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HORS SERIE Neutrino, matiére noire, ETT) e me el ekLe ER Mt énergie du vide Les prodiges p Je LHC de I’accélérateur géant Toujours premiers sur l’info Sepremane 2008 ride [Acnorpanonr race ste tg rere rere geval: fe Hauck late ane secre Roeeas moneees ‘cma cient Vers Ss Celta fein Sa Baeza Feocrumin x cles arson Moe Becta Vert a Fora aca ors cig lois lpg Cuca ESE fe peasy, Hope ete mga = Une nouvelle sae physique hse Gree fle Aue a si LHC. .. Cos trois lettres permettront-elles de révolutionner notre vi- Bahai en sion de la matiére ?En inaugurant cet automne le Large Hadron Col- berusi lider, le plus puissant accélérateur de particules jamais construit, CE pas Canon 5 , Tooou wenoreeid Share le Com a bien sonng le départ d'une nouvelle course. Une course Dacornenne: fe Mes pourdécouvri, d'abord, le famewxchoson de Higgs, laparticule cen- pera aad sée donner leur masse toutes les autres, que les physiciens tra- quent depuis quarante ans, Mais dans la foulée, ces mémes cher- (oe come ayee cut (icct sent fear ore e - Becee aes et tate cheurs comptent aussi résoudre au sprint une série d énigmes qui ‘one ket résistent encore leurs modéles : quelle est la nature du vide ? Pour- ‘ise Wenge ta Gang quoi 'antimatiére a-t-elle quasiment disparu de notre Univers ? fs Quelles particules composent cette masse cachée qui constituerait haa prés de 80 % de toute la matiére de I'Univers ? Et au-dela, toutle SiparomenriesONa : , Fearne monde espére apercevait les premiers signes d'une nouvelle phy- Serbs ae sique qu'il reste a construire. Car les physiciens ne s'y trompent ae pas : sls disposent, avec le modéle standard, d'un ensemble Spe acer, théorique d'une précision exceptionnelie pour décrirela matiére, SI as Mol aes E : ae Se Shy ils savent que leur modéle reste imparfait. De fait, iln'intagre pas tose it ee —ou mal—la gravitation et échoue A marier les deux sours enne- Aerts occ er Hebred eu heb) ties de la physique moderne que sont la relativité générale et la Eareammr ox : . i excess, physique quantique. Cette nouvelle physique sera-t-elle a base de kek particules supersymetriques, de cordes, votre de wbouclesr ? Ou if Sree! cue na ee ey 4h Sioa Reman Ra Po autre chose encore ? En attendant le verdict des instruments, cha- ee a ae * cum affite ses équations. Armé de cette seule certitude :les années urge ery ae ‘ qui viennent s‘annoncent passionnantes, SaMHS be eerie sta arene Sorrel de mi nbs oe Langu 41 aa 47 sav Hon Sie 3 dares Ss Vous pov aus vous abonner par tphone au 01 46-48-4708 cu por itesret sir vctiosavemagcom 5 & i i i i i i i état pat rere persotide, un Peron r Sean mélie Poulain aime: plonger Ia main au fond d'un sacde grain, casser Ia crotite des crames bnilées avec une petite cuillére ou faire des ricochets sur le canal Saint-Martin. » Comme'bé- roine du film de Jean-Pierre Jeunet, quin's jamais g soufflé sur une vitre, écrit un mot sur la buée 2 tout juste condensde, puis!'a laissé s"évaporer? § Qu encore force des aimants & se rapprocher § contre leur gré, ou joué avec ia cire chaude dé- § goulinant d'une bougie? Mais ce qu'Améliene sait § Pas, c'est qu'a travers tous ces petits plaisirs du § quotidion, co qu'elle aime au fond, c'estlamatiore, Son organisation, ses transformations, 2 C'est dur, c'est mou, c'est liquide, voire impal- § pable comme l'air, est aussi color8, ca bouge, ca ¥ peut étre vivant, ou bien inerte, naturel, ou avoir ‘été fabriqué par homme. Lamatiére prend tout: £ sortesde visages, et le plus curieux. c'est qu'elle 3 peut passer deT'un a l'autre, Qu’un diamant, ma- = terfaule plus dur au monde, tombe dans lefeu et #2 il n'est plus que cendres. Un morceau de caout- chouc oublié au soleil deviendracassant, un ceuf dans l'eau chaudedurcira, alors que de !l'or passé j danste feu deviendra, al'inverse, liquide, Quant 5 al'eau bouillante, elle finira par disparaitre... & Magie? Sans doute, puisque c'est justement parce qu'll se passe quelque chose de surprenant, £ @prioniincompréhensible, que ces manipulations fascinent, Ce n'est pas pour tien qu'au Moyen Age, les alchimistes étaient moitié savants, moitié magiciens. .. Depuis, les alchimistes sont devenus chimistes. ls ont percé les secrets de la matiere. Is ont observé et décrit de maniére rationnelle ses étranges transformations. Mais il fallu pour cela reléguer au musée Ja conception antique de le matiére. Lean, le feu, air ot la terre (voir p. 20) na pouvalent a eux seuls expliquer sa diversité S'ATTAQUER AU MYTHIQUE CHIFFRE 4 C'est Antoine Lavoisier, qui, ala fin du xvm'siacte, amorce le virage. Le chimiste francais constate alors queta théorio des quatro éléments ne tient plus dabout. Ses prédécesseurs avaient déja fait de petits arrangements avec ce canevas trop étyoit, ajoutant !'alcoo! (la quintessence, ou cinquiéme élément), parfoislo:sal et e soufre au nombre dea ements, ou reconnaissant l'existence de plu- sieurs types de terres, Mais seul Lavoisier s’at- taqueau mythique chiftre 4, En 1776, il chaufte une comue remplie de mercure et reliee a une cloche pleine d'air. Au bout d'une douzaine de jours, le mercure est surmonté de «parcelles rougess (dc: Voxyde de mercure) et le volume d’air dans cloche a diminus, Le gaz qui reste dansia clocha teint une dougie. I] en clut que l'oxygene de V'air, indispensable la combustion, a incorporé le mercure pour en faire le composé rouge. Lair pré- sent au depart dans la cloche était danceomposé de plusieurs parties : d’oxygéne et d'un gaz appelé azote, I ménera ainsi de nombreuses expériences ae Sees Par quel procédé le gel fait-il éclater les pierres? C'EST L'ORGANISATION DE LA MATIERE QUI DISTINGUE LE VIVANT DE CINERTE Beaucoup decarboneet dihydrog:- de ternps. Suivant l‘ceil que lon ine, une pincke Goxygne et azote, pose sur cette question, celui du leveste sous forme de traces: philosaphe, du croyant ou du scienti- sous call dela chimie analytique, la fiqua, la réponse sera fort différente. ‘matiere vivante semble encore plus Dun point de vue scientifique, rien fruste que la matiére inerte, Pareil ine distingue la matiére vivante de our le physicien des particules.iLn’y la matiere inerte, i c2 n'est son orga- \oit qu’atomes, électrone, protons, _nisation particubiére, fruit du hasard neutrons en mouvement sous line coupé & des milions d'anndes d'évo~ fluence de forces électromagné- lution, comme ‘expique Henri Atlan, Tiques. Sauf, nous dit le dictionraire, —_biologiste et philosophe, directeur quelle est capable de-s‘orgariser d'études Ecole des hautes études ‘elle-méme, d'évoluer, de se repro- ‘en sciences sociales 4 Paris: «Au fil dduive. vant de mouriret devenir de histoire, s'est rendu compte inerte, Mais d'oi lui viennentses que certaines molécules, quijouent ropriétés? La question taraude tun Ble determinant pour expliquer les scientifiques depuis pas mal ‘ce qu'on croyattéte la ve, ne sont elles-mémmes pas vivantes. Airs, es genes ne som pas vivents. (Ces découvertes etablissent une eontinuité graduelle entze le nan- vivant et le vivant. Mais (absence de frontiére n'implique pas ‘absence de-différence. ily a encore des differences entre une cellule et un ‘istal, méme sices differences se trouvent dans |'évolution, pas dans la matidvealle-méme.» Endlair, pourla science actuelle, nly a aucune difiérence de nature entre imatiére vivante et matiére inerte Seule son organisation particuliére explique les propriétds qui sont celles que Ion attribue au vivant Les ératstes pia connus deta mathe secelent parfois des surprises. Ainai de livneige carbonique Ul passe disecte- ment du solide au akeux et du mi Cure, metal Hquide, pour décomposer des substan Pour lui, chacune est faite d’'élément®B simples, c'est-&-dire des substances qu'on 6B plus décomposer. qu'll cherche @ isoler de ma niére systématique. Ala fin desa vie, il aura iden. tifie 23 éléments. Un tabou etait brisé, On recense aujourd'hui 118 éléments chimiques, dont 24 ont été créée parI’homme. Comme le Bri tannjque John Dalton en avait eu T'intuttion au xosieele, l'histoire confirmera que chaque élé- ment est compose d'atomes identiques. Admet- tons. Toute matiére serait done composte d'ato- mes, des grains de matiere assez semblables se distinguant par leur masse. Dificile & avaler, mal 7é tout, Quoi? Toute ladiversita denotre monde se réduirait 4 une grossecentaine d’atomes ditté rents ? D'autant plus étonnant que sur ces 118.ato- mes recensés, la plupart s'averent extremement rares sur la Terre. Moins d'une trentaine compo: ere quotidien, Et ceux-la seuls ex- reté de l'acier, la friabilité dela ‘orale, 'lasticité du caoutchouc, la fluidité del'eau et du mercure, |'attirance des aimants, l'odeur des pins, ou les vapeurs d’alcool ? Oul, nous ont ex pliqué Les chimistes tout au long du xx* sidele. LELECTRON, CLE DES MYSTERES ATOMIQUES Car les atomes setransforment, se combinent, 16 agissent, s'immiscent dans I'air ou incorporent des solides ou des liquides. Quoi qu'il eurarrive, is perdurent. Riende merveitleux la-dadans, ils s'ar- rangent juste pour romper leur monde. Entre eux dabord. Comme l'oxygéne qui fait rougir le mer cure, 168 atomes établissent ontre eux des liai sons, lls se comportent comme des petits aimants, s‘attirant, se repoussant, ec optant pour les asso- ciationsles plus stables du moment. Des almants? Cen'est pas juste uneimage. Depuis 1897, quand SV Ses 11 Ps aa - F- ‘ BY 8 Pe ie eed pe ea enn eer ea eer oe: acti tt Comment le savon lave-t-il? 1argés positivement, autour daquel tournent dé éloctrons chargés négativement. Pi E trons aflichent une charge opposée, Certains novaux attirent un peu plus d’électrons qu'ils par § tent de protons : Tasseniblage est alors globalement F negatif~lenoyau, lui, este positif quot qu’dl arrive~ & etmaturellement attiré par des noyaux por- tant au contraire un peu moins § trons que de protons. Les de § types de noyaux se rapprochont . Jusquia ce que les § électron surplus de Fun se nta effectuer £ des meursions autour de alors deficitaire. est ce partage d sot lec trons qui va constituerlaliaison chimique entre deux atomes. Un made angements jation qui autorise ds multiples, des liaisons phas ou moins stables, plus ou moins durables, plus ou moins élastiques association de plusieurs atomes donne nais. sance 4 des molécules. Des arrangem Qnant-gagnant, 0 chacun acquiert dela stabilité équilibrant au maximum attractions at répulsio: ‘Das lors, tout s’éclaire. Larévotution due al'élec: tromagnétisme. formulé par le physicien Jar Clerk Maxwell, fut, selon Einstein, «la plus pro- fonde et la plus fertile que fa physique ait connue depuis !'epoque de Newton». Elle explique non seulement ces assemblages moléculaires, mais ‘aussi les reactions chimiques, Imagine que vous. rapprochies deux structures assemblées a partirde petits aimants. It est fort probable qu’elles se ce stabilisent et donnentnaissance 4 un ou plusieurs autres assemblages. Ces reactions chimiquesentre molecules, qui s'échangent des atomes et modifient leur structure, sont facilitees lorsque qu'on les agite. par exemple-en les chauffant: sila crémé bro lée se solidifie, c'est que, grace a1’énergiefournie par la chaleur, les longues provéines de 'ceuf ont etablides liaisons fortes entre eles, formant un ré- seau a trois dimensions qui emprisonne de l'eau et rigidifie fensemble dela creme, Dans toutes les: réactions chimi- ques, latemperature foue en effet un role essentiel, Et si nous lazes- sentons 4 notre échelle, ses conséquences semblent encore plus spactaculaires a l'échelle micro: Quel phénomene explique qu’un-fil de laine ne conduit pas l’électricite ? scopique, C’était intuition, dans les années 1860, du joune étudiant viennois Ludwig Boltzmann. ‘Ce dernier deviendra par lasuite le pare de la phy- ique statistique, qui explique justement le com: portement de lamatiére & notre échelle par une or- ganisation microscopique particuliére dictée en grande partie par se température. Son intuition lui ‘Vienten etudlant les vitesses des molecules de gaz @ diffusant dans un fuide. Pour lui, la vitesse des molécules de gaz augmente avecla temperature. En poussant le raisonnement plus loin, ses suc ‘cesseurs montyent quela température dela matiore mest autre qu'une mesure de l'agitation de ses composants, atomes et molécules | ‘TOUT EST AFFAIRE DE TEMPERATURE Faisons baisser cette température : l'agitation des atomes dimimie, Dans un ga7, les molécules qui cir- culalent independamment les unes des autres se rapprochent. A partir d'un seuil la températurede fusion), ces molécules sont si proches que leurs avomes s'attirent et des liaisons, encore faibles, ap- Paraissent. On obtient alors un liquide, qui coule Leau liquide, par exemple, ést constituée de mo- lécules au sein desquelles un atome d’oxygéene sat solidement lig & deux atomes d’hydrogéne Mais ces petits atomes, qui prétent facilament eur électron ot se retrouvent chargés positi ment, sont attirés par jes oxygénes des molécules adjacentes, Cette liaison faible est eapable de s‘étirer etdese déformer Et de créer cet effet quasi- La matitre peut ees Sines erro tte ae ee eee La matiére dans tous ses états Pourquoi le Baissons encore la tempé- rature : leg liens entre les tomes so renforcent, Les molécuies se placent les unes Coté des autres dans la configu: ration ja plus stable possible, exigeantie seion Une affaire ‘elements comme, poids, texture, duraté..fl ya fort a parier qu'une chaise serait pareillement pergue par un philosophe grec ou par un physicien actuel. Mais en auraient-iis pour au- ‘amt ia méme conception? Rien n'est moins sir: Car dopuis les premiers savants hellénes, ly a quelque ‘260(Vans, la connaissance sur la matiére s'est on- ‘ichie et comploxtiée au point c’aboutir aujour- hui a des theories fort abetraites et dloignéea de experience directs. Et c'est en comparant oes différentes visions dela matiére, élaborées entre Je yrsidile av. JC, et lexar siéele, que l'on peut Au contact d'une chaise, Aristote, Newton, Einstein et Bohr eprouveraient sans ite les mémes sensations jauget immense évolution de notre savoir, mais ‘aussi apprécier la permanence de certaines re- présentatlons fondamentales sur la nature En particulier cette idée que 'infinie varieta das ob jets du monde, ot leur comportement, reposs sur sles comhinaisons entre un petit nombre d’élé- sments et de principes simples. Tel est 'un des prin- ‘eipeux apport, mais non le seul (voir interview . 26), dex-savants grecs 8 lu science moderne. Lamatiére aujourd hut ‘Lsuffit, pour s'en rendre compte, d'explorer les ‘deux conceptions antagonistes qui, danse flori- lage des théories antiques, en représentent la synthese: Ia thearjedes atomes deLeueippe, au V'sidele av. J.-C., approfondie par son disciple Dé- mosrite, et la théorie des quatre éléments d'Aris- tote, um sidcte plus tard. Pour Démocrite, la matigre est discontinue, ou udiscrétew, forméed'éléments premiers indivisibles (eatomes); Aristote, lui, la représente continue et divisible a l'infini (wlé- ments2), Deux points de vues quiorienteront les recherches pendant des millénaires, avant de s'unir au sein dela science contemporaine. QUID DU VIDE? Pour Leuelppe ot Démocrite, une chaise est com- posée d'une agrégation de particules solides in- sécables, impérissables et invisibles : les atomes Constituants primordiaux detoute matlere, ilsse présentent sous des formeset des tailles d'une in- finie variété : ils peuvent dtre gros, fins, lisse, ru- gueux, crochus(1), rohds ou anguleux. Une chaise dure etrigide sera faite d'atomes petits et cangu- leuxr fortement imbriqués etsolidaires, alors que son coussin, mou et malléable, contiendra des tomes plus arrondiscar la rondeur favorisele glis- sement des uns par rapport aux autres — glisse- ‘ment qui atteint son maximum dans les liquides, faits de.gros atomes rons, qui roulant fgeslement. Les atomes, ainsi éleves au rang de «principe pre- mmior», partagent leur primauté avec deux autres principes sans lesquels rien ne pourrait étre : le vide, considéra comme aussi rée! que le piein, atte et aes eriee nines ll faut que le vide soit un lieu o@ il y ait extension d'un corps tangible. ARisTOTE mouvement, qui engendre ou détruit les assem- blages, Le matériau de la chaisenalt de la combi- najson d'une muktiplicite d'atomes tourbillonnant dans le vide, qui se rencontrent et se heurtent ; des congruences, ou «symmetries, permettent a cer- tains atomes de s"unir. Selon Leweippe et Demo- crite, un tel mécanisme ne peut se concavolr que s'ilexiste effectivement un milicu vide dans Tequel los atomes se mouvent et se rencontrent librement. Orie vide est problématique... Selon Aristote, qui ‘connaissait patfaitement la canception atomiate, Leucippe aurait pris dessein le contre-pied du phi- logophe Parménide (v" siacteay, J-C.), pour qui le vide etait une impossibilité du monde, Aristote Teprend ason compte cette whorreur du video: Jd est absuirde qu'un point soit vide, écrit i. En effet 4 faut que le vide soit un lieu ou Jty ait extension d'un corps tangible (2). Pour lui, c'est lamatiére qui engendre!'étendue,1'espace, dou 'absurdite de parler d'un espace vide. Sa chaisene contiondra donc pasle moindre interstice non-rempli.Bt, sous atomiste sera mise an sommeil jusqu'au xvur siécie (voir p. 26). Mais la domination @’Aristote n'est pas totale- Je penseur étudia tous les aystemes du monde imaginds par ses prédéces- seurs ~ Thalés, Anaximandre, Anaximéne, Em- pédocle, Leucippe...—et en tire sa propre concep- tion. Fides atomes ot du vide, la chaise d’ Aristote ‘est faite d'un mélange subtil des quatre éléments ‘primordiawe: oau, terre, feuetair. Les scientifiques smodemes feront remarquer, piusde deux mille ans plustard, qu'avec cos quatre éléments, Aristote ‘et se5 prédécesseurs ont l'intuition des quatre ‘tats principaux de la matiére ; solide (terre), li- ‘qulde (eau), gazeux (air) et plasmatique (feu). En Lamatiére aujourd'h [Selon Anstote] revanche, le maitre ajoute a la liste un cinquieme élément, la uquintessence (ou wéthern), reserve ala sphere asupralunairan, c'est~t-dire aux astres ‘ot aux espaces célestes : le cinquiéme élémentem- ‘lit 'espace et se condense en spheres parfaites ‘pour cloner naissance aux astres. Cette idée d'un ‘éther comblant le vide spatial accuperal'ssprit de générations de savants arabes puis européens jusqu’a I'aube du x siacte, of un jeune cher- cheur allemand, Albert Einstein, le déclare su perflui, @vacuant définitivement dela science. A MI-CHEMIN ENTRE MATIERE ET PRINCIPE Concernant lemende ésublunaires —la Tarra et ses habitants -, la théorie des quatre éléments d’Aristote résout la contradiction entre la possi bilité d'un mouvement et 'impossibilite du vide malgré l'absence de ce dernier, la chaise peut se mouveir et ses constituants s'assembler ou se dissiper car les quatre éléments, bien qu'ils em. plissent taut I'espace sublunaire, ne sont pas des Solides ou des objets matériels. Contrairement aux atomes, ce sont des essences, & mi-chemin entre la matiéte (physique) et le principe (idee) Du coup, la chaise ~ st tout objet inerteou vivant — nest pas une combinaison d'entités solices (les atoms) en nombre fini, mais un mélange subtil des quatre ¢léments, un veritable amalgame dont les Tapports peuvent varier de maniérecontinue, sans limitation. Selon son poids et sa dureté, une chaise enferme les quatre éléments en des proportions va- nables, avec une précominance pour Ja terze et eau, qui «tirents Vobjet vers te bas et expliquent qu'elle ne s'envole pas comme la fumée (voir en: cadré p. 22), Une chaise légére contiendra plus d'air et de feu qu'une chaise lourde. Comment les éléments tiennent ils ensemble ou se séparent-ils? Reprenant le concept du philosophe Empedocle, Aristote y voit 'action de!'amour (attraction) etde lahaine (répulsion) entre ses constituants Les quatre éléments se répartissent ces qualités de-maniére déterminée : te feu est chaud (qualité primaire) ot plutot see (qualité secondaire), alors que l'air est humide et pluto chaud, Ia terre est surtout séche et plutdt froide tandis que l'eau est avant tout {rode puis humide. Selon cette ré- Du mélange entre éléments et qualités émergent les objets et les étres vivants mais aussi les humeurs, maladies, sentiments Aux quatre éléments dela sphere «sublunaires, Aristote adjoint des principes ou regis. les qua- lites, deux a deux opposées - le chaud et le froid, fesec otl'humide. Sur 'axe chaud-froid, lechaud est associé au mouvement ¢t a |'impulsion, et le § froid ala passivité et a larésistance. Surl'axe sec- J humide, le secest lié a la séparation et ala contrac- 2 tion, I'humide au rassemblement et a la détente. 24 SAV Hesse partition, la chaise sera majoritairement compo- é0 do 'éloment terre (seche et froide), car elleest inerte et tend & se désagréger naturellement, contrairement aux étres vivants qui, composés majontairement de terre et d'eau, contiendraient également une bonne proportion de feu, Du mé- lange de ces éléments aux qualites bien définies ‘émergentnon seulement les objets mavériels etles tres vivants mais également les humeurs, ies ma: ladies, les sentiments, Par exemple, le earactore des hommes se répartit en quatre modes : ee «i- Jouxs (coléreux) associés a 'élément feu, les wmé- lantcoliques® associés la terre, les esanguinss as- sociés a Mair et les aflegmatiques» associés a Teau. Une vision cohérente, unifiée et explicative ui, aver celle de Leucippe et Démoonite, plantele cadre dans teqquel la pensée suria matiére—et sur Univers — se fraieront plus tard un chemin jusqu’ ‘son aboutissement mederns, RomAn IKONICOFF 1) apport tari de tucrice (98-55 a te zeae (60, Les Bales Lettres, tad. H. Carteron). Se Peak Nee aLteehce nest pas si éloignée Ce FEM ed PROPOS RECUEILLIS PAR R. |. ‘SN Hon r= 25 eae Ly See Cea racy autant queTinverse mais on oe reer eee taba) La matiére selon Newton sous l'emprise de la gravitation Fin du =) Newton remise Arist ote i Feeney terol 9 je)seececcl /} 0 a MT paatcleel stele ore ‘orsque Newton, a la fin du xviitniécte, tourne son regard vers la chaise da-son bureau, il ne peut que rester sceptique sur 1s composition at Je comportement de cet objet effort des Anciens pour clarifierle concept de ma- Hidré a certes eu le mérite d'asseoir las réflexions ‘sur un mode:rationniel 6t scientifique. Mais le contenu de leurs théories laisse 4 désirer: une chaise pése-t-elle parce qu'elle «veutu rejoindre ie centre de la Terre? Newton préfére temodeme Ca- liiée, qui, iant les concepts da masse et de mou- vertent, aétabii les premieres jais dela mécanique ‘sur une base strictement mathematique ‘Galilée s'est intéressé 4 deux types de mouve. ments : Jes déplacements horizontaux et lachute varticalo, .. Pour leo premiore, i! a découverte prin- elpe c’inertie: tun corpe impulse sur un pian hori- zontal poursult Indéfiniment son mouvement & vi- teBse Constante éten ligne draite ~ sion fait-abs- traction du frottement avec lair et le sol ‘Autrement dit, en !'absonce de perturbation, un La mauiére aujourd' hu [ corps garde une impulsion constante, qui est le produit de sa masse et de sa vitesse. Elle tra- duit, en quelque sorte, la «puissance» véhiculée par Ce corps et mesure son cinettien. Cette der- niére indique effort qu’il faudra exercer pour le freiner ou le faire changer de trajectoire, Newton} LA LUNECOMME LA CHAISE... Concemant la chute des corps, Galiléea découvert ‘qu'elle ne dépendait pas de1amasse. Deux chases de 5 et 10kg lachées ensemble de la méme hau- taur, touchent terre en m&me temps, aprés avoir ‘subi une méme accélération. Le savant ena déduit la Jol d'accélération, qui depend uniquement du temps de chute: quelle que soit la masse de la ‘chaise, si, auboutd'une seconde, sa vitesse est de 10 matres par seconde (m/s), & la 2seconde, elle sera de 20 mvs, puis 4 la3*, de30-m/s, ete. Galilee a fourni ainsi Ja premiére loi mathématique de la chute des corps,.. Restaient les mouvements «mixtess, ni purement horizontaux ni en chute libre, comme pour un boulet tiré par un canon. Selon Galilée, ils combinent les deux mouvements précédents : une chute verticale dont I'accélération est due 4 la gravité, et un déplacement horizontal tuniforme lié a linertie de la masse. Le résultat de cette combinaison est une trajectoire parabolique, Ces lois de Galiiée, énoncées en 1904, Newton les a lues. Bt avec elles, il entre ason tour dans étude scientifique du comportement des corps pesants. La chaise qu'il a sous les yeux a done changé de statut: sa matiére ne «veut ni re- Joindre le centre dela Terre, nis'anvoler vars la Qu'un corps agisse a distance sur un autre, cela me. parait absurde. Newton sphére hunaire. Ele ne fait que suivre des lois ma- thématiques qui lient ses mouvements & sa masse ot lattraction terrestre,.. Mais com: ment exprimer cette attraction ? Que dire des lois qui régissent Jes masses eextrsterzestresu, les astres? Si Galiléeest reste muet.a ce sujet, le sa vant anglais a son idée sur la question: les astres ne se comportent pas autzement que les chalses, et vice versa ‘Aprés deux milleans doubli, sion. dela matitre.La mé- vit. Mais c'est surtout séaction entre des atomes tes atomes chers aDmo- ——_taphySique ainsi evacuée, ‘a partir des années: 1770, Goxygene et crite resurgissent. C'est 'An- Katomisme peut devenir que démarre la révolution qui produit de'l'eau, ft glais Francis Bacon qui,eu un outil de recherche modeme de latomisene, démontre également que yo siete Outwe la vole Sui- scientifique: Versa fin du grdce auxcteveencde La- ‘Tai €5t Composé daypéne vi parle Francais Pierre Gas- xv" $écle, Newton, partisan voisier Le Francais dlifriine et d'une auitre substance, sendi. Mais, alors. que les An- del'atomismne, s‘inspire de —-définitivementles theories ‘azote, Enfin, il établit la loi ciens faiselent des atomes. sa théorle de la gravitation _caneurrentes. en montrant selon Eaquelle la quantité de Je principe du monde et des universelle paur pastuler que la combustion résulte _rmatire (atornes) ne varie. ‘sa nature, contientt toujours le simples, ou types @atornes. En _méme nombre d'atomes ou ‘1803, le chimste britannique de molécules. La masse ato- John Dalton montre que cha- mique d'un elément sera alors un de ces éléments est carac- donne parla mesure du poids +trisé par un poids (ou masse) de Tlie du gaz correspondant. atomique particulier, H devient ies Gt seenear ecm, ‘ies, Gassondi les niduit que les atomes tiernent dela combinaison datomes pas au cours dune rfaction (talien Amedeo Avagacro: Se ‘un systéme pratique pour ensemble grace &desforces —particuliers. donne lexem- chimique. Lavolsier laissera, ee isseque los clements pour organiser notre comprehen semblables 4 ls force de gra- ple de 'cairinflammable», _derrire lui une nomen cia- ‘Vitre (1) de gaz,quel quesoit en fair une nomenclature 2 SAV Horse Solon sa théorie de la gravitation universelle, pu- blige on 1687, la Lune est semblable a la chaise: C'est un corps doué de masse qui interagit & dis: tance avecla Terre via la force de gravité. Et c'est ce concept de force a distance, ignoré de ses pre: décesseurs, qui relie la chute des pommes au mouvement des astres, Certes, déja en 1549, Co- pemnic avait miné la oonception grecque en faisant de la Torre uno simple plandte en orhite autour du Soleil. Mais aucun copernicien, pas méme Galliée, n’avait réussi a remarier les physiques célestes et terrestres, Pourle faire, Newton ne s'est pas seule- ment appuye sur Galilee. L'astronome al- lemand Johannes Kepler (1571-1630) Iu) avait également ouvert la voie en mathé- matisant le mouvement de la matiére par étude des astres. Kepler découvre no- tamment, en observant Mars, quesa trajec- toire n'est pas circulaire mais elliptique ‘ot que leur vitesse varie au cours de leur révolution. Mais rien a priori ne reliait les, ‘Séquations kepleriennes a celles de Galilée, indiquant Je mouvernent d'un objet plus terre 8 terre (comme une chaise). D’ ailleurs, comment pourralent-elles I'étre, puisque 2a chaise chute sur le sol, alors que les astres se tiennent en sus- ‘pension? Newton propose une réponse: sila Lune ne s'écrase pas sut Terre, ce n'est pas qu'elle lévite. Au contraire! Elle tombe, mais rate systématique- ment sacible. Newton en est convaincu : sa chal- se, sil'on pouvait la projeter avec suffisamment de force dans laspace, feralt de mame et tourneralt indéfiniment autour dela Terre. Comment le- savant de Cambridge en est-il arrivé ‘Acette conclusion? Newton sait, grace 4 Galilée, SAI Hrs Shie« 29 ‘La matiére aujourd hui (5: que s'il lance sa chaise a |"horizontale, calle-ci, avant des'écraser surte sol, va décrire une trajec- toire parabolique composée d'un mouvement d'inertia reetiligne uniforme (horizontal) et d'un mouvement de chute (vertical) accéléré par la gra- vité, Le Britanniquese demande ce qu'il se passe- rait s'il augmentait progressivement la puissance de projection horizontale dea chaise. A prior, ar ponse est simple: la force d'attraction terrastre est constante, et l'impulsion est plus forte, donc la n'ya plus de sol: dans son mouvement ahorizon- taly, limenté parla force 'inertie de-sa masse, elle 8 adépassés la Terre, Comme la force de gravite (verticale) continue d’agir sur la masse, la chaise est constamment redirigée vers Ja Terre. Mais son. mouvement « horizonta]» continue @ lui faire rater se cible. La chaise n'en finit done pas de tomber. Jusqu’a devenis une lune dela Terre, dontlamasse est déchirée entre a force d'inertie de san mouve- ment (dive «force centrifugen) qu! la déporte et la Sous Il'action commune des force de gravité et d'inertie, la chaise n’en finit pas de tomber, jusqu’a devenir une lune de la Terre chaise tombe de plus en plus loin. Mais Newton ne tarde pas a réaliser que chaise prend également de la hauteur, non pas quion la projette vers le haut, mais cause... dela courburede la Terre. En effet, plus limpulsion horizontale est forte, plus e voldiela chaise est long, pluscelle-ci voit peu peu s'abaisser le sol terrestre sous ses pieds. Elle continue adéctire une trajectoire parabotique et chuter versie sol, mais il arrive un moment ou... ‘gravité quil'attire, De parabolique, son mouvement Sevient elliptique... Galilee et Kepler fusionnent, La matiére, pour Newton, est donc un jeu de masses en interaction via des forces, Un ballet qv ilexprime par deux ¢quations mathematiques, ‘ou intervient, pour Ia premiere fois, Ja grandeur forcan, symbolisée par la lettre F, La premiére Sauation indique qu'une force exerode sur un objet tend 4 moctiier son mouvement tandis queson iner- tie tend 4 s'opposeré cette modification. Quant ala seconde équi , alle postule que tous les objets mnatériels s‘attirent les uns les autres au moyen de ja force de gravitation partout dans le cosmos. ‘Une force qui est proportionnelle a leur masse, La chaise attire la Terre, autant que inverse. Sauf que ja masse terrestre étant infiniment plus grande que celle dela chaise, c'est la chaise qui tombe. Cette attraction est, pour Newton, une caractéristique in- trinséque de la masse, c’est-&-dire de la matiere, Mais il est fort critique envers ce postulat, qu'l a pourtant énoncé:; « Queda gravite soit infuse, in- hérente et essentielle a la matiére, de telle fagon qu'un comps agisse a distance sur un autre travers Je vide [tout cola me parait d'une telleabeurdite qu’ mon sens, aucun homme capablederéféchir en philosophie né pourra jamais s'y laisser rendre.» Newton, en clair, vait une bréche dans sa théorie. Et c'est bien oe quiT'ennule . ROMAN IkONICOFF ate Dae 3) mathématiques les Fl rexel CPA ASIC Ny Per Cree 2 Cocaine OCI EERO ACERS - EEE PROPOS RECUEILLIS PAR R.l.! SV Hos ee 31 ister eee ees La matiere selon espace-temps deforme BB O)ERS Ice lcceMCON mc) our les contemporaine d’Zinstein, au tout début du xx* sidcle, il est une évidence que nécessaires pour que personne ne songe questioner : la masse , ; d'une chaise représente forcement laquantitede Pee URN matidre—ou d’atomes —qu’elle contient. C'est im Geleuie) ey eyeeccm vec TRCyieMm medict, cla, imvutif... mais est-oe st-vrai? Al bert, du haut de ses 26 ans, en vient 4 douter Et le So Se Nic oo physicien allemand, alors inconnu, cbtient en 1906 la preuve qu'il recherchait: non, masse et quantitée de mati¢re ne coincident pes! Newton, ‘qui régnait en maitre sur la physique depuis pres de trois siécles, en tremble sur son tine. Car Finstein démontre ~sur le papier; mais sien aura la confirmation expérimentale au cours des. années suivantes — qu'il est parlaitement pos- sible d'augmanter la masse de cette chaise sans rien changer au nombren! a la nature des atomes qui la composent. Pour cela, dit-l, il suffit d'im- pulser in chaisea des vitesses proches de celle de Ja lumiére (natée uc), soit 299°792,458 kan par 28 conde. Dans sa théorie dela relativite restreite(1), a Lamatiére aujourd hut [selon Einstetr ‘La loi de } Galilée recélait “ laclé d'une compréhension plus profonde de l'inertie et de la gravitation. EINSTEIN, 34 SEV Hon Sere jl en donne concretement la recette : prenez une chaise de $ kg, imprimez-lul une impulsion qui la projette @ 99 % de la vitesse de la lumiére, et sa masse vaudra 35,4 kg. Avecune vitesse de 99,9 % dec, 22 masse aura plus que doublé et sera de. 111,8kg. A 99,99 % de c, on arrive & 363,6kg. Eta 100 % dec? La masse deviendrait infinie, ce qui est physiquement impossible, La chaise-n'at- teindra donc jamais a vitesse deja lumiere Pour rendre compte de ce phénomene, Einstein s'est fendu d'une belle équation : E=me*, qui se lit al'énergieest égale a la masse multipliée pat la vi- tesse de la lumiére au carré», Que dit-slle? Que I'énergie de mouvement, ou énergie « cinétiquen, transmise 4 Ja chaise par limpulsion initiate, ne une partie se change en masse. La chaise, en Somme, «s'alourditu dés qu’elle se déplace et ce, @'autant plus qu'elle va vite, Un phénoméne que ‘personne n’avait imaging. Et pour cause, dans la ‘vie quotidienne, il est imperceptible: un fautouil @avion, qui aurait acquis une vitesse de 1000 km/h, verrait'sa masse augmenter d’a peine 2milliardiémes de gramme. Infime, donc, mais 1éel ‘tle résultat est la - une chaise qui prend de la vie tesge est de plus en plus difficile a accslerer, car ‘une part de plus en plus grande de son énergie se ‘transforme en masse, ce qui augmente d’autant son inertie, A tel_point que, iorsqu’on ‘approche dela vitesse de la lumiéro, la part d' énergie trans- formes en masse devient préponderante au dé- triment de celle qui alimente le mouvement. ‘Léquation E=me? établit done que matiére et snergie cont interchangeables dans les équations, moyennant le facteur « cs, Ces deux entités phy aiques, que l'on tenalt pour séparées depuis New ton, s‘atimentent'une l'autre... Bref le présupposé masse = quantité de matiare » n'est plus LA MASSE DEVIENT UNE GRANDEUR RELATIVE Ge résultat ast une vraie révolution. Carla chaise ‘qu'Einstein a devant ies yeux, désormais, n'a plus ‘do masse mais une «masso-nargio ». Et pour en donner la valeur, illui faut préciser 'état-de mou- -vemnent dans lequel se trauvelachaise....La masse devient dene une grandeur relative 4 son état de mouvement. Maisce n'est pastout, Carla masse de Ja chaise, mame si elle ne représente plus ~ ou plus -seulement—sa quantité de matiére, garde encore ‘son pouvoir de générer la force de gravité, et dela subir. Newrton 'avait bien dit: les masses de deux ‘chaises s'attirent réciproquement, du fait de la force gravitationnelled distance, Btle chute d'une chaise sur le sol terrestre n’est qu'un cas particu: lier deoette 1oi, celui 00 une des masses-en jeu est si grande par rapport autre que son inertio 'em- péche de bouger : la Terre teste immobile et c'est la chaise qui laejoint. Mais pourquoi et comment la masse dela chaise engendre-t-elle cette farce? Finstein s'attaque blent6ta cette faille De fait, la foree de gravitation newstonienne pré- Sento deux inconvénients majeurs. D'abord, son SAV Hos Se 35 La matiére aujourd'hui [s u} action «& distance». Comment accepter qu'une force se deploie dans Univers sans donner un pro: cessus mécanique pour l'expliquer ? Et comment, en outre, accepter que cette action soit instanta née, comme le présuppose la théorie de Newton, puisque désormais aucune masse-¢nergie ne peut se déplacer plus vite quela lumiére? LA GRAVITATION, UNE ILLUSION ? La deuxteme faille de 1a force de gravité se mani- feste dans lachute des corpe, Galiléeavait montre (voir p. 26) que deuxchaises de masses différentes lachées du haut d'une tour touchaient le sol au méme moment. Pourquoi une chaise de 10kg ne tombe-t olle pas plus vitequ'une de Skq? La ques. Mion tataude Einstein quand il compare lagravitea Fautre force, Vinertie, qui s‘exerce, elle, sur un objet en déplacement horizontal En effet, !'inertie est proportionnelle a la masse de l'objet, c'est pourquoi i] est plus difficile de pousser une chaise de 10 kg-qu'une chaise de § kg. En revanche, deux chalses léchées du haut d'ume tour tombent en méme temps car la force de gravité, elle, n’est pas proportionnelle ala masge des chaises, Une bizar: rerledont Binstein comprend |'origine en 1907 : si la force de gravité se comporte de facon si étrange, c'est... parce qu'elle n'est qu'un leurre! La gravitation, une illusion ? Pour s‘en con: vaincre, Einstein imagine T'illustre Galil¢e, te. nant la main les deux chaises de et 10kg, on haut de la tour de Pise. Mais dans.l'imagination fertile du physicien allemand, la tour n'est plus en Italie mais dans|'espace, abord d'un vaisseau qui accélére progressivement. Galiiée, qui se croit a Pise, resent cette accéleration commes'il s'agis- sait de la force de gravité terrestra: illest plaqué au moment ou Galilée les a lachées. C'est la loi d'inertie : quand onabandonne un objet enmou- vement @ lui-méme, i] poursuit $a course @ vi- ‘tesse constante (voir p. 26), Mais Galilée et la tour, solidaires du sol de ja fusée, continuent 4 subir l'accélération du vaisseau. Résultat: ies douxchaises ont une vitesse - la méme~ qui de- meure constante (Inertie} alors que le vaisseau, la tour et Galilés continuent, 6ux, d'accélérer. Du point de vuede Galilée, tout se passe comme siles deux chaises utombaient» @ ]'unisson vers le sol... COED, Bxitdone la force de gravité, quide- vient inutile puisqu‘on peut déerire experience de Galilée en ne se servant que de l'inertie et d'une accélération. «Cette loi [de la chute des La Terre courbe I’espace-temps et cette courbure agit sur les objets comme s’ils étaient en accélération dans un vaisseau 36 «SAV Ho Se au sol de la tour, comme la tour est plaquée au sol de la fusee (par le meme effet d'inertie de la masse). Idem pour les deux chaises qu'il tient 4 la main: elles pésent lourd car leur masse subit aussi I'accéiération du vaisseau. Et la chaise de 10kg est plus « lourdes que l'autre acausedesa, plus grande inertie a 'eccélération.. Puis Galilée liche les chaises. Elles cessent aus sitét de subir 'accelération car elles ne sont plus liées au vaisgeau, Pulsqru'elles ne sont plus accé. lerées, elles poursuivent leur mouvement & une vi- tesse constante et uniforme, celle qu'elles avaient corps] m’apparut alors dans sa plleine signification, dire plus tard Einstein. Le fait meme de son exis- tence mé frappa du plus grand émerveillement et Je devinais qu'elle recélait la clé d'une comprée- ‘hension plus profonde de i'inertie et de ia gravi- tation. » Pour Einstein done, la force de gravite de- vient superfiue, . a condition d’expliquer pourquot Ja Terre agit comme une fusée en accéleration. Cette explication viendraen 1918, Finstein finira ‘eneffet par montrer quele coneeptde force de gra- vite peut disparaltre, dés lors qu'on considere un espace et un temps qui ne-sont plus immuables. En ‘particulier, l'espace se courbe sous l'effet d'une masse et detoutela matiérede|'Univers. Comme des boules de billard posées sur un drap tendu, ehaque objet matérie| de Univers induit un ‘ crouxs dansl'espacea trois dimensions, dont la *profondeur est dautant plus grande que sa masse ou son énergie sont élevées. La Terre courbe donc!'espace-tomps, et cette courbure agit surles chaises comme si elles étaient en accélération dans le vaisseau de Galilée. Bn d'autres termes, lorsqu’elle chute, une chaise garde une vitesse constante, mais dans un espace-temps devenn courbe. Ce qui donne bien effet d'une acodléra- Uon. La gravité ~ et la théorie de Newton — n'est plus qu'une construction pratique mais approxi- mative et incompléte pour décrire la réalité. Bn 1915, manipulée et triturée par Einstein du- rant dix ans, la masse d'une simple chaise s'est done profondément transformée, Devenus éner- Gie, elle tord désormais l'espace autour d’elle Bello métamorphose ! Mais pour 'heure, Einstein Wen a cure, Fatigué par tant d'efforts, I préfere s'asseolr pour souffle un pou. e ROMAN IKONICOFF (1) Restrnt » car elle ne concer que les mawvements rece unformes cst-dre ron acces ££ lLest faux de dire aad a fait basculer fa physique hors du sens eel Tt ees (erent ee est trés ntutive, et néan- Pacer oe Deere PROPOS RECUEILUS PARR. |. ‘SAN He Se « 7 la fois onde corpuscule Alors qu’Einstein a lls Bohr. en ce début des années 1930, an 7 s'est find un défi: convaincre Einstein matiére et del quota chaise sur laquelle i s'apprévea ‘SASSO! Nest peut-dtre déjA plus sous ses tesses. ‘Bt qu’ll risque done tne fort imonfortable chute, pousse l'audace encore p smpossihile , rétorqquele pore de la relativirs, qui E x i -acmet que'les chaises solent faites ¢'nergie, loin: Ja matiére devient qyeiescoubencraspace auourdettes, mats pax } 3] 3 qu'ellesdisparaissent par enchantement. une onde impossible a lo- Bohr rappelle alors 4 son hdte le travail d'un caliser. C'est la naissance ee pee ey a Ss Seis « : ° 2 wsique avee son B=mc!, de la physique quamtique, te Francais faiedemame on 1904 avectune equa ‘ tion tout aussi courte: «p=h/ve. Elle sicnifie, dernier volet de notre a likeness Gare east plongée dans la matiére de | maenete ae — dl vitesse wee: ene . dees * “associée” une lev. Concretement, un T’Antiquité @ nos jours. ~ diecton, par ecempte, est donc 4 la fois une parti ‘cule matériel et une onde, toutes deux massives. Liéquation donne 'équivalence entre, dune part, "Pru dela masse et de la vitesse de la 34 ey Hien La matiére aujourd'htd [selon ‘quebe ccohdsion est au cosurde la énergie est a premise dds 1926 alee d'un squelatte de noyaux enve- sévolution fn application delanouvelle —_cignon ol des couches opps par une peau diorhi- 9911, ['Anglais Rutherford ——_théorie des quantas. En ondes électroniques (orb ‘Superposées... En ce ‘avait postuié que les atomes. 1900, Allemand Max. ‘ales) se superposent selon —_ qui. concemne le: sont de minusculesesys- Planck avait eneffet compris leur niveau d'énergle xauto- Rutherford y aidentifié le ‘témes solaies» oli les lec qd échelle microscopique ist, C'est le modele énon- proton en 1939, mais des ‘tons toument autourdu —-énergienefloctuait pas. par Erwin ‘considerations sur les poids nnoyau Ce made n'apas —_cantiniimentellefasait des Grice au trowail de findien _atorriques prouvent quits ‘tem deuct ans caren état, sauts Pune valeur a une Base sur linteractionélec- —_contiennent ie vuntel atomve était instable: autre sans passe par les ‘tromagnétique, en 1920, -aales: les neutrons, que idés 1913, Bohr introduit ——veleursinterméliaires, qui gnéralisé par Einsteinen Chadwick ie découvtia ‘idee que les éectrons de uldtaientintercites...Mais 1924, on comprendra vite quien 1932. Protons et nett \ratore se trouvent chacan le modtle de Bahr va égale- que les atornes se lent trons subissent aus la Loi Feet 2: a i ke rf Rien n'existe énergie ‘suit tos. fa! a Ge fa dualiné : ls seront 3 I on courte Qigaa tere een ese leurtour particule et onde, 1 6 ra Peter Higgs \ avant d'étre Cet cena i ee Se aan mesuré. Bove Particule (p}, et, d'auire part, la fréquence de vi- bration de l'onde qui lui est associée (v), moyen: nant une constante h, dite «constante de Plancku... Dela matiére qui davient une onde? Co pavé dans la mare vautlra a De Broglie le Nobel en 1929. Désormais, toute particule «pesantes (mas- sive} se comporte comme un rayon de lumiére. Non pas que les deux choses sient egales: la Non seulement ja physique quantique a transformé la matiére onde et une particule, offrant & ses successeurs un beau paradoxe... Puis en 1924, De Broglie, plutot ‘que de clarifier oe fait, !'a étendu a 1a matiére, Cate dualité pose c'embiée un sérieux probleme aux physiciens: les deux descriptions sont incom- patibles! En effet, une onde est définie soit par sa longueur d'onde, c'est~dire la distance entre deux crétes du signal qu'elle transmet, soit par sa d’une chaise en ondes, mais elle I’a aussi rendue insaisissable matiére a une masse, la lumiére n'en a pas. Mais Vequation de De Brogite fusionne deux modes existence des «objets» physiques qu'on croyait incompatibies: les-ondes ot les particulas UNE BOITE DE PANDORE Ironia du sort, c'est Einstein lui-méme quia ouvert Ja voie & cette incongruité: qu'il refuse alors. En 1905. il a en effet publié un article sur l'etfet «pho- toélecriques, phénomene de transformation de energie lumineuse en énergie électrique. Einstein ydémontrait que la seule maniére de rendre comp: te de cette interaction lumiere-matiére était de considérer que la lumiére se composait de parti- cules sans masse, Jes «photons», Or, au cours du coe stécle, les scientifiques avatent prouvé & de nombreuses reprises que la lumiéze était une onde. ‘Einstein en avait conclu que Ja himiere était une 4 SV Ho Sie fréquence, qui indique le nombre de vibrations de ce signal par seconde. Une onde, par détfinition. setend done dans espace et dans le wmps. En revanche, une particule est localisable dans espa: ce, puisqu'elle est un point, et dans le temps, puis: qu‘on peut la mesuror au temps t qui est un instant précis et non un intervalle de temps. Conséquen- ce; aucun appareil ne peut «voir simultanément les deux aspects d'une onde-particule. Louis de Broglie a avert une boite de Pandore d'ot surgis sent quantité de paradoxes, Par exemple, comme une particule est ponctuelle dans'espace et dans le temps, qu'est-ce qui empé cherait de ia tocaliser sur une étendue inférieure & Ja Jongueur donde associée et dela mesuror durant Un taps inférieur au temps de vibration de onda? Le paradoxe est que cette particule se manifeste ait dans un domaine de temps et d'espace La matiére aujourd'hui [selon Botw} excluant son aspect ondulatoire, oe qui contredit la dualite de De Broglie En 1927, un physicien alle mand, Werner Heisenberg, a trouve la parade a ca paradoxe: le «principe d'inioeritude », Puisqu'une onde n'est ponctuelle ni dans lespace ni dans le temps, alors les mesures que l'on peut faire sur sa [particule associbe doivent hériter de cotte contrain- te, I est done impossible de connaitre simultane. ment et avec exactitude ja position et la vitesse (qui intagre Je paraméwe temps) d'une particule, Conere- tement, on peut avoir uné bonne estimation de la vitesse d'une particule mais on aura alors une Pitre évaluation de sa position, et vice-versa Non content d'avoir transform la matiare d'une chaise en ondos, la physique quantique vient de la rendre... insaisissable: s'y asseoit tient de la gageure! Car. 81 on sait précisément ot elle est, on ignore si elle bouge: le temps de s'asseou, elle aura peut-ewe Me. Et si on sait précisément comment alle bouge, on ignore on elle est! Bohr s'amuse du trouble d'Einstein, mais ils savent tous deux qua le principe d'incerti- tude ne joue qu’a. une échelle microscopique, ce qui carte tout risque d'aocident au quotidien.. «DIEU NE JOUE PAS AUX DES!» Le pére de la relativité, malgré tout, est revolté: cette description de la réalité subatomique signe Ja rue de sa croyance sur la physique, Car, si les équations de cette nouvelle physique, dite «quan- tiquen, décrivent complétement la réalité des pat- ‘cules, alors le hasard pilote le monde... En effet, Bohr, Heisenberg et bien d'autres ne se conten- tent pas d’affirmer qu'll y a des limites 4 la connaissance physique d'un objet, is soutiennent que Jes caractéristiques mémes de Yonjet restent se mavé- alisent @ un certain endroit ponctuel, —_situé quelque part » sur Ja lonqueur de Ponde associée, Einstein fulmine, Comment accepter que co quelque part» puisse tre choisi au hasard parla particule? «Dieu ne joue pas aux dés!r stexcla- me-vil... D'autant qu'il y a pire: avant la mesure, la particule est aussi une onde, donc alle se trouve Ja fois partout sur l'étendue de J'onde ot en nul point. La chaise quantique, par extension, serait done ict et... la-bas. C’en est assez pour Ini! Hélas pour Einstein, de nombreuses expériences conforteront l'idée de Bohr que les objets quantiques ont un don d’ubiquité intrinsequement indéterminées, En clair, le «ews précis oi se trouve la chaise est indéterming tant qu‘aucun instrument n’en a fait Ja mesure. Cat pour Bohr, «rien n’existe avant d'étre mesurd.» Ce nest qu'au moment da son interception par un détectour que ce «flow » est rompl,; les particules TL propose done & gon ami un autre point de vue: la particule est bien quelque part, méme avant la mesure. onde assaciée ne représente que la pro- babilité de la trouver 4 lendroit cherché, étant donne notre méconnaissance d'un certain nombre de parametres. Pref, la qualité et linoertitude PP eapeye ste} (e) gh) dEinstein et de Bohr sont toutes deux possibles 99 Bcouleraient de notre ignorance des véritables ‘bis présidant au comportement de la chaise, et non pas d'un «flou » de la chaise elle-méme La physique quantique serait-ella une théorie Incompléte? Hélas pour Binstein, de nombreuses experiences, des décennies plus tard, conforterant Tidée de Bohr que les chaises quantiques ont bien un don d'ubiquité: elles peuvent se trouver en plu- sieurs lieux et dans plusieurs états en méme temps, tant quon ne provéde & aucune mesure sur jours caractéristiques. La mesure, c'est a-dire l'interac- tion d'une chaise quantique avec un appareillage coonstruit pour détecter, par exemple, sa position, Yobtige @ se positioner. Mais ce positionnement fost aléatoire: si, avant ia mesura, Ia chaise est dans tous leslieux ot états que son onde associée lui per- met, le echoist» qu'elle fera au moment de la mesu- Te ne peut étre prévu... Cela dit, les chaises ne sont pas de simples particules de matiore. Elles en contiennent un nombre gigantesque, én interaction constante avec leur environnement, Bt Einstein, comme Bohr, sait qu'on ne peut donc pas si aisé- ment extrapoler aux chaises les propridtés dérou tantes de T'infiniment petit. I n'empéche: sa main effleure prudemment le coussin vers lequel son der riére s’abaisse. Sait-on jamais ° SOrN CORNER PROPOS RECUEILLIS Pal, V Has Si = 63 Beeson neni ue <) e « Modeéle standard » : derriere cet intitule banal se cache le sacle de toute la physique des particules. Car Fa ce modele, établi en moins d'un de- = mi-siecle par les physiciens du mon- ZG | de entier, a reussi a decrire chacun des constituants de la matiere, sans jamais étre pris en faute. Récit. Ceara eit 4Q ans pour tenir toutes les cartes en main La matiére aujourd'hui (40 ans pour... éme a'ils le disent peu, les phy- siciens, depuis la fin duxx* sié- cle, sont heureux. Fiers, aussi Et pour cause: apres quarante ans de travail acharé, ls ont réussi A construire l’édifice théa- Tique le plus compact jamais congu. A peine dauze briques et quatre forces pour décrire l'ensemble de toute ia matiere connue, sous toutes ses formes ot avoe toutee ses propriétés microseapiques. Bel exploit pour ume théorie dont le nom reste éton- namment noutre et froid: umodéle standard » Peu importe, Frank Wilczek, a |'Institut de tech- nologie du Massachusetts (MIT), Prix Nobel de physique 2004 pour sa contribution a cet editice, ne cache pas son enthousiasme : «Le modéle standard constitue le fondement complet et pro- bablement définttif de la biologie, dela chimie, de Ja science des matériaux et de la plupart des phe- noménes astrophysiques, » Rien de moins. Mais pour en arrivera, que d'afforts | La préhis: tolre de ce triomphe remonte & la fin des années 1920. Les dowx grands piliers de la physique mo- deme, la théorie de la relativité resteinted Einstein et la mécanique quantique (voir p. 32 et 32) vien- nent alors d’étre sortis de terre, D'un cbté, la mé- canique quantique permet de s'aventurer dans Vinfiniment petit. De I'autro, 1a rolativite restreinte autorise la création de matiere, done de particules, 4 partir d'énergie, viala célébre ¢quation B~me?. Stile veulent pénétrer plus avant |'intimité de la ma- tiére, lee physiciens doivent dene marier les deux édifices. Hélas, les deux theories semblent incom- patibles, comme le souligne aujourd'hui le physi- cien et épistémologue Gilles Cohen-Tannoudji # Solon la relativité, une particule produite ici ne (Pout se rotrouver un instantaprés a!'autre bout de Univers, puisqu'elle ne peut passe déplacer plus sapidement queia vitesse de la lumiére, Or en mé: 46 Sv Hone vanique quantique, ce serait, em principe, pos- sible, » Les théoriciens sont dans une impasse. Comment sortir de cotta crise? Un début de so lution surgit en 1928, lorsque le physicien Paul Dirac propose une equation (equation de... Dirac) qui intégre @ la fois les contraintes de la méea- nique quantique et de la rélativité pour décrire las propriétés del'électron, Un vrai tour de force. Mais si sa trouvaille est jugée particuliérement élégante, alle oblige néanmoins a revoir los conceptions hsbituelles de la matiére, PREMIERE ETAPE excite correspond a une situation physique dansta- quelle yapeu de parioules, Etun champ plus exc 1a un easdécrivantun phus grand nomibte de par- ticules. Lathéorie quantique des champs estnée. MATIERE ET ENERGIE SONT EQUIVALENTES Exit, donc, la notion de grain de matiére, qui dis- parait au profit des champs, Une idée nouvelle qui s‘applique aussi aux forces, ces interactions qui Permettent @ la matiere d'offrir mille et un vi sages. Sans elles, la matiére serait inerte. Mais avec la théorie quantique des champs, la fron- tére entre matiére et force s'estompe : comme la matiére, les forces sant fleur tour décrites par das champs quantiques, auxquels sont associ¢es des particles. Et clest l'échange de ces particules qui, dans ce nowvean formalisme, crée interaction. La physique s'en trouve profondément boulever 62. Mais grace a la theorle des champs, mécani- que quantique et relativité restreinte sont en pas- se d'etre réconeiliées. Car les physiciens disposent désormaisid'un outil qui leur permet d’associerles principes quantiques avec I'idde relativiste que matidre ot énergie sont une seule et méme chose. Desa fin des années 1920, le cadre'concoprust dans 5 Exit les grains de matiére! A la fin des années 20, les particules deviennent des champs quantiques qui couvrent tout Il'espace En effet, jusqu'alors, les particules de matiére connues {I'électron et le proton) sont considérées comme ponctuelles. Ge sont des grains microsco- piques, Gr les physicions sont bion obliges do 'ad mettre, equation de Diracne décrit pas une pat- ticule ponctuelle. mais un objet plus absstrait appelé champ quantiquex, qui couvre tout l'espace. Comme les vagues &la surface de la mer, c2 champ adopte différentes configurations, plus ou moins énergétiques ou excitées, Un champ quantiquepeu Jequol va s!épanouir ls modéle standard des parti- cules @lémentaires et de leurs interactions est done planté, Et les cherchours cammencenta batir une théorie quantique des champs, appelée « élec- trodynamique quantique «, pour décrire comment des particules chargées Slectriquement (électrons et protons) imeragissent en échangeant des par- tioules médiatrices de l'interaction électromagn tique: les photons. La période est fertile, Et des 1929, Pauli, Heisenberg et Jordan ont posé les SHV Hos Shfe» 47 La matiére aujourd'hui [40 ans bases de la théorie qui subsiste encore aujour. d'hui. Mais trés- vite, un probléme dé taille surgit. Si les physiciens savent dacrire le cas d'une particule (ouchamp de matiére) seule, jlssont incapables de traiter celui d'une interaction entre deux particules (celui qui les intéresse vraiment!), Plus précisé- ment, la résolution des équations de !’électrody- namique quantique conduit dans ce cas des so: lutions infintes sans aucune signification phy- sique. Bref, cette nouvelle théorie quantique des champs est un bel édifice... nutiisable en pratique. UNE COMMUNAUTE SCEPTIQUE Que faire ? La diffioulte est telle que la solution se fait attendre jusqu’ la fin des années 1940. Ellese présente sous la forme d'une sorte d'artifice ma- ‘thematique, appelé renormalisation, misau point par les Américains Richard Feynman et Julian ‘Sehwringer, et par le Japonais Sin-Itiro Tomonaga Le principe? Partir de l'idee que, a l'origine, la masse et la charge d'une particule sont définies en Fabsence de tout champ électromagnétique ou photon. On parle alors de masse ou de charge nues, Or une particule charges, par definition, émet un champ électromagnétique avec lequel elle interagit, Dune certaine maniére, elle interagit sique 1999 pour sa contribution au modele stan- dard, aujourd'hui a'institut de physique theonque| de Tuniversité d'Utrecht, aux Pays-Bas, «Je fait que |'électrodynamique quantique soit renorma lisabte apparaissait tel un accident ou un miradle. La communauté était extrémement sceptique ». ‘Qu'importe | Grace &la renormalisation, Jes phy. siciens disposent enfin d'une théorie quantique Fin des années 40. Un artifice mathématique permet de décrire interaction électromagnétique avec une précision diabolique avec elle-méme. Conséquence concrete: samasse etsa charge s’en trouvent modifiées. Onpariede masse et de charge chabillées. Ce que les trois, physiciens ont compris, c'est qu‘en remplagant tes paramétres nus par les paramétres habillés (qui ‘sont en fait les seuls qui solent physiquement ‘mesurés), les infinis disparaissent. Méme si pet- ‘sonne, au fond, ne comprend trés bien pourquai, Ainsi, pour Gerardus t’Hooft, Prix Nobel de phy- SRV Hors See relativiste capable de déctire interaction electro- magnétique avec une précision diabolique: ses pré- dictions les plus fiables sont en accord parfait avec Vexperience jusqu'a la douzieme décimale. Im- pressionnant.... mais encore insuffisant pour pré- tendre édifier une théonie globaledelamatiére. Car malgré les succes de l'électrodynamique quan- tique, les physi¢iens sont encore lon du modéle standard. Les autres formes d'interaction en par- Construction du Slac, ticulier celles dites «faiblesn et «fortes — qui sont 'cpuvre au sein des noyaux atomiques~ etla gravitation restent en friche, Comme l'explique Gilles Cohen-Tannoudjt, eau début des années 1930, Enrico Fermi proposa une premiére théorie de interaction fathle. Mais comme dans jo cas de electrodynamique quantique, ces quantites infi- nies ingérables apparaissaient sur le papier. Quant interaction forte, a partir des années 1950, de ‘plus.en plus de particules différentes y étant sou- Inises ont été découvertes: les hadrons, Orie dé- veloppement d'une théorle quantique des champs n'est envisageable qu’avec un nombre réduit de champs fondamentaux s, Quant ala gravitation, i s'est vite avéré qu'll était tout simplement impos- sibled’en dériver une version la fois quantique et relativiste (difficulte qui subsiste encore aujour- hui et qui suscite d'intenses travaux théoriquas) dans le cadre de la théorie quantique des champs. LE COUP DE POKER DES QUARKS ‘Atel point que pour Frank Wilczek, «au début des années 1960, U était loin d’tre clair que le manage de ia théorie quantique et de la relativité sous la forme de la théorie quantique das champs survi- vraits. Deméme, Alvaro de Rujula, ala division de physique théorique du Cem, 'Organisation eu- ropéenne pour la recherche nucléaire, 8 sot vient: «Jusqu’au début des années 1970, la frac- tion de physiciens travaillant sur a théorie quan- tique des champs était faible. C’était une minorité ne se rendant pas compte de l'importance de ce qu'elle était en train d'accomplir. » ‘Cette minorité est pourtant sur la bonne vole, En. 1961, lephysicien américain Murray Gell marque qu'il est possible de classer les hadrons, des particules soumises a linteraction forte dé- couvertes dans des accélérateurs de plus en plus puissants, & l'aide de symétries mathématiques abstraites particuliéres. Concrétement, i pro~ pose une sorte d'équivalent de la table pério- £ diquedes éléments chimiques pourles hadrons, | chacun prenant place sur!'un des sommets de po- = lygones particuliers. Si la proposition du physicien américain est jugée astucicuse, ellen'estfondee ¢ sur aucun principe physique, C’ast juste une clas- > sification. Ce quine peut suffire 4 convainereles 3 SEV Mors Sie 48 La matiére aujourd hui {40 Ne) dial ap 3 spécialistes, D'autant qu'un détail les intrigue’: les symétries utilisées par Gell-Mann pourclassar jee hadrons sembient suagerer existence de trois particules 4 partir desquellés tous les hadrons pourraient étre déduits. Sauf que personne n‘en a jamais vu la moindze trace. Sir de iui, le futur Prix Nobol ne se démonte pas: oi sa construction est plus qu'un artifice mathématique pratique, au- trement dit si elle a des fondements physiques, ces trois particules doivent exister, II leurdonne méma un nom: les quarks. Belle inspiration : en 1967, 'accelérateur du Slac a l'université de Stan- ford, en Californie, donne de plus en plus d'indi- cations que les hadrons, tels les protons, sont des particules composites, donc vraisemblahle- ment constituées de quarks VERS UNE THEORIE COHERENTE ‘Les spécialistes sont ravis; iis ont réduit les di- zaines de hadrons qui se sont matérialisés dans Jeurs ncoéiératours a différents arrangomenta de ois uniques quarks, toucham enfin du doigt, Yélémentarité deia matiére, Mais cotte découverte une autre conséquence réjouissante. Avec un nombre restreint de champs de matiére (en I'oe: currenes trois quarks), il devient envisageable de ‘construire une théorie quantique des champs de Avec la découverte des quarks, en 1967, les physiciens sont ravis: ils touchent enfin du doigt I’élémentarité de la matiére interaction forte. Sur le modéle de I'électracly namique quantique, les futurg Prix Nobel David Gross et Frank Wilczek, a Princeton, et David Po litzer, Harvard, proposent en 1973 une théorie appelée «chromodynamique quantique» qui ch crit comment los quarks interagissent vial'inter- action forte en échangeant des gluons, C'est un succés, Carnon seulement la chromodynamique quantique est renormalisable, mais elle décrit 50 - 5B Has tie par faitement I'étrange comportement des quarks au seinde particules composites : plus les quarks s'éloignent es uns des autres, plus la force qui les lie est importante, un peu comme ja tension d'un Tessortaugmente lorsqu'on l'alionge. On ne peut done jamais observer de quarks a l'état libre, mais seulement des particules plus lourdes qui as- socient plusieurs quarks, les fameux hadrons. Avec une théorie quantique des champs pour Vélectromagnétisme et une autre pour l'interac- tion forte, le modéle standard commence vrai- ment @ prendre forme. Pour autant, i manque encore a |'édtifice une theorie cohérente pour dé- crire|'interaction faible. Plus pour longtemps, En fatt, des la fin des années 1950, te théoricien amé- ricain Julian Schwinger avait avance que les in- teractions faible et électromagnetique pourraient. étre décrites au sein d'une unique théorie, Ce que Son compatriote Sheldon Glashow allait for- maliser mathématiquement quelques années plus tard. Mais c’étaft allerun peu vite-en besogne. En effer, pour que Vedifiee quills avaient imaging tienne debout, il devait respecter une symétrie mathématique fondamentale indispensable a la coherence de toute theorie quantique des champe Pour cela, les trois particules qui véhiculaient Vinteraction faible (les W et le 2) devaient atre, sur le papier, de masse nulle. Or d'aprés ce qu’ls avaient observé des propriates de I'interaction faible, les scientifiques savaient que les parti- cules qui la transmettaient étaient massives. Alors que les physiciens pensaient toucher au but, une fois de plus, la situation paraissait dasesparce, Coup de théatre en 1967: Steven Weinberg et eae ‘Abdus Salar ery SRY Hoa ne» 51 ‘La matiére aujourd hui [40 Abdus Salam incorporent un ingrédient supple: mentairea Ia théorie de Glashow, C'est le boson de Higgs, qui, en étant responsable de 'introduction de nouveaux termes mathématiques dans la théo- rie, annule les effets désastreux causés parlamas- sedesW et du 2 (voir p, 80). Comme l'explique Ste. ven Weinberg, Prix Nobel de physique pour sa contribution la théorie électrofaible, aujourd'hui au départament de physique de "Université du ‘Texas, 4 Austin: «pour la premiére fois, en oe debut des années 1970, nous disposions d'une théorie mathématiquement cohérenie et expéri- mentalement satisfaisante des interactions forte, faible et électromagnetiques. Une belle avancée Pour autant, les physiciensne parlent pas encore de umodéle standard». D'une part, parce qu'un Jong travail attend les expérimentateurs pour va- lider cette nouvelle description des interactions fon- damentales entre particules élémentaires que donne la théorle quantique des champs. D’autre pert, parce que plusieurs questions théoriques t- tillent encore les chercheurs, Par exemple, certai- nes symétries liées a l'interaction faible suggerent existence d'un cquatriéme quark, Cr, a Tepoque, les physiciens n'en connaissent que trois. pour...| CONSTATATIONS EXPERIMENTALES: Pour 1égler le probleme, Sheldon Glashow, Lu- ciano Malani et Jean Iiopoutos couchent le quark charmé sur le papier en 1970. Comme!"indique ce de désormais au laboratoire de physique theorique de I'Ecole normale supérieure 4 Paris ce quark était nécessaire pour des raisons de sy- métrio, voire des raisons esthétiques.» Mais iln'a & cette période d'autre existence que dans la tétedes théoriciens. Le coup detoanere survient quatre ans plus tard. Quasi simulcanément, le Slac etl'accélérateur de Brookhaven, aux Etats-Unis, annoncent la découverte d'une nouvelle particule appelée J/Psi, Il s'avire qu’elle est constituée d'un ‘quark charmé et de-son antiparticule. Aveceetta découverte, la physique fait coup double. Non seulement la découverte du J/Psi plaide pour la théorie électrofaibie, puisque le quark charmé avait 6t6 postulé pour que soit satisfaitel'une de Ses symétries. Mais de plug, la durée de vie dela particule est en parfait accord avec.ce que prévoit Ja chromodynamique quantique, qui décrit l'in- teraction forte entre les quarks. Comme le résume Alvaro de Rujula, «la découverte du J/Psi fut un grand moment de révélation, le premier succes majeurdu modale standards. 52 .Suveossiie éba suite n'est que constatation expérimen- tales, poursuitl. La plus importante est sans doute calle des bosons W et Z, vecteurs de |'in- teraction faible, observés au Cern en 1983. ‘@'était 4 Nod! 82, se souvient Miche! Spiro, recteur de "Institut national de physique nu- cléaire et de physique des particules du CNRS, qui a participé 4 la découverte. Deux groupes indé- pendants, au Cem et & Saclay, dépouillaient les ré- Sultats des expériences UA1 et UA2 menées au Cer les mois précédents, A Saclay, nous avons trouvé cing W, et au Cern trois, En juin, nous an- Rubbia et Simon Van der Meer, les responsabies de lexpérience, se partageajent le prix Nobel |» Plus inattendue futla découverte d'une troisiéme génération de particules, dont le premier repré- sentant & montrer le bout de son nez fut le lepton tau, une sorte c'électron obése et instable, en 1975 auSlae, Une fois découvertel'existence d'un lepton d'une nouvelle génération, le modéle standard prédisait nécessairement une nouvelle paire de quarks associés. Et de fait, le quark beaute at le ‘quark top furent observés au Fermilab en 1977 et 1996. Autant da confirmations qui ont permis d’as- seoir une théorie qui au départ ne reposait sur rien. deconcrat, « Tout cela tientun peu du miracte, s'émerveille aujourd'hui Michel Spiro, en ce sens (que rien ne nous disaita priori que ia théorie quan- tique des champs et leurs symétries étaient le bon conoept pour décrire les particulos élémontaires et Jeurs intezactions, » Pour Jean Zinn-Justin, user vive de physique théorique du CEA & Saclay, lui aussi ['un des principaux architectes du modéle standard, il s'agit d'un miracle dont Jes fonde- ‘ments ne seront réeliement compris que lorsque existeraune thdorie plus profonde encore » Preuve que sur le chemin de la théorie ultime, le modéle standard n’est sans doute qu'une étape. Mais pour 'heure, comme l'indique Carlo Rovelll, au Centre de physique théorique, 4 Luminy, «le modéle standard est un triomphe absolu. Avectui, mous disposons d'une theorie qui décrit exacte- ¢ ment tout ee que nous observons ot qui n'est re- = mise en cause par aucune observation ». Bt c'est bienle paradoxe auquel sont aujourd'hui confran- & ‘tés les physiciens, Le modale standard marcha & bien, trop bien, A tel point qu'il ne lour laisse : pas entrevoir ce qu'il y a au bout du chemin. On} our petcer les derniets secrets dea mati, I eur faut désormais dépasser la montagne quills ¢ ‘ont eux-mémes construite. ‘SV Hors Shin « SB DE Wor nae neous titué de particules de nO ig 5 ' quelles s’ajoute une particule . aa - : P Peete ect a) ay ar sauna Caos Rees ey Muon, instable LS e 4 aeen ee [ets 7 Les bosons . fee ene ace Cea er ere ee es es , forte et fa gravitation, Parmi les bosons, ar ee eee ner leur masse 4 toutes les autres Pee ‘La matiére aujourd‘hui [40 Un jeu de 12 particules de matiére et 4 forces C'est une réussite inconstestable. Aprés plus d'un demi-siécle d'une véritable quéte intellectuelle, Jes physiciens ont réussi amettreun nom sur cha- cune des particules qui composent le jeu dela ma tere, D'aprés Je modele standard, ces cartes sont au nombre de douze et se classent en trois fa- miles (ou générations) de fermions, contenant chacune quatre éléments : deux quarks et ceux lep- tons, dont le plus célebreest I'électron, LES FERMIONS Dare pe sa pécouverre 1967, au Slac (avait été imaging par Murray Gell-Mann en 1964) Avec le modéle standard, les physiciens ont réussi a établir une classi- fication complete des composanis élémentaires de la matiére et de ses interactions, établissant pour chacun une veritable carte d'identité. Douze particules suffiraient-elles donc a compo- ser toute la matiére qui nous entoure? Méme pas Car seule la premiére famille comprend des parti- ‘cules stables: jes quarks up et down, I’électron et Je neutrino électronique. C'est ca care d'as qui suf- fita engendrer toute la matiére qui nous entoure, ‘Outre les neutrinos, les deux autres familles ne comprennent que des éléments instables, La douxieme famille compte dans sos tangs les quarks Dare bE sa bécouverre 1967, au Siac (il avait aussi été imaginé par M. Gell-Mann, en 1964) étrange et charme, le muon (un cousin de !'élec- tron) et le neutrino muonique. Et la troisiéme fa rulle, lan quarks beauté.ortop, le tau (un autre. eou- sin de | electron) et le neutrino tauique, UNE FORCE A PART: LAGRAVITATION Mais si Univers ne comptait quedesparticulesde ‘maniére, ne serait qu'un grand tas imymuabie et monotone. Si, a/inverse, a matiére offre mille tun, ‘visages, ¢'est parce que ces partioules, viales forces, tissent entreelles des liens divers. Elles novent des interactions, que le modéle standard explique par Téchange de particules de forces, les bosons. On re- gense quatre forces : I'interaction forte, I"interaction. faible, I'électromagnétisme etla gravitation. Seuls Jee quarks sont sensibles A l'interaction forte, vé- hiculée par huit particules appelées gluons. C'est elle qui crée ja cohésion des quarks pour former les protons et les neutrons, ou qui assure la cohesion dea noyaux atomiques. La force électromagné- uque est vehiculée par une unique particule, le pho- ton. Toutes les particules de matiére y sont sen- sibles, sauf les neutrinos. Cette force lie par Dare be sa pécouverre 1897, au laboratoire Cavendish de Tuniversité de Cambridge (RL) exemple les élactrans aux noyaux atomiques. En- suite, la force faible est portée par trois particules : Jas boeons W’, W-ot2. La encore, toutes les parti- cules de matidre y sont sensibles. D'intensité plus faible que les précédentes, elle permet, entre autres, au Soleil de briler en corivertissant son hydregane en hélium, Reste la gravitation. Une force & part & plus d'un titre, D'abord, parce que, du fait de sa faible intensité, elle n'a aucun affet 4 l'échelle des particles élementaires. Ensuite, patos quill n'existe pas encore de théorie quantique de la «force de Newtons, celle-ci ne faisant done pas vraiment ‘partie du modéle standard, Pour autant, jes physi- siens savent qu’ils ne pourront pas éternellement faire "économie d'une théorie quantique dela gra vitation. C'est pourquoi ils hui associant une parti- cule, le graviton, quin'a pas encore été observe, Enfin, jamodéle standard campterait une ultima particule, le boson de Higgs. Ni particule de matiére, ni particule de foree, ce joker canférerait leurmasse -auux particules massives. Brique encore hypothet- que aujourd'hui, puisquele Higgs n'a jamais été ob- servé. Ine figure pas dans notre jeu de cartes, DATED SA DECOUVERTE 1956, (mais irventé en 1930 par W. Paul) Le quark up ad/abord &té postulé en tant que composant des centaines de particules soumises & interaction forte (hadrons) observées dans les accélérateurs.S'l avait au départ d existen- ‘ce que sur le papies, le quark up est devenu réalité en 1967 dans l'accélérateut du Slac, a [université de Staniord, lorsque les physiciens ont pris conscience de la nature composite du proton. est en effet avéré que celui-ci était composé de deux quarks up et gun quark down, ‘Tout comme le quark up, le quark down est une ‘particule plus stable et plus legere que celles des cdeunideme et roisiéme familles, Néanmoins, les lois de interaction fable Tautorisent& se transformer ‘en un quark up, Cest ce qui se produit lors de la désintégration radioactive dite béta, du neutron, Composé de deux quarks down et d'un quark up, fe neutron se transforme alors en proton (un quark, down et deux quarks up) en émettant un électran et un antineutrino. Particule éémentaire du mode standard, ectron a ourtant été déccuvert en 1897 par.) Thovrson alors méme que les phiysiciens n'avaient encore aucune idée ces structure dels matiére. Mais cette découverte rmontrait que on powaltaracher 3 la matiere une partie portant une charge ectrique négative, On dovt 23 ectron Tencemble des phénoménes électriques et toutes (es proprigtés chimiques de la matitre, Cest. ‘donc, d'une certaine maniére, la particule dlémentaire uit la pus grande divers efits. Suaperdes wenieud a oiraaee ‘neutrino interagit si peu avec la matiére quil peut traverser des mifliands de tonnes de matiore sans lais- ser de trace. Il est donc extrémement malaisé de le deétecter. En conséqut cles & étudier, et ila fallu attendre 2001 pour se per- ‘suader que les neutrinos avaient une masse. ence, ss propriétés sant dif Les fermions DATE DE sa oécouvente 1967 (lu cuss avait 8 imaginé par M. Gel-Marn en 1964} ‘Pour classer les particules soumises & interaction forte (les hadrons), M, Gell-Mann a d0 invoquer trois, quarks. Apres les quarks up et down, le quark étange est le demier de ce mode orginelinstable lest es ponsable de la longevité relative (de onde de 10 seconde!) de certaines particules hadroniques. En effet, les physicens s‘attendaient a les voir se désintégrer en 10-® seconde, dls qualificatit d'eétrange pour ces particles, puls pour le quark responsable de cette peopndté. ‘moment de sa découverte, on a d‘abord cru que le muon était i particule de force responsable de la -cohésion des protons et des neutrons dans les. ‘oye atomiiques. Ce fut un choc pour les physiciens de découvrir qu'il agissalt en réalité d'une nouvelle particule de matiée alors qu'ls ne connalssaient que Félectron, le proton et fe neutran, La matiére aujourd hut (un je ‘Dare be sa ot couverre Inventé en 1970 et mis en évidence quatre ans plus tard au Siac Triomphe de la théorie, en Hileelae d et d'un cumeeteinecima Dave ns sa ofcouvents 1952, au laboratore national de Brookhaven, prés de New-York De la méme maniére quiun neutrino est associé électron, tout férus de symeétrie qu'ls sont, les physi- ciens se sont rapidement demandé si un autre neutri- ‘no Pvaltait pas de paire avec le muon. Ce qui est le cas! Mais ce n'est pas tout “ls savent désormals ‘que les choses sont encore plus subtiles puisque niu whe ene taco at ‘un neutrino muonique peut se transformer au cours du temps en un neutrino #lectzonique, pis tauique, ‘avant de reprende sa forme initiale Et ainsi de suite. PVT) PAR eel eatoe PW Mats EXCEPTIONNEL LES BOSONS Cy Erika aie Sea Erika aie SOIT PRES DE rf Science & Vie explore Se faves vous chaque Pour compléter vos mois actualité connaissances, les scientifique de fagon 4 hors-série traitent claire et accessible, tous les 3 mois dun mais aussi nourrit le grand sujet questionnement et dactualité, l'émerveiliement face au monde et son furur. nT ij ie profite te votre ofre excentionnets (eocherlcatsen wtreeh) (Cicrabone Science B Viepour? ns 24 numins) + Bhors ois | pour seulement DE au he ce 136-206" salt lus de 40% cle action, secigiepar: (Cleave tancaivecapostel&endre de Science vie L_]¢are barcaie Pod cea ca ea gravité quantique, eer tes ee eater i t Ainsi, tout se serait joué juste aprés le big bang, En seulement trois minutes, la matiére aurait émergé de I'Univers naissant pour former les premiers atomes. Visite guidée d'une étonnante machinerie cosmique. ‘amatiére a une langue histoire, trés longue méme. Et pour cause: celle-ci démarre quasiment avec la naisgance de notre Uni- vers, ily a 13,7 milliards d’années, et se poursuit aujourd'hui, Pourtant, tout s'est joué dans les trois premiéres minutes. Tl n'en a pas fallu da- vantage pour que les particules élémentaires de mnatitre, et les forces agissant sur elles, aequiérent leur configuration définitive, celle qui modéle tous les objets de I Univers y compris la Terre... et ‘homme. Certes, "issue de ce préambule, ¥ a encore ni étoiles ni galaxies, ni meme les 92 typead'atomes (éléments chimiques) qui com: posent la richesse naturelle de notre monde. Il n‘empéche, at = 3 minutes, eles dés sont jetés »: ‘tout est en place pour que, au fil des milliards d’an- néea suivantes, différents processus physiques achévent lentement le travail. Retour sur ce film @ grand spectacie qui a commeneé tout de suite aprés le big bang. SAY Hon Sie «63 LA GRANDE FABRIQUE DE L'UNIVERS SE MET EN ROUTE CU Cee Se a peer a eer ets et ‘upfaible et forte. En consequence, es hasons Ket, yecteuns a et Cea Pet eee ere heels Pg ee ee et as Pe toe eg Ee een er take Senn, Tse or == LA MATIERE Cotte partie originelle du scénario demeure én: core assez floue, mais plusieurs théories ont tou tefois essayé de la reconstituer afin de donner au film son commencement, Selon les théories les plus couramment admises, asa naissance, notre Univers est dépourvu de matiére. Mais il abrite néanmoins une force, ou interaction, la gravite quantique. Immédiatement apres le big bang, celle-ci se serait scindée en deux, donnantd'un cote la force de gravite et der'autre 1a foree elec. trofaible-forte, C'est cette force électrofaible- § forte qui aurait alors donné naissance aux pre~ # mibres particles de matiére. 64 Sev Hesse eet coed ere pred iran Ca) Cc erat Ls morons, Cretae fr Une force qui engendre de la matiére, et non inverse, cela peut paraitre étrange, Carne faut- il pas d'abord disposer d'objets pour pouvoir concevoir leurs interactions? C'est oublier que, dans le formalisme du modéle standard - qui forme l'ossature théorique de ce récit {voir p. 44) jes forces sont aussi des particules : les «bo- sons. Créer de la matiare a l'aide d'une force re- vient done, au fond, & transformer un type de par- ticules en un autre, ce qui est déja moins sur- prenant. En particulier, la force électrofaible-forte ‘est agsocise aux hypothétiques bosons X et Y. 10s aprés le big bang, la force électrofaible- forte commence & se scinder en deux : la force Prater nari ow meena JUSTE APRES LE BIG BANG: LA MATIERE SURGIT... eee pret Glectrofaible et la force forte. C'est alors que los bosons X ot ¥ se transforment en quarks, en électrons et neutrinos, La matiére est née, Et ‘avec elle, son double de particules miroirs que les physiciens appetlent antimatiére : antiquarks, an- ‘tidlectrons et antinoutrinos, Autant de parti ‘cules a la fois jumelleset contraires 4 leurs com- pagnes avec qui elles partagent certains parama- tues (masse, spin), mais s'opposent sur d'autres (charge, saveur, etc.). Leur relation est explosive quand une particule rencontre |'antiparticule correspondante, elles s"annihilent, c'ost-A-dire disparaissent, en produisant une particule de lu- ere, le photon (voir p. 94) Photons ee ere) ee neernnepeney fe Sas ree sre fl ae ir szcnenr sur vunivers annihilation matiére-antimatiére produit de gtandes quantités de photons, qui se rematéria- lisent aussit6t en paires partioule-antiparticule. Depuis 10" 3, tous les bosons X ot ¥ ayant dis- ‘aru, Univers renferma uns sotipe de quarks, 'électrons et de neutrinos, tous accompagnés de leursantiparticules respectives, ainsi que de pho- tons, en constants interaction. Gas photons sont désormais les rois de "Univers : ils ont repris le r6le tenu jusqu’alors par les bosons X ot ¥ dans la leprae ae ..-EN RESULTE DIFFERENTS TYPES DE PARTICULES QUI Photons ——— ead — ~ ee ae ae en Seen te ie Se eee Cenc ete cad nt d erg ene capacté cd mos. Mais 4 peine installés sur leur trone, oes rois paraissent déja surle déclin. En effet,t' expansion cosmique entraine une diminution progressive de leur énergie. Or, comme I'énergie est le moteur des transformations des photons, et qu’&ce moment- la il fait dé}a © peinen 10° degrés, les transfor mations de photons en matiére se raréfient. Ré- sultat, au fil du temps, les photons perdent une Partie de leur pouvoir: iy ade moins en moins de création de paires particules-antiparticules de matiére, Ce quine signifie pas que celles-ciaient ‘cessé lour lutte a mort. Quelle que soit la tempe- rature, en effet, matiére et antimatiére continuent As'annihiler. Conséquence : "Univers se vide pou a peu de sa matiére et deson antimatiére pourse peupler de photons, Comment se fait-il, alors, que seul I'Univers matériel alt perduré? C'est une des énigmes de la cosmologie moderne qui mobilise tout un pan de la recherehe en physique (voir p. 94), La tampératureayant a cette époque suffisamment baiss6, le sodnario quitte ici le do- maine de Ja fiction tirée de I'imagination des § théoriciens pour puiser désormais son inspiration Sala source du modéle standard. 66 SBV Har Sie oe QUATRE FO SQNT EN PLACE La température passe progressivement de 10a 10 dogrés {milte milliards de degrés). Sous!'effet de ce refroidissement cosmique, la force électra- faiblesescinde:: d'un coté, la force électomagné- tique, de l'autre, la force faible. Cette fois, [a dis- tribution des premisrsréles parait- complete: si'on ajoute la gravité et la force forte, Univers compte désormaisles quatre forces uswelles. C'est a ce me. ment précis que se serait déclenché le «méca- nisme de Higgs» par lequelles particules de ma- tere acquierent leur masse. A cestade, tous les ac- ‘tours de la matiére ardinaire sont done présents sur la scene cosmique. Mais la matiére elle-mém tele qu'on la connalt aujourd'hui, tralne encore un peu en coulisses, Car tout ce petit monde ne peut encore se combiner et s'associer efficacement. En cause: la température toujours trop ¢levée qui continue. faire le jewdes photons. Enettfet, ces derniers n'ont pas encore totalement perdu leur ca- pacité agir sur les particules. lls ont encore assez d'énergie pour priser dans I'euf toute velleite union. Plus pour longtemps. VONT BIENTOT S’ASSOCIER LES UNES AUX AUTRES... Se co 2 tery rt Cette fois, le regne des photons touche vraiment & sa fin, Le thermometre n’affiche plis que mille muiltiards de degrés, L' Univers est donc désormais ‘wep {roid pour leur permettre de contrecarrer I'at- ‘waetion de la foree forte, Malgré la poursuite du pro. ‘eassus d'annihilation particule-antiparticule, qut continued viderle cosines, de nouveaux acteurs ‘entrenten scéne : les quarks s'unissent par groupes de trois, formant es neutrons et les protons, PLES PROTONS PRENNENT LE DESSUS ‘Le combat continue de faire rage entre particules et antiparticules. Seule une infime quantité de ma- ‘dare échappe au carnage cosmique. Pour |'es- sentiel, i] ne reste bientOt plus en course que des: protons, des neutrons et des électrons. Un équi- libre précairese forme alors entre les protons et les ‘Meutrons. Alors que les protons, entrées én collision avec un électron ou un antineutrino, se transfor- ment en neutrons, ces derniers, a leur tour, se ert oe changent en protons lorsqu’ils rencontrent un ant-électron ou un neutrino, Pendant ce temps, la température continue de chuter dans le cosmos. Ellen‘atteint bientét plus « que» dix milliards de dearés, entrainant le «découplagen des neutri- nos: ils cessent d'interagir entre eux et avec les autres particules de matiére, Désormais relégués au tang de seconds res, ils ne participeront plus aux combinaisons qui vont aboutir aux formes plus complexes de matiére. Du coup, aux alentours d'une seconde aprés le big bang, 'équi- libre dynamique entre protons et neutrons se fige. Mais la force faible, qui s'exprime enfin, joue les trouble-féte : sous son action, une partie des neutrons se désintégrent en un proton, un électron et un neutrino. Résultat : Je tauxdeneu- trons se met naturellement a chuter alors que celui de protons necesse d'augmenter. Comme te proton est le noyau atomique de 'hydragane, c'est la grande réserve d'hydrogéne cosmique qui est en passe de se constituer. ‘SY Hoes See + 67 ... DE CETTE MACHINERIE COSMIQUE VONT EMERGER Cy - re ee ee Coe ct Protons: — Protons area Recacre NL -NELITRONS ET PROTONS ‘Latempérature chute encore, et atteint un million. de dogrés ; Ia force forte ge met alors 2 jouer les mariouses entre les neutrons ¢t les protons, ce ful entraine ja fin de 'hécatombe des neutrons. Car une fois 1i6 au proton, leneutron nesedésintégre plus, I était temps | Car ine reste plusdans !'Uni vers qu'un neutron pour sept protons. Les survi- vants s'unissentdonc avec des protons et, au ha: sard des rencontres, forment de nouveaux 416- ments chimiques: essenticlement de I'hélium {assemblage de deux protons et deux neutrons), mais aussi, entrés faible quantité, dudeutérium (1 proton et 1 neutron), du lithium (3 protons at $s neutrons) et du beryllium (4 protons et 4 neu- * trons) (1). Aprés trois minutes d’existence, !'Uni- 68 58H Se el | ‘vers contient 3/4 de noyaux d’hydrogene (un pro- ton igolé), 1/4 de noyauxd'hélium et des traces de Uthium, de beryllium et de deuterium. Le principal est fait. Il ne manque plus qu'une detniare étape our voir éclore les atomes : la capture des élec- ‘trons par ces noyaux, E ATOMES EMERGENT ENFIN. La foroe électromagnétique prend la casquette de metteur en scéne. Lespace est en effet suffisam- ment froid - moins de 10000 degrés — pour la laisser agiz. Sous sa direction, Jes électrons libres Se Satellisent progressivementautour des noyaust quills tencontrent. L'etfet est de taille: jusqu‘alors, 1'Univers était opaque, ear les photons, malgré jour prépondérance, étaient constamment absorbes (puis éjectés) par les électrons et les noyauxato- LES PREMIERS NOYAUX, PUIS LES PREMIERS ATOMES posts eed ey Cos ee oct) cere rere ee etc miques. Mais avec le confinement des électrons autour des noyaux, I'espace se trouve nettoye et les photons n'ont plus que rarement occasion de croiser de la matiére, La plupartd’entre eux peu- vent désormais poursuivre leur chemin sans ja- mais renoontrer de particules. L’Univers devient transparent et luminewx.69 *LA GRAVITATION MODELE Lf COSMOS Jusqu’alors, il manquait un acteur majeur au scé- nario : lagravitation. Son invensité est en effet qua- siment nulle fags @ colle des trois autres forces (un facteur de 10), c'est pourquoi elle n'a pas agi di- rectement sur les particules. Maintenant que (Univers s'est refroidi jusqu’a 4000 degrésKelvin (soit 9727 °C, pulsque OK - 273°C), elle entreen oad scene: les grandes structures cosmiques peu ‘vent commencer ase former. En affet, jusqu'alors Jos atomes d’hydrogene et d’heliumn (ainsi queles autres) serépartissaient de facon homogéne dans Ie cosmos, Désormais, 8 wbrouilards est frag- menté parla gravité : d'immenses grumeaux et fi- laments de matiare cosmique vont alterner avec: des zones quasiment vides. C'est dela qu'émer- geront les amas de galaxies avec leurs milliards evolles, Tandis qu’au cosur de ces astres, lafu- sion nucléaire de I'hydrogéne et de 'hélium en- gendrera tous les éléments chimiques manquants, Une transformation continuelle de matiére qui Se poursuit aujourd'hui, Le film est encore loin avoir atteint son épilague, * OMAN TKONICOFF (1) Enréain, ces éléments chimiques son appar ousta forme de Plusewsistopes(nomixe de neutrons diferent). SV Hr Si 69 eet Une théorie moins solide qu'il n'y parait Boson de Higgs ; leer We) (ee! ultime de l'édifice IN CMneieCole Burtstor iy CEieee post) gevebaiests18(3 (Ie son absence reste Dry lok | Matiére noire : T'étau se Tesserre autour des suspects Pete mares concenire d'energie eee Infaillible, le modéle standard? Si aucune expérienc: n'a pu la prendre en defaut, cette théorie clé de | matiere montre neanmoins ses limites. Pour les repous ser, une nouvelle physique s'appréte a voir le jour, Une theorie moins solide qu il n'y parait clens connaissent désormais les secrets des composants les plus intimes de la matiére qui, comme le rappelle Christophe Gro: ricien 4 l'Institut de physique théorique duCEA et actuellement au Cern, est en accord insolent avec les expérienoes réalisées depuis une tentaine d’années auprés des accélérateurs de partioules Quelle autre théorie physique peut, en effet, s'onorgueillir de prédire des résultats avec une précision de Vordre du dime de pourcent?, Sans comp es, Exemples ? En 1983, lee physiciens du Corn ebservent pour 1a pr Miére fois les bosons Z°, W* et W- qui servent d'in- termédiaires a l'interaction faible. Une success 5 SAV Mee «1 ‘Des sectets bien gardés [une theorie i UN WEUD DE CORDES A DEMELER Imaginez que la matiee ne sot plus constituie de particles localsées dans espace mals de minus- cules bouts de ficelle..Cest lide qui sous-tend la ‘théorie des supercordes initiée, en 1968, par Gabriele ‘Veneziano, il se représente alors la matiere sous forme de cordes unidimensionnelles, de 10 cm de. longueur, Il faudra une décennie aux physiclens pour résouxtre bes incobrences de cette théorie extréme- meni complexe, La supersymétiie, en particule, sera _appelée dla rescousse, dati le nom actuel de «théo- Tie des supercordesn, Ces demires évolueraient dans tun espace d 10 dimensions, sit 6 de plus que nos 4 habitueles. En 1985, une théorie cohésente-qui décit la gravitation de manidze quantique est finalernent edifiée. Les acordisteso jubllent, méme 5, jusqu’’ présent, aucune experience n'a pu fournir la preuve ue de telles comes existent lus embétant encore, i Yy a.autant de théories des supercordes quil existerait de types de condes (lermées, ouvertes, Vibrantes...) Un probleme certes résolu en 1995 parle physicien ‘ameéricain Edward Witten:il prouve alors que ces différentes approches ne sont que les mémes fa- catres une athéorie Mn, Mati reste 3 la defini. _storyquise prolonge avecia découverte du quark top en 1994. Ou celle du neutrino-tau en 2000, au Fermilab & Chicago, Mame les assemblages les plus exotiques de particules élémentaires trouvent leur place au sein du modale, Un résultat qui en désolerait presque Richard Kenway. Pendant deux ans, ce professeur de l'univer- sité d’Edimbourg et ses colléques ant développé 14 «SAY Ho Ste \ un réseau d'ordinateurs surpuissants pour tester los prédictions du moddle standard et les mottre a Vepreuve, Mats apres trols ans de calculs in- tensifs, Richard Kenway a di se rendre a l'evi- dence: « A chaque fois que l'on essaiede le tester plus précisément, le modéle standard continue de fonctionner!» En 1997, intrigués par certaines données obtenues auprés des détectours H1 et Zeus du collisionneur proton-positron Hera a Hambourg, des expérimentateurs avaient bien cra Vavoir enfin pris en défaut, Les positrons observés avaient en effet tendance & rebondir un peu trop souvent vers l'arriére, Douze événements de ce type furent détectés par Hi et cing par Zeus alors que le théorien'en prédisait que, respectivement 4,71 et 1. Mais les expérimentateurs ont dd, une nouvelle fois, s'incliner devant la puissance dela théorie et admettre, comme l'avoue Matthias Poez, un ancien doctorant qui a travaillé sur #1, que nJ'écart s’est tasse dans le temps et les ave- nements qui semblaient faire des infidelités au modéle standard ont disparu dans le bruit de fond », Autrement dit, au fil des expériences, les écarts aver les résultats attendus par la théorie sent devenus beaucoup moins frequents. Is ne pouvaient donc plus étre cansidérés comme si- gnificatifs, Cette théorie est-elle a ce point Invin- cible? « C'est une curieuse situation, nous avons un modéle qui fonctionne trés bien, mais dont tout Je monde sait qu’l! est bancal », ajoute-t-il. Comment les physicisns en sont-ils arrivés aun telparacioxe? D'abord a cause de quelques chutres, Autre histoire de chiffres, plus troublante en- core: le 3, qui apparait a de multiples reprises, sans justification théorique, D'abord dans la fagon dont se désintegre le boson Z, qui n'est compatible qu‘avec trois générations de fer- mions, Les calculs montrent qu'il ne peut pas yen avoir moins, or rien n’explique pourquof iln’y en 8 pas plus. Tout aussi mystérieux; pourquoi la charge électrique dea quarks est-elle exacte- ment trois fois moindre que celle des électronsou des protons? Et qu’est-ce qui relie ces charges électriques entre elles? La encore, le modéle standard n'apporte aucune réponse... UNE PARTICULE ENCORE HYPOTHETIQUE Les faiblesses du modele standard ressortent da- vantage encore lorsqu’on s'intéresse aux masses des différentes particules. D'abord parce que la mécanique quantique, quiest en quelque sorte le langage dans lequel le modeéte standard est écrit, peut auyjourd ‘hui décrire toutes les forces dela na- ture sau une, la gravitation. Celle-ci repose sur un autre formalisme ~ celul de la relativité générale — qui est totalement étranger au modéle stan- dard. Dés lors, sas ¢quations ne peuvent rendre compte de I'interaction qui attire les comps l'un versTautre sous!'effet de leur masse respective. Une masse dont on n'a pas non plus totalement élucid lorigine. Un mécanisme possible, intégré dans le modle standard, explique l'apparition de la masse a partir d'une particule enoore hypo- thetique ~le boson de Higgs—que les equations font, hélas, enfler démesurément au-dela d'une energie de 1 téraélectronvolt (TeV), Autant dire Curieux paradoxe pour les physiciens: le modéle fonctionne trés bien. Et pourtant, tout le monde sait qu’il est bancal... Dans les équations du modéis standard apparais- sent en effet 19 constantes, ou paramétres libres, qui définissent aussi bien la masse des particules que la fapon dont elles interagissent. Or, pour Hu- bert Hansen, chercheur en physique théorique et maitre de conférences a I'université de Lyon 1, depuis le début de l'histoire de la physique, les _Physicions sont toujours allés vers ces theories plus esthetiques en recherchant davantage de simpli- cite. Par exemple, on a réduit le nombre de parti cules élémentaires en jeur trouvant des symeétries communes; une vingtaine de paramétres libres, est beaucoup top pour les physiciens qui suraiont bien voulun’en avoir dens|/'idéal qu'un seul» ! que Je processus qui, sur le papier, confére leur masse aux particules est encore loin dl étre parfait (voir p. 80). A défaut de connaitre leur origine nous pouvons toujours comparer ces masses entre elles... Nouvelle incongruité: quatre ordres de grandeur ~ pas moins ! — séparent la masse dia quark top de celle du quark up. Une disparité » énorme pour des particules d'un mame type, qu'auoun mécantsme ne permet d'expliquer, Le modéle standard fixe également a 2éro la masse d'une deces particules de matiére, le neu- trino. Or des expériences menées ala fin des an- nées 1990 ont montré que cotte masse était loin d'etre nulle, méme si olle reste tras faible, Pour SAV Hoss» 75 Des secrets bien gartiés [une théorie. | Caroline Collard, chercheuse au CNRS et au boratoire de I'aceélératour linéaire d'Orsay, ‘uexistence d'une masse non nulle des neutrinos Portions que nous connaissons aujourd'hui», pré- cise en effet Christophe Grojean. L'infiniment petit s'étendrait-i] au-dela de ce que prévoit le me- peut étre intégrée au modéle standard mais i déle standard? Les insuffisances de cette theorie ‘agit d'une sorte de patch pas vraiment naturel et qui ajoute dee paramétres hbres.en plus». Bret, sur Ja masse du neutrino, je modéle standard a bien ouvrent en effet la voie 4 une nouvelle physique, queles chercheurs sentent d'ores et déja a portée de main. Mais dans quella direction aller? été pris en défaut LIUNIVERS MO PAR DES FORCES INCONNUES Autre énigne de taille: deputsdes décennies, les ‘Depuis les années 1970, imagination a été ex. trémement fertile pour élaborer des théories ca- pables d'aller un peu - ou beaucoup ~ plus loin Parmi les outsiders, la «technicouleurn, un mo- astrophysiciens ne peuvent expliquer le mouve- ment des galaxies et des grandes structures de 1'Univers qu'en supposant existence de vastes déle dans lequel le boson de Higgs est considéré comme une particule composite. Mais le modele préféré des expérimentateurs reste la supersymé: quantités de matiére, invisibles anos télescopes, trie, qu'ils sumomment affectueusement » Susy». maisrepresentant jusqu'a 80% de toutelamatiere contenue:dans |'Univers (voir p. 100). Dequoiest faite cette «matiére noiren? Mystare. Mais une certitude s"impose:: ses constituants n'ont mani festement rien a voir avecles particules que nous décrit le modéle standard, Encore un exemple, également troublant; @ la fin des années 1950, deux equipes d'astrophysiciens remarquent que certaines supernovae distantes sont moins brillantes ~ et donc plus lointaines - que pré- vues. L'Univers serait donc en expansion accélé- rée, sous l'effet d'une tout aussi mystérieuse énergie sombre (voir p. 108). Certes, des hypo. theses assimilent cotte énergie sombre a energie du vide, un vide dans lequel se forment ot disparaissent sans cesse et dans les mémes pro: portions des particules. Mais tout aurait été par- fait si Venergie du vide, prédite par le modele 4 ‘LES CHEMINS DE L'UNIFICATION ‘Les physicions aiment les Cost le physicien James choses simples! DepuistiAn- Clerk Maxwell qui le pra ‘tiguité, une grande partie de rnier, ouvre le bal en uni- leurs recherches est guidée —_fiant, au cours du x0° siécle, par une méme volonté de [électricité et le magnétis- crire& partir de quelques: means une mime théorie cconstituants élémentaires, ne reposant que sur quatre ‘insécables et immuables,de _équations. Un siédle plus ‘quoi la matiére est compo- _tard, les physickens Sheldon ‘sde.Enparalléle, un autre —_Glashow, Steven Weinberg ‘mouvernent, tout aussi puis- et Abdus Salam réussissent sant, cherche & eréduires ‘& unifier les forces nuciéaire depuis présde-deux sitcles faible et @lectromagnétique ensemble des théories exis- en une seule et mémne inter- ‘tantes dans un cadre unifi- action, baptisée wélectro- ‘cateut plus fondamental faible. ls intgrent dans standard, n'était pas... 10°” fois plus importante que celle déduite de l'expansion accélérée de "Univers | Enfin, dernier défi lancé aux physi- ciens des particules : pourquoi 'Univers esti composé de pinsde matiere qued’antimatiore? La aussi, Je modéle sur lequel s‘appuie la physique des particules bute sur un os (voir p. 94). «Le modéle standard fournit tous Jes ingrédients pour expliquer ce déséquilibre mais pas dans les pro- portions que mous connaissons aujourd’ hut», pré- tun méme formalise a stein a lalssune physique force nudéaire forte mais _scindée en deux visions du sons luni, encore,’ a force monde que presque tout Glectrofaible 3 travers le oppose. D'une part, relati- modile standard. Denom- _vité générale permet de breux physiciens espérent —_ modéliser le comporternent quelasupersymétie par- de la mative grande viendra les uniren une échelle via la gravitation. Sa force unique &hauteéner- vision du rmonde est celle ge Enattendant de parvenir. d'un espace-ternps déformé 3 (objectfuitime:intégrer et dyrarmique. La force gra & son tour la demiére force: vitationnelle est par connue dela nature, les courbures de cet espace- lagravitation Mais dis tors, _ternps, qui dévient la trajec- Uaffore se cormplique' Car _toire des corps: D'autre part, a mileu du i stele, Ein- la mécanique quantique, Sur le papier, rion de plus facile! Ml s‘agit d'une simple operation mathematique qui associe chaque particule connue une nouvelle particule, son partenaire supersymetrique, non-découverte etaux propriétés identiques, Selon cette théorie, & chaque fermion connu (Jes particules de matiéra) cortespondrait un boson inconnu (les particules mé- diatrices des forces): de méme, chaque boson connu aurait pour partenaire supersymeétrique un fermion non encore découvert. Les quarks se trou- veraient ainsi relias 4 de nouvelles particules nom mées asquarkse et les photons aux «photinoss Elegante, cette astuce mathématique régle bien des problémes. Tout d'abord, alors queles équations ‘base du mad8le standard et totalement ranger 3 la dde-ses extensions troduit le relatvité générale, Réconci- monde de Vinfiniment petit ler-ces detic sceurs ene -ttrend compte des forces mies est donc le défi majeur ‘lectrofaible et forte. Or, le et colossal que s'attachent vide staccommo- 4 relever tous ceux qui dans -de mat du caime de espa- _lesilage de Maxell et des -cetemps de arelativité —__maftres antiques, poursui- ‘générale, C'est un liewsou- vent cette quéte ancestrale ‘his de fortes fluctuations des théores «simples, Le modale standard a aux forces elles correspon- ‘unl Je modéte tlectro- ‘ent A Téchange de part ferent ‘aulesimeédiauices, concept = maintenantaller plis iain, ‘THRORIE CLASSIQUE ranks tity at Covi terrestre du modéle standard ne sont plus stables au-dela d'une energie de 1 TeV, celles de Susy continent 4 tenir la route jusqu'a des énergies de 10" TeV, soit dix mille milliards de fois plus grandes! Carles nouvelles particules prédites par Susy introduisent des mécanismes de compensation qui empéchent les calculs de tendre vers \'infini & cos énorgies Diautre part, une de ces particules supersyme- triques, ls neutralino, pourrait étre un candidat de choix pour la matiére noire. Autant de raisons pour lesquelles Susy continue de séduire les phy- siciens, «es énergies mises en jeu auprés des fu- urs grands accélérateurs de particules permet- tront de vérifier ses prédictions. Inutile de dire que Fenjeu est énorme », précise Caroline Collard Prochaine étape: la supersymétrie, qui permettrait d’unir les interactions faible, forte et électromagnétique D'autant quele supersymétrie permet également de fondre les interactions forte, faible et electio- magnétique en une force unique a des énergies Slevées. Et la gravitation? Liintégrer aux trois autres interactions dans un formalisme unique est un vieux rdve que les physiciens nourrissent depuis un siécle (voir encadré ci-dessous)... Bt dif sérents théoriciens ont proposé des mécanismes qui permettraient d'y parvenir \UNECORDE DANS UNESPACE A 10 DIMENSIONS: Pour cela, certains imaginent par exemple la gra- vitation sous la forme d'une minuscule corde vi- brante dans un espace a dix dimensions. Selon cua eer ata Des sectets bien gardés [une theorie moin serait elle aussi constituéede filaments unidimen- sionnels identiques. qui vibreralent dans un es- ‘pace &dix dimensions, Commeles cordesd'un ins- ‘trument de musique dont s' échappent des notes, leurs différents modes de vibration engendre- alent toutes las particules du modéle standard, dont le graviton, la particule qui servirait de mé- diateur 41 interaction gravitationnelle, Etsi, au lieu d’ajouter des objets nouveaux —les vordes -, la solution consistait 4 remettre & plat notte vision de l'espace-temps héritée 4’ Bin- stein? C'est la voie originale prise par les thdori ciens dela gravitation quantique ahoucles. La gra- vitation s'intégrerait naturellement a la méca- nique quantique en postulant un espace et un temps discrets. Imaginez une unité indivisible de longueur et une unité indivisible de temps. Bt maintenant, imagines I'espace-temps comme un réseau de boucles enchevétrées, avec comme Troisiéme piste: rendre l'espace-temps... nom commutatif. C’est-a-dire tel que «a fois bw n'y soit pas foreément égal a cb fois a». C'est, an le schématisant a l'extréme, le principede hase de la théorie de la géométrie non-commutative éla- bborée par le mathématicien frangais Alain Connes. UNVIEUX REVE REDUCTIONNISTE Lapprincipe est simple mais les implications trés pro- fondes. Alors que l'algébrenon-commutativede la mécanique quantique avait deja bouleversé les no- tions traditionnelles de vitesso ou de distance, ‘Alain Connes a inventé une géometrie qui leur cor- respond, Au final, de ses calculs complexes émer- gent toutes les particules du modéle standard otla Gravitation sous une forme quantifige, Mais derriére ces trois modéles — cordes, houcles et aspace- temps non-comnimutatif —se profile de maniére plus oumoins explicite et revendiquée le viouxréve ré- luctionniste d'une théorie uitime de Univers et de lamatiére, regroupant dans un mame formalismela mécanique quanticnae et la relativité générale et uni- fiantles quatre forces de la nature. ‘Au final, quelle forme prendra la nouvelle physique qui s'étond au-dela du modele standard ?Le denide ces prochaines années sera-de confronter les pré- dictions dees différentes theories avecles résultats d'expéciances toujours plus ambitiouses. 1:faudra at- tendre pour cela ’éventuelle mise en service d'ac- célérateurs encore plus puissanta que le LHC (voir P, 138). Lidéal, comme ie confesse Matthias Peez, tant » d'analyser las données des futtrs collision- nneurs sans aucune idée précongue sur la physique Ay découvrir. La physique est dono, sans doute, sur Je point de eonnaltre un tournant majeur, «Notre Toute une génération de chercheurs, nourrie du modéle standard, va pouvoir le dépasser pour découvrir une nouvelle physique mailles élémentalres ces unités indivisibles. Alors que le tche était impossible auparavant, vous pouver désormais appliquer les équations de la "mécanique quantique au champ gravitationnal et décrire une théorie de la gravitation quantique ! *Personneliement, j'aime beaucoup Ia gravita- tion quantique & boucies. [1 s'agit d'une petite communauté qui défond, face au mastodonte de la théorie des supercardes, une physique tres se- _ duisante esthétiquement, mathématiquement ir 3 réprochable et n‘impliquant pas de bouleverser # note vision actuelle des constituants él4men: § tairea», confie Hubert Hansen, SAV Hes Sve epoque est fantastique! Dans les années a venir, toute unegénération de jeunes chercheurs quia été “Glevée" avecle modéle standard va pouvoir le dé- passer ot découvrir une nouvelle physique...» s'en thousiasme Caroline Collard, Une étape vers la théorie du toutr qui, d'une seule équation, expli- qquerait tousles secrets dela matiére? « C'est peut- dure slusoire dialler jusque-léy, ajoute-telle.. et ‘pas forcement nécessaire. Mais tout porte a croire qu'au bout de cette exploration, le visage dela phy- sique sortira profondément bouleverse | ° AURELIEN PrévosT La nouvelle fis Brae es nouveaux maison B60 (cio) [<3 ean a ie eer SR eee el (Dui, je commande tes numéres suivants des hors-série Science & Vie : Ne _—_______ numros i 6€ tran ‘un Qui jesouhalte commander —_.auméros} de éaivon Speciale «20 ans de congue spatiaies: ‘prio 8,856 Tas de por indus. Ou, je commande __relurets) ‘Science &-We au prix de 10 fait port nue. we: [rise par tnbqe bance ooposia Aono Samco Be] (= 1 Fact ue ena alsa ara es primes de Seen Vi, (Contencent uhorsaoya ube 420601378 ws asgoe un rt cae at ‘mer promt aus omer Pe ore rogue goune rs arwnd over See eprtene arse sorte, Styne ein pat vel Pt Store rout ec par, paton. tose posi, be Mine cor BOSON DE HIGGS Il est la pierre ultime de !’édifice Sur le papier, le boson de Higgs a sauve le modele standard! Mais plus de quarante ans apres son. invention, cette particule censée donner leur masse a toutes les autres reste insaisissable, Plus pour longtemps? Les chercheurs disposent d’un portrait ro- bot de plus en plus précis. iment petit on! cune des briques se prendre dans leurs fil ‘ment, en fait, car une demniéte résiste encore ettou- jours aux experimentateurs.Son nom? Le boson de Higgs. Ou, comme!'asurnomme le prix Nobel de américain Leon M. Lederman, la parti culede Dies. C'est dire si ce boson est un fugitif particuligrement recherche | Et pour cause. Le boson de Higgs détient un premier record : celui de I’élément qui s'est fait désirer Je plus longtemps depuis sa prédiction théorique, ily a deja quarante ans, Mais surtout, cette particule st celle qui, dans les aquations dumodéle stan- , jard, donne leur masse & toutes les autres, c'est a-dire cette capacité de résister, plus ou moins, & une accélération (un objet de masse nulle acquiert instantanément, a lamoindre pichenette, la-vitessede la lumiére), Autantdire quel'absence du boson dans le tableau de chasse fait désordr: Crest au début des années 1960 que sonexistence est, pourla premiere fols, suspectée. Les physiciens sont alors en pleine édification de ce qui ne s'ap- pelle pas encore le modale standard. Leur quéte? Concevoir un cadre unique permettant de décrire ment au photon, responsable de l'interaction électromagnétique qui, Iui, n'en posséde pas Doit-on considérer cette différence comme un détail? Pas vraiment. Gar en physique quan- tique — le langage dans lequel on exprime au- jourd'hui le comportement de la matiére a échelle microscopique - tout abjet doit respec: ter un concept mathématique un peu abstrait, ap- Tee ad d'nteraction», qui vient compenser en chaque en- droit cette déformation et rétablir la symétrie perdue. C'est ainsi qu'on représente une inter- action en physique quantique. DES ABERRATIONS MATHEMATIQUES Probleme ; mathematiquement, on ne sait le faire que sila particule d’ interaction n'a pas de masse. Le photon, qu! n’en a pas, vient donc sans diffi- -culté régler le sort de interaction électromagn C'est au début des années 1960, aux balbutiements du modéle standard, que I'existence du boson de Higgs est suspectée Uigue, Mais pour l'interaction faible, I'embon- Ledatecteur Virgo, en Italie, a pour missian de traquer le toutes les foroes régissantla nature et Univers. Le physicien américain Sheldon Glashow parvient soudain a matier, du moins surle papier, lintera tion électromagnétique et interaction faible, pour former une théorie dite «de l'interaction électro- faiblen Les théoriciens sont aux anges. Maistunion n'est pas tout a fait parfaite, car il manque un présent dans la corbeille de la mariée. Enoffet, experience montre que les bosons W*, W- et Z, qui servent de support 4 interaction faible, ont manifestement une masse, contraire- BR «SAV Hos te usymétrie de jauges. En substance, ce po tulat exige que l'état de l'objet en un liew ne dé pende pas de ce qui se passe en un autre lieu. C'est manifestement vérifié lorsqu’on déorit un systeme de deux particules isalées. Mais ca ne Yost plus, bien sir, si les deux particules inter. agissent entre elles : les propriétes del'espace au- tour de chaque particule sont justement modifi¢es par ‘interaction. Teut le travail du théoricien es done d'intégrer cette modification sous la forme dune troisiame particule, baptisée «particule point des bosons W*, W- et Z entraine sur le papier des aberrations mathématiques monstrueuses. La déception est amére. Heureusement, en 1964, Jes physiciens belges Robert Brout et Francois En- ¥ alert d'une part, at le Britannique Peter Higgs 2 d'autre part. proposent une solution. Elle est au- ¢ jourd’hul connue sousle nom de wmécanismede Higgs ou, plus diplomatiquement, «mécanisme } BEHo, Le sujet qui préoccupe alors les trois phy- 2 siciens n'est pas spécifiquement la force électro- © faible, mais, d'une faran generale, la fagon dont on peut justement décrire une interaction véhiculee a Cee nee re et i tenets Par des particules massives, sana que cela s'a compagne d'incohérences mathematiques in- surmontables, Les trois chercheurs proposent un ingenieux artifice pour y parvenit. «Notre approche repose sur Iidée selon laquelle une force véhiculée par des particules massives est due & une force véhioulée par des particules sans masse, explique Frangois Englert, Ain, n'y aurait pas de différence fondamentale entra cas BY Hse ‘Des secrets bien gardés [boson de Hicos, deux types d'interactions, June se déduisant de l'autre via notre mécanisme, » Autrement dit, il n'y aurait pas vraiment de différence entre ung particule magsive et une particule sans magse. Il s‘agirait simplement d'un méme objet ‘vu sous deux formes différentes, tout comme de l'eau liquide at de l'sau gazause sont deux ‘tats possibles d'un méme élément, Avec cet artifice, concevoir une unique interaction élec- uofajble redevient possible, Concrétement, I'ap- proche des trois chercheurs consiste 4 postuler Vexistence d'une nouvelle particule, baptisée boson de Higgs: son entrée dans les équations engendre de nouveaux termes mathématiques qui annulent les effets desastreux causes parla masse des particules de forces. LACLEDE LA THEORIE ELECTROFAIBLE I faut bien le recomnaitre, ce mecanisme est tout droitsorti d'un chapeau, puisque aucun principe physique n’exige qu'il soit 1a. Mais en 1967, les ‘Americains Steven Weinberg et Abdus Salam ~fu- turs prix Nobel aux 0616s de Sheldon Glashow — comprennent que ce fameux boson est la cléde la théorie électrofaible. Car une fois parachute sur 'édifice, la nouvelle particule remplit effective ment son réle: l'unification électrofaible est un succes, permettant aux physiciens de faire un = pas deplus vers la théorie ultime, selon laquelle 86 «SEV Hat toutes les forces seraient I'émanation d'une uni- que interaction aujourd hui encore inconnue. Le boson de Higgs va méme donner satisfaction au-dela de toute espérance. Car il ne permet pas: souloment de résoudre les incohérences liges au fait que les bosons W*, W- et Z ont une masse, mais c'est également hui qui leur donne cette masse. Comment? Ens‘agglutinant, enquelque Sorte, aeux. «C'est un peu comme si ces parti- cules, sans cesse freinées dans leur déplace ment par des collisions avec une mer de bosons de Higgs invisibles 4 nos yeux, apparaissaient plus lentes, plus pataudes, bref massivess, ex- plique Michelangelo Mangano, de la division de physique théorique du Cern, Une métaphore, souvent donnée par les scientifiques eux-t consiste 4 imaginer une sslie de réception remplie de convives (qrui figurent des bosons de Higgs). Dés qu'une personnalité entre, des convives se pressent autour d'elle, {reinant ses déplacements vers le buffet, tout comme une particule est frei- née par sas intoractions avec le boson de Higgs. Plus la personnalité est connue, plus les eonvives s‘agglutinent autour d’elle: une particule plus «massiven sera celle qui aura la propriété d'ag- glutiner spentanément autour d’elle un plus grand nombre de bosons de Higgs. En étudiant leur nouvelle créature sous toutes ‘ses coutures, les scientifiques ne tardent pas adé- ‘couvrir quele Higgs, par unmécanisme de ce type, eaxplique pourcruol toutes les particules de matiére de notre Univers ont une masse, y compris le boson de Higgs Ini-sméme, qui voit 4 son tour s‘agglutiner ses congéneres autour de lui! Pas étonnant qu'aveoun tel pedigree, ce qui n’était au départ qu'une particule introduite de facon ad hoc pour colmater une bréche dans la théerie, ait fini par prendre comme:surnam «la particule de Dieu». Car personne ne voit vraiment comment le modéle standard tiendrait debout sans son existence. LUE BOSON SE TERRE DANS L'ESPACE-TEMPS. Evidomment, les physicienssesentiralent plus a Valse si l'insaisissable particule daignait se ma- térialiser dans le creuset d'un aceélérateur. Si ellene!'apas encore fait, cest sans doute qu'elle ‘est elle-méme trop lourde (et donc trop énergé- ‘tigue). De fait, #iJe modele standard prévoit I'exis- tence du Higgs, il1ne permet pas de calculor pré- cisément sa masse. Or en vertu del'équivalence entre masse et énergie établie par la relativite res- ‘treinte (E=me%), la particulela plus massive qu'un ‘accélérateur peut engendrer dépend directement del'énergie maximale qu'il peut engager dans une collision, Autrement dit, sile Higgs seterre encore dans les recoins de l'espace-temps, c'est qu'il 1a tout simplement pas encore trouve machine & samesuré. Plus pour longtemps, sans doute ! Car tous les regards se tournent désormais vers le LHC, le super accélérateur du Cern. qui vient @'entror en service. Plusieurs des détecteurs de So St «BS Des secrets bien gardés [boson de Hig ] cette cathédrale de la physique des particules ont justement été congus pour dénieherle Higgs, Sa capture semble donc imminente. Pourl'heure, siles physiciens n'ontpasencorepu observer. ils disposent en revanche d'un portrait- robot de iui de plus en plus précis. En effet, lee équations du modéle standard relient la masse du. boson manquant & celles d'autres particules dont Jamasse est plus ou moinshien connue. Ainsi, adé- faut de connaitre sa masse exacte, jes physiciens ont deja etabli la fourchette dang laquelle elle se situe, D'aprés les mesures les plus récentes réali- ‘866s sur les massos du W et du quark top, au Teva: won, & Chicago, le boson de Higgs aurait 96chances sur 100 d'avoir une masse inférieure & 144giga- éleceronvelts (GeV). Voila pour le maximum. Quant 4 sa masse minimale, c'est le prédécesseur du LHC, le grand collisionneur électrons-positrons (LEP) du Cern, quia permis dela déduirelors d'ex- périances menées dans les années 1990, Résultat: elle serait supérieure a 114 GeV. Pourquoi ? Pare ‘quessi $a masse avait été inférieure, énergie dé- veloppée au LEP aurait été suffisante pour qu'il se matérialise. Vola done le Higgs serré dang une fe- notre de plus en plus étrofte, d’ot il finira bien par @merger, s'il existe. Un point sur lequel les physi ciens n'ont quasiment aucun doute. LES EQUATIONS PERDENT LATETE «Nous sommes quasiment sure qu'il y a un Higgs. D'autant que certaines données du LEP étaient compatibles avec son existence r, précise Y¥wes Sacquin, au service de physique des parti- cules du Commissariat a I'énergie atomique (CEA). Jean-Francois Grivaz, au laborataire de Facebiérateur linéaire a Orsay, qui était impliqué dans I'une des quatre exnériences menées au LEP, va méme plus loin : «Ona vu quelques évé- nements trés suggestifs qui s'accumulaient juste 4Ja limite de masse, autour de 115 GeV.» En clair, le Higgs s'est peut-étre meme déja manifoste. Cependant, \'analyse statistique des données fournies par les quatre détecteurs a rendu un ver- dict sans appel : officiellement, le Higgs nes'est pas manifesté. Mais!'expérimentateur en raste convaineu:: il y avait effectivement selon lui, dans différents produits de désintégration, quelque chase qui ressemblait furieusement ala signature du fameux boson. Et qu'importe si las physicions sont passes & cote puisque désormais, sa découverte ne se- rait plus qu'une question de temps. Qui sait, Y'af- 188 SV Hes Sie faire de quelques mois, peut-étre. Aprés quoi, le modéle standard aura vraiment vu toutes prédictions réalisses, s'affirmant définitivement ‘comme une théorie capablede décrirel’ensemble des particules connues etdes interactions qui les relient. Un jali triomphe de esprit. Sauf que... a bien y regarder, la «particule de Dieu», si elle est la pietre angulaire du madele stan- dard, est aussi ce par quoi cet édifice magnifique affiche ses propres limites. En etfet, au-dela d'un certain niveaud'énergie, de ordre de quelquesté- raglactronvolts (TeV), les equations décrivant le comportement du Higgs perdent la téte. Plus pré- -eisément, sur le papier, le boson semet enfler, sa inasse gonfle, Absurde paisque Ia masse d'une particule est une constante : elle ne doit donc pas dépendre des circonstances. Il ya manifestement ‘unos: au-dela de quelques TeV, les predictions au modeéle standard commencent ne plus avoir auoun sens. Signe qu'une autre physique reste & inventer aux énergies supérieures. A quoi ressem- Diera--elle? Pour Marcela Carena, physicienne au Fermilab, & Chicago, «1a seule certitude, c'est qu’ énergie 4 laquelle om s‘attend a trouver Ie boson de Higgs, t! va se passer quelque chose de nouveau. C'est Ie seul gros pari que je puisse faire », De quoi inciter les physiciens a savourer, cartes, leur triomphe, maisavecmadestie. @ MarHIEU GRoUssON La seule certitude, c'est qu'al'énergie alaquelle on s’attend a trouver le boson de Higgs, il vase passer quelque chose de nouveau. MARCELA CAnENA HE AU FERMILAB, EUTRINO Sa masse défie la physique Longtemps consi- derée comme nulle, la masse du neutrino tévele peu a peu son existence, provoquant l'embarras des physi- ciens. Pour s'en sortir, ils ont échafaude d’élé- gantes hypotheses, Reste a les confronter a l'expérience... ect la particule fantome par excellance, fu- gitive, insaisissable. Songez qu'un new- trio peut traverser des milliards de metes de matiére sans 6ue arrété, Soixante mil liards d’entre eux traversent chaque centimétre carré de notre plandte, & chaque seconde, sans jaisser la moindre trace. Pas etonnant, dés lors, que les phy aient eu le plus grand mala en. dresser un portrait fidéle. Longtemps, en parti- culier, une certitude est reste ancrée : le neutrino, comme lephoton, n'avait pas de masse. Les equa- tions n’avaient nul besoin de lui en accorder une. Na fallu attendre la fin des anné 0 pour que ces préjugés vacillent. Contre toute attente, les physicions découvrent alors queles trois familles de neutrinos — électronique, muonique et tauique = ont bel et bien une masse. Certes pas bien grande ~ plus d'un million de fois plus petite que 7 celle de W'électron - et de surcroit mal connue. { Mais pas nulle. Et cette petite différence empai- ; sonne aujourd'hui la vie des théoriciens, quinesa- 3 vent pas comment en rendre compte dans leurs SRV Ha ere 9 Des secrets bien gardés [newt @quations, Pourtant, avant d’étre ce grain de sable dans la mécanique bien huilée de l'actuelle théorie des particules, leneutrino avait pour ainsi dire sauve la physique, A la findes années 1920, en effet, les physiciens sont au plus mal :I'un de. lours sacro-saints principes, la conservation de Venergie, est ébranlé. Le postulat veut que toute. énergie qui entre en jeu dans un processus phy: sique se retrouve forcément sous une forme ou une autre, au terme de ce processus, « J'AIFAIT UNE CHOSE HORRIBLE... » En clair, rien ne se perd, tout se transforme. Un dogme solide, que la decouvertede la radioactivite: béta remet subitement en question. Observée pour la premiere fois en 1897 par le physicien J, J. Thorn- son, celle-cise caractérise-par 'émission d'un élec: tron par un noyan d'atome instable. Or, seion les constances, !'énergie qu'emports eet électron varie entre 0 et laxotalité deT énergie disponibte pour le noyau émetteur. L’électron ne prend donc pas tou- jours 'intégralite de I'énergie mise 4 sa disposition. Question ; oi: disparait la partie manquante? Pour sauver le principe de conservation de 'éner: gfe, e physicien Wolfgang Pauli suggere, en. 1930, een un reméde qu'il qualifia lui-méme de désespéré «J'ai fait une chose horrible, écrira-t-il. ai postuié une particule qu'on ne peut pas détecter. » Cette particule forcément vinvisiblev (puisque personne ne l'a vue), sans charge électrique ni masse @ Briori,c'estle neutrino, le spetitneutren en italien, ainsi baptisé pour le distinguer du neutron, la seule autre particule connue alors qui soit ¢gale- ment dénuée de charge électrique, Selon Pauli, ‘est lui qui subtiliserait une partie de |'énergialors une désintégration béta. Une intuition, certes bril- ante, mais qui restait a confirmar. Le ouf de soula- ‘gement viendra done en 1986, lorsque ce neutrino Sera effectivement observé pour la premiére fois, Pourquoi a-t-on imaging, dés le départ, un petit neutres sans masse ? Pour une raison trés simple: les spécialistes n'avaient pas besoin de lui en donner une pour interpréter les expé- riences de radioactivité béta. Du reste, quand ‘bien méme il en aurait eu une, toutes les expé- niences suggéraient, 4]'epoque, qu'elle était as- surément si petite que cela la mettait de toute facon totalement hors de portée des instruments de mesure, Bref, cette masse n'étant ni utile, ni mesurable, il était bien plus confortable, pour ‘tout le monde, de la supposer nulle. Une autre raison, plus fondamentale, finit d'en- raciner I'idée de neutrino sans masse. En 1957, 1a physicienne sino-américaine Chien-Shiung Wu Studie a son tour la désintégration béta du cobalt. Or elle constate que les neutrinos émis vont sys- tématiquement on sens inverse de leur spin (un vecteur qui définit la rotation inteme de la parti- cule), En Jangage technique, on dit que ees neu- trinos ont une helicité gauche. Découverte sur prenante, car les physiciens n'ont encore jamais ob- servé de particule ayant une telle propriété. En effet, toutes les autres présentent jes deux types a’héticité possibles: droite (quantitéde mouvement théorique d’Orsay, wen physiquedes particules, fa masse d'une particule découle d'une interaction entre un boson de Higgs et les deux érats a’hélicité gauche et droite de cette particule», Comme au- cune expérience n'a jamais révélé 'existence de neutrinos droits, expression mathématique qui fournirait la masse du neutrino est incomplete. Cette masse ne peut done pas exister. En d'autres termes, elle est forcément nulle. En theorie. Parce que manifestement, la nature en a dé- cidé autrement_ Mais il aura fallu attendre le début des années 2000 pour que l'ensemble dela communauté se persuade de limpensable. Lhy- 0 faut attendre le début des années 2000 pour que la communauté scientifique admette I'impensable: le neutrino a bien une masse dans le mame sens que le spin) et gauche. Le fait que chaque particule apparaisse dans les deux états d’hélicité est méme considéré, a l'époque, comme une symétrie fondamentale delanature. Quel rapport avee la masse du «petit neutres ? Pour le comprendre, i! fautentrer plus avant dans la facon dont les théoriciens décrivent unemasse dans les équations du modele standard. Commele détaille Asmaa Abada, au laboratoire de physique pothase a d’abord pris coms en 1998, au Japon, dans 'expérience Superkamiokande. Celle-cis'in- téresse alors aux neutrinos dits atmosphériques, produits dans les collisions des rayons cosmiques ? (des particules tels des électrons ou des protons | detrés haute énergie) avecles moléculesdeT'at- & mosphéreterrestre, Four en détecter unemaigre ; poignée (quelques dizaines de milliers tout de 3 méme), lea physiciens japonais ont di installer S8Y Hasse « 81 Des secrets bien gardés [neutrino. ‘50.000 tonnes d’eau ultrapure au fond d'une mine, Aun kilometre de profondeur, Car les neutrinos in- teragissent si peu qu'une masse aussi gigan- tesque de matiére, protégée de tout rayonne- ment, est nécessaire pour espérer voirdetempsa autre |'un d’entre eux au cours de sa route modi- fier les proprietés d'une seule molecule, ‘Que constatent les chercheurs? Qu'une fraction des neutrinos muoniques produits dans I'atmo: sphare terrestre se sont transformés en neutrinos tauiquea, Un phénoméne qui, expérimentalement, se traduit par un défieit de neutrinos muoniques Les physiciens, qui ne sont pas a une particule fantéme pres, postulent I’existence d'un neutrino droit, a ja masse énorme dansles détecteurs. De mémié, én 2001 et 2002, pin ‘sieurs expériences, en particulier celle menée a |'ob- servatoire de neutrinos & Sudbury, au Canada, montre qu'une partie des neutrinos électroniques ‘produits par le Soleil jouent. leur tour les particules transformistes etse métamorphosent périodique- ‘ment en les eux autres types de neutrinos. En un mot; Us escillent d'une famille 4I'sutre, Quel hen, la encore, entre cette oscillation et leur masse? Comme!’ explique Thierry Lasserre, au service de physique des particules du Commissariat |'éner gle atomique (CEA), aSaclay, « d'aprestathéorie, expression mathématique qui indique comment SV Ho Sie deux typesde neutrinos oseilient 'un dans ‘autre depend de la difference des carrés de leur masse. Done, si ja masse des neutrinos était strictement hulle, iin'y aurait pas d’oscillation ». Inversement, ‘ces oscillations des neutrinos sont la preuve quela masse du petit neutre n'est pas nulls. Cela dit, de velies oseillationsne livrent que les dif- ferences de masse entre les trois famulles de neu- tuinos, et les physiciens ignorent encore leurs mas- ses absolues respectives. Ainsi, d'aprés Daniel Vi- ‘gnaud, au laboratoire Astroparticule et cosmologie (universite Paris-7), «les expéniences les plus ré- centes indiqruent que la masse du meutsine élec- tronique (sans doute le plus léger) ne devrait pas depasser 0,1 électronvolt (eV), elle est méme pro~ bablement tres inférieure, Et les contraintes ap- ‘portées par les observations astrophysiques mon- trent quela somme des masses des trois neutrinos ‘ne devrait pas depasser 0,5e¥’». En comparaison, Yautre particule 1s plus légére du modéle stan- ard, I'electron, affiche @ elle seule §11 kiloélec- ‘tronvolts (keV), soit plus d'un million de fois plus! C'est dire sie neutrino ne pase pas lourd | Pour autant, sur Je plan théorique, ce poids- plume est un véritable casse-téta. De fait, com- ment. donner une masse 4 la minuscule par- ticule, dans les équations, sachant qu’cn ne la connait que dans l'état d’hélicité gau- cha? En fait, les chéoriciens n’ont pas at- tendu de découvrir ses oscillations pour sa poser la question, Et dés la fin des années 1970, des idées ont getmé dans la tate de plusieurs d' entre eux. Dans Ja mesure ou les physiciens ne sont trine droit, méme si personne n'en ajamais vu he serait-ce quel'ombre. Sortidu chapeau, iI des avantages, «Pour engendrer les masses mi- Auscules des neutrinos de maniére naturale, on est obligé¢ introduire des neutrinos droits dont l'éner- giedemasse est gigantesque, delordre de 10° gi- \gaelectronvolts (GeV), poursuit la physicienne. Or ‘on sait que Je modéle standard de la physique des particules achoppe au-dela d'une énergie de quelques millers de GeV ! Autrement dit, si on peut imaginer des scénarios pour expliquer la masse des neutrinos dans le cadre du modéle standard, on est ‘obligé d'y ntrocuire des particules qui, d'une cer- taine maniére, n'ont rien a y faire. » DES PISTES LARGEMENT SPECULATIVES ‘En somme, on a résolu une é¢nigmeen en posant ‘une autre, D'autres pistes ont done été explorées, ‘qui s‘aventurent au-delé du cadre théorique du modéle standard. On y croise par exemple denouvelles particules hypothétiques ou des dimensions supplémentaires. Mais toutes restent largement spéculatives. Les expérimentateurs sont donc ‘encore Join de pouvoir trancher ta question, Pour I"heure, ils a’ef- forcent plus modestement d'affi- ner la mesure des paramétres qui earactérisent les oscillations ‘C'est notamment la vocation de Liexpérience lexpérience Double Chooz qui Double Chooz pas @ une particule fantome pres, le plus devrait aider simple est de postuler 'existence d'un neu- Jog théoriciens aaller au-dela devrait démarrer dans les pro- chains mois, L'idee? Profiter des neutrinos qui sent emis par le téacteur nuctéaire de la centrale électrique de Chooz, dansles Ar- dennes. « Comme il ya trois types Lagserre, un des principaux res- permet de construire un vértabletermede dt. modéle tJ do neutrinos, explique Thierry masse comprenant, comme il se doit, un ceandard. boson de Higgs, un neutrine gauche et... un neutrino droit. Une fois ce soénario passéala —Tigggy LASSERRE crancniue moulinette des mathématiques du modéle sence or skvsiQUe o¢s standard, on obtient une équation pour la PaRTicuis au CEA,A Saciay masse des neutrinos, Celle-cl indiquant que lapetitesse de la masse des neutrinos gauches s'ex plique par une masse excessivement élevée du neutrino droit hypothétique. En clair, sila masse du neutrino gauche est si infime, c'est parce crue celle du droit at, au contraire, énorme, Pour Asmaa Abada, «ca mecanisme, dit de la balangoire, est le mécanismele plus élégant et vient de I'extension Ja plug économique du modéle standard que l'on puisse faire», Pour autant, ce scénario n'apas que Ponsables dela collaboration, ily a tzois types d'oscillations pos- sibles, chacune caractérisée par ceque nousappelons un angiede mélange. L'objectif de Double Choos est la mesure précise du troisi¢me angle de mélange. Celle-ci devrait aider les théoriciens & aller au-dela du modéle stanciasd. » Reste 4 trou- ver, ensuite, un moyen de mesurer précisément la» masse absolue de cos neutrinos, co qui est loin F d’étre fait. Un casse-téte de poids pour la phy- 3 sique des particules, e: MaTHiEU GROUSSON = St ers Sie. 98 Des secrets bien gar A NTIMATIERE Son absence reste un mystére Le modéle standard est formel: matiére et ani matiére sont générées a parts égales. Elles de- vraient donc coexister dans l'Univers. Or la matiere regne seule sur le cosmos. En cause, un déséquilibre qui serait intervenu juste aprés le big bang. Mais il n'explique pas tout... ntimatiére. Rarement un mot aura autant attiss sité et débride Timagination du public amateur de science-fiction; nombre de récits imaginent, quelque euplee d’antihu- mains en tous points semblables a nous, au dé- tall prés que notre rencontre avec eux annihil rait I'Univers entier. Car tolle est Ia propriété, de cette diéle de «matiére» dont le premier spéciman, I'anti-électron (ou po- sitron), est apparudans aquatic le la phy- 8 ja plume du Britann S ele fait qu’elle porte une charge posée, |'étrangeté d'une antiparti- cule se réduit A cela: quand une antiparticule rencontre sa particule, ta paire s‘anéantit en produisant des photons, particules de lumiere Liinverse est également vrai: suivant l'équa- tion B-me!, un photon, qui est un rayonnement , peut se transformer en masse via la £ creation d'une paire particule-antiparticule. La Sa Hoshi» 95 Des secrets bien gardés {antimatiére...| materialisation est telle que ia masse totale est ‘Squivalente 4 l'énergie du photon géniteur, Aujourd'hui, toutes les particules de matiére re- censées par le modéle standard ont leur antiparti cule attitrée: quark-antiquark, électron-positron, noutrino-antineutrino... Méme certaines particules vehiculant une foree (des bosons) sont atfublées de Jeurantiparticule : par exemple, les bosons Wet W dela force nucléaire faible, Etles laboratoires en-pro- uisent ala pelle(voirencadré p. 98}. Si'antimatiere impressionne os éerivains, ellen’a done plus rien de vraiment exotique pour les physiciens. AUCUN ILOT D'ANTIMATIERE EN VUE Sauf que, dans sa bello normalité, l'antimatiore exhale tout de meme un obsécant parfum de soufte, Aen croire le modéle standard, matiére et anti- matiére devraient en effet se partager Univers & paris égales : les equations prévoient autant de ma tere que d’antimatiere, Mais, sic’est lecas, lest done passé ejumeau de notre monde dematiére? La question hante les physiciens depuis Dirac line peut, en effet, y avoir d'antimatiére dans notre entourage immediat, sinon nous serions ‘déja tous réduits a état de photons, Avec lame: liotation des techniques d'observation, cette évi- dence s'est étendue 4 noire galazie, puis aux galaxies voisines, puis a !'Univers. ell ne semble pas exister d'tlots d’antimatiare dans J‘Univers, sinon on les aurait deja “vus" », souligne Asmaa Abada, chercheur en physique des particules au Iaboratoire de physique théorique de université d'Orsay. Car si 'antimatiére se trouvait quelque partdans |'Univers. il se produirait fatalement un processus massif d'annihilation, Et une telle flambée a! énergie serait détectée partes instru- ments d’observation (satellites ou observataires terrestres). L'idée d'une sfrontiére d’annihila- ‘tions # cone été abandonnée Une autre hypothése eut cours dans les an- nees 1970: il existerait un phenoméne de ré- pulsion gravitationnelle entre la matiére etl’ an- timatiére. qui aurait conduit une séparation étanche des deux, sans l'annihilation. L’hypo- these etait plausible, mais le concept de exé- pulsion gravitationnelle » posait probleme. A lépoqua, un tel effet restait trés spéculatif, Tou- tefois, en 1998, on adécouvert que l'expansion de TUnivers s'accélérait. Ce quia conduit 4 pastu- Jer existence d'une xénergie du vides ou wéner- gie noiten capable de jouer les repoussoirs (voir p. 108). L'idéed’une répulsion a done connu un regain d'intérét. Selon Gabriel Chardin, directeur du centre de spectrométrie nucléaire et de spec- trométrie de masse (université de Paris-XI), «Vhypothése d'une répulsion gravitationneile entre matiére et antimatiére est actuellement considérée comme exotique Mais oheervation de 'énergie noire, qui correspond a une gravite répulsive, incite mnalgré tout les physiciens re- garder du cété des hypotheses non convention- nelles ». Proposition iconociaste, done, face au consensus tatu qui s'impose aujourd'hui ; pour Eerie Cicer Vessentiel des hysiciens, il n'y aurait tout sim- plement pas d’antimatiére dans Univers. Mais cotte absence engendre a son tour son oor- teége dhypothéses, Par exemple, certains étu- dient la possibilité que des tous noirsaientavalé Fantimatiére forméel'origine. Maiscommeonne voit pas pourquoi un tel mécanisme-n'agirait pas ‘également sur lamatiére, 'idée reste marginale. UNE PARTICULE POUR UN MILUARD Lamajorité des chercheurs préférent aujourd'hui un autre seénario. Selon eux, c'est au moment méme de la création de la matiéze, dans les pre milers instants du big bang, quel’ équilibre se se- rait rompu. La matiére aurait été produite en une proportion ridiculement supérieure a celle del'an- timatiére : une particule supplémentaire pour ‘1 miliard de paizes particule-antiparticule. I n'em- péche, cotte minuscule différence... c'est notre Univers! Ce colosse tout en matiére (et vide) et dont la masse avoisinerait 10 kg, ne serait en fait. que le miltiaraieme qui aura survécu au grand jeu de ‘annihilation. C'est dire si "Univers anté-an- nihilation devait peser lourd: si toute la masse nré. sente actuellioment ne constitue qu'une particule supplémentaire pour un milliard de paires, 1'Uni- vers des premiers temps devait peser deux mil liards de fois plus que son poids actuel! Lhypothése d'un déséquilibre au moment de la création des premiéres particules a été ¢noneée eee cee ‘trois elles. La premiére, notée C (Charge), vient duu postu- Tat que es charges électriques et quantiques se conservent fors~ See ee ae eae eee ‘antimatiére: rs pour donner un ensemble oar gies ‘32 produit dans la nature, alors fa transformation qui en serait Sen es a eee Green a Je). CUninvers n'a done pas de direction privilégiée. Enfin, | re ececeat tae tbat cules advient, la transformation se déroulant & rebours peut _adverir aussi uniphoton produit une paie paticule-atipart- ‘cule, lors une paire particule antipaticule produit un photon... ‘Mais la fin des années 1950, des chercheurss‘aperqoivent que lorsque des neutrons de noyaux de cobalt se désintégrent par radioactivitd béta, ls émettent des lectrons dans une direction’ prividgide. La force fable, respansable de cette désinégration, ine respecterait donc pas la symétrie P: Les physiciens se rassi- rent en démontrant que cette entorse la symétrie peut re “compensée par une wiolation sintultanée de la symétrie C: ent -appliquant successiverentC puis P.la symétrie plus globale du systéme, dite «CP »,seralt conservée. Malsen 1964, Fitchet ‘Cronin observent Que cette double symndtrie CP pouvait& son ‘tour ne pas Etre stricternent respectée lars dela ide akaons nestres ti qui met ele ‘aussi én jeu la force faible. Kaons et antikaons, manifesternent, ne se désintégrent pas tout 3 fait de la méme maniére et la ‘durée de vie de Fantikacn semble plus breve que celle du kaon (une observation confirmnée, notaniment en 2001 lors des expé- riences BaBat et Belle). Ce résultat de 1964 a inspiré 8 Sakharov ‘son hypothése que Univers a pu produlre, 8 un moment don- nné, un peu plus de mative que d'antimatiéee Ex a énoncé, pour ‘ela trois conditions +1) Univers doit se trouver dans une phase -wiolente de déséquilibre thermodynamique; 2) un processus fe ‘vorise a création de particule lourdes (baryons) au détriment ‘des antiparticules; 3} on doit observer une wotation de la symné~ ‘tie CP, Une demiére condition démontrée, donc, pour la force faible, mais quil reste observer pour la force forte. pour la premiére fois en 1967 par le physicien so- wiétique Andrei Sakharov. Car les «conditions de Sa- kharovp visont le cwurméme d'un des principes les plus valorises de la physique actuelle : lasymetrie des lois, Blles ont pourtant fini par emporterI'ad hésion eu égard a certains résultats expérimentaux (voir oncadré ci-dessts), Telle qu’ella se présente ¥ aujourd'hui, Mhypothese de Sakharov est la sui- vante: powaprés le big bang, entre 10-* et 10-'s0- i conde, le vide aurait donné naissance des parti alles virtuelles, les bosons X et ¥. Ces particulesau- 3 ralent engendré les premiéres véritables particules | SAV Hans» 97 La solution theorique donnée au probléme de rupture de symétrie comporte j un bogue. FZ AAswha nap CHENCHEUR AU LARORATOIRE DE rerstoue THtarigUe A Orsar de matiére et leurs antiparticules : quarks, anti- ‘quarks, leptons et antileptons, C'est lors de cette gonération que la symétria se serait rompue. Pro- gressivement, toutes les antiparticules auralent trouvé un compagnon pour s’annihtler, I'infime surplus de matiére (une particule pour un mitliard de paires particule-antiparticule) serait resté ot aurait donne naissance, par une chaine de trans. formations, 4 notre matiore telle qu'elle est au- UANTIMONDE EN LABORATOIRE jourd'hui. Amplament discuté et en quéte d'une confirmation plus «robusteu, le scenario n’en est pas moins globalement admis, # Jenne.connais pas grand monde qui chercha dans une autre direc- tion », précise Alain Riazueto, de institut a’ astro- physique de Paris. « Les physiciens sont en majo- rité persuades, pour le moment, que les condi- Hons de Sakharov sont necessaires a rasymetrie matiére-antimatiére », raconnalt Gabriel Chardin. ers peices eres " Sil'hypothése de Saitharav est donc majoritai- rement admise, les détails du mécanismede rup- vuredelasymnétrie entre la matiere et l'antimatiere sont en revancheautant de portes ouvertes vers Vinconnu et vers... de nouvelles hypotheses Certes, des expériences ont bien montré que cer- taines lols régissant le comportement de la ma- tere peuvent présenter des « asymétries », c'est- a-direne pas generer exactement la méme quan- g secrets bien gardés [antimatiere. | tité de matiére que d’antimatiére, C'est lecas, par exemple, des lois de interaction nuciéaire faihle (wair encadré p. 97). Mais cet effet eat tras en des- sous de ce qu'il faudrait pour expliquer l'état ac- tuel de "Univers. (UN MANQUE DE DONNEES EXPERIMENTALES Car le taux de une particule supplémentaire pour un milliard de paires particule-antiparticule est une donnée de I'observation. On I'a déduite d’un décompte wastronomique». D'une part, on connait en effet approximativement le nombre de particules de matiéze présente aujourd'hui (i) yaurait 10” protons dans !"Univers observable) D’autre part, on sait astimer le nombre de paires particule-antiparticule qui se sont annihilées, car chaque annihilation a donné naissance @ un photon qui est toujours présent dans I'Univers De fait, les photons produits par ce cataclysme des origines ont la méme température (2,7 de grés Kelvin au-dessus du zero absolu aujour c*hui), et baignent littéralement le comes. On les retrouve dans le «rayonnement de fond cos- mologiques, étudié de fagon tres précise au- jourd'hui par les physiciens, Dela comparaison entre le nombre de particules, présentes et le nombre d’annihilations passées les physiciens déduisent le taux de particules survivantes du grand cataclysme (1 pour 10° paires). Probleme: entre ce taux et celui au‘autorise la théorie, il yaune grosse différence. Comme le rappelle Asmaa Abada, nla solution théorique donnée au probleme de rupture de symetrie comporte un “bogue": si|’ons’en tient A cette solution, on est tres en dessous du taux de une particule de matiére pour un milliard de paires particule-antiparticule» Du coup, pour contirmer I*hypothése de Sakha- t & La cation antiparticaes ‘est un processus courant dans) SV Hon Ste rateurs de particules, ce nest noyoux d'antindlium. Ces quia partrdes années 1960. expésiences ont pour object dstude, carles effets de gra- Quonest pawvenu'8 produire d'étucter de maniére appro es complexes fondieles caractéristiques grande échelle. Or, aurythme Gantimatitre.Concétement, physiques de Vantimatiére. actual, on estime que la pro- les premiers antincyeuxato- Par exemple, les scientifiques duction de 1 gramme 'anti- rmigues ont été symthétisés voudreient observerle com- _hrydrogine en 1965 au Gem.Puis,en _prternent gravitationnel de chercheurs...un a deux ris 1995.les premiers anti-ato- _Tantimatiéve, sot pour confir- Bands d'années de traval. mes ont vile jour: des cher- mer quill est le meme que cheurs du Cem sont parvenus celui de ka matiéee, sit pour ‘nfabsiquer neuf atommesd'an- trouver une nouvelle bréche _Depuis les années 1990, Uihydrogtne.Enfin en 2003, dans les tories actus... IaCarmartussl Apr. lune autre équipe du Cem a Le probléme, c'est quilfaut Fespencnee Athens de réussi d construire quelques disposer d'une bonne masse création d'antihydrogéne. rov, il faut découvrir d'autres «violations de sy- métrie® qui amplifieraient le phénomene, Les physiciens explorent de nouvelles pistes, mais ils manquent de données expérimentales. Et pour cause : ces données sont hors de portée de la technologie actuelle, Les deux principales voies qui pourraient mener 4 Sakharov visent, d'une. past. la force nucléaire forte, d’autre part, les lols de «leptogendse », c’est-a-dire d'engendre- Thent des neutrinos et des électrons... Mais le che- min pour en faire un mécanisme explicatif robuste s'annonce long et rude. e re atitre noire caer steel Des-secrets bien gardés ATIERE NOIRE L’étau se resserre autour des suspects Avis de recherche! Les physiciens sont sur le point de démasquer la matiere noire, cette substance fantéme qui formerait 90% de la matiére de |'Univers. Dans leur ligne de mire, les Wimps, des particules massives qui n'inter- agiraient quasiment pas avec la matiére ordinaire. ‘epuis prés de trente ans, les physi- ‘ciens des particules sont en efferves- genes, Ils installent de gros instru- ments sous les inontagmes ou au fond des mines, refroidissentdes détecteurs & quelques fractions de degré au-dessus du zér0 absolu, fabriquent des cristaux d'une pureté inégalée, Pourquoi tant agitation? A cause d'une mystériouse matiora invisible a laquelle, fautede mieux, ils ont dong le nom de code «Wimps» (Weakly interactive massive particles, soit «particule massive inter- agissant faiblements), Une matiére qu'ils esperent bien prendre dans leurs filots. Mais rien n'y fait. Los physiciens ont beau jouer les enquéteurs mi- nutieux et obstines, les Wimps échappent en- core a leur sagacité, Pour instant... Nées dans Je cerveau de brillants théoriciens sous le double signe del'astronomie et dela phy- siquue des particules, les Wimpe sont les euspocts Prineipaux d'un crime cosmiue qus met Yen 5 semble dela communaute astronsmique enémoi. 3 SB HersStie» 101 Uncrime dont la découverte remonte aux folles an- nées 1930. C'est on 1933 exactemont qu'un astro- nome suisse, Frite Zwicky, fait une observation sur- prenante, Dremarque que les galaxies dans "amas de Coma se déplacent beaucoup trop vite. La masse totale visible de 'amas, qu'il calcule, est bien trop petite, sil'on en croit les loisde Newton, Pour expliquer pareilles vitesses. De la masse doit dence cacher quelque part. Bt pas qu'un peu: lea pour toutes les galaxies observées, la vitesse ne di- minue pas grande distance du esntro, eommer'a predit Newton. Dans lesysteme solaire, par exem- pile, essential dela masse est contenu danse So. leil et 'on constate effectivement que la vitesse de révolution des planétes diminue avec I'éloigne- ment, Le centre des galaxies concentrant, lui ussi, la plus grande partie dela matiére visible (ot donc dela masse), les étoiles devraient tourner de Les étoiles devraient tourner moins vite 4 mesure qu’on s'éloigne du centre de ja galaxie. Or ce n'est pas le cas. 9/10 de la matiére de!'amas sont manifestement invisibles, tapis dans! obscurite cosmique... D’oa son nom souvent donne de «matiare noirey, Mais ses confrares sa passionnent peu pour ce mnystere, Et 'affaire est classée sans suite. Une nouvelle plainte pour «perturbation des mouvements galactiques: est depostedans lesan- nées 1970, Les astronomes s'efforcent en effet a cette époque détablirles courbes de rotation des galaxies spirales, des courbes qui décriventla wi tosse 4 laquelle les etoiles se deplacent a masure qu'on s'éloigne du centre de la galaxie, Or, lA en- core, ils font une observation a priori paradoxale TOE «SR Hor Sie moins en moins vite @ mesure qu'on s‘éloigne vers la péripheria, Or ce n'est pas le cas. Commesi io la matiere invisible join du centre des galaxies, venait semor la pagaille dans l'ordre cosmique ui sont ces mystérieux agitateurs et of se ca- chent-its? Le principal indic de cette enquéte, ja gra- vitetion, & livre quelques elements supplemen- taires aux enquéteurs. [’un des plus conveincants Provient de la maniére dont cette matiére cachée dévielalumiére, Ainsi, selon larelativite generale, toute masse déforma autour delle l'espace-temps, déviant le trajet des rayons himineux. C'est oe qui provoque notamment les arcs gravitationnels, ces mirages qui peuvent se produire lorsque nous par- Vien la humniére d'une galaxie lointaine devant la- quelle se trouve un objet tel un amas de galazies. Ces objets font office de lentille gravitationnelie et déforment image de la galaxie qui se trouvent @erriére eux, Quel rapport avec la matiers noire? ‘Simple affairede déduetion : en étudiant la lumiere qui nous parvient dela galaxie, on peut calculerla répartition et la masse do Ia matiére qui compose Yamas. Orlaseule matiére visible quelalumiere de Ja galaxie Jointaine a renoontrés sur son trajetne suf ‘At pas, loin de la, & provoqueres arcs gravitation- nels. Il manque $0 % de matiére pour expliquer de telles distorsions, Pourtant, aucun doute, cettema- tiére est bien la puisqu’elle dévie lalumiére, DES PARTICULES ENCORE PLUS EXOTIQUES Les charges étant accablantes, les detectives so sont mis en chasse de cette matiere noire. Avec, comme premiers suspects, des nuages de gaz froid, des étoiles en fin de-vie ou des naines branes, des trous nolrs, des planétes extrasolaires... Bret, tout ce que le cosmos comptait d'astres et autres amas de matiére si peu lumineux qu'ls auraiemt pu Schapper aux regards affatds des telescopes les plus puissants, Mais rien de tout cela n'a permis @lexpliquer Ie strouble cosmiquen observe, pas méme les grandes quantités de gaz chaud qui ont été découvertes récemment entreles galaxies par eon émission dansle domaine des rayons X. La matiére uhabituellea des astronomesayant été lavée de tout soupgon, les physiciens des particules ont repris l'enquéte. Car l'idée s'est peu peu im- poste que cette matiére pourrait étre-constituée de particules plus exotiques. « Le neutrino est évi- demment le premier auquet ona pensé. I l'svan- tage d'exister, c'est la particule la plus abondante de Univers aprés le photon, et on connait assez Dien ses interactions », racente Alain Bougut lu laboratolte APC de université Paris 7, Mais 'in- verrogatoiré a tourné court: sil'on ignore la masse précise des neutrinos (voir p. 88), on sait qu'elle est do toute fagon trop faible pour rendre. compte des observations, Relaxé faute de preuve, le neutrino est done plus aujourd'hui entendu que comme té- ‘moin. Mais un de ses proches aurait pu faire le coup. « Didée d’une particule massive qui, a Finstar du neutrino, serait électriquement neutre, interagirait faiblement et ne serait pas dela matiére ardinaire, baryonique (calle qui constitue les atomes et les molécules), sembiait si bonne quo les physicions Font gardee», précige en effet Alain Bouquet D'autant que cette matiere non-baryonique pet metirait dans la foulée de résoudre un autre pro- bléme qui se pose aux cosmologistes. Carsans la préseneo de vastes quantites de matiare exotique, réagissant trés faiblememt avec les autres parti SAV Hon Sle. 108 : i ‘Des secrets bien gardés [mati cules si ce n'est parla gravitation, les théoriciens sont incapables d'expliquer la formation des ga- laxies et des amas. Si seule la matiére cvisiblen existait réellement, |'effondrement. gravitation- nel aurait été beaucoup trop lent, depuis le début de I'Univers, pour que ces structures se soient: formées, et nous habiterions aujourd'hui un Uni- vers beaucoup plus dilué qu'll ne lest. Des parti- cules massives faiblement interactives (ou Wimps) résoudraiant donc non seulemant le casse-tate de la masse manquante, mais —excusez du peu ! — seuveraient aussi le big bang en expliquant la formation des grandes structures de Univers, DELAMATIERE A 'ANTIMATIERE Restait donc a traquer ces énigmaticques particules. Massives, neutres, stables et qui interagissent faiblement : pas facile d'avancer avec un portrait robot aussi vague. D’sutant que le modéle standard, surlequel s‘apnulent les physiciens pour décrirala ‘matiére, ne camtient pas a priori de telles particules. Mais le modele standard est une théorie incomplete (voir p. 72), D:n'explique pas, en particulier, lasre- lations entre les particules dematiore (lee fermions) etcelles qui véhiculent les interactions (les bosons). Des théoriciens ont donc essayé d'imaginer des théories plus globales, a commencer parla super. symétrie qui prévait bien l'existence de Wimps. Comment? Pour y répondre. il faut d'abord se pen- cher sur la machinerie supersymeétrique. ‘Les physiciens ont toujours été trés friandsdesy- méties, ces transformations mathematiques qui permettent de changer ~ par la pensée— un sys: 106 SV bo sie teme physique en un autre, Ainsi, en appliquant Yopération de symétrie de charge au proton, on le transforma en particule de charge électrique op- poses, ¢'ea1-a-dire en antiproton. La symétrie de charge permet de passer du monde de la matiere au, monde de l'antimatiére. Est-il possible de trouver une symétrie mathématique qui fasse passer des bosons aux fermions ? Le theoricien autriehien Ju- ius Wess et son homologue italien Bruno Zumino ont montréen 1973 qu'une telle symétrie existait, enajoutant quatre dimensions aux quatredimen- sions de |'espace-temps. Cette supersymetrie est une sorte de rotation qui agit dans ce superespace A huit dimensions. Hélas, la supersymeétrie n'établit pas de relations entre les bosons et les fermions connus, car leurs masses sont Loutes différentes. Or elles davraient étre égales. Faute de pouvoir établir des relations entre les bosons et les fermions du modéle standard, Pierr Fayet, du laboratoire de physique théorique de Ecole normale supérieure, a imaging existence d'un ensemble de nouvelles particules qui serait le double par l'opération de supersymétrie des particules ordinaires. Des particules encore jamais, observées et beaucoup plus massives que les particules ordinaires (e‘eet pour cette raison que Yon parlede ssymotrio brisé»). Ainsi,I'électron Bref. un supermonde de particules massives co- existerait avec le notre, mnais n'interagirait pres- que pas avec fui, sauf au travers de le gravitation. Sila supersymetie sembleajouter une couche de complexité 4 la théorie actuelle, les physiciens ensent maigré tout quele jeu en vaut la chandelle Déabard, parce qu'elle permet 'obteniz pour le pro- ton une durée de vie compatible avecccelle qui est mesurée expérimentalement (supérieure a 107 ans). Mais surtout, parce que sans supersymeétrie, des particules comme les bosons W at Z (médi tours de I'interaction faible) devraient avoir des ‘masses da l'ordre de 10" gigadlectronvolts (GeV), Un supermonde de particules massives coexisterait avec Je ndétre, mais il n'interagirait pratiquement pas avec lui (quiest un fermion) aurait un arefiete dansce su- permonde appelé électron scalaire ou séleciron (un boson) ; fe photon (qui est un boson) aurait un double supersymetrique baptise photino (un fer- mion), Bt si nous n'avons jamais rencontzé ces su- perparticules, c'est parce qu’elles interagiraient pouavecla matiére ordinaire. De plus, comme lour Tasse ost trds levee, elles ne pourraient atre pro- duites que par des accélérateurs trés puissants. alors que les masses réellement mesurées sont ‘Mordres de grandeur inférieures (soit cent mille milliards de fois plus petites) | Utile, done, pour le théoricien de la matiere, la su- persymétrie est dgalement une aubaine pourl'as- trophysicien puisqu'elle produit naturellement dee Wimps, Bt on particutior la plus légbre de cos poids lourds, appalée neutralino, qui atfichorait une centaine de GeV sur la balance. Une masse SRV Hon Ses 105, Des secrets bien garclés {1 qui amis la puce a Foreilte des enquéteurs :« En eosmologie, Jorsqa‘on calcule de maniére tres gé- nérale la densitéd uno particule de masse at d'in- teraction dannées, onse rend compte qu'avec une masse d'une centaine de GeV qui interagit faible- ment, on arrive au ben oreite de grandeur pour la masse manquante y, explique Alain Bouquet. Coin- cidence heureuse pour ce chercheur qui voit «comme une convergence de thon augurete fait que Ja costnologie a plutot une préférence pour une par- ticule de 100 GeV pour résoudre le probleme de ta matiére noireet, qu'indépendamment, la physique des particules prévoit existence d’une nouvelle Particule dans cette méme gamme de masse» REDUIRE AU MAXIMUM LE « BRUIT DE FOND» Le neutralino est donc bienle suspect idéal, Mais saculpabilité ne pourra étre démontrée que lors- quill sere effectivernent datects. Sans compter qu'il peut avoir des complices : il pourrait exister une particule stable de 200 GeV par exemple, mais en quantité insuffisante pour expliquer la matiére noire observe, et d'autres particules plus massives encore. Pour tirer l'af- faire au clair, les enquéteurs-physiciens ‘ant done sorti les grands moyens. Lorigine de la chasse aux Wimps re- monto au début des années 1980. Liidse ‘consiste & attendre qu'une de ces parti cules cogne un noyau atomique dans un cristalde germanium oude siticium. Un ovénement extromement rare: avec ‘un cristal de quelques kilogrammes, on s'attend a environ une collision parjour, Ensuite, il faut détecter le recul dunayau. ‘cogné, ce qui est loin d’étre évident, car elevation de temperature induite parle ‘choo n'est que d'un millioniéme de de- aré, D’autant que la radioactivité am- bbiante cogne constamment les atomes et mime le pheneméne queYon cherche a mettre en évidence, Un bruit de fond ‘quillfallaitd’abord réduire quasiment & 26r0. C'est ca que s‘eftorcant dexéaliser, ‘entre autres, doux collaborations inter- nationales concurrentes : dune part le projet Edelweiss (Bxpérience pour dé- tecter les Wimps en site souterrain), un détectour situé dans le laboratoire sow 3 1106 « SAY Har Se ‘terrain de Modane, sous le mont Fréjus. dans les ‘Alpes, étau sein duquel collaborent Frangals, Al lemands et Russes ; d'autre part, le projet CDMS bonne chance de mettre les Wimps en évidence diicia trois ou quatre ans, toutau plus. (Gagoagt CHARDIN omserEUR ‘DU CENTRE DE SeUcTROMETRIE WUCLLAIRE A L UnivEnsitl @' ORSAY (Cryogenic Dark Mattes Search), au fond d'une mine du Minnesota (Etats- Unis}, une collaboration essentielle- ment américaine dirigée par le Frangais Bernard Sadoulet et l'Hispano-Améri- cain Blas Cabrera, Deux expériences enterrées 4 plusieurs centaines de métres sous terre pour se pratéger de ‘tout rayonnement cosmique (1 600m de couverture rocheuse pour Edelweiss et 800 mde profondeur pour CDMS). Dans sa premiére phase, terminée en 2003, la partie sensible d'Edelwaiss etait constituée de trois pastilles de germanium de 320g chacune. A terme, cent pastilles devraient contribuer 4 faire d’Edelweiss Il le détecteur de Wimps le plus sensible au monde, avec pros de 32 kg de masse collectrice. De leur cote, les phy- siciens de CDMS projettent un Super-CDMS consti: tué de 25 ke de germanium paur la détection. La concurrence entre les deux projets est vive, et cha- cune des deux équipes espere étre celle qui ménera la course. n Comme ces deux experiences interna- tionalos sont tres ondreusee, il est vraisemblable que seu! Je projet qui aura fait preuve de sa capacite aréduirele bruit de fond pour le meilleur cot trou- vera un financement pour poursuivre», estime Ga- ‘brie! Chardin, directeur du Centre de spectrometrie nucléaize et de spectrometrie de masse de "uni. versité d'Orsay, quiparticipe au projet Edelweiss, ‘D'autres experiences, fondées sur des techniques de détection différentes, notamment avec des dé- tecteurs liquides, sont également en cours. Car il faudra plusieurs confirmations indépendantes pour prouver I'existance des Wimps. Maisles phy- siciens sont conflants. eA ufourd hui, ces projets ar- rivent & maturité, Si la supersymetrie existe et “foumit” des Wimps, on a une trés bonne chance de les mettre en évidence directement. Bt d'ici trois ov quatre ans seulement, tout au plus, s'en- thousiasme Gabriel Chardin. Un epilogue qui re- donnerait 4 humanité une nouvelle lepen d"hu- milité. Non seulement a Terran‘est pas le centre de Univers, ellen’est qu'une planéte perdue en bor- dure de la galaxie, mais toutela matiere quis‘oftrait jusqu’a présent nous, et dont nous sommes nous mémes constitués, ne représentent que quelques our cent du contenu de!"Univers. Voila quinousra- méne a bien peu de choses. ° LiPre Pajor Si Hors Sie. 107 C'est un concen d’energie Tout serait simple si le vide n’etait rien. Or il génére une telle énergie que les théoriciens ont fini par le considérer comme tout... sauf vide. Mais quelle est sa veritable identite? Pour trouver la réponse, les physiciens pistent désormais Il'energie sombre, cette force qui accéléere l'expansion de I'Univers... naimerait pouvoir éerireque le vide est ce qui ne contient rien, on qu'll est de Pes Aristote régia la question, rant quale vide ne pouvait exister. Sage décision | Cat depuis qu’ils ont choisi de Iinclure dans leur description dela matiére, lesphysiciens ont di.se rendre 'évidence. Par quelque bout qu'ils le prennent, Je vide ne peut jamais se rédutre a rien... ‘Diaprés la théorie quantique des champs, qui sert de cadre mathématique au modale standard. dela physique des particules, le vide serait mame bourré de particules fantimes, que les spécia- listes appellent ofluctuations de point 2610» owen: core sénergie du vides. Pour étrange que soit cette énergie invisible, elle anéanmoins des effets bien réels, en tous points conformes aux prédio. tions, Seul— mais sériews —hic, la vatour del'éner: gie du vide caleulée a partir des équations de la théorie quantique est totalement délirante, voire ~on ose a peine!'écrire- infinie, Selon Alvaro de Rujula, au service de physique théoriqueduCem, £ 4 Genave, la crise eat € oe point sévere que 3 SEV Hors ie» 109) Des secrets bien gardés [le vic L'effet Casimir rapproche les miroirs entre eux ‘orsqyon place deur ivi dans un vide expérimental ss rpprochent, (Cest eet Casimir En caus, les lactuations du vide: rsque leur longueur «Conde dapasee I eartrnent des mir, ces fluctuation ne transretent pas | eur dnerge este ces icin. eset we dfrence dénerle entre i> fea et etriou Difference cul tend & pose es iris un vers ute “ chaque physicien qui ne consaere pas au moins une heure par jour a ce probléme devrait étre jete en prison » | Une plaisanterie, certes, mais elle yevéle bien "importance dune question qui ta raude les physieiens depuis plus d'un siecle, C'est le physicien allemand Max Planck qui se frotta le premier a l’énergie-du vide. En 1900, le futur prix Nobel cherche a décrire le tayonnement lectromagnétique, dit thermique, émispartout corps en fonetion de sa température, La theorie deoe précurseur de la mécanique quantique est un succés, mais elle peine & décrire le régime des hautes températures. Planck, en 1912, revoit done sa copie ot publie un nouvel article sur le sujet, Néanmoins si 'ajout, ala main, d'un terme mathématique supplémentaire dans ses équa Puisque, en mécanique quantique, une particule est a Ia fois onde et corpuscule, le vide ne peut-il pas étre vide... et plein? tions résout le problame, le physicien ne saisit pas trés bien sa raison d’étre physique Quatre ans plus tard, le chimiste allemand Wal ther H. Nernst, lui aussi futur prix Nabel, com prend que ce drole d’sjout s en réalité une signi Reation déconcertante: il sous-entend que, meme en absence de tout rayonnement — c'est-adire forsque le nombre de photons, les grains de lu 110 « SV Her Se miére, est.6gal 4 26ro ~, une énergie assimilable.& des soubresauts du champ électromagnetique, pourtant nul partout, subsiste dans l'espace. Ui faut attendre le développement de la theorie quantique, dans les décennies suivantes, pour que les physiciens donnent une signification ace que Yon appelle déja la ucatastrophe du video. Avec la nouvelle physique, tout corpuscula, qu'il soit grain delumiare, atome ou électron, est dé crit par les différentes configurations d'un objet mathématique abstrait ~ appelé champ quan- tique—dont les vibrations, telles des vaguesa la surface de l'eau, s'étendent a tout l'espace. Lorsque le champ est trés excité (hauteur des ‘vagues importante), cela correspond 4 un étatoa ily a beaucoup de particules. Inversement, lors- ‘qu'il est peu excite (léger clapot), peu de parti- cules sont présentes. Ainsi, chaque type de par- ticules correspond un champ différent. De fagon ‘ttonnante, la méeanique quantique indique que absence de particules correspond, non pas & V'absencedechamp, mais tout simplement a une configuration dans laquelle tous les champs dé- ‘¢rivant tous les types possibles de particules Sent au repos, dans ce que les physiciens apy lent leur état fondamental, De méme qu’en I'ab- sence de vagues, la mer ne disparait pas: $a surface est simplement plus lisse, DEPLACER LE ZERO DE L'ECHELLE DES ENERGIES Ainsi, cet état fondamental n'est pas urieny. 1 contlent de I'énergie dont les soubresauts cor- ‘Tespondent a une situation physique peu intuitive dans laquelle des particules (electrons, quarks, neutrinos...) dites virtuelles surgissent sans cesse des recoins de l'espace-temps pour disparaitre avant méme des’étre matérialisées. Apres tout, ‘c'est vrai, la mécanique quantiquen'enest pas & une bizarrerie prés : ne prédit-elle pas qu'une particule est & la fois une onde et un corpuscule? ‘Ou, plus strange encore, comme l'expliquait le physicien autrichien Schrodinger, qu'un chat obéissant aux lois quantiques pourrait étre, dans vertaines conditions, & la fois mort et vivant? Pourquol, dés lors, le vide ne pourrait-il pas étre ‘Sgaloment « plains ? Lidge est séduisante mais “> Longueur corde

‘qui tend ensuite a ramener les élec- pacts. Pour le plus grand bénéfice, tat sles Glectrons oscillent, créant une ——_térent aujourd'hui des ‘onde électrique progressive, qui peut Aes lancer contve les tumeurs et les accélérer d'autres élections. Par un détruire. Or, les accélérateurs qu’ils Principe analogue, an accétare des ‘utilsent actuellement occupent le protons ou des tons. volume d'un hangar. Cintensité du champ électrique obten —_laser-plasmna permettrait d'ici & dans ces plasmas fait rver, Mais la quelques années d’en réduire (‘en faible distance sur laquelle cette accé- combrement & une simple piéce. testée depuis plusieurs années. Elle serad’ailleurs mise en euvre dans le laser international 4 électron Ubre XFEL, dont la construction vient de com> mencer au laboratoire Desy de Hambourg, DES CHOIX TECHNOLOGIQUES TROP OSES? Le principe consiste @ aligner 8000 cavités en niobium sur plus de 10kilométres. Le niobium est un matériau supraconducteur, qui n'oppose done aucune résistance au courant électrique. Dans ces cavités refroidies 4 l'hélium liquide (=271°C), on peut créer un champ électrique trés intense qui sceélére les éiectrona. La supraconduc- tion permet de limiter les pertes et de transférer Ja quasi-totalité del'énergie du champ électrique au faisceau d’électrons que l'on veut accélérer Avec un champ d'acoé}ération de 30 millions de volts par métre (MV/m), les physiciens esperent obtenir dans |'ILC une énergie de collision de 500GeV, soit plus de deux fois mieux que les 200 GeV du LEP. Mais lebel élan qui s’estcréeen 2004 autour de cette machine de 7 milliards ce dol- lars a été douché par la récente décision améri- caine de se retirer du financement. Un revire- ‘ment qui réduit grandement les chances de voir NLC construit dans tes quinze ans venir. Du ‘coup, les projets plus futuristes, a horizon plus Jointain, reprennent du pail de la bate Car mémes'tis s'étaient ralliés a YILG, le Cem et d'autres partenaires américains n'avaient pas pour autant abandonne idee d'une machine plus uissante et plus compacte, qui lancerait |'un ‘contre Fautre des #lectrons et des positrons de plusleurs milliers de GeV. La précision des élec: trons, en somme, avec la méme énergie que les met d’acodlérer le faisceau principal, paralléle, of se produisent les collisions. Cette innovation per- mettrait d'envisager das champs d'accélération de Vordre de 100millions de volts par metres, et atteindre une énargieds collision de 3000 GeV, soit six fois 'énergie de I'll.C, tout en restant dans des dimensions et des cotts raisonnables ‘Toutefois, oe projet est pour le moment beaucoup moins avance que ILC, Notamment parce que les champs d'accélération radiofréquence, qui se- ront dans les cavités, sont si intenses que les in- ILC ou Clic? Le débat a repris de plus belle, depuis que Jes Etats-Unis se sont retirés du financement de I'ILC protons du LHC... Une machine deséve pour un physicien des particules. C’est ce que propose le (Clic (Compact Linear International Collider), un. ae- eélérateur linéaire compact qui permettrait, on Principe, des énergies de faisceau plus élevées ‘que celle de VILC pour des dimensions analogues. Le procédé consiste a coupler deux faisceaux pa- ralléles, I'énergie do l'un permettant d'accéiérer Vautre, Concrétement, le Clic produit d’abord un premler faiscoau, tris intonso, d'électrons trés ra ides. Puls ce faisceau d’entralnement est déce- Jéré pour récupérer un gain de puissance qui per- Génieurs n'ont pas encore trouvé de matériawx capabies d'y résister. Les partisans de1ILC restent d’aillours sceptiques devant l'ampleur dels tach «Un accélérateur est une machine extraordi- nairement complexe qui a3 millions de raisons de ne pas fonctionner. Faire des choix technologiques osés augments encore ces causes possibles de Pannesy, observe par exemple Olivier Napoly. Faut-il soutenir colite que cotite ILC. ou se ra- battre sur le Clic? Le débat fait rag. Alors qu'ily am an, Bjoarn Wifk, prochain directeur du Cem, soutenait que l'insérét scientifique de ILC était SAY Hon Sie 143 Aller plus loin fle LHC aura: ‘suffisant en lui-méme pour justifier la construction dela machine, son discours a quelque peu changé : «Les résultats du LHC seront un passage oblige », ‘declaralt-il en juin 2008. Bruno Mansoulié, physi- cienau GBA, qui travaille sur l'expérience Atlas du ‘LHC, renchérit: « L'avenir dépendra de ce que le LHC va trouver. $'il découvre effectivement un boson de Higgs léger de 130 GeV ainsi qu'un Higos charoé un peu plus lourd (150 GeV par exemple), alors faire 'TLC se révélera passionnant puisqu'on ‘pourra 6tudier cette nouvelle physique avecheau- coup plus de dérails, » Mais il est également pos- sible que le LHC sévéle un Higgs plus lourd, de 1500GeV, et confirme dans la foulée la pertinence des théories supersymaétriques (voir p.100). « Faire ILC, dont.’energse maximale de collision n'est que de 500 GaV n'aurait alors pas de sens, caren sait -pertinerament qu 'itne pourra pas produire les par- ticules supersymétriques découvertes au LHC. ‘Une machine comme le Clic prendrait alors tout son eng », poursuitle chercheur du CEA. [DES PROJETS ATRES LONG TERME ‘Suspendue aux résultats du LHC, ta décision de maintenir!1LC ou de setourner versie Clic devrait, tre prise vers 2010-2012. Le choixneserapas que ‘selentifique: les arbitrages financiers et politiques ‘peseront aussi de tout leur poids. L!équation n'est ‘pas facile & résoudre, pour des projets qui engagent la communauté seientifique sur des temps de plus en pluslongs. De quelques annéesdans les années 1950, a une dizaine d'années au début dans les an- nées 1970, on arrive aujourd’hul a des délais d'un ‘quart de siecle (1a premiere idée du LHC remonte 41964), entre les premieres esquisses d'un accé- lerateur et la mise en servicede la machine, Lesdé- cisions prises aujourd'hui conditionnent donc la physique des vingt, trente woire quarante ans 4 ve- nit. Or, qui peut savoir quelles seront les priorités, scientifiques et politiques, dans un avenir aussi lointain? Les physiciens se voient contraints de Jouerles visionnaires. «Je ne suis pas inquiet pour Yavenir des aceéléraveurs, empére néanmoins Joan-Eudes Augustin du Laboratoire de physique nucléaire et des hautes énergie Paris. Lersqu’on travaille 4 si long terme, il est normal que les pro- Jets connaiesent das hauts ot des has. [faut savoir absorber ces aleas et tester serein, » Semontrer pa- tient. donc, Comment su tre, en leur temps, les batisseurs des plus grands monuments. e PHILIPRE PAJOT Md SAW Hos Se Py ae er ficlé de la course ay nucléaire entre Peon arteries Cee eas + Rs J od INTERVIEW sa FMD a AEE SV Ho Siew 145 Une traque sans fin Découverte du boson de Higgs, mise en évidence de la supersymétrie... les physiciens attendent beau- coup du LHC. Trop? Peut- étre, Car ces prouesses ne changeront pas radicalement la vision de la matiére. Or c'est bien d'une révolution dans sa maniére de voir dont a aujourd'hui besoin Ja physique des particules. moment est historique. Si tout se passe comme prévu, le Large Hadron Collider (LHC) devrait détecter le boson de ‘Higgs, posant ainsi la clé de voited’une aventura humaine sans pareille. Surtout, il devrait per- mettre de recueillir les indices d'un au-dela du modéle standard ; quelque preuve, méme in- fime, deVexistanced'une « suparsymatrie » dela mature qui viendrait unifier davantage le mo- dale en fusionnant forces forte et faible... ly a 2.500 anis, les philosophes grecs ont faitde la ma- tiére un objet d’étude rationnel ; ya 300 ans, les savants en ont donné les premiéres descriptions mathematisees ; il y a 30 ans, des scientifiques ont construit lemodéle théorique des particules élémentaires, si complet que rien n'a réusst ale casser, Aujourd’hui, ils s'apprétent a Ini apporter son ultime pidce. Bt pourtant... «Qu’en trouve ou pas le hoson de Higgs, ga.ne changera pas fondamentalement grand-chose, assone Mare Lachioze-Rey, astrophysician au CEA et directeur de recherche au CNRS. Douche froide... Som ton, sans animosité ni ironie. ‘SRY Hor Sie « 147 Aller plus loin [une taque sans fin] caractérise bien cet esprit scientifique taci- turne, pour lequel 'antipathie préalableest ume saine precautions (Gaston Bachelard), Garder la tete frolde, done, rester « scientifique n... Mais ‘peut-on vraiment dire qu'une telle decouverte ne changera rien, ou presque? «Si on détecte le boson de Higgs, ca montre que le modéle stan- dard fonctionne. Mats ¢a, onle sait déj4,,., pour- suit 'astrophysicien. Si on ne le trouve pas — ou pas ld ow on lattend ~, ga prouve que le modéle standard n'est pas bien charpenté, qu'il faut Tajuster. Mais ¢2 aussi one sait deja... B faut bien comprendre que le modéle standard n'est pas une théone physique, c’ést un ensemble de “re- cettes concoctées & partir de la mécanique quan- tique, dela théorie de la relativite restreinte et de valeurs de masses fixées par les experiences, » Le modele, c'est vrai, n'est qu'une application par- ticuliére de la théorie quantique des champs, unification de la physique quantique et dela re- lativité restreinte, ILest a cette théorie ce que le code civil est ala Constitution | un sous-systeme qui applique fes grands principes abstraits dela theorie, valides pour une infinité de mondes pos- sibles, a notre Univers particulier. En cela, le r6= sultat du LHC «ne changera pas fondamentale- ment notre conception du monde: le modéle Sera seulement compléeté ou remanié. D'accord, Mais c'est oublier que l'objectif du LHC est sur- tout de valider une nouvelle vision de la ma- tere: la supersymetrie (ou Susy), SYMETRIES ABUSIVES. r, lAencore, une «minorité active» de chercheurs ‘se dclare seeptique. Non pas sur la possibilite de tombersurtun phénomene inattendu, comme une nouvelle particule, mais sur la « clarification» que cela pourrait apporter. Car le désir est si grand de valider Susy, que tout résultat nouveau pourrait en effet etre directement interprété comme un in- dice en faveur de la théorie, au risque de masquer d'autres interprétations et de lancer des polé- miques interminables. Or des physiciens repro- shent @ cette supersymétrie de n’étre au fond qu'un tank pour écraser une mouche ; elle double le nombre de particules 4lémentaires et instaure une centaine de parameétres de masses supple- mentaires, inconnus, pour expliquer les masses des particules connues... Et tout cela, sur le papier Car aucun phénomene ni aucune observation nobligent a postuler l'existence des « superpar- tenaires.». Pourl'heure, Susy est doncune solution plus mathématique que physique. Bt cest bien ce qque certains lui zeprochent. De fait, l'argument mathématique de «symé- trie» semble avoir pris la place de la validation ex- périmentale, qui reste absente. Depuis des dé- cennies. la physique dela matiére s'est beaucoup appuyée sur ce concept : groupes de symétrie (ou de jauge) de la thoorle quantiqua des champs, sy- metrie CPT des lois d’interaction des particules, ete. A tel point qu'aujourd’hui, la symetrie a pris une place centrale: une bonne théorie physique semble devoir s'exprimer exclusivement en termes de symétriog, Le concept n'est pas mau vals, au comtrairé. «Cela provient, precise La- chiéze-Rey, de l'idée que quelque chose demeure invariant entre deux phénoménes physiques » untourbulon d’eaudansun siphon et une tornade possedent, aux yeux d'un physicien, uné « strue- ture” commune, une symétrie. Celle-ci lui est alors d'une grande utilité. Elle lui permet dere- grouper les deux phenomeénes dans une meme «lasgg....pour pouvoir les oublter: phusieurs phé- a ., = noménes auront été troqués contre une seule description ou loi, Et une fois explicitée, la sy- métrie peut amener en retour a découvrir un nouveau phénomene : ce sont les places inoceu- péesd'une structure symétrique déja en place qui ont conduit Murray Gell-Mann 4 postuler l'exis- tence des quarks (1964) UNE ILLUSION MATHEMATIQUE ? Mais les sceptiques reprochent 4 Susy de fonc- Uonner a Venvers: une symétrie fondée sur au- cune observation préalable ainvente da nou- veaux phénoménes ~ des particules — qu'on. cherche ensuite a velider par "expérience, Abus de pouvoir? Pour Lachiéze-Rey, «il y a, dans la Physique d'aujourd'hul, une glorification de la symétrie. Elie est passde du statut d'outil a celut de concept fondamental, sans aucune justification rigoureuse. » D'oii cette crainte que ce principe d'engendrement des théories ne soit au fond qu'une illusion mathématique... LAméricain Lee Smolin, chaf de file de ces scep- tiques, considére ce type de théorie comme la conséquence du manque cle diécouvertes expéri- mentales, dont souffre la physique depuis trente ans, S'il y a bien eu de nouvelles observations, toutes ont pu tre intégrées aux théaries ou ma- déles existants, Selon Smolin, la recherche sur la matiére se serait drapée dans de belles théories concurrentes ou complémentaires sans qu'au- cune ne soit, du moins pour le moment, absolu- ment névessaire. Théorie des cordes, Susy, grande unification, théorie du tout... Frenons le cas de la théorie des cordes, qui concentye aujourd'hui tous les efforts. Scionelle, toutes les forces et les particules ne seraient que la. manifestation d'une seule entité ¢topo- ' Jogiques (géométrique): Ja corde, Une vision de la matiére avant tout mathématique. De fait, l somblerait que le statut méme de «théorie physique» pose aujourd’hul probleme; «En sciences, pour qu'une théorie soit acceptée, elle doit faire de nouvelles prédictions sur les résul- tats d'une expérience non encore effectuée », préeise Smolin. Certes, c'est le cas dela théorie des cordes, de Susy, etc. Mais pour valider la théorie, cette expériance doit pouvoir étre ef- fectude concrétement. Or les prédictions des nouvelles « théoriegs testent hors de portéede la technologie actuelle, Sans validation expéri- mentale, elies errent entre formalisme mathé- matique et théorie physique. En taute rigueur, es- time Smolin, il faudrait les considérer comme des hypotheses cradibles. Rien de plus. 10° UNIVERS PARALLELES: Le manque d’ancrage expérimental semble avoir ouvert la bonde a "imagination mathématique. Par exemple, la théorie des cordes conduit & consi- dérer qu'll pourrait exister 10% univers «paral- eles». L'image est séduisante, mais cette vision. pourrait relever simplement d'une lacune de la connaissance. « Si on avait demandé a Newton de calculer la trajectoire d'un boulet de canon avant qu'il ait achevé sa théocie, i aurait pu fournir 10° trajectoires possibles, explique Lachiéze- Rey. Cela aurait signifié non pas qu'il existe autant c'univers dans lesquels le boulet de canon suit une trajectoire particuliére, mais qu'il manquait @ la théorie une donnée expérimentale essentialle la valeur numérique de attraction terrestre. » Or, le grand probléme avec les theories nouvelles, c'est queles données expérimentales essentielles man- quent, et son méme pour!"heure inagnessibles... Aller plus loin fume traque sans fin} ‘Test donc possible que les theories physiques ac- tuelles n’en soient pas, ou pas encore : les visions dela matiére qu’elles donnent sontle fruit d'une pensée purement mathematique UNE VISION TROUBLE Mais alors, comment progresser dans la vision de ta matiére? «I! faut revenir aux deux théories physiques les plus accomplies, conseille Lachieze- ‘Rey, la physique quantique et Ja relativite gene- rale, » Un retour aux sources, done, Mais qui dé- bouche sur une vision... trouble. Car ces deux théories centenaires gardent une bonne part de amystere, non pas dans leur expression ou leur ¢a- pacité a prévoir de nouveaux phénomeénes, mais dans le type de monde qu'elles décrivent, Ancrée dans la matiére, la physique quantique ne nous en donne aucune image « claire». Le fait qu'une onde soit simultanément une particule, ‘que cette wentité » puisse se trouver en plusieurs liewx simultanément, que les descriptions d'un «@tat quantique» par deux observateurs puis- sent &tre incompatibleg, etc. frole le non-sens. ‘Smolin en a fait l'un des cing questionnements es- senticls dela physique: « Résoudre le probleme des fondements de Ja mécanique quantique, soit en Tui trouvant son sens, soit en inventant une theorie qui Jui en trouve um. ‘On dit souvent que les représentations four- nies par ces deux theories sont mcompatibles: Du- rant soixante-dix ans, cette question, objet de laffrontement entre Einstein et Bohr, a été mise entre parenthéses. Mais certains physiciens s¢ de- mandent aujourd'hui comment continuer & avan § cer dans la connaissance avec une réalité (ou sa re- 4 présontation) éclatée on points de vues incom’ ay 12 emballages en plastique recyclés =1kilo de CO, en moins patibles. Selon Jean-Jacques Szozéciniarz, 6pis- temologue, physicien et mathématicien, profes seura funiversité Diderot Paris-7, ¢Ja.solution est peut-étre d'accepter que notre représentation de Ja réalité soit une mosaique de points de vue. Ce que nous dit la physique quantique, c'est qu'il faut abandonner I'habitude, héritée des théories clas- Siques, de penserle monde comme "ua", Cette nouvelle “rationalité” peut prendre des siécles é devenir “intuition”, mats ii faut travailler dans ce: sons», Bref, pour appréhender le monde, il fau- drait révolutionner notre maniere de voir... Or o8 type de transformation s'est daja produit, quoique dans une discipline fort éloignee de la physique Ja recherche historique. Celle-ci acompris que, si Je passe a existe eunitairement» dans le temps, ‘selul-ti n'est pas accessible: on ne pourra Te- constituer que «des » passés ~ selon le type de sources étudiges. Telle serait Ia limite, ou la r+ ‘chesse, de notre esprit, Mais que ce soit avec les nowvelles theories — si Vunoaccade enfin au statut de théorie physique— ‘ou avecles anciennes, uneméme vérité a chaque fois s‘esquisse : dans la connaissance de la ma: tiere et du monde, nous ne sommes encore que des enfants... BtleLHC n'yehangerarien, © RomAn IKonicorr & co aC ih fete ra ato GE cleus = beara] Lott a Pascal

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