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Université Paris VI

Master de Sciences de l’Ingénieur

MÉCANIQUE DES FLUIDES


Arnault Monavon

2 septembre 2010
Table des matières

I Lois de conservation 3

1 Équation de bilan 5
1.1 Définitions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
1.2 Dérivées convectives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
1.3 Équation de bilan global . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
1.4 Équation de bilan local . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
1.5 Domaine bidimensionnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

2 Bilan de masse 11
2.1 Formulation générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
2.2 Relation de saut . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
2.3 Cas particuliers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

3 Bilan de quantité de mouvement 17


3.1 Loi fondamentale de la dynamique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
3.2 Équation de Navier-Stokes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
3.3 Relation de saut . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
3.4 Force d’inertie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20

4 Bilan d’énergie cinétique 23


4.1 Cas général . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
4.2 Relation de saut . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
4.3 Cas particuliers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24

5 Bilan d’énergie totale 25


5.1 Formulation globale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
5.2 Formulation locale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
5.3 Relation de saut . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

6 Bilan d’énergie interne 27


6.1 Formulation énergétique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
6.2 Formulation enthalpique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28

II Analyse phénoménologique 31

7 Notion d’ordre de grandeur 33


7.1 Préliminaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
7.2 Exemple élémentaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34

i
TABLE DES MATIÈRES ii

7.3 Fonction d’une seule variable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38


7.4 Fonctions de plusieurs variables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
7.5 Intégrales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
7.6 Approximation par tranches . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45

8 Notion de couche limite – Perturbation singulière 51


8.1 Approximation du plan tangent . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
8.2 Perturbation singulière : fluide parfait . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60
8.3 Développements asymptotiques raccordés (DAR) . . . . . . . . . . . . . . . 62

III Théorie de la couche limite 71

9 Couche limite laminaire dynamique 73


9.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73
9.2 Couche limite sur plaque plane . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74
9.3 Équations de PRANDTL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78
9.4 Frottement pariétal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81
9.5 Propriété mathématique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82
9.6 Solution de FALKNER-SKAN . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84

10 Couche limite laminaire thermique : convection forcée 89


10.1 Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89
10.2 Nombre de PRANDTL d’ordre unité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93
10.3 Nombre de PRANDTL très inférieur à un . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94
10.4 Nombre de PRANDTL très supérieur à un . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96
10.5 Définitions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97
10.6 Recherche de solutions semblables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100

11 Épaisseurs de couche limite 105


11.1 Épaisseur de déplacement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105
11.2 Autres épaisseurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106
11.3 Méthodes intégrales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107
11.4 Compléments . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111

12 Couche limite laminaire thermique : convection naturelle 115


12.1 Approximation de BOUSSINESQ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115
12.2 Formulation adimensionnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 116
12.3 Analyse phénoménologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118
12.4 Application à la plaque plane . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122

13 Écoulements longilignes 129


13.1 Jets . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129
13.2 Sillages . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137
13.3 Panaches . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 144

A Formulaire 153

B Paramètres de similitude 163


TABLE DES MATIÈRES iii

Bibliographie 165
TABLE DES MATIÈRES 1
TABLE DES MATIÈRES 2
Première partie

Lois de conservation

3
Chapitre 1

Équation de bilan

L’écriture d’un bilan est une opération comptable dont le contenu physique est nul :
il ne faut pas confondre un bilan avec une loi de conservation. Écrire un bilan consiste à
faire la liste exhaustive des causes de variation d’une grandeur locale (en un point fixe ou
mobile) ou globale (intégrée sur un domaine fixe ou en mouvement.) Nous nous intéressons
au bilan d’une grandeur physique générique donnée par sa densité volumique ψ(M, t) :
Z
Ψ(t) = ψ(M, t) dV (M ) .
V(t)

Les calculs sont présentés dans le cas où ψ est une grandeur scalaire mais se généralisent,
composante par composante, aux cas d’une grandeur vectorielle ou tensorielle.

1.1 Définitions
Volumes et domaines Selon le contexte, on peut avoir à exprimer un bilan sur une
partie de l’espace physique qui peut être définie de plusieurs manières :
⊲ volume géométrique V(t) : ce volume, dont le bord est noté ∂V(t) (surface fermée),
est tracé dans le milieu fluide de façon arbitraire. Plus précisément, il suffit de se
donner la vitesse normale de déplacement de surface w · n où w est la vitesse d’un
point de ∂V et n la normale extérieure à V en ce point. La définition de V(t) est
donc indépendante du milieu continu dans lequel il baigne.
⊲ volume géométrique fixe V0 : il s’agit d’un volume tel que w · n = 0, quel que soit le
point de ∂V.
⊲ domaine matériel D(t) : la frontière ∂D(t) de ce domaine est astreinte à suivre le
mouvement du milieu matériel dans lequel il plonge et nous avons w = v. Par suite,
la frontière ∂D est imperméable et aucun flux de matière transporté par le champ
de vitesse v ne la traverse.

Bilan proprement dit C’est un taux de variation dont la définition est libre. En pra-
tique, on distingue deux façons de procéder :
 Bilan eulerien : le taux de variation est une dérivée partielle par rapport au temps.
Selon que le bilan est global ou local, on cherche à évaluer le taux de variation de
l’intégrale Ψ ou de la densité ψ :
◦ ∂Ψ/∂t ≡ dΨ/dt, où V est un volume fixe noté V0 (≡ : identique à).
◦ ∂ψ/∂t, le point M étant fixé.

5
1.1. DÉFINITIONS 6

 Bilan lagrangien : le taux de variation est une dérivée convective qui n’est complè-
tement définie qu’à partir du moment où on s’est donné le champ de vitesse w(M, t)
suivi dans l’opération de dérivation. Ce champ de vitesse peut être quelconque ou
bien être celui du milieu matériel, i.e. w ≡ v et on parle alors de dérivée particulaire
ou matérielle. On est donc confronté à des termes de la forme :
◦ dΨ/ dt, où V est un volume mobile. Dans le cas où V est un domaine matériel,
nous le désignons par le symbole D.
◦ dψ/ dt, le point M étant mobile.

Sources Ces termes traduisent le fait que, en général, il peut exister un processus phy-
sique qui produit ou détruit localement la quantité ψ sans qu’il y ait aucun transport de
quelque nature que ce soit. Algébriquement, on parle souvent de terme de production. Ce
+ +
processus physique peut être considéré à l’échelle locale (ψ) ou globale (Ψ) :
Z
+ +
Ψ(t) = ψ(M, t) dV (M ) .
V(t)

+
Une grandeur telle qu’en tout point ψ = 0 est une grandeur qui se conserve.

Densités flux La quantité ψ peut être transportée de l’extérieur vers l’intérieur de V


et vice versa. Ce processus est associé à un déplacement de matière qui peut être de deux
natures différentes :
 Densité de flux macroscopique : par définition, il est comptabilisé par le champ de
vitesse v et on parle de transport convectif (ou advectif ) 1 :

I(ψ) = ψ v .

Intégré sur la frontière de V, ce flux ne fait intervenir que la vitesse normale de la


matière relativement à celle de ∂V. Notons w la vitesse d’un point de ∂V, on a :
Z n
flux convectif de ψ au travers
φconv (ψ) = −ψ(v − w) · n dA
∂V(t) de la surface fermée ∂V.

où le signe moins (−) tient compte du sens de la normale extérieure n.


 Densité de flux microscopique : on la note J(ψ) et, par définition, elle est associée à
un déplacement de molécules invisible dans une description continue et devant donc
faire l’objet d’une modélisation spécifique : loi de comportement. C’est une grandeur
objective (i.e. indépendante du repère) et on parle de diffusion ou de flux diffusif. Il
s’agit d’un concept très général dans lequel on retrouve toutes sortes de fluctuations
(moléculaires, diphasiques ou turbulentes) invisibles à l’échelle du champ de vitesse
v, lequel représente donc une moyenne.
La diffusion résultant d’un déplacement relatif au champ de vitesse convectif, le flux
diffusif au travers de ∂V s’écrit indépendamment de la vitesse de ∂V :

Z n
flux diffusif de ψ au travers de
φdiff (ψ) = − J(ψ) · n dA .
∂V(t) la surface fermée ∂V.
1. Il semble que les anglo-saxons utilisent le terme de convection pour le bilan de quantité de mouvement
où le champ de vitesse se transporte lui même, réservant le terme d’advection aux bilans où le champ de
vitesse transporte une autre grandeur (masse ou énergie).
CHAPITRE 1. ÉQUATION DE BILAN 7

1.2 Dérivées convectives


1.2.1 Dérivée d’un champ
La quantité ψ est un champ qui dépend du point considéré et du temps : ψ = ψ(x, t).
Dériver cette quantité par rapport au temps selon un champ de vitesse quelconque w
consiste à évaluer son taux de variation en suivant le point M de coordonnées x(t) et de
vitesse dx/dt = w. Noter que cette définition est générale et ne nous oblige pas à choisir
la vitesse v du milieu.
Nous nous plaçons ici dans le cas le plus simple où x est le rayon-vecteur du point M
−−→
dans le repère absolu : x = OM . La dérivée selon la vitesse w s’écrit donc :
 
dw ψ ∂ψ
= + ∇ψ · w. (1.1)
dt ∂t x

Dans le cas où w ≡ v, v étant le champ de vitesse du milieu matériel, on obtient la


définition de la dérivée particulaire ou matérielle 2 3 :
 
dψ ∂ψ dw ψ
= + ∇ψ · v = + ∇ψ · (v − w) . (1.2)
dt ∂t x dt

1.2.2 Dérivée d’une intégrale de volume


Soit à calculer le taux de variation de l’intégrale de volume :
Z
Ψ= ψ dV ,
V(t)

où ψ est une fonction continue, ainsi que ses dérivées premières. Le domaine d’intégration
V est un volume géométrique arbitraire de vitesse normale de déplacement de surface w ·n.
La démonstration de ce théorème, connu sous le nom de règle de Leibnitz, est supposée
connue et nous nous bornons à donner le résultat :
Z Z Z
d ∂ψ
ψ dV = dV + ψ (w · n) dA . (1.3)
dt V(t) V(t) ∂t ∂V(t)

Considérons deux définitions particulières de V :


1. V est un volume matériel noté D. On a w ≡ v et, le champ de vitesse étant défini
dans D, on peut appliquer le théorème de la divergence :
Z Z Z
d ∂ψ
ψ dV = dV + ψ (v · n) dA
dt V(t) D(t) ∂t ∂D(t)
Z   (1.4)

= + ψ div v dV .
D(t) dt

2. V est un volume fixe noté V0 . On a w = 0 et il vient :


Z Z
d dΨ ∂Ψ ∂ψ
ψ dV = = = dV . (1.5)
dt V0 dt ∂t V0 ∂t

2. Dans ce cas, on ne précise pas le champ de vitesse.


3. Certains auteurs distingue la dérivée particulaire par la notation D/Dt.
1.3. ÉQUATION DE BILAN GLOBAL 8

1.3 Équation de bilan global


À ce stade, nous disposons des grandeurs nécessaires à la construction d’une équation de
bilan globale, c’est-à-dire pour un volume V(t). La formulation est naturelle : le bilan d’une
grandeur est égal à la somme de la production/destruction et du flux. Nous commençons
par formaliser cette proposition dans le cas d’un volume géométrique quelconque :
Z Z I
dΨ d +
= ψ dV = ψ dV − [ψ(v − w) + J(ψ)] · n dA . (1.6)
dt dt V(t) V(t) ∂V(t)

Cette expression se transforme en explicitant le bilan à l’aide de la relation (1.3) et conduit


au théorème du transport de Reynolds :
Z I Z  
∂ψ dv ψ
dV + ψ(v · n) dA = + ψ div v dV ,
V(t) ∂t ∂V(t) V(t) dt
Z I (1.7)
+
= ψ dV − J(ψ) · n dA .
V(t) ∂V(t)

1.4 Équation de bilan local


L’écriture d’une équation de bilan local n’est possible qu’après avoir éliminé la vitesse
w de ∂V : il faut donc prendre pour point départ la relation (1.7). La méthode consiste
alors à convertir toutes les intégrales de surface en intégrales de volume et, ensuite, en
s’appuyant sur le fait que l’égalité obtenue est valable quel que soit V ⊂ S, appliquer le
lemme fondamental (ou théorème de l’intégrale nulle) pour obtenir la forme locale.
Lemme fondamental de la physique des milieux continus :
Soit ϕ(M ), une fonction continue, définie sur un domaine S ; soit D un domaine intérieur
à S ; si
Z
ϕ(M ) dV = 0
D

quel que soit D intérieur à S, la fonction ϕ(M ) est identiquement nulle.


L’expression (1.7) s’écrit :
Z   Z
dv ψ + 
+ ψ div v dV = ψ − div J(ψ) dV ,
D dt D

dont on déduit la forme locale de l’équation de bilan de la densité volumique ψ :


dv ψ ∂ψ +
+ ψ div v = + div(ψv) = ψ − div J(ψ) . (1.8)
dt ∂t

1.5 Domaine bidimensionnel


1.5.1 Bilan global
Nous admettons sans démonstration la généralisation des équations de la section précé-
dente au cas de fonctions continues par morceaux, en d’autres termes, au cas où le domaine
matériel tridimensionnel D contient une surface de discontinuité Ai , géométrique, séparant
CHAPITRE 1. ÉQUATION DE BILAN 9

deux domaines matériels Dk , k = 1, 2. Alors, il s’ajoute un terme qui tient compte du saut
subi par chaque grandeur.
Désignons par Nk , k = 1, 2, le vecteur normal à Ai pointant hors de Dk , le saut d’une
grandeur X est noté :
2
X
JX · N K = Xk · Nk .
k=1

L’équation de bilan de la grandeur volumique ψ écrite sur le domaine D = D1 ∪ D2 s’écrit


alors :
Z Z I Z
d +
ψ dV = ψ dV − J(ψ) · n dA − [[{ψ(v − w) + J(ψ)} · N ]] dA . (1.9)
dt D D ∂D Ai

n2 φ1
Phase 1 Phase continue
Phase 1
D1
N n2 n1 dA1
Ai dA
s ∂Ai
n1
dA2
∂Ai D2
Phase 2
Inclusion
φ2 Interface Phase 2

1.5.2 Relation de saut


Une relation de saut impose la valeur prise localement par le terme de saut (terme entre
crochets doubles). Lorsque l’interface Ai est dotée de propriétés matérielles telles qu’une
masse ou une énergie, cette valeur n’est pas triviale. En revanche, lorsque l’interface est
une simple discontinuité géométrique, le terme de saut est nul :

[[{ψ(v − w) + J(ψ)} · N ]] = 0 . (1.10)

Noter que les sources ne jouent aucun rôle. L’interprétation de la relation (1.10) est extrê-
mement simple ; développons son expression et posons N = N1 = −N2 , il vient :

[ψ1 (v1 − w) + J(ψ1 )] · N = [ψ2 (v2 − w) + J(ψ2 )] · N ,

ce qui montre que le flux total de ψ, c’est-à-dire convectif et diffusif, se conserve à la


traversée de Ai . Dans le cas d’une interface immobile, il ne reste que :

[ψ1 v1 + J(ψ1 )] · N = [ψ2 v2 + J(ψ2 )] · N .


1.5. DOMAINE BIDIMENSIONNEL 10
Chapitre 2

Bilan de masse

2.1 Formulation générale


2.1.1 Point matériel
À un point matériel P sont associées sa position x(t) (représentation de Lagrange)
et sa vitesse v(x, t) (représentation d’Euler). Considérons un élément de volume dV
construit autour de ce point et soit dM = ρ dV sa masse où ρ(x, t) est sa masse volumique :
c’est un champ scalaire continu et dérivable autant de fois que nécessaire. La donnée de
ρ(x, t) permet de remonter à la masse M (t) d’un volume V(t) par l’expression :
Z
M (t) = ρ(x, t) dV (x), (2.1)
V(t)

évaluée à t fixé.

2.1.2 Énoncé
La masse de tout ou partie d’un système matériel que l’on suit dans son mouvement reste
constante lorsque le temps varie.
Considérons un système matériel S et une partie — matérielle — de ce système D ⊆ S,
de masse M ; en d’autres termes, à tout instant, D est constitué des mêmes points matériels.
La conservation de la masse de S s’écrit :
Z
dM d
∀D ⊆ S : = ρ dV = 0 : formulation globale, (2.2)
dt dt D

où ρ est la masse volumique du fluide. L’application de la règle de Leibnitz permet de


faire entrer la dérivée sous le signe somme :
Z Z
dM ∂ρ
∀D ⊆ S : = dV + ρ(v · n) dA = 0, (2.3)
dt D ∂t ∂D

où le champ de vitesse est bien celui du fluide car — par définition — D est un domaine
matériel. Ensuite, par application de la formule de la divergence, il est possible de tout
regrouper sous une seule intégrale de volume :
Z h i
dM ∂ρ
∀D ⊆ S : = + div(ρv) dV = 0,
dt D ∂t

11
2.1. FORMULATION GÉNÉRALE 12

opération qui nous place dans les conditions d’application du lemme fondamental (voir
section 1.4). Il s’ensuit que c’est en fait l’intégrande qui est nulle et, en tout point M de
S, nous pouvons donc écrire l’équation de conservation de la masse 1 :
∂ρ dρ
∀M ∈ S : + div(ρv) = + ρ div v = 0 : formulation locale. (2.4)
∂t dt
En utilisant la notation indicielle puis explicite (coordonnées cartésiennes 2 ), on a aussi :
∂ρ ∂ ∂ρ ∂ ∂ ∂
+ (ρvi ) = 0 et + (ρu) + (ρv) + (ρw) = 0. (2.5)
∂t ∂xi ∂t ∂x ∂y ∂z

2.1.3 Complément
Corollaires La conservation de la masse permet de démontrer deux identités très utile
lors de l’établissement des équations générales.

Forme globale
Z Z
d df
ρf dV = ρ dV, (2.6)
dt D D dt

où D est une partie d’un milieu continu de masse volumique ρ et f (x, t) une fonction
continue et dérivable sur D autant de fois que nécessaire.
La démonstration s’appuie sur la règle de Leibnitz :
Z Z h i Z h
d d df  dρ  i
ρf dV = (ρf ) + ρf div v dV = ρ + + ρ div v f dV.
dt D D dt D dt dt
On reconnaît, dans la parenthèse, l’expression (2.5)2 de la conservation de la masse qui est
donc nulle, ce qui démontre la proposition.

Forme locale
df d dρ ∂ ∂
ρ = (ρf ) − f = (ρf ) + ∇(ρf ) · v + ρf div v = (ρf ) + div(ρf v). (2.7)
dt dt dt ∂t ∂t
La deuxième forme est dite conservative.

Interprétation Considérons la conservation de la masse appliquée à un système matériel


infinitésimal de masse δM et de volume δV :
d dρ d
(δM ) = δV + ρ (δV ) = 0.
dt dt dt
Après avoir reporté l’expression de dρ/dt tirée de (2.4)2 , il vient :
1 d
(δV ) = div v. (2.8)
δV dt
Cette expression apporte une interprétation physique très claire de la divergence du champ
de vitesse : c’est le taux de variation relatif d’un volume matériel suivi dans son mouvement.
Elle est donc positive si le volume se dilate et négative s’il se contracte au cours du temps.
1. Souvent nommée : équation de continuité.
2. Voir annexe A pour d’autres systèmes de coordonnées.
CHAPITRE 2. BILAN DE MASSE 13

2.2 Relation de saut


Considérons un domaine matériel infinitésimal D, traversé de part en part par une
surface de discontinuité Ai . Ce domaine se répartit dans deux milieux indicés « 1 » et
« 2 » : D = V1 ∪ V2 . Soit Ak la partie de ∂D qui plonge dans le milieu « k ». On se
propose d’exprimer que la masse de D reste constante au cours du temps. En raison de la
discontinuité, il faut découper le domaine en deux parties et déterminer indépendamment
le taux de variation de leur masses. Discontinuité
Considérons la partie Vk et désignons par nk la nor-
male extérieure Vk . Puisque la masse se conserve (i.e.
il n’y a ni source ni puits), la seule cause de variation Domaine
est le flux de matière au travers de ∂Vk . Par ailleurs, matériel
le domaine étant matériel, aucun flux ne traverse Ak Ai A2
et seule subsiste la contribution de Ai : A1
Z
dMk
=− ρk (vk − w) · nk dA,
dt Ai Milieu 1 Milieu 2
où w est la vitesse de la discontinuité (éventuellement
nulle). Si l’interface ne produit ou n’adsorbe pas de matière, la masse de D est constante
et nous avons :
dM dM1 dM2 XZ
= + =− ρk (vk − w) · nk dA = 0.
dt dt dt Ai
k

Enfin, en remarquant que les dimensions de D sont infinitésimales, l’intégrande est en


fait indépendante du point d’intégration, ce qui conduit à la relation de saut :
X 
ρk (vk − w) · nk = Jρ(v − w) · nK = 0. (2.9)
k

La composante normale de la densité de flux de masse se conserve.

2.3 Cas particuliers


2.3.1 Écoulement permanent
La masse volumique ne dépend pas du temps et il reste :
div(ρv) = ∇ρ · v + ρ div v = 0. (2.10)

2.3.2 Fluide et écoulement incompressible


Par définition d’un fluide incompressible :
ρ = cste =⇒ div v = 0. (2.11)
Par définition d’un écoulement incompressible :
div v = 0 =⇒ dρ/dt = 0. (2.12)
La masse volumique ρ d’une particule fluide reste constante lorsqu’on la suit dans son
mouvement. En d’autres termes, la masse volumique est constante sur une trajectoire,
étant entendu qu’elle peut varier d’une trajectoire à l’autre. Donc, l’hypothèse de fluide
incompressible implique celle d’écoulement incompressible mais la réciproque est fausse.
2.3. CAS PARTICULIERS 14

Commentaire En règle générale, les fluides sont considérés comme incom-


pressibles dès lors qu’ils sont soumis à des sollicitations « modérées » : faibles
gradients de vitesse, de pression et de température, mais cette hypothèse doit
être justifiée dans chaque cas. À titre d’exemple d’écoulement incompressible,
on peut citer l’eau des océans dont la masse volumique dépend de la concen-
tration saline mais dont le champ de vitesse est bien à divergence nulle 3 .

2.3.3 Application à tube de courant


Examinons le cas où le domaine D est un tube de courant de géométrie fixe. Par
définition, ce tube est constitué d’une section d’entrée Ae (où v · n < 0), d’une section de
sortie As (où v · n > 0) et d’une surface latérale Aℓ (où v · n = 0). La surface latérale est
une surface de courant fixe et la composante normale de la vitesse y est bien nulle. La forme
idoine de la conservation de la masse se déduit de l’expression (2.3) où ∂D = Ae ∪ Aℓ ∪ As
et où les seuls flux qui subsistent sont ceux qui traversent les sections d’entrée et de sortie :
Z Z Z
∂ρ
dV + ρ(v · n) dA + ρ(v · n) dA = 0. (2.13)
D ∂t Ae As

Bien entendu, la frontière latérale du tube de courant peut être aussi bien une surface
géométrique qu’une paroi solide. Les deux intégrales de surface s’identifient à la définition
du débit massique qui traverse les sections extrêmes, soit, par définition :
Z Z
qe = − ρ(v · n) dA et qs = ρ(v · n) dA, (2.14)
Ae As

où le signe « − » (moins) a pour but de donner une valeur positive à qe . En définitive, si


nous désignons par M (t) la masse de fluide présente dans D à l’instant t, la conservation
de la masse est constituée de trois contributions :
Z
dM ∂ρ
= dV − qe + qs = 0. (2.15)
dt D ∂t |{z} |{z}
| {z } flux entrant flux sortant
accumulation

En général, il est difficile de calculer le terme d’accumulation car il requiert de connaître la


dérivée de ρ en tout point de D. C’est la raison pour laquelle, lors de l’utilisation de l’expres-
sion (2.15), on se limite aux cas d’écoulements permanents ou de fluides incompressibles :

qe = qs : écoulement permanent (éventuellement ρe 6= ρs )


(2.16)
qve = qvs : écoulement de fluide incompressible (ρe = ρs = ρ)
où qv désigne le débit volumique : q = ρqv . En définitive, qu’il s’agisse d’écoulements per-
manents ou à masse volumique constante, le débit massique ou volumique est indépendant
de la section considérée sur le tube de courant.
Différentes formes prises par le débit Considérons la définition (2.14) écrite
sur une section A d’aire A et de normale n ; q est le débit-masse :
Z
q= ρ(v · n) dA.
A

3. Sauf en présence d’ondes acoustiques (exemple du sonar).


CHAPITRE 2. BILAN DE MASSE 15

• Première simplification : ρ = cste sur A, alors, qv étant le débit-volume :


Z
q = ρ qv = ρ (v · n) dA.
A

Noter la définition de la vitesse débitante :


Z
1
U= (v · n) dA =⇒ q = ρ qv = ρ A U . (2.17)
A A

• Deuxième simplification : n = cste sur A (A est une section droite), alors :


Z Z
q = ρ qv = ρ n · v dA = ρ vn dA,
A A

où vn est la projection de v sur n.


• Troisième simplification : v = v n avec v = cste sur A (le champ de vitesse est
uniforme sur une section droite), alors :

q = ρ qv = ρ A v. (2.18)

Cette dernière forme est celle qui prévaut dans les limites de l’approximation par tranche.
2.3. CAS PARTICULIERS 16
Chapitre 3

Bilan de quantité de mouvement

3.1 Loi fondamentale de la dynamique


La Dynamique fait intervenir trois torseurs : les torseurs cinétique [K], dynamique [A]
et celui des forces extérieures [Fe ]. Considérons un domaine matériel D constitué par un
milieu continu de masse volumique ρ et sur lequel sont définis le champ de vitesse v et le
champ d’accélération γ qui s’en déduit.
−−→
Les deux premiers torseurs sont donnés par des intégrales de volume où x = OM
représente le rayon vecteur du point courant M .
 Z

 K= ρv dV (x) : résultante,

Torseur cinétique
ZD
[K] 

 M|O [K] = x ∧ ρv dV (x) : moment en O.
D
Le torseur dynamique se déduit du torseur cinétique par une dérivée particulaire.
 Z
 : résultante,
Torseur dynamique 
 A= ργ dV (x)
d ZD
[A] = [K] 

dt  M|O [A] = x ∧ ργ dV (x) : moment en O.
D
Le torseur des forces extérieures rassemble les forces de volume et les forces de surface :
 Z Z

 R[Fe ] = ρf dV (x) + T dA(x) : résultante,

Torseur des forces
ZD ∂D Z
extérieures [Fe ] 

 M|O [Fe ] = x ∧ ρf dV (x) + x ∧ T dA(x) : moment en O.
D ∂D
Il existe au moins un référentiel, dit galiléen ou absolu, et une chronologie, dite
absolue, tels qu’à chaque instant et pour toute partie D d’un système S, le torseur
dynamique de D est égal au torseur des forces extérieures s’exerçant sur D :
d
[A] = [K] = [Fe ] . (3.1)
dt

3.2 Équation de Navier-Stokes


3.2.1 Tenseur des contraintes
Dans ce qui suit, le domaine D utilisé pour la formulation de la Loi fondamentale de la
Dynamique est une partie d’un système S plus large : D ⊂ S, si bien que ce qui est nommé

17
3.2. ÉQUATION DE NAVIER-STOKES 18

ci-dessus force extérieure à D apparaît alors comme une force intérieure à S.


L’apport principal de Cauchy à la Mécanique des Milieux Continus est d’avoir identifié
le concept de force ou d’effort intérieur et d’avoir montré que la densité surfacique T est
une forme linéaire des composantes de la normale n :

T (n) = σ · n, (3.2)

où σ est un tenseur du second ordre, symétrique dans la plupart des cas. Il est connu sous
le nom de tenseur des contraintes de Cauchy.
Remarque : Pour l’usage qui en est fait dans ce cours, il suffit de savoir que la
représentation d’un tenseur dans un système de coordonnées quelconque (cartésiennes
ou autre) est une matrice (voir Annexe A).

3.2.2 Loi de comportement des fluides newtoniens


Cette loi détermine le transport microscopique de quantité de mouvement dans ses
aspects macroscopiques. Ce transport microscopique a pour mécanisme fondamental le
mouvement brownien et doit être interprété comme une densité de flux par diffusion. Elle
établit une relation entre les efforts intérieurs, décrits par le tenseur des contraintes σ et
les taux de déformations, décrits par le tenseur D.
En se limitant aux fluides proprement dits ou fluides newtoniens :

σ = −p I + T où T = µ(− 32 div v I + 2D) avec D = 21 (∇ v + t ∇ v) . (3.3)

Dans cette expression, connue sous le nom de loi de Newton, p est la pression du fluide
(telle qu’elle figure dans les équations thermodynamiques), T est la partie visqueuse du
tenseur des contraintes 1 , µ est la viscosité dynamique et D est le tenseur des taux de
déformation. Le tenseur des contraintes de Cauchy ne dépend que du gradient de vitesse,
c’est une quantité objective (indépendante du repère d’observation).
La viscosité dynamique µ est souvent remplacée par la viscosité cinématique ν = µ/ρ
qui s’identifie à la diffusivité de la quantité de mouvement 2 . Exemples :

État Corps T [K] p [b] 106 · µ [kg/m.s] 106 · ν [m2 /s]


gazeux air 293 1 18,1 15
gazeux air 1273 1 48,2 174
gazeux azote 293 1 17,5 15,2
liquide eau 293 1 1002 1,004
liquide éthanol 273 1 1200 1,52
liquide mercure 273 1 1554 0,115

La viscosité µ est un paramètre physique qui dépend considérablement de la tempé-


rature et dans une moindre mesure, de la pression. Par exemple, sous la pression atmo-
sphérique et entre 0 C et 100 C, les viscosités de l’air et de l’eau varient respectivement de
+24% et −84%.

1. On prendra garde à ne pas confondre la densité surfacique d’effort T et la partie visqueuse du tenseur
des contraintes T.
2. Cette diffusivité ν est une propriété physique de même nature que la diffusivité de la masse D et la
diffusivité de la chaleur α.
CHAPITRE 3. BILAN DE QUANTITÉ DE MOUVEMENT 19

3.2.3 Formulation globale


La relation (3.1) s’écrit en résultante :
Z Z Z
d
ρv dV = ρf dV (x) + T dA(x). (3.4)
dt D D ∂D
La dérivée particulaire de la quantité de mouvement du domaine s’explicite à l’aide de
la règle de Leibnitz (composante par composante) :
Z Z Z Z h i
d ∂ ∂
ρv dV = (ρv) dV + ρv(v · n) dA = (ρv) + div(ρv v) dV.
dt D D ∂t ∂D D ∂t

Noter que par application du résultat (2.6), on a aussi (résultat obtenu composante par
composante) :
Z Z Z  
d dv ∂v
ρv dV = ρ dV = ρ + ∇v · v dV.
dt D D dt D ∂t
D’autre part, la loi de comportement (3.3) fournit une expression explicite de la densité
de force de surface exercée par le milieu extérieur sur le domaine D :
T = σ · n = (−pI + T) · n,
où n est la normale extérieure à ∂D.
En définitive, la loi fondamentale de la Dynamique des fluides et visqueux sous forme
globale s’écrit :
Z Z Z
dv
ρ dV = ρf dV + σ · n dA
D dt ZD Z∂D Z (3.5)
= ρf dV − pn dA + T · n dA.
D ∂D ∂D
Cette expression est également connue sous le nom de théorème des quantités de mouve-
ment.

3.2.4 Formulation locale


L’application du lemme fondamental aux expressions ci-dessus conduit aux formula-
tions locales. Ainsi, l’équation de Cauchy se déduit-elle de l’expression (3.5)1 :
dv
ρ = ρf + div σ. (3.6)
dt
Après avoir explicité le tenseur de Cauchy avec la loi de comportement (3.3), il vient
l’équation de Navier-Stokes proprement dite :
dv
ρ = ρf − ∇p + div T. (3.7)
dt
Dans le cas d’un fluide à propriétés physiques constantes, on a du fait de la conservation
de la masse (div v = 0) :
∂  ∂vi ∂vj  ∂ 2 vi
(div T)i = µ + =µ ⇐⇒ div T = µ∆v,
∂xj ∂xj ∂xi ∂xj ∂xj
et il s’ensuit :
dv
ρ = ρf − ∇p + µ∆v. (3.8)
dt
3.3. RELATION DE SAUT 20

Pression réduite : Dans l’hypothèse où l’accélération des forces à dis-


tance dérive d’un potentiel : f = − ∇ U , il est possible de les « escamoter ».
En effet, puisque ρ est constant :
ρf − ∇ p = − ∇(p + ρ U ) = − ∇p∗ ,
où la pression réduite p∗ incorpore les effets des forces à distance qui dispa-
raissent donc des équations sans pour autant avoir à les tenir pour négligeables.
Évidemment, ce changement de variable ne présente d’intérêt que si la pression
p n’est requise explicitement nulle part ailleurs dans l’énoncé du problème.
Dans le cas de la pesanteur, f = g et U = gZ où Z est la verticale ascen-
dante : g = −g eZ . On définit ainsi la pression pg = p + ρgZ, connue sous le
nom de pression piézométrique.

3.3 Relation de saut


Sous réserve que l’interface ne soit pas à l’origine d’une variation de la quantité de
mouvement du fluide 3 , un raisonnement analogue à celui de la section 2.2 conduit à la
relation de saut 4 :
X
[ρk vk (vk − w) − σ k ] · nk = J{ρv(v − w) − σ} · nK = 0. (3.9)
k
Par exemple, dans le cas simple d’un fluide parfait traversant un choc droit immobile,
la relation de saut s’écrit en projection sur la direction de la normale :
q y
p + ρv 2 = 0. (3.10)
Nota bene : On ne confondra pas ce groupement avec celui qui apparaît dans le théorème
de Bernoulli.

3.4 Force d’inertie


Ce terme correspond au torseur cinétique de la Loi Fondamentale. On peut le mettre
sous diverses formes.

3.4.1 Première forme


Par application de l’équation (2.4) de conservation de la masse 5 , nous obtenons les
formes dite « non conservative » et « conservative » de la quantité de mouvement d’une
particule fluide :
dv  ∂v  ∂
ρ =ρ + ∇v · v = (ρv) + div(ρv v),
dt ∂t ∂t
dvi  ∂v ∂vi  ∂ ∂ (3.11)
i
ρ =ρ + vj = (ρvi ) + (ρvi vj ).
dt ∂t ∂xi ∂t ∂xj
Dans le cas d’un fluide incompressible, ρ s’élimine de ces expressions.
Remarque : au sens strict, une force d’inertie s’oppose à l’accélération et doit être
définie avec un signe « − » (moins), soit −ρ dv/dt. Mais, en pratique et par abus de
langage, on nomme ainsi le même terme affecté d’un signe « + » (plus.)
3. Cette réserve exclut, entre autres, la prise en compte de la tension superficielle.
4. Ce raisonnement est un peu plus compliqué et s’appuie sur les éléments présentés en section 1.5.
5. Voir également (2.7).
CHAPITRE 3. BILAN DE QUANTITÉ DE MOUVEMENT 21

3.4.2 Deuxième forme


Définissons la rotation Ω en décomposant le tenseur ∇v en deux contributions respec-
tivement symétrique et antisymétrique :

∇v = D + Ω =⇒ D = 21 (∇v + t ∇v) et Ω = 12 (∇v − t ∇v) . (3.12)

Autrement dit : Dij = Dji et Ωij = −Ωji . Les composantes de Ω sont associées au rota-
tionnel du champ de vitesse rot v ainsi qu’au tourbillon ω par les relations suivantes :
1
ω= 2 rot v , (∀A) Ω · A = ω ∧ A , Ω=ǫ·ω et ω = − 21 ǫ : Ω ,

où ǫ est le tenseur d’orientation 6 . En reportant ces définitions dans l’expression (3.11), on


peut obtenir la forme suivante de l’accélération :
dv ∂v
= + 2ω ∧ v + 21 ∇v 2 . (3.13)
dt ∂t

3.4.3 Mouvement relatif


x3
Considérons un repère absolu Ra , d’ori- M
gine O et de base Ei (i = 1, 2, 3) ainsi x
X3 e3 x2
qu’un repère relatif Rr (t), d’origine G et de
base ei (t) (i = 1, 2, 3) ; par souci de simpli- X G e2
cité, Ra et Rr sont cartésiens. Le point à no- E3 e1
ter est que, contrairement aux vecteurs Ei , XG
O
les vecteurs ei sont des fonctions du temps. E2 X2 x1
E1 t fixé
Soit M un point du système S dont on suit
le mouvement : X1

△ △ △ △
OM = X(t) + x(t) avec X = OG = X i (t)Ei et x = GM = xi (t)ei (t) .

Le calcul de la vitesse et de l’accélération s’effectuent en suivant M dans son mouvement :


dX i dxi dei
va = Ei + ei + xi .
dt dt dt
Par un résultat classique, on connaît le taux de variation d’un vecteur unitaire :

dei = −ei ∧ ω dt,

où ω est le taux de rotation de ei , ce qui permet d’établir la formule de composition des


vitesses :
 △
ve = Ẋ + ω ∧ x : vitesse d’entraînement ;
va = ve + vr avec △ (3.14)
vr = ẋi ei : vitesse relative,

où le point (˙) remplace la dérivée ( d/ dt).


6. Définition du tenseur d’orientation en coordonnées cartésiennes :
(
1, si {i, j, k} est une permutation paire,
ǫijk =
0, dans les autres cas.
3.4. FORCE D’INERTIE 22

L’accélération se calcule de façon analogue :

γ a = Ẍ + ω̇ ∧ x + ω ∧ (xi ėi + ẋi ei ) + ẋi ėi + ẍi ei .

Ainsi :

γa = γe + γc + γr ,
 △

 γe = Ẍ + ω̇ ∧ x + ω ∧ (ω ∧ x) : acc. d’entraînement ;

  (3.15)
△ acc. complémentaire
avec γc = 2ω ∧ vr :

 (ou de Coriolis) ;

 γ △
r = ẍi ei : accélération relative.

Les contraintes étant des quantités objectives indépendantes du repère où on les ob-
serve, l’équation de Navier-Stokes s’écrit :
 dv 
r
ρ + 2ω ∧ vr = ρ(g − γc ) − ∇p + µ∆v, (3.16)
dt
où le groupement −ργc s’interprète comme une densité volumique de force extérieure.
Chapitre 4

Bilan d’énergie cinétique

4.1 Cas général


Dans un référentiel galiléen, à tout instant t, et pour toute partie D du système, la
dérivée particulaire de l’énergie cinétique est égale à la puissance de tous les efforts
s’exerçant sur cette partie du système, tant intérieurs qu’extérieurs.

4.1.1 Forme locale


Le bilan d’énergie cinétique présente un grand intérêt dans la cadre de l’approxima-
tion de fluide parfait car il permet d’exprimer que l’énergie mécanique (énergie due aux
déformations et au mouvement) se conserve et d’établir les théorèmes de Bernoulli.
Dans le cas général d’un fluide visqueux, l’énergie mécanique ne se conserve pas en
raison de la puissance des forces de frottement (puissance irréversible) qui convertit, pen-
dant le mouvement, une fraction de l’énergie mécanique en énergie interne (dissipation
visqueuse). Cependant, ce bilan s’avère quand même utile, pour transformer l’équation de
conservation de l’énergie totale et aboutir à la conservation de l’énergie interne.
Multiplions l’équation de Cauchy (3.6) par la vitesse :

d 1 2
ρ ( v ) = ρf · v + div(v · σ) − ∇v : σ, (4.1)
dt 2

nous obtenons l’équation de bilan local d’énergie cinétique 1 . Nous voyons apparaître une
source (algébrique) :

∇v : σ = −p div v + ∇v : T,

capable d’injecter ou d’extraire de l’énergie cinétique du bilan. L’énergie devant se conser-


ver, ce transfert ne peut se retrouver que dans la seule et unique autre forme d’énergie :
l’énergie interne ; la chaleur, comme le travail, ne sont pas des formes d’énergie mais des
flux d’énergie. Il y a lieu d’observer que cette puissance met en jeu des déformations macro-
scopiques (∇v) et des interactions moléculaires (σ). Enfin, le bilan net de ce transfert est
donc de convertir de l’énergie stockée à l’échelle macroscopique (énergie cinétique 12 ρv 2 )
en énergie stockée à l’échelle microscopique (énergie interne ρu) ; le second Principe de la
Thermodynamique permet de montrer que le transfert inverse est imposssible.

1. Double contraction : A : B = tr(A · B) = Aij Bji .

23
4.2. RELATION DE SAUT 24

4.1.2 Forme globale


Pour obtenir la forme globale, il suffit d’intégrer sur un domaine matériel, ce qui donne :
Z Z I
d
ρ ( 12 v 2 ) dV = (ρf · v − ∇v : σ) dV + v · σ · n dA. (4.2)
D dt D ∂D

4.2 Relation de saut


Il n’est pas possible d’écrire simplement une relation de saut pour l’énergie cinétique
car, en général, la dissipation visqueuse n’est pas nulle sur l’interface. Il faut donc, dans
chaque cas, préciser la physique de l’écoulement dans la discontinuité.

4.3 Cas particuliers


4.3.1 Propriétés physiques constantes
En raison de l’incompressibilité, la puissance des efforts de pression −p div v est nulle
tandis que la dissipation visqueuse se maintient :

∇v : σ = 2µD : D.

La forme locale du bilan ne présente pas d’intérêt particulier alors que sa forme inté-
grée (4.2) est plus utile dans les applications de type « ingénieur pressé », car elle permet
d’écrire rapidement un bilan énergétique. Après avoir mis l’effort exercé par le milieu ex-
térieur sur le fluide sous la forme : σ · n = (−pI + 2µD) · n = −p n + T (n), il vient :
Z Z
∂ 1 2
( 2 ρv ) dV + (p + 21 ρv 2 )(v · n) dA
D ∂t
Z∂D Z I (4.3)
= ρf · v dV − 2µD : D dV + v · T (n) dA .
D D ∂D
La pression peut donc être interprétée comme une énergie volumique de déformation.

4.3.2 Forces de pesanteur


Dans le cas où f = g = −g eZ , g étant l’accélération de la pesanteur et Z la verticale
ascendante, on peut opérer la transformation suivante :
Z Z Z Z
ρg · v dV = − ∇(ρgZ) · v dV = − div(ρgZv) dV = −ρgZ(v · n) dA .
D D D ∂D

Par suite, l’expression (4.3) peut être mise sous la forme :


Z Z
∂ 1 2
( 2 ρv ) dV + (p + ρgZ + 12 ρv 2 )(v · n) dA
D ∂t ∂DZ I (4.4)
=− 2µD : D dV + v · T (n) dA ,
D ∂D

qui met en évidence la pression piézométrique pg = p + ρgZ ainsi que l’énergie potentielle
volumique de position du fluide ρgZ.
Chapitre 5

Bilan d’énergie totale

À chaque instant, la dérivée particulaire de l’énergie totale d’un système est la


somme de la puissance des efforts extérieurs exercés sur le système et du flux de
chaleur reçue par le système.

5.1 Formulation globale


La loi de conservation de l’énergie totale s’identifie au Premier Principe de la Thermo-
dynamique dans lequel on tient compte de l’énergie cinétique du système. Soit e l’énergie
totale par unité de masse et u l’énergie interne par unité de masse :
e = u + 21 v 2 . (5.1)
L’équation de conservation de l’énergie totale dans le cas d’un domaine matériel D s’écrit :
Z Z Z Z
d de
ρ e dV = ρ dV = ρf · v dV + (v · σ − q) · n dA, (5.2)
dt D D dt D ∂D
où q désigne la densité de flux de chaleur.

5.2 Formulation locale


Après application du lemme fondamental, la forme locale s’écrit :
de
ρ = ρf · v + div(v · σ) − div q. (5.3)
dt
En faisant usage du bilan de masse (2.4), on peut faire apparaître l’enthalpie totale ou
enthalpie d’arrêt ou encore dynalpie :
hi = e + p/ρ = u + p/ρ + 12 v 2 , (5.4)
et donner au bilan d’énergie totale la forme suivante :
dhi ∂p
ρ = ρf · v + + div(v · T) − div q , (5.5)
dt ∂t
où le tenseur tenseur des contraintes a été décomposé selon la définition (3.3).
Reste à expliciter toutes les lois de comportement, la loi de Newton (3.3) pour les
contraintes et la loi de Fourier q = −k ∇ T pour la densité de flux de chaleur :
div q = − div(k ∇ T ) = −k∆T, (5.6)
la deuxième forme étant obtenue dans le cas ou la conductivité k est constante.

25
5.3. RELATION DE SAUT 26

5.3 Relation de saut


L’énergie totale est une grandeur qui se conserve et satisfait donc à une relation de
saut (voir sections 1.5, 2.2 et 3.3) :
X i
ρk ek (vk − w) − (vk · σ k − qk ) · nk = J{ρ e(v − w) − (v · σ − q)} · nK = 0. (5.7)
k
Chapitre 6

Bilan d’énergie interne

6.1 Formulation énergétique


Le bilan d’énergie interne u s’obtient par différence du bilan d’énergie totale (5.3) et
du bilan d’énergie cinétique (4.1) :
du
ρ = ∇v : σ − div q. (6.1)
dt
Le résultat de cette soustraction est de faire disparaître l’énergie cinétique et la puissance
des forces extérieures (volumiques et surfaciques). Il ne subsiste que le bilan d’énergie
interne, la puissance des efforts intérieurs et la densité de flux de chaleur, qui sont des
phénomènes d’origine moléculaire.
En détaillant les termes du second membre, il vient :
du
ρ = div(k ∇ T ) − p div v + ∇v : T, (6.2)
dt
où on identifie une densité de flux et deux sources :
⊲ −k ∇ T : densité de flux de chaleur ;
⊲ −p div v : puissance des forces de pression ;
⊲ ∇v : T : dissipation visqueuse (puissance des forces de frottement).
Dans le cas d’un fluide incompressible à propriétés physiques constantes (ρ, µ et k ), il
vient :
du
ρ = k∆T + 2µD : D. (6.3)
dt
Il peut être intéressant de disposer de l’équation d’évolution du champ de température.
Elle s’obtient en exprimant du à partir de la forme différentielle d’origine thermodyna-
mique :
1  ∂p 
du = cv dT − (1 − βT ) p d(1/ρ) où β = ,
p ∂T ρ
et s’écrit :
dT
ρcv = div(k ∇ T ) − βT p div v + ∇v : T, (6.4)
dt
soit, pour un fluide à propriétés physiques constantes :
dT
ρcv = k∆T + 2µD : D. (6.5)
dt

27
6.2. FORMULATION ENTHALPIQUE 28

Remarquons que lorsque le milieu est immobile (v = 0), nous retrouvons l’« équation
de la chaleur » :

ρcv ∂T /∂t = k∆T . (6.6)

6.2 Formulation enthalpique


En pratique 1 , on préfère utiliser l’enthalpie h = u + p/ρ dont le bilan local se déduit
immédiatement de (6.2) :

dh dp
ρ = div(k ∇ T ) + + ∇v : T. (6.7)
dt dt
Ce bilan se simplifie à peine dans le cas d’un fluide à propriétés physiques constantes :
dh dp
ρ = k∆T + + 2µD : D. (6.8)
dt dt
À l’instar de ce qui a été fait avec l’énergie interne, on peut exprimer l’enthalpie au
moyen de l’identité thermodynamique :
dp 1  ∂ρ 
dh = cp dT + (1 − αT ) où α = − ,
ρ ρ ∂T p
de façon à obtenir l’équation d’évolution du champ de température :
dT dp
ρcp = div(k ∇ T ) + αT + ∇v : T, (6.9)
dt dt
soit, pour un fluide à propriétés physiques constantes :
dT dp
ρcp = k∆T + αT + 2µD : D. (6.10)
dt dt

1. Ne serait-ce que parce que toutes les tables thermodynamiques sont données en fonction de l’enthal-
pie.
CHAPITRE 6. BILAN D’ÉNERGIE INTERNE 29
6.2. FORMULATION ENTHALPIQUE 30
Deuxième partie

Analyse phénoménologique

31
Chapitre 7

Notion d’ordre de grandeur

7.1 Préliminaires
L’esprit cartésien ne souffre pas l’erreur alors qu’une démarche constituée d’essais et
d’erreurs (pour autant qu’elle converge) est courante hors de l’hexagone. Dans ce cours,
on prend une position qui cumule les avantages de chacune de ces deux approches. On
allie le sens des réalités physiques par l’évaluation des ordres de grandeur des diverses
quantités (durées, distances), et une méthode, l’Analyse Phénoménologique, qui formalise
suffisamment les raisonnements pour pouvoir être utilisée de façon systématique par un
jeune ingénieur ou un jeune étudiant ayant encore une expérience limitée dans le domaine
de la Mécanique des Fluides.
Du point de vue analytique, l’Analyse Phénoménologique s’adosse au formalisme des
Méthodes Asymptotiques dont l’auto-cohérence des développements vient étayer l’analyse
physique initiale. Cette technique donne le moyen de justifier les approximations par des
raisonnements que des ingénieurs chevronnés parviennent à faire instantanément, après
trente ans d’expérience. Elle garantit également la cohérence des approximations dans
tous les volets de l’énoncé du problème (équations et conditions aux limites) et permet
d’étudier des phénomènes qui, du fait de leurs échelles, échappent à l’intuition immédiate.
L’Analyse Phénoménologique est une technique rationnelle qui se fonde sur les équa-
tions générales de la discipline où elle s’exerce. Elle a pour objet de déterminer, dans une
situation physique complexe, les phénomènes qui jouent un rôle prépondérant dans l’évo-
lution de cette situation. Les autres phénomènes susceptibles d’intervenir sont qualifiés de
négligeables devant les premiers. Il importe de souligner d’emblée que négliger un terme est
une décision arbitraire laissée à l’appréciation du physicien qui juge, par comparaison entre
des valeurs numériques, qu’une quantité peut être considérée comme secondaire. Une telle
démarche nécessite donc une bonne compréhension des causes des phénomènes étudiés et
des conséquences, à savoir les phénomènes eux-mêmes, permettant de différencier ainsi ce
qui est fondamental de ce qui est accessoire.
D’une façon générale, une situation précise, aussi complexe soit-elle, comporte suffi-
samment de données (N par exemple) pour pouvoir déterminer les ordres de grandeur de
tout ce qui est inconnu. Ceci revient implicitement à admettre que le problème est bien
posé et qu’il admet une solution et une seule. Pratiquement, on constate qu’il faudrait un
miracle pour que les N données imposées aient pour conséquence une égale importance de
tous les phénomènes physiques mis en jeu. L’analyse du fonctionnement d’un prototype
conduit donc, le plus souvent, à des simplifications donc à des approximations pouvant
faire l’objet d’une similitude partielle.

33
7.2. EXEMPLE ÉLÉMENTAIRE 34

En Analyse Phénoménologique, l’objectif n’est pas de rechercher une solution analy-


tique ou numérique, mais seulement une résolution en ordre de grandeur. Ceci peut être
illustré de façon caricaturale en disant qu’il n’est pas nécessaire de résoudre une équa-
tion pour conclure que l’action d’une force f sur une masse m a pour conséquence une
accélération d’ordre f /m.

7.2 Exemple élémentaire


7.2.1 Énoncé
Un point matériel P, de masse m, se déplace sur l’axe x′ Ox et on désigne par M
−−→
sa position à l’instant t. On note OM = x(t) ex où OM = x(t) et ex est un vecteur
unitaire de l’axe x′ Ox (voir figure 7.1a). Le point P est soumis à l’action d’une seule force
F (t) = F (t) ex dont l’intensité F (t) est différente de zéro sur l’intervalle 0 ≤ t ≤ τ . À
l’instant initial t = 0, P est situé à l’origine O et a pour vitesse initiale v(0) = v0 ex . La
force est connue et ses variations sont indiquées sur la figure 7.1b. On ne donne que son
allure pour s’interdire toute tentative de résolution analytique ou numérique.

(a) F (t) (b)

O ex P F0
M x

x(t)
t
O τ

Figure 7.1 – Mouvement du point matériel P soumis à l’action de la force F (t).

Seules les caractéristiques telles que m, τ , F0 et v0 sont connues et on se propose de


déterminer les ordres de grandeur G de l’accélération, V de la vitesse et L de la distance
parcourue par de P. Il s’agit donc d’une résolution « au sens des ordres de grandeur ».
La réponse à la question est évidente mais encore faut-il la formaliser quelque peu. Elle
s’appuie sur l’énoncé du Principe Fondamental de la Dynamique (PFD), muni de conditions
initiales :
d2 x dv
m 2
=m = m Γ = F (t) avec x(0) = 0 et v(0) = v0 . (7.1)
dt dt
Résoudre ce problème au sens des ordres de grandeur nécessite de séparer les échelles et
ordres de grandeur des parties analytiques.

7.2.2 Accélération
La notion d’échelle ne s’applique qu’à une quantité variable comme t, v, x ou F et
ne présente aucun intérêt pour des paramètres constants tels m, τ , v0 et F0 . Parmi les
quantités variables, on distingue les variables indépendantes (ici, le temps t) des fonctions
connues (comme F ) ou inconnues (comme v et x).
Adimensionner la variable indépendante t revient à se demander sur quel intervalle
de temps se produit le phénomène ou, autrement dit, quelle est l’extension du domaine à
CHAPITRE 7. NOTION D’ORDRE DE GRANDEUR 35

l’intérieur duquel on cherche une solution. La réponse est ici extrêmement simple : sauf les
instants où la force est différente de zéro, le point P est animé d’un mouvement uniforme
et, par conséquent, l’intervalle de temps intéressant est égal à τ . On traduit ce constat par
le changement de variable t = τ t̄ où t̄ est une quantité sans dimension, comprise entre 0
et 1 et on utilise la terminologie suivante :

 t : grandeur physique,

t = τ t̄ −→ τ : échelle (constante positive),


t̄ : partie analytique (variable d’ordre unité).

Sur cet intervalle, la force, partant de zéro, croît jusqu’au maximum F0 pour ensuite
retomber à sa valeur initiale nulle. Sa formulation adimensionnelle est évidente : F (t) =
F0 F̄ (t̄) où F0 et F̄ sont respectivement l’échelle et la partie analytique de F . Noter que F̄
dépend de t̄ et non de t et varie entre 0 et 1.
L’adimensionnalisation de l’accélération s’effectue de manière analogue puisque ses va-
riations sont associées directement à celles de F : Γ(t) = G Γ̄(t̄).
Nous sommes alors en mesure de donner une formulation adimensionnée du PFD pré-
sentée comme une équation algébrique :

F = mΓ −→ F0 F̄ = m G Γ̄
(
F0 = m G : équation au sens des ordres de grandeurs,
−→
F̄ = Γ̄ : équation aux parties analytiques.

L’équation aux ordres de grandeur fournit alors la valeur de l’échelle G : G = F0 /m.

Premier commentaire Les définitions données de t̄, F̄ et Γ̄ ne sont pas uniques. Prenons
l’exemple de F : plutôt que son maximum F0 , nous aurions pu préférer retenir sa valeur
moyenne Fm comme échelle, ce qui nous aurait conduits à définir une autre variable :
F = Fm Fe, reliée à la précédente par : Fe = (F0 /Fm ) F̄ . Il en aurait résulté une autre
valeur de l’échelle de Γ : Γ = Gm Γe et Gm = Fm /m = (Fm /F0 ) G. Ces deux approches
restent équivalentes pour autant que F̄ , Fe, Γ̄ et Γ
e soient d’ordre unité ou, du point de vue
des échelles, pour autant que F0 ∼ Fm , ce qui entraîne Gm ∼ G.

Second commentaire On retrouve certains des aspect du premier commentaire dans la


part d’arbitraire qui s’introduit lors de la séparation de l’équation complète en équation aux
ordres de grandeur et équation aux parties analytiques. En effet, plutôt que la définition
retenue, rien ne nous empêche de poser G = C F0 /m, où C est une constante positive, et
il s’ensuit simplement une modification de l’équation aux parties analytiques qui devient :
F̄ = C Γ̄. Ici encore, cette transformation ne tire pas à conséquence si C est d’ordre unité.

Troisième commentaire Que se passe-t-il si, par exemple, nous posons G = C F0 /m


avec C ≫ 1 (disons de l’ordre de 1000) ? Dans l’équation F̄ = C Γ̄, F̄ étant d’ordre unité,
par définition, il en va de même du second membre. Dès lors, Γ̄ = F̄ /C ∼ 10−3 ≪ 1 ce
qui est inacceptable. En effet, toute adimensionnalisation doit définir une partie analytique
d’ordre unité, sans quoi, elle n’est que d’une utilité minime car l’échelle ainsi retenue n’est
pas représentative puisqu’une partie de l’ordre de grandeur est représenté par la partie
analytique.
7.2. EXEMPLE ÉLÉMENTAIRE 36

7.2.3 Vitesse et position


L’accélération étant donnée par le PFD, la vitesse et la position se déduisent de leurs
définitions qui sont en fait deux équations différentielles assorties de conditions initiales :

dv/dt = Γ(t) avec v(0) = v0 ,


d2 x/dt2 = Γ(t) avec (dx/dt)(0) = v0 et x(0) = 0.

Après avoir adimensionné ces expressions comme suit :

V dv̄ F0
= G Γ̄(t̄) = F̄ (t̄) avec V v̄(0) = v0 ,
τ dt̄ m
L d2 x̄ F0 L dx̄
= G Γ̄(t̄) = F̄ (t̄) avec (0) = v0 et x̄(0) = 0,
τ 2 dt̄2 m τ dt̄

considérons le problème posé pour la vitesse. Il contient une échelle inconnue, V , dont il
faut donner une définition. Selon la relation considérée, l’équation aux ordres de grandeur
nous donne deux valeurs distinctes : (δV ) = F0 τ /m (équation) et V0 = v0 (condition
initiale) parmi lesquelles il faut choisir la valeur de V . Notons tout de suite la différence
entre ces deux valeurs :
⊲ L’équation — portant sur une dérivée — fournit l’échelle (δV ), c’est-à-dire l’ampli-
tude des variations de la vitesse de P alors qu’il est soumis à la force F .
⊲ La condition initiale — qui est une relation algébrique — nous garantit que la valeur
v0 est une valeur prise par la variable v sur son domaine de définition (à t = 0) : c’est
donc un ordre de grandeur. N’importe quelle valeur prise par v(t), pour 0 ≤ t ≤ τ ,
pourrait servir d’ordre de grandeur, mais v0 est la seule que nous connaissions.
Posons V = (δV ), il s’ensuit l’énoncé : dv̄/dt̄ = F̄ avec v̄(0) = v0 /(δV ) et, selon les
valeurs des données, trois cas se présentent.
1. v0 ∼ (δV ). Il s’agit du problème complet pour lequel aucune simplification n’est
possible : la valeur initiale de la vitesse est du même ordre que ses variations. Plus
précisément, l’ordre de grandeur V0 et l’échelle (δV ) de v sont numériquement du
même ordre et il est indifférent de retenir l’un ou l’autre pour adimensionner v.
2. v0 ≪ (δV ). La valeur initiale de v est très inférieure à ses variations et on peut donc,
en première approximation, poser v̄(0) = 0. On dit qu’il se produit une « dégéné-
rescence » et, bien que cela ne présente pas grand intérêt, l’adimensionnalisation se
devrait de mettre en évidence cette propriété par l’utilisation d’une expression affine
qui distingue ordre de grandeur et échelle :

v(t) = v0 + (δV ) ṽ(t̄) =⇒ dṽ/dt̄ = F̄ (t̄) avec ṽ(0) = 0. (7.2)

On distingue v̄ et ṽ car ces deux variables ne sont pas définies de la même façon.
Noter que dans les termes ci-dessus, le problème est exact, alors que la formulation
ci-dessous n’est qu’approchée :

v(t) = (δV ) v̄(t̄) =⇒ dv̄/dt̄ = F̄ (t̄) avec v̄(0) = 0. (7.3)

La forme du changement de variable — affine ou linéaire — est indifférente, mais le


choix de (δV ) comme échelle est impératif.
CHAPITRE 7. NOTION D’ORDRE DE GRANDEUR 37

3. v0 ≫ (δV ). Les variations de vitesse induites par la force F sont très inférieures à
la valeur initiale et cette situation soulève une singularité car v̄(0) ≫ 1 alors qu’on
a imposé v̄ ∼ 1. Le problème vient du fait que l’ordre de grandeur (ou niveau de
référence) et l’échelle sont très différentes et, contrairement au cas précédent, nous
sommes obligés, sous peine d’aboutir à une absurdité, de procéder au changement de
variable affine (7.2)1 .
Posons V = V0 , il s’ensuit l’énoncé : dv̄/dt̄ = (F0 τ /V0 )F̄ avec v̄(0) = 1 et, selon les
valeurs des données, trois cas se présentent.
1. F0 τ ∼ V0 . Il s’agit du problème complet et il n’y a rien à ajouter à ce qui a été dit
plus haut.
2. F0 τ ≪ V0 . L’action de la force est négligeable devant la quantité de mouvement
initiale et, en première approximation, le problème se réduit à : dv̄/dt̄ = 0, avec
v̄(0) = 1 et s’intègre immédiatement pour donner : v̄(t̄) = 1. Les variations de
vitesse sont tellement faibles qu’elles en sont invisibles et nous retrouvons ici le cas
no 3 vu ci-dessus. Contrairement à ce cas où le « signal d’alarme » est donné par une
valeur infinie de la vitesse initiale, nous aboutissons ici à une solution triviale, dénuée
d’intérêt. La conclusion est identique : il faut procéder à un changement de variable
affine.
3. F0 τ ≫ V0 . La singularité apparaît dans l’équation qui s’écrit : (V0 /F0 τ ) dv̄/dt̄ = F̄ .
Elle est inacceptable car, le second membre étant d’ordre unité et le groupement
d’échelles étant très inférieur à un, il faudrait, pour que les deux membres soient
numériquement équilibrés, que la dérivée soit très supérieure à un, ce qui est exclu
pour toute quantité adimensionnée. En effet, si les échelles de v et de t ont été
correctement choisies, alors v̄ ∼ 1, t̄ ∼ 1 ainsi que toutes les dérivées de v̄. Dans le cas
présent, nous obtiendrions, en première approximation, 0 = F̄ , ce qui est clairement
faux puisque F̄ est une donnée différente de zéro. Les variations de vitesse induites
par l’action de la force sont très supérieures à la valeur initiale et nous retrouvons le
cas n0 2 vu plus haut.
En résumé, on retiendra qu’un mauvais choix d’échelle peut se manifester par une impos-
sibilité physique {v̄(0) = ∞, 0 = F̄ } ou une solution triviale {v̄ = v̄(0)}.
L’adimensionnalisation de l’abscisse x ne pose pas de problème à partir du moment où
l’échelle de v est correcte. Elle s’appuie sur la double définition, selon le cas :
(L/τ ) dx̄/dt̄ = (δV ) v̄ = V0 + (δV ) ṽ.
⊲ Problème complet : (δV ) & V0 . La distance parcourue est déterminée par l’échelle
(δV ) et on doit poser : L = (δV ) τ .
⊲ Perturbation : (δV ) ≪ V0 . La force ne perturbe que faiblement le mouvement initial
et, en première approximation, on obtient L = V0 τ et dx̄/dt̄ = 1, soit x̄ = t̄. Dans ce
cas, nous pourrions retrouver l’écart au mouvement rectiligne et uniforme en évaluant
la deuxième approximation. Posons :
) (
x(t) = L x̄(t̄) = L x̄(0) (t̄) + (δL) x̄(1) (t̄) ε = (δL)/L ≪ 1,

x̄(t̄) = x̄(0) (t̄) + ε x̄(1) (t̄) x̄(0) = t̄ et x̄(1) ∼ 1.
L’équation s’écrit :
(
dx̄(0) dx̄(1) (δV ) ε = (δV )/V0 ,
+ε =1+ ṽ =⇒
dt̄ dt̄ V0 dx̄(1) /dt̄ = ṽ.
7.3. FONCTION D’UNE SEULE VARIABLE 38

Ainsi, l’échelle de la fuctuation d’abscisse est donnée par : (δL) = ε L = L (δV )/V0 .

7.3 Fonction d’une seule variable


On considère la fonction y = y(x) où x et y sont des grandeurs dimensionnées et on
adopte les notations suivantes, z désignant indifféremment x ou y :
(
z1 = inf Iz z : borne inférieure,
⊲ intervalle : z ∈ Iz ≡ [z1 , z2 ] ⊂ R où
z2 = supIz z : borne supérieure.
⊲ valeur moyenne : zm = 12 (z1 + z2 ).

7.3.1 Variable isolée


La formule la plus générale d’adimensionnalisation d’une quantité z, variable sur l’in-
tervalle Iz , est une expression affine qui, dans certains cas, peut se réduire à une expression
linéaire :

 z0 : ordre de grandeur, niveau de référence ;

z = z0 + (δz) z̃ ou z = (δz) z̄ (δz) : échelle (d’évolution) ;


z̄, z̃ : parties analytiques,

où, conventionnellement, (δz) est une constante positive. Ces deux expressions ne sont
admissibles que si elles définissent de nouvelles variables adimensionnées et d’ordre unité,
soit, selon le cas :

z̃ ∼ 1 ou z̄ ∼ 1 ⇐⇒ 0 . |z̃| . 1 ou 0 . |z̄| . 1,

le symbole « . » (resp. « & ») signifiant « plus petit (resp. plus grand) ou de l’ordre de ».
Pour qu’il en soit ainsi, les constantes z0 et (δz) doivent vérifier les conditions suivantes :

z1 . z0 . z2 et (δz) ∼ z2 − z1 > 0.

Il convient de donner une signification au symbole « ∼ » qui signifie « être du même


ordre ». Dans ce chapitre, nous nous limitons à une définition empirique, sachant qu’une
définition mathématique est donnée ultérieurement. Conventionnellement, dans les appli-
cations pratiques, un ordre de grandeur est représenté par un facteur multiplicatif égal à
10. Ainsi, commettre une erreur d’un ordre de grandeur veut dire faire une erreur d’un
facteur 10 (donner une valeur 10 fois trop grande ou 10 fois trop petite).
Exemple 1
Le changement de variable le plus z1 z2
- z [unité]
évident et le plus simple est : z0 = 0,
r
O
(δz) = z2 et z = z2 z̄, ce qui implique :
0 ≤ z̄ ≤ 1. D’autres formules sont acceptables :

z0 = z2 , (δz) = z2 , z = z2 + z2 ẑ, −1 ≤ ẑ ≤ 0 ;
z0 = zm = z2 /2, (δz) = z2 , z = z2 /2 + z2 z̃, −1/2 ≤ z̃ ≤ 1/2 ;
z0 = 0, (δz) = 2z2 , z = 2z2 ž, 0 ≤ ž ≤ 1/2 ;
z0 = −z2 , (δz) = z2 , z = −z2 + z2 ż, 1 ≤ ż ≤ 2.
CHAPITRE 7. NOTION D’ORDRE DE GRANDEUR 39

Toutes ces variables sans dimension sont reliées entre elles car elles procèdent de la même
variable physique : z̄ = 1 + ẑ = 21 + z̃ = 2ž = −1 + ż.
Exemple 2
Par hypothèse, z1 et z2 ≫ z2 − z1 z1 z2
- z [unité]
et ce cas de figure requiert un change-
r
O
ment de variable affine. On peut libre-
ment poser z0 = z1 ou z0 = z2 ou encore z0 = zm , mais on a (δz) ∼ z2 − z1 , le choix le
plus simple étant l’égalité (δz) = z2 − z1 .
Examinons un mauvais choix d’échelle : z = zm z ∗ . Pour z = z1|2 , z1|2 ∗ = z /z
1|2 m et
∗ ∗ ∗
z2 − z1 = (z2 − z1 )/zm ≪ 1 : la variable z est uniformément voisine de zéro sur l’intervalle
Iz , ce qui est contraire à la contrainte z ∗ ∼ 1 à laquelle doit satisfaire tout changement
d’échelle.
En résumé, si z0 . (δz), alors il est préférable d’utiliser la formule linéaire qui est plus
simple ; si z0 ≫ (δz), la formule affine est impérative.

7.3.2 Fonction
Cas général L’adimensionnalisation d’une fonction d’une seule variable découle directe-
ment des considérations qui précèdent : il faut adimensionner la variable indépendante x
et la fonction y.
Soit x0 et (δx) d’une part et y0 et (δy) d’autre part, l’adimensionnalisation la plus
générale consiste en la transformation :
(
x = x0 + (δx) x̃,
y = y(x) et 7→ ỹ = ỹ(x̃).
y = y0 + (δy) ỹ,

y = y(x) (a) ỹ = ỹ(x̃) (b)


y2 1

(δy) ym 1 1/2

y1 0

x1 xm x2 x x̃
0 1/2 1
(δx) 1

Figure 7.2 – Adimensionnalisation d’une fonction d’une seule variable.


La figure 7.2 donne un exemple d’adimensionnalisation correcte avec la fonction dimen-
sionnée à gauche et la fonction adimensionnée à droite. Pour résumer l’opération par une
formule à l’emporte-pièce : adimensionner une fonction consiste à la faire tenir dans un
carré de côté unité. L’exemple donné est le plus complet mais il se simplifie dans les cas
où l’ordre de grandeur x0 et/ou y0 peut être pris égal à zéro.
7.3. FONCTION D’UNE SEULE VARIABLE 40

Branche asymptotique Il est fréquent d’avoir à étudier un écoulement dans un domaine


ouvert, c’est-à-dire infini dans une ou plusieurs directions de l’espace ou encore d’avoir à
examiner les limites pour des temps infinis et de se trouver ainsi confronté à une situation
telle que : Iz ≡ [x1 , ∞[.
L’extension infinie d’un domaine est une schéma-
tisation mathématique — extrêmement utile — qui y
n’a évidemment aucune réalité physique et simplement
pour but de faire abstraction d’un environnement dont
on ne souhaite pas tenir compte. En fait, tous les phé- (δy)
nomènes sont caractérisés par des échelles bornées. Ce-
pendant, il faut plus d’intuition physique pour les dé-
x
terminer que n’en demande la donnée d’un intervalle O (δx)
borné. De nombreux exemples de ce type sont abordés
au fil de ce cours.
En pratique, une extension infinie suppose un comportement asymptotique et la réalité
physique ignorant les valeurs infinies, dans les applications pratiques, on considère qu’une
bonne échelle est obtenue lorsque une limite est atteinte à 10% près.

7.3.3 Dérivées
Cas général Une très grande partie de la physique traite de phénomènes locaux, c’est-à-
dire, gouvernés par des équations différentielles ; par exemple, un opérateur qui intervient
fréquemment est le laplacien. À ce titre, l’estimation de l’ordre de grandeur d’une dérivée
est crucial. En principe, les définitions précédentes suffisent pour effectuer le calcul, mais
la réalité recèle de nombreux pièges, comme le montrent les sections suivantes.
Techniquement, le calcul d’une dérivée est très simple :
dy d   dx̃ (δy) dỹ
= y0 + (δy) ỹ(x̃) = .
dx dx̃ dx (δx) dx̃
L’expression obtenue ne dépend que des échelles de x et de y et non de leurs ordres de
grandeur, ce qui est logique puisque une dérivée est représentative d’un taux de variation
et non de niveaux moyens. La figure 7.3 représente quatre exemples qui montrent bien le
risque qu’il y a à confondre ordre de grandeur et échelle : (a) x0 ∼ (δx) et y0 ∼ (δy) ; (b)
x0 ≫ (δx) et y0 ∼ (δy) ; (c) x0 ∼ (δx) et y0 ≫ (δy) ; (d) x0 ≫ (δx) et y0 ≫ (δy).
De façon générale, lorsqu’une fonction est correctement adimensionnée, sa dérivée
d’ordre n est également d’ordre unité :
(
dn y (δy) dn ỹ (δy)/(δx)n : échelle
= où
dxn (δx)n dx̃n dn ỹ/ dx̃n ∼ 1 : partie analytique.

Couche limite Il existe une couche limite lorsque il est impossible de trouver des échelles
correctes pour la fonction et qui le soient également pour sa dérivée. Elles se rencontrent au
voisinage des extrémités de l’intervalle de définition et se caractérisent par des évolutions
très rapides des grandeurs. L’échelle obtenue pour la dérivée change d’ordre de grandeur
sur une partie de l’intervalle, ce qui entraîne que la partie analytique n’est plus d’ordre
unité.
Cette situation conduit à découper le domaine initial en sous-domaines suffisamment
petits pour que, localement, on puisse y trouver des échelles permettant d’adimensionner
CHAPITRE 7. NOTION D’ORDRE DE GRANDEUR 41

y y y y
y0 y0

(δy) y0 (δy) y0 (δy) (δy)

x0 x0 x0 x0
x x x x
(δx) (δx) (δx) (δx)

Figure 7.3 – Exemples de choix d’échelles

correctement toutes les dérivées. Pour que ce découpage ait un sens, ces sous-domaines
doivent être d’extensions très différentes car dans le cas contraire, il n’y aurait pas lieu de
les distinguer du point de vue de leurs échelles 1 . Ce type de difficulté peut se produire à
n’importe quel ordre de dérivation et la figure 7.4 donne un exemple de discontinuité de
courbure.

y Arc de parabole

Figure 7.4 – Exemple de disconti-


nuité de courbure. Un arc de para-
bole d’équation y/L = (x/L)1/2 se
x raccorde à un arc de cercle de rayon
Arc de
cercle Cercle osculateur R = ε L.

Exemple (voir figure 7.5) :



y = (δy) (1 + x/L) 1 − e −x/ℓ ,
dy (δy) h 1 x  −x/ℓ i
= 1 − e −x/ℓ + 1 + e .
dx L ε L

x ∈ Ix ≡ [0, L] où L et ℓ sont des longueurs telles que ε = ℓ/L ≪ 1. La


fonction y est d’ordre (δy) sur tout l’intervalle alors que sa dérivée est d’ordre
(δy)/L sur la quasi totalité de l’intervalle, sauf dans un voisinage de l’ordre de
ℓ de l’origine où elle est d’ordre (δy)/ℓ. Ainsi, sur l’intervalle 0 < x ≤ L, la
variable dite « extérieure » x̄ = x/L est-elle adaptée tandis que sur l’intervalle
0 ≤ x . ℓ il faut « dilater » l’échelle de longueur et introduire la variable dite
« intérieure » x̃ = x/ℓ.

Les chapitres suivants présentent des exemples de couches limites pris dans le domaine
de la Mécanique des Fluides.

1. Découper un domaine de longueur unité en deux domaines de longueur moitié ne présente aucun
intérêt du point de vue des échelles car 1 et 1/2 sont deux nombres du même ordre ; il faut que l’un des
domaines soit beaucoup plus petit que l’autre de façon à justifier un changement d’échelle.
7.3. FONCTION D’UNE SEULE VARIABLE 42

2 20

18

16
1.5 Figure 7.5 – Exemple de
14
couche limite ; ε = 0,05. La
y/(δy)

dy/dx
12
fonction et son asymptote
1 10
sont respectivement repré-
8 sentées en trait plein et en
0.5
6 trait d’axe (axe de gauche)
y/(δy) 4 et la dérivée en trait inter-
dy/dx
2 rompu (axe de droite).
0 0
0 ε 0.2 0.4 0.6 0.8 1
x/L

Oscillations D’autres phénomènes, non abordés dans ce cours, ne peuvent être décrits
qu’en conservant simultanément deux variables d’échelles différentes. Le prototype de ce
genre de phénomènes est l’oscillateur amorti (voir figure 7.6). La variable temps est carac-
térisée par deux échelles : la période τ et le décrément logarithmique T = τ /ε, avec ε ≪ 1.
Alors que dans le cas d’une couche limite, il est possible d’opérer une ségrégation par une
décomposition en sous-domaines, les deux phénomènes (oscillations et amortissement) sont
ici indémêlables et doivent être pris en compte simultanément.

1 150

100
Figure 7.6 – Exemple
0.5
50 d’oscillations amorties ;
ε = 0,05. La fonction et
dy/dt

0
son enveloppe sont res-
y

−50 pectivement représentées


en trait plein et en trait
−0.5 −100 d’axe (axe de gauche) et la
y/(δy)
−150
dérivée en trait interrompu
dy/dt (axe de droite).
−1
0 0.05 0.1 0.15 0.2 0.25 0.3 0.35
x

Exemple

y = (δy) e −t/T sin(2πt/τ + ϕ),


dy (δy) −t/T  
= e 2π cos(2πt/τ + ϕ) − ε sin(2πt/τ + ϕ)
dt τ
La fonction et sa dérivée ont une échelle unique : (δy) et (δy)/τ tandis que
la variable a deux échelles. La variable « rapide » t̃ = t/τ est adaptée à la
description des oscillations tandis que la variable « lente » t̄ = t/T permet de
décrire les variations de l’amplitude.
Ce genre de phénomènes se traite par la méthode des échelles multiples qui n’est pas
abordée dans ce cours.
CHAPITRE 7. NOTION D’ORDRE DE GRANDEUR 43

Chocs La notion de choc est assez voisine de celle de couche limite ; on emploie également
le terme « couche limite libre ». Un choc est une région située au sein même du domaine
fluide où s’observent des variations très rapides des caractéristiques de l’écoulement. Le plus
souvent, un choc n’est pas une surface matérielle mais une onde traversée par le fluide.
Exemple
y = L th(x/ℓ) où ε = ℓ/L ≪ 1.
Le bon choix d’échelle est évident : x̃ = x/ℓ, ỹ = y/L et ỹ = th x̃. Toutefois,
on peut souhaiter étudier cette fonction avec la variable x̄ = x/L et écrire :
ȳ = th(x̄/ε). Alors, lorsque ε → 0, ȳ reste bornée mais sa dérivée dȳ/dx̄ =
ε−1 [1 − th2 (x̄/ε)] tend vers zéro, sauf en x̄ = 0 où elle tend vers l’infini. À
l’échelle x̄ ∼ 1, il se forme une région à la traversée de laquelle ȳ change
brusquement de valeur, c’est-à-dire un choc (voir figure 7.7).

20
1
15

0.5 10

Figure 7.7 – Exemple de


dȳ/dx̄
5
choc ; ε = 0,05. La fonc-

0 0
tion est représentée en trait
−5 plein (axe de gauche) et la
−0.5 dérivée en trait interrompu
ȳ −10
dȳ/dx̄
(axe de droite).
−15
−1
−20
−1 −0.5 0 0.5 1

7.4 Fonctions de plusieurs variables


L’adimensionnalisation formelle d’une fonction de plusieurs variables est une simple
généralisation des règles précédentes. Considérons l’exemple d’une fonction de trois va-
riables :

 x = x0 + (δx) x̃,

z = z(x, y, t) où y = y0 + (δy) ỹ, −→ z = z0 + (δz) z̃(x̃, ỹ, t̃),


t = t0 + (δt) t̃,
où il se peut qu’un changement de variable linéaire suffise pour une ou plusieurs des va-
riables. L’adimensionnalisation des dérivées découle de ces définitions et, q désignant une
quelconque des trois variables 2 , nous avons :
∂z ∂ z̃q
z = z0 + (δz)q z̃q et = Gq où (δz)q = Gq (δq),
∂q ∂ q̃
où (δq) est l’échelle de la variable q, (δz)q est l’échelle de variation de z relativement à
q, Gq est l’échelle de la dérivée ∂z/∂q et z̃q est la fonction z adimensionnée avec l’échelle
(δz)q . Par définition, ∂ z̃q /∂ q̃ ∼ 1 puisque les échelles de la variable et de la fonction sont
adaptées l’une à l’autre.
2. Noter que les variables d’espace et le temps se traitent de la même manière.
7.5. INTÉGRALES 44

7.5 Intégrales
7.5.1 Intégrales simples
L’adimensionnalisation d’une intégrale définie s’appuie sur les mêmes règles. Considé-
rons l’expression suivante :
Z x2 (
x = x0 + (δx) x̃, (δx) = x2 − x1 ,
J= y(x) dx où
x1 y = y0 + (δy) ỹ, (δy) = y2 − y1 .

Après changement de variables, il vient :


Z 1
J = (δx) y0 + (δx)(δy) ỹ(x̃) dx̃ = (δx) y0 + (δx)(δy) J˜,
0

où, comme plus haut, la partie analytique J˜ est réputée d’ordre unité. Une intégrale définie
étant une constante, il s’agit de déterminer son ordre de grandeur qui, d’après l’expression
ci-dessus, est donné par :
 
J ∼ sup (δx) y0 , (δx)(δy) = (δx) sup y0 , (δy) .

Il ne dépend donc que de la valeur relative de y0 et (δy) et, précisément, on a :

Si y0 ≫ (δy) =⇒ J ∼ (δx) y0 ,
Si y0 . (δy) =⇒ J ∼ (δx) (δy).

Il se peut, dans certains cas, que les parties positives et négatives de la fonction ỹ(x̃)
soient presque égales en valeur absolue, conduisant à une partie analytique très inférieure
à un : J˜ ≪ 1. Cette difficulté, connue sous le nom de « phénomène de compensations », ne
peut pas être résolue de façon générale et requiert un traitement spécifique dans chaque cas.
Un exemple est donné par l’intégration sur l’intervalle 0 ≤ t ≤ T de la fonction indiquée
sur le figure 7.6.
Cette observation souligne que l’Analyse Phénoménologique ne tient pas compte des
signes et que certains écueils peuvent résulter de cette lacune.

7.5.2 Intégrales multiples


L’adimentionnalisation des intégrales multiples ne présente pas de difficulté. Prenons
l’exemple d’une fonction de deux variables :
Z x2 Z y2 Z 1 Z 1 
K= dx z(x, y) dy = (δx)(δy) dx̃ z0 + (δz) z̃(x̃, ỹ) dỹ
x1 y1 0 0
 Z 1 Z 1 
= (δx)(δy) z0 + (δz) dx̃ z̃(x̃, ỹ) dỹ .
0 0

Une fois de plus, les approximations possibles dépendent de la fonction :

K ∼ (δx)(δy) sup{z0 , (δz)},

sous réserve qu’il ne se produise pas de compensation.


CHAPITRE 7. NOTION D’ORDRE DE GRANDEUR 45

7.6 Approximation par tranches


L’approximation par tranches (ou, plus généralement, approximation de ligne tangente)
correspond à des situations où une échelle de longueur est très grande devant les deux
autres. Ce qui suit est un premier exemple d’application de l’Analyse Phénoménologique
à un problème de Mécanique des Fluides.
Nous nous proposons d’étudier l’écoulement d’un fluide incompressible dans un conduit
d’axe rectiligne dont la section droite est lentement évolutive, configuration adaptée à une
approximation par tranches. Plus précisément, la section du conduit peut varier d’un ordre
de grandeur mais sa dimension transversale reste toujours très petite devant la dimension
longitudinale du conduit.

7.6.1 Position du problème


Soit un conduit cylindrique d’axe Ox et de
section circulaire de rayon a(x) variable. On dé-
signe par L = xs − xe la longueur du conduit
(0 ≤ x ≤ L) et par a0 une valeur prise par a(x) pe a(x) a0 ps
sur son intervalle de définition. Par hypothèse,
ε = a0 /L ≪ 1 : c’est en ce sens que la section xe xs
est lentement évolutive. La position de l’origine
de l’axe Ox est indifférente et la formulation adimensionnée des variables d’espace est :

x = xe + L x̄ et r = a0 r̄.

L’écoulement est induit par une différence de pression ∆p = pe −ps > 0, établie entre les
sections d’entrée (x = xe ) et de sortie (x = xs ). La pression p dont il s’agit est la pression
motrice p = pst + ρgZ où pst est la pression statique (thermodynamique), g l’accélération
de la pesanteur et Z la verticale ascendante ; dans ce qui suit, la gravité est « escamotée »
et tout se passe donc comme si la gravité était nulle. Le fluide est supposé incompressible
(approximation que nous ne tenterons pas de justifier).
On recherche une solution stationnaire (∂/∂t = 0), à symétrie de révolution :

V = u(x, r) ex + v(x, r) er et p = p(x, r).

L’écoulement ayant pour cause la différence de pression ∆p (donnée), les échelles de la vi-
tesse sont inconnues. Cependant, notre intention étant de prendre en considération les effets
visqueux, nous sommes assurés que, en raison de la condition d’adhérence, les fonctions
u(x, r) et v(x, r) s’annulent dans leur domaine de définition : par suite, on peut procéder
à un changement de variable linéaire. En revanche la pression évoluant entre deux valeurs
non nulles, il faut lui appliquer un changement de variable affine :

V = U0 ū(x̄, r̄) ex + V0 v̄(x̄, r̄) er et p = ps + ∆p p̄(x̄, r̄).

Examinons la conservation de la masse en premier :


V0 1 ∂ U0 ∂ ū
(r̄ v̄) + = 0,
a0 r̄ ∂r̄ L ∂ x̄
car il se trouve qu’un raisonnement par l’absurde permet de conclure immédiatement. En
effet, un choix arbitraire de U0 et V0 ne peut conduire qu’à trois cas possibles.
7.6. APPROXIMATION PAR TRANCHES 46

⊲ Imaginons que V0 /a0 ≫ U0 /L, alors, le premier terme est prépondérant et, en pre-
mière approximation, il ne reste que ∂(r̄ v̄)/∂r̄ = 0. Cette équation s’intègre immé-
diatement et admet pour solution : v̄ = C(x̄)/r̄ qui est singulière sur l’axe (r̄ = 0) et
manifestement inacceptable.
⊲ Imaginons que V0 /a0 ≪ U0 /L, alors, le deuxième terme est prépondérant et, en
première approximation, il ne reste que ∂ ū/∂ x̄ = 0, soit ū = ū(r̄) : l’écoulement
n’évoluerait pas selon la direction Ox ! Cette configuration est également inaccep-
table.
⊲ La seule solution acceptable est donc V0 /a0 ∼ U0 /L. Du fait que U0 et V0 sont des
échelles inconnues qui ne font pas partie des données, nous sommes libres de retenir
les valeurs les plus simples et de poser :
V0 /a0 = U0 /L ⇐⇒ V0 = ε U 0 .
Les échelles de vitesse sont dans le même rapport que les échelles de longueur.
Compte tenu de ce premier résultat, les équations du mouvement s’écrivent 3 :
1 ∂ ∂ ū
(r̄ v̄) + = 0,
r̄ ∂r̄ ∂ x̄    
∂v̄ ∂v̄ 1 ∆p ∂ p̄ 1 ν ∂ 1 ∂  2
2 ∂ v̄
v̄ + ū = − 2 + r̄ v̄ + ε ,
∂r̄ ∂ x̄ ε ρU02 ∂r̄ ε2 U0 L ∂r̄ r̄ ∂r̄ ∂ x̄2
   2

∂ ū ∂ ū ∆p ∂ p̄ 1 ν 1 ∂ ∂ ū 2 ∂ ū
v̄ + ū = − 2 + 2 r̄ +ε .
∂r̄ ∂ x̄ ρU0 ∂ x̄ ε U0 L r̄ ∂r̄ ∂r̄ ∂ x̄2

Avant d’entamer l’analyse phénoménologique proprement dite, nous pouvons procéder


aux simplifications automatiques et oublier les termes d’ordre ε2 des laplaciens.
La physique de cet écoulement est intuitive et il est clair que les forces de pression qui
agissent dans la direction Ox doivent être identifiées comme étant moteur (terme encadré
de l’équation de qdm longitudinale). Un (terme) moteur ne saurait rester isolé 4 et doit
donc être équilibré par un ou plusieurs (termes) freins, à savoir les forces de frottement
ou les forces d’inertie. Appliquée à l’équation de qdm longitudinale, cette proposition peut
s’écrire :
 
∆p 1 ν
= sup 1, 2 .
ρU02 ε U0 L
Il faut alors noter que, sauf U0 , toutes les échelles sont connues et cette relation détermine
donc sa valeur.
En l’absence de données numériques, nous sommes conduits à envisager tous les cas
possibles.
⊲ Forces d’inertie dominantes :
s
∆p 1 ν ∆p
2 =1≫ 2 =⇒ U0 = .
ρU0 ε U0 L ρ
L’échelle de vitesse étant connue, la condition sur les données peut être explicitée :
∆p ≫ ε−4 ρν 2 /L2 .
Si la différence de pression est « suffisamment » grande, les forces de pression sont
équilibrées par les forces d’inertie et les forces de frottement sont négligeables.
3. On a éliminé V0 .
4. Sinon, il serait égal à zéro et l’écoulement ne pourrait s’établir !
CHAPITRE 7. NOTION D’ORDRE DE GRANDEUR 47

⊲ Forces de frottement dominantes 5 :


∆p 1 ν ∆p L
2 = 2 ≫1 =⇒ U0 = ε2 .
ρU0 ε U0 L ρν

De la même façon que ci-dessus, on en tire la condition que doivent vérifier les données
pour que ce cas se réalise :

∆p ≪ ε−4 ρν 2 /L2 .

Si la différence de pression est « suffisamment » petite, les forces de pression sont


équilibrées par les forces de frottement et les forces d’inertie sont négligeables.
On vérifie de façon immédiate que la classification est complète car ∆p ne peut être que
ou plus grand ou plus petit que le nombre ε−4 ρν 2 /L2 .
Reste à examiner le problème complet, soit deux équations aux ordres de grandeurs qui
déterminent à la fois l’échelle de vitesse U∗ mais aussi la différence de pression (∆p)∗ :

(∆p)∗ 1 ν
=1= 2 =⇒ (∆p)∗ = ε−4 ρν 2 /L2 et U∗ = ε−2 ν/L2 ,
ρU∗2 ε U∗ L

où on reconnaît la valeur critique de ∆p. Ainsi, le nombre de Reynolds perd sa signifi-


cation car l’échelle de vitesse est déterminée et le paramètre fondamental du problème est
le suivant :
∆p ε4 L2 ∆p
N = = .
(∆p)∗ ρν 2

En résumé :

N ≪1 1 N ≫1
- N
Forces de frottement Forces d’inertie
dominantes dominantes

7.6.2 Étude complète du cas N ≪ 1


Ce cas particulier présente l’intérêt de pouvoir être résolu complètement car les simpli-
fications qui lui sont associées conduisent un problème linéaire.
L’échelle de vitesse prend pour valeur U0 = ε2 ∆p L/ρν et, compte tenu des définitions
de la section précédentes, les équations du problème s’écrivent :

1 ∂ ∂ ū
(r̄ v̄) + = 0,
r̄ ∂r̄ ∂ x̄    
∂v̄ ∂v̄ 1 ∂ p̄ 1 ∂ 1 ∂  2
2 ∂ v̄
v̄ + ū = − 2 + r̄ v̄ + ε ,
∂r̄ ∂ x̄ ε N ∂r̄ N ∂r̄ r̄ ∂r̄ ∂ x̄2
   2

∂ ū ∂ ū 1 ∂ p̄ 1 1 ∂ ∂ ū 2 ∂ ū
v̄ + ū = − + r̄ +ε .
∂r̄ ∂ x̄ N ∂ x̄ N r̄ ∂r̄ ∂r̄ ∂ x̄2
5. On dit également : « écoulement dominé par la viscosité ».
7.6. APPROXIMATION PAR TRANCHES 48

Elles font intervenir deux petits paramètres : ε et N . En ne retenant que les termes domi-
nants lorsqu’ils tendent tous les deux vers zéro, il vient :
 
1 ∂ ∂ ū ∂ p̄ ∂ p̄ 1 ∂ ∂ ū
(r̄ v̄) + = 0, 0 = − et 0 = − + r̄ ,
r̄ ∂r̄ ∂ x̄ ∂r̄ ∂ x̄ r̄ ∂r̄ ∂r̄
avec pour conditions aux limites :
x̄ = 0 : p̄ = 1 et x̄ = 1 : p̄ = 0 ;
r̄ = ā(x̄) : ū = v̄ = 0.
La deuxième équation montre que p̄ = p̄(x̄) si bien que la troisième s’intègre immédi-
atement et la seule solution bornée sur l’axe s’écrit :
dp̄ dp̄ 2 
ū(x̄, r̄) = 41 r̄ 2 + C(x̄) =⇒ ū(x̄, r̄) = − 14 ā − r̄ 2 .
dx̄ dx̄
compte tenu de la condition d’adhérence. Noter que le profil de vitesse est parabolique et
coïncide avec celui d’un écoulement de Poiseuille dont le gradient de pression (constant)
serait égal à la valeur locale qu’il prend dans cet écoulement.
Ensuite, la composante radiale de la vitesse s’obtient par intégration de l’équation de
continuité par rapport à r̄ :
1 ∂ d2 p̄ 2  dā dp̄
(r̄ v̄) = 1
4 2
ā − r̄ 2 + 21 ā .
r̄ ∂r̄ dx̄ dx̄ dx̄
Sous la seule condition d’avoir une solution bornée sur l’axe, on obtient :
 
r̄ 1 2 d2 p̄ dā dp̄ r̄ 3 d2 p̄
v̄(x̄, r̄) = ā + ā − .
4 2 dx̄2 dx̄ dx̄ 16 dx̄2
Il reste à exprimer la condition d’adhérence en r̄ = ā(x̄), ce qui fournit une équation
pour p̄ :
d2 p̄ dā dp̄
ā 2
+4 = 0.
dx̄ dx̄ dx̄
Après une double intégration, il vient :
Z x̄
dx̄
p̄(x̄) = −K1 4
+ K2 ,
0 ā

où K1 et K2 sont deux constantes d’intégration qui se déterminent en écrivant les conditions


aux extrémités :
Z x̄ Z 1 
dx̄ dx̄ −1
p̄(x̄) = 1 − K1 4
avec K1 = 4
.
0 ā 0 ā

Le champ de vitesse longitudinal s’écrit en définitive :


K1 2
ū(x̄, r̄) = (ā − r̄ 2 ).
4ā4

Cette solution aurait pu être obtenue sans intégrer l’équation de continuité mais par
évaluation du débit (ce qui revient presque au même) :
Z a Z 1
2 2 ā4 dp̄
D= u 2πr dr = 2πε L U0 D̄ =⇒ D̄ = ūr̄ dr̄ = − .
0 0 16 dx̄
CHAPITRE 7. NOTION D’ORDRE DE GRANDEUR 49

Du fait que le fluide est incompressible et l’écoulement stationnaire, le débit est constant,
ce qui permet d’écrire :

dp̄/dx̄ = −16 D̄/ā4 ,

expression identique à celle déjà obtenue sous réserve d’identifier K1 à 16D̄.


Remarques :
⊲ Le cas de la conduite de section constante, ā = 1, redonne l’écoulement
de Poiseuille où le gradient de pression est constant.
⊲ L’équation de qdm longitudinale donne l’esprit de l’approximation par
tranches. L’intégration s’effectue relativement à r̄ (échelle courte), pour
une valeur fixée de x̄ (échelle longue), lequel joue le rôle d’un paramètre et
sert uniquement à indiquer dans quelle section on se trouve. Le problème
est donc réduit à un problème plan, posé dans une section droite.
⊲ La détermination des grandeurs qui ne dépendent que de l’échelle longue,
comme la pression, passe par l’intégration d’équations globales. Ceci est
bien mis en évidence par l’écriture de la conservation du débit qui montre
que la pression ne dépend pas du détail du champ de vitesse mais de son
intégrale.
7.6. APPROXIMATION PAR TRANCHES 50
Chapitre 8

Notion de couche
limite – Perturbation singulière

8.1 Approximation du plan tangent


8.1.1 Propriétés générales
Cette approximation très générale s’applique dès qu’un écoulement bi- ou tridimen-
sionnel est caractérisé par une échelle de longueur beaucoup plus petite que la ou les deux
autres ; par exemple : écoulement confiné
(lubrification hydrodynamique), ruisselle-
ment, couche limite, nappe d’eau peu pro-
fonde, etc
n
Ces écoulements se développent au voi- M
sinage d’une surface S, matérielle ou abs- τ2
ξ2
traite, dont les dimensions longitudinales P
τ1
sont de l’ordre d’une échelle L. L’écoule- e ξ1
ment suit cette surface et, transversale-
ment, c’est-à-dire dans la direction de la
L
normale n, est caractérisé par une échelle
de longueur e ≪ L.
Le principe de la méthode consiste alors à paramétrer la surface par un système de
coordonnées curvilignes (ξ1 , ξ2 ) permettant de repérer la position d’un point P ∈ S, puis
de lui associer un repère local (τ1 , τ2 , n) et, enfin, de définir la position d’un point M dans
le fluide la manière suivante :
−−→ −−→
OM = OP (ξ1 , ξ2 ) + ζ n(ξ1 , ξ2 ) où OP ∼ L et ζ ∼ e.

Le formalisme mathématique est assez lourd et nécessite quelques notions de calcul tenso-
riel.
Cependant, en raison de l’approximation de couche mince, il s’avère que tous les opé-
rateurs dégénèrent pour retrouver leur forme cartésienne (pour autant que le repère local
soit orthonormé). Prenons l’exemple de l’opérateur gradient, dans le cas bidimensionnel :
−1
∇p = 1 − Cζ ∂p/∂s,

où C est la courbure de la paroi en P et s l’abscisse curviligne qui repère la position de


P sur S. Désignons par ε = e/L ≪ 1 le petit paramètre représentatif de l’approximation

51
8.1. APPROXIMATION DU PLAN TANGENT 52

et procédons aux changement d’échelle : s = L s̄, ζ = εL ζ̄, C̄ = L C et p = p0 + (δp) p̄, le


gradient s’écrit alors :
(δp) −1 ∂ p̄ (δp) ∂ p̄
∇p = 1 − ε C̄ζ̄ ≃ .
L ∂s̄ L ∂s̄
Ce phénomène se reproduit de la même façon dans tous les opérateurs usuels : gradient,
divergence, rotationnel et laplacien. Ainsi, à condition de procéder d’emblée aux dévelop-
pements, l’écriture des équations ne présente plus de difficulté.
C’est la raison pour laquelle l’horizon nous paraît rectiligne et que les hommes ont
commencé par penser que la terre était plate. En effet, dans ce cas, le petit paramètre
est formé du rapport de la taille moyenne d’un être humain au rayon de la terre !

8.1.2 Diffusion d’une discontinuité de vitesse


Énoncé Considérons le cas bidimensionnel d’une section droite d’un cylindre circulaire.
Les coordonnées curvilignes sont ici remplacées par les coordonnées polaires et l’écriture du
problème complet, i.e. avant approximation, n’est pas épouvantable. Ce problème, parfois
dénommé « problème de Rayleigh 1 » est un
grand classique qui contient toute la physique
Fluide au repos
de la diffusion, vue au sens de la mécanique des
u
milieux continus. v
On s’intéresse à la mise en rotation instanta-
P M
née d’un cylindre de rayon a, placé dans un fluide
incompressible s’étendant jusqu’à l’infini et au θ
repos à l’instant initial. C’est un problème ins- O
tationnaire et, au titre des hypothèses a priori, a
nous admettons que le cylindre est « suffisam-
ment » long pour négliger les effets de bouts et
traiter un écoulement bidimensionnel. En notant
respectivement u et v les vitesses azimutales et
radiales, les équations s’écrivent en coordonnées
polaires :

1 ∂ 1 ∂u
(rv) + = 0,
r ∂r r ∂θ    
∂v ∂v u ∂v u2 1 ∂p ∂ 1 ∂ 1 ∂2v 2 ∂u
+v + − =− +ν (rv) + 2 2 − 2 ,
∂t ∂r r ∂θ r ρ ∂r ∂r r ∂r r ∂θ r ∂θ
   
∂u ∂u u ∂u uv 1 ∂p ∂ 1 ∂ 1 ∂2u 2 ∂v
+v + + =− +ν (ru) + 2 + 2 .
∂t ∂r r ∂θ r ρr ∂θ ∂r r ∂r r ∂θ 2 r ∂θ
La pression regroupe les forces de volume et doit être comprise comme la pression piézo-
métrique p = pstatique + ρgZ.
Nous admettons que le problème est axisymétrique et recherchons une solution dont
les lignes de courant soient des cercles concentriques : v = 0. L’équation de conservation
de la masse implique alors que ∂u/∂θ = 0, soit u = u(r, t) et les équations se simplifient :
 
u2 1 ∂p ∂u 1 ∂p ∂ 1 ∂
− =− , =− +ν (ru) .
r ρ ∂r ∂t ρr ∂θ ∂r r ∂r
1. Ou de Stokes.
CHAPITRE 8. NOTION DE COUCHE LIMITE – PERTURBATION SINGULIÈRE 53

D’après la deuxième équation, ∂p/∂θ = F (r, t), soit p = F (r, t)θ + G(r, t) = G(r, t)
puisque p est périodique. Il reste :
 
u2 1 ∂p ∂u ∂ 1 ∂
− =− , =ν (ru) ,
r ρ ∂r ∂t ∂r r ∂r
auxquelles il faut adjoindre les conditions aux limites :
t = 0, ∀r ≥ a : u = 0 et p = p∞ ,
t > 0, r = a : u = ωa,
t ≥ 0, r → ∞ : u → 0 et p → p∞ .
Tel est l’énoncé du problème que nous allons maintenant examiner.

Problème complet Dans une première étape, nous recherchons les valeurs des données
telles qu’aucune simplification ne se produise dans l’énoncé du problème. Cette démarche,
formelle, a pour but de déterminer un ensemble valeurs critiques par rapport auxquelles il
ensuite pratique de se référer.
Procédons à des changements d’échelles « abstraits », c’est-à-dire indépendants des
données (sauf p∞ ) :

t = τ t̄, r = R r̄, u = U ū et p = p∞ + (δp) p̄.

Il est inutile d’adimensionner la variable θ dont le domaine de définition est sans dimension
et d’ordre unité (−π ≤ θ ≤ π). En ces termes, le problème s’énonce :
 
U 2 ū2 (δp) ∂ p̄ U ∂ ū νU ∂ 1 ∂
− =− , = 2 (r̄ū) ,
R r̄ ρ R ∂r̄ τ ∂ t̄ R ∂r̄ r̄ ∂r̄

t̄ = 0, ∀r̄ ≥ a/R : ū = 0 et p̄ = 0,
t̄ > 0, r̄ = a/R : ū = ωa/U,
t̄ ≥ 0, r̄ → ∞ : ū → 0 et p̄ → 0.
Retenir tous les termes de cet énoncé impose les relations suivantes entre les échelles :
U∗2 (δp)∗ U∗ νU∗ ωa
= , = 2 et = 1.
R∗ ρ R∗ τ∗ R∗ U∗
Ayant introduit quatre échelles inconnues et ne disposant que de trois conditions, nous
sommes libres de poser par exemple R∗ = a (c’est le choix le plus « naturel ») et la
résolution conduit alors aux valeurs critiques :

τ∗ = a2 /ν, U∗ = ωa et (δp)∗ = ρ(ωa)2 .

Le nombre de conditions est insuffisant pour imposer des restrictions aux données et le
problème complet peut donc s’observer quelles que soient leur valeur ; il s’énonce :
 
ū2 ∂ p̄ ∂ ū ∂ 1 ∂
− =− , = (r̄ū) ,
r̄ ∂r̄ ∂ t̄ ∂r̄ r̄ ∂r̄

t̄ = 0, ∀r̄ ≥ 1 : ū = 0 et p̄ = 0,
t̄ > 0, r̄ = 1 : ū = 1,
t̄ ≥ 0, r̄ → ∞ : ū → 0 et p̄ → 0,
8.1. APPROXIMATION DU PLAN TANGENT 54

et ne contient plus que des parties analytiques.


Puisque cette configuration est observable, nous pouvons tenter de donner une inter-
prétation des échelles obtenues. Partant du repos et du fait de son adhérence à la paroi
solide, le fluide est progressivement mis en mouvement. Ce mouvement se transmet radiale-
ment, c’est-à-dire, dans la direction orthogonale à la vitesse de convection et ne peut donc
progresser que par diffusion 2 . Les parties analytiques étant par définition d’ordre unité,
les valeurs des échelles nous indiquent qu’il faut attendre le temps τ∗ = a2 /ν que pour
observer un champ de vitesse de l’ordre de U∗ = ωa sur région d’épaisseur a.
Ceci étant, rien ne nous oblige à nous cantonner à cette échelle de temps et, dans ce
qui suit, nous nous proposons d’étudier le « voisinage » de l’instant initial (τ ≪ τ∗ ) et les
« grandes » valeurs du temps (τ ≫ τ∗ ). À cette fin, il est commode d’expliciter le problème
de la manière suivante :
 
U 2 ǔ2 (δp) ∂ p̌ τ∗ ∂ ǔ ∂ 1 ∂
− 2 =− , = (r̄ǔ) ,
U∗ r̄ (δp)∗ ∂r̄ τ ∂ ť ∂r̄ r̄ ∂r̄

ť = 0, ∀r̄ ≥ 1 : ǔ = 0 et p̌ = 0,
ť > 0, r̄ = 1 : ǔ = U∗ /U,
ť ≥ 0, r̄ → ∞ : ǔ → 0 et p̌ → 0.
Le changement de notation (e.g. t̄ → ť) a pour but de différencier les parties analytiques
adimensionnées avec les échelles « critiques » de ces mêmes grandeurs adimensionnées avec
les échelles indéfinies τ , R, U et (δp).

Voisinage de l’instant initial Par hypothèse, l’échelle de temps est telle que : τ ≪ τ∗ .
Il s’ensuit évidemment une modification des valeurs des autres échelles.

Analyse phénoménologique L’examen des équations ci-dessus montre immédi-


atement que l’équation azimutale de quantité de mouvement dégénère sous la forme :
∂ ǔ/∂ ť = 0, soit ǔ = ǔ(ř) ; enfin, en raison de la condition initiale : ǔ(ř) = 0. Cette so-
lution ne peut satisfaire la condition d’adhérence et outre le fait qu’elle soit triviale, elle
est singulière. La solution que nous venons d’obtenir s’interprète comme l’approximation
extérieure du problème. Cette description doit être complétée par l’examen de la couche
limite, ou approximation intérieure, qui se développe au voisinage immédiat de la paroi
solide.
Cette singularité provient de ce que l’échelle d’espace n’est pas adaptée à l’échelle de
temps. En effet, puisque τ ≪ τ∗ , le fluide n’est mis en mouvement que dans une couche
d’épaisseur δ ≪ a et le changement de variable linéaire ne convient plus, il faut adapter la
variable à la région du domaine fluide où le champ de vitesse est significativement différent
de zéro. La nouvelle variable est donc donnée par une expression affine :

r = a + δ ỹ = a(1 + ε ỹ) où ε ≪ 1,

où ε est un petit paramètre inconnu, au point où nous en sommes. Il s’ensuit l’énoncé


suivant :
 
U 2 ũ2 1 (δp) ∂ p̃ τ∗ ∂ ũ 1 ∂ 1 ∂
− 2 =− , = 2 [(1 + ε ỹ)ũ] ,
U∗ 1 + ε ỹ ε (δp)∗ ∂ ỹ τ ∂ t̃ ε ∂ ỹ 1 + ε ỹ ∂ ỹ
2. La diffusion est un mécanisme de transport microscopique dont la direction est indépendante de celle
de la convection, c’est-à-dire de celle du mouvement macroscopique.
CHAPITRE 8. NOTION DE COUCHE LIMITE – PERTURBATION SINGULIÈRE 55

t̃ = 0, ∀ỹ ≥ 0 : ũ = 0 et p̃ = 0,
t̃ > 0, ỹ = 0 : ũ = U∗ /U.
Noter que ũ et p̃ sont fonctions de ỹ. Noter également que les conditions à l’infini ne figurent
plus car elles doivent être remplacées par des conditions de raccord qui sont explicitées plus
loin. Il s’avère alors que les opérateurs différentiels reprennent leur forme cartésienne et
que nous bien affaire à l’approximation du plan tangent.
Avant de pousser l’analyse physique, il faut observer ce que nous pourrions nommer une
« simplification automatique ». Par définition, ε ≪ 1 et ỹ ∼ 1, si bien que le groupement
ε ỹ est uniformément 3 négligeable devant l’unité et que, en première approximation, il peut
être négligé :

U2 2 1 (δp) ∂ p̃ τ∗ ∂ ũ 1 ∂ 2 ũ
− 2
ũ = − , = 2 2.
U∗ ε (δp)∗ ∂ ỹ τ ∂ t̃ ε ∂ ỹ

t̃ = 0, ∀ỹ ≥ 0 : ũ = 0 et p̃ = 0,
t̃ > 0, ỹ = 0 : ũ = U∗ /U.
Nous pouvons alors revenir à la physique et avancer trois arguments :
1. La mise en mouvement du fluide, qui se traduit par le terme instationnaire, ne peut
s’expliquer que par la diffusion ou, autrement dit, les forces de frottement sont néces-
sairement contrebalancées par les forces d’inertie locale. On en déduit que les deux
membres de l’équation de quantité de mouvement azimutale doivent du même ordre,
soit :

ε2 = τ /τ∗ ,

relation compatible avec l’hypothèse puisque τ ≪ τ∗ et ε ≪ 1.


2. La mise en mouvement ne saurait se produire sans la condition d’adhérence, ce qui
implique :

U = U∗ .

3. La force d’inertie centrifuge (qui ne peut être nulle) est obligatoirement équilibrée
par la force de pression radiale :

(δp) = (δp)∗ εU 2 /U∗2 .

Tous calculs faits, il vient :


√ √
ε2 = ντ /a2 ⇐⇒ δ= ντ , U = ωa et (δp) = ρω 2 a ντ ,

résultats qui achèvent la résolution du problème au sens des ordres de grandeurs. Sauf
l’échelle de vitesse, le deux autres dépendent de τ .
Sous réserve de compléter son énoncé par les conditions de raccord, la résolution ana-
lytique (ou numérique) peut être envisagée. De façon générale, il faudrait écrire que le
comportement de la solution intérieure (lorsque ỹ → ∞) et celui de la solution extérieure
(lorsque r̄ → 1) ne diffère que d’une quantité tendant vers zéro avec le petit paramètre ε.
3. C’est-à-dire quel que soit le point du domaine et l’instant considérés.
8.1. APPROXIMATION DU PLAN TANGENT 56

Mais ici, la solution extérieure étant nulle, ceci revient à écrire que la solution intérieure
s’annule à l’infini et la première approximation du problème intérieur s’énonce donc :

∂ p̃ ∂ ũ ∂ 2 ũ
−ũ2 = − , = .
∂ ỹ ∂ t̃ ∂ ỹ 2

t̃ = 0, ∀ỹ ≥ 0 : ũ(ỹ, 0) = 0 et p̃(ỹ, 0) = 0,


t̃ > 0, ỹ = 0 : ũ = 1,
t̃ ≥ 0, ỹ → ∞ : ũ → 0 et p̃ → 0.

Résolution Ce problème fournit un exemple de solution semblable. Considérons la


liste : {t̃, ỹ, ũ, p̃} et procédons à un changement de variable linéaire tel que x̃ = x∗ x̂ où x
désigne une quelconque des quatre variables et x∗ soit une constante positive. Le problème
s’écrit :
(δp)∗ ∂ p̂ u∗ ∂ ũ u∗ ∂ 2 û
−u2∗ û2 = − , = 2 2.
y∗ ∂ ŷ t∗ ∂ t̃ y∗ ∂ ŷ

t̂ = 0, ∀ŷ ≥ 0 : û = 0 et p̂ = 0,
t̂ > 0, ŷ = 0 : u∗ û = 1,
t̂ ≥ 0, ŷ → ∞ : û → 0 et p̂ → 0.
On recherche alors le groupe d’invariance en imposant aux constantes x∗ de vérifier des
conditions telles que l’énoncé du problème soit formellement invariant ; autrement dit, il
faut pouvoir passer d’un système de variables à l’autre simplement en remplaçant les tilda
par des accents circonflexes. Ces conditions sont évidentes :
1/2 1/2
u2∗ = (δp)∗ /y∗ , u∗ /t∗ = u∗ /y∗2 et u∗ = 1 =⇒ y ∗ = t∗ et (δp)∗ = t∗ .

Symboliquement, le changement de variables peut alors être noté :


1/2 1/2
{t̃, ỹ, ũ, p̃} 7→ {t∗ t̂, t∗ ŷ, û, t∗ p̂}.

Sans en réduire le nombre, combinons ces variables de telle façon que les nouvelles soient
invariantes :

η = ỹ/t̃1/2 , ũ = f et g = p̃/t̃1/2 ,

la transformation donne alors le résultat suivant :

{t̃, η, f, g} 7→ {t∗ t̂, η, f, g},

et force est de constater que le problème dépend de la constante arbitraire t∗ . Ceci est
impossible, la solution étant unique, et sommes donc conduits à conclure que, dans le
dernier système de variables, t̂ n’intervient pas en tant que variable indépendante. La
solution du problème est donc de la forme : f = f (η) et g = g(η). Nous venons de
déterminer une combinaison des variables indépendantes telle que, partant de deux, il n’y
en ait plus qu’une.
Il reste à effectuer concrètement ces changements :

∂ ũ ∂η ∂ ũ ∂ 2 ũ ∂ p̃
= f′ = − 21 ỹt̃−3/2 f ′ , = t̃−1/2 f ′ , = t̃−1 f ′′ et = g′ .
∂ t̃ ∂ t̃ ∂ ỹ ∂ ỹ 2 ∂ ỹ
CHAPITRE 8. NOTION DE COUCHE LIMITE – PERTURBATION SINGULIÈRE 57

Après avoir reporté, il vient :

f 2 = 12 g ′ , 1
2η f

+ f ′′ = 0.

η→∞: f → 0 et g → 0 ; η=0: f = 1,
dont la solution est :
Z 1 Z
 2 2η 2
∞ 2
f (η) = 1 − erf 1
2η =1− √ e −x dx et g = − 1 − erf 1
2x dx.
π 0 η

Avant d’en finir, il convient de rappeler que cette solution n’est valable que tant ε ≪ 1,
soit τ ≪ a2 /ν. Pour des valeurs de τ plus élevées, nous retrouvons le problème complet.

3 10

2.5
8
t̃ = 0,1
t̃ = 1,0
2 t̃ = 5,0
f (η) = 1 − erf( 12 η) t̃ = 10,0
6

1.5

η

4
1

2
0.5

0 0
0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1
f (η) ũ

Grandes valeurs du temps Dans cette section, nous examinons l’écoulement sur une
durée τ ≫ τ∗ .

Analyse phénoménologique Sous cette condition, l’équation de quantité de mou-


vement azimutale se réduit à sa forme stationnaire tandis que les autres relations conservent
leur forme la plus complète. Compte tenu du fait que l’échelle de temps disparaît de l’énoncé
du problème, les autres échelles prennent pour valeur :

r = a r̄, U = ωa et (δp) = ρ(ωa)2 ,

et le problème s’énonce :
 
ū2 ∂ p̄ ∂ 1 ∂
− =− , 0= (r̄ū) ,
r̄ ∂r̄ ∂r̄ r̄ ∂r̄

r̄ = 1 : ū = 1,
r̄ → ∞ : ū → 0 et p̄ → 0.
La seule solution bornée à l’infini est ū = C/r̄ et, après avoir exprimé la condition d’adhé-
rence : ū = 1/r̄ et p̄ = −1/(2r̄ 2 ). Cette approximation est régulière car elle vérifie toutes
les conditions aux limites.
8.1. APPROXIMATION DU PLAN TANGENT 58

On reconnaît le champ de vitesse d’un tourbillon singulier ponctuel tel qu’il s’obtient
en approximation de fluide parfait. Il est décrit par le potentiel complexe :

f (z) = φ(x, y) + i ψ(x, y) = − ln z où z = x + iy,

et Γ est la circulation. Sa vitesse complexe w = df /dz = −i Γ/(2πz) s’interprète aisément
en représentation polaire : z = r e i θ :
Γ −i(θ+ 1 π) Γ
w = q e −i α = e 2 =⇒ α = θ + 12 π et q = u = ,
2πr 2πr
ce qui montre que la vitesse et le rayon polaire sont bien orthogonaux et détermine la
vitesse azimutale. Sous forme adimensionnée, il vient :
Γ
ū = =⇒ Γ = 2πωa2 ,
2π ωa2 r̄
le dernier résultat étant obtenu en identifiant cette solution avec celle obtenue plus haut ;
on reconnaît le produit du périmètre du cercle par la vitesse de l’un de ses points.
Cette solution n’est valable que dans une région annulaire telle que r̄ ∼ 1 et elle ne
donne pas d’indication sur les grandes distances. Or, l’examen de ces valeurs montre que
la diffusion continue à progresser et que la solution exacte reste instationnaire. Posons
r = R r̂ avec R ≫ a, le problème s’écrit :
 
û2 (δp) ∂ p̂ a2 ∂ û a2 ∂ 1 ∂
− =− , = 2 (r̂û) ,
r̂ ρ U 2 ∂r̂ ντ ∂ t̂ R ∂r̂ r̂ ∂r̂
t̂ = 0, ∀r̂ ≥ a/R : û = 0 et p̂ = 0,
t̂ > 0, r̂ = a/R : û = ωa/U,
t̂ ≥ 0, r̂ → ∞ : û → 0 et p̂ → 0.
Pour retrouver le phénomène de diffusion, il faut donc considérer une région telle que :

R = ντ ≫ a.

La diffusion a progressé jusqu’à des distances très supérieures au rayon du cylindre et les
échelles de longueur et de temps sont toujours reliées par la même relation. Par ailleurs,
la vitesse est déterminée par la condition à l’infini, soit limr̂→∞ û = 0 et la condition de
raccord (r̄ → ∞ et r̂ → 0) avec la solution stationnaire dont le comportement s’écrit :
( √
ωa a 1 a 1 U = ωa(a/ ντ ),
u= = ωa = ωa √ = dév U û(r̂) =⇒
r̄ R r̂ ντ r̂ r̂→0 dév û(r̂) = 1/r̂.
r̂→0

ce qui montre que l’échelle de vitesse est ici : U = ωa(a/ ντ ) ≪ ωa. Cette échelle est
définie en admettant que le comportement ainsi obtenu est bien celui de û(r̂, t̂) lorsque
r̂ → 0. Donc, le tourbillon continue à diffuser, mais à une vitesse de rotation beaucoup
plus faible que celle du cylindre.
Avec ces échelles, le problème prend la forme 4 :
 
∂ û ∂ 1 ∂
= (r̂û) ,
∂ t̂ ∂r̂ r̂ ∂r̂
4. On abandonne l’équation de quantité de mouvement radiale et la pression qui n’apportent pas grand
chose.
CHAPITRE 8. NOTION DE COUCHE LIMITE – PERTURBATION SINGULIÈRE 59

t̂ = 0, ∀r̂ ≥ 0 : û = 0,
t̂ > 0, r̂ → 0 : û ∼ 1/r̂,
t̂ ≥ 0, r̂ → ∞ : û → 0.
Le cylindre se réduit à un point situé à l’origine.

Résolution L’équation n’étant contrainte que par une seule condition à la limite non
homogène, on peut espérer trouver une solution semblable. D’un autre point de vue, à
l’instar des petites valeurs du temps, l’échelle de longueur dépend de l’échelle de temps et
n’est pas fixée par la géométrie comme dans le cas précédent ou dans le cas du problème
complet.
La solution semblable s’obtient en suivant les mêmes étapes que celles vues plus haut.
Les conditions d’invariance qui doivent être vérifiées par les constantes de type « x∗ »
s’écrivent :

u∗ /t∗ = u∗ /r∗2 et u∗ = 1/r∗ =⇒ t∗ = r∗2 et u∗ = r∗ .



La variable de similitude est donc η = r̂/ t̂ et l’inconnue doit cherchée sous la forme :
û = (1/r̂)f (η). En reportant dans la formulation initiale du problème, nous obtenons :

ηf ′′ + ( 12 η 2 − 1)f ′ = 0 avec f (0) = 1 et f (∞) = 0,

dont la solution s’obtient par une double intégration :



û = (1/r̂) exp −r̂ 2 /4t̂ .

Problème inverse Imaginons que le cylindre tourne depuis un temps infini : l’écou-
lement est alors induit par un tourbillon singulier ponctuel situé à l’origine, seule solution
stationnaire, bornée à l’infini. À l’instant initial, le cylindre s’arrête de tourner et on cherche
à déterminer le champ de vitesse alors que le fluide ralentit jusqu’à s’arrêter (au bout d’un
temps infini). Ce problème est connu sous le nom de Diffusion du tourbillon et vérifie les
mêmes approximations que le problème direct.
1.2
Cependant, la condition d’adhérence impose une vi-
tesse nulle en r̄ = 1, ce qui conduit à la solution intéri-
1
eure :
0.8 t̄ = 0,0
ū(r̄, t̄) = A(t̄)(r̄ − 1/r̄),

t̄ = 0,1
t̄ = 0,2
0.6 t̄ = 1,0
où A(t̄) est une « constante » d’intégration inconnue. t̄ = 10,0
Noter, par voie de conséquence, que l’échelle de vitesse 0.4
U est inconnue. Ces deux quantités doivent donc être
déterminées par le raccord avec la solution extérieure 0.2
qui s’écrit :
  0
û(r̂, t̄) = (1/r̂) 1 + B(t̄) exp −r̂ 2 /4t̄ , 0 2 4 6 8 10

solution dont l’échelle de vitesse est donnée par la condition initiale et a pour valeur Γ/2πa.
8.2. PERTURBATION SINGULIÈRE : FLUIDE PARFAIT 60

Un raccord s’écrit toujours avec des quantités dimensionnées :


h  1 i n Γ 1 o
dév U A(t̄) r̄ − = dév 1 + B(t̄) exp −r̂ 2 /4t̄ ,
r̄→∞ r̄ r̂→0 2πa r̂
Γ 1 
U A(t̄)r̄ + . . . = 1 + B(t̄) 1 − r̂ 2 /4t̄ + . . . ,
2πa r̂

où r = a r̄ = ντ r̂. Clairement, il faut poser B(t̄) = −1 et A(t̄) = 1/4t̄ et il s’ensuit :

U = Γ/(2π ντ ). En définitive, la solution extérieure 5 a pour expression dimensionnée :

Γ h  r 2 i
u(r, t) = 1 − exp − .
2πr 4νt

8.2 Perturbation singulière : fluide parfait


Il est plus direct d’aborder la méthode sur un exemple relativement simple. On étudie
l’écoulement plan, incompressible, d’un fluide visqueux au voisinage d’un profil battant
(voir les données sur la figure 8.1). On désigne par D l’intérieur du profil et par ∂D son
bord. Le mouvement d’oscillation est défini par l’équation horaire de l’angle d’incidence :
α(t) = α0 sin ωt, avec α0 ∈ [−π/2, π/2].

y Figure 8.1 – Profil battant. Un profil


d’aile symétrique (bord d’attaque A, bord
g de fuite F , corde AF = L) est placé dans
un écoulement uniforme de vitesse V∞ =
V∞ A O V∞ ex et de pression p∞ à l’infini amont.
p∞ α x Il est animé d’un mouvement oscillant au-
F X tour du point O, repéré par l’angle α(t).
ρ, µ
Le fluide est incompressible (ρ = cste) et
V = u ex + v ey visqueux (µ = cste) et placé dans le champ
de la pesanteur g = −g ey .

On commence par adimensionner toutes quantités variables et, à la manière de la


similitude banale rudimentaire, les échelles sont choisies parmi les données sans s’interroger
sur leur représentativité. Nous posons donc :

Variables : x = L x̄, y = L ȳ, et t̄ = ω t.


Inconnues : u = V∞ ū, v = V∞ v̄ et p = p∞ p̄.

Ainsi, les grandeurs de référence retenues n’ont pas à être indépendantes. Par exemple,
nous pourrions construire une vitesse avec la combinaison ωL.
Puisque les échelles sont les mêmes dans les deux directions de l’espace et qu’il n’est
donc pas utile de différencier, on peut expliciter les équations sous forme vectorielle :


 div V̄ = 0,
∂ V̄ V2 p∞ µ V∞

 ωV∞ + ∞ ∇V̄ · V̄ = −g ey − ∇ p̄ + ∆V̄ .
∂ t̄ L ρL ρ L2

5. Qui est l’approximation la plus riche.


CHAPITRE 8. NOTION DE COUCHE LIMITE – PERTURBATION SINGULIÈRE 61

L’habitude est alors de diviser l’équation de quantité de mouvement par le coefficient du


terme convectif, ce qui donne :

ωL ∂ V̄ gL p∞ µ
+ ∇V̄ · V̄ = − 2 ey − 2 ∇ p̄ + ∆V̄ .
V∞ ∂ t̄ V∞ ρV∞ ρV∞ L

Les groupements sans dimension, également nommés paramètres de similitude portent tous
un nom 6 (voir Annexe B) :
ωL
Nombre de Strouhal : S= ,
V∞
V∞
Nombre de Froude : F=√ ,
gL
p∞
Nombre d’Euler : Eu = 2
, (peu usité)
ρV∞
ρV∞ L
Nombre de Reynolds : R= .
µ
Sous réserve de faire usage de la pression piézométrique, l’équation s’écrit :

(δp) 1 V∞ L
∇v̄ · v̄ = − 2 ∇p̄ + ∆v̄ où R = .
ρV0 R ν

Plaçons-nous dans le cas où 1/R = ε ≪ 1. Les forces de frottements sont négligeables


devant les forces d’inertie qui équilibrent les forces de pression, ce qui s’écrit : (δp) = ρV∞2 .
On constate tout de suite une difficulté majeure : la solution des équations de Navier-
Stokes doit satisfaire à la condition d’adhérence à la paroi v = 0. Or, pour ε = 0, la
première approximation, v̄ (0) est solution des équations d’Euler :

∇v̄ (0) · v̄ (0) = − ∇p̄(0) ,

dont on sait qu’il n”existe pas (en général) de solution satisfaisant v̄ (0) = 0 à la paroi.
L’expérience (et les méthodes asymptotiques) montre qu’il suffit d’imposer une condition
de glissement à la paroi : v̄ (0) · n = 0.
D’un point de vue physique, cette singularité s’explique par le fait que ce sont les
forces de frottement qui forcent le fluide à adhérer à la paroi et qu’elles sont absentes des
équations d’Euler.
D’un point de vue mathématique, imposer trois conditions scalaires (i.e. annuler les
trois composantes de la vitess) constitue une condition trop forte pour un fluide parfait.
On dit qu’il y a surabondance des conditions aux frontières ou qu’elles sont en surnombre.
Cette constatation est due à la disparition du terme de dérivation le plus élevé.
Ce phénomène est très général et se comprend très bien sur un exemple simple (voir
section 8.3.5) :

ε f ′′ + f ′ = a avec f (0) = 0 et f (1) = 1,

qui admet pour solution exacte :

1 − e −x/ε
f (x, ε) = (1 − a) + ax.
1 − e −1/ε
6. En pratique, le nombre d’Euler est rarement utilisé.
8.3. DÉVELOPPEMENTS ASYMPTOTIQUES RACCORDÉS (DAR) 62

Pour ε = 0, l’équation différentielle se réduit à une équation du premier ordre, f ′ = a, qui


ne requiert qu’une seule condition aux limites, si bien que les deux conditions imposées ne
peuvent être vérifiées simultanément.
La même difficulté se présente pour l’équation d’énergie :
1 2E
∇ T̄ · v̄ = ∆T̄ + D̄ : D̄,
Pe R
où Pe = PR et E = V∞2 /[cv (δT )] sonr respectivement les nombres de Péclet et d’Eckert
(voir Annexe B). Les écoulements à grand nombre de Péclet (e.g. grand nombre de
Reynolds R pour un nombre de Prandtl P d’ordre unité) font intervenir le petit
paramètre η = 1/Pe , lequel jauge la conduction de la chaleur. La condition T̄ = T̄p ne peut
être imposée à la première approximation car le terme de dérivation d’ordre le plus élevé
disparaît. Physiquement, la conduction ayant disparu, il est imposssible de transmettre de
la chaleur au fluide et sa température ne peut varier. Sous réserve d’ignorer la dissipation
visqueuse, nous avons en première approximation :
dT̄ (0)
∇ T̄ (0) · v̄ (0) = = 0 =⇒ T̄ (0) = T̄∞ = cste.
dt̄
La méthode des développements asymptotiques permet de lever ces contradictions ap-
parentes et fournit des solutions approchées, uniformément valables, vérifiant toutes les
conditions aux limites.

8.3 Développements asymptotiques raccordés (DAR)


8.3.1 Introduction
La présentation faite dans ce chapitre est limitée au cas d’une fonction d’une seule
variable ȳ = f (x̄; ε) où x̄ est la variable indépendante et ε ∈ ]0, ε0 ] un « petit » para-
mètre. Des exemples plus complexes où interviennent des fonctions de plusieurs variables
contenant éventuellement plusieurs paramètres font l’objet des chapitres suivants.
La mise en œuvre d’une méthode de perturbation résulte d’un choix et n’est pas imposée
par la physique du problème. En règle générale, on se pose la question si, après avoir
adimensionné l’énoncé d’un problème aux échelles du domaine D dans lequel on cherche
une solution, apparaissent des groupements d’échelles numériquement « petits » et c’est
précisément en raison du flou de cette épithète que s’introduit l’arbitraire de la décision 7 .
Ceci étant, dans le contexte des méthodes de perturbation, la valeur numérique du petit
paramètre n’a aucune importance puisqu’on n’envisage que des passages à la limite tels
que ε → 0 ; le point essentiel est donc la décision — arbitraire — d’appliquer ces méthodes.
Un développement asymptotique de la fonction f (x̄; ε) ayant été obtenu dans l’intervalle
x̄ ∈ D, la question qui vient immédiatement à l’esprit est celle de son uniformité ; en
d’autres termes, est-ce qu’il reste valable pour toutes les valeurs prises par la variable
x̄ ? Dans l’affirmative, on a affaire à une perturbation régulière ; dans tous les autres cas,
il s’agit d’une perturbation singulière. Ces singularités se présentent dans un voisinage
e d’une ou plusieurs valeurs de la variable, disons x = x0 , voisinage dont l’étendue est
D
très petite, comparée à celle du domaine D. On parle alors de développement extérieur à
e
l’échelle de D et développement intérieur 8 à celle de D.
7. Il existe en Mécanique des exemples où une méthode de perturbation donne de « bons » résultats,
c’est-à-dire proches de l’expérience, pour des valeurs du « petit » paramètre de l’ordre de l’unité, alors que
dans d’autres exemples, les « bons » résultats ne sont obtenus qu’à partir de valeurs de l’ordre de 10−3 .
8. On rencontre parfois les termes externe-interne ou distal-proximal.
CHAPITRE 8. NOTION DE COUCHE LIMITE – PERTURBATION SINGULIÈRE 63

Un problème de perturbation singulière conduit à plusieurs approximations de la solu-


tion exacte. Or, par hypothèse, cette dernière étant continue, il convient d’écrire — en un
certain sens — les conditions qui assurent la continuité des deux formes approchées : on
parle de conditions de raccord.

8.3.2 Notions générales


Fonction de jauge C’est une fonction µ(ε), réelle, continue, positive, définie sur l’inter-
valle R0 : ]0, ε0 [, avec ε0 borné. Puisque sa valeur numérique n’a pas d’importance, il n’est
pas nécessaire que ε0 soit très inférieur à un, mais c’est généralement le cas.
Soient deux fonctions réelles µ(ε) et ν(ε) de la variable réelle ε, définies dans l’intervalle
ε ∈ R0 .

Grand O On écrit : µ = O {ν} dans R0 , s’il existe une constante A, indépendante de ε,


telle que ∀ε ∈ R0 , |µ| ≤ A |ν|. Cette définition ne suppose pas que lorsque ε → 0, le rapport
µ/ν ait une limite ou, si elle existe, qu’elle soit différente de zéro. On note également cette
relation : µ . ν. Par extension, écrire µ = O {1} ou µ . 1 signifie que µ(ε) admet une
limite bornée lorsque ε → 0. On écrira également : limε→0 (µ/ν) < ∞.
Exemples : sin ε = O {ε}, cos ε = O {1}, ε = O {1}.

Petit o On écrit : µ = o {ν} dans R0 , si, étant donné un nombre η > 0 aussi petit soit-il,
on peut trouver un voisinage R de l’origine tel que |µ| ≤ η |ν|. De façon plus légère, on
écrit également µ ≪ ν ou encore limε→0 (µ/ν) = 0.
Exemples : ε = o {1}, ε2 = o {ε}, ε = o {ε ln ε}.

8.3.3 Développement asymptotique


Séquence asymptotique On nomme ainsi une suite de fonctions d’ordre bien ordonnée,
c’est-à-dire :

ν0 (ε), ν1 (ε), . . . , νn (ε), νn+1 (ε), . . . avec νn+1 (ε) = o {νn (ε)} .

Exemples :

1, ε, . . . , εn , εn+1 , . . .
1, ε1/2 , ε ln2 ε, ε| ln ε|, ε, . . .

Développement asymptotique Procéder au développement asymptotique de la fonc-


tion f (x̄; ε) consiste à expliciter la façon dont elle dépend de ε :
N
X
f (x̄; ε) = fN (x̄; ε) + o {νN } = νn (ε) f (n) (x̄) + o {νN .} (8.1)
0

Ce développement repose entièrement sur un choix correct de l’échelle de f . Ainsi, dire


qu’une partie analytique est « d’ordre unité » équivaut à dire qu’elle ne dépend pas de ε
et qu’elle est donc invariante lorsque ε → 0.
Noter une hypothèse extrêmement puissante : un développement asymptotique n’a pas
à être convergent. On impose seulement que l’erreur o {νN } tende vers zéro avec ε.
8.3. DÉVELOPPEMENTS ASYMPTOTIQUES RACCORDÉS (DAR) 64

Série convergente A contrario, demander au développement (8.1) d’être convergent


impose que, pour ε fixé et quel que soit le nombre η aussi petit soit-il, il existe N0 (suffi-
samment grand) tel que :

N > N0 =⇒ |f − fN | < η.

En général, cette propriété n’est vraie que pour ε < εr , εr étant nommé : rayon de conver-
gence.
On peut résumer les propriétés de ces deux types de développements comme suit :

- développement asymptotique : lim (fN ) = f,


N fixé
ε→0
- série convergente : lim (fN ) = f.
N→∞
ε fixé

8.3.4 Perturbation singulière


Définition La fonction fN (x̄, ε) est une approximation de la fonction f (x̄, ε) à l’ordre
νN (ε), uniformément valable dans le domaine D de définition de la variable x̄, si :
 
lim f (x̄, ε) − fN (x̄, ε) νN (ε) = 0, ∀ x̄ ∈ D.
ε→0

Mais il se peut que pour une valeur de la variable, notée x̄0 , cette limite n’existe
pas ou qu’elle dépende du chemin suivi dans le plan {x̄, ε} pour atteindre le point de
coordonnées {x̄0 , 0}. L’approximation est alors dite singulière à l’ordre νN (ε) et il est
interdit de permuter l’ordre des passages à la limite ε → 0 et x̄ → x̄0 .

Exemple 1 ȳ = f (x, ε) = x̄ e −x̄ /(x̄ − ε), avec x̄ ∈ ] − ∞; ∞[.


(
ε → 0, f (x̄, ε) → e −x̄ , ensuite x̄ → 0, f (0, 0) = 1,
x̄ → 0, f (x̄, ε) → 0, ensuite ε → 0, f (0, 0) = 0.

Examinons l’approximation de f à l’ordre 1, soit


f1 = e −x̄ , obtenue lorsque ε → 0, x̄ étant fixé et éva- ȳ
luons la limite de l’erreur commise :
(
ε e −x̄ 0 si x̄ 6= 0,
lim (f − f0 ) = lim =
ε→0 ε→0 x̄ − ε −1 si x̄ = 0.

Il est impossible de trouver un voisinage R de 0 tel que O ε x̄


l’erreur s’annule, ∀x̄ ∈ R ; on dit que x̄ = 0 est une
valeur singulière pour le développement de f à x̄ fixé.
Bien sûr, pour x̄ fixé, différent de zéro, le développe-
ment est uniformément valable.

Exemple 2 ȳ = f (x̄, ε) = e −x̄/ε − e x̄ +εx̄, avec x̄ ∈ ] − ∞; ∞[.


(
ε → 0, f (x̄, ε) → − e −x̄ , ensuite x̄ → 0, f (0, 0) = −1,
x̄ → 0, f (x̄, ε) → 0, ensuite ε → 0, f (0, 0) = 0.
CHAPITRE 8. NOTION DE COUCHE LIMITE – PERTURBATION SINGULIÈRE 65

30

Dans cet exemple, la fonction est continue. Quel


que soit x̄ 6= 0, la première exponentielle étant né-
20
gligeable devant toute puissance de x̄, l’approxima-
tion à l’ordre ε a donc pour valeur : f1 = − e x̄ +εx̄ ȳ
et l’erreur commise s’écrit :
( 10

f − f1 e −x̄/ε 0 si x̄ 6= 0,
lim = = ε
ε→0 ε ε ∞ si x̄ = 0. 0
−1 0 1 2 3 4
La singularité découle du fait que, dans le plan x̄
{x̄, ε}, le double passage à la limite ε → 0 et x̄ → 0 dépend du chemin suivi.

8.3.5 Équation différentielle (modèle de couche limite)


Énoncé Trouver la fonction f (x̄, ε) qui vérifie le problème suivant dans l’intervalle
x̄ ∈ D : [0, 1] :
ε f ′′ + f ′ = a, avec a ∼ 1, ε ≪ 1, f (0, ε) = 0 et f (1, ε) = 1. (8.2)
Il est adimensionné et formulé avec les échelles dites extérieures.

Développement extérieur En première approximation, à la limite ε → 0, nous obte-


nons : f0′ = a, soit f0 = a x̄ + C, où C est une constante d’intégration. Les conditions aux
limites sont alors en surnombre — ce qui constitue déjà une indication de la présence d’une
singularité — et selon celle qui est sélectionnée, il vient :
f0 (0) = 0 =⇒ C=0 =⇒ f0 (x̄) = a x̄,
f0 (1) = 1 =⇒ C =1−a =⇒ f0 (x̄) = 1 + a(x̄ − 1).
Examinons l’erreur commise :
(
  f (x̄, 0) − a x̄,
lim f (x̄, ε) − f0 (x̄) =
ε→0 f (x̄, 0) − 1 − a(x̄ − 1).
En raison des conditions aux limites, la première version est singulière en x̄ = 1 tandis
que la seconde est singulière en x̄ = 0, puisque l’erreur n’est pas nulle. Il y a donc une
singularité mais rien ne nous indique, pour le moment, où elle est localisée sur l’intervalle
D et quelle est son extension.

Développement intérieur Il se pose deux questions :


– Où se situe la singularité ?
– Quelle est l’extension du domaine intérieur D e qui la contient ?
Les trois réponses possibles à la première question sont indiquées sur le schéma ci-dessous.

f0 (a) f0 (b) f0 (c)


1 1 1

a a
1−a 1−a

O 1 x̄ O 1 x̄ O x̄0 1 x̄
8.3. DÉVELOPPEMENTS ASYMPTOTIQUES RACCORDÉS (DAR) 66

⊲ (a) Couche limite à gauche.


⊲ (b) Couche limite à droite.
⊲ (c) Choc en x̄0 .
Si les quantités x̄, f , a et ε avaient une signification physique, nous disposerions vraisem-
blablement d’arguments permettant d’orienter notre choix, mais tel n’est pas le cas et nous
sommes donc conduits à nous appuyer sur les propriétés mathématiques de la solution.
De façon à faire coïncider l’origine et la singularité, procédons au changement de va-
e Quelle
riable : x̄ = x̄0 + µ(ε) x̃ où µ ≪ 1 et x̃ ∼ 1 ; µ(ε) est la jauge du domaine intérieur D.
que soit la valeur de x̄0 , l’inconnue reste d’ordre unité et il n’y a pas lieu de prévoir de
changement d’échelle : par suite, nous posons : f (x̄0 + µ x̃, ε) = g(x̃, ε). L’équation (8.2)
et sa première approximation s’écrivent 9 :
)
(ε/µ2 ) g ′′ + (1/µ) g ′ = a
=⇒ ε g0′′ + µ g0′ = 0 =⇒ µ(ε) = ε.
ε ≪ 1, µ ≪ 1, lim (µ/ε) =?
ε→0

La valeur attribuée à µ est celle qui conserve le maximum de termes dans l’équation ;
cet argument de nature mathématique, constitue ce qu’on nomme le Principe de Moindre
Dégénérescence (PMD). L’idée est double :
⊲ L’énoncé initial étant réputé bien posé, il s’agit de s’en écarter le moins possible.
⊲ Ne pas procéder à une simplification qui pourrait se révéler abusive et conduire à un
problème approché insoluble.
La solution générale de la première approximation du problème intérieur peut s’écrire :

g0 (x̃) = C1 e −x̃ +C2 ,

où C1 et C2 sont deux constantes d’intégration.

Raccord Selon la valeur donnée à x̄0 , les conditions aux limites et les conditions de
raccord s’écrivent différemment.

Cas (a) : x̄0 = 0. Nous avons : g0 (0) = 0, ce qui implique C1 + C2 = 0. Posons


x̄ = ε x̃ = ϕ(ε) x̂, avec ε ≪ ϕ ≪ 1 ; x̂ est une variable intermédiaire. À l’échelle x̂ ∼ 1,
nous devons imposer l’identité approchée :
n   o  
dév C1 e −(ϕ/ε) x̂ − 1 ≃ dév 1 + a(ϕ x̂ − 1) , x̂ fixé.
ε→0 ε→0

Puisque ϕ/ε ≫ 1, on a à la limite : C1 = a − 1, soit : g0 = (1 − a)(1 − e −x̃ ).

Cas (b) : x̄0 = 1. Nous avons : g0 (0) = 1, ce qui implique : C1 + C2 = 1. La variable


intermédiaire se définit de la manière suivante : x̄ − 1 = ε x̃ = ϕ x̂ et le raccord s’écrit :
  n h io
dév a(1 + ϕ x̂) ≃ dév 1 − C1 1 − e −(ϕ/ε) x̂ .
ε→0 ε→0

Du fait que x̄ < 1, l’exponentielle tend vers l’infini avec ε et le raccord est impossible.

9. Règle de dérivation : df /dx̄ = (dg/dx̃)(dx̃/dx̄) = (1/µ)(dg/dx̃).


CHAPITRE 8. NOTION DE COUCHE LIMITE – PERTURBATION SINGULIÈRE 67

Cas (c) : 0 < x̄0 < 1. La solution intérieure ne vérifie aucune des deux conditions aux
limites et la variable intermédiaire a pour définition : x̄ − x̄0 = ε x̃ = ϕ x̂. Les constantes
C1 et C2 doivent être déterminées par l’écriture d’un double raccord :
   
 dév a(x̄0 + ϕ x̂) ≃ dév C1 e −(ϕ/ε) x̂ +C2 , où x̂ < 0,
ε→0 ε→0
  
 dév C1 e −(ϕ/ε) x̂ +C2 ≃ dév 1 + a(x̄0 − 1 + ϕ x̂) où x̂ > 0.
ε→0 ε→0

Bien que la deuxième condition donne une relation acceptable, C2 = 1 + a(x̄0 − 1), la
première conduit à des valeurs infinies, ce qui exclut globalement ce cas de figure.

εf ′′ + f ′ = a
1

0.8

0.6

f
0.4

f
0.2 a = 0, 4 f0
ε = 0, 02 g0
h0
0
0 0.2 0.4 0.6 0.8 1

Développement composite Pour les applications numériques, il est intéressant de dis-


poser d’une approximation uniformément valable sur toute l’étendue du domaine. Elle doit
doit donc contenir les développements extérieurs et intérieurs. Par définition, le développe-
ment composite est obtenu en faisant la somme des deux développements et en retranchant
le comportement commun, arrêtés au même ordre 10 :
(dév. composite)0 = (dév. extérieur)0 + (dév. intérieur)0 − (comp. commun)0 .
La comportement commun est déterminé en examinant le comportement de chaque
développement, ainsi que cela a été fait lors de l’écriture du raccord :
(
f0 (x̄) = 1 + a(ϕ x̂ − 1) = 1 − a + ...
 −(ϕ/ε)x̂

g0 (x̃) = (1 − a) 1 − e = 1 − a + ...

Le développement composite peut alors s’écrire de deux manières différentes :


( 
h0 (x̄, ε) = ax̄ + (1 − a) 1 − e −x̄/ε ,

h0 (x̃, ε) = ε a x̃ + (1 − a) 1 − e −x̃ .

10. Ici, l’ordre « 0 ».


8.3. DÉVELOPPEMENTS ASYMPTOTIQUES RACCORDÉS (DAR) 68

À l’échelle de D, g0 se confond et s’annule avec la partie commune tandis qu’à l’échelle de


e c’est l’inverse qui se produit.
D,
Sur la figure, le développement composite se confond avec la solution exacte.

Solution exacte L’équation (8.2) est une équation linéaire, à coefficients constants et
avec second membre. Son intégration ne présente aucune difficulté et fournit la solution :

1 − e −x̄/ε 1 − e −x̃
f (·, ε) = a x̄ + (1 − a) −1/ε
= ε a x̃ + (1 − a) −1/ε
.
| {z 1 − e } | {z 1 − e }
(1) (2)

On peut alors vérifier que le développement de (1) quand ε → 0, x̄ étant fixé, conduit au
développement extérieur f0 (x̄) tandis que le développement de (2) quand ε → 0, x̃ étant
fixé, conduit au développement intérieur g0 (x̃).
CHAPITRE 8. NOTION DE COUCHE LIMITE – PERTURBATION SINGULIÈRE 69
8.3. DÉVELOPPEMENTS ASYMPTOTIQUES RACCORDÉS (DAR) 70
Troisième partie

Théorie de la couche limite

71
Chapitre 9

Couche limite laminaire dynamique

9.1 Introduction
La présentation qui est faite de cette approxi-
mation se situe dans le cadre des écoulements plans,
stationnaires, de fluide à propriétés physiques cons-
tantes. C’est le cadre défini pour ce cours mais, en
tout état de cause, il n’est pas utile d’envisager des
écoulements plus complexes pour mettre en évidence
le concept de couche limite.
La photo ci-contre représente le profil de vitesse
d’une couche limite sur plaque plane, sans gradient
de pression 1 . Le procédé consiste à saler l’eau, puis
à envoyer des impulsions électriques dans le fil tendu
vericalement(trait sombre). Il se forme des bulles
d’hydrogène qui sont ensuite convectées par l’écou-
lement à la vitesse de l’écoulement.
L’exemple traité en section 8.3.5 montre que,
suite à certaines approximations, les conditions aux
limites peuvent être en surnombre lorsque la dérivée
d’ordre le plus élevé disparaît. C’est ce qui se passe lorsque les forces de frottement sont
négligeables et que l’approximation de fluide parfait est justifiée. On est alors conduit à
abandonner la condition d’adhérence au profit de la condition de glissement. Physiquement,
l’explication de ce paradoxe tient en ce que ce sont les forces de frottement visqueux qui
permettent au fluide d’adhérer à une paroi solide et que, ayant été négligées, la condition
d’adhérence ne peut plus être satisfaite.
Or, la condition d’adhérence faisant partie intégrante de l’énoncé du problème complet,
il est impératif de la « récupérer ». L’approximation de fluide parfait est fondée sur certains
choix d’échelles : plus précisément, si on pense à un écoulement autour d’un obstacle profilé,
la seule échelle de longueur est la plus grande dimension de l’obstacle, soit L. Dès lors,
tous les phénomènes qui se développent sur des échelles de longueur plus courtes sont
« invisibles », en première approximation. Il en est ainsi des phénomènes visqueux dont la
portée δ reste confinée au voisinage immédiat de la paroi : δ ≪ L. C’est la raison pour
laquelle l’approximation de fluide parfait les ignore.
Pour les observer, il est donc nécessaire d’élaborer une approximation « calibrée » aux
1. M. Van Dyke, « An Album of Fluid Motion », Parabolic Press (1982)

73
9.2. COUCHE LIMITE SUR PLAQUE PLANE 74

dimensions du domaine sur lequel ces forces sont significatives : la couche limite dynamique.
C’est bien ce qui a été fait en section 8.3.5, lors de la recherche de l’approximation intérieure.
L’idée est donc d’introduire une échelle inconnue, δ : épaisseur d’un voisinage de la paroi, et
de déterminer sa valeur de telle manière que les forces de frottement y soient significatives,
en première approximation. Par définition, cette couche limite est « mince » comparée à la
dimension longitudinale L de la paroi et le rapport δ/L doit donc être très inférieur à un.
Après avoir déterminé la valeur de δ en fonction des données, cette hypothèse a priori se
transforme en condition sur les données. Ainsi, dans le cas d’un écoulement autour d’un
obstacle, on trouve : R = U∞ L/ν ≫ 1, condition qui établit par ailleurs l’approximation
de fluide parfait. L’ensemble est donc cohérent : les approximations de fluide parfait et
de couche limite sont justifiées par la même condition : R ≫ 1. Ainsi, grâce à cette
approximation où les forces de frottement sont significatives, il devient possible d’appliquer
la condition d’adhérence et de restaurer les conditions aux limites du problème complet,
c’est-à-dire le problème initialement posé pour un fluide visqueux.

9.2 Couche limite sur plaque plane


On considère ici l’écoulement le plus simple
possible qui mette en évidence l’approximation y
de couche limite dynamique. Soit une plaque
U∞ p ∞
plane de longueur L, sans épaisseur et placée
parallèlement 2 à un écoulement de fluide vis- λ
queux incompressible. L’espace est rapporté au δ
x
système d’axes cartésien {O ; x, y} (voir figure) O L
dans lequel la vitesse à l’infini a pour expres-
sion : U∞ = U∞ ex ; on note p∞ la pression pié-
zométrique à l’infini.

9.2.1 Problème complet


On se propose ici de déterminer les échelles qui permettent de conserver l’énoncé com-
plet du problème. Clairement, les échelles doivent être identiques dans les deux directions
de l’espace, soit λ pour les longueurs et U pour les vitesses, ce qui permet de poser :
x = λ x̄, y = λ ȳ, u = U ū et v = U v̄. La condition à l’infini impose U = U∞ et on constate
alors que les deux termes de l’équation de conservation de la masse sont équilibrés. Il reste
à adimensionner les équations de quantité de mouvement, ce qui nous conduit à poser pour
la pression : p = p∞ + (δp) p̄ et à définir le nombre de Reynolds Rλ = U∞ λ/ν :

∂ ū ∂v̄
+ = 0,
∂ x̄ ∂ ȳ
∂ ū ∂ ū (δp) ∂ p̄ 1
ū + v̄ =− 2 + ∆ū,
∂ x̄ ∂ ȳ ρU∞ ∂ x̄ Rλ
∂v̄ ∂v̄ (δp) ∂ p̄ 1
ū + v̄ =− 2 + ∆v̄.
∂ x̄ ∂ ȳ ρU∞ ∂ ȳ Rλ

Le système d’équations reste complet si on pose : (δp) = ρU∞ 2 et R = 1. Il s’ensuit la


λ
valeur λ = ν/U∞ de l’échelle de longueur, totalement indépendante de la géométrie. Cette
2. C’est-à-dire sans incidence.
CHAPITRE 9. COUCHE LIMITE LAMINAIRE DYNAMIQUE 75

échelle définit une région locale où les équations de Navier-Stokes restent complètes.
Elles permettent de satisfaire à la condition d’adhérence mais doivent être résolues nu-
mériquement. En pratique, λ reste une valeur théorique ; par exemple, dans le cas d’un
écoulement d’eau (ν = 10−6 m2 /s) de vitesse U∞ = 1 m/s, on a λ = 1 µm. À cette échelle,
la géométrie arrondie du bord d’attaque doit être prise en compte et le modèle simplifié
de plaque plane sans épaisseur abandonné.
Examinons maintenant l’écoulement à l’échelle imposée L ≫ λ. Les équations de
Navier-Stokes font intervenir le nombre de Reynolds RL = U∞ L/ν = L/λ ≫ 1.
Posons ε = 1/RL ≪ 1. En première approximation, nous obtenons les équations d’Euler,
c’est-à-dire l’approximation de fluide parfait qui ne permet de satisfaire qu’à la condition
de glissement. Cette approximation est singulière et la solution est immédiate et triviale :

ū = 1, v̄ = 0 et p̄ = 0 : écoulement non perturbé.

Cette solution n’est pas valable en ȳ = 0 où elle ne permet pas de satisfaire à la condition
d’adhérence : ū(x̄, 0) = 0 et il faut donc examiner le voisinage de cette ligne singulière.

9.2.2 Approximation de couche limite


Introduisons l’échelle δ ≪ L et la variable associée : y = δ ỹ ; il n’y a pas de raison de
changer l’échelle longitudinale et on a toujours : x = L x̄. La composante longitudinale de la
vitesse varie entre 0 à la paroi et U∞ au raccord avec l’approximation de fluide parfait ; son
échelle est donc U∞ et on a u(x, y) = U∞ ũ(x̄, ỹ). En revanche, l’échelle de la composante
transversale de la vitesse est inconnue mais comme cette grandeur s’annule à la paroi, on
peut procéder à un changement de variable linéaire : v(x, y) = V ṽ(x̄, ỹ). Enfin, la pression
doit être adimensionnée par une expression affine : p(x, y) = p∞ + (δp) p̃(x̄, ỹ).
Examinons l’équation de conservation de la masse :

∂ ũ V L ∂ṽ
+ = 0,
∂ x̄ U∞ δ ∂ ỹ

où, par définition, les parties analytiques sont d’ordre unité et seul le groupement d’échelles
encadré est susceptible d’être très différent de un. Posons δ/L = α(ε) et V /U∞ = β(ε).
Lorsque ε → 0, la limite du rapport β/α est indéterminée et on peut imaginer plusieurs
cas de figures.
⊲ limε→0 (β/α) = 0. Il s’ensuit, en première approximation : ∂ ũ/∂ x̄ = 0, soit ũ = ũ(ỹ).
En raison du raccord en x̄ → −∞ et ỹ fixé, ũ → ū = 1, donc ∀ỹ, ũ = 1. Une telle
approximation ne permettrait pas de rendre compte du ralentissement des couches
de fluide imposé par les forces de frottement au voisinage de la paroi : elle doit donc
être rejetée.
⊲ limε→0 (α/β) = 0. Il s’ensuit, en première approximation : ∂ṽ/∂ ỹ = 0, soit ṽ = ṽ(x̄).
En raison de a condition d’adhérence en ỹ = 0, on a alors ∀x̄, ṽ = 0. Ce résultat est
également inadmissible car il suppose un écoulement à lignes de courant parallèles
qui, une fois de plus, ne peut rendre compte du ralentissement dû à la condition
d’adhérence. En effet, ce ralentissement doit se traduire par un écartement des lignes
de courant du fait de la conservation de la masse : les particules fluides s’écartent
nécessairement de la paroi ce qui impose une composante transversale de la vitesse
non nulle.
9.2. COUCHE LIMITE SUR PLAQUE PLANE 76

⊲ α ∼ β. L’équation de conservation de la masse reste complète ce qui n’introduit


aucune contrainte sur la solution. Puisque aussi bien α que β contiennent des échelles
inconnues, nous sommes libres de poser :
∂ ũ ∂ṽ
α=β ⇐⇒ V /U∞ = δ/L, =⇒ + = 0,
∂ x̄ ∂ ỹ
relation qui permet d’éliminer V de l’énoncé du problème et détermine la forme
définitive 3 de l’équation de conservation de la masse. Les composantes de la vitesse
sont donc dans le même rapport que les échelles de longueur, propriété qui rend
compte de fait que le fluide peut s’écouler plus vite dans la direction longitudinale
où « il a de la place ». Dans la direction transversale, il est « coincé » entre la paroi
et la région de fluide parfait où v̄ = 0.
Compte tenu de ce résultat, les équations de Navier-Stokes s’écrivent :
∂ ũ ∂ ũ (δp) ∂ p̃ L2 ν  δ2 ∂ 2 ũ ∂ 2 ũ 
ũ + ṽ =− 2 + 2 + 2 ,
∂ x̄ ∂ ỹ ρU∞ ∂ x̄ δ U∞ L L2 ∂ x̄2 ∂ ỹ
∂ṽ ∂ṽ L2 (δp) ∂ p̃ L2 ν  δ2 ∂ 2 ṽ ∂ 2 ṽ 
ũ + ṽ =− 2 2 ∂ ỹ
+ + .
∂ x̄ ∂ ỹ δ ρU∞ δ2 U∞ L L2 ∂ x̄2 ∂ ỹ 2
Dans une première étape, on exploite l’hypothèse δ/L ≪ 1 pour procéder à des simpli-
fications automatiques : les termes soulignés sont uniformément négligeables devant leur
voisin dans les parenthèses.
Dès lors, l’intuition nous conduit à examiner en premier l’équation longitudinale qui
est la direction de l’écoulement principal. Dans le but d’assurer la condition d’adhérence,
il est impératif de conserver la forces de frottement en première approximation. Ensuite, le
gradient pression extérieur étant uniformément nul, on imagine mal comment il pourrait
se transformer en gradient de pression moteur à l’intérieur de la couche limite. Ce sont
donc les forces d’inertie de l’écoulement incident qui sont équilibrées et progressivement
détruites par les forces de frottement. La pression apparaît donc comme une conséquence
du mouvement dont le rôle n’est pas essentiel mais il faut donc la conserver pour ne pas
effectuer une simplification abusive. Nous avons donc :
L2 ν (δp) δ −1/2 2
=1= =⇒ = RL et (δp) = ρU∞ .
δ 2 U∞ L ρU∞2 L
Après avoir reporté ces échelles dans les équations, il reste :
∂ ũ ∂ ũ ∂ p̃ ∂ 2 ũ ∂ 2 ũ
ũ + ṽ =− + + 2,
∂ x̄ ∂ ỹ ∂ x̄ ∂ x̄2 ∂ ỹ
∂ p̃
0=− .
∂ ỹ
Complément Le choix de l’échelle de pression peut se fonder sur un argument moins
intuitif. À partir du moment où le rôle moteur des forces d’inertie est reconnu, il faut
trouver la plus grande valeur possible pour (δp). Chaque équation suggère une valeur
possible de cette échelle :
(δp)x L2 ν (δp)y δ2 ν
2
= 1 = et = = ,
ρU∞ δ 2 U∞ L ρU∞2 L2 U∞ L
et il apparaît clairement que les variations de pression les plus élevées sont observables
dans l’équation longitudinale. Il faut donc poser (δp) = (δp)x pour garantir la condition
p̃ ∼ 1 ce qui indique le choix fait intuitivement.
3. Puisqu’elle ne contient plus de groupement d’échelles.
CHAPITRE 9. COUCHE LIMITE LAMINAIRE DYNAMIQUE 77

L’équation transversale s’intègre pour donner p̃ = p̃(x̄) et le raccord avec la solution


extérieure fournit enfin p̃(x̄) = 0. En définitive, le problème de la couche limite dynamique
sur plaque plane et sans gradient de pression s’énonce :
∂ ũ ∂ṽ ∂ ũ ∂ ũ ∂ 2 ũ
+ = 0, ũ + ṽ = ,
∂ x̄ ∂ ỹ ∂ x̄ ∂ ỹ ∂ ỹ 2 (9.1)
ũ(x̄, 0) = ṽ(x̄, 0) = 0 et lim ũ(x̄, ỹ) = 1.
ε→0

9.2.3 Solution de BLASIUS


Bien qu’il n’existe pas de solution analytique au problème de la couche limite sur plaque
plane sans gradient de pression, il est possible, en appliquant la méthode du groupe d’inva-
riance, de montrer l’existence d’une solution semblable et de réduire le système d’équations
aux dérivées partielles à deux variables à une équation différentielle ordinaire à une seule
variable. Cette solution est connue sous le nom de solution de Blasius et se trouve tabulée
dans tous les ouvrages qui traitent de ce sujet.
Une façon de la présenter consiste à passer par la fonction de courant :
U∞ L ∂ ψ̃ ∂ ψ̃
ψ= 1/2
ψ̃ =⇒ ũ = et ṽ = − .
RL ∂ ỹ ∂ x̄

Cette fonction est solution du problème suivant :


∂ ψ̃ ∂ 2 ψ̃ ∂ ψ̃ ∂ 2 ψ̃ ∂ 3 ψ̃
− = ,
∂ ỹ ∂ x̄∂ ỹ ∂ x̄ ∂ ỹ 2 ∂ ỹ 3
∂ ψ̃ ∂ ψ̃ ∂ ψ̃
ỹ = 0, = = 0 et ỹ → ∞, → 1.
∂ x̄ ∂ ỹ ∂ ỹ
Appliquons la méthode détaillée en section 8.1.2. La première étape consiste à pro-
céder à une transformation linéaire de la forme ã = a∗ â et à rechercher les conditions
pour que l’énoncé du problème reste invariant. Nous obtenons un système d’équations
sous-déterminé dont la résolution ne présente aucune difficulté :
ψ∗ ψ∗ ψ∗ ψ∗ ψ∗ ψ∗ 1/2 1/2
= 2
= 3 et =1 =⇒ y ∗ = x∗ et ψ∗ = x∗ .
y ∗ x∗ y ∗ x∗ y ∗ y∗ y∗
Ces relations suggèrent les changements de variable et de fonction suivants :
ỹ = x̄1/2 η et ψ̃ = x̄1/2 f (η),
où les nouvelles grandeurs η et f ont pour propriété principale est d’être invariantes par la
transformation linéaire. Après les avoir reportées, nous obtenons l’équation de Blasius :
(
′′′ ′′
ũ = ∂ ψ̃/∂ ỹ = f ′ (η),
2 f + f f = 0 avec (9.2)
ṽ = −∂ ψ̃/∂ x̄ = 12 x̄−1/2 (η f ′ − f ),
ce qui permet de préciser le conditions aux limites :
ỹ = 0 ⇐⇒ η = 0, f = f ′ = 0,
(9.3)
ỹ → ∞ ⇐⇒ η → ∞, f ′ → 1.
Bien que le nombre de variables ait réduit d’une unité, la non linéarité du problème
reste présente et incontournable ; cependant, le problème à résoudre est nettement moins
lourd.
9.3. ÉQUATIONS DE PRANDTL 78

Complément La solution de Blasius peut aussi être obtenue directement, c’est-


à-dire sans passer par l’intermédiaire de la fonction de courant. La méthode d’applique
de façon analogue et, pour commencer, les relations à vérifier pour déterminer le groupe
d’invariance s’écrivent :
u∗ v∗ u2∗ u∗ v∗ u∗
= , = = 2, u∗ = 1.
x∗ y∗ x∗ y∗ y∗
1/2 −1/2
On en tire : u∗ = 1, y∗ = x∗ et v∗ = x∗ . Ces relations suggèrent la variable
de similitude η = ỹ/x̄1/2 et les changements de fonction ũ = f ′ (η) ainsi que ṽ =
x̄−1/2 g(η). En ces termes, l’équation de continuité s’écrit :

ỹ 1 d
− 21 f ′′ + g ′ = 0 ⇐⇒ g ′ = 21 ηf ′′ = 1
2 (ηf ′ − f ) =⇒ g = 12 (ηf ′ − f ).
x̄3/2 x̄ dη
De la même façon, nous obtenons pour l’équation de quantité de mouvement :
ỹ 1 1
− 12 f ′′ f ′ + f ′′ g = f ′′′ ⇐⇒ − 12 η f ′′ f ′ +f ′′ g = f ′′′ =⇒ 2f ′′′ +f f ′′ = 0.
x̄3/2 x̄ x̄
Les résultats sont bien identiques à ceux obtenus en faisant usage de la fonction de
courant.

9.3 Équations de PRANDTL

Considérons un corps bidimensionnel D


de forme quelconque, défini sous forme pa- n
ramétrique par l’abscisse curviligne x d’un y M τ
Y
point P de son bord ∂D :
V∞ A P (x) D
−−→
OP = X(x) eX + Y (x) eY . p∞ ∂D

En désignant par U∞ le module de la vitesse O X


à l’infini, par L une dimension caractéristique (τ , n) = π/2
de l’obstacle 4 et par ν la viscosité cinéma-
tique du fluide, on sait que si le nombre de
Reynolds R = U∞ L/ν est très grand devant un, l’écoulement est décrit en première
approximation par les équations d’Euler de fluide parfait.
Cette approximation est singulière sur la ligne ∂D car on ne peut pas assurer la condi-
tion d’adhérence. Sous réserve de substituer une condition de glissement à la condition
d’adhérence, il devient possible de trouver une solution et on désigne par ve = ue (x) τ (x) =
2 p̄ (x̄) les valeurs prises au point P par cette solution ;
U∞ ūe (x̄) τ et par pe (x) = p∞ + ρU∞ e
τ est le vecteur unitaire tangent à la paroi en P (x) et on a posé x = L x̄.
L’examen du voisinage immédiat de la paroi nécessite l’introduction d’un système de
coordonnées curvilignes (coordonnées normales) tel que le contour ∂D soit une ligne de
coordonnées. On se trouve donc dans un cas d’application de l’approximation du plan
tangent (ici, ligne tangente puisque l’écoulement est bidimensionnel). Conformément à la
technique générale, on pose :
−−→ −−→
OM = OM (x) + y n(x),
4. Par exemple sa corde s’il s’agit d’une forme profilée.
CHAPITRE 9. COUCHE LIMITE LAMINAIRE DYNAMIQUE 79

où n(x) est le vecteur unitaire normal à la paroi ∂D en P (x) tel que (τ , n) = π/2. Il
s’ensuit l’expression d’un déplacement élémentaire :
−−→
dOM = τ (1 − yC) dx + n dy,
où C est la courbure de ∂D en P et celle du gradient :
1 ∂p ∂p
∇p = τ+ n.
1 − yC ∂x ∂y
Les autres opérateurs s’obtiennent de façon analogue (voir section 8.1).
On introduit alors les échelles :
x = L x̄, y = δ ỹ avec δ ≪ L, avec ¯
C = C/L,
V = u ex + v ey avec u(x, y) = U∞ ũ(x̄, ỹ) et v(x, y) = V0 ṽ(x̄, ỹ),
p = p∞ + (δp) p̃.
On retrouve alors la formulation cartésienne des opérateurs différentiels ainsi qu’on peut
le vérifier sur le gradient :
1 (δp) ∂ p̃ (δp) ∂ p̃ (δp) ∂ p̃ (δp) ∂ p̃
∇p = ¯ τ+ n≃ τ+ n.
1 − (δ/L)ỹ C L ∂ x̄ δ ∂ ỹ L ∂ x̄ δ ∂ ỹ
Les équations de Navier-Stokes prennent donc une forme classique, à ceci près que la
variable x̄ est une abscisse curviligne et non une abscisse cartésienne.
Pour commencer, examinons l’équation de conservation de la masse :
U∞ ∂ ũ V0 ∂ṽ
+ = 0,
L ∂ x̄ δ ∂ ỹ
Selon les valeurs prises par les échelles, on peut énumérer trois cas :
⊲ Si U∞ /L ≫ V0 /δ, en première approximation, ∂ ũ/∂ x̄ = 0 et ũ = ũ(ỹ). Une solution
de cette forme ne peut pas se raccorder à la vitesse extérieure ue (x) et doit donc être
rejetée. Autrement dit, la composante longitudinale ũ conserverait sa valeur initiale,
prise au point d’arrêt A, et serait identiquement nulle, ce qui est absurde puisqu’elle
doit réaliser la transition entre la valeur pariétale nulle et la valeur au raccord, non
nulle.
⊲ Si U∞ /L ≪ V0 /δ, en première approximation, ∂ṽ/∂ ỹ = 0 et ṽ = ṽ(x̄). Alors, du
fait de la condition de non-pénétration, nous aurions partout dans la couche limite
ṽ = 0. Ce résultat est également irrecevable car, en raison du défaut de vitesse dû
au freinage des forces de frottement, les lignes de courant doivent nécessairement
s’écarter de la paroi (conservation du débit entre deux lignes de courant) ce qui ne
peut se réaliser que si ṽ est différent de zéro.
⊲ Si U∞ /L ∼ V0 /δ, l’équation de continuité reste complète (moindre dégénérescence).
Du fait que δ et V0 sont des échelles inconnues, nous sommes libres de poser :
∂ ũ ∂ṽ
V0 = (δ/L) U∞ ≪ U∞ =⇒ + = 0.
∂ x̄ ∂ ỹ
Compte tenu de ce résultat qui permet d’éliminer V0 , les équations de quantité de mouve-
ment s’écrivent :
∂ ũ ∂ ũ (δp) ∂ p̃ L2 1  δ2 ∂ 2 ũ ∂ 2 ũ 
ũ + ṽ = − 2 + 2 + 2 ,
∂ x̄ ∂ ỹ ρU∞ ∂ x̄ δ R L2 ∂ x̄2 ∂ ỹ
∂ṽ ∂ṽ L2 (δp) ∂ p̃ L2 1  δ2 ∂ 2 ṽ ∂ 2 ṽ 
ũ + ṽ =− 2 2 ∂ ỹ
+ + .
∂ x̄ ∂ ỹ δ ρU∞ δ2 R L2 ∂ x̄2 ∂ ỹ 2
9.3. ÉQUATIONS DE PRANDTL 80

Au titre des simplifications automatiques, nous pouvons négliger les dérivées relativement
à x̄ des laplaciens.
En ce point de l’analyse, il ne reste plus qu’une seule jauge inconnue, l’échelle de
pression (δp). L’étude de la couche limite sur plaque plane a montré que les forces de
pression ne jouent pas un rôle fondamental dans le développement d’une couche limite.
En effet, le phénomène essentiel est l’équilibre entre la diffusion normale à la paroi et
la convection parallèle à la paroi et, qualitativement, nous sommes conduits à écrire :
Convection longitudinale ∼ Diffusion transversale & Forces de pression,
ce qui se traduit par :

L2 1 (δp) δ 1 2
1= 2
= 2
=⇒ =√ et (δp) = ρU∞ .
δ R ρU∞ L R

On peut justifier le fait de garder les forces de pression de plusieurs façons :


⊲ Par non simplification abusive, les forces de pression étant générées en tant que consé-
quence du mouvement. Autrement dit, le fait de ne pas trouver un rôle fondamental
à ces forces n’est pas suffisant pour justifier leur élimination.
⊲ En raison du raccord avec la solution extérieure, la pression intervient nécessairement
dans la première approximation de façon non triviale.
⊲ Mathématiquement, éliminer la pression qui est une inconnue du problème, sans
réduire le nombre d’équations, conduirait à un problème surdéterminé.
Le choix de l’équation longitudinale est intuitif et, en définitive, le problème s’énonce :

∂ ũ ∂ṽ ∂ ũ ∂ ũ ∂ p̃ ∂ 2 ũ ∂ p̃
+ = 0, ũ + ṽ =− + , = 0,
∂ x̄ ∂ ỹ ∂ x̄ ∂ ỹ ∂ x̄ ∂ ỹ 2 ∂ ỹ
ỹ = 0, ũ = ṽ = 0 et ỹ → ∞, ũ → ūe (x̄), p̃ → p̄e (x̄).

Concernant la pression, il est clair que p̃(x̄) = p̄e (x̄) ; on dit que la pression de la solution
de fluide parfait « s’imprime » sur la paroi au travers de la couche limite. Nous obtenons
ainsi les équations de Prandtl :

∂ ũ ∂ṽ ∂ ũ ∂ ũ dp̄e ∂ 2 ũ
+ = 0, ũ + ṽ =− + 2, (9.4)
∂ x̄ ∂ ỹ ∂ x̄ ∂ ỹ dx̄ ∂ ỹ
ỹ = 0, ũ = ṽ = 0 et ỹ → ∞, ũ → ūe (x̄). (9.5)

Complément On indique ici une autre approche pour se convaincre du choix de


l’échelle de pression et, plus précisément, sélectionner l’équation à laquelle il faut se
référer. Chaque équation dynamique fournit une valeur possible pour (δp) :
n 
(δp)x L2 1 o
= sup 1, 
2
ρU∞ δ2 R 
n =⇒ (δp)x ≫ (δp)y ,
(δp)y δ2 L2 1 o


2
= 2 sup 1,
ρU∞ L δ2 R

résultat qui indique que la pression varie beaucoup plus par rapport à x̄ que par
rapport à ỹ. Mais nous n’avons droit qu’à une seule valeur pour l’échelle (δp), valeur
qui doit être telle que p̃(x̄, ỹ) = O {1}. Il est donc obligatoire de choisir la plus grande
des deux et de poser : (δp) = (δp)x . Le passage à la limite δ/L → 0 renvoie alors
pour résultat le fait que, en première approximation, on peut négliger les variations de
pression relativement à ỹ, ce qui est cohérent avec l’ensemble de nos interprétations.
CHAPITRE 9. COUCHE LIMITE LAMINAIRE DYNAMIQUE 81

9.4 Frottement pariétal


9.4.1 Expression générale
Les efforts de contact exercés par un fluide sur une paroi solide sont donnés par la
densité surfacique de forces T = σ · n où n est le vecteur unitaire normal, orienté vers
le milieu qui agit (le fluide, en l’occurrence) et σ le tenseur des contraintes qui, pour un
fluide incompressible et visqueux s’écrit :

σ = −p I + 2µD où D = 12 (∇V + t ∇V ),

p étant la pression thermodynamique 5 et D le tenseur des taux de déformation. Alors, la


résultante Ft des efforts exercés par le fluide sur l’obstacle D est donnée par l’expression :
Z Z
 
Ft = σ · n dA = −(pg − ρgZ) I + 2µD · n dA
∂D
Z∂D Z

= ρgZ n dA + −pg I + 2µD · n dA
∂D
Z Z ∂D
 
=− ρg dV + −(pg − p∞ ) I + 2µD · n dA,
D ∂D

où la première intégrale représente la poussée d’Archimède FA ; on rappelle que l’intégrale


d’une pression constante sur une surface fermée est nulle. Dans ce qui suit, nous ne nous
intéressons qu’à : F = Ft − FA .
L’intégrale étant étendue à ∂D, la densité T doit être déterminée dans la couche limite.
En conservant les notations de la section précédente, le tenseur des taux de déformation
s’écrit (formulation cartésienne) :
  ∂ ũ 
∂ ũ ∂ṽ 
U∞  R−1/2 1
2 + R−1
D = R1/2 ∂ x̄ ∂ ỹ ∂ x̄ 
  ∂ ũ  
L −1 ∂ṽ ∂ṽ
1
2 R + R−1/2
∂ x̄ ∂ ỹ ∂ ỹ
 
∂ ũ 1 ∂ ũ
R−1/2
1/2 U∞  ∂ x̄ 2 ∂ ỹ 
≃R  
L 1 ∂ ũ ∂ṽ
2 ∂ ỹ R−1/2
∂ ỹ

Il s’ensuit l’expression de la densité T :


 2 ∂ ũ ∂ ũ   ∂ ũ 
−p̃ + R−1/2 −p̃ R−1/2
2  R ∂ x̄ ∂ ỹ  · n ≃ ρU 2  ∂ ỹ  · e
T = ρU∞  ∂ ũ 2 ∂ṽ  ∞  ∂ ũ  y
R−1/2 −p̃ + R−1/2 −p̃ (9.6)
∂ ỹ R ∂ ỹ ∂ ỹ
h  ∂ ũ  i
2
= ρU∞ −p̄e ey + R−1/2 ex .
∂ ỹ |0
On constate qu’en ordre de grandeur, la correction due aux forces de frottement est faible
devant les efforts de pression, mais c’est néanmoins la première contribution tangentielle
(qui n’apparaît pas en fluide parfait et permet d’expliquer la force de traînée), d’où son
importance.
5. À ne pas confondre avec la pression piézométrique pg = p + ρgZ où Z est la verticale ascendante.
9.5. PROPRIÉTÉ MATHÉMATIQUE 82

9.4.2 Application
Soit à calculer la traînée visqueuse Ff d’une plaque plane de longueur L et de largeur
b. En raison de la géométrie de la paroi, la composante cherchée est parallèle l’axe des x
et, sous forme dimensionnée, nous avons :
Z b Z L  
∂u
Ff = dz µ dx.
0 0 ∂y |0
D’après la solution de Blasius (voir section 9.2.3) :
√ U∞  ∂ ũ  √ U∞ −1/2 ′′
Tf = R µ = Rµ x̄ f (0) où f ′′ (0) = 0,332.
L ∂ ỹ |0 L
Après avoir reporté dans l’intégrale, il vient :
Z b Z Lr √
U∞ µU∞ ′′
Ff = dz √ f (0) dx = 2bµU∞ Rf ′′ (0).
0 0 ν x
Introduisons le coefficient de traînée CX :
Ff 4f ′′ (0)
CX = 1 2
= √ ,
2 ρU∞ bL R
c’est une fonction décroissante de la longueur de la plaque, singulière lorsque L → 0, ce
qui n’a rien d’étonnant car, au voisinage du bord d’attaque, on se trouve confronté au
problème complet (voir section 9.2.1).

9.5 Propriété mathématique


On se propose de mettre en évidence le caractère parabolique de l’équation de Prandtl
en procédant par analogie avec l’équation de la chaleur et en se limitant au cas de la plaque
plane sans gradient de pression :
∂ ũ ∂ṽ ∂ ũ ∂ ũ ∂ 2 ũ
+ = 0, ũ + ṽ = .
∂ x̄ ∂ ỹ ∂ x̄ ∂ ỹ ∂ ỹ 2

9.5.1 Mise en équations


La méthode consiste à exprimer ces équations en variables de von Mises : x̄ et ψ̃.
L’équation de continuité garantit qu’il existe une fonction de courant telle que :
ũ = ∂ ψ̃/∂ ỹ et ṽ = −∂ ψ̃/∂ x̄,
et on écrit ces fonctions avec les nouvelles variables :
 
ũ(x̄, ỹ) = U (x̄, ψ̃) = U x̄, ψ̃(x̄, ỹ) ,
 
ṽ(x̄, ỹ) = V (x̄, ψ̃) = V x̄, ψ̃(x̄, ỹ) .
Les dérivées se calculent sans difficulté :
∂ ũ ∂U ∂U ∂ ψ̃ ∂U ∂U
= + = −V
∂ x̄ ∂ x̄ ∂ ψ̃ ∂ x̄ ∂ x̄ ∂ ψ̃
∂ ũ ∂U ∂ ψ̃ ∂U 2
∂ ũ ∂  ∂U 
= =U , = U U ,
∂ ỹ ∂ ψ̃ ∂ ỹ ∂ ψ̃ ∂ ỹ 2 ∂ ψ̃ ∂ ψ̃
CHAPITRE 9. COUCHE LIMITE LAMINAIRE DYNAMIQUE 83

ce qui permet de mettre l’équation dynamique sous la forme :


∂U ∂  ∂U 
− U = 0.
∂ x̄ ∂ ψ̃ ∂ ψ̃
Cette équation est à rapprocher de l’équation d’évolution instationnaire de la tempé-
rature θ(t, z) d’une barre repérée par la coordonnée z :
∂θ ∂ h ∂θ i
− k(θ) = 0,
∂t ∂z ∂z
où la conductivité thermique k(θ) est une fonction de la température. Les analogies sont
recensées dans le tableau ci-dessous :

Couche limite Transfert thermique


Vitesse longitudinale U (x̄, ψ̃) Température θ(t, z)
k(U ) = U Conductivité k(θ)
Abscisse curviligne x̄ Temps t
Fonction de courant ψ̃ Abscisse z sur la barre
U (x̄, 0) = 0 à la paroi θ(t, 0) = θp
U (x̄, ∞) = 1 θ(t, ∞) = θ∞
t = t0 , θ(t0 , z) = θ0 (z).

9.5.2 Commentaires
⊲ Si la fonction k(θ) est positive, elle peut être interprétée comme une conductivité
thermique et on sait alors qu’il existe une solution pour t > t0 mais pas pour t < t0
(second principe de la thermodynamique). Donc, si U > 0, la solution U (x̄, ψ̃) ne
peut être obtenue que pour x̄ > x̄0 où x̄0 est l’abscisse d’une section où la fonction
U (x̄, ψ̃) est complètement connue.
⊲ On constate donc qu’il existe une solution de couche limite si, outre les conditions aux
limites en ỹ = 0 et ỹ = ∞, on dispose également d’une condition initiale en x̄ = x̄0 .
Du fait qu’il est impossible de faire un calcul pour x̄ < x̄0 , on choisit naturellement
le point d’arrêt comme section initiale.
⊲ Si on change formellement k en −k et t en −t, l’équation de la chaleur est invariante.
Cela signifie que pour k < 0, il est possible de faire un calcul pour t < t0 . Par
analogie, si U < 0 (de l’autre côté du point d’arrêt), il est possible de poursuivre son
calcul pour x̄ < x̄0 . Cette situation se produit également à l’intérieur d’une bulle de
décollement.

Sur la figure ci-contre, les flèches sur la pa-


roi de l’obstacle indiquent le sens dans lequel
on doit progresser à partir d’une section initiale D R
pour effectuer le calcul de couche limite : sens de
la vitesse tangentielle. En conséquence, il faut A F
connaître la solution au point d’arrêt A et au
Bulle de décollement
point de recollement R, à partir duquel l’écou-
lement circule à contre-courant le long de la paroi. Les points de décollement D et de
recollement R sont très difficiles à obtenir numériquement, d’autant plus que la solution
de fluide parfait dépend de la forme de la bulle de décollement.
9.6. SOLUTION DE FALKNER-SKAN 84

9.6 Solution de FALKNER-SKAN


La résolution d’un problème de couche limite nécessite la connaissance de la solution
au point d’arrêt, afin d’initialiser le calcul dans le sens des abscisses curvilignes croissantes,
lorsque ũ(x̄, ỹ) > 0 (c’est-à-dire sans décollement, voir section précédente). L’approxima-
tion de fluide parfait de cet écoulement est connue : il s’agit d’un comportement, écoulement
dans un angle droit. C’est un cas particulier de l’écoulement autour d’un dièdre quelconque
qui conduit aux solutions dites de Falkner-Skan.

9.6.1 Position du problème


On sait que la solution générale d’un écoulement au voisinage d’un dièdre est de la
forme :

f (z) = A z m+1 ,

où A est un nombre réel et z = x + i y l’affixe du point courant. En effet, f (z) = ϕ + i ψ


avec :

ψ = A r m+1 sin(m + 1)θ.


M
La fonction de courant est nulle pour x
r θ
L
θ = 0 et θ = π/(m + 1).
βπ
O
Avec les notations de la figure, l’écoulement sy-
métrique autour d’un dièdre d’angle au sommet
βπ s’obtient en écrivant que

β
θ = π − 12 βπ d’où m = .
2−β
V∞
Il n’existe pas d’écoulement uniforme à l’in-
fini autour d’un dièdre s’étendant vers l’infini. O
Cela provient du fait qu’un écoulement dans un
angle n’existe pas physiquement. Ce n’est que le ℓ
comportement local au voisinage du bord d’at-
taque anguleux d’un obstacle de dimension ℓ fi-
nie (voir figure). Toute la géométrie en aval du point O, aussi complexe soit-elle (mais
symétrique) est totalement incluse dans la valeur du coefficient A de f (z). Le compor-
tement f (z) = A z 2/(2−β) est valable à une distance L ≪ ℓ du bord d’attaque. Il faut
également, puisqu’il s’agit d’un écoulement de fluide parfait, que le nombre de Reynolds
local soit grand. L’ordre de grandeur des vitesses, donné par :

df 2A β/(2−β)
w(z) = = u − iv = z ,
dz 2−β

dépend de la distance L à laquelle se trouve l’origine. En posant x = L x̄, y = L ȳ et


z = L z̄, il vient :

2A
w(z) = U0 z̄ β/(2−β) avec U0 = Lβ/(2−β) ,
2−β
CHAPITRE 9. COUCHE LIMITE LAMINAIRE DYNAMIQUE 85

valeur dont il découle le nombre de Reynolds :

U0 L 2A  L 2/(2−β) h (2 − β)ν i1− 1 β


2
Rloc = = L2/(2−β) = avec λ= .
ν (2 − β)ν λ 2A
En résumé, la solution de fluide parfait indiquée est valable si :

λ ≪ L ≪ ℓ.

La zone de dimension λ autour de O pour laquelle Rloc ∼ 1 ne peut être traitée que par
les équations de Navier-Stokes complètes.
En conséquence de ce qui précède, on choisit pour échelles de description de la région
de fluide parfait :

x = L x̄, y = L ȳ, u = U0 ū v = U0 v̄ et p = p0 + ρU02 p̄.

La pression à l’infini n’étant pas définie, ceci nous oblige à introduire une référence arbi-
traire p0 .
Pour les conditions de raccord, il nous faut connaître la vitesse de glissement et la
pression à la paroi :
β dp̄e dūe β 3β−2
ūe (x̄) = x̄ 2−β =⇒ = −ūe =− x̄ 2−β .
dx̄ dx̄ 2−β

9.6.2 Résolution
Les équations de Prandtl établies dans un cadre plus général sont évidemment va-
lables, après avoir fait le choix approprié des échelles de description de la couche limite.
−1/2 −1/2
x = L x̄, y = LRL ỹ, et u = U0 ũ, v = U0 RL ṽ.

Le problème à résoudre s’énonce alors :


∂ ũ ∂ṽ
+ = 0,
∂ x̄ ∂ ỹ
∂ ũ ∂ ũ β 3β−2 ∂ 2 ũ
ũ + ṽ = x̄ 2−β + 2 ,
∂ x̄ ∂ ỹ 2−β ∂ ỹ
β
ỹ = 0 : ũ = 0, ṽ = 0 et ỹ → ∞ : ũ → ūe (x̄) = x̄ 2−β .

Du fait que les conditions aux limites n’imposent pas d’échelle de longueur, il existe
une solution semblable. Introduisons la fonction de courant :
−1/2
ψ = U0 L RL ψ̃ avec ũ = ∂ ψ̃/∂ ỹ et ṽ = −∂ ψ̃/∂ x̄,

l’équation de quantité de mouvement s’écrit en ces termes :

∂ ψ̃ ∂ 2 ψ̃ ∂ ψ̃ ∂ 2 ψ̃ β 3β−2 ∂ 3 ψ̃
− = x̄ 2−β + ,
∂ ỹ ∂ x̄∂ ỹ ∂ x̄ ∂ ỹ 2 2−β ∂ ỹ 3
et la seule condition à la limite à jouer un rôle est :

∂ ψ̃ β
ỹ → ∞ : ∼ x̄ 2−β .
∂ ỹ
9.6. SOLUTION DE FALKNER-SKAN 86

La recherche du groupe d’invariance passe par les changements de variables :

x̄ = x∗ x̂, ỹ = y∗ ŷ et ψ̃ = ψ∗ ψ̂.

Après résolution, on détermine la variable de similitude et une nouvelle formulation de la


fonction de courant :
β−1
x̄ 2−β p 1
η=√ ỹ et ψ̃ = 2 − β x̄ 2−β f (η),
2−β
et, après avoir reporté ces résultats dans l’équation de Prandtl, le problème à résoudre
s’écrit :
f ′′′ + f f ′′ + β(1 − f ′2 ) = 0,
f (0) = f ′ (0) = 0 et f ′ (∞) = 1.

β
−0,199
4 0,00
0,25 Figure 9.1 – Solution de Falkner-
0,50
0,75 Skan. Les courbes en trait continu
1,00
1,25 représentent les valeurs particulières
3 1,50
1,75
β = 2, β = 1 et β = 0 (plaque
η 2,00 plane) ; voir tableau 9.1. La valeur
β = −0,199 correspond au décolle-
2
ment {f ′′ (0) = 0}. Pour des valeurs
inférieures à −0,199, le profil des vi-
tesses présente une portion négative,
1 c’est-à-dire un écoulement de retour
qui doit être exclu.

0
0 0.2 0.4 0.6 0.8 1
f’

Cette équation est connue sous le nom d’équation de Falkner-Skan. On n’en connaît
pas de solution analytique et les résultats numériques (voir figure 9.1) doivent donc être
tabulés pour différentes valeurs de β (voir tableau 9.1). Le champ de vitesse s’obtient en
appliquant les changements de variable et de fonction en sens inverse :

∂ ψ̃ β
ũ = = x̄ 2−β f ′ = ūe f ′ (η),
∂ ỹ
β−1
∂ ψ̃ x̄ 2−β  
ṽ = − = −√ f + (β − 1)ηf ′ .
∂ x̄ 2−β
Remarque Le cas particulier β = 0 ne redonne pas exactement la solution du pro-
blème de Blasius en raison d’une petite modification de la définition de η et de f .
Le cas particulier β = 1 (angle droit) donne la solution au point d’arrêt, nécessaire
pour amorcer tout calcul de couche limite sur un obstacle quelconque.
CHAPITRE 9. COUCHE LIMITE LAMINAIRE DYNAMIQUE 87

Plaque plane Point d’arrêt


η f f′ f ′′ η f f′ f ′′
0,0000 0,0000 0,0000 0,4696 0,0000 0,0000 0,0000 1,2326
0,2000 0,0094 0,0939 0,4693 0,2000 0,0233 0,2266 1,0345
0,4000 0,0375 0,1876 0,4673 0,4000 0,0881 0,4145 0,8463
0,6000 0,0844 0,2806 0,4617 0,6000 0,1867 0,5663 0,6752
0,8000 0,1497 0,3720 0,4512 0,8000 0,3124 0,6859 0,5251
1,0000 0,2330 0,4606 0,4344 1,0000 0,4592 0,7779 0,3980
1,2000 0,3337 0,5452 0,4106 1,2000 0,6220 0,8467 0,2938
1,4000 0,4507 0,6244 0,3797 1,4000 0,7967 0,8968 0,2110
1,6000 0,5830 0,6967 0,3425 1,6000 0,9798 0,9323 0,1474
1,8000 0,7289 0,7611 0,3004 1,8000 1,1689 0,9568 0,1000
2,0000 0,8868 0,8167 0,2557 2,0000 1,3620 0,9732 0,0658
2,2000 1,0549 0,8633 0,2106 2,2000 1,5578 0,9839 0,0420
2,4000 1,2315 0,9011 0,1676 2,4000 1,7553 0,9905 0,0260
2,6000 1,4148 0,9306 0,1286 2,6000 1,9538 0,9946 0,0156
2,8000 1,6033 0,9529 0,0951 2,8000 2,1530 0,9970 0,0090
3,0000 1,7956 0,9691 0,0677 3,0000 2,3526 0,9984 0,0051
3,2000 1,9906 0,9804 0,0464 3,2000 2,5523 0,9992 0,0028
3,4000 2,1875 0,9880 0,0305 3,4000 2,7522 0,9996 0,0014
3,6000 2,3856 0,9929 0,0193 3,6000 2,9522 0,9998 0,0007
3,8000 2,5845 0,9959 0,0118 3,8000 3,1521 0,9999 0,0004
4,0000 2,7839 0,9978 0,0069 4,0000 3,3521 1,0000 0,0002
4,2000 2,9836 0,9988 0,0039 4,2000 3,5521 1,0000 0,0001
4,4000 3,1834 0,9994 0,0021 4,4000 3,7521 1,0000 0,0000
4,6000 3,3833 0,9997 0,0011 4,6000 3,9521 1,0000 0,0000
4,8000 3,5833 0,9999 0,0005 4,8000 4,1521 1,0000 0,0000
5,0000 3,7832 0,9999 0,0003 5,0000 4,3521 1,0000 0,0000
5,2000 3,9832 1,0000 0,0001
5,4000 4,1832 1,0000 0,0001
5,6000 4,3832 1,0000 0,0000
5,8000 4,5832 1,0000 0,0000
6,0000 4,7832 1,0000 0.0000

Table 9.1 – Solution de Falkner-Skan. Cas de la plaque plane (β = 0) et du point


d’arrêt (β = 1).

En réintroduisant des grandeurs dimensionnées, on peut vérifier que l’échelle de lon-


gueur L ne figure pas et qu’elle est donc effectivement arbitraire :
r
1 y ue x
η=√ .
2−βx ν
9.6. SOLUTION DE FALKNER-SKAN 88
Chapitre 10

Couche limite laminaire thermique :


convection forcée

10.1 Généralités
10.1.1 Position du problème
Afin d’être cohérent avec le chapitre précédent, restons dans le cadre des écoulements
bidimensionnels, stationnaires et à propriétés physiques constantes, en conservant toutes les
notations introduites jusqu’à présent. De façon générale, désignons par T∞ la température
loin de l’obstacle.
Du fait que les propriétés physiques du fluide sont constantes (donc indépendantes de
la température), les problèmes dynamique et thermique sont découplés, ce qui signifie que
le premier peut être intégré avant le second ; on parle de « couplage faible ».
Cette question du couplage se pose également pour les températures du fluide et de la
paroi mais il n’est pas prévu de traiter des problèmes couplés de cette nature dans ce cours 1 .
On se limite donc à deux types de conditions à la paroi dont les propriétés mathématiques
de l’équation d’énergie montrent par ailleurs qu’il n’est possible de satisfaire qu’à une seule
d’entre elles.
⊲ Température imposée : Tp .
⊲ Paroi athermane 2 : q · n = 0 où q est la densité de flux de chaleur donnée par la loi
de Fourier, soit : ∇ T · n = ∂T /∂n = 0.
En général, la température est une quantité qui ne s’annule pas dans son domaine de
définition 3 et on procède donc changement de variable suivant :
(
(δT ) = |Tp − T∞ | si T = Tp .
T = T∞ + (δT ) T̄ où
(δT ) inconnue si q · n = 0;
Dans tout ce qui suit, on suppose que le champ de vitesse est déjà connu par la résolution
du problème dynamique. De façon générale (i.e. sans direction privilégiée) et en variables
extérieures, x = L x̄ et y = L ȳ, l’équation d’énergie s’écrit :
1 E
∇ T̄ · V̄ = ∆T̄ + 2 D̄ : D̄,
Pe R
1. Éventuellement en TD...
2. Bien que la terminologie ne soit pas très stricte, on utilise en général le terme « athermane » pour
une paroi et le terme « adiabatique » pour un système matériel considéré globalement. Inversement, une
paroi qui laisse passer un flux de chaleur est « diathermane ».
3. Rares sont les problèmes industriels où la température atteint le zéro absolu !

89
10.1. GÉNÉRALITÉS 90

où Pe = P R est le nombre de Péclet, P = ρνc/k le nombre de Prandtl, R = V∞ L/ν


le nombre de Reynolds et E = V∞2 /[c(δT )] le nombre d’Eckert. L’interprétation des
différents termes de cette équation est donnée dans le chapitre 6.
Une première analyse et un premier classement des différents cas possibles peut déjà
être entrepris à partir de cette formulation générale.

10.1.2 Température de paroi imposée


L’échelle des variations de température est connue : (δT ) = Tp − T∞ . En commençant
par la dissipation visqueuse (dernier terme de l’équation d’énergie), on constate que le
nombre d’Eckert est d’autant plus petit que l’échelle (δT ) est grande. En d’autres termes,
l’échauffement dû aux frottements visqueux est d’autant plus négligeable que les variations
de température imposées par les conditions aux frontières sont élevées.
À titre d’exemple, pour de l’eau (ν ∼ 10−6 m2 /s, c ∼ 4 kJ/(kg · K) s’écoulant à 10 m/s
et subissant des variations de température de l’ordre de 10 C, on a E ∼ 2, 5 · 10−3 . Pour
un obstacle de 1 m de dimension caractéristique, R = 107 et par suite : E/R = 10−10 .
Clairement, dans la plupart des cas, la dissipation visqueuse est négligeable devant le
transport convectif (premier membre).
Pour ce qui concerne le transport de chaleur par diffusion (premier terme du second
membre), la discussion tourne autour de la valeur du nombre de Péclet 4 : Pe = V∞ L/α
où α = k/(ρc) est la diffusivité thermique, et on peut donc distinguer deux cas.

Diffusion dominante Ce cas est associé aux petites valeurs du nombre de Péclet :
Pe ≪ 1. Sous cette condition, et en se plaçant dans le cas où la dissipation visqueuse est
négligeable, l’équation d’énergie se réduit à :

∆T̄ = 0.

Le transport de chaleur par diffusion est tellement intense qu’il masque les mouvements
du milieu ; tout se passe comme dans un solide. Autrement dit, la chaleur se déplace dans
le milieu beaucoup plus vite que celui ci ne se déplace. Le fluide a donc « tout le temps »
pour adapter sa température à celle de la paroi et satisfaire à la condition imposée.

Convection dominante C’est le cas inverse du précédent : Pe ≫ 1. Alors, il ne reste


que :

∇ T̄ · V̄ = dT̄ /dt̄ = 0,

dont on déduit que la température est constante sur une trajectoire, ce qui implique : T̄ = 0,
en raison du changement de variable. Le fluide passe tellement vite au voisinage de l’obstacle
que la conduction n’a pas le temps de le réchauffer et qu’il conserve donc la température
qu’il a à l’infini. Cette approximation ne permet pas d’assurer T = Tp sur la paroi, ce qui
est inadmissible, au vu du problème posé. Physiquement, du fait que la paroi est étanche,
seul le transport par diffusion – qui ne s’accompagne d’aucun mouvement macroscopique —
peut permettre à la chaleur de pénétrer dans le domaine fluide et précisément, ce mode de
transport est absent. La paroi constitue donc une ligne singulière dont il faut examiner le
voisinage : couche limite thermique.
4. Noter la structure analogue à celle du nombre de Reynolds, sous réserve de substituer la diffusivité
thermique à la diffusivité de la quantité de mouvement.
COUCHE LIMITE LAM. THERM. : CONVECTION FORCÉE 91

Problème complet C’est le cas Pe ∼ 1. Les deux modes de transport sont présents
mais on conserve l’hypothèse d’une dissipation visqueuse négligeable. Cette hypothèse se
réalise si L = λth ∼ α/V∞ , longueur « thermique » à comparer avec la longueur « dyna-
mique » λdy = ν/V∞ pour laquelle les équations de Navier-Stokes sont complètes (voir
section 9.2.1) :

λdy /λth = ν/α = ρcν/k = P.

10.1.3 Paroi athermane


Puisque la chaleur ne peut pas entrer dans le domaine fluide par diffusion, il ne reste
plus qu’une seule source de chaleur : la dissipation visqueuse. Dans le cas précédent, cette
source de chaleur était comparée à l’apport pariétal par le rapport E/R. Ici, elle détermine
l’échelle de température (δT ) puisque, en tant que source unique, elle ne saurait disparaître
de l’énoncé du problème :

E/R = sup 1, 1/Pe ,

où le premier terme de l’alternative est la jauge du transport par convection tandis que le
second est celle du transport par diffusion. Noter que, quel que soit le mode de transport,
la chaleur doit être évacuée sans quoi, en raison de son accumulation, l’écoulement serait
instationnaire, ce qui est exclu ici.

Diffusion dominante Pe ≪ 1. La chaleur produite par les forces de frottement est


évacuée par diffusion :

E 1 V∞2 ν α µ 2 V2
= ⇐⇒ = ⇐⇒ (δT ) = V∞ = P ∞ .
R Pe c(δT ) V∞ L V∞ L k c

Convection dominante Pe ≫ 1. La chaleur fournie est évacuée par convection :

E V∞2 ν V∞ ν 1 V∞2
=1 ⇐⇒ =1 ⇐⇒ (δT ) = = .
R c(δT ) V∞ L cL R c

Les applications numériques montrent que dans la plupart des cas, l’échauffement dû à la
dissipation visqueuse est négligeable et que ses effets peuvent être négligés.

Problème complet Pe ∼ 1. Les deux modes de transport de la chaleur contribuent à


part égales mais ceci ne se produit que sous la condition :

ρcν V∞ L
PR = = ρcνV∞ L/k ∼ 1.
k ν

10.1.4 Comparaison des longueurs dynamique et thermique


Quel que soit le type de condition à la paroi, il suffit que Pe ≫ 1 pour obtenir un
problème singulier. En effet :
⊲ Si T = Tp (section 10.1.2), elle ne peut pas transmettre de la chaleur au fluide car il
n’y a pas de conduction.
10.1. GÉNÉRALITÉS 92

⊲ Si q · n = 0 (section 10.1.3), la chaleur produite s’accumule dans le fluide sans


pouvoir diffuser et provoquant localement une augmentation de la température. Or,
en raison de la solution générale de l’équation (T̄ = cste) et des conditions aux limites
(T̄ = 0 dans toutes les directions), cette température devrait rester nulle et il y a
donc contradiction.
Il faut donc examiner de près le voisinage de la paroi, c’est-à-dire la couche limite ther-
mique. À l’instar de l’épaisseur de la couche limite dynamique dont la valeur est déterminée
par l’examen des équations de Navier-Stokes, l’échelle d’épaisseur de cette couche est
déterminée par l’analyse de l’équation d’énergie. Cependant, cette équation fait intervenir
le champ de vitesse (supposé connu) dont l’ordre de grandeur dépend de la distance à la
paroi. Il importe donc de savoir si ces deux couches, dynamique et thermique, sont du
même ordre ou si l’une d’entre elles est beaucoup plus épaisse que l’autre.
Nous nous proposons d’apporter une réponse à cette question dans le cas simple de la
diffusion d’une discontinuité de vitesse et de température.

y y
V∞ = 0 T∞ 6= Tp

V0 Tp

Problème dynamique Problème thermique

Équation : Équation :
∂u ∂2u ∂θ ∂2θ
= ν 2. = α 2 où θ = T − T∞ .
∂t ∂y ∂t ∂y
Conditions aux frontières : Conditions aux frontières :
t = 0, (∀y) : u = 0 t = 0, (∀y) : θ = 0,
y = ∞, (∀t) : u = 0 y = ∞, (∀t) : θ = 0
y = 0, (∀t) : u = V0 y = 0, (∀t) : θ = Tp − T∞ .
Ce deux problèmes sont identiques. Désignons u et θ par X et ν et α par η. Du fait
que X s’annule dans son domaine de définition, il peut être adimensionné par une formule
linéaire : X = (δX) X̄ ; posons encore t = τ t̄ et y = δ ȳ, si bien que l’équation s’écrit sous
forme adimensionnée :

∂ X̄/∂ t̄ = (ητ /δ2 ) ∂ 2 X̄/∂ ȳ 2 .

Un raisonnement par l’absurde permet de se convaincre rapidement de la seule dégénéres-


cence intéressante.
⊲ Si ητ ≪ δ2 , en première approximation, l’équation se réduit à ∂ X̄/∂ t̄ = 0 qui admet
pour solution générale X̄ = X̄(ȳ) qui ne permet pas de rendre compte du caractère
instationnaire des phénomènes.
⊲ Si ητ ≫ δ2 , en première approximation, nous avons maintenant : ∂ 2 X̄/∂ ȳ 2 = 0,
soit X̄ = A(t̄) ȳ + B(t̄). En vertu de la condition à l’infini, A(t̄) = B(t̄) = 0 et nous
COUCHE LIMITE LAM. THERM. : CONVECTION FORCÉE 93

aboutissons donc à une solution triviale qui ne permet pas de satisfaire à la condition
imposée en ȳ = 0.
Le bon choix d’échelle est donc δ2 = η τ , soit :

• problème dynamique : δdy = ντ ,

• problème thermique : δth = ατ .

De façon imagée, on peut présenter ce résultat de la manière suivante :


⊲ La longueur δ(τ ) est l’épaisseur contaminée par la diffusion au bout du temps τ .
⊲ La durée τ (δ) est celle qui s’écoule pour que la diffusion contamine
p l’épaisseur δ.
Nos pouvons alors comparer les deux épaisseurs : δdy /δth = ν/α = P 1/2 et il appert
que la valeur du rapport est indépendante des conditions d’écoulement et ne dépend que
des propriétés physiques du fluide, du nombre de Prandtl P :
⊲ P ≪ 1, fluide bon conducteur de la chaleur ou faiblement visqueux : δdy ≪ δth , la
chaleur diffuse sur une distance beaucoup plus grande que la quantité de mouvement.
⊲ P ≫ 1, fluide mauvais conducteur de la chaleur ou fortement visqueux : δdy ≫ δth , la
chaleur diffuse sur une distance beaucoup plus petite que la quantité de mouvement.
Commentaire Il est impossible de déduire l’équation de diffusion de l’équation
de Prandtl et vice versa dans la mesure ou la première est linéaire alors que seconde
ne l’est pas : l’analogie est donc qualitative.

y y
∆x V∞ ∆x

δdy1 u √
δdy2 δdy = ντ
u
x1 = V∞ t1 x2 = V∞ t2

y y
T∞ T∞
δth2 √
δth1 δth = ατ
θ θ
Tp Tp
t = t1 t = t2

Elle se justifie si on considère qu’une couche limite dynamique est en fait une zone de
diffusion de discontinuité de vitesse qu’on suit en description lagrangienne à la vitesse
V∞ . Sur la figure (moitié supérieure), il faut suivre l’évolution du défaut de vitesse
(V∞ − u) en se déplaçant selon l’équation horaire x = V∞ t et en observant le fluide par
une fenêtre de largeur ∆x. L’analogie avec la diffusion de la chaleur représentée sur la
moitié inférieure de la figure apparaît alors clairement. Elle se comprend sur une base
plus rigoureuse en reprenant les développements de la section 9.5.1.

10.2 Nombre de PRANDTL d’ordre unité


Compte tenu de la section 10.1.4, il y a tout lieu de penser que lorsque le nombre de
Prandtl est d’ordre unité, les couches limites dynamique et thermique ont une épaisseur
du même ordre notée δ. Ceci peut se vérifier en écrivant l’équation d’énergie en variables
de couche limite dynamique, dans le cadre de l’approximation du plan tangent. Le système
de coordonnées est donc le même que celui retenu au sous-chapitre 9.3 et il comporte une
10.3. NOMBRE DE PRANDTL TRÈS INFÉRIEUR À UN 94

abscisse curviligne x, tracée sur la paroi, et une coordonnée normale y, orthogonale à la


paroi.

Les échelles de la couche limite dynamique sont


les suivantes : P∼1
y V∞
x = L x̄, y = R−1/2 L ỹ,
u = V∞ ũ, v = R−1/2 V∞ ṽ, δth
δdy
auxquelles il faut adjoindre : T = T∞ + (δT ) Te. x
T∞ Tp
Compte tenu de (voir section 9.4.1) :
 
R −1/2 ∂ ũ 1 ∂ ũ
V∞  ∂ x̄ 2 ∂ ỹ  V∞2  ∂ ũ 2
D ≃ R1/2  ∂ ũ ∂ṽ  =⇒ 2µ D : D ≃ R ,
L 1
R −1/2 L2 ∂ ỹ
2 ∂ ỹ ∂ ỹ
et après avoir négligé la dérivée longitudinale du laplacien, l’équation d’énergie s’écrit :
∂ Te ∂ Te 1 ∂ 2 Te  ∂ ũ 2
ũ + ṽ = + E .
∂ x̄ ∂ ỹ P ∂ ỹ 2 ∂ ỹ
On constate que si P = O {1}, la conduction qui est négligeable à l’échelle extérieure
devient, avec ces nouvelles variables, du même ordre que la convection.
Par ailleurs, l’échauffement dû aux frottements visqueux est beaucoup plus important
(facteur R) qu’à l’échelle extérieure. L’échelle de température associée est obtenue en
posant E = 1 de façon que la chaleur produite puisse être évacuée par convection et
diffusion et prend pour valeur : (δT ) = V∞2 /c. Ce mode de production de chaleur peut alors
jouer un rôle non négligeable.
Commentaire Une couche limite thermique met bien en évidence la physique
fondamentale de ce type d’écoulement qui est :
convection ∼ diffusion.
La chaleur injectée dans le fluide au niveau de la
paroi progresse dans la direction des y et échauffe
les couches de fluide de ce voisinage. Mais simul- y Convection
tanément, ces couches chaudes sont embarquées
par la convection dans le sens des x et ce avec
un efficacité de plus en plus grande puisque la vi-
tesse augmente en même temps que la distance à Diffusion
la paroi. La distance à partir de laquelle toute la x
chaleur a été embarquée est l’épaisseur de couche
limite thermique. On comprend alors que cette
quantité soit une fonction croissante de l’abscisse
car il y a de plus en plus de chaleur à évacuer.

10.3 Nombre de PRANDTL très inférieur à un


Les fluides dont le nombre de Prandtl est très inférieur à un sont caractérisés par une
faible viscosité et une forte conductivité ; typiquement, il s’agit de métaux liquides comme
le mercure ou le sodium.
Contrairement à la couche limite dynamique où R ≫ 1 et joue ce rôle, le petit paramètre
est le nombre de Péclet : Pe = PR ≫ 1 car il est placé devant la dérivée d’ordre le plus
COUCHE LIMITE LAM. THERM. : CONVECTION FORCÉE 95

élevé ∆T . Introduisons une variable adaptée à cette couche limite : y = δth ŷ. Il faut
déterminer δth de façon que la conduction soit du même ordre que la convection. Ceci
étant, il faut exprimer les composantes de la vitesse dans ce nouveau système de variables :
 δ   δ 
th th
u = V∞ ũ x̄, ŷ et v = R−1/2 V∞ ṽ x̄, ŷ .
δdy δdy
Primo, par définition de ũ et ṽ, ces fonctions ex-
hibent des variations d’ordre unité lorsque leurs y P ≪1
variables sont elles mêmes d’ordre unité, secundo, V∞
l’analogie de la section précédente suggère que la
valeur cherchée soit telle que 5 : δth ≫ δdy , tertio, δth
δdy
la couche limite thermique est une région telle que x
ŷ = O {1}. Au terme de ces observations, on s’at- T∞ Tp
tend donc à ce que la variable transversale prenne
des valeurs très supérieures à l’unité (δth ≫ δdy ) et que, en première approximation, ũ et
ṽ soient assimilables à leur valeur asymptotique, i.e. celle qu’elles prennent dans la région
de fluide parfait :
 δ   δ 
th th
u = V∞ ū x̄, ŷ et v = V∞ v̄ x̄, ŷ .
L L
Bien que la couche limite thermique soit supposée très épaisse devant la couche limite dy-
namique (δth ≫ δdy ), elle reste très mince à l’échelle extérieure (Pe ≫ 1) et les expressions
précédentes peuvent donc être développées en série de Taylor :
∂u V∞  ∂ ū 
u = V∞ ū(x̄, 0) + . . . = V∞ ūe (x̄), = ,
∂y L ∂ ȳ |0
h δth ∂v̄ i δth dūe
v = V∞ v̄(x̄, 0) + (x̄, 0) ŷ + . . . = −V∞ ŷ.
L ∂ ȳ L dx̄
En posant 6 T = T∞ + (δT ) Tb, l’équation d’énergie s’écrit :

(δT ) ∂ Tb δth (δT ) dūe ∂ Tb


V∞ ūe − V∞ ŷ
L ∂ x̄ L δth dx̄ ∂ ŷ
(δT )  δth
2
∂ 2 Tb ∂ 2 Tb  ν V∞2  ∂ ū 2
=α 2 + + ,
δth L2 ∂ x̄2 ∂ ŷ 2 c L2 ∂ ȳ |0
soit :
∂ Tb dūe ∂ Tb L2 α  δth
2
∂ 2 Tb ∂ 2 Tb  ν V∞2  ∂ ū 2
ūe − ŷ = 2 + + ,
∂ x̄ dx̄ ∂ ŷ δth V∞ L L2 ∂ x̄2 ∂ ŷ 2 V∞ L c(δT ) ∂ ȳ |0
Après avoir noté une simplification automatique dans le laplacien, on constate que pour
faire en sorte que la convection soit du même ordre de grandeur que le terme dominant de
la diffusion, il faut poser :

δth /L = Pe −1/2 ⇐⇒ δth /δdy = P −1/2 ≫ 1,


5. On dit également que « la portée de la diffusion de la chaleur est très supérieure à celle des forces
de frottement visqueux ».
6. On pourrait être tenté de poser T = Tp (x) + (δT ) Tb, mais ce choix serait incorrect car, par définition,
une échelle (niveau de référence ou variation) est obligatoirement une constante positive ; sinon, il s’agit
d’un véritable changement de fonction.
10.4. NOMBRE DE PRANDTL TRÈS SUPÉRIEUR À UN 96

expression cohérente avec l’hypothèse. Si, par ailleurs, nous faisons l’hypothèse d’une dis-
sipation visqueuse négligeable, soit : (ν/V∞ L){V∞2 /[c(δT )]} = E/R ≪ 1, le dernier terme
de l’équation disparaît ainsi que l’échelle de température et la première approximation de
l’équation d’énergie s’écrit :

∂ Tb dūe ∂ Tb ∂ 2 Tb
ūe − ŷ = .
∂ x̄ dx̄ ∂ ŷ ∂ ŷ 2

L’échelle (δT ) ne peut donc provenir que des conditions aux limites :

ŷ = 0, Tb = (Tp − T∞ )/(δT ) ; ŷ → ∞, Tb → 0.

Posons Tp = Tp0 + (δTp ) T̄p (x̄) où toutes les quantités sont connues puisque Tp (x) est une
donnée ; deux cas se présentent :

• Tp0 ≫ (δTp ) =⇒ (δT ) = Tp0 − T∞ =⇒ Tb(x̄, 0) = 1,


• Tp0 ≪ (δTp ) =⇒ (δT ) = (δTp ) =⇒ Tb(x̄, 0) = T̄p (x̄).

Ce dernier résultat achève la résolution du problème au sens des ordres de grandeur.

10.4 Nombre de PRANDTL très supérieur à un


Cette configuration correspond à des fluides
très visqueux et peu conducteurs de la chaleur tels y P ≫1
V∞
que les hydrocarbures ou le verre fondu. D’après
ce qui précède, on s’attend donc à ce que la portée δdy
de la diffusion thermique δth soit très inférieure à
δth
celle de la diffusion de la quantité de mouvement : x
δdy ≫ δth . La variable transversale adaptée est T∞ Tp
formellement identique à celle du cas précédent :
y = δth ŷ et se trouve reliée aux autres par les expressions :

y = L ȳ = δdy ỹ = δth ŷ où δdy = R−1/2 L.

De façon analogue, la température s’adimensionnalise par T = T∞ + (δT ) Tb.


Nous disposons alors des changements de variables permettant de passer de la formu-
lation de l’équation d’énergie établie au sous-chapitre 10.2 à celle dont nous avons besoin :
 δ  ∂ Tb  δ  δ ∂ Tb 2
1 δdy ∂ 2 Tb
2 h
δdy ∂ ũ  δth i2
th th dy
ũ x̄, ŷ + ṽ x̄, ŷ = 2 ∂ ŷ 2 + E 2 x̄, ŷ .
δdy ∂ x̄ δdy δth ∂ ŷ P δth δth ∂ ŷ δdy

Puisque δth ≪ δdy , le terme de convection est négligeable devant la conduction. Or, lorsque
ŷ → 0, on a ũ → 0 et ṽ → 0, et la dissipation visqueuse reste isolée. Ceci est impossible
car la chaleur produite doit être évacuée, sans quoi le problème serait instationnaire du
fait de l’accumulation. Mathématiquement, la dissipation est strictement positive puisque
le gradient de vitesse est une donnée non nulle et elle ne peut donc être égale à zéro. Nous
avons donc clairement une singularité à la paroi, mais elle peut être levée si on remarque
que, la convection tendant vers zéro au voisinage de la paroi, contrairement à la conduction,
il existe nécessairement un voisinage où ces deux modes de transport de la chaleur sont du
même ordre.
COUCHE LIMITE LAM. THERM. : CONVECTION FORCÉE 97

L’explication vient de ce que, par hypothèse (δth ≪ δdy ) le champ de vitesse peut être
développé en série de Taylor ; en effet, la couche limite thermique étant une sous-couche
de la couche limite dynamique, nous n’avons besoin que de l’expression du champ de vitesse
près de la paroi, région où il tend vers zéro :
 δ  δth  ∂ ũ  δth
th
ũ x̄, ŷ = ũ(x̄, 0) + ŷ + ... = ŷ τ̃p (x̄) + . . .
δdy δdy ∂ ỹ |0 δdy
 δ  δth  ∂ṽ  δ2  ∂ 2 ṽ  2
th 1 δth 2 ∂ τ̃p
ṽ x̄, ŷ = ṽ(x̄, 0) + ŷ + 21 2th ŷ 2 + . . . = − 2 δ 2 ŷ ∂ x̄ + . . .
δdy δdy ∂ ỹ |0 δdy ∂ ỹ 2 |0 dy

où on a posé : (∂ ũ/∂ ỹ)|0 = τ̃p (x̄). L’équation d’énergie s’écrit maintenant :


3  
δth ∂ Tb 1 2 ∂ τ̃p ∂ Tb 1 ∂ 2 Tb 2
δth 2
3 ŷ τ̃ p − 2 ŷ = + E 2 τ̃p ,
δdy ∂ x̄ ∂ x̄ ∂ ŷ P ∂ ŷ 2 δdy

où, pour préserver l’équilibre fondamental convection ∼ diffusion, il faut poser :

δth /δdy = P −1/3 ⇐⇒ δth /L = R−1/2 P −1/3 .

La forme finale de l’équation d’énergie est donc la suivante :


 (

 1,
∂ Tb 1 2 ∂ τ̃p ∂ Tb ∂ 2 Tb 1/3 2
ŷ = 0, Tb =
ŷ τ̃p (x̄) − 2 ŷ = + P E τ̃p avec T̄p (x̄).
∂ x̄ ∂ x̄ ∂ ŷ ∂ ŷ 2 

ŷ → ∞, Tb → 0.
Complément La formulation de la condition de raccord et le comportement de
Tb à l’infini peuvent être précisés. Considérons l’équation ci-dessus écrite en variables
de couche limite dynamique, ce qui équivaut à faire tendre ŷ vers l’infini :
δdy ∂ Tb 1 δdy 2 ∂ τ̃p ∂ Tb δ 2 ∂ 2 Tb
ỹ τ̃p (x̄) −2 ỹ = 2th + P 1/3 E τ̃p2 .
δth ∂ x̄ δth ∂ x̄ ∂ ỹ δdy ∂ ỹ 2

et supposons un comportement de la forme Tb(x̄, ŷ) = θ0 (x̄) ỹ n + . . . :


dθ0 ∂ τ̃p 1
ỹ 1+n τ˜p (x̄) − 21 n ỹ 1+n θ0 = n(n − 1) θ0 (x̄)ỹ n−2 + E τ̃p2 .
dx̄ ∂ x̄ P
En raison du facteur P −1 , le terme de conduction est négligeable et pour que les deux
termes du premier membre restent bornés, il faut poser n = −1 de sorte que l’équation
s’écrit enfin :
dθ0 ∂ τ̃p d 1/2 
τ˜p (x̄) + 1
θ0 = E τ̃p2 ⇐⇒ τ̃ θ0 = E τ̃p3/2 .
dx̄ 2 ∂ x̄ dx̄ p
Cette équation différentielle s’intègre à partir de x̄ = 0, abscisse du point d’arrêt où
τ̃p et θ0 sont nuls.

10.5 Définitions
10.5.1 Température d’arrêt
C’est une notion qui n’a d’intérêt que dans les écoulements où la dissipation visqueuse
est significative. Elle est notée :

Ti = T + V 2 /(2c),
10.5. DÉFINITIONS 98

où V est le module de la vitesse locale. C’est donc une quantité définie en tout point de
l’écoulement, quelle que soit la région considérée : fluide parfait, couche limite dynamique
ou thermique.
C’est la température qu’atteindrait le fluide en un point si on ajoutait à la température
locale l’élévation de température qui résulterait de la transformation de toute l’énergie
cinétique locale en chaleur.
Cette élévation de température est négligeable dans le cas des liquides mais peut être
significative dans le cas de gaz s’écoulant à grande vitesse :
⊲ liquide : V ∼ 10 m/s, c ∼ 4 kJ/(kg · K) → V 2 /(2c) ∼ 1,25 · 10−2 K ;
⊲ gaz : V ∼ 100 m/s, c ∼ 0,6 kJ/(kg · K) → V 2 /(2c) ∼ 8,3 · 10−2 K.

10.5.2 Paroi athermane


On rappelle que dans ce cas, la condition à la paroi est : ϕp = k(∂T /∂y)|0 = 0 où y
désigne la distance normale à un point de la paroi. Cette condition est suffisante pour procé-
der à l’intégration de l’équation d’énergie ; mathématiquement, elle est nommée condition
de Neumann. Physiquement, ce cas se produit lorsque la conductivité thermique de la
paroi est très faible devant celle du fluide : ks ≪ k.

Température de frottement Parmi les résultats de l’intégration de l’équation d’énergie


figure la température de paroi qui, par définition, s’appelle température de frottement et est
notée Tf (x). Cette notion n’a de sens que pour une paroi athermane. Elle est adimensionnée
par un changement de variable affine :

Tf (x) = T∞ + (δTf ) Tef (x̄),

où (δT ) est évalué en exprimant que la dissipation visqueuse est la seule source de chaleur
du problème :
⊲ P ≪ 1 : (δTf ) = V∞2 /(c R) ;
⊲ P ∼ 1 : (δTf ) = V∞2 /c ;
⊲ P ≫ 1 : (δTf ) = P 1/3 V∞2 /c.

Facteur de récupération pariétale Il s’écrit :

r = (Tf − Te )/(Tie − Te ),

où l’indice « e » indique une grandeur évaluée à l’extérieur de la couche limite. Du fait que,
dans tous les cas, les frottements produisent de la chaleur, Tf > Te = T∞ . D’autre part,
d’après la définition de la température d’arrêt : Tie = Te + u2e /(2c). La différence Tie − T∞
est donc l’accroissement de température qui serait observé si toute l’énergie cinétique de
l’écoulement extérieur était transformée en chaleur. Le facteur de récupération peut encore
être introduit sous la forme :

Tf = T∞ + r u2e /(2c).

Il donne la proportion d’énergie cinétique extérieure qu’il faudrait transformer en chaleur


pour faire passer la température du fluide de T∞ à Tf > T∞ . Il n’y a a priori aucune raison
pour qu’il soit égal à l’unité et la quantité u2e /(2c) ne sert que d’échelle pour mesurer l’écart
Tf − T∞ dû aux frottements visqueux à la paroi.
COUCHE LIMITE LAM. THERM. : CONVECTION FORCÉE 99

Reportons la définition adimensionnée de la température de frottement :


(δT )
(δTf ) Tef = r u2e /(2c) ⇐⇒ Tef = E r ū2 = Ef r ū2e =⇒ r ∼ 1/Ef ,
(δTf ) e
il s’ensuit :
⊲ P ≪ 1 : r ∼ 1/R ≪ 1, la chaleur diffuse très bien et il n’y a pas un grand écart
entre Tf et T∞ ;
⊲ P ∼ 1 : r ∼ 1;
⊲ P ≫ 1 : r ∼ P 1/3 ≫ 1, la chaleur diffusant mal, elle s’accumule près de la paroi et
Tf ≫ T∞ .

10.5.3 Paroi à température fixée


Cette condition s’écrit : T (x) = Tp (x). Elle est le plus souvent réalisée au contact de
parois métalliques ou, plus généralement, de parois telles que ks ≫ k, de sorte que la
température du solide s’adapte instantanément à celle du fluide. Mathématiquement, une
température imposée est une condition de Dirichlet qui suffit à l’intégration du problème
thermique. La densité de flux ϕp = −k(∂T /∂y)|0 est alors un sous-produit de l’intégration.
Noter que dans ce cas, la définition de la température de frottement doit être modifiée
et cette grandeur doit être présentée comme la température qu’on obtiendrait en un point
de la paroi si cette paroi était athermane ; compte tenu de cet amendement, Tf représente
bien l’effet de la dissipation visqueuse.

Nombre de STANTON ou MARGOULIS Il existe plusieurs façons d’adimensionner


la densité de flux et une formulation adaptée aux problèmes de couche limite est celle
du nombre de Stanton (pour les anglo-saxons) ou nombre de Margoulis (pour les
francophones) :
ϕp (x)
St (x) = Ms (x) =  .
ρ c ue Tp (x) − Tf (x)
Ce nombre — qui n’est pas un paramètre de similitude puisqu’il dépend de x — compare
la densité de flux de chaleur transmise par conduction à celle transportée par convection,
à la vitesse ue . On remarque que l’écart de température Tp − Tf est l’écart de température
dans l’échange puisque, lorsque la paroi est athermane et qu’il n’y a pas d’échange, Tp = Tf
et on a une forme indéterminée (0/0) dont la limite dépend du problème traité.
Dans les cas où il se produit un transfert de chaleur, le plus souvent, l’accroissement
de température dû aux frottements est négligeable et Tf ≃ T∞ , de sorte qu’on a :
ϕp
St = Ms =  .
ρ c ue Tp − T∞

Coefficient de transfert Les thermiciens ne se sont jamais remis de ne pas disposer


de l’équivalent de la loi d’Ohm des électriciens, et se sont donc donnés le coefficient de
transfert h qui permet de relier la densité de flux à l’écart de température :
ϕp = h(Tp − Tf ).

Mais, en toute rigueur, h est une fonction de l’écoulement et des écarts de température,
si bien qu’en fait, même si c’est souvent le cas, en première approximation, la relation
ci-dessus n’est pas linéaire.
10.6. RECHERCHE DE SOLUTIONS SEMBLABLES 100

De façon analogue au nombre de Stanton, lorsque le transfert de chaleur est dominant


relativement à l’apport des frottements, on écrit plutôt :

ϕp = h(Tp − T∞ ).

On remonte de la densité de flux au flux par une intégrale de surface sur la paroi où
s’effectue la transfert de chaleur :
Z
Φ= ϕp dS.
S

La pratique industrielle ne s’embarrasse pas fréquemment de grandeurs locales et, étant


donné un écart de température moyen Tpm − T∞ , elle s’appuie sur la définition ci-dessus
pour définir un coefficient de transfert moyen :
 
hm = Φ/ (Tpm − T∞ )S .

Nombre de NUSSELT Une autre formulation du transfert de chaleur procède directe-


ment d’une transposition dimensionnelle. Étant donné que la densité de flux de chaleur ϕp a
la même dimension que le groupement k ∆T /L (voir la loi de Fourier), on peut construire
un paramètre sans dimension, nommé nombre de Nusselt, de la manière suivante :
ϕp x hx
Nu = = = PMs (x) R(x)
k(Tp − Tf ) k
ue x h
où R(x) = et Ms (x) = .
ν ρ c ue
Du point de vue des ordres de grandeurs, la densité de flux étant correctement jaugée
par k(Tp − Tf )/δth , il s’ensuit que N u ∼ x/δth ≫ 1.

10.6 Recherche de solutions semblables


On se propose ici de trouver une solution analytique à l’équation d’énergie. En raison
de la présence du champ de vitesse dans cette équation, il faut généraliser au problème
thermique un cas de figure dans lequel il est déjà connu. Bien entendu, pour un exposé
académique, on se limite à l’écoulement connu le plus simple possible, c’est-à-dire la couche
limite de Blasius (voir section 9.2.3) et, de surcroît, on se restreint au cas de fluides
caractérisés par un nombre de Prandtl d’ordre unité, ce qui représente la majorité des
écoulements industriels.

10.6.1 Solution générale


En faisant usage des échelles de la couche limite dynamique, l’équation d’énergie s’écrit
(voir sous-chapitre 10.2) :

∂ Te ∂ Te 1 ∂ 2 Te  ∂ ũ 2
ũ + ṽ = + E ,
∂ x̄ ∂ ỹ P ∂ ỹ 2 ∂ ỹ
où le champ de vitesse est celui de Blasius :
1 ỹ
ũ = f ′ (η) et ṽ = √ (ηf ′ − f ) où η = √ ,
2 x̄ x̄
COUCHE LIMITE LAM. THERM. : CONVECTION FORCÉE 101

solution du problème :
2f ′′′ + f f ′′ = 0 avec f (0) = f ′ (0) = 0 et f ′ (∞) = 1.
S’il existe une solution semblable, la variable de similitude ne peut être que η. Par
commodité, introduisons la fonction ξ(η) définie par :
Te = 12 E ξ(η),
ce qui permet de réécrire l’équation d’énergie sous la forme :
2ξ ′′ + Pf ξ ′ + 4P(f ′′ )2 = 0,
|{z} | {z } | {z }
conduction convection dissipationvisqueuse

équation qu’il faut résoudre avec les conditions aux limites :


 ′
 paroi athermane : ξ = 0 ;
ξ(∞) = 0, η = 0, Tp − T∞ 2
 paroi isotherme : ξ= = .
2
V∞ /2c E
Cette équation peut se ramener à une équation linéaire du premier ordre en utilisant
l’inconnue auxiliaire : ζ(η) = ξ ′ (η). L’intégration ne présente pas de difficultés et, en
appliquant la méthode de la variation de la constante, on obtient tous calculs faits :
Z ∞ Z τ  Z η
′′ P ′′ 2−P
ξ(η) = 2P [f (τ )] [f (s)] ds dτ + A [f ′′ (τ )]P dτ + B,
η 0 0
Z η
= ξa (η) + A [f ′′ (τ )]P dτ + B.
0
Cette solution générale doit maintenant être adaptée aux deux types de conditions pari-
étales en rappelant que, in fine, dans le cas de la paroi athermane, on cherche la température
de frottement Tf tandis que dans le cas de la paroi isotherme, on cherche la densité de flux
ϕp ou, ce qui revient au même, le coefficient de transfert h alias nombre de Nusselt
N u (x).
Remarque Dans le cas particulier P = 1 et compte tenu de ce que f ′ = ũ, les
intégrales se calculent et on obtient :
ξ(η) = 1 − ũ + A ũ2 + B.

10.6.2 Paroi athermane


On impose ξ ′ (0) = 0, ce qui entraîne A = 0 tandis que ξ(∞) = 0 entraîne B = 0, d’où
la solution particulière :
Z ∞ Z τ 
′′ P ′′ 2−P
ξ(η) = ξa (η) = 2P [f (τ )] [f (s)] ds dτ.
η 0

La valeur de cette solution en η = 0 n’est autre que le coefficient de récupération pariétal


car T (0) s’identifie à la température de frottement puisque la paroi est athermane :
T (0) − T∞
ξa (0) = = r.
V∞2 /2c
La température d’arrêt prend pour valeur :
V∞2 ũ2 V2
Ti = T + = T∞ + ∞ (ξ + ũ2 ).
2c 2c
10.6. RECHERCHE DE SOLUTIONS SEMBLABLES 102


Remarque Pour 0,5 ≤ P ≤ 15, r ≃ P à 1% près. Pour P = 1, on a strictement :
r = 1 − ũ2 et il s’ensuit r = 1 ; on a également : Ti = T∞ + V∞2 /2c = Tie .

On pose Θ = (T − T∞ )/(δT ) = E ξ(η), Θi = (Ti − T∞ )/(δT ) = E ξ(η) et les figures son


tracées pour E = 1. On peut alors vérifier que :

P<1 =⇒ r < 1, P=1 =⇒ r = 1, P>1 =⇒ r > 1.

6 6

5 5
P P=1
4 0,5 4
1 Θ
5 Θi
η 15 η
3 3

2 2

1 1

0 0
0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1
ξ/r Θ, Θi

On constate sur la figure de gauche que, mesurée à l’échelle de la couche limite dynamique,
la couche limite thermique est d’autant plus mince que le nombre de Prandtl est grand.
La figure de droite (P = 1, r = 1) montre que Ti = Tf , mais c’est un cas exceptionnel.

6 6

5 5
P<1 P>1
4 Θ 4
Θ
Θi Θi
η 3 η 3

2 2

1 1

0 0
0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 3.5
Θ, Θi Θ, Θi

La figure de gauche 7 (P < 1, r < 1) correspond au cas où la chaleur diffuse loin de la


paroi si bien que Tf < Ti∞ . Inversement, la figure de droite 8 (P > 1, r > 1) correspond
au cas où la chaleur s’accumule près de la paroi et il s’ensuit Tf > Ti∞ .

7. Pécisément, P = 0,5.
8. Pécisément, P = 10.
COUCHE LIMITE LAM. THERM. : CONVECTION FORCÉE 103

10.6.3 Paroi isotherme


Les conditions aux limites appliquées à la solution générale déterminent un système de
deux équations dont on tire les valeurs des constantes A et B :
Z ∞
ξ(∞) = A [f ′′ (τ )]P dτ + B = 0,
0
ξ(0) = ξa (0) + B = 2/E.

La densité de flux de chaleur, qui est la grandeur physique intéressante s’explicite à


partir de la loi de Fourier :
 ∂T  V∞2 ξ ′ (0)  P
ϕp = k =k √ où ξ ′ (0) = A f ′′ (0) ,
∂y |0 2c δ x̄
f ′′ (0) étant donné par la solution de Blasius. On fait apparaître le coefficient de transfert
à partir de sa définition ϕp = h(Tp − Tf ). Étant données les valeurs des constantes :
Z ∞ −1 Z ∞ −1
′′ P
  ′′ P
A = −B [f (τ )] dτ = ξa (0) − 2/E [f (τ )] dτ ,
0 0
 
où E = V∞2 / c(Tp − T∞ ) et ξa (0) = (Tf − T∞ )/(V∞2 /2c), il vient l’expression de la densité
de flux de chaleur :
Tf − T∞ 2 Tf − Tp
E ξa (0) = 2 , ξa (0) − = 2
Tp − T∞ E V∞ /2c
Z ∞ −1
(Tf − Tp )  ′′ P ′′ P
ϕp = k √ f (0) [f (τ )] dτ ,
δ x̄ 0

soit encore :
r Z −1
 P ∞
V∞
ϕp = k (Tf − Tp ) f ′′ (0) ′′ P
[f (τ )] dτ ,
νx 0

et enfin le nombre de Nusselt :


Z ∞ −1
1/2
 P
N u (x) = R (x) f ′′ (0) ′′
[f (τ )] dτ P
.
0

Résultats numériques L’évaluation des groupements donne :


Z ∞ −1
 ′′ P
f (0) ′′ P
[f (τ )] dτ ≃ 0,332 P 1/3 pour 0,5 ≤ P ≤ 15,
0

soit encore :

N u (x) = 0,332 P 1/3R1/2 (x).

On peut enfin observer que, du point de vue des ordres de grandeur, le choix de l’incon-
nue auxiliaire ξ(η) n’est pas adapté au cas d’une faible dissipation visqueuse : E ≪ 1. Sous
cette condition, les écarts
 de température
sont beaucoup plus importants O {Tp − T∞ }
tandis que Tf − T∞ = O V∞2 /2c . On a donc :

Tf − T∞ = Tp − T∞ − Tp + Tf = Tp − T∞ + O {E} ,
10.6. RECHERCHE DE SOLUTIONS SEMBLABLES 104

et il suffit de remplacer Tf par T∞ dans la définition de h et de Ms (x). De même, la


constante A est formellement identique sous réserve de remplacer Tf par T∞ . L’expression
analytique de la température se simplifie :
  Z η 
V∞2 V∞2 2  ′′ P
T = T∞ + ξ(η) = T∞ + ξa (η) − F (P) f (0) dτ − 1
2c 2c E 0
Z ∞ −1
 ′′ P  1−P 1/3
où F (P) = f (0) dτ ≃ f ′′ (0) P ,
0

soit, finalement :
 Z 
 ′′ 1−P 1/3 η  ′′ P 
T = T∞ + (Tp − T∞ ) 1 − f (0) P f (0) dτ + O V∞2 /2c .
0
Chapitre 11

Épaisseurs de couche limite

Jadis, alors que la notion de développement asymptotique n’existait pas encore, la


définition de l’épaisseur d’une couche limite était empirique. Elle était définie comme la
distance à la paroi pour laquelle la vitesse longitudinale est quasiment égale à la vitesse ue
(0,99 ue , 0,999 ue , etc ?). Ces définitions assez vagues sont maintenant remplacées par des
expressions analytiques dont la valeur exacte est parfaitement définie.

11.1 Épaisseur de déplacement


C’est le déplacement de la paroi de l’obstacle qu’il faut imposer pour que, dans une
description de fluide parfait, le débit de fluide soit identique au débit exact obtenu en
tenant compte de la couche limite sur la géométrie réelle.
En effet, si on fait le calcul du débit en fluide parfait, autour de la géométrie exacte, on
ne tient pas compte du ralentissement de l’écoulement dans la couche limite et on surévalue
le résultat. Il faut donc réduire la section de passage en déplaçant la paroi réelle du côté
de l’écoulement pour qu’un calcul en fluide parfait donne le résultat exact.
Ainsi la figure de gauche indique la surface correspondant au défaut de débit qv dû à
la couche limite et calculé relativement à la paroi réelle :
Z ∞
1/2
qv = U∞ δ (ūe − ũ) dỹ où δ = L/RL .
0

y y

u
δ

δ1

ue ue

alors que la figure de droite représente le même défaut de débit obtenu par déplacement

105
11.2. AUTRES ÉPAISSEURS 106

de la paroi sur la distance δ1 (x) :

qv = ue (x) δ1 (x).

Il s’ensuit :
Z ∞
u
δ1 (x) = δ 1− dỹ. (11.1)
0 ue

L’apport des méthodes asymptotiques est l’interprétation de la borne infinie. En effet,


l’intégrale porte sur la variable intérieure ỹ et l’infini, à cette échelle, est représenté par
la région intermédiaire où les deux approximations se raccordent (couche limite et fluide
parfait).

11.2 Autres épaisseurs


L’épaisseur de déplacement mise en évidence pour le débit de fluide se transpose im-
médiatement au débit de quantité de mouvement, au débit d’énergie cinétique et au débit
d’énergie interne, ce qui conduit à trois nouvelles épaisseurs.

Épaisseur de quantité de mouvement


Z ∞ 
u u
δ2 (x) = δ 1− dỹ. (11.2)
0 ue ue

Épaisseur d’énergie cinétique


Z ∞ 
u u2 
δ3 (x) = δ 1 − 2 dỹ. (11.3)
0 ue ue

Épaisseur d’énergie
Z ∞
u T − Te
δT = δ dỹ. (11.4)
0 ue Tp − Te

Exemple Pour la solution du problème de Blasius (couche limite sur plaque plane sans
gradient de pression), le calcul ne présente aucune difficulté.
Z ∞ Z ∞
1/2 δ1 1/2
RL = (1 − ũ) dỹ = x̄ (1 − f ′ ) dη.
L 0 0

L’intégrale se calcule numériquement et il vient :


r
νx
δ1 = 1,72 .
U∞

Le calcul de l’épaisseur de quantité de mouvement s’effectue de façon analogue :


r
νx
δ2 = 0,664 .
U∞
CHAPITRE 11. ÉPAISSEURS DE COUCHE LIMITE 107

11.3 Méthodes intégrales


Dans les applications, les paramètres intéressants sont des grandeurs globales comme
les épaisseurs vues plus haut ou pariétales comme les coefficients de frottement ou de
transfert, mais assez rarement le détail précis des champs de vitesse et de température.
Ce sont précisément des grandeurs de ce type qui demeurent quand on intègre les
équations de bilan (après une éventuelle pondération) sur l’épaisseur de la couche limite.
Cette opération a pour conséquence d’éliminer la coordonnée y et de reporter les non-
linéarités sur les termes issus du frottement et de la densité de flux de chaleur pariétale.
L’efficacité de ces méthodes résulte de ce que la finesse de la description des grandeurs
locales n’est pas cruciale quant à la précision des grandeurs globales.
Dans ce qui suit, nous nous limitons à l’examen du problème dynamique sachant que
les méthodes présentées se généralisent sans difficultés au problème thermique ainsi qu’à
des problèmes instationnaires.

11.3.1 Équations aux grandeurs globales


Sous forme adimensionnelle, les équations de Prandtl s’énoncent {voir (9.4)} :
∂ ũ ∂ṽ ∂ ũ ∂ ũ dp̄e ∂ 2 ũ
+ = 0, ũ + ṽ =− + 2,
∂ x̄ ∂ ỹ ∂ x̄ ∂ ỹ dx̄ ∂ ỹ
ỹ = 0, ũ = ṽ = 0 et ỹ → ∞, ũ → ūe (x̄).
La première étape consiste à procéder au changement de variable : η = ỹ/∆(x̄) où ∆(x̄) est
une épaisseur sans dimension dont la définition est précisée ultérieurement. Les équations
de Prandtl prennent alors la forme suivante :
∂ ũ ∆′ ∂ ũ 1 ∂ṽ
− η + = 0, (11.5a)
∂ x̄ ∆ ∂η ∆ ∂η
 ∂ ũ ∆′ ∂ ũ  1 ∂ ũ 1 ∂ 2 ũ
ũ − η + ṽ = ūe ū′e + 2 , (11.5b)
∂ x̄ ∆ ∂η ∆ ∂η ∆ ∂η 2
où ∆′ et ū′e sont les dérivées de ∆ et ūe par rapport à x̄. Soit ū = ũ/ūe et introduisons
une fonction de pondération ω(ū) qui sera définie plus loin. La composante transversale ṽ
s’élimine en formant la combinaison :
Z ∞h i
∂ω
(11.5a) + ω (11.5b) dη,
0 ∂ ū
qui s’écrit :
 Z ∞  Z ∞
∂ ′
 ∂ω
ūe ∆ ω ū dη − ∆ ūe 1 − ū2 dη
∂ x̄ 0 0 ∂ ū
 Z ∞ 2  2 
1  ∂ω  ∂ ω ∂ ū
+ + dη = 0, (11.6)
∆ ∂η η=0 0 ∂ ū2 ∂η
où ω doit vérifier les conditions suivantes pour assurer la convergence des intégrales :
η → ∞ : η ω → 0, ∂ω/∂η → 0 et ṽ ω → 0.
Plusieurs méthodes sont alors envisageables qui dépendent du choix de la fonction de
poids :
⊲ ω = 1 − ūn : méthode du type « Pohlhausen » ;
⊲ ω = (1 − ū)n : méthode du type « Dorodnitsyn ».
11.3. MÉTHODES INTÉGRALES 108

11.3.2 Méthode de Pohlhausen


Équation de von Kármán Examinons la forme prise par l’équation aux grandeurs
globales dans les cas n = 1, 2, 3. De façon générale, une épaisseur se définit par l’intégrale :
Z ∞ Z ∞

∆1 = (1 − ū) dη et ∆n = 1 − ūn−1 ū dη, n > 1.
0 0

Il suffit de revenir à une formulation dimensionnée pour retrouver les épaisseurs δ1 , δ2 et


δ3 vues en sections 11.1 et 11.2. On peut alors remarquer les identités suivantes :
Z ∞ Z ∞
∂ω
ω ū dη = ∆n+1 et (1 − ū2 ) dη = n(∆n−1 − ∆n+1 ),
0 0 ∂ ū
ce qui permet d’expliciter l’équation (11.6) pour les deux premières valeurs de n :
d∆2 1  ∂ ū   ∆′ 
ūe = 2 − 2ū′e + ūe ∆2 − ū′e ∆1 , (11.7a)
dx̄ ∆ ∂η 0 ∆
Z ∞  2 
d∆3 2 ∂ ū ′ ∆′ 
ūe = 2 dη − 3ūe + ūe ∆3 . (11.7b)
dx̄ ∆ 0 ∂η ∆
La difficulté inhérente à ce type de méthode apparaît dès la première équations qui contient
deux inconnues 1 : ∆1 et ∆2 . Comme on peut le constater avec la suivante, ajouter des
équations supplémentaires ajoute également des inconnues et le système ainsi construit est
ouvert : il comporte une inconnue en surnombre.
Avant de poursuivre, il convient de donner la formulation dimensionnée de l’équa-
tion (11.7a) de l’intégrale de la quantité de mouvement, écrite avec ∆ = 1, qui est connue
sous le nom d’équation de von Kármán :
τp d 2  due  ∂u 
= ue δ2 + ue δ1 où τp = µ . (11.8)
ρ dx dx ∂y 0
Nous obtenons de la même façon la forme dimensionnée de l’équation (11.7b) de l’intégrale
de l’énergie cinétique :
Z ∞  2
d 3  ∂u
ue δ3 = 2ν dy. (11.9)
dx 0 ∂y
Le système d’équations pose donc un problème de fermeture qui peut être résolu de
plusieurs manières.

Méthode de Holstein et Bohlen C’est la plus ancienne et elle s’appuie uniquement


sur l’équation (11.7a). Les épaisseurs ∆, ∆1 et ∆2 ainsi que la contrainte pariétale (∂ ū/∂η)0
étant inconnues, nous devons fournir trois relations complémentaires. Elles sont obtenues
en fixant arbitrairement la forme du profil des vitesses :

ū = a η + b η 2 + c η 3 + d η 4 pour 0 ≤ η ≤ 1.

Les quatre coefficients dont dépend le polynôme sont alors déterminés par quatre conditions
aux frontières :
η=0 : ū = 0, ∂ 2 ū/∂η 2 = −∆2 ū′e ,
η=1 : ū = 1, ∂ ū/∂η = 0, ∂ 2 ū/∂η 2 = 0,
1. On rappelle que l’épaisseur ∆ a été introduite arbitrairement et, en principe, n’est pas une inconnue.
CHAPITRE 11. ÉPAISSEURS DE COUCHE LIMITE 109

où la seconde et la quatrième sont la formulation de l’équation (11.5b) en η = 0 et η = 1


tandis que la troisième impose d’avoir un frottement nul au raccord avec la région de fluide
parfait. Posons : Λ(x̄) = ∆2 ū′e , il vient :

a = 2 + 16 Λ, b = − 12 Λ, c = −2 + 12 Λ et d = 1 − 16 Λ.

Le profil de vitesse peut alors être mis sous la forme :


(
F (η) = 1 − (1 − η)3 (1 + η),
ū = F (η) + Λ G(η) où
G(η) = 16 η(1 − η)3 ,

ce qui permet d’évaluer les épaisseurs et le frottement en fonction de Λ :

3 Λ 1  37 Λ Λ2   ∂ ū 
∆1 = − , ∆2 = − − et = 2 + 61 Λ.
10 120 63 5 15 144 ∂η 0
Pour fixer les idées, Λ = 0 dans le cas de la plaque plane, Λ = 7,052 pour un point
d’arrêt et Λ = −12 en un point de décollement. Pour Λ > 12, des valeurs telles que ū > 1
apparaissent, situation qui est exclue.
Or, il s’avère que l’inconnue effective de l’équation (11.7a) est le groupement ∆∆2 :
d  ∆1  ′  ∂ ū 
ūe (∆∆2 ) (∆∆2 ) + 2 + ūe (∆∆2 )2 = ∆2 ,
dx̄ ∆2 ∂η 0

ce qui suggère d’introduire l’inconnue auxiliaire K = (∆∆2 )2 ū′e car elle s’exprime en
fonction de Λ, ce qui permet de s’affranchir de ∆ :
  
2 ′ 1 37 Λ Λ2  2
K(Λ) = (∆∆2 ) ūe = − − Λ.
63 5 15 144

Par ailleurs, le facteur de forme H12 = ∆1 /∆2 et le frottement ∆2 (∂ ū/∂η)0 s’expriment


également comme des fonctions de Λ, donc de K ; soit f1 (K) et f2 (K) ces fonctions.
Posons enfin Z = (∆∆2 )2 , il vient :
1
 
2 ūe dZ/dx̄ + 2 + f1 (K) K = f2 (K).
 
Après avoir introduit la notation F (K) = 2f2 (K)−2 2+f1 (K) K, il nous reste le problème
suivant :

dZ/dx̄ = F (K)/ūe , K = ū′e Z.

Bien que passablement épouvantable, le fonction F (K) est une fonction universelle qui
peut être tabulée une fois pour toutes. Il s’avère alors qu’une approximation affine est
satisfaisante : F (K) = a − b K, avec a = 0,470 et b = 6. Dès lors, le problème à résoudre
se simplifie considérablement et devient :
Z x̄
′ ′ a
ūe Z = a − b ūe Z =⇒ Z = b ūb−1 dx̄′ ,
ūe 0 e
soit encore, en revenant aux grandeurs dimensionnées :
Z
ue δ22 0,470 x 5 ′
= ue dx .
ν u5e 0
11.3. MÉTHODES INTÉGRALES 110

11.3.3 Méthode de Dorodnitsyn


La méthode de Holstein et Bohlen est inconsistante du point de vue des méthodes
asymptotiques car elle se fonde sur l’écriture de deux conditions à distance finie de la
paroi, en η = 1. Pour utiliser les termes anglais, il s’agit d’un patching alors que l’appli-
cation correcte des méthodes asymptotiques requiert un raccord c’est-à-dire un matching
(comparaison de deux comportements).
Une étude des propriétés mathématiques des solutions de l’équation de Prandtl
montre que le champ de vitesse se comporte comme une fonction d’erreur complémen-
taire. Plus précisément, on montre que :
Z x̄

ỹ → ∞, ū2e − ū2 ∼ erfc 12 ūe ỹ/φ̄1/2
e où φ̄e (x̄) = ūe dx̄′ .
0
En s’appuyant sur cette propriété, le comportement des différents termes de l’équation
de Prandtl peut alors être jaugé lorsque ỹ → ∞ et l’équilibre des termes dominants
(frottement et inertie) conduit à imposer à l’épaisseur ∆ de vérifier l’équation différentielle
suivante :
d∆2  ∂ ūe 2 
ūe =2 1− ∆ =⇒ ∆2 = 2φ̄e /φ̄′2 e.
dx̄ ∂ x̄
Les calculs montrent alors que ∆ exhibe des variations qui sont voisines de celles de ∆2 .
De façon à contourner le patching, il faut se donner une famille de profils de vitesse
dont le comportement soit conforme à celui indiqué ci-dessus. La solution proposée par
Dorodnitsyn fait appel à la transformation de Crocco : {x̄, η} 7→ {x̄, ū}, ce qui permet
de substituer le domaine fini ū ∈ [0, 1[ au domaine semi-infini η ∈ [0, ∞[. En contrepartie,
cette méthode ne peut s’appliquer qu’à des profils de vitesse strictement croissants.
Compte tenu de la définition de ∆, l’équation (11.6) prend la forme :
Z 1 Z Z 1
∂ φ̄′′e 1 2 ∂ω φ̄′e
ω θ ū dū = ′ (1 − ū ) θ dū − ω θ ū dū
∂ x̄ 0 φ̄e 0 ∂ ū 2φ̄e 0
 Z 1 2 
φ̄′e h ∂ω 1 i ∂ ω dū
− + 2 θ
où θ dū = dη, (11.10)
2φ̄e ∂ ū θ η=0 0 ∂ ū

et peut être explicitée pour plusieurs valeurs de n. Ensuite, la méthode consiste à exprimer
θ et 1/θ sous la forme d’un développement en puissances de ū :

 θ = 1 (a0 + a1 ū + · · · + aP −1 ūP −1 ) où ak = ak (x̄),
1 − ū

1/θ = (1 − ū)(b0 + b1 ū + · · · + bP −1 ūP −1 ) où bk = bk (x̄).
Le facteur 1 − ū présent dans les deux développements est destiné à garantir une décrois-
sance suffisamment rapide lorsque ū → 1.
Les fonctions ak et bk sont alors éliminées au profit des fonctions θk (x̄) = θ(x̄, ūk )
où ūk = k/(P + 1), k = 0, · · · , P . Dans le cas P = 2, on aboutit ainsi (après quelques
calculs. . . ) aux systèmes linéaires :

 1
 
 b 0 = ,

 θ0

 a 0 = θ 0 , 
 9 9 9
a1 = − 29 θ0 + 4 θ1 − 12 θ2 , b1 = − + − ,

 
 2 θ0 θ1 2θ2
9 3
a2 = 2 θ 0 − 6 θ 1 + 2 θ 2 , 

 9 27 27
 b2 = − + .
2 θ0 2 θ1 2 θ2
CHAPITRE 11. ÉPAISSEURS DE COUCHE LIMITE 111

dont on tire l’expression suivante de θ et 1/θ :


 1 h  i

θ= 1 − 29 ū + 29 ū2 θ0 + 2ū(2 − 3ū)θ1 − 12 ū(1 − 3ū)θ2 ,
1 − ū
h   i
 = (1 − ū) 1 − 9 ū + 9 ū2 1 + 9ū 1 − 3 ū 1 − 9 ū(1 − 3ū) 1 .
 1
θ 2 2 θ0 2 θ1 2 θ2

Il reste à écrire l’équation (11.10) pour n = 0, 1, 2 pour obtenir le système différentiel :



 dθ0 φ̄′e  225 234 9  φ̄′′e  67 7  φ̄′e

 = − + − θ 0 + 40 θ 1 − θ 2 − θ0 ,

 dx̄ 2φ̄e θ0 θ1 θ2 φ̄′e 2 2 2φ̄e


 dθ φ̄′  39 51 12  φ̄′′e  67 28 13  φ̄′
1
= e − − − ′ θ0 + θ1 + θ2 − e θ1 ,

 dx̄ 2φ̄e θ0 2 θ1 θ2 φ̄e 12 3 12 2φ̄e



 dθ φ̄ ′  99 120 15  φ̄ ′′  83 52 31  φ̄′

 2 = e − + − − e′ − θ0 − θ1 + θ2 − e θ2 .
dx̄ 2φ̄e θ0 θ1 θ2 φ̄e 6 3 6 2φ̄e

Par exemple, pour démarrer une intégration d’un point d’arrêt, on prendra comme condi-
tions initiales : θ0 = 1/ū′ (0) = 0,811301, θ1 = 1/ū′ (1/3) = 1,074705 et θ2 = 1/ū′ (2/3) =
1,816993, les valeurs numériques étant déduites du profil de vitesse en un point d’arrêt
(voir table 9.1).
Remarque En pratique, le système différentiel indiqué ci-dessus s’avère difficile à
intégrer 2 . Cependant, il existe des méthodes qui substituent une série de polynomes
orthogonaux à la série de puissances de ū et permettent d’atteindre des valeurs de P
beaucoup plus élevées.
Ce système étant intégré, les épaisseurs se calculent par de simples quadratures :
Z 1 Z 1
∆1 (x̄) = (1 − ū)θ(x̄, ū) dū ∆n (x̄) = (1 − ūn−1 )θ(x̄, ū)ū dū,
0 0

tandis que le profil de vitesse requiert l’intégration de l’équation différentielle :

∂ ū/∂η = 1/θ,

la valeur du frottement étant donnée par : (∂ ū/∂η)0 = 1/θ0 .

11.4 Compléments
11.4.1 Effet du déplacement
Le calcul de l’épaisseur de déplacement δ1 (x) est la première étape du calcul de la cor-
rection qu’il faut apporter à la solution de fluide parfait pour tenir compte de la présence
de la couche limite. Incidemment, l’examen de cette question permet aussi de comprendre
pourquoi il n’est pas nécessaire d’expliciter une condition de raccord pour la vitesse trans-
versale v. C’est une question générale mais, par souci de simplicité, nous nous restreignons
au cas de la couche limite sur plaque plane sans gradient de pression.
L’objectif est de montrer que pour le fluide parfait, tout se passe comme si la plaque
plane était remplacée par un obstacle d’épaisseur ε δ1 où ε = R−1/2 et δ1 est l’épaisseur de
déplacement.
2. Système « raide ».
11.4. COMPLÉMENTS 112

Replacée dans le formalisme académique des méthodes asymptotiques, la solution de


fluide parfait s’écrit :
   
u = U∞ 1 + µ(ε) ū1 + . . . et v = U∞ µ(ε) v̄1 + . . . ,

où µ(ε) ≪ 1 est la une fonction de jauge représentative de la perturbation due à la couche


limite. On rappelle qu’en première approximation, la solution de fluide parfait s’identifie à
l’écoulement uniforme incident.
Par ailleurs, dans la couche limite, on sait que les mêmes composantes de la vitesse
sont jaugées de la manière suivante :

u = U∞ (ũ + . . .) et v = R−1/2 U∞ (ṽ + . . .).

Le raccord des deux aproximations de v s’écrit :


  −1/2 
dév µ(ε)v̄1 +. . . = dév RL ṽ +. . . =⇒ µ(ε) = R−1/2 et v̄1 (x̄, 0) = ṽ(x̄, ∞),
ȳ→0 ỹ→∞

en anticipant sur le fait que la limite commune des deux fonctions v̄1 et ṽ est bornée. La
valeur limite ṽ(x̄, ∞) est déterminée par la√solution de Blasius (première approximation
du problème de couche limite) : ṽ = (1/2 x̄)(ηf ′ − f ) mais peut aussi être évaluée par
intégration de l’équation de conservation de la masse :
Z ∞ Z ∞
∂ṽ ∂ ū ∂ ũ d dδ˜1
=− =⇒ ṽ(x̄, ∞) = − dỹ = (1 − ũ) dỹ = .
∂ ỹ ∂ x̄ 0 ∂ x̄ dx̄ 0 dx̄

La correction de l’approximation extérieure est d’ordre R−1/2 , terme qui ne peut pas
provenir des forces de frottement qui, à cette échelle sont d’ordre R−1
L (coefficient des forces
de frottement des équations de Navier-Stokes). Il existe donc une fonction potentiel ϕ̄1
telle que :

ū1 = ∂ ϕ̄1 /∂ x̄ et v̄1 = ∂ ϕ̄1 /∂ ȳ,

qui vérifie la condition : v̄1 (x̄, 0) = dδ̃1 /dx̄ qui est celle qu’il faudrait appliquer pour
−1/2
résoudre l’écoulement de fluide parfait linéarisé autour d’un profil d’épaisseur ȳ = RL δ˜1 ,
ce qui justifie le nom d’épaisseur de déplacement donné à δ1 puisque tout se passe comme
si la paroi était déplacée de cette épaisseur.
Commentaire Sans anticiper sur son ordre de grandeur, v̄ aurait dû être développé
comme ū (même échelle de vitesse dans les deux directions de l’espace), soit : v̄ =
v̄0 + ε v̄1 + . . . Alors, le raccord établi plus haut aurait montré que v̄0 (x̄, 0) = 0,
relation qui n’est rien d’autre que la condition de glissement déjà appliquée pour
établir la première approximation de fluide parfait. Ainsi, il est inutile d’écrire une
condition de raccord pour v car elle est implicitement contenue dans la condition de
glissement.

11.4.2 Singularité de bord de fuite


En raison du caractère parabolique des équations de Prandtl (voir sous-chapitre 9.5),
interrompre une plaque plane à une distance L du bord d’attaque BA ne modifie pas la
solution de Blasius valable a priori pour une plaque plane semi-infinie. Néanmoins, la
discontinuité de frottement qu’on crée ainsi est à l’origine d’une singularité de bord de
fuite (BF ). Rappelons que le voisinage du bord d’attaque (BA) est une région singulière
CHAPITRE 11. ÉPAISSEURS DE COUCHE LIMITE 113

d’échelle λa = ν/U∞ (voir section 9.2.1 où λa est noté λ) décrite par les équations de
Navier-Stokes complètes. On se propose d’examiner si il en va de même pour le bord
de fuite.
Désignons par λf un voisinage du bord de
fuite et posons : x̄ = 1+(λf /L) x̂ et ỹ = (λf /δ) ŷ, y
avec λf ≪ L. Le nombre de Reynolds local Rδ V∞
prend donc la valeur :
λa λf
U∞ δ U∞ L 1/2
Rδ = = 1/2
= RL ≫ 1, x
ν νRL
BA L BF
ce qui montre que les forces de frottement vis-
queux sont négligeables devant les forces d’iner-
tie et que ce voisinage doit être traité en approximation de fluide parfait.
La région examinée étant caractérisée par une discontinuité des forces de frottement, ce
type d’effort doit figurer dans les équations du mouvement et la dimension de cette région
doit donc être plus petite que l’épaisseur locale de la couche limite, soit λf ≪ δ et se trouve
donc incluse à l’intérieur de la couche limite. La recherche de la valeur correcte de λf doit
alors tenir compte du fait qu’au voisinage de la paroi, les vitesses tendent vers zéro, ce qui
se traduit par un développement de Taylor :
  λf ∂ ũ
ũ 1 + (λf /L) x̂, (λf /δ)ŷ = ũ(1, 0) + ŷ (1, 0) + . . .
δ ∂ ỹ
  λf ∂ṽ  λ 2 ∂ 2 ṽ
f
ṽ 1 + (λf /L) x̂, (λf /δ)ŷ = ṽ(1, 0) + ŷ (1, 0) + 21 ŷ 2 2 (1, 0) + . . .
δ ∂ ỹ δ ∂ ỹ

Les valeurs pariétales étant connues :

∂ṽ ∂ ũ
ũ(1, 0) = ṽ(1, 0) = 0 et (1, 0) = − (1, 0) = 0,
∂ ỹ ∂ x̄

on constate que le terme prépondérant se trouve dans la séquence ũ, ce qui fournit la jauge
de la vitesse locale ainsi que la valeur du nombre de Reynolds :
2 λ2f 3/2
λf λf 1/2 U∞ L λf 1/2
Uf = U∞ = U∞ R =⇒ Rλf = R = R .
δ L L ν L2 L L2 L
Ce nombre de Reynolds Rλf devant être d’ordre unité de façon que les forces de frotte-
ment soient du même ordre que les forces d’inertie, nous en tirons la valeur de l’échelle de
longueur λf :
y
−3/4 −1/4 V∞ FP
λf /L = RL =⇒ λf /δ = RL ≪ 1.

F Ploc
CL
Par conséquent, dans un voisinage du BF x
−3/4
d’échelle λf = L RL , il faut résoudre les équa- BA L BF
tions de Navier-Stokes complètes.
Résumé
⊲ Zone F P : x = L x̄, y = L ȳ, zone extérieure, approximation de fluide parfait.
⊲ Zone CL : x = L x̄, y = δ ỹ, zone intérieure, approximation de couche limite.
11.4. COMPLÉMENTS 114

⊲ Zone BA : x = λa x∗ , y = λa y∗ , zone intérieure, équations de Navier-Stokes


complètes.
⊲ Zone F Ploc : x = L + δ x̂∗ , y = δ ỹ, zone intérieure, approximation de fluide parfait,
région non significative.
⊲ Zone BF : x = L + λf x̂, y = λf ŷ, zone intérieure, équations de Navier-Stokes
complètes.
Remarque On peut aussi vérifier que le développement de Taylor de ũ et ṽ rela-
tivement à la variable x aurait apporté une contribution négligeable et pouvait être
ignoré, ce qui a été fait par anticipation.
Chapitre 12

Couche limite laminaire thermique :


convection naturelle

On désigne sous le nom de « convection libre » ou « convection naturelle », un mouve-


ment induit par les forces de gravité résultant d’un gradient de masse volumique lui-même
dû à un échauffement localisé du fluide. Un tel mouvement est qualifié de « naturel » dans
le sens où il ne requiert aucune machine (pompe ou soufflante) pour se mettre en place.
Généralement, la masse volumique ρ décroît avec la température et, par suite, le fluide
chaud, étant plus léger que le fluide froid, s’élève, étant remplacé par du fluide froid. Il en
résulte le plus souvent un écoulement avec recirculation, formant une ou plusieurs cellules.

12.1 Approximation de BOUSSINESQ

On considère un obstacle porté à la température cons-


tante Tp . Il est plongé dans un fluide au repos à l’infini p∞ (z) z
(V∞ = 0) où règnent la température constante T∞ et la
pression piézométrique pg∞ = p∞ (z) + ρ∞ gz = cste, ρ∞
étant la masse volumique du fluide sous ces conditions. g
On suppose que les variations de température et de pres- Tp
sion sont « suffisamment » 1 faibles pour linéariser l’équa-
tion d’état : T∞ ρ∞ V∞ = 0
p = p∞ + (δp) p̄ où (δp)/p∞ ≪ 1
T = T∞ + (δT ) T̄ où (δT )/T∞ ≪ 1
h (δT ) T∞  ∂ρ  (δp) p∞  ∂ρ  i
ρ = ρ∞ + (δρ) ρ̄ = ρ∞ 1 + T̄ + p̄ + . . . .
T∞ ρ∞ ∂T ∞ p∞ ρ∞ ∂p ∞
À titre indicatif, examinons les valeurs prises par les coefficients thermoélastiques dans
le cas d’un gaz parfait :

 ∂ρ ρ T∞  ∂ρ 

 = − =⇒ β̄ = − = 1,
∂T T ρ∞ ∂T ∞
ρ = p/rT

 ∂ρ ρ p∞  ∂ρ 
 = =⇒ χ̄ = = 1.
∂p p ρ∞ ∂p ∞
1. Le sens de cet adverbe dépend évidemment de la nature chimique du fluide et sa validité doit être
vérifiée numériquement.

115
12.2. FORMULATION ADIMENSIONNELLE 116

Dans le cas d’un liquide, à moins de se trouver en présence d’ondes acoustiques, la com-
pressibilité isotherme est complètement négligeable et on peut adopter le modèle du fluide
dilatable : ρ = ρ(T ). Alors, l’expérience montre que le coefficient χ est de l’ordre du
dixième, voire du centième.
Donc, dans les deux cas, on peut admettre que les ordres de grandeurs des termes du
développement de l’équation d’état sont déterminés par les jauges des variations de tempé-
rature et de pression. Dans ces conditions, nous nous proposons d’étudier des écoulements
pour lesquels les hypothèses suivantes sont vérifiée :

(δp) (δT ) h (δT ) i


≪ ≪1 =⇒ ρ = ρ∞ 1 − β̄ T̄ + . . . où β̄ ∼ 1, (12.1)
p∞ T∞ T∞

écoulements dans lesquels les variations de masse volumique sont essentiellement dues aux
variations de température. Certains aspects de ces hypothèses dépendent de la nature
chimique du fluide considéré et il convient de les vérifier lors d’un nouveau calcul, surtout
si les conditions de température et de pression s’écartent beaucoup des conditions standard.
Lors de l’établissement d’une formulation adimensionnelle générale, il n’y a pas lieu
de distinguer les directions de l’espace et on pose x = L x̄, y = L ȳ et z = L z̄. De façon
analogue, on retient la même échelle U0 pour les trois composantes de la vitesse et la dérivée
particulaire s’écrit : d/dt = (U0 /L) d/dt̄. Enfin, l’échelle de température est une donnée et
on a (δT ) = |Tp − T∞ |.
On se propose maintenant de déterminer la première approximation des équations du
mouvement, masse, quantité de mouvement et enthalpie, telle qu’elle résulte de l’hypo-
thèse (12.1) et de l’adimensionnalisation générale définie ci-dessus. La masse volumique
étant a priori fonction de la température et de la pression, il faut prendre pour base les
équations de la Mécanique de Fluides compressibles. Cette approximation est connue sous
le nom d’approximation de Boussinesq.

12.2 Formulation adimensionnelle


12.2.1 Conservation de la masse
On écrit le bilan (2.4)} :


+ ρ divV = 0,
dt
U0 d h (δT ) i h (δT ) iU
0
=⇒ 1− β̄ T̄ + . . . + 1 − β̄ T̄ + . . . divV̄ = 0,
L dt̄ T∞ T∞ L
(δT ) dT̄
=⇒ div V̄ ≃ β̄ ≃ 0.
T∞ dt̄

12.2.2 Conservation de la quantité de mouvement


Par souci de simplicité, nous admettons que la viscosité dynamique µ ne dépend pas de
la température ; cette hypothèse restrictive ne comporte pas de singularité cachée car tenir
compte des variations de µ conduirait simplement à l’étude d’une perturbation régulière.
La pression étant mise sous la forme : p = pg∞ − ρ∞ gL z̄ + (δpg ) p̄g , l’équation de
COUCHE LIMITE LAM. THERM. : CONVECTION NATURELLE 117

Navier-Stokes (3.7) s’écrit (cas d’un gaz) :

dV 
ρ = ρ g − ∇p + µ div − 23 divV I + 2D ,
dt
h (δT ) i U 2 dV̄ h (δT ) i
=⇒ ρ∞ 1 − β̄ T̄ + . . . 0 =− 1− β̄ T̄ + . . . ρ∞ g ez + ρ∞ g ez
T∞ L dt̄ T∞
(δpg ) µ  U0 
2 U0
− ∇ g p̄ + div − 3 L div V̄ I + 2 D̄ ,
L L L
dV̄ (δT ) gL (δpg ) µ h (δT ) dT̄ i
2
=⇒ = β̄ T̄ ez − ∇ gp̄ + div − 3 T β̄ I + 2 D̄ ,
dt̄ T∞ U02 ρ∞ U02 ρ∞ U0 L ∞ dt̄
dV̄ (δT ) gL (δpg ) µ
=⇒ = 2 β̄ T̄ ez − 2 ∇ p̄g + ∆V̄ .
dt̄ T∞ U0 ρ∞ U0 ρ∞ U0 L

Noter que 2 div D = ∆V + ∇(divV ) où apparaît la divergence du champ de vitesse dont


on sait qu’elle est négligeable devant le laplacien.
Outre le nombre de Reynolds R = ρ∞ U0 L/µ et la jauge des variations de pression
(δpg )/(ρ∞ U02 ), parfois nommée nombre d’Euler, il apparaît un nouveau paramètre, le
nombre de Grashof :
(δT ) gL gL β(δT )
G= 2 β̄ = ,
T∞ U0 U02

qui, manifestement, jauge l’intensité des forces de volume résultant du gradient de masse
volumique conséquent de l’échauffement localisé du fluide.

12.2.3 Conservation de l’énergie


Dans le cas d’un fluide dilatable, l’énergie interne n’est pas le potentiel thermodyna-
mique le plus adapté car il fait apparaître cv , chaleur massique à volume constant, alors
qu’il est préférable de faire figurer cp , chaleur massique à pression constante, puisque la
pression est sensiblement constante tandis que le volume est directement lié à la tempé-
rature. Il convient donc de passer par l’intermédiaire de l’enthalpie {voir éqn. (6.9)} où
nous avons admis que la chaleur spécifique cp , la conductivité thermique k et la viscosité
dynamique µ sont constantes :
dT T  ∂ρ  dp 2
ρcp = k∆T − − 3 µ(divV )2 + 2µD : D,
dt ρ ∂T p dt
U0 (δT ) dT̄
=⇒ ρ∞ cp (1 + . . .)
L dt̄
(δT ) U0 (δp) dp̄ 2 U02 U2
= k 2 ∆T̄ + (β̄ + . . .) − 3 µ 2 (divV̄ )2 + 2µ 02 D̄ : D̄,
L L dt̄ L L
dT̄ k µ (δp) dp̄
=⇒ = ∆T̄ + β̄
dt̄ µcp ρ∞ U0 L ρ∞ cp (δT ) dt̄
U02 µ h (δT ) dT̄ i2 U02 µ
− 32 β̄ +2 D̄ : D̄,
cp (δT ) ρ∞ U0 L T∞ dt̄ cp (δT ) ρ∞ U0 L

En raison de l’hypothèse (12.1), il se produit deux simplifications :

(δp) (δp) T∞ p∞ h (δT ) i2


= ≪ 1 et ≪ 1,
ρ∞ cp (δT ) p∞ (δT ) ρ∞ cp T∞ T∞
12.3. ANALYSE PHÉNOMÉNOLOGIQUE 118

et l’équation d’énergie retrouve la forme qu’elle prend en convection forcée :

dT̄ k µ U02 µ
= ∆T̄ + 2 D̄ : D̄.
dt̄ µcp ρ∞ U0 L cp (δT ) ρ∞ U0 L

Telle est l’approximation de Boussinesq où on aura reconnu les nombres de Prandtl,


de Reynolds, de Péclet et d’Eckert :

µcp ρ∞ U0 L U02
P′ = , R= , Pe = P ′ R et E = .
k µ cp (δT )

12.3 Analyse phénoménologique


12.3.1 Généralités
Au terme de ces préliminaires, le problème s’énonce comme suit :

 divV¯ = 0,



 dV̄ (δpg ) 1

 = G T̄ ez −

 2 ∇p̄g + ∆V̄ ,
 dt̄
 |{z} ρU R
| {z } | 0{z } | {z }
frein moteur conséquence frein



 E
 dT̄ =

1
∆T̄ + 2 D̄ : D̄.



 dt̄
 |{z} |Pe{z } | R {z }
puits source, puits source complémentaire

 P ∈ ∂D, V̄ = 0 et T̄ = 1.}
| {z
cause

P → ∞, V̄ → 0 et T̄ → 0.

La cause première est la condition de température imposée. Ceci est bien clair physi-
quement et peut être confirmé en s’assurant du fait que, sans cette condition, le couple
{V̄ = 0, T̄ = 0} est solution du problème ; c’est donc bien cette condition qui est à l’origine
d’une solution non triviale.
Ensuite, la chaleur ne peut pénétrer dans le domaine fluide et l’échauffer que si le terme
de conduction est présent dans l’équation d’énergie : c’est donc la source de chaleur. En
effet, il n’y a aucun apport de fluide chaud dans le domaine. Qui plus est, l’apport de
chaleur s’effectue au voisinage de la paroi, là où en raison de la condition d’adhérence, le
transport convectif est nul. Cependant, ce terme peut également jouer le rôle d’un puits
car la conduction peut évacuer de la chaleur du domaine, ainsi que le transport convectif.
D’ailleurs, il est impératif que la chaleur soit évacuée du domaine sans quoi, il y aurait
accumulation et l’écoulement serait instationnaire.
Le fluide étant chauffé, la variable T̄ prend des valeurs différentes de zéro, autrement
dit, il se crée un gradient de masse volumique et une force de volume dans l’équation de
quantité de mouvement : il s’agit, à proprement parler, de la cause du mouvement, du
moteur.
La mise en mouvement du fluide est à l’origine de forces de pression qui apparaissent
donc en tant conséquences du mouvement.
Simultanément, le moteur ne saurait être prépondérant tout seul et doit être équilibré
par un frein :
COUCHE LIMITE LAM. THERM. : CONVECTION NATURELLE 119

⊲ forces d’inertie : ces forces apparaissent en raison de l’accélération du fluide, soit


alors que le fluide lèche la paroi, soit à partir d’un éventuel état initial de repos ;
⊲ forces de frottement : elles intègrent aussi bien le frottement interne aux couches de
fluide que le frottement sur les parois.
Enfin, la source de chaleur par conduction peut être complétée par une source com-
plémentaire due à la dissipation visqueuse car cet apport est différent de zéro dès que le
fluide se met en mouvement. Il vient donc renforcer la source, d’où un mouvement plus
rapide et une dissipation plus intense. On peut alors se demander si le processus n’est pas
explosif. Mais il n’en est rien car, le flux de chaleur pariétal restant borné, il est impossible
de produire plus d’énergie qu’il en est fourni.
Les équations aux ordres de grandeur qui résultent de cette analyse sont les suivantes :

• énergie : 1/Pe = sup{1, E/R},


• quantité de mouvement : G = sup{1, 1/R} = (δpg )/(ρU02 ),

et, en l’absence de valeurs numériques, il nous faut examiner toutes les possibilités offertes
par les deux alternatives.
Remarque Rappelons que la cause du mouvement sert lors de cette résolution au
sens des ordres de grandeur car elle détermine l’échelle des variations de température :
(δT ) = |Tp − T∞ |.
Complément On peut s’assurer par un raisonnement par l’absurde de la né-
cessité de conserver la convection et/ou la conduction dans le bilan de quantité de
mouvement. Sans ces deux termes, il s’écrit :

∂ T̄ ∂ T̄
∇p̄g = T̄ ez =⇒ rot(T̄ ez ) = ex − ey = 0 =⇒ T̄ = T̄ (z̄),
∂ ȳ ∂ x̄

dont on déduit que p̄g = p̄g (z̄). Il correspond à ces résultats une atmosphère strati-
fiée qui, pour envisageable qu’elle soit, ne présente pas grand intérêt. D’ailleurs, en
procédant au raccord avec l’écoulement loin de l’obstacle, on montre que p̄g = cste et
T̄ = 0.

12.3.2 Dissipation visqueuse négligeable


Résolution au sens des ordres de grandeur L’apport de chaleur dû à la puissance
des forces de frottement est négligeable devant le flux de chaleur injecté dans le fluide au
travers des parois, ce qui est la situation la plus fréquente dans les applications. D’après
l’équation d’énergie nous avons au sens des ordres de grandeur et en notant α′ = k/(ρcp ) :

ν α′ ν2
Pe = 1 et E ≪ R =⇒ U0 = = et (δT ) ≫ .
P ′L L P ′ cp L2

Reportons ce résultat dans l’équation de quantité de mouvement (au sens des ordres de
grandeur) :

gL3 β(δT )
G= = sup{1, P ′ } et (δpg ) = ρgL β(δT ),
α′2
ce qui fait apparaître le nombre de Grashof qui, au terme de cette résolution, est défini
uniquement à partir des données.
12.3. ANALYSE PHÉNOMÉNOLOGIQUE 120

Approximation de Boussinesq Nous sommes maintenant en mesure d’expliciter l’hy-


pothèse (12.1) qui encadre cette approximation. Il faut commencer pas préciser la définition
de la pression en posant p∞ = p∞ (0) = pg ∞ . Dès lors, la relation entre pression réduite et
pression statique s’écrit :

(δp) p̄ = (δpg ) p̄g − ρ∞ gL z̄ =⇒ (δp) = sup{(δpg ), ρ∞ gL},

et exprime que les variations de pression statique ont deux origines :


⊲ les variations de pression conséquentes du mouvement ;
⊲ les variations de pression hydrostatique.
Reformulée avec des groupements sans dimension, il vient :

(δp) n 1 o p
= sup , G où F = U 0 / gL : nombre de Froude.
ρ∞ U02 F2

En reportant la valeur de la vitesse, on obtient :

(δp) gL3 (δT ) (δp) gL3


= sup{1, β(δT )} où β(δT ) = β̄ ≪1 =⇒ = ,
ρ∞ U02 α′2 T∞ ρ∞ U02 α′2

ce qui montre que les variations de pression statique sont essentiellement d’origine hydro-
statique.
Examinons maintenant l’hypothèse de Boussinesq :

(δp) gL3 ρ∞ U02 ρ∞ gL (δT )


= ′2 = ≪ .
p∞ α p∞ p∞ T∞
Sous réserve de rester au voisinage des conditions standard de température et de pres-
sion, cette condition délimite toute une classe d’écoulements gazeux d’un intérêt pratique
évident. En ce qui concerne les liquides, elle n’a pas lieu d’être car les variations de pression
hydrostatique n’engendrent aucune variation de masse volumique.

Longueur critique À partir de cette définition, on peut introduire une longueur carac-
téristique de la convection naturelle λc :
 3  1/3
gβ(δT )L3 L α′2
G= = où λc = .
α′2 λc gβ(δT )

λc est une longueur critique qui ne dépend que des propriétés physiques du fluide et de
l’écart de température. On peut alors envisager trois cas :
⊲ L ≪ λc : ce cas ne présente aucun intérêt car la poussée d’Archimède est néglige-
able et il ne se produit pas de mouvements de convection naturelle.
⊲ L ∼ λc : il y a convection naturelle à l’échelle λc mais la nature des forces en présence
dépend du nombre Prandtl.
⊲ L ≫ λc : on peut observer de la convection naturelle sous réserve d’examiner des
régions de taille plus faible (couche limite, panache).

Petits nombres de Prandtl Le fluide est bon conducteur de la chaleur et/ou faiblement
visqueux ce qui a pour effet d’affaiblir les forces de frottement :

Pe = 1 et P ′ ≪ 1 =⇒ R ≫ 1.
COUCHE LIMITE LAM. THERM. : CONVECTION NATURELLE 121

D’après l’équation de quantité de mouvement, ce sont donc les forces d’inertie qui s’op-
posent à la poussée d’Archimède, soit G = 1, tandis que les forces de frottement sont
négligeables. On en déduit la taille caractéristique des cellules de convection :
L(a) = λc =⇒ U0 = [α′ gβ(δT )]1/3 .
On reporte la valeur de U0 dans l’hypothèse de dissipation négligeable et il vient :
 ν 3 (gβ)2 2
(a) ′ (νgβ)
(δT ) ≫ θc = = P .
cp α′ c3p
(a)
Il faut donc que l’écart de température dépasse la valeur critique θc pour observer cette
configuration.

Grands nombres de Prandtl Le fluide est mauvais conducteur de la chaleur ou, for-
tement visqueux ce qui rend prédominantes les forces de frottement :
Pe = 1 et P ′ ≫ 1 =⇒ R ≪ 1.
Le raisonnement est analogue et l’équation de quantité de mouvement fournit G = 1/R,
soit :
 1/3  ′2 
(b) ′1/3 α′ ν α′ α gβ(δT ) 1/3
L =P λc = =⇒ U0 = (b) = .
gβ(δT ) L ν
L’hypothèse de dissipation négligeable conduit ensuite à une condition sur les données :
 ν 3 (gβ)2  α′ 2
(δT ) ≫ θc(b) = = θc(a) /P ′2 .
cp α′ ν
Cette condition n’est pas l’opposée de la précédente, ce qui indique que les deux cas qui
viennent d’être étudiés n’épuisent pas le nombre de configurations possibles.

12.3.3 Dissipation visqueuse dominante


D’après l’équation d’énergie :
E 1 1 ν2
= ≫1 =⇒ U02 = P ′−1 cp (δT ) et (δT ) ≪ .
R Pe P ′ cp L2
Après avoir reporté ce résultat dans l’équation de quantité de mouvement, nous obtenons
G = sup{1, 1/R}, ce qui nous laisse une alternative à discuter selon la valeur prise par le
nombre de Reynolds.

Forces de frottement négligeables Nous plaçons dans le cas où les données vérifient
l’inégalité R ≫ 1, alors, on en déduit : G = 1. En reprenant sa définition la plus générale,
on en tire, connaissant U0 :
P ′ gLβ (a) cp
=1 =⇒ L = L∗ = .
cp P ′ gβ
Une fois reportée dans les deux conditions qui déterminent ce cas, c’est-à-dire Pe = P ′ R ≪
1 et R ≫ 1, nous sommes conduits aux inégalités suivantes :
(a)
(δT ) ≫ θ∗ = P ′3 (νgβ)2 /c3p = P ′2 θc(a) et (δT ) ≪ θc(a) = P ′ (νgβ)2 /c3p .
(a) (a)
Ce cas ne peut donc se produire que si θc ≫ θ∗ , soit P ′ ≪ 1 et nous commençons à
retrouver les cas de figure de la discussion précédente.
12.4. APPLICATION À LA PLAQUE PLANE 122

Forces de frottement dominantes La condition à vérifier est l’opposée de la précé-


dente, soit R ≪ 1, dont il résulte, d’après l’équation de quantité de mouvement : G = 1/R.
Il s’ensuit :
 1/2  1/4
′ gLβ P ′ν2 2 4
′ (gβ) L (δT ) (b) 1 ν 2 cp
P = ⇐⇒ P = 1 =⇒ L∗ = .
cp cp (δT )L2 ν 2 cp P ′ (gβ)2 (δT )

Les inégalités qui déterminent ce cas doivent être satisfaites, à savoir : Pe = P ′ R ≪ 1 et


R ≪ 1, ce qui se traduit par :
(a)
(δT ) ≪ P ′3 (νgβ)2 /c3p = θ∗ = P ′2 θc(a) et (δT ) ≪ (νgβ)2 /(P ′ c3p ).

En définitive, tous ces résultats peuvent s’exprimer en fonction d’une seule température
(b) (a) (b)
critique et du nombre de Prandtl ; on choisit θ∗ = θc et il vient : θc = P ′2 θ∗ , θc = θ∗
(a)
et θ∗ = P ′4 θ∗ . On peut alors regrouper les différents cas dans deux tableaux selon la
valeur du nombre de Prandtl.

Si P ′ ≪ 1
P ′4 θ∗ P ′2 θ∗ θ∗
- (δT )
R≪1 R≫1 R≫1 R≫1
E ≫1 E ≫1 E ≪1 E ≪1

R≪1 forces de frottement dominantes


R≫1 forces d’inertie dominantes
E ≪1 échauffement visqueux négligeable, convection dominante
E ≫1 échauffement pariétal dominant, diffusion dominante

Si P ′ ≫ 1
θ∗ P ′2 θ∗ P ′4 θ∗
- (δT )
R≪1 R≪1 R≪1 R≪1
E ≫1 E ≪1 E ≪1 E ≪1

En conclusion, sauf l’approximation de Boussinesq, nous nous sommes livrés à une


analyse phénoménologique systématique sans faire d’hypothèse sur les données. Nous avons
donc été conduits à examiner tous les cas possibles, définissant ainsi une partition de
l’espace des données, sans recouvrements et sans régions inexplorées. La réussite de cette
analyse constitue une preuve a posteriori du bien fondé de notre argumentation physique.
Au titre des résultats, nous disposons maintenant d’un ensemble de valeurs caracté-
ristiques, longueurs, vitesses, différences de température, qui caractérisent chaque régime
d’écoulement.

12.4 Application à la plaque plane


Selon la nature du fluide (à savoir de la valeur du nombre de Prandtl), la discus-
sion précédente (sous-chapitre 12.3) conduit à distinguer cinq cas dans lesquels on met
en évidence l’échelle de longueur des cellules convectives ainsi que l’échelle de vitesse de
l’écoulement induit. En effet les différentes valeurs de L se rapportent à l’écoulement et
non à l’obstacle dont la dimension caractéristique peut être très différente.
COUCHE LIMITE LAM. THERM. : CONVECTION NATURELLE 123

Dans le cas où la dimension de l’obstacle est très infé-


rieure à la longueur caractéristique de l’obstacle, les cellules
sont libres et l’obstacle doit être remplacé par une source
ponctuelle.
Dans le cas où la dimension de l’obstacle est de l’ordre
de l’une de ces échelles caractéristiques, les cellules ont une
taille du même ordre et la forme de l’obstacle est visible,
en première approximation. Cependant, la condition d’adhé-
rence ne peut être satisfaite que si R & 1.
Enfin, si la longueur de l’obstacle est très supérieure aux
dimensions caractéristiques de cellules, il faut s’intéresser à
des régions plus minces pour retrouver de tels ordres de gran-
deurs. C’est ainsi qu’apparaissent les structures telles que les
couches limite et les panaches. Il s’agit donc de régions in-
térieures, plongées dans un domaine extérieur en équilibre
hydrostatique (voir section 12.3.1, § Complément).
La photo ci-contre représente les deux couches limites qui
se développent de part et d’autre d’une plaque chauffée dans
une atmosphère stable. La visualisation révèle le gradient
d’indice de réfraction qui résulte du gradient de température 2 .

12.4.1 Température de paroi imposée

Première approximation On sait qu’il existe une région singulière au voisinage du


bord d’attaque, d’ordre λc dans les directions x et y à l’intérieur de laquelle le problème
bidimensionnel est complet.
Plaçons nous à une distance L ≫ λc . Avec les échelles
déjà introduites, le bilan de quantité de mouvement s’écrit :
x
 L 3 (δpg )
∇V̄ · V̄ = T̄ ex − ∇p̄g +P ′ ∆V̄ avec P ′ ∼ 1, L ≫ λc
λc ρU02 V∞ = 0
p∞ (x)
et se réduit en première approximation à ∇p̄g = T̄ ex , ce qui T∞
ρ∞ Tp
implique T̄ = T̄ (x̄), fonction incapable de rendre compte du
fait que T̄ = 0 à l’infini et T̄ = 1 à la paroi (ȳ = 0). La paroi
est donc une région singulière au voisinage de laquelle il faut
g
se placer pour lever la singularité. y
λc
On introduit donc une variable intérieure y = δ ỹ, avec
δ ≪ L, en laissant x = L x̄. Posons également u = U0 ũ et
v = V0 ṽ ; l’examen de l’équation de conservation de la masse
entraîne V0 = (δ/L) U0 par application du PNSA ou par un raisonnement par l’absurde.
Comme le suggère les conditions aux limites sur le champ de température, posons enfin :

2. M. Van Dyke, « An Album of Fluid Motion », Parabolic Press (1982)


12.4. APPLICATION À LA PLAQUE PLANE 124

T = T∞ + (δT ) Te avec (δT ) = Tp − T∞ . En ces termes, les équations s’écrivent :

∂ ũ ∂ṽ
+ = 0,
∂ x̄ ∂ ỹ
∂ ũ ∂ ũ gL β(δT ) e (δp) ∂ p̃ L2 ν  δ2 ∂ 2 ũ ∂ 2 ũ 
ũ + ṽ = T− + 2 + 2 ,
∂ x̄ ∂ ỹ U02 ρU02 ∂ x̄ δ U0 L L2 ∂ x̄2 ∂ ỹ
∂ṽ ∂ṽ 2
L (δp) ∂ p̃ L ν 2  2 2
δ ∂ ṽ ∂ 2 ṽ 
ũ + ṽ = − 2 + + ,
∂ x̄ ∂ ỹ δ ρU02 ∂ ỹ δ2 U0 L L2 ∂ x̄2 ∂ ỹ 2
∂ Te ∂ Te L2 α′  δ2 ∂ 2 Te ∂ 2 Te  L2 νU0  ∂ ũ 2
ũ + ṽ = 2 + + 2 .
∂ x̄ ∂ ỹ δ U0 L L2 ∂ x̄2 ∂ ỹ 2 δ cp (δT )L ∂ ỹ

On reprend le raisonnement déjà fait en se pla-


çant dans le cas où la dissipation visqueuse est né- x
gligeable et en exprimant que la chaleur apportée
δ
à la paroi est évacuée par convection :

L2 νU0 L2 α′ u
≪1 =⇒ U0 = .
δ2 cp (δT )L δ2 L g

Il s’ensuit que la jauge des forces de frottement


prend pour valeur :

(L/δ)2 (ν/U0 L) = ν/α′ = P ′ ∼ 1. Repos

où, par hypothèse, on suppose que le nombre de y


Prandtl est d’ordre unité. Les forces de frotte- O
ment et les forces d’inertie sont donc d’ordre unité
et, en tant que conséquence du mouvement, il en
va de même pour les forces de pression : (δpg ) = ρU02 . Il reste à évaluer la jauge de la
poussée d’Archimède :
 1/4  
gβL(δT ) δ 4 L2 δ α′2 λc 3/4
= gL β(δT ) =⇒ = = = G −1/4 .
U02 L4 α′2 L gL3 β(δT ) L

De façon que la couche limite soit effectivement mince, il faut donc que les données vérifient :

G ≫ 1.

On obtient enfin l’échelle de vitesse :

U0 = (L/δ)2 (α′ /L) = G 1/2 (α′ /L).

Ce résultat n’est vérifié que si l’hypothèse de départ est satisfaite :

L2 νU0 gL β ν α′ cp cp
= ≪1 =⇒ L≪ = ′ .
δ2 cp (δT )L α′ cp νgβ P gβ
COUCHE LIMITE LAM. THERM. : CONVECTION NATURELLE 125

Nous sommes maintenant en mesure d’énoncer la première approximation du problème


posé par l’écoulement dans une couche limite thermoconvective :

 ∂ ũ ∂ṽ

 + = 0,

 ∂ x̄ ∂ ỹ



 ∂ ũ ∂ ũ ∂ p̃ ∂ 2 ũ

 ũ + ṽ = Te − + P′ 2 ,

∂ x̄ ∂ ỹ ∂ x̄ ∂ ỹ

 ∂ p̃

 0=− ,

 ∂ ỹ



 ∂T e ∂ Te ∂ 2 Te

 ũ + ṽ = .
∂ x̄ ∂ ỹ ∂ ỹ 2

 ỹ = 0,
 ũ = 0, ṽ = 0, Te = 1.
ỹ → ∞, ũ → 0, p̃ → 0, Te → 0.


(raccord avec le repos)
Ce problème est un exemple de « couplage fort » car toutes les équations doivent être in-
tégrées simultanément. Noter qu’en raison de l’équation de quantité de mouvement trans-
versale et de la condition de raccord, on en fait : p̃ = 0.

Solution semblable Il existe une solution semblable à ce problème dont nous allons
chercher la formulation à l’aide de la fonction de courant ψ. Dans la couche limite, posons :
ψ = U0 δ ψ̃, soit : ũ = ∂ ψ̃/∂ ỹ et ṽ = −∂ ψ̃/∂ x̄. En conséquence, le problème s’énonce :


 ∂ ψ̃ ∂ 2 ψ̃ ∂ ψ̃ ∂ 2 ψ̃ 3
e + P ′ ∂ ψ̃ ,

 − = T
∂ ỹ ∂ x̄∂ ỹ ∂ x̄ ∂ ỹ 2 ∂ ỹ 3


 ∂ ψ̃ ∂ Te ∂ ψ̃ ∂ Te ∂ 2 Te
 − = ,
∂ ỹ ∂ x̄ ∂ x̄ ∂ ỹ ∂ ỹ 2


 ∂ ψ̃ ∂ ψ̃

 ỹ = 0, = 0, = 0, Te = 1 ;
∂ ỹ ∂ x̄

 ∂ ψ̃

 ỹ → ∞, → 0, Te → 0.
∂ ỹ
Posons : ψ̃ = ψ∗ ψ̂, x̄ = x∗ x̂ et ỹ = y∗ ŷ ; la recherche du groupe d’invariance conduit aux
relations suivantes :
T∗ = 1, ψ∗ = y∗3 et x∗ = y∗4 ,
dont il ressort la définition de la variable de similitude : η = ỹ/x̄1/4 et les nouvelles
définitions des inconnues : ψ̃ = x̄3/4 f (η) et Te = g(η).
Après avoir reporté dans l’énoncé du problème, il vient :
(
4P ′ f ′′′ + 3f f ′′ − 2f ′2 + 4g = 0,
4g′′ + 3f g′ = 0.
(
η = 0, g(0) = 1, f (0) = f ′ (0) = 0,
η → ∞, g → 0, f ′ → 0.
En revenant aux définitions, le champ de vitesse s’écrit :
1
ũ = x̄1/2 f ′ (η) et ṽ = (η f ′ − 3f ).
4x̄1/4
12.4. APPLICATION À LA PLAQUE PLANE 126

Un des résultats les plus intéressant est la densité de flux pariétal :


 ∂T  k(δT )  ∂ Te  k(δT ) ′
ϕp = −k =− =− g (0) x̄−1/4 ,
∂y |0 δ ∂ ỹ |0 δ
dont on déduit le coefficient de transfert :
 1/4
k g′ (0) −1/4 ′ 2 g β(δT )
h= x̄ = k g (0) P .
δ ν 2x

On constate primo que la densité de flux pariétal tend vers zéro lorsque x tend vers l’infini
et secundo que le coefficient de transfert h n’est pas indépendant de l’écart de température
(δT ). Enfin, le nombre de Nusselt prend pour valeur :

N u (x) = hx/k = g ′ (0) G(x̄)1/4 .

12.4.2 Densité de flux pariétal imposée


Jusqu’à présent, nous nous sommes intéressés au cas d’une température de paroi im-
posée, mais dans bon nombre d’applications, c’est la densité de flux pariétal ϕp qui est
connue, la température de paroi étant inconnue.

Première approximation Les équations de la section précédente sont encore valables


et la différence entre ces deux problèmes tient à l’énoncé de la condition à la paroi. Nous
nous plaçons dans le cas d’une densité de flux constante :
∂T
y=0 : −k = ϕp = cste.
∂y
La physique étant la même, nous devons imposer que cette condition ne dégénère pas sous
peine d’interdire au flux de chaleur tout moyen d’accès au domaine fluide. Il s’ensuit la
valeur de l’échelle de température :

(δT ) = ϕp δ/k.

Ensuite, pour lui permettre de progresser transversalement dans le fluide et d’être évacuée
parallèlement à la plaque, il faut équilibrer diffusion et convection, soit :

L2 α′ L2 α′
=1 =⇒ U0 = .
δ 2 U0 L δ2 L
Dès lors, dans le bilan de quantité de mouvement, la poussée d’Archimède est diffé-
rente de zéro et doit être équilibrée par la convection ou la diffusion. Mais la jauge de ces
deux termes ne diffère que par le nombre de Prandtl supposé d’ordre unité. Le choix le
plus simple est donc :

gL β(δT )/U02 = 1.

Il ne reste plus qu’à reporter dans cette expression les valeurs des échelles de vitesse et de
température pour obtenir l’échelle d’épaisseur puis celle de la vitesse :

δ  1 kν 2 1/5 h 1 (gβϕ )2 L3 ν i1/5


p
= =⇒ U0 = .
L P ′2 gL4 βϕp P′ k2
COUCHE LIMITE LAM. THERM. : CONVECTION NATURELLE 127

On en déduit enfin l’échelle de température :


 1 ν 2 ϕ4 L 1/5
p
(δT ) = ′2 4
,
P k gβ
dont on peut constater qu’elle dépend de la longueur de la plaque.
Il nous reste à expliciter les conditions pour que cette approximation soit valable :

1 kν 2 gLβ
′2 4
≪ 1 et P ′ ≪ 1.
P gL βϕp cp

On peut retrouver une formulation faisant intervenir un nombre de Grashof sous


réserve de déterminer la longueur critique λc associée à cet écoulement. Elle est obtenue en
se plaçant dans le cas où les échelles sont les mêmes dans les deux directions de l’espace.
Dans ce cas, l’échelle de température a pour valeur : (δT ) = ϕp L/k ce qui conduit à
l’expression suivante du nombre de Grashof (cas de la dissipation négligeable) :

gL3 β(δT ) 4  kν 2 1/4  L 4


′2 gL βϕp
G = P ′2 = P =⇒ λc = et G = .
ν2 kν 2 P ′2 g βϕp λc

On en déduit :
ϕp L −1/5
δ/L = G −1/5 , U0 = (α′ /L) G 2/5 et (δT ) = G .
k

Solution semblable La technique de recherche d’un groupe d’invariance est identique


à celle appliquée plus haut, à ceci près que la condition de densité de flux imposée conduit
à la relation T∗ = y∗ . Par suite, la résolution de l’ensemble conduit aux valeurs suivantes :
T∗ = y∗ , ψ∗ = y∗4 et x∗ = y∗5 dont il résulte les changements de variable et de fonctions
suivants :

η = ỹ/x̄1/5 , ψ̃ = x̄4/5 f (η) et Te = x̄1/5 g(η).

Après avoir reporté dans l’énoncé du problème, il vient :


(
5P ′ f ′′′ + 4f f ′′ − 3f ′2 + 5g = 0,
5g′′ + 4f g′ − f ′ g = 0.
(
η = 0, g′ (0) = 1, f (0) = f ′ (0) = 0,
η → ∞, g → 0, f ′ → 0.

Le champ de vitesse et la température de paroi sont donnés par les expressions suivantes :
1 Tp − T∞
ũ = x̄3/5 f ′ (η), ṽ = [ηf ′ (η) − 4f (η)] et Tep = = x̄1/5 g(0).
5x̄1/5 (δT )

On observe ainsi que Tp est une fonction croissante de x.


12.4. APPLICATION À LA PLAQUE PLANE 128
Chapitre 13

Écoulements longilignes

Nous classons dans cette catégorie tous les écoulements dont deux dimensions
sont très petites devant la troisième. On examine dans ce chapitre le cas des
jets, des sillages (problèmes isothermes) et des panaches (problème de thermo-
convection). Ces écoulements sont caractérisés par des approximations voisines
de celles vues dans la théorie de la couche limite et, suffisamment loin des
conditions génératrices, présentent des caractéristiques intrinsèques.

13.1 Jets
13.1.1 Phénoménologie
u

Vitesse axiale

u(0, x) ∼ 1/x

Le L x
Couche de r
mélange

Réservoir

u(r, x) δ
Tuyère x

Noyau
potentiel
Zone développée

Un fluide incompressible (masse volumique ρ) et visqueux (viscosité cinématique ν) est


contenu dans un réservoir à la pression p0 supérieure à la pression du milieu extérieur pa . Il
s’échappe de ce réservoir en passant par une tuyère de rayon a. On admet qu’il émerge à la
température de l’atmosphère et à la pression pa . En outre, le réservoir est de taille suffisante
pour négliger les instationnarités. La gravité est sans effet et elle est donc incorporée à la
pression réduite notée p.
Dans la section de sortie de la tuyère, nous sommes donc en présence d’un écoulement

129
13.1. JETS 130

uniforme de vitesse VJ parallèle à son axe et de pression pa il n’est soumis à aucune force
de frottement et on peut donc dire qu’il est en approximation de fluide parfait.
Il émerge dans un environnement au repos et il se crée donc une zone de cisaillement
intense, la couche de mélange, séparant le jet du milieu extérieur au repos. Du fait de la
diffusion dont l’effet est de « lisser » les gradients de vitesse, cette couche épaissit et in fine
contamine la région de fluide parfait, autrement dit, le noyau potentiel. Désignons par Le
cette longueur d’établissement.
Nous nous intéressons à l’écoulement qui se développe en aval, sur une distance L ≫ Le .
Plus précisément, étant donné le processus d’érosion du noyau potentiel, on peut admettre
que pour x ∼ Le , la vitesse axiale du fluide est encore de l’ordre de VJ . Par suite, la
longueur L est définie comme celle que doit parcourir le fluide pour que sa vitesse axiale
décroisse d’un ordre de grandeur.
La physique de cet écoulement est simple. La force motrice est la quantité de mouvement
initiale et la force retardatrice est le frottement visqueux sur les couches externes au repos.
Cet argument se comprend mieux en termes énergétiques : l’énergie cinétique initiale du jet
est détruite par la puissance des forces intérieures de frottement. La pression ne trouve pas
sa place dans ce tableau et doit donc être retenue en tant que conséquence du mouvement.
Désignons par δ l’ordre de grandeur du rayon du jet à la distance L. Nous souhaitons
nous limiter à des configurations telles de δ ≪ L. Pour qu’il en soit ainsi, la suite montre
que les données doivent vérifier la condition :
R = VJ L/ν ≫ 1.
Cet écoulement est « libre » dans le sens où il n’est soumis à aucune force extérieure et,
pour cette raison, on peut s’attendre à observer un développement autosemblable influencé
de façon évanescente par les conditions initiales.

13.1.2 Position du problème


Les équations qui gouvernent cet écoulement sont donc stationnaires, incompressibles
et les champs sont dotés de la symétrie de révolution. D’après le formulaire, nous avons :

 ∂u 1 ∂

 + (rv) = 0,

 ∂x r ∂r

 h 1 ∂  ∂u  ∂ 2 u i
∂u ∂u 1 ∂p
u +v =− +ν r + 2 ,

 ∂x ∂r ρ ∂x r ∂r ∂r ∂x

 h h i 2 i

 u ∂v + v ∂v = − 1 ∂p + ν ∂ 1 ∂ (rv) + ∂ v ,

∂x ∂r ρ ∂r ∂r r ∂r ∂x2
où u(r, x) désigne la vitesse axiale et v(r, x) la vitesse radiale.

Approximation extérieure Elle est caractérisée par des échelles identiques dans toutes
directions de l’espace et on pose donc : x = L x̄, r = L r̄, u = VJ ū, v = VJ v̄ et p =
pa + (δp)e p̄. Le bilan de masse reste formellement invariant tandis que les équations de
Navier-Stokes s’écrivent 1 :


 ∂ ū ∂ ū (δp)e ∂ p̄ 1 h 1 ∂  ∂ ū  ∂ 2 ū i
 ū
 ∂ x̄ + v̄ = − + r̄ + 2 ,
∂r̄ ρVJ2 ∂ x̄ R r̄ ∂r̄ ∂r̄ ∂ x̄
 ∂v̄ ∂v̄ (δp)e ∂ p̄ h h
1 ∂ 1 ∂ i ∂ 2 v̄ i

 =−
 ū + v̄ + (r̄v̄) + .
∂ x̄ ∂r̄ ρVJ2 ∂r̄ R ∂r̄ r̄ ∂r̄ ∂ x̄2
1. Nous aurions pu tout aussi bien les écrire sous forme vectorielle.
CHAPITRE 13. ÉCOULEMENTS LONGILIGNES 131

En raison de l’hypothèse sur le nombre de Reynolds, les forces de frottement sont négli-
geables et nous sommes ramenés aux équations d’Euler.
En ce point, l’expérience nous suggère d’admettre que (δp)e ≪ ρVJ2 , ce qui réduit les
équations à :
dū/dt̄ = 0 et dv̄/dt̄ = 0,
où on a posé t = (VJ /L) t̄. Les composantes ū et v̄ étant constantes sur une ligne de courant,
en raison des conditions de repos à l’infini, nous pouvons alors conclure que ū = 0 et v̄ = 0.
Cependant, cette approximation néglige un phéno-
mène très important : l’entraînement. En effet, le dé-
veloppement du jet s’accompagne d’une aspiration du Paroi Entraînement

fluide extérieur et, vu à cette échelle, le jet se com-


porte comme une ligne de puits. Examinons le bilan Tuyère Jet
de masse intégré sur un plan transversal :
Z r
d dqv Entraînement
−2πrv = u 2πr ′ dr ′ = .
dx 0 dx
Puisque la vitesse radiale est négative, le débit du jet augmente. L’intégrale étant conver-
gente lorsque r → ∞ (il suffit en fait que r ≫ δ), la vitesse radiale se comporte comme
1/r et diverge lorsque r → 0. On peut donc imaginer qu’au second ordre, l’écoulement
extérieur dans le demi espace x > 0 soit induit par cette ligne de puits de débit qv (x), dont
la valeur résulte de l’intégration du champ de vitesse axiale du jet. Donc, lors du raccord,
il faudra tenir compte du fait que u tend vers zéro plus vite que 1/r 2 alors que v tend vers
zéro comme 1/r.
Ces considérations montrent que l’axe des x est une ligne singulière pour l’approxi-
mation extérieure et justifient l’étude d’une approximation intérieure, pour des distances
radiales de l’ordre de δ.

Approximation intérieure Cette approximation est définie par les échelles suivantes :
x = L x̄, r = δ r̃ = εL r̃ où ε ≪ 1, u = VJ ũ, v = V0 ṽ et p = pa + (δp)i . Dans ce système de
variables, l’équation de conservation de la masse s’écrit :
∂ ũ 1 V0 1 ∂
+ (r̃ṽ) = 0,
∂ x̄ ε VJ r̃ ∂r̃
et il est facile de justifier l’équilibre des deux termes :
⊲ imaginer (1/ε)(V0 /VJ ) ≪ 1 conduirait à ∂ ũ/∂ x̄ = 0, c’est-à-dire une vitesse axiale
invariante par translation selon l’axe : c’est clairement absurde car il serait impossible
de rendre compte de rendre compte de l’extinction du jet dans cette direction ;
⊲ imaginer (1/ε)(V0 /VJ ) ≫ 1 conduirait à (∂/∂r̃)(r̃ṽ) = 0, soit ṽ = C(x̄)/r̃, fonction
singulière sur l’axe alors que, par symétrie, on a ṽ(0, x̄) = 0.
Il faut donc équilibrer les deux termes en posant :
∂ ũ 1 ∂
V0 = ε VJ =⇒ + (r̃ṽ) = 0.
∂ x̄ r̃ ∂r̃
Les équations de quantité de mouvement prennent alors la forme suivante :


 ∂ ũ ∂ ũ (δp)i ∂ p̃ 1 h 1 ∂  ∂ ũ  2 i
2 ∂ ũ
 ũ ∂ x̄ + ṽ ∂r̃ = − ρV 2 ∂ x̄ + ε2 R r̃ ∂r̃ r̃ ∂r̃ + ε ∂ x̄2 ,

J


 ∂ṽ ∂ṽ 1 (δp)i ∂ p̄ 1 h ∂ h1 ∂ i 2 i
2 ∂ ṽ
 ũ + ṽ = − + (r̃ṽ) + ε .
∂ x̄ ∂r̃ ε2 ρVJ2 ∂r̃ ε2 R ∂r̃ r̃ ∂r̃ ∂ x̄2
13.1. JETS 132

Outre la simplification du laplacien résultant de ε ≪ 1, on observe qu’en raison du fac-


teur 1/ε2 , les variations de pression axiales sont beaucoup plus grandes que les variations
radiales :
 n 
(δp)i 1 o 2 n 1 o
= sup sup 1, 2 , ε sup 1, 2 ,
ρVJ2 | {zε R } | {z ε R }
N-S sur x N-S sur r

ce qui implique que quelle que soit l’issue de l’alternative, l’équation radiale dégénère sous
la forme ∂ p̃/∂r̃ = 0.
L’équation axiale s’interprète mieux en tant qu’équation de transport. En effet, en
l’absence de forces extérieures, la quantité de mouvement se conserve et la décroissance
axiale de son flux doit nécessairement se retrouver dans la direction radiale, ce qui entraîne
l’équilibre des termes de convection et de diffusion, ce qui se traduit par :

ε = R−1/2 ,

relation identique à celle obtenue pour les couches limites.


En définitive, les équations de Navier-Stokes s’écrivent en première approximation :
∂ ũ ∂ ũ (δp)i ∂ p̃ 1 ∂  ∂ ũ  ∂ p̄
ũ + ṽ =− + r̃ , 0=− .
∂ x̄ ∂r̃ ρVJ2 ∂ x̄ r̃ ∂r̃ ∂r̃ ∂r̃

Raccord En tenant compte de l’entraînement, le raccord de la composante axiale de la


vitesse s’écrit simplement :

lim r̃ 2 ũ(r̃, x̄) = 0.


r̃→∞

D’autre part, la vitesse radiale se calcule par intégration de l’équation de continuité :


Z r̃
1 d
ṽ(r̃, x̄) = − ũ(r̃ ′ )r̃ ′ dr̃ ′ .
r̃ dx̄ 0
ce qui nous permet de formuler le raccord (r̄ = ε r̃) :
Z r̄/ε
ε2 VJ d
dév Ve v̄(ε r̃, x̄) = dév εVJ ṽ(r̄/ε, x̄) = − dév ũ(r̃ ′ )r̃ ′ dr̃ ′ ,
ε→0 ε→0 ε→0 r̄ dx̄ 0
r̃ fixé r̄ fixé r̄ fixé

où Ve est l’échelle de vitesse de la composante radiale de l’approximation extérieure de la


vitesse résultant de l’effet de puits. L’expression du raccord peut donc s’interpréter de la
manière suivante :
Z ∞
2 1 d 1 dq̃v
Ve = ε VJ et r̄ → 0 : v̄(r̄, x̄) ∼ − ũ(r̃, x̄)r̃ dr̃ = − ,
r̄ dx̄ 0 r̄ dx̄
où, primo, l’intégrale est bien convergente et, secundo, le comportement de v̄ est bien celui
d’un puits.
Le raccord des deux approximations de la pression ne présente pas de difficulté ; puisque
cette grandeur est indépendante de r, il s’écrit comme une limite :
(
(δp)i = (δp)e ,
lim [pa + (δp)i p̃(x̄)] = lim [pa + (δp)e p̄(x̄)] =⇒
r̃→∞ r̄→0 p̃(x̄) = p̄(x̄) = 0.
CHAPITRE 13. ÉCOULEMENTS LONGILIGNES 133

Invariant La première approximation du problème s’énonce :


  2
 ∂ ũ 1 ∂
 + (r̃ṽ) = 0,  r̃ ũ → 0,
∂ x̄ r̃ ∂r̃ r̃ → ∞
   ṽ ∼ − 1 dq̃v ,
 ũ ∂ ũ + ṽ ∂ ũ = 1 ∂ r̃ ∂ ũ

∂ x̄ ∂r̃ r̃ ∂r̃ ∂r̃ r̃ dx̄

mais les conditions aux frontières sont en nombre insuffisant. Comme nous ne souhaitons
pas faire l’étude de la partie initiale du jet, il nous faut trouver un substitut.
Il se présente sous la forme d’un invariant J˜ qu’on peut supposer connu. En effet, en
faisant appel à l’équation de conservation de la masse, on met sans difficulté le bilan de
quantité de mouvement sous forme conservative, ce qui permet de l’intégrer sur un plan
transversal :
Z r̃
∂  r̃ h ∂ ũ ir̃
ũ2 r̃∗ dr̃∗ + r̃∗ ũṽ 0 = r̃∗ .
∂ x̄ 0 ∂r̃ 0

Les propriétés des fonctions ũ et ṽ sont telles que les termes intégrés sont nuls lorsque
r̃ → ∞, si bien que l’invariant cherché s’identifie au flux de quantité de mouvement et a
pour définition :
Z ∞ Z ∞
˜
J= 2
ũ r̃ dr̃ ⇐⇒ J = ρ u2 2πr dr avec J = 2πδ2 ρVJ2 J. ˜
0 0

Ainsi que nous l’avons déjà observé, cette propriété simple résulte de l’absence de forces
extérieures.

13.1.3 Intégration
Nous nous proposons de trouver une solution semblable en appliquant une méthode
différente de la méthode du groupe d’invariance. Cette nouvelle méthode s’appuie sur un
choix a priori de la forme de la solution, conforme à la définition de la fonction de courant
de Stokes 2 :

1 ∂ ψ̃ Ψ(x̄) F ′ (η) F ′ (η)


r̃ = ∆(x̄) η, ũ = = 2 = U (x̄) avec F (0) = 0.
r̃ ∂r̃ ∆ (x̄) η η

Les correspondances entre les dérivées sont les suivantes :

∂ 1 ∂ ∂ ∂ ∆′ ∂
7→ et 7→ − η .
∂r̃ ∆ ∂η ∂ x̄ ∂ x̄ ∆ ∂η
Dans un premier temps, la composante transversale est calculée par intégration du
bilan de masse :
U′ ∆′  F
ṽ = U ∆′ F ′ − U ∆ +2 .
U ∆ η
Nous obtenons alors pour le bilan de quantité de mouvement :

F ′2 U′ ∆′  ′′ F ′  F ∂ h ∂  F ′ i
∆2 U ′ − ∆2 U +2 F − = η .
η U ∆ η η ∂η ∂η η
2. C’est la fonction de courant adaptée aux écoulements à symétrie de révolution.
13.1. JETS 134

L’invariance est obtenue en imposant les conditions pour que la variable x̄ disparaisse
explicitement de l’énoncé du problème. Ces conditions proviennent de l’invariant J˜ et du
bilan ci-dessus :
U′ ∆′ 
∆2 U ′ = A, ∆2 U +2 =B et U ∆ = C.
U ∆
La résolution de ce problème ne présente au-
cune difficultés et la solution peut de mettre sous
la forme : Réservoir Noyau
potentiel
Jet
développé

C x
∆ = α x̄ et U = , Origine α
α x̄
où ∆(0) = 0. Cependant, il faut noter que la
position de l’origine x̄ = 0 est inconnue et ne
coïncide pas nécessairement avec le plan de la section initiale. Par ailleurs, la constante C
est connue dans la mesure où l’invariant est donné :
q
J = ρ (U ∆) J =⇒ C = J/(ρJ˜).
2 ˜

En ces termes, le bilan de quantité de mouvement prend la forme suivante :

d h d  F ′ i h F ′2  F′F i
η + αC + F ′′ − = 0.
dη dη η η η η

Deux intégrations successives conduisent à :

η F ′′ − F ′ + αC F F ′ = 0 et η F ′ − 2F + 12 αCF 2 = 0.

Intégration On commence par procéder à la transformation suivante :

G 1 G2
(η F )′ − 3F + 12 αC F 2 = 0 ⇐⇒ G′ − 3 + 2 αC 2 = 0 où G = η F.
η η

Sous cette forme, on reconnaît une équation de Bernoulli dont on sait qu’elle se
ramène à une équation linéaire par le changement de fonction H = 1/G :

H ′ + 3H/η = 21 αC/η 2 .

Cette équation s’intègre sans difficultés 3 et finalement nous obtenons :

η2
F (η) = 1 2
,
4 αC η + K

où K est la constante d’intégration.

Connaissant l’expression de la fonction de courant, on en déduit celles des composantes


de la vitesse et la valeur de l’invariant :

KC 1 C K η − 14 αC η 3 8C
ũ = 2 2 , ṽ =  et J˜ = .
α x̄ 1
η2 x̄ 1 αC η 2 + K 2 3αK
4 αC +K 4

3. Il suffit de la multiplier par η 3 .


CHAPITRE 13. ÉCOULEMENTS LONGILIGNES 135

En identifiant la vitesse sur l’axe ũ(0, x̄) avec U (x̄), il vient K = 2. Par ailleurs, C = 43 αJ˜
et, pour simplifier encore plus ces expressions, rien ne nous empêche de redéfinir la variable
semblable de la manière suivante :
s
q q
r̃ 1 3J r 3J˜ 1 3 ˜ξ 1− 4ξ
1 2
ξ = 12 32 J˜ = =⇒ ũ =  et ṽ = 1
2 J
2 x̄ 2 .
x̄ 4 πρ νx 4x̄ 1 + 1 ξ 2 2 1 + 1 ξ2
4 4

On peut ainsi facilement vérifier que le comportement de la solution est bien conforme à
ce qui a été supposé pour le raccord. En outre, sous réserve de considérer des valeurs de ξ
d’ordre unité, l’ordre de grandeur de l’angle d’ouverture α du jet par le rapport r/x :
r
r −1/2 2
= 2R ξ ≪ 1.
x 3J˜
Nous aurions tout aussi bien pu estimer directement cet angle par le rapport δ/L.
On en déduit également la valeur du débit : q̃v = 8x̄ qui est une fonction croissante de
x̄, propriété due à l’entraînement.
En définitive, il faut retenir que la vitesse axiale d’un jet circulaire de révolution décroît
comme 1/x tandis que sa largeur croît comme x.

13.1.4 Origine
Il convient de noter que cette méthode de résolution ne permet pas de localiser l’origine
de l’axe des x mais on peut cependant estimer la longueur Le . Elle correspond à une région
de l’écoulement où, comme dans la partie développée, les forces d’inertie et les forces de
frottement sont du même ordre. Cependant, on peut supposer que la couche de mélange
contamine le noyau potentiel suffisamment vite pour que la dimension transversale du jet
reste de l’ordre du rayon a de l’orifice.
Introduisons les variables x = Le x̂ et r = a r̂ = εe Le r̂ ; posons également u = VJ û,
v = εe VJ v̂ et p = pa + (δp)e p̂. Le bilan de quantité de mouvement longitudinal s’écrit :

∂ û ∂ û (δp)e ∂ p̂ 1 h 1 ∂  ∂ û  2 i
2 ∂ û VJ Le
û + v̂ =− + r̂ + εe avec Re = ≫ 1,
∂ x̂ ∂r̂ ρVJ2 ∂ x̂ ε2e Re r̂ ∂r̂ ∂r̂ ∂ x̂2 ν

où on sait que la pression ne joue aucun rôle. L’équilibre entre inertie et frottement se
traduit alors par :

εe = R−1/2
e ⇐⇒ Le /a = Ra où Ra = VJ a/ν.

Bien que la structure du champ de vitesse ne soit


Le
pas la même que dans la partie développée, le flux de
quantité de mouvement est toujours invariant ce qui
O α a
nous permet de l’exprimer en fonction des données : x
L0
J = πa2 ρVJ2 ou encore J˜ = 12 R (a/L)2 . D’après la
vitesse axiale, nous avons alors : x/a = 83 Ra /U . Or, la
longueur L est telle que la vitesse axiale décroisse d’un ordre de grandeur si bien que nous
pouvons tirer une estimation numérique de L en considérant des valeurs de U de l’ordre,
disons, du 1/10ème. Il devient enfin possible de comparer Le et L :

Le /L = 83 U ≪ 1.
13.1. JETS 136

D’autre part, en s’aidant de la représentation schématique ci-contre, la longueur L0 prend


pour valeur :

a 3
L0 = = Ra a,
tg α 4ξ

dont il résulte que L0 /Le = 3/(4ξ). La variable semblable ξ prenant des valeurs d’ordre
unité, il s’avère que L0 ∼ Le : l’origine virtuelle de la partie développée du jet se trouve
donc à proximité de la section de sortie.
Comparons enfin le rayon a à la largeur du jet :
1/2 q
a aL R
= = 38 U L = 8
3U ≪ 1.
δ Lδ Ra

Évidemment, ce rapport dépend de l’échelle de longueur longitudinale et diminue comme


x−1/2 puisque δ varie comme x1/2 .
CHAPITRE 13. ÉCOULEMENTS LONGILIGNES 137

13.2 Sillages
13.2.1 Phénoménologie

U∞ U∞ OP = R
y
ϕ P
Q ℓ θ δ
U∞ + v
x
O L
Obstacle
z

Sillage Sillage lointain


proche (développé)

Un corps de forme quelconque et de dimension caractéristique ℓ est placé dans un écoule-


ment uniforme de vitesse U∞ = U∞ ex , suffisamment basse pour considérer le fluide comme
incompressible mais suffisamment élevée pour disposer d’un grand nombre de Reynolds :
Rℓ = U∞ ℓ/ν ≫ 1. Loin de l’obstacle, la pression réduite pa est constante. L’écoulement
est laminaire, stationnaire et isotherme.
Le fluide est ralenti par la présence du corps, tant en raison du champ de pression que
des forces de frottement et il se développe derrière lui un sillage étroit qui se définit comme
un défaut de vitesse : V (x, y, z) = U∞ + v(x, y, z). On vérifie que la condition R ≫ 1
confère à ce sillage une forme très déliée dans le sens de l’écoulement. Du fait qu’il ne
présente pas de symétrie, le corps est soumis à une traînée R = R ex et à une portance
F = F ey .
On se propose d’étudier cet écoulement à deux échelles :
⊲ échelle intérieure : région du sillage lointain, telle que : kvk ≪ U∞ ;
⊲ échelle extérieure : région du fluide libre, hors du sillage et loin de l’obstacle telle que
l’approximation de fluide parfait y soit acceptable.
Sous réserve de ne pas trop s’approcher de l’obstacle, il s’avère, dans les deux cas,qu’il est
inutile d’en connaître la forme exacte.

13.2.2 Échelle intérieure


Position du problème En l’absence de conditions initiales, il est impossible de localiser
l’origine des coordonnées, cependant, ceci ne nous empêche pas de considérer un tronçon
de sillage de longueur L ≫ ℓ et de désigner par δ l’ordre de grandeur de ses dimensions
transversales. On pose donc :

x = L x̄, y = δ ỹ et z = δ z̃ avec δ = εL et ε ≪ 1.

À cette échelle, la diffusion visqueuse a déjà « comblé » une proportion importante du


défaut de vitesse qui peut être considéré comme petit devant U∞ , propriété qui se traduit
par le choix d’échelles suivant pour les composantes cartésiennes de la vitesse :
  
v = U∞ α ũ(x̄, ỹ, z̃) ex + β ṽ(x̄, ỹ, z̃) ey + w(x̄,
e ỹ, z̃) ez où α et β ≪ 1.

Enfin, la pression réduite est adimensionnée de façon classique : p = pa + (δp)i p̃(x̄, ỹ, z̃).
13.2. SILLAGES 138

Avec ces notations, l’équation de conservation de la masse s’écrit :


∂ ũ  ∂ṽ ∂ w e
αε +β + = 0.
∂ x̄ ∂ ỹ ∂ ỹ
Un raisonnement par l’absurde permet de se convaincre de conserver les trois termes.
⊲ Si αε ≫ β, en première approximation, il ne reste que ∂ ũ/∂ x̄ = 0, soit ũ = ũ(ỹ, z̃),
interdisant toute évolution longitudinale de ũ, ce qui est manifestement absurde.
⊲ Si αε ≪ β, la première approximation s’écrit ∂ṽ/∂ ỹ + ∂ w/∂ e z̃ = 0. Admettons,
pour les besoin du raisonnement, que le corps présente une symétrie de révolution
ce qui permet d’écrire la divergence du champ de vitesse transversal en coordonnées
cylindriques : (1/r̃)∂(r̃ṽr )/∂r̃ = 0 où on a posé r = δ r̃ et vr = βU∞ ṽr . La solution
générale de cette équation étant de la forme ṽr = C(x̄)/r̃, elle inadmissible en r̃ = 0
et l’hypothèse doit être rejetée.
En définitive, l’équation de conservation de la masse ne doit pas dégénérer, ce qui suppose
la relation :
∂ ũ ∂ṽ ∂ w e
αε = β =⇒ + + = 0,
∂ x̄ ∂ ỹ ∂ z̃
et élimine l’échelle β. Malgré la linéarisation, les composantes de la perturbation de vitesse
sont dans dans le rapport des échelles de longueur.
Passons aux équations de quantité de mouvement :
  ∂ ũ

 ∂ ũ ∂ ũ  (δp)i ∂ p̃ 1  2 ∂ 2 ũ 

 (1 + α ũ) + α ṽ + w
e = − 2 ∂ x̄
+ ε + ∆ k ũ ,

 ∂ x̄ ∂ ỹ ∂ z̃ α ρU∞ ε2 RL ∂ x̄2

  ∂ṽ
∂ṽ ∂ṽ  (δp)i ∂ p̃ 1  2 ∂ 2 ṽ 
(1 + α ũ) + α ṽ +we =− 2 2 ∂ ỹ
+ ε + ∆ k ṽ ,

 ∂ x̄ ∂ ỹ ∂ z̃ ε α ρU∞ ε2 RL ∂ x̄2

  ∂w


 ∂we e ∂we (δp)i ∂ p̃ 1  2 ∂2w e 
 (1 + α ũ) + α ṽ +we =− 2 2 ∂ z̃
+ ε + ∆ k w
e ,
∂ x̄ ∂ ỹ ∂ z̃ ε α ρU∞ ε2 RL ∂ x̄2
où RL = U∞ L/ν et ∆k = ∂ 2 /∂ ỹ 2 + ∂ 2 /∂ z̃ 2 . Compte tenu des hypothèses faites sur α et
ε, il se produit d’emblée des simplifications automatiques qui allègent considérablement
l’énoncé :


 ∂ ũ (δp)i ∂ p̃ 1

 =− + 2 ∆ ũ,

 ∂ x̄ α ρU∞ ∂ x̄ ε RL k
2

 ∂ṽ (δp)i ∂ p̃ 1
=− 2 + 2 ∆ ṽ,
 ∂ x̄
 ε α ρU∞ ∂ ỹ ε RL k
2



 ∂w e (δp)i ∂ p̃ 1

 =− 2 + 2 ∆ w. e
∂ x̄ ε α ρU∞ ∂ z̃ ε RL k
2

L’équilibre des forces est inversé par rapport à celui qui caractérise un jet : les forces de
frottement sont motrices et tendent à accélérer le fluide tandis que les forces d’inertie s’y
opposent. Mais ici aussi, les forces de pression apparaissent en tant que conséquences du
mouvement et doivent être conservées au titre du PNSA 4 . Ces observations se formalisent
de la manière suivante :
−1/2 2
ε = RL et (δp)i = α ρU∞ ,
et il en résulte la première approximation des équations :
∂ ũ ∂ p̃ ∂ p̃ ∂ p̃
=− + ∆k ũ, 0=− , 0=− .
∂ x̄ ∂ x̄ ∂ ỹ ∂ z̃
4. Principe de Non Simplification Abusive.
CHAPITRE 13. ÉCOULEMENTS LONGILIGNES 139

Développement La pression ne dépendant pas des variables transversales, elle est égale
à la valeur qu’elle prend à l’extérieur, c’est-à-dire zéro, par anticipation sur le raccord avec
l’approximation extérieure. Dès lors, l’équation de quantité de mouvement longitudinale se
réduit à l’équation de la chaleur où x̄ joue le rôle du temps.
On peut cependant juger ce niveau d’approximation trop pauvre et chercher à enrichir la
description de l’écoulement en procédant à un développement asymptotique de la pression :

p̃ = p̃(0) + ε2 p̃(1) + . . .

où p̃(0) = 0. Il n’est pas nécessaire de développer le champ de vitesse pour aboutir au


système suivant :
∂ ũ ∂ṽ ∂ p̃(1) ∂we ∂ p̃(1)
= ∆k ũ, =− + ∆k ṽ, =− + ∆k w.
e
∂ x̄ ∂ x̄ ∂ ỹ ∂ x̄ ∂ z̃
En dérivant respectivement la seconde et la troisième équation par rapport à ỹ et z̃, on fait
apparaître la conservation de la masse et la première équation et on démontre ainsi que :
(1)
∆k p̃ = 0.

Intégration En l’absence de conditions initiales, nous cherchons une solution à l’équation


de ũ comme si la diffusion avait pour source une distribution de Dirac située à l’origine
des coordonnées. C’est une solution élémentaire de l’équation de la chaleur qui s’écrit :
Ku  ỹ 2 + z̃ 2 
ũ = − exp − ,
x̄ 4x̄
où la constante Ku > 0 se détermine à partir des efforts globaux. Il est intéressant de noter
au passage que le calcul du défaut de débit conduit à une constante, ce qui indique qu’il
n’existe pas de phénomène analogue à l’entraînement observé pour les jets et les panaches :
ZZ
ũ(x̄, ỹ, z̃) dỹ dz̃ = −4πKu .
R2

Pour les deux autres composantes, il est possible de les déterminer partiellement, après
avoir décomposé les inconnues en deux parties :

ṽ = ṽ1 + ∂ Φ̃/∂ ỹ et w
e=w
e1 + ∂ Φ̃/∂ z̃,

où, par définition, ṽ1 et w


e1 vérifient l’équation de la chaleur tandis que le pseudo-potentiel
Φ̃ vérifie l’équation :

∂ Φ̃/∂ x̄ − ∆k Φ̃ = −p̃(1) .
Ce pseudo-potentiel contribue par son gradient, c’est-à-dire par un champ de vitesse irro-
tationnel mais, pour autant, n’est pas une fonction harmonique.
Par le même procédé que pour ũ, nous avons pour ṽ1 et w e1 :
Kv  ỹ 2 + z̃ 2  Kw  ỹ 2 + z̃ 2 
ṽ1 = − exp − et we1 = − exp − .
x̄ 4x̄ x̄ 4x̄
Reportons la définition de ṽ et w
e dans l’équation de conservation de la masse et dérivons
par rapport à x̄ :
 ∂ Φ̃  ∂ 2 ũ ∂  ∂ṽ1  ∂  ∂we1 
∆k =− − − .
∂ x̄ ∂ x̄2 ∂ ỹ ∂ x̄ ∂ z̃ ∂ x̄
13.2. SILLAGES 140

En utilisant les équations vérifiées par ũ, ṽ1 et w


e1 , nous obtenons :
 ∂ Φ̃   ∂ ũ ∂ṽ1 ∂ we1  ∂ Φ̃  ∂ ũ ∂ṽ ∂we1 
1
∆k = −∆k + + =⇒ =− + + .
∂ x̄ ∂ x̄ ∂ ỹ ∂ z̃ ∂ x̄ ∂ x̄ ∂ ỹ ∂ z̃
Il ne reste plus qu’à expliciter les fonctions et à intégrer par rapport à x̄ pour obtenir
l’expression de Φ̃ :
 ỹ 2 + z̃ 2    ỹ 2 + z̃ 2 
Ku Kv ỹ + Kw z̃
Φ̃ = exp − +2 1 − exp − ,
x̄ 4x̄ ỹ 2 + z̃ 2 4x̄

où la constante d’intégration a été ajustée de telle manière que Φ̃ reste borné sur l’axe. Il est
à noter que tous les termes ne tendent pas exponentiellement vers zéro lorsque ỹ 2 + z̃ 2 → ∞.
On peut alors vérifier (péniblement 5 ) que :

∂ Φ̃/∂ x̄ − ∆k Φ̃ = 0 et p̃(1) = 0.

13.2.3 Échelle extérieure


Position du problème À l’échelle extérieure, en raison de l’hypothèse Rℓ ≫ 1, l’écoule-
ment satisfait à l’approximation de fluide parfait hors du sillage et les forces de frottement
peuvent être négligées. De plus, les échelles de longueur sont les mêmes dans les trois direc-
tions de l’espace et le champ vitesse est également faiblement perturbé (γ ≪ 1). Il s’ensuit
les changements d’échelles suivants :

x = L x̄, y = L ȳ, z = L z̄,


u = U∞ (1 + γ ū), v = γU∞ v̄, w = γU∞ w̄ et p = pa + (δp)e p̄

L’équation de conservation de la masse est automatiquement équilibrée et nous obtenons


le système suivant :

 ∂ ū ∂v̄ ∂ w̄

 + + = 0,

 ∂ x̄ ∂ ȳ ∂ z̄

  ∂ ū


 ∂ ū ∂ ū  (δp)e ∂ p̄
 (1 + γ ū)
 + γ v̄ + w̄ =− 2 ∂ x̄
,
∂ x̄ ∂ ȳ ∂ z̄ γ ρU∞
 ∂v̄  ∂v̄ ∂v̄  (δp)e ∂ p̄

 (1 + γ ū) + γ v̄ + w̄ =− ,

 ∂ x̄ ∂ ȳ ∂ z̄ γ ρU∞2 ∂ ȳ


  ∂ w̄


 ∂ w̄ ∂ w̄  (δp)e ∂ p̄
 (1 + γ ū) + γ v̄ + w̄ =− 2 ∂ z̄
.
∂ x̄ ∂ ȳ ∂ z̄ γ ρU∞
Il se simplifie immédiatement du fait que γ ≪ 1 et que les forces de pression équilibrent
2 :
nécessairement les forces d’inertie, soit (δp)e = γ ρU∞
∂ ū ∂v̄ ∂ w̄ ∂ ū ∂ p̄ ∂v̄ ∂ p̄ ∂ w̄ ∂ p̄
+ + = 0, =− , =− , =− .
∂ x̄ ∂ ȳ ∂ z̄ ∂ x̄ ∂ x̄ ∂ x̄ ∂ ȳ ∂ x̄ ∂ z̄
En reportant les équations dynamiques dans la conservation de la masse, on constate
immédiatement que la pression p̄ est une fonction harmonique 3D :

∆p̄ = 0.
5. Pour ce calcul, il est préférable d’utiliser des coordonnées cylindriques en posant ỹ 2 + z̃ 2 = r̃ 2 ,
ỹ = r̃ cos ϕ et z̃ = r̃ sin ϕ.
CHAPITRE 13. ÉCOULEMENTS LONGILIGNES 141

Il s’agit d’un écoulement de fluide parfait incompressible, irrotationnel et il est préfé-


rable d’en chercher la solution sous la forme du potentiel des vitesses :

v = ∇φ =⇒ v̄ = ∇Φ̄ avec φ = γU∞ L Φ̄.

la pression se déduisant du théorème de Bernoulli :

2 2
 
pa + 21 ρU∞ = pa + (δp)e p̄ + 12 ρU∞ (1 + γ ū)2 + γ 2 (v̄ 2 + w̄2 ) =⇒ p̄ = −ū.

Intégration Puisque le potentiel est cherché loin de l’obstacle, on peut commencer par
y incorporer les termes décroissant le moins vite, c’est-à-dire en 1/R où R = L R̄ est la
distance du point courant à l’origine (coordonnées sphériques). Plus précisément, il est
posé sous la forme :
cos ϕ
Φ̄ = f (θ),

qui respecte la symétrie relativement au plan {Oxy} où se trouvent la traînée R et la


portance F .
D’après le formulaire, le laplacien de Φ̄ s’écrit :

d  df  f
sin θ − = 0.
dθ dθ sin θ

Après multiplication√ par (df /dθ) sin θ, l’équation s’intègre une première fois et il vient :
(df /dθ) sin θ = ± 2(C0 + 21 f 2 )1/2 . Les propriétés de symétrie du champ de vitesse en
θ = π (amont) montrent que df /dθ et f s’annulent simultanément ce qui implique C0 = 0.
Il s’ensuit (df /dθ) sin θ = ±f , dont la seule solution bornée en θ = π est :
 
cos ϕ cotg 21 θ
cos ϕ K  cos ϕ 

f (θ) = K cotg 12 θ =⇒ Φ̄ = K cotg 21 θ et v = − 2  sin2
θ .
R̄ R̄  
sin ϕ
cotg 12 θ
sin θ

La composante ū, requise pour appliquer le théorème de Bernoulli, s’exprime avec les
formules de changement de repère : ū = v̄r cos θ − v̄θ sin θ, ce qui nous permet d’expliciter
la pression :

K
p̄ = − cos ϕ sin θ.
r̄ 2

13.2.4 Raccord
Échelle extérieure Le voisinage du sillage est caractérisé par des petites valeurs de
θ = ε θ̃ et, selon l’échelle considérée, nous avons :
 
x̄ = r̄,
 x̄ = r̄ cos θ,
 

Échelle ȳ = r̄ sin θ cos ϕ, Échelle ỹ = θ̃ r̄ cos ϕ,
extérieure 
 intérieure 

z̄ = r̄ sin θ sin ϕ. z̃ = θ̃ r̄ sin ϕ.
13.2. SILLAGES 142

On en déduit le comportement du potentiel, de la pression et des composantes de la vitesse


lorsque θ → 0 :


 ∂ Φ̄
 
 ū = ∼ 0,
K ỹ 
 ∂ x̄

 Φ̄ ∼ 2 , 

ε ỹ 2 + z̃ 2 1 ∂ Φ̄ K ỹ 2 − z̃ 2
et v̄ = ∼ −2 2 2 ,

 p̄ ∼ −εK ỹ , 
 ε ∂ ỹ ε (ỹ + z̃ 2 )2


x̄3 
 1 ∂ Φ̄ K 2ỹz̃

 w̄ = ∼ −2 2 2 .
ε ∂ z̃ ε (ỹ + z̃ 2 )2

Échelle intérieure Lorsque ỹ 2 + z̃ 2 → ∞, les termes exponentiels sont définitivement


négligeables et il ne reste que :
Kv (ỹ 2 − z̃ 2 ) + 2Kw ỹz̃ Kw (ỹ 2 − z̃ 2 ) − 2Kv ỹz̃
ũ ∼ 0, ṽ ∼ −2 et w
e∼2 .
(ỹ 2 + z̃ 2 )2 (ỹ 2 + z̃ 2 )2

Raccord proprement dit Le raccord de ũ et ū conduit immédiatement à poser K1 = 0,


cependant que Ku reste indéfini.
Le raccord de ṽ et v̄ d’une part et w e et w̄ d’autre part se traduisent par :


 Kv (ỹ 2 − z̃ 2 ) + 2Kw ỹz̃ γ K(ỹ 2 − z̃ 2 ) (

 −2αε = −2 ,
(ỹ 2 + z̃ 2 )2 ε2 (ỹ 2 + z̃ 2 )2 γ = αε3 ,
=⇒


 Kw (ỹ 2 − z̃ 2 ) − 2Kv ỹz̃ γ 2K ỹz̃ Kv = K et Kw = 0,
 2αε 2 2 2
= −2 2 2 2 2
,
(ỹ + z̃ ) ε (ỹ + z̃ )
tandis que le raccord des pressions est automatique. En définitive, le pseudo-potentiel
s’écrit à l’échelle intérieure :
Ku −η2 K ỹ −η2
 2 ỹ 2 + z̃ 2
Φ̃ = e + 1 − e où η = .
x̄ 2x̄ η 2 4x̄

13.2.5 Effort globaux


Il est donc impossible de formuler des conditions
initiales d’évolution du sillage et, comme pour les Π1 Π2
jets, il faut remplacer ces conditions manquantes par F
R x
des conditions globales, trouver un ou plusieurs in-
variants. Dans le cas d’un sillage, les grandeurs cher- U∞ U∞ + v
chées sont données par les efforts R et F supposés
connus.
Le calcul s’effectue à l’aide du théorème des quantités de mouvement appliqué à un
volume de contrôle V englobant le corps. Soit ∂V le bord externe de V :
Z Z
 
ρV (V · n) dA = −(p − pa ) I + τ · n dA − (F + R).
∂V ∂V
La partie latérale de ∂V étant un tube de courant très éloigné de l’obstacle, primo elle ne
contribue pas au flux de quantité de mouvement, secundo la pression y est égale à pa et
tertio les frottements visqueux y sont négligeables. D’autre part, le plan Π1 n’est soumis à
aucune contrainte. Par conséquent, seule subsiste la contribution du plan Π2 :
Z Z
 
F +R= −(p − pa ) I + τ · ex dA − ρv(U∞ + u) dA.
Π2 Π2
CHAPITRE 13. ÉCOULEMENTS LONGILIGNES 143

Traînée Elle se calcule en projection sur l’axe des x :


Z Z
 
R= −(p − pa ) + τxx dA − ρu(U∞ + u) dA.
Π2 Π2

Le calcul de ces intégrales requiert d’adapter les échelles à la région de l’écoulement. Soit
e 2 la portion de Π2 coupée par le sillage ; son bord ∂ Π
Π e 2 se trouve dans la zone de raccord.
Désignons également par Π̄2 le complémentaire de Π e 2 dans Π2 : Π2 = Π̄2 ∪ Πe 2.
De façon à comparer les différentes contributions, il convient d’adimensionner cette
expression :
Z Z
R 3 4
2 L2
= αε −p̄ d Ā + αε τ̃xx dÃ
ρU∞ Π̄2 e2
Π
Z Z Z
3 2 2
− αε ū dĀ − αε ũ dà ≃ −αε ũ dà = 4αε2 πKu ,
Π̄2 e2
Π e2
Π

ce qui montre, comme on pouvait s’y attendre, que le défaut de débit apporte la contribu-
tion dominante à la traînée. Il s’ensuit :
1 R R 2 U∞ y 2 + z 2
Ku = 2 2 L2
=⇒ u=− e −η où η 2 = − .
4παε ρU∞ 4πµx 4ν x

Portance Cet effort est obtenu en projection sur l’axe des y :


Z Z
F = τxy dA − ρv(U∞ + u) dA.
Π2 Π2

La méthode de calcul est la même que pour la traînée :


Z Z Z Z
F 3 3 2 2
2 L2
= αε τ̃xy dà − αε v̄ dĀ − αε ṽ dà ≃ −αε ṽ dA = 4αε2 πK.
ρU∞ e
Π2 Π̄2 e
Π2 e
Π2

On en tire la valeur de la constante K :


1 F
K= 2 2 L2
,
4παε ρU∞

et le champ de vitesse transversal :

F  y 2  −η2 F y2 − z2 2 R 1/2 y 2
v= − 1− 2
e − 2 4
1 − e −η − RL e −η ,
4πµ x 8xη 32πρU∞ x η 4πµ x 2x
F yz −η2 F 2yz 2  R 1/2 z 2
w= e − 1 − e −η − R e −η .
4πµ x 8x η 2 32πρU∞ x2 η 4 4πµ x L 2x
Lorsque le sillage est de révolution, F = 0 et il ne reste que les derniers termes. Noter enfin
que les termes qui décroissent le plus lentement varient comme 1/(y 2 + z 2 ).
13.3. PANACHES 144

13.3 Panaches
13.3.1 Phénoménologie
Lorsqu’un objet chaud est placé dans
un environnement fluide plus froid, si au-
cune autre cause susceptible de mettre le
fluide en mouvement n’intervient (souf-
flante, pompe, jet), les couches proches de
la paroi sont réchauffées à son contact. Il
s’ensuit un gradient de masse volumique
à l’origine d’une force de volume (poussée
d’Archimède) qui agit de bas en haut si
le fluide est plus chaud que son environ-
nement et inversement (voir section 12).
La photo ci-contre 6 représente, par
visualisation de gradient d’indice de ré-
fraction, les couches d’air mises en mou-
vement par un cylindre chauffé. On distin-
gue les couches limites au voisinage de la
paroi du cylindre qui se rejoignent pour
former un panache, autrement dit sillage thermique.
Remarque : Il est clair que le sens de l’écoulement est déterminé par le signe
de la différence Tp − T∞ et que, dans le cadre de l’approximation de Boussi-
nesq, il suffit de changer le signe de g pour passer d’un problème à l’autre.
Par conséquent, dans ce qui suit, nous nous limitons au cas d’un écoulement
ascendant.
Il est également possible de créer un panache en injectant un jet de fluide chaud selon
la verticale ascendante. La structure de l’écoulement est plus complexe et présente trois
régions principales :
1. Jet : comme on l’a vu en section 13.1, l’écoulement est dû à l’énergie cinétique initiale
(il s’agit donc de convection forcée) et il se décompose en deux sous-domaines :
(a) Noyau potentiel où la couche de mélange n’a pas encore contaminé toute la
partie centrale.
(b) Jet développé où les conditions d’écoulement sont autosemblables.
2. Convection mixte ou transition : les forces d’inertie et la poussée d’Archimède sont
du même ordre sans qu’il soit possible d’attribuer un rôle prépondérant à l’un de ces
deux moteurs.
3. Panache : les forces motrices sont dues aux différences de masse volumique et déter-
minent les échelles de l’écoulement (convection naturelle).
Dans les trois cas, l’équilibre fondamental est toujours celui de la convection et de la
diffusion dont on sait qu’il ne détermine que l’échelle de longueur qui caractérise l’extension
transversale de l’écoulement). L’intervention de forces de pesanteur permet de déterminer
une échelle longitudinale. En général, les vitesses induites par la convection naturelle sont
6. M. Van Dyke, « An Album of Fluid Motion », Parabolic Press (1982)
CHAPITRE 13. ÉCOULEMENTS LONGILIGNES 145

suffisamment faibles pour négliger d’emblée la dissipation visqueuse, ce que nous admettons
ici.
Puisque le nombre de Prandtl est supposé d’ordre unité, l’équilibre convection∼dif-
fusion qui caractérise la dynamique de l’écoulement se retrouve pour les transferts d’énergie.
Ceci en dépit du fait que l’apport de chaleur se fasse par convection et non par diffusion à
partir d’une paroi chaude, comme cela a été supposé tout au long de la section 12.

13.3.2 Étude préliminaire du jet


z
Désignons par VJ et TJ la vitesse et la tem- u
pérature du jet au débouché du réservoir (voir
v
figure). En raison de la diffusion latérale de la
g
quantité de mouvement et de l’entraînement de Panache
(convection
fluide froid par le jet, ces paramètres ont baissé naturelle)
au niveau V0 et T0 à la traversée du plan z = H0
qui repère conventionnellement la section initiale
du panache. On se propose d’estimer V0 et T0 ,
compte tenu de ce qu’on sait d’un jet. p∞
V0
Une première hypothèse —heuristique — est T∞ H0
d’admettre que les propriétés du jet sont valables ρ ∞
Convection
dès la section de sortie de la tuyère et jusqu’au mixte
plan z = H0 . On a défini l’échelle de longueur HJ
L du jet (ici H0 ) comme étant celle au bout de Jet
laquelle la vitesse axiale du jet a diminué d’un Entraînement
(convection
ordre de grandeur (vois section 13.1.1) et on peut VJ forcée)
He
donc s’attendre à trouver pour V0 des valeurs Noyau
égales au plus au 1/10éme de VJ . TJ potentiel
Exprimons ensuite la conservation de l’éner-
gie sur un volume de contrôle V ayant la forme 2a Réservoir
d’un cylindre circulaire de grand rayon R (très
supérieur à la largeur du jet en z = H0 ) et de O r
hauteur H0 :
Z Z
ρcp (T − T∞ )(v · n) dA = −k ∇ T · n dA,
∂V ∂V

où ∂V = Πj ∪ Π0 ∪ ΣR , Πj et Π0 étant respectivement les plans d’entrée et de sortie tandis


que ΣR est la surface latérale cylindrique. Noter que l’intégrale de ρ∞ et de T∞ = cste est
nulle sur la surface fermée ∂V.
Estimons les valeurs des intégrales différentes de zéro :
Z
ρcp (T − T∞ )(v · n) dA = −ρJ cp (TJ − T∞ )VJ πa2 ,
ΠJ
Z Z ∞
2
ρcp (T − T∞ )(v · n) dA = πδ (H0 )ρ0 cp (T0 − T∞ )V0 Te ũ 2r̃ dr̃,
Π0 0
Z Z ∞
T0 − T∞ 2 ∂ Te
−k ∇ T · n dA = k πδ (H0 ) − 2r̃ dr̃.
Π0 H0 0 ∂ x̄

On peut alors vérifier que la troisième intégrale est négligeable devant la seconde et, ensuite,
évaluer le rapport des écarts de température en admettant que l’intégrale qui subsiste est
13.3. PANACHES 146

une constante d’ordre unité :


T0 − T∞ ρJ VJ a2 8 ρJ
= 2
= ∼ 1,
TJ − T∞ ρ0 V0 δ 3 ρ0
en raison de l’hypothèse de Boussinesq. Ainsi les variations de température dans le jet
sont minimes et on peut assimiler T0 − T∞ à TJ − T∞ .

13.3.3 Position du problème


Formulation dimensionnée Le milieu extérieur est au repos, à température uniforme
et la répartition de pression est hydrostatique : pg∞ = p∞ (x) + ρ∞ g x = cste.
Dans le cadre de l’approximation de Boussinesq, écrites pour un écoulement station-
naire doté de la symétrie de révolution, les équations sont les suivantes :
∂u 1 ∂
+ (rv) = 0,
∂x r ∂r  2 
∂u ∂u 1 ∂pg ∂ u 1 ∂  ∂u 
u +v = gβ(T − T∞ ) − +ν + r ,
∂x ∂r ρ∞ ∂x ∂x2 r ∂r ∂r
 2 i
∂u ∂v 1 ∂pg ∂ v ∂ h1 ∂
v +v = − +ν + (rv) ,
∂x ∂r ρ∞ ∂r ∂x2 ∂r r ∂r
 2 
∂T ∂T ∂ T 1 ∂  ∂T 
u +v =α + r ,
∂x ∂r ∂x2 r ∂r ∂r
pg = p − ρ∞ g x.
Sous réserve de trouver un invariant, les conditions aux limites se réduisent aux conditions
de raccord avec la région extérieure au repos, soit :

lim u = 0, lim pg = pg∞ et lim T = T∞ .


r→∞ r→∞ r→∞

On a pris soin de laisser la composante transversale de côté en raison de l’entraînement.

Approximation intérieure Suite à ces considérations, le choix d’échelles est évident :


x = H x̄, r = δ r̃ = εH r̃,
u = V0 ũ,v = εV0 ṽ, pg = pg∞ + (δpg ) p̃g ,
T = T∞ + (δT ) Te.
Les échelles L, δ, et (δpg ) sont inconnues tandis que V0 et (δT ) = TJ −T∞ sont des données.
Cependant, à la différence des jets, l’échelle de longueur H résulte de l’équilibre entre la
poussée d’Archimède, les forces d’inertie et les forces de frottement.
Sous forme adimensionnée, l’énoncé des équations est donc le suivant :
∂ ũ 1 ∂
+ (r̃ṽ) = 0,
∂ x̄ r̃ ∂r̃  
∂ ũ ∂ ũ gHβ(δT ) e (δpg ) ∂pg 1 ν 2
2 ∂ ũ 1 ∂  ∂ ũ 
ũ + ṽ = T− + 2 ε + r̃ ,
∂ x̄ ∂r̃ V02 ρ∞ V02 ∂x ε V0 H ∂ x̄2 r̃ ∂r̃ ∂r̃
 i
∂ ũ ∂ṽ 1 (δpg ) ∂pg 1 ν 2
2 ∂ ṽ ∂ h1 ∂
ṽ + ṽ = − 2 + 2 ε + (r̃ṽ) ,
∂ x̄ ∂r̃ ε ρ∞ V02 ∂r ε VH ∂ x̄2 ∂r̃ r̃ ∂r̃
 
∂ Te ∂ Te 1 α 2e
2∂ T 1 ∂  ∂ Te 
ũ + ṽ = 2 ε + r̃ .
∂ x̄ ∂r̄ ε V0 H ∂ x̄2 r̃ ∂r̃ ∂r̃
CHAPITRE 13. ÉCOULEMENTS LONGILIGNES 147

Quant aux conditions aux limites, il vient simplement :

lim ũ = 0, lim p̃g = 0 et lim Te = 1.


r̃→∞ r̃→∞ r̃→∞

Il apparaît plusieurs groupements d’échelles :


ν
– nombre de Prandtl : P= ,
α
V0 H
– nombre de Reynolds : R= ,
ν
(δpg )
– nombre d’Euler : Eu = ,
ρ∞ V02
gH 3 β(δT )
– nombre de Grashof : G= ,
ν2
V0 H
– nombre de Péclet : Pe = = PR.
α
Après avoir procédé aux simplifications automatiques résultant de l’hypothèse ε ≪ 1
et reporté les groupements sans dimension, il vient :
∂ ũ 1 ∂
+ (r̃ṽ) = 0,
∂ x̄ r̃ ∂r̃
∂ ũ ∂ ũ G (δpg ) ∂pg 1 1 ∂  ∂ ũ 
ũ + ṽ = 2 Te − + r̃ ,
∂ x̄ ∂r̃ R ρ∞ V 2 ∂x ε2 R r̃ ∂r̃ ∂r̃
∂ ũ ∂ṽ 1 (δpg ) ∂pg 1 ∂ h1 ∂ i
ṽ + ṽ = − 2 + (r̃ṽ) ,
∂ x̄ ∂r̃ ε ρ∞ V 2 ∂r ε2 R ∂r̃ r̃ ∂r̃
∂ Te ∂ Te 1 1 ∂  ∂ Te 
ũ + ṽ = 2 r̃ .
∂ x̄ ∂r̄ ε PR r̃ ∂r̃ ∂r̃
Vient enfin l’argumentation physique. À la différence de la convection naturelle telle
qu’elle est présentée au chapitre 12, l’apport de fluide chaud s’effectue par convection
et ce terme doit donc rester dans lՎquation dӎnergie. Supposons que la diffusion y soit
négligeable, il nous resterait dTe/dt̄ = 0, soit Te = cste sur une trajectoire et une telle
solution serait incapable de rendre compte de l’affaiblissement du niveau des températures
dans le sens de l’écoulement : nous devons donc préserver l’équilibre convection ∼ diffusion.
Puisque P ∼ 1, nous obtenons une première relation entre échelles :

ε = R−1/2 .

Cette condition garantit une température différente de zéro dans l’écoulement et, par
suite, l’existence d’une poussée d’Archimède, véritable moteur de l’ascension du fluide.
Simultanément, le panache dispose d’une énergie cinétique initiale et, comme on le voit
plus loin, sa vitesse axiale étant décroissante, les forces d’inertie jouent également le rôle
de moteur.
Cependant, les forces de frottement jouent plus clairement le rôle de frein et compte tenu
de l’équilibre convection ∼ diffusion admis plus haut, ces deux forces doivent donc demeurer
dans le bilan de quantité de mouvement longitudinal. Enfin, la pression est conservée en
tant que conséquence du mouvement. En résumé, nous sommes donc conduits à poser :

(δpg )
R = G 1/2 , =1 =⇒ ε = G −1/4 .
ρV02
13.3. PANACHES 148

Il s’ensuit la dégénérescence bien connue de l’équation transversale où le gradient de


pression ∂ p̃g /∂r̃ se retrouve tout seul et on peut immédiatement faire usage de la condition
de raccord pour établir que p̃g = 0. En première approximation, la pression ne joue donc
aucun rôle.
Nous aboutissons ainsi au problème suivant :

∂ ũ 1 ∂
+ (r̃ṽ) = 0,
∂ x̄ r̃ ∂r̃
∂ ũ ∂ ũ 1 ∂  ∂ ũ 
ũ + ṽ = Te + r̃ ,
∂ x̄ ∂r̃ r̃ ∂r̃ ∂r̃
∂ Te ∂ Te 1 ∂  ∂ Te 
ũ + ṽ = r̃ .
∂ x̄ ∂r̄ r̃ ∂r̃ ∂r̃

lim ũ = 0 et lim Te = 0.
r̃→∞ r̃→∞

Invariant Les conditions aux frontières indiquées ci-dessus sont homogènes et rien ne
force la solution à prendre des valeurs non triviales. Cependant, comme dans le cas des
jets, il existe bien un invariant qui se substitue aux conditions initiales, mais a contrario,
il est d’origine énergétique. Après avoir mis l’équation d’énergie sous forme conservative,
nous obtenons :
Z r̃
d  r̃ h ∂ Te ir̃
ũ Te r̃∗ dr̃∗ + r̃∗ ṽ Te 0 = r̃∗ .
dx 0 ∂r̃ 0

Supposons maintenant — ce qui se vérifie a posteriori — que les champs de vitesse et de


température disposent des propriétés suivantes :
 ∂ Te 
lim (ũ Te r̃ 3 ) = 0, lim (r̃ ṽ Te) = 0 et lim r̃ = 0,
r̃→∞ r̃→∞ r̃→∞ ∂r̃
les termes intégrés s’annulent et l’invariant est donc :
Z ∞
˜
JT = ũ Te r̃ dr̃ avec JT = 2πρcp (δT )νH J˜T .
0

Cette propriété est due à l’absence de dissipation visqueuse et le flux d’énergie qui traverse
le plan z = H0 doit donc se conserver, quand bien même la densité de flux diminue du fait
de la diffusion transversale et de l’entraînement de fluide froid.

13.3.4 Intégration
La méthode d’intégration est similaire à celle mise en œuvre dans le cas du jet (voir
section 13.1.3). Nous commençons donc par transformer les variables et les fonctions de la
manière suivante :

1 ∂ ψ̃ Ψ(x̄) F ′ (η) F ′ (η)


r̃ = ∆(x̄) η, ũ = = 2 = U (x̄) et Te(r̃, x̄) = G(x̄) Θ(η),
r̃ ∂r̃ ∆ (x̄) η η
avec F (0) = 0, lim (F ′ /η) = 1 et lim (F ′ /η) = 0,
η→0 η→∞

ainsi que Θ(0) = 1, Θ (0) = 0 et lim Θ = 0.
η→∞
CHAPITRE 13. ÉCOULEMENTS LONGILIGNES 149

Tous calculs faits, il vient pour la vitesse radiale :


U′ ∆′  F
ṽ = U ∆′ F ′ − U ∆ +2 ,
U ∆ η
et pour les bilans de quantité de mouvement et d’énergie :
 U′
 2 ′F
′2 ∆′  ′′ F ′  F ∆2 G d h d  F ′ i

∆ U − ∆2 U +2 F − = ηΘ + η ,
η U ∆ η η U dη dη η
 G′ ′ U′ ∆′  d 

 ∆2 U F Θ − ∆2 U +2 F Θ′ = ηΘ′ ,
G U ∆ dη
sans oublier l’invariant :
Z ∞
˜ 2
JT = ∆ U G F ′ Θ dη.
0

Nous devons donc trouver les fonctions ∆, U et G telles que :


∆2 G G′
∆2 U ′ = A, 2U ∆∆′ = B, = C, ∆2 U =D et ∆2 U G = E.
U G
La résolution conduit à : U = cste, ∆ = α x̄1/2 et G = K/x̄, ce qui permet de mettre le
système sous la forme :
η2 d  F 
ṽ = 12 αU 1/2 .
x̄ dη η 2
 h  ′ i α2 K 

 d η d F F′ F
+ ηΘ + α2 U F ′′ − = 0,
dη dη η U η η

 ηΘ′ + α2 U F Θ = 0.
Z ∞
˜ 2
JT = α U K F ′ Θ dη.
0

L’intégration de l’équation d’énergie permet d’expliciter la température :


 Z η 
2 F
Θ(η) = Θ(0) exp −α U dη∗ ,
0 η∗

dont la décroissance exponentielle garantit la convergence des intégrales et des termes


intégrés vus plus haut.
Le système est globalement du quatrième ordre et il nous faut donc quatre conditions
aux limites. Deux des conditions en η = 0 déterminent respectivement les fonctions U et G
comme étant les valeurs de la vitesse et de la température sur l’axe et ne doivent pas être
considérés comme des conditions aux limites. Il reste donc celle qui définit F plus deux
conditions à l’infini auxquelles il faut adjoindre l’invariant.
Remarque : on peut éliminer les paramètres des équations pour les reporter dans les
conditions aux frontières par les changements de variables suivants :

η = ζ/α, F = F̄ /(α2 U ) et Θ = Θ̄/K.

Il vient alors :
 h  ′ i 
 d ζ d F̄ F̄ ′  F̄
+ ζ Θ̄ + F̄ ′′ − = 0,
dζ dζ ζ ζ ζ
 ′
ζ Θ̄ + F̄ Θ̄ = 0,
13.3. PANACHES 150

avec :
Z ∞
F̄ ′ F̄ ′
F̄ (0) = 0, = U,
lim lim = 0, J˜T = F̄ ′ Θ̄ dζ,
ζ→0 ζ ζ→∞ ζ 0
et Θ̄(0) = K, lim Θ̄ = 0.
ζ→∞

Sous cette forme, il apparaît que le paramètre α reste arbitraire et on peut donc le fixer
en imposant, par exemple, F ′ (η)/η = 1/2 en η = 1, soit F̄ ′ (α) = 21 αU qui constitue
une équation pour α.

3.5 7

3 6
0,1
0,5
1,0
2,0
2.5 J˜T 3,0
4,0
5

6,0
8,0
10,0
2 4

F̄ ′ /ζ Θ̄
1.5
Vitesses Températures 3
(F̄ ′ /ζ)|0 = U Θ̄|0 = K

1 2

0.5 1

0 0
−10 −5 0 5 10
ζ
Figure 13.1 – Profils de vitesse et de température d’un panache laminaire de révolution
pour différentes valeurs de l’invariant.

J˜T 0,1 0,5 1,0 2,0 3,0 4,0 6,0 8,0 10,0
K 0,067 0,33 0,667 1,333 2,00 2,666 3,999 5,332 6,667
U 0,316 0,707 1,000 1,414 1,732 2,000 2,449 2,828 3,162
α 3,958 2,643 2,220 1,875 1,691 1,573 1,422 1,325 1,250
CHAPITRE 13. ÉCOULEMENTS LONGILIGNES 151
13.3. PANACHES 152

Annexes
Annexe A

Formulaire

Fluide à propriétés physiques constante.

Coordonnées cartésiennes
Scalaires

 
∂s/∂x
∂s ∂2s ∂2s ∂2s ∂2s
(∇s)i = ∇s = ∂s/∂y  , ∆s = = + +
∂xi ∂xi ∂xi ∂x2 ∂y 2 ∂z 2
∂s/∂z

Vecteurs

∂vi ∂u ∂v ∂w
div v = = + +
∂xi ∂x ∂y ∂z
 
∂w ∂v
 ∂y − ∂z 
 
∂vk  ∂u ∂w 
(rot v)i = ǫijk rot v = 
 ∂z − ∂x 

∂xj  
 ∂v ∂u 

∂x ∂y
 
∂u ∂u ∂u
 ∂x ∂y ∂z 
 
∂vi  ∂v ∂v ∂v 
(∇v)ij = 
∇v =  
∂xj 
 ∂x ∂y ∂z 
 ∂w ∂w ∂w 
∂x ∂y ∂z
 2 
∂ u ∂2u ∂2u
 ∂x2 + ∂y 2 + ∂z 2 
 2 
∂ 2 vi  ∂ v ∂2v ∂2v 
(∆v)i = ∆v =   + 2+ 2 
∂xj ∂xj  ∂x
2 ∂y ∂z  
 ∂2w ∂2w ∂2w 
+ +
∂x2 ∂y 2 ∂z 2

153
154

 
∂u ∂u ∂u
 ∂x u + ∂y v + ∂z w 
 
∂vi  ∂v ∂v ∂v 
(∇v · v)i = vj ∇v · v =  
 ∂x u + ∂y v + ∂z w 
∂xj  
 ∂w ∂w ∂w 
u+ v+ w
∂x ∂y ∂z

Tenseurs

∂Tij ∂Tij
(∇ T)ijk = (div T)i = (tr ∇ T)i =
∂xk ∂xj

Tenseur des taux de déformations

  ∂v ∂vj 
1 t 1 i
D= 2 ∇v + ∇v (D)ij = 2 +
∂xj ∂xi

Équations générales
Bilan de masse

∂u ∂v ∂w
+ + = 0.
∂x ∂y ∂z

Bilan de quantité de mouvement — Équations de Navier–Stokes

  ∂2u ∂2u ∂2u 



 ∂u ∂u ∂u ∂u 1 ∂p

 + u + v + w = gx − + ν + 2 + 2 ,

 ∂t ∂x ∂y ∂z ρ ∂x ∂x2 ∂y ∂z

  ∂2v
∂v ∂v ∂v ∂v 1 ∂p ∂2v ∂2v 
+u +v +w = gy − +ν + + 2 ,

 ∂t ∂x ∂y ∂z ρ ∂y ∂x2 ∂y 2 ∂z

 


 ∂w ∂w ∂w ∂w 1 ∂p ∂ w ∂ w ∂2w 
2 2
 +u +v +w = gz − +ν + + .
∂t ∂x ∂y ∂z ρ ∂z ∂x2 ∂y 2 ∂z 2

Bilan d’énergie interne

 ∂T ∂T ∂T ∂T  k h ∂u ∂v 2  ∂v ∂w 2  ∂w ∂u 2 i
cv +u +v +w = ∆T +ν + + + + +
∂t ∂x ∂y ∂z ρ ∂y ∂x ∂z ∂y ∂x ∂z
h ∂u 2  ∂v 2  ∂w 2 i
+ 2ν + +
∂x ∂y ∂z
ANNEXE A. FORMULAIRE 155

Coordonnées cylindriques
Scalaires

 
∂s/∂r
∇s = (1/r)∂s/∂θ 
∂s/∂z
1 ∂  ∂s  1 ∂2s ∂2s
∆s = r + 2 2+ 2
r ∂r ∂r r ∂θ ∂z

Vecteurs

1 ∂ 1 ∂vθ ∂vz
div v = (rvr ) + +
r ∂r r ∂θ ∂z
 
1 ∂vz ∂vθ
 r ∂θ − ∂z 
 ∂vr ∂vz 
 
rot v =  − 
 ∂z ∂r 
1 ∂ 1 ∂vr 
(rvθ ) −
r ∂r r ∂θ
 ∂v 1 ∂vr vθ ∂vr 
r

 ∂r r ∂θ r ∂z 
 ∂v vr ∂vθ 
 θ 1 ∂vθ 
∇v =  + 
 ∂r r ∂θ r ∂z 
 
∂vz 1 ∂vz ∂vz
 ∂rh r ∂θ
i
∂z 
∂ 1 ∂ 1 ∂ 2 vr 2 ∂vθ ∂ 2 vr
 ∂r r ∂r (rvr ) + r 2 ∂θ 2 − r 2 ∂θ + ∂z 2 = ∆r v 
 h i 
∂ 1 ∂ 1 ∂ 2 vθ 2 ∂vr ∂ 2 vθ 
∆v =  ∂r r ∂r (rv θ ) + + + = ∆θ v 

 r 2 ∂θ 2 r 2 ∂θ ∂z 2 
 1 ∂  ∂vz  2
1 ∂ vz 2
∂ vz 
r + 2 2
+ = ∆z v
 r ∂r ∂r r ∂θ ∂z 2 
∂vr ∂vr vθ vθ2 ∂vr
 ∂r vr + ∂θ r − r + ∂z vz 
 
 ∂vθ ∂vθ vθ vθ vr ∂vθ 
∇v · v =  vr + + + vz 
 ∂r ∂θ r r ∂z  
 ∂vz ∂vz vθ ∂vz 
vr + + vz
∂r ∂θ r ∂z

Tenseurs


 1 ∂ 1 ∂Trθ Tθθ ∂Trz

 (rTrr ) + − +

 r ∂r
 r ∂θ r ∂z
1 ∂Tθθ ∂Trθ 2 ∂Tθz
div T = + + Trθ +

 r ∂θ ∂r r ∂z


 1 ∂ (rT ) + 1 ∂Tθz + ∂Tzz

rz
r ∂r r ∂θ ∂z
156

Tenseur des taux de déformation

∂vr 1 ∂vθ vr ∂vz


Drr = , Dθθ = + , Dzz =
∂r r ∂θ r ∂z
h ∂  v  1 ∂v i
1 θ r
Dθr = Drθ =2 r +
∂r r r ∂θ
 ∂v 1 ∂v 
θ z
Dθz = Dzθ = 12 +
∂z r ∂θ
 ∂v ∂v 
z r
Dzr = Drz = 12 +
∂r ∂z

Équations générales
Bilan de masse

1 ∂ 1 ∂vθ ∂vz
(rvr ) + + =0
r ∂r r ∂θ ∂z

Bilan de qdm – Équations de Navier–Stokes


 ∂vr ∂vr ∂vr vθ v 2 ∂vr 1 ∂p


 + vr + − θ + vz = gr − + ν∆r v

 ∂t ∂r ∂θ r r ∂z ρ ∂r

∂vθ ∂vθ ∂vθ vθ vθ vr ∂vθ 1 ∂p
+ vr + + + vz = gθ − + ν∆θ v

 ∂t ∂r ∂θ r r ∂z ρr ∂θ



 ∂vz ∂vz ∂vz vθ ∂vz 1 ∂p
 + vr + + vz = gz − + ν∆z v.
∂t ∂r ∂θ r ∂z ρ ∂z

Bilan d’énergie interne

 ∂T ∂T vθ ∂T ∂T 
cv + vr + + vz
∂t ∂r r ∂θ ∂z
k 2 2 2
 2 2 2

= ∆T + 4ν Dθr + Drz + Dzθ + 2ν Drr + Dθθ + Dzz .
ρ
ANNEXE A. FORMULAIRE 157

Coordonnées sphériques
Scalaires

 
∂s/∂r
∇s =  (1/r) ∂s/∂θ 
(1/r sin θ) ∂s/∂φ

1 ∂  2 ∂s  1 ∂  ∂s  1 ∂2s
∆s = r + sin θ +
r 2 ∂r ∂r r 2 sin θ ∂θ ∂θ r 2 sin2 θ ∂φ2

Vecteurs

1 ∂ 2 1 ∂ 1 ∂vφ
div v = 2
(r vr ) + (vθ sin θ) +
r ∂r r sin θ ∂θ r sin θ ∂φ

 
1 ∂ 1 ∂vθ
(v
 r sin θ ∂θ φ sin θ) −
 r sin θ ∂φ 

 1 ∂vr 1 ∂ 
rot v =  − (rvφ ) 
 r sin θ ∂φ r ∂r 
 1 ∂ 1 ∂vr 
(rvθ ) −
r ∂r r ∂θ
 
∂vr 1 ∂vr vθ 1 ∂vr vφ
− −
 ∂r r ∂θ r r sin θ ∂φ r 
 ∂v 1 ∂vθ vr 1 ∂vθ cotg θ 
 θ 
∇v =  + − vφ 
 ∂r r ∂θ r r sin θ ∂φ r 
 ∂vφ 1 ∂vφ 1 ∂vφ vr cotg θ 
+ + vθ
∂r r ∂θ r sin θ ∂φ r r

 
vr 2 ∂vθ vθ 2 ∂vφ
∆v − 2 2 − 2 − 2 2 cotg θ − 2 = ∆r v
 r r r ∂θ r r sin θ ∂φ 
 2 ∂vr vθ 2 cos θ ∂vφ 
 
∆v =  ∆vθ + 2 − 2 2 − 2 2 = ∆θ v 
 r ∂θ r sin θ r sin θ ∂φ 
 vφ 2 ∂vr 2 cos θ ∂vφ 
∆vφ − 2 2 + 2 + 2 2 = ∆φ v
r sin θ r sin θ ∂φ r sin θ ∂φ
 
∂vr ∂vr vθ ∂vr vφ vθ2 + vφ2
 vr + + − 
 ∂r ∂θ r ∂φ r sin θ r 
 ∂vθ ∂vθ vθ ∂vθ vφ vr vθ cotg θ 2 

∇v · v =  vr + + + − vφ  
 ∂r ∂θ r ∂φ r sin θ r r 
 ∂vφ ∂vφ vθ ∂vφ vφ vr vφ cotg θ 
vr + + + + vθ vφ
∂r ∂θ r ∂φ r sin θ r r
158

Tenseurs


 1 ∂ 2 1 ∂ 1 ∂Trφ Tθθ + Tφφ

 (r Trr ) + (Trθ sin θ) + −

 r 2 ∂r r sin θ ∂θ r sin θ ∂φ r

 1 ∂ 1 ∂ 1 ∂Tθφ Trθ cotg θ
div T = 2
(r 2 Trθ ) + (Tθθ sin θ) + + − Tφφ

 r ∂r r sin θ ∂θ r sin θ ∂φ r r


 ∂T ∂Tφφ Trφ
 1 ∂ (r 2 Trφ ) + 1 θφ + 1
 + +2
cotg θ
Tθφ
2
r ∂r r ∂θ r sin θ ∂φ r r

Tenseur des taux de déformation

∂vr 1 ∂vθ vr 1 ∂vφ vr cotg θ


Drr = , Dθθ = + , Dφφ = + + vθ
∂r r ∂θ r r sin θ ∂φ r r
h ∂  v  1 ∂v i
θ r
Dθr = Drθ = 12 r +
∂r r r ∂θ
h sin θ ∂  v  1 ∂vθ i
φ
Dθφ = Dφθ = 21 +
r ∂θ sin θ r sin θ ∂φ
h 1 ∂v ∂  v i
r φ
Dφr = Drφ = 12 +r
r sin θ ∂φ ∂r r

Équations générales
Bilan de masse

1 ∂ 2 1 ∂ 1 ∂vφ
2
(r vr ) + (vθ sin θ) + = 0.
r ∂r r sin θ ∂θ r sin θ ∂φ

Bilan de quantité de mouvement – Équations de Navier–Stokes

∂vr ∂vr vθ ∂vr vφ ∂vr vθ2 + vφ2 1 ∂p


+ vr + + − = gr − + ν∆r v,
∂t ∂r r ∂θ r sin θ ∂φ r ρ ∂r
∂vθ ∂vθ vθ ∂vθ vφ ∂vθ vr vθ cotg θ 2 1 ∂p
+ vr + + + − vφ = gθ − + ν∆θ v,
∂t ∂r r ∂θ r sin θ ∂φ r r ρr ∂θ
∂vφ ∂vφ vθ ∂vφ vφ ∂vφ vr vφ cotg θ 1 ∂p
+ vr + + + + vθ vφ = gφ − + ν∆φ v.
∂t ∂r r ∂θ r sin θ ∂φ r r ρr sin θ ∂φ

Bilan d’énergie interne

 ∂T ∂T vθ ∂T vφ ∂T 
cv + vr + +
∂t ∂r r ∂θ r sin θ ∂φ
k 2 2 2
 2 2 2

= ∆T + 4ν Drθ + Dθφ + Dφr + 2ν Drr + Dθθ + Dφφ .
ρ
ANNEXE A. FORMULAIRE 159

Coordonnées de Serret-Frenet
Cordonnées cartésiennes
τ : tangente, n : normale, b : binormale {τ , n, b} : orthonormé, direct
−−→ −−→ −−→ −− →
OM = OP + P M = OP + ξ n + η b
−−→
dOP /ds = τ , dτ /ds = C n, dn/ds = −C τ + T b, db/ds = −T n
C : courbure, T : torsion
K = 1 − ξC

Gradient d’un champ scalaire p(M, t)

 
1  ∂p ∂p ∂p 
 K ∂s + ηT − ξT
 ∂ξ ∂η  
 ∂p 

∇p =  
∂ξ 
 
 ∂p 
∂η

Gradient d’un champ vectoriel v(M, t) = w τ + u n + v b

  ∂w  
1 ∂w ∂w ∂w ∂w
 +ηT − ξT − C u
  ∂s
K ∂ξ ∂η ∂ξ ∂η 

 1 ∂u ∂u ∂u  ∂u ∂u 
∇v =  + η T − ξT + C w − T v 
 K ∂s ∂ξ ∂η ∂ξ ∂η 
  ∂v  
 ∂v ∂v ∂v ∂v 
1
K ∂s + η T − ξT + T u
∂ξ ∂η ∂ξ ∂η

Divergence d’un champ tensoriel du second ordre, symétrique T = Tij ei ⊗ ej

 
1  ∂Tτ τ ∂Tτ τ ∂Tτ τ  ∂T
τn ∂Tτ b
 + ηT − ξC − 2C Tτ n + + 
 h K ∂s ∂ξ ∂η ∂ξ ∂η 
 1 ∂Tτ n ∂T ∂T  i ∂T ∂T 
τ n τ n nn nb
div T = 
 K ∂s + ηT ∂ξ − ξT ∂η + C Tτ τ − Tnn − T Tτ b + ∂ξ + ∂η 

 
 1  ∂Tτ b ∂Tτ b ∂Tτ b  ∂T
nb ∂Tbb 
+ ηT − ξT + T Tτ n − C Tnb + +
K ∂s ∂ξ ∂η ∂ξ ∂η

Rotationnel d’un champ vectoriel


 
∂v ∂u
 − 
  ∂ξ ∂η  
 ∂w 1 ∂v ∂v ∂v 
rot v =  − + ηT − ξT +Tu 
 ∂η K ∂s ∂ξ ∂η 
 h i ∂w 
 1 ∂u ∂u ∂u 
+ ηT − ξT + Cw − Tv −
K ∂s ∂ξ ∂η ∂ξ
160

Cordonnées cylindriques
Élément linéaire
−−→
dOM = Kτ ds + er dr + r( dθ + T ds)eθ , K = 1 − C r cos θ

Différentielles de la base

dτ = C(cos θ er − sin θ eθ ) ds

der = − C cos θ τ − Teθ ds + eθ dθ

deθ = C sin θ τ − Ter ds − er dθ

Gradient d’un champ scalaire p(M, t)

 
1  ∂p ∂p 
−T
 K ∂s ∂θ 
 ∂p 
 
∇p =  
 ∂r 
 
1 ∂p
r ∂θ

Gradient d’un champ vectoriel v(M, t) = u τ + vr er + vθ eθ

 1 h ∂u  ∂u i ∂u 1 ∂u 
− C vr cos θ − vθ sin θ − T
 K ∂s ∂θ ∂r r ∂θ 
 1  ∂vr ∂vr  ∂vr 1  ∂vr 
 
∇v =  + Cu cos θ − T − vθ 
 K ∂s ∂θ ∂r r ∂θ 
 
1  ∂vθ ∂vθ  ∂vθ 1  ∂vθ
− Cu sin θ − T + vr
K ∂s ∂θ ∂r r ∂θ

Divergence d’un champ tensoriel du second ordre, symétrique T = Tij ei ⊗ ej

 
1 h ∂Tτ τ  ∂Tτ τ i
 − 2C Tτ r cos θ − Tθτ sin θ − T 
K ∂s ∂θ 

 ∂Tτ r 1  ∂Tθτ 

 + + + Tτr 
 ∂r r ∂θ 
 1 h ∂Tτ r  ∂T i 
 + C cos θ Tτ τ − Trr + C sin θ Trθ − T
τ r 
 

div T =  K ∂s ∂θ 
∂Trr 1  ∂Trθ  
 
 + + + Trr − Tθθ 
 h ∂r r ∂θ i
 1 ∂Tθτ  ∂T θτ 
 
 K ∂s + C sin θ Tθθ − Tτ τ − C cos θ Trθ − T ∂θ 
 ∂Trθ 
1 ∂Tθθ  
+ + + 2Trθ
∂r r ∂θ
ANNEXE A. FORMULAIRE 161

Rotationnel d’un champ vectoriel


 
∂vθ 1  ∂vr 
− − vθ
 ∂r r ∂θ 
 1 ∂u 1  ∂vθ ∂vθ 
 
rot v =  − − Cu sin θ − T 
 r ∂θ K ∂s ∂θ 
  
1 ∂vr ∂vr  ∂u
+ Cu cos θ − T −
K ∂s ∂θ ∂r
162
Annexe B

Paramètres de similitude

Nous donnons ci-dessous une liste — non exhaustive — des principaux paramètres de
similitude rencontrés en mécanique des fluides.
Nomenclature

α diffusivité de la chaleur m2 /s
β coefficient de dilatation isobare K−1
c vitesse du son m/s
cp chaleur spécifique à pression constante J/(kg · K)
E module d’Young Pa = N/m2
g accélération de la pesanteur m/s2
L longueur m
µ viscosité dynamique Pl = kg/(m · s)
ν viscosité cinématique, diffusivité de la qdm m2 /s
Ω vitesse de rotation Hz = s−1
(δp) échelle de pression Pa
p0 pression Pa
pvap pression de vapeur saturante Pa
τ temps s
V vitesse m/s
(δT ) échelle de température K
σ coefficient de tension superficielle N/m

163
164

Paramètre Nom Définition Expression


L forces d’inertie locales
Strouhal Bilan de qdm
Vτ forces d’inertie convectives
V forces d’inertie convectives
√ Froude Bilan de qdm
gL forces de gravité
gβL(δT ) gβL3 (δT ) forces de flottation
= Grashof Bilan de qdm
V 2 ν2 forces d’inertie convective
V forces d’inertie convectives
Rossby Bilan de qdm
ΩL forces de Coriolis
(δp) forces de pression
Euler Bilan de qdm
ρV 2 forces d’inertie convectives
V forces de pression
Mach Bilan de qdm
c forces d’inertie convectives
ρV L forces d’inertie convectives
Reynolds Bilan de qdm
µ forces de frottement
µ ν diffusivité de la qdm
= Prandtl Bilan d’énergie
ρcp α diffusivité de la chaleur
VL flux de chaleur convectif
Péclet Bilan d’énergie
α flux de chaleur diffusif
V2 dissipation visqueuse
Eckert Bilan d’énergie
cp (δT ) flux de chaleur convectif
ρV 2 L forces d’inertie convectives
Weber Frontières
σ tension superficielle
ρgL2 forces de gravité
Bond Frontières
σ tension superficielle
ρV 2 forces d’inertie convectives
Cauchy Frontières
E forces élastiques
p0 − pvap forces de pression
Thoma Frontières
ρV 2 forces d’inertie convectives

Table B.1 – Paramètres de similitude


Bibliographie

[1] G. K. Batchelor. An Introduction to Fluid Mechanics. Cambridge University Press,


Cambrige, U.K., 1974.
[2] P. Chassaing. Mécanique des Fluides (Éléments d’un premier cours). Polytech. Cépa-
duès, 1997.
[3] J. Cousteix. Couche limite laminaire. Aérodynamique. CEPADUES-EDITIONS, Tou-
louse, 1989.
[4] J.-S. Darrozès and C. François. Mécanique des Fluides incompressibles. Département
Mécanique des Fluides. École Nationale Supérieure de Techniques Avancées, Paris,
France, 1996. Édition provisoire.
[5] G. Duvaut. Mécanique des Milieux Continus. Dunod, 1998.
[6] P. Germain and P. Muller. Introduction à la Mécanique des Milieux Continus. Masson,
1997.
[7] E. Guyon, J.-P. Hulin, and L. Petit. Hydrodynamique physique. Savoirs actuels -
Physique. CNRS Editions - EDP Sciences, Paris, France, 1991.
[8] L. Landau and E. Lifchitz. Mécanique des Fluides, volume VI of Physique théorique.
Éditions MIR, Moscou, 1971.
[9] H. Schlichting. Boundary Layer Theory. McGraw-Hill, New-York, sixth edition, 1968.
[10] M. Van Dyke. Perturbation Methods in Fluid Mechanics. The Parabolic Press, Stan-
ford, Cal., 1975.

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