Vous êtes sur la page 1sur 11

Annales de Bretagne

Notes d'étymologie bretonne (suite)


Émile Ernault

Citer ce document / Cite this document :

Ernault Émile. Notes d'étymologie bretonne (suite). In: Annales de Bretagne. Tome 18, numéro 1, 1902. pp. 49-58;

doi : https://doi.org/10.3406/abpo.1902.1144

https://www.persee.fr/doc/abpo_0003-391x_1902_num_18_1_1144

Fichier pdf généré le 23/07/2021


E. ERNAULT

NOTES D'ÉTYMOLOGIE BRETONNE

(Suite).

75. AOZ, NAOZ; AOS, PENAUZ; PENENT; NEUZ, NEÛ,


NÉ; NODHAIL; DIEZNES, DIANNES; GNOU; KOMS;
KAOZEAL; OUSOR.

1 . M. Loth dit, Rev. Celt. , XXII, 334 (en 1901), qu'il n'a été
donné aucune étymologie satisfaisante, phonétiquement, du bret.
aoz lit de rivière ; et il propose de le tirer de *am-sa pour *ab-sâ,
même racine que Abona, en comparant, pour l'évolution, « naos
dans pe-naos, gall. naws; irl. nos = *nam-so-, *nom-so ».
2. M. Henry, dans son Lexique, en 1900, avait conjecturé
pour aoz f. un primitif celtique *aues-â dérivé de *auos « rivière »,
gaul. Auoç, ce qui, en effet, n'est point conforme à la phonétique.
On ne connaît de ce nom de fleuve que le génitif aîîou, qui
n'indique pas un thème en s; et l's ou z breton ne. peut
représenter un s celtique intervocalique.
Il renvoyait en note à une autre hypothèse indiquée dans
mon Gloss., p. 165 (en 1895).
3. La voici : « Une forme *nâs, avec la voyelle de nawdd
[refuge, protection en gall., = v. bret. Nod-hail, irl. snddud]
et la consonne de ad-nes [secours, en gall., = bret. moy.
di-eznes misère, van. diaTînes id., en tréc. regret], peut se
trouver dans aos, pi. y ou canal, lit d'une rivière, d'un ruisseau
Gr., aoz f. Gon., dont un sens plus général apparaît dans la
locution proverbiale na ti nag oz (n'avoir) ni maison, ni
domicile. Pour l'alternance de z doux avec s, et la chute de
ïn, cf. neuz, ausaff ».
4
50 NOTES D'ÉTYMOLOGIE BRETONNE.
Ceci semble phonétiquemont acceptable. Pour au, ao de à,
cf. bret. moy. arauc, léon. araok devant, à côté de rac, etc.,
voir n° 76. Pour Vs final, cf. bret. moy. hues, mod. c' houes,
gall. chwys sueur, de *svid-s-. Snâd- est, d'ailleurs, un
représentant celtique admissible de *snod, degré fléchi d'une racine
*sned.
Mais l'absence de forme remontant à *sned- fait difficulté.
M. Henry identifie le -nés de adnes, diannes, dieznes à nés
proche ; on peut penser aussi à la racine nés venir, habiter
(avec un suffixe permettant le maintien de Vs), cf. Urkelt.
Spr. 194.
4. Aussi ai-je fait valoir une autre possibilité, Rev. Celt.,
XIX, 202- (en 1898). Aos canal, lit d'un cours d'eau, serait
identique à -aux dans pénaux comment, de quelle façon, =
gall. naws nature, disposition, de *snâd-s-, cf. v. irl. snass
coupe, coup, taille, irl. et gaél. snas régularité, convenance,
élégance, ornement; même racine que bret. moy. ezeff'hesa.igiïê,
mod. eze, neze doloire, van. naouein gratter (des navets), irl.
snaidim je coupe, etc., voir n° 73. Aos serait proprement
« tranchée, creux ». Cf. ober aosiou d'an dour creuser. des
canaux, Combeau (Mil. ms).
5 . La suppression de Vn ne souffre pas difficulté : cf. ezeff =
neze. Il y avait également une forme plus complète : Pel. ne
donne que « naôz, canal, ruisseau; item, réservoir d'eau. Je
suis redevable de ce nom à M. Roussel, ne l'ayant pas connu
en usage dans les cantons où j'ai demeuré ». Rel ms. a : « naoz,
canal, ruisseau, réservoir d'eau ».
Au contraire, dans ce que je regarde comme un emploi figuré
du même mot, on ne voit jamais paraître Vn initial : « aos
monosyllabe comme aûs, manière, façon, forme, mode, figure »
Pel., moy. bret. ausaff préparer, léon. aoza, tréc. ôzan, van.
ausein, auzein Châl., etc. Pénaux = pe 'n aux « en quelle
façon », comme pe-n-ent par quel chemin, etc., voir Gloss. 471.
Ce fait m'a amené à supposer primitive l'initiale vocalique du
mot, dans une étymologie réfutée Rev. Celt., XIX, 202.
NOTES d'ÉTYMOLOGIE BRETONNE. 51
6. Selon la théorie exposée à cette page, les mots aoz, aos
manière, façon, forme,, naoz canal, = gall. naws nature,
disposition, viennent de *nâs, pour *snâd-s-, dérivé de *snâd-; ce
dernier a donné par ailleurs le bret. moy. neux, neuz nature,
naturel, mod. neuz vad bonne mine, mont da neuz tomber en
décadence Gr., tréc. neû figure, mine, van. né semblant, etc.
■ 7. On a proposé, pour les mots en question, trois autres
comparaisons.
Aos manière et neuz nature, mine, sont tirés de la racine
gnâ, gnô connaître, Etudes grammaticales sur les langues
celtiques, I, 11, 17; aos manière, le gall. naws nature, et
l'irl. nos coutume, àe*nomso-,lat. numerus, Urkelt. Sprachsch,
195, où est regardée aussi comme possible la comparaison de
naws avec l'irl. gnds coutume. M. Henry donne, à neuz, ces
deux rapprochements, en remarquant que des mots distincts ont
pu se confondre. M. Thurneysen regarde l'irl. nos comme
emprunté au gall. naws, venu lui-même de gnaws (Macbain, v.
nos).
Nous avons vu, enfin, que M. Loth tire (n)-aos manière,
gall. naws de *nam-so-, cf. irl. nos de *nom-so-, et aoz lit de
rivière de *am-sa pour *ab-sâ.
Tout cela se heurte à de graves obstacles phonétiques.
8. Rien ne montre que les langues brittoniques perdent g
initial devant n; si, dans les mutations grammaticales, ce g
peut tomber comme les autres, c'est que là il n'est plus traité
comme initial. Le gall. nabod connaître est extrait de adnabod,
bret. aznavout; sur le comique naboiv, voir Rev.Celt., XXIII,
286. Le moy. bret. avait de cette racine les mots gnou évident,
évidemment, gneuiff part, gnouet apparoir (v. bret. Gnauet),
gnouhat éclaircir, expliquer, qui sont partout écrits ainsi. Les
formes *gnauoc, *gneuz, devraient donc être au moins plus
fréquentes que aux, neuz; et on ne les trouve nulle part, non plus
que leurs descendants légitimes *grauz, *greuz, cf. tréc. war
groec'h en haut, eur graouen une noix, etc., voir n° 78.
52 notes d'étymologie bretonne.
Le mélange des racines celtiques snâd et gnâ a pu
facilement se produire en gall., toutes deux ayant des formes naw-
communes entre elles et avec le lat. nâ-, d'où (indirectement)
nawler, nawtur, naiur nature; mais je ne vois en breton
aucun mot d'aspect hybride, comme gnaws à côté de naios et,
inversement, nawd à côté de gnaicd.
9. On n'a pas prouvé non plus que -ams-, venant ou non de
-abs-, ait donné en gall. -aws-, et en bret. -aus-, -aos-. Dans
tous les exemples à moi connus, cette combinaison devient en
breton ams, amps, amz : camps aube de prêtre, rams, ramps
homme de haute taille, amser, ampser temps, Sampson Sam-
son, amsent, amzénl désobéissant, cf. Rev. Celt., XVI,
319, 320.
On voit à cet endroit qu'après les autres voyelles m reste
également intact : rems, remps durée, coms, comps parler. Le
comique cewsel, cows a-t-il généralisé une forme où ['m était
suivi d'une voyelle, *co-mes-, cf. bret. hinvis chemise de femme
= camisia, comme cams? Il semble plutôt qu'il réponde au
franc, causer, bret. kaozeal, hôzeal.
10. Le cas de *ab-sâ ressemblerait à celui du v. bret. ousor
berger, anc. gall. heussawr, auj. heusor, qu'on rapporte au lat.
hapsum, hapsus bande de laine pour une plaie, du grec fyoç
attache. Mais il n'est point sûr que ce soit un traitement
phonétique des idiomes britonniques, le provençal ayant aus toison,
et le v. franc, heus {Rev. Celt., IV, 330).

76. POK; AOZA; ARAOK; EOG; TÉÔD, TEUT, TE AD ;


GAUGH; PEOG'H; TEUC'H, ÏOC'H, TOG'HOR; DIEK;
BUOG'H, BIOU; GANEOG'H; PENAUZ.

1 . L'« celtique ou latin devient d'ordinaire en v. bret o, moy.


bret. eu, e, mod. eu, e, van. è.
Il arrive pourtant que Yo persiste en moy. bret. et dans
certains dialectes modernes : léon. -ok = -âcos.
NOTES D'ÉTYMOLOGIE BRETONNE. 53
Le fait se présente même partout dans poh baiser, du lat.
pâcem; cf. Loth, Mots lat., 197.
2. Une autre prononciation au, ao, est supposée par
l'explication de -aux, ausaff, aoza, admise au n° précédent.
Nous avons comparé le moy. bret. arauc en avant, mod.
araok, arôk, de *râc, cf. dirac devant, avant, de rac. Le
changement de voyelle doit tenir à l'emphase, qui relève la
finale de rac employé comme adverbe.
3. Ceci rappelle d'abord eog « meur, amolli, attendri »,
frouez eog « fruit meur, bon à manger », eoghi « meurir »,
« og v : eog, meur, maturus » Rel ms. ; eaugui, van. eauguein
rouir, etc., = gaul. ex-âc-, cf. Gloss. 200, 201. Toutefois il
faut noter qu'on ne trouve dans ce mot que ïo grave, non la
diphtongue ao; et qu'une forme ancienne *ex-oc- était possible,
cf. grec ôx/mç pointe, v. irl. ocliar bord, etc.
4. On ne peut faire la première objection au moy. br. teaut
langue, léon. téôd, tréc. tiaot, gall. tafawd, tafod. La variante
du moy. bret. teut parait venir de *leeut, = -ât (peut-être
cependant y a-t-il eu influence des cas comme gueuta herber,
gueautenn herbe, où Va est adventice, cf. Gloss. 441). Le van.
tead indique, comme le comique tavas, une variante en -ât,
mais le comique avait plus anciennement tauot. Malgré la parenté
possible du v. irl. tenge, gén. plur. tengad, qu'on tire àe*tengot-
(Macbain, v. teanga), le brittonique a dû finir en -ât plutôt
qu'en -ot. Voir J. Rhys, The outlines of the phonology of
manx gaelic, 136, 137.
5. Le rapport de cachets cacare » à cauch, caoch « merda »
en moy. bret. (mod. kac'het et léon kaoc'h, tréc. koc'h, van.
kauh, koh) est extérieurement fort semblable à celui de la prép.
rac à l'adv. arauc. Nous pouvons le faire remonter plus haut, à
cause du comique caugh. Le Nomenclator écrit ce mot coch
fiente; il l'a 5 fois, p. 29.
D'après les Etudes gramm. sur les langues celt., I, 7, Yo
de kaoc'h serait une addition euphonique amenée par le c'h; cf.
54 NOTES D'ÉTYMOLOGIE BRETONNE.
aussi Mots lat., 194. Mais les mots cités comme ayant subi un
traitement semblable sont dans des conditions sensiblement
différentes. Ce sont : peoc'h, peuc'h paix; et buoc'h, bioc'h,
buc'h vache.
6. Le bret. moy. avait peuch et peoch; Grég. donne peoc'h,
puoc'h, peuc'h, pioc'h, van. peah, pioh; on trouve pèh en
van. de 1693; on dit peuc'h en tréc. et en bas van. (Loth, éd.
de ChâL, 70). Les dérivés de ce mot en moy. bret. : peuchhat
apaiser, etc., peuvent faire soupçonner que peuch a eu aussi le
sens d'un adjectif; cf. le nom Le Peuch Gloss., 482, = le
paisible? Il est souvent employé en guise d'interjection. Rel ms.
donne : « peoc'h, paix, tranquillité, repos, patience, peoc'h
dim me, peoch dign, peoc'h dam pen, Laissez-moi en repos,
donnez-moi paix et patience, donnez-moi du repos, ne me cassez
pas la tête : peoch, tout court ordonnant de se taire tout comme
nous disons a Limperatif paix » (cf. Pel.).
M. Loth, AI. lat., 194, regarde ce mot comme un emprunt
très ancien au lat. pa'x, dont l'a? a été traité comme l'a? celtique.
Peut-être l'interjection pax est-elle cause d'une partie des
singularités de son histoire. Il est difficile, d'ailleurs, de juger
jusqu'à quel point les formes données sont régulières au point
de vue phonétique, faute de points de comparaison exactement
semblables.
7. Je ne vois que teuc'h, toc1 h, mot étudié Gloss., 696, cf.
« toc'h Corn, invalide, débile, qui est épuisé et sans force »,
« toc'hor, foible, abbatu de maladie ou de fatigue, Languissant»,
« tochoraa, tochoraat, s'affoiblir, devenir plus mal, plus foible,
être plus mal » Rel ms. Il n'est pas à beaucoup près si répandu
que peuc'h, peoc'h, ni de sens si uniforme. L'exemple de
J. Moal, teuc'h eo da vale il marche avec peine, à cause de son
embonpoint, doit être pris au dictionnaire bret. -franc, de Troude,
qui donne : « teuc'h adj. B. Qui a trop d'embonpoint. — Eun
den teuc'h da vale, un homme qui a peine à marcher, à cause
de son embonpoint ». L'abréviation B. signifie « île de Batz »;
NOTES D'ÉTYMOLOGIE BRETONNE. 55
c'est donc un mot fourni par Milin. Celui-ci a ajouté cette note :
« spered teuc'h esprit lourd. Pa vez bet glao goude poultren
e vez teuc'h an hent da vale » (quand il y a eu de la pluie
après la poussière, le chemin est difficile à marcher). Il est
probable que c'est le représentant du gall. tawch vapeur,
vaporeux, tochi tremper, devenir brumeux. La forme toc1 h doit
avoir pris l'o de toe'hor. Teuc'h et tawch représentent
régulièrement *idcc-, lequel peut venir lui-même de *tàx-; cf. irl. tais
doux, gaul. Taxi-magulus?. Cela n'exclurait pas la
comparaison de Trizw, T«xep6ç, cf. Macbain, v. tais. C'est ainsi que le gall.
a diawch sans pointe (cf. oÇOç) à côté de diawg, diog paresseux,
bret. dieuc, diek (cf. lat. âcer).
8. L'o de buoch, regardé aussi comme épenthétique, Lexique
48, ne m'est pas connu sous cette forme avant le Nomenclator
de 1633, qui a deux fois : « bieuch, bioch », p. 33 et 35. Le
moy. bret. ne présente que buch et byeuch, plur. biu. Le P.
Maunoir donne buoc'h, pi. biou et bioc' liennet ; Grég. beoc'h,
byoc'h, buoc'h, byeuc'h, beuch, pi. byou, beoc'henned, beu-
c'henned, van. buoh pi. buhezed ; Pel. buoc'h, bioc'h, buc'h
« et dans un vieux Diction, bieuc'h », pi. buoc'het, bioc'het,
buoc'hennet, bioc'hennet, cf. Le Gon. ; Châl. buoh pi. bèùezét,
buhezét, Chàl. ms beùoh, pi. bèuezet, buhè, buhet (Loth, éd.
de Châl. 98); l'A. buoh, buh, pi. buhézètt. On dit en petit Trég.
buoc'h en 2 syllabes; en dial. de Batz bioc'h, plur. gorheit, etc.
Le v. gall. a buch, le moy. gall. beuch, le gall. mod.
buwch, buch, et buw id., pi. buchod, buwchod; le comique
bûch, biàch, byuh, bewgh, beuh, bù, etc. M. Stokes, Urkelt.
Spr. 178 sépare buch = *bouhkâ de beuch, buwch rapporté
dubitativement à * bovôkkâ. Quoi qu'il en soit, l'existence en
brittonique, à côté de bu- par u franc., d'autres formes ayant
deux voyelles est prouvée non seulement par le bret. biu,
biou = gall. buw, mais aussi par le v. bret. boutig étable
(prononcez bow-) et le gall. beudy, dans des conditions où l'on
ne peut attribuer la diphtongaison à l'influence du son ch.
56 notes d'étymologie bretonne.
9. On ne peut pas invoquer non plus le léon. deoc'h à vous,
ganeo&h avec vous, tréc. dec'h, ganec'h, en moy. bret. dech
et deoch, guenech et gueneoch; car on disait aussi alors
guenoch, et Vo paraît seul dans oar noch sur vous, tréc. war-
noc'h, etc.
C'est un a et non un o, qui s'est développé entre Ye et le c'h
dans seac'h sec, etc., et bien qu'il y ait des traces du fait en
moy, bret., il est relativement récent; le trécorois ne le connaît
guère, et le vannetais y est resté complètement étranger ; voir
Gloss. 357-360.
Les formes vannetaises de la conjugaison comme pe bedèoh
puisque vous priiez et pe gaweah quand vous trouviez, beah
soyez, ne viennent pas phonétiquement de leurs équivalents en
-eh; voir Rev. Celt., XIX, 193.
10. Les mots en -ach comme plac'h fille, nac'h nier,
gaonac'h stérile, etc., ne donnent pas lieu à des variantes en
-aoe'h, lors même qu'ils en ont en -oc' h, comme les
comparatifs : kaeroc'h plus beau, bas cornouaillais kaerac'h; Rev.
Celt., XXII, 373-374.
11. Ainsi la responsabilité du son c'h dans le vocalisme de
cauch, kaoe'h, se trouve dégagée, et il est permis de regarder
ao, au comme venant de à dans ce mot comme dans arauc,
araok, et aussi dans aoz, naoz = gall. naws, Ce traitement,
très régulier en gallois, est exceptionnnel en breton : on
attendrait *neuz. Mais la coexistence de t(e)eut et teaut n'aurait-elle
pas son pendant dans celle de *peneus d'où le van. peunes
comment, Gloss., 471, etpenauz?

77. PAOL, BOL, PAOLLEVIAT.

1 . Grégoire donne, au mot navire : « safran de gouvernail.


Barren stur. ar varren. bol. ar vol ». Je ne sais quelle a été
sa source pour ce dernier mot, ne trouvant rien de plus ancien.
Lui-même n'a pas d'article safran en terme maritime. Jal, Glos-
NOTES d'ÉTYMOLOGIE BRETONNE. 57
saire nautique (1848), dit que le safran, « la partie extérieure
du gouvernail », s'appelle en breton safrant, safrant a stur, et
que le P. Grégoire « se trompe évidemment; dans l'usage,
Barren stur, comme Bol (qui n'est qu'une transformation de
Paol), désigne la barre du gouvernail et non le Safran ».
D. Le Pelletier a les articles suivants : « Baol, Ar-Vâol, la
barre du gouvernail d'un navire. On peut écrire Mâol et Paol,
et selon le nouveau Diction. MS. Bàoulen ar-cloc'h, bâtant de
la cloche. Et Baol, timon decharette. Davies écrit Pawl, Palus,
i, sudes, vallus, stipes, vacerra. Sic Àrmor. Nos Bretons en
plusieurs lieux prononcent Pëul. . . » — « Mâol, Bâol et PâoL
Ar-vâol, la barre d'un gouvernail d'un navire, le timon. Davies
met Pawl, Palus, i, Surus, sudes... Sic Armor... » —
« Paol est le même que Baol, Màol, ou Mâol, et Peûl. On en
fait le verbe Paôlea ou Paôulea . . . Paol est un brin de bois
long et menu. . . » — « Paôulea, Paôlea, et Paôlêva, Conduire
un bateau avec un seul aviron par la poupe, lequel aviron sert
aussi de gouvernail. On dit en François dans ce pays Gabarer.
Ce verbe est composé de Paol, barre de gouvernail, et de Lewa,
ou Lewia, gouverner à la manière des pilotes. Voyez. . .
Pollenva ». — « Pollênva, et Paôllênva, Conduire un bateau,
avec un seul aviron, par la poupe, ramer et gouverner avec le
même aviron. C'est Paôulea expliqué ci-devant, que l'on écri-
roit mieux Pàoleva, ou Pàollewia. . . de Paol, barre, et de
Lewia, gouverner. . . » On lit dans Roussel ms : « maol v :
Baol » ; « paôulea v : pouleva, poulevat, godiller, conduire
un bateau avec un seul aviron par la poupe, Lequel aviron sert
aussi de gouvernail » ; et « poulêva, poulevat, godiller,
conduire un bateau, avec un seul aviron, par la poupe, en le faisant
tourner horizontalement dans l'eau ».
Le Gonidec renvoie de baol et de maol à « Paol, s. f. La
barre du gouvernail d'un navire. Timon. PL iou. . . Plusieurs
prennent baol pour le radical. Hors de Léon, Pôl ». Il a aussi :
<( Peûl, s. m. Pieu. Pilier. Piquet. Pilotis. Colonne. PI. iou.
58 NOTES D'ÉTYMOLOGIE BRETONNE.
Quelques-uns disent pal et paol » ; « Paollèvia (de 3 syll.
paol-lé-via), v. n. Conduire un bateau, avec un seul aviron à la
poupe. Ramer et gouverner avec le même aviron ». Troude
renvoie de maol à baol, et de celui-ci h paol f. pour lequel il n'a
que le sens de barre du gouvernail, paol ar stur; il donne pôl
f. id. en van., tréc. et cornou.; paolea, paollenva, paolleviat,
pollènvat, pollevia v. n. godiller.
Il est probable qu'en ce qui concerne la forme pôl, Troude
n'a fait que développer l'indication de Le Gonidec, qui ne devait
pas connaître l'usage de Vannes. Le dict. de l'A., faisant la
même confusion que Grégoire, donne à « gouvernail » : « Safran,
Barrenn slurr » ; cf. « Timon de navire, Barrênn sturr ».
Jal donne : « Paol (quelquefois prononcé Bout) » f . barre du
gouvernail, timon, aviron servant de gouvernail, rame pour
goudiller; pôl f. barre du gouvernail; « Paollèvia (prononcé
Poulevate) v. n. Goudiller ». M. du Rusquec écrit boulévia
et paolévia, qu'il traduit « ramer ». On dit à Beuzec-Cap-
Sizun ponléi godiller, Annales de Bret., XVII, 157.
2. Le mot bàoulen battant (de cloche) est une forme altérée
de bazoulenn Gv., van. bahoule m. l'A. et a une origine toute
différente de paol.
Celui-ci est regardé comme une variante de peul, emprunt
au Jat. palus, Et. gram. sur les langues celt., I, 11 ; et, avec
quelque hésitation, Lexique, 217 '. M. Loth ne parle pas du mot
à propos de peul, M. lai., 193.
Je crois qu'il ne vient pas directement du lat., et que c'est
le v. franc, paul, variante de pau, pal, etc., pieu, poteau.

(A suivre).

Vous aimerez peut-être aussi