Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
de leurs applications
Descartes et la biologie
M Jean Rostand
Rostand Jean. Descartes et la biologie. In: Revue d'histoire des sciences et de leurs applications, tome 3, n°3, 1950. pp. 265-
269;
doi : https://doi.org/10.3406/rhs.1950.2830
https://www.persee.fr/doc/rhs_0048-7996_1950_num_3_3_2830
II établit une règle fameuse pour préciser le nombre maximum des racines
positives et négatives d'une équation. En employant une méthode
nouvelle — des coefficients indéterminés — Descartes résout l'équation
du quatrième degré, en la décomposant en un produit de deux équations
du second degré.
La géométrie pure doit également à Descartes quelques résultats
importants. Je rappellerai seulement ceci : en 1620 il donne la formule
(connue sous le nom d'Euler) qui relie le nombre des faces, des arêtes
et des sommets d'un polyèdre. En même temps il trouve que la somme
des carrés des cosinus directeurs égale l'unité. En 1637-38, Descartes
donne des méthodes algébriques pour la détermination des tangentes à
certaines courbes. Entre autres, il découvre la propriété fondamentale
des tangentes aux roulettes. Descartes est, avec Torricelli, un des premiers à
calculer exactement, en 1640, la longueur d'une courbe (la spirale
logarithmique). Il a découvert, en 1637, les ovales qui portent son nom.
Enfin, on doit considérer Descartes, ainsi que Galilée, parmi les
précurseurs du calcul infinitésimal, par ses recherches de 1618-19 sur la
chute des corps, où il envisage la division à l'infini du temps.
Tous ces faits assurent à Descartes une place de choix dans l'histoire
des mathématiques. Mais son grand rôle, dominant l'évolution de la
pensée mathématique, consiste dans le changement de point de vue
qu'il a apporté par sa « Méthode », changement qui a mis au premier
plan de la mathématique moderne l'esprit algébrique.
Pierre Sergescu.
Descartes et la biologie
S'il est relativement facile d'assigner à Descartes le rang qui lui revient
en mathématique et en physique, il-n'en va pas de même pour la biologie,
car son œuvre, en ce domaine, est si mêlée, si inégale, si emplie d'assertions
gratuites et d'hypothèses fantaisistes, que, pour tâcher de l'estimer à sa
juste valeur, il convient de faire le départ entre les résultats obtenus et
l'inspiration qui a présidé à leur recherche, entre le contenu brut de
l'œuvre et l'esprit qui l'anime.
L'apport biologique de Descartes tient, principalement, dans le
Discours de la méthode, dans le Traité des Passions et dans le Traité, posthume,
de l'Homme et de la Formation du fœtus.
On n'y trouve aucune découverte positive de quelque importance.
La seule observation valable, peut-être, qu'on doive à Descartes en
physiologie, nous la rencontrons dans sa Dioptrique ; elle concerne la formation
des images sur la rétine. Descartes, ayant présenté à l'ouverture d'une
T. III. — 1950 17
266 REVUE D'HISTOIRE DES SCIENCES
Mais tout cela ayant été rappelé, il faut dire maintenant que, si
complet qu'ait été l'échec de Descartes en ce qui touche la récolte objective
des faits, le grand philosophe n'en a pas moins servi grandement les
sciences de la vie.
En excluant résolument l'intervention des forces spirituelles dans les
actes organiques, en s'opposant à l'aristotélisme stérile, en déclarant que
« tout se passe dans le corps comme s'il n'y avait pas d'âme », Descartes
a préparé, contre tous les vitalismes, animismes et finalismes paresseux,
l'avènement d'un « mécanisme » physico-chimique dont le moins qu'on
puisse dire est qu'il constitue encore aujourd'hui, pour la biologie,
l'hypothèse de travail la plus féconde.
Par sa vision orgueilleusement simpliste des êtres vivants, il a ouvert
de larges voies toutes neuves. Sachons lui gré aussi d'avoir osé proclamer
que l'homme doit se rendre « maître et possesseur de la nature », et d'avoir
prophétisé que la science finirait par commander aux phénomènes de la
vie et à ceux-mêmes de la pensée.
Descartes, enfin, a compris que les sciences de la vie, comme les autres,
n'avanceraient qu'en se « mathématisant » toujours davantage, c'est-à-dire
en faisant toujours plus de place au quantitatif et au mesurable.
* **
Si Descartes revenait de nos jours, il verrait bien qu'aucune de ses
explications ne reste debout ; mais il ne serait aucunement surpris par les
développements et les réussites de la biologie moderne.
Il verrait bien qu'au lieu de parler chaleur et mouvement, on parle
hormones, chromosomes, ions et catalyse ; mais il aurait vite fait de
s'accommoder de ce nouveau langage et de trouver que, dans le fond,
cela revient à peu près au même...
Et quel contentement de précurseur serait le sien en apprenant
qu'on rigide les phénomènes vitaux par des agents matériels et
relativement simples, qu'on obtient l'effet fécondant de la semence au moyen
d'un choc thermique, qu'on fait apparaître l'instinct maternel en injectant
à la femelle une substance chimique, qu'on fait saliver un chien pour un
coup de sifflet, et qu'on peut, chez cet animal, par des signaux lumineux
ou sonores, déclencher à volonté toute la gamme des a passions », depuis
l'appétit et la joie jusqu'à l'angoisse et la colère...
DOCUMENTATION ET INFORMATIONS 269
INFORMATIONS
BELGIQUE