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BABELAO _ (201_), p.

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© ABELAO (Belgium)

La langue kassite existe-t-elle vraiment ?


Par

Arnaud Fournet
La Garenne Colombes (France)

L ’article propose de (dé)montrer que les mots et noms de personnes réputés être kassites
sont en réalité un ensemble hétéroclite de mots hourrites, plus ou moins dialectaux, et
de mots indo-iraniens, parfois déformés, sans doute par leur intégration dans la langue
hourrite. La conclusion, au terme de cette analyse, est que l’existence d’une langue kassite, qui aurait
un vocabulaire ou des caractéristiques autonomes, est sérieusement compromise.
En premier lieu, il faut souligner qu’on ne connaît ni inscription, ni tablette, ni texte, qui serait
rédigé en langue dite kassite. La documentation se compose essentiellement d’une tablette bilingue
où des mots supposés kassites sont glosés en akkadien.1 On peut y ajouter les noms des rois de la
dynastie kassite, ainsi que des lexèmes listés dans le dictionnaire assyrien de Chicago (CAD) avec
la mention ‘kassite word’ [mot kassite].2
1. Le corpus de lexèmes dits kassites
Cette première partie examine les lexèmes par ordre alphabétique.
1. [CAD] akkandaš, anakandaš ‘spoke (of a wheel) [MB] (Kassite word)’ – ‘rayon (de roue)’
Le CAD liste deux variantes formelles. En outre, akkamdaš est attesté en référence à une chaise.
On peut trouver des comparandes en vieil-indien: (1) aņga- ‘jambe’, et (2) aņka- (au duel) ‘une partie
mal identifiée du char de guerre’. Globalement, l’allure morphologique et phonétique du mot
*an(a)ka-nd-aš est tout à fait compatible avec une origine indo-iranienne. La variante akkamdaš avec
-m- est plus étrange. La sémantique ‘jambe’ > ‘rayon (de roue)’ est raisonnable.

1 Publiée et étudiée pour la première fois par DELITZSCH, Die Sprache der Cossäer, linguistisch-historische Funde und

Fragen von Dr Friedrich Delitzsch, 1884.


2 Le CAD s’appuie en général sur BALKAN, Kassitenstudien I, die Sprache der Kassiten (AOS 37), 1954.
En résumé, ce mot est très probablement d’origine indo-iranienne.
2. [CAD] allak s. ‘felly, rim (of a wheel) [MB*] (Kassite word)’ – ‘jante (de roue)’
On peut comparer allak avec vieil-indien lekha- ‘bord(ure), contour’. La voyelle initiale est une
prothèse d’origine hourrite, puisque l initial est interdit en hourrite.3 La phonétique est légèrement
déformée.
En résumé, ce mot est très probablement d’origine indo-iranienne.
3. [CAD] alzibadar ‘a color of horses [MB] (Kassite word)’ – ‘aux grands pieds’
Le CAD considère qu’il s’agit d’une couleur. Nous proposons plutôt d’y voir une caractéristique
physique : ‘aux grands pieds’, d’après vieil-indien a-leśa-pāda-, littéralement ‘aux non-petits pieds’.
La phonétique est légèrement déformée.
En résumé, ce mot est très probablement d’origine indo-iranienne.
4. [CAD] andaš ‘prince (Kassite word)’ – ‘prince’
<an-da-aš = ru-bu-u>. Ce mot a été comparé à hourrite endan ‘prêtre-roi’, mais cela se heurte à
des difficultés sémantiques et phonétiques. Nous proposons plutôt d’y voir une déformation du
mot vieil-indien bhaţţa- ‘(mon) seigneur’, qui est utilisé pour s’adresser humblement à des princes.
La phonétique est significativement déformée. L’élimination du son bh se retrouve en hourrite umini
‘pays’ ~ vieil-indien bhūmī- ‘le monde, ce qui est’. La paire géminée ţţ est dissimilée -nd-, comme
dans hourrite Puranti ‘Euphrate’ < Purattu. On peut donc expliquer la déformation bhaţţa(s) > andaš,
à première vue improbable et insurmontable, avec des changements attestés par ailleurs.
En résumé, ce mot est probablement d’origine indo-iranienne.
5. <áš-lu-lu = pap-pu-ú> – ‘enfant adopté’
Le mot est listé dans le CAD sous pappû. Le mot ašlulu n’offre aucun point d’accroche avec le
vieil-indien. On peut imaginer un lien avec hourrite ašuhi ‘repas’. Un ašlulu serait un enfant que l’on
nourrit, sans qu’il soit un enfant génétique. La forme du mot à finale -u fait penser à un adjectif
hourrite, comme ašmu ‘gras’, plutôt qu’à un nom commun (finale -i).
En résumé, ce mot est peut-être hourrite, mais il n’est pas attesté dans la documentation hourrite
disponible à ce jour.
6. <áš-rak = mu-du-ú> – ‘sage, expert’
Le mot est listé dans le CAD sous mudû. Le signe rak peut aussi se lire šal. Aucune lecture n’offre
de point d’accroche avec le vieil-indien. Du point de vue hourrite, on peut imaginer un dérivé à
finale -ak(ka) sur base de l’adjectif akkadien ašru ‘humble’. Un ašrak(ka) serait une personne sage et
humble. L’autre lecture aššal ne donne rien.
En résumé, ce mot est peut-être hourrite, mais il n’est pas attesté dans la documentation hourrite
disponible à ce jour. Au demeurant, la forme exacte n’est pas certaine : ašrak ou aššal.
7. <ba-ar-hu = qaq-qa-du> – ‘tête’
Le CAD cite <ma-ar-hu = qaq-qa-du> avec ma- au lieu de ba-. Le mot se laisse comparer avec
hourrite bahi ‘tête’.
En résumé, ce mot est très probablement d’origine hourrite dialectale.
8. [CAD] baziharzi s. ‘a leather object [MB*] (Kassite word)’ – ‘tambour(in) en peau de chèvre’
<KUŠ ba-zi-har-zi>. A priori, d’après le déterminatif KUŠ, l’objet est en cuir. Le point litigieux
est la lecture du signe har, qui peut aussi valoir hur et mur. Les comparandes les plus intéressants
sont vieil-indien basta- ‘chèvre’ et muraja- ‘sorte de tambour(in)’. Le groupe st et l’affriquée j sont

3 On peut comparer avec akkadien libittu ‘brique crue’ > hourrite a-libši, avec prothèse a-.
remplacés par z, qui vaut peut-être [dz]. La déformation basta-muraja- > bazi-murzi peut aussi avoir
une motivation onomatopéique et rythmique, en relation avec un tambour(in).
En résumé, ce mot à lire bazimurzi est très probablement d’origine indo-iranienne.
9. [CAD] bukāšu s. ‘prince, ruler (Kassite loanword)’ – *pukāšu ‘prince, premier-né’
<bu-ka-šum>. La forme du mot n’est pas absolument claire. Le signe bu peut aussi se lire pu.
En outre, l’onomastique livre une variante <-bu-ga-aš> avec ga au lieu de ka. La finale -aš, qui est
sans doute un nominatif singulier, est fréquente dans le corpus dit kassite. Mais, ici, il faut plutôt y
voir un intensif hourrite sur la base puk/g-, qui donne aussi putki ‘enfant’ (tk < *kt). Le sens serait
‘fils ainé, premier-né, prince’. L’initiale est probablement p, car en ourartéen le signe DUMU ‘fils’ est
parfois utilisé pour écrire pu (≠ bu) de façon non-ambiguë.
En résumé, ce mot est probablement du hourrite dialectal.
10. [CAD] buri-(yaš) s. ‘prince, ruler (Kassite loanword)’ – ‘seigneur’
Le mot buri n’est pas attesté en tant que tel, mais se laisse segmenter dans l’équation <bu-ri-ia-
aš = bēl matātī> ‘seigneur des terres’. Le lien avec hourrite buru ‘fort’ est évident.
En résumé, ce mot est très probablement hourrite.
11. [CAD] <bur-na-(bur-ia-a-aš) = ki-din-[dAd]ad> – ‘protégé, serviteur’
Le mot est listé dans le CAD sous kidinnu. Le lien avec hourrite burame et ourartéen bura
‘serviteur’ est évident.
En résumé, ce mot est très probablement hourrite.
12. [CAD] <da-ka-áš = ka-ka-bu> – ‘étoile’
Le mot est listé dans le CAD sous kakkabu. Le mot ‘étoile’ est souvent dérivé du mot ‘brûler’.
En indo-européen, *H2ster est lié au verbe *H2es- ‘brûler’. De même, en akkadien kakkabu est lié au
verbe kabābu ‘brûler’. La base dak- se laisse comparer à PIE *dheghw- ‘brûler’, représenté en vieil-
indien par dah-, et par dagdha- ‘brûlé’. L’équation phonétique est imparfaite, mais semble certaine.
En résumé, ce mot est probablement d’origine indo-iranienne, quoique sans comparande direct.
13. [CAD] <da-gi-gi = AN-ú> – ‘ciel’
Le mot est listé dans le CAD sous šamū. Le lien sémantique avec hourrite tagi ‘beau’ n’a rien de
spécialement impérieux. Les mots dakaš ‘étoile’ et dagigi ‘ciel’ semblent partager la même racine.
En résumé, ce mot est peut-être d’origine indo-iranienne.
14. [CAD] dardarah s. ‘a small ornament of metal [EA, *MB] (Kassite word)’ – ‘sorte de bijou’
Le mot est attesté de plusieurs façons <dar-da-ra-ah, tar-ta-ra-ah, da-ar-da-ra-ah, ta-ar-ta-ra-ah,
dàr-da-ra-ah>. Il semble s’agir toujours du même objet qui peut être en bronze ou en or. L’allure
du mot est compatible avec la morphologie hourrite, mais une base dard- est inconnue. Un
comparande possible est vieil-indien dardarīka- qui peut désigner une grenouille ou un instrument
de musique, et aussi dardura- grenouille ou flute. Dans le contexte de cadeaux échangés entre rois
et pharaons, des bijoux en forme de flute semblent possibles.
En résumé, ce mot est peut-être d’origine indo-iranienne, il désignerait des bijoux et ornements
en forme de flute.
15. <dur = du.gur> – ‘(?) épée du dieu de la guerre’
Le mot <du.gur> est la forme au proche-orient du mot vajra-, qui désigne l’épée du dieu Indra.
<du.gur> est <ša-um-ma-ta-ar> ‘donneuse de soma’.4 Delitzsch glose <iluNergal> ‘Löwengott’,5 ce

4 LAROCHE, Glossaire de la langue hourrite, 1980, p. 219. Laroche (ni von Brandenstein avant lui) ne semble pas

avoir vu le lien avec Indra et šauma, forme archaïque du mot soma.


5 DELITZSCH, 1884, p. 25.
qui a été repris par d’autres. Il n’y a aucune raison de remplacer <du.gur> par la lecture <iluNergal>.
A la suite de cette première fantaisie, un échaffaudage aboutit de <iluNergal> à ‘dieu des enfers’, ce
qui « permet » alors une comparaison avec hourrite tur- ‘descendre, (être) en bas’. Logiquement, il
faut chercher des comparandes qui signifient ‘épée’ : par exemple, vieil-indien druņa- ‘épée’ est
intéressant. A noter en mokša-mordve , une langue où abondent les emprunts indo-iraniens, le mot
tor ‘épée’. C’est donc plutôt du côté indo-iranien qu’il faut chercher des comparandes.
En résumé, ce mot est probablement d’origine indo-iranienne, quoique sans équivalent exact.
15. <e-me = a-şu-ú> – ‘(?) en chemin, sur la route’
Le mot est listé dans le CAD sous aşû ‘to leave, to depart’. La comparaison avec hourrite amm-
‘arriver à, atteindre’ est tentante, malgré un léger écart sémantique et phonétique. L’alternance des
voyelles a/e est difficile à expliquer. Il semble que le mot soit en fait un nom : vieil-indien ema,
correspondant au grec οἶμος ‘chemin, route’. <e-me> ressemble à un locatif : ‘sur la route’. Cette
glose correspond en fait à l’adjectif [CAD] āşû ‘going out, departing’. Cet item a été mal compris et
mal glosé.
En résumé, ce mot est très probablement d’origine indo-iranienne.
17. <gi-dar = dnin.ur> – *gedar ‘(?) éclair, foudre’ (cf. #33)
Le mot ne semble pas figurer dans le CAD. Normalement, dnin.ur est l’idéogramme du dieu de
la guerre. Le mot ne semble pas être une traduction mais un attribut. Grec φαιδρός signifie ‘brillant,
étincelant’. La comparaison avec lithuanien giedras ‘clair, brillant’ est compatible avec une préforme
*ghwai-dros ‘brillant’. Si ce mot avait un reflet en indo-iranien, ce serait *ghedra-.6 Notre hypothèse est
que gidar, ou peut-être mieux gedar, puisque le signe gi peut aussi se lire ge, fait référence à la foudre,
attribut du dieu de la guerre. A noter que, dans l’autre équation <ma-rut-taš = dnin.ur>, le mot
marut ‘dieu de l’orage’ a pour racine probable *mer-, duquel grec μαρμαίρω ‘éclairer, scintiller’. Cela
conforte notre analyse du mot gedar.
En résumé, ce mot est probablement d’origine indo-iranienne, quoique non-attesté.
18. <ha-la = dgu-la> – ‘déesse de la guérison’
Le mot ne semble pas figurer dans le CAD. Un comparande possible en vieil-indien est le verbe
hŗ- ‘enlever’ et hara- ‘qui enlève, détruit’. Plutôt qu’un équivalent divin exact, ce serait la traduction
d’un attribut de la déesse Gula : ‘enlever les maladies’. A noter que hari est un attribut de Vishnu-
Krishna ‘qui enlève le péché’. L’alternance l/r n’est pas un souci en indo-iranien.
En résumé, ce mot est probablement d’origine indo-iranienne.
19. <ha-mi-ru = še-e-pu> – ‘pied’
Le mot est listé dans le CAD sous šēpu. Cf. <sa-ri-bu>. Le mot hamiru est étrange, et très peu de
comparandes en hourrite ou en indo-iranien semblent possibles. A noter le vieil-indien amhri- ‘pied’.
L’équation amhri- = <ha-mi-ru> est-elle acceptable ? Elle suppose un réarrangement segmental de
amhri, avec déplacement de h à l’initiale. Le hourrite n’admet les groupes de trois consonnes. Etant
donné que les deux mots ont exactement le même sens, cela semble acceptable.
En résumé, ce mot est probablement d’origine indo-iranienne.
20. <har-be = den-lil> – ‘dieu de l’atmosphère’
Le mot ne semble pas figurer dans le CAD. L’équation apparaît aussi dans des noms de
personnes : <ka-da-áš-ma-an-har-be> = <mka-dáš-man-men-líl>. Une autre pièce du dossier est un
nom de personne remontant au vieil-assyrien de Kaneš : Anum-Hirbi. Ce nom a la structure d’un
nom hourrite et signifie vraisemblablement ‘le dieu Hirbi se réjouissant’. Il est tenu pour hourrite.
Mais le lexème Hirbi (ou Herbi) est une variante de Harbe. Ce mot « kassite » n’est pas autre chose

6 Cf. vieil-indien chidaka- ‘éclair, diamant’ (< ? *ghwi-d- au degré zéro de la racine).
qu’une variante du mot hourrite hawur(ni) ‘ciel’, avec métathèse de r et w : *hawr- > harb-. Le nom
Anum-Hirbi, conforme à l’onomastique hourrite, confirme que le « kassite » est en vérité un
dialecte hourrite.
En résumé, ce mot est une variante dialectale d’un mot hourrite.
21. [CAD] hašimbur, hašinbar s. ‘a plant (Kassite word)’ – ‘une plante médicinale’ (Cf. #24)
<Ú ha-ši-im-bur = Ú ak-tam ina Kaš-ši-i>. Ce mot semble plus hourrite qu’indo-iranien. Le
sens précis est inconnu. On peut faire diverses préparations avec la plante et ses graines. Il y a peut-
être un lien avec hourrite haš- ‘oindre’. Ce serait une plante dont on peut tirer une huile.
En résumé, ce mot, de sens inconnu, est peut-être hourrite.
22. <haš-mar = ka-su-su> – ‘faucon’
Le mot est listé dans le CAD sous kasusu. C’est peut-être le reflet hourrite de la racine *H2es- du
mot slave *astr-(emb-) ‘faucon’ et du grec ἀστερίας ‘sorte de faucon’.7 Le signe haš peut aussi se lire
tar et kud, mais haš semble être le plus fructueux.
En résumé, ce mot, dont la forme reste incertaine, est peut-être hourrite.
23. [CAD] hulalam adj. ‘(?) a color or marking of horses [MB] (Kassite word)’ – ‘(?) hennissant’
Le CAD considère que le mot serait une couleur. D’après vieil-indien hulihulī ‘cri, hurlement’,
d’allure onomatopéique, ce serait plutôt une caractéristique autre que la couleur.
En résumé, ce mot est probablement d’origine indo-iranienne.
24. <i-lu-lu = AN-ú> – ‘ciel’
Le mot est listé dans le CAD sous šamû. Il ressemble à un croisement entre akkadien ilu ‘dieu’
et hourrite Alalu ‘dieu primordial’, équivalent d’Ouranos.
En résumé, ce mot est sans doute du hourrite dialectal, influencé par l’akkadien.
25. [CAD] iškamdi, ištamdi s. ‘bit (for a horse) [MB] (Kassite word)’ – ‘mors (de harnais)’
Le début du mot rappelle un peu le nom indo-européen de la bouche *HoHs-. Mais on ne voit
pas très bien comment analyser le mot et les deux variantes. En règle générale, les mots en relation
avec les chevaux et les chariots de guerre au proche-orient sont indo-iraniens. Mais celui-ci ne
semble pas avoir de comparande possible.
Pour sortir de cette impasse, il faut peut-être envisager de lire autrement les deux mots. <iš-
kam-di> est peut-être une écriture ou lecture fautive de <iš-hi-di>, les deux signes kam et hi sont
similaires, quoique kam soit plus complexe que hi. De même, <iš-tam-di> peut aussi être lu <iš-
hiš-di>, tam et hiš sont deux lectures possibles du signe ud. En procédant ainsi, les deux variantes
deviennennt *išhi(š)di, un mot dont l’allure générale se coule plus facilement dans des patrons
morphologiques connus. La racine fait penser à vieil-indien īş- ‘impulser, faire aller vite’, ce qui va
bien pour la sémantique. La deuxième partie du mot hi(š)di n’est pas claire et ressemble à un suffixe
hourrite possible.
Une autre idée serait de comparer *išhi(š)di avec hittite išhiya- ‘lier’. Mais il ne semble pas exister
d’emprunt certain du hittite vers le hourrite. La direction générale des influences est dans l’autre
sens, du hourrite vers le hittite.
En résumé, ce mot, dont la lecture est incertaine, est peut-être en partie d’origine indo-iranienne.
26. [CAD] kabittigalzu s. ‘a plant (Kassite word)’ – ‘une plante médicinale’ (cf. #20)
Variante kabattigalzu. Le mot semble être un composé de l’akkadien kabattu ‘foie’ et du hourrite
kel- ‘en bonne santé’. La plante médicinale en question serait une plante dont on peut tirer une
huile stimulant le foie. Le morphème galzu se laisse comparer au hourrite kel-gel-ešt- ‘en excellente

7 Cette comparaison est une suggestion du site comparatiste starling.rinet.ru.


forme’ au superlatif, attesté dans l’Epopée de la libération d’Ebla (Epos der Freilassung). Galzu est
une variante dialectale de gel-ešt- ~ gal-zi, où z note en fait une affriquée. Cf. #7 baziharzi.
En résumé, ce mot est en partie de l’akkadien et du hourrite dialectal.
27. <ka-mul-la = dÉ.A> – ‘le dieu Ea’
Le mot kamu-lla ressemble au verbe akkadien kamû ‘piéger, ensorceler’, augmenté du pluriel
hourrite -lla. Il s’agit donc d’un attribut du dieu de la magie, et non d’une traduction.
En résumé, ce mot est le pluriel hourrite d’un mot emprunté à l’akkadien.
28. [CAD] <ka-mu-ša-áš> s. ‘a bronze attachment on chariot reins [MB*] (Kassite word)’ –
‘composant en métal de bride de chariot’
Le mot ressemble à vieil-indien kavi(ka) ‘mors (de bride)’. Il n’y a pas de bon comparande.
En résumé, ce mot est d’origine inconnue.
29a. [CAD] karimgaldu, karagaldu, s. ‘(?) quiver [MB*] (Kassite word)’ – ‘corde de carquois’
29b. [CAD] karimtaldu s. ‘(?) quiver [MB*] (Kassite word)’ – ‘fond de carquois’
Les mots semblent composés et impliquent vieil-indien kholi (> kari-) ‘carquois’.8 Vieil-indien
tala- veut dire ‘partie inférieure, fond’, de sorte que karimtaldu pourrait signifier ‘fond de carquois’.
Quant à l’autre composé, d’après vieil-indien gala- ‘corde (en roseau)’, il pourrait signifier ‘corde de
carquois’. Certains détails morphologiques sont un peu obscurs, en particulier le suffixe -du et le -
m-. A noter aussi que, d’après sa phonétique, le mot kholi ne peut sans doute pas être hérité et qu’il
a probablement une origine substratique ou adstratique en vieil-indien.9
En résumé, ces deux mots sont très probablement d’origine indo-iranienne.
30. [CAD] kimek s. ‘part of a chariot (? Kassite word)’ – ‘partie de chariot’
Il n’y a pas de bon comparande.
En résumé, ce mot est d’origine inconnue. Son appartenance au corpus dit kassite n’est d’ailleurs
pas assurée.
31. <ku-uk-la = ab-du> – ‘esclave, sous-homme (< ? chien)’
Le mot ressemble à vieil-indien kukkura ‘chien, être méprisable (d’une caste inférieure)’. Dans
ce cas, le mot kukla serait très péjoratif, voire insultant.
En résumé, ce mot est peut-être d’origine indo-iranienne.
32. [CAD] laga(š)takkaš adj. ‘(?) speckled (said of horses) [MB, NB] (Kassite word)’ – ‘(?) rayé’
La base du mot lag- ressemble à vieil-indien rekha- ‘ligne, rayure’, augmenté de suffixes. A noter
que le mot commence par une consonne l- normalement interdite à l’initiale en hourrite. La finale
-aš est fréquente dans le corpus kassite.
En résumé, ce mot est peut-être (en partie) d’origine indo-iranienne.
33. <ma-li = a-mi-lu> – ‘homme’
Le mot est listé dans le CAD sous amīlu. Le mot mali se laisse facilement comparer à vieil-indien
marya- ‘(jeune) homme, mortel’, avec interversion r/l.
En résumé, ce mot est probablement d’origine indo-iranienne.
34. <ma-rut-taš = dnin.ur> – ‘les marut, des dieux de l’orage, compagnons d’Indra’ (cf. #16)
Le signe rut peut aussi se lire rat. La comparaison avec vieil-indien marut est évidente.
En résumé, ce mot est très probablement d’origine indo-iranienne.

8 Voir aussi vieil-indien kalāpa- ‘paquet de flèches, carquois’.


9 Cf. russe колчан ‘carquois’, d’allure turque.
35. [CAD] massiš s. ‘un textile utilisé pour le harnais [MB*] (Kassite word)’ – ‘(?) cuir’
<ma-as-si-iš>. Il n’y a pas de comparande en vieil-indien. Plus intéressant est hourrite maški
‘cuir’. Le mot massiš aurait un autre suffixe que maški.
En résumé, ce mot est probablement d’origine hourrite.
36. <me-li = ar-du> – ‘serviteur, esclave’
Il n’y a pas de bon comparande, sauf à supposer que meli est une variante de mali (#32).
En résumé, ce mot est d’origine inconnue.
37. [CAD] minziri, minzahar s. ‘designation of a horse [MB] (Kassite word)’ – ‘(?) gras’
Le CAD suggère le sens ‘blanc pommelé, blanc tacheté’, mais le meilleur comparande en vieil-
indien est mind- ‘engraisser’. De façon générale, le CAD a tendance à interprêter tous les mots
comme étant des couleurs, ce qui n’est pas toujours vrai.
En résumé, ce mot est peut-être d’origine indo-iranienne.
38. <mi-ri-ia-aš = er-şe-tum> ‘terre’ – ‘(?) (zone) frontière, marche’
Le mot est listé dans le CAD sous erşetu, et pourrait aussi se lire midal-yaš. Il semble inclure yaš
‘terre’. Il n’y a pas de bon comparande pour midal. Une possibilité pour miri est vieil-indien mirā-
‘limite, frontière’, augmenté du mot kassite yaš. Dans ce cas, l’équation entre miriyaš et erşetum est
approximative.
En résumé, ce mot est peut-être en partie d’origine indo-iranienne.
39. <mi-ri-zi-ir = dgašan> – ‘(?) reine, dame’
Il n’y a pas de bon comparande pour ce mot. On peut envisager une analyse mir-išt-ir(i), un
superlatif sur une base mir-, qui malheureusement n’est pas attestée en hourrite.
En résumé, ce mot mirizir est d’origine inconnue, peut-être hourrite.
40. <na-áš-bu = ni-i-šu> – ‘(?) (période de la) vie’
Il y a deux nīšu. Le mot est listé dans le CAD sous nīšu I ‘peuple’, mais nīšu II ‘vie’ est meilleur.
Le mot se laisse bien comparer avec vieil-indien nabhas ‘période de la vie, âge’, avec un métathèse
bhs > šb, qui est attestée dans tapš- = tašp- ‘bas’.
En résumé, ce mot est très probablement d’origine indo-iranienne.
41. <na-zi = şil-lum> – ‘protection’
Le mot est listé dans le CAD sous şillu. Le mot se laisse bien comparer avec vieil-indien nātha-
‘refuge, protecteur’, avec spirantisation th > z.
En résumé, ce mot est très probablement d’origine indo-iranienne.
42. <nim-gi-ra-ab = e-ţe-rum> – ‘sauver (qn)’
Le mot n’est pas listé dans le CAD sous eţēru. La finale -ab peut être comprise comme le passé
archaïque d’un verbe de mouvement. Le problème est que la base nimgir- n’a pas l’allure phonétique
d’un mot hourrite. La base ni-mg- se laisse assez bien comparer avec vieil-indien ni- (préverbe) et
muc-/muk- ‘libérer, relâcher’. La syncope de la voyelle ni-mg-ir- < *ni-muk-ir- est sans doute hourrite,
avec l’ajout d’un suffixe -ir-.
En résumé, ce mot est probablement (en partie) d’origine indo-iranienne.
43. <nu-la = šar-ru> – ‘roi, seigneur (dominus)’
La base nul- est attestée dans hourrite nul-mi ‘esclave’. Le sens ‘dominer’ pour la racine nul- est
plausible.
En résumé, ce mot est très probablement d’origine hourrite.
44. [CAD] pirhu s. ‘a plant (Kassite word)’ – wirhu ‘(?) safran, crocus’
Dans <PI-ir-hu>, le signe PI peut aussi se lire wi- ou pi-. Un comparande possible est vieil-indien
vera- ‘safran’. La lecture wi- serait meilleure que pi-, adoptée dans le CAD. Il n’est pas rare que des
noms de plantes se terminent par -h- en hourrite : ananuhi ‘menthe’, tapšah- ‘buis’, etc.
En résumé, ce mot est peut-être d’origine indo-iranienne.
45. <sa-ri-bu = še-e-pu> ‘pied, jambe’ – ‘orteil (de pied)’
Le mot est listé dans le CAD sous šēpu. Il n’y a pas de comparande clair. Une possibilité est vieil-
indien śalākā ‘orteil’, avec un autre suffixe (? śalā-bha).
En résumé, ce mot est peut-être d’origine indo-iranienne.
46. [CAD] sirnah ‘a garment or qualification of a garment (Kassite word)’ – ‘(?) brillant’
Plusieurs occurrences de <si-ir-na-ah>, dont le sens ne peut pas être déterminé par le contexte.
Le mot sirnah a une allure hourrite et peut être dérivé de šir-, šer- ‘briller, resplendir’.
En résumé, ce mot est peut-être d’origine hourrite.
47. [CAD] sirpi, sirpame adj. ‘a color of horses and donkeys [MB] (Kassite word)’ – ‘(?) tacheté’
<si-ir-PI, si-i-ir-bi, si-ir-pa-a-mi, si-ir-pa-me>. Le CAD reprend la théorie (fausse...) qui voudrait
que śirpame soit le pluriel de śirβi. La lecture sirpi est artificielle, en fait <si-ir-PI, si-i-ir-bi> suggère
une forme de type śirβi, avec un b spirant. Quoi qu’il en soit, a priori, les deux formes śirβi et śirpame
dérivent de l’indo-iranien śilpa- ‘tacheté’, avec interversion r/l.
En résumé, ce mot est très probablement d’origine indo-iranienne.
48. [CAD] šagabigalzu ‘a medicinal plant (Kassite word)’ – ‘une plante médicinale’
<Ú šá-ga-bi/be-gal-zu>. Cf. 26. [CAD] kabitti-galzu. Si on admet que galzu est un morphème,
on ne sait pas ce que pourrait être šagabi (un organe ou une partie du corps ?).
En résumé, ce mot est peut-être en partie d’origine hourrite.
49. <ša-ga-rak-ti = nap-ša-ru> ‘forgiveness, relenting, mercy (Kassite word)’ – ‘sauver, pardon’
Le mot est listé dans le CAD sous napšuru et se laisse comparer à hourrite šagr- ‘protéger’.
En résumé, ce mot est très probablement d’origine hourrite.
50. <ša-ah = dutu> ‘sun-god (Kassite word)’ – ‘soleil’
L’équivalent indo-iranien est šuriya- ‘soleil’. Cf. Šagarakti-šuriyaš (§3). La question se pose de lire
Šah or peut-être Ša', avec un arrêt glottal. Ce mot ressemble à la racine *seHa- du mot indo-européen
*seHa-ul/n- ‘soleil’.
En résumé, ce mot est peut-être d’origine indo-européenne.
51. [CAD] šahumaš ‘a bronze fitting for armor or chariots (Kassite word)’ – ‘sorte de blindage’
<ša-hu-maš, ša-hu-ma-aš>. Un comparande possible est indo-iranien sah- ‘puissant’.
En résumé, ce mot est peut-être en partie d’origine indo-iranienne.
52. [CAD] šakrumaš ‘a military title (Kassite word)’ – ‘(?) archer’
<šak-ru-maš>. Un comparande possible est indo-iranien sa-kārmuka ‘armé d’un arc’, d’après
kā(r)muka ‘arc’.
En résumé, ce mot est peut-être d’origine indo-iranienne.
53. <šim-di = na-da-nu> ‘to give (Kassite word)’ – *rig-di ‘donner, laisser’
Le mot est listé sous l’entrée nadānu. Le signe šim peut aussi être lu rig-, qui en l’occurrence
semble meilleur. Un comparande possible est vieil-indien ric-/rik- ‘laisser, abandonner’.
En résumé, ce mot est peut-être d’origine indo-iranienne.
54. [CAD] šimriš ‘meaning unknown (? Kassite word)’ – ‘(?) noir, sombre’
<ši-im-ri-iš>. Un comparande possible est vieil-indien śyāma(la)- ‘noir, sombre’, avec yā > i.
En résumé, ce mot est probablement d’origine indo-iranienne.
55. <šir = qa-áš-tu> ‘bow (Kassite word)’ – ‘arc’
Le mot est listé sous l’entrée qaštu. Un comparande possible est vieil-indien śār-nga-, śār-ikā ‘arc’.
En résumé, ce mot est très probablement d’origine indo-iranienne.
56. <ši-pak = dMarduk (damar.utu)> ‘le dieu Marduk (veau du Soleil)’ – ‘(?) le dieu Śiva’
Le signe pak peut aussi être lu hu. Si on admet que les mots <ši-i-pak, dši-pak, ši-pa-ak> sont
identiques, alors la lecture Šipak serait la meilleure. Il n’y a pas de comparande clair. Une hypothèse
est que Šipak ou Šivak serait le dieu Śiva, dieu au trident triśūla, symbole de la foudre. La finale -ak
se retrouve dans Tišpak.
Si l’équation Šipak = Śiva est acceptée, ce serait le témoin le plus clair à ce jour que les Indo-
Iraniens du proche-orient ancien ont des liens forts et spécifiques avec l’Inde.
En résumé, ce mot, de forme incertaine, est peut-être d’origine indo-iranienne.
57. <šu-ga-ab = dnin.ur> ‘dieu de la guerre’ – ‘(?) beau taureau’
Un comparande possible est vieil-indien su-gava ‘beau taureau’. Ce serait un attribut divin.
En résumé, ce mot est peut-être d’origine indo-iranienne.
58. <šu-gur-ra = dšú-mál-ia> ‘déesse des montagnes’ – ‘(?) belle(s) montagne(s)’
Un comparande possible est vieil-indien su et giri ‘belle montagne’. Ce serait un attribut divin.
Le mot šugurra est peut-être au pluriel : (?) šu-gir(i)-na > (avec assimilation) (?) šu-gur-ra.
En résumé, ce mot est peut-être d’origine indo-iranienne.
59. [CAD] talgab ‘meaning uncertain [MB*] (Kassite word)’ – ‘(?)’
<ta-al-ga-ab>, semble décrire un canal. Il n’y a pas de comparande.
En résumé, ce mot est d’origine inconnue.
60. [CAD] tanzilam ‘a feeder canal [MB*] (Kassite word)’ – ‘(?) canal d’alimentation’
<tan-zi-lam>. Il n’y a pas de comparande.
En résumé, ce mot est d’origine inconnue.
61. [CAD] tarizah, tahuzah ‘a plant [MB*] (Kassite word)’ – ‘(?) sorte de plante’
<Ú ta-ri-za-ah, ta-hu-za-ah>. Il n’y a pas de comparande. Les deux mots sont d’allure hourrite.
En résumé, ce mot est d’origine inconnue, peut-être hourrite.
62. [CAD] timiraš ‘a color of horses [MB] (Kassite word)’ – ‘sombre, noir’
<ti-mi-ra-aš>. Il y a plusieurs comparandes en vieil-indien : timira-, dhyāma(la)- ‘sombre, noir’.
En résumé, ce mot est très probablement d’origine indo-iranienne.
63. Tišpak ‘dieu de l’orage et de la guerre’
La comparaison avec Teššub est largement évidente et reconnue depuis la découverte de Tišpak.
Le suffixe -ak se retrouve dans Šipak.
En résumé, ce mot est d’origine inconnue, peut-être hourrite.
64. <tu-ru-uh-na = ša-a-ru> – ‘vent, tempête’
Le mot est listé dans le CAD sous šāru. Il se laisse assez aisément comparer avec le dieu de
l’orage hittite Tarhunt-, avec un vocalisme légèrement différent. Cette racine n’est pas attestée dans
le corpus hourrite connu.
En résumé, ce mot est probablement d’origine hourrite dialectale.
65. <ú-zi-ib = e-ţe-rum> – ‘protéger, sauver’
Le mot ne semble pas listé dans le CAD. Il se laisse comparer avec hourrite ud- ‘protéger’. La
finale -ib est celle du passé archaïque transitif.
En résumé, ce mot est très probablement d’origine hourrite dialectale.
66. [CAD] yanzi s. ‘king (Kassite word)’ – ‘roi, gouvernant’
Le mot se laisse aisément comparer à vieil-indien yantúr ‘gouvernant, régulateur’ et yáti f. (< *yņ-
ti au degré zéro) ‘contrôle, direction’ avec une spirantisation hourrite ti > zi.10
En résumé, ce mot est très probablement d’origine indo-iranienne.
67. <ia-šu = ma-a-tum> – ‘terre’
Le mot est listé dans le CAD sous mātu. Le mot se laisse comparer avec hourrite eše ‘terre’, avec
le changement ya- > e-. Cf. hourrite eman ‘dix’ ~ sémitique yaman ‘main droite’, pour un exemple
du même changement.
En résumé, ce mot est très probablement d’origine hourrite dialectale et archaïsante.
2. Bilan des lexèmes dits kassites
On peut distinguer plusieurs groupes :
1. des mots hourrites (dialectaux) : k. ašlulu ‘enfant adopté’ ~ h. aš- ‘manger’, k. bukāšu ‘prince,
premier-né’ ~ putki ‘enfant’, k. buri-(yaš) ~ h. buru ‘fort, puissant’ , k. burna ~ h. burame ~ u. bura
‘protégé, serviteur’, k. Harbe, Hirbi ~ h. hawur(ni) ‘ciel’, k. barhu ~ h. bahi ‘tête’, k. galzi ~ h. gelešt- ‘en
bonne santé’, k. hašimbur, hašinbar ‘une plante médicinale’ ~ h. haš- ‘oindre’, k. massiš ~ h. maški
‘cuir’, k. nula ~ h. nul- ‘dominer’, k. šagarakti ‘sauver, pardon’ ~ šagr- ‘protéger’, k. sirnah ‘décrit des
vêtements’ ~ h. šir-, šer- ‘(?) brillant’, k. Tišpak ~ h. Teššub, k. turuhna ‘vent, tempête’, k. uz- ~ h. ud-
‘protéger, sauver’, k. yaš(u) ~ h. eše ‘terre’.
2. des mots indo-iraniens, déformés ou suffixés : k. akkandaš, anakandaš ~ aņka- (au duel) ‘rayon
(de roue)’, k. allak ~ lekha- ‘jante (de roue)’, k. alzi-badar ~ a-leśa-pāda- ‘aux non-petits [pieds]’, k.
andaš ‘prince’ ~ (?) bhaţţa- ‘(mon) seigneur’, k. bazi-murzi ~ basta- ‘[tambour(in) en] peau de chèvre’,
k. dagaš ‘étoile’ ~ dah-, dag- ‘brûler’, k. dardarah ~ dardura- ‘flute’, k. dur ~ druņa- ‘épée’, k. eme ~ ema-
‘chemin, route’, k. gedar ~ *ghedra- ‘(?) éclair, foudre’, k. Hala ~ hara- ‘qui enlève, détruit’, k. hamiru
~ amhri- ‘pied’, k. hulalam ~ hulihulī ‘cri, hurlement’, k. ?išhi(š)di ‘mors (de harnais)’ ~ īş- ‘impulser,
faire aller vite’, k. karim-galdu, kara-galdu ~ gala- ‘corde [de carquois]’, k. karim-galdu, kara-galdu ~
kholi (> kari-) ‘[corde de] carquois’, k. karim-taldu ~ kholi (> kari-) ‘[fond de] carquois’, k. kukla- ~
kukkura ‘chien, sous-homme’, k. laga(š)takkaš ~ (?) rekha- ‘(?) rayé’, k. mali- ~ marya- ‘(jeune)
homme’, k. Maruttaš ~ Marut-, k. minziri, minzahar ~ mind- ‘(?) gras’, k. miriyaš ~ mirā- ‘limite,
frontière’, k. bazi-murzi ~ muraja- ‘tambour(in) [en peau de chèvre]’, k. našbu ~ nabhas ‘(période de
la) vie’, k. nazi ~ nātha- ‘refuge, protecteur’, k. ni-mg-ir- ~ ni-muc-/muk- ‘libérer, sauver’, k. alzi-badar
~ a-leśa-pāda- ‘[aux non-petits] pieds’, k. rig-di ~ ric-/rik- ‘donner, laisser’, k. šahumaš ~ sah- ‘puissant’,
k. šakrumaš ~ sa-kārmuka ‘archer’, k. saribu ~ śalākā ‘orteil (de pied)’, k. šimriš ~ śyāma(la)- ‘noir,
sombre’, k. Šipak ou Šivak ~ (dieu) Śiva, k. šir ~ śār-nga-, śār-ikā ‘arc’, k. śirβi, sirpame ~ śilpa- ‘tacheté’,
k. Šugab ~ su-gava ‘beau taureau’, k. karim-taldu ~ tala- ‘fond [de carquois]’, k. timiraš ~ timira-
‘sombre, noir’, k. wirhu ~ vera- ‘(?) safran, crocus’, k. yanzi ~ yáti f. (< *yņ-ti) ‘pouvoir, gouvernant’.
Les mots de ce groupe ont fréquemment la finale -aš (Nominatif indo-iranien ?) ou -a.
3. des mots empruntés à ou influencés par l’akkadien : k. ašrak(ka) ~ ašru ‘humble’, k. ilulu ‘ciel’
~ ilu ‘dieu’, kabitti, kabatti ‘foie’, k. Kamu-lla ~ kamû ‘piéger, ensorceler’.

10 Cf. akkadien libittu ‘brique crue’ > hourrite a-libši,


4. des mots d’origine inconnue ou peu claire : dagigi ‘ciel’, hašmar ‘faucon’, kamušaš ‘composant
en métal de bride de chariot’, kimek ‘partie de chariot’, meli ,‘serviteur, esclave’, mirizir ‘(?) reine,
dame’, šagabi ‘(?)’, Ša(h) ‘soleil’, Šugurra ‘(?)’, talgab, tanzilam ‘(?) sorte de canal’, tarizah, tahuzah ‘(?)
sorte de plante’,
Certains mots de ce groupe sont potentiellement hourrites : hašmar, mirizir, Ša(h).
3. Noms des rois de la dynastie kassite
Le patron onomastique hourrite est typiquement bi-composant, comme Anum-Hirbi vu
précédemment, qui inclut néanmoins le lexème kassite Hirbi. Le patron kassite est souvent tri-
composant : Agum-kak(ki)-talme, Burna-Buri-yaš, Ulam-Buri-yaš, Kadaš-man-Harbe, Kadaš-man-
Turgu. D’autres sont bi-composants : Nazi-Bugaš, Kuri-Galzu, Nazi-Maruttaš, Šagarakti-šuriyaš.
Certains sont difficiles à analyser : Kaštiliyaš, Karaindaš, Karahardaš, peut-être bi-composants.
- Agum-kak-talme <A-gu-um-ka-ak-ri/tal-me>. La lecture habituelle Agumkakrime est sans doute
fausse et Agum-kak-talme doit être préférée. Précédemment,11 j’avais analysé la lecture Agumkakrime
d’après le patron hourrite : verbe+nom. Agum est cohérent avec le verbe hourrite ag- ‘mener, guider’
et la finale -um. La deuxième partie aurait été le mot akkadien qaqqaru ‘terre, territoire’. Il semble
que la lecture Agum-kak-talme soit meilleure, avec l’adjectif hourrite talme ‘grand’. Le morphème
kak(ki) serait le mot akkadien kakku ‘arme,12 étendard, armée’. Agum-kak-talme pourrait signifier
‘Qui porte un grand étendard’, ‘Qui porte une grande épée’ ou ‘Qui guide une grande armée’. Un
nom martial sans doute à mettre en relation avec sa montée sur le trône.
- Burna-buri-yaš <Ibur-na-bur-ia-aš = Akk. Ikidin-bēl-mātāti> ‘Serviteur du seigneur des terres’.
La variante Burraburiyaš avec assimilation existe aussi. Le nom ne pose pas de problème lexical.
Néanmoins, on peut noter que l’ensemble Burna-buri-yaš est une sorte d’état construit de facture
sémitique sans marque de cas. Ce type de patronyme est morphologiquement anormal en hourrite.
- Ulam-buri-yaš <Iú-lam-bur-ia-aš = akkadien Ilidān-EN.KUR.KUR> ‘enfant du seigneur des terres’.
Le mot līdānu est normalement péjoratif : ‘jeune (animal), bâtard, enfant d’esclave’. C’est plutôt
étonnant de rencontrer ce mot dans un nom royal. Quant à son origine, on peut penser au sémitique
*γulam ‘jeune homme’, ou peut-être mieux à hourrite ulmi ‘servante, esclave’. Le mot Ulam-buri-yaš
est une sorte d’état construit sémitique sans marque de cas, de morphologie non-hourrite et
similaire dans sa structure à Burna-buri-yaš.
- Kaštiliyaš : le nom ressemble à une sorte de participe passé, comme dans hourrite pa-iliya ‘qui
est construit’, šedu-iliya ‘qui est engraissé’. Reste à élucider kašt-. Un point de comparaison est
hourrite kašali souvent joint à šeheli ‘pur’, et que Laroche13 avait laissé sans traduction. Wegner14
propose que kašali signifierait ‘fort’ : šehal-uleš kal-uleš kirašš-uleš ‘Puisse-t-il être pur, fort et durable !
(KUB 29.8 4.31). Si on accepte cette glose, Kaštiliyaš signifierait ‘Puisse-t-il être très fort, consolidé !’.
Une autre possibilité bi-composante est un désidératif kašt-ili- et le mot yaš ‘terre, pays’. Dans ce
cas, Kaštiliyaš signifierait ‘Que le pays soit fort’.
A noter que plusieurs adjectifs kassites ont une dentale en fin de racine : kaš-t-, in-d-, har-d-, qui
ne se trouve pas en hourrite : kaš-, in(n)-.
- Agum III, cf. Agum(-kak-talme) ci-dessus.

11 Cf. FOURNET, A Glossary of Hurrian and Kassite, 2013, p. 119.


12 Le CAD précise qu’il s’agirait d’ume massue (mace) à date ancienne, puis, à date récente, d’une épée (sword)
ou d’un poignard (dagger).
13 LAROCHE, op. cit. 3, 1980, p. 138.

14 WEGNER, Einführung in das hurritischen, 2007 (2 éd.), p. 112.


- Kara-indaš : la comparaison avec Kara-hardaš suggère que les deux mots partagent un premier
composant kara- et un second élément variable indaš ou hardaš. Indaš a souvent été rapproché du
dieu Indra, malgré certaines différences gênantes, puisque le r de Indra est manquant. Il n’y a pas de
bon comparande en indo-iranien. Il semblerait donc que ces deux mots doivent être analysés en
hourrite. Une possibilité est que kar-a signifie ‘sa lance’ et indaš pourrait signifier ‘très fort’.15 Dans
ce cas, la finale -aš ne serait pas un nominatif indo-iranien, mais un superlatif hourrite. De même,
hardaš pourrait être un adjectif, inconnu à ce jour dans la documentation hourrite. Il faut noter que
l’ordre des mots (nom + adjectif) n’est pas canonique.16
- Kadaš-man-Harbe I <ka-da-áš-ma-an-har-be>. Harbe est l’équivalent kassite de Enlil. Ce nom
est une formule ‘Sa foi est Harbe’, équivalent de Tikulti-Ninurta ‘Sa foi est Ninurta’. En général, on
segmente en deux Kadašman et Harbe. La base kad- signifie ‘dire’ en hourrite, suivi d’un suffixe
intensif -aš. Le segment -man ne fait pas partie de la morphologie hourrite, en réalité, il s’agit du
verbe man- ‘être’, ce qui confirme la parenté entre hourrite et kassite. Ce nom est tri-composant
<kadaš-man-Harbe> ‘[sa] profession [de foi] est Harbe’.
Bien que Kadaš- n’ait pas de -i final, il semble bien qu’il s’agisse d’un nom (= akkadien Tikulti)
et non pas d’un verbe. C’est d’ailleurs un peu une tendance en kassite que les mots finissent par
une consonne : k. ašrak, k. kak vs a. kakku, k. ulam vs h. ulmi, k. yaš vs h. eše.
- Kuri-Galzu I <ku-ri-gal-zu>, fils de Kadašmanharbe I. D’après certaines équations bilingues, il
semble que Kuri-galzu signifie ‘Pasteur des Kassites’, kuri étant ‘pasteur, pâtre, gardien’ et Galzu
l’auto-ethnonyme des Kassites. Le mot kuri ‘shepherd’ n’est pas attesté en hourrite.
- Kadaš-man-Enlil I <mka-dáš-man-dEN.LÍL>. Le même nom que Kadaš-man-Harbe avec la lecture
sumérienne Enlil au lieu de Harbe.
- Burna-buri-yaš II : voir ci-dessus.
- Kara-hardaš : voir ci-dessus Kara-indaš. Peut-être un nom bi-composant (nom + adjectif) : ‘Sa
lance est très ?har(d)-’.
- Nazi-bugaš : apparemment un usurpateur, installé sur le trône par l’armée. Cf. 9. [CAD] bukāšu
ci-dessus. Il n’y a pas de raison de voir en bugaš le dieu indo-iranien Bhaga. Le nom pourrait signifier
‘Le prince est protection’ ou ‘Protection du prince’.
- Kuri-Galzu II sans doute le fils de Burnaburiyaš II. Cf. Kurigalzu ci-dessus.
- Nazi-Maruttaš <Na-zi-Ma-ru-ut-ta-aš> ou <mNa-zi-Múru-taš>. Ce nom est l’équivalent de
Şilli-Ninurta ‘Ninurta est protection’. Cf. 41. <na-zi = şil-lum> ‘protection’.
- Kadaš-man-Turgu <ka-da-aš-ma-an-túr-gu> : ‘[sa] profession [de foi] est Turgu’. Turgu est peut-
être la même chose que 15. <dur = du.gur> ‘(?) épée du dieu de la guerre’. C’est en quelque sorte
la traduction de l’akkadien Tikulti-Ninurta.
- Kadaš-man-Enlil II : voir ci-dessus.
- Kudur-Enlil : <Ku-dur dEN.LÍL> ‘fils de Harbe/Enlil’. Non-kassite.
- Šagarakti-šuriyaš : aisément analysable en deux composants ‘Le soleil sauve’, d’après le kassite
<ša-ga-rak-ti = nap-ša-ru> ‘sauver’ et le mot indo-iranien <šu-ri-ia-aš = dŠamaš> ‘soleil’.
- Kaštiliyašu IV : cf. Kaštiliyaš, avec -u final, peut-être un akkadianisme.
- Enlil-nadin-šumi : non-kassite. ‘Enlil lui donne son nom’.
- Kadaš-man-Harbe II : voir ci-dessus.

15 Cf. hourrite inni ‘énergie vitale, force, sexe’.


16 Autre idée sans doute moins satisfaisante in FOURNET, op. cit. 10, p. 120.
Les noms suivants de la dynastie ne sont plus kassites.
4. Conclusion concernant l’entité linguistique dite kassite
On peut distinguer plusieurs groupes :
Appendice : mots dits kassites avec équivalents hourrites

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