de conditions n’exige pas d’effectuer des séries de mesures en faisant varier séparément
chacun de ces paramètres. Suivant (3.3) la bonne stratégie à adopter consiste à effectuer une série
de mesures de Fx , Fz en faisant varier uniquement l’incidence et le nombre de Reynolds de l’écoule-
ment, c’est-à-dire la combinaison Re∞,c = ρ∞ V∞ c/µ∞ . On en déduit les coefficients de traînée et de
portance associés à ce couple (incidence, Reynolds) en divisant ces valeurs des efforts par la pression
dynamique associée à l’écoulement. Si on veut connaître Fx , Fz pour un certain jeu de valeurs de ρ∞ ,
V∞ , µ∞ , S, il suffit de calculer le nombre de Reynolds associé Re∞,c correspondant et de récupérer
alors les valeurs des coefficients Cx , Cz calculés précédemment pour cette valeur du nombre de Rey-
nolds.
Pour un écoulement compressible de fluide réel, les coefficients aérodynamiques globaux dé-
pendent de l’incidence, du nombre de Mach de l’écoulement générateur et du nombre de Reynolds
caractéristique de l’écoulement :
Fx = 21 ρ∞ V∞2 S Cx (α, M∞ , Re∞,c )
(3.4)
Fz = 21 ρ∞ V∞2 S Cz (α, M∞ , Re∞,c )
Cp = Cp (Σ, α)
où Σ désigne la forme (shape) du profil (cambrure, loi d’épaisseur) et α est toujours l’incidence de
l’écoulement. Bien sûr, lorsque le nombre de Mach de l’écoulement augmente et que les effets de
compressibilité ne sont plus négligeables, la distribution de Cp dépend aussi du nombre de Mach :
Cp = Cp (Σ, α, M∞ )
Enfin, pour un écoulement de fluide réel, la distribution de pression est influencée par les propriétés
de la couche limite (attachée / décollée) qui dépendent elles-mêmes de cette distribution de pression
et du caractère laminaire ou turbulent de l’écoulement ; le coefficient de pression dépend donc de
surcroît du nombre de Reynolds caractéristique de l’écoulement sur le profil :
Cp = Cp (Σ, α, M∞ , Re∞,c )
84 CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
Compte tenu de la formule (3.1), le coefficient de portance peut être estimé pour des incidences faibles
par la formule : Z BF
x
Cz ≈ − (Cpe − Cpi )d( ) (3.5)
BA c
Si τp désigne le frottement à la paroi en un point donné (on reviendra sur la définition précise du
frottement à la paroi dans le chapitre du cours consacré à la couche limite en aérodynamique), le
coefficient de frottement pariétal est donné par la relation :
τp
Cf =
q∞
Compte tenu de la définition de ces coefficients locaux, il est facile d’établir les relations suivantes
pour le coefficient de force axiale et celui de force normale :
·Z c Z BF ¸
1
CN = (Cpi − Cpe )dx + (Cfe + Cfi ) sin θds
c ·Z 0 BA Z ¸
BF c
1
CA = (Cpe − Cpi ) sin θds + (Cfe + Cfi )dx
c BA 0
Comme le montrent les formules (3.5), (3.6), la détermination des efforts aérodynamiques suppose la
connaissance des distributions pariétales de pression (ou de coefficient de pression) et de frottement
(ou de coefficient de frottement). La détermination de ces efforts exige la résolution des équations
d’Euler ou de Navier-Stokes ; celle-ci peut être effectuée de façon analytique ou semi-analytique dans
certains cas particuliers et les 60 premières années du siècle dernier ont vu se développer un nombre
considérable d’outils spécifiquement dédiés à tel ou tel régime. Nous nous attacherons plus particuliè-
rement dans ce cours à ceux développés pour l’analyse des écoulements supersoniques de fluide idéal
d’une part et pour l’analyse des écoulements à grands nombre de Reynolds d’autre part. Si il est im-
portant d’être capable de fournir une prédiction quantitative des efforts aérodynamiques, il l’est tout
autant d’être en mesure de comprendre d’un point de vue qualitatif les sources de ces efforts : c’est
3.2. LES PRINCIPAUX EFFORTS AÉRODYNAMIQUES 85
précisément ce point qui sera abordé dans les sections qui suivent. Cependant, avant de détailler les
mécanismes de génération de portance et de création de traînée qui sont étudiés de façon approfondie
par l’aérodynamicien, nous donnons un exemple du lien entre coefficients aérodynamiques globaux
et performances en vol d’un aéronef. Notons que la tâche de l’aérodynamicien s’arrête souvent à la
détermination des efforts aérodynamique tandis que l’étude des performances d’un avion (trajectoire,
stabilité . . .) relève d’une discipline dite "mécanique du vol".
Notion de finesse
On considère un avion dans un plan vertical et on se place dans un système de coordonnées intrin-
sèque défini par la direction de l’avion (voir figure 3.11). On va montrer que dans le cas d’un vol
sans moteur la distance parcourue en vol plané par l’avion est directement reliée au rapport de la
portance et de la traînée.
z r
Fz
V
θ
mg Fx
dV
m = T − Fx − mg sin (θ)
dt
2
mω r = Fz − mg cos (θ)
dθ V
ω= =
dt r
avec r le rayon de courbure de la trajectoire.
Dans le cas d’un vol rectiligne à vitesse constante, on a simplement :
On observe donc, comme on l’a déjà fait remarquer dans l’introduction de ce cours, que la poussée
T sert globalement à compenser l’effort de traînée Fx tandis que la portance Fz sert globalement
86 CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
à compenser le poids de l’avion. Dans le cas d’un vol sans moteur la poussée est nulle et on a par
conséquent la relation :
Fz Cz
1/ tan (θ) = − =−
Fx Cx
Le rapport portance sur traînée est appelé finesse aérodynamique et sera noté f :
Cz
f=
Cx
La pente de la trajectoire - négative puisque l’appareil perd de l’altitude - sera donc d’autant plus
faible que la finesse sera élevée. Ainsi la finesse caractérise l’aptitude d’une aile ou d’un avion à planer.
Précisément, dans le cas d’un planeur, la finesse de l’appareil peut atteindre 50 ; la finesse d’un avion
de transport de type Airbus est de l’ordre de 20 tandis que la navette spatiale a une finesse comprise
entre 2 et 3.
• On considère un planeur supposé de finesse 40, lâché à une altitude h de 500 mètres ou 0.5 km (on
ne tient pas compte ici de l’existence de courants ascendants). On a la relation suivante entre h et la
distance d parcourue par le planeur avant de toucher le sol :
h
| tan (θ)| =
d
soit encore
d = h/| tan (θ)| = h × f
Le planeur considéré pourra donc parcourir 20 km avant de toucher terre. ¤
l’aire de la surface comprise entre les deux courbes représentatives des distributions de coefficient de
pression à l’extrados et à l’intrados du profil. A 1◦ d’incidence, la pression diminue assez fortement
à l’extrados, au voisinage du bord d’attaque, tandis qu’elle augmente au niveau de l’intrados : il
résulte donc directement de cette différence de pression entre l’extrados et l’intrados du profil un
effort portant de valeur adimensionnée Cz = CL = 0.1294. Il est essentiel de bien comprendre à ce
stade la façon dont est produite la portance (qui porte en réalité assez mal son nom) : physiquement,
le profil n’est pas "porté" par l’écoulement à l’intrados mais plutôt "aspiré" vers le haut en raison de
la dépression qui se forme à l’extrados par rapport au niveau de pression à l’intrados. L’augmentation
de l’incidence accroît l’accélération de l’écoulement et donc la chute de pression sur la partie avant du
profil à l’extrados ce qui conduit à un accroissement de la portance. Visuellement, en examinant les
contributions à l’aire comprise entre la courbe de Cp,e et Cp,i , on note que l’essentiel de la portance
est produit sur la partie avant du profil (la partie arrière du profil joue un rôle crucial pour assurer
notamment l’attachement de la couche limite qui quitte le profil).
La figure 3.14 présente les isovaleurs de la pression statique adimensionnée par la pression à l’infini
amont pour l’écoulement à M∞ = 0.5 autour du profil NACA0012 respectivement à 0 et 5 degrés
d’incidence. On observe ainsi clairement la formation d’une dépression à l’extrados du profil qui
conduit à l’effet portant. Remarquons que dans la simulation effectuée, le profil est en fait maintenu
fixe à l’horizontal : c’est l’écoulement à l’infini amont qui est placé en incidence. Cette situation est
bien sûr parfaitement équivalente à celle dans laquelle l’écoulement à l’infini amont reste horizontal
tandis que le profil est placé en incidence.
La figure 3.15 présente l’évolution de la distribution du coefficient de pression en fonction de l’in-
cidence pour le profil NACA0012 à M∞ = 0.5 en la mettant en parallèle avec l’évolution de la
distribution du nombre de Mach pariétal. La forte détente de l’écoulement au nez du profil, côté
extrados, correspond donc, comme on l’a déjà souligné à une chute importante de la pression et,
dans le même temps, à une augmentation du nombre de Mach. Dans le cas présent par exemple, le
nombre de Mach maximal atteint par l’écoulement sur la paroi supérieure du profil, au voisinage du
nez, passe de 0.57 environ (un peu avant la station adimensionnée 0.2 × c) pour un écoulement à
l’infini amont à M∞ = 0.5 et 0◦ d’incidence, à 0.815 (pic localisé à 3% de corde environ) pour un
écoulement à l’infini amont à M∞ = 0.5 et 5◦ d’incidence.
On trace sur la figure 3.16 l’évolution du coefficient de portance calculé en fonction de l’incidence
du profil. On observe que la portance croît linéairement en fonction de l’incidence (dans la gamme
d’angles d’incidence considérée). La pente du coefficient de portance en fonction de l’incidence peut
d Cz
être calculée : après avoir converti les angles d’incidence en radians, on trouve : = 7.11. Le
dα
profil considéré étant symétrique, l’incidence est nulle à incidence nulle ; l’incidence pour laquelle un
profil présente une portance nulle est dite précisément incidence de portance nulle (zero-lift angle
of attack en anglais). On pourra noter cet angle d’incidence particulier αL0 par exemple ; pour tout
profil symétrique αL0 = 0.
La théorie des profils minces, développée entre les deux guerres mondiales, prédit la variation linéaire
d Cz
de la portance en fonction de l’incidence et fournit comme estimation de la pente = 2π ≈ 6.28 ;
dα
il s’agit naturellement d’une théorie approchée qui ne prend pas en compte la loi d’épaisseur réelle des
profils (voir par exemple [17] pour plus de détails) mais l’écart de 13% environ avec la valeur "réelle"
reste modéré. Le lecteur attentif aura noté à l’instant l’emploi de guillemets autour du qualificatif
"réelle" pour la valeur de la pente de portance fournie par les simulations menées à M∞ = 0.5 sur
le profil NACA0012 : on entend souligner par là que les résultats obtenus supposent le fluide idéal
alors que, comme on va le voir dans une prochaine section, les effets de la viscosité vont modifier de
88 CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
façon profonde l’évolution du coefficient de portance en fonction de l’incidence dès lors que l’angle
d’incidence du profil n’est plus faible.
Il est intéressant d’étudier les valeurs prises par le coefficient de portance pour un profil de géométrie
différente placé dans les mêmes conditions d’écoulement (fluide idéal, M∞ = 0.5, incidence variant
de 0 à 5◦ ). On considère donc un profil dit RAE2822, représenté sur la figure 3.17 où il est également
situé par rapport au profil NACA0012. Le profil RAE2822 présente une épaisseur comparable à celle
du profil NACA0012 et se distingue surtout par l’existence d’une cambrure non nulle.
On trace sur la figure 3.18 l’évolution comparée du coefficient de portance pour le profil RAE2822
et le profil NACA0012. On observe tout d’abord que, comme le profil NACA0012, le profil RAE2822
présente une variation linéaire de la portance en fonction de l’incidence (la pente de portance vaut
7.5 environ pour le profil RAE2822) ; à zéro degré d’incidence, le profil RAE2822 présente une por-
tance non-nulle (Cz = 0.29 pour α = 0◦ ). L’angle de portance nulle pour ce profil est obtenu en
prolongeant la droite représentative de la variation de Cz en fonction de α et on trouve α = −2.15◦
environ. En raison de sa cambrure positive, le profil RAE2822 conduira donc à une portance nulle
(pour un écoulement de fluide parfait à M∞ = 0.5) à condition d’être placé à une incidence négative
de 2.15◦ .
Les distributions du coefficient de pression sur le profil RAE2822 sont tracées sur la figure 3.19 pour
des valeurs croissantes de l’angle d’incidence. Le mécanisme de génération de portance est identique
à celui observé pour le profil NACA0012 : l’augmentation de l’angle d’incidence conduit à une dé-
tente de plus en plus marquée sur la partie supérieure du profil au voisinage du nez et la dépression
ainsi formée génère l’effet portant. La figure 3.20 présente l’évolution comparée des distributions de
pression et de nombre de Mach sur le profil RAE2822 en fonction de l’incidence : la chute de pression
correspond naturellement à une accélération de l’écoulement et donc à une augmentation du nombre
de Mach local ; on peut d’ailleurs remarquer que l’écoulement à 5◦ d’incidence devient localement
supersonique et qu’une discontinuité apparaît alors dans la distribution de pression et de nombre de
Mach à la paroi. Comme on va le voir dans la section qui suit, l’apparition d’une telle onde de choc
va conduire à augmenter la traînée du profil.
Fig. 3.13 – Evolution de la distribution pariétale de coefficient de pression sur le profil NACA0012
placé dans un écoulement de fluide parfait à M∞ = 0.5.
90 CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
Fig. 3.14 – Isovaleurs de la pression (statique) adimensionnée par la pression à l’infini amont pour
un écoulement de fluide parfait à M∞ = 0.5 autour du profil NACA0012 à une incidence de 0◦ (à
gauche) et de 5◦ (à droite).
3.2. LES PRINCIPAUX EFFORTS AÉRODYNAMIQUES 91
Fig. 3.16 – Evolution du coefficient de portance du profil NACA0012 en fonction de l’incidence pour
un écoulement de fluide parfait à M∞ = 0.5.
92 CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
Fig. 3.17 – Géométrie du profil supercritique RAE2822 (haut) ; comparaison entre les profils
NACA0012 et RAE2822 (bas).
Fig. 3.18 – Evolution comparée du coefficient de portance des profils RAE2822 et NACA0012 en
fonction de l’incidence pour un écoulement de fluide parfait à M∞ = 0.5.
3.2. LES PRINCIPAUX EFFORTS AÉRODYNAMIQUES 93
Fig. 3.19 – Evolution de la distribution pariétale de coefficient de pression sur le profil RAE2822
placé dans un écoulement de fluide parfait à M∞ = 0.5.
94 CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
où t(n) désigne le vecteur contrainte qui représente les forces de contact (pression et contraintes
visqueuses) exercées sur le fluide au niveau de la surface de contrôle. Pour un écoulement stationnaire
et en négligeant l’action des forces à distance (gravité), cette relation se simplifie en :
Z Z
ρV (V · n)dS = t(n)dS
S S
D = ρV (V · n) − t(n)
On peut aussi introduire par exemple le vecteur P = −t qui représente alors les forces de contact
exercées par le fluide contenu dans V sur le milieu extérieur ; la dynalpie est définie dans ce cas par
D = ρV (V · n) + P .
On va montrer maintenant que la résultante des forces aérodynamiques appliquées à un corps en
écoulement stationnaire, en l’absence de forces à distance, est égale à l’opposé du flux du vecteur
dynalpie au travers d’une surface entourant ce corps.
• Par définition du vecteur dynalpie, la conservation de la quantité de mouvement sous forme intégrale
peut s’écrire simplement : Z
DdS = 0 (3.7)
S
3.2. LES PRINCIPAUX EFFORTS AÉRODYNAMIQUES 95
Considérons maintenant un corps placé au sein d’un fluide et choisissons une surface S composée de
deux parties (voir figure 3.21) :
– une partie S1 située à une certaine distance du corps
– une partie S2 confondue avec la surface du corps
S1
S2
Fig. 3.21 – Volume de contrôle choisi pour appliquer la formulation intégrale du principe de conser-
vation de la quantité de mouvement.
La surface du corps est supposée imperméable : le flux de quantité de mouvement à travers S2 est
donc nul (V = 0 pour un écoulement de fluide visqueux (condition d’adhérence) ou V · n = 0 pour
un écoulement de fluide parfait (condition de glissement)). On peut donc écrire :
Z Z
DdS = − t(n)dS = F
S2 S2
où F désigne la résultante des forces aérodynamiques exercées sur le corps par le fluide en mouvement.
En appliquant (3.7) à la surface S = S1 + S2 , on obtient :
Z Z
DdS = DdS + F
S1 +S2 S1
soit Z
F =− DdS (3.8)
S1
Ainsi, en écoulement sationnaire, sans forces à distance, la résultante des forces aérodynamiques ap-
pliquées à un corps est égale à l’opposé du flux du vecteur dynalpie au travers d’une surface entourant
ce corps. ¤
Le choix du volume de contrôle détaillé ci-dessus appelle plusieurs remarques sur les caractéristiques
de l’écoulement à travers les surfaces qui le composent :
– On choisit le plan (P1 ) assez loin en amont du corps pour que l’écoulement sur S1 puisse être
considéré uniforme, de vitesse V ∞ , de pression p∞ et de température T∞ .
– Puisque S3 est un tube de courant, la quantité V · n est nulle en tout point de cette surface -
n désigne le vecteur unitaire normal à S3 pointant vers l’extérieur du volume de contrôle défini
par S1 ∪ S2 ∪ S3 . De plus, on choisit une courbe C1 d’étendue suffisante pour que la surface S3
soit située loin du corps, dans une région de l’écoulement où le champ de pression est redevenu
uniforme avec p = p∞ .
– Similairement, on choisit le plan (P2 ) assez en aval du corps pour que la pression y soit redevenue
uniforme et égale à p∞ .
On applique maintenant le résultat obtenu au paragraphe précédent :
Z
F =− DdS
S1 +S2 +S3
(P1) (P2)
(S )
3
(S1) (S2)
V
8
(C1) (C2)
k
j
i
Fig. 3.22 – Traînée d’un corps plongé dans un écoulement uniforme. Choix du volume de contrôle
auquel appliquer la formulation intégrale des lois de conservation (et en particulier le théorème de la
dynalpie).
98 CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
Il nous faut donc maintenant évaluer l’intégrale qui apparaît dans le membre de droite ci-dessus. On
peut décomposer le problème
Z comme suit :
– calcul de I1 = ρu(V · n) dS d’une part
ZS1 +S2 +S3
– calcul de I2 = t(n) · i dS d’autre part
S1 +S2 +S3
Puisque
Z (V · n) = 0 à travers le tube de courant S3 , la première intégrale se réduit à I1 =
ρu(V · n)dS soit encore, l’état de l’écoulement (uniforme) à travers la surface S1 étant connu :
S1 +S2
Z Z
I1 = ρ∞ V∞ (V ∞ · n) dS + ρu(V · n) dS
S1 S2
Par ailleurs, la conservation de la masse sous forme intégrale s’écrit, compte tenu du volume de
contrôle choisi : Z
ρ(V · n)dS = 0
S1 +S2 +S3
Puisque (V · n) = 0 sur S3 et puisque l’état (uniforme) sur S1 est connu, on a tout simplement (après
multiplication de la relation ci-dessus par la constante V∞ ) :
Z Z
ρ∞ V∞ (V ∞ · n)dS = − ρV∞ (V · n)dS
S1 S2
Compte tenu du choix du volume de contrôle, la pression p sur les surfaces S1 , S2 et S3 peut être
assimilée à la pression au loin p∞ et de plus les contraintes visqueuses sur les surfaces S1 et S3 situées
loin du profil et de la couche limite qui s’y développe ainsi que du sillage du profil peuvent être
considérées comme négligeables ; on a donc :
Z Z
I2 = − p∞ n · i dS + (τ · n) · i dS
S1 +S2 +S3 S2
Z
Comme n dS = 0 pour toute surface fermée S, le premier terme dans l’expression ci-dessus, qui
S Z
peut s’écrire −p∞ ( n dS) · i s’annule et il ne reste finalement que :
S1 +S2 +S3
Z
I2 = τxx dS
S2
3.2. LES PRINCIPAUX EFFORTS AÉRODYNAMIQUES 99
∂u 2 ∂u ∂v
τxx = 2µ − µ( + )
∂x 3 ∂x ∂y
On admet alors que dans le sillage, suffisamment en aval du profil, l’écoulement devient parallèle :
une seule composante de la vitesse (la composante longitudinale u) est non-nulle et en vertu de
∂u
l’équation de continuité sa variation suivant la direction de l’écoulement est nulle. Par conséquent,
∂x
la contrainte visqueuse τxx est nulle (ou en tout cas, en pratique, négligeable) et l’expression du
coefficient de traînée se réduit à : Z
D= ρu(V∞ − u) dS
S2
On introduit le coefficient de traînée, coefficient sans dimension obtenu en divisant la traînée par la
pression dynamique et une surface de référence :
D
CD = 1
ρ V2A
2 ∞ ∞
où A est choisi typiquement comme la surface de la forme en plan du profil. On établit de façon
immédiate : Z
ρu u dS
CD = 2 (1 − ) (3.9)
S2 ρ∞ V∞ V∞ A
La formule (3.9) montre bien que la traînée d’un corps se déduit de la connaissance du champ des
vitesses en aval de ce corps, dans un plan où la pression est redevenue égale à la pression amont p∞ . Il
est possible de mesurer la vitesse locale au sein d’un fluide par divers procédés : sondes anémoclino-
métriques, vélocimétrie laser. Le coefficient de traînée se déduira ainsi d’un sondage de l’écoulement
pratiqué dans une section convenablement choisie en aval du corps.
1 πz
u = V∞ (1 − cos ( ))
2 2HD
avec HD = 0.025 c.
• On va calculer le coefficient de traînée CD du profil en appliquant directement la formule (3.9) qui
vient d’être établie. Dans le cas d’un profil d’aile, la surface de référence A est choisie classiquement
100 CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
comme le produit de la corde c du profil par une longueur unitaire suivant la direction de l’envergure.
Le coefficient de traînée est donc donné par :
Z
2 z2 ρu u
CD = (1 − ) dz
c z1 ρ ∞ V ∞ V∞
et d’autre part de Z Z 1
1
π 2 1 + cos(πξ)
cos ( ξ)dξ = dξ
−1 2 ·−1 2 ¸1
ξ 1
= + sin (πξ) =1
2 2π −1
Relation d’Oswatitsch
Il est intéressant de faire une interprétation thermodynamique de l’expression de la traînée D. On
se place dans un cadre dit de petites perturbations, i.e. on suppose que |(V − V∞ )/V∞ | << 1 où
V désigne le module de la vitesse V en un point de l’écoulement situé dans la section aval S2 . On
introduit l’enthalpie totale, somme de l’enthalpie et de l’énergie cinétique :
V2
ht = h +
2
3.2. LES PRINCIPAUX EFFORTS AÉRODYNAMIQUES 101
On note δht la différence - supposée petite - d’enthalpie totale entre la section amont S1 et la section
aval S2 . Sous l’hypothèse de petites perturbations, on peut écrire :
δht ≈ δh + V ∞ · δV
soit encore, en notant dqm le débit massique élémentaire traversant l’élément de surface dS :
Z
1
D= (T∞ δs − δht ) dqm (3.10)
V∞ S2
Cette relation, établie par le grand aérodynamicien allemand Oswatitsch, met bien en évidence l’ori-
gine de la traînée (et de la poussée) d’un véhicule.
Si l’écoulement est adiabatique alors δht = 0 et il ne reste que :
Z
1
D= (T∞ δs) dqm
V∞ S2
On constate ainsi que la traînée provient de la production d’entropie dans l’écoulement, qui peut être
liée au frottement entre le fluide et la paroi du véhicule (traînée de frottement) ou bien à la génération
d’entropie à la traversée d’un choc (traînée d’onde). On note également que si l’écoulement en plus
d’être adiabatique est réversible, il est alors isentropique (δs = 0) et par conséquent génère une traînée
nulle - on retrouve ainsi le fameux paradoxe de d’Alembert 2 -. Pour illustrer ces différents points,
on présente sur les figures 3.23 à 3.26 l’écoulement - adiabatique - autour d’un profil NACA0012
pour différents régimes d’écoulement et la distribution de vitesse longitudinale suivant une ligne
située en aval du profil. Sur la figure 3.23, l’écoulement de fluide parfait est subsonique : en l’absence
de viscosité et d’onde de choc, la production d’entropie est nulle et la traînée est donc elle-aussi
nulle. On observe pourtant sur la distribution de vitesse un léger défaut de vitesse, signe d’une
2
D’Alembert a établi, en s’appuyant sur les lois de conservation valables pour un écoulement de fluide idéal (équa-
tions d’Euler), que la traînée sur un cylindre placé dans un écoulement était nulle . . . n’importe quel golfeur qui passe
de longues heures à allonger son swing sait bien que la traînée sur sa balle de golf n’est pas nulle, en raison des effets
de la viscosité qui induisent à la fois une traînée de frottement et une traînée de forme liée à l’existence de décollement
sur la balle en mouvement
102 CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
production d’entropie non-nulle. Ce résultat a une origine purement numérique : les écoulements
présentés ont en effet été calculés à l’aide de schémas de discrétisation - qui seront étudiés dans le
cours ECOUL2 ou "Bases de la simulation numérique des écoulements compressibles" - et ces schémas
produisent une certaine entropie numérique, a priori faible (si le schéma est bien construit) et en
général négligeable devant l’entropie d’origine physique, mais dont l’effet est ici perceptible sur la
distribution de vitesse longitudinale en aval du profil. Sur la figure 3.24, l’écoulement de fluide parfait
s’effectue en régime transsonique : en l’absence d’effets visqueux, la seule contribution à la traînée est
la production irréversible d’entropie générée par les chocs qui se forment sur le profil. Sur la figure
3.25, l’écoulement est laminaire et subsonique : en l’absence d’ondes de choc dans l’écoulement, la
traînée est produite par la génération d’entropie irréversible liée au frottement visqueux. Enfin, sur la
figure 3.26, l’écoulement est à la fois transsonique et turbulent de sorte que la production irréversible
d’entropie à l’origine de la traînée est causée d’une part par l’onde de choc présente dans l’écoulement
et d’autre part par le frottement visqueux.
1
Y
-1
-2
Fig. 3.23 – Ecoulement subsonique de fluide parfait autour d’un profil NACA0012. M∞ = 0.63,
α = 2◦ . A gauche : isovaleurs de la pression. A droite : répartition de la vitesse longitudinale u
suivant la ligne de coupe indiquée sur la figure de gauche.
2
Y
-1
-2
0.8 0.9 1
U
Fig. 3.24 – Ecoulement transsonique de fluide parfait autour d’un profil NACA0012. M∞ = 0.85,
α = 1◦ . A gauche : isovaleurs de la pression. A droite : répartition de la vitesse longitudinale u suivant
la ligne de coupe indiquée sur la figure de gauche.
104 CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
0
Y
-1
-2
Fig. 3.25 – Ecoulement subsonique de fluide visqueux (régime laminaire) autour d’un profil
NACA0012. M∞ = 0.85, α = 0◦ , Rec = 500. A gauche : isovaleurs du nombre de Mach. A droite :
répartition de la vitesse longitudinale u suivant la ligne de coupe indiquée sur la figure de gauche.
3.2. LES PRINCIPAUX EFFORTS AÉRODYNAMIQUES 105
1.5
0.5
Y
-0.5
-1
-1.5
0.8 0.9 1
U
Fig. 3.26 – Ecoulement transsonique de fluide visqueux (régime turbulent) autour d’un profil
NACA0012. M∞ = 0.775, α = 2.75◦ , Rec = 1 × 107 . A gauche : isovaleurs du nombre de Mach.
A droite : répartition de la vitesse longitudinale u suivant la ligne de coupe indiquée sur la figure de
gauche.
106 CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
• On se propose maintenant d’établir l’expression de la poussée d’un moteur à réaction ; cette ex-
pression nous sera utile dans la suite du cours lorsque nous nous intéresserons aux performances
de dispositifs propulsifs du type statoréacteur ou superstatoréacteur. On rappelle tout d’abord les
principes de fonctionnement d’un moteur à réaction :
– un débit masse d’air frais est admis à l’intérieur du moteur en passant dans une manche d’ad-
mission
– l’air admis est ensuite comprimé puis mélangé à du carburant
– le mélange air + carburant est alors brûlé dans une chambre de combustion afin d’augmenter
l’enthalpie d’arrêt de l’écoulement
– les gaz brûlés - de température élevée - passent ensuite dans une turbine puis sont détendus et
éjectés à grande vitesse
Nous considérons ici un modèle très simplifié de moteur représenté sur la figure 3.27. Suivant la
convention adoptée précédemment, le moteur est supposé au repos dans un écoulement de vitesse V∞
à l’infini amont. On choisit un volume de contrôle limité respectivement à l’amont et à l’aval par les
sections Σ1 et Σ2 :
– la section Σ1 est située suffisamment en amont du moteur pour que l’écoulement puisse être
considéré comme uniforme, de vitesse V∞ et de pression p∞ .
– la section Σ2 est la section de sortie du moteur et les conditions qui y régnent sont les conditions
d’éjection notées respectivement Ve et pe pour la vitesse et la pression d’éjection.
Les surfaces latérales de ce volume de contrôle se décomposent comme suit :
– Σc désigne le tube de courant s’appuyant sur la section d’entrée du moteur et prenant son
origine dans la section Σ1
– Σint désigne la surface intérieure du moteur
On introduit également la surface extérieure Σext de la carène du moteur. On suppose dans ce qui suit
que le débit massique de carburant injecté au niveau du moteur ṁf est négligeable devant le débit
massique d’air entrant dans le moteur ṁ∞ : on a donc ṁe ≈ m˙∞ où ṁe désigne le débit massique d’air
éjecté. On fait une hypothèse simplificatrice supplémentaire en supposant que les forces de frottement
associées aux contraintes visqueuses sont négligeables devant les forces de pression.
• Pour calculer la poussée produite par le turboréacteur, on applique la formulation intégrale de
la loi de conservation de la quantité de mouvement au volume de contrôle fermé limité par les surfaces
Σ1 , Σ2 , Σc et Σint ; on écrit donc :
Z
F = ρV (V · n)dS
Σ1 +Σ2 +Σc +Σint
où F désigne la somme de toutes les forces extérieures exercées sur les surfaces composant le volume
de contrôle. En notant F int la force exercée par le fluide sur la seule surface interne du moteur Σint
on peut écrire : Z Z Z
F = −F int − pndS − pndS − pndS
Σ1 Σ2 Σc
3.2. LES PRINCIPAUX EFFORTS AÉRODYNAMIQUES 107
Σext
Σ1
Σ2
p pe
8
V Ve
8
S1 Σc S2
Σ int
i
Comme par ailleurs V · n s’annule sur la paroi Σint et sur la surface de courant Σc , on obtient :
Z Z Z Z
F int = − ρV (V · n)dS − pndS − pndS − pndS
Σ1 +Σ2 Σ1 Σ2 Σc
ou encore, en explicitant les états sur les surfaces Σ1 , Σ2 et les normales extérieures à ces surfaces :
Z
2 2
F int = ρ∞ V∞ S1 i − ρe Ve S2 i + p∞ S1 i − pe S2 i − pndS
Σc
Par ailleurs, la somme des forces (de pression) qui s’exercent sur la surface externe du moteur est
donnée par : Z
F ext = − pndS
Σext
En rassemblant ces contributions, on trouve la force totale qui agit sur le moteur :
F T = F int + F ext Z Z
= (ṁ∞ V∞ − ṁe Ve )i + (p∞ S1 − pe S2 )i − pndS − pndS
Σc Σext
avec ṁ∞ Z= ρ∞ V∞ S1 et ṁe = ρe Ve S2 . On peut réécrire cette expression en utilisant le fait que la
quantité p∞ ndS = 0 peut être retranchée au membre de droite pour obtenir :
Σ1 +Σc +Σext +Σ2
Z Z
F T = (ṁ∞ V∞ − ṁe Ve )i + (p∞ − pe )S2 i − (p − p∞ )ndS − (p − p∞ )ndS
Σc Σext
En projetant cette force suivant la direction de l’écoulement (définie par le vecteur i) on obtient
finalement pour expression de la composante suivant x de la force totale exercée par le fluide sur le
turboréacteur :
Z Z
(FT · i) = ṁ∞ V∞ − ṁe Ve + (p∞ − pe )S2 − (p − p∞ )n · idS − (p − p∞ )n · idS
Σc Σext
108 CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
Pour analyser cette expression, on va plutôt considérer l’effort total suivant x produit par le turbo-
réacteur donné par −(FT · i) et qui peut être décomposé comme suit :
−(FT · i) = T − D
Attention ! La relation (3.13) est une relation approchée, bien vérifiée pour des profils suffisamment
minces (typiquement tels que le rapport entre l’épaisseur maximale et la corde reste inférieur à 15%
environ) et pour un nombre de Mach à l’infini amont compris (typiquement là-encore) entre 0.3 et 0.7.
Pour des nombres de Mach générateurs plus proches de 1, la formule (3.13) - qui présente d’ailleurs
une singularité pour M∞ = 1 - devient inutilisable car, en pratique, des ondes de choc apparaissent
3.2. LES PRINCIPAUX EFFORTS AÉRODYNAMIQUES 109
dans l’écoulement.
Puisque le coefficient de portance à incidence suffisamment faible est bien approché par la formule
(3.5), on peut exprimer le coefficient de portance associé à un profil donné placé dans un écoulement
incompressible comme : Z BF
x
Cz,0 = − (Cpe ,0 − Cpi ,0 )d( ) (3.14)
BA c
où l’indice 0 indique ici que les distributions de pression sont celles obtenues en incompressible et que
le coefficient de portance est celui associé à l’écoulement incompressible sur le profil. Le coefficient
de portance associé à l’écoulement pour des nombres de Mach M∞ supérieurs à 0.3 reste bien sûr
donné par la formule générale (3.5) mais, compte tenu de la loi de Prandtl-Glauert (3.13) d’une part
et de la formule (3.14) spécifique au cas incompressible, on peut aussi écrire :
Cz,0
Cz = p
1 − M∞2
On présente sur la figure 3.28 les distributions pariétales de coefficient de pression obtenues en
écoulement incompressible d’une part et pour un écoulement à M∞ = 0.7 d’autre part, sur un
demi-profil NACA0012 placé à incidence nulle. On observe que la distribution de pression déduite
de la distribution de pression mesurée en incompressible après application de la formule (3.13) de
Prandtl-Glauert avec M∞ = 0.7 approche très correctement la distribution de pression effectivement
mesurée pour ce même Mach générateur M∞ = 0.7 ; l’écart qui existe entre distribution prédite et
distribution réelle permet cependant de bien mesurer le caractère approché de la "loi" de Prandtl-
Glauert. Un autre exemple est présenté pour l’écoulement sur le profil NACA0012, complet cette
fois puisque placé à un degré d’incidence. Les distributions de pression associées à l’écoulement
incompressible et à l’écoulement à M∞ = 0.6 sont tracées sur la figure 3.29 ainsi que la distribution
de pression prédite par (3.13) à partir de la distribution en incompressible. On pourra noter que pour
ce nombre de Mach générateur un peu plus faible que dans le cas précédent l’accord entre distribution
théorique et réelle est encore meilleur que dans le cas précédent (M∞ = 0.7). Le coefficient de portance
calculé en incompressible est égal à Cz,0 = 0.106 ; par application de la loi de Prandtl-Glauert on
trouve pour M∞ = 0.6, Cz = 1.25 × Cz,0 soit une valeur estimée du coefficient de portance à
M∞ = 0.6, Cz = 0.1325. En pratique, l’écoulement calculé pour ce nombre de Mach générateur
fournit Cz = 0.129 ; l’écart entre la valeur réelle et celle prédite par la loi de Prandtl-Glauert reste
donc inférieur à 3% ce qui est tout à fait acceptable.
Fig. 3.28 – Evaluation de la loi de Prandtl-Glauert. A gauche : distributions de pression pariétale pour
écoulement de fluide parfait sur un 1/2-profil NACA0012 (placé à incidence nulle) en incompressible
et à M∞ = 0.7. A droite : comparaison entre la distribution de pression à M∞ = 0.7 déduite de la
distribution en incompressible et celle réellement obtenue au même nombre de Mach.
a apparition d’une zone d’écoulement supersonique sur la partie avant du profil (on parle aussi de
poche supersonique). Lorsque le nombre de Mach générateur continue à augmenter (ce qui est bien sûr
3.2. LES PRINCIPAUX EFFORTS AÉRODYNAMIQUES 111
équivalent à dire que le profil se déplace de plus en plus rapidement dans de l’air au repos), la taille
de la poche supersonique augmente ; à M∞ = 0.75 l’écoulement est accéléré de façon isentropique
de la zone d’écoulement subsonique à la poche d’écoulement supersonique puis décéléré toujours de
façon isentropique, par une compression isentropique, pour quitter la poche supersonique et retrou-
ver le régime subsonique. A M∞ = 0.79, la décélération ne se produit plus de façon isentropique :
la recompression de l’écoulement est assurée par une onde de choc qui ferme la poche d’écoulement
supersonique. Cette évolution de l’écoulement peut également être visualisée à partir du tracé de
la distribution de nombre de Mach présenté sur la figure 3.31. Pour M∞ inférieur à 0.73 environ,
l’écoulement sur le profil reste subsonique ; pour M∞ = 0.73 on atteint pour la première fois l’état
sonique sur le profil : le nombre de Mach critique asocié à l’écoulement de fluide parfait sur un profil
NACA0012 à incidence nulle est donc Mcr ≈ 0.73. Pour M∞ > Mcr , la distribution du nombre de
Mach à la paroi présente une zone supersonique : à M∞ = 0.75, l’accélération jusqu’au nombre de
Mach maximal puis la décélération (à partir de 30% de corde environ) s’effectuent de façon isentro-
pique ; à M∞ = 0.79, l’écoulement accélère sur les 40 premiers % de corde jusqu’à un nombre local de
1.2 environ puis décélère brutalement, de façon non-isentropique, en raison de l’apparition d’une onde
de choc sur le profil. Comme on va le voir dans la section qui suit, l’apparition de cette discontinuité
s’accompagne d’une forte augmentation de la traînée du profil. On va montrer maintenant comment
il est possible d’estimer le nombre de Mach critique à partir de la seule connaissance de la distribution
de pression en incompressible. On insiste sur le fait que la connaissance de ce Mach critique est très
importante pour l’aérodynamique des écoulements à grande vitesse puisqu’elle permet de situer le
régime de vitesse à partir duquel une traînée d’onde est susceptible d’apparaître dans l’écoulement.
On rappelle que le coefficient de pression est défini par :
p − p∞
Cp =
q∞
Fig. 3.30 – Evolution de la ligne sonique en fonction du nombre de Mach à l’infini amont. De haut
en bas : M∞ = 0.70, M∞ = 0.73, M∞ = 0.75, M∞ = 0.79.
En injectant cette relation dans l’expression du coefficient de pression établie ci-dessus, on obtient :
γ
γ − 1 2 γ−1
2 1 + 2 M∞
Cp = − 1
γM∞2 γ−1 2
1+ M
2
Lorsque le nombre de Mach local atteint la valeur 1 sur le profil, le coefficient de pression prend alors
sa valeur dite critique, notée Cp,cr , qui s’exprime en fonction du nombre de Mach à l’infini amont
3.2. LES PRINCIPAUX EFFORTS AÉRODYNAMIQUES 113
Fig. 3.31 – Distribution de nombre de Mach à la paroi sur un profil NACA0012 placé à incidence
nulle en fonction du nombre de Mach M∞ . A gauche : M∞ inférieur ou égal au nombre de Mach
critique ; à droite : M∞ supérieur ou égal au nombre de Mach critique.
La relation (3.16) est représentée graphiquement sur la figure 3.32. Il ne reste plus maintenant qu’à
faire le lien avec la distribution de pression calculée en incompressible sur un profil donné. Soit Cp,0
une telle distribution ; la loi de Prandtl-Glauert (3.13) donne l’évolution de la distribution de pression
en fonction de M∞ et Cp,0 . Clairement, l’état sonique M = 1 sera atteint pour la première fois sur
le profil au point où la pression est minimale i.e. au minimum de la distribution de Cp . Puisque, par
(3.13) Cp croît de façon monotone en fonction de M∞ , la valeur de pression minimale pour Cp à M∞
donné est atteinte au point où la distribution Cp,0 obtenue en incompressible est elle-aussi minimale.
Si on note min(Cp,0 ) cette valeur minimale, on peut donc caractériser le nombre de Mach critique,
pour lequel l’état sonique est atteint pour la première fois dans l’écoulement, par la relation :
γ
γ − 1 2 γ−1
min(Cp,0 ) 2 1+ Mcr
p = 2
− 1 (3.17)
2 γMcr2 γ+1
1 − Mcr
2
3.33 les distributions pariétales de pression et de nombre de Mach pour l’écoulement à M∞ = 0.3
(assimilé ici à l’écoulement incompressible) et pour l’écoulement à M∞ = 0.73 qui, après un balayage
systématique sur le nombre de Mach est apparu comme le nombre de Mach critique associé à cet
écoulement. On a repéré sur la figure la ligne M = 1 d’une part et la valeur du coefficient de pression
donnée par la formule (3.16) appliquée pour M∞ = 0.73, i.e. la valeur du coefficient de pression
critique lorsque l’écoulement critique est atteint très exactement pour M∞ = 0.73. Le léger écart
observé entre le minimum de la courbe de Cp calculée pour cette valeur et Cp,cr = −0.662 traduit le fait
que, à M∞ = 0.73, l’écoulement est en réalité déjà légèrement supersonique. La formule (3.17) permet
d’estimer le nombre de Mach critique de façon peu coûteuse : on relève en effet min(Cp,0 ) = −0.426
sur la distribution de coefficient de pression "incompressible" ; on peut alors tracer l’évolution de la
valeur minimale du coefficient de pression Cp pour M∞ croissant en utilisant la loi de Prandtl-Glauert.
Le point d’intersection de cette courbe avec la courbe représentative de la relation universelle (3.16)
fournit le nombre de Mach critique associé au profil (voir 3.34) : on trouve ici Mcr = 0.739 ce qui est
très proche (moins de 2% d’erreur) de la valeur exacte Mcr ≈ 0.73 obtenue en balayant finement sur
le nombre de Mach amont. Le nombre de Mach critique dépend bien sûr de l’incidence et, pour une
Fig. 3.32 – Représentation graphique de la loi "universelle" (3.16) qui donne la valeur du coefficient
de pression critique en fonction du nombre de Mach à l’infini amont (pour un écoulement de gaz
parfait dénué de viscosité).
incidence donnée, de la géométrie du profil considéré puisque Mcr dépend du coefficient de pression Cp ,
lui-même fonction de la géométrie Σ et de l’incidence α. On illustre cette dépendance à la géométrie
en évaluant par la méthode graphique détaillée ci-dessus le nombre de Mach critique associé aux
profils NACA0006, NACA0018 déduits du profil NACA0012 par un facteur d’homothétie 0.5 et 1.5
respectivement (l’épaisseur maximale de ces profils est bien sûr 6% de corde pour le premier et 18%
de corde pour le second). Le calcul de l’écoulement incompressible à incidence nulle sur les profils
NACA0006 et NACA0018 fournit comme valeur minimale du coefficient de pression Cp,0 = −0.218
3.2. LES PRINCIPAUX EFFORTS AÉRODYNAMIQUES 115
Fig. 3.33 – Distributions de pression et de nombre de Mach à la paroi pour un écoulement de fluide
parfait à incidence nulle sur le profil NACA0012, en régime quasi-incompressible et en régime critique.
Fig. 3.34 – Obtention graphique du nombre de Mach critique pour le profil NACA0012 à incidence
nulle à partir de la donnée du coefficient de pression minimal en incompressible.
pour le profil mince et Cp,0 = −0.665 pour le profil épais. On en déduit (voir Fig.3.36) Mcr = 0.82
pour le profil NACA0006, Mcr = 0.67 pour le profil NACA0018 (on rappelle que Mcr = 0.739 pour
116 CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
Fig. 3.35 – Géométrie des profils d’épaisseur croissante NACA0006, NACA0012 et NACA0018.
Fig. 3.36 – Représentation graphique de la loi "universelle" (3.16) qui donne la valeur du coefficient
de pression critique en fonction du nombre de Mach à l’infini amont (pour un écoulement de gaz
parfait dénué de viscosité).
NACA0012 placé à incidence nulle. En l’absence de viscosité, les seules sources de création de traînée
sont les éventuelles discontinuités présentes dans l’écoulement. Comme on le verra dans la suite du
cours, l’apparition de chocs dans un écoulement stationnaire exige d’atteindre le régime supersonique ;
ainsi, tant que le nombre de Mach critique n’est pas atteint, la traînée de l’écoulement de fluide idéal
sera nulle (il s’agit bien sûr d’une idéalisation car en pratique il existe bien sûr une résistance à
l’avancement même pour des écoulements à faible vitesse mais cette résistance est liée au frottement
visqueux et/ou à l’éventuelle présence de zones de recirculation). Comme l’illustrent les figures 3.30 et
3.31 détaillées dans l’introduction de cette section, il existe une gamme de nombre de Mach supérieurs
au nombre de Mach critique pour lesquels l’écoulement présente une zone d’écoulement supersonique
tout en restant isentropique (absence de discontinuités) : il en est ainsi par exemple de l’écoulement
M∞ = 0.75 sur le profil NACA0012 à incidence nulle. Si M∞ augmente encore, une onde de choc se
forme sur le profil (voir par exemple l’écoulement à M∞ = 0.79 ) et l’apparition de cette onde de choc
conduit à la génération d’une traînée d’onde. La topologie de l’écoulement à M∞ = 0.75, M∞ = 0.79
et M∞ = 0.85 est illustrée sur la figure 3.37 par le tracé des isovaleurs de pression : on visualise ainsi
clairement le caractère isentropique de l’écoulement (subsonique) à M∞ = 0.75 et l’apparition d’ondes
de choc (d’intensité croissante) dans l’écoulement pour M∞ = 0.79 et M∞ = 0.85 qui générent la
traînée d’onde ; on présente également sur la figure 3.38 les distributions de coefficient de pression
et de nombre de Mach obtenues pour l’écoulement à M∞ = 0.79. On peut noter que l’onde de choc
qui apparaît sur le profil recomprime l’écoulement en le faisant passer du régime supersonique au
régime subsonique ; on verra dans la suite du cours que cette propriété est propre aux ondes de choc
droites ou quasi-droites. Si on trace le coefficient de traînée en fonction de M∞ on observe que pour
M∞ ≈ 0.79 la traînée augmente brutalement à partir de sa valeur nulle (tant que l’écoulement reste
isentropique) : la création d’une traînée d’onde en régime transsonique est qualifiée classiquement
de crise de traînée transsonique (ou transonic drag crisis, transonic drag rise suivant la terminologie
anglo-saxonne). Le nombre de Mach à l’infini amont pour lequel une discontinuité apparaît pour
la première fois dans l’écoulement est dit nombre de Mach de divergence puisque, à partir de cette
valeur, la traînée diverge de sa valeur nulle.
Fig. 3.37 – Ecoulement de fluide idéal à incidence nulle sur le profil NACA0012. Evolution des
isovaleurs de pression en fonction de M∞ pour M∞ > Mcr .
que le profil décroche et on nomme l’angle pour lequel la portance atteint sa valeur maximale l’angle
de décrochage (stall angle en anglais). La différence profonde de topologie de l’écoulement entre le cas
idéal et le cas réel est illustrée sur la figure 3.42 par le tracé des lignes de courant de l’écoulement :
le décollement important de la couche limite dans l’écoulement de fluide réel à 8◦ d’incidence est
bien visible, avec la présence d’un tourbillon de recirculation de grande taille. La présence de cette
zone de recirculation modifie profondément la distribution de pression autour du profil en conduisant
notamment à une remontée de la pression à l’extrados du profil (voir les isovaleurs de la pression
statique adimensionnée par sa valeur à l’infini amont sur la figure 3.43) qui limite donc la différence
de pression entre extrados et intrados et induit la chute de portance observée.
3.2. LES PRINCIPAUX EFFORTS AÉRODYNAMIQUES 119
Fig. 3.38 – Distributions de pression et de nombre de Mach à la paroi pour un écoulement de fluide
parfait à incidence nulle sur le profil NACA0012 à M∞ = 0.79.
Fig. 3.39 – Ecoulement de fluide idéal à incidence nulle sur le profil NACA0012. Evolution du
coefficient de traînée Cx (CD ) en fonction du nombre de Mach à l’infini amont M∞ .
Fig. 3.41 – Distribution du coefficient de pression à la paroi pour un écoulement à incidence nulle
sur le profil NACA0012. Comparaison entre l’écoulement de fluide idéal et l’écoulement turbulent de
fluide réel.
3.3. OPTIMISATION ET CONTRÔLE 121
Fig. 3.42 – Lignes de courant de l’écoulement à M∞ = 0.5 sur un profil NACA0012. En haut :
incidence de 7◦ pour un écoulement idéal de fluide parfait (à gauche) et un écoulement turbulent
(Re∞,c = 10 millions) de fluide réel (à droite). En bas : incidence de 8◦ pour un écoulement idéal de
fluide parfait (à gauche) et un écoulement turbulent (Re∞,c = 10 millions) de fluide réel (à droite).
reste attachée, on a une traînée non-nulle qui traduit le frottement exercé par le fluide sur le profil. La
valeur du coefficient de traînée varie assez peu en fonction de l’incidence jusqu’à ce que soit atteint
l’angle de décrochage : le décollement de la couche limite s’accompagne alors d’une augmentation
brutale de la traînée liée à la profonde modification de la distribution de pression introduite par la
zone de recirculation qui se forme à l’extrados du profil ; une traînée de forme importante s’ajoute
alors à la traînée de frottement. En pratique, un avion de ligne n’entre pas dans le domaine du dé-
crochage de sorte que c’est la traînée de frottement qui constitue une part essentielle de la traînée
totale (l’autre contribution importante à la traînée totale est la traînée dite induite (par la portance),
d’origine tridimensionnelle et qui n’est pas évoquée ici). D’importantes recherches sont donc menées
dans le domaine aéronautique pour réduire la traînée de frottement : ce point est brièvement évoqué
dans la dernière section de document et sera détaillé lors des séances du cours consacrées à la couche
limite. La problématique du domaine automobile est totalement différente : la contribution de la
traînée de frottement à la traînée d’un véhicule automobile ne dépasse pas 10% de la traînée totale
alors qu’une contribution essentielle à la traînée est constituée par la traînée de pression dans sa
composante traînée de forme, en raison de la présence de zones d’écoulement décollé. L’existence de
ces zones découle directement de la géométrie même d’un véhicule automobile qui, par rapport à une
aile, ne constitue sûrement pas un corps profilé !
Fig. 3.43 – Isovaleurs de la pression (statique) adimensionnée par la pression à l’infini amont pour
un écoulement turbulent à M∞ = 0.5 et Re∞,c = 10 millions autour du profil NACA0012 à une
incidence de 3◦ (en haut), 7◦ (au milieu) et 8◦ (en bas).
3.3. OPTIMISATION ET CONTRÔLE 123
Fig. 3.44 – Evolution du coefficient de traînée en fonction de l’incidence pour un écoulement turbulent
(Re∞,c = 10 millions) sur le profil NACA0012. La ligne de pointillés indique que, dans les mêmes
conditions, l’écoulement de fluide idéal reste isentropique et génère donc une traînée nulle.
tentation. Le recours à des profils d’aile cambrés est privilégié mais dans le même temps les profils
utilisés doivent être conçus pour assurer un écoulement attaché dans les conditions normales de vol
(où les angles d’incidence restent modérés) afin d’éviter le phénomène de décrochage. L’autre pro-
blème spécifique à l’aéronautique (même si il peut être rencontré pour des véhicules automobiles bien
particulier tels que ceux conçus pour battre des records de vitesse en ligne droite) est la gestion de
la traînée d’onde : la crise de traînée associée au régime transsonique doit être repoussée si possible
en dehors du domaine de vol prévu. Dans le domaine automobile, la réduction de traînée passe par
la réduction de la traînée de pression ou de forme et donc la limitation des zones décollées [20].
Fig. 3.45 – Optimisation de forme en vue de la réduction de la traînée d’onde en régime transsonique.
En haut : distributions de coefficient de pression pariétal pour le profil RAE2822 de base et pour
le profil optimisé (à gauche) ; comparaison de la géométrie de base et de la géométrie optimisée (à
droite). En bas : comparaison de la ligne de cambrure pour le profil de base et le profil optimisé. (ces
figures sont tirées de [22])
126 CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
Fig. 3.46 – Optimisation de forme en vue de la réduction de la traînée d’onde en régime transsonique.
Isovaleurs de pression sur le profil de base et le profil optimisé. (ces figures sont tirées de [22])
contrôle de la laminarité) sont sans intérêt pour l’automobile où la traînée de frottement ne joue qu’un
rôle marginal 3 : l’essentiel de l’effort d’optimisation et de contrôle des écoulements dans le domaine
automobile porte sur la réduction de la traînée de pression. Dans la mesure où la mise en oeuvre de
ces techniques de contrôle suppose une bonne connaissance du comportement de l’écoulement lié aux
effets visqueux (décollement de la couche limite) on évoquera plus en détail ces techniques à l’issue
du cours consacré à la couche limite en aérodynamique. Pour l’heure, nous présentons simplement
ci-dessous un exemple de démarche d’optimisation de forme menée chez PSA Peugeot Citroën et
destinée à réduire la traînée d’un véhicule automobile [12]. En jouant sur la forme arrière d’un
véhicule modèle, il est possible de modifier les structures tourbillonnaires qui se forment sur cette
partie arrière de façon à réduire notamment le sillage ce qui a pour conséquence une réduction de la
traînée.
3.3.3 Multidisciplinarité
Au moment de conclure ce chapitre du cours consacré aux enjeux de l’aérodynamique pour l’ingénieur,
il est important se souligner que, si ce cours est spécifiquement dédié à l’aérodynamique, la pratique
de cette discipline lorsqu’il s’agit de concevoir un véhicule doit nécessairement tenir compte de son
interaction avec d’autres disciplines qui amènent leurs propres contraintes de dimensionnement. Par
exemple, le travail présenté dans [29] vise à optimiser les performances d’un missile en régime de
vol supersonique non seulement du point de vue aérodynamique mais également du point de vue du
rendement propulsif et de la furtivité radar. La satisfaction simultanée d’objectifs de performance
aérodynamique et de furtivité constitue un véritable défi : comme on peut le constater sur la figure
3.50 un avion furtif se caractérise par une géométrie assez "anguleuse" destinée, grossièrement, à
3
sauf bien sûr pour des véhicules très particuliers tels que les prototypes développés pour des courses d’endurance
de type Marathon Shell qui peuvent être profilés de façon à limiter très fortement la traînée de forme, auquel cas la
traînée de frottement redevient prépondérante (voir par exemple [28])
3.3. OPTIMISATION ET CONTRÔLE 127
Fig. 3.47 – Optimisation de la forme arrière d’un modèle de véhicule automobile. Paramètres géo-
métriques de l’optimisation. (figure tirée de [12])
Fig. 3.48 – Optimisation de la forme arrière d’un modèle de véhicule automobile. En haut : isovaleurs
de la pression totale dans le plan de symétrie (à gauche) et le plan transverse à mi-hauteur (à droite)
pour une géométrie non-optimale. En bas : lignes de courant dans le plan de symétrie (à gauche) et
sur la partie arrière du véhicule (à droite) pour la même géométrie. (figures tirées de [12])
128 CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
Fig. 3.49 – Optimisation de la forme arrière d’un modèle de véhicule automobile. En haut : isovaleurs
de la pression totale dans le plan de symétrie (à gauche) et le plan transverse à mi-hauteur (à droite)
pour la géométrie optimale obtenue par la boucle d’optimisation automatique. En bas : lignes de
courant dans le plan de symétrie (à gauche) et sur la partie arrière du véhicule (à droite) pour la
même géométrie optimale. (figures tirées de [12])
pièger les ondes en provenance de radars d’observation ; si une telle géométrie est donc favorable au
caractère furtif d’un appareil elle pose bien des problèmes à l’aérodynamicien pour lequel "angle" est
généralement synonyme de "point singulier" en lequel la couche limite est susceptible de décoller avec
des conséquences néfastes en matière de portance et de traînée. La question du design doit donc être
formulée de façon à satisfaire simultanément les différents objectifs assignés par chaque discipline : le
résultat du processus d’optimisation est alors un ensemble de solutions de compromis possibles (dit
ensemble optimal de Pareto) parmi lesquelles une solution sera sélectionnée sur la base de considé-
rations supplémentaires non prises en compte dans la formulation initiale du problème (telles que la
notion de coût de fabrication par exemple). A l’heure actuelle, dans le domaine aéronautique, on se
préoccupe de plus en plus d’optimiser simultanément un véhicule du point de vue aérodynamique
et structural en prenant en compte les effets de couplage entre le fluide et la structure et en intro-
duisant dans des processus d’optimisation numérique des objectifs de performance aérodynamique et
des contraintes sur la structure (de non-dépassement de seuils de contraintes par exemple) (voir par
exemple [30]). Dans le domaine automobile, l’aérodynamique n’est bien sûr que l’une des contraintes
qui intervient dans le dessin d’un véhicule [26] : en pratique, un compromis (là-encore !) doit être
trouvé entre les contraintes de style (essentielles pour le succès commercial), d’habitabilité, de sécurité
(vis-à-vis du crash notamment) . . . et d’aérodynamique. La nécessité d’un processus d’optimisation
réellement multidisciplinaire conduit d’ailleurs à d’intéressantes analyses du processus de conception
dans le cadre de l’ingénierie de la conception (design engineering) qui mettent notamment en oeuvre
des outils de la théorie des jeux (collaboratifs ou non) pour déterminer par exemple les points d’équi-
libre atteints par deux équipes d’ingénieurs travaillant sur l’optimisation d’un produit respectivement
d’un point de vue structural et d’un point de vue aérodynamique (voir [31] par exemple).
3.3. OPTIMISATION ET CONTRÔLE 129
Fig. 3.50 – Avion de combat furtif F-117A Nighthawk (image tirée de [5]).
130 CHAPITRE 3. ENJEUX DE L’AÉRODYNAMIQUE POUR L’INGÉNIEUR
Bibliographie
131
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