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Chapitre 1

Eléments de théorie des poutres planes

La théorie des poutres s’applique sur des solides élancés (typiquement les prismes dont la longueur
vaut 10 fois la plus grande dimension latérale). Là où la détermination de la solution exacte pour les
champs de contrainte et de déformation n’est pas possible, elle permet d’obtenir une solution approchée,
qui donne une bonne idée des efforts et des déplacements. On présente ici la théorie de Timoshenko, et
on étudie ensuite le cas d’une section non homogène. Les hypothèses principales sont les suivantes :
- l’axe de la poutre, x1 , est droit ;
- la poutre se déforme dans le plan x1 − x3 , qui est plan principal d’inertie ;
- la poutre transmet des efforts normaux en direction x1 , des cisaillements en direction x3 et des moments
autour de l’axe x2 .

1.1 Poutre de Timoshenko


La construction d’une théorie de poutre consiste à reprendre, pour un milieu curviligne, le
cheminement suivi pour le milieu continu. Les étapes successives du traitement sont donc la définition
d’une cinématique, l’application des équations d’équilibre, l’introduction de lois de comportement. On
en déduit des relations globales entre force, couples, flèches et angles de rotation des sections.

1.1.1 Cinématique
L’hypothèse de base porte sur une schématisation du champ de déplacement à l’intérieur du solide
(hypothèse “cinématique") : le solide est assimilé à un milieu curviligne, le champ de déplacement
du milieu continu étant ensuite évalué à partir de la solution trouvée en supposant qu’une section
droite initialement plane et perpendiculaire à la “ligne moyenne” ainsi définie reste plane. En un
point quelconque du milieu curviligne, il est donc possible de résumer la solution du problème par la
connaissance de trois composantes de déplacement (selon x1 , x2 , x3 ), et de trois rotations (de type
flexion autour de x2 et x3 , et de type torsion autour de x1 . Pour le cas d’une poutre plane chargée dans
son plan, il ne subsiste que trois inconnues, deux translations de la ligne moyenne (respectivement U (s)
et V (s) selon x1 et x3 à l’abscisse s), et une rotation (angle θ(s), caractérisant la flexion autour de
x2 ). Le champ de déplacement pour un point M (x1 , x2 , x3 ) quelconque s’exprime en fonction de ces
inconnues :

u1 = U (s) + θx3 (1.1)


u3 = V (s) (1.2)

Ces
R relations sont indépendantes du comportement du matériau. La ligne moyenne est définie par
S x3 dS = 0. Si la section est symétrique par rapport au plan x1 − −x2 , ce sera l’axe x1 . On fait dans

1
2 CHAPITRE 1. ELÉMENTS DE THÉORIE DES POUTRES PLANES
x3 θ

(U,V)
x1

a.
n2
x3 n3 

Γ
S

x2

b.

Figure 1: Déplacements et efforts sur une poutre plane, (a) plan de la ligne neutre, (b)
section

F IG . 1.1 – Déplacements et efforts sur une poutre plane, (a) plan de la ligne neutre, (b) section

la suite une hypothèse de petites perturbations, ce qui permet d’utiliser simplement x1 pour mesurer
l’abscisse curviligne s sur la poutre.
Dans le cas d’une poutre droite, l’abscisse curviligne s se mesure directement sur l’axe x1 . Les
équations d’équilibre et les équations de comportement doivent alors être exprimées en termes de U , V ,
θ, et de N , T , M , qui désignent respectivement les forces normales et tangentielles à la section droite, et
le moment de flexion autour de x2 .

1.1.2 Equilibre
On n’écrit qu’une forme faible de l’équilibre, en considérant uniquement la résultante sur la section
S. En l’absence de forces de volume, les équations d’équilibre s’écrivent : σij,j = 0, ce qui donne :
1. selon la première composante :
Z Z
σ11,1 dS + (σ12,2 + σ13,3 ) dS = 0
S S

(a) la première intégrale est la dérivée par rapport à x1 de l’effort normal N ;


(b) en transformant la seconde intégrale sur le contour extérieur Γ de la section, il apparaît qu’elle
est nulle, si le cisaillement sur la surface extérieure est nul, car, en notant par n2 et n3 les
composantes du vecteur normal à Γ, il vient (théorème de la divergence) :
Z Z
(σ12,2 + σ13,3 )dS = (σ12 n2 + σ13 n3 ) dS = 0
S Γ

(c) il en résulte que N,1 = 0.


2. l’écriture selon la troisième composante conduit de la même manière à : T,1 + p = 0, où p est la
charge linéique répartie sur la poutre, selon la direction 3,
1.1. POUTRE DE TIMOSHENKO 3

3. il ne reste plus qu’à considérer la flexion, soit :


Z Z
x3 σ11,1 dS + x3 (σ12,2 + σ13,3 ) dS = 0
S S

(a) la première intégrale désigne la dérivée du moment de flexion, M,1 ,


(b) en l’absence de moments linéiques, la seconde intégrale est égale à −T .
Les relations statiques (indépendantes du comportement du matériau) sont donc les suivantes :

N,1 = 0 T,1 + p = 0 M,1 − T = 0 (1.3)

1.1.3 Lois de comportement


On particularise maintenant la théorie au cas d’un comportement élastique isotrope. En utilisant les
relations donnant ε11 et ε13 en fonction des contraintes, du module de Young E et du coefficient de
Poisson ν, (soit Eε11 = σ11 − ν(σ22 + σ33 ), et 2µε13 = σ13 ), il vient en moyenne :

1. pour la déformation selon l’axe 1 :


Z Z Z Z
ε11 dS = u1,1 dS = U,1 dS + (θx3 ),1 dS = U,1 S
S S S S

si bien que :
Z Z
N= σ11 dS = U,1 ES + ν (σ22 + σ33 )dS
S S
car :
Eε11 = σ11 − ν(σ22 + σ33 )

2. de même :
Z Z Z Z
x3 ε11 dS = x3 U,1 dS + x3 (θx3 ),1 dS = θ,1 x23 dS = θ,1 I
S S S S

x23 dS, rigidité à la flexion ; si bien que :


R
avec I = S
Z Z
M= x3 σ11 dS = EIθ,1 + ν x3 (σ22 + σ33 )dS
S S

3. enfin :
Z Z Z Z Z
2 ε13 dS = (u1,3 + u3,1 )dS = U,3 dS + (θx3 ),3 dS + V,1 dS = (θ + V,1 )S
S S S S S

si bien que :
Z
T = 2µ ε13 dS = µS(θ + V,1 )
S

Si les contraintes σ22 et σ33 sont négligées devant σ11 , ces relations deviennent :

N = ESU,1 T = µS(θ + V,1 ) M = EIθ,1 (1.4)


4 CHAPITRE 1. ELÉMENTS DE THÉORIE DES POUTRES PLANES

1.1.4 Déformée
Le déplacement horizontal s’obtient en intégrant la relation :

U,1 = N/ES

La rotation relative entre les sections s’obtient en intégrant la relation :

θ,1 = M/EI

La flèche est le résultat de la somme de deux termes, l’un provenant de la rotation elle même, et l’autre
de l’effort tranchant T :
V,1 = −θ + T /µS
Dans le cas d’efforts ponctuels, l’effort tranchant T sera constant par morceaux. Le terme de
cisaillement, produira donc, ce qui est assez intuitif, une évolution linéaire de la flèche. Le terme
de flexion pure lié au moment M sera quant à lui en puissance 3 de l’abscisse x1 . En l’absence de
cisaillement, on a en effet :
M M, 1 T
V,11 = −θ, 1 = − V,111 = − =
EI EI EI
La flèche est obtenue comme solution d’un problème d’ordre 4 par rapport aux efforts appliqués :
p
V,1111 = −
EI

1.1.5 Expression des contraintes locales


La connaissance de U , V et θ permet de remonter aux champs de déformation et de contrainte locaux.
En continuant à négliger σ22 et σ33 , on trouve σ11 (' Eε11 = Eu1,1 ) comme une somme de deux termes,
dus à l’élongation et à la flexion :
σ11 ∼
= N/S + M x3 /I

1.1.6 Commentaires
1. Dans la théorie qui a été développée, une section plane reste plane, mais pas perpendiculaire à
l’axe neutre. Si les cisaillements sont faibles (effet du moment dominant), il est raisonnable de rajouter
cette dernière hypothèse. On retrouve alors la théorie dite classiquement de Navier-Bernoulli. Dans ce
cas, il faut assurer ε13 = 0, ce qui entraîne la condition suivante sur l’hypothèse cinématique :

2ε13 = V,1 + θ = 0

La conséquence immédiate est que T est nul.


2. La méthode présentée ici n’est qu’approchée, surtout dans le cas où le cisaillement est important.
Ainsi, il est facile de vérifier par exemple que le résultat en contrainte σ13 ne vérifie pas les conditions
aux limites, puisque, σ13 étant uniforme, le cisaillement calculé n’est pas nul en surface. Par ailleurs,
les équations d’équilibre non utilisées ne sont pas vérifiées. L’approximation se justifie néanmoins en
raison des ordres de grandeur respectifs de chacune des composantes de contrainte mises en jeu. Il est
relativement simple d’apporter une première amélioration en considérant que la section S peut devenir
gauche. Cela conduit à postuler un champ de déplacement tridimensionnel de la forme, où ηi désigne le
“gauchissement longitudinal" :
1.1. POUTRE DE TIMOSHENKO 5

u1 (X) = u(s) + θ(s)x3 + η1 (x1 , x2 , x3 )


u2 (X) = η2 (x1 , x2 , x3 )
u3 (X) = v(s) + η3 (x1 , x2 , x3 )
La seule modification à apporter aux équations consiste à introduire un coefficient k, dit “de section
réduite" dans l’expression du cisaillement, qui devient :

T = µ(S/k)(θ + V,1 )

Ce coefficient vaut 6/5 pour le cas d’une poutre de section rectangulaire.


3. On peut construire la théorie précédente en utilisant le principe des puissances virtuelles. Celui-
ci indique que, pour tout champ de contrainte en équilibre avec les efforts extérieurs, la somme de la
puissance des efforts internes et de la puissance des efforts externes est nulle pour tout champ virtuel.
En choisissant comme «champ test» un champ de déplacement défini par la cinématique postulée au
premier paragraphe (donc par les données des trois champs scalaires U 0 , V 0 , θ0 , dépendant uniquement de
l’abscisse x1 , on obtient la forme suivante des deux composantes pertinentes du tenseur de déformation :

ε011 = U,10 + θ,1


0
x3 ε013 = V,10 + θ0

Ce qui conduite à la forme suivante pour la puissance des efforts internes :


Z Z  Z Z Z 
0 0 0 0 0 0
δWint = − (ε11 σ11 +2ε13 σ13 )dV = − U,1 σ11 dS + θ,1 x3 σ11 dS + (V,1 + θ ) σ13 dS dx1
V L S S S

On introduit alors naturellement les quantités N , T , M conjuguées de U , V , θ :


Z Z Z
N= σ11 dS T = σ13 dS M= x3 σ11 dS
S S S

ce qui donne : Z
N U,10 + M θ,1
0
+ T (V,10 + θ0 ) dx1

δWint = −
L
La puissance des efforts extérieurs est la somme des contributions aux extrémités de la poutre, force
normale F0 et FL , tangentielle P0 et PL , moments MO et ML , et des efforts répartis sur la surface,
repésentés par des densités linéiques normales p et tangentielle t :
Z
0 0 0 0 0 0
pV 0 + tU 0 ) dx1

δWext = F0 U (0) + FL U (L) + P0 V (0) + PL V (L) + M0 θ (0) + ML θ (L) +
L

On intègre classiquement par parties la puissance des efforts intérieurs (par exemple N U,10 =
(N U 0 ),1 − N,1 U 0 ), en conservant alors le second terme sous forme intégrale, et en reportant le premier
aux extrémités par application du théorème de la divergence :
Z
−N,1 U 0 − M,1 θ0 − T,1 V 0 + T θ0 ) dx1

δWint = −
L
+ N (0)U 0 (0) − N (L)U 0 (L) + T (0)V 0 (0) − T (L)V 0 (L) + M (0)θ0 (0) − M (L)θ0 (L)

Comme l’égalité δWint + δWext = 0 est valable quel que soit le triplet (U 0 , V 0 , θ0 ), on trouve, en
identifiant terme à terme les expressions de δWint et δWext :

N (O) = −F0 N (L) = FL T (O) = −P0 T (L) = PL M (O) = −M0 M (L) = ML

et :
N,1 + t = 0 T,1 + p = 0 M,1 − T = 0
6 CHAPITRE 1. ELÉMENTS DE THÉORIE DES POUTRES PLANES

1.2 Poutre composite plane en flexion


En postulant la même forme que précédemment pour le champ de déplacement, les équations
d’équilibre qui découlent de l’écriture de l’équilibre sont inchangées. Par contre, l’aspect composite
intervient au niveau de la loi de comportement. Il faut prendre en compte le fait que le module d’Young
et le module de cisaillement sont hétérogènes dans la poutre (ils valent respectivement Ei et µi dans le
matériau i). L’évaluation de N , M et T en recalculant les intégrales conduit à :

Z Z
N = U,1 Ei dS + θ,1
Ei x3 dS
ZS Z S

M = U,1 Ei x3 dS + θ,1 Ei x23 dS


S S
Z
T = (V,1 + θ) µdS
S

Soit :  Z Z 
   
N Ei dS Ei x3 dS 0 U,1
   Z S ZS   
   2
  
M  =  Ei x3 dS

E x
i 3 dS 0 =
 
θ
  ,1 
   
   S S Z  
 
T 0 0 µi dS V,1 + θ
S
Z
Le terme Ei x3 dS introduit un couplage entre traction et flexion. Il est nul pour les poutres
S
symétriques. On introduit ainsi les quantités suivantes :
R
- ligne moyenne définie par : S Ei x3 dS = 0
R
- rigidité équivalente de traction : < ES >= S Ei dS

Ei x23 dS
R
- rigidité équivalente de flexion : < EI >= S
R
- rigidité équivalente de cisaillement : < µS >= S µi dS

Le terme < µS > pose un problème particulier, dans la mesure où la valeur de la contrainte de
cisaillement dans les couches les plus rigides est imposée par la rigidité des couches les plus faibles, en
effet, contrairement à la contrainte σ11 , le terme σ13 est continu à l’interface, et nul sur les surfaces libres,
en ±(e + h), ce qui explique la forme donnée dans le cours. Il s’ensuit que la contribution des peaux
pour l’équilibrage de l’effort tranchant est faible. On obtient une bonne approximation de la moyenne
< µS > en réduisant l’intégrale à la section du coeur.

— lois de comportement simplifiées :

N =< ES > U,1 ; T =< µS > (θ + V,1 ) ; M =< EI > θ,1

— contrainte σ11 locale :


 
N M x3
σ11 ' Ei +
< ES > < EI >
1.2. POUTRE COMPOSITE PLANE EN FLEXION 7

La composante σ11 présente donc à l’interface une discontinuité qui est dans la rapport des modules
d’Young en direction 1. Ceci explique que ce sont les peaux qui assurent la résistance au moment de
flexion. Si la poutre est suffisamment épaisse, et la peau mince, les peaux sont pratiquement en traction
et en compression simple. Comme l’assemblage a permis de les éloigner de la ligne moyenne, la rigidité
sera donc nettement plus grande.
Pour une bonne conception de l’assemblage, il faut vérifier que les contraintes de cisaillement qui se
développent aux interfaces restent compatibles avec la résistance des joints de colle entre les différents
matériaux.
8 CHAPITRE 1. ELÉMENTS DE THÉORIE DES POUTRES PLANES
Chapitre 2

Structures et matériaux composites

Au sens strict du terme, il faut parler de matériau ou de structure composite dès lors qu’une pièce
est constituée de plusieurs types de constituants. Le but recherché dans ces associations est de combiner
les propriétés de plusieurs classes de matériau en vue d’obtenir des propriétés moyennes améliorées.
Les métaux sont en général tenaces (ils présentent une bonne résistance à la propagation brutale de
fissures) et ductiles (ils présentent des déformations importantes avant de se rompre), mais de masse
volumique élevée. Les matières plastiques sont légères mais présentent de faibles propriétés mécaniques.
Les céramiques sont rigides et résistantes, mais fragiles. L’art de l’ingénieur dans la conception et
l’utilisation de matériaux ou de structures composites réside dans le fait de placer le bon matériau sous
la bonne forme (morphologie des renforts), et au bon endroit (notion de répartition spatiale).
Les composites sont donc intrinsèquement des matériaux hétérogènes. Pris sous cette acception, le
terme "composite" recouvre pratiquement l’ensemble des matériaux. Ainsi les matériaux métalliques
eux-mêmes sont des alliages, composés de plusieurs phases, de microstructure et/ou de composition
distinctes : il suffit de changer d’échelle pour passer de l’image d’un milieu homogène à celle d’un
milieu hétérogène. Le type d’approche à utiliser se décidera d’une part en fonction du rapport entre les
dimensions de la structure à modéliser et une dimension caractéristique du milieu à représenter, d’autre
part en fonction du but poursuivi (schématisation globale d’un système ou étude locale).
Ceci conduit à utiliser plutôt le terme de structure composite lorsqu’il est naturel de modéliser
séparément chaque matériau dans la pièce à traiter, par exemple pour :
– le béton armé, ou encore le béton pré– ou post–contraint, pour lesquels béton et acier sont pris en
compte chacun de leur côté, avec en première approximation un modèle où le béton apporte une
résistance à la compression, et l’acier une résistance à la traction ;
– les plaques sandwich ; ici encore, la dimension de l’“élément de volume représentatif” est choisie
plus petite que celle de la plaque, si bien que la variation des contraintes et des déformations à
l’intérieur d’une telle plaque en flexion est modélisée ;
– les pneumatiques, qui sont calculés comme de véritables structures, assemblages de caoutchouc et
de câbles métalliques en acier à très forte limite d’élasticité.
Cependant, dans un système mécanique complexe, la représentation individuelle précise de chaque
élément n’est plus possible, si bien qu’il faut se résoudre à ne retenir qu’un comportement moyen. La
modélisation effectuée comporte alors une opération d’homogénéisation, qui fournit par exemple des
rigidités équivalentes dépendant des propriétés élémentaires de chaque matériau et de leur géométrie.
Le terme de matériau composite est donc réservé aux cas où la taille caractéristique de la
microstructure est faible devant celle de la pièce, comme pour :
– les matériaux composites à matrice continue renforcée par des fibres ou des particules ; les matrices
peuvent être minérales, résineuses ou métalliques, les fibres sont en verre, kevlar, carbone, bore,
etc. . ., et leur diamètre typique est de l’ordre du centième de millimètre : matrices époxydes
renforcés de fibre de verre ou de fibre de carbone, verre–polyester, aluminium–carbure de silicium,
cobalt–carbure de tungstène, le béton (graviers dans du ciment), le macadam (graviers dans un

9
10 CHAPITRE 2. STRUCTURES ET MATÉRIAUX COMPOSITES

polymère, le bitume),
– les mousses et les matériaux cellulaires, composites particuliers composés d’un matériau et,. . . de
trous ; les cellules peuvent être ouverte (éponges) ou fermées (ceintures de sauvetage) ; de
nombreux matériaux naturels sont cellulaires, le bois, le liège, le corail par exemple.
Pour cette dernière catégorie de matériau, le cheminement inverse peut être repris, et, dans le
but de caractériser précisément les propriétés mécaniques, il est possible de considérer ce qui était
précédemment un élément de volume représentatif sur lequel était défini un comportement homogénéisé
comme une structure, de dimensions millimétriques ou centimétriques, pour avoir accès aux champs
de contraintes et de déformation de l’échelon inférieur. L’étude porte alors sur une cellule élémentaire,
comportant une fibre et la matrice environnante.

2.1 Les structures composites, exemple des plaques sandwich


C’est le résultat de l’assemblage par collage de deux semelles ou peaux minces, réalisées dans un
matériau de bonnes caractéristiques mécaniques, sur un cœur ou âme d’un matériau plus léger. L’analyse
approchée de l’état de contrainte à l’intérieur de cet assemblage qui a été effectuée dans le chapitre
précédent a montré que les peaux résistent aux effets de la flexion, alors que l’âme résiste au cisaillement,
selon le schéma de la figure 2.1. Ce résultat est lié au fait que dans une poutre, une section initialement
plane et perpendiculaire à la ligne neutre reste plane. La déformation ε11 étant continue, la contrainte
σ11 est discontinue au passage de l’interface ; le schéma de la figure 2.1c fournit une image approchée
de σ13 , qui doit quant à elle être continue à l’interface.
Comme le coeur résiste essentiellement en cisaillement, il est la plupart du temps fait d’un
matériau anisotrope constitué de cellules hexagonales, en nid d’abeille, ou nida. Réalisé en alliage léger
d’aluminium AU4G1 (respectivement en polyamide encollé), ce type de structure possède une masse
volumique de 46 kg/ m3 (resp. 64 kg/ m3 ), et, en supposant que l’axe des hexagones est porté par x3 ,
des modules de cisaillement selon x1 x3 de 280000MPa (resp.58000MPa) et selon x2 x3 de 140000MPa
(resp.24000MPa), les résistances à la rupture en cisaillement étant de 1,5MPa (resp.1,7MPa) selon x1 x3 ,
et 0,9MPa (resp.0,85MPa) selon x2 x3 .
Ce type de structure composite est très utilisée, par exemple pour faire des planchers dans les avions,
ou des hélices d’hélicoptères. La masse de matériau nécessaire pour obtenir une flèche donnée pour un
moment de flexion donné est, en prenant comme référence un sandwich nida-aluminium, 0,69 pour un
sandwich nida-carbone, mais 5 pour un contreplaqué de chêne, 10 pour une tôle d’aluminium, 16 pour
une tôle d’acier.
Les skis offrent un autre exemple de structure composite complexe, comportant une semelle en
polyéthylène, des carres inférieures en acier, un noyau alvéolé, constitué par exemple de fibre de carbone,
dans un sandwich de fibre de verre tissée, les champs latéraux étant en résine époxyde, les carres
supérieures en alliage d’aluminium, et le dessus en polymère ABS.

2.2 Les composants élémentaires des matériaux composites


2.2.1 Renforts
Les composites artificiels sont souvent renforcés soit par des fibres, soit par des composants fabriqués
à base de fibres (torons, assemblage de fibres tordues ensemble ; tissus ; mats, ou nappes). Chacune
d’entre elles s’impose dans une application particulière en raison de ses propriétés spécifiques et de son
prix. Le tableau 2.1 résume les principales caractéristiques mécaniques.
1. Les fibres de verre sont les plus anciennes (1940) et les moins chères (environ 1 euro/kg) des fibres
du marché, et celles dont on réalise le plus fort tonnage. Elles sont fabriquées par extrusion du
verre au travers d’une filière percée de trous de 1 à 2mm de diamètre, puis étirées jusqu’à obtenir
2.2. LES COMPOSANTS ÉLÉMENTAIRES DES MATÉRIAUX COMPOSITES 11

      



 x3
     
   
      
Peau
   
     Coeur
    
          

x3

x2
σ 11

x1
a. Schéma de la poutre b. Profil σ11 pour une poutre homogène

x3 x3

σ 13 σ 11

c. Profil σ13 pour une poutre sandwich d. Profil σ11 pour une poutre sandwich

F IG . 2.1 – Principe de fonctionnement d’une poutre sandwich

des diamètres de 5 à 15mm, enduites et bobinées. Il existe différentes variétés (E,R,S) selon la
proportion de chaque composant (SiO2 , Al2 O3 , B2 O3 , CaO, M gO), les meilleures propriétés
étant obtenues pour les plus fortes proportions de silice (verre S, 65%).
2. Les fibres de carbone doivent leurs propriétés à la très forte anisotropie des cristallites de graphite
qui les composent. Leur prix décroît régulièrement, il est de l’ordre de 10 euros/kg. Elles sont
fabriquées à partir de fibres de polymère (par exemple polyacrylonitrile) préalablement tissées,
et carbonisées sous tension en plusieurs étapes, oxydation (100 à 200◦ C ), puis pyrolise (1500-
2500◦ C ). Selon la température et le temps de cuisson, les fibres présentent une "haute résistance"
(HR) ou un "haut module" (HM).
3. Les fibres de polymère les plus connues sont des fibres de polyamides aromatiques, connues sous
la marque commerciale de "Kevlar". De prix élevé (20 euros/kg), elles servent essentiellement à
fabriquer des câbles.
4. Les fibres métalliques ou céramiques sont les plus chères de toutes, en raison de leur difficulté
de fabrication (de l’ordre de 1000 euros/kg). Les fibres de bore sont obtenues par réduction à
1100◦ C de chlorure de bore , qui se dépose sur un fil de tungstène de 10 à 15mm de diamètre.
Le diamètre résultant est de 100 à 200mm pour la fibre. La même procédure expérimentale
est utilisée pour produire des fibres de carbure de silicium (SiC). Les derniers développements
concernent la production de trichites, (”whiskers”) qui sont des monocristaux filamentaires obtenus
par décomposition d’un sel métallique en ambiance réductrice. Leur longueur est de quelques
millimètres, pour un diamètre d’environ 1mm. Elles approchent les propriétés d’un cristal parfait.
5. Les microbilles pleines ou creuses peuvent être produites en verre, carbone ou polystyrène. Elles
12 CHAPITRE 2. STRUCTURES ET MATÉRIAUX COMPOSITES

Matériau Module Résistance Masse Température Allongement


d’Young en traction volumique d’utilisation à rupture
(GPa) (MPa) (kg/ m3 ) max (◦ C ) (%)
Verre R 80 2500 2500 650 3
Kevlar 49 130 3600 1450 200 2
Carbone HM 400 2000 1900 2500
Bore 400 3500 2650 700 0,8
SiC (fibre) 480 2300 3200 900 0,5
SiC (trichite) 840 21000 3200 1600 2,5

TAB . 2.1 – Propriétés de quelques éléments de renfort

ont des diamètres compris entre 10 et 150mm ; le taux volumique de charge peut atteindre 50%.
Le composite résultant a des propriétés mécaniques isotropes.
6. Les principaux renforts minéraux sont le mica et l’amiante. L’un et l’autre sont des composés
naturels dont les propriétés ne permettent pas d’atteindre les résistances obtenues avec les fibres. Le
mica se présente sous forme de paillettes, dont l’intérêt est d’offrir un renforcement bidirectionnel.
L’amiante (mélange d’oxydes de magnésium, de silice et d’eau, comportant également du sodium,
du fer,...) se présente sous forme de fibrilles de 20nm, dont il est possible de détacher des fibres de
plusieurs centimètres. Son caractère cancérigène a maintenant conduit à un abandon complet.

2.2.2 Matrices
La matrice incorpore les fibres ou les éléments de renfort, auxquels elle doit adhérer suffisamment
bien pour que le transfert de charge soit optimal.
1. Les matrices organiques sont faites de matière plastiques. Il convient de distinguer les matrice
thermoplastiques, à chaîne linéaire, très répandues, et les polymères thermodurcissables, ou
résines, aux propriétés mécaniques plus élevées. Dans cette dernière catégorie se rangent les
résines de polyester, les résines époxydes, qui peuvent être utilisées jusque vers 200◦ C , les résines
phénoliques ou les résines polyimides, qui supportent des températures de 400◦ C .
2. Les matrices carbonées sont fabriquées par décomposition d’une matière organique à haute
température. La matière peut être un liquide (imprégnation en phase liquide), ou un hydrocarbure
gazeux (décomposition chimique en phase vapeur). Le second procédé est plus rapide que le
premier, qui peut durer plusieurs mois pour obtention d’une densification suffisante, mais moins
reproductible. Le carbone se dépose en grains sur les fibres, assurant leur bonne liaison. Il est
possible par exemple d’obtenir un composite carbone–carbone dont la densité est égale à celle du
carbone massif.
3. Les matrices métalliques présentent plusieurs avantages, comme une bonne ductilité, une bonne
résistance à certains solvants, une meilleure tenue en température que les résines, une meilleure
usinabilité. A l’inverse, elles sont plus difficiles à mettre en oeuvre, de densité plus élevée, et des
problèmes peuvent apparaître aux interfaces fibres–matrice du fait de la réactivité des matériaux.
Comme pour le cas des matrices carbonées, la fabrication du composite peut s’effectuer par
imprégnation en phase liquide, décomposition chimique en phase vapeur, mais encore par co–
extrusion ou co–laminage.
4. Les matrices céramiques sont particulièrement intéressantes en raison de leur caractère réfractaire.
Elles sont utilisées dans des pièces qui doivent subir sans dommage de très hautes températures
(tuiles de protection thermique, brûleurs). Le point faible des céramiques, à savoir leur très faible
résistance à la rupture en traction, est partiellement masqué par l’insertion de fibres dans la
matrice. Les techniques de fabrication les plus courantes sont l’imprégnation en phase liquide
2.3. MILIEUX ÉLASTIQUES ANISOTROPES 13

(SiC-SiC par exemple) ou le dépôt plasma (par exemple dépôt de silicium puis nitruration à l’aide
d’un traitement sous azote à 1450◦ C , qui produit une augmentation de volume et favorise la
densification).

2.3 Milieux élastiques anisotropes


2.3.1 Notation de Voigt pour les relations de comportement
L’expression des relations de l’élasticité, σ ∼
=C ∼
: ∼ε porte sur des tenseurs du second et du quatrième

ordre symétriques. Ils peuvent être respectivement représentés par des vecteurs de dimension 6 (pour σ ∼
et
ε∼), et par une matrice carrée de dimension 6 (pour C ∼
). Les relations de symétrie Cijkl = C jikl = C ijlk ,et

Cijkl = Cklij s’expriment alors par le fait que la matrice (6 x 6) est symétrique. La notation de Voigt, à
deux indices I et J variant de 1 à 6, met respectivement en correspondance les valeurs 1, 2, 3, 4, 5, 6 de I
et J avec les doublets (1,1), (2,2), (3,3), (2,3), (3,1), (1,2). Dans le cas le plus général, il y a 21 coefficients
élastiques. En notant par γ le "cisaillement de l’ingénieur", tel que γij = 2 εij , pour i différent de j, en
désignant par CIJ les composantes de la matrice représentant le tenseur C ∼
, par SIJ celles de son inverse,

et en posant (i) CIJ = Cijlk ; (ii) SIJ = Sijkl , dans le cas où I et J sont inférieurs ou égaux à 3, (iii)
SIJ = 2 Sijkl , si l’un des indices I ou J est inférieur ou égal à 3, l’autre supérieur, (iv) SIJ = 4 Sijkl , si I
et J sont supérieurs à 3, on obtient le vecteur contenant les 6 composantes de déformation en réalisant le
produit de la matrice C par le vecteur contenant les 6 composantes de contrainte, et l’opération inverse
étant réalisée à partir de la matrice S .

2.3.2 Respect des symétries matérielles


Si le matériau est invariant par la transformation définie par la matrice P , le changement de repère
défini par P ne modifie pas la loi de comportement, qui doit toujours s’écrire à l’aide de la même
représentation du tenseur C∼
, soit : σ

=C ∼
: ∼ε, mais aussi σ

=C

: ∼ε , avec σ

= P −1 σ

P , et ∼ε = P −1 ∼ε
∼ ∼ ∼
P . Il s’ensuit que C

= P −1 P −1 C

P P , soit sous forme indicielle : Cijkl = Pim Pjn Pkp Plq Cmnpq
∼ ∼
L’application de cette dernière formule à des transformations particulières permet de constater dans
chaque cas quel est le nombre de coefficients réellement indépendants.
1. Symétrie par rapport à un plan de coordonnées x3 = 0 : La matrice ne comporte que trois termes
sur la diagonale, (1,1,-1). Les composantes Cijkl qui ont un nombre impair d’indices 3 sont donc
nulles, il n’y a plus que 13 coefficients indépendants :

C14 = C24 = C34 = C64 = C15 = C25 = C35 = C65 = 0

2. Symétrie par rapport à deux plans orthogonaux x1 = 0 et x3 = 0 : Il faut annuler en plus les
coefficients qui possèdent un nombre impair d’indices 1, il n’y a plus donc que 9 coefficients
indépendants :
C16 = C26 = C36 = C45 = 0
La matrice se met alors sous la forme :
 
C11 C12 C13 0 0 0

 C12 C22 C23 0 0 0 


 C13 C23 C33 0 0 0 


 0 0 0 C44 0 0 

 0 0 0 0 C55 0 
0 0 0 0 0 C66
14 CHAPITRE 2. STRUCTURES ET MATÉRIAUX COMPOSITES

Il existe également une "formulation technique", qui fait apparaître des modules d’élasticité et
des coefficients de Poisson. Il faut prendre garde à cette formulation, qui introduit plus de 9
coefficients, ceux-ci étant bien entendu liés par les relations :

ν12 /E1 = ν21 /E2 , ν23 /E2 = ν32 /E3 , ν31 /E3 = ν13 /E1

−ν12 /E1 −ν13 /E1


    
ε11 1/E1 0 0 0 σ11

 ε22  
  −ν21 /E2 1/E2 −ν23 /E2 0 0 0 
 σ22 


 ε33  
= −ν31 /E3 −ν32 /E3 1/E3 0 0 0 
 σ33 


 γ23  
  0 0 0 1/E44 0 0 
 σ23 

 γ31   0 0 0 0 1/E55 0  σ31 
γ12 0 0 0 0 0 1/E66 σ12

3. Equivalence de deux axes de symétrie (par exemple 1 et 2) : Cette hypothèse introduit 3 relations
supplémentaires, il n’y a plus que 6 coefficients indépendants, il s’agit d’une symétrie quadratique
(cas des cristaux tétragonaux) :

C11 = C22 ; C13 = C23 ; C44 = C55

4. Équivalence des trois axes de symétrie : Cela introduit encore trois relations, C11 = C22 ; C13 =
C23 ; C44 = C55 , c’est le cas de la symétrie cubique, il ne reste que 3 coefficients indépendants :

 
C11 C12 C12 0 0 0

 C12 C11 C12 0 0 0 


 C12 C12 C11 0 0 0 


 0 0 0 C44 0 0 

 0 0 0 0 C44 0 
0 0 0 0 0 C44

5. ”Isotropie” transverse : Il doit y avoir invariance par une rotation quelconque autour d’un axe
particulier, par exemple x3 . Ceci implique que le matériau présente au moins la symétrie
quadratique. D’autre part, si α est l’angle de cette rotation, la matrice P est de la forme :
 
cos α sin α 0
P =  − sin α cos α 0 
0 0 1

Son application au terme C66 = C1212 conduit à C66 = (C11 − C12 )/2. Il y a 5 coefficients
indépendants. C’est le cas du système hexagonal pour les cristaux, et des structures en nid
d’abeille.

 
C11 C12 C12 0 0 0

 C12 C33 C13 0 0 0 


 C12 C13 C33 0 0 0 


 0 0 0 C44 0 0 

 0 0 0 0 C44 0 
0 0 0 0 0 2 (C11 − C12 )
2.4. COMPOSITES UNIDIRECTIONNELS À FIBRES LONGUES 15

La formulation de l’ingénieur pour ce type de symétrie est la suivante , avec νLT /EL = νT L /ET
et νLZ /EL = νZL /EZ :

−νLT /EL −νLZ /EL


    
εLL 1/EL 0 0 0 σLL
 εT T   −νT L /ET 1/EL −νLZ /EL 0 0 0  σT T 
    
 εZZ   −νZL /EZ −νZL /EZ 1/E Z 0 0 0  σZZ 
 γT Z  = 
    
   0 0 0 1/GLZ 0 0 
 σT Z 

 γZL   0 0 0 0 1/GLZ 0  σZL 
γLT 0 0 0 0 0 2 (1 + νLT )/EL σLT

6. Cas d’une plaque : Dans le cas d’une plaque, il suffit de ne conserver que les termes correspondants
à σLL , σT T et σLT dans les expressions ci-dessus.
7. Isotropie : C’est la résultat d’une symétrie cubique et d’une isotropie transverse par rapport à l’un
des axes du cube. Le terme C44 de la symétrie cubique se calcule donc exactement en fonction de
C11 et de C12 : C44 = (C11 − C12 )/2. Il ne subsiste donc que 2 coefficients indépendants. Il est
immédiat d’identifier C11 à (λ + 2 µ), et C12 à λ.

2.4 Composites unidirectionnels à fibres longues


2.4.1 Loi de mélange
Dans le cas d’un matériau où les fibres sont continues (enroulements, plaques), il est raisonnable
d’imaginer que l’approximation ”en parallèle” dans laquelle les déformations sont uniformes d’une phase
à l’autre est bien respectée. Si les effets latéraux sont négligés, on peut évaluer le module de Young
équivalent dans la direction des fibres par une approximation de déformation uniforme. Si au contraire la
sollicitation s’applique en sens travers, les phases seront ”en série”, dans une configuration bien adaptée
pour appliquer l’approximation de contrainte uniforme. En désignant par des indices m et f la matrice et
la fibre, il vient alors :

EL en sens long : EL = cm Em + cf Ef
ET en sens travers : 1/ET = cm /Em + cf /Ef

Lors d’une traction en sens long, les déformations latérales de chaque phase se combinent :

εT = cm εTm + cf εTf

Chacune des déformations latérales εTm et εTf s’expriment en fonction de la déformation longitudinale
εL , qui est supposée être la même pour les deux phases, εTm = νLT m εL , et εTf = νLT f εL .
Le coefficient de Poisson équivalent est donc obtenu par une moyenne directe.

νLT = cm νm + cf νf

Pour le terme de cisaillement transverse, l’hypothèse simple la plus réaliste consiste à considérer que la
contrainte de cisaillement sera conservée. La moyenne s’applique donc sur les inverses des modules :

1/µLT = cm /µm + cf /µf

2.4.2 Constantes élastiques dans un repère quelconque


Les constantes EL , ET , νLT et µLT permettent de caractériser le comportement élastique dans le
repère (sens long-sens travers). Le problème qui se pose est alors de connaître les propriétés dans un
repère quelconque. Ce cas est traité en exercice.
16 CHAPITRE 2. STRUCTURES ET MATÉRIAUX COMPOSITES

force axiale sur


la fibre

longueur l

 
0


F 

  diamètre d

cisaillement σ s

F IG . 2.2 – Reprise de charge le long d’une fibre

2.4.3 “Fonctionnement” du composite


Un grand nombre de composites unidirectionnels sont constitués par des fibres fragiles dans une
matrice plus ductile. La contrainte maximale qui peut être atteinte en traction sur ce matériau est donc
obtenue juste avant la rupture des fibres, lorsque la contrainte dans celles-ci est de l’ordre de leur
contrainte de rupture, σRf , et que la matrice est également soumise à une contrainte qui provoque des
déformations permanentes, σY :

σMAX = (1 − cf )σY + cf σRf

Le fait d’avoir rajouté des fibres est donc bénéfique si cette contrainte est supérieure à la contrainte
de la matrice seule, supposée non renforcée par les fibres, une fois que toutes celles-ci sont rompues, qui
s’exprime en fonction de la contrainte à rupture de la matrice σRm :

σR = (1 − cf )σRm

Le fait que σMAX soit plus grand que σR produit une condition sur cf ,

cf > (σRm − σY )/(σRf + σRm − σY )

ce qui montre qu’il existe une fraction critique de renfort en dessous de laquelle l’ajout de fibres détériore
le comportement au lieu de l’améliorer.
Le même type de raisonnement simple suggère l’existence d’une longueur optimale de fibre. Il
consiste à considérer que, si elle joue son rôle de façon optimum, il se transfère à la fibre une force
σs π d dx sur une longueur élémentaire dx le long de son axe (σs est la contrainte de cisaillement à
l’interface fibre–matrice, d le diamètre de la fibre (voir figure 2.2). La force sur une section de la fibre
passe donc de 0 à l’extrémité à une valeur de σs πxd à une distance x de celle-ci.
La longueur optimale est obtenue lorsque la force au milieu de la fibre correspond à la contrainte de
rupture de la fibre , ce qui correspond à une longueur l telle que : σs πdl/2 = (πd2 /4)σRf , soit :

l = dσRf /2σs

Au delà, la fibre se rompt. Ceci explique également pourquoi les résultats obtenus avec des fibres
courtes sont en général du même niveau que ceux produits par des fibres longues.
2.5. TISSUS ET MATS 17

Matériau EL (GPa) ET (GPa) 2 µLT (GPa) σRL (MPa) σRT (MPa)


Verre 45 12 4,5 1250 35
Kevlar 49 85 5,6 2,1 1410 28
Carbone HM 134 7 4,2 1270 42
Bore-époxy 210 12 1400 80
Bore-alu 220 140 7,5 1400 120

TAB . 2.2 – Propriétés de quelques plis de fibres–résine époxyde (avec 60% de fibre), bore–époxyde
et bore–aluminium ; EL = module d’Young sens long, ET = module d’Young sens travers, µLT = module de
cisaillement, σRL = contrainte à rupture sens long, σRT = contrainte à rupture sens travers.

2.4.4 Quelques ordres de grandeur


Le tableau 2.2 fournit des valeurs des modules et des contraintes de rupture en directions
longitudinale et transverse pour plusieurs sortes de plis. La très forte anisotropie rend le pli très vulnérable
seul, et explique qu’il faille avoir recours au tissage ou à la superposition de plis pour disposer de
matériaux utilisables par l’ingénieur.

2.5 Tissus et mats


Le pli tissé est obtenu en disposant des fibres suivant deux directions perpendiculaires. Si les fils
de trame couvrent un file de chaîne avant de passer sous le suivant, il s’agit de toile ou taffetas, si
plusieurs files de chaîne sont couverts, il s’agit de satin. Une première approximation consiste à traiter le
tissu comme deux couches d’unidirectionnel superposées, ayant les mêmes déplacements. Un tissu est
équilibré s’il y a le même nombre de fils dans chaque direction, et qu’ils sont de même nature.
Les mats sont des renforts bidirectionnels à fibres coupées (5 à 10 cm). Ils sont isotropes dans leur
plan. Il existe également des tissages tridimensionnels (3D), dans lesquels plusieurs couches de tissus
bidimensionnels (2D) sont assemblées par des fibres selon la direction du troisième axe. Les tissages
"4D" comportent quant à eux des fibres dirigées selon les directions de type (1,1,1) d’un cube. Un
exemple typique est le carbone-carbone, qui résiste jusqu’à de très hautes températures, et qui, en raison
de la géométrie adoptée, est insensible au délaminage, ou décollement des couches entre elles.

2.6 Plaques stratifiées


Un stratifié résulte de la superposition de plusieurs couches (ou plis) de nappes unidirectionnelles ou
de tissus. Les nappes successives sont en général orientées différemment (classiquement 0◦ , 45◦ , 90◦ ,
-45◦ ). Il est important de respecter dans la conception la symétrie miroir, qui caractérise une plaque dont
les empilements de plis de part et d’autre du plan moyen sont symétriques. Si la plaque ne possède pas
cette symétrie, elle risque de se "voiler" lors de la fabrication en raison des dilatations différentielles liées
aux différences de coefficient de dilatation. Les minimums technologiques sont de 3 à 4 couches de tissu
équilibré ou 8 couches d’unidirectionnel, et une épaisseur de 1 mm.
Les stratifiés risquent de rompre en traction, en compression, sous l’effet de flambements locaux,
ou à cause de délaminage. Les calculs s’effectuent avec de petits programmes sur micro- ordinateur. Il
faut déterminer la bonne tenue de chaque couche. La connaissance des efforts globaux (efforts normaux
N1 et N2 , efforts tangentiels T12 dans le plan du stratifié), et des modules d’élasticité homogénéisés
permet de trouver les déformations moyennes. En supposant alors que ces déformations (en l’absence de
délaminage) sont valides pour toutes les couches, il ne reste plus qu’à appliquer le tenseur d’élasticité de
la couche i pour y effectuer une évaluation de la contrainte. La couche sera réputée rompue si elle atteint
18 CHAPITRE 2. STRUCTURES ET MATÉRIAUX COMPOSITES

le critère de Hill-Tsaï :
 2  2    2
σL σT σL σT τLT
+ − + =1
σ RL σ RT σ RL τRLT

Note : Il y a des compléments de cours sur les plaques dans le répertoire des supports de cours, ICI

2.7 Propriétés spécifiques


L’emploi ou non de matériaux composites dépend entre autres de la fonction du système à réaliser.

1. Dans le cas d’un prisme de longueur l et de section carrée (a × a) travaillant en traction,


l’allongement δ sous une force F est δ = F l/Ea2 . La masse vaut M = ρla2 , où ρ désigne
la masse volumique. Pour minimiser la masse pour une force, un déplacement et une longueur
donnée, il faut, en vertu de la formule M = (F l2 /δ)(ρ/E), maximiser le rapport E/ρ.
2. Si on veut éviter que le solide ne se plastifie (pour une contrainte σY ), il faut que la force reste
inférieure à F = σY a2 , ce qui conduit à maximiser le rapport (σY /ρ).
3. Si le solide est une poutre console en flexion, la flèche est égale à 4 F l3 /E a4 , si bien que M =
2 (F l5 /δ)0,5 (ρ/E 0,5 ). Il faut donc cette fois-ci maximiser le rapport (E 0,5 /ρ).
4. La force de flexion qui produit une plastification pour une telle poutre est égale à : F = σY a3 /6 l
2/3
, ce qui produit la condition : M = (6 F l)2/3 (ρ/σY ) ; il faut donc cette fois-ci maximiser le
2/3
rapport (σY /ρ).

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