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n° 1

R evue N O U V E AU
d’ H istoire !
N 1
o

E uropeenne

OS S I E R R DA
D
  n at io n a l ‑ s o cialisme
du
n a l ‑ c o m m u n isme
au  natio

BERLIN 1961–1989
Le mur de la honte

Les tondues de Al’Andalus le mythe L’Anglais, ennemi


L 11101 - 1 - F: 7,90 € - RD

la Libération du « vivre ensemble » héréditaire ?


N°1 - Novembre Décembre 2019 Janvier 2020
FRANCE : 7,90 € – BELUX 8,90€ -  CH 13,40FS - ESP-GR-IT-PORT-CONT 8,90€ - DOM/S 8,90€ - CAN/S 14,50CAD – TUN 22TND – NCAL/S 1000XPF – POL/S 1050XPF
éditorial
L
Revue d'Histoire Européenne e lancement d’un magazine est une aventure difficile mais exaltante,
particulièrement peut-être pour une publication comme la nôtre qui
éditée par
Histoire Militaire Éditions souhaite réunir un public exigeant de passionnés d’Histoire en délivrant
24 rue Clement Ader notamment des analyses, un regard, hors des sentiers battus.
ZAC de la Clé Saint-Pierre Notre revue entend emprunter une ligne de crête qui, nous le pensons, fera
91280 Saint-Pierre-du-Perray
Tél.: 01 45 32 54 00 sa spécificité et son intérêt. Une « troisième voie », entre d’un côté le courant
de la Global History qui tend à nier, au nom de la mondialisation, la pertinence
Directeur de la publication du fait national comme grille de lecture de l’Histoire, et de l’autre, une ten-
et de la rédaction
Laurent Berrafato dance réductrice, qui surévalue les mythes nationaux fondateurs comme clés
d’explication du monde et de ses évolutions.
Conseiller éditorial Certes, si l’histoire humaine ne se construit que par une incessante sélec-
Guillaume Fiquet
tion entre les possibles, nous savons aussi, nous Français et Européens, d’où
Ont collaboré à ce numéro : nous venons et qui nous sommes. A savoir les héritiers d’une civilisation
Philippe Conrad, Christopher Lannes, indo-­européenne plurimillénaire, du miracle grec, de Rome et d’un helléno-­
Guillaume Dameron, Georges Moreau,
Jean-Robert Raviot, Paul Weber, Paul christianisme qui a façonné nos traditions, nos âmes, notre « vision du monde ».
Villatoux, Jean-Baptiste Petrequin, F.-G. Une Europe est-il besoin de le préciser, qui ne se réduit certainement pas à
Dreyfus (), David Tarot, Thierry Buron, son actuelle incarnation politico-technocratique. Quand bien même de tristes
Frédéric Deprun, Daniel de Montplaisir,
Gilles Richard, Frédéric Ledouble, commissaires politiques nous expliquent, au fil des pénibles péripéties du
Arthur de Watrigant, Jean-Louis Brexit, mais les mots de la propagande ne sont jamais neutres, que « sortir de
Riccioli, Pierre de Laubier. l’UE c’est sortir de l’Europe » ! Notre civilisation européenne a pourtant peu en
Maquette commun avec sa caricature bruxelloise qui singe la puissance mais refuse la
Guillaume Fiquet grandeur, qui parle de liberté mais qui n’a jamais été aussi soumise au totali-
tarisme du marché et aux mots d’ordre transnationaux.
Service abonnement
Abomarque/RHE Cette identité de nos nations, de notre continent, des idéologues parfois
Tél. : 05 34 56 35 60 déguisés sous le masque de l’historien, entendent la nier, la minorer, l’effacer.
histoiremilitaireedition@abomarque.fr Et ce au nom du sens de l’Histoire – concept déjà brandi en son temps par
Boutique/anciens numéros l’intelligentsia marxiste pour annoncer le triomphe inéluctable du commu-
Benoît : 01 45 32 60 69 nisme –, qui commanderait d’éradiquer à terme les spécificités anthropolo-
revues-boutique@orange.fr giques, culturelles, spirituelles. Toutes choses vues comme autant de freins
Impression insupportables à l’avènement d’une société globalisée et à une fin supposée
Printall de l’Histoire.
Cette entreprise de démolition, de démoralisation des peuples qui entendent
Distribution
MLP rester eux-mêmes, s’inscrit dans le cadre d’une guerre culturelle. Gustave
Le Bon l’écrivait déjà dans Psychologie politique, « L’Histoire nous apprend
Diffusion que c’est par l’affaiblissement de leur caractère, et jamais par celui de leur
Stand Up presse
Tél.: : 06 60 90 93 41 intelligence, que les peuples périssent ». Aussi à notre modeste niveau, nous
contact@standup-presse.fr entendons prendre part au débat d’idées en apportant quelques cartouches
aux femmes et aux hommes qui entendent tirer des enseignements du passé
Distributeur pour la Belgique
Tondeur Diffusion pour mieux décrypter le présent et anticiper les défis à venir.
9, av. Van Kalken Ce premier numéro consacre son dossier au mur de Berlin dont la chute, il y
1070 Bruxelles a trente ans, avait pris de court la plupart des spécialistes. Un bouleversement
Tél : 02/555 02 17
géopolitique majeur, « un de ces relais où le destin change de chevaux » (Lord
Byron) qui fit comprendre à toute une génération d’Européens que l’Histoire
est ouverte, que le règne des maîtres, quand il s’appuie sur le mensonge, l’op-
Commission paritaire
En cours pression et le refus du réel, n’a qu’un temps.

contact-rhe@editions-memorabilia.fr Bonne lecture !

Guillaume Fiquet
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N° 1

R E VU E N O U V E AU !
No 1
d’ H ISTOIRE
E UROPEENNE

R RDA
DOSSIE OCIALISME La Revue d’Histoire
NAL-S
DU  NATIO NISME
IO N A L-COMMU Européenne (RHE) souhaite
AU  N AT
mettre en avant l’histoire de
l’Europe, de ses origines à nos
BERLIN 1961–1989 jours. Une histoire complexe,

M U R D E L A H O N T E parfois méconnue qui aide


LE à comprendre le monde
d’aujourd’hui. Avec des sujets
originaux développés par
des auteurs spécialisés, des
historiens et des universitaires
de renom, la RHE apportera
e L’Anglais, ennemi au lecteur une autre vision
Al’Andalus le myth héréditaire ?
Les tondues de viv re en se mb le » de l’Histoire, sans tabous et à
du «
la Libération
N°1 - Novembre Déce
mbre 2019 Janvier 2020 ONT 8,90€ - DOM/S
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l’encontre des idées reçues.  
S - ESP-GR-IT-PORT-C
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sommaire RHE • no 1 • novembre, décembre 2019, janvier 2020

P.06 : TRIBUNE P.54 : AL ANDALUS


Philippe Conrad Le mythe du "vivre ensemble" dans
Notre combat pour l'Histoire l'Espagne musulmane

P.58 : QUAND LE LYS TERRASSAIT LA ROSE


P.07 : L'HISTOIRE EN ACTUALITÉ
Sept cents ans de victoires françaises
sur l’Angleterre
P.10 : EXPOSITION
« Les canons de l'élégance »
au musée de l'Armée

P.62 : LES TONDUES DE LA LIBÉRATION


Ou la réapropriation du corps des femmes

P.68 : HISTOIRE POLITIQUE


Le CNIP : la pépinière de la Ve République
P.12 : MÉMOIRE DES LIEUX
Delphes : le nombril du monde P.71 : AUTOPSIE D'UNE BATAILLE
10 août 1557 : la bataille de Saint-Quentin
P.16 : ENTRETIEN
Michel Fauquier
Aux sources de l'Europe

P.18 : PORTRAIT
Mickael Gorbatchev : adulé en Occident,
détesté en Russie

P.20 : DOSSIER
Berlin 1961-1989 : le mur de la honte

P.75 : UN TABLEAU, UNE HISTOIRE


« La traversée des Alpes » : à propos d’un
tableau de Théodore Lévigne (1848-1912)

P.78 : L'HISTOIRE AU CINÉMA


Allemagne de l'Est : 6 films pour un Mur

P.82 : L'ABOMINABLE HISTOIRE DE FRANCE


Une chronique iconoclaste de notre Histoire
E xposition

LES CANONS DE L'ÉLÉGANCE


« Plus on se croit beau, mieux on se bat »
Général François du Barail, 1820-1902

Entre fureur belliqueuse et aspiration militaire à la beauté, le lien n’est pas toujours évident. Pourtant,
l’ardeur guerrière est souvent liée à l’accession au pouvoir, imposant le devoir de distinction et le goût
du prestige. À travers plus de 200 pièces d’uniforme, d’armement ou d’équipement du XVIe siècle à nos
jours, le musée de l’Armée met en lumière ces objets d’exception qui distinguent les militaires des civils
et affichent la grandeur de leur statut guerrier
aussi bien que l’éclat de leurs triomphes.

par Guillaume Dameron

L
’élégance n’est pas uniquement affaire de vêtements,
elle réside aussi dans le soin que l’on apporte à l’en-
semble de sa parure ; l’uniforme constitue certes
pour le soldat la partie la plus marquante de sa tenue,
mais cette dernière comprend aussi les armes, les équi-
pements, les insignes… Cette élégance militaire repose
aussi sur des usages, des cadeaux, un ensemble d’objets
et de pratiques qui pourraient relever du superflu et
contrastent avec les épreuves du combat. Mais, quelle que
soit l’époque, la fureur de la bataille n’exclut pas d’appor-
ter un soin particulier à son allure. L’ostentation est d’au-
tant moins incompatible avec les rigueurs du service que
cette aspiration à la beauté, voire à la richesse des armes,
n’est pas uniquement le fruit de la fantaisie. Elle répond
à des nécessités pratiques, idéologiques ou sociales. Les  Paire de pistolets de Louis Ferdinand, dauphin de
guerriers, chacun à la mesure de leurs moyens, cherchent France, 1734, Paris, musée de l’Armée © Paris – Musée de
l’Armée, Dist. RMN-Grand Palais / Christophe Chavan
à s’affirmer à travers les objets qui sont présentés dans
cette exposition et l’ouvrage qui l’accompagne : pour affi-
cher leur rang hiérarchique, l’éclat de leurs triomphes et 220 pièces issues principalement des collections du musée
pour se distinguer des civils en clamant leur de l’Armée.
appar- tenance à une caste anoblie par le
service des armes. Ces Des objets précieux : pouvoir et autorité
armes, ces pièces
d’uniforme ou Dans la plupart des sociétés, la source du pouvoir
d’équipement politique est d’origine guerrière, et les deux fonctions
constituent sou- demeurent étroitement imbriquées puisque la guerre
vent de véritables reste pour les États un moyen de s’affirmer, de se main-
chefsd’œuvre tenir ou de défendre leurs intérêts. Chef de guerre, le
d’armurerie, souverain associe le pouvoir militaire aux attributs de la
mais également richesse, signifiant ainsi sa puissance à son peuple et au
d’orfèvrerie, de monde. Durant la deuxième moitié du XVIIe siècle, les uni-
broderie, au ser- tés qui assurent la sécurité des souverains connaissent
vice d’une mise des mutations sensibles : leur service, leurs tenues sont
en scène de soi codifiés et elles participent désormais au faste de la Cour,
que l’exposi- concourant à proclamer la grandeur du souverain. À la
tion se propose charnière des XVIIIe et XIXe siècles, à la faveur des guerres
d’étudier sur une qui recomposent l’Europe, rois et empereurs s’affichent
période allant du
XVI e siècle à nos
Habit de tambour des Coldstream Guards, vers 1890,
jours, en mettant Paris, musée de l’Armée © Paris – Musée de l’Armée, Dist.
en valeur environ RMN-Grand Palais / Anne-Sylvaine Marre-Noël
En couverture

D'UN MUR À L'AUTRE


L'évolution d'une frontière
Trente après sa chute, le mur de Berlin marque de son empreinte l’histoire de l’Allemagne mais aussi
celle de l’Europe. Édifice érigé afin de retenir la population de République démocratique allemande
(RDA), le régime socialiste l’avait pudiquement qualifié d’­Antifaschistischer Schutzwall ou mur de pro-
tection antifasciste. Au-delà des causes de son érection et de sa chute, il apparaît bien comme un
véritable système visant à rendre hermétique la frontière entre des deux Allemagnes. Ce qui est en
règle générale dénommé mur de Berlin reflète une réalité physique plus complexe que l’érection d’une
simple barrière de béton. Loin d’être figé, il a durant toute son existence évolué pour tendre vers une
véritable zone tampon.

par Jean-Baptiste Petrequin

L
e mur de Berlin trouve son origine d’occupation soviétique au printemps 1945.
dans la fin de la Seconde Guerre mon- Ils sont néanmoins contraints de reculent
diale et sa raison d’être dans la survie sur la ligne officielle de partage entraînant
du régime socialiste de la RDA. Contrairement avec eux une partie de la population alle-
au reste de la frontière avec l’Ouest où le bou- mande qui ne souhaite pas se retrouver sous
clage est progressif au cours des années 50, domination soviétique : le 1er juillet 1945, la
à Berlin, il intervient en nuit et de manière division de l’Allemagne est effective. Or, les
définitive. mouvements de population vers l’Ouest aug-
La frontière interallemande ou mentent jusqu’en 1947, année à laquelle le
Innerdeutsche Grenze naît de la partition régime frontalier va commencer à se durcir.
de l’Allemagne par les vainqueurs de la Cependant, il demeure aisé de la traverser
Seconde Guerre mondiale lors du protocole ainsi que de travailler dans une zone qui n’est
de Londres en septembre 1944, modifié par pas celle de résidence. Les premiers travaux
Le mur dans sa les accords de Yalta. Ce partage théorique du d’obstruction débutent en 1952 et dès lors
première forme cotoie
ici les barbelés des territoire se heurte à l’avance les anglo-amé- Berlin représente le moyen le plus sûr de pas-
premières heures. DR ricains qui entrent ainsi dans la future zone ser à l’Ouest.

24 • Revue d'Histoire Européenne no 1 • Novembre Décembre 2019 Janvier 2020


En couverture

GRENZTRUPPEN DER DDR


Les gardiens du Rideau de Fer
Parfois qualifiés de SS verts dans l’historiographie à cause de la dominante verte de leurs attributs
vestimentaires, cette appellation tapageuse ne résiste toutefois pas à l’analyse. Troupe destinée à sur-
veillance des frontières de la République Démocratique Allemande (RDA), les Grenztruppen der DDR
sont un maillon essentiel du dispositif étatique est-allemand. La question de la sécurité des frontières
dans l’histoire des deux Allemagne de l’après-guerre trouve un écho symétrique en termes de réponse
apportée : la création de troupes de police spécialement dédiées à cette mission le Bundesgreznschutz
en RFA et la Grenzpolizei qui se mue en Grenztruppen der DDR ou GT à l’Est. Cette mutation entraîne
un changement de statut, libérant les GT du giron de la police et constituant comme une composante
à part entière de la NVA, militarisant ainsi la frontière.
par Jean-Baptiste Petrequin

L
’ occupation de l’Allemagne et son constitution d’unités de police dédiées : à
découpage, résultat de la conférence l’Ouest, la République Fédérale d’Allemagne
de Londres, remanié à Yalta afin d’y crée le  Bundesgrenzschutz en 1951  tandis
inclure les Français instaure de fait des qu’à l’Est voit le jour la Deutsche Grenzpolizei
limites entre les secteurs : la plus importante (DGP) dès 1946, armée sur autorisation de
étant celle qui va marquer la fracture entre l’Union soviétique.
Américains, Anglais et Français d’un côté et Ces embryons d’unités de gardes-frontières,
Devant la porte Soviétique de l’autre. Or, les vainqueurs du d’abord organisés au niveau régional, com-
de Brandebourg, conflit délèguent rapidement cette surveil- mencent dès 1948 à être centralisés au sein
dans les années 70, lance aux régions allemandes. Ce transfert de l’administration allemande de l’intérieur,
deux soldats des
Grenztruppen en de responsabilité pose la question de la remi- futur ministère de l’Intérieur à la création
patrouille. DR litarisation du pays, la solution passe par la de la RDA l’année suivante. La composante

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En couverture

LA PRUSSE ROUGE
Du national-socialisme au national-communisme

La DDR ou en français la RDA a été une création étrangère artificielle sans aucune légitimité
historique et encore moins l’expression d’une volonté populaire. Voulue par l’URSS et mise en
œuvre, sous sa houlette, par un groupe de communistes allemands formés à l’école du « so-
cialisme » à Moscou. Les historiens de la DDR se réfèrent toujours au 30 avril 1945, lorsqu’un
groupe de communistes réfugiés à Moscou revenant d’URSS en Allemagne sous la direction
de Walter Ulbricht mit en gestation cette République destinée à transformer ce pays vaincu et
humilié en modèle du communisme et intégrer ainsi la communauté des pays socialistes. Sa
naissance le 7 octobre 1949 lui fit emprunter la voie de la dictature afin de réaliser le rêve des
« collaborateurs » staliniens.
par Laurent Berrafato

L
a défaite allemande consacrée en mai prouve leur volonté de parrainer le futur
1945 avait abouti à la répartition de État, voire de l’imposer aux Alliés d’hier, qui
l’Allemagne en quatre zones d’occupa- tendent à devenir de plus en plus les concur-
tion, après le retrait des troupes anglo-amé- rents/adversaires de demain.
ricaines de Thuringe, des parties occidentales
de la Saxe, de la Saxe-Anhalt, du Brandebourg L'utilisation des structures
et du Mecklembourg, qui furent cédées aux du IIIe Reich
troupes de l’URSS et complétèrent ainsi la
zone d’occupation soviétique. À Berlin les L e 5 j u i n 19 4 5 e s t c r é é e l a S M A D
Russes sont présents depuis le 28 avril 1945, (Administration Militaire soviétique en
les Anglo-Américains occupent leurs sec- Allemagne) parallèlement au Conseil de
teurs dès le 4 juillet et les Français seulement Contrôle interallié qui se réunit pour la pre-
après le 12 août 1945. La supériorité numé- mière fois à Schönenberg (Berlin) le 30 juin Défilé de la Nationale
rique des Russes est flagrante ; ils atteignent 1945. La SMAD établit le contrôle sovié- Volksarmee der DDR.
rapidement les 380 000 hommes en DDR. Cela tique absolu sur l’Allemagne orientale et n’a Un air de « déjà-vu ».

Revue d'Histoire Européenne no 1 • Novembre Décembre 2019 Janvier 2020 •  33


En couverture

LES DEUX ÉTATS ALLEMANDS


Les difficultés de la réunification
La chute du mur le 9 novembre 1989 a engendré un processus qui a conduit à la réunifica-
tion de l’Allemagne. Mais si l’unité politique juridique, internationale, est un fait, incontesta-
blement la réunification n’a peut-être pas apporté l’équilibre économique, social et culturel
que beaucoup escomptaient. François-Georges Dreyfus, décédé en 2011, a analysé les raisons
expliquant qu’il soit au demeurant difficile à deux populations ayant vécu quarante-cinq ans
sous des régimes aussi différents de vivre de nouveau et sans délai au même rythme.

par François-Georges Dreyfus ()


avec l'aimable autorisation de la société Clio ; cet article provient du site clio.fr/bibliotheque

A
u début de l’automne 1989, Au reste, l’allemand est indirecte- l’atteste – et se développer le sen-
la RDA est un État reconnu ment issu du Hochdeutsch, dialecte timent national allemand. Ajoutons
internationalement, à la fois d’une zone comprise dans un triangle que la limite entre les deux États alle-
artificiel et plus profondément enra- Berlin-Dresde-Erfurt et que Luther mands n’est pas une innovation dans
ciné dans l’histoire qu’on ne le dit transforma en langue littéraire. C’est la mesure où elle suit la frontière qui
aujourd’hui. Enraciné dans l’histoire, dans ces régions orientales qu’est né séparait l’empire de Charlemagne du
certes ! Bien plus que le Hanovre, la et s’est constitué le protestantisme monde barbare.
Bavière ou la Rhénanie ouverts vers allemand, autour des facultés de théo- Cependant la RDA est un État arti-
l’Atlantique ou le monde latin et catho- logie des universités de Iéna, Leipzig, ficiel – tout comme la RFA d’ailleurs
lique, la RDA regroupe des régions – Wittemberg, puis de Halle fondée au – puisque créé par une puissante
Mecklembourg, Brandebourg, Saxe et XVIIIe siècle. Or, comme le disait Robert occupante. Ses limites sont celles de
Thuringe – qui sont l’âme, le cœur de Minder dans l’ouvrage Allemagnes et la zone d’occupation soviétique, issue
l’Allemagne. C’est là que sont nés et Allemands, c’est autour du presbytère des compromis interalliés de la confé-
ont vécu la plupart des grands noms protestant et de la famille pastorale rence tripartite de Yalta de février,
de la culture allemande, écrivains que s’est constituée la culture alle- complétés par les accords de Potsdam
comme Leibniz, Kant ou Nietzsche, mande. Plus tard, ces régions, que l’on et de juillet-août 1945. La future RDA
théologiens comme Luther, musi- nommait de 1740 à 1945 « Allemagne est soviétisée dès 1945 par les autori-
ciens, de Buxtehude à Wagner en centrale » ont vu naître – la manifes- tés d’occupation qui procèdent alors
passant par Bach et Mendelssohn. tation de la Wartburg en octobre 1817 à la collectivisation des moyens de

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L'HISTOIRE
EN IMAGES
Dés les premières heures de l'édification
du Mur des dizaines de Berlinois profitent
de sa relative porosité pour saisir une
dernière chance de fuir.

L'image qui a fait le tour


du monde :
le saut vers la liberté

Le 15 août 1961, au coin de la Bernauer Strasse et de la Ruppiner Strasse face au


secteur d’occupation français à Berlin, un Vopo saute les barbelés sous l’objectif
d’un jeune photographe. Le cliché désormais célèbre oublie de donner le nom
de ce soldat qui risque sa vie pour passer à l’Ouest : Konrad Schumann.
Né en pleine deuxième guerre mondiale à Zschohau, une ville de Saxe, il se
retrouve enfant dans le secteur d’occupation soviétique qui devient la Répu-
blique Démocratique Allemande en 1949. En cette année 1961, il sert comme
policier, qualifié de Vopo diminutif de Volkspolizei (police populaire), au sein
d’une brigade stationnée à Dresde. Le 12 août, ils font mouvement en direction
de Berlin. Témoin du refus de ses camarades de laisser passer une petite fille,
alors en vacance chez sa grand-mère à Berlin Est, afin de rejoindre ses parents à
l’Ouest : il doute et quelque temps après saute le barbelé qui matérialise alors la
frontière.
Il commence une nouvelle vie à Ingolstadt en Bavière où il fonde une famille et
travaille dans une usine Audi. A la chute du mur, il essaie de retrouver les traces
de sa vie à l’Est : ses amis et sa communauté le rejettent, il les a trahis. Konrad
sombre dans la dépression et met fin à ses jours, le 20 juin 1998.
Héros malgré lui de la guerre froide, l’homme jusqu’à la fin de sa vie ne s’est
jamais considéré comme un tel. Aujourd’hui, une peinture de l’East Side Gallery
et un monument rappellent son saut du 15 août 1961.
L’ESPAGNE D’AL ANDALUS
Du mythe à l’histoire
par Philippe Conrad

Plusieurs ouvrages majeurs ont remis récemment en cause Moyen Âge la genèse d’une Espagne
le mythe d’une Espagne musulmane qui aurait été, en son née de la confrontation des trois com-
temps, un « paradis multiculturel », un modèle de « vivre en- munautés chrétienne, musulmane
semble ». Comment décrypter cette relecture par trop simpli- et juive... À l’inverse, le récit « natio-
nal-catholique » qui allait finalement
ficatrice du passé ?
s’imposer voyait dans le refoulement

P
progressif de l’Islam, d’origine orien-
roduit d’une longue histoire en cause la lecture impériale et mis- tale et marocaine, la condition de
forgée au carrefour de plu- sionnaire du passé national. Alors que l’émergence d’une Espagne regrou-
sieurs héritages – ibérique, s’imposent partout en Europe des pée autour du centre de gravité cas-
romain, wisigothique, musulman et « récits nationaux » dont on mesure tillan et appelée à s’imposer, au XVIe
catholique – l’Espagne entretient des bien aujourd’hui la dimension téléo- siècle, comme la première puissance
rapports complexes avec son passé logique, les Espagnols vont se divi- d’Europe en même temps qu’elle met-
et cette situation ne date pas d’hier. ser à propos de la définition de leurs tait en œuvre la conquête et la colo-
Dès le XIXe siècle, un politicien libéral racines et de leur identité propre. nisation des immensités du Nouveau
souhaitait « fermer à double tour le Monde découvert par Colomb.
tombeau du Cid » alors que, confronté La querelle des « deux La définition de « l’hispanité » était
au triomphe de la modernité indus- Espagnes » de plus compliquée par l‘écho que
trielle, le pays remettait en cause une rencontra rapidement la «  légende
Histoire qui avait fait de lui le bras On connaît la dispute fameuse qui noire » anti-espagnole, brillamment
armé de la Contre-Réforme catho- opposa, au siècle dernier, le médié- analysée il y a peu par Joseph Pérez,
lique et le maître d’un empire de viste Claudio Sanchez Albornoz et l‘es- que répandirent en Europe, dès les
dimension planétaire. Contre une his- sayiste Amerigo Castro. Alors que le XVI e et XVII e siècles, les puissances
toire inspirée par le providentialisme premier, traquant dans la longue durée protestantes, notamment l’Angleterre
catholique, les tenants de l’adapta- les permanences supposées d’une et les Provinces-Unies néerlandaises.
tion au monde contemporain – dont « idiosyncrasie » espagnole particu- Alors que l’apogée culturel du Siècle
les interrogations furent portées par lière qui, traversant les siècles, ren- d’Or préludait à l’affaiblissement poli-
les intellectuels de la «  génération voyait au fonds ibéro-romain et avait tique de l’Espagne des Habsbourgs
de 1898 », l’année qui vit la perte de réussi à assimiler ensuite les envahis- puis des Bourbons. Le pays a rejoint,
Cuba et des Philippines, – remirent seurs successifs, le second plaçait au au XVIIIe siècle, l’Europe des princes

54 • Revue d'Histoire Européenne no 1 • Novembre Décembre 2019 Janvier 2020


FRANCE 1944
Entre libération et délivrance,
des journées hystérisées
par Frédéric Deprun

Libération et Délivrance, en France en août 1944. Des jour- la côte de la grande route, comme
nées si particulières dans chaque village et chaque bourg, qui hier. Mais des voitures ennemies iso-
ne se ressemblent aucunement. Le soldat ami libère la France lées, légères et bariolées, débouchent
mais aussi les frustrations qui peuvent s’exprimer, on délivre encore des petites routes, passant en
trombe pour rejoindre le gros de leur
une virilité si injustement mise sous bâillon par la présence de
troupeau. On a vu dans les vergers en
l’ennemi. L’Allemand a disparu, et quelqu’un doit affirmer son lisière du village, des Allemands pas-
pouvoir à la place. Le GI ne comprend rien des affaires du pays sant à pied, des poignées dépenaillées
et il finira par combattre plus loin… à chaque fois. L’un d’eux aurait été

S
tué par un résistant dans une ferme,
i une délivrance m’était chaque fois démenties avant l’es- d’autres, d’après des témoignages,
contée… Quelque part entre poir prochain. Un gars à bicyclette ont pillé les réserves d’une longère
Avranches et Paris... Enfin, au traverse le village en hurlant qu’ils vers les bois. Les gars des alentours
bout de la route à l’entrée de ce village arrivent, là-bas vers le pont ! Il assure descendent pour rejoindre la place
de la Sarthe, on entend les Américains. qu’il est suivi d’une petite voiture centrale, ils assurent qu’ils vont faire
Le mois d’août termine sa première carrée à l’étoile blanche 1. Chacun le ménage… 
semaine alors que les rumeurs de libé- sort désormais des maisons, cela
ration ont parcouru les ruelles depuis fait quelques heures qu’il n’y a plus On délivre un prisonnier
plus d’un mois, annonces imminentes d’Allemands remontant péniblement retenu par l’ennemi,
et on libère un détenu
incarcéré par la justice.

Le terme délivrance est bien souvent


employé populairement à la place du
mot libération pour ce qui concerne
la période d’août 1944, à la libération
de Paris, le mot deviendra l’appella-
tion officielle à partir du mois suivant.
C’est aussi le terme employé dans les
journaux gaullistes interrogeant son
sens dans des explications didactiques
et idéologiques2. Ainsi, on annonce :
« C’est le moment de réfléchir sur le
véritable sens de la Libération (avec
Majuscule, ndla). Pour les uns, cela
veut dire le départ des Allemands.

 Photographie prise à Paris le 24 août


1944 montrant un groupe d’habitants
participant au soulèvement, posant
autour d’un train de canon de 2 cm
de Flak allemande privé de son tube
mais remorqué par une camionnette
civile. Chacun a cherché à s e
« militariser », à s’incarner en soldat
en s’affublant de casques français,
de pistolet, de fusil et de grenades
ramassés çà et là. (Archive auteur)

62 • Revue d'Histoire Européenne no 1 • Novembre Décembre 2019 Janvier 2020


guerres. » Et il souligne avec émotion que « le rêve fut,
il y a un siècle, réalisé pour vingt ans par les généraux
AVANT QUE LE COQ NE CHANTE de la révolution ».
Toutefois, Richelieu ne donnait à la Gaule que des

C
frontières historiques. Les « frontières naturelles » ser-
e qui est intéressant, chez les historiens du virent de prétexte aux révolutionnaires pour annexer la
XIXe siècle, c’est qu’ils oublient que l’historien Belgique et une partie de la Hollande, provoquant l’ire
regarde vers l’arrière. Mais ceux qui vivent l’his- de l’Angleterre et vingt années de guerres ruineuses.
toire, si l’on ose employer cette expression pompeuse, Cette définition des « limites de la Gaule » néglige le
c’est-à-dire ceux qui vivent, regardent vers l’avant. Ils fait que le monde celtique s’étendait jusqu’à l’Espagne
ne savent pas ce qui va se passer après. L’homme de à l’ouest, et de l’autre côté du Rhin jusqu’aux Carpathes.
Cro-Magnon ne savait pas qu’il allait devenir gaulois, Et qu’il avait disparu sans laisser de traces pour laisser
ni les Gaulois qu’ils allaient devenir romains, ni les place à la civilisation latine.
Gallo-Romains qu’ils allaient devenir francs, puis fran- Mais l’important, pour Lavisse, Malet et leurs émules
çais. Mais un historien comme Malet, collaborateur de est de faire de la France une entité « une et indivisible »
Lavisse, inventeur du « roman national », et auteur d’un non seulement dans l’espace, mais aussi dans le temps.
célèbre manuel scolaire continué après lui par Isaac, a Ce qui fait naître, sous la plume de Malet, des phrases
l’air de croire que la Gaule a existé de toute éternité, la étonnantes. Il écrit ainsi  : «  Les mêmes montagnes
France républicaine et cocardière n’étant que l’ultime qui s’élèvent aujourd’hui sur notre sol se dressaient
avatar dans lequel elle était destinée à s’incarner. au centre et à l’est de la Gaule. » Voilà une manière
singulière de chanter la France éternelle. La Gaule,
c’était la France… La preuve : on y trouvait les mêmes
montagnes !
Malet fait comme si jamais rien n’avait existé sur le
territoire de la Gaule avant les Gaulois eux-mêmes.
À ses yeux, l’homme de Cro-Magnon, le Gaulois ou le
Franc tendent à devenir français comme le têtard tend à
devenir grenouille. La France préhistorique, il l’appelle
la Gaule, et il indique qu’« on y trouvait le mammouth,
énorme éléphant aux défenses recourbées ». Mais ce
noble mammifère s’est éteint il y a quinze mille ans,
tandis que les Celtes ne sont arrivés en Gaule que six
siècles avant notre ère. Sans doute Malet imaginait-il le
jardin d’Eden sous la forme d’un parc à la française, et
Adam sous les traits d’un guerrier au visage encadré de
Malet donne à la Gaule les limites de la province tresses qui, ayant croqué la pomme, inventa la recette
conquise par César. « C’est là, dit-il, ce qu’on a appelé du cidre avant de chausser des braies pour cacher sa
les frontières naturelles de la France. » Il fait remar- nudité à Yahvé courroucé. Yahvé qui n’est autre, bien
quer : « Les rois de France ont longtemps rêvé d’étendre entendu, que le pseudonyme de Toutatis.
le royaume jusqu’à ces limites et, selon le mot du car-
dinal de Richelieu, de mettre la France partout où Pierre de Laubier
fut l’ancienne Gaule ». Ce fut l’idée directrice de leur Retrouvez les autres leçons de l'Abominable Histoire de
politique extérieure et qui inspira beaucoup de leurs France sur pierredelaubier.e‑monsite.com

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