Vous êtes sur la page 1sur 48

Prévention

au travail
Été 2004 – Volume 17, no 3
Publié par la CSST et l’IRSST
www.csst.qc.ca
www.irsst.qc.ca

Secourisme
en milieu
de travail

R E C H E R C H E à L’ I R S ST
Troubles musculo-squelettiques
Avantages et désavantages de la rotation
des postes comme moyen de prévention
Sommaire 3
4
Mot de la rédaction Le beau geste, prise un…

Vient de paraître à la CSST

5 Cherchez l’erreur Le changement de ballast

Dossier
7 Secourisme en milieu de travail
Le programme de secourisme en milieu de travail de la CSST est l’un
de ses plus beaux fleurons. Parce qu’il permet de sauver des vies, de réduire
les conséquences d’un accident.
7

15 Droits et obligations La CSST et le processus d’adoption des règlements


en vertu de la LSST – Un exemple

16 Agenda d’ici et d’ailleurs

Recherche à l’IRSST
17 Sommaire en page 17

32 Les accidents nous parlent Chutes d’échelles

33 Santé et sécurité en images

Reportages
34 Infasco – Resserrer les boulons de la prévention

37 S’amuser… c’est sérieux !

38 Le mental au travail, aïe !

40 Mega Bloks – On ne joue pas avec la sécurité


37 40

43 Lu pour vous

44 En raccourci Cadenasser… et vivre ; la santé et la sécurité dans les hôpitaux ;


une fondation qui a de l’oreille ; en ballon ; un manuel incontournable !

46 Perspectives Connaissez-vous les CARD ? C’est tout simple !


Une entrevue avec Emmert Clevenstine, chef du Centre international
d’informations de sécurité et de santé au travail du Bureau international
du travail.
46

Un magazine pour qui, pour quoi ?


Prévention au travail s’adresse à tous ceux et celles qui ont un intérêt ou un rôle à jouer
dans le domaine de la santé et de la sécurité du travail.
Son objectif consiste à fournir une information utile pour prévenir les accidents du travail
et les maladies professionnelles. Par des exemples de solutions pratiques, de portraits
d’entreprises, et par la présentation de résultats de recherche, il vise à encourager la prise
en charge et les initiatives de prévention dans tous les milieux de travail.
Prévention
au travail
Été 2004 | Volume 17, no 3

Le magazine Prévention au travail est publié Mot de la rédaction


par les directions des communications de la
Commission de la santé et de la sécurité du travail
(CSST) et de l’Institut de recherche Robert-Sauvé
en santé et en sécurité du travail (IRSST).

Président du conseil d’administration


et chef de la direction de la CSST,
Le beau geste, prise un…
et président de l’IRSST
Jacques Lamonde

SECTION CSST
Directeur des communications
Prise un. Si votre collègue ou encore un membre de votre
Pierre Benoit
Rédactrice en chef
famille tombait foudroyé à côté de vous, s’il s’étouffait, s’il
Monique Legault Faucher
Adjointe à la rédactrice en chef
s’entaillait sérieusement un doigt ou un pied, sauriez-vous
Julie Mélançon
quoi faire pour l’aider en attendant les ambulanciers ? Au
Secrétaire de rédaction
Gisèle Rousseau
Québec, d’ici la fin de 2004, pas moins de 60 000 personnes
Collaborateurs
Isabelle Desbiens, Guy Perrault, Hélène Savard,
Marc Tison, Lyse Tremblay
auront suivi un cours de secourisme en milieu de travail. Et
Révision
Translatex communications +
appris à faire le bon geste au bon moment. Le programme de
SECTION IRSST secourisme en milieu de travail, l’un des plus beaux fleurons
Présidente-directrice générale de l’IRSST
Diane Gaudet de la CSST, célèbre cette année ses 20 ans. Pendant ce presque
Directeur des communications
Jacques Millette quart de siècle, combien de vies ont été sauvées, grâce à
Rédactrice en chef
Marjolaine Thibeault l’intervention d’une ou d’un secouriste ayant suivi une for-
Collaborateurs
Philippe Béha, Mario Bélisle, Dominique Desjardins, mation en milieu de travail ? Nul ne le sait. Mais on peut
Joann Dunn, Benoit Fradette, Martin Gagnon,
Loraine Pichette, Claire Thivierge affirmer sans crainte de se tromper qu’une centaine de
Direction artistique, production
et retouche numérique des photos personnes seraient aujourd’hui mortes si on ne les avait pas
Jean Frenette Design
Validation des photographies et des illustrations aidées ; et que les blessures de plusieurs autres se seraient
Laurent Desbois, André Dupras, Christiane Lambert,
Luc Ménard, Yvon Papin, Jean-Jacques Rouleau, sans doute aggravées. De bons gestes devenus de beaux
André Turcot, Jules Turcot
Photo de la page couverture gestes. Gratuits. Sans prix. Revers de la médaille : combien
Yan Lasalle
Impression de personnes sont mortes, faute de secours ? Combien de
Imprimeries Transcontinental inc.
Comptabilité travailleurs, témoins d’accidents, se remémorent la scène et
Monique Chapdelaine, Danielle Lalonde
Distribution regrettent d’être restés là, pétrifiés et impuissants, faute
Lyse Tremblay

Abonnements de savoir quoi faire ? Malaise. L’accident bête peut survenir


Abonnement Québec
525, rue Louis-Pasteur n’importe quand. Alors, aussi bien prévoir le coup. Et aller
Boucherville (Québec) J4B 8E7
Tél. 1 877 221-7046
chercher cette si précieuse formation.
© CSST-IRSST 2004
La reproduction des textes est autorisée Prise deux. Êtes-vous observateur ? Avez-vous remarqué que
pourvu que la source en soit mentionnée
et qu’un exemplaire nous en soit adressé : notre dernier numéro (printemps 2004) a changé de « robe » ?
CSST
1199, rue De Bleury
C. P. 6056
Nouvelle typographie, nouvelle pagination, nouvelles têtes
Succursale Centre-ville
Montréal (Québec) H3C 4E1 de rubriques, tant pour les sections Dossier et Reportages
Tél. (514) 906-3061, poste 2198
Téléc. (514) 906-3016
Site Web : www.csst.qc.ca
que pour Recherche à l’IRSST. Nous souhaitions rendre le
IRSST
505, boulevard De Maisonneuve Ouest
magazine encore plus agréable à lire. Vous ne l’aviez pas
Montréal (Québec) H3A 3C2
Tél. (514) 288-1551 remarqué ? Mais il est encore temps… Prise trois, profitez-
Téléc. (514) 288-7636
Site Web : www.irsst.qc.ca
en pour en découvrir un peu plus sur les avantages et
Dépôt légal
Bibliothèque nationale du Québec les désavantages de la rotation des postes, dans le bloc
ISSN 0840 7355
Recherche à l’IRSST.
Mise en garde Prise quatre, l’été est là, il vous attend. Le seul geste à faire,
Les photos publiées dans Prévention au travail
sont le plus conformes possible aux lois et
règlements sur la santé et la sécurité du travail. en l’occurrence, est de vous précipiter dans ses bras et de
Cependant nos lectrices et lecteurs comprendront
qu’il peut être difficile, pour des raisons
techniques, de représenter la situation idéale. profiter de ses faveurs. Allez, dehors !

Été 2004 Prévention au travail 3


Vient de paraître à la CSST

Travaux de construction à la suite d’un renversement sont susceptibles de subir des


en milieu agricole ou d’un cabrage, l’entraînement effets systémiques d’intoxication Rééditions
par les pièces en mouvement, aiguë ou chronique en plus
DC 500-142 • Fiche
les chutes, les risques de nature d’effets dermatologiques. De Pesticides en agriculture
20 cm sur 25 cm • 4 pages
thermique (coups de chaleur, nombreuses études ont démon- DC 300-411-4 • Brochure
Au cours brûlures), les risques découlant tré que le respect d’un délai
des travaux du bruit, des vibrations ou des entre l’application et le retour à
de cons- produits divers tels que pesti- des activités sur le site constitue
truction cides, poussières, etc., et finale- un moyen de prévention efficace
en milieu ment les problèmes de nature pour réduire les risques. Afin de
agricole, il ergonomique. vous aider à mettre à profit une
se produit Cette brochure passe en approche préventive, ces quatre
parfois des revue les principaux facteurs fiches vous proposent des délais
accidents de risque liés à l’utilisation du de réentrée pour chacun des
graves qui tracteur, les situations de risque pesticides homologués pour dif-
pourraient être évités, notam- les plus fréquentes ainsi que férentes cultures.
ment en appliquant des mesures les mesures préventives appro-
préventives et en adoptant des priées. Ma main-d’œuvre c’est mon
méthodes de travail sécuritaires. Guide de prévention affaire ! Formation en SST
Il est donc essentiel de respecter des coups de chaleur DC 300-417 • Brochure
le Code de sécurité pour les Délais de réentrée – Produits DC 200-16184 • Guide
travaux de construction. homologués pour les légumes 9,5 cm sur 15 cm • 20 pages
Cette brochure s’adresse à de plein champ (aubergine,
tous les producteurs agricoles brocoli, carotte, céleri, chou, Nous pouvons
qui doivent effectuer des travaux chou-fleur, cucurbitacées, tous éprouver
de construction à la ferme. On laitue, maïs, navet, oignon, des problèmes
y traite des règles de sécurité poivron, radis, tomate) de santé quand
à suivre pendant les travaux, survient la
DC 900-980 • Affichette saison chaude
de la définition d’un maître
28 cm sur 43 cm et plus parti-
d’œuvre et de questions relatives
à la délimitation d’un chantier. culièrement
Délais de réentrée – Produits durant une
homologués pour les petits canicule. La Fibres minérales artificielles
L’utilisation sécuritaire fruits (bleuet, fraise, fram- chaleur des DC 100-451-1 • Dépliant
du tracteur boise) premiers jours est plus difficile
DC 300-418 • Brochure DC 900-981 • Affichette à supporter parce que notre Système d’information
15,5 cm sur 24 cm • 32 pages 28 cm sur 43 cm corps a besoin de temps pour s’y sur les matières dangereuses
habituer. Pour les travailleurs, utilisées au travail
De toutes Délais de réentrée – Produits la situation est encore plus diffi-
les machines, cile. Dans certaines conditions, DC 500-121 • Fiche
homologués pour la pomme
le tracteur ils risquent de subir un coup
DC 900-982 • Affichette L’échafaudage
est celle que de chaleur mortel.
28 cm sur 43 cm Monté sur du solide
l’on utilise le Ce guide format poche
plus dans le contient un outil qui permet DC 900-9100 • Affiche
secteur de d’évaluer le risque auquel les
l’agriculture. travailleurs sont exposés lors- Attention au coup de chaleur !
Même s’il qu’ils travaillent à la chaleur. DC 900-749 • Affiche
remporte le Il propose une série de mesures
premier prix à appliquer, selon le niveau de Campements temporaires
pour son risque, pour prévenir les coups en forêt
utilité, il reste néanmoins à de chaleur. Il traite également DC 200-631 • Brochure
l’origine d’un grand nombre des mesures à prendre si un
d’accidents. Entre 1989 et 2000, Délais de réentrée – Produits travailleur présente des symp- Débroussaillage
126 accidents mortels liés au homologués pour la pomme tômes ou un des signes de DC 200-634 • Brochure
tracteur sont survenus au de terre malaise causés par la chaleur.
Québec. Les renversements Abattage manuel
DC 900-983 • Affichette
constituent encore la principale Fiche de suivi
28 cm sur 43 cm
cause de décès.
DC 200-1523
Nombreux sont les dangers En agriculture, les sites traités
liés à l’utilisation de ce véhicule. avec des pesticides peuvent
Notons entre autres l’écrasement présenter un risque pour les Vous pouvez vous procurer ces
travailleurs affectés à des tâches documents au bureau de la
manuelles comme le suivi de CSST de votre région. PT
cultures, le sarclage manuel ou
la cueillette. À cause de l’expo- Isabelle Desbiens
sition par contact cutané, ils

4 Prévention au travail Été 2004


C h e rc h e z l ’e r re u r
Le changement de ballast
Une réunion doit se tenir sous peu dans cette salle, mais l’éclairage
est déficient. Qu’à cela ne tienne, Richard s’apprête à changer
le ballast d’un appareil d’éclairage fluorescent. Pour les besoins
de notre démonstration, il a laissé tomber quelques règles de prudence.
Pouvez-vous dire lesquelles ?

Simulation
Photo : Denis Bernier

Été 2004 Prévention au travail 5


Les erreurs
5
1 L’escabeau choisi est de type domes- 4 Les chaussures sport ne protége-
2
tique, en aluminium, donc conduc- ront pas les pieds du travailleur si des
teur d’électricité. Ses montants ne outils venaient à tomber. Ni casque
6
sont pas verrouillés. ni lunettes de sécurité ? Décidément,
5 2 Richard n’est pas dans une position les équipements de protection indi-
très confortable. Il pourrait se faire viduelle (EPI) se font plutôt rares…
2 4 1 1 un sérieux mal de dos. 5 Les autres fluorescents sont encore
3 Les outils sont posés sur la tablette allumés ! Travailler sous tension n’est
de l’escabeau. Outre qu’ils ne sont pas prudent — et ici, on ne parle pas
3 3
pas à portée de main, ils pourraient de stress !
tomber ! 6 Un fil de téléphone qui pend, un cou-
6 vercle de ballast en équilibre précaire
4
sur l’escabeau. Tout ce qu’il faut pour
qu’un incident se produise.
6
Photos : Denis Bernier

le disjoncteur, une étiquette mentionne


entre autres son nom, la date du jour,
la nature des travaux et précise l’en-
droit où il se trouve pour exécuter les
travaux. Cela étant fait, Richard prend
le temps de déplacer une table afin de
bien positionner son escabeau sous le
ballast à changer. Les contorsions, très
peu pour lui ! L’escabeau est en fibre
de verre, un matériau isolant, condition
à respecter quand on travaille près de
conducteurs électriques. Ses montants
sont complètement ouverts et son dis-
positif de retenue en position verrouil-
lée. L’escabeau est de type commercial,
il ne possède pas de tablette pour dé-
poser des outils. Ces derniers sont bien
rangés dans une ceinture, à portée de
main et ne traînent pas un peu par-
tout. Après avoir enlevé le couvercle du
ballast, l’électricien a pris le temps de
le déposer sur la table. L’aire de travail
a été dégagée de tout objet pouvant
tomber ou faire trébucher quelqu’un.

Protection individuelle
Finalement, Richard ne travaille jamais
sans ses EPI. Il porte donc des chaus-
sures, un casque et des lunettes de sécu-
rité. Il sera protégé si des vis ou des
outils tombent. Il est facile d’échapper
ce qu’on a en main quand on travaille
à bout de bras. Maintenant, Richard
peut travailler l’esprit en paix, il ne
risque pas de se blesser. PT

Julie Mélançon
Les corrections Les photos ont été prises aux bureaux de la
Direction régionale de Laval de la CSST. Merci
Méthode de travail cadenasse la source d’énergie. Il prend à notre comédien, Richard Bégin. Et à nos
D’abord, avant de commencer sa be- soin de vérifier que les conducteurs élec- collaborateurs, Yvon Papin, conseiller à la Direc-
tion de la prévention-inspection et Jean-Jacques
sogne, Richard, électricien de métier, triques sont réellement hors tension. Rouleau, inspecteur à la Direction régionale de
s’assure de travailler hors tension et Sur son cadenas personnel, apposé sur Laval, tous deux de la CSST.

6 Prévention au travail Été 2004


Dossier

Secourisme
en milieu
de travail

Par Marc Tison


La fameuse boîte
blanche passe souvent
inaperçue. Tant mieux !
C’est sans doute qu’on
Photo : Yan Lasalle

en a rarement besoin.
L’important est qu’elle soit là.
Et surtout que quelqu’un
sache s’en servir.
Dossier
À cette époque, la formation des
secouristes était traditionnellement la
Plus de 60 000 secouristes en responsabilité de l’Ambulance Saint-
milieu de travail sont formés au Québec, Jean, dont la longue expérience en la
bon an mal an. Pour y parvenir, de matière était reconnue. Mais la logique
1000 à 1500 formateurs leur donnent voulait que cette formation soit désor-
un cours de 16 heures. Ces derniers mais confiée à un plus grand nombre
travaillent pour 32 organismes spécia- d’organismes disséminés sur tout le
lisés dans la formation en secourisme. territoire. Quelle formation allaient-
Et ces organismes sont tous agréés par ils donner ? Le cours de huit heures de
la CSST, qui coordonne le programme, l’Ambulance lui appartenait en propre
supervise la production du matériel et contenait des notions rarement utiles

Photo : Pierre Charbonneau


didactique et en fait la promotion. Il en milieu de travail, comme les quasi-
s’agit probablement du programme noyades. Bref, raconte Mme Harvey, « il
le plus universellement apprécié de la fallait créer notre propre matériel ».
CSST, celui qui touche le plus de gens. Tout était à faire : définir un conte-
Et ça dure depuis 20 ans. nu, fixer la durée de la formation, conce-
Quand on lui a confié la tâche de voir le matériel didactique. Il est vite
Au début des années 80, la CSST
le mettre sur pied, au début des an- devenu évident qu’il fallait ajouter des
confiait à Lorraine Harvey la
nées 80, Lorraine Harvey, actuelle- notions de réanimation cardiorespi-
ment conseillère à la Direction des ratoire (RCR). « C’était difficile, car en tâche de mettre le programme
relations avec les partenaires, a eu introduisant la RCR, on ajoutait un sur pied. Vingt ans plus tard,
le sentiment d’être un peu à l’écart minimum de quatre heures à la forma- cette conseillère a toutes les
du bouillonnement d’énergie et d’en- tion. On franchissait la frontière de la raisons du monde d’être fière du
thousiasme qui avait suivi la créa- journée. » Mais le pas était inévitable. Il parcours accompli. Elle récolte
tion de la CSST. « J’avais l’impression fut fait avec le soutien de la Fondation ce qu’elle a semé…
de ne pas faire de prévention, au des maladies du cœur du Québec.
contraire, je m’occupais de ramasser C’est à Lorraine Harvey qu’on a
les blessés », narre-t-elle. Pourtant, confié la tâche de la conception et de ma ressource principale pour le contenu.
cette diplômée en pédagogie allait la rédaction du tout premier manuel C’est avec elle que j’ai mis au point
rapidement se passionner pour sa Secourisme en milieu de travail. « Jamais chaque technique, que je faisais ensuite
mission. « L’expression Secourisme en je n’aurais pu le faire seule. J’ai heu- valider dans le réseau. » Le Dr Albert
milieu de travail, c’est ma contribu- reusement été aidée par des infirmières Charbonneau a, pour sa part, joué le
tion », note-t-elle sobrement. du réseau, des femmes extraordinaires. rôle de médecin valideur officiel.
Diane Bernier, une infirmière de l’hô- La rédaction du premier jet du
Premiers pas des premiers pital Saint-Sacrement de Québec, a été manuel a nécessité neuf mois de ges-
secours au travail tation, suivis de neuf autres mois de
En 1979, l’entrée en vigueur de la Loi consultation avec des spécialistes. Il
sur la santé et la sécurité du travail a
entraîné dans son sillage la refonte Le règlement
de plusieurs règlements, dont celui
portant sur les premiers secours. Jus- Le Règlement sur les normes minimales de premiers secours et de premiers soins,
qu’alors, le règlement exigeait la pré- entré en vigueur le 22 septembre 1984, oblige les employeurs à assurer la
sence de secouristes ou d’infirmières présence dans leur établissement ou sur leur chantier d’un nombre minimal
dans les grands chantiers et les camps de secouristes pour chaque période de travail. Une équipe de 50 travailleurs ou
forestiers, sans définir leur nombre. Le moins doit compter un secouriste. Celle de 51 à 150 travailleurs, deux secouristes.
nouveau règlement allait corriger ces Au-dessus de 150 travailleurs, il faut ajouter un secouriste par groupe supplé-
lacunes et fixer un rapport précis de mentaire de 100 travailleurs. Les rapports sont plus élevés pour la sylviculture.
secouristes en fonction du nombre de Le programme subventionne la formation d’un maximum de 5 % du nombre
travailleurs (voir encadré). La notion total de travailleurs d’un établissement, sauf dans les secteurs où les conditions
nébuleuse de premiers soins a aussi de travail sont plus dangereuses, comme les mines, la forêt et la sylviculture
été clarifiée. Dorénavant, on parlerait (20 % des travailleurs) ou la construction (10 %). Mais de nombreuses entreprises,
de premiers secours pour désigner les conscientes de l’importance du secourisme, ont elles-mêmes payé la formation
interventions des secouristes afin de de secouristes supplémentaires.
sauver la vie d’une victime d’accident, Pour obtenir son certificat — une carte verte numérotée qu’il peut glisser
empêcher l’aggravation de ses blessures dans son portefeuille —, le candidat secouriste doit maîtriser diverses techniques
et soulager ses douleurs. Les premiers de base : réanimation cardiorespiratoire, contrôle des hémorragies, stabilisation
soins, pour leur part, feraient désor- ou immobilisation des fractures, etc. Le certificat a une validité de trois ans, au
mais référence à ceux administrés par terme desquels le secouriste doit suivre à nouveau le cours et réussir l’examen.
le personnel spécialisé, tels les méde- Bien formés et bien outillés, les secouristes sont une nécessité et une richesse
cins et les infirmières. pour toutes les entreprises du Québec.

8 Prévention au travail Été 2004


fallait encore y ajouter les
illustrations. À l’intention
des formateurs, Lorraine
Harvey a aussi rédigé
le Guide de formation à
l’usage des moniteurs et
monitrices, un épais cahier
de 14 unités d’apprentis-
sage, plus les annexes et
les examens.
Pour compléter le ma-
tériel de formation, onze
diaporamas d’un total
de 141 minutes ont éga-
lement été produits. Le
Guide de formation a été
évalué et testé en collabo-
ration avec l’Ambulance
Saint-Jean. Le programme
en son entier a ensuite
été implanté. « Il fallait
être présent, répondre aux
questions, être en interac-
tion pour faire des ajuste-
ments, mais finalement le
programme, très attendu,
a bien démarré. »

Un best-seller
Au Québec, on estime qu’un livre est
un best-seller quand on en vend manufacturier et sauvetage minier,
3 000 exemplaires. Le tirage actuel à la Direction de la prévention-
de la version française du manuel dé- inspection. Son contenu technique
passe les 100 000 exemplaires. Celui est supervisé par Jules Turcot, conseil- Au départ, le secourisme en milieu
de la version anglaise est de 14 000. ler et chargé de projet. Doris Racine, de travail ne tenait pas compte des sec-
Les Publications du Québec s’occu- conseillère et chargée de projet, s’oc- teurs d’activité. « Après 20 ans d’appli-
pent de l’édition et de la distribution. cupe de la gestion administrative et de cation, on se spécialise, commente le
À la suite du travail de pionnier de la mise en application du programme, conseiller. En forêt, par exemple, on
Mme Harvey, le manuel a constamment de même que du suivi auprès des ré- approfondit les techniques de déplace-
évolué. La première version, parue gions et des fournisseurs. Un comité de ment du blessé. » Ce domaine a connu
en 1985, contenait 208 pages. Près de spécialistes se réunit au besoin et donne une révolution : l’ajout de doses d’adré-
vingt ans plus tard, la cinquième édi- son avis sur le contenu du manuel et naline pour maîtriser les chocs ana-
tion en compte plus de 290. Si l’infor- les modifications à apporter. Mais la phylactiques — réactions allergiques
mation de base demeure sensiblement CSST conserve la responsabilité des générales graves aux piqûres d’insectes.
la même, des ajouts et des précisions y choix. « Des détails peuvent y être Il a fallu obtenir l’aval du Collège des
ont été apportés, au fil des ans. Ainsi, ajoutés sans en faire une mise à jour médecins pour autoriser les secouristes
on y trouve maintenant 21 protocoles globale, précise M. Turcot. On attend en forêt à faire ce geste. Il faut se rap-
d’intervention. Ces tableaux, agréable- des changements fondamentaux avant peler qu’à cette époque, même les am-
ment colorés, résument de façon sché- de lancer une nouvelle édition. » bulanciers n’étaient pas autorisés à
matique les observations à faire, les Les risques biologiques ont consti- injecter l’adrénaline. Un long débat, qui
décisions à prendre et les gestes à ac- tué l’un de ces changements majeurs, a déjà porté fruit. En août 2001 et 2002,
complir dans les principaux cas : arrêt insoupçonné en 1984. Le danger de deux travailleurs forestiers ont eu une
cardiorespiratoire, hypothermie, bles- contracter le VIH ou l’hépatite impose réaction allergique générale grave à la
sure aux yeux, hémorragie… Chacun de des précautions nouvelles. On recom- suite d’une piqûre d’abeille et ont été
ces protocoles est repris dans un petit mande donc fortement que les trousses sauvés grâce à l’injection d’adrénaline1.
guide de poche facile à consulter. de premiers secours soient pourvues « On a pris la bonne décision et on peut
À la CSST, la gestion du programme de gants jetables et d’un masque muni dire qu’on a été précurseur », constate
— premiers secours, premiers soins, d’une soupape unidirectionnelle. « Plu- Jules Turcot.
protocoles d’intervention — est sous tôt que de se cacher les problèmes,
la responsabilité de Gordon Perreault, on y fait face avec des solutions pra- 1. « L’aiguillon de la prévention », printemps
chef de service, secteurs primaire et tiques », fait valoir Jules Turcot. 2004.

Été 2004 Prévention au travail 9


Dossier
aussi une formation spécifique pour le d’organismes pour desservir la po-
secourisme en mer, « afin de s’arrimer pulation. »
aux exigences fédérales », explique Jules Les fournisseurs agréés par la CSST
Turcot dans une élégante métaphore doivent eux-mêmes entreprendre les
maritime. démarches pour inviter les employeurs
Les diaporamas des temps héroïques à faire appel à leurs services. Les entre-
ont de leur côté fait place à des vidéos, prises ne devraient pas être trop diffi-
que les formateurs doivent obligatoi- ciles à convaincre, car la formation ne
rement utiliser dans leurs cours. Une leur coûte rien. Elle est payée par la
nouvelle série devrait d’ailleurs être CSST, qui remet aux fournisseurs une
réalisée sous peu. somme de 84 $ par secouriste formé. Les
entreprises doivent tout de même libé-
Une organisation rer les travailleurs désignés. Dans le
de premier plan but de favoriser l’adhésion des PME à la
Dans un atelier d’usinage d’Amos, en formation, la CSST a prévu un incitatif.
Abitibi, un mécanicien s’entaille pro- Ainsi, lorsque 70 % des participants pro-
fondément l’avant-bras. La prompte viennent des petites entreprises, une allo-
intervention du secouriste enraye l’hé- cation est consentie aux fournisseurs.
morragie. Le même geste aurait pu être Le Cahier des charges est la pierre
fait à Baie-Comeau, Gaspé, Montréal. angulaire de l’organisation. Toute
Cette uniformité dans la compétence une brique, en effet, que cet imposant
s’appuie sur une organisation solide- boîtier bleu de 10 cm d’épaisseur. Il
ment structurée. Dans l’ensemble du contient trois volumineux documents :
Québec, 32 organismes — les four- le Guide pédagogique des formateurs,
nisseurs — donnent la formation en le Protocole d’intervention auprès des
secourisme aux travailleurs délégués entreprises, et le Cahier des charges
par leurs employeurs. Ces fournisseurs proprement dit. « Ce dernier définit les
sont répartis en fonction de la densité modalités administratives », explique
de la population. La région de Montréal Gordon Perreault. « Il s’agit, en fait,
en regroupe 11, et celle de Gaspésie– d’un contrat avec nos fournisseurs.
Îles-de-la-Madeleine, deux — le mini- Quand nous lançons un appel d’offres
mum pour chaque région. « Il faut pour établir un fichier des fournisseurs
une saine compétition, une émula- dans chacune des régions, c’est à partir
tion, fait valoir Doris Racine. Il est de ce cahier que les entreprises pré-
essentiel qu’il y ait un nombre suffisant sentent leurs soumissions. »

Jérôme s’est effondré en sortant


de l’ascenseur. Le secouriste
demande à la téléphoniste
d’appeler le 911. Ensuite, il évalue
l’état de conscience de la victime,
ouvre ses voies respiratoires,
vérifie sa respiration, son pouls
et commence la respiration artifi-
cielle en attendant l’arrivée des De gauche
ambulanciers. Scènes extraites à droite,
de la vidéo de formation. Gordon
Perreault,
D’autres domaines présentent des Jules Turcot
conditions de travail particulières. Ainsi, et Doris
dans le secteur de l’environnement,
Racine,
les buses de nettoyage à haute pression
tous trois
peuvent provoquer des blessures in-
ternes difficiles à diagnostiquer. Les de la
Photo : Louise Bilodeau

travailleurs porteront donc éventuelle- Direction


ment sur eux, en permanence, une carte de la
qui renseignera le personnel médical sur prévention-
ce type de blessures. La CSST prépare inspection.

10 Prévention au travail Été 2004


réussir un examen préparé et corrigé
par le cégep de Sainte-Foy selon les
critères de la CSST. Les nouveaux for-
mateurs ont ensuite un an pour obtenir
l’agrément PHTLS (Prehospital Trauma
Life Support2), « de façon à ce qu’il y
ait une continuité de soin avec le per-
sonnel préhospitalier d’urgence », sou-
ligne Mme Racine.

L’inspecteur
Respecter à la lettre le règlement sur les
premiers secours ne veut pas dire qu’on
en respecte l’esprit : « J’ai vu des cas où
il y avait bien une ambulance sur le
chantier, mais elle ne démarrait pas ! »,

Photo : Manchan / Getty Images


raconte Robin Michaud, inspecteur à la
Direction régionale de la Côte-Nord de la
CSST. C’est pour éviter de tels accrocs
que les inspecteurs tiennent, eux aussi,
un rôle sur la grande scène du secou-
risme en milieu de travail. Ils profitent
Soudain, en tournant le coin de leurs visites pour vérifier si les élé-
d’un corridor, vous apercevez ments de secourisme prescrits sont
un de vos collègues par terre. bien en place. Sur la Côte-Nord, où la
Frappé par un objet, malaise forêt emploie une proportion non négli-
geable de la population, les conditions de
cardiaque, accident cérébro-
Le Cahier des charges est habituelle- travail difficiles imposent des mesures
ment révisé tous les trois ans, mais
vasculaire ? Sauriez-vous quoi particulières. « Au printemps, nous appe-
cette période peut se prolonger de deux faire, en pareille circonstance ? lons les entrepreneurs, puis nous orga-
ans. La version actuelle est valide jus- nisons une rencontre en collaboration
qu’en décembre 2004. « La tarification de la Fondation des maladies du cœur avec le CLSC, relate Robin Michaud.
est recommandée par Mario Lachance, du Québec. Ils devront également pré- Nous leur expliquons comment nous
comptable spécialiste en prix de revient, senter une lettre de parrainage d’un agissons sur le terrain et ce que nous
précise Mme Racine. Une avocate, Kim organisme de formation, « ce qui nous attendons d’eux au cours de l’année. »
Legault, valide le contenu du Cahier des permet de sélectionner les personnes
charges sur le plan juridique. L’appel qui ont la qualification professionnelle 2. Formation qui a pour but d’accroître les
connaissances et compétences techniques
d’offres est supervisé par le Service de et les compétences nécessaires », pré- nécessaires à la prise en charge d’un patient
la gestion contractuelle et de l’appro- cise Doris Racine. Enfin, il leur faudra traumatisé en milieu préhospitalier.
visionnement à la CSST, afin qu’il
se déroule dans la transparence et le
respect des grilles d’évaluation. » Le
contrat de trois ans des fournisseurs
correspond à la période de validité du
Cahier des charges. Ils doivent se plier
aux critères très précis du cahier sous
peine de sanction ou même de radia-
tion. « C’est un travail d’équipe, insiste
M me Racine. Seule à Québec, avec
Micheline Moreau, agente de secré-
tariat, je ne peux pas vérifier si les
régions sont bien desservies par les
fournisseurs, et s’ils le font selon les
normes du Cahier des charges. J’ai donc
Photo : LeggettWood

besoin d’une équipe de collaborateurs,


les responsables régionaux, qui seront
mes yeux et mes oreilles. »
Les futurs formateurs doivent eux-
mêmes passer par un processus de forma- Chez LeggettWood, cinq secouristes font des simulations, tous les mois,
tion. Ils doivent au préalable détenir la histoire de ne pas oublier les protocoles et d’être prêts à intervenir si
carte de réanimation cardiorespiratoire jamais un accident survenait.

Été 2004 Prévention au travail 11


Dossier
de petites cartes qui résument l’in-
formation essentielle.
Sur la Côte-Nord, on a fait l’essai
d’une formation approfondie de
35 heures, grandement appréciée
par les 16 personnes qui l’ont suivie.
« Nous aimerions qu’à long terme, les
secouristes puissent en faire davan-
tage, avec un entraînement spécial
en forêt », indique M. Michaud. Il
entrevoit même la possibilité d’orga-
niser des olympiades de secourisme
en forêt. Car les mordus des premiers
secours ne manquent pas. À Roberval,
un pompier volontaire et un patrouil-
leur de ski bénévole, tous deux secou-
ristes, ont convaincu leur employeur
de créer une brigade de premiers
répondants — des supersecouristes
formés pour immobiliser un blessé
et l’installer en civière, lui donner de
l’oxygène, etc. Donald Deschesnes
est superviseur mécanique et Yannick
Lambert, contremaître à l’usine
LeggettWood. L’idée leur est venue
en juillet 2003. En octobre suivant,
Une explosion se produit, là où ils obtenaient le feu vert de leur en-
vous travaillez. Sauriez-vous com- treprise, spécialisée en deuxième et
troisième transformations du bois.
ment venir en aide aux victimes ?
Cinq travailleurs de LeggettWood
Scènes extraites de la vidéo de ont donc suivi une formation de
formation. 45 heures réparties sur deux fins de
semaine. Les membres de l’équipe
La suite des interventions se passe font des simulations tous les mois. « Il
sur le terrain. « Y a-t-il des secouristes n’y a pas de secret, soutient Yannick
en nombre suffisant pour respecter le Lambert. Il faut s’entraîner, sinon ça La secrétaire de votre service avale
taux de un pour cinq travailleurs ? se perd vite. » un morceau de carotte de travers
Leurs noms sont-ils bien affichés et LeggettWood a investi 3 000 $ en
et suffoque. Savez-vous comment
connus de leurs collègues ? Y a-t-il matériel et 2 000 $ en formation. « Le
un préposé aux véhicules d’urgence genre d’investissement qu’on fait en vous pouvez la secourir ?
si nécessaire ? L’ambulance est-elle espérant ne pas avoir à s’en servir »,
en état de marche, branchée en hiver lance Jean-Pierre Chevarie, coordonna- de développement de réseaux locaux de
et prête à démarrer ? », énumère l’ins- teur en sst. Certains ont remis en ques- services de santé et de services sociaux
pecteur. En forêt, les travailleurs s’ac- tion la pertinence du projet, puisque (ADRLSSSS). Ces dernières ont mis sur
tivent habituellement par deux pour se l’hôpital est à deux pas. « L’été dernier, pied des plans d’interventions sur le
porter mutuellement secours. Néces- il y a eu un accident, raconte Donald territoire. Les infirmières des CLSC
sité faisant loi, ils ont d’ailleurs leurs Deschesnes en guise de réplique. Une forment le fer de lance de l’opération.
propres trucs. Ainsi, ils conservent à triple fracture très douloureuse. L’am- « Elles voient à ce que tous les éléments
l’intérieur de leur casque des panse- bulance a mis 28 minutes à arriver. On de l’organisation des premiers secours
ments compressifs en cas de coupure ne peut pas compter sur le fait que les soient appropriés, précise Louise van
grave. Robin Michaud et ses collègues services sont à côté. Nous voulons que Doesburg, conseillère en soins infir-
s’assurent également que l’entreprise le blessé soit prêt à partir quand l’am- miers à l’ADRLSSSS des Laurentides.
respecte le protocole d’évacuation et bulance arrive. On sait que ce sont les Elles renseignent l’employeur et les
de transport des blessés en forêt. « Nous premières minutes qui comptent ! » secouristes sur leurs obligations et
demandons qu’elle ait conclu une en- responsabilités — formation des secou-
tente pour les services d’ambulances Le réseau de la santé ristes, trousse de premiers secours, dis-
ou d’hélicoptères avant le début des Il est, lui aussi, un autre maillon essen- positif de communication, affichage,
travaux. En cas de problèmes, on évite tiel de la chaîne. Dans chaque région, registre, protocole d’évacuation. » Tous
ainsi les pertes de temps. » Le proto- des ententes sont signées entre les bu- ces éléments sont décrits dans une
cole est affiché dans le campement et reaux régionaux de la CSST et les régies pochette d’information distribuée par
les contremaîtres emportent avec eux régionales, désormais appelées Agences les infirmières.

12 Prévention au travail Été 2004


Ces dernières travaillent en collabo- aucun doute : « Il m’a sauvé le bras, et
ration avec les inspecteurs de la CSST, peut-être la vie ! » En 2002, dans une
qui voient pour leur part au respect des vidéo sur le secourisme produite par
normes minimales de premiers secours. la CSST, Réal Morin raconte qu’en
« Les infirmières ont une approche inté- préservant son bras, Marcel Duchesne
grée, informe Mme van Doesburg. Notre a sauvé sa carrière. « À 51 ans, ce n’est
rôle consiste à soutenir l’employeur pour pas le moment d’apprendre un autre
optimiser son organisation. Nous faci- métier, dit-il. Mécanicien, c’est tout ce
litons aussi la reconnaissance et la valo- que je sais faire. » Fixant l’objectif, il
risation du rôle du secouriste dûment s’adresse directement à son ancien col-
formé en entreprise. » Les interventions lègue. « Je travaille toujours comme
des infirmières ont notamment eu un mécanicien. Je te remercie pour ce que
impact majeur sur la formation des tu as fait pour moi. » Sa femme ajoute :
secouristes pour l’administration de « Si nous pouvons voir notre retraite
l’adrénaline et le contenu des trousses. venir dans quatre ans, c’est grâce à lui.
« Auparavant, plusieurs employeurs, Un gros merci, Monsieur Duchesne. »
qui géraient en bon père de famille, Si le secourisme en milieu de tra-
mettaient des médicaments dans la vail peut sauver des vies et réduire les
trousse. Depuis 10 ans, il y a eu énor- conséquences néfastes des accidents, il
mément de travail pour expliquer que peut également jouer un rôle en matière
la trousse de premiers secours n’est de prévention. « Il est difficile de dire
pas une pharmacie. » Les infirmières à quel point les interventions des se-
des CLSC peuvent en outre donner des couristes ont des effets préventifs, croit
formations plus spécifiques : réactions Lorraine Harvey. J’ai toutefois lu dans
allergiques générales graves, coups de un ouvrage français qu’un secouriste
chaleur ou engelures, par exemple. est moins sujet aux accidents. Je suis
personnellement convaincue qu’une
Résultats non quantifiables… personne formée au secourisme devient
mais concrets une vigile dans son milieu. » Non, ce
Les chiffres sont impressionnants : n’est pas une légende urbaine, selon
59 734 secouristes ont été formés Yvan Armand Hovington, secouriste
en 1998, 71 018 en 2003. Les subven- depuis 1986 dans l’usine de bois
tions pour cette formation sont passées d’œuvre de Boisaco, à Sacré-Cœur. À
d’environ 3 millions de dollars en 1998 51 ans, ce conducteur de raboteuse
à 4,7 millions en 2003. Un investis- est le plus ancien d’une équipe d’une
sement qui rapporte ? « Les interven- dizaine de secouristes. Quand un
tions des secouristes empêchent les accident survient durant son quart,
blessures de s’aggraver et en limitent c’est vers lui qu’on se tourne. L’un
les séquelles, répond Gordon Perreault. des plus récents accidents à ce jour ?
L’impact direct est difficile à quantifier, Un homme s’est effondré alors qu’il
mais nous avons des exemples et des marchait. Craignant une blessure au
témoignages qui montrent que l’effet cou, M. Hovington l’a soigneusement
est positif. » Le mécanicien Réal Morin maintenu en attendant l’ambulance,
peut en témoigner. Alors qu’il travaillait tout en lui parlant pour l’empêcher de
dans un garage sur le chantier d’une perdre conscience. « Dans ces cas-là,
centrale hydroélectrique près de Sept- les notions reviennent automatique-
Îles, un bras articulé qu’on démontait ment, comme si on venait juste de les
sur une plate-forme de travail est tombé Une chute, un cri, du sang, des apprendre », fait-il remarquer.
sur son avant-bras et l’a transpercé de fractures. La secouriste suit Les secouristes de Boisaco ont reçu
part en part. Le sang coulait à flot de rigoureusement le protocole : la mission d’encourager leurs collègues
la blessure. Ses collègues n’ont pas d’abord les gants. Puis, pression à adopter des comportements sécuri-
cédé à la panique. Ils sont partis en cou- directe, pansement compressif, taires. « On rappelle régulièrement aux
rant. Pour ramener le secouriste Marcel surveillance très attentive du travailleurs que les secouristes peuvent
Duchesne. « Il y avait un trou à l’avant- intervenir pour protéger leur sécurité,
blessé. Avoir une trousse de
bras droit, raconte ce dernier. J’ai fait déclare Gilles Lamarre, directeur du
un garrot en serrant avec mes mains
premiers secours sur les lieux de développement des ressources hu-
à la hauteur du biceps et j’ai envoyé travail, c’est bien, mais savoir maines. C’est un engagement de tous,
quelqu’un appeler une ambulance. » s’en servir, c’est vraiment l’idéal. secouristes, superviseurs, membres de
Le secouriste a maintenu la pression Toutes les séquences des simula- la direction, représentants en préven-
jusqu’à l’arrivée des ambulanciers et tions sont extraites de la vidéo tion. Chacun voit à faire respecter les
d’une infirmière. Pour Réal Morin, de formation. consignes. »

Été 2004 Prévention au travail 13


Dossier
le thème Testez vos « Le programme de secourisme, qui
connaissances en secou- fête ses 20 ans cette année, est peut-
M. Hovington a été risme. « Il faut rendre ça être le plus beau fleuron de la CSST,
blessé quelquefois dans amusant ! », lance-t-elle. soutient Jules Turcot. Il touche l’en-
le passé. « Mais je suis Le manuel lui-même semble des secteurs d’activité. D’une
tranquille depuis plu- est un formidable outil certaine façon, c’est un service commu-
sieurs années, ajoute-t-il. promotionnel. En 2002, nautaire : non seulement le secouriste
Il faut penser à la sécu- le lancement de la intervient dans son milieu de travail,
rité. Avec le secourisme, cinquième édition a mais il peut également agir ailleurs. » Il
on n’est plus le même. donné lieu à une cam- ne met pas de côté ses connaissances
On devient sérieux. C’est pagne d’envergure. Les une fois sorti de l’entreprise, il demeure
comme si tout le manuel défilait dans manuels sont distribués aux secou- secouriste partout et en tout temps.
notre tête. » Son fils est lui aussi secou- ristes par les forma- En janvier 2004, dans
riste. Tel père, tel fils ! teurs, mais ils sont le Bas-Saint-Laurent,
également vendus au une grand-mère secou-
Une belle grand public en librai- riste a sauvé la vie de
promotion rie. « La CSST a un plan son petit-fils de deux
« Boum ! » Lyne Beaulé, conseillère à de diffusion pour ses ans, en proie à une crise
la Direction des communications de outils et les Publica- de convulsion. « Son vi-
la CSST, vient de déposer sur la table tions du Québec ont, sage virait au bleu et on
de la petite salle de conférence une de leur côté, un plan de sentait qu’il se laissait
énorme reliure à anneaux de 15 cm marketing spécifique », aller, a-t-elle confié à
d’épaisseur. Elle fait ainsi involontai- indique la conseillère un journal de Matane.
rement sentir le poids et la portée de en communication. Le Alors, j’ai commencé à
la promotion du secourisme en milieu tirage est fonction des lui donner la respiration
de travail. La reliure contient tout le besoins après évaluation artificielle. » Conduit à
matériel promotionnel du conjointe l’hôpital par ambulance,
programme. Car, aussi avec l’éditeur. Bien en- l’enfant s’en est sorti sans séquelles,
reconnu soit-il, ce pro- tendu, le site Internet de grâce en bonne partie aux soins de
gramme doit faire l’objet la CSST contient tous les sa grand-mère, membre de l’équipe de
d’une promotion cons- détails du programme de secouristes de l’entreprise où elle est
tante. Il faut d’abord secourisme en milieu de contrôleur de la qualité. « Son impact
convaincre les entreprises travail (www.csst.qc.ca/ en dehors du milieu de travail est une
de la prépondérance du Services/secourisme.html). des raisons qui font que le programme
secourisme. La CSST a Une fois le secourisme est très apprécié », fait valoir Gordon
produit une affiche et des implanté dans l’entreprise, Perreault.
dépliants distribués entre la tâche ne s’arrête pas là, La CSST ne se repose pas pour au-
autres par les formateurs. encore faut-il que le service tant sur ses lauriers. Le programme
Mais elle mène aussi des soit efficace. Aussi la CSST continue à se raffiner, au rythme des
campagnes de presse et fournit-elle les documents progrès techniques et médicaux. Les
distribue des pochettes utiles à son bon fonction- défibrillateurs cardiaques automa-
d’information auxquelles nement. Étiquette auto- tiques, qui n’existaient pas au début
les médias régionaux et collante. Affichette où des années 80, font maintenant leur
les publications spécia- seront inscrits les noms chemin en milieu de travail. L’équipe
lisées font largement des secouristes, l’empla- de la CSST devra en tenir compte sous
écho. « Nous concevons cement des trousses et peu. « Avant 1984, il n’existait rien,
le matériel et nos bureaux les numéros de téléphone observe Jules Turcot. Aujourd’hui, on
régionaux ainsi que les utiles. Registre où sont peut dire qu’on fait figure de leader
infirmières des CLSC consignés les accidents, dans ce domaine. »
sont nos relayeurs sur le incidents et premiers se- « Le programme est passé dans
terrain, note Mme Beaulé. Doris Racine cours donnés. Pochettes sur l’expo- les mœurs, il est devenu universel »,
me communique les besoins des for- sition au sang ou l’administration conclut avec plaisir Lorraine Harvey,
mateurs. J’essaie d’en tenir compte avec d’adrénaline. Le catalogue présente, vingt ans après l’avoir vu naître. PT
Jules Turcot dans la conception des en outre, un protocole d’évacuation
outils. » Un stand sur le secourisme et de transport des blessés en forêt
est dressé dans le cadre de certains et une vidéo sur les blessures à la co-
salons, séminaires ou colloques en lonne vertébrale en milieu forestier. Et
À la une, Yvon Luangxay, photogra-
sst. Pour attirer l’attention et soutenir ce n’est pas fini. « Il faut constamment
l’intérêt, Mme Beaulé a fait produire un mettre notre matériel à jour. Le secou- phié en pleine action dans le cadre
jeu interactif sur écran cathodique et risme sera toujours un sujet d’actua- du 13e championnat provincial inter-
des cartes-questionnaires à gratter, sur lité ! », s’exclame la conseillère. collégial de secourisme, en 2002.

14 Prévention au travail Été 2004


Droits et obligations

La CSST
et le processus d’adoption
des règlements en vertu de la LSST
Un exemple
En 1994, le nombre de travailleurs forestiers
morts dans l’exercice de leurs fonctions a amené les associa-
tions patronales et syndicales du secteur à unir leurs efforts
afin de favoriser la mise en œuvre de mesures concrètes de
prévention sur les lieux de travail. En juin 1995, le Comité
paritaire de prévention du secteur forestier voyait le jour. Son
objectif : établir avec la CSST un plan d’action visant l’élimi-
nation ou la réduction à la source des dangers pour la santé
et la sécurité des travailleurs. Avec détermination, les membres
du comité se sont mis au travail et ont réalisé plusieurs
projets pour atteindre leurs objectifs. Au fil des ans, ils ont
produit quatre guides de prévention et conçu une démarche
préventive à suivre pendant les travaux d’abattage manuel, de
Photo : Keith Brofsky / Getty Images

même qu’un programme de formation de 16 heures pour ces


travailleurs. Cette formation permet aux travailleurs qui le
souhaitent d’obtenir un « certificat d’abatteur professionnel
en technique d’abattage sécuritaire ».
Outre qu’il favorisait la prévention, le comité paritaire avait
également comme projet de réviser le Règlement sur les travaux
forestiers1. Pour ce faire, un sous-comité paritaire de travail,
composé de certains membres du comité paritaire, a été mis
sur pied en 2002 pour revoir, article par article, les dispositions Le projet de règlement sera de nouveau transmis au conseil
de ce règlement. Après sept réunions, les membres du sous- d’administration de la CSST pour être adopté, en français et
comité se sont entendus sur l’adoption d’un nouveau règlement. en anglais, de façon définitive ; le Secrétariat à l’allégement
Yves et Antoine, membres du sous-comité, se demandent réglementaire devra approuver le texte adopté par la CSST
maintenant dans quel délai les nouvelles dispositions pour- avant d’être soumis pour approbation par le gouvernement,
ront s’appliquer. Le président du sous-comité leur explique conformément à l’article 224 de la LSST. Une fois approuvé,
que, bien qu’une étape majeure ait été franchie, d’autres le règlement sera publié, en français et en anglais, de façon
devront être suivies avant que le travail ne soit achevé. finale à la Gazette officielle du Québec ; l’entrée en vigueur des
Le projet de règlement sera soumis pour adoption aux dispositions du règlement pourra varier selon ce qui y est
membres du Comité paritaire de prévention du secteur fores- prévu, mais généralement un règlement entre en vigueur le
tier, au cours de l’une de ses séances de travail ; par la suite, le quinzième jour4 suivant la date de la publication à la Gazette
projet sera soumis pour examen et traduction à la Direction officielle du Québec.
des affaires législatives du ministère de la Justice. L’examen du Voilà quelques précisions qui devraient répondre aux inter-
ministère portera notamment sur la légalité des dispositions rogations d’Yves et d’Antoine. Ils peuvent ainsi constater que
proposées plutôt que sur leur opportunité2 ; une fois cette étape l’adoption d’un règlement comporte plusieurs étapes et qu’il
franchie, le projet de règlement sera transmis pour adoption peut s’écouler un délai de 6 à 12 mois entre l’adoption d’un
au conseil d’administration de la CSST et pour prépubli- projet de règlement par la CSST et son entrée en vigueur. PT
cation, conformément à l’article 223 de la LSST ; le texte ainsi
adopté sera prépublié à la Gazette officielle du Québec, en Hélène Savard
français et en anglais, avec un avis invitant toute personne qui
le désire à formuler des commentaires à son sujet à une per-
1. Ce règlement a été adopté en 1973 en vertu de la Loi sur les établisse-
sonne désignée par la CSST et dans le délai prévu, soit dans ments industriels et commerciaux (S.R.Q., 1964, ch. 150). Cette loi a été
les 45 jours de la date de la publication3 ; à l’expiration de ce remplacée par la Loi sur la santé et la sécurité du travail (L.R.Q., c. S-2.1)
délai, les membres du sous-comité technique analyseront, le cas et la CSST a été chargée de l’application de ce règlement.
échéant, les commentaires reçus, afin qu’ils soient intégrés, s’il 2. Il s’agit d’une étape obligatoire. L’objet de cet examen est prévu à
l’article 5 de la Loi sur les règlements (L.R.Q., c. R-18.1).
y a lieu, dans le projet de règlement ; le nouveau texte sera 3. Ce délai est prévu à l’article 11 de la Loi sur les règlements.
transmis au comité paritaire pour information et adoption. 4. Ce délai est prévu à l’article 17 de la Loi sur les règlements.

Été 2004 Prévention au travail 15


Agenda d’ici et d’ailleurs

Du 31 août 28 et 29 octobre 2004 20 octobre 2004 28 octobre 2004


au 3 septembre 2004 Montréal (Québec) Nicolet (Québec) Canton d’Orford (Québec)
Dresde (Allemagne) « Ergonomisez » vos postes 8e Carrefour de la santé Colloque de l’Association
2e conférence internationale de travail et de la sécurité du travail régionale de santé et
WORKINGonSAFETY.net Direction régionale Mauricie sécurité au travail de l’Estrie
Renseignements
29 novembre 2004 et Centre-du-Québec et de la Direction régionale
Téléc. 49 351 457 20 1106
Montréal (Québec)
Renseignements de l’Estrie de la CSST
Courriel : WOS@HVBG.de 30 novembre 2004 Lisanne Côté Renseignements
Site Web : www.workingon Québec (Québec) Tél. (819) 372-3400, poste 3260 ARSSTE
safety.net Alcool, drogues et gestion Courriel : lisanne.cote@csst.qc.ca Tél. 1 866 562-5005
du risque Louis Brault Courriel : arsste@videotron.ca
Renseignements Tél. (819) 372-3400, poste 3404
Du 15 au 17 septembre 2004 Courriel : louis.brault@csst.qc.ca
Centre patronal de santé et
Genève (Suisse)
sécurité du travail du Québec Site Web : www.csst.qc.ca Du 3 au 5 novembre 2004
39e congrès de la SELF Bureau 1000
Paris (France)
Ergonomie et normalisation 500, rue Sherbrooke Ouest Le salon infirmier 2004
26 octobre 2004
Renseignements Montréal (Québec) H3A 3C6 Renseignements
New-Richmond (Québec)
Tél. 41 22 830 09 09 Tél. (514) 842-8401 Groupe Liaisons
27 octobre 2004
Téléc. 41 22 830 09 08 Téléc. (514) 842-9375 Salon infirmier 2004
Courriel : reception@centre
Sainte-Anne-des-Monts
Courriel : info@ergorama-sa.ch (Québec) 1, avenue Édouard-Bélin
patronalsst.qc.ca 92856 Reuil-Malmaison CEDEX
Site Web : www.centrepatro Colloques régionaux FRANCE
30 septembre nalsst.qc.ca de la Direction régionale Tél. 33 01 41 29 77 51
et 1er octobre 2004 Gaspésie–Îles-de-la- Téléc. 33 01 41 29 77 54
Lille (France) Madeleine
Du 13 au 16 octobre 2004
Envirorisk 2004 – Forum Les rendez-vous santé-
Modène (Italie)
européen du management sécurité 10 et 11 novembre 2004
de l’environnement 12e congrès du comité scien- Renseignements Montréal (Québec)
et de la sécurité tifique de la Commission Maxime Boucher Grand Rendez-vous en santé
internationale sur la santé CSST et sécurité du travail
Renseignements
au travail Direction régionale
DPE Événements Renseignements
Tél. 33 04 72 98 26 60 Renseignements Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine Tél. (514) 395-1808
Sites Web : Courriel : info.vo@senaf.it 163, boul. de Gaspé Site Web : www.grandrendez-
www.envirorisk-forum.com Site Web : www.senaf.it/icoh/ Gaspé (Québec) G4X 2V1 vous.com
www.dpe-edition.com index.htm Tél. (418) 368-7852
ou 1 800 668-6789
16 novembre 2004
Du 30 septembre 14 octobre 2004 Québec (Québec)
Jonquière (Québec) 27 et 28 octobre 2004
au 2 octobre 2004 Chaudière-Appalaches
Montréal (Québec)
Lille (France) 4e salon ressources en santé et Québec
et sécurité du travail 4e colloque de l’Association
Congrès Dermato- 14e colloque sur la santé
Allergologie québécoise Plaidoyer-
et la sécurité au travail
15 octobre 2004 Victimes
Renseignements Saguenay–Lac-Saint-Jean Les victimes d’actes criminels : Renseignements
Édith Laden (Québec) agir dans le respect Luc Jacques
Tél. 33 03 20 44 44 77 Tél. (418) 266-4000
20e colloque en santé de la personne
Téléc. 33 03 20 44 55 91 Isabelle Gosselin
Courriel : istnf@wanadoo.fr sécurité du travail Renseignements Tél. (418) 839-2500
Renseignements Association québécoise
CSST, Direction régionale Plaidoyer-Victimes
30 septembre et Saguenay–Lac-Saint-Jean Bureau 20 Du 18 au 22 septembre 2005
3 novembre 2004 Martine Lavoie 4305, rue d’Iberville Orlando (États-Unis)
Montréal (Québec) 901, boul. Talbot, C. P. 5400 Montréal (Québec) H2H 2L5
Tél. (514) 526-9037 XVIIe congrès mondial sur la
Formation Chicoutimi (Québec) santé et la sécurité au travail
Tél. (418) 696-9902 Courriel : aqpv@aqpv.ca
Planification des mesures Site Web : www.aqpv.ca Renseignements
d’urgence Téléc. (418) 696-9957
The National Safety Council
Courriel : martine02.lavoie@
Customer Relations Department
5 octobre et csst.qc.ca
1121 Spring Lake Drive, Itasca
26 novembre 2004 Site Web : www.csst.qc.ca
IL 60143-3201
Montréal (Québec) ÉTATS-UNIS
Formation en gestion Tél. (630) 775-2056
de la santé-sécurité Téléc. (630) 285-1315
Conduite préventive Site Web : www.safety2005.org
des chariots élévateurs

16 Prévention au travail Été 2004


Re
à l’IRSST
c h e r c h e
Dans ce numéro

17 Troubles musculo-squelettiques
Avantages et désavantages
de la rotation des postes
comme moyen de prévention

20 Asthme en milieu de travail –


Santé et sécurité en agriculture
Création de deux nouveaux
centres de recherche

21 Centres de tri
de matières recyclables
Le diagnostic
d’un réaménagement profitable
aux autres centres

23 Chariots élévateurs et
troubles musculo-squelettiques
La France et le Québec

24
partenaires de recherches

Trop bruyant, le métier de


Troubles
conducteur d’autobus scolaire ?

26 Contraintes thermiques
musculo-squelettiques
dans les mines
L’outil de mesure idéal
n’existe pas encore
Avantages et désavantages
27 Temps de service de la rotation des postes
des cartouches chimiques
Les pièces du casse-tête
se mettent en place
comme moyen de prévention
Qu’est-ce qui motive donc les des postes dans un souci d’améliora-
28 Boursière : Anabelle Viau-Guay
Illustration : Philippe Béha

Université Laval entreprises à vouloir implanter un sys- tion continue en matière de qualité,
Réfléchir à la profession tème de rotation des postes ? Parfois, de productivité et de prévention des
d’ergonome les tâches sont si ardues que les travail- troubles musculo-squelettiques.
leurs ne peuvent tenir plus de 15 mi- Ces enjeux ne constituent toutefois
nutes à un poste ! Pensons par exemple pas les seuls motifs justifiant la rota-
29 Nouvelles publications aux domaines de l’abattage et de la tion. D’autres questions se posent aussi
transformation de la viande. Dans ce en ce moment quant à son intérêt, par
type d’usine, d’ailleurs, la rotation s’est exemple, pour l’élargissement et l’enri-
30 Recherches en cours imposée d’elle-même. chissement des tâches, l’augmentation
Mais les cas varient à l’infini selon le des compétences, la satisfaction au
type d’entreprise et les caractéristiques travail, la santé mentale, etc.
Cliquez recherche des tâches et de la production. On Le fait de chercher une plus grande
www.irsst.qc.ca pourrait toutefois généraliser en disant polyvalence chez les employés irait de
qu’une organisation adopte la rotation pair avec l’évolution des organisations

Été 2004 Prévention au travail 17


Re c h e r c h e
à l’IRSST
du travail. Ainsi, avec le durcissement
de la compétition et l’avènement du
juste-à-temps, la gestion du personnel et
de la production se complexifie. Aupara-
vant, les entreprises pouvaient prendre
de l’avance sur leur fabrication et entre-
poser leurs produits. Cela ne faisait

Point de départ
Dans une importante usine d’assem-
blage automobile, on se questionnait
sur l’intérêt de la rotation des postes ;
l’entreprise y était favorable, alors que
le syndicat se montrait réticent. Tous
deux voulaient mieux en connaître les
avantages et les inconvénients. Pour
répondre à cette demande, des cher-
cheurs ont réalisé une étude explora-
toire à deux volets : une enquête de alors pas trop de vagues si l’unique opé- et ce, à plusieurs niveaux, c’est-à-dire pas
perception auprès des travailleurs et rateur d’une machine devait s’absenter. uniquement en rapport avec les troubles
une analyse plus fine du travail dans Mais maintenant qu’il faut produire musculo-squelettiques, mais aussi avec
une unité où la rotation était déjà rapidement et au fur et à mesure des toute la question — et ce sont eux qui
mise en pratique. commandes, l’absentéisme, le roule- nous l’ont apportée — des relations avec
ment du personnel et la productivité les collègues, de la qualité du travail, de
Responsables
causent de plus en plus problème. l’importance de la formation… »
Nicole Vézina1, de l’Université du Québec
à Montréal (UQAM) ; Marie St-Vincent2, Une étude exploratoire
de l’équipe Sécurité-ergonomie de C’est dans ce contexte que des
L’amélioration des conditions
l’IRSST ; Bernard Dufour, de la chercheurs de l’IRSST et de aux postes de travail apparaît
CSST ; Yves St-Jacques, de l’Asso- l’UQAM ont mené une étude explo- comme la première mesure
ciation sectorielle paritaire du ratoire au sein d’une importante
secteur de la fabrication de pro- à prendre pour inciter
usine d’assemblage automobile.
duits en métal et de produits L’entreprise manifestait le désir les travailleurs
électriques, et Esther Cloutier3, d’instaurer la rotation, tandis que à pratiquer la rotation.
de l’équipe Organisation du tra- le syndicat se montrait réticent.
1 La question de la qualité
vail de l’IRSST. On voulait donc des deux côtés
de l’apprentissage et du temps
mieux connaître les avantages et
Partenaires les inconvénients de ce type d’or- qui y est consacré en est
Tout le personnel d’une impor- ganisation du travail. un autre aspect essentiel.
tante usine d’assemblage auto- L’étude, comprise dans les
mobile. programmations de recherche
de l’IRSST et de la Chaire GM en Au cœur de la question
Résultats 2
ergonomie de l’UQAM, innovait Les chercheurs ont de cette façon réussi
L’étude a réussi à cerner les en- de deux façons. D’abord, par une à cerner les facteurs les plus détermi-
jeux qui se trouvent au cœur de enquête d’envergure sur la per- nants pour le succès de l’implantation
toute la question touchant l’im- ception des travailleurs : les cher- de la rotation dans une entreprise. Le
plantation d’un système de ro- cheurs ont sondé 250 personnes, premier se rapporte aux caractéris-
tation des postes au sein d’une une première ! Puis, par l’analyse tiques des postes eux-mêmes ; il im-
entreprise. Le rapport dégage de poussée du travail d’une équipe en porte en effet de varier la sollicitation
nombreuses pistes de réflexion 3 particulier, qui avait déjà adopté musculo-squelettique d’un poste à un
et fournit des indications précieuses sur un système de rotation des postes. Des autre. Mais le travailleur court toujours
un sujet encore peu étudié à ce jour. ergonomes ont examiné en détail les le risque d’aggraver ses maux ou d’en
tâches, les postes, l’organisation du tra- développer de nouveaux s’il doit effec-
Utilisateurs potentiels vail et les caractéristiques personnelles tuer de nouvelles tâches plus contrai-
Toute personne appelée à instaurer ou à des travailleurs effectuant la rotation, gnantes. En conséquence, l’amélioration
gérer un système de rotation des postes de même que leurs perceptions. des conditions aux postes de travail
dans une entreprise, de même que les Marie St-Vincent, de l’IRSST, ex- apparaît comme la première mesure
divers intervenants syndicaux et patro- plique : « Il s’agissait d’aller chercher le à prendre pour qu’il y ait un intérêt à
naux et ceux de la santé et de la sécu- point de vue des travailleurs sur les avan- pratiquer la rotation. L’enquête a égale-
rité du travail. tages et les désavantages de la rotation, ment fait ressortir comme primordiale

18 Prévention au travail Été 2004


Exemple de postes occupés en rotation par quatre travailleurs
pour chacune des périodes de la journée
6 h 45 8 h 00 9 h 06 9 h 29 10 h 30 11 h 30 12 h 15 13 h 15 14 h 12 14 h 35

Poste d’André André Claude Pause Benoît André Dîner André Claude Pause André

Poste de Benoît Benoît André Pause Denis Benoît Dîner Claude André Pause Benoît

Poste de Claude Claude Benoît Pause André Claude Dîner Denis Benoît Pause Claude

Poste de Denis Denis Denis Pause Claude Denis Dîner Benoît Denis Pause Denis

Les travailleurs préfèrent occuper leur poste habituel pour entreprendre la journée, puis pendant la période précédant
le dîner et leur départ de l’usine. Ils expliquent que, malgré leur habitude à occuper plusieurs postes, ils aiment
commencer la journée au leur pour se « réchauffer ». Ce poste est aménagé selon leurs besoins et il leur permet de
ranger leurs affaires personnelles.

la question du temps et de la qualité Plus précisément ces facteurs tou- entendent d’ailleurs préparer à leur
de l’apprentissage, un aspect essen- chent, par exemple, à l’esprit d’entraide intention un guide qui poserait les
tiel qui demande sans conteste un entre collègues, au souci de la qualité du jalons d’une démarche idéale.
investissement important de la part travail des coéquipiers, à l’importance La bonne nouvelle, cependant, c’est
de l’entreprise. de briser la monotonie ou de préserver que la littérature sur le sujet, quasi
Finalement, le résultat le plus sa santé mentale. Il ressort également inexistante au début de l’étude, s’est
surprenant, selon Nicole Vézina, de avec force de cette étude que la rotation, considérablement accrue depuis.
l’UQAM, se rapporte à « l’importance pour fonctionner, doit se faire de façon Le guide à venir sera donc un bilan
des facteurs psychosociaux. Même s’il volontaire et que les travailleurs doivent des recherches effectuées à l’IRSST,
reste que la composante de changer disposer d’une certaine autonomie dans à l’UQAM et ailleurs, ainsi que des
le mal de place, d’alléger le travail… l’organisation de l’équipe. témoignages recueillis à l’occasion
entre en jeu pour les travailleurs quand Les entreprises désireuses de mettre d’un important forum sur la rotation,
il s’agit de changer de poste, on s’est en place un système de rotation des tenu à Montréal en février 2003. Pré-
rendu compte du fait que si la rotation postes auront donc tout intérêt à se vention au travail y faisait d’ailleurs
s’implante ou ne s’implante pas dans pencher consciencieusement sur la écho dans son numéro du printemps
un milieu, ça dépendait énormément question, car le succès de ce type de dernier. PT
de facteurs psychosociaux. Il suffisait projet reposera sans aucun doute sur
qu’un de ces facteurs manque pour que la collaboration et la bonne volonté Loraine Pichette
ça ne marche pas ». de tous les acteurs. Les chercheurs

Pour en savoir plus


VÉZINA, Nicole, Marie ST-VINCENT,
Bernard DUFOUR, Yves SAINT-
JACQUES, Esther CLOUTIER. La
pratique de la rotation des postes dans
une usine d’assemblage automobile :
une étude exploratoire, Rapport R-343,
199 pages, 13 $.
Téléchargeable gratuitement à
www.irsst.qc.ca.
Pistes (Perspectives interdisciplinaires
sur le travail et la santé), vol. 5, no 2,
décembre 2003, numéro exclusivement
consacré à la rotation des postes. On
peut le consulter à l’adresse suivante :
http://www.pistes.uqam.ca/v5n2/
sommaire.html.

Été 2004 Prévention au travail 19


Re c h e r c h e
à l’IRSST

Asthme en milieu de travail


Santé et sécurité en agriculture
L’asthme en milieu de travail,
la santé et la sécurité en agriculture
Création de deux nouveaux
sont deux grands objets de recherche
qui devraient bénéficier, au cours des centres de recherche
prochaines années, d’une augmentation
de nouvelles connaissances dont pro- sociaux sur la santé. Pour l’IRSST, le
fiteront les milieux de travail. L’union centre « Asthme et travail » constitue un
faisant la force, dit-on, l’Institut de santé atout majeur puisqu’il permet d’accé-
publique et des populations des Insti- der à un réseau d’experts, de resserrer
tuts de recherche en santé du Canada la collaboration entre ses chercheurs
(IRSC) a accepté de financer la création et ceux d’autres organismes, ainsi que
de deux centres de recherche, soutenus d’assurer un soutien aux étudiants
financièrement par l’IRSST. ayant choisi de se spécialiser dans le
domaine de l’asthme professionnel.
Centre de recherche sur l’asthme Des scientifiques de diverses disci-
en milieu de travail plines (recherche clinique et évaluative,
Le premier, le Centre de recherche sur épidémiologie, économie, psychologie,
l’asthme en milieu de travail, a pris immunologie et biologie moléculaire)
son envol récemment, avec à sa tête sont engagés dans la détermination des
le D r Jean-Luc Malo, pneumologue, orientations et dans le fonctionnement
responsable de la recherche en santé de ce centre. Des mécanismes de trans-
respiratoire à l’Hôpital du Sacré-Cœur fert des connaissances des chercheurs
vers les premiers utilisateurs, soit les
Le Dr Yvon Cormier est
commissions de la santé et de la sécu-
codirecteur du Centre
rité du travail du Québec et des Mari-
times ainsi que les directions de santé de recherche sur la santé
publique sont déjà prévus. Des pro- et la sécurité en agriculture.
grammes de formation de profession-
nels de la santé et des programmes l’agriculture, augmenter la capacité
d’information destinés aux travailleurs de recherche en soutenant la relève
à risque seront également élaborés. Les et accroître le transfert des connais-
travailleurs québécois pourront donc sances issues des recherches. L’équipe
bénéficier plus rapidement des connais- privilégie quatre grands thèmes : la
sances issues de ce centre. génétique et les déterminants environ-
Claude Ostiguy, de la Direction des nementaux des dysfonctions pulmo-
opérations de l’IRSST, siège au conseil naires, les déterminants des infections,
d’administration du centre Asthme et la santé et la sécurité au travail ainsi
travail. que les services de santé et les probléma-
tiques sociales liées à l’agriculture.
Centre de recherche sur la santé Déjà, un colloque sur l’agriculture
et la sécurité en agriculture réunissant tous les chercheurs actifs en
Dr
Le Jean-Luc Malo dirige
Le Centre de recherche sur la santé et santé et en sécurité du travail au Québec
le Centre de recherche sur la sécurité en agriculture est une ini- est prévu pour 2005.
l’asthme en milieu de travail. tiative du D r James A. Dosman, de Pour l’IRSST, qui mène et finance
l’Université de Saskatchewan, et du des projets dans le secteur agricole
de Montréal. Il regroupe des chercheurs Dr Yvon Cormier, de l’Université Laval. depuis plus d’une dizaine d’années, cette
de l’IRSST, de l’Université de Montréal Des chercheurs de l’Université Queen’s, collaboration permettra de bénéficier
et de l’Université McGill, qui ont lancé de l’Ontario, sont également partie pre- de l’expertise d’un plus grand nombre de
le projet. Il est également épaulé par nante à ce vaste projet. scientifiques et d’étendre davantage
l’Association pulmonaire du Canada. Ce centre, qui fonctionnera sur son champ d’action pour améliorer les
Cet important projet a été élaboré la base de collaborations multidisci- conditions des travailleurs agricoles. PT
dans le but de mieux prendre en charge plinaires, entend établir un réseau de
les effets des milieux physiques et chercheurs reliés à divers aspects de Marjolaine Thibeault

20 Prévention au travail Été 2004


Centres de tri de matières recyclables
Le diagnostic d’un réaménagement
Une quarantaine profitable aux autres centres
de centres de
tri et de récupération des matières recy-
clables se situent au Québec. Ils servent
principalement à la collecte, au trans-
port, à la répartition, à la décontami-
nation, au conditionnement et à la mise
en ballots de l’ensemble des matières
issues de la collecte sélective. Les pre-
miers sont apparus au début des années

Point de départ
Une étude réalisée en 1999 démontrait
que les centres de tri comportent des
risques d’origine chimique, physique,
biologique et ergonomique ainsi que
des dangers pour la sécurité des travail-
leurs. On recommandait alors d’intégrer
les éléments de santé et de sécurité du
travail à de tels centres dès leur concep-
Photo : Mario Bélisle

tion. Au moyen d’une étude de cas, des


scientifiques ont déterminé les éléments
et les caractéristiques de santé et de
sécurité nécessaires à la conception et
à l’aménagement des futurs centres de Dans un centre peu mécanisé,
1990 et près de 3 000 personnes y
tri et au diagnostic de la situa- travaillent. La présente étude pro- les travailleurs font du tri positif,
tion dans les centres existants. pose des moyens concrets, dont qui nécessite beaucoup d’endu-
une grille d’autoévaluation, pour y rance physique et un niveau
Responsables améliorer la santé et la sécurité. d’attention élevé. Ils doivent
Jacques Lavoie1, de l’équipe Hy- Sur le plan des opérations, les récupérer les produits qui leur
giène du travail de l’IRSST, Serge centres de tri sont tous semblables. sont assignés à leur passage sur
Guertin2, de Ergo-Norme inc., et On y trouve une réception des le convoyeur et les évacuer par
1
Christine Verdon, stagiaire du matières recyclables (papier, car- des ouvertures prévues à cet
Département de santé au travail ton, métal, etc.), un convoyeur qui effet. Les mouvements, la posture
de l’Université McGill. les transporte au service de triage,
et l’effort exigés sont sources
des compacteurs, des presses et un
Résultats de tension aux bras, au dos, aux
service d’expédition.
La cueillette de données révéla- épaules et aux poignets.
trices de la présence d’agents Les effets imprévus
biologiques et chimiques dans 2 de la modernisation
les centres de tri de même qu’un portrait Le centre étudié dans le contexte de éliminer les impuretés) plutôt que du
de la situation des travailleurs sur le cette activité existe depuis environ cinq tri positif (exclusivement manuel).
plan egonomique et la réalisation d’une ans. Il est au nombre des trois centres Or, la mécanisation a entraîné de
grille d’autoévaluation pour l’intégra- étudiés en 1999 par Jacques Lavoie, de nouveaux risques. « Ce changement a
tion de la santé et de la sécurité dans l’équipe Hygiène du travail de l’IRSST, permis d’augmenter la quantité de ma-
les centres de tri. et Serge Guertin, de la firme Ergo- tière triée, de 5 000 tonnes par année
Norme. Le propriétaire avait par la suite en 1999 à 12 000 tonnes maintenant, et
Utilisateurs entrepris de le réaménager. Au moment le nombre de préposés est passé de 20
Les gestionnaires, les concepteurs et de la deuxième étude, l’essentiel de ce à 10. Il a aussi occasionné davantage
les propriétaires de centres de tri, les réaménagement était terminé et l’on y de bruit et des concentrations de pous-
comités de santé et de sécurité et les effectuait du tri négatif (sélection méca- sières plus élevées », précise Jacques
inspecteurs de la CSST. nisée assistée par un tri manuel pour Lavoie, coauteur de l’étude.

Été 2004 Prévention au travail 21


Re c h e r c h e
à l’IRSST
Dans un centre qui fonctionne avec un
système de tri négatif, les travailleurs
enlèvent les impuretés tandis que les
machines font le reste. Ils interviennent
moins et agissent surtout comme des
contrôleurs. Cependant, la vitesse du
convoyeur est augmentée de plus du
double par rapport à celle du tri positif.

Afin de réduire le niveau d’empoussiè-


rement et de maintenir les concentra-
tions de contaminants au minimum,
il est recommandé de conserver la
matière à recycler à l’extérieur de la
réception ou sinon, de la trier le jour
même de sa réception.

une perception modérée des détails.


Sur le plan ergonomique, la mécani-
sation ayant permis de tripler la vitesse
des convoyeurs, les retraits d’impuretés
pendant le tri manuel se font en retard,
Photos : Mario Bélisle les préposés devant utiliser leur bras
opposé au sens de l’arrivée du matériel.
Elle exige aussi de ces travailleurs des
interventions beaucoup plus rapides et
ils doivent fréquemment lancer des
Le tour de la question contaminant mesuré. Les chercheurs objets loin d’eux. Enfin, huit des neuf
MM. Lavoie et Guertin ont effectué une estiment que l’augmentation de la quan- personnes consultées ont ressenti de l’in-
série de prélèvements des agents bio- tité de matière à traiter influence le ré- confort aux épaules, au bas du dos, aux
logiques et des substances chimiques sultat. Par ailleurs, les prélèvements bras, et surtout aux avant-bras et aux
présents dans le centre de tri. Ils y bactériens captés sur filtres dans la zone mollets. Ces inconforts ont été respec-
ont aussi mesuré les agents physiques, respiratoire des travailleurs donnent des tivement jugés moyens et intolérables
tels que le bruit et l’éclairage. Ils ont de résultats plus élevés que ceux qui ont dans 60 % et dans 20 % des cas.
plus procédé à un examen des dossiers été effectués dans l’air. Les scientifiques conseillent prin-
d’accidents et d’incidents, interviewé Les substances chimiques ont été cipalement de conserver la matière à
les travailleurs, réalisé des analyses de mesurées dans les mêmes services que recycler à l’extérieur du centre ou sinon,
postures et des dimensions des postes les bioaérosols et aucune d’entre elles de la traiter la journée même où elle y
de travail, observé les variations de n’a dépassé 50 % de sa valeur d’expo- est reçue afin de diminuer l’empous-
l’activité de travail et finalement, pro- sition moyenne pondérée (VEMP). Les sièrement. Ils suggèrent aussi d’instal-
cédé à une enquête par questionnaire concentrations de poussières étaient ler un système de fermeture de chacune
sur les symptômes physiques ressentis toutefois plus élevées qu’en 1999. Cette des chutes. En plus d’éviter la pénétra-
par les travailleurs. augmentation est causée encore une tion des produits de combustion des
fois par la quantité de matière triée moteurs à l’intérieur, cela permettrait
Des résultats révélateurs et par la mécanisation des opérations. de mieux contrôler les températures
L’étude — réalisée dans les mêmes condi- Enfin, les niveaux de bruit sont tous ambiantes dans le service du tri. Ils pro-
tions que celle de 1999 — démontre inférieurs à la norme québécoise de posent également de respecter la norme
que les concentrations moyennes de 90 dBA en raison du confinement des québécoise concernant les niveaux
bactéries totales et de moisissures trieuses mécaniques et du recouvre- d’éclairement, d’installer un système
dépassent les valeurs guides dans ment des accès aux convoyeurs par de récupération mécanique des pelli-
tous les services du centre de tri, tandis des rideaux acoustiques installés au cules plastiques actuellement triées
que celles des bactéries Gram ne les cours du réaménagement. Les niveaux à la main, ainsi que des plates-formes
dépassent qu’à la réception des matières d’éclairage observés sont plus élevés élévatrices mobiles ajustables selon
à recycler. C’est d’ailleurs à cet endroit que les valeurs recommandées par la la taille des personnes aux postes de tri
que les concentrations moyennes maxi- réglementation québécoise, qui est de et de mettre en place des déflecteurs là
males ont été obtenues, peu importe le 550 lux pour des travaux nécessitant où les convoyeurs sont trop larges.

22 Prévention au travail Été 2004


Une grille d’autoévaluation
« Nous préparons aussi, en collabo-
Chariots élévateurs et
ration avec la Commission de la santé
et de la sécurité du travail (CSST),
l’Association sectorielle paritaire
troubles musculo-squelettiques
pour la santé et la sécurité du travail,
secteur affaires municipales (APSAM)
La France et le Québec partenaires
et l’Association sectorielle paritaire
du secteur transport et entreposage
de recherches de renversement. Des études ergono-
(ASTE), une grille d’autoévaluation qui miques de l’activité et des conditions
pourra servir à tous les autres centres La France et le Québec ont de travail des opérateurs de chariots
de tri, commente Jacques Lavoie. Il décidé d’unir leurs efforts dans la complèteront ce projet. À l’IRSST,
s’agit d’une grille où tous les éléments recherche de solutions à deux im- c’est Jean-Guy Richard, ingénieur
concernant la santé et la sécurité du portantes questions de santé et de et ergonome à l’équipe Sécurité-
travail seront pris en considération, sécurité du travail : l’amélioration de ergonomie, qui est chargé de coor-
tels que les risques biologiques, les l’ergonomie et de la sécurité des cha- donner les actions des chercheurs
substances chimiques, les agents phy- riots élévateurs et la prévention des québécois et d’entretenir les liens
siques, l’ergonomie, les risques méca- troubles musculo-squelettiques (TMS). avec leurs collègues français.
niques, l’entretien, la maintenance Le directeur général de l’Institut
et la réparation des équipements de national de recherche et de sécurité Pour contrer les troubles
même que la prévention des incendies. (INRS-France), M. Jean-Luc Marié, musculo-squelettiques
Elle pourra guider les responsables et la présidente-directrice générale de Tous les pays industrialisés constatent
de la santé et de la sécurité du travail l’IRSST, Mme Diane Gaudet, avaient une forte croissance des problèmes
des autres centres de tri qui souhaitent paraphé une entente-cadre de parte- liés aux troubles musculo-squelettiques.
procéder à certaines améliorations ou nariat l’an dernier, s’engageant à pour- L’entente de partenariat entre les
à un réaménagement majeur. » PT suivre conjointement des recherches instituts québécois et français veut
et à multiplier les échanges dans encourager la diffusion des connais-
Benoit Fradette divers domaines de la santé et de la sances et le regroupement de l’exper-
sécurité du travail. Les deux ententes tise du personnel scientifique et
nouvellement signées concrétisent technique de l’INRS et de l’IRSST en
Pour en savoir plus cette collaboration franco-québécoise. cette matière. Les deux instituts sou-
haitent concevoir et éditer ensemble
LAVOIE, Jacques, Pour éviter les renversements des documents de valorisation des
Serge GUERTIN et de chariots élévateurs résultats de recherches, encourager
Christine VERDON. Les coûts humains et financiers liés l’appropriation, par l’autre partie, des
Intégration de la aux renversements de chariots éléva- expériences de prévention réussies
santé et de la sécurité teurs sont considérables, bien que et travailler à la mise en place d’un
du travail lors de
plusieurs recherches aient été menées mécanisme de coordination des pro-
la conception du
réaménagement au Québec et en France dans le grammations de recherche. Le déve-
d’un centre de tri de but de réduire les risques associés loppement de projets conjoints dans
matières recyclables, à l’utilisation de ces véhicules. le secteur agroalimentaire est égale-
Rapport R-347, 34 pages, 5,35 $. L’entente entre l’INRS-France et ment envisagé, avec le concours,
l’IRSST prévoit la mise en commun cette fois, de l’Université du Québec
LAVOIE, Jacques et Serge GUERTIN.
Évaluation des risques à la santé et à la de ressources humaines et matérielles, à Montréal (UQAM). À l’IRSST,
sécurité du travail dans les centres de tri des connaissances, de l’expertise et, c’est Marie St-Vincent, ergonome à
des matières recyclables, Rapport R-212, bien sûr, des résultats issus des tra- l’équipe Sécurité-ergonomie, qui
80 pages, 7,50 $. vaux de recherche menés de part et assure la liaison entre les deux
d’autre. Quatre grands objectifs sont équipes de chercheurs.
LAVOIE, Jacques, Pierre BOULIANE,
Serge GUERTIN et Denise GILBERT. visés : prévenir le renversement, pro- La mise en commun des efforts
La prévention des risques à la santé et à la téger le cariste le cas échéant, réduire des deux instituts de recherche per-
sécurité du travail dans les centres de tri les risques de collision, développer met de maximiser le développement
de matières recyclables, Fiche technique une expertise et créer des outils de des connaissances scientifiques en
RF-212, 6 pages, gratuite. prévention pour ce type de véhicules. évitant les répétitions et favorise le
Téléchargeables gratuitement à Les chercheurs poursuivront donc regroupement de l’expertise disponible
www.irsst.qc.ca. des travaux sur la mise au point de de part et d’autre. Ces alliances ont
modèles biomécaniques permettant comme ultime avantage l’aboutisse-
LAVOIE, Jacques et Serge GUERTIN.
‘Evolution of Health and Safety Risks l’étude du comportement du cariste ment plus rapide de la découverte de
in Municipal Solid Waste Recycling lors du renversement du chariot élé- solutions pour le bénéfice des travail-
Plants’, in Journal of the Air and Waste vateur. L’utilisation de ces modèles leurs français et québécois. PT
Management Association, no 51, 2001, facilitera l’évaluation de l’efficacité
p. 352-360. des moyens de protection en cas Marjolaine Thibeault

Été 2004 Prévention au travail 23


Re c h e r c h e
à l’IRSST

Trop bruyant,
d’autobus scolaire ?
Plus de 638 000 enfants qué- Un tour complet
bécois prennent place, matin et de l’environnement sonore
soir, à bord d’autobus scolaires. Pour Les chercheurs s’étaient donné comme
les transporter, plus de 9 500 véhi- objectif de mesurer l’exposition au
cules parcourent environ un million de bruit des conducteurs et d’estimer leur
kilomètres par jour. Les conducteurs dose quotidienne de bruit. Ils voulaient
risquent-ils à la longue de dévelop- aussi évaluer l’importance de l’expo-
per une surdité professionnelle en rai- sition totale au bruit par rapport aux
son du bruit ambiant ? Quels sont les valeurs de référence, de même que les
bruits les plus intenses dans un auto- contributions respectives des différentes
bus scolaire ? Jusqu’à tout récemment, sources de bruit. Le bruit produit par le moteur est
il y avait peu de données disponibles Pour ce faire, les scientifiques ont légèrement plus élevé en milieu rural,
sur le sujet. Cette recherche, menée par mesuré le niveau de bruit provenant
les autobus y circulant majoritairement
l’IRSST à la demande de l’Association de différentes sources — moteur du
du transport écolier du Québec (ATEQ), véhicule en fonction du type de par- sur des rangs où la vitesse permise
est une première dans l’estimation, cours (à l’arrêt et en marche, trajets rural est plus rapide qu’en milieu urbain.
selon la norme ISO, des risques de sur- et urbain, route et autoroute), les conver-
dité encourus par ces travailleurs. sations des élèves de niveaux primaire à bande publique — d’une utilisation
et secondaire, le service de radio à bande ponctuelle et très limitée — génère lui
publique, communément appelé CB, aussi un niveau de bruit élevé, soit
Point de départ
et les équipements d’hiver, comme la 83,4 dB(A) en moyenne. Par ailleurs,
Au cours des dernières années, plusieurs chaufferette et le dégivreur. Ces mesures en ce qui concerne le bruit provenant
conducteurs d’autobus scolaires se sont ont été effectuées en après-midi sur des du moteur, les chercheurs ont cons-
plaints du niveau élevé de bruit relié à parcours réels. Les chercheurs ont aussi taté, pour l’ensemble des véhicules, des
leur travail. Or, exception faite tenu compte des différences entre niveaux de 66,3 dB(A) en moyenne
de deux études réalisées, l’une les marques et les modèles de lorsqu’ils sont à l’arrêt et de 75 dB(A)
en 1993 par le CLSC de l’Estuaire, véhicules. Dix autobus, de fabri- lorsqu’ils sont en mouvement. Sur une
à Rimouski, l’autre en 1996 par cation récente pour la plupart et autoroute, le niveau moyen observé
le CLSC des Faubourgs, à Mont- de 72 passagers, provenant de est de 78,5 dB(A). De plus, les véhicules
réal, il y avait peu de données 2 compagnies, ont servi à l’étude. de type conventionnel se sont avérés
disponibles sur le sujet. Il s’agit des marques et modèles moins bruyants que les autobus à
1 front plat. Enfin, l’utilisation de l’équi-
Blue Bird TC-2000, GMC, Thomas,
Responsables pement d’hiver (chaufferette, dégivreur,
Freightliner FS65 et International
Pierre Marcotte 1 , Paul-Émile 30S. Parallèlement, les respon- etc.) produit en moyenne des niveaux
Boileau2 et Jérôme Boutin3, de sables de l’étude ont évalué les de bruit de 77,4 dB(A).
l’équipe Sécurité-ingénierie de bruits de toutes sources perçus
l’IRSST. par les conducteurs durant une
Tout a été pris en compte pour
journée de travail.
Résultats 2 mesurer l'exposition au bruit
Les résultats démontrent que La principale source des conducteurs d'autobus
la conduite d’autobus scolaires de bruit ? scolaires : le niveau de bruit
ne constitue pas une menace Ce n’est guère surprenant, les pas-
sérieuse de surdité profession- provenant du moteur
sagers constituent une source de
nelle. bruit. Les niveaux mesurés dans du véhicule en fonction du type
un autobus rempli d’élèves du pri- de parcours, les conversations
Utilisateurs 3 maire peuvent atteindre jusqu’à des élèves de niveaux primaire
Les membres de l’Association du trans- 83,5 dB(A) et 78,1 dB(A) dans le cas
port écolier du Québec (ATEQ), l’Associa- et secondaire, le service
d’élèves du secondaire. Les moyennes
tion sectorielle paritaire transport et sont toutefois de 78,1 dB(A) pour les de radio à bande publique,
entreposage (ASTE) et les conductrices élèves du primaire et de 74,3 dB(A) pour et les équipements d'hiver.
et conducteurs d’autobus scolaires. ceux du secondaire. Le service de radio

24 Prévention au travail Été 2004


le métier de conducteur
C’est confir- Globalement, les conducteurs se-
mé, les raient exposés à des niveaux quoti-
passagers diens équivalents variant de 74,6 dB(A)
d’un auto- à 85,2 dB(A) selon la norme ISO 1999
bus scolaire et de 57,3 dB(A) à 77,3 dB(A) selon
le Règlement sur la santé et la sécurité
constituent
du travail (RSST). Il s’agit de niveaux
une source relativement faibles. Selon le RSST,
de bruit, aucun travailleur ne doit être exposé
mais pas à un niveau de bruit continu dépassant
davantage 90 dB(A) sur une période de 8 heures.
une source Or, un conducteur d’autobus est au
de surdité volant de son autobus pendant trois à
que les ap- cinq heures par jour en moyenne.
pareils de
chauffage, Très peu de risques
de climati- Le risque que les conducteurs d’autobus
scolaires développent des problèmes
sation ou
de surdité a été estimé en utilisant la
de commu- norme ISO 1999, ce qui est une pre-
nication mière. Ainsi, une personne se situant
dont les au 95e percentile sur une distribution
véhicules normale de susceptibilité aux effets
sont nocifs du bruit, qui est soumise à une
équipés. exposition quotidienne maximale de
85,2 dB(A), aurait un déficit calculé de
1,0 dB après une exposition d’un an
et de 3,3 dB après 40 ans. « En général,
le risque de développer des problèmes
de surdité est très faible, précise Pierre
Marcotte, responsable de l’étude. Toute-
fois, les bruits impulsifs et stridents
émis par les enfants sont un peu plus
dommageables que les bruits station-
naires, mais pas suffisamment pour
causer de la surdité. » PT

Benoit Fradette

Pour en savoir plus


MARCOTTE, Pierre,
Paul-Émile
BOILEAU et Jérôme
BOUTIN. Étude de
l’exposition profes-
sionnelle au bruit
des conducteurs
d’autobus scolaires,
Rapport R-364,
Photos : Mario Bélisle

42 pages, 5,35 $.
Téléchargeable gratuitement à
www.irsst.qc.ca.

Été 2004 Prévention au travail 25


Re c h e r c h e
à l’IRSST

Contraintes thermiques
dans les mines L’outil de mesure idéal
n’existe pas encore
thermiques ; une autre vérifiait l’en-

Illustration : Philippe Béha


Les contraintes thermiques
posent des problèmes aux travailleurs semble de ces indices comme outils
des mines dites profondes (de l’ordre de prévention en mesurant l’astreinte
de 1 400 mètres ou plus). La chaleur thermique, c’est-à-dire la réaction
dégagée par la paroi rocheuse et physiologique des travailleurs », pré-
le niveau d’humidité extrêmement cise Pierre C. Dessureault. Quatre
élevé rendent difficiles les conditions indices ont été comparés aux fins
de travail, particulièrement en saison de l’étude, soit le WBGT, l’ACP et
chaude. En plus de ce contexte envi- deux variantes de l’indice ISO (ISO
ronnemental, la charge de certaines 7933-1989 et la version révisée faisant
tâches lourdes et la tenue vestimen- l’objet d’une proposition, notée ISO
taire nécessaire rendent l’exécution du 7933-2000). Les données environne-
travail encore plus ardue. mentales, c’est-à-dire les températures
Or, une lourde charge de travail exé- de l’air, son rayonnement et sa vitesse,
cutée dans une ambiance chaude est l’humidité ainsi que la pression baro-
la combinaison parfaite pour faire métrique ont été enregistrées à des
augmenter la température interne profondeurs variant de 1 460 mètres
du corps. Aux alentours de 41°C, un à 2 150 mètres. L’astreinte thermique
déséquilibre du système de régulation a été estimée sur la base des pulsa-
de la température peut se produire. tions cardiaques des travailleurs.
C’est le coup de chaleur. Il peut être Cinq sujets âgés de 21 à 49 ans ont
fatal. À un niveau d’atteinte moins fait l’objet d’une surveillance durant
grave, nombreux sont les cas de dé- leur quart de travail. Ils effectuaient
shydratation sérieuse, de syncope et les tâches jugées les plus contrai- les mines et il n’est pas nécessairement
d’épuisement. C’est pour prévenir de gnantes. adapté à cet environnement. Quant à
telles situations que l’on mesure la l’indice ACP, il calcule les échanges
contrainte thermique. thermiques entre l’homme et son mi-
Les contraintes thermiques
L’Association minière du Québec lieu en tenant compte des données
(AMQ) a demandé à la CSST, qui en posent des problèmes environnementales, de la tenue vesti-
a confié le mandat à l’IRSST, d’exa- aux travailleurs des mines mentaire et de la charge de travail.
miner le potentiel de l’indice Air Cooling dites profondes. La chaleur Toutefois, il ne vérifie que la tempéra-
Power (ACP) comme outil de gestion ture corporelle et ne mesure pas les
dégagée par la paroi, le niveau
de la contrainte thermique dans les pertes hydriques, alors que souvent, ce
mines souterraines. d'humidité extrêmement élevé sont elles qui limitent la durée d’expo-
Ce mandat visait à vérifier si cet in- particulièrement en saison sition des travailleurs aux ambiances
dice est plus représentatif des conditions chaude, la charge de certaines chaudes des mines profondes. » De
de travail et s’il permet une meilleure plus, l’indice ACP s’est avéré difficile
gestion des contraintes thermiques. Il a tâches et la tenue vestimentaire d’application et sa documentation
été réalisé par Pierre C. Dessureault, pro- rendent les conditions scientifique est incomplète. Par ailleurs,
fesseur au Département d’ingénierie de de travail plus ardues. la norme ISO considère à la fois la
l’Université du Québec à Trois-Rivières hausse des températures corporelles
(UQTR). Actuellement, les inspecteurs et les pertes hydriques. « Elle permet
de la Commission utilisent l’indice Wet Trois indices de vérifier si les pertes sudorales ne
Bulb and Globe Temperature (WBGT), « Le WBGT assure un niveau de sont pas trop élevées, affirme Pierre C.
tel que l’exige la réglementation. prévention acceptable, commente Dessureault, ce que ne fait pas l’ACP.
Pierre C. Dessureault. C’est toutefois En plus, cette norme est soutenue
Deux volets un indice empirique. Il a été élaboré scientifiquement par un organisme
« Une partie de l’étude voulait compa- dans des conditions tout à fait diffé- reconnu et fait l’objet de mises à jour
rer les différents indices de contraintes rentes de celles que l’on observe dans régulières. »

26 Prévention au travail Été 2004


Temps de service
Vers un nouvel indice ?
À court terme, l’application combinée
des cartouches chimiques
des indices WBGT et ISO 7933 peut
assurer une sécurité acceptable à cer- Les pièces du casse-tête
taines conditions, dont le contrôle strict
de l’acclimatement des travailleurs et se mettent en place
l’utilisation de facteurs de correction
pour la tenue vestimentaire. Selon
Pierre C. Dessureault, il faut estimer la Il peut être plus dangereux plus de 15 ans. Le responsable
dépense énergétique de façon conser- d’utiliser un masque respiratoire de ces travaux est Jaime Lara, de
vatrice, utiliser les deux indices à la muni de cartouches saturées que de l’équipe Sécurité-ingénierie. Des
fois et retenir le plus exigeant, assurer ne pas en porter. Les travailleurs recherches réalisées précédemment
un suivi médical étroit des travailleurs doivent donc connaître la durée de avaient permis de développer des
et leur donner une formation sur le tra- vie des cartouches qu’ils utilisent en connaissances et une expertise
vail en ambiance chaude. Enfin, on doit fonction des solvants qu’ils manipu- importante dans ce domaine. Parce
s’efforcer de conserver de l’eau potable lent. Des experts se sont réunis le qu’il est rare qu’un seul contaminant
et des boissons contenant des électro- printemps dernier pour mettre en soit présent en milieu de travail, des
lytes accessibles partout. « Toutefois, commun leurs connaissances sur le études ont été menées sur la durée
ajoute-t-il, il y aurait lieu d’étudier la sujet. Cet atelier a également été le de vie des cartouches à des conta-
pertinence d’utiliser un paramètre beau- prétexte à l’organisation d’un mini- minants multiples. L’originalité des
coup plus simple, soit la température colloque auquel une soixantaine de travaux que M. Lara conduit actuelle-
humide naturelle. Avec ce paramètre, personnes ont assisté. ment avec son équipe : l’évaluation
on peut élaborer un nouvel indice spé- de la durée de vie de 6 cartouches
cifique aux mines profondes qui nous D’un côté, l’équation… de compagnies différentes à 10 sol-
permettrait d’obtenir de meilleurs ré- Gerry Wood, du Industrial Hygiene vants. Tous ces tests tiennent compte
sultats. On peut le faire avec un appa- and Safety Group du Los Alamos également des caractéristiques du
reil qui mesure le taux d’humidité dans National Laboratory, du Nouveau- charbon et des conditions environne-
l’air, le psychromètre. Il est facile à Mexique, était présent à cette mentales de température et d’humi-
utiliser autant par les hygiénistes et rencontre. Considéré comme une dité. Les résultats sont comparés à
les superviseurs que par les travailleurs. sommité dans le domaine, il est ceux obtenus théoriquement par le
De plus, il n’y a aucun risque d’erreur. l’auteur d’un modèle mathématique « modèle Wood ».
Enfin, un tel indice permettrait de qui permet de déterminer le temps Le professeur Richard Chahine,
limiter au maximum l’instrumenta- de service d’une cartouche chimique de l’Institut de recherche sur l’hydro-
tion requise et de récupérer l’avantage à un solvant. Avec le temps, il a gène (IRH), de l’Université du Québec
de l’indice WBGT, c’est-à-dire ne pas raffiné son modèle pour tenir compte à Trois-Rivières (UQTR), collabore
devoir mesurer la vitesse de l’air, ce des conditions environnementales. au projet de l’IRSST. Parce qu’il uti-
que nécessitent l’ACP et l’ISO 7933. Cela Aujourd’hui, ce modèle est à l’origine lise le charbon pour stocker l’hydro-
reste cependant à valider. » PT de l’élaboration de plusieurs outils gène avec lequel il travaille, l’IRH
informatiques d’évaluation du temps est spécialisé dans la caractérisation
Benoit Fradette de service des cartouches chimiques, du charbon, qui est aussi la matière
notamment celui de l’Occupational filtrante utilisée dans les cartouches.
Safety and Health Administration Quelques obstacles restent à
(OSHA) des États-Unis. franchir, mais les scientifiques
Pour en savoir plus Certains fabricants d’équipements croient pouvoir mettre au point, d’ici
de protection respiratoire disposent quelques mois, un logiciel servant à
DESSUREAULT,
Pierre C. et Mathieu également d’un outil informatique de estimer le temps de service des car-
DOUCET. Évalua- prédiction du temps de service des touches chimiques aux vapeurs d’en-
tion des indices de cartouches chimiques, mais celui-ci viron 200 solvants, prioritairement
contrainte thermique ne réfère qu’à leurs produits. Simon ceux qui figurent dans le Règlement
en mines profondes, Smith, le représentant de la compa- sur la santé et la sécurité du travail.
Rapport R-350, gnie 3M, a expliqué la démarche de L’assemblage des pièces du casse-
28 pages, 5,35 $. l’application du « modèle Wood » à tête permettra à l’IRSST d’établir
Dossier « Contraintes l’élaboration de leur logiciel. une séquence de remplacement des
thermiques – Alerte cartouches chimiques, contribuant à
chaude ! », Prévention au travail, vol. 17, … de l’autre, les tests une meilleure utilisation des masques
no 2, printemps 2004, p. 7-14. De son côté, l’IRSST mène des respiratoires par les travailleurs. PT
Téléchargeables gratuitement à recherches sur le temps de service
www.irsst.qc.ca. des cartouches chimiques depuis Marjolaine Thibeault

Été 2004 Prévention au travail 27


Re c h e r c h e
à l’IRSST

Boursière
Selon Anabelle Viau-
Guay : « D’autres profes-
sions ont rencontré un peu
Anabelle Viau-Guay les mêmes problèmes et
se sont penchées du côté de
la pratique réflexive comme
Université Laval voie de solution. Nous allons
faire le lien entre l’ergonomie
et cette pratique. C’est pour
ça, entre autres, que j’ai un
Réfléchir à la profession codirecteur à la faculté des
sciences de l’éducation de
d’ergonome l’Université Laval. Il se fait là beaucoup de recherches
sur la pratique enseignante, et plusieurs dispositifs
pédagogiques y ont été créés, comme l’analyse de pra-
tique, les enregistrements vidéo, la tenue d’un journal
de bord, les rencontres de groupe, les relations de men-
En octobre 2003, après avoir obtenu une torat, etc. »
distinction pour son article publié dans la revue Travail L’ergonomie pose comme principe qu’une meilleure
et santé, Anabelle Viau-Guay recevait, en janvier 2004, connaissance du travail effectif peut contribuer à la
le prix du meilleur mémoire de la faculté des sciences conception de formations mieux adaptées à la réalité.
sociales de l’Université Laval. C’est sans compter toutes Les travaux d’Anabelle Viau-Guay consisteront donc, dans
les bourses d’excellence qui jalonnent son parcours une première étape, à étudier sur une longue période,
universitaire. par observations et entretiens, le processus réflexif d’un
Au départ lancée en relations industrielles, Anabelle ergonome dans le contexte de sa pratique quotidienne,
Viau-Guay bifurque au moment d’entreprendre sa maî- en situation d’intervention réelle. Cela permettra d’éta-
trise : « Ce qui m’a attirée vers l’ergonomie, c’est que blir comment, dans l’action, un ergonome réfléchit à sa
ça me permettait de me pencher sur le phénomène pratique et la remet en question pour la transformer.
du travail en sortant un peu de la dynamique conflic- Une deuxième étape visera à formuler des recommanda-
tuelle des relations syndicales-patronales. À mes yeux, tions pour une formation qui favoriserait une habitude
l’ergonomie permettait de travailler au niveau de la réflexive plus systématique chez les ergonomes.
personne en tant qu’utilisatrice des situations de travail Anabelle Viau-Guay n’est qu’à mi-chemin de son
et de rejoindre les intérêts de toutes les parties dans doctorat. Cela semble un peu tôt pour parler d’avenir,
un contexte constructif. » mais elle espère poursuivre en recherche « parce qu’en
Anabelle Viau-Guay poursuit maintenant un doc- ergonomie, je peux faire de la recherche-action, et c’est
torat sur mesure à l’Université Laval, où elle étudie la ce que j’aime », dit-elle. Et l’enseignement ? « Oui, aussi,
dimension réflexive de la pratique de l’ergonome, en vue je trouve que l’ergonomie est une discipline fascinante
de contribuer à l’amélioration de la formation univer- et encore trop peu connue au Québec. » PT
sitaire dans cette discipline.
Loraine Pichette
Réflexif, dites-vous ?
Est réflexif ce qui est propre à la réflexion, c’est-à-dire
au retour de la pensée sur elle-même. Dans plusieurs Le programme de bourses de l’IRSST
disciplines comme l’enseignement, la psychologie ou le Anabelle Viau-Guay est une des étudiantes qui bénéficie
travail social, la recherche a montré qu’il est possible, et du programme de bourses d’études supérieures de l’IRSST.
désirable, de former des praticiens réflexifs. Des prati- Celui-ci vise à former des chercheurs en santé et en sécurité
ciens capables d’examiner leur propre pratique et de la du travail au Québec. Il s’adresse à des candidats de 2e et de
transformer d’eux-mêmes, tout au long de leur chemi-
3e cycle ou de niveau postdoctoral dont le programme de
nement professionnel, pour à la fois s’améliorer et
recherche porte spécifiquement sur la prévention des acci-
mieux affronter les réalités du métier.
De nombreux ergonomes, ici comme ailleurs, mettent dents du travail et des maladies professionnelles ou sur
en effet en doute la capacité de la formation universitaire la réadaptation des travailleurs qui en sont victimes.
initiale à les préparer aux contextes extrêmement variés Pour obtenir des informations sur le programme de
et changeants des milieux de travail. Cela serait parti- bourses de l’IRSST, on peut téléphoner au (514) 288-1551, écrire
culièrement difficile pour les jeunes qui commencent. à bourses@irsst.qc.ca ou visiter le site www.irsst.qc.ca.

28 Prévention au travail Été 2004


scientifique, mais aussi une d’autodiagnostic axé sur les
recherche utile. Ainsi, en 2003, valeurs prédictives qu’ils en-
il a réussi à rassembler quelque tendent valider à court terme
Nouvelles 350 scientifiques autour de 202 sur le terrain est également
publications projets, tous reconnus pertinents présentée. L’approche proposée
et prioritaires par ses instances, et l’outil à venir permettraient
composées de représentants des aux entreprises, quel que soit
Toutes ces publications travailleurs, des employeurs et leur mode d’organisation, d’ali-
peuvent être commandées de membres de la communauté menter leur tableau de bord
par la poste. Les prix Évaluation du confinement scientifique. de gestion de la santé et de
indiqués comprennent la des aires de préparation lors Le Rapport d’activité 2003 la sécurité au travail, tout en
de l’application de peinture présente quelques projets, acti- acquérant une culture d’appren-
taxe et les frais d’envoi. tissage de la prévention qui
vités et chercheurs qui ont mar-
Elles sont aussi disponibles LAZURE, Louis et Jacques
qué le paysage de la santé et favorise et valorise l’identifica-
LESAGE, Rapport R-353,
gratuitement en version 60 pages, 6,42 $. de la sécurité du travail autant tion des situations porteuses de
PDF dans notre site web. sur la scène locale et nationale risques potentiels.
Les ateliers de peinture auto- qu’internationale. En plus d’un
mobile constituent une cible calendrier résumant les princi-
Cliquez recherche prioritaire pour la prévention paux faits saillants de l’année,
Aussi
www.irsst.qc.ca de l’asthme professionnel causé on y trouve la liste des publica- Logiciel d’analyse et de
par l’exposition aux isocyanates. tions scientifiques. gestion du bruit OUIE2000
En collaboration avec l’associa- Phase 2 : Intégration de
tion sectorielle paritaire du sec- mesures expérimentales
teur concerné, l’IRSST a déjà et évaluation de puissance
effectué deux études, la première acoustique type
sur l’évaluation des niveaux
d’exposition aux isocyanates et L’ESPÉRANCE, André, Rapport
la seconde, sur l’efficacité des R-351, 26 pages, 5,35 $.
cabines à peinture. Pour
obtenir une vue d’ensemble des IDVQ : l’indice d’impact
niveaux d’exposition aux isocya- de la douleur au cou et aux
nates dans ces ateliers, il restait Développement d’instruments membres supérieurs sur la vie
L’entretien des planchers à documenter les postes de de mesure de performance en quotidienne – Développement
travail situés à l’extérieur des santé et en sécurité du travail et validation d’une nouvelle
pour la prévention des chutes
cabines à peinture, notamment à l’intention des entreprises mesure de l’état de santé
par glissade
dans les nouvelles « aires de manufacturières organisées pour les travailleurs atteints
QUIRION, François, Fiche préparation » ventilées (prep en équipes semi-autonomes de lésions musculo-
technique RF-359, 14 pages, stations) que certains de ces mi- de travail squelettiques du cou
gratuite. Version anglaise, lieux utilisent depuis quelques et des membres supérieurs
ROY, Mario, Sophie BERGERON
RF-366. années. Les auteurs ont évalué
et Lucie FORTIER, Rapport R-357, STOCK, Susan, Patrick LOISEL,
Dans le cours de recherches les niveaux d’exposition poten-
74 pages, 6,42 $. Marie-José DURAND, David
subventionnées par l’IRSST, tiels et la capacité d’élimination
des contaminants présents dans STREINER, Peter TUGWELL,
QInc a mené, depuis six ans, Constatant qu’il peut être contre-
l’air ambiant de ces aires de Rhoda REARDON, Jacques
des travaux visant à réduire l’in- productif de mesurer la perfor-
préparation. Cette publication LEMAIRE, Micheline BOUCHER,
cidence des chutes par glissade mance en santé et en sécurité
documente l’efficacité des me- Susan DARZINS, Peter
chez les travailleurs du Québec. du travail en se basant unique-
sures préventives dans ce type DILWORTH, Nathaly
Pendant cette période, une série ment sur les indicateurs asso-
d’environnement. GAUDREAULT, Rapport R-355,
d’études expérimentales, menées ciés à la fréquence et à la
99 pages, 7,49 $.
sur le terrain et en laboratoire, gravité des accidents, qui ne
confirment que l’optimisation témoignent que d’une partie de
de l’entretien réduit la glissance Rapport d’activité 2003 la réalité et souvent de façon Accroître les efforts de
des planchers. Ces travaux ont IRSST, la recherche en action inexacte, les auteurs proposent prévention : la santé et
conduit à la rédaction de rap- Direction des communica- une nouvelle approche qui la sécurité du travail dans
ports techniques. Le présent tions, 20 pages, gratuit. permet aux organisations d’agir la construction au Québec
document résume, de façon Version anglaise disponible. avant la survenue d’événements BRUN, Jean-Pierre, Rapport
condensée et dynamique, les et de mettre l’accent sur les R-358, 48 pages, 5,35 $.
Une ligne de conduite claire et processus, les systèmes et les
activités de recherche réalisées
précise guide l’IRSST depuis valeurs de comportements por-
par QInc entre 1997 et 2002. Linda Savoie
23 ans : réaliser des recherches teurs de risques. Ils présentent
Il s’adresse aux intervenants en
pour réduire les risques pour la une classification des types
Marjolaine Thibeault
santé et en sécurité du travail
santé et la sécurité des travail- (mesures réactives et pro-actives)
qui font face à la probléma-
leurs. Pour ce faire, l’Institut et des outils de mesure utilisés
tique des chutes par glissade.
s’est doté de différents méca- en santé et en sécurité du
nismes qui assurent aux mi- travail, ainsi que les catégories
lieux de travail une recherche d’objets mesurés. La version
non seulement de haute qualité préliminaire d’un questionnaire

Été 2004 Prévention au travail 29


Re c h e r c h e
à l’IRSST
Développement et validation de troubles musculo-squelet- psychosociaux des manuten-
d'une méthode d'échantillon- tiques. Depuis quelque temps, tionnaires. Ce deuxième projet
nage et d'analyse globale le marché offre des chaises, des vise à enrichir ce modèle afin
Recherches pour l'évaluation des amines bancs et des tabourets qui au- d’en dégager les éléments spéci-
en cours en milieu de travail raient la capacité de réduire la fiques à chaque type de maga-
fatigue et les douleurs au dos. sin et ceux qui peuvent être
(099-274)
La faculté de musique de l’Uni- généralisés aux commerces de
Présentes dans plusieurs pro- versité Laval a aussi conçu un cette catégorie. Il en résultera
duits chimiques, peintures, tabouret ergonomique, fondé un bilan exhaustif des détermi-
adhésifs, polymères et caout- sur le principe de la posture nants du travail dont découlent
choucs utilisés dans les milieux assise dynamique. Dans le but les risques auxquels les travail-
de travail, les amines posent de quantifier et de valider l’effi- leurs sont exposés et des propo-
une diversité de risques pour cacité de ce type de sièges, les sitions d’avenues de solutions
la santé des travailleurs qui y chercheurs compareront la sta- adaptées à ce secteur, distinct
sont exposés. Dans une pre- bilité posturale et l’activité de du milieu industriel. Ces
Substances mière étape, les chercheurs ont certains muscles posturaux de connaissances, qui s’avèrent
notamment repéré un réactif violonistes et d’altistes utilisant essentielles pour amorcer la
chimiques et agents permettant de prélever simulta- un banc standard et un tabou- prévention des TMS dans ce
biologiques nément trois amines différentes ret ergonomique. Ils tenteront domaine, permettront de pro-
et d'en faire une analyse quan- de confirmer l’hypothèse voulant duire un guide pratique destiné
Quantification de titative. Ils veulent maintenant que l’emploi d’un tabouret ergo- aux intervenants en santé et en
la variabilité biologique poursuivre la mise au point nomique contribue à diminuer
Mise à jour des données sécurité du travail.
de cette méthode analytique l’activité de la majorité des
Responsables : Marie St-Vincent
(099-332) en utilisant le même réactif muscles étudiés et à retarder
et André Plamondon, IRSST ;
Complémentaire à la surveil- pour recueillir et analyser une la manifestation de la fatigue
Daniel Imbeau et Denys Denis,
lance environnementale, la dizaine d'amines. Au terme de musculaire, tout en atténuant
École polytechnique de Montréal
surveillance biologique vise à cette activité, l'IRSST disposera l’amplitude et la fréquence des
mieux documenter et contrôler d'une méthode originale et vali- mouvements du tronc. Les di-
l’exposition des travailleurs à dée d'échantillonnage et d'éva- verses retombées de cette étude Apprentissage des tâches et
diverses substances chimiques. luation globale des amines, ce pourront profiter non seulement prévention de TMS : analyse
Dans une activité préalable, les qui lui permettra de répondre aux instrumentistes utilisant un des situations de formation
chercheurs ont utilisé la modé- aux demandes des intervenants tabouret, mais aussi aux autres vécues par des formateurs
lisation toxicocinétique pour en prévention. Grâce à ce nou- travailleurs qui doivent adopter et des travailleurs du secteur
quantifier la variabilité des fac- vel outil, on pourra mieux éva- une posture assise prolongée. avicole
teurs qui ont une influence sur luer les risques de l'exposition Responsables : Normand (099-276)
les indicateurs biologiques d’ex- professionnelle aux amines dans Teasdale, Ursula Stuber, Martin
les entreprises québécoises. Plusieurs études ont démontré
positions relatifs aux substances Simoneau et Denis Rancourt,
l’importance et la gravité des
figurant dans le Guide de sur- Responsable : Jacques Lesage, Université Laval
troubles musculo-squelettiques
veillance biologique de l’IRSST. IRSST ; Huu Van Tra, Université du
(TMS) dans le secteur avicole.
Cependant, la norme ou la Québec à Montréal Commerce de détail On connaît aussi l’influence
valeur de l’indicateur biologique Phase II : Analyse des lacunes de la formation
d’exposition de sept de ces
ergonomique approfondie en entreprise à cet égard. Une
substances ont depuis lors
dans trois magasins de recherche précédente a permis
été modifiées et une nouvelle
grande surface de réaliser deux vidéos de for-
substance a été ajoutée à la
mation pour faciliter l’intégra-
liste. En tenant compte de ces (099-210)
tion de la santé et de la sécurité
changements, les scientifiques Malgré le peu d’études existantes du travail dans l’apprentissage
appliqueront la même méthode sur la question, l’analyse des des tâches, destinées respecti-
pour élaborer de nouveaux mo- données statistiques sur les vement aux formateurs et aux
dèles toxicocinétiques propres lésions professionnelles, la travailleurs. Cette fois, les
aux substances en cause. Ces Troubles musculo- littérature scientifique et les chercheurs feront une analyse
données mises à jour seront squelettiques connaissances des chercheurs complémentaire des données
intégrées dans le guide de l’Ins- permettent de cibler les maga- recueillies alors pour mieux
titut, ce qui permettra aux in- Évaluation de l’efficacité sins à grande surface comme documenter les conditions de la
tervenants en santé de mieux d’un tabouret ergonomique étant particulièrement à risque formation et de l’apprentissage
adapter leurs stratégies d’échan- chez des instrumentistes pour les troubles musculo- des tâches. En connaissant
tillonnage aux différents mi- à cordes : analyse de la stabi- squelettiques (TMS), principa- plus à fond ces paramètres, ils
lieux de travail et de favoriser lité posturale et de l’activité lement les maux de dos. Cette pourront mieux comprendre la
ainsi une utilisation plus judi- des muscles posturaux activité fait suite à une recherche situation propre au milieu agro-
cieuse de la surveillance biolo- du bassin et du tronc menée dans un magasin entre- alimentaire et déterminer les
gique de l’exposition. pôt d’une grande chaîne, laquelle
(099-190) obstacles et les facteurs favo-
Responsables : Robert Tardif, a permis de produire un mo- rables à l’utilisation des vidéos,
Université de Montréal ; Ginette Comme bon nombre de travail- dèle diagnostique décrivant de même qu’à l’appropriation
Truchon, IRSST leurs qui doivent maintenir une les principales composantes du des stratégies de prévention des
posture assise statique, les mu- travail qui sont à l’origine des TMS que ces outils présentent.
siciens souffrent fréquemment facteurs de risques physiques et Les entreprises disposeront

30 Prévention au travail Été 2004


ainsi de pistes de travail addi- Évaluation de l’implantation et financiers substantiels, parti- fatigue, et des facteurs tels que
tionnelles pour soutenir leurs et de l’impact du programme culièrement pour ceux dont la l’ambiance thermique peuvent
efforts de formation, tandis que PRÉVICAP période d’incapacité se prolonge. faire augmenter la fréquence
les ergonomes et les formateurs Des études récentes indiquent cardiaque et, par conséquent,
(099-282)
pourront mieux structurer la que parmi les divers types d’in- modifier la relation Fc -V02. Le
prévention des TMS. Les lésions musculo-squelettiques terventions de réadaptation qui chercheur étudiera la fidélité
(LMS) constituaient 37,3 % des ont été tentées depuis quelques de cette relation en fonction
Responsables : Céline Chatigny et
maladies professionnelles in- années, celles qui impliquent du moment de la journée et de
André Balleux, Université de
demnisées au Québec en 2000, le milieu de travail semblent différentes conditions de travail.
Sherbrooke
occasionnant 40,7 % des prometteuses. La chercheure Il résultera de cette recherche
sommes déboursées. La CSST tentera de mieux définir et docu- une meilleure compréhension
Production d’outils d’infor- souhaite obtenir une évaluation des limites de ce procédé pour
menter les mécanismes suscep-
mation pour la prévention scientifique de l’implantation évaluer la dépense énergétique.
tibles d’expliquer l’efficacité de
des TMS au cours des projets du programme de réadaptation ces interventions, afin de les Responsable : François Trudeau,
d’aménagement de biblio- PRÉVICAP, actuellement à articuler ensuite dans un modèle Université du Québec à Trois-
thèques l’essai dans quatre régions. théorique. Les connaissances Rivières
(099-329) Les chercheurs étudieront la découlant de ce projet pourront
capacité de ce programme à servir à améliorer les services de
Dans une étude exploratoire, répondre aux besoins des travail- Consortium de recherche
les chercheurs ont établi un lien réadaptation, ce qui accroîtra les
leurs risquant une incapacité interdisciplinaire sur le
entre les activités du travail en chances des travailleurs atteints
prolongée, comparativement de TMS de retourner au travail.
transfert de connaissances,
bibliothèque et de nombreux aux approches conventionnelles, les accidents du travail
facteurs de risque de troubles Pour leur part, les intervenants
ses effets sur les probabilités de bénéficieront d’une meilleure et leur contexte
musculo-squelettiques (TMS). retour au travail et ses aspects
Ils ont documenté comment compréhension des interventions (099-325)
économiques. L’analyse de de réadaptation en milieu de
différents choix faits pendant son implantation permettra Des chercheurs de l’IRSST, de
un projet d’aménagement travail réel, ainsi que d’outils l’Université de Sherbrooke et de
de dégager les facteurs liés à pour en mesurer les effets inter-
concernant les missions, l’archi- son déroulement satisfaisant : l’Université Memorial de Terre-
tecture et l’organisation du médiaires. Neuve, membres du programme
contexte socio-économique,
travail d’une bibliothèque, pou- caractéristiques des entreprises Responsable : Marie-José Durand, SafetyNet, ont obtenu une sub-
vaient contribuer à l’apparition et degré de coordination entre Université de Sherbrooke vention conjointe des Instituts
de telles lésions. Cela a permis les acteurs. Ce projet permettra de recherche en santé du
à l’Association sectorielle pari- de mesurer l’efficacité et la renta- Canada (IRSC) leur permettant
taire du secteur affaires munici- bilité du programme PRÉVICAP, de créer un consortium de
pales (APSAM), en collaboration ainsi que de connaître les modi- recherche interdisciplinaire en
avec la CSST, de produire un fications organisationnelles qui santé et en sécurité du travail.
guide ergonomique sur le réa- pourraient optimiser la prise en Établi pour cinq ans, ce parte-
ménagement d’un comptoir de charge des travailleurs victimes nariat régional de trois orga-
service. Poursuivant la valori- d’une LMS visant leur retour nismes s’adjoindra de nouveaux
sation des résultats de leur rapide et durable au travail. membres. Le consortium pourra
recherche, les scientifiques éla- Les conclusions fourniront à la ainsi améliorer sa capacité de
boreront de nouveaux docu- CSST des données essentielles Accidents recherche et de transmission
ments, avec la coopération de pour juger de la pertinence de du savoir en matière de lésions
l’APSAM : un guide sur l’ergo- Impact de la dérive physiolo- professionnelles, de même
généraliser la mise en place du
nomie appliquée à l’aménage- programme PRÉVICAP.
gique sur la mesure de la qu’offrir des stages d’études
ment d’une bibliothèque et des charge de travail multisites, un laboratoire de
fiches techniques sur les élé- Responsables : Michèle Rivard, transfert de connaissances, trois
Jean-Louis Denis, Sébastien Cabon
(099-281)
ments les plus importants pour symposiums et un institut d’été.
prévenir les TMS dans ce milieu et André-Pierre Contandriopoulos, En ergonomie, la mesure de la Avec l’aide du Réseau en réa-
de travail. Cette fois encore, Université de Montréal ; Michel dépense énergétique constitue daptation au travail du Québec
l’APSAM diffusera ces publica- Rossignol, Université McGill ; une piste privilégiée pour déter- (RRTQ), il proposera une for-
tions et les utilisera pour créer Henriette Bilodeau, Université du miner les exigences physiques mation de cycle supérieur et
des activités de formation. Les Québec à Montréal d’une tâche. Mais puisqu’elle postdoctorale, élaborera de
bibliothèques disposeront ainsi requiert des appareils coûteux nouveaux modèles d’analyse et
d’outils pertinents pour effectuer Modèle de réduction des et encombrants, les ergonomes de prévention, et favorisera la
des choix d’équipements et contraintes environnemen- utilisent habituellement des esti- diffusion rapide des résultats
d’aménagement qui tiennent mations tirées de tables de coûts des recherches à un éventail
tales pour une clientèle
compte de la prévention des énergétiques, établies sur la base élargi de secteurs économiques
en réadaptation au travail
TMS. des relations entre la fréquence de l’est du Canada.
(099-318) cardiaque (Fc) et la consomma-
Responsables : Élise Ledoux, tion d’oxygène (VO2). Or, ces Responsables : Barbara Neis,
Malgré les efforts consentis pour
IRSST ; Marie Bellemare, Louis relations ont été déterminées en Université Memorial de Terre-
prévenir les troubles musculo-
Trudel et Sylvie Montreuil, laboratoire, dans des conditions Neuve ; Mario Roy, Université de
squelettiques (TMS), ceux-ci
Université Laval qui peuvent varier sensiblement Sherbrooke ; Esther Cloutier et
continuent d’affecter de nom-
de la réalité du terrain. De plus, Danièle Champoux, IRSST
breux travailleurs et d’occasion-
ner des coûts humains, sociaux au fur et à mesure que la jour-
née de travail progresse, divers Claire Thivierge
phénomènes naturels, dont la

Été 2004 Prévention au travail 31


Le s a c c i d e nt s
n o u s p a r l e nt

Chutes d’échelles
Une échelle glisse et un
contremaître fait une chute
sur un sol de béton dans un
centre d’exposition. Un autre
travailleur tombe d’une échelle
dans un puits d’escalier.

Que s’est-il passé ?


Février 2003. On doit monter une
maison usinée dans un centre d’exposi-
tion. Le temps presse. Cinq jours pour
achever la construction, exécuter la
menuiserie, les raccordements d’élec-
tricité et de plomberie, tirer les joints
et peindre, décorer et meubler. En ce
deuxième jour de travail, un ouvrier
pose du bardeau d’asphalte sur le toit
de la maison de type plain-pied. Pour
fixer les bardeaux, il utilise un outil
pneumatique, alimenté par un tuyau
à air relié à un compresseur électrique.
Il monte sur la toiture à l’aide d’une Qu’aurait-il fallu faire ?
échelle. Cette dernière est appuyée
contre le rebord du toit, dont elle dé- Il faut toujours utiliser le matériel le
passe de 50 cm. Elle repose sur un plus approprié au genre de travaux à la technique des trois points d’appui.

Illustration : Ronald DuRepos


panneau d’aggloméré déposé direc- exécuter. Avant d’arrêter son choix sur Le travailleur devrait également porter
tement sur le sol de béton du bâtiment. une échelle, il vaut mieux envisager un équipement de protection contre
Le travailleur redescend en passant l’échafaudage, la nacelle, l’escalier ou les chutes.
dans la noue du toit afin d’aller chercher encore la plate-forme élévatrice. Et si la Finalement, les travailleurs et les
du matériel. Pour atteindre l’échelle, il solution de l’échelle est retenue, il faut contremaîtres doivent recevoir une
tente de s’appuyer sur les montants de s’assurer qu’elle est conforme à la régle- formation sur le matériel utilisé et
cette dernière. Elle glisse. Le travailleur mentation et de la bonne longueur. connaître les dangers inhérents à leurs
perd l’équilibre et fait une chute de plus Lorsqu’elle est utilisée comme moyen tâches. PT
de trois mètres sur le sol de béton. Il est d’accès, elle doit dépasser d’au moins
transporté à l’hôpital où il sera soigné 90 cm le niveau auquel on cherche à Julie Mélançon
pour des blessures graves à la tête. accéder.
En 2001, un accident semblable se Dans les deux accidents, les pieds de Nos personnes-ressources : Laurent Desbois,
ingénieur, Yvon Papin, conseiller, et André
produit. Un plâtrier fait des travaux l’échelle reposent sur une surface lisse, Turcot, ingénieur, tous trois de la Direction de
de jointoiement dans le garage d’une sans être retenue à la base par une per- la prévention-inspection de la CSST.
résidence. Son échelle enjambe la cage sonne ou attachée solidement à son
d’escalier menant au sous-sol de la sommet. Quand on utilise un tel acces-
maison. Elle est appuyée contre le mur soire, on doit s’assurer que sa position
Pour en savoir plus
et posée sur le sol en béton du garage. est stable avec un appui ferme au sol.
Le pied de l’échelle dérape sur le béton. L’angle de l’échelle doit se situer entre Couvreurs, les échelles ça vous concerne :
Le travailleur tombe de l’échelle et 70 et 75 degrés par rapport au sol. Dans pas de compromis... sur les règles de sécu-
meurt de ses blessures. Il a 35 ans. une échelle, le travailleur doit utiliser rité (DC 500-155).

32 Prévention au travail Été 2004


Santé et sécurité en images

● ■ Le harcèlement au travail : comment l’éliminer Les rayons infrarouges, ultraviolets, laser peuvent aussi
Cote VC-001520 – Durée 18 minutes l’agresser, l’irriter, voire le brûler. Si l’exposition est répé-
Cote VC-001599 (version anglaise) tée, le cristallin se détériore et cela peut causer une cata-
racte. On évite tous ces risques en portant des équipements
La vidéocassette met en scène des acteurs qui interprètent de protection individuelle appropriés et conformes à la
six petits sketches présentant diverses formes de harcèle- réglementation. Produite par A.G.E.
ment au travail. Ils sont tour à tour victimes, agresseurs,
complices ou témoins. Ils discutent ensuite entre eux de
ce qu’ils viennent de tourner. Ils trouvent des similitudes ▲ Les risques de chutes de hauteur :
avec leurs propres expériences. Les scènes montrent un les équipements de protection individuelle
cas de harcèlement sexuel, d’abus de pouvoir ou d’autorité, Cote VC-001563 – Durée 10 minutes
de discrimination d’une personne handicapée, de racisme,
d’exclusion par discrimination et d’abus verbal. On y définit La vidéocassette présente les harnais antichutes et leurs
également le harcèlement comme étant tout simplement sous-systèmes. L’équipement comprend quatre éléments : le
importun et déplacé. On suggère aussi des méthodes et des harnais, le dispositif de liaison, les connecteurs et l’ancrage.
actions pour éviter que le harcèlement se produise. Trois Le harnais est constitué de sangles réglables. Il a pour fonc-
recommandations concluent cette vidéo : si on a déjà har- tion de répartir sur l’ensemble du corps les forces dévelop-
celé quelqu’un, se promettre de ne plus recommencer. Si on pées pendant la chute sans créer de lésions. Les dispositifs
a déjà été harcelé, en parler. Enfin, il faut aider à rendre de liaison sont de plusieurs types : les longes, les antichutes
notre milieu de travail plus sûr et plus accueillant pour tout à rappel automatique et les absorbeurs d’énergie qui peuvent
le monde. s’intégrer à une longe ou à un antichute. Les connecteurs
La vidéocassette est accompagnée d’un guide. On peut permettent de les fixer au point d’accrochage du harnais
l’utiliser comme élément d’une session de formation sur le et du point d’ancrage. Les ancrages, quant à eux, peuvent
harcèlement au travail. Produite par Workwell Training être ponctuels ou continus, mais ils doivent être sûrs et
Videos. robustes. La vidéocassette est produite par A.G.E. PT

Julie Mélançon
▲ La protection des yeux
Cote VC-001497 – Durée 10 minutes

Certaines situations de travail comportent des risques Modalités d’emprunt à l’audiovidéothèque de la CSST
pour les yeux non protégés. Les agressions qu’ils peuvent Les documents vidéo sont prêtés gratuitement. Il suffit de rem-
subir sont essentiellement de quatre types : mécaniques, plir et de signer une demande d’emprunt. Toute personne peut
chimiques, thermiques et par rayonnement. Les premières venir chercher et rapporter les vidéocassettes, pendant les heures
se produisent lors de projections de particules ou de mor- de bureau — 8 h 30 à 16 h 30 —, du lundi au vendredi. Le vision-
ceaux de métal, de matériaux ou de végétaux. La cornée nement peut se faire sur place, moyennant réservation de la salle
peut alors être éraflée ou encore perforée si les particules (capacité de quatre personnes). L’audiovidéothèque peut aussi
arrivent à grande vitesse. Au cours de manipulations de expédier les documents à l’emprunteur ; la CSST paie les frais
produits dangereux, d’interventions sur des canalisations d’expédition mais les frais de retour sont à la charge de l’em-
ou des récipients qui en contiennent, des agressions chi- prunteur.
miques sont possibles. Certains de ces produits ont un Pour obtenir un formulaire de demande, pour réserver la salle
effet irritant sur l’œil et ses muqueuses. D’autres brûlent de visionnement ou emprunter une vidéocassette :
ou rongent la cornée. Quant aux agressions thermiques, elles Téléc. (514) 906-3024 – Tél. (514) 906-3085 ou 1 888 873-3160
se produisent pendant le travail à chaud des métaux et la Courriel : audiovideotheque@csst.qc.ca
manipulation de gaz liquides très froids. Si les yeux ne 1199, rue De Bleury, 4e étage, Montréal (Québec) H3B 3J1
sont pas protégés, des gouttelettes de métal en fusion, des
particules incandescentes ou du liquide très froid peuvent ● Information grand public
les atteindre. La chaleur diffuse en profondeur et en sur- ▲ Information spécialisée
face et détruit une partie considérable des tissus de l’œil. ■ Avec document ou guide d’accompagnement

Été 2004 Prévention au travail 33


I n fa s c o
Resserrer les boulons
Cette entreprise située à Marieville sur la Rive-Sud de Montréal directeur de l’École de relations indus-
trielles de l’Université de Montréal, pro-
fabrique des boulons et des écrous. Sa capacité de production fesseur titulaire en gestion de la santé et
atteint 1,2 million de livres (544 000 kg) de boulons par jour, de la sécurité et chercheur au GRASP
(groupe de recherche sur les aspects
ce qui en fait la première entreprise du genre au monde. Son sociaux de la santé et de la prévention),
autre particularité ? Sa prise en charge exemplaire de la santé et « il s’agit de l’évolution normale qu’on
observe dans beaucoup de milieux de
de la sécurité dans les opérations et dans la gestion quotidienne. travail. La façon de passer à une autre
étape consiste à élargir le cercle des
Bilan d’un programme de prévention solide comme l’acier… personnes qui s’occupent activement
du dossier santé et sécurité dans l’en-
Par Julie Mélançon étaient de réduire les accidents du treprise. Ça veut dire organiser les ser-
travail et les frais directs reliés au finan- vices et les équipes de travail pour qu’ils
cement. Pour y parvenir, on devait intègrent mieux au quotidien cette pré-
Ce n’est pas d’hier qu’on se pré- remettre la sécurité en priorité au même occupation. Ce faisant, on se trouve à
occupe de santé et de sécurité du tra- titre que la qualité et la production. décentraliser, c’est-à-dire qu’on passe
vail chez Infasco. Dès 1989, en effet, on Les contremaîtres devaient devenir des d’une structure qui s’occupe de la santé
implante des méthodes pour assurer la acteurs de première ligne. Il fallait et de la sécurité pour toute l’entreprise
sécurité. Un ingénieur industriel et le convaincre l’employeur d’investir dans à de petits regroupements de personnes
représentant à la prévention analysent l’inconnu, car il n’y a pas de garantie qui verront aux problèmes de santé et
chaque poste. On améliore les outils. On de résultats. C’est un acte de foi. L’en- de sécurité dans leur service respectif.
donne de la formation. Résultat : une treprise l’a fait et ç’a été bénéfique. » C’est plus efficace que l’étape anté-
baisse de la fréquence des accidents Le comité doit cesser graduelle- rieure, parce qu’il y a plus de gens qui
de 54 % de 1989 à 1993. Puis on atteint ment d’exercer lui-même les fonctions travaillent à l’amélioration de la situa-
un plateau. Le comité de santé et de d’inspection et orienter davantage son tion. Mais on ne peut pas commencer
sécurité, insatisfait, décide de faire action sur la mise en place de mé- dans une usine en mobilisant un trop
appel à l’Association sectorielle pari- thodes ou de procédés qui aideront les grand nombre de travailleurs. Il faut dé-
taire (ASP) Métal Électrique. Mario contremaîtres et les travailleurs à agir marrer quelque part, par un petit noyau.
Benjamin, représentant syndical de la eux-mêmes. D’après Marcel Simard, Et tranquillement, on élargit le cercle. »
section locale 6839 des mé-
tallos FTQ, raconte : « Pierre
Lamoureux, conseiller en ges- Pour calibrer un
tion de la prévention de l’ASP chariot élévateur
Métal Électrique, a joué un au propane,
rôle majeur. Il nous a aidés un mécanicien
à dresser notre bilan en santé installe la sonde
et sécurité. Notre façon de d'un appareil de
faire avait atteint ses limites.
détection (4 gaz)
Dans un premier temps, on a
mené des entrevues dirigées afin de vérifier
de groupes cibles de tous les les émanations
partenaires de l’usine. En- de monoxyde
suite, on a établi un plan de carbone (CO).
d’action et redéfini le rôle Il s'assure égale-
du comité de santé et de ment que les
sécurité. » Des possibilités de gaz d'échappe-
solutions sont retenues. Cer- ment sont éva-
taines activités du comité de
cués de façon
santé et de sécurité de l’usine
doivent être décentralisées.
efficace pour
Photo : Denis Bernier

D’après Charles Côté, éviter une


coordonnateur en santé et surexposition
sécurité de l’entreprise, « les ou une intoxi-
objectifs à ce moment-là cation au CO.

34 Prévention au travail Été 2004


de la prévention
Une partie du défi consiste à définir
le rôle des superviseurs en santé et sécu-
rité, à les former aux aspects juridiques
de la sst, à leur fournir des outils de ges-
tion, à fixer des objectifs clairs et réali-
sables afin d’évaluer la performance.
Pour Mario Benjamin, il est essentiel
que les contremaîtres soient formés :
« La formation entrait dans le cadre
d’une réforme globale des responsabi-
lités de chacun. On voulait que le mes-
sage soit le même pour tous. Or, les
contremaîtres n’étaient pas formés en
prévention au sens de la loi, alors que
les délégués suivent des cours syndi- Une enceinte insonorisante emmure
caux. On ne parlait pas le même lan- maintenant les boulonneuses. Cette
gage ! Cette orientation a produit des modification a permis de réduire
fruits dès le début. » M. Simard renché- considérablement le bruit dans
rit : « L’avantage d’une formation com- l'usine et d’améliorer la qualité de vie.
mune, c’est que ça met tout le monde
sur le même pied. Mais surtout, ça Les passerelles ont été recouvertes
donne un cadre de référence commun d'une matière antidérapante.
pour évaluer, prendre connaissance et
analyser les problèmes auxquels on
va demander aux gens de trouver des maux de dos. Un travailleur a eu l’idée
solutions. Des solutions qui font l’objet d’inventer un diable pour transporter
d’un consensus entre les différentes par- les paniers. L’appareil a été conçu sur
ties prenantes au dossier. Pour arriver place et on l’utilise dans toute l’usine.
à cette concertation, il faut donner des D’autres nouveautés se sont impo-
éléments communs de formation et d’in- sées. Nouvelle méthode de cadenassage
formation. Pour que tous acquièrent plus facile d’application. Formation
la faculté de voir les problèmes de la des travailleurs qui doivent l’utiliser.
même manière, de les évaluer et de les Conception d’un permis et formation des
prioriser de la même façon. Et de mettre travailleurs relativement aux espaces
en commun leur énergie pour trouver clos. Participation du comité au proces-
Photos : Denis Bernier

des solutions efficaces qui vont tenir sus de modification et d’aménagement


compte non seulement des aspects de des installations. Amélioration de l’ou-
santé et de sécurité, mais des contraintes tillage à partir de données statistiques.
opérationnelles reliées à l’application Amélioration de la qualité de l’air en
des solutions. Si on ne le fait pas, la diminuant la concentration de mo-
solution n’est pas appliquée par les une soudure, l’installation d’un dis- noxyde de carbone. Design modifié
travailleurs ni par les contremaîtres, positif automatique d’ouverture des des passerelles et application d’une
qui la trouvent trop contraignante. » portes, des modifications au procédé matière antidérapante.
ou à l’équipement, de l’entretien pré- André Dupras, inspecteur à la Direc-
Inspection par le travailleur ventif. Le procédé fonctionne main- tion régionale Saint-Jean-sur-Richelieu
Parallèlement, on crée une méthode tenant depuis sept ans. » de la CSST, a apporté un soutien cons-
d’inspection où les travailleurs font Les travailleurs ont trouvé parfois tant lors de l’implantation de certains
partie du processus. C’est-à-dire que des idées simples, mais ingénieuses, de ces nouveaux outils ou méthodes
chacun inspecte son poste. Charles qui ont résolu certains problèmes. de travail. Il mentionne que « autant
Côté explique : « On a d’abord implanté Exemple ? Tous les boulons sont mis du côté de la direction que de celui
la méthode au cœur de l’usine : les dans des paniers, d’énormes caissons des travailleurs, l’ouverture à la prise
boulonneuses. Les travailleurs ont de métal. Vides, ils pèsent entre 68 et en charge et à l’implantation de me-
été formés. Et ils ont trouvé environ 82 kg. Ils servent à alimenter une ma- sures préventives au sein de l’entreprise
1000 modifications à apporter, de chine. Des palans existaient, mais ils a contribué à l’amélioration du dossier
mineures à majeures : une réparation, n’étaient pas utilisés. Résultat : bien des de santé et sécurité du travail ».

Été 2004 Prévention au travail 35


de masse salariale. Notre taux est
Charles Côté 60 % plus bas, ce qui représente une
et Mario réduction notable des cotisations.
Benjamin L’adoption d’un mode de gestion dé-
posent centralisé a été la meilleure décision
fièrement du comité. Ce n’est jamais évident de
devant leur faire confiance, mais c’est à partir de là
trophée qu’on peut instaurer un mode de ges-
tion de partenaires. La gestion de la
Lachance- santé et de la sécurité a été intégrée
Morin remis dans les responsabilités des contre-
par l'ASP maîtres, permettant ainsi d’en faire
Métal une préoccupation quotidienne. Il faut
Électrique. être partenaire dans la prévention pour
avoir du succès. »
Photo : Denis Bernier

La réticence au changement est un grand succès. Chaque activité Selon Marcel Simard, le secret de
D’après M. Simard, « quand on intro- d’envergure reliée à la santé et à la sécu- la réussite provient de plusieurs ingré-
duit un changement de ce genre, il y a rité a rapporté des dividendes presque dients : le leadership de la direction,
toujours de la résistance. De la part des instantanés. Et le succès s’est main- des modifications apportées à certains
travailleurs et des superviseurs, qui n’y tenu. La fréquence des indemnisations sous-systèmes de gestion qui viennent
voient qu’un surplus de travail. » Mario a diminué de moitié, largement moins soutenir et contrôler jusqu’à un cer-
Benjamin renchérit : « On obligeait des de 10 par année et l’indice de gravité a tain point l’exécution des fonctions par
délégués et des contremaîtres à s’asseoir fondu également. Mario Benjamin tient les cadres et les travailleurs, et enfin une
pour une formation commune, ce qui à préciser que ce n’est pas du camou- formation appropriée pour qu’ils se
était assez inhabituel. On demandait la flage de chiffres : « Certains employeurs sentent à l’aise dans ces nouvelles tâches-
participation de tous. L’inspection des se servent de l’assignation temporaire là. « Ce qui ressort des différentes études
postes par les travailleurs eux-mêmes à outrance pour baisser leurs chiffres sur les processus de changement reliés
devait être acceptée par eux pour réus- d’accidents réels. Ce n’est pas le cas, chez à la décentralisation et la responsabi-
sir. Autre point majeur pour que ça nous. On évalue chaque sujet avant de lisation des cadres en santé et sécurité
fonctionne : le service d’entretien était- l’affecter à une tâche temporaire. On du travail, c’est que la stratégie gagnante
il capable de répondre à la demande ? s’est donné une structure pour gérer ça. est systémique. C’est-à-dire que si on
Dès les premières inspections, les tra- Je tiens à le dire, car c’est capital. Une veut modifier des comportements ou
vailleurs ont vu beaucoup de correctifs chose ne ment pas : le registre des pre- des usages, aussi bien chez les gestion-
à apporter. Il ne fallait pas embourber miers soins. Chez Infasco, les consulta- naires que chez les travailleurs, il faut
l’entretien et se trouver incapable de tions ont diminué de moitié. » non seulement changer les mentalités,
répondre aux attentes qu’on venait de Les travailleurs et l’employeur y ont les attitudes et les connaissances, mais
créer. Car les travailleurs déjà réticents trouvé leur compte. Chaque travailleur également certains éléments du contexte
auraient dit : “ Votre affaire, ça marche en retire une amélioration de sa qua- de travail. Pour soutenir les nouvelles
pas. Ne venez plus me voir pour faire lité de vie et la fierté de participer. Pour méthodes de travail. Exemple : si vous
des inspections. J’ai demandé telle chose M. Benjamin, « ce qui préoccupe le tra- demandez aux superviseurs de consa-
et vous ne me l’avez pas donnée. ” » vailleur, c’est sa sécurité. Être capable de crer une partie de leur temps à la pré-
M. Côté renchérit : « Pour éviter d’em- vieillir avec tous ses morceaux. Mais ça vention, mais que vous ne modifiez pas
bourber le service d’entretien, une struc- reste très fragile. Il faut garder la même la méthode d’évaluation de leur rende-
ture a été établie. Elle permet au service intensité et demeurer vigilant... Deux ment pour y intégrer la composante
de trier : telle chose est une priorité, travailleurs ont perdu la vie chez Infasco santé et sécurité, ils ne seront pas très
ça prend tant de temps pour la faire, le 12 janvier 1999, à la suite d’une explo- enthousiastes à l’endroit des nouvelles
et ce sera terminé à telle date. Le sys- sion. Pourtant, on se pensait au-dessus tâches. Ils vont se dire qu’on n’y accorde
tème permet au service d’entretien de de ça. Ce n’est pas parce qu’on a de pas beaucoup d’intérêt. Pour que l’en-
mieux planifier ses tâches. Même s’il bons résultats qu’on maîtrise tout. Il treprise envoie le message clair que c’est
y a des défaillances dans l’usine, il faut continuer, ne pas relâcher. Car juste sérieux, il faut qu’elle fasse une place
reste qu’une partie est planifiable. Et arrêter de faire de la prévention, c’est dans le système principal qui évalue,
le comité s’assure que les réparations un recul. Automatiquement, les situa- contrôle, récompense, valorise la bonne
et les demandes de modifications sont tions se détériorent. Attention ! Rien n’est performance en rapport avec les prio-
faites. » Mais maintenant, le volume de acquis. » rités de l’entreprise. Il faut donc que
demandes s’est stabilisé et le système L’entreprise s’est rendu compte, la santé et la sécurité figurent dans
est bien implanté. quant à elle, que c’est payant de faire ses priorités. » C’est ce qu’a fait Infasco.
de la prévention. M. Côté confirme : Et c’est un franc succès ! L’entreprise a
Bilan de l’aventure « On a un taux personnalisé parce d’ailleurs reçu le trophée Lachance-
Si on compare la situation actuelle avec qu’on fait partie du régime rétrospectif. Morin remis par l’ASP Métal Électrique
celle qui existait lors du dépôt du bilan Dans notre secteur, le tarif oscille de- pour souligner le travail accompli au
de 1995, le plan de réalisation d’Infasco puis six ans autour de 4 $ pour 100 $ chapitre de la prévention. PT

36 Prévention au travail Été 2004


S’amuser…
Par Julie Mélançon c’est sérieux !
D’après Debbie Friedman, chef Sûrs, les terrains de jeux ? Peut-être pas tant que ça…
du service de traumatologie de l’Hô-
pital de Montréal pour enfants, « la Bon an mal an, 28 500 enfants canadiens se retrouvent
plupart du temps, les enfants tombent au service des urgences d’un hôpital après s’être blessés
d’un appareil. Et les blessures les plus
fréquentes sont les fractures des bras, au terrain de jeux.
les contusions, les lacérations et les
traumatismes crâniens. » environnements extérieurs pour enfants :
Selon le Système canadien hospi- « À cet âge, on n’a pas peur des hau-
talier d’information et de recherche en teurs. Et on a besoin de relever des
prévention des traumatismes, ces acci- défis, ce qui incite à courir des risques. »
dents sont graves. En effet, dans près Il arrive aussi que le matériel soit
de la moitié des cas, les jeunes victimes mal conçu. David Fortier explique :
ont besoin d’un suivi médical. Les appa- « Parfois, sur des appareils très hauts,
reils le plus souvent en cause ? Les grim- il n’y a pas de barrière pour empêcher
peurs, les balançoires et les
glissoires. La majorité des bles-

Photos : Julie Mélançon


sures surviennent dans un parc
public (37,2 %) ou dans la cour
d’une école ou d’un service de
garde (34,8 %).
Quoi faire alors ? Avant la
visite au terrain de jeux, s’as-
surer que tous les cordons des Marc-Antoine et
vêtements de l’enfant ont été
Emmanuelle s'amusent.
retirés. Opter pour le cache-cou
au lieu du foulard. Comme le La vigilance s'impose...
fait remarquer David Fortier,
représentant de l’Institut na- sont dotés d’une bar-
tional de santé publique du rière de protection. Un
Québec dans le dossier de la appareil sur quatre ne
sécurité des aires de jeux, « en possède pas de zone de
haut des glissoires, il y a des protection. Quand elle
endroits où un foulard ou des est là, elle n’est pas to-
cordons de capuchon peuvent talement sûre dans la
être retenus. C’est très dange- grande majorité des
reux, car l’enfant peut s’étran- cas. Finalement, plus
gler ». Et si on s’y rend à vélo, il du tiers des appareils
vaut mieux laisser le casque sur présentent un risque de
le vélo. Ce dernier pourrait coincer la les enfants de tomber. La zone de coincement de la tête ou du cou.
tête à un endroit où elle aurait dû nor- protection (surface sur laquelle les La vigilance s’impose donc. Il est
malement passer. appareils sont posés) est souvent inap- possible de prévenir le service de garde,
Pour un enfant de moins de cinq ans, propriée. Le matériau se compacte avec l’école ou la municipalité lorsqu’on
attention ! Il ne faut pas qu’il s’aventure le temps, au point qu’il n’arrive plus à constate qu’un appareil comporte un
sur des appareils conçus pour les plus amortir une chute. Parfois, des appa- danger. En ce qui concerne la Ville
âgés. Et il doit apprendre à jouer en reils sont trop près les uns des autres. de Montréal, on peut téléphoner au
toute sécurité (attendre son tour, éviter D’autres sont mal entretenus, des bou- (514) 872-1111.
de bousculer, tenir la rampe, etc.) Les lons dépassent ou des rebords sont
enfants de cinq à neuf ans ont aussi tranchants. » Source : Consommation, volume 14, no 2,
Été 2003.
besoin de la supervision d’un adulte. À Qu’en est-il des parcs de chez nous ?
cet âge, ils sous-estiment les dangers Une enquête terrain a été menée par
et courent des risques inutiles. Ils sont, l’Agence de développement de réseaux
Pour en savoir plus
du reste, le groupe le plus à risque. Cela locaux de services de santé et de ser-
s’explique facilement, commente Anne vices sociaux de la Montérégie et a Association canadienne de normalisa-
Gillian Maufette, conseillère pédago- porté sur 100 aires de jeu. Conclusion ? tion, norme sur les aires et équipements
gique et auteure du livre Revisiter les Seulement deux appareils sur trois de jeu.

Été 2004 Prévention au travail 37


Connaissez-vous les symp-

tômes de la dépression en

milieu de travail ? Et si vous

étiez atteint d’une maladie

mentale, en parleriez-vous

à votre employeur ? Ces deux

questions ont été posées

à 600 adultes, récemment.

Le mental Préoccupants, les résultats.

au travail, aïe
ces lésions : 1,5 million de dollars Concrètement, il s’agit d’« un pro-

Photo : Nick Koudis / Getty Images


Par Monique Legault Faucher
en 1990 et 5,3 millions en 2000, soit gramme visant à détecter les pro-
300 % d’augmentation en dix ans ». Une blèmes de santé mentale et à inciter
Au cours du mois d’avril 2002, un situation inquiétante, qui coûte cher les adultes à consulter afin qu’ils re-
sondage téléphonique sur les percep- à la collectivité et aux entreprises. Au çoivent un traitement approprié ». Inti-
tions des maladies mentales, commandé Canada, outre la souffrance des malades, tulé Ça me travaille, ce programme,
par la Fondation des maladies men- le désarroi — et parfois l’incompréhen- élaboré pour les milieux de travail et
tales, a permis de constater des faits peu sion — des proches, « les estimations du parrainé par l’Ordre des conseillers en
encourageants. Plus des deux tiers des poids financier des troubles de santé ressources humaines et en relations
personnes interviewées ont affirmé que mentale varient entre 13 et 14 milliards industrielles agréés du Québec, com-
« le nombre de dépressions en milieu de de dollars, dont 8 à 10 milliards en porte trois volets susceptibles d’inté-
travail a fortement augmenté au cours absences2 ». « Mais ces chiffres pour- resser les travailleurs et les employeurs.
des dernières années ». Plus de 40 % raient atteindre 20 milliards de dollars
des répondants ont aussi avoué que, par année, dont 4 milliards pour le Rien ne vaut le témoignage
si eux-mêmes souffraient d’une maladie Québec3 ». Pas étonnant, donc, si l’Orga-
de ceux qui ont vécu
mentale, « ils n’oseraient pas en parler nisation mondiale de la santé (OMS)
à leur patron ». Enfin, près du tiers ont prévoit qu’en 2020, la dépression sera l’épreuve de la dépression
reconnu qu’ils ne connaissaient aucun la deuxième cause d’invalidité dans le en milieu de travail
des symptômes liés à la dépression. monde, tout juste après les maladies et qui, évidemment,
Au Québec, selon un communiqué cardiovasculaires.
publié par la Fondation, on constate une sont parvenus à s’en sortir.
hausse notable du « nombre de cas in- « Ça me travaille »
demnisés liés au stress, à l’épuisement La Fondation des maladies mentales a Une conférence midi de soixante
professionnel ou à d’autres facteurs décidé de s’attaquer au problème avec minutes offre des contenus dyna-
d’ordre psychologique »1. Ces cas ont un programme de sensibilisation aux miques et interactifs assortis d’exemples
doublé en dix ans et « on observe une maladies mentales en milieu de travail. concrets. But visé ? « Augmenter les
hausse considérable des débours pour connaissances, démystifier les mala-
2. Ranno, J. P., Santé mentale et stress au dies mentales, plus particulièrement
1. Les statistiques sur l’augmentation des pro- travail, Montréal, Sun Life du Canada, vice- la dépression, faire tomber les tabous,
blèmes de santé et de maladie mentale au présidence opérations vie et groupe invali- favoriser la consultation, augmenter
travail, Fondation des maladies mentales, et dité, 2000.
données de la Direction de la statistique et 3. Chaire de gestion en santé et sécurité du les habiletés pour la reconnaissance
de la gestion de l’information de la CSST. travail de l’Université Laval. des symptômes de dépression pour les

38 Prévention au travail Été 2004


Carte de visite…
personnes et pour leur entourage ». Un positif des résultats obtenus lors de
Organisme sans but lucratif fondé
animateur peut se rendre dans les en- la phase pilote de son programme Ça
treprises à l’heure du dîner ou pendant me travaille ». Tant et si bien qu’elle a en 1980 par le Dr Yves Lamontagne,
les heures de travail et s’adresser à un décidé de l’offrir désormais à tous les la Fondation des maladies mentales a
groupe de travailleurs. employeurs intéressés, histoire d’aug- pour objectif de démystifier les maladies
Le deuxième volet du programme menter le nombre de personnes infor- mentales, de contribuer à leur dépistage
propose un atelier d’une durée de trois mées et sensibilisées. et de financer des programmes de
heures, à l’intention des gestionnaires, En effet, en quelques mois à peine, recherche et des organismes commu-
cette fois. Animé par un formateur spé- plusieurs patrons d’entreprises et bon nautaires. La Fondation a à son actif des
cialisé en maladies mentales et en ges- nombre de travailleurs ont assisté aux réalisations majeures. Entre autres, la
tion, l’atelier aborde, entre autres, « le ateliers de formation et aux conférences construction du Centre de recherche
protocole en regard du départ et du midi de la Fondation. « Ces activités ont Fernand-Seguin, la Campagne Solidaires
retour d’un employé au travail ». Il offre permis de former plus de 1000 diri- pour la vie, qui a déjà sensibilisé plus
également des connaissances et des ou- geants et travailleurs de PME et de de 300 000 jeunes, parents et parte-
tils pour la gestion du personnel atteint. grandes entreprises », note Suzanne naires du Québec aux symptômes de la
Enfin, deux ateliers d’une durée de Dubois, directrice générale de la dépression. MLF
trois heures chacun, animés par un for- Fondation. Quelques noms ? « Hydro-
mateur spécialisé en maladies mentales Québec, O-I Canada Corp., Les Outils
et en techniques de relation d’aide, pro- Gladu, la Société de transport de encore beaucoup à faire pour prévenir
posent une formation aux groupes de Montréal, Urgence-Santé. » les lésions psychologiques qui cons-
pairs aidants reconnus par l’entreprise. « Les commentaires recueillis sont tituent un grave problème de société.
Ces derniers peuvent en effet fournir très positifs, estime M me Dubois. Il Une enquête montréalaise menée
un bon soutien aux personnes de leur paraît évident que le programme a en 2001 par la Direction de la santé

!
entourage, dépister les principaux donné des résultats concrets puisque, publique a montré que plus de 50 %
symptômes de dépression, de troubles à la suite des présentations, des per- des personnes ayant besoin de soins
anxieux et de la personnalité et suggérer sonnes atteintes de maladies mentales en santé mentale ne consultaient pas.
aux collègues en détresse de consulter ont pu être rapidement identifiées et Et pourtant, c’est bien la première
avant de toucher le fond du baril. recevoir l’aide nécessaire. » chose à faire si l’on veut s’en sortir. En
Les efforts, les campagnes, les pro- outre, « lorsqu’ils sont bien informés
Pour tous ! grammes destinés à prévenir les bles- sur les symptômes, les travailleurs et
À l’automne 2003, la Fondation des sures physiques font désormais partie leurs collègues ont la possibilité de
maladies mentales dressait « un bilan du paysage, au Québec. Mais il reste prévenir des troubles mentaux comme
la dépression », estime le Dr Martin
Tremblay, psychiatre au Centre hos-
Illustration : Pierre Faucher

pitalier de l’Université de Montréal,


codirecteur de la Clinique Expertise
NeuroSciences et porte-parole médical
de la Fondation des maladies mentales.

La bouée du soutien !
Rien ne vaut le témoignage de ceux
qui ont vécu l’épreuve et sont parvenus
à s’en sortir. « J’ai souffert de la dé-
pression en milieu de travail, avoue
Carole Montour, employée du milieu
gouvernemental. Ce fut une période dif-
ficile, pleine de doute et de décourage-
ment. » Heureusement, Mme Montour
était bien entourée : « Mes amis, col-
lègues et employeurs m’ont beaucoup
aidée à traverser cette épreuve. Les per-
sonnes les plus précieuses sont celles
qui ont su m’accompagner dans ma
souffrance et ma détresse sans avoir
peur et sans me juger. » PT

Pour en savoir plus


Fondation des maladies mentales,
tél. (514) 529-5354, poste 226. Site Web :
www.fmm-mif.ca

Été 2004 Prévention au travail 39


M E G A B L O K S
On ne joue pas avec la sécurité
Un aménagement à la hâte dans un nouveau bâtiment qui a trois fois la
superficie du précédent, soit l’équivalent de 17 terrains de football. De nombreux
chariots élévateurs. Beaucoup d’espace pour circuler. En additionnant le tout,
on obtient une usine devenue un immense terrain de jeu pour caristes !
Et… un défi de taille pour la santé et la sécurité,
que Mega Bloks a relevé avec succès !
Par Julie Mélançon

Au Canada, Mega Bloks est


la plus grande entreprise de jouets.
Elle fabrique et distribue des jeux de
construction en plastique emboîtables
et des jouets éducatifs pour les enfants
d’âge préscolaire. Elle emploie quelque De gauche à droite :
1000 personnes et dessert plus de Marc Boily, gérant
100 pays à partir de 11 bureaux répar- des ressources
tis dans le monde. La société fabrique humaines, François
65 % de ses produits à Montréal. Les ins- Lizotte, conseiller en
tallations de fabrication comprennent
santé et sécurité du
des machines de moulage par injection
travail et environ-
de plastique aux capacités multiples,
nement, tous deux
Photo : Mega Bloks

qui génèrent une production de sept


milliards de composantes par année, de Mega Bloks et
des dispositifs spécialisés de comp- Christiane Lambert,
tage automatique et des chaînes de inspectrice à la CSST.
montage intégrées conçues pour un
grand nombre de produits. En fait, voies que les chariots élévateurs. Quand supérieure à ce qu’elle était en temps
l’entreprise a connu une croissance les engins venaient approvisionner les normal. Et le système informatisé de
assez phénoménale au cours des der- lignes ou chercher les produits finis, il gestion d’inventaire n’était pas à jour, ce
nières années. En 2001, faute de place, y avait encore des rencontres. » Le di- qui entraînait de longs retards. Les gens
un déménagement s’imposait. recteur de l’entrepôt renchérit de façon se demandaient : “ Te souviens-tu où
Le déménagement s’est échelonné très imagée : « C’était comme des pois- est telle composante ? ” Ils cherchaient
d’avril à décembre, ce qui coïncide sons au milieu d’un banc de requins ! » partout. Pendant qu’un fouillait dans
avec la période de pointe, de juin à M. Lizotte enchaîne : « Ces contacts sont une allée, l’autre passait et l’accrochait,
novembre, car l’industrie du jouet est éliminés aujourd’hui. Un convoyeur a etc. Il y avait beaucoup de déplacements
saisonnière. La période des fêtes de été installé. Les voies sont distinctes inutiles. Aujourd’hui, toutes les tran-
fin d’année est capitale pour la vente pour les piétons et les chariots éléva- sactions sont faites en temps réel. »
de jouets. Le temps presse. Le directeur teurs. Les voies piétonnières sont déli-
de l’entrepôt raconte : « On est entré mitées par des garde-corps métalliques. L’élément déclencheur
dans l’usine alors que l’aménagement S’il y a une fausse manœuvre, le pié- À la suite du déménagement, il y a eu
n’était pas achevé. Il y avait des bull- ton est protégé. Le problème au départ, augmentation des accidents du travail.
dozers, de la rénovation, de la démoli- c’est que l’aménagement s’est fait dans Le risque de collision avec un chariot
tion. » Les travaux nécessaires étaient le contexte d’un calendrier restreint et élévateur était devenu une probabi-
majeurs puisqu’il s’agissait d’un entre- du caractère cyclique de la production. lité un peu trop facilement envisa-
pôt construit dans les années 50. L’entreprise connaissait une croissance geable. M. Lizotte explique : « On parle
La surface de production se trouve très rapide. Il a donc fallu s’adapter en d’accidents du travail, mais il s’agissait
au centre de l’usine encerclée par l’en- cours de route. » surtout d’incidents. Les piétons ne se
trepôt. François Lizotte, conseiller en Comme la production avait aug- sentaient pas en sécurité et les caristes
santé et sécurité du travail et environne- menté, il y a eu également une augmen- ne se sentaient pas à l’aise de circuler
ment, nous explique que les travailleurs tation de palettes manutentionnées. parmi eux. »
côtoyaient constamment les chariots D’après Marc Boily, gérant des res- Un constat s’est imposé, il fallait revoir
élévateurs : « Pour entrer dans l’usine sources humaines, « la quantité de les processus de gestion des opérations
et en sortir, ils étaient dans les mêmes matériel et de palettes était trois fois en parallèle avec un aménagement

40 Prévention au travail Été 2004


rappelle : « Avant l’arrivée du convoyeur,
on avait six à huit chariots élévateurs
qui sortaient du matériel des lignes
d’assemblage. Aujourd’hui, plus un seul
chariot ne circule à proximité des lignes
d’assemblage et un seul est nécessaire
aux quais d’expédition. »
Le contrôle de l’inventaire est éga-
lement venu diminuer le nombre de
chariots élévateurs. Le directeur de l’en-
trepôt explique : « Avant, une partie du
contrôle d’inventaire était fait manuel-
lement. Ça veut dire que s’il y avait un
besoin de blocs rouges sur une ligne
d’assemblage, le superviseur appelait
l’entrepôt. Et les gens de l’entrepôt me-
naient des recherches pour les trouver.
Maintenant, sur chaque palette il y a
un code-barres. Tout est scanné et enre-

Photo : Mega Bloks


gistré en fonction de son emplacement.
Des voies piétonnières et de la Ça va beaucoup plus vite ! Et il y a
signalisation ont été aménagées moins de composantes perdues. Avant,
pour assurer la sécurité de tous. il y avait même des travailleurs à pied
qui cherchaient du matériel ! On est
optimal de l’usine. Christiane Lambert, L’entrepôt où circulent les chariots se désormais capables de voir sur ordina-
inspectrice à la CSST, a travaillé de trouve maintenant d’un côté de l’usine. teur où sont les composantes sur le
concert avec l’entreprise dans le dossier Donc, ils ne vont plus dans la zone de plancher. Tout ce qui entre dans l’usine
du réaménagement. Elle se souvient : production. De l’autre côté de l’usine, et tout ce qui en sort est scanné. On
« Il y avait trop d’incidents. Et beau- toutes les aires de production ont été sait exactement où se trouve le matériel
coup de pertes de temps, de déplace- regroupées : l’ensachage, l’assemblage en temps réel. » Deux objectifs ont
ments inutiles. Or qui dit accident, dit et le moulage. Les opérateurs utilisent été atteints. Un contrôle de l’inventaire
visites de l’inspecteur. Alors ils ont dé- désormais des transpalettes manuels et plus précis. Et les caristes n’ont plus
cidé de foncer dans le réaménagement, vont déposer la marchandise sur un à chercher des composantes, ce qui a
en pleine période de pointe, encore une convoyeur central, une nouvelle acqui- diminué les déplacements et de ce fait,
fois ! Des mesures temporaires ont tout sition. Les produits finis cheminent les risques d’accidents.
de suite été mises en place : la signa- sur ce convoyeur, arrivent à un quai
lisation, l’installation de miroirs et de d’expédition et atterrissent dans une
garde-corps le long des allées de circu- remorque. Le directeur de l’entrepôt se Les opérateurs utilisent désormais
lation, la formation des caristes, des des transpalettes manuels et vont
rencontres avec les superviseurs, etc. » déposer la marchandise sur un
convoyeur central, une nouvelle
Réaménagement acquisition.
La direction, très consciente de l’ur-
gence d’agir, a créé un comité formé
des gérants aux opérations. Le directeur
de l’entrepôt se souvient : « Un premier
plan d’usine a été proposé. Et la direc-
tion a dit non, il n’est pas assez bon. »
Mme Lambert trouvait pourtant qu’il y
avait déjà une nette amélioration. « Je
me disais qu’ils avaient fait un grand
bout de chemin. Mais la direction voulait
que les allées de piétons ne croisent pas
les chariots élévateurs. Ils sont donc
allés plus loin. Finalement, ils ont réussi
leur réaménagement. Dans l’immédiat,
le premier plan était acceptable, mais
Photo : Mega Bloks

eux voyaient plus loin. Ils s’orientaient


vers le long terme. Ils ont acquis un
matériel qui diminuait la manutention
par des chariots élévateurs. »

Été 2004 Prévention au travail 41


Une voie réservée aux chariots de l’ensemble des mesures
élévateurs. De multiples touchant la santé et la sécu-
protecteurs et mesures de rité des travailleurs. Ce n’est
plus une préoccupation,
renforcement contre les
mais une priorité ! L’entre-
impacts ont été installés afin prise n’a pas vu le réamé-
d'éviter que les structures nagement en termes de
métalliques soient affaiblies dépense mais plutôt d’in-
et s'effondrent. vestissement. Les travail-
leurs ont beaucoup apprécié
ce qui a été fait. Le milieu
De nouveaux de travail s’est grandement
chariots amélioré. Il y a un stress en
Tous les chariots élévateurs moins. »
ont été remplacés. Le di- Aujourd’hui, l’entreprise
recteur de l’entrepôt se sou- a un comité d’opération
vient qu’au début, ils étaient qui cherche à améliorer
commandés sans tenir le milieu : hygiène, santé
compte des caractéristiques et sécurité, cafétéria, etc.
spécifiques propres aux opé- Mais le bloc principal, c’est
rations, mais plutôt selon la santé et la sécurité. Le

Photo : Mega Bloks


ce qui était disponible au comité regroupe des ges-
moment même dans les tionnaires et des travailleurs
entreprises de location de de tous les secteurs de la
chariots. M. Boily précise production : l’assemblage, le
qu’une analyse des besoins réels a été plus les mêmes besoins. Donc, on procé- moulage, l’ensachage et l’entrepôt.
faite : « Les chariots où le conducteur est dait à des mises à pied. On ne retrouvait La structure de supervision a égale-
en position assise ne convenaient pas pas ces caristes par la suite. Mais comme ment changé. Chaque superviseur de dé-
nécessairement au type d’aménagement notre besoin de caristes est maintenant partement ou de service est maintenant
qu’on avait. Ceux où les conducteurs moins élevé, on peut maintenir à l’année entouré d’un groupe de coordonnateurs
sont en position debout nous permettent à peu près le même nombre de conduc- permettant ainsi d’être plus près des
d’entrer dans les allées et d’aller chercher teurs sans faire de mises à pied. Nous travailleurs. Ces coordonnateurs sont sur
le matériel dans les étagères avec un sommes ainsi en mesure de développer le plancher avec les travailleurs. Cette
risque moindre de heurter et d’endom- leurs compétences. » Chaque candidat sensibilisation sur le terrain est d’autant
mager les structures métalliques. On qui veut travailler comme cariste chez plus nécessaire que les travailleurs ap-
a aussi tenu compte de l’ergonomie, Mega Bloks doit passer un test théo- partiennent à diverses nationalités. Ce
des maux de dos. Tout a été pensé pour rique, même s’il possède une carte de qui fait que la communication n’est pas
la sécurité : avertisseurs sonores, té- compétence. S’il réussit, il doit passer un toujours facile. Mme Lambert enchaîne :
moins lumineux, meilleure visibilité. test pratique sur le plancher qui dure « Il y a beaucoup de supervision pour
Par ailleurs, les chariots élévateurs sont environ une heure. S’il est embauché, il aider les gens à se prendre en main. C’est
électriques, ce qui exige une zone de re- a une formation plus poussée et il est la première fois que je vois dans une
chargement de batteries, dont le poids parrainé. usine un changement aussi radical sur
est appréciable. Et susceptible de causer la conduite de chariots et la prise en
des maux de dos aux travailleurs appe- L’entreprise n’a pas vu charge. Il a fallu transformer complè-
lés à les soulever manuellement. » Le tement la mentalité de l’usine. Ce que
système a donc été modifié pour qu’il le réaménagement j’ai apprécié, c’est que j’ai senti tout
n’y ait plus de manipulation de batterie. en termes de dépense de suite que la direction et le président
Tout est fait mécaniquement, désormais. mais plutôt d’investissement. embarquaient. La sécurité va de pair
avec la production et on ne fait pas de
Formation des caristes parallèle. D’ailleurs, le comité d’opéra-
Une formation générale a d’abord été Bilan tion est un comité de santé et de sécu-
donnée en 2001. Puis, chaque cariste Le problème des chariots élévateurs a rité doublé d’un comité de production.
a été formé, d’abord en salle de cours, été réglé, mais en réalité, il s’agit de Ça va ensemble. Et c’est pourquoi ça
ensuite sur le terrain, accompagné d’un beaucoup plus que ça. Pour François fonctionne ! »
formateur professionnel. Et l’entre- Lizotte, ancien travailleur devenu pré- Pour Marc Boily, le bilan est positif :
prise tente de garder le plus possible ventionniste sur le plancher, « ce qui « La prise en charge et la prévention
ce personnel, dans lequel elle a investi. compte, c’est que l’entreprise a vraiment aident dans tous les sens. C’est plus pro-
M. Boily raconte : « Avant, en période une vision globale. Et cette volonté de ductif. Le nombre d’accidents a dimi-
de pointe, on avait une grande fluc- changement vient directement de la nué. Le sentiment d’appartenance s’est
tuation à la hausse de conducteurs de direction. Il ne s’agit pas seulement des développé. Et l’efficacité s’est accrue. »
chariots. En fin de saison, on n’avait chariots élévateurs et des piétons, mais Un méga succès. PT

42 Prévention au travail Été 2004


Lu pour vous

Jour après jour, mois points. Laissez le client agressif tous les travailleurs impliqués.
après mois, le souci de la vider son sac avant de parler. […] Le mandat d’arrêt d’agir et
Ne l’interrompez pas. […] À sa procédure sont disponibles
prévention des accidents votre tour de parler, baissez le au Centre hospitalier Pierre-
du travail et des maladies ton. Commencez toujours par Janet. Tout établissement du
professionnelles se dire que vous êtes désolé même secteur aux prises avec les
répand au Québec. Dans si le client exagère. […] Dans le mêmes problèmes que nous
cette chronique destinée cas de l’insatisfaction de vos avons traversés (recrudescence
services, commencez toujours des agressions, plusieurs inter-
à diffuser l’information, par chercher à comprendre venants durement blessés) et
Prévention au travail avant de vous faire comprendre. intéressé à en prendre connais-
vous propose de courts Lino en diable… […] Réglez une chose à la fois. sance peut s’adresser à notre
extraits d’articles et de « Déposer des rouleaux de Ne sautez pas aux conclusions. service de santé et de sécurité
reportages, aussi variés linoléum sur un diable, les y Envisagez une concession de du travail. »
maintenir en équilibre, les votre part afin d’en gagner
que possible, publiés par une plus importante du côté
Objectif Prévention, revue
transporter d’un lieu à un autre, d’information de l’Association
ses partenaires dans les prendre du diable pour les du client. Mettez l’accent sur paritaire pour la santé et la
des revues, magazines déposer sur le plancher et fina- le problème et non sur la per- sécurité du travail du secteur
ou bulletins de liaison. lement, tirer sur le linoléum sonne. Partez du principe que Affaires sociales, vol. 27, no 1,
pour le mesurer et le poser, ce conflit va se reproduire tant 2004, p. 6.
telles sont les opérations que que vous ne trouverez pas une
Bobo au dos, doc doivent exécuter quotidienne- solution. »
« Depuis mars 2000, les méde- ment, année après année, les Auto Prévention, magazine
cins disposent d’outils d’éduca- poseurs de revêtements souples en santé et sécurité du travail
tion à transmettre aux personnes non équipés d’un “ dévidoir à dans le secteur des services
atteintes de lombalgie. Ainsi, linoléum ”. […] Quand ils ont automobiles, vol. 18, no 1,
une brochure, “ Tournez le dos de grandes surfaces à couvrir, mars 2004, p. 6.
à la lombalgie ”, et une vidéo- les poseurs doivent manipuler
cassette ont été produites par la de 20 à 25 rouleaux par jour.
Fédération des médecins omni- Savez-vous combien pèse un
praticiens du Québec pour rouleau de linoléum ? Au bas
l’usage exclusif des médecins mot : plus de 210 kilos. Lourd
traitants, afin que ces derniers fardeau pour les épaules et Vive la règle !
en distribuent des exemplaires efforts outranciers pour le dos ! « Les coupures aux doigts et
et prêtent la cassette à leurs pa- […] Chez Intrasol Savard inc., aux mains sont fréquentes en
tients. Ces documents expliquent les contraintes liées à la manu- imprimerie. Plusieurs de ces
les choses à faire et à proscrire tention ont considérablement blessures sont associées à la
lors d’une atteinte au dos, en diminué grâce au dévidoir à manipulation d’objets coupants
insistant sur la reprise des acti- linoléum. […] Fabriqué de fer (couteaux, exactos). […] Chez
vités et sur le fait que la dou- de la tête au pied, […] il se Non-agir Winpak Heat Seal inc., on a
leur disparaît d’elle-même après compose essentiellement de « Le non-agir est un concept décidé d’intervenir sur le pro-
quelques jours. On y propose deux parties : un chariot auquel créé et adopté par le Centre hos- cessus de coupe d’un adhésif.
également des exercices de ren- est arrimé un diable doté à pitalier Pierre-Janet qui désigne […] Les travailleurs en préim-
forcement et d’assouplissement sa base d’une plate-forme sur une intervention strictement pression ont comme tâche
à effectuer. Les médecins sont laquelle on dépose un rouleau psychologique pour gérer une de couper l’adhésif qui fixe
fortement invités à adopter de linoléum que l’on retient au situation de crise d’agressivité. la plaque sur le cylindre. […]
cette nouvelle approche et à diable par une courroie. » Le non-agir peut ou non com- Ayant déjà été blessé en
remplir un formulaire de prise Prévenir aussi, publié par porter la délégation de l’arrêt effectuant une coupe, André
en charge d’un patient présen- l’Association paritaire pour la d’agir à une autre instance, Boudreau, chef d’équipe, cher-
tant une lombalgie, acte pour santé et la sécurité du travail exemple la police. […] La procé- chait une solution à ce pro-
lequel ils reçoivent une compen- du secteur de la construction, dure du non-agir s’inscrit d’em- blème. C’est en magasinant
sation financière. Alors, si un vol. 18, no 4, hiver 2003-2004, blée dans une perspective de dans une quincaillerie qu’il a
de vos travailleurs revient d’une p. 4. santé et de sécurité au travail. déniché une règle de métal
consultation pour une lésion au En tout temps, on doit s’assurer large avec une poignée sur le
dos avec une brochure et une d’une intervention réfléchie, dessus. […] La poignée de la
attitude positive, dites-vous qu’il Gants blancs respectant les principes de sécu- règle surélève la main du tra-
est en de bonnes mains. » « En station-service, rencontrer rité. La règle d’art est évidem- vailleur lors de la coupe. »
Convergence, revue de gestion un client agressif n’est pas rare ment d’éviter les coups et les Graphiprévention, bulletin
de la santé-sécurité du Centre surtout si plusieurs facteurs blessures, de diminuer les de l’Association paritaire de
patronal de santé et sécurité s’ajoutent à sa mauvaise risques, d’éliminer le danger à santé et de sécurité secteur
du travail du Québec, vol. 20, humeur : température, coût la source et de faire appel à des imprimerie et activités
no 1, février 2004, p. 12. de l’essence, circulation. Un forces externes, si nécessaire. connexes, vol. 20, no 2, avril
principe toutefois reste vrai : C’est aussi de s’occuper des 2004, p. 11.
pour prévenir les agressions, il autres clients qui vivent la
faut éviter l’affrontement. […] tension et d’assurer l’intégrité
L’attitude diplomatique en cinq physique et psychologique de

Été 2004 Prévention au travail 43


En raccourci

La santé et la sécurité dans les hôpitaux


Cadenasser… et vivre Le 17 mars 2004, le Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) a
La question qui justifie la rédaction du tenu un colloque sur la maîtrise d’œuvre dans les chantiers de construction
livre est posée d’entrée de jeu. « Com- des centres hospitaliers. De 2001 à 2004, le CHUM a géré des travaux de
ment assurer la fiabilité de l’information rénovation et de construction de plus de 70 M$. Il a ainsi développé une
visant à sécuriser les travaux sur les équi- solide expérience dans la gestion et l’application des normes de construction,
pements industriels ? » Le problème est incluant la santé et la sécurité du travail. Le colloque était l’occasion de faire
réel. Ceux qui ont le savoir et l’expérience valoir l’apport d’ingénieurs, de conseillers techniques, d’architectes et de
partent à la retraite, les machines que techniciens du CHUM, mais aussi de représentants de la CSST. Le CHUM a en
l’on connaît bien sont remplacées par effet compris la nécessité et la valeur ajoutée d’établir un partenariat avec
de nouvelles dont on sait peu de choses. la CSST. Le colloque a ainsi permis de faire connaître un aspect du travail des
Avec, pour résultat, que l’information inspecteurs qui est parfois méconnu : le soutien en milieu de travail. Au pro-
essentielle se perd dans le décor. gramme, la protection à la fois des travailleurs, des employés et des patients,
le concept de diligence raisonnable, les enjeux et les défis de la maîtrise
d’œuvre et enfin, la gestion efficiente des problématiques liées à l’amiante.
Jacques Lamonde, président du conseil d’administration et chef de la direction
de la CSST, qui a prononcé une allocution d’ouverture, a tenu à souligner que
« la CSST a prouvé, de façon particulièrement réussie dans le cas du CHUM,
qu’elle peut accompagner une démarche de prise en charge par le milieu de
travail. Ce partenariat a permis d’éliminer les risques et ainsi, de protéger les
personnes et réduire les coûts inhérents à la santé et la sécurité. » On vous
reparlera de ce colloque sous peu. JM

Une fondation qui a de l’oreille


Vous ne la voyez pas, mais elle existe et vous la côtoyez quotidiennement.
La surdité figure parmi les déficiences physiques les plus répandues
au Québec. Chez nous, plus de 700 000 personnes de tous âges éprouvent
des difficultés d’audition. Or ce handicap, congénital ou accidentel,
entraîne une détresse et des souffrances trop souvent méconnues. On ne
Des accidents graves mettant en cause
peut parler de surdité sans évoquer le principal agresseur connu, le
le cadenassage surviennent trop souvent,
bruit, très présent en milieu de travail. « On estime que 20 % des cas
hélas ! Un spécialiste de la question a
de surdité chez l’adulte seraient attribuables au bruit en milieu de travail
eu la bonne idée d’écrire un livre sur le
et pourraient survenir à la suite d’une exposition plus ou moins pro-
sujet. Alain Daoust, diplômé en relations
longée »1, rappelle la Fondation de la surdité de Montréal.
industrielles, est membre de l’Ordre des
Cet organisme sans but lucratif, affilié à l’Institut Raymond-Dewar
conseillers en relations industrielles et res-
(IRD), centre de réadaptation spécialisé en surdité et en communica-
sources humaines du Québec. Il détient
tion, a pour mission de collecter des fonds pour assurer le mieux-être
également la certification canadienne
des sourds, malentendants, sourds-aveugles et des personnes affligées de
Professionnel de sécurité agréé du Canada.
troubles fonctionnels de communication. Son objectif premier ? Répondre
Le cadenassage, on peut dire qu’il connaît.
aux besoins des usagers de l’IRD en leur permettant l’accès à certains
Aussi, son livre Le cadenassage, une ques-
avantages, services et activités inaccessibles par le réseau d’établissements.
tion de survie, publié par le Groupe de
Les fonds recueillis chaque année permettent d’aider des centaines de
communication Sansectra inc. et Impact,
personnes sourdes ou malentendantes à jouir d’une meilleure qualité
division des éditions Héritage inc., offre
de vie en se chargeant des frais d’activités de loisir et surtout de forma-
la possibilité de mettre en place, dans les
tion tout en contribuant financièrement à des projets de recherche. Deux
secteurs d’activité concernés, une sorte de
d’entre eux sont déjà concrétisés : une vidéo pour enfants présentant
carte routière destinée à sécuriser les tra-
un conte en langue québécoise des signes ; l’aménagement du Centre de
vaux quotidiens et spéciaux en lien avec
la petite enfance Lafontaine afin d’y accueillir 15 enfants sourds. Projets
le cadenassage. Des antécédents médicaux,
à venir : programme de téléenseignement linguistique, mise en place
des tableaux, des photos et des encadrés
d’un réseau de téléréadaptation en déficience auditive avec les éta-
permettent au lecteur d’acquérir des
blissements régionaux. Pour en savoir plus : Fondation de la surdité
connaissances ou d’enrichir celles qu’il a
de Montréal, 3600, rue Berri, Montréal (Québec) H2L 4G9. Tél. (514)
déjà. L’auteur souhaite susciter « le désir
284-2214, poste 3440. Téléc. (514) 284-9587. Courriel : fondationsurdite
de s’engager, de trouver des solutions
montreal@raymond-dewar.gouv.qc.ca. Sur le bruit, ses méfaits et des
et de participer activement à la création
conseils de prévention : www.hc-sc.gc.ca/francais/vsv/environnement/
de lieux de travail qui réaffirment l’im-
bruit_loisirs.html. MLF
portance de préserver l’intégrité des per-
sonnes qui font les entreprises ». MLF 1. Plan d’action en santé du Québec.

44 Prévention au travail Été 2004


Un manuel incontournable !
Dans le numéro Printemps 2003, on vous avait annoncé que l’Asso-
ciation québécoise pour l’hygiène, la santé et la sécurité du travail
(AQHSST) s’était donné tout un défi : éditer un manuel sur l’hygiène
du travail. Le comité éditorial mis sur pied pour voir à la production
d’une version totalement nouvelle de l’édition de 1985 intitulée Hygiène

Photo : Maurice Vézinet


du travail, apte à répondre aux nouveaux besoins des lecteurs, ap-
prentis du métier ou professionnels aguerris, n’a pas chômé. Il s’était
fixé comme objectif mai 2004. Le défi a été relevé avec brio et le
nouveau-né a été baptisé au cours du congrès annuel de l’AQHSST. Il
a fallu des milliers d’heures de travail à une impressionnante brochette
de 69 spécialistes, tant de la CSST, de l’IRSST et
de l’AQHSST que de la Direction de la santé
publique de Québec, d’Hydro-Québec et de divers
milieux de la santé, du travail et des universités,
En ballon… pour rédiger le Manuel d’hygiène du travail : du
diagnostic à la maîtrise des facteurs de risque.
Imaginez le scénario du pire. Vous êtes dans un immeuble en
flammes. La sortie par les escaliers de secours vous est totalement
coupée. Restent les fenêtres. Oui, mais vous êtes au… disons
21e étage. Au secours, les pompiers ! Vous voilà contraint à un tour
sur la grande échelle, rapido. À moins que…
Un astucieux inventeur belge, Lodewijk Vanluffelen, a déposé
un brevet qui pourrait vous permettre de vous passer de la grande
échelle et de faire un petit tour en ballon. « Un ballon dont l’un
des côtés serait aplati, afin qu’il puisse s’approcher tout contre la
façade de l’immeuble. Il serait guidé par des câbles à partir du sol,
et pourrait ainsi atteindre une fenêtre, ou le toit, où seraient réfu-
giés les rescapés ». Leurs poids suffiraient à faire tout gentiment
redescendre le ballon vers le sol. Une barbe à papa avec ça ? MLF
Source : Agence Science-Presse, Hebdo science & technologie, no 1214.

L’information, qui s’adresse au monde de


la francophonie, est en relation étroite avec les
préoccupations actuelles de l’hygiène du travail.
Le titre est on ne peut plus évocateur du contenu.
Non seulement le manuel indique à l’utilisateur
des façons de faire pour formuler un diagnostic,
mais il le guide dans sa démarche pour parvenir
à la plus grande maîtrise possible des facteurs
de risque. Le document, qui compte environ
1 100 pages, constitue une référence incontour-
nable, une manière de bible pour tous les hygié-
nistes, les techniciens en hygiène du travail, les
collèges et les universités qui les forment. Brigitte
Roberge, présidente de l’AQHSST et coordonna-
trice du comité éditorial, tient à souligner « la
contribution majeure des spécialistes qui ont
travaillé à la rédaction du document, dûment
Illustration : Jean-Paul Eid

révisé par leurs pairs, histoire d’en assurer la


qualité, sur le plan du contenu scientifique ».
Pour reconnaître ce formidable travail d’équipe,
l’AQHSST a attribué le prix Méritas au comité
éditorial. Une récompense bien méritée ! MLF

Été 2004 Prévention au travail 45


Pe r s p e c t i ve s
Connaissez-vous
C’est tout simple !
Emmert Clevenstine est chef du Centre international
d’informations de sécurité et de santé au travail (CIS)
du Bureau international du travail (BIT), une unité du
programme « Travail sécuritaire ». Il coordonne également,
avec ses homologues de l’Organisation mondiale de la santé
(OMS), le projet des « International Chemical Safety Cards »
(Fiches internationales de sécurité chimique), familièrement
appelées les CARD. Prévention au travail l’a interviewé au
cours d’un entretien téléphonique.

« Il existe actuellement lois nationales et internationales. Les une liste de phrases standard et une
plus de 1 300 CARD, précise « préventeurs » apprécient avoir à leur description des conditions d’utilisation
M. Clevenstine. Tous les mois, disposition des renseignements qu’ils de chaque phrase. Par exemple, s’il y
sur le site Web du Bureau peuvent consulter aisément en milieu a un point d’éclair de telle ou telle
international du travail, de travail. Les CARD présentent donc valeur, il faut ajouter sur la fiche le mot
les points essentiels au recto, et les « inflammable ». Si le point d’éclair est
plus de 10 000 visiteurs les
autres renseignements détaillés, tels plus élevé, il faut écrire « combustible »,
regardent ou les téléchargent. »
que les propriétés physiques et toxico- etc. Cette méthode a deux avantages :
logiques, figurent au verso. d’abord, l’utilisation d’une collection de
phrases standard donne une cohérence
[Prévention au travail ] [PT] Qui prépare les CARD ? terminologique à toutes les CARD ; on
Donnez-nous une brève descrip- en compte actuellement plus de mille
tion des CARD. [EC] Elles sont rédigées par une trois cents. En outre, la traduction en
quinzaine d’institutions participantes. vue d’une diffusion dans plus d’une
[Emmert Clevenstine] Ce sont Ces dernières choisissent un certain trentaine de langues dont le français,
des fiches préparées à l’intention des nombre de composés, à partir d’une le néerlandais, l’espagnol, le japonais,
milieux de travail. Elles consistent à liste préparée par le secrétariat central et le swahili s’en trouve facilitée.
expliquer, en une seule page, les dan- du projet, pour rechercher toutes les
gers des produits chimiques. Elles sont informations nécessaires à la prépara- [PT] Où pouvons-nous trouver
destinées aux responsables de la santé tion d’une CARD. La première version les CARD ?
et de la sécurité dans les entreprises est normalement préparée par deux
et les syndicats. Leur point fort, par institutions, une institution responsable [EC] Dans le site Internet du CIS.
rapport aux fiches toxicologiques, et une institution-sœur. La responsable En voici l’adresse : http://www.ilo.org/
c’est la concentration de l’information rédige un brouillon et le transfère à public/english/protection/safework/
sur une seule feuille de papier plutôt l’institution-sœur, pour faire confirmer cis/products/icsc/index.htm . Dans ce
que la dizaine de pages des fiches les données et les interprétations avant site, les CARD sont en anglais. Pour
toxicologiques existantes. Les CARD de l’expédier au secrétariat qui l’insère l’instant, nous dirigeons l’utilisateur
décrivent les dangers inhérents à l’uti- à l’ordre du jour d’une réunion de révi- francophone vers le site du NIOSH
lisation d’un composé chimique pur, sion par les pairs. La rédaction d’une (National Institute for Occupational
les méthodes de prévention, les actions CARD doit respecter les instructions Safety and Health, États-Unis) à
à prendre en cas d’incendie, la meil- d’un guide du compilateur rédigé dès l’adresse suivante : http://www.cdc.gov/
leure façon d’entreposer les produits et le début du projet, et constamment niosh/ipcs/french.html. On y trouve aussi
un certain nombre de directives ou de révisé et amélioré. Ce guide consigne des versions dans d’autres langues.

46 Prévention au travail Été 2004


les CARD ?
L’Institut de santé publique, à Bruxelles,
est responsable de la traduction fran-
çaise. Historiquement, NIOSH a fourni
les premiers programmes de création,
de gestion, d’informatisation et de
traduction des CARD et il continue à
créer des versions Web pour plusieurs
institutions.

[PT] Comment se fait la révision


par les pairs, gage de qualité ?

[EC] La révision se fait lors des


deux réunions régulières au cours Photo d’archives, prise au cours d’une réunion du groupe de travail
desquelles le rédacteur d’une CARD
dans une des grandes capitales européennes. Les spécialistes repré-
est confronté au groupe de travail,
comprenant l’institution-sœur, et il doit sentent divers pays, entre autres, la France, le Canada, l’Angleterre,
défendre ses conclusions. Nous avons, la Hollande, la Finlande et l’Espagne.
en plus des institutions rédactrices des
CARD, des spécialistes, entre autres, CARD à la Fédération internationale commercialisation grand public et
du National Chemical Emergency Cen- des travailleurs de la chimie et de l’harmonisation de la classification
ter de Grande-Bretagne ou de la FAO l’énergie. Nous recevons leurs com- pour tous les marchés.
(Organisation des Nations-Unies pour mentaires et les invitons à nous four-
l’alimentation et l’agriculture), qui ne nir des renseignements sur les CARD. [PT] Les CARD sont-elles là
rédigent pas de CARD, mais qui appor- Ils contrôlent aussi celles qui sont pour de bon ?
tent leur compétence au processus. publiées sur nos sites Web.
[EC] Nous l’espérons ! Même si
[PT] Les décisions sont-elles [PT] Comment un lecteur ou nous n’avons pas de bons indica-
prises par consensus ? une lectrice de Prévention au teurs sur l’ampleur de leur utilisa-
travail peut-il ajouter un produit tion, nous croyons qu’elles sont utiles.
[EC] Oui ! à la liste ? Sur le site Web du BIT, nous avons
plus de 10 000 visiteurs par mois ;
[PT] Est-ce facile d’atteindre [EC] Les propositions viennent ils regardent ou téléchargent de
ce consensus ? généralement des institutions partici- 80 000 à 120 000 CARD. Les adresses
pantes et du secrétariat. La CSST par- Internet des visiteurs sont très variées :
[EC] N o r m a l e m e n t o u i ! M a i s ticipe à ce projet depuis ses origines. À universités, particuliers, commerces de
chaque réunion se termine avec deux l’Institut de recherche Robert-Sauvé en différents pays dont ceux en voie de
ou trois CARD qui contiennent un santé et en sécurité du travail (IRSST), développement.
problème non résolu. Ce ne sont pas nous avons un représentant en la per-
toujours des divergences d’avis entre sonne de Marc Baril qui recevra volon- [PT] En guise de conclusion ?
les rédacteurs et leurs pairs, mais tiers tout commentaire ou suggestion.
les participants doivent s’adapter à de [EC] Les CARD sont complémen-
nouvelles données, à des changements [PT] Y-a-t-il de nouvelles ten- taires aux fiches signalétiques. Leur
de réglementations, etc. dances qui pointent à l’horizon ? simplicité représente un avantage pour
la communication rapide des risques.
[PT] Les industries privées [EC] L’environnement devient de Cependant, il faut se rappeler qu’elles
peuvent-elles fournir des données plus en plus important, surtout à la ne sont qu’une partie de tout un réseau
et participer aux réunions à titre suite de l’adoption du Système géné- d’information dont les Environmental
d’observatrices ? ral harmonisé de classification et Health Criteria, les Concise Interna-
d’étiquetage des produits chimiques tional Chemical Assessment Document,
[EC] Après la révision par les pairs, par l’ONU et l’OCDE (Organisation (CICAD) auxquels Marc Baril de l’IRSST
les CARD sont envoyées à la Fédération de coopération et de développement participe également. La simplicité rela-
des organisations nationales des in- économiques). C’est une extension du tive demeure donc le principal atout
dustries chimiques. Dans l’esprit du système de l’ONU pour le transport des CARD. PT
principe de tripartisme du BIT, nous en- des matériaux dangereux qui couvre
voyons aussi systématiquement les aussi l’utilisation, la distribution, la Guy Perrault

Été 2004 Prévention au travail 47

Vous aimerez peut-être aussi