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Cuny Albert. Grec Οέσσεσθαι « demander, supplier » et ses correspondants dans les langues occidentales (celtique —
germanique). In: Revue des Études Anciennes. Tome 12, 1910, n°1. pp. 10-15;
doi : https://doi.org/10.3406/rea.1910.1607
https://www.persee.fr/doc/rea_0035-2004_1910_num_12_1_1607
ionien Θεσσαλός
attique Θετταλός
thessalien ΙΙετθαλός
béotien Φέτταλός.
θίσσεσθαι 11
Le degré ο de la racine g^hedh-, soit gl¡hodh-, est également
bien représenté en grec. Mais ici les conditions phonétiques ne
sont plus les mêmes. Le groupe *g%ho- devient labial, soit
*φο- dans tout l'ensemble des dialectes grecs à cause du point
d'articulation de la voyelle o. Le nom d'action (paroxyton)
*g%¿hódhos (formé comme λόγος sur λέγω etc..) évolue donc
régulièrement en *φόθος qui, en vertu de la dissimilation des
aspirées subséquentes, donne le mot bien connu : πόθος «désir»
d'où est dérivé l'adjectif ποθε'.νός. De même l'itératif régulier
*g%hodh-éyò (formé comme çop-εω sur φέρ-ω etc..) aboutit à
*οοθε^ω, d'où régulièrement ποθέω (cf. encore θείνω < *g^hen-yö,
φόνος < *g™hón-os, etc1...).
La racine *g™hedh-, *gnìhodh- (le degré réduit *g^hdh- est
peut-être représenté dans le grec φθ-όνος «envie», cf. pour le
sens πόθος « regret »), n'appartient pas seulement au grec (et
comme on le verra à l'indo-européen occidental (grec —
italique — celtique — germanique), mais elle est également attestée
dans une partie du groupe oriental, à savoir dans les langues
iraniennes. Celles-ci possèdent en effet le correspondant exact
du thème de présent θεσσε/0-, (* ^g%hedhf'■/'0-J . On a en vieux perse
la ire personne indicatif présent jadiyâmi «je prie » (c'est-à-dire
jadyämi) et en avestique (entre autres formes) la 3e personne
imparfait indicatifJa'Sya-t qui remontent à une forme de thème
indo-iranien *jhadhya- soit également i.-e. * g^hedhyc /0- . La
racine *glghedh- appartenait donc au vocabulaire de l'indo-
européen commun et l'on pouvait s'attendre à la retrouver dans
une autre langue indo-européenne soit orientale, soit
occidentale. On l'a en effet reconnue depuis longtemps dans le vieil
irlandais •g^diu, «je prie, je demande» qui s'explique bien par
i.-e. *g™hodhéyô et qui est ainsi l'équivalent exact du grec ζοθέω
(ancien *<ροθέω). On aurait pu être également tenté de la retrou-
ver en germanique (gotique bidjan « prier », allemand bitten,
anglais bid, germanique commun *bidjan(an) si l'on admettait
encore aujourd'hui que sporadiquement les labio-vélaires de
ι. *<ρονέω seul manque à la série : il est remplacé par des dérivés postérieurs
de
j φόνος.
f A» part_» ce detail,
j'i ... βεσσο-
Osivo* = φόνος
πόθος .
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l'indo-européen sont représentées dans ce groupe par des
labiales comme elles le sont en réalité dans gotique wuljs
«loup», grec λύκος; fimf «cinq», grec πέντε, latin quinqué,
waírpan «jeter», vieux slave vrigae «je jette». Mais on enseigne
à bon droit aujourd'hui que ce traitement relève de causes
particulières (assimilation exercée par une labiale du même
mot), et il est impossible de songer à une explication de ce
genre dans le cas de *gu¿hedhyo qui aurait abouti à *{y)widjò en
germanique commun et le serait resté. Aussi explique-t-on
généralement *bidjo- « prier » comme étant un thème formé
sur la racine bheidh- «persuader, être persuadé», soit le
degré zéro bhidh + le suffixe -y'/0-. A cela il y a une
difficulté, c'est que bidjan en gotique (et dans toutes les autres
langues germaniques) se conjugue exactement comme sitjan
« être assis », sat, sitans (=grec εζο-(μαι), i. -e. *sed-yo-, et il
a fallu admettre pour expliquer la formation 6αθ, bidans qui
existait déjà en germanique commun, ce que les Allemands
appellent une «Entgleisung», c'est-à-dire une déviation du
type normal de la racine : bidjan appartiendrait réellement à
une racine en i (bhidh-), mais comme il ressemblait
extérieurement à sitjan (et autres), il aurait formé son prétérit 6αθ
d'après l'analogie de sat (et autres), son participe bidans d'après
l'analogie de sitans (et autres semblables). Cette interprétation
pouvait passer à défaut d'une meilleure, mais elle n'explique
toujours pas le fait remarquable que, pour la formation, bidja,
6αθ coïncide exactement (la consonne initiale seule diffère)
avec le thème du présent *g1¡hedhye/0- qui est attesté à la fois par
le grec Όέσσεσθαι et par l'iranien jadya- (plus ancien *jhadhya-)
non plus que l'identité parfaite du sens de tous ces thèmes
verbaux. En effet, la consonne initiale étant à part pour le
moment, la ressemblance est frappante, bidja- pouvant être
tout aussi légitimement germanique primitif *bedjo- que
germanique primitif *bidjo- (c'est-à-dire i.-e. -edhyo- aussi
bien que -idhyo-. C'est sans doute ce qui a déterminé
M. A. Walde à dire dans son Lat. etym. Wörterbuch (sub
verbo jldò) que le rapprochement de germanique (gotique)
bidjan avec la racine bheidh- (celle de fido, du grec πέποιθα etc.),
est incertain. (Contra Kluge, Et. Wb. VII Auflage).
D'une part donc bidja- ressemble étrangement à g^hedhyo-
et d'autre part il est inconciliable avec lui si le mot est en
germanique de desoendance indo - européenne directe, g%h
devant aboutir à (y)w- et non à 6-. Comment se tirer de
cette difficulté? La chose serait facile si, depuis l'article de
H. Osthoff (Labio-velare media und media aspirata im Keltischen)
dans les Indogermanische Forschungen, IV, p. 264 sui v. (1894),
on n'enseignait généralement qu'en celtique commun, c'est-
à-dire aussi bien dans le groupe brittonique qu'en irlandais,
la labio -vélaire aspirée i.-e. *gt%h~ est toujours représentée
par g-. En effet, la racine dont il s'agit ici avait vécu en
celtique ainsi qu'on l'a vu par l'irlandais gtfdiu (= πυθέω), mais
dans la théorie indiquée les mots correspondants en
brittonique (en gaulois par exemple) auraient eu également un g- à
l'initiale. Pourtant, M. J. Loth, dont l'autorité sur le domaine
celtique est bien connue, a protesté, timidement, il est vrai,
contre ce que l'enseignement d'Osthoff a de trop absolu
(Mélanges Havei, pp. 237-240 [1909]) et il a apporté deux
exemples irréfutables du traitement b en gallois, savoir
nyf qui suppose nécessairement un brittonique commun
*snib- (cf. grec vfya), et deifio « brûler» qui suppose
nécessairement un brittonique deb-. Ces deux mots sont
indo-européens et avaient à l'origine un g^h- (racines snigl¡h- et
dheg^h-). Mais M. Loth a cherché à pallier les choses et s'est
demandé s'il n'y avait pas ici alternance indo-européenne
entre guih- et gr¿- finaux (le dernier donnant régulièrement
b dans toutes les langues celtiques), et il a rapproché pour
nyf la. glose d'Hésychios vtß<r χώνα και κρήνην. Mais on peut tout
aussi bien voir dans νίβα un mot macédonien = grec νίφα et
c'est ce que l'on fait généralement ; quant à νίβα* κρήνην, il se
rattache sans doute à νίζω (^nig^yò) et se retrouve par exemple
dans le mot χερνιβα accus. M. Loth n'a du reste rien trouvé
d'analogue pour la racine dheg%h- et il se demande si la valeur
de la voyelle attrait eu une influence sur l'évolution de
l'aspirée labio- vélaire. L'exemple des dialectes grecs montre
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qu'il peut très bien en avoir été ainsi. On remarquera, dit-il,
qué dans les deux cas contraires à la loi d'Osthoff la voyelle est
palatale. A priori on attendrait du reste b en brittonique pour
répondre à i.-e. g^h-, car, dans le système indo-européen des
labio- vélaires, savoir :
J.W . „W)L . „tu
i. Voir Thurneysen, Handbuch des Altirischen (1909), S 182 et aa3 (pp. m et i35).