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D.C.E.M. 2
Module 6
Sous-Module 1 :
Evaluation et Traitement de la Douleur
1
MODULE 6 “DOULEUR SOINS PALLIATIFS – ACCOMPAGNEMENT”
I – OBJECTIFS GENERAUX
L’étudiant doit savoir différencier une douleur aiguë ou douleur symptôme d’une
douleur chronique ou douleur maladie. Il doit connaître les grands mécanismes physio-
pathologiques des douleurs ainsi que leurs étiologies correspondantes et leurs
thérapeutiques respectives. Il doit être attentif à écouter, à évaluer et à prendre en
charge les souffrances physiques et morales des malades. Il doit être capable de mettre
en place et de coordonner les soins palliatifs à domicile ou à l’hôpital chez un malade en
fin de vie.
II – PROGRAMME D’ENSEIGNEMENT
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1ère PARTIE
« EVALUATION ET TRAITEMENT DE LA DOULEUR AIGUE ET CHRONIQUE »
pages
CHAPITRE 1 : 8
CHAPITRE 2 : 18
CHAPITRE 3 : 42
CHAPITRE 4 : 63
CHAPITRE 5 : 77
CHAPITRE 6 : 92
CHAPITRE 7 : 104
3
CHAPITRE 8 : 111
CHAPITRE 9 : 123
CHAPITRE 10 : 149
CHAPITRE 11 : 157
CHAPITRE 12 : 161
CHAPITRE 13 : 170
CHAPITRE 14 : 184
4
2ème PARTIE
« SOINS PALLIATIFS PLURIDISCIPLINAIRES CHEZ UN MALADE EN FIN DE
VIE.
ACCOMPAGNEMENT D’UN MOURANT ET DE SON ENTOURAGE »
CHAPITRE 1 : 212
CHAPITRE 2 : 224
CHAPITRE 3 : 240
CHAPITRE 4 : 264
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UNIVERSITÉ PAUL SABATIER
FACULTÉ DE MÉDECINE TOULOUSE-RANGUEIL
D.C.E.M. 2
Module 6
Douleur – Soins Palliatifs et Accompagnement
Sous-Module 1
« Evaluation et Traitement de la Douleur
Aiguë et Chronique »
Coordonnateur : Yves Lazorthes
6
SOUS-MODULE 1 « EVALUATION ET TRAITEMENT DE LA DOULEUR »
INTRODUCTION
Yves Lazorthes
La médecine a plus changé pendant ces 50 dernières années que pendant les 50 siècles
précédents. Pendant que s’accomplissaient ces progrès, la douleur rebelle ne retenait guère
l’attention des médecins. Elle était tenue pour un simple symptôme et ne se trouvait pas au
premier rang des préoccupations des médecins et des chercheurs. Cela a fort heureusement
changé durant ces dernières années, puisqu’une meilleure prise en charge des douleurs aiguës
ou chroniques a contribué à renforcer la dimension humaine de la médecine. Aujourd’hui, la
lutte contre la douleur et les soins palliatifs sont devenus des priorités de santé publique. La
douleur est maintenant au centre des préoccupations de tous les professionnels de santé. Son
évolution et son traitement font partie de la formation initiale de tous les médecins et de tous les
soignants, ce module en est la preuve.
Ce regain d’intérêt découle d’une part d’une meilleure connaissance des mécanismes
physiopathologiques générateurs de douleurs et, d’autre part, des multiples acquisitions
fondamentales tant sur le plan neurophysiologique que neuropharmacologique concernant les
mécanismes de contrôle de la douleur. Cependant, l’évolution essentielle repose sur le concept
de douleur chronique invalidante, c’est-à-dire de “douleur-maladie”, toute différente de la
douleur symptomatique, signal d’alarme utile et transitoire. Ce concept a souligné la nécessité
d’une approche globale du patient qui souffre. Composante organique sensorielle et
composante psychologique réactionnelle sont étroitement liées dans toute douleur chronique et
doivent être simultanément évaluées avant toute prise en charge thérapeutique. Les structures
de soins se sont inspirées de cette nécessité d’une prise en charge pluridisciplinaire des
malades, aussi bien dans l’étape initiale de son évaluation que lors de son traitement.
Pour en savoir plus, nous vous conseillons de consulter le livre du Collège National des
Enseignants Universitaires de la Douleur*.
* « Douleur Aiguë – Douleur Chronique – Soins Palliatifs », édité par le Collège National des
Enseignants Universitaires de la Douleur – Medline Editions..
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CHAPITRE 1
EVOLUTION DE LA PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR
DANS L’HISTOIRE DE LA MEDECINE
Yves Lazorthes
La douleur n’a pas eu la même signification à toutes les époques et dans toutes les
civilisations. La compréhension de ses mécanismes de perception, l’interprétation de sa finalité
et le comportement des soignants face à la douleur de leurs patients ont considérablement
varié.
Différentes significations ont été attribuées à la douleur, allant d’une épreuve nécessaire,
d’une fatalité, d’un châtiment de Dieu, à une expérience insupportable face à laquelle il faut
lutter avec tous les moyens disponibles. Pour illustrer cette discontinuité dans l’interprétation de
la douleur et dans les comportements concernant sa prise en charge, effectuons un survol de
l’Histoire de la Médecine en Europe.
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I - DANS L’ANTIQUITE GRECO-ROMAINE
C’est ainsi que, dans la mythologie grecque, Arthemis est directement assimilée à la déesse
des douleurs. Ses flèches, selon la tradition homérique, provoquaient les souffrances de
l’enfantement. Douleur physique et souffrance morale sont confondues et considérées aussi
bien par les Grecs que par les Romains, très profondément attachés à leurs superstitions,
comme le châtiment d’un Dieu irrité qu’il faudra implorer pour obtenir la guérison. Dans la
mythologie grecque, les divinités guérisseuses sont multiples (Arthemis, Apollon, Asklepios et
Epione), alors que leur culte n’apparaîtra à Rome qu’après la conquête de la Grèce (Esculape),
de même que le développement de la pensée médicale romaine ne naîtra qu’avec l’arrivée des
premiers médecins grecs.
Par la suite, les « prêtres médecins » feront place aux philosophes médecins, parmi
lesquels domineront les théories des Ecoles Socratique et Hippocratique pour la Grèce et celle
de Celse et de Galien pour Rome.
- En Grèce. Platon (428-347 avant J.C.) considérait que la douleur et le plaisir, bien que
sensations opposées, sont des affections touchant l’ensemble du corps et ressenties par le
cœur, centre de l’âme de l’Homme.
Aristote (384-322 avant J.C.) approfondira les concepts de Platon sur les sensations et
la douleur. Il avait déjà identifié les cinq sens, mais considérait que le cerveau n’avait aucun rôle
direct dans les mécanismes d’analyse sensorielle. Pour lui, le cerveau servait uniquement à
refroidir la chaleur issue du cœur et à produire le sommeil.
Le centre des sens restait localisé dans le cœur, toujours considéré comme l’organe le
plus important du corps, centre de toutes les fonctions vitales et siège de l’âme. La sensation
douloureuse était due à une augmentation de la sensibilité aux différentes sensations,
particulièrement à une exacerbation du toucher, augmentation elle-même causée par l’excès de
“chaleur vitale”. Comme le toucher, la douleur partait d’organes terminaux dans la chair et était
conduite par le sang jusqu’au cœur. Aristote appréciait la valeur de la sensibilité tactile et
douloureuse mais pensait déjà que, si elle était trop intense, elle pouvait avoir un effet nuisible
et destructeur.
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Hippocrate (430-380 av.J.C.) et ses élèves étaient avant tout des cliniciens. Leurs
connaissances neuro-anatomiques restent très rudimentaires ; c’est ainsi que les nerfs sont
confondus avec les tendons et le cerveau avec une glande. De nombreux textes hippocratiques
considéraient déjà le cerveau comme le siège des sentiments et le centre de l’activité
intellectuelle. D’autres attribuaient toujours ces fonctions au cœur. Il n’y a pas d’unité sur cette
question. A cette époque, et pour la première fois dans l’histoire de l’Homme, la médecine va se
dégager de l’influence religieuse. La valeur rédemptrice de la maladie (et de la douleur) était
inscrite dans l’Ancien Testament. Mais, pour Hippocrate, la maladie est un phénomène naturel
et non pas une punition divine. Cependant, du fait du peu d’efficacité de l’attitude rationnelle,
beaucoup continueront à croire que la douleur résulte de la colère des dieux. Des aphorismes
bien connus de la collection hippocratique traduisent cette notion d’impuissance : « Soulager la
douleur est chose divine ».
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Sur le plan thérapeutique, les Romains utilisèrent aussi des moyens physiques (chaud,
froid, eaux et boues des sources thermales) dans des douleurs d’origine musculaire ou
articulaire, mais aussi dans les céphalées et les coliques. Si l’usage des chocs électriques
produits par les poissons électriques, et notamment un poisson torpille, semblait déjà connu
dans l’Egypte ancienne, c’est durant le première siècle après Jésus-Christ que Scribonius
Largus rapportera le soulagement d’une douleur articulaire survenu accidentellement chez un
patient lors d’un bain de mer. Par la suite, de nombreux médecins romains, dont Galien, le
préconisèrent pour traiter certaines douleurs et en particulier celles de la goutte.
La place occupée par les médicaments destinés à soulager la douleur est plus
importante à Rome qu’en Grèce. Des traités célèbres, comme “Matière Médicale” de Diascoride
et “Des Médicaments” de Galien, citent de nombreux médicaments d’origine végétale à action
analgésique provenant du pavot, de la mandragore, de la belladonne, du lierre, du coquelicot,
de la laitue blanche, de la jusquiane et du canabis, ... Les cinq livres de “De Materia Medica”
feront autorité dans le monde gréco-romain ; Diascoride y dresse l’inventaire minutieux de
quelques 900 substances susceptibles d’entrer dans la composition de remèdes. Avant tout, le
suc de pavot est connu non seulement pour la supériorité de ses effets, mais aussi pour le
risque de décès à dose trop forte. L’opium était très largement utilisé contre la douleur, soit en
application locale, soit en solution buvable.
La “Thériaque”, utilisée par Galien au IIe siècle, aurait été confectionnée en Asie Mineure
par Mithridate (123-63 avant J.C.) pour se protéger contre les poisons, et ramenée à Rome par
Pompée. Ce fameux électuaire, qui a été tenu comme le remède capable de soigner toutes les
maladies et de calmer toutes les souffrances, contenait une préparation semi-liquide comportant
du vin, du miel, des plantes médicinales, et 24 onces d’opium. Il s’agit de l’ancêtre de la solution
de Brompton, très largement utilisée au XXe siècle dans le traitement des douleurs d’origine
cancéreuse, et qui sera remplacée seulement dans la fin des années 80 par de nouvelles
formes galéniques (comprimés à libération prolongée).
II - DU MOYEN-AGE A LA RENAISSANCE
L’œuvre de Galien est si immense que son influence se prolongera même au-delà du
Moyen-Age. Jusqu’au milieu du XVIIe siècle, la douleur est considéré comme un symptôme du
tact, conséquence d’un déséquilibre de la qualité des 4 humeurs (sang, bile jaune, bile noire et
phlegme) constituant le corps humain. Cette théorie ne sera d’ailleurs pas remise en question
durant la Renaissance par Vesale (1514-1564) qui, malgré les très grandes avancées qu’il fera
faire aux connaissances de l’anatomie humaine, notamment du système nerveux, continuera à
penser que le rôle du cerveau était de sécréter le phlegme.
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Avicenne (980-1038), considéré comme le plus grand médecin de cet âge d’or de la
médecine arabo-musulmane, décrit dans son ouvrage “Le canon de la médecine” quinze types
de douleur. Les connaissances de la médecine arabo-musulmane seront réintroduites en
Occident médiéval à partir du XIIe siècle, notamment à Cordoue et à Tolède par Gérard de
Crémone, mais aussi en Italie (Ecole de Salerne) et en France (Montpellier).
Mais, avant tout, le Moyen-Age en Occident est dominé par l’influence durable du
Christianisme sur le comportement face à la douleur.
Durant le Haut Moyen-Age (Ve au Xe siècle), la spiritualité est influencée par l’Ancien
Testament. L’Eglise met l’accent sur le Christ comme modèle de la souffrance supportée et
acceptée. Les textes religieux exhortaient les patients à supporter en silence les épreuves
infligées par Dieu.
La douleur est à nouveau une punition divine mais, surtout, en imitant Jésus-Christ qui a
choisi de mourir sur la croix, la douleur transcende l’homme et a une valeur expiatoire. Le péché
était absout par l’accomplissement des peines corporelles “tarifiées” infligées par le confesseur
(jeûne, mortification, pèlerinage pénitentiel, ...). Dans cette société romano-barbare, l’expression
de la douleur est refoulée, la douleur n’a de valeur qu’en tant que moyen de rachat de ses
péchés et possibilité de gagner le salut.
Durant ces périodes, les fléaux sont multiples et renforcent la résistance à la douleur,
qu’ils s’agissent des invasions (notamment invasion islamique et reconquête), de la lutte contre
les hérésies (Croisade des Albigeois et Inquisition), de la première et de la deuxième Guerre de
Cent Ans, mais aussi des grandes épidémies (notamment la peste noire en 1348).
A la fin du Moyen-Age (XIVe et XVe siècles), mais aussi pendant la Renaissance (XVIe
siècle), les famines, les disettes, les grandes épidémies notamment la peste, les guerres de
conquête puis de religion, le banditisme, les révoltes, ... ont multiplié les souffrances. Ces
calamités sont interprétées comme des manifestations de la colère de Dieu.
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Les monastères sont les dépositaires de la connaissance et de la science (érudits,
bibliothèques). Les médecins étaient des moines. Les clercs religieux soulageaient la misère
humaine. Sains-Augustin et Saint-Ambroise prêchaient l’obligation d’assistance aux malades.
C’est la naissance des hospices où se développe l’attitude de compassion mais aussi où l’on
cultive les plantes médicinales. La chirurgie est exercée par les barbiers jusqu’à l’Edit de
Charles le Bel en 1311 car, jusque-là, les religieux n’avaient pas le droit de toucher le sang (Edit
de 1163 « Ecclesia abhorret a sanguine »).
Cette longue époque est aussi marquée par l’absence de progrès, voire même le recul
dans le soulagement de la douleur. Non seulement la douleur est exaltée comme une valeur
d’expiation et de rachat mais, à l’extrême, l’usage des plantes sédatives est limité voire même
condamné car considéré comme ayant une potentialité magique, maléfique, donc d’une
appartenance à la sphère païenne.
Par ailleurs, au Moyen-Age, l’art sera essentiellement chrétien (architecture romane puis
gothique, peinture, sculpture, littérature, …). C’est une période où se multiplient les tableaux et
sculptures évoquant l’Apocalypse et la Descente aux enfers. L’ecce homo, Christ couronné
d’épines de même que les pieta ou mater dolorosa, images de la Vierge douloureuse, semblant
prendre en charge toute la souffrance du monde, deviennent à partir du XVe siècle des thèmes
répétitifs dans l’art, annonçant la Renaissance.
Michel-Ange (1475-1564), par ses sculptures (Pieta, Vierge à l’Enfant, …), démontre sa
remarquable connaissance de l’anatomie, ostéo-musculaire notamment.
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René Descartes (1596-1650), philosophe, mathématicien et physicien, a considéré la
médecine comme une application technique de la physique mécanique. Il étudia les sens et la
douleur dans plusieurs de ses ouvrages (Dioptrique, 1637 - Les passions de l’âme, 1649 - Traité
de l’Homme – Le Discours de la Méthode). Il choisit de situer le point de convergence de toutes
les sensations (sensorium commune) dans la glande pinéale (ou épiphyse). Le centre de
convergence et d’analyse des sensations est donc replacé au centre du cerveau.
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1. Certains adoptent une attitude humaine mais qui reste résignée. C’est le devoir
chrétien d’assistance, l’attitude de compassion face à une douleur extrême. Ce n’est pas
de l’indifférence mais la traduction d’une sorte de fatalisme toujours profondément inscrit
dans la pensée.
2. Pour d’autres, au contraire, la douleur est utile car nécessaire à la guérison. Elle
est considérée comme une sorte de sixième sens, de sens interne vigilant qui peut
même parfois indiquer au médecin comment il doit agir. Elle représente une réaction de
la nature qu’il faut laisser s’exprimer. Elle est considérée comme inévitable, c’est une
épreuve salutaire. “La douleur aiguillonne et stimule” écrit J.A. Salgues (1823). Ainsi, la
douleur qui suit la plupart des opérations réalisées à vif, sans la moindre anesthésie,
annonce une sorte de travail de réaction qui devient un des moyens de guérison. On
considère même que l’excès de courage peut être nuisible et que “les cris ont leur utilité”.
3. Enfin, nombreux sont ceux qui, déjà, prennent conscience des effets néfastes de
la douleur et la considèrent comme une ennemie intérieure redoutable, destructrice,
devant être supprimée. Elle est de plus en plus perçue par les médecins comme
indépendante du péché et de son châtiment divin. Le signal d’alarme une fois donné, la
douleur ne doit pas être prolongée. On assiste alors, sur le plan thérapeutique, à une
volonté de plus en plus grandissante de la soulager, et en particulier à une
recrudescence de l’usage de l’opium notamment sous forme liquide. Il est même en
vente libre en Angleterre au XVIIIe siècle.
Déjà, beaucoup de chirurgiens critiquent ceux de leurs confrères qui continuent à croire
que la douleur est utile au succès d’une opération. C’est le refus d’accepter “l’invivable douleur
des opérés” (A.Sassard, 1789). C’est aussi le temps de la révolte impuissante face à
“l’expérience de l’insoutenable” dans le cadre de la chirurgie de guerre.
Malgré sa très grande dextérité, il n’est pas indifférent aux souffrances des blessés et
rappelle incessamment qu’il faut tout faire pour épargner aux patients la douleur ; durant toute
sa carrière, il milite pour une médecine plus humaine. “Guérir parfois, soulager souvent,
comprendre toujours” (Baron Larrey, 1812). Plus tard, il sera un des rares à défendre,
notamment lors des débats de l’Académie de Médecine en 1828, les premières tentatives
d’anesthésie générale faites en Grande-Bretagne, face au scepticisme et au mépris de ses
collègues.
A la fin du XIXe siècle, ce concept face à la douleur gagnera du terrain et Cabanis écrit :
“Rien de ce qui peut causer de la douleur est salutaire, elle doit toujours être regardée comme
nuisible”.
Pendant vingt siècles, en fait, la médecine a très peu progressé, c’est-à-dire d’Hippocrate
au IVème siècle avant J.C. jusqu’au XVIIIème siècle. « Louis XIV était soigné comme
Auguste ». C’est aussi le cas en terme de traitement de la douleur puisque le pavot était très
largement utilisé dans l’Antiquité Gréco-Romaine mais bien avant, depuis les Sumériens, c’est-
à-dire 3000 ans avant J.C.
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Au XIXème siècle, la médecine va se transformer. C’est l’ère de la Médecine Moderne
avec mise en place d’un Diplôme National, francisation des textes, laïcisation et surtout les
progrès apportés par les corrélations anatomo-cliniques, les mécanismes et l’origine des
maladies.
• L’aspirine, qui était utilisée d’une manière empirique par les Grecs (préparation à
partir de l’écorce de saule), sera synthétisée chimiquement sous la forme d’acide
acétylsalicylique par Félix Hoffmann (en 1897). La Société Bayer mettra sur le marché
l’aspirine en 1899.
• Par ailleurs, la morphine, qui était largement utilisée notamment chez les Grecs
sous la forme de la Thériaque de Galien, verra son principe actif isolé de l’opium par F.
Sertuener (en 1805) sous la forme d’un alcaloïde qu’il baptisera morphine. La première
injection hypodermique de chlorhydrate de morphine sera réalisée en 1853. On assistera
par la suite à une très large utilisation, voire à des excès, notamment pendant les
guerres (Guerre de Sécession, guerre de 1870, guerres coloniales, etc). Ces excès
conduiront à des utilisations illicites, à des toxicomanies et finalement à une
réglementation sévère pendant la période de la Première Guerre Mondiale. Cette
réglementation limitant la prescription sera assouplie uniquement durant ces dernières
années.
Alors que tous les produits nécessaires avaient déjà été découverts (en 1776 le
protoxyde d’azote, en 1792 l’éther, en 1830 le chloroforme), alors que la morphine avait déjà été
synthétisée depuis 1806 par Sertuerner, pharmacien à Hanovre, sous le nom de “principe
somnifère de l’opium”, il existait des réticences considérables à toute idée d’anesthésie
chirurgicale. Ces oppositions étaient liées à la lenteur et à l’hésitation des premiers essais, ainsi
qu’au risque iatrogène de la période initiale marqué par de nombreux accidents.
Ces oppositions ont donné lieu à des discussions et des affrontements passionnés,
notamment dans le cadre de l’Académie de Médecine où s’opposèrent en particulier deux
chirurgiens : Velpeau, tenant de l’anesthésie générale, et Magendie, s’y opposant.
Il aura fallu 50 années de débat pour qu’à partir de 1847 l’anesthésie générale
s’impose. Cette année-charnière est celle de la mise au point d’un contre-poison, antagoniste de
l’action de l’éther : la strychnine. Avec la strychnine, l’éthérisation se propage et l’anesthésie
générale s’imposera.
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V - DE NOS JOURS
Des progrès considérables ont été effectués sur le plan neurophysiologique permettant
de comprendre et de renforcer les mécanismes de contrôle intrinsèque de la douleur. Ces
données récentes seront développées dans le deuxième chapitre.
Ce regain d’intérêt est lié non seulement aux progrès des connaissances fondamentales
mais aussi :
1. à l’identification de la notion de « douleur chronique ou douleur maladie »
s’opposant à la « douleur aiguë symptomatique », signe d’alarme utile ;
La douleur n’est plus considérée comme inéluctable. Elle concerne tous les médecins au
quotidien. Lorsque cette douleur échappe à la compétence du médecin généraliste, du fait de
son caractère chronique répétitif et rebelle au traitement élémentaire, les patients sont confiés à
des praticiens spécialisés dans ce domaine.
“L’algologie” ou thérapeutique de la douleur n’est pas une spécialité en soi car cette prise
en charge relève d’une évaluation clinique et d’un suivi inter-disciplinaire. Ce concept de prise
en charge globale du patient et d’approche multidisciplinaire des composantes organiques et
psychologiques d’une douleur chronique représente un des facteurs essentiels des progrès
récents acquis dans ce domaine durant ces dernières années.
Parallèlement, la lacune observée dans la formation initiale, aussi bien des médecins
que des para-médicaux, se comble. A côté d’une approche médicale essentiellement curative,
doit s’associer une démarche complémentaire palliative ayant pour objectif de soulager toutes
les souffrances physiques et morales. “L’étude de la douleur conduit à une médecine plus
humaine en tous ses gestes” (R. Leriche, 1940).
17
CHAPITRE 2
DOULEURS : BASES ANATOMIQUES, PHYSIOLOGIQUES ET PSYCHOLOGIQUES
1. Introduction 18
2. Données générales 19
3. Les voies de transmission et de perception de la douleur
3.1. Au niveau du système nerveux périphérique (SNP)
3.2. Au niveau du système nerveux central 23
4. Mécanismes de contrôle de la douleur 36
4.1. Contrôle d’origine spinale
4.2. Contrôle d’origine supra-spinale 38
5. Les mécanismes physiopathologiques générateurs de douleurs 40
I – INTRODUCTION
Ces données permettent d’expliquer la survenue de douleurs aiguës ayant une valeur
d’alerte devant une agression et l’existence de douleurs chroniques syndrome à part entière
(douleur maladie) survenant dans des conditions pathologiques.
18
II - DONNEES GENERALES
19
Fig 1 : Les fibres Aδ (peu myélinisées) et C (non
myélinisées), responsables des sensations thermo-
algiques, sont connectées à des terminaisons libres
appelées « nocicepteurs ». Les fibres Aαβ (très
myélinisées), responsables des sensations tactiles,
sont connectées à des récepteurs bien différenciés
sur le plan histologique (corpuscules de Meissner,
de Ruffini, disques de Merkel, récepteurs du
follicule pileux).
Les nocicepteurs cutanés ont été les mieux décrits chez l’homme, on en distingue 2
types présents au niveau de la peau glabre ainsi que dans les zones poilues :
Des nocicepteurs unimodaux qui ne sont activés que par des stimulations mécaniques
intenses : ce sont des mécanonocicepteurs électivement en relation avec les fibres Aδ.
Des nocicepteurs polymodaux de loin les plus nombreux qui répondent non seulement
aux modalités précédentes de stimulation physique mécanique mais également à des
stimulations de nature thermique ou chimique (chimiorécepteurs).
Des travaux récents ont par ailleurs mis en évidence la présence nocicepteurs
polymodaux, dans la peau, les viscères et les articulations dits « silencieux », car ils ne peuvent
pas être activés dans les conditions normales, mais le sont dans des conditions pathologiques,
en particulier lors des processus inflammatoires chroniques.
Le système nociceptif peut-être activé par une grande variété de formes d’énergie
(mécanique, thermique, chimique…) dont le caractère commun semble à priori de forte
intensité, capable de provoquer une réelle lésion tissulaire. La lésion tissulaire provoquée est
responsable d’une série d’évènements étroitement liés aux processus inflammatoires venant
prolonger l’activation des nocicepteurs et surtout induire une sensibilisation (Fig 2).
20
Fig 2: intéractions entre les différentes substances libérées par les cellules immunitaires, les capillaires
sanguins et les terminaisons nerveuses périphériques (sensorielles et sympathiques) lors d’une lésion tissulaire
inflammatoire. A B
Ainsi il apparaît que toute une myriade de substances chimiques très diverses dite
« soupe périphérique » interagissant entre elles, puisse moduler l’activité des nocicepteurs
rendant les approches pharmacologiques complexes.
21
Augmentation de la perméabilité
vasculaire
vasodilatation
SP
Fibre C
Histamine
Activation Stimulation
Sensibilisation électrique
Fig 3 : Inflammation neurogène liée à une lésion tissulaire : après stimulation nociceptive périphérique,
l’influx nerveux se propage non seulement vers la moelle, mais aussi de façon antidromique vers les autres
terminaisons libres de la même fibre. Celles ci vont libérer des peptides dont la substance P, ce qui entraîne
une vasodilatation, une dégranulation des mastocytes, elle même à l’origine d’une libération localisée
d’histamine qui va amplifier les processus vasculaires et sensibiliser les nocicepteurs. Cette cascade
d’évènements, appelée inflammation neurogène concerne non seulement les territoires lésés mais aussi les
territoires adjacents à l’origine d’une hyperalgésie dite secondaire ou en « tâche d’huile ».
Les premières études physiologiques effectuées chez l’homme ont montré que la
sensation douloureuse résultait de la mise en jeu de fibres à conduction lente : les fibres Aδ
faiblement myélinisées et les fibres C, non myélinisées. Les fibres C sont les plus nombreuses
puisqu’elles constituent 60 à 90% de l’ensemble des fibres afférentes cutanées et la quasi
totalité des fibres afférentes viscérales.
Types de fibres Aβ Aδ C
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Chimique
Sensation produite Tact, proprioception Douleur rapide Douleur lente
Tableau 1: Caractéristiques et signification fonctionnelle des trois catégories de fibres sensitives contenues dans un
nerf d’origine cutanée (d’après Lazorthes, 1993).
L’existence de ces deux groupes de fibres afférentes fines a permis de mieux
comprendre le phénomène de double douleur parfois ressenti lors de l’application de
stimulations cutanées brèves et intenses. L’activation des fibres Aδ produirait une douleur rapide
(300 ms après le stimulus) bien localisée et à type de piqûre déclenchant immédiatement un
réflexe protecteur de retrait. Les fibres C seraient responsables d’une douleur tardive (1 sec
après le stimulus), mal localisée plus diffuse et à type de brûlure traduisant une lésion tissulaire
persistante (Tableau 2).
Douleur rapide Douleur lente
Caractéristique clinique Vive, à type de piqûre, bien localisée, Sourde, diffuse, à type de
instantannée brulûre, installation lente
Evolution Durée brève, pas de tonalité affective Durée prolongée, réaction
affective et végétative
Fibre nerveuse Fibres sensitives Aδ Fibres sensitives C
Tableau 2: Caractéristiques cliniques des deux types de douleur aiguës (d’après Lazorthes, 1993).
D’autre part, le fait que les fibres sensitives transmettant la sensation tactile fine soient
protégées par une épaisse gaine de myéline, alors que les fibres sensitives nociceptives (Aδ et
C) ne le sont pas, a des conséquences pratiques largement utilisées en clinique. Il est possible
de réaliser des lésions nerveuses périphériques incomplètes et sélectives détruisant les seules
fibres fines nociceptives et de ce fait, de respecter la sensibilité tactile dans le territoire nerveux
considéré. L’application principale de ce concept est représentée par la thermocoagulation
(lésion thermique) du ganglion trigéminal de Gasser dans le traitement des névralgies faciales
essentielles.
23
Après avoir emprunté le nerf périphérique puis pour certains un plexus, l’influx nociceptif
se dirige vers le nerf spinal. Toutes les fibres périphériques afférentes (dendrites du 1er
neurone) possèdent un corps cellulaire au niveau du ganglion spinal situé sur la racine spinale
dorsale. Dans la majorité des cas, les afférences du système nerveux central gagnent la moelle
spinale par les racines dorsales ou leurs équivalents au niveau des nerfs crâniens. Il a été
cependant récemment démontré chez l’homme que certaines fibres afférentes empruntent la
racine ventrale qui contient classiquement les fibres efférentes motrices.
Les différents types de fibres sensitives n’ont aucune organisation particulière au sein
des nerfs périphériques et des racines dorsales. Au niveau de la jonction radiculo-médullaire
zone d’entrée de la racine dorsale dans la moelle, elles s’organisent en fonction de leur type et
de leur destinée médullaire (Fig 4). Ainsi les fibres de gros calibre myélinisées (Aβ) destinées au
cordon dorsal homolatéral et transportant des informations tactiles superficielles et
proprioceptives conscientes (voie lemniscale) se placent dans la partie dorso-médiane de cette
région. Les fibres fines nociceptives (Aδ et C) se placent dans la région ventro-latérale de cette
zone d’entrée.
Chaque radicelle est formée d’un segment périphérique dont la glie est
schwanienne (comme le nerf périphérique) et d’un segment central dont la
glie est oligodendrocytaire (comme la moelle). La jonction entre les deux
se fait au niveau de l’anneau pial (AP).
- Au niveau du segment périphérique (1) les fibres n’ont aucune
systématisation particulière en fonction de leur taille.
- Au niveau de l’anneau pial les petites fibres gagnent la surface
de la radicelle, un petit nombre sur son bord médian (M), la
plupart sur son bord latéral (L) tandis que les grosses fibres
cheminent en son centre.
- Au niveau du segment central (3), les petites fibres qu’elles
soient latérales ou médianes se regroupent à la partie latérale
de la jonction radiculo-médullaire avant de pénétrer dans le
tractus de Lissauer (TL) puis la corne postérieure dela moelle
(CP).
Il est possible a ce niveau par des techniques microchirurgicales
d’interrompre sélectivement les voies de la douleur en respectant les
fibres de la sensibilité.
Fig 4 : Organisation des fibres au niveau de la jonction radiculomédullaire postérieure. ….. Site de la radicellotomie
postérieure sélective d’après M Sindou.
Les fibres nociceptives ne se destinent pas à un seul étage spinal (myélomère). En effet,
chaque fibre se trifurque, donnant des branches pour le niveau correspondant à son métamère
et des branches ascendantes et descendantes qui vont parcourir le tractus dorsolatéral de
Lissauer. Ceci a pour conséquence une diffusion de l’information aux étages métamériques
adjacents permettant notamment l’élaboration de réflexes spinaux plurisegmentaires. A noter
24
qu’il existe aussi un mécanisme de diffusion de l’information périphérique, lié au phénomène de
recouvrement des dermatomes (territoires cutanés dépendant d’un métamère). Une stimulation
nociceptive cutanée peut-être ainsi véhiculée par trois racines spinales jusqu’aux métamères
correspondants puis également subir un phénomène de diffusion central par le tractus de
Lissauer.
Fig 5 : Distribution des fibres afférentes primaires dans la corne postérieure de la moelle
25
- le second bifurque pour entrer dans la substance grise médullaire et se terminer
dans les couches III, IV.
Les fibres myélinisées de petit diamètre Aδ et non myélinisées C se projettent sur les couches I
et II (substance gélatineuse de Rolando) de l’apex de la corne dorsale spinale. Ces synapses
s’établissent avec deux types de deutoneurones (2ème neurone de la voie nociceptive):
• des neurones nociceptifs non spécifiques dont les corps cellulaires sont situés
au niveau de la couche V. Il s’agit de neurones recevant des informations non
nociceptives et nociceptives dont l’activité est parallèle à l’intensité de la
stimulation. A partir d’un certain seuil d’activité le message devient nociceptif. Sur
ces neurones existent des phénomènes de convergence : des messages
musculaires, viscéraux et cutanés se projettent sur des neurones non spécifiques
communs (Fig 6). Ce phénomène permet d’expliquer les sensations de douleurs
projetées. Une douleur originaire d’un viscère sera par exemple ressentie
comme provenant d’un territoire cutané (ex : la douleur angineuse est ressentie
au niveau de la face interne du bras dans le territoire C8 gauche, douleur
testiculaire de la colique néphrétique, douleur scapulaire droite de la lithiase
vésiculaire…).
• des neurones nociceptifs spécifiques, dont les corps cellulaires sont situés
dans les couches I et II. Ils reçoivent exclusivement des fibres Aδ et C et ne
déclenchent une activité qu’à partir d’un certain seuil de stimulation. Il existe
également à leur niveau des phénomènes de convergence.
26
Fig 6 : Convergence des afférences en provenance de tissus d’origines différentes
A partir de ce relais dans la corne dorsale, s’organisent des circuits réflexes spinaux
par l’intermédiaire de chaînes d’interneurones, notamment vers la corne ventrale et les
motoneurones des muscles fléchisseurs des membres (réflexe de retrait en flexion) ou vers la
zone intermédiaire végétative de la moelle à l’origine de réflexes végétatifs spinaux à la douleur.
La pharmacologie de la corne dorsale de la moelle épinière est très riche. La majorité des
neurotransmetteurs ainsi que leurs récepteurs respectifs présents dans le système nerveux
central sont retrouvés à ce niveau. Deux groupes de neuromédiateurs sont responsables de la
transmission des messages nociceptifs périphériques vers les neurones spinaux. Il s’agit
d’acides aminés excitateurs (AAE) comme le glutamate ou aspartate et de neuropeptides
(Fig 7). Ces derniers très nombreux (substance P, Somatostatine, peptide lié au gène de la
calcitonine (CGRP), cholecystokinine, neurokinine A…) et pourraient jouer le rôle de
neuromodulateurs en modulant les effets exitateurs ou inhibiteurs des neurotransmetteurs.
27
POUR EN SAVOIR PLUS…
A la suite d’une stimulation isolée, d’intensité liminaire et plus généralement dans des conditions physiologiques
seul le glutamate serait libéré. Il activerait les neurones nociceptifs spinaux en se liant à leur récepteur AMPA.
A la suite d’une stimulation supra-liminaire et surtout répétée et plus généralement dans des conditions
pathologiques, on observe :
- une libération accrue d’acides aminés excitateurs qui se traduit par une entrée massive de
ca++ avec activation des récepteurs NMDA
- une libération de substance P qui va se fixer sur les récepteurs NK1 entraînant une
activation supplémentaire des récepteurs NMDA
Il s’en suit dès lors une cascade complexe d’évènements aboutissant à une hyperexcitabilité des neurones
nociceptifs spinaux et à une hyperalgésie.
Parmi ces évènements on note :
- une activation de la protéine kinase C ayant pour effet une amplification des récepteurs
NMDA
A la suite d’un stimulus nociceptif liminaire, isolé, survient une douleur aiguë liée à la
stimulation des récepteurs AMPA. On la considère comme une douleur d’alarme, de sauvegarde
de l’intégrité de l’organisme, on parle de normalgésie (Fig 8).
A la suite d’un stimulus nociceptif supra-liminaire et répétitif on constate la mise en jeu
des récepteurs NMDA à l’origine d’une hyperexcitabilité auto-entretenue voire amplifiée de
traduisant par une hyperalgésie.
28
A plus long terme, il peut s’ensuivre une forme de mise en mémoire de la douleur liée à
des modifications dans l’expression des gènes en faveur d’une synthèse protéique pro-
nociceptive.
Evènement douloureux
Douleur aiguë isolée Douleurs aiguës récurrentes Douleur chronique
Glutamate AAE - SP
Gène d’expression précoce
++
AMPA NK1 NMDA (Ca , PKC, NO) (c-fos)
NORMALGESIE HYPERALGESIE MEMORISATION
Les lésions tissulaires entraînent une sensibilisation des nocicepteurs périphériques avec une augmentation de
leurs activités spontanées et induites. Les lésions nerveuses induisent une activité spontanée ectopique et une
sensibilité chimique accrue des fibres périphériques lésées du névrome, ainsi que des activités ectopiques
provenant du ganglion spinal et des zones démyélinisées. Dans les deux type de lésions, il y a une augmentation
de la décharge neuronale qui altère l’activité des neurones du système nerveux central, même s’il s’agit de
mécanismes différents. La séquence des évènements est illustrée sur le diagramme figure . L’accroissement de
l’activité provenant du site de la lésion entraîne une augmentation de l’excitation neuronale par l’intermédiaire
des sites récepteurs NMDA. Celle-ci est facilitée par la libération de neuropeptides (substance P, CGRP ou
dynorphine). Il s’ensuit une extension des champs récepteurs et différents signes d’hyperexcitabilité neuronale
induisant un accroissement de la douleur. Si cette hyperexcitabilité devient excessive, elle peut conduire à une
cytotoxicité avec dysfonctionnement des neurones et perte des mécanismes inhibiteurs. Les effets combinés
d’une excitation excessive et d’une perte d’inhibition exacerberont ultérieurement l’hyperexcitabilité,
entraînant donc une douleur encore plus importante et prolongée.
L’identification de ces mécanismes a conduit au développement de nouvelles stratégies thérapeutiques
antalgiques telles que :
- l’utilisation d’antagonistes des récepteurs NMDA, d’inhibiteurs de la PKC ou de la NO-
synthase
- l’utilisation d’anesthésiques locaux pré-opératoires afin de prévenir le développement de
l’hyperexcitabilité de la corne dorsale, c’est-à-dire empêcher que la moelle épinière
« n’expérimente » la lésion et éviter ainsi la formation d’une trace à type de « mémoire »
de la lésion à ce niveau.
29
3.2.3 Les voies spinales ascendantes
Les neurones nociceptifs médullaires spécifiques ou non spécifiques vont projeter leurs
informations au neurone thalamique (3ème neurone de la voie nociceptive) par l’intermédiaire de
leurs axones regroupés en faisceaux nerveux ascendants.
30
Le faisceau néospinothalamique va rejoindre la voie lemniscale médiane en direction du
thalamus.
Ces voies nociceptives afférentes sont en permanence modulées par des systèmes régulateurs
situés aux différents niveaux du système nerveux. Ceux-ci seront décrits dans le châpitre
suivant (fibres lemniscales : GB ; tractus cortico-spinal : CS ; Noyau Raphe Magnus (NRM).
31
POUR EN SAVOIR PLUS…
Bien que ce faisceau ait une place privilégiée dans le transport du message nociceptif,
les données actuelles permettent de décrire 5 autres voies ascendantes nociceptives
spinales (Fig 10).
- La voie spinocervicothalamique :
Décrite chez les carnivores et le singe, il semble inconstant chez l’homme. Les neurones d’origine sont situés
dans les couches IV et V. Les fibres empruntent le cordon dorsal homolatéral en direction du noyau cervical
latéral situé au niveau des deux premiers segments cervicaux de la moelle puis rejoignent la voie lemniscale
après décussation.
- La voie spino-parabrachio-amygdalienne :
Situé dans la partie dorso-latérale du pont, le noyau parabrachial est un site de projection majeur des neurones
nociceptifs spécifiques de la couche I de la corne dorsale de la moelle. Ces neurones de l’aire parabrachiale sont
activés par des stimulations mécaniques, thermiques et viscérales à partir de champs récepteurs de grande
taille. Ils se projettent au niveau du noyau central de l’amygdale. Le rôle de cette voie fait toujours l’objet de
spéculations, néanmoins il a été proposé qu’elle pourrait être impliquée dans l’aspect affectif et émotionnel de la
douleur.
32
3.2.4 Les voies nociceptives cérébrales
a) Le relais thalamique
Le thalamus est un noyau gris considéré comme un centre de triage de l’information sensitive.
Les axones des neurones nociceptifs médullaires après avoir emprunté le faisceau spino-
thalamique se terminent en faisant synapse avec les neurones thalamiques :
A B C
Fig 11:
A : Vue supéro-externe du thalamus gauche. Mise en évidence des noyaux latéraux et médians par la lame
médullaire interne (LMI). En avant, cette dernière se divise en Y pour entourer le groupe de noyaux antérieurs.
B : Schéma frontal du VPL gauche illustrant les terminaisons de la voie lemniscale (hachures verticales), des voies
trigéminales (hachures horizontales) et spino-thalamiques (grisé) permettant de visualiser les zones de terminaison
préférentielle de chaque projection et leurs zones de recouvrement.
C : Coupe horizontale des VPL et VPM humains illustrant la somatotopie mise en évidence par la stimulation
électrique chez le sujet éveillé (d’après Guiot et Derome).
33
Il n’existe pas de centre unique d’intégration, de discrimination et de mémorisation de la
douleur. Les techniques modernes de marquage de fibres, d’immunohistochimie et d’imagerie
ont permis de mieux préciser cette circuiterie complexe dans laquelle l’hypothalamus, le cortex
somesthésique et le système limbique jouent un rôle important.
Le gyrus pariétal post-central reçoit les axones des neurones thalamiques du VPL (Fig 13). Ces
axones se terminent préférentiellement dans la couche IV du gyrus somesthésique primaire (SI)
à sa partie antérieure (aire 3A de Brodman) pour les influx d’origine musculaire et articulaire et à
sa partie moyenne (aire 3B et 2) pour les influx d’origine cutanée. L’aire SI est richement
connectée avec l’aire somesthésique secondaire SII située au pied du gyrus post-central qui
pourrait également recevoir des informations nociceptives.
34
Face externe
S1
Cortex Cortex pariétal
frontal
Cortex insulaire
S2somesthésique Cortex
occipita
Cortex temporal
Face interne
Cortex
cingulaire
Le cortex frontal
La projection des voies nociceptives à partir du thalamus non spécifique sur la région préfrontale
est classiquement décrite comme responsable du caractère désagréable de la sensation
douloureuse et du contexte affectif qui l’entoure. La déconnexion frontale enlève l’aspect de
«souffrance » de la douleur, sans pour autant supprimer la sensation (l’aire SI restant informée).
Le système limbique
La projection à partir de la formation réticulée sur les aires limbiques : cortex orbito-frontal,
cingulaire antérieur, insulaire antérieur et sur l’amygdale temporale, joue un rôle dans
l’apprentissage et la mémorisation des sensations nociceptives. Il permet notamment de
reconnaître un contexte spatial et social à risque et permet ainsi un comportement adapté à des
stimulations potentiellement nociceptives (réponse d’évitement, fuite, anticipation).
• Sur l’hypothalamus
La projection d’informations nociceptives sur l’hypothalamus, principale structure
régulatrice végétative est à l’origine des réponses neuroendocrines à la douleur
(augmentation de la sécrétion d’hormones médullosurrénaliennes par exemple).
• Sur le striatum
Ces projections seraient à l’origine de réponses semi-automatiques et
automatiques élaborées après une stimulation douloureuse.
35
IV - MECANISMES DE CONTROLE DE LA DOULEUR
L’activité des circuits empruntés par les messages douloureux est en permanence
modulée et contrôlée par différents systèmes intrinsèques. Cette modulation à effet inhibiteur
s’exerce essentiellement au niveau segmentaire de pénétration médullaire des afférences,
niveau ou elle est le mieux connue, mais également au niveau supra-segmentaire par
l’intermédiaire de contrôles descendants provenant des structures cérébrales (Fig 14).
Le premier relais synaptique des voies de la douleur au niveau des cornes postérieures
de la moelle épinière n’est pas un simple contact entre deux neurones mais un véritable centre
de modulation et d’intégration du message nociceptif. Il est bien établi que la stimulation des
grosses fibres myélinisées Aβ à conduction rapide bloque les réponses des neurones
médullaires nociceptifs de la corne postérieure induites par la stimulation des petites fibres Aδ et
C à conduction lente (Fig 15). Cette inhibition s’effectue au niveau de la corne dorsale de la
moelle par l’intermédiaire d’un interneurone inhibiteur enképhalinergique situé dans la
substance gélatineuse de Rolando (Fig 16). L’inhibition des fibres nociceptives par
l’interneurone dépend de la libération d’enképhaline, qui va se fixer sur un récepteur spécifique
situé à l’extrémité de la fibre nociceptive en position pré-synaptique, inhibant ainsi la libération,
par cette fibre de ses propres neurotransmetteurs.
36
« portillon ») (Fig 15). D’après cette théorie, les influx en provenance des grosses fibres
entretiendraient un tonus inhibiteur, lequel serait levé par l’arrivée d’une volée nociceptive
suffisante entraînant l’ouverture de la porte.
Contrôle
central
Tractus spinothalamique
SP
Interneurone inhibiteur
enképhalinergique
37
L’existence de ces mécanismes de contrôles segmentaires ont conduit à deux
applications cliniques :
• La neurostimulation transcutanée des nerfs périphériques ou épidurale des
cordons postérieurs médullaires, qui en recrutant les grosses fibres Aβ des
mécanorécepteurs tempère l’activité des nocicepteurs.
• L’injection intra-thécale de morphine utilisée dans les douleurs cancéreuses
rebelle, qui mime en quelque sorte la libération d’enképhalines, puissant inhibiteur
de la transmission du message nociceptif.
Ces contrôles sot dits supra-spinaux descendants par référence à leur origine, mais comme les
précédents, ils s’exercent sur la corne dorsale de la moelle qui se révèle ainsi comme un haut
lieu de convergence des mécanismes de modulation.
a) Tronc cérébral
Il existe au niveau du tronc cérébral des zones dont la stimulation entraîne des effets
antinociceptifs. Il s’agit plus précisément de certaines zones très localisées de la substance
grise péri aqueducale ainsi que de la région bulbaire où se situent notamment les noyaux raphé
magnus et giganto-cellulaire (Fig 17). Ces zones mésencéphaliques pourraient intervenir
successivement. L’activité initiale concernerait la SGPA, entrainant une libération
d’endomorphines qui, elles mêmes iraient activer les structures bulbaires. Celles-ci à leur tour
activeraient les voies descendantes du faisceau médullaire dorso-latéral lequel projette plus
particulièrement sur les couches I, II et V de la corne postérieure, inhibant à leur origine, les
neurones nociceptifs spinaux. La voie descendante bulbo-spinale décrite est à médiation
sérotoninergique, elle se double également d’une voie descendante noradrénergique issue du
locus coeruleus pontique. L’effet antalgique des antidépresseurs tricycliques est en partie
médiée par leur action inhibitrice de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline ou des
deux à la fois. A ce titre ces molécules participent au contrôle descendant de la douleur. Ces
molécules auraient également de façon variable un effet opioïdergique et anti-NMDA.
38
Le contrôle inhibiteur diffus (CIDN)
Cette théorie fait intervenir la mise en jeu d’un mécanisme endogène de contrôle de la
douleur, dans lequel les structures du tronc cérébral et en particulier le noyau subnucleus
reticularis dorsalis feraient partie d’un système spino-bulbo-spinal à retroaction négative mis en
jeu par des stimulations douloureuses (Fig 18).
Formation
Réticulée
Bulbaire
Fibres Aδ et C
Quadran antéro-latéral
b) Hypothalamus
Le tractus hypothalamique direct pourrait participer à une boucle de rétro-action négative (spino-
hypothalamo-spinale).
39
c) Thalamus
Les mécanismes de contrôle à ce niveau ne sont pas clairement élucidés chez l’homme.
Deux théories sont proposées actuellement :
L’existence d’un « gate control » au niveau du VPL exercée par la voie lemniscale,
similaire à celle décrite pour la corne dorsale. Le rôle du noyau reticularis qui forme une fine
couche cellulaire à la périphérie du thalamus est également évoqué. Celui-ci reçoit des
collatérales des projections thalamo-corticales et cortico-thalamiques et exerce en retour une
activité inhibitrice (gabaergique) sur l’ensemble des autres noyaux thalamiques.
Il projette sur la SGPA via le thalamus médian et fait probablement partie d’une boucle à
rétro-action négative.
40
ou la morphine mais par des médicaments tels que les anti-dépresseurs
tricycliques ou certains anti-épileptiques.
• Les douleurs psychogènes (« douleurs sine materia ») : elles constituent la
plupart du temps une sommation entre une épine irritative périphérique et des
phénomènes psychologiques d’amplification de la douleur. Cette origine est
évoquée lorsque la sémiologie douloureuse est atypique, l’examen clinique du
patient normal, les explorations complémentaires négatives et confirmée par un
bilan psychopathologique significatif. Le traitement n’a rien de spécifique, et
repose sur la prescription d’antidépresseurs, anxiolytiques et l’utilisation de
techniques psychologiques (relaxation, hypnothérapie, psychothérapie…).
Tous ces mécanismes peuvent co-exister chez un même malade simultanément, ou le plus
souvent survenir à différentes étapes de sa maladie douloureuse.
41
CHAPITRE 3
SEMIOLOGIE DE LA DOULEUR
EVALUATION ET SUIVI D’UNE DOULEUR CHRONIQUE
INTRODUCTION
La sémiologie de la douleur est spécifique et, généralement, cette étape clinique est
suffisante pour établir l’évaluation. Le recours à des explorations complémentaires
(neurophysiologiques, neuroradiologiques, neuro-psychologiques, …) est cependant parfois
justifié dans des situations complexes, et lorsqu’un doute existe avec la persistance d’une
douleur symptomatique témoin d’une lésion évolutive et curable.
42
L’absence de corrélation anatomo-clinique stricte entre l’importance de la lésion
anatomique et son retentissement douloureux rend l’évaluation d’autant plus difficile : « Il existe
des blessures sans douleur et des douleurs sans blessure » (R. Melzach et P. Wall, Le Défi de
la Douleur, 1982).
Ce seuil de perception nociceptive est identique chez tous les individus dans la mesure
où ils ne présentent pas de lésion du système nerveux périphérique ou central. Il s’agit d’un
paramètre physiologique objectif qui peut même être évalué, par exemple par stimulation
électrique d’un nerf sensitif (technique d’algométrie).
C’est ainsi que, si l’on stimule le nerf tibial postérieur au niveau de la cheville, le sujet
ressentira tout d’abord une sensation tactile à type de paresthésies quand l’intensité de la
stimulation atteindra 4 mAmp. Cette sensation tactile sera remplacée par une sensation
douloureuse (dysesthésie) lorsque l’intensité de la stimulation sera montée jusqu’à 10 mAmp.
De même, une stimulation thermique de 3 secondes à 45°C entraîne une douleur à type de
brûlure alors que des températures inférieures donneront progressivement des sensations de
chaud puis de froid. Ce seuil physiologique de perception de la douleur peut être augmenté
dans des conditions pathologiques, c’est-à-dire quand il existe des lésions du système nerveux
à l’origine d’hypoesthésie voire d’anesthésie régionale à tous les modes (tact, température,
douleur, ...). Au maximum, l’on peut rencontrer des patients insensibles congénitalement à la
douleur.
En fait, ce qui varie, c’est le seuil de tolérance à la douleur. Ce seuil est subjectif, il peut
être très différent d’un sujet à l’autre, mais aussi il peut changer chez un même individu en
fonction de différents paramètres et notamment des circonstances de sa vie. Les variations
individuelles sont considérables. C’est ainsi que :
• Des facteurs physiques (âge extrême de la vie, maladie associée, ...) mais surtout
des facteurs psychologiques (dépression nerveuse, conflit, difficulté socio-
professionnelle, ...) peuvent diminuer le seuil de tolérance à la douleur.
A certains moments de l’histoire d’un pays, les limites de l’endurance semblent avoir été
reculées, aux limites du supportable. Les exemples sont multiples : les processions de
flagellants du Moyen-Age, les soldats de Napoléon pendant la campagne de Russie, les
convulsionnaires de la Saint-Médard qui au XVIIIe siècle s’infligeaient des tourments (braises
ardentes, fers chauffés à blanc, coups, meurtrissures, ...), les récits de la vie des mystiques, ...
43
Il s’agit d’autant d’exemples et de témoignages propres à notre civilisation occidentale qui
montrent bien que les rapports de l’homme avec la douleur peuvent être extrêmement modifiés
par des comportements liés à des croyances ou à des situations extrêmes voulues (exploits
sportifs) ou subies (guerres, tortures, ...).
Enfin, chez un même patient, le seuil de tolérance à la douleur peut varier avec la
chronicité. C’est ainsi que, lorsqu’une douleur est répétitive, durable, persistante, elle devient
dégradante, et alors non seulement l’individu ne s’y habitue pas mais sa sensibilité s’émousse
et cette douleur lui apparaît de plus en plus intolérable.
La douleur est une expérience subjective complexe, reposant sur des bases neuro-
physiologiques et neuropsychologiques.
2.1. La nociception
Elle correspond à une fonction biologique qui est un mécanisme d’alarme dont le rôle est
de détecter des stimulations internes (d’origine viscérale) ou externes (cutanées) dont l’intensité
menace l’intégrité physique de l’individu. Ce système neurophysiologique de protection est utile
à l’organisme, car il informe immédiatement et avec précision le patient d’un dysfonctionnement,
il déclenche des réponses réflexes de défense et il aide le médecin à faire le diagnostic.
2.2. La douleur
44
Retentissement
. sensoriel
. cognitif
Lésion . émotionnel
organique Douleur persistante
causale
Retentissement
comportemental
En pratique, cette notion est fondamentale car les douleurs qui sont étiquetées
« fonctionnelles » du fait que la lésion physique n’a pu être mise en évidence cliniquement ne
doivent pas être pour autant diagnostiquées comme des douleurs imaginaires voire simulées.
C’est une des grandes difficultés de l’évaluation qui doit toujours être complétée dans une
démarche pluridisciplinaire par une évaluation psychiatrique.
2.3. La souffrance
Il s’agit d’un concept beaucoup plus large que la douleur. Il implique une dimension et
une menace de l’intégrité de la personne non seulement sur le plan physique mais aussi
psychique et social.
45
Dans le cadre des soins palliatifs et de l’accompagnement d’un patient en fin de
vie, on utilise souvent la notion de « douleur totale » qui englobe toute la détresse
psychologique induite par une variété de facteurs physiques, psychologiques, existentiels,
spirituels et sociaux liés à la phase avancée de la maladie.
C’est à René Leriche, Professeur au Collège de France, que l’on reconnaît le mérite
d’avoir isolé dès 1936 la notion de douleur chronique, sévère et durable, comme une entité
médicale propre, véritable “douleur-maladie”, souvent plus insupportable et plus dégradante que
la maladie qui lui a donné naissance : “C’est de cette douleur-maladie et non symptôme que
j’entends vous parler. Souvent elle n’a pas de support anatomique connu. Fréquemment,
aucune lésion d’organe ne la véhicule. La maladie et son expression se consomme dans le
système nerveux. Localisée en apparence, elle atteint pratiquement tout l’individu”.
C’est une douleur d’installation récente (< 3 mois), le terme « aiguë » caractérisant la
durée et non pas l’intensité de la douleur.
Il s’agit d’une sensation douloureuse soit transitoire, comme celle qui fait suite à un
traumatisme modéré, soit plus durable, comme celle qui révèle une maladie ; dans ce cas, elle
est réversible lorsque la lésion causale est traitée.
De très nombreuses maladies débutent par une douleur aiguë symptomatique. Cela tient
au fait anatomique que la plupart de nos viscères sont entourés d’une tunique très richement
innervée : la dure-mère pour le cerveau, le péricarde pour le cœur, la plèvre pour le poumon, le
péritoine pour les viscères abdominaux, ... Il en est de même pour notre appareil musculo-
squelettique car toutes les articulations et tous les ligaments qui les composent sont
extrêmement sensibles. C’est ainsi qu’une céphalée peut être le premier symptôme d’une
méningite, une douleur thoracique celui d’une crise d’angine de poitrine, une douleur latéro-
thoracique celui d’une pleurésie, une douleur de la fosse iliaque celui d’une appendicite, ... Il
faut savoir que ces douleurs d’appel d’origine viscérale n’ont pas une valeur topographique
précise et peuvent même induire des erreurs si l’on méconnaît certains pièges
diagnostiques. C’est ce qu’on appelle les douleurs dites “rapportées” telles que la classique
irradiation douloureuse dans le membre supérieur gauche d’une affection cardiaque ou la
douleur dorso-lombaire d’un ulcère duodéno-gastrique perforé.
46
Toutes ces douleurs aiguës d’origine viscérale sont considérées comme “utiles” car elles
avertissent l’individu du développement d’une lésion interne. Une fois passée la phase aiguë
lorsque la douleur persiste, alors que la lésion génératrice traumatique ou pathologique est
résolue ou traitée, elle est dite chronique.
Il s’agit maintenant d’un syndrome clinique, véritable maladie à part entière, distincte de
la douleur aiguë. Elle se caractérise notamment par la longueur de sa durée d’évolution
(conventionnellement supérieure à 3 mois), mais surtout par l’ensemble des répercussions
psychologiques plus ou moins sévères qu’elle entraîne, sur l’humeur et les activités (physiques,
professionnelles, sociales et familiales) et sur le comportement du patient et sa qualité de vie.
Toute douleur persistante est en fait la conséquence d’un double échec : impossibilité à
supprimer sa cause initiale et échec du traitement symptomatique de la douleur. Faire la
différence entre une douleur “symptomatique” et une douleur “maladie” est essentiel (cf. tableau
1).
Dans les douleurs chroniques d’étiologies multiples non homogènes, il faut distinguer :
• Les douleurs liées à une pathologie évolutive d’origine maligne (cancer, SIDA, …)
mais aussi bénigne (certaines pathologies rhumatismales). Leur mécanisme
générateur est générateur un excès de nociception.
• Les douleurs liées à une pathologie séquellaire non ou peu évolutive, d’origine
bénigne, telle qu’une lésion nerveuse périphérique et/ou centrale. Leur
mécanisme est généralement neuropathique.
47
médical que socio-économique, car le meilleur moyen de traiter une douleur est d’en supprimer
la cause. Dans le cas d’une véritable douleur chronique, cela n’est plus possible car il s’agit
d’une séquelle ou d’une maladie incurable. La durée d’évolution est un critère nécessaire mais
insuffisant pour faire cette distinction. Toute douleur chronique, lorsqu’elle est sévère, va
provoquer à plus ou moins long terme une modification du comportement du patient. Dans ce
syndrome multifactoriel, les composantes sensorielles ou somatiques et les composantes
psychologiques et sociales sont donc habituellement associées à des degrés divers. La
dichotomie douleur somatique – douleur psychologique n’existe pas. L’évaluation clinique
préalable à tout traitement d’une douleur chronique et multidisciplinaire ; elle devra s’attacher
à déterminer la part respective de ces différentes composantes ainsi que les mécanismes
physiopathologiques qui en sont à l’origine, de manière à définir pour chaque malade une
démarche thérapeutique et une prise en charge individuelle adaptée et généralement
multimodale (cf. Chapitre 12).
L’évaluation clinique d’un patient présentant une douleur persistante doit répondre aux
objectifs suivants :
1. Etablir une relation de confiance avec le patient douloureux.
2. Différencier une douleur aiguë symptomatique d’une douleur chronique.
3. Préciser ses caractéristiques cliniques et son retentissement notamment
psychologique.
4. Définir son mécanisme physiopathologique générateur.
Elle repose pour cela sur un interrogatoire systématisé rigoureux, orientant vers un
examen clinique global à la fois somatique et psychologique.
Etape essentielle, elle a pour objet de rassembler toutes les informations pertinentes
concernant l’historique et le vécu de la douleur. La valeur des informations recueillies dépend en
grande partie de la qualité de la relation qui s’installe entre le médecin et le patient douloureux :
elle est basée sur la disponibilité, la mise en confiance et l’écoute non seulement du malade
mais aussi de son entourage.
Quel que soit le type de douleur concernée, l’interrogatoire doit systématiquement faire
préciser les caractéristiques cliniques suivantes, toutes essentielles pour le diagnostic :
o Spontanée
o Ou secondaire à un traumatisme, une maladie, une affection ou une lésion
iatrogène
o La notion d’intervalle libre entre la cause identifiée (par exemple :
amputation de membre, paraplégie post-traumatique …) et la survenue de
la douleur.
48
o La notion d’accident de travail, de responsabilité en jeu, d’expertise en
cours …
• Le mode évolutif
Il faut faire préciser avec le doigt le point de départ, le trajet, les irradiations et son siège
maximal. Il est souvent utile de la faire dessiner par le patient sur un schéma anatomique, que
l’on pourra garder dans le dossier à titre comparatif dans le suivi.
Au terme de cette étape, on devra être en mesure de dire si la douleur a une topographie
neurologique précise ou systématisée (radiculaire, tronculaire ou centrale – unilatérale) ou si, au
contraire, son trajet ne correspond à aucune systématisation neurologique.
Un piège diagnostique : les douleurs projetées à distance peuvent être à l’origine d’une
erreur d’interprétation.
49
4.1.3. Le type de la douleur
Cette analyse a pour but de faire préciser les caractéristiques qualitatives de la douleur à
l’aide d’objectifs qui ont une valeur d’orientation diagnostique.
0 1 2 3 4
absent faible modéré fort extrêmement fort
non un peu modérément beaucoup extrêmement
Elancements
Pénétrante
Coups de poignards
En étau
Tiraillement
Brûlure
Fourmillements
Lourdeur
Epuisante
Angoissante
Obsédante
Insupportable
Enervante
Exaspérante
Déprimante
Le choix du vocabulaire est déjà aussi une première indication de la douleur ressentie.
Rappelons qu’il n’y a pas de corrélation stricte entre l’intensité de la douleur et la gravité
des lésions physiques.
Evaluer l’intensité d’une douleur permet d’identifier les patients qui nécessitent un
traitement antalgique et de suivre l’évolution spontanée et l’efficacité du traitement prescrit.
On utilise pour cela des échelles d’autoévaluation donnant une estimation globale de
l’intensité de la douleur basée sur une description verbale. Ces « outils » sont certes
rudimentaires et critiquables sur le plan scientifique ; ils ont par contre l’immense intérêt d’être
simples, facilement renouvelables par les soignants. Les informations sont comparables pour un
patient donné.
50
1. L’Echelle Numérique (EN) est très utilisée. Elle permet au patient de coter sa
douleur de 0 à 10 (ou de 0 à 100), la note « 0 » correspondant à l’absence de
douleur et la note « maximale » à la douleur maximale imaginable. On peut aussi,
à l’inverse, apprécier le soulagement en pourcentage par rapport à l’état initial de
référence. Par ailleurs, à l’interrogatoire, l’EN permet de préciser l’intensité de la
douleur dans diverses activités (marche, activité professionnelle, repos, position
allongée, …). Cette échelle simple a aussi l’avantage de ne pas nécessiter de
support (papier, …). Il s’agit d’un bon instrument en routine clinique.
20 Distance mesurée en mm
19
18 Douleur
Absence
17 x Maximale
16 de douleur imaginable
15 Tracez sur la ligne un trait correspondant au niveau actuel de votre
douleur
14
13
12 B : Echelle visuelle analogique horizontale
11 définie par des qualificatifs extrêmes
10
9
8
7
6 Absence Douleur maximale
5 de douleur imaginable
4
3
2 Modérée Moyenne Importante
1
0
C : Echelle visuelle analogique horizontale
A : Echelle visuelle Avec qualificatifs « étalés »
analogique graduée
51
Il est possible de faire préciser l’intensité dans trois situations d’évaluation différentes : douleur
au moment présent, douleur habituelle dans les 8 derniers jours, douleur la plus intense dans
les 8 derniers jours. L’EVA est la méthode d’évaluation recommandée. Cependant, quel que soit
l’outil choisi, il faut toujours utiliser le même avec un patient donné et respecter les
recommandations de l’ANAES.
Mode de passation :
Le patient doit utiliser une seule des trois échelles en fonction de sa bonne
compréhension. Il est souhaitable d’utiliser de préférence l’EVA. Elle doit être bien
expliquée au patient et il faut s’assurer de sa bonne compréhension avant de lui
demander de l’utiliser. L’EN peut être utilisée s’il ne comprend pas l’EVA. L’EVS peut être
utilisée s’il ne comprend pas l’EN.
Cotation :
EVA : l’intensité de la douleur est mesurée en millimètres par la distance entre la position
de la croix et l’extrémité « pas de douleur ». Le chiffre est arrondi au millimètre le plus
proche.
EN et EVS : l’intensité correspond au score indiqué.
Intérêts :
Les scores ont une valeur descriptive pour un individu donné et permettent un suivi. Les
scores ne permettent pas de faire des comparaisons interindividuelles.
52
4.1.6. Les signes d’accompagnement
Des symptômes tels que l’insomnie, la fatigue, des modifications de l’humeur, du moral,
de l’appétit, des facteurs physiques et professionnels peuvent être notés dans l’interrogatoire.
Il existe, pour préciser ces conséquences, de nombreuses échelles de qualité de vie dont
nous donnons un exemple (tableau 3).
Entourez le chiffre qui décrit le mieux comment, la semaine dernière, la douleur a gêné votre :
Humeur
Ne gêne pas 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Gêne complètement
Capacité à marcher
Ne gêne pas 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Gêne complètement
Sommeil
Ne gêne pas 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Gêne complètement
Goût de vivre
Ne gêne pas 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Gêne complètement
53
En synthèse, aucune étape de ce long et primordial interrogatoire ne doit être sans
réponse. Il est souhaitable pour cela que l’entretien soit conduit à l’aide d’une grille semi-
structurée telle que celle publiée en 1999 par l’ANAES.
Ancienneté de la douleur
Mode de début
• circonstances exactes (maladie, traumatisme, accident de travail, …
• description de la douleur initiale
• modalités de prise en charge immédiate
• évènements de vie concomitants
• diagnostic initial, explications données
• retentissement (anxiété, dépression, troubles du sommeil, incapacités fonctionnelle
et professionnelle, …)
Profil évolutif du syndrome douloureux
• comment s’est installé l’état douloureux persistant à partir de la douleur initiale
• profil évolutif (douleur permanente, récurrente, intermittente, …)
• degré du retentissement (anxiété, dépression, troubles du sommeil, incapacités
fonctionnelle et professionnelle, …)
Traitements effectués et actuels
• traitements médicamenteux et non médicamenteux antérieurs, actuels
• modes d’administration des médicaments, doses, durées
• effets bénéfiques partiels, effets indésirables, raisons d’abandon
• attitudes vis-à-vis des traitements
Antécédents et pathologies associées
• familiaux
• personnels (médicaux, obstétricaux, chirurgicaux et psychiatriques) et leur
évolutivité
• expériences douloureuses antérieures
Description de la douleur actuelle
• topographie
• type de sensation (brûlure, décharge électrique, …)
• intensité
• retentissement (anxiété, dépression, troubles du sommeil, incapacités fonctionnelle
et professionnelle, …)
• facteurs d’aggravation et de soulagement de la douleur
Contextes familial, psychosocial, médico-légal et incidences
• situation familiale
• situation sociale
• statut professionnel et satisfaction au travail
• indemnisations perçues, attendues ; implications financières
• procédures
Facteurs cognitifs
• représentation de la maladie
• interprétation des avis médicaux
Facteurs comportementaux
• attitude vis-à-vis de la maladie
• modalités de prise des médicaments
• observance des prescriptions
Analyse de la demande
• attentes du patient (faisabilité, reformulation)
• objectifs partagés entre le patient et le médecin
54
Tableau 5 : Grille d’entretien semi-structuré
avec le patient douloureux chronique (ANAES)
Orienté par l’interrogatoire et les antécédents du patient, l’examen clinique minutieux est
essentiellement musculo-squelettique et neurologique.
L’objectif n’est pas de détailler cet examen qui fait partie des enseignements du DCEM1
(sémiologie neurologique) et d’autres modules du DCEM (module 13 « Appareil locomoteur » et
module 15 « Tête et cou – Système nerveux »).
Rappelons que le patient doit être examiné dans différentes attitudes renforçant et/ou
diminuant sa douleur (allongé, debout, à la marche, après une épreuve d’effort, …).
Il existe des appareillages qui permettent une évaluation précise et comparative. Ils sont
utilisés dans des laboratoires de recherche (sensibilité tactile, thermique, mécanique à la
pression, vibratoire, réponse à un stimuli électrique, …).
Par ailleurs, un stimuli donné peut entraîner une réponse anormale ou exagérée ; c’est le
cas de :
• L’allodynie : douleur causée par un stimulus qui, normalement, ne produit pas de
douleur mais une simple sensation de contact.
• L’hyperalgésie : réponse exagérée à une stimulation qui est normalement
douloureuse.
• L’hyperpathie : syndrome douloureux caractérisé par une réponse exagérée à un
stimulus, qui est répétitif, et dont le seuil est augmenté.
55
Il sera attentif à déceler une attitude antalgique ou des mouvements précautionneux
signalant une douleur.
Il est parfois nécessaire de compléter cet examen clinique par une évaluation
psychologique, voire des explorations complémentaires.
56
portent à leur perception corporelle, il n’est pas rare de retrouver des éléments de
personnalité paranoïaque.
57
attitudes de surconsommation bâties sur la tolérance et l’épuisement des effets.
Dans ce cadre, la recherche d’un tabagisme, d’un alcoolisme, d’une prise de
toxiques ou d’addiction au sport est toujours nécessaire.
Une question simple comme « estimez-vous que la douleur a pu retentir sur votre
caractère ou votre personnalité » doit toujours être posée. Elle évalue d’une part
les capacités d’introspection et de compréhension de soi-même du sujet mais
aussi la modification de certains comportements ou styles de défense.
Il n’est pas inutile de s’enquérir d’un éventuel conflit avec le monde médical dont
les origines seraient un sentiment d’erreur médicale ou de diagnostic incomplet
voire de contentieux avec la médecine vis-à-vis de maladies concernant les
proches ou les parents considérés comme mal soignés. Dans ce contexte de
contentieux avec la médecine, les patients ont parfois le sentiment de dette
impayée dont ils sont victimes et qu’ils reportent dans la relation-malade.
58
6) Toutes les dimensions professionnelles amenant soit à aménager un
poste de travail, des horaires, favoriser des mouvements ergonomiques,
ou parfois, décider un mi-temps thérapeutique ou d’une invalidité.
Elles sont habituellement inutiles pour effectuer le bilan d’une douleur chronique.
Cependant, chaque fois que l’on doutera de la persistance d’une douleur aiguë symptomatique,
il faudra savoir redemander une exploration spécifique, par exemple une exploration de neuro-
imagerie telle qu’un scanner vertébral, ou une exploration neurophysiologique telle qu’une
électromyographie. L’intérêt d’une EMG est de déterminer le caractère neurogène et la
topographie radiculaire ou tronculaire d’une douleur, mais aussi de définir si cette lésion
neurogène est évolutive ou non.
: elles sont secondaires à une lésion tissulaire sans lésion du système nerveux.
59
notamment quand l’origine est viscérale, et elle peut alors s’accompagner de projections
trompeuses (les « douleurs projetées »). Elle est habituellement continue avec des
renforcements paroxystiques soit spontanés soit provoqués (par la mobilité, l’effort, par les soins
voire le simple contact de la zone inflammatoire, …).
Ce type de douleur par excès de nociception répond habituellement bien aux antalgiques
prescrits selon la règle des 3 paliers (aspirine et paracétamol – codéine – morphine et opioïdes)
et suivant différents modes d’administration (cf. Chapitres 4 et 5).
: elles sont secondaires à une lésions plus ou moins complète du système nerveux
périphérique et/ central.
60
Sur le plan clinique, la sémiologie des douleurs d’origine neurogène est très évocatrice
(cf. Tableau 7). Elle associe des douleurs spontanées (continues et/ou paroxystiques) à des
douleurs provoquées par le simple contact (allodynie) ou amplifiées par un phénomène
d’hypersensibilité (hyperesthésie, hyperpathie).
Le fond douloureux continu est généralement ressenti comme une brûlure. Les
paroxysmes spontanés ou provoqués sont ressentis comme des décharges électriques
fulgurantes de courte durée, mais peuvent aussi se succéder en salves, parfois d’une manière
quasi continue (état de mal douloureux dans la névralgie faciale). Ce mode de manifestation
clinique a fait parler « d’épilepsie douloureuse » ; par ailleurs, les anti-épileptiques se sont
démontrés efficaces dans ce type de douleur, autant de données empiriques préfigurant un des
mécanismes neurophysiologiques de ces douleurs récemment démontré (hyperexcitabilité
spontanée des neurones médullaires nociceptifs).
Stimulation Stimulation
normalement normalement
non nociceptive nociceptive
Ces douleurs peuvent se développer après un intervalle libre plus ou moins long (des
mois voire des années) par rapport à la lésion nerveuse initiale causale.
L’examen somatique est normal mais, par contre, l’examen neurologique retrouve un
déficit sensitif dans le territoire douloureux sous la forme d’une hyposensibilité mineure
(hypoesthésie) ou majeure (anesthésie douloureuse ; ex. douleur sous-lésionnelle chez le
paraplégique). Les explorations électrophysiologies (EMG, PES, …) peuvent permettre de
préciser l’atteinte neurogène.
61
En cas d’échec du traitement médical, on peut avoir recours à la neurostimulation
électrique médullaire (ou corticale) dont le mécanisme est inhibiteur. Il faut avant tout éviter et
contre-indiquer les techniques d’interruption nerveuses quand elles sont non sélectives et
qu’elles risquent d’aggraver la déafférentation sensitive (cf. Chapitre 7 : encart « chirurgie de la
douleur »).
Leur diagnostic n’est pas le résultat d’un simple diagnostic d’élimination, c’est-à-dire de
non organicité. Il est suspecté sur :
CONCLUSIONS
Soulignons le polymorphisme des douleurs tant sur le plan de leur intensité que de leur
évolution et de leurs conséquences ainsi que de leurs multiples causes : « Il n’y a pas une mais
des douleurs ».
62
CHAPITRE 4
pages
Plan du Chapitre
1.Présentation des antalgiques : la classification OMS
63
1- PRESENTATION DES ANTALGIQUES : LA CLASSIFICATION OMS
Le traitement antalgique des douleurs par excès de nociception chez l’adulte s’appuie en partie
sur les recommandations de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé-WHO). Celles-ci éditées
en 1996 concernent initialement les douleurs d’origines cancéreuses et nociceptives. Les douleurs
d’origine neuropathique font appel à d’autres thérapeutiques qui seront développées dans un autre
chapitre (antidépresseurs et antiépileptiques). L’échelle de l’OMS à trois niveaux représente une
méthode efficace et simple pour assurer une prise en charge médicamenteuse de la douleur.
L’utilisation de coantalgique doit être envisagée à chaque niveau de l’échelle.
Certains points sont à souligner :
- le caractère détaillé de la prescription : prescription écrite, expliquée, anticipant les accès
douloureux et les effets indésirables,
- le premier niveau de l’OMS est représenté par le paracétamol et les anti-inflammatoires
non stéroïdiens (AINS) pour traiter les douleurs évaluées comme faibles à modérées,
- si la douleur persiste ou s’accentue, un opioïde faible est ajouté,
- en cas d’échec, le recours aux opioïdes forts est indiqué,
- le rythme d’évaluation et de changement de niveau doit être adapté au niveau de la
douleur et à la durée d’action de l’antalgique,
- la prescription d’opioïdes fort d’emblée est une possibilité en cas de douleurs très
intenses. Il conviendra de s’assurer auparavant que le mécanisme principal de la douleur
est bien nociceptif.
3
Antalgique
2 ± adjuvants
Antalgique
s opioïdes
1 ± adjuvants
Antalgique
± adjuvants
64
Néfopam (ACUPAN®)
Les antalgiques non opioïdes (niveau 1 OMS) peuvent être associés aux antalgiques opioïdes
(niveau 2 et 3 OMS).
Le néfopam (ACUPAN®)
Il a un mécanisme d’action mal connu. Il inhibe la recapture de la noradrénaline, de la sérotonine
et de la dopamine. Il présente des effets anticholinergiques indépendants de l’antalgie. Il n’existe
que par voie injectable (20mg/2ml ; IM, IV). Il a un catabolisme hépatique à élimination rénale.
Son effet antalgique est de 4 à 5 heures.
Le néfopam et la floctafénine ne sont pas indiqués en première intention dans les douleurs
cancéreuses chroniques (SOR 2002).
65
2.3 les antalgiques antipyrétiques anti-inflammatoires (aspirine –AINS)
L’effet antalgique des AINS résulte pour l’essentiel de leur action anti-inflammatoire médiée par
l’inhibition de deux isoformes de la cyclo-oxygénase (COX1 et COX2). A dose équianalgésique,
ils ne diffèrent entre eux que par leur pharmacocinétique. L’action sélective sur la COX2 des
nouveaux AINS comme célécoxib, parecoxib, faisait espérer une diminution du risque de
survenue d’effets indésirables gastro-intestinaux. Cependant le suivi national de
pharmacovigilance de Celecoxib et Rofecoxib a fait apparaître nombre de notifications de
perforations, ulcères et saignements digestifs. Ces complications digestives graves sont observées
le plus souvent chez des patients d’âge supérieur à 70 ans, avec antécédents digestifs, et en cas
d’associations à l’aspirine ou autre anti-agrégant ou un anticoagulant.
Les Coxibs ont fait l’actualité en 2005 suite à la publication de 3 essais cliniques démontrant la
majoration du risque cardiovasculaire chez les patients traités au long cours.(cf cours de
Thérapeutique module 11 ,en D4)
Les AINS possèdent 4 propriétés pharmacologiques dont l’expression dépend des doses utilisées
et des produits :
- anti-inflammatoire
- antalgique
- antipyrétique
- antiagrégant plaquettaire (plus marqué avec l’aspirine)
L’aspirine, au contraire des autres AINS, est un inhibiteur irréversible des isoformes 1 et 2 de la
cyclo-oxygénase, ce qui lui confère une durée d’inhibition plus prolongée et participe au fait
qu’elle soit plus anti-agrégante plaquettaire que les autres AINS.
La pharmacocinétique peut avoir des spécificités individuelles, mais certaines généralités peuvent
être retenues :
- absorption digestive compatible avec une administration orale
- métabolisme hépatique
- liaison protéique importante d’où le risque d’interactions médicamenteuses
- excrétion rénale
Les effets indésirables sont communs à tous les AINS. Il peut s’agir d’effets considérés comme
mineurs (dyspepsie, palpitations, nausées et vomissements, anorexie, constipation, épigastralgies,
etc…) ou d’effets sévères (perforation, ulcère, saignement, syndrome de Lyell, etc). Les
pyrazolés (BUTAZOLIDINE®) sont contre-indiqués en cancérologie en raison de leur toxicité
médullaire potentielle. Hépatopathie et insuffisance rénale peuvent apparaître à tout moment et
surtout lors de traitements prolongés. La prudence s’impose chez les personnes à risques et
notamment chez les personnes âgées et/ou polymédicamentées.
Des règles de prescriptions simples sont à respecter :
- limiter les durées des prescriptions
- ne pas associer les AINS entre eux
- récuser les associations dangereuses (antiagrégants, anticoagulants)
- respecter les précautions d’emploi en particulier chez les personnes âgées.
Plusieurs AINS sont commercialisés comme antalgique et antipyrétique : des spécialités d’aspirine,
l’ibuprofène 200 mg (ADVIL®, NUROFEN®, …), le kétoprofene 25 mg (TOPREC®), le fénoprofène
(NALGESIC®), le naproxène sodique 220mg (ALEVE®).
Leur caractéristique commune est une restriction des doses unitaires et quotidiennes qui en principe les rend peu
actif sur la composante oedémateuse de l’inflammation alors qu’ils sont efficaces sur la douleur (et la fièvre).
66
L’utilisation des AINS est recommandée dans le traitement des douleurs inflammatoires,
notamment les douleurs osseuses (SOR 2002).
Les opioïdes agonistes antagonistes partiels et les agonistes antagonistes peuvent induirent un
syndrome de sevrage si on les associe à des agonistes purs.
Selon leur efficacité antalgique, on distingue les opioïdes dits « faibles » pour les douleurs
modérées (niveau 2 OMS-inscription sur liste I) et les opioïdes dits « forts » pour les douleurs
modérées à fortes (niveau 3 OMS- inscription sur la liste des prescriptions spéciales sauf la
buprénorphine et la nalbuphine inscrites sur la liste I).
Certains principes sont à connaître et à appliquer :
- privilégier la voie orale
- les prises médicamenteuses se font à intervalle régulier
- la prescription est personnalisée
67
DCI : dénomination commune internationale ; BioD : biodisponibilité par voie orale ; Tmax : délai pour obtenir le
pic plasmatique ; T1/2 : temps de demi-vie d’élimination.
Codéine et hydrocodéine : la codéine est métabolisée par le foie, ces propriétés antalgiques sont
liées à sa biotransformation en morphine (10 %) par oxydation enzymatique. Chez 10 % des
malades, cette enzyme est absente ce qui peut expliquer l’inefficacité du produit dans certains
cas. Son addition avec le paracétamol entraîne un effet antalgique accru. La dihydrocodéine
(DICODIN®LP) est aussi métabolisée par le foie. Un comprimé à 60 mg serait équivalent à 120
mg de codéine.
Tramadol : son effet antalgique est dû à une activité opioïde agoniste mu préférentielle, associé à
un effet monoaminergique central par inhibition de la recapture neuronale de la sérotonine et de
la noradrénaline. Ce mécanisme est impliqué dans le contrôle de la transmission nociceptive
centrale avec un intérêt potentiel dans le traitement des douleurs neuropathiques. Il ne doit pas
être associé aux inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO). Il existe un risque d’apparition
d’un syndrome sérotoninergique majoré si on l’associe avec certains anti-dépresseurs. Les effets
indésirables les plus fréquemment rencontrés sont : nausées, vomissements, somnolence,
céphalées, hypersudation, constipation. La posologie maximale par voie orale est de 400 mg
par jour et de 600 mg par voie injectable (disponible seulement en milieu hospitalier).
La buprenorphine est prescrite comme antalgique sous le nom de TEMGESIC® (glossette à 0,2
mg ; ampoule à 0,3 mg). La voie sublinguale évite l’important effet de premier passage hépatique
et permet une pharmacocinétique proche de la voie parentérale. Le délai d’action de la voie
sublinguale est de 15 à 60 mn, la durée d’antalgie est en moyenne de 8 heures. Elle est
métabolisée par le foie en métabolites inactifs et éliminée par voie fécale (2/3) et urinaire (1/3). Il
existe un effet antalgique plafond au-delà de 1mg par voie sublinguale et 0,6 mg par voie IM.
Son effet analgésique n’augmente pas si on dépasse ces posologies. Si le risque de dépression
respiratoire est faible mais en cas de dépression grave l’antagonisme par la naloxone est très
difficile à obtenir. Son utilisation chez des patients présentant une dépendance aux opiacés peut
entraîner un syndrome de sevrage. Il faut attendre un délai de 4h pour son utilisation après arrêt
de la morphine, et 8H après la dernière prise de buprénorphine pour introduire de la morphine.
Ses effets indésirables sont de type opiacé avec peu d’effet hémodynamique.
Chez les patients non traités par la morphine ils agissent comme des agonistes antalgiques, s’ils
sont associés à de la morphine, ils agissent comme des antagonistes. Leur association avec un
morphinomimétique est donc contre-indiquée.
68
Nalbuphine (NALBUPHINE®) : elle ne modifie pas les paramètres hémodynamiques ou
cardiaques. Elle n’existe que sous forme injectable (sous-cutanée, IM, IV). Les effets secondaires
les plus gênants sont : nausées, vomissements, somnolence et vertiges.
Le malade doit être prévenu de la survenue d’effets indésirables notamment les plus fréquents :
somnolence, nausées, constipation. Sauf la constipation qu’il faudra systématiquement prévenir
par des règles hygiéno-diététiques et des laxatifs, les autres effets indésirables s’atténuent ou
disparaissent au bout de quelques jours. Le myosis est un signe d’imprégnation morphinique et
non de surdosage.
L’initiation d’un traitement par morphine passe actuellement par une titration (méthode
d’ajustement des posologies). Il existe deux modalités de prescription de titration : initiation par
morphine à libération immédiate (MLI) ou par morphine à libération prolongée (MLP).
L’initiation par MLI correspond à une dose de départ de 10 mg par prise toutes les 4 heures, soit
60 mg par jour. En cas de douleur mal soulagée, le malade peut prendre une dose de 5 à 10 mg
toutes les heures, sans dépasser 4 prises successives en 4 heures avant d’en référer au médecin. Si
le malade prend régulièrement plus de 3 à 4 doses supplémentaires réparties dans la journée, elles
seront intégrées dans la dose totale quotidienne après 1 à 2 jours de traitement. Chez les patients
fragiles, les doses sont réduites et/ou espacées. Chez les patients équilibrés depuis 2 à 3 jours
sous MLI, il faut leur prescrire une MLP. Toutefois la MLI doit être prescrite parallèlement pour
prévenir ou traiter les accès douloureux prévisibles ou non.
L’initiation par MLP commence par 30 mg de morphine toutes les 12 heures en association avec
de la MLI. Ces doses seront réduites chez le patient fragile.
69
Modalités de prescription de la morphine orale
Conduite à tenir en cas de surdosage : le surdosage par morphine et par les opioïdes en général,
est caractérisé principalement par une somnolence croissante. Elle s’accompagne d’une
bradypnée qui peut aboutir à une insuffisance respiratoire. Le recours à la naloxone est indiqué en
cas de dépression respiratoire sévère (fréquence respiratoire inférieure à 8/mn). Il faut y associer
l’arrêt de l’opioïde, la stimulation du malade, une oxygénothérapie, une surveillance permanente.
La naloxone (NARCAN®, NALONE®, NALOXONE®) a une durée d’action de 30 mn par voie
IV et 2 à 3 heures en sous cutanée.
Arrêt de la morphine : elle doit se faire de façon progressive pour éviter un syndrome de sevrage.
La diminution de posologie doit être au maximum de 1/3 de la dose précédente chaque jour, au
mieux chaque semaine en cas de traitement prolongé.
L’oxycodone : après absorption orale son premier passage hépatique est faible, il a donc une
biodisponibilité de 60 à 87%. Il est métabolisé au niveau hépatique en plusieurs métabolites dont
un (oxymorphone) est un puissant antalgique. Son élimination est rénale. Son AMM est :
douleurs intenses d’origine cancéreuse ou en cas de résistance ou d’intolérance à la morphine
chez l’adulte de plus de 18 ans. Il est commercialisé à ce jour sous quatre formes :
- suppositoire (EUBINE®) dosé à 20 mg
- forme à libération prolongée (OXYCONTIN®)
- forme à libération immédiate (OXYNORM®)
- forme injectable à usage hospitalier (OXYNORM® INJECTABLE), prescription limitée
à 28 jours.
Sortie en 2009-2010 d’une forme mixte associant oxycodone plus naloxone (TARGINACT®).
L’ajout d’un antagoniste doit permettre de diminuer les effets secondaires périphériques de cet
opioïde notamment sur le tractus digestif (diminution de la constipation sans diminution des
effets antalgique).
70
Voie orale Sous cutanée Intra veineuse
1 mg 0,5 mg 0,5 mg
Le fentanyl : il est métabolisé par le foie et éliminé par le rein. Sa cinétique semble peu modifiée
par l’insuffisance rénale et par l’épuration extrarénale. Il est commercialisé sous trois formes :
injectable (à utilisation anesthésique), patchs transdermiques, , comprimés.
71
Tableau des principaux opioïdes et durée maximale de prescription
Morphine buvable
(sulfate de morphine)
- ampoules : 10-20 mg
- Morphine sirop : 5mg/ml
- ORAMORPH ® :
Flacon compte goutte : 20 mg/1 ml Unidose : 10-30-100 mg/5ml
OXYNORM® gél :
5-10-20 mg
(chlorhydrate d’oxycodone)
SOPHIDONE® gél : LP/12H
4-8-16-24 mg
(chlorhydrate d’hydromorphone)
Fentanyl transdermique Patch transdermique Prescription 28J
DUROGESIC® MATRIFEN® FENTANYL RATIOPHARM® /72H Délivrance fractionnée 14J
12-25-50-75-100 µg/h
(fentanyl)
3.6 Utilisation des opioïdes forts dans le traitement des douleurs chroniques non
cancéreuses
Si l’intérêt du recours aux opioïdes forts est aujourd’hui reconnu dans le traitement des douleurs
chroniques nociceptives d’origine cancéreuse, le rapport bénéfice/risque d’une telle prescription
dans le traitement de douleurs chroniques non cancéreuses (DCNC) doit être évalué avec
72
précision afin de ne pas utiliser un médicament qui pourrait être soit inefficace, soit provoquer
des effets secondaires délétères voire entraîner le patient vers un état de dépendance physique
et/ou psychique. Il s’avère donc nécessaire avant institution d’un tel traitement de vérifier :
- que la cause somatique est clairement identifiée
- que le mécanisme d’action est nociceptif
- que les traitements antérieurs ont été inefficaces malgré une prescription correcte
- que le contexte psychologique, familial et socio-professionnel a été évalué
- une évaluation pluridisciplinaire est indispensable en cas d’antécédents d’abus, de
dépendance, de toxicomanie ou de trouble grave de la personnalité.
Le traitement opioïde doit être intégré dans une prise en charge globale du patient. Un seul
médecin doit centraliser et coordonner la prescription et il est souhaitable que le patient s’adresse
au même pharmacien. Le traitement doit être interrompu en cas :
- d’absence d’efficacité
- d’épuisement de l’effet en dehors d’une aggravation de la pathologie somatique
responsable de l’état algique
- d’effets indésirables importants
- de la survenue d’un comportement incompatible avec une prescription au long cours.
Législation : La Loi n° 2003-87 du 3 Février 2003 stipule : art.L.235-1: Toute personne qui
conduit un véhicule ou qui accompagne un élève conducteur alors qu’il résulte d’une analyse
sanguine qu’elle a fait usage de substances ou de plantes classées comme stupéfiants est punie de
deux ans d’emprisonnement et de 4500 euros d’amende.
Il est donc recommandé :
- de contre-indiquer la conduite automobile en cas de signe manifeste de dépression du système
nerveux central (SNC)
- de déconseiller au patient la conduite automobile même en l’absence de signe de dépression du
SNC en raison des dangers potentiels d’une diminution des réflexes et d’une altération de la
vigilance
Dans tous les cas le praticien doit être en mesure de pouvoir prouver qu’il a informé le malade.
Le transport personnel de médicaments stupéfiants détenus dans le cadre d’un traitement médical
est réglementé. Il est différent selon l’endroit où se situe le transport :
Dans l’espace de Schengen :
- 24 Etats : Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, France, Grèce,
Islande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Norvège, Portugal, Suède, Estonie, Hongrie, Lettonie,
Lituanie, Malte, Pologne, Slovenie, Slovaquie, République Tchèque.
- Décret n° 95-304 du 21 mars 1995
- Toute personne résidant en France, quelle que soit sa nationalité, doit se munir d’une
autorisation de transport lors d’un déplacement dans un pays appliquant la convention
- Autorisation délivrée à la demande du patient, au vu de l’original de la prescription médicale,
par la DDASS du département où le médecin prescripteur est enregistré
- Elle est valable 30 jours et les quantités transportées ne doivent pas dépasser la durée maximale
de prescription.
En dehors de l’espace de Schengen :
- Chaque pays applique ses propres dispositions
- En France 2 procédures sont prévues :
Si la durée du séjour est ≤ durée maximale de prescription , la prescription médicale reste le seul
document requis
73
Si la durée du séjour est > durée maximale de prescription, le patient doit être muni de l’original
de la prescription médicale et d’une attestation de transport délivrée par l’Agence française de
Sécurité Sanitaire des Produits de santé (Afssaps) sur demande du patient. La demande comporte
l’indication du pays de destination, la durée de séjour, la quantité et le dosage du médicament
transporté, la prescription médicale et un certificat médical dans lequel le médecin ne s’oppose
pas au déplacement du patient.
Lorsque le déplacement est de très longue durée, le patient peut obtenir, si besoin, une
prolongation de son traitement dans le pays d’accueil.
(Décret nº 2007-157 du 5 février 2007 art. 5 VIII Journal Officiel du 7 février 2007)
Il est interdit de prescrire des médicaments classés comme stupéfiants ou soumis à la réglementation des
stupéfiants pour un traitement d'une durée supérieure à vingt-huit jours.
Cette durée peut être réduite pour certains médicaments désignés, après avis du directeur général de l'Agence
française de sécurité sanitaire des produits de santé, par arrêté du ministre chargé de la santé.
La délivrance fractionnée d'un médicament classé comme stupéfiant ou soumis à la réglementation des stupéfiants
peut être décidée, après avis du directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, par
arrêté du ministre chargé de la santé. L'arrêté mentionne la durée de traitement maximum correspondant à chaque
fraction.
Le prescripteur mentionne sur l'ordonnance la durée de traitement correspondant à chaque fraction. Toutefois, il
peut, pour des raisons particulières tenant à la situation du patient, exclure le fractionnement en portant sur
l'ordonnance la mention "délivrance en une seule fois".
74
(Décret nº 2007-157 du 5 février 2007 art. 5 XI Journal Officiel du 7 février 2007)
Une copie de toute ordonnance comportant la prescription d'un ou plusieurs médicaments classés comme
stupéfiants ou soumis à la réglementation des stupéfiants, revêtue des mentions prévues à l'article R. 5132-13 est
conservée pendant trois ans par le pharmacien ou le vétérinaire. Pour les spécialités pharmaceutiques, les quantités
délivrées sont formulées en unités de prise. Ces copies sont présentées à toute réquisition des autorités de contrôle.
Sans préjudice des transcriptions mentionnées à l'article R. 5132-10, le pharmacien enregistre le nom et l'adresse
du porteur de l'ordonnance lorsque celui-ci n'est pas le malade.
75
CHAPITRE 5
1. Epidémiologie
76
1- EPIDEMIOLOGIE
Chaque année 5 millions de personnes meurent d’un cancer à travers le monde et 7 millions de
nouveaux cas sont diagnostiqués. En France 278 253 nouveaux cas ont été portés en 2000, ce
qui représente 150 000 décès par an et 800 000 personnes qui vivent actuellement avec un
cancer. La prévalence de la douleur au moment du diagnostic et au début du traitement est de
50 %, celle-ci va aller en augmentant au décours de la maladie pour atteindre 75 % en fin de
vie. En moyenne près de 80 % des patients cancéreux en évolution présentent des douleurs
intenses, en majorité liées directement au cancer avec souvent plusieurs localisations
douloureuses. La douleur est souvent liée à la maladie cancéreuse. Elle peut la révéler,
apparaître au cours de son évolution comme signe d’une récidive locale ou d’une métastase ou
survenir pendant ou après une procédure thérapeutique ou diagnostique.
Un traitement antalgique bien conduit permet le maintien d’une vie relationnelle de qualité. La
survenue d’une douleur chez un patient cancéreux doit entraîner une réponse rapide et
adaptée. Cela nécessite une bonne évaluation initiale et une connaissance des médicaments et
techniques disponibles de nos jours. Les douleurs en cancérologie sont le plus souvent
chroniques et instables. Elles peuvent se présenter sous différentes formes : douleurs par excès
de nociception, douleurs neuropathiques ou mixtes le plus souvent. La connaissance
sémiologique permettant de reconnaître le mécanisme physiopathologique de la douleur est un
élément fondamental de la stratégie antalgique.
77
Ce sont des douleurs qui répondent mal aux opiacés, elles sont surtout sensibles aux co-
antalgiques et sont traitées essentiellement par les antiépileptiques et les antidépresseurs.
L’ensemble des syndromes douloureux les plus fréquents provoqués par une atteinte tumorale
directe est donné dans le tableau 1. Les métastases osseuses, nerveuses et viscérales sont les
sites les plus souvent associés à une douleur chronique en rapport avec un cancer.
78
souvent aggravée par le mouvement et par certaines postures. La douleur due aux métastases
vertébrales, avec ou sans compression de la moelle épinière épidurale, est aggravée en position
allongée et calmée en position assise. On note une sensibilité particulière au niveau de la
colonne vertébrale associée à des contractures musculaires de la région atteinte.
Lorsqu’une tumeur solide entraîne une NP, un mécanisme de compression chronique du nerf
est le plus souvent en cause plus rarement une infiltration des nerfs par extension de cancers
locaux. Cette compression induit alors en fonction de la localisation, des névralgies, des
plexopathies ou des radiculopathies. Les plexopathies les plus fréquentes sont brachiales et
lombosacrées. La douleur est la manifestation inaugurale dans plus de 75 % des cas. Sa
description est souvent imprécise, impossible à décrire en termes de territoire nerveux. Elle
siège habituellement dans l’épaule ou dans l’aisselle irradiant dans le cou et la face interne du
bras pour le plexus brachial. Typiquement, elle est unilatérale et de siège proximal dans la
région lombaire, le pelvis, la hanche ou la fesse. Elle s’aggrave en position allongée et est
partiellement soulagée par la flexion de la cuisse dans le plexus lombosacré.
Les méningites carcinomateuses (MC) sont dues au développement multifocal ou diffus de
cellules métastatiques dans les espaces sous-arachnoïdiens. L’atteinte du SNP est due à une
infiltration, à une compression des racines ou à une sécrétion de facteurs neurotoxiques par les
cellules tumorales, elle s’associe souvent à des signes centraux. Les cancers les plus souvent
incriminés sont : les mélanomes, les cancers du sein et du poumon, les leucémies et les
lymphomes.
Le terme de syndrome neurologique paranéoplasique désigne un ensemble de troubles
neurologiques associés à un cancer et dont la cause est inconnue. Ils sont rares et
préférentiellement associés au cancer du poumon (52 % des cas).
79
droit et dans le flanc, qui se projette, du même coté, vers l’omoplate, l’épaule et le cou. Un
saignement ou une chimio-embolisation à visée thérapeutique peuvent engendrer des
exacerbations aiguës. La douleur d’origine viscérale peut être provoquée par l’infiltration directe
des nerfs pancréatiques afférents, l’obstruction des voies pancréatiques responsables d’une
pancréatite, une occlusion biliaire ou une infiltration duodénale susceptible de réaliser une
occlusion intestinale complète ou partielle. Les douleurs du pancréas sont décrites par 67 % des
patients comme des douleurs diffuses de l’abdomen. L’alimentation exacerbe en général cette
douleur qui peut aussi irradier vers le dos.
L’occlusion intestinale est l’évolution souvent terminale de nombreuses tumeurs, surtout les
cancers abdominaux et pelviens. Elle peut se voir jusque dans 25 % des cancers de l’ovaire et
dans 15 à 20 % des tumeurs colorectales. La douleur ressemble souvent à une colique, mais
peut aussi être constante du fait de la distension de l’intestin ou présenter un aspect sourd et
continu lorsqu’elle est associée à une carcinose péritonéale.
Quelle que soit la proposition thérapeutique, il existe toujours un risque de voir se développer
des douleurs induites, iatrogènes (dans 19 à 25 % des cas) indépendamment de l’évolution de
la maladie cancéreuse elle-même. Aux Etats-Unis le nombre de survivants du cancer a été
multiplié par 3 sur les trente dernières années, concernant près de 10 millions de personnes.
Prolonger la durée de vie sans tenir compte de la qualité de celle-ci serait actuellement une
aberration. Il est donc indispensable de prendre en charge précocement les douleurs puisque
l’on sait que l’un des facteurs de chronicisation de la douleur est l’intensité et la durée du
syndrome douloureux initial. Les douleurs induites par les traitements qui visent à guérir le
patient peuvent être source de douleurs qui risquent de durer toute la vie restante du patient.
Elles vont alors amputer sa qualité, limitant ses possibilités de réinsertion sociale et
professionnelle. Bien les connaître pour pouvoir les identifier tôt afin de les prévenir ou tout au
moins les prendre en charge précocement est donc une nécessité.
Les principales douleurs induites sont liées au traitement chirurgical, chimiothérapique ou
radiothérapique.
80
* Dysautonomie
* Neuropathie optique
Procarbazine * PNSM
hexaméthylmélanine * PNS
Autres agents
Suramine ** PRN
Nitromidazole ** PNS
Interféron * PNSM
Interleukine-2 * Plexopathie brachiale
cyclosporine * PRN
Incidence : * rare ; ** fréquent
PNSM : polyneuropathie sensitivomotrice ; PNS : polyneuropathie sensitive ;
PNM : polyneuropathie motrice ; PRN : polyradiculonévrite.
Ces neuropathies sont sensorielles (et parfois motrices), doses dépendantes ce qui limite donc
la poursuite de ce type de thérapeutique. Elles sont symétriques, siègent essentiellement au
niveau des pieds et des mains. Elles entraînent des brûlures intenses, des paresthésies dans 50
% des cas. A l’examen clinique, on retrouve fréquemment une allodynie ou une hyperesthésie
(sensibilité exagérée à une stimulation).
Classiquement, on oppose les formes aiguës qui sont réversibles en quelques jours (Vinca-
alcaloïdes, Oxalyplatine ) aux formes cumulées non réversibles qui sont les plus fréquentes
dans l’atteinte neuropathique périphérique (Cisplatine, taxanes). Dès l’apparition des premiers
signes d’atteinte neurologique il faudra discuter de l’espacement des chimiothérapies, de la
diminution des posologies voire de l’arrêt définitif de la molécule incriminée.
81
• Troubles moteurs distaux tardifs • Radionécrose
Toute modification dans l’évolution et/ou la tonalité de ces douleurs, doit faire envisager la
possibilité de rechute. Il faut donc envisager la possibilité d’une récidive tumorale, de
métastases ou de tumeurs des gaines (tumeurs neurogéniques radio induites) qui se
caractérisent par des douleurs à type de brûlure radiculaire et qui peuvent survenir jusqu’à 40
ans après l’irradiation.
Il s’agit de douleurs consécutives à la chirurgie du cancer, elles sont dues à des lésions
nerveuses. On peut aussi retrouver des douleurs fantômes après amputation d’un sein ou d’un
membre.
L’explication la plus communément admise du syndrome douloureux post-mastectomie (SDPM)
est une atteinte du deuxième nerf intercostobrachial lors de la chirurgie mammaire avec curage
axillaire. Cela se traduit par une hypoesthésie de la base de l’aisselle et de la partie supérieure
de la face interne du bras. Une paralysie du nerf grand dentelé s’observe dans 5 à 10 % des cas
après mastectomie radicale.
Les douleurs post-thoracotomies apparaissent au décours de l’intervention et se manifestent par
des dysesthésies de type brûlure le long de la cicatrice opératoire.
Les traitements spécifiques visent à détruirent les cellules tumorales et à réduire la cause des
douleurs directement dues au cancer. Dans une étude portant sur 1423 malades cancéreux
présentant des douleurs depuis plus de deux semaines, une réponse partielle ou totale des
douleurs par des traitements spécifiques a été rapportée pour 75 % d’entre eux. Le choix d’une
technique et l’intérêt de sa réalisation dans l’évolution de la maladie se décident lors des
réunions pluridisciplinaires de concertation.
82
On dispose actuellement de plusieurs méthodes d’irradiation à visée antalgique :
- la radiothérapie externe (RTE) ou transcutanée où la source d’irradiation est à l’extérieur du
patient. Elle bloque l’évolution tumorale dans le secteur irradié, elle agit sur les infiltrations
inflammatoires des métastases compressives ou algogènes. Le mécanisme antalgique est
mal élucidé mais l’efficacité de ce traitement se traduit par une diminution de la douleur de
60 à 90 %. La réponse peut apparaître dès la 48ème heure et pour des doses de 4 Gy. En
cas de localisations multiples ou étendues, on a recours à l’irradiation hemicorporelle avec
73 à 83 % de réponse avec une seule fraction de 6 Gy. Mais la toxicité est fréquente (60
%) entraînant nausées, vomissements, diarrhées, pneumopathies et dans 10 % des cas
une myelosuppression significative.
- la radiothérapie métabolique (RTM) repose sur l’utilisation d’un vecteur qui transporte des
radio isotopes émetteurs de rayonnements bêta avec une spécificité de reconnaissance
pour une cible tumorale spécifique. Les métastases sont irradiées à partir des zones
d’ostéocondensation où se sont fixés les radiopharmaceutiques ostéotropes. La fixation
scintigraphique est donc un élément prédictif de la distribution osseuse de ces médicaments
de même que l’aspect condensant à la radiographie. Actuellement sont utilisés en France :
le chlorure de 89Sr (Métastron®) pour les métastases osseuses algiques des cancers de la
prostate et le ethylenediaminetetramethylenephosphonate 153Sm (Samarium®) dont
l’indication est étendue aux métastases des cancers du sein. Ce type de traitement
administré de manière précoce pourrait retarder l’apparition de nouveaux sites douloureux.
L’effet antalgique est de 65 à 75 % avec 20 % environ de réponse antalgique complète, le
délai de réponse varie de 1 semaine (153Sm) à 3-4 semaines (89Sr) avec une durée de
réponse variable de 4 à 6 mois. Une recrudescence transitoire des douleurs (10 à 20 %) est
classiquement décrite (pain flair up) dans des délais variables selon le médicament (48 h
pour le 153Sm et 7 jours pour le 89Sr).
83
- prescription avec un constant souci du détail
La prescription doit être écrite et expliquée, anticiper les accès douloureux spontanés ou
provoqués et les effets indésirables et être réévaluée régulièrement. Le délai d’évaluation et de
changement de niveau doit être adapté à la durée d’action de l’antalgique et à l’intensité de la
douleur.
Il ne faut pas utiliser simultanément deux produits de la même classe pharmacologique ayant la
même cinétique. L’utilisation de coantalgiques doit être envisagée à chaque niveau.
L’introduction de la morphine se fera selon les modalités citées dans le chapitre précédent.
Toute prescription de morphine à libération prolongée (LP) doit s’accompagner de la
prescription de morphine à libération immédiate (LI) afin de notamment prévenir les accès
douloureux paroxystiques. La dose de la morphine LI dépend de la dose de la morphine LP, elle
se situe entre 1/10ème à 1/6ème de la dose des 24 heures.
Les biphosphonates : ils sont utilisés dans les douleurs osseuses avec ou sans
hypercalcémie. Leur action antalgique est liée à leur effet anti-ostéoclastique.
Les anxiolytiques : les benzodiazépines, lorsque un syndrome anxieux est authentifié chez un
patient doivent être introduites de façon prudente. Elles risquent d’induire ou de majorer la
survenue d’effets secondaires indésirables (somnolence). Il est donc recommandé de mettre en
place dans un premier temps un traitement antalgique adéquat (la douleur étant génératrice
d’anxiété) et seulement ensuite de traiter l’anxiété si elle persiste (anxiolytique, mais aussi
relaxation, psychothérapie de soutien …).
Les techniques coantalgiques : elles font appel à la kinésithérapie respiratoire lors de lésion
tumorale costale, aux contentions et orthèses d’immobilisation lors de lésions tumorales
douloureuses à la mobilisation etc…
84
La rotation des opioïdes est purement empirique en raison de la connaissance imparfaite des
mécanismes physiopathologiques des douleurs cancéreuses et du mode d’action intime des
opioïdes. Trois hypothèses justifient le recours à cette pratique :
- des mécanismes d’action différents selon les opioïdes : les différents opioïdes
interagissent différemment sur les principaux récepteurs mu, delta et kappa. Ceci
pourrait s’expliquer par une action sur des sous-types de récepteurs différents (mu 1 ou
mu 2). Il est donc envisageable qu’en fonction du type de douleur et du contexte un
opioïde soit plus pertinent qu’un autre,
- un métabolisme différent selon les opioïdes : les opioïdes n’ont pas les mêmes voies
de biotransformation et les différents métabolites pourraient avoir un rôle non seulement
dans les effets antalgiques mais aussi dans les effets indésirables. L’accumulation des
métabolites en raison d’une insuffisante rénale ou hépatique favorise la survenue d’effets
indésirables comme la somnolence, la confusion, les hallucinations, les nausées ou les
vomissements.
- La tolérance croisée partielle entre opioïdes : la tolérance ou l’accoutumance se
définit comme la nécessité d’augmenter les doses d’un opioïde donné pour obtenir le
même effet. Le développement d’une tolérance vis-à-vis de l’effet antalgique des
opioïdes reste limité mais peut conduire à une augmentation progressive des doses avec
pour conséquence l’apparition ou l’aggravation de certains effets indésirables. Les
mécanismes en cause dans le développement de cette tolérance sont complexes mais
laissent envisager la possibilité soit d’une modification des récepteurs opioïdes soit de la
mise en jeu de peptides « anti-opioïdes ».
Il est possible de réaliser une rotation des opioïdes entre tous les agonistes purs. En cas de
survenue d’effets indésirables ou de tolérance à l’effet antalgique de la morphine, les données
actuelles ne permettent pas de recommander un ordre de rotation ou un opioïde plutôt qu’un
autre. La rotation doit tenir compte des doses équianalgésiques. Il est toujours conseillé de
privilégier la sécurité à la rapidité d’action en prenant la valeur la plus faible des coefficients de
conversion.
Lors du passage morphine-hydromorphone ou morphine-oxycodone, la première prise
d’hydromorphone ou d’oxycodone se situe à l’heure théorique de la prise suivante de morphine
en remplacement de celle-ci à dose équianalgésique selon le tableau 3. Dans le sens inverse la
morphine sera débutée douze heures après la dernière prise d’hydromorphone ou d’oxycodone.
La rotation avec le fentanyl transdermique est plus délicate. Dans le cas d’un passage
morphine-fentanyl, l’application du patch de fentanyl se fera au moment théorique de la prise du
traitement antalgique antérieur (12 heures après la dernière prise de morphine à libération
prolongée) en prévoyant une couverture par de la morphine à libération immédiate. Dans le cas
d’un passage fentanyl-morphine, il est préconisé d’attendre environ 12 heures après le retrait du
patch pour la première administration de morphine LP et d’accroître la surveillance pendant les
24 heures.
85
o Trouble de la conscience gênant la prise de morphine par voie orale
Lorsque la voie orale est inutilisable le recours à la voie transcutanée, intraveineuse ou sous
cutanée est indiquée. Ces traitements sont choisis en fonction des caractéristiques des
douleurs, notamment intensité et stabilité, des possibilités thérapeutiques et techniques et
seulement après vérification des points suivants :
- L’indication de la morphine est bien posée
- le mode d’emploi et les posologies ont été expliqués, compris et observés
- les traitements préventifs et/ou correcteurs des effets indésirables ont été suivis
- les coantalgiques adaptés ont été prescrits
La voie sous-cutanée
Elle est utilisée de préférence par perfusion continue, à défaut les injections seront
intermittentes toutes les 4 heures. Il existe des doutes sur sa fiabilité dans des situations où la
résorption peut être altérée (malnutrition, oedèmes…). La dose sous cutanée des 24 heures est
égale à la moitié de la dose orale en équivalent dose de morphine.
La voie intraveineuse
La voie veineuse est possible si le patient est porteur d’une chambre implantée sous la peau ou
d’un cathéter veineux central. L’administration se fait par perfusion continue avec possibilité de
bolus. La voie intraveineuse en injection directe est à proscrire si le patient n’a jamais reçu de
morphine. La dose intraveineuse des 24 heures est égale à un tiers de la dose orale de
morphine des 24 heures.
86
En cas d’échec des techniques antalgiques citées ci-dessus, on pourra envisager d’autres
méthodes dont les indications sont rares et font appel à des équipes spécialisées, dotées du
plateau technique adéquat. Il s’agit de la morphinothérapie par voie centrale (intrathécale,
péridurale, intracérébroventriculaire), de l’utilisation d’antagonistes des récepteurs NMDA,
d’anesthésiques locaux, de techniques neurochirurgicales ou radiointerventionnelle….
La voie intrathécale
Un cathéter flottant dans le liquide céphalo-rachidien, introduit en général au niveau lombaire,
est « tunnélisé » sous la peau et relié si possible à un réservoir sous-cutané. Une infusion
continue peut-être réalisée par une pompe portable externe ou des injections régulières peuvent
être faites dans la chambre implantée. Cette voie est préconisée dans les douleurs chroniques
sous-diaphragmatiques. Elle procure une antalgie puissante.
La voie péridurale
Elle n’offre aucun intérêt par rapport à la voie intrathécale dans ces douleurs chroniques. La
pose du cathéter est plus délicate, son efficacité est plus aléatoire et inférieure, il existe un
risque d’arachnoïdite inflammatoire au long cours.
La voie intracérébroventriculaire
Un cathéter introduit par un trou de trépan, dans un des deux ventricules latéraux cérébraux est
relié à un réservoir extériorisé. C’est une voie d’exception en cas de douleurs généralisées mais
surtout de cancers ORL avancés.
87
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Ventafrida V, Tamburini M. Comprehensive treatment in cancer pain. Adv Pain Res The. 1995 :
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88
ANNEXES
89
Tableau 3 : Conduite à tenir devant un patient ayant des douleurs cancéreuses,
intolérant ou résistant à la morphine
Rotation d’opioïde
90
Tableau 4 : table de conversion des
morphiniques
91
CHAPITRE IV
TRAITEMENT DES DOULEURS PAR EXCÈS DE NOCICEPTION :
LES ANTALGIQUES NON OPIOIDES ET LES ANTALGIQUES
OPIOIDERGIQUES
92
CHAPITRE V
STRATEGIE DE PRISE EN CHARGE DES DOULEURS D’ORIGINE CANCEREUSE
Nathalie Cantagrel,
Jean-Christophe Sol
93
CHAPITRE 6
LES DOULEURS NEUROPATHIQUES
SEMIOLOGIE ET STRATEGIE D’EVALUATION
5. Douleurs centrales
5.1. Médullaires
5.2. Tronc cérébral 102
5.3. Encéphale
94
DEFINITION
La douleur neuropathique est définie comme une douleur secondaire à une lésion ou
une maladie affectant le système somato-sensoriel. Près de 7% de la population
souffre de douleurs chroniques avec les caractéristiques d’une douleur
neuropathique soit un quart des patients douloureux chroniques. Elle diffère de la
douleur nociceptive par les mécanismes, la distribution, les symptômes et le
traitement.
• La douleur neuropathique périphérique : selon son origine, elle peut concerner les
territoires d’un plexus (brachial…), d’une racine (L4, L5, …), d’un tronc (nerf
cubital, sciatique poplité externe …) ou être plus diffuse dans le cadre de
polyneuropathies. De façon très schématique, son mécanisme fait appel à une
suppression des phénomènes inhibiteurs et/ou à la survenue de décharges
ectopiques sur les fibres nociceptives.
• La douleur neuropathique centrale : il s’agit de lésions affectant les voies
sensitives ou du contrôle de la douleur. Leur systématisation est donc
caractéristique du niveau d’atteinte : thalamus, moelle …
95
I - RAPPEL PHYSIOPATHOLOGIQUE DES DOULEURS NEUROPATHIQUES
96
1.2.3. Les modifications histologiques. Il existe en effet des modifications des
terminaisons des efférences au niveau des cordons postérieurs rendant compte de la
chronicisation des troubles et des délais nécessaires pour l’obtention d’une efficacité
thérapeutique. Ainsi, les terminaisons des fibres de gros calibres normalement situées au
niveau des couches profondes de la corne postérieure émettent des ramifications vers
les couches superficielles à l’origine de contacts synaptiques avec les fibres C. Ces
synapses rendent comptent en partie des phénomènes d’allodynie.
2.1. Interrogatoire
2.1.1. Le contexte
On recherche un contexte évoquant une lésion du système nerveux. La lésion peut être
connue (intervention chirurgicale, hernie discale, traumatisme, etc ) ou le patient porteur
d’une pathologie connue pour affecter le système nerveux (diabète, alcoolisme, infection
HIV,..). Il existe parfois un intervalle libre entre la lésion initiale et l’apparition de la
douleur qui peut être de quelques jours à plusieurs mois voire plusieurs années. Le
contexte peut être parfois trompeur, une analyse de la sémiologie douloureuse est donc
indispensable.
97
plus souvent répétitif et dont le seuil est augmenté
Hypoalgésie Diminution de la douleur évoquée par un stimulus
normalement douloureux
Hypoesthésie Diminution de la sensibilité à une stimulation, exception
faite des systèmes sensoriels spécifiques
Paresthésie Sensation anormale qui peut être spontanée ou
évoquée
2.2.1. Topographie
L’examen neurologique dans un but diagnostic doit s’attacher à retrouver les signes
évocateurs d’une atteinte dans un territoire neuro-anatomique compatible avec une
atteinte du système nerveux. La systématisation de l’atteinte permet de discerner une
topographie tronculaire, radiculaire, médullaire, corticale. Toutefois la topographie peut
être trompeuse, et non parfaitement superposable au territoire nerveux concerné par la
lésion.
Plusieurs outils de dépistage basés sur des descripteurs de la douleur ont été
développés et validés. Tous ces questionnaires reposent sur des descripteurs verbaux et
pour certains de ces outils d’un examen clinique sommaire. L’outil diagnostic DN4
(douleur neuropathique en 4 questions) a été validé en français.
98
2.4. Examens complémentaires
Le diagnostic de douleur neuropathique est clinique, aucun examen complémentaire
n’est nécessaire pour le diagnostic de douleur neuropathique. En revanche, les
examens complémentaires peuvent être utiles pour confirmer le diagnostic lésionnel.
99
2.4.1. L’électromyogramme
Il permet l’évaluation des grosses fibres A alpha et A beta. Il ne donne aucune
information sur celle des fibres de la douleur A delta et C. Il est par contre utile pour
préciser certaines étiologies et les sites lésionnels : neuropathies diffuses, atteintes
radiculaires, atteinte plexique.
100
- Evaluation des douleurs provoquées : on recherchera une allodynie et une
hyperalgésie (Tableau 4).
- Evaluation quantifiée : des explorations plus complètes et précises peuvent être
utilisées pour explorer cliniquement une douleur neuropathique (Tableau 5).
Ces douleurs sont soit localisées dans le territoire d’un ou plusieurs troncs
nerveux ou racines soit diffuses bilatérales et symétriques (polyneuropathie).
La systématisation de l’affection et le type de fibres atteintes déterminé
cliniquement ou à l’EMG permet d’orienter le bilan étiologique.
101
4.1. Polyneuropathies douloureuses
Polyneuropathies
Diabète
Alcool
Toxiques ( Arsenic,Thalium, organophosphoré,…)
Médicaments (Isoniazide, Cisplatine, Vincristine,…)
SIDA
Pathologies malignes
Carences nutritionnelles (Beriberi, Pellagre)
Maladies héréditaires (maladie de Fabry)
Amylose
Syndrome de Guillain-Barre
102
4.3. Compressions radiculaires (sciatalgies…)
V - DOULEURS CENTRALES
5.1. Médullaires
103
5.1.3. Etiologies :
• Inflammatoires :sclérose en plaques,
• Traumatisme,
• Tumeurs,
• Carences vitaminiques,
• Vasculaires : syndrome de l’artère spinale antérieure,
• Syringomyélie.
5.2.3. Etiologies
• SEP
• Vasculaire
• Tumeur
5.3. Encéphale
5.3.3. Etiologies
• Vasculaires,
• Tumeur,
• SEP,
104
• Traumatisme,
• Séquelles d’encéphalite
105
CHAPITRE 7
Plan du Chapitre
pages
I – RAPPEL PHYSIOPATHOLOGIQUE ET BASES PHARMACOLOGIQUES 104
106
I – RAPPEL PHYSIOPATHOLOGIQUE ET BASES PHARMACOLOGIQUES
INTRODUCTION
Il existe des recommandations pour la pratique clinique du traitement médical des douleurs
neuropathiques (AFSSAPS – décembre 2007- en cours de publication, et les recommandations
de la fédération européenne des sociétés neurologiques-novembre 2006)
A l’aide d’experts et d’une analyse de la littérature, il a été établi sur le sujet 3 niveaux de
recommandations A, B ou C :
- grade A : preuve scientifique établies par des études de fort niveau de preuve
- grade B : présomption scientifique obtenues par des études de niveau intermédiaire
- grade C : études de moindre niveau de preuve
- en l’absence de données suffisantes les recommandations seront données par accord
d’experts
Des niveaux de preuve d’inefficacité (idem) peuvent aussi ressortir d’études contrôlées
Les DN ne répondent pas aux médicaments du palier I (paracétamol, AINS)
D’une manière générale l’efficacité des traitements est souvent moyenne.Le choix doit se faire
sur l’efficacité la plus établie, sur le rapport bénéfice-inconvénients et sur la présence de
comorbidité associée à la DN (anxiété, dépression, troubles du sommeil)
Seules les DCI seront décrites dans cet exposé.
Les médicaments fondamentaux sont issus des antiépileptiques et des antidépresseurs.Seuls
certains d’entre eux font partie des recommandations actuelles.Le tramadol et les opioïdes forts
du palier III de l’OMS peuvent aussi s’inclure.
Les données scientifiques établies ne concernent que quelques étiologies de DN (zona, diabète)
D’autres études sont nécessaires pour d’autres étiologies (DN centrales, associations
thérapeutiques…)
Rappelons que les DN atteignent 7 % de la population en France (25% des douleurs
chroniques)
Une titration est indispensable en démarrant le traitement à doses faibles et en progressant
jusqu’aux doses max. efficaces ;
Il faut débuter par une monothérapie, substituer une autre molécule si échec et faire une
association si efficacité insuffisante.
On évaluera régulièrement l’efficacité et la tolérance.Le traitement sera poursuivi en moyenne
durant 6 mois au minimum, puis si possible les doses seront réduites.
2.1.1 Gabapentine : agit par blocage des canaux calciques voltage-dépendants et par
modulation de la neurotransmission gabaergique.Son AMM concerne les douleurs de la
neuropathie diabétique.
Posologie : 900 mg à 3600 mg/j en 3 prise.Grade A pour la douleur, pour l’anxiété et les troubles
du sommeil
Effets indésirables : sensations vertigineuses, somnolence, œdèmes périphériques, prise de
poids ..
Pas d’interactions médicamenteuses.En général bien supporté
107
2.1.2 Prégabaline : mode d’action similaire à la gabapentine, niveau de preuve de grade A
comme pour la gabapentine.
AMM : DN périphériques et centrales
Posologie : 150 mg à 600 mg / j en 2 prises
Agirait plus vite que la gabapentine
Effets indésirables et interactions idem à la gabapentine
108
Posologie idem à l’amitriptyline.Moins sédative.Mêmes effets secondaires
- l’imipramine :idem mais mois employée
Il existe aussi des ADT dit sélectif (plus noradrénergiques) :Maprolitine,
Désipramine,Nortryptiline dont l’action est plus discutée ,ils sont mieux
tolérés que les précédents(grade B pour la maprolitine).Pas d’AMM
2.2.2 Les IRSNA : seules 2 molécules sont concernées.Mieux tolérés que les ADT
- la duloxétine :grade A pour le diabète(AMM)
Posologie : 60 mg/j en une prise
Effets secondaires : nausées,vomissements,sonolence,sècheresse de la
Bouche,hypersudation.Risque hépatique.
- la venlafaxine :grade B .Pas d’AMM
Efficace seulement à fortes doses(à partir de 150mg/j)
Effets secondaires : idem à la duloxétine
Formes LP mieux supportées
2.2.3 Les IRS : ex : fluoxétine,paroxétine,citalopram etc. Ils ne sont pas recommandés et n’ont
pas d’AMM Preuve scientifique d’inefficacité (grade A)
2.3 Le Tramadol et les opioïdes du palier 3 : bien qu’efficaces ils ne sont pas
recommandés en première intention
109
2.4.1 Les topiques :
2.4.2 Les cannabidoïdes (dronabinol): grade B dans les douleurs centrales de la SEP. Pas
d’AMM .Non disponible en France. Risques de tolérance et de dépendance en cas de traitement
de longue durée.Posologie :5 à 10 mg/j
2.4.3 Les antagonistes NMDA : dextrométorphan, mémantine..Malgré leur intérêt théorique ils
sont inefficaces dans le zona. Non recommandés.
Au total d’autres études (ERC) sont indispensables dans les pathologies peu étudiées : DNpost-
traumatiques ou chirurgicales si fréquentes, douleurs des amputés, séquelles de syndrome de
Guillain-Barré, autres douleurs centrales, DN d’étiologies multiples.
La qualité de vie doit être mieux évaluée avec ces traitements.
Dans les polyneuropathies douloureuses(diabète) les médicaments de 1er intention sont les
antidépresseurs tricycliques,la gabapentine,la prégabaline,la duloxétine.Le tramadol et les
opioïdes forts(oxycodone) seront utilisés en 2e intention.A noter que les PN du VIH ou de la
chimiothérapie sont très réfractaires aux traitements.
Dans les douleurs du zona, la prégabaline, la gabapentine, les ADT, la lidocaïne topique.
Pour la névralgie essentielle du trijumeau : la carbamazépine ou l’oxcarbazépine.
Dans les autres étiologies le choix se fera sur les effets établis, le rapport avantages –
inconvénients, l’existence d’une comorbidité.Le sujet reste très évolutif.
110
III - LE TRAITEMENT NEUROCHIRURGICAL
111
la névralgie essentielle du trijumeau qui après échec des antiépileptiques est le plus souvent
guérie par une coagulation percutanée du ganglion de Gasser.
Les techniques ouvertes classiques (radicotomies postérieures rachidiennes,
cordotomies etc.) ne sont plus pratiquées à l’heure actuelle.
Un cas particulier est donné par la drézotomie réservée quasi exclusivement aux
douleurs d’avulsion du plexus branchial. Elle consiste à microsectionner la zone d’entrée des
racines postérieures dans la moelle épinière, cette zone étant le siège d’un regroupement des
fibres sensitives de petit calibre transportant les sensations douloureuses.
L’administration de morphine dans le LCR constitue une alternative classique dans la prise en
charge des douleurs cancéreuses après échec des voies d’administration habituelles. La
morphine orale a une action bénéfique limitée dans les douleurs neuropathiques, son utilisation
chronique reste discutée. Il en est de même pour la voie intrathécale, dont les résultats ne sont
pas très convaincants dans cette indication.
Citons les cas de patients spastiques chez qui une pompe à Baclofène intrathécal peut
permettre une amélioration des douleurs parallèlement à la spasticité.
CHAPITRE 8
LES CEPHALEES
112
SEMIOLOGIE ET STRATEGIE D’EVALUATION
Certains de ces tableaux représentent une menace vitale ou fonctionnelle: ce sont les
céphalées symptomatiques ou secondaires. Dans d’autres cas, la céphalée est dite
primitive, sans substratum lésionnel, du moins avec les examens dont on dispose à
l’heure actuelle. Ces céphalées se produisent souvent de manière récurrente, par crises.
Si la vie ou le pronostic fonctionnel ne sont pas ici menacés, l’intensité de la douleur
réclame un traitement rapide et efficace pour soulager le patient.
1.1. L’interrogatoire
113
Les céphalées diffèrent par leur mode d’installation, leur siège, leur type, leur intensité,
leur mode évolutif, les facteurs qui les provoquent et ceux qui les améliorent, les signes
d’accompagnement. L’interrogatoire, pièce maîtresse du diagnostic doit,
méthodiquement, retrouver ces éléments.
1.1.4. Le patient
• Age
• Antécédents médicaux
114
• Terrain : grossesse, sportif, stress, tendance à prendre du poids …
• Médicaments associés
• Antécédents familiaux de maux de tête, d’autres pathologies, notamment
vasculaires
Encart n° 1
SIGNES D’ALARME
Symptômes d’interrogatoire
Signes d’examen
• fièvre
• raideur de la nuque
• troubles neurologiques focalisés
• asymétrie des réflexes ostéotendineux, signe de Babinski
• œdème papillaire
• asymétrie pupillaire
• artère temporale dure et douloureuse à la palpation
Encart n° 2
115
Quand demander des examens complémentaires ?
Devant :
• Une céphalée de novo
• Une céphalée différente chez un céphalalgique connu
II – ORIENTATION DIAGNOSTIQUE
Les céphalées sont de nature et de causes très diverses. On peut, de façon très
pragmatique, distinguer 3 situations différentes, basées sur les circonstances de
survenue et le mode évolutif de la céphalée :
La céphalée est considérée comme nouvelle soit parce que le patient n’avait jamais eu
de céphalées auparavant, soit parce qu’elle est différente des céphalées habituelles du
sujet. Une céphalée nouvelle doit être considérée, jusqu’à preuve du contraire, comme
symptomatique.
Encart n°3
• début brutal, en coup de poignard:
o Eliminer en priorité une hémorragie méningée
o Rechercher les autres causes
• début progressif:
o quelques heures: rechercher les signes associés (exemple: fièvre: méningite ?)
o quelques jours: rechercher les signes neurologiques associés
(en particulier, rechercher une hypertension intracrânienne débutante )
• chez un sujet âgé : toujours penser à la maladie de Horton.
Bien entendu, le contexte clinique est un élément majeur d'orientation. Par
exemple, les accidents vasculaires cérébraux, particulièrement les hématomes
s'accompagnent fréquemment d'une céphalée. Les problèmes les plus difficiles se
posent quand la céphalée est isolée ou s'accompagne d'autres signes discrets.
116
a) Penser en priorité à une hémorragie méningée et rechercher un syndrome
méningé, même discret qui impose l’admission en urgence en milieu spécialisé. La
présence d’une hyperdensité dans les espaces sous-arachnoïdiens sur un scanner sans
injection ou, si le scanner est normal, la présence de chromoprotéines dans le LCS
confirmeront ce diagnostic. L’angioscanner, l'angio-IRM voire l’artériographie cérébrale
conventionnelle rechercheront un anévrysme intra-crânien.
a) En quelques heures :
b) En quelques jours :
117
céphalée aiguë. Il s’agit d’une étiologie rare. Par contre,
l’hypertension artérielle chronique légère ou modérée
n’entraîne pas de céphalées.
Chez la personne âgée, une céphalée temporale permanente uni ou bilatérale doit
faire rechercher une maladie de Horton : signes locaux de l’artérite temporale, altération
de l’état général, VS très accélérée. Le diagnostic sera fait par la biopsie de l’artère
temporale.
Encart n°4
Le diagnostic est facile chez un patient ayant déjà présenté des crises identiques.
La douleur est intense, pulsatile, diffuse ou typiquement hémicranienne, augmentant au
moindre effort et confinant le patient au lit. Les signes d'accompagnement sont
caractéristiques : nausées et vomissements, source d'inconfort majeur. Le moindre bruit,
une lumière trop vive sont insupportables. La crise dure habituellement quelques heures
(de 4 à 72 heures sans traitement).
118
Encart n° 5
Critères de diagnostiques de la migrai ne sans aura
(classification IHS, 1988)
A. Au moins 5 crises répondant aux critères B à D
B. Crises de céphalées durant de 4 à 72 h (sans traitement)
C. Céphalées ayant au moins 2 des caractéristiques suivantes :
1. unilatérale
2. pulsatile
3. modérée ou sévère
4. aggravation par les activités physiques de routine, telles que montée ou
descente des escaliers
D. Durant les céphalées, au moins l’un des caractères suivants :
1. nausée et (ou) vomissement
2. photophobie et phonophobie
E. Au moins l’un des caractères suivants :
1. l’histoire, l’examen physique et neurologique ne suggèrent pas une céphalée
secondaire à une affection organique
2. ou bien ces affections ont été écartées par les investigations complémentaires
3. ou bien elles existent mais les crises migraineuses ne sont pas survenues pour
la première fois en relation temporelle étroite avec ces affections
La migraine est habituellement une maladie bénigne. Entre les crises, le patient est
normal. Certains migraineux, du fait de la fréquence et (ou) de la sévérité de leurs crises,
peuvent être très handicapés sur le plan social et professionnel.
119
triptans). Les traitements de fond sont indiqués en cas de crises fréquentes :
bétabloquants (propanolol, métoprolol), anti-sérotoninergiques (pizotifène, oxétorone),
anti-épileptiques (acide valproïque, topiramate), amitriptyline …
Il s'agit de la plus banale des céphalées, que tout individu peut éprouver dans sa
vie.
L’évolution se fait de manière épisodique, très variable (de 30 min à 7 jours, par définition
moins de 15 jours par mois) avec des phases de rémission de plusieurs jours.
Les douleurs sont parfois associées à une contracture douloureuse des muscles du cou.
Les facteurs déclenchant peuvent être un stress, des éléments dépressifs mais aussi des
facteurs mécaniques (comme un travail longtemps soutenu dans la même position).
Les périodes d’exacerbation sont rythmées par les conflits affectifs ou professionnels. Ce
type de céphalées répond bien aux anxiolytiques, aux antidépresseurs tricycliques, à la
relaxation et au biofeed back.
120
tous les jours et présente plusieurs crises par jour (en moyenne 2 à 3) qui durent
habituellement moins d'une heure et surviennent souvent à heure fixe.
Il existe des formes épisodiques (les plus fréquentes) dans lesquelles le patient
connaît des phases de rémission durant parfois plusieurs mois et des formes chroniques
(20% des cas) où il n'existe pas de rémissions.
Encart n°6
La douleur est paroxystique, brève, atroce, intolérable. Elle est décrite comme une
douleur fulgurante à type « décharge électrique » ou de coup de poinçon. Elle survient
le plus fréquemment chez la personne âgée avec une prédominance masculine.
121
Cette douleur siège dans le territoire d’une ou plusieurs branches du nerf
trijumeau, le plus souvent dans la moitié inférieure de l’hémiface (V2 et/ou V3), les
atteintes du V1 étant plus rares.
Cette névralgie débute habituellement par l’atteinte d’une seule branche. La crise
est brève (quelques secondes à moins de 2 min) mais il peut exister de multiples accès
dans la journée et souvent dans la nuit, déclenchés par une zone gâchette, siégeant
dans le territoire douloureux. La douleur peut être déclenchée par la mastication, un
frôlement de la peau, un courant d’air. Elle est habituellement suivie d’une brève phase
d’inhibition permettant au patient de s’alimenter.
Encart n°7
Les névralgies sont le plus souvent dites essentielles, bien qu’elles soient
souvent dues à un conflit vasculo-nerveux (artère cérébelleuse supérieure) au niveau de
l’émergence du nerf trijumeau dans l’espace sous-arachnoïdien.
122
On estime qu’un patient présente des céphalées chroniques quotidiennes (CCQ),
lorsqu’il souffre au moins 4 h par jour, plus de 15 jours par mois depuis au minimum 3
mois. La plupart de ces patients se plaignent en réalité de maux de tête quasiment tous
les jours, depuis plusieurs années.
Les spécialistes ORL, ophtalmologues, stomatologues sont souvent sollicités pour tenter
de dépister une cause locale à des céphalées.
123
2.5.1. ORL : Une sinusite aiguë peut entraîner des douleurs locales : elles
concernent la région du sinus infecté qui est sensible à la palpation. La sinusite
chronique, en revanche, ne déclenche pas de céphalées, sauf lors d’une poussée aiguë.
124
CHAPITRE 9
LES LOMBALGIES
STRATEGIE D’EVALUATION ET PRISE EN CHARGE THERAPEUTIQUE
Bénédicte Jamard
Arnaud Constantin et Yolande Esquirol
I – INTRODUCTION
125
La lombalgie est un symptôme très fréquent, en constante augmentation dans les pays
industrialisés. L’origine anatomique et les mécanismes en cause dans la genèse des
phénomènes douloureux ne sont clairement individualisés que dans moins de 20 % des cas. Le
premier temps de l’évaluation d’un patient lombalgique consiste à éliminer les rares lombalgies
symptomatiques d’une affection rachidienne fracturaire, tumorale, inflammatoire ou infectieuse.
Le deuxième temps de cette évaluation repose sur l’identification précoce des facteurs de risque
de chronicité. Dans le cadre des lombalgies dites communes, la plupart des épisodes aigus
(lumbagos) évoluent naturellement vers la guérison en quelques jours à quelques semaines. Le
médecin a pour missions de rassurer le patient, de soulager la douleur et de favoriser une
reprise rapide des activités quotidiennes, afin d’éviter le passage à la chronicité. Au stade de
lombalgie chronique (plus de 3 mois d’évolution), une approche multifactorielle (évaluations
physique, fonctionnelle, socioprofessionnelle, psychologique et éventuellement médico-légale)
et une prise charge multidisciplinaire semblent nécessaires. Elles ont pour objectifs ambitieux de
contrôler la douleur, d’améliorer les capacités fonctionnelles et de favoriser une réinsertion
sociale et professionnelle.
II - EPIDEMIOLOGIE
Une étude britannique de 1996, conduite chez des sujets de 25 à 64 ans montrait les
chiffres suivants : 59 % de prévalence vie entière, 39 % de prévalence annuelle, 19 % de
prévalence instantanée et 4,7 % d’incidence annuelle. Une étude canadienne, réalisée chez
1300 hommes employés en secteur industriel arrive aux mêmes chiffres : 60 % de prévalence
vie entière et 11 % de prévalence instantanée. Les résultats d’une étude française concernant
une population de 725 salariés sont présentés dans le tableau I.
126
dans une population de 725 salariés français (d’après Ozguler et coll, 2000)
Femmes Hommes
(n = 357) (n = 368)
Lombalgies au moins 1 jour (%) 45 41
Lombalgies au moins 30 jours (%) 19 16
Traitement de la lombalgie (%) 23 20
Consultation pour la lombalgie (%) 25 21
Arrêt de travail pour la lombalgie (%) 8 10
Les principaux facteurs de risque des lombalgies sont présentés dans le tableau II. La
prise en compte de certains de ces facteurs, professionnels notamment, pourrait permettre la
mise en place de mesures de prévention primaire des lombalgies .
127
• Age supérieur à 45 ans
• Antécédents de lombalgie ou de chirurgie lombaire
• Présentation initiale de la lombalgie :
Intensité de la douleur lombaire
Irradiation douloureuse aux membres inférieurs
Importance du handicap fonctionnel
• Prise en charge initiale de la lombalgie :
Prise en charge tardive
Prescription de repos au lit strict
Arrêt de travail initial prolongé
Absence d’informations et de conseils
• Contexte socioprofessionnel :
Bas niveaux d’éducation et de ressources
Statut familial défavorable
Poste de travail avec importantes contraintes mécaniques
Insatisfaction au travail
• Contexte psychologique :
Troubles de la personnalité (hypochondriaque ou hystérique)
Etat de détresse psychologique
Anomalies de la perception du handicap
Stratégies adaptatives (coping) inappropriées
• Contexte médico-légal :
Accident du travail
Conflit médico-légal
Dans les pays industrialisés, du fait de la très grande fréquence dans la population
générale, la lombalgie est un problème majeur de santé publique. Les dépenses en coûts
directs et en pertes de productivité sont énormes. La comparaison avec les pays en voie de
développement est intéressante : la fréquence de la lombalgie y est moindre dans les
populations rurales malgré les rudes contraintes physiques professionnelles, mais cette
fréquence augmente dans ces pays parmi les populations urbanisées. Ceci souligne
l’importance des conditions de vie et de travail.
Les lombalgies représentent 9 % des motifs de consultation du généraliste (2e rang) bien
que seulement 1/4 des lombalgiques consultent pour leur mal au dos (tableau I), 7 % des arrêts
de travail (bien que seuls 22 % des lombalgiques s’arrêtent pour cela), 8 % des actes de
radiodiagnostic, 3 % des prescriptions médicamenteuses, 30 % des prescriptions de
rééducation et 13 % des invalidités (3e cause d’invalidité, 1e cause avant 45 ans).
Les coûts médicaux directs sont de 1,37 milliards d’euros par an seulement pour le
secteur libéral, auxquels viennent s’ajouter environ 534 millions d’euros annuels d’incapacités
temporaires ou définitives. On considère que les coûts indirects (indemnités journalières,
pensions d’invalidité, perte de production et pertes d’opportunité d’emploi) représentent 62 à 93
% des coûts totaux des lombalgies. Dans le seul cadre des accidents du travail, 13 % des arrêts
(environ 110 000) sont dus, chaque année, à des lombalgies, ce qui correspond à la perte de
3,6 millions de journées de travail.
Le coût total de la lombalgie est estimé à 4,5 milliards d’euros en Hollande, 9,1 au
Royaume-Uni, 17,4 en Allemagne. À ces coûts tangibles s’ajoutent les coûts indirects
128
intangibles liés aux conséquences psychologiques et sociales ou à la réduction des capacités
physiques des personnes souffrantes.
III – ETIOLOGIES
La lombalgie n’est qu’un symptôme et non une maladie ; à ce titre elle peut recouvrir de
nombreuses étiologies.
La région lombaire est anatomiquement riche et complexe, composée des vertèbres, des
disques intervertébraux, des articulations interapophysaires postérieures articulaires
postérieures (avec leur capsule articulaire, leur synoviale et leurs cartilages articulaires), de
nombreux ligaments (courts : reliant deux vertèbres contiguës ; et longs : passant en pont sur
plusieurs vertèbres), de multiples tendons et de leurs muscles (profonds et superficiels). La
région est richement vascularisée et surtout très richement innervée, notamment par les
rameaux terminaux des branches postérieures sensitives de chaque racine nerveuse. Toutes
ces structures peuvent être touchées par un processus pathologique et donc être responsables
de douleurs (tableau IV).
129
Tableau IV : Causes certaines ou hypothétiques des lombalgies
À toutes ces atteintes anatomiques, il convient d’ajouter que la colonne lombaire est un « lieu »
d’investissement psychique important et donc une région de somatisation (dépression,
conversion hystérique). On suppose que les douleurs lombaires sont alors un dérivatif qui aide à
oublier ou à supporter la détresse psychique.
2. Il faut mettre en perspective ces différentes étiologies en fonction de leur fréquence (tableau
V) et donc bien comprendre que les causes graves que nous pouvons identifier ne représentent
que moins de 10 % des lombalgies. Ce sont donc les causes hypothétiques qui recouvrent la
vaste majorité des lombalgies et, en pratique, une étiologie n’est retrouvée que dans moins de
20 % des cas.
130
Tableau V : Fréquence des causes graves et identifiées des lombalgies récentes
De ces constats découle une attitude pragmatique face à la prise en charge des lombalgiques :
sur le plan diagnostique, il faut s’attacher à détecter les causes précises, bien identifiées et
accessibles à un traitement spécifique. On qualifie ces lombalgies de “ symptomatiques ”. Elles
sont cependant les plus rares. Toutes les autres lombalgies seront qualifiées de “ communes ”
et partagent une même évolution vers la guérison rapide ; elles ne nécessitent donc pas
d’explorations poussées puisqu’elles vont disparaître, que ces explorations seraient négatives
ou faussement positives et que les thérapeutiques sont purement symptomatiques.
IV – DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
Les douleurs de la région lombaire peuvent être en rapport avec des affections extra-
rachidiennes (tableau VI). Dans ce cas, l’examen physique du rachis lombaire est normal, mais
un examen plus complet permet le plus souvent d’identifier des signes extra-rachidiens
évocateurs de ces affections.
131
Tableau VI : Affections extra-rachidiennes pouvant occasionner des lombalgies
Appareil ou Maladies
région
Appareil digestif Lombalgies hautes : ulcère gastro-duodénal, pancréatite
Lombalgies basses : colite, diverticulose, cancer colique
Région Colique néphrétique, fibrose et tumeurs rétropéritonéales
rétropéritonéale Anévrysme de l’aorte abdominale.
Région pelvienne Lombalgies basses ou douleurs sacrées : douleurs
menstruelles, endométriose, tumeurs utérines, grossesse.
Appareil ostéo- Sacroiliite
articulaire Fractures et tumeurs du sacrum
de voisinage Coxopathies
On parle de lombalgie symptomatique chaque fois qu’il existe une cause fracturaire,
tumorale, infectieuse ou inflammatoire aux douleurs lombaires rapportées par le patient. Un
certain nombre de signes d’alerte, relevés à l’interrogatoire ou à l’examen physique, doivent
systématiquement évoquer le caractère symptomatique d’une lombalgie (tableau VII).
132
Si à l’issue de l’examen clinique initial, il existe des signes d’appel en faveur d’une
lombalgie symptomatique, on pourra s’aider d’examens complémentaires. La numération
formule sanguine, la vitesse de sédimentation, la CRP constituent les examens biologiques à
demander en première intention. Les radiographies du rachis lombaire, de face et de profil,
éventuellement complétées par un cliché du bassin de face (en cas de suspicion de
spondylarthropathie inflammatoire) sont les examens d’imagerie à demander en première
intention. En cas de doute persistant sur le caractère symptomatique de la lombalgie (origine
infectieuse ou tumorale), l’examen d’imagerie de deuxième intention doit être une IRM du rachis
lombaire. La scanographie et la scintigraphie osseuse conservent leur place en cas de contre-
indication ou d’inacessibilité de l’IRM afin d’éliminer une lombalgie non commune.
L'examen clinique initial à pour objectif d’affirmer l’origine rachidienne des douleurs (cf.
diagnostic différentiel), puis d’éliminer une lombalgie symptomatique d’une affection fracturaire,
tumorale, infectieuse ou inflammatoire. L’identification de l’origine anatomique et des
mécanismes en cause dans la genèse des phénomènes douloureux de la lombalgie commune
n’a pas d’intérêt à ce stade, puisqu’elle ne modifiera pas la prise en charge thérapeutique
(tableau VIII).
133
Aucun examen complémentaire n’est indiqué à ce stade, en dehors des rares cas où il
existe des signes évocateurs de lombalgie symptomatique. Si des radiographies standard
étaient réalisées, elle montreraient un rachis lombaire normal ou des signes dégénératifs
banals, tels que des discopathies, avec ou sans ostéophytose, ou des signes d’arthrose
interapophysaire postérieure, qui ne modifieraient en rien le pronostic ou la prise charge
thérapeutique de l’épisode de lumbago.
Les différents traitements disponibles n’ont globalement pas fait l’objet d’évaluations de
bonne qualité et reposent en grande partie sur les pratiques professionnelles.
Les antalgiques de classe 1 type paracétamol ont un bon rapport efficacité / tolérance.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont une alternative possible au prix d’effets
indésirables plus marqués et plus fréquents. Les AINS sont tous équivalents en terme
d’efficacité mais certains sont grevés de plus d’effets secondaires que d’autres. Il n’est pas
démontré que les morphinomimétiques (classe 2 de l’OMS) soient plus efficaces que le
paracétamol ou les AINS, mais leurs effets secondaires sont plus fréquents.
Le repos strict (avec arrêt de travail éventuel) est à réduire au strict minimum
contrairement aux idées reçues antérieures. Il faut ainsi proscrire l’alitement systématique et
limiter sa durée au minimum nécessaire lorsque l’intensité de la douleur le rend indispensable. Il
faut au contraire conseiller au patient de maintenir un certain degré d’activités quotidiennes, qui
doit être adapté au cas par cas, à l’intensité des douleurs.
Le port d’une ceinture de maintien lombaire est probablement utile pour prévenir une
rechute de lombalgie et réduire l’impact fonctionnel des symptômes chez les patients dont
l’activité professionnelle impose le soulèvement fréquent de charges. Il doit être transitoire,
même si l’atrophie musculaire dont on a accusé son port prolongé n’a jamais été prouvée.
134
Les conseils d’hygiène orthopédique du rachis sont raisonnables (mais jamais testés) :
éviter les ports de charges lourdes, les stations assises prolongées.
Les exercices visant à renforcer la sangle abdominale et les muscles rachidiens n’ont pas
d’efficacité démontrée mais peuvent prévenir la dégradation des capacités physiques au cours
du premier mois. Ils sont surtout un moyen d’éviter ou de diminuer le risque de rechute.
Une manipulation vertébrale peut être indiquée dans les lombalgies aiguës communes,
mécaniques, sans conflit disco-radiculaire, pendant le premier mois d’évolution. Le risque, rare,
est de transformer un lumbago banal en sciatique ou syndrome de la queue de cheval.
Les “ écoles du dos ” peuvent être un appoint utile en réduisant la durée des arrêts de
travail lorsqu’elles sont mises en œuvre sur le lieu du travail. Aucune étude n’a démontré leur
efficacité dans d’autres cadres.
Le port d’une talonnette dans la chaussure ne peut être éventuellement proposée que si
l’inégalité de longueur des membres inférieurs est supérieure à 2 cm (très rare).
VI – LOMBALGIE CHRONIQUE
La lombalgie chronique fait le plus souvent suite à des lumbagos ou apparaît de façon
progressive. On parle de lombalgies chroniques en cas de douleurs lombosacrées, pouvant
irradier dans les fesses ou à la face postérieure des cuisses sans dépasser les genoux,
évoluant depuis plus de trois mois, sans tendance à l’amélioration. Ces lombalgies chroniques
ne représentent que 7 % des lombalgies mais elles sont responsables de plus de 75 % des
dépenses liées à cette affection. L’évaluation d’un patient lombalgique chronique doit se faire
selon une approche multifactorielle. La prise en charge thérapeutique doit se faire selon une
approche multidisciplinaire.
La douleur constitue la principale plainte des patients lombalgiques chroniques. Elle doit être
évaluée de façon multidimensionnelle : approche qualitative et quantitative d’une part,
appréciation du retentissement fonctionnel, socioprofessionnel et psychologique d’autre part.
L’interrogatoire permet de préciser les caractéristiques de la douleur : siège, irradiation
éventuelle, mode d’installation (brutal, progressif), durée d’évolution, horaire (mécanique,
inflammatoire, mixte), type (excès de nociception, neuropathique, mixte), facteurs déclenchant
et calmant.
135
L’échelle visuelle analogique (EVA) permet de quantifier son intensité de façon simple. Il
s’agit d’une méthode validée, possédant de bonnes propriétés métrologiques. La formulation de
la question doit être précise sur la nature de la douleur évaluée : circonstances (spontanée,
repos, effort), intensité (maximale, minimale, moyenne), siège (lombaire, irradiation dans les
membres inférieurs). Les scores obtenus ont une valeur descriptive pour un individu donné et
permettent un suivi, mais ils ne permettent pas de comparaisons interindividuelles. L’échelle de
Dallas (Dallas Pain Questionnaire) permet d’explorer l’impact de la douleur dans quatre
dimensions : activités quotidiennes, travail et loisirs, dépression-anxiété et comportement social.
Sa version française, dénommée échelle de douleur du rachis auto-questionnaire de Dallas
(DRAD) a récemment été validée chez les patients lombalgiques chroniques. L’échelle DRAD
possède de bonnes qualités métrologiques chez le lombalgique chronique. Elle se présente
sous la forme d’un auto-questionnaire composé de seize questions dont les réponses se font
sous forme d’échelles visuelles, qui peuvent être remplies en trois à cinq minutes, avec un
résultat chiffré obtenu en moins d’une minute.
Plusieurs instruments ont été élaborés et sont utilisés pour l’évaluation spécifique de l’incapacité
fonctionnelle des lombalgiques : Oswestry Disability Questionnaire, Roland-Morris Disability
Questionnaire, Million Visual Analog Scale et Wadell Disability Index. Une version française du
Roland-Morris Disability Questionnaire existe et a été validée dans la lombalgie aiguë, il s’agit
de l’échelle d’incapacité fonctionnelle pour l’évaluation des lombalgies (échelle EIFEL). Elle se
présente sous la forme d’un auto-questionnaire composé de vingt-quatre questions concernant
les répercussions de la douleur lombaire sur les activités de la vie quotidienne : locomotion,
activités domestiques, confort corporel et répercussions sociales ou psychologiques. Cet auto-
questionnaire peut être complété par le patient en quelques minutes, un résultat chiffré est
obtenu immédiatement, avec un score maximal possible de vingt-quatre correspondant une
incapacité majeure et un score minimal de zéro traduisant l’absence d’incapacité.
136
Tableau IX : Approche multifactorielle de l’évaluation d’un lombalgique chronique
Dans le cadre de la lombalgie commune, il n’a pas été identifié dans la littérature
d’éléments permettant de valider une stratégie précise dans l’enchaînement des prescriptions
d’imagerie. Les structures anatomiques et les lésions dégénératives potentiellement impliquées
dans la genèse des douleurs étant nombreuses, leur responsabilité respective est difficile à
établir. De plus, ces lésions dégénératives sont fréquemment retrouvées chez des sujets
asymptomatiques. Cette absence de corrélation anatomo-clinique et l’absence d’examen de
référence représentent autant d’obstacles à l’évaluation diagnostique et pronostique des
examens d’imagerie dans la lombalgie chronique.
Une récente revue de la littérature avait pour objectif de rechercher une relation de
causalité entre les données issues des radiographies standard et la lombalgie commune. Les
signes de dégénérescence discale (pincement discal, ostéophytose et ostéosclérose) semblent
associés à la lombalgie avec des odds ratios compris entre 1,2 et 3,3. D’autres lésions, telles
que spondylolyse, spondylolisthésis, spina bifida, anomalies transitionnelles et séquelles de
maladie de Scheuermann ne semblent pas associées à la lombalgie. En raison de la grande
variabilité de la qualité méthodologique des études prise en compte dans cette revue de la
littérature, les auteurs ne concluent pas quant à la présence ou l’absence de relation de
causalité entre les données issues des radiographies standard et la lombalgie chronique.
Sur les radiographies dynamiques, il est difficile d’établir une relation entre l’amplitude du
mouvement supposé anormal entre deux vertèbres et la symptomatologie clinique. De ce fait, il
n’existe pas de preuve suffisante de l’intérêt des radiographies dynamiques, quelle que soit la
méthode de mesure, dans l’évaluation de la lombalgie chronique.
137
Pour ce qui concerne l’IRM, la constatation de signes de dégénérescence discale est
fréquente (6 à 85%) chez des sujets asymptomatiques. Un certain nombre d’études cas-
témoins, de qualité méthodologique variable, ont conclu à une association entre signes de
dégénérescence discale et lombalgie commune. Il faut cependant souligner que 18 à 44% des
témoins (sujets asymptomatiques) inclus dans ces études présentent au moins un disque
intervertébral considéré comme dégénératif par les radiologues contre 27 à 60% des cas
(patients lombalgiques). Ainsi, bien que l’IRM soit un examen sensible pour mettre en évidence
des signes de dégénérescence, de protrusion ou de hernie discale, il est difficile voir impossible
d’établir une relation de causalité entre les données issues de l’IRM et les symptômes décrits
par les patients lombalgiques.
Enfin, la scanographie, la myélographie ou la scintigraphie n’ont pas d’utilité démontrée
dans l’évaluation de la lombalgie commune.
En conclusion, les examens d’imagerie sont indiqués en cs de suspicion de lombalgie
symptomatique. Dans ce cas, on réalise des radiographies standard, puis une IRM, voire une
scanographie ou une scintigraphie en cas de contre-indication à la réalisation de l’IRM. Pour ce
qui concerne la lombalgie commune évoluant sur un mode chronique, l’ANAES reconnaît licite
la réalisation d’une IRM après radiographie standard quand il existe un retentissement grave
dans la vie professionnelle et/ou qu’un traitement invasif est envisagé. Cependant, quelle que
soit la gravité du retentissement dans la vie professionnelle, l’IRM n’apportant pas d’élément
diagnostique ou pronostique validé dans la lombalgie commune, elle ne semble pas avoir sa
place dans le cadre de l’évaluation multidisciplinaire de la lombalgie chronique.
138
6.6. Evaluation médico-légale
139
6.7.2. Objectifs généraux
Les objectifs de la prise en charge multidisciplinaire de la lombalgie chronique doivent être fixés
avec le patient à l’issue de l’évaluation initiale. Ils visent à permettrent au patient de contrôler et
de gérer sa douleur, d’améliorer ses capacités fonctionnelles, de corriger d’éventuels troubles
psychologiques et enfin à favoriser sa réinsertion sociale et professionnelle le plus rapidement
possible.
Antalgiques type paracétamol jusqu’à une dose totale de 4 g/jour. En cas de poussée
douloureuse : AINS, soins de physiothérapie. Infiltrations des articulaires postérieures en cas
d’arthrose et de syndrome de ces articulaires. Son efficacité reste discutée. Une amélioration
transitoire peut conduire à une rhizolyse lombaire ou thermocoagulation per-cutanée des
branches sensitives postérieures, dont l’efficacité varie aussi de 20 à 70 % selon les équipes.
Pour ce qui concerne les traitements non médicamenteux à visée antalgique, le repos au lit
n’est pas recommandé et l’intérêt d’une contention lombaire reste à démontrer. Les massages et
la balnéothérapie peuvent être proposés pour leur effet antalgique à court terme, avec l’objectif
de pouvoir débuter plus tôt la rééducation. L’exercice est efficace à court terme dans le
traitement à visée antalgique. Les manipulations vertébrales peuvent être proposées pour leur
effet antalgique à court terme. Elles constituent un acte médical qui doit être précédé d’un bilan
clinique et paraclinique.
Enfin, il faut souligner ici que la place de la chirurgie dans le traitement de la lombalgie
chronique reste à définir. Au vu des recommandations de l’ANAES, il n’existe pas à ce jour
d’intérêt clairement démontré de l’arthrodèse dans la lombalgie chronique isolée et en l’état
actuel des connaissances les prothèses discales ne doivent pas être proposées.
Elle fait appel aux méthodes et techniques kinésithérapiques. Leurs objectifs sont la recherche
d’une action antalgique à court terme, le développement des capacités d’autosédation, le
renforcement de la musculature abdomino-lombaire, la rééducation de la mobilité lombaire et
pelvi-fémorale, l’amélioration de la proprioceptivité lombo-pelvienne et l’amélioration de la
condition physique générale. Les programmes d’exercices physiques à visée fonctionnelle
donnent des résultats positifs à court terme chez des patients motivés et observants. Il est
impossible de conclure sur l’éventuelle supériorité d’un type d’exercice par rapport à l’autre
(flexion ou extension). La preuve de l’efficacité des écoles du dos ne comportant qu’un
programme d’éducation n’est pas faite dans la lombalgie chronique. Par contre, les programmes
de reconditionnement à l’effort comportant des séances d’éducation et de conseils et surtout
des programmes de renforcement et d’étirement musculaires, donnent des résultats positifs à
long terme sur le plan fonctionnel et semblent favoriser la reprise des activités
socioprofessionnelles
140
6.7.5. Prise en charge de la composante psychologique
Elle peut faire appel aux traitements médicamenteux tels que les anxiolytiques ou les
antidépresseurs tricycliques ou sérotoninergiques en cas de contexte dépressif. Il faut signaler
que les antidépresseurs tricycliques exercent par ailleurs un effet antalgique modeste chez le
lombalgique. Des approches non médicamenteuses peuvent être proposées par le
psychothérapeute après un ou plusieurs entretiens : simple relaxation, thérapie
comportementale, approche psychiatrique ou approche psychothérapique d’inspiration
psychanalytique
La prise en charge d’un patient lombalgique nécessite une collaboration multidisciplinaire pour
répondre aux besoins de prévention, de traitement, et des démarches socio-professionnelles .
Le médecin de Travail se prononcera sur l’adéquation entre l’état de santé du patient et son
poste de travail par un avis d’aptitude individuel et un accès au milieu de travail.
La reprise d’une activité professionnelle doit être la plus précoce possible afin d’éviter
d’« enkyster » le patient dans sa maladie.
Il en résultera un prise en charge plus globale mettant en jeu des différents acteurs (assistantes
sociales, ergonomes, ingénieurs, employeurs).
141
Fin des indemnités
Arrêt de maladie Période de Traitement
journalières
ou AT
Visite de
Obligatoire si :
préreprise AT>8jours
arrêt maladies<21jour
Inapte au poste
Apte
Restrictions
Non
Poste aménagé licenciement
Maintien dans l’entreprise
Mi-temps
thérapeutique
Temps partiel
ANPE
Formation professionnelle
Formation spécifique
Travailleurs Handicapés
(COTOREP) COTOREP
Reclassement
ANPE
COTOREP
142
EN PRATIQUE
143
Lombalgie
Rx standard
± scintigraphie
Scanner VS, électro-
IRM phorèse
scintigraphie calcémie
cf. chapitre cf. chapitre PL pas d’examen phosphorémie Rx standard
144
Tableau XI : Eléments à retenir et à indiquer au malade, devant une lombalgie aiguë
• Les symptômes les plus intenses s’améliorent toujours considérablement en quelques jours.
Les symptômes les plus légers peuvent persister, éventuellement plusieurs mois.
• Le maintien d’une activité adaptée à la douleur doit être conseillé.
• La plupart des patients ont des récidives de leurs douleurs de temps en temps. Elles sont
habituelles et ne signifient pas une aggravation des lésions rachidiennes existantes ou
l’apparition d’une nouvelle pathologie.
• 10 % des patients ont des symptômes persistants un an après une lombalgie aiguë. La
plupart d’entre eux peuvent néanmoins reprendre leurs activités antérieures ; grâce à cela, ils se
sentent en meilleure santé, ont un meilleur moral et consomment moins de médicament contre
la douleur.
• Plus l’interruption de travail du fait de la lombalgie aiguë est prolongée, plus les chances de
reprise du travail sont faibles.
• Les douleurs lombaires n’augmentent pas en général avec l’âge.
145
Annexe II : Les recommandations et Références Médicales de l’ANAES
Les méthodes de masso-kinésithérapie dites à effet antalgique direct sont le plus souvent
perçues comme sédatives par le patient, notamment le massage et le réchauffement local. Il
n’existe cependant aucune preuve de leur efficacité durable dans le traitement de la lombalgie
chronique. (Ces méthodes) ne sont qu’adjuvantes et ne doivent donc pas résumer la séance de
masso-kinésithérapie.
Les soins de masso-kinésithérapie ne peuvent qu’être prescrits après une évaluation médicale
orientant vers des objectifs thérapeutiques précis et qui seront pris en compte dans
l’appréciation des résultats.
Mais au-delà, l’objectif est beaucoup plus global. Il cherche à améliorer la gestion de la douleur
et à diminuer le retentissement fonctionnel, conséquence directe de la lombalgie, sa
répercussion dans les actes de la vie courante qu’il s’agisse des activités quotidiennes
ordinaires, professionnelles, de loisirs, voire sportives.
Le choix de la méthode de rééducation dépend des données de l’évaluation médicale et du bilan
paramédical. Une notion importante est la position lombopelvienne qui habituellement aggrave
ou soulage la lombalgie (…).
Il n’existe pas suffisamment de preuves pour recommander un traitement de masso-
kinésithérapie dans la lombalgie aiguë. Il ne faut pas recommander un programme d’école du
dos dans la lombalgie aiguë.
Il existe suffisamment de preuves pour conseiller la prescription de masso-kinésithérapie dans la
lombalgie chronique. Quinze séances sont suffisantes pour juger du résultat de la masso-
kinésithérapie.
Le programme initial doit être poursuivi par une auto-rééducation. La prescription de courtes
séries de séances dans les mois ou les années qui suivent peut être justifiée.
Il n’existe pas suffisamment de preuves pour généraliser le principe des écoles du dos dans le
traitement de la lombalgie chronique en attendant de nouvelles évaluations.
Annexe III : diagnostic, prise en charge et suivi des malades atteints de lombaire
chronique (ANAES, décembre 2000). www.anaes.fr
146
Tableau récapitulatif des traitements et de leur efficacité dans la lombalgie chronique selon leur
grade de recommandation
147
antalgiques) (information du patient sur les
risques digestifs)
Acupuncture Douleur Efficacité non Peut être proposée
démontrée
Antidépresseurs Douleur Grade C Évaluer le bénéfice/risque avant
tricycliques prescription en dehors d'un
contexte de dépression
Infiltrations épidurales Douleur Grade B (mélange Ne doit pas être un traitement de
de corticoïdes lombalgies/lombos première intention
ciatiques)
Thermocoagulation de Douleur Grade B Ne doit pas être un traitement de
la branche médiale du (population première intention
rameau dorsal sélectionnée)
postérieur du nerf
spinal
Infiltrations intra- Douleur Grade C Ne doit pas être un traitement de
articulaires (population première intention
postérieures de sélectionnée)
corticoïdes
Antalgiques opioïdes Douleur Grade C Peuvent être envisagés au cas
(niveau III) par cas
Stimulation des zones Douleur Grade C Peut être proposée à visée
gâchettes antalgique. Place à
déterminer dans la prise en
charge des lombalgiques
Contention lombaire Douleur Non évaluée Peut être proposée.Ne doit pas
être un traitement de première
intention
Arthrodèse lombaire Douleur Non évaluée Indications exceptionnelles
Repos au lit Douleur Non évalué Non recommandé
148
CHAPITRE 9 (BIS)
TRAITEMENT PHYSIQUE DE LA LOMBALGIE
Les données fondées sur la preuve sont, en matière de traitement physique des
lombalgies, de qualité moyenne ; leur niveau de preuve ne dépasse pas le niveau II ; les
recommandations sont donc au plus du grade B. Ceci ne permet pas de mettre en œuvre une
politique de références médicales opposables éthiquement et concrètement acceptables. Il
s’agit donc de réfléchir à la situation de chaque patient en s’appuyant sur l’expérience
professionnelle des praticiens et en s’aidant les documents de recommandations.
I - LOMBALGIE AIGUE
Objectif 2 : savoir orienter le patient porteur d’une lombalgie aiguë vers une
thérapeutique manuelle ostéopathique :
• Les manipulations vertébrales sont le plus utiles lorsque le lumbago a une origine
articulaire postérieure (blocage de la charnière dorso-lombaire par mouvement en torsion à
partir d’un effort des membres supérieurs- classique lumbago qui vient d’en haut) ; dans les
lumbagos de l’insuffisance discale (épisode itératifs de blocage caractéristiques de la lombalgie
aiguë récidivante) il permet de libérer le malade de son blocage.
Il est formellement interdit de manipuler s’il existe des signes de souffrance nerveuse (irradiation
radiculaire, signes déficitaires à fortiori).
Les lombalgies aiguës d’origine musculaire (« torso pain » des anglo-saxons par contracture du
carré des lombes) sont améliorés par les techniques manuelles stéopathiques non
manipulatives (par exemple techniques des tissus mous de type myotensif).
II – LOMBALGIE CHRONIQUE
149
Objectif 3 : connaître les objectifs du traitement physique de la lombalgie chronique
• Les orthèses lombaires ont peu d’indications dans les situations chroniques. Elles
peuvent être utiles chez certains douloureux importants calmés par l’immobilisation segmentaire
; pour tester l’intérêt d’une chirurgie de stabilisation vertébrale (arthrodèse). Dans les activités
de la vie quotidienne, du lombalgique chronique, un lombostat avec baleines peut aider à éviter
certains gestes agressifs (effet de rappel).
• L'école du dos est l'endroit privilégié pour expliquer au patient les raisons de sa douleur
lombaire et comment la prendre en charge ; elle s'adresse à tous les lombalgiques ; ils doivent
assimiler et mettre en pratique les règles d'hygiène orthopédique et d'économie articulaire
exposées dans le cadre de l'éducation gestuelle et posturale qui complète l'information sur la
150
lombalgie et l'éducation gymnique. Les écoles du dos ne sont véritablement efficaces que si
elles mettent en œuvre une véritable gymnique efficiente et effective destinée à obtenir un
renforcement musculaire. Elles offrent également un utile lieu et temps de parole qui contribue à
dédramatiser une situation durement ressentie par bien des patients.
• La crénothérapie a démontré, par des études contrôlées, son efficacité pour diminuer la
douleur et la consommation médicamenteuse, accroître la souplesse rachidienne et les
capacités fonctionnelles du lombalgique chronique.
151
CHAPITRE 10
LES AUTRES DOULEURS CHRONIQUES NON CANCEREUSES
(FIBROMYALGIE, ALGODYSTROPHIE, DOULEUR PERI-ORIFICIELLE)
1. La fibromyalgie 149
1.1 Physiopathologie
1.2 Signes cliniques 151
1.3 Examen clinique et diagnostic différentiel
1.4 Traitement 152
I – LA FIBROMYALGIE
1.1. Physiopathologie
152
1.1.1. Hypothèses en faveur d’une anomalie organique
Des anomalies musculaires, après biopsie, ont été décrites par certains auteurs :
hypertrophie des mitochondries, hypoxie musculaire, modification du rapport ATP/ADP,
anomalies enzymatiques. D’autres travaux ont contredit ces publications.
Des infections chroniques par virus EBV ont été retrouvées chez des fibrinolytiques mais,
dans d’autres études, la prévalence de l’EBV est identique à celle d’une population témoin.
Si les troubles anxieux (phobies, attaques de panique, anxiété généralisée) sont notés
chez près de 50 % des fibrinolytiques, les douleurs anxieuses sont souvent diffuses, migratoires,
rarement fixes, précises et continues comme dans la fibromyalgie. De plus, les tranquillisants
sont inefficaces et les antidépresseurs ne le sont que transitoirement.
En fait, des anomalies des amines cérébrales pourraient faire le lien entre affection
organique et terrain psychiatrique : plusieurs équipes ont signalé une déplétion de la sérotonine,
un taux élevé de noramidopyrine, une diminution des endorphines cérébrales.
153
1.2. Présentation de la fibromyalgie : signes cliniques
Il s’agit le plus souvent de patientes qui disent avoir « mal partout, depuis toujours » ;
parfois, la douleur est plus récente et la malade se souvient qu’elle a pu être déclenchée par un
traumatisme psychologique.
Dans 30 % des cas, la maladie commence dès l’enfance, le plus souvent les premiers
souvent les premiers signes apparaissent vers 25-30 ans. L’évolution est en règle générale
désespérément chronique.
L’examen clinique et les examens paracliniques auront pour but essentiel d’écarter une
affection pouvant entraîner des douleurs arthromusculaires, diffuses, identiques à celles du
SPID.
154
D’autres affections peuvent tout à fait mimer une fibromyalgie primitive et doivent être
formellement écartées : il s’agit des polyalgies des porteurs du virus C de l’hépatite,
d’arthralgies ou de myalgies du syndrome de Gougerot Sjögren, de l’asthénie, des douleurs
polyenthésopathiques et rachidiennes, de l’hypophosphorémie modérée, secondaire à un
diabète phosphoré, de l’hypothyroïdie et même des thyroïdites sans troubles hormonaux, des
douleurs induites par la prise d’hypocholestérolémiants : Fibrates ou Statines.
Outre l’examen clinique, LE BILAN comprendra donc une VS, une CRP, un dosage des
enzymes musculaires, dosage des hormones thyroïdiennes (T4 libre, TSH), un dosage de la
phorphorémie, un test de Schirmer et un test à la compresse, un dosage des anticorps anti-
nucléaires et des facteurs rhumatoïdes.
1.4. Traitement
Il faut tout d’abord convaincre le patient que l’on connaît son diagnostic, qu’il ne s’agit
pas d’une maladie grave mais plutôt d’un état qui peut être chronique. Il faut lui faire comprendre
l’importance de sa participation au traitement. Il faut, en particulier, lui expliquer que la
fibromyalgie met en cause des mécanismes de la douleur d’origine centrale, probablement liés
aux anomalies de sécrétion de la sérotonine, sur laquelle peuvent agir certains antidépresseurs
à faible dose.
155
2.1. Physiopathologie
Les radiographies sont assez typiques, mais les signes apparaissent de façon
retardée, 15 jours à 3 semaines après le début des signes cliniques. Il s’agit d’une
déminéralisation hétérogène, pommelée. A la hanche, un flou des contours peut être noté ; mais
l’interligne articulaire est toujours respectée, intact et de même hauteur que celui de l’articulation
controlatérale. Cette déminéralisation pourra persister des années, voire définitivement, à titre
de séquelle radiologique, alors que la guérison clinique est depuis longtemps acquise. Les
radiographies doivent toujours être comparatives, comprenant les 2 articulations symétriques
sur un même film.
156
La scintigraphie est l’examen de référence pour le diagnostic d’algodystrophie. Les
signes sont plus précoces que les anomalies radiographiques : il existe une hyper fixation,
globale, diffuse, de l’articulation concernée. Cette hyperfixation concerne souvent les
articulations sus et sous-jacentes, même si celles-ci sont indemnes cliniquement et radio
logiquement. La scintigraphie est un examen non spécifique. Des fixations identiques peuvent
se voir dans une arthrite inflammatoire, ou dans d’autres maladies osseuses. Le caractère diffus
de l’hyperfixation, son extension aux autres articulations est toutefois assez caractéristique de
l’algodystrophie. Dans certaines algodystrophies en phase froide, et surtout chez l’enfant, on
peut noter une hypofixation scintigraphique.
La phase chaude peut faire évoquer une arthrite septique ou une arthrite inflammatoire
mais il n’existe pas de fièvre, pas d’altération de l’état général, pas d’adénopathie dans le
territoire drainant l’articulation concernée. De même, les examens biologiques demandés
systématiquement sont négatifs : la VS et la CRP sont normales ainsi que l’électrophorèse des
protides. S’il existe un épanchement articulaire, l’articulation sera ponctionnée, dans le but
d’éliminer une arthrite septique, ou une arthrite inflammatoire. Le liquide articulaire sera de type
mécanique, paucicellulaire. Enfin, radio logiquement, même quand il existe une importante
déminéralisation sous-chondrale, l’interligne articulaire est toujours respecté contrairement à
une arthrite septique dans laquelle le pincement est précoce.
Il est classique d’affirmer au malade qu’il guérira toujours, cela le rassure ; toutefois, de
façon exceptionnelle, l’algodystrophie peut être grave entraînant des troubles trophiques et une
raideur articulaire majeurs incompatibles avec une fonction correcte du membre. Plus
couramment, de discrètes séquelles peuvent persister longtemps, à la main ou au pied en
particulier.
157
2.5.3. Formes extensives (localisations successives)
Il est classique de dire qu’une articulation ne peut être touchée qu’une seule fois par
l’algodystrophie.
158
2.6. Traitement
Les alpha-bloquants, les béta-bloquants par voie générale, la griséofulvine sont inutiles :
leur effet bénéfique n’ayant jamais été démontré.
Il faut dire au malade qu’il s’agit d’une affection bénigne qui guérit toujours et administrer
au besoin des antidépresseurs ou des anxiolytiques.
S’il existe une ostéomalacie ou une ostéoporose sous-jacentes, leur traitement permet
d’améliorer l’algodystrophie et évite les récidives.
159
CHAPITRE 11
LES DOULEURS AIGUES (POST-OPERATOIRES – URGENCES)
DELPHINE KERN
Plan du Chapitre
1. Introduction 157
2. Médicaments antalgiques
2.1 Antalgiques non opiacés 158
2.2 Antalgiques opiacés 159
Anesthésiques locaux 160
I - INTRODUCTION
La douleur aiguë postopératoire est une source d’inconfort majeur pour les patients. Mais en
plus, la douleur aiguë a des conséquences neuroendocriniennes, respiratoires et
cardiovasculaires qui peuvent être responsables de décompensation d’une pathologie
préexistante et aggraver la morbidité et la mortalité postopératoire. Ceci justifie pleinement une
prise en charge agressive et efficace de ce symptôme pour en limiter les conséquences
néfastes. Permettre au patient de tousser, respirer et de se déplacer normalement n’est pas
seulement un traitement de confort, cela fait partie des soins périopératoires aussi
fondamentaux que les pansements de la plaie chirurgicale ou que la prévention de la maladie
thromboembolique pour minimiser la morbidité postopératoire.
II - MEDICAMENTS ANTALGIQUES
Points importants :
• On utilise des médicaments non opiacés, des opiacés, et des anesthésiques locaux
• Il faut utiliser ces différents médicaments en association pour obtenir une analgésie
efficace tout en limitant les risques toxiques propres à chacun.
160
2.1.1. Paracétamol
Premier choix systématique du fait de l’absence d’effet secondaire (sauf allergie –très rare-, ou
insuffisance hépatique évoluée). Effet analgésique et antipyrétique (idem aspirine) sans effet
anti-inflammatoire ni gastrotoxique.
Forme IV (Perfalgan) et formes orales (doliprane, dafalgan, etc…)
Posologie :
• Perfalgan(=paracétamol) : (1g dans 100 ml de G5% en 15 min) toutes les 6
heures
• Paracétamol per os : 1g toutes les 6 heures
Efficace seul pour les douleurs faibles à modérées. A associer aux morphiniques
insuffisant.
Certaines présentations contiennent du paracétamol associé à un dérivé
morphinique :
Diantalvic : paracétamol (400 mg) + dextropropoxyphène (30 mg) ; 1-2 cp 3 à 4 fois
/jour
• Efferalgan codéiné : paracétamol (500 mg) + codéine (30 mg), 1-2 cp 3 à 4 fois
/jour
Peuvent être utilisés de première intention ou en relais des morphiniques. Les doses de
morphiniques contenues dans ces préparations n’exposent pas à des dépressions respiratoires,
sauf surdosage (association à de la morphine) ou terrain particulier (insuffisant respiratoire
chronique).
Posologies :
• Profénid (Ketoprofène) : 100-200 mg/ jour (voie IV ou orale)
• Voltarène (Diclofénac) : 75-150 mg/jour (voie IV ou orale)
Effets secondaires :
• Ulcères gastro-duodénaux et gastrites (contre-indiqués si antécédent de maladie
ulcéreuse ou de gastrite)
• Toxicité tubulaire rénale (à éviter chez tous les sujets à haut risque d’aggravation
de la fonction rénale : insuffisant rénaux, diabétiques, hypertendus, sujets âgés >
70 ans)
• Risque accru de bronchospasme chez les asthmatiques
• Effet anti-agrégant plaquettaire à prendre en compte si haut risque de saignement
post-opératoire.
• Acupan (Néfopam)
Antalgique d’action centrale, volontiers utilisé à la place des AINS quand ceux-ci sont contre-
indiqués.
Posologie : (20 mg en 1heure minimum) x 4 /jour, ou en continu sur 24 heures à la seringue
électrique pour limiter les effets secondaires.
Effets secondaires : malaises avec nausées, sueurs et tachycardie
161
• Catapressan (Clonidine)
Alpha-2 agoniste agissant au niveau central (corne postérieure de la moelle notamment). Parfois
utilisé en intraveineux en combinaison avec les agents d’anesthésie générale. Très souvent
utilisé en anesthésie loco-régionale, associé aux anesthésiques locaux ou aux opiacés dans les
blocs rachidiens ou tronculaires pour en potentialiser et en prolonger l’effet.
Agissent en se fixant aux différents récepteurs aux morphiniques, notamment µ et κ, qui sont
responsables de l’analgésie, la dépression respiratoire, du myosis, de la tolérance et de la
dépendance.
3) Mode PCA : ce mode consiste à programmer une pompe spéciale prévue pour délivrer des
bolus IV (1 mg, par exemple) toutes les 5 à 10 minutes, sans dépasser un plafond par période
de 4 heures ( par ex : 26 ou 30 mg/ 4 Heures). Outre qu’il faut disposer du matériel,
l’administration de la morphine par pompe PCA dans les étages d’hospitalisation implique une
formation spécifique des infirmières au maniement de la pompe mais surtout à la surveillance et
au dépistage des surdosages en morphine. Initialement (12 premières heures) la surveillance de
la fréquence respiratoire doit être HORAIRE.
162
Le surdosage en morphine se caractérise par une dépression respiratoire (FR < 8/min).
Une telle bradypnée impose le recours à l’injection de Naloxone – antagoniste des morphiniques
- (Narcan) 0.2-0.4 mg IV et une oxygénothérapie nasale pour assurer une saturation
périphérique en O2 proche de 100%. Les doses de morphine doivent être réduites chez le
vieillard, l’insuffisant respiratoire et l’insuffisant rénal. Ces terrains particuliers justifient toujours
des séjours prolongés en SSPI pour vérifier la bonne tolérance du traitement.
Divers anesthésiques locaux sont employés lors des anesthésies loco-régionales (ALF),
par exemple, dans des blocs nerveux tronculaires ou médullaires (par voie péridurale ou
intrathécale) dans le cadre de l’analgésie postopératoire.
• La lidocaïne
• La bupivacaïne
• La ropivacaïne
Ils peuvent être utilisés seuls ou en association entre eux ou avec des opiacés ou de la
clonidine. Leur usage est du domaine quasi exclusif du médecin anesthésiste-réanimateur
(apprentissage des techniques d’anesthésie loco-régionale). La qualité de l’analgésie obtenue
par les ALR est excellente et la diffusion de plus en plus large de ces techniques est un progrès
majeur de ces dernières années.
163
CHAPITRE 12
LES PRINCIPES D’ORGANISATION DE LA PRISE EN CHARGE
PLURIDISCIPLINAIRE D’UN PATIENT DOULOUREUX CHRONIQUE
LES STRUCTURES DE SOINS
Yves Lazorthes
I – LE CONCEPT PLURIDISCIPLINAIRE
Leur origine est contemporaine du concept de « douleur maladie » proposé par René
Leriche. On lui reconnaît d’avoir imaginé, dès 1940, l’organisation de structures de soins
spécialisées qui prendraient en charge ces douleurs jusqu’alors insuffisamment soignées. C’est
en fait au décours de la deuxième guerre mondiale qu’un anesthésiste de l’Université de
Washington Seattle, John Bonica, fonda la première équipe pluridisciplinaire dans la lutte contre
la douleur et ainsi créa la première clinique de la douleur ou « Pain Clinic ». Il faudra attendre
les années 70 pour assister au réel développement de ces centres qui sont aujourd’hui plusieurs
centaines aux Etats-Unis et environ 200 en Europe. La Société Internationale pour l’Etude de la
Douleur en a défini les modalités de fonctionnement selon un concept pluridisciplinaire.
164
En France, les structures « douleur » se sont développées progressivement à partir de la
fin des années 70, sous l’impulsion de quelques médecins pionniers. Jusque-là, la
reconnaissance de l’entité douleur chronique n’était pas validée et la notion de pluridisciplinarité
inexistante. Rares étaient les médecins somaticiens et les psychiatres qui collaboraient dans la
prise en charge de ces patients.
Au-delà des structures et des moyens nouveaux, la conséquence la plus importante est
le changement de comportement de tous les soignants vis-à-vis de la douleur, aiguë et
chronique. La médecine moderne, souvent de très haute technicité, a retrouvé ainsi sa
dimension humaine.
Sur le plan administratif, des groupes d’experts réunis en 1995 par l’ANAES ont défini
des critères qui servent de base à la reconnaissance et à l’organisation des structures
d’évaluation et de traitement de la douleur. Les Agences Régionales de l’Hospitalisation (ARH)
ont eu pour mission d’identifier les structures répondant à ces critères. Leur liste établie en 1998
est évolutive ; elle peut être consultée sur le site Internet du Ministère (www.sante.gouv.fr).
Toutes ces recommandations (cf. encart) ont largement été reprises dans les deux plans
triennaux successifs (1998-2000 et 2002-2005) de lutte contre la douleur mis en place par le
gouvernement, reconnaissant ainsi qu’il s’agit d’une priorité de santé publique.
165
1. Les structures d’évaluation et de traitement de la douleur interviendront de façon trans-
versale dans un établissement de soins, c’est-à-dire en collaboration et auprès de tous les
services, à leur demande. Il s’agit d’assurer un rôle de référent, apportant surtout un
soutien et une aide (conseils, consultations, formation) aux équipes hospitalières et non
hospitalières, et pour une part plus limitée prenant en charge personnellement certains
patients qui lui sont adressés (hospitalisation).
2. Le rôle pédagogique de ces structures est à souligner. Il concerne, entre autres, le
personnel médical, le personnel soignant, les patients et leur famille, en interne et en
externe à l’établissement de soins.
3. La prise en charge de la douleur chronique rebelle présente des aspects spécifiques :
consultation de longue durée, consultations pluridisciplinaires, consultations non
répertoriées d’intervenants non médicaux (infirmière, psychologue, assistante sociale,
ergothérapeute …), actes particuliers (neurostimulation). La cotation à l’acte, telle que
prévue à la nomenclature générale des actes professionnels, ne peut s’appliquer. La
rémunération ne pourrait être envisagée que sous une forme adaptée ainsi qu’il en est
pour les équipes pluridisciplinaires faisant intervenir plusieurs professionnels (cotation
spécifique, fordait de soins, etc …).
4. Quel que soit le type de structure d’évaluation et de traitement de la douleur existant au
sein d’une région, celle-ci doit développer son rôle de communication (sur ce qu’elle fit et
aussi sur ce qui peut être fait d’ailleurs pour une pathologie qu’elle ne prendrait pas en
charge) auprès des médecins libéraux, des établissements de santé et des patients. Cette
recommandation sera renforcée durant ces dernières années par la mise en place des
réseaux de soins.
5. Il est souhaitable que l’organisation d’une structure de la douleur soit fondée sur une
démarche d’évaluation et d’amélioration continue de la qualité des soins.
6. Le coordinateur d’une structure d’évaluation et de traitement de la douleur doit avoir une
formation spécifique. Initialement, il s’agissait d’une formation complémentaire non
qualifiante délivrée dans le cadre d’un Diplôme d’Université (Diplôme inter-universitaire
d’Evaluation et de Traitement de la Douleur). Plus récemment, depuis 1997, il s’agit d’un
diplôme national qualifiant, donnant une compétence spécifique, délivré par les
Universités habilitées sous la forme d’une Capacité en Médecine d’Evaluation et de
Traitement de la Douleur qui se déroule sur 2 ans. En 1999, une Commission Nationale
mixte des Collèges des Enseignants Universitaires et des Médecins de la Douleur a
délivré des équivalences sur dossiers en tenant largement compte des activités
professionnelles antérieures. Dans toutes les structures d’évaluation et de traitement de la
douleur, une formation qualifiante du personnel soignant (y compris les psychiatres) sous
la forme d’une Capacité en Médecine est recommandée.
7. Le rôle du personnel soignant non médical est à souligner dans ces structures. Dans
cet objectif, des Diplômes d’Université de formation des professionnels de santé à la prise
en charge de la douleur ont été mis en place dans plusieurs Universités (durée de
formation : 1 an).
8. La répartition géographique n’est pas un critère opérationnel pour le développement de
centres d’évaluation et de traitement de la douleur. L’initiative locale, les compétences
existantes et la volonté de développement de structures d’évaluation et de traitement de la
douleur sont des facteurs plus importants.
9. Les structures prenant en charge majoritairement une population très spécifique
(enfants, candéreux, etc …) doivent avoir au moins un spécialiste correspondant à cette
particularité (pédiatre, oncologue, etc …) et formé à la prise en charge de la douleur. En
particulier, tout centre anti-cancéreux doit disposer d’un centre ou d’une unité d’évaluation
et de traitement de la douleur (circulaire DGS/DH n° 98/213 du 24 mars 1998).
166
III – LES DIFFERENTS TYPES DE STRUCTURES D’EVALUATION ET DE
TRAITEMENT DE LA DOULEUR
3) Centre d’Evaluation et de Traitement de la Douleur. Les centres sont insérés dans des
structures hospitalo-universitaires ou hospitalières liées à une université, ayant une triple
mission de soins, de recherche et d’enseignement. Ils regroupent des cliniciens
spécialisés, des enseignants chercheurs, éventuellement des scientifiques, et permettent
ainsi d’aborder conjointement la prise en charge des malades, la formation des médecins
et du personnel soignant et les différents aspects de la recherche médicale clinique et
fondamentale. Ces structures ont à leur disposition des locaux de consultation, accèdent
à des laboratoires d’exploration et comportent un secteur propre d’hospitalisation ou
disposent d’un accès permanent à des lits d’hospitalisation spécifiques à l’évaluation et
au traitement de la douleur.
167
STRUCTURES
D’EVALUATION CONSULTATION UNITE CENTRE
ET DE TRAITEMENT
DE LA DOULEUR
168
IV – PRINCIPES D’ORGANISATION D’UNE STRUCTURE D’EVALUATION ET DE
TRAITEMENT DE LA DOULEUR
Pour traiter au mieux les patients souffrant de douleur chronique rebelle, le principe
d’une organisation et d’un fonctionnement pluridisciplinaire ne paraît plus aujourd’hui contesté.
L’approche pluridisciplinaire nécessite des réunions de synthèse et ne saurait se limiter à la
simple intervention juxtaposée de spécialistes différents. Toute structure d’évaluation et de
traitement de la douleur chronique rebelle doit donc assurer un véritable fonctionnement en
équipe avec réunion de synthèse, doit disposer de locaux spécifiques et organiser le
recrutement des malades souffrant de douleurs chroniques rebelles.
Dans tous les types de structures d’évaluation et de traitement de la douleur, une équipe
mobile pluridisciplinaire peut prendre en charge des malades souffrant de douleurs chroniques
rebelles. Elle intervient, selon le même modèle d’organisation que les équipes mobiles de soins
palliatifs, par le biais de consultations externes et internes, à la demande des services, sans se
substituer nécessairement à eux dans les prescriptions. Cela est particulièrement vrai dans le
domaine des douleurs d’origine cancéreuse car il existe une communauté d’action entre soins
palliatifs et prise en charge de la douleur. Ces deux activités ne sont pas indépendantes.
169
Toutes les structures doivent être en mesure de mettre en œuvre des procédures
d’évaluation des soins. Cette évaluation de l’activité de soins serait avant tout une évaluation
médicale mais aussi socio-économique. L’équipe doit être apte à évaluer et à traiter aussi la
composante physique que la composante psychologique de la douleur concernée. Le fait que
des structures soient orientées vers un syndrome particulier (céphalée, lombalgie, douleur du
cancer …) ne remet pas en question le concept de pluridisciplinarité. La prise en charge médico-
psychologique effectuée par le somaticien et le psychiatre doit être fonction des différentes
problématiques physiques et psychiques présentées par le patient.
V – CONCLUSION
L’objectif des structures spécialisées de la douleur n’est pas de faire double emploi avec
les structures hospitalières existantes. La règle est d’accepter des malades adressés par des
confrères pour des douleurs chroniques rebelles et munis d’un dossier aussi complet que
possible.
Un dossier type spécifique « douleur » doit être mis en place dans la structure, il doit
comporter :
Enfin, soulignons que, ces dernières années, il a été demandé aux structures spécifiques pour
la lutte contre la douleur chronique de s’intégrer harmonieusement dans l’ensemble du dispositif
de soins, quel que soit le niveau géographique, c’est-à-dire au sein de l’établissement, sur le
plan département et régional. Les équipes mobiles pluridisciplinaires doivent pouvoir intervenir à
la demande des services de l’établissement du patient pour permettre à l’équipe de soins du
service concerné d’assurer la continuité de la prise en charge de la douleur du patient. Elles
auront aussi pour mission d’assurer des sessions de formation interne dans les établissements
ne disposant pas de structure spécifique. Ces équipes mobiles « ressources » ont pour mission
d’intervenir dans le cadre d’un réseau départemental.
170
Le bilan de ces 30 dernières années est nettement positif en ce qui concerne
l’organisation des structures de traitement de la douleur selon le concept d’une prise en charge
multidisciplinaire. La diffusion des connaissances sur la douleur dès la formation initiale de tous
les étudiants en médecine, l’organisation de réseaux de soins entre médecins de ville et
structure hospitalière spécialisée ont permis une prise en charge plus précoce et appropriée de
la douleur dans la majorité des cas. Cependant, les acquis restent fragiles, les délais de prise en
charge toujours trop longs et les conditions de suivi encore insuffisantes. L’avenir sera dicté par
la pérennité des choix en matière de politique de santé, ainsi que par les moyens accordés dans
ce domaine aux structures hospitalières spécifiques, notamment en terme de ressources
humaines.
171
CHAPITRE 13
ANESTHESIE LOCALE, LOCO-REGIONALE ET GENERALE
1. Définition et historique
2. Mécanismes d’action et facteurs conditionnant l’activité anesthésique
2.1. Mécanismes d’action
2.2. Facteurs modifiant l’activité des AL 171
3. Les autres propriétés pharmacodynamiques
3.1. Effets sur le système nerveux central
3.2. Les effets cardiovasculaires 172
4. Propriétés pharmacocinétiques
4.1. Résorption 173
4.2. La demi-vie plasmatique
4.3. Métabolisme
5. Les effets secondaires
5.1. Les réactions allergiques
5.2. La nécrose 174
5.3. L’infection
5.4. Les effets indésirables liés à la présence de vasoconstricteurs
5.5. La toxicité aiguë et le surdosage
6. Conclusion
172
Jean-Michel Senard et P. Verwaerde
1. DEFINITION ET HISTORIQUE
Un anesthésique local (AL) se définit comme une substance qui appliquée au contact du
tissu nerveux possède la capacité de bloquer la conduction axonale. Au niveau moléculaire ces
médicaments agissent en ralentissant la vitesse de dépolarisation des fibres nerveuses et
l’entrée de sodium. Il s’agit d’une propriété fondamentale partagée avec d’autres médicaments
tels que certains anti-arythmiques et certains médicaments anti-convulsivants. Ce mécanisme
commun explique que les AL aient des applications en cardiologie (traitement des troubles du
rythme) mais aussi leurs effets indésirables parfois graves au niveau du système nerveux
central (voir plus loin).
Historiquement le premier anesthésique local fut la cocaïne utilisée par Koller en 1884 en
instillation dans le cul de sac conjonctival. Si la cocaïne, qui est un ester de l’acide benzoïque,
n’est plus utilisée comme anesthésique local, la modification de la structure de l’acide benzoïque
a donné naissance à de nombreux médicaments que l’on classe souvent en fonction de leurs
particularités chimiques en dérivés esters, éthers ou amides. Le Tableau 1 résume les
spécialités disponibles en France ainsi que le cadre général de leur utilisation (pour le détail des
indications et le mode d’administration, consulter le dictionnaire Vidal).
Les AL agissent sur toutes les cellules excitables polarisées musculaires ou nerveuses
ce qui explique leurs effets latéraux centraux et cardiaques. Au niveau cellulaire, ils ne modifient
pas le potentiel de repos mais diminuent la vitesse de dépolarisation surtout à sa phase initiale
(dépolarisation lente) augmentant ainsi le délai nécessaire pur atteindre la valeur seuil de
dépolarisation. Ces médicaments ralentissent également la vitesse de repolarisation et
prolongent donc la durée de la période réfractaire. On décrit parfois leur effet comme une action
stabilisatrice de la membrane cellulaire.
173
2.2.1. La structure chimique :
Bien que possédant tous un squelette moléculaire identique formé d’un noyau
aromatique lipophile et d’une fonction amine terminale, les AL diffèrent par une chaîne
intermédiaire de longueur variable et porteuse d’une fonction ester, éther ou amide.
La longueur de la chaîne intermédiaire est en relation avec l’activité pharmacologique. La
présence d’un radical butyl sur le noyau benzénique (tétracaïne) ou sur la fonction amine
(bupivacaïne) améliore la liposolubilité et donc raccourcit le délai d’action. Elle augmente
également la liaison aux protéines ce qui va de pair avec une activité intrinsèque plus marquée
et une durée d’action prolongée.
Les AL sont des bases faibles. Seule leur fraction non ionisée est susceptible de franchir
les membranes cellulaires alors que la fraction ionisée est celle qui agira sur le canal sodique.
Ainsi de faibles variations du pH plasmatique, et en particulier l’acidose, sont susceptibles de
modifier le degré d’ionisation et donc l’activité pharmacologique.
Au niveau neuronal, le bloc de conduction induit par les AL intéresse toutes les fibres
qu ‘elles soient sensorielles, sensitives, motrices ou autonomes. Cependant, les fibres les plus
fines sont les plus sensibles à leur action : les AL affectent d’abord les fibres amyéliniques
(fibres C) et en dernier lieu les fibres de gros calibre fortement myélinisées.
La progression de l’anesthésie des régions proximales vers les régions distales et la
levée de l’anesthésie en sens inverse s’expliquent par l’organisation des fibres à l’intérieur du
tronc nerveux : les fibres à destinée proximales sont situées à la périphérie du nerf.
174
• A concentrations moyennes, apparaît une agitation psychomotrice, frissons,
tremblements des extrémités. On peut également observer des convulsions surtout en cas
d’hypercapnie et d’acidose respiratoire en raison d’une plus forte diffusion tissulaire du
médicament AL dans ces conditions.
• A fortes concentrations, les AL dépriment l’activité du SNC avec sédation, troubles de la
conscience et dépression respiratoire.
Ils peuvent s’observer avec tous les AL en cas de diffusion systémique notable. Les effets
cardiaques sont parfois recherchés avec la lidocaïne du fait de ses indications en cardiologie.
4. PROPRIETES PHARMACOCINETIQUES
4.1. Résorption
Bien qu’utilisés en le plus souvent administration locale (seule la lidocaïne est employée par
voie intraveineuse en cardiologie), les AL ont tous tendance à diffuser à partir de leur point
d’application. L’importance et la vitesse de la résorption dépend de la vascularisation du tissu.
Ainsi, après une application sur une muqueuse richement vascularisée (pharyngée ou
respiratoire) les concentrations plasmatiques obtenues peuvent être identiques à celles
observées après un injection intraveineuse. Cette diffusion non recherchée explique les effets
indésirables prévisibles cardiaques et sur le système nerveux central (voir plus haut).
On peut réduire l’importance de la diffusion systémique et les effets indésirables à
distance par l’addition à la préparation d’un vasoconstricteur comme l’adrénaline. De plus la
vasoconstriction prolonge la durée d’action de l’AL en en augmentant la rémanence du composé
sur son site d’action. La présence d’adrénaline explique le profil d’effets indésirables et les
contre-indications particuliers à ces spécialités.
175
Elle est très variable mais en général brève. La connaissance de ce paramètre est de
peu d’intérêt en pratique quotidienne car il n’est pas relié à la durée de l’effet qui dépend de la
nature du tissu où est administré le médicament mais aussi de l’utilisation simultanée
d’adrénaline.
4.3. Métabolisme
4.3.1. Les esters (procaïne, tétracaïne) sont hydrolysés au niveau du plasma par
les pseudo-cholinestéases et donnent naissance à l’acide para-aminobenzoïque qui est
sans doute à l’origine des réactions allergiques aux AL (voir effets indésirables).
4.3.2. Les amides (lidocaïne) sont métabolisés par les amidases du foie.
L’insuffisance hépatique mais aussi certains médicaments (propranolol…)
s’accompagnent d’un allongement parfois considérable de la 1/2 vie et d’une
prolongation des effets pharmacologiques.
Leur prévalence est difficile à préciser et elles peuvent être liées à l’AL ou aux
conservateurs utilisés dans les préparations contenant de l’adrénaline (sulfites). La survenue
d’un accident allergique doit être prise en compte et signalée sur le dossier médical du patient
de façon à prévenir toute réadministration ultérieure de la même préparation ou d’un autre AL
appartenant à la même famille chimique (voir Tableau 1).
5.2. La nécrose
Elle découle toujours d’une erreur technique lors de l’administration dans une région
dépourvue de circulation collatérale (œil, doigt, verge). L’utilisation de formes pharmaceutiques
contenant un vasoconstricteur dans ces régions dont être proscrite.
5.3. L’infection
176
Comme pour la nécrose, elle est le fait d’une erreur technique et du non respect des
règles d’aseptie.
Ils découlent des effets cardiovasculaires induits par le vasoconstricteur. Ceci explique la
contre-indication d’utilisation des AL en cas d’insuffisance coronaire, d’HTA sévère ou de
cardiomyopathie obstructive. Pour les mêmes raisons les AL ne doivent pas être utilisés en
infiltration locale au niveau des doigts ou de la verge.
6. CONCLUSION
• Le mécanisme d’action des AL ne leur est pas spécifique. Il se retrouve avec les
anti-arythmiques de classe I et certains médicaments anti-convulsivants. Cette
parenté de mécanisme d’action explique l’utilisation de ces médicaments en
Cardiologie, en Neurologie mais aussi dans le traitement de la douleur (voir également
« traitement des douleurs neuropathiques) ;
177
DCI famille chimique Spécialités* Vasoconstricteur
Rachianesthésie
Tableau 1 : Anesthésiques locaux (Vidal 2002). Les médicaments sont classés en fonction de
leur modalité d’utilisation (les modalités pratiques et techniques de l’utilisation de ces formes
pourra être consulté ailleurs). Le tableau présente également les spécialités contenant de la
lidocaïne à visée anti-arythmique utilisées en Cardiologie. La famille à laquelle appartiennent les
divers médicaments est signalée pour rappeler l’importance de ces substituions dans la
survenue des réactions allergiques et la contre-indication d’utilisation d’un AL de la même
famille chez un patient ayant un antécédent allergique avec l’un de ces composés.
178
II - ANESTHESIE LOCALE ET LOCO-REGIONALE
Kamran Samii
1. INTRODUCTION
2. UTILISATION DES AL
2.1. Définition
Ce sont des amines tertiaires rattachées à un noyau aromatique par une chaîne intermédiaire.
Chacun est défini par un pKa et un caractère lipophile.
Aminoesters (ex : cocaïne, procaïne, chloroprocaïne, tétracaïne)
Aminoamides (ex : lidocaïne, prilocaïne, mépivacaïne, étidocaïne, bupivacaïne, ropivacaïne)
Elle est responsable des nombreuses précautions à prendre lors de la réalisation d’une
anesthésie locorégionale. Elle est d’une part systémique (après injection intravasculaire
accidentelle ou résorption vasculaire importante) et d’autre part locale.
Elle concerne les fibres nerveuses au contact de l’AL. La dilution des solutions utilisées est telle
que cette toxicité a peu de répercussion clinique. Un contact prolongé et à de fortes
concentrations d’AL peut provoquer des lésions histologiques irréversibles.
• Toxicité systémique des AL (se voit lors d’une injection intraveineuse accidentelle
de fortes doses d’AL) :
179
toxicité du SNC :
Cliniquement, elle se traduit d’abord par une somnolence ou une sensation
ébrieuse, des céphalées, des acouphènes, une logorrhée, un goût métallique dans
la bouche et des paresthésies péribuccales, ensuite par des tremblements et enfin
par des convulsions généralisées (type tonico-cloniques).
Le tableau dépend de la rapidité et du niveau de concentration cérébrale en AL
c’est à dire de la vitesse d’injection et de la quantité du produit administré
(concentration et volume de la solution injectée).
toxicité cardiaque :
Elle est aussi dose-dépendante.
Les AL sont chronotropes négatifs (bradycardie sévère) et dromotropes négatifs
(BAV, blocs de conduction avec TV et FV).
allergies :
Elles concernent les aminoesters car ils sont des dérivés de l’acide
βaminobenzoïque. Par contre les solutions des aminoamides contiennent un
conservateur chimiquement proche de l’acide βaminobenzoïque pouvant aussi être
allergisant.
Tout AL peut être injecté en intradermique ou en sous-cutané. L’effet est alors immédiat
et de durée dépendante de l’AL choisi (lidocaïne (Xylocaïne®) : 30 à 60 minutes, bupivacaïne
(Marcaïne®) : 120 à 240 minutes). Le volume injecté dépend de la surface chirurgicale à
anesthésier mais il faut toujours respecter les doses maximales autorisées (lidocaïne : 400 mg,
bupivacaïne : 150 mg).
Cutanée, elle est assurée par une crème EMLA appliquée pendant 90 minutes au
moins avant le geste. Elle ne procure qu’une anesthésie cutanée mais rend plus
« confortables » toutes les ponctions transcutanées (principalement en pédiatrie et
cancérologie).
En ophtalmologie, l’instillation d’un collyre anesthésique procure une anesthésie de la
cornée, uniquement ne convenant qu’à la chirurgie de la cataracte sous certaines conditions
(opérateur consentant, rapide et entraîné).
180
3.3. Anesthésie locorégionale intraveineuse (alriv)
Elle consiste en une administration intraveineuse de l’AL en aval d’un garrot. L’AL diffuse
de la vascularisation périphérique vers les fibres et les terminaisons nerveuses. Elle est
intéressante pour la chirurgie du membre supérieur et éventuellement du pied, de durée
inférieure à 1h.
La toxicité systémique des AL (en cas de fuite et au lâchage du garrot) explique que le
garrot soit maintenu pendant une heure au moins et que seule la lidocaïne soit utilisée et à de
faibles concentrations (0.5%). Elle est contre-indiquée en cas d’impossibilité d’obtenir une
occlusion artérielle efficace (obèse, artéritique sévère).
L’injection de l’AL est réalisée en intradural pour la rachianesthésie (injection d’AL après
avoir vu un léger reflux de LCR) et en extradural pour la péridurale (perte de résistance à
l’entrée de cet espace virtuel) et induit une anesthésie (bloc moteur, sensitif et analgésique) de
type métamérique.
Ils sont indiqués dans toute chirurgie de niveau inférieur à T10 d’une durée inférieure à
3h : périnéale, urologique, des membres inférieures (orthopédie et traumatologique, veineuse,
pariétale abdominale (cures de hernie), gynécologique et obstétricale (césarienne urgente ou
programmée).
Leur contre-indication spécifique est essentiellement l’hypovolémie à cause du bloc
sympathique induit. Et les risques sont l’hypotention artérielle, une rétention d’urine, des chutes
au premier lever (bloc moteur résiduel), des lombalgies et des céphalées « post ponction
duremèrienne » (accidentelles avec la péridurale).
L’injection de l’AL est réalisée à proximité du plexus ou du tronc nerveux à bloquer une
fois sa localisation faite grâce à des repères cutanés et profonds, et la neurostimulation.
Ils sont indiqués pour tout geste chirurgical strictement localisé au territoire bloqué, d’une
durée limitée à 6h. Ils concernent principalement l’orthopédie (ex : syndrome du canal carpien,
cure de l’hallux valgus) et la traumatologie (ex : exploration-suture de plaies).
Les risques sont spécifiques à chacune des nombreuses techniques et sont affaire de
spécialistes. On peut donner à titre d’exemples : paralysie diaphragmatique (bloc du nerf
phrénique) et bloc du plexus brachial au cou ; diffusion péridurale et intrathécale de la solution
anesthésique et blocs plexiques.
Il en est de même pour les contre-indications, on peut citer : l’insuffisance respiratoire
(paralysie diaphragmatique homolatérale constante) pour les blocs supraclaviculaires ; la
fracture pertrochantérienne pour le bloc sciatique par voie antérieure ; la prothèse vasculaire
fémorale pour le bloc fémoral.
181
4. RISQUES EN GENERAL
5. CONTRE-NDICATIONS GENERALES
6. CONCLUSION
182
III - ANESTHESIE GENERALE
Kamran Samii
1. INDICATIONS
Les indications de l'anesthésie générale sont donc représentées par tous les actes dont le
caractère douloureux ou désagréable les rend insupportables chez le sujet conscient. Ceci est
assez clair pour les actes de chirurgie profonde mais peut être discutable pour certains actes
peu douloureux. On arrive alors à la frontière de l'indispensable et du confort. Il est cependant
sûr que les indications de l'anesthésie générale sont plus larges qu'autrefois et plus larges dans
les pays à fort développement économique. La notion d'anesthésie de confort ressort donc de
ces considérations. Les indications de l'anesthésie générale peuvent aussi être opposées à
l'anesthésie locorégionale. En premier, le refus du patient des techniques d'anesthésie
locorégionale est une indication de l'anesthésie générale. Dans les autres situations, les
indications respectives des deux types de techniques dépendent du site opératoire, de sa durée,
des habitudes de l'équipe.
183
2. CONTRE-INDICATIONS
Les risques de l'anesthésie générale ont beaucoup diminué au cours des quinze
dernières années grâce à l'introduction de molécules plus maniables, de plus courte durée
d'action, (diminuant ainsi les risques d'effets rémanents) et ayant moins d'effets indésirables :
• grâce à une meilleure évaluation préopératoire au cours de la consultation
d'anesthésie
• grâce à une meilleure prise en charge peropératoire (réchauffement)
• grâce à une meilleure surveillance peropératoire par le développement du
monitorage (cardioscope, pression artérielle automatisée, mesure de la saturation
pulsée en oxygène, mesure du CO2 expiré, surveillance hémodynamique)
• grâce à une meilleure surveillance postopératoire en salle de surveillance post-
interventionnelle (SSPI), appelé encore Salle de Réveil.
Inhalation de liquide digestif par dépression des réflexes protecteurs des voies
aériennes lors de l'induction anesthésique ou pendant la phase de réveil
184
Hormis ces complications menaçant le pronostic vital, diverses complications plus ou
moins graves peuvent être observées : ischémie myocardique, accident vasculaire cérébral à
l'occasion d'une poussée hypertensive (hémorragie) ou hypotensive (ischémie), atteinte des
nerfs périphériques, nausées, vomissements parfois très désagréables, douleurs laryngées post
intubation, troubles mnésiques.
Ainsi, si en cas d'anévrysme rompu de l'aorte abdominale il n'est pas question de contre
indication de l'anesthésie générale, l'utilité de celle-ci peut être discutée en cas de terrain à
risques pour un acte peu douloureux ou non indispensable.
Le terrain joue donc un grand rôle et il est convenu pour évaluer globalement ce risque
d'utiliser la classification ASA (American Society of Anesthesiologists) qui a le mérite d'être
simple:
• ASA 1 : pas de pathologie notable
• ASA 2 : présence d'une pathologie n'entravant pas la vie courante (par exemple
hypertension artérielle contrôlée par le traitement)
• ASA 3 : présence d'une pathologie entravant la vie courante (par exemple angor
d'effort)
• ASA 4 : pathologie entravant gravement la vie courante (par exemple grand
insuffisant respiratoire)
• ASA 5 : patient moribond (par exemple anévrysme de l'aorte rompu avec
collapsus cardio-vasculaire).
3. OBLIGATIONS
Les obligations avant une anesthésie générale sont maintenant réglementées par un
décret (5/12/94). Celui-ci impose :
1) Une consultation préanesthésique qui doit avoir lieu plusieurs jours avant
l'intervention
2) Une visite préanesthésique qui doit avoir lieu dans les heures précédant
l'intervention
3) Un établissement conjoint du tableau opératoire entre les différents acteurs :
chirurgiens, anesthésistes, cadres paramédicaux
4) Un monitorage minimum : électrocardioscope, pression artérielle non invasive
automatisée, FiO2, SpO2, pression respiratoire, spiromètre, concentration en CO2
expiré
5) La surveillance post-interventionnelle dans une salle spécialiée (SSPI) avec
monitorage du tracé ECG, de la SpO2, de la pression artérielle, matériel de
ventilation et de réchauffement en sus du matériel d'urgence.
Ces règles sont bien sûr des minima et le progrès médical et technologique a introduit depuis
d'autres surveillances qui sont devenues des standards.
Une exception à la consultation d’anesthésie : l’urgence vitale. Ainsi, en cas d’état de
choc hémorragique, de péritonite ou d’autres urgences vitales, l’anesthésie générale est
pratiquée après avoir posé, si possible, quelques questions qui peuvent modifier la manière
avec laquelle l’anesthésie générale va avoir lieu.
Ces questions sont pricipalement :
• Dernière ingestion de boisson, d’aliments ou dernière cigarette.
• Allergie
• Antécédents d’anesthésie générale.
Il est de bonne pratique d’administrer un médicament per os faisant augmenter le pH gastrique
(Tagamet® ou Azantac®) en prévision d’une possible inhalation de liquide gastrique.
185
CHAPITRE 14
DOULEUR DE L’ENFANT
EVALUATION ET TRAITEMENTS ANTALGIQUES
1. Evaluation 184
1.1. Chez les enfants de plus de 6 ans, communicants. 185
1.2. Chez les enfants entre 4 et 6 ans. 186
1.3. Chez les enfants de moins de 4 ans. 187
2. Prise en charge médicamenteuse de la douleur induite par les soins
2.1. Emla 188
2.2. Mélange protoxyde d’azote/oxygène 189
2.3. Hypnovel
2.4. Association succion-saccharose 190
3. Prise en charge médicamenteuse des douleurs par excès de nociception 191
3.1. Palier I
3.2. Palier II 192
3.3. Palier III
3.4. Co-antalgiques 195
3.5. Prise en charge de la douleur aiguë dans différentes pathologies 197
4. Traitement des douleurs neuropathiques
5. Méthodes non pharmacologiques de soulagement de la douleur 200
5.1 Enfant de moins de deux ans
5.2 Enfant de deux à six ans 201
5.3 Enfant de 7 à 12 ans
5.4 Enfant de plus de 12 ans 202
6. Conclusion 203
7. Annexes
Références 207
186
Il est maintenant acquis que tous les enfants y compris les nouveaux-nés et les prématurés sont
susceptibles de ressentir la douleur. En effet, l’étude de la neurophysiologie du nourrisson nous
a montré que les connections intra-cérébrales sont capables de transmettre les messages
nociceptifs et d’y répondre très précocement in utero (entre la 24ème et la 26ème semaine de
gestation). Les conséquences possibles de la douleur ressentie dans l’enfance sur la tolérance
de la douleur à l’age adulte sont en cours d’investigation, mais il existe nous le savons une
mémoire de la douleur (1).
Prendre en charge la douleur nécessite en premier lieu de l’évaluer. Cette évaluation est
cependant souvent complexe en pédiatrie notamment chez le petit enfant non communiquant ou
l’enfant polyhandicapé. Il va donc être nécessaire d’utiliser les outils à notre disposition avec
compétence et savoir faire pour obtenir une évaluation quantitative et qualitative significative.
La douleur de l’enfant est un phénomène complexe, de même que chez l’adulte et sa prise en
charge nécessitera le plus souvent une prise en charge multidisciplinaire associant des
thérapeutiques antalgiques à une prise en charge non médicamenteuse. De plus, il sera
indispensable de prendre en compte et de prévenir aussi bien la douleur survenant
spontanément à l’occasion de maladies potentiellement algogènes que celles induites par la
réalisation de gestes douloureux invasifs.
Il est donc indispensable que l’ensemble des soignants travaillent en collaboration dans l’inter et
la multidisciplinarité pour diagnostiquer, évaluer et prendre en charge la douleur de tous les
enfants dont ils ont la charge.
I – EVALUATION
Pour prendre en charge la douleur d’un enfant, il est fondamental de l’évaluer de manière
régulière avec des outils fiables et adaptés. Ceci est indispensable pour établir ou confirmer
l’existence d’une douleur, apprécier son intensité, déterminer les moyens antalgiques
nécessaires, évaluer l’efficacité du traitement institué et adapter ce traitement.
187
EVA EVA
1 mois 2 mois 1 an 18 mois 2 ans 3 ans + 4 ans 6 ans
jetons ou
ou jetons
EVA ou
NFCS abrégée
+
FPS-R FPS-R
AMIEL-TISON
Hétéro-évaluation
OPS
CHEOPS
DEGRR
188
Figure 2 : Présentation de l’échelle de 6 visages : FPS-R (ANAES).
La consigne est : « Montre moi le visage qui a mal autant que toi ».
189
1.3. Chez les enfants de moins de 4 ans
Seuls les outils d’hétéro-évaluation basés sur l’association de comportements les plus
indicateurs de douleur dans certaines situations sont actuellement validés.
Sur des lésions cutanées atopiques et avant curetage de molluscum, le temps d’application
recommandée est de 30 min.
190
EMLA 5% crème EMLA 5% patch
Lidocaïne 2,5g + prilocaïne 2,5g Lidocaïne 0,025g + prilocaïne
0,025g
1 tube = 5 g de crème 1 patch = 1 g de crème
Toutes surfaces d'anesthésie Anesthésie locale de petite surface
Appliquer la crème en couche Ne pas toucher la partie blanche du
épaisse, sans masser. pansement qui contient l'émulsion
Placer le pansement adhésif de façon anesthésique.
à couvrir la crème, assurer La partie blanche doit recouvrir la
l'étanchéité. partie à anesthésier.
Ne pas appuyer sur la partie centrale
mais appuyer fermement sur le
pourtour pour assurer l'étanchéité.
Indiquer l'heure d'application sur le pansement
Temps d'application
De 0 à 3 mois 1 heure maxi
A partir de 3 mois 1 à 2 heures (4 heures maxi)
191
Le mélange Protoxyde d’Azote/oxygène est indiqué dans les actes douloureux de courte
durée chez l’enfant, notamment :
• les ponctions lombaires,
• les myélogrammes,
• les ponctions pleurales,
• les ponctions biopsie hépatique,
• les pansements de brûlés,
• la petite chirurgie superficielle,
• la réduction de fractures simples,
• la réduction de certaines luxations périphériques,
Les effets indésirables sont peu fréquents et disparaissent dans les minutes qui suivent
l’arrêt de l’inhalation du mélange : Euphorie, rêves, paresthésies, approfondissement de la
sédation, sensations vertigineuses, nausées, vomissements, modifications des perceptions
sensorielles, angoisse, agitation.
L’association avec les anesthésiques locaux (EMLA®) est nécessaire à chaque fois
qu’une effraction cutanée est réalisée . A l’arrêt de l’inhalation, le retour à l’état initial est quasi-
immédiat sans effet rémanent. Toute utilisation du mélange gazeux se pratique sur prescription
médicale.
Il est recommandé de ne pas utiliser le MEDIMIX en inhalation continue plus de 60 mn
par jour pendant 15 jours consécutifs.
192
voie Sédation vigile Délai Durée
> 6 mois d'action d'action
IVL 2 à 5 Posologie selon 1 à 5 mn 20 à 30
mn l'âge sans (max 7 mn) mn
dépasser 10 mg
dose totale
0,1 mg/kg de 12
à 15 ans
0,2 mg/kg de 6 à
12 ans
0,25 mg/kg de 6
mois à 5 ans
Oral 0,5 mg/kg - max 10 à 20 mn 45 mn à
HORS 20 mg (max 30 mn) 1h
AMM 30 mn avant
Rectal 0,3 à 0,4 mg/kg 10 à 15 mn 45 mn à
15 à 30 mn avant (max 30 mn) 1h
Contre-indications :
193
• Enfant comateux ou anesthésié.
Comme chez l’adulte, l’échelle de l’OMS a 3 niveaux représente une méthode simple et
efficace pour assurer une prise en charge médicamenteuse de la douleur de l’enfant (Fig 9).
L’utilisation de co-antalgiques doit être envisagée systématiquement à chaque niveau de
l’échelle (6-9). Comme chez l’adulte, il est indispensable de prévoir des prises systématiques à
intervalle régulier pour éviter la réapparition de douleurs . Le choix de la voie d’administration se
fera surtout en fonction du mode d’antalgie nécessaire : la voie intra-veineuse ne sera en effet
recommandé que lorsque la voie orale et rectale seront impossibles et si la douleur demande à
être soulagée rapidement.
Opïoïde pour
Opïoïde pour
douleurs
douleurs faibles à
modérées ou
modéréres
fortes
∗ Codéine
* Tramadol ∗Morphine
Antalgique non ∗ Nubain
opïoïde pour
douleurs faibles PALIER III
∗Paracétamol
PALIER II
∗Acide Acétyl-
salycilé
∗AINS DISPARITION DE LA DOULEUR
PALIER I
SI LA DOULEUR PERSISTE
DOULEUR
3.1. Palier I
194
- ACIDE ACETYL-SALYCILIQUE : L’acide acétyl salicylique a des propriétés antalgiques,
anti-inflammatoire et anti-pyrétique. La dose recommandée en pédiatrie est de 50 mg/kg/jr en
prises espacées de 4 H minimum. Actuellement, l’acide acétyle salycilique est peu employé
chez l’enfant principalement à cause de ses effets secondaires sur l’agrégation plaquettaire et le
risque de syndrome de Reye. Ainsi devant un enfant atteint de varicelle et présentant un
syndrome pseudo-grippal, le Paracétamol sera utilisé en première intention. La dose maximale
recommandée dans les affections rhumatismales est de 100 mg/kg/jr.
3.2. Palier II
- Le CODENFAN®a l’AMM à partir de l’age de 1 an. Les doses préconisées sont de 0,5 mg/kg
toutes les 6H. Les doses toxiques sont de 2 mg/kg en prise unique et les risques vitaux de 5
mg/kg en prise unique. Il ne faut pas hésiter à l’associer avec le Paracétamol. L’antidote est la
NALOXONE. Les doses maximales sont de 6 mg/kg/jr.
195
- MORPHINE :
Depuis, le 24 Septembre 1997, la pharmacopée française autorise l’utilisation de la Morphine à
partir de l’age de 1 mois . Il n’y pas de posologie maximale tant que les effets indésirables sont
contrôlés. La posologie est augmentée jusqu ’à antalgie satisfaisante. Différentes formes
galéniques sont actuellement disponibles chez l’enfant.
Les Morphines à libération immédiate ont un pic plasmatique obtenu entre 30 et 60mn et
les concentrations permettent le maintien de l’efficacité pendant 4 H. Elles ont 3
indications principales :
∗ les douleurs aiguës intenses ,
∗ les pics douloureux non contrôlés se surajoutant à des douleurs de fond
∗ l’initiation d ’un traitement par morphine orale (titration)
ORAMORPH® :
Existe sous forme buvable : 20 mg pour 1 ml. Reservé à l’adulte ou l’enfant de plus de 6
mois. Dose de départ 1mg/kg/jr = 0,05 ml/kg/jr = 0,8 goutte/kg/jr (4 gouttes pour 5 kg).
Les morphines à libération prolongée ne nécessitent que deux prises par jour.
La morphine par voie IV peut-être utilisée chez l’enfant soit à la seringue électrique, soit à l’aide
de pompes d’analgésie auto-contrôlée utilisable chez les enfants à partir de l’âge de 4 ans.
Posologie de départ 0,3 mg /kg par voie IV .
196
d) Effets secondaires des Morphiniques utilisés chez l’enfant
Beaucoup de tabous et de préjugés restent encore ancrés fortement dans le grand public
notamment lors de sa prescription chez l’enfant. Afin de s’assurer de la compréhension de tous
et permettre la meilleure compliance possible, il est indispensable de prendre le temps de
discuter avec les parents, de les informer des effets secondaires prévisibles et de mettre en
œuvre précocement les moyens pour les prévenir.
- Les nausées et vomissements surviennent chez 40% des patients essentiellement en début de
traitement et disparaissent ultérieurement. Ils peuvent être traités de façon symptomatique.
- Toujours penser au globe vésical devant un patient sous Morphine qui s’agite !
197
Le recours a la Naloxone ne se justifie qu’en cas de signe de surdosage sévère. Dans les autres
situations, une fenêtre thérapeutique sera proposée. En cas de dépression respiratoire marquée
ou de sédation majeure imputable à la prise de Morphiniques, c’est-à-dire de bradypnée
(inférieure à 10 par minutes chez l’enfant de moins de 5 ans, inférieure à 8 par minutes chez
l’enfant au dessus de 6 ans), apnée, oubli de respirer, hypoventilation par hypertonie thoracique
ou par encombrement.
Il est à noter qu’il n’existe pas d’antalgique de palier II ayant une AMM, chez l’enfant de
moins de 1 an ; et qu’il n’existe aucun antalgique de palier III per os entre la naissance et l’âge
de 6 mois.
3.4. Co-Antalgiques
Les coantalgiques sont des médicaments ou des techniques dont les indications principales
ne sont pas le traitement de la douleur. Ils peuvent être utilisés pour accroître l’efficacité
thérapeutique des antalgiques. Ils doivent être envisagés à tous les niveaux de l’échelle de
l’OMS.
Ex : Coantalgiques médicamenteux et non médicamenteux
Coantalgiques médicamenteux :
Corticoïdes (effet antitumoral et antioedemateux)
Benzodiazépines (effet anxiolytique)
Antidépresseurs
198
199
Nouveau né Nourrisson Enfant Adolescent
0-28 jours 1 mois-2ans 2 ans-12 ans 12-15 ans
Tableau I : Les médicaments antalgiques et analgésiques en pédiatrie ayant l’AMM en pédiatrie. Récapitulatif par paliers et
par âge. PO : per os ; IV : intraveineux ; I : injectable ; suppo : suppositoires ; † : réserve hospitalière
200
> 1 mois > 6 mois >12 mois >18 mois > 30 mois > 4 ans > 7 ans
PALIER Paracétamol Paracétamol Paracétamol Paracétamol Paracétamol ParacétamolParacétamol Paracétamol PO Paracétamol PO
I PO PO PO PO PO PO PO Propacétamol IV Propacétamol IV
Propacétamol Propacétamol Propacétamol Propacétamol Propacétamol Propacétamol
Propacétamol Aspirine PO Aspirine PO
IV IV IV IV IV IV IV Ibuprofène PO Ibuprofène PO
Aspirine PO Aspirine PO Aspirine PO Aspirine PO Aspirine POAspirine PO Acide niflumique Acide
Ibuprofène Ibuprofène Ibuprofène Ibuprofène Ibuprofène suppo niflumique
PO PO PO PO PO Diclofénac suppo
Acide Acide Acide Acide Acide suppo, PO Diclofénac
niflumique niflumique niflumique niflumique niflumique Acide suppo, PO
suppo suppo suppo suppo suppo tiaprofénique PO Acide
Diclofénac Naproxène PO tiaprofénique PO
suppo, PO Naproxène PO
Acide
tiaprofénique
PO
PALIER Codéine PO Codéine PO Codéine PO Codéine PO Codéine PO Codéine PO
II Nalbuphine I Nalbuphine I Nalbuphine I Nalbuphine I Nalbuphine I
Buprénorphine Buprénorphine
PO PO
Oxycodone
suppo
Tramadol PO
PALIER Morphine IV Morphine IV Morphine IV Morphine IV Morphine IV Morphine IV Morphine IV Morphine IV Morphine IV
III Fentanyl IV† Fentanyl IV† Fentanyl IV† Fentanyl IV† Fentanyl IV† Fentanyl IV† Fentanyl IV† Fentanyl IV† Fentanyl IV†
Morphine PO Morphine PO Morphine PO Morphine PO Morphine PO Morphine PO Morphine PO
Hydromorphone Hydromorphone
PO PO
201
3.5. Prise en charge de la douleur aiguë dans différentes pathologies
202
Pathologie < 6 mois 6 mois – 1 an 1 an – 6 ans > 6 ans
OTITE AVIS ORL Palier I + antalgiques Palier I seul EVA < 5/10 EVA > 5/10
Locaux si tympan fermé Puis (AINS + paracétamol) Palier I pendant 48 h Palier I + codéine
pendant 48 h + antalgiques + antalgiques locaux,
locaux, si tympan fermé si tympan fermé
DYSPHAGIE Palier I seul Palier I seul EVA < 5/10 EVA > 5/10
puis en association puis en association Palier I pendant 48 h Palier I + codéine
(AINS + paracétamol)
GINGIVO-STOMATITE Palier I (mais insuffisant Palier II systématique Palier II systématique pendant 48 h + lidocaïne gel
le plus souvent) pendant 48 h + lidocaïne gel sur les lésions toutes les 3 h
sur les lèvres seulement (2 mg/kg, maximum 100 mg/dose)
2 mg/kg toutes les 3 h
(maximum 100 mg/dose)
Si échec * : pour les enfants de plus de 6 ans capables de réaliser une EVA, l’échec est objectivé, après une à deux prises d’antalgiques, par :
• une EVA non ramenée en dessous de 3/10 ou
• pas de diminution de l’EVA
(Pour les enfants de moins de 6 ans, nous appelons échec la persistance de la disparition des activités de base de l’enfant qui sont :
bouger, jouer, dormir, parler, manger)
203
Soin Traitement de première Traitement de deuxième
intention intention
(si 1ère intention insuffisant :
EVA>3)
Ponction veineuse EMLA* pour les enfants de †
MÉOPA en association à
moins de 11 ans et pour ceux l’EMLA pour les enfants difficiles
qui le demandent (grade A). à piquer ou ceux ayant une
phobie du geste
Sédation si échec de EMLA +
MÉOPA
Vaccins, injections sous- EMLA systématique pour les
cutanées injections répétées
EMLA à la demande pour les
injections occasionnelles
Intra-Dermo-Réaction EMLA
(IDR)
Sutures MÉOPA puis anesthésie Sédation voire anesthésie
locale avec lidocaïne générale
tamponnée injectable (9 ml de
lidocaïne pour 1 ml de
bicarbonate 88 mEq/ 100 ml)
Ponctions lombaires MÉOPA et/ou EMLA
Myélogrammes MÉOPA et EMLA Sédation voire anesthésie
générale
Paracenthèse MÉOPA pour les enfants agés Anesthésie générale
de plus de 6 mois
Réduction de Gel de lidocaïne et MÉOPA Sédation voire anesthésie
paraphimosis générale
Ablation de verrues Lidocaïne injectable (grade A) Sédation voire anesthésie
et/ou MÉOPA générale
*
EMLA : crème anaesthésique, mélange de lidocaïne et de prilocaïne.
†
MÉOPA : mélange équimolaire d’oxygène et de protoxyde d’azote.
204
LAROXYL ® (Amitryptiline) : 0,3 à 1 mg/kg/jr en dose unique le soir.
Gouttes buvables 1 mg/gte, cp 25 mg, cp 50 mg, inj 50 mg
Dans certaines circonstances (méningite carcinomateuse) , 1 à 3 mg/kg/jr en IVC
après une dose de charge en 30 mn de 0,2 mg/kg. De nombreux effets
secondaires (bouche sèche, somnolence, rétention d’urines et constipation) et
interactions médicamenteuses sont à déplorer. En pratique, l’Amytryptiline n’est
prescrite pour traiter des douleurs neurogènes que si l’évaluation de l’état
psychique a permis de mettre en évidence un syndrome dépressif vrai.
Dans cette tranche d'âge, la douleur est d'abord difficile à reconnaître et à évaluer. Les
signes de la composante émotionnelle de la douleur (pleurs, grimace) ne sont pas spécifiques et
peuvent traduire d'autres émotions comme la colère ou la faim. L'interaction mère enfant est
d'autant plus importante dans le repérage des signes douleur. On sait que les parents sont
souvent plus aptes que les soignants à percevoir les signes de douleur chez le nouveau-né
(exemple : la mère et son bébé prématuré).
Les méthodes non pharmacologiques sont assez réduites et encore à l'étude. Certains
préconisent chez le tout petit l’utilisation du saccharose (sucettes enduites de saccharose) lors
de la réalisation d'actes douloureux. Chez l'enfant plus grand, il s'agit avant tout de créer un
environnement rassurant. La présence des parents paraît ainsi essentielle pour apporter un
contact physique et un environnement sonore (un bain de paroles chaleureux) lors par exemple
de la réalisation de gestes techniques.
205
5.2. Enfant de deux à six ans
Cette période s'accompagne souvent de peur et d'angoisse vis-à-vis du corps. Ainsi, une
agression bénigne comme une simple plaie cutanée, peut provoquer une réaction
disproportionnée qui témoigne du caractère anxiogène de toute effraction corporelle. À cet âge
beaucoup de douleurs sont induites (prise de sang, points de suture, pansements...). La
présence des parents et d'objets familiers est, durant cette période, d'autant plus importante
pour aider l’enfant à contrôler sa douleur. On veille ne pas séparer l'enfant de ses « objets
transitionnels » : doudou, nounours, etc. L’explication à l'enfant par des mots adaptés de ce qui
se passe dans le corps ou le déroulement des gestes médicaux que l'on souhaite effectuer
permettra de lever certaines angoisses. Au-delà des simples techniques de distraction, le dessin
et le jeu peuvent être utilisé pour symboliser et favoriser la création des représentations.
On a appelé cette période, « période de latence » : L’enfant est disponible pour les
apprentissages sociaux, la lecture, l'écriture. Il accède également à la pensée abstraite avec par
exemple, une représentation de la mort et du temps dans leur caractère irréversible. Il est
d'autant plus important à ce stade de donner à l'enfant des informations claires et précises sur
ce qui se passe dans son corps, de décrire les procédures de soin qu'on entend appliquer pour
qu'il puissent anticiper les actions futures. À ce stade, on peut proposer à un enfant des
stratégies de contrôle de la douleur sous la forme de relaxation et de sophrologie. Ces
techniques sont des procédures de gestion des sensations corporelles. Elles relèvent d'un
apprentissage que l'enfant effectue avec un thérapeute. Elles ont pour but d'induire un état de
détente par le biais d'un relâchement musculaire (niveau comportemental) ou par l’évocation
d'images et de situations agréables (niveau cognitif). Elles nécessitent une participation active
de l'enfant et ne peuvent être efficaces que sur une douleur modérée. Des techniques plus
spécifiques de modification de la conscience comme l'hypnose ont aussi prouvé leur efficacité.
À cet âge l'enfant peut avoir la notion du caractère dangereux, potentiellement mortel de
certaines maladies. Cependant il se défend de l'angoisse de mort par des mécanismes divers
tels que le refoulement et le clivage. C'est souvent à l'occasion de sensations douloureuses que
les affects liés aux représentations de la mort s’expriment, aboutissant à des expressions de
douleur très intenses et à des prises en charge difficiles. De même la douleur ressentie peut être
associée à la culpabilité d'avoir outrepassé certains interdits, ce qui incitera l'enfant à la faire
taire ou à minimiser. À cette culpabilité répondra parfois la culpabilité des parents convaincus de
ne pas avoir suffisamment protégé leur enfant de la maladie ou de l'accident. Une prise en
charge psychologique de l'enfant et ou des parents pourra être nécessaire.
206
Il est toujours essentiel de déterminer le contexte dans lequel la douleur évolue :
contexte familial, fratrie, deuil récent etc. Le dialogue avec les parents apparaît fondamental.
Ceci est d'autant plus vrai dans les douleurs récurrentes (céphalées, douleurs abdominales) et
les douleurs chroniques où l'évaluation devra être globale : histoire de la douleur, personnalité et
fonctionnement psychique de l'enfant, fonctionnement de la famille. Il y a donc une dimension
familiale dans la perception douloureuse et le travail de soutien de la famille est souvent aidant.
L'adolescence est une phase de tumulte où, aux transformations du corps s'associe
l'émergence des pulsions souvent mal supportée, créant un état de mal être et une sorte de
malaise existentiel. Les douleurs et les problèmes corporels peuvent ainsi être d'autant plus mal
supportés avec des répercussions psychologiques majeures : dépression, troubles anxieux
(attaques de panique), troubles du comportement alimentaire. .L’intervention d'un psychiatre ou
d'un psychologue peut ainsi être très utile pour une évaluation et une prise en charge
psychothérapique éventuelle.
Cependant les techniques citées pour les enfants, explication, méthodes cognitives,
relaxation ou hypnose restent indiquées. Si une douleur physique ne reconnaît aucun facteur
organique, il convient d'être très prudent quant à la formulation d'une origine purement
psychologique souvent mal vécue et d'une façon péjorative par l’adolescent. Dans le cas où la
douleur du corps exprime une souffrance et un mal être psychique, quand « j'ai mal » veut dire
« je suis mal », une prise en charge psychologique ne peut être couronnée de succès que si l'on
continue d'une manière ou d'une autre à s'intéresser au corps. Une consultation mixte
psychiatre-somaticien peut être indiquée et utilisée comme dispositif d'accueil dans les douleurs
chroniques ou résistant aux techniques habituelles. Enfin il ne faut pas perdre de vue que la
plainte douloureuse à l’ adolescence inaugure parfois des débuts de pathologies psychiatriques
graves : dépressions sévères avec leurs plaintes hypochondriaques, angoisse de morcellement
du schizophrène, troubles du schéma corporel des pathologies psychotiques en général,
dysmorphophobies des patients anorexiques par exemple. On pourrait ainsi penser que
l'expression symptomatique de la douleur des adolescents est toujours exacerbée et théâtrale or
l'expérience montre que de nombreux adolescents sujets à des douleurs durables et intenses
refusent longtemps de les évoquer ou de prendre des antalgiques dans le but de ne pas perdre
la maîtrise de leur fonctionnement somatique.
VI - CONCLUSION
207
VII - ANNEXES
Debillon T et al., Sémiologie de la douleur chez le prématuré, Arch Pediatr 1994 ; 1 : 1085-1092.
Grille utilisable chez le nouveau né hospitalisé (à terme ou prématuré) non pour une douleur
aiguë brève mais pour une douleur durable liée à une pathologie prolongée (entérocolite…) ou
la répétition de soins douloureux. Cette grille nécessite un temps d’observation prolongé de
l’enfant (4 à 8 heures).
ITEM PROPOSITIONS
Visage 0 : Visage détendu
1 : Grimaces passagères : froncement des sourcils, lèvres
pincées, pincement du menton, tremblement du menton
2 : Grimaces fréquentes, marquées ou prolongées
3 : Crispation permanente ou visage prostré, figé ou visage
violacé
Corps 0 : Détendu
1 : Agitation transitoire, assez souvent calme
2 : Agitation fréquente mais retour au calme possible
3 : Agitation permanente : crispation des extrémités et raideur
des membres
ou motricité très pauvre et limitée, avec corps figé
Sommeil 0 : S’endort facilement, sommeil prolongé, calme
1 : S’endort difficilement
2 : Se réveille spontanément en dehors des soins et
fréquemment, sommeil agité
3 : Pas de sommeil
Relation 0 : Sourire aux anges, sourire réponse, attentif à l’écoute
1 : Appréhension passagère au moment du contact
2 : Contact difficile, cri à la moindre stimulation
3 : Refuse le contact, aucune relation possible. Hurlement ou
gémissement sans la moindre stimulation
Reconfort 0 : N’a pas besoin de réconfort
1 : Se calme rapidement lors des caresses, au son de la voix
ou à la succion
2 : Se calme difficilement
3 : Inconsolable, succion désespérée
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Annexe 2 : Echelle Amiel-Tison inversée (ANAES)
Score : 0 1 2
Enfant éveillé
au moment
de l’examen
1. Sommeil Sommeil Courtes Non
pendant les 30 calme > 10 périodes de 5
minutes min à 10 minutes
précédant
l’examen
2. Mimique Visage calme Peu marquée, Marquée,
douloureuse et détendu intermittente permanente
3. Qualité du Pas de cri Modulé, Répétitf, aigu,
cri pouvant être « douloureux »
calmé
4. Motricité Motricité Agitation Agitation
spontanée normale modérée incessante
5. Excitabilité Calme Réactivité Trémulations,
spontanée excessive clonies, Moro
spontané
6. Crispation Absente Peu marquée, Très marquée,
des doigts, partielle, globale,
mains et pieds intermittente permanente
7. Succion Forte, Discontinue, Non ou
rythmée, interrompue quelques
pacifiante par les cris mouvements
anarchiques
8. Evaluation Normal pour Modérément Très
globale du l’âge hypertonique hypertonique
tonus
9. Calmé < 1 Calmée après Non après 2
Consolabilité min une minute min d’efforts
d’efforts
10. Facile, Difficile à Absente
Sociolabilité prolongée obtenir
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Annexe 3 : Echelle objective de la douleur OPS (ANAES)
JOUR
HEURE
Pleurs
0 : Absents
1 : Présents mais enfant consolable
2 : Présents et enfant inconsolable
Mouvements
0 : Enfant éveillé et calme ou endormi
1 : Agitation modérée, ne tient pas en place, change de position sans
cesse
2 : Agitation désordonnée et intense, risque de se faire mal
Comportements
0 : Enfant éveillé et calme ou endormi
1 : Contracté, voix tremblante, mais accessible aux questions et aux
tentatives de réconfort
2 : Non accessible aux tentatives de réconfort, yeux écarquillés, accroché
aux bras de ses parents ou d’un soignant
Expression verbale ou corporelle
0 : Enfant éveillé et calme ou endormi, sans position antalgique
1 : Se plaint d’une douleur faible, inconfort global,
ou position jambes fléchies sur le tronc, bras croisés sur le corps
2 : Douleur moyenne, localisée verbalement ou désignée de la main,
ou position jambes fléchies sur le tronc, poings serrés,
et porte la main vers une zone douloureuse, ou cherche à la protéger
Variation de la pression artérielle systolique par rapport à la valeur
préopératoire
0 : Augmentation de moins de 10%
1 : Augmentation de 10 à 20%
2 : Augmentation de plus de 20%
SCORE GLOBAL
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(A) Dossier de base :
1 L’enfant crie-t-il de façon habituelle ? ______ Si oui, dans quelles circonstances ______________
________________________________________________________________________
4 Est-il capable de se protéger avec les mains ? ______ Si oui, a-t-il tendance à le faire lorsqu’on le
touche ? _______________________________________________________________________
5 S’exprime-t-il par des gémissements ? ______ Si oui, dans quelles circonstances ? ____________
________________________________________________________________________
7 Ses raideurs sont-elles gênantes dans la vie quotidienne ? ______ Si oui, dans quelles circonstances ?
(donner des exemples) _______________________________________________
________________________________________________________________________
8 Est-ce qu’il communique avec l’adulte ? ______ Si oui, recherche-t-il le contact ou faut-il le solliciter ?
______________________________________________________________________
________________________________________________________________________
9 A-t-il une motricité spontanée ? ______ Si oui, s’agit-il de mouvements volontaires, de mouvements
incoordonnés, d’un syndrome choréoathétosique ou de mouvements réflexes ? ______
______________________________________________________________________________
VIII - REFERENCES
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1) Lidow M. Long term effects of Neonatal Pain on nociceptive systems. Pain 99
(2002) : 377-383.
7) Berde C, Sethna N. Analgesics fot the treatment of pain in Children . NEJM 2002 :
Vol 347 : 1094-11031
212