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L'espace dans le récit de voyage au XVIIIe

siècle
Dernière mise à jour le 23/08/2017Publié le 09/01/2014Par Martine Petrini-Poli

Nous nous trouvons, au XVIIIe siècle, à une période charnière du voyage et de


l'exploration de l'espace. Certes, l'époque des grandes découvertes est révolue, cependant
il reste encore des terres inconnues, et la mesure de l'espace devient un problème essentiel
dans ce siècle de la philosophie des Lumières et de l'Encyclopédie. L'Académie de la
marine, associée à l'Académie des sciences, est fondée en 1732, et le savant Maupertuis en
devient membre. Cette meilleure connaissance de l'espace maritime favorise les échanges
marchands, l'ouverture de voies commerciales et la recherche de nouvelles implantations
coloniales. Cosmopolitisme et critique de l'esprit de conquête se càtoient… par Martine
Petrini-Poli

" Micromégas " de Voltaire (1752)


Une expédition est organisée en 1736-1737, en Laponie, dirigée par Maupertuis (1698-1759),
philosophe, mathématicien, physicien, astronome, naturaliste, et partisan de Newton. Il est
secondé par une équipe de savants. Il s'agit de mesurer un degré d'arc de méridien proche du
pàle Nord et de le comparer à celui du méridien mesuré auparavant entre Amiens et Paris. Le
degré du pàle étant supérieur, on peut en conclure que la Terre est bien aplatie aux pàles.
L'hypothèse de Newton a été vérifiée et le débat est ainsi tranché par des mesures directes.

Voltaire, dans ses Lettres philosophiques ou Lettres anglaises, publiées en 1734, évoquait en
effet le débat qui opposait les newtoniens, pour qui la Terre, du fait de l'attraction universelle,
est aplatie aux pàles, aux cartésiens, selon lesquels elle est bombée aux pàles : " À Paris, vous
figurez la Terre faite comme un melon, À Londres, elle est aplatie des deux càtés. " (14e Lettre.)

Dans son discours à l'Académie des sciences en 1737, le newtonien Maupertuis triomphe ainsi
du cartésien Cassini, comme le relate Voltaire dans son Quatrième " Discours sur l'homme " :
" Héros de la physique, Argonautes nouveaux/Qui franchissez les monts, qui traversez les
eaux/Dont le travail immense et l'exacte mesure/De la Terre étonnée ont fixé la figure… "

Le conte philosophique de Voltaire, Micromégas, publié en 1752, a été écrit en 1738-1739.


L'auteur vient de rédiger les Éléments de la philosophie de Newton (1738) et Micromégas se
fait l'écho des préoccupations scientifiques du temps. C'est pourquoi le conte se présente comme
un récit de voyage à la fois intergalactique et maritime, où se mêlent réalité et fiction.
Micromégas, géant de la planète Sirius, doit s'exiler à cause de ses thèses scientifiques jugées
hérétiques. Il fait une étape sur Saturne, où il se lie d'amitié avec le secrétaire de l'Académie de
Saturne, caricature du savant Fontenelle, auteur des Entretiens sur la pluralité des mondes
(1686). Sautant sur l'anneau de Saturne, ils poursuivent ensemble ce voyage interstellaire qui
les mène sur la Terre, planète que le Saturnien juge d'abord irrégulière et inhabitée. Se servant
d'un diamant comme microscope, Micromégas découvre une baleine, puis un vaisseau portant
des hommes que les voyageurs prennent d'abord pour des insectes. Mais ils finissent par
reconnaître des êtres doués d'une âme : " On sait que dans ce temps-là même une volée de
philosophes revenait du cercle polaire, sous lequel ils avaient été faire des observations dont
personne ne s'était avisé jusqu'alors. " Il s'agit de l'expédition de savants français dirigée par
Maupertuis, qui a été professeur de mathématiques auprès de Madame du Châtelet, au château
de Cirey, où Voltaire s'est fixé.

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