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----------------------- FIN DE LA LICENCE BNAM ----------------------------
PRÉFACE

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-~: /
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En 18il3, Robert Browning, âgé de vingt
et un ans, écrivit s~n Paracelse , poème qui,
. jusqu'à ce jour, se maintient comme la plus
t't . .....
:.. ':
~'. '__ .·.__.-_, · ' · _·
. pénétrante de ses créations sympathiques.
·:{_:;,''::_:_, \ <.. Le poète, lui-même, caractérisa un te
poème, la révélation dramatique d'une âme,
généralement celle d'un personnage imagi-: . "
~:'·:i,;
:t'
· naire. C'est la raison pour laquelle ·de nom:.:
br.e ux lecteurs et admirateurs du Paracelse
,l'ont classé avec d'autres poèmes, qui doivent
leur émergence du chaos RUbjectif, Ù la puis-
sance créatrice du poète.
Mais d'autres lecteurs savaient vaguement
qu'un homme portant ce nom, considéré
· ·comme un charlatan extravagant et préten-
tieux avait fait quelque bruit au X V1° siècle.
· Puis il• fut complètement déconsidéré, on
en'.parlait comme d'un fanfaron buveur, que
. ·•

2 PRÉFACE PRÉFACE 3
relleur, présomptueux, sans instruction et hués à Paracelse; et en publia le résultat
sans réputation. dans les deux volumes de son Essai d'une
Browning en savait davantage que ses lec- appréciation critique de l' Authenticité des
teurs, car il possédait quelques écrits de Ecrits Paracelsiens ; le premier des volumes
llohenheim, et quelques notes biographiques parut à Berlin en 1894.
de sa carrière. Ces notes étaient cependant Le D• Carl <"Aberle examina les portraits
tirées des livres des ennemis acharnés de de toutes sortes, plastiques, graphiques, ceux
l'homme, et reconnues de nos jours comme à l'huile, les esquisses, les estampes, les gra-
de mensongc~res calomnies. vures sur bois et les systématisa.
Le fnit él.onnanL, c'est qu'au travers de ce En poursuivant ces recherches laborieuses,
manqno de preuvci; cl. cc nual.(e d'hostile obs- il fit presque autant de pèlerinages que Para-
curciHAemcnt, Io poM.o diHcornn sn grandeur. celse en avait faits, et il découvrit, grâce aux
Il y a un qunrl. do Ai1'1cl11 c11viron, des étu- traditions orales et légendaires, une quantité
diants de Leipzii.t, 1111 Borlin, de Vienne, de de données biographiques subsidiaires, néan-
Salzburg comm(lndll'cnl. l1 vérifier les traces moins jmportantes.
abandonnéoH d(l ln c•.urrit\l'c de Hohenheim et Il continua aussi l'examen chirurgical des
d'en estimor l'import.1111ce, pour la science. ossements et du crAno de Jlohenheim, com-
Avec ceU.c pnLiencc infinie, cette précision, mencé à SalAhnrg par son père, el il publia
ce jugem(lnL expérimenté des Allemands, ces leur évidence dans son livre précieux : Afonu-
hommes démôHlrent le tissu emmêlé des faux ment, Crdtie et Portraiture de Théophraste-
rapports et. en Lirèrent le fil d'or de la vérité. Paracelse, à Salzburg, en 1891.
Le or Sudhoff accomplit son investigation Le o•· Julius Hartmann fit une étude appli-
magistrale dans les écrits accumulés, attri- quée des livres que le D• Sudhoff reconnut

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PRÉFACE PRÉFACE

comme les écrits authentiques de Hohenheim. <litais, il y a vingt ans_, la possibilité d'écrire
Il recueillit, par ordre chronologique, tout ce une vie populaire . Ce livre basé sur un exa-
qui se rapporte à sa vie active, ses voyages, men précis devait, auta nt que possible, r econs-
ses expériences personnelles, et en compila truire les conditions successives de la vie et ..
une espèce d'autobiographie qui est un SINE des activités de Paracelse et sauver sa mé-
QUA NON pour tous ceux qui savent l'effort de moire d'un méprisant oubli.
Paracelse à réformer ln science médicale. En 1840, le Dr Maignan , l'excellent biogra-
Les· professeurs Frnnz Strunz, à Leipzig, phe d'Ambroise Paré, admit et fit ressortir
et Carl Strunz, h Vienne, font dn prodigieux les splendides services que Hohenheim avait
génie du perséculo, le sujeL de leurs confé- rendus aux sciences. En 1895, un Anglais le
rences. Lo premier est en train d'éditer les mit au pilori, comme ·charlatan, fanfaron,
œuvres de Paracelse dans le l.exle allemand imposteur.
original, avec des notes explicatives . ~éjà le Il était temps qu 'on écrivît pour les lec-
Paragranum et le Paramirum ont paru. teurs d'Angleterre, une biographie c1ui pla-
Ces hommes sont les pionniers de l'examen cerait Paracelse dans la relation exacte avec
paracelsien, et leur travail attire de nombre~x la Henaissance europc~cnne ; une biographie
étudiants. i~1parlial e en face d<\S thc'.l oriPs dés11 Nes, li-
C'est à Browning, à son poème que cette bérée des influences d'un culte exotique.
Vie de Paracelse doit son inspiration, à ces D'autres besognes cmpAchèrenl cette en-
pionniers et à ses propres œuvres, ce livre treprise jusqu'nu <léhut du printemps de 1910.
doit son authenticité . Attirée vers le sujet par J'étais enfin libre ùe mettre à exécution le
la tentative peu satisfaisante de la Société projet qui, après des années de méditation,
Browningienne, dont je faisais partie, je mé- avait assumé le caractère d'un impératif et
6 PRÉFACE

sacré devoir. Je fus encouragée par l'avis et


l'opinion du D• John Comrie N. A. dont les
conférences ;, l'Université d'J::dimbourg sur
]'Histoire de la Méder.ine créèrent un vaste
NOTICE
intérêt en louL ce qui éclaire son sujet, et à
lui vont mes remerciements.
Aux bibliothécaires du Collège Royal des C'est avec un profond regret que j'annonce la
Docteurs, et ceux de la bibliothèque des Avo- mort de Miss Anna Stoddart, survenue quel-
cnts d'Édimbourg et à ceux des autres biblio- ques heures açant la mise sous pre.<Jse des der-
nières pages de ce çolume.
Ù11\.qucs soit chez nous, soit à l'étranger, qui
'1
Ce n'est pas ici la place où donner un compte
touR 111 'nid1~rm1I. h connaître les premières édi-
rendu biographique de la disparue. Mais les
tions des mnvreF! <le Pnrncelse, je suis rede- notices qui ont paru dans les journaux princi-
vnhle d'une conslnnte courtoisie, d'un eon- paux témoignent largement la haute estime en
cours obligeant invariablement. laquelle elle et son œuçre éducatrice étaient te-
Je suis heureuse enfin d'adresser l'expres- nues par un çaste cercle d'amis · et d' admira-
teurs.
sion de ma sincère reconnaissance à M. Mur-
Pendant ces dernière11 année11, toute sa çie,
ray, si prompt à accueillir mes premiers
toute son énergie jilrent. l'Otlée.'l à cette œuvre sur
chapitres, et qui sut me donner précisément Paracelse. Ses études précédentes, ses connais-
cette sympathie expérimentée qui, plus que sances lingui.'ltique.ç la rendaient propre à la
Loule autre influence, encourage et fortifie la tdche. Elle çécut de nombreux mois en Alle-
puiRsance de l'intelligence et de l'application. magne et en Italie, afin d'examiner sur les lieux
la carrière d'un homme très remarquable qui est
ANNA-M. STODDART.
surtout connu du public anglais par l' ouvr.age
8ie1111•), 12 juin 1911. de Robert Browning.
NOTICE

J'espère que le public fera un accueil favora-


ble à cette œuvre érudite et consciencieuse, au-
tant pour l'auteur que pour le sujet du volume . ·LA VIE DE PAUACELSE
•ToHN MURRAY.

I '
CHAPITRE PREMIER
t•• septembre 1911.
Le Dr Wilhelm von Hohenheim
Lorsque Einsiedeln
Et ses vertes collines, étaient
pour nou s l'Unive rs .

La Vallée d'Einsiedeln s'étend des deux mon·


Lagnes, les Mythens au midi jusqu'à l'Elzel nu
Nord. Jusqu'à la fin du vm• siècle, cette vnllée
était inhabitée. Ses rivières, ses r11isse1111x se dé-
versaient à trnvors la forèt, dans le lac de Zü-
t•ich. Ces forèts retonliKsnient <lu h111·lemcnt des
loups et des oriK des autours ; mnis la voix de
l'homme y était inconnue nu delà des confins
même11. De-ci, de-là, s'élevait quelque masure ;
-~...
J :"
toute la région élait un désert ; les habitants
"''. ..:· ...

des rives du lac n'osaient s'y hasarder .
~/ . - Les hautes montagnes aux cimes de neige,
1.
T 1

10 LA VIE DE PARACELSE LE D' WILHELM VON HOHENHEIM 11


qui traversent les r.antons de Glarus, de Schwytz La majeure partie du pays confinant aux lacs
et d'Unterwalden limitaient la contrée sau-' de Zurich et de Constance, était convertie au
vage an midi, les prairies longeant le lac bor- christianisme. Les admirables et zélés mission-
daient le côté nord. Altmatt était au levant tan- naires irlandais, Colomban et surtout Gallus,
dis qu'au couchant le district touchait au lac dont le souvenir s'enchâsse dans le nom de
supérieur et aux marais. Saint-Galien apportèrent avec la Croix, la lu-
Ce pays désert appartenait aux ducs d' Ale- mière d'une culture relativement avancée. L' Al-
mnnie et ecclésiastiquement au diocèse des évê- ;',,
....... 1 ; •
lemagne, la Frances'adressaientà l'Irlande pour
ques de Constance. Mais quoique les nobles l'envoi d'éducateurs. La musique, les arts du
s'aventurassent parfois en chassant sur la lisière dessin et de l'industrie étaient de beaucoup plus
dcR boi11, la région surnommée la Forêt Som- développés dans la verte Erin que dans les ru-
hro joniK11ait d'une réputation sinistre. des civilisations des Angles, des Francs, des
~rel était oo pays jnsqu'à l'époque de Meinrad Alemans.
qnl naquit vers la fin du vm" siècle. Sa famille Cependant une grande partie de l'Helvétie
appartenait A une branche du tronc d'où sorti- et de l' Alemanie était encore païenne, seuls les
rent les ancêtres de la maison impériale d'Al- fils de la noblesse commençaient à recevoir une
lemagne. Son père était un Comte de Zollern. éducation dans les écoles monastiques.
Il habitait près de Rottenburg, dans la vallée La perspicacité du Comte Zollern avait bien
du Neckar, et ce fut là que Meinrad vécut son jugé des dispositions de son enfant. Celui-ci se
enfance. montra empressô i\ écouter ses maîtres. Il étu-
Observant le caractère sérieux de son fils, le dia, avec ardeur, le latin, la théologie, travailla
père vit dans cette disposition l'indice qu'il était aux écritures et aux formules.
plus apte au service de l'Eglise qu'à la vie du Aux jeux de ses camarades il préférait les
.. graves exercices du cloitre. Les moines se prirent
monde. Il le mena bientôt au couvent célèbre • !

de J'tle de Reichenau, influencé, sans doute, d'affection pour l'élève si doux, si pieux, si
par Io fnit qu'un de ses parents, nommé Erle- zélé. Bientôt ils l'encouragèrent dans son pen-
~ald y était un des précepteurs. chant pour la vie ecclésiastique. Il passa son
•,
'1
12 LA Vl~ DE PARACELSE LE D' WILHELM VON HOHENHEIM 13
adolescence et ses premières années d'homme tenir le. cœur militant contre la tentation.» Il ne
à Reichenau, y prit les ordres de diacre et de pouvait se promener sur les rives du lac sans
prêtre à l'nge de vingt-cinq ans. . ·1
ressentir un douloureux désir, pendant ·que ses
En 8H Erlehald fut élu abbé du monastère regards se fixaient au delà.
et bientôt après Meinrad entra dans l'ordre de Un jour enfin il se décida à traverser le lac,
Saint-Benoit, et se soumit à sarègle rigoureuse. à explorer le terrain. Plusieurs de ses élèves
Son 1rnvoir le rendait plus propre aux travaux l'accompagnèrent, et ils montèrent jusqu'aux
d'érudit qu'aux travaux physiques. Il copia les talus du Haut-Etzel. Là, les jeunes garQons s'ar-
ooritures en entier, ainsi que plusieurs livres de rêtèrent pour pêcher dans la Sihl, pendant que
dévotion. Il enseigna à l'école, puis fut envoyé Meinrad poussait plus avant vers la forêt. Sur
bientôt à Bollingen au nord du lac de Zurich la pente, il trouva un site propice à la cons-
oi1 Reichenau avnit une maison et une école truction d'un ermitage. Comme le maître et ses
dopendnnlflA, Mnhlics pour complaire au désir élèves retournaient vers la rive, ils atteignirent
do l'Jtmpflrenr Charlemagne, afln de répandre un bourg, appelé de nos jours, Altendorf; là
·: 1/1'
l'instruction dans ce voisinage. une bonne femme promit à Meinrad de lui pro-
Meinrad s'acqniLta de ses fonctions avec zèle curer les nécessités de la vie, de les lui porter
et soumission ; mais son âme était toute à la dé· jusqu'à un certain coin de la Jisière du bois,
votion, et non dans la vocation séculière du mo- où il les irnit. prendre ô. des jours déterminés.
nachisme. Au delà du lac resserré, il apercevait Meinrad ramena ses jeunes 1\ Ilollingcn, puis se
le désert boisé, lorsque après une nuit passée en mit à la t•echerche cle l'tthhé El'lcbald et lui sou-
prières, il guettait le soleil levant sur les mon- mit son intense désir cle vivre désormais la vie
tagnes. Leurs sombœs renfoncements l'attiraient d'ermite.
vorA elles irrésistiblement. Là-bas était la soli- L'abbé causa longuement avec le jeune prê-
tude, 11\-bas il serait plus près de Dieu. ,Saint Be- tre, puis convaincu que la solitude désirée était
noit n'nvnit-il pas enjoint dans sa règl€ : « La enjointe par Dieu même, il aida Meinrad à se
lutto dt'I l'dmc dans le désert, où Dieu seul est 1
!.
préparer à partir. En quittant le monastère le
prc\1umt, 01) il n'y a d'autre secours pour sou- \. jeune ermite légua à la bibliothèque de Reiche-
LA VIE DE PARACELSE LE n• WlLHELM VON HOHENHEIM

nau les nombreuses copies qu'il avait transcri- Sombre Forèt. A sept kilomètres de là, du coté
tes. Il garda seulement ln règle de Saint Benoît, des Mythen, pyramides monstres qui font la sen-
son livre de messe et quelques écrits religieux. tinelle au midi, il trouva une plaine, fortement
Meinrad partit pour l'Elzcl en 820, et là, juste '.~- boisée, au niveau aplani, murée à l'est par les
à l'endroit où s'érige aujourd'hui la chapelle, il hauteurs demi·circnlaires du Freiherrenberg.
bAtit une petite hutte et commença sa vie d'ana- Juste au-dessous d'elle il fit halte. Avec l'aide
chorète. de quelques bftcherons il rebâtit son ermitage.
Malheureusement la solitude qu'il crut avoir Dans le voisinage l' Alp bruissait à travers les
trouvée fut troublée. En cette époque transi:- sapins, et l'eau pure du ruisseau servait à ses
toire, en ces jours de malaise, une grande fer- besoins journaliers.
mentation intellectuelle agitait les esprits. Le Autour du lac de Zurich, maintes maisons re-
spectaol<i d'un homme q11i savait vouloir, qui ligieuses s,étaient établies. Sur l'une d'elles, pré-
s'appli<prnit al ohtm1ir une communion avec sidait l'abbesse Hildegarde, fille de roi, et sainte
Dieu, plui:1 étroite que celle dP.s clotlres, influença femme. Émue d'admiration et de compassion
beaucoup d'hommeA ot de femmeA rélléchig, Us par un renoncement auquel manquaient même
escaladèrent la rngncuAe colline menant à l'he.r- les objets servant à la dévotion, elle envoya à
mitage, pour y chercher des conseils, des con- Meinrad une Madone avec l'enfant Jésus, sculp·
solations, des intercessions. D'autres suivirent tés en bois, et l'on 11upp0Re qu'elle l'aida à
par curiosité. Le but de son renoncement sem- construire un petit Ranctuaire, 011 il put pincer
blait contrarié. Pendant sept ans, il supporta ·oe trésor. Une nntre ahbe1um Hcdwige de Schœn-
leurs importunités.Sans doute, en hiver, lorsque nis lui donnn un autel, ctes chandeliers, de l'en-
, 1

le Haut-Etzel est couvert d'un manteau de neige, cens, de la cire, pcut-t'ltrc encore des vêtements
il pouvait se ressaisir ; mais pendant la majeure de prêtre, pour les ol'llceK de Lous les jours.
partie de l'année, les pèlerins affluaient pour ob- Notre-Damo d'J~insiedeln l'ut fondée là, pour
tenir sa bénédiction. Son ermitage était trop '·' ne plus jamais quiller le siLe où sa gloire de-
près du monde pour échapper à son contact, Il meure.
décida de pousser plus av&ni dans le cœur de la i Car la Madone vénérée de l'Église d'Einsie-
' . ..

"
l, .

.' .
16 LA VIE DE PARACELSE LE D' WILHELM VON HOHENHEIM

d~ln, où plus de cent mille pèlerins viennent fit une clairière autour de la chapelle et de son
prier chaque an néo, est cette même Madone de . ermitage. Quand il eut achevé ce travail, il
bois, offerte à Meinrad pat· l'abbesse Hedwige • ~ 1 élargit l'espace de Ja plaine autour de sa de-
il y a onze siècles. Quel spectacle émouvant meureetdéfricha la terre inculte. Pendant vingt-
s'offre encore de nos Jours à celui qui traverse cinq années Meinrad vécut dans cet ermitage,
Ill ville an mois d'août. mot qui en allemand se dit Einseidelei.
Il faut voir cette foule prosternée, écoutant Dans les dernières années de sa vie, les pèle-
chanter le Salve Regina chaque après-midi. Ja- . rins parmi lesquels beaucoup de nobles, le re-
mais intercession plus touchante, plus ardente, cherchaient dans leurs heures d'affliction, de
fut entendue, avec ses gémissements, ses cris contrition. La route de l'ermitage fut souvent
de délivrance, clamés par des centaines d'êtresen foulée. Meinrad recevait leurs confessions ; il
conflit nvec la souffrance. les remontait, les consolait, célébrait pour eux
l..1\, Meinrad trouvn le repoR, loin du monde, la messe, et les renvoyait transformés et résolus.
quolq1111 <le temp11 à autre quelque Ame en dé- Mais la renommée de ces pèlerinages parvint
tresse venait demander son appui, et quelque aux oreilles de quelques misérables, qui suppo-
religieux de H.eichenau lui rendait visite. Il eut saient que Meinrad avait dû accumuler des tré-
à subir les violents assauts des puissances ma- sors, dons de vaisselle d'or et d'argent faits au
lignes, mais il les dompta par la force de la Hnotuniro, et qn'ils pourraient convertir en mon-
C1•oix. On raconte que Dieu lui envoya des naie. Un Allemand ot un habitant de la Rhae-
messages visibles pour le consoler, une fois tie ré!lolurent d" tuer le 11alnt homme. Le père
même sous la forme de Jésus enfant. Il passait Odile fiinp;ho11. rnoontc l'histoire de leur crime.
Re11 heures de récréation à arpenter la forêt. Un Pendant qu'il oélcfürnit la messe mntinale, Mein-
couple de corbeaux qu'il nourrissait des miet- rad eut le pressentiment cle sa mort imminente.
te11 de se11 maigres repas s'attacha à lui, comme Il passa la journée entière en prières, se prépa-
nuLrofoi11 deux corbeaux s.'étaient attachés à rant à quitter la terre. Le soir ses assassins vin-
8nlnl Ronotl. ·. ::. rent le trouver. Il les.1eçut amicalement, parta-
Ponr ln labour plus rude il avait sa hache ; il gea avec eux son pain, son eau. Q uand la nuit

'1

''
.··; ·

18 I,A Vllt JlP: rARACEJ.!IF.


(
1
·!_.

LE D' WlLHELJll VON HOJŒNHEIM

fut tombée les misérnhleR l'a!\11ommèrenl et le Pendant près d'un demi-siècle, il n'y a rien à
frappèrent Jmtqu'A oo qu'il expirAt. Mais au mentionner. La chapelle et l'ermitage tombè-
moment OI\ il ronrlnit Ici dernior soupir, ils virent rent presque en ruines, les rares pèlerins ne
de111 olergeR nllumé11 nntour de fH>n corps, et un pensant guère à les restaurer.Mais au débutdu
parfum doux oornrnc de l'encens Re dégagea du xe siècle, un dignitaire de la-Cathédrale de Stras-
on<luvro. Les meurtriers prirent la fuite, terro- bourg y vint avec quelques disciples, attiré par
rl116R. Les corbeaux:, témoins de leur crime, le souvenir de Saint Meinrad et son désir de la
"'élov('lrent de leur perchoir, criant de rage et solitude. Bénédic, mieux connu sous le nom de
Io" poursuivirent jusqu'à Zurich. Ne trouvant Benno, se mit en devoir de réparer la construc-
nnl rot'nge, le11 vagabonds furent jetés en prison; tion ; il ajouta des cellules à l'ermitage, une
tour t,rutnl snoril<'ige fut découvert, et l'archiduc pour chaque disciple, car ils voulaient tous pra-
Adnlhurt 10111 condnrnun 1\ Nro hrfllés. tiquer la vie d'ermites, non celle d'un ordre
<)nnncl ln nouvollci parvint i\ lloichenau, l'abbé ëtabli.
W11ltor et quolquos-u1111 dc11 moines montèrent / Quand la bâtisse fut achevée, ils suivirent
A l'ormitngo, portèrent le cœur de Meinrad ·à sa l'exemple de Saint Meinrad et coupèrent les ar-
petite chnpello et transférèrent son corps à l'ab- bres entourànt leur domicile. La vaste prairie,
baye, où il fut enterré selon les rites sacrés. nommée de nos jours le Brüel, est due à leur
Ceci se passait en janvier l'an 861. labeur,oomme auRRi une grande étendue de ter-
Jusqu'ici nous nous sommes attardés ·s ur rain arable à l'e"t do l' Alp, cmcoro nommée
l'origine d'Einsiedeln,dont l'importance grandit Bennau de no11 Jour".
par le souvenir du saint et par les pèlerinages Mai11 en 027, Ucnno fnt fnit, contre son gré,
qui gardaient vivante sa mémoire. Évêque do Met:r. et dut qnitt~r son cher petit
A présent nous ne pouvons que jeter un re- troupeau dans ln 8omhro Forêt. Il trouva les
gard rapide sur les événements des six siècles · Messains ndonnôR au péché de la chair, et les
qui 1'éparent la mort de Saint Meinrad de la nais- exhorta au repentir. Sa récompense fut leur
Hnoo do Paracelse, et comment ces événements haine. Et lorsque le roi Henri, qui avait nommé
affectèrent le développement d'Einsiedeln. l'Évêque fut absent, ils louèrent deux sbires
20 J,A vrn nE PARACELSE LE ·n• WILHELM VON HOHENHEIM

pour surprendre l'ecclé11inslic1ue et lui crever la liberté d'élire leur abbé, sans intervention.
les yeux. Les Rnffinn11 ajoutèrent les coups à Cet acte admettait l'abbé au rang de Prince
leur cruauté. Ronno ctemnn<ln ..a <!omission au abbé.
Synode, et rnlonrna il J~i1111lo<leln. Il y fnt reQu Vers la fin de l'an 9-i7, les édifices étaient
avec Joie, 1migno nwio cMvonf!mont et v<lcut en- achevés. L'Église s'érigeait, enveloppant la pe-
core onze nnn1ie11 on plllx, cm cMvotion jusqu'à tite chapelle primitiv!" avec son simple autel , '
sn mort l'an Ui\.O, et sa Madonie de bois. L'église et la chapelle
8ix an11 avant 11n fin, un nuire chanoine de attendaient Leur consécration. Elles se trou-
Stra&bonrg vint lfl rnjolnclro, comme lui un vaient dans le diocèse de Constance auquel Ein-
homme d'une grnncft1 oulturci ot po11i;édant une siedeln appartint jusqu'au commencement du
grnndC'l fortunn. li nmcmn cfo nomhrflux compa- xvm" s iècle. L'Évèque de Constance fut appelé
gnon.- el Rcmno Io nomm11 ahhô. à accomplir la cérémonie solennelle. L'Évêque
Cet ICht1rhnrd propo1rn <Io <lonnor 11c11 ~iches­ d' Augsbourg fut invité à être présent et ap- ..,
.
AC'l!I pour l'c\rocitlon d'mw ~gli1m til <l'un monas- porta comme don une relique de Saint Maurice.
tllro 1111r Io 111lo <le l'ermitage de Saint Meinrad, L' Évèque de Constance était profondément
clo rôorganisnr la vie deR ermites en celle d'un pieux,' et d'habitudes sincèrement dévotes. La
couvent et d'adopter la règle de Saint Benoit. veille de la .consécration il se leva vers minuit
Renno consentit à l'offre, mais ce ne fut qu'après afin de prier dans la nouvelle église. Comme
sa mort que les constructions furent commen- il pénélraif dan11 la nef' un chant merveilleux
cées. Parmi les parents d'Eberhard était le ri- parvint à 1w11 orolllc11.
che duc Hermann de Souabe et sa femme Re- Quelqueit Uénédlotins litaient aussi dans
guilinde. Le duc ajouta de grandes sommes pour l'église el l'neoompagnùrenl jusqu'à la porte de
l'cirection des édifices, et son nom est accouplé la petite chapellll, d'o1i émnnnient les mélodies
à colni d'Eberhard, comme fondateur de l'église célestes. Comme ils regardaient à l'intérieur
d'mn111iodoln. Il donna au couvent tout le ter- avec une surprise révérende, ils trouvèrent la
rain (lonlloé par l'Etzel. Puis il obtint de 1'Em- chapelle illuminée et un grand cœur d'anges
pt1rt111r Othon 11 un décret donnant aux religieux conduisait la consécration avec les chants, les

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J,A VIE DE PARACELSE LE D' WILHELM VON HOHENHEIM

prières, et le cérémonial habituels. Ils écoutè- augmenter durant les neuf siècles écoulés.
rent ju~qu'il ce qull lu fonction angélique eût Aujourd'hui, les pèlerins n'ont pas diminué en
cessé, et rotourno1·ont nu couvent fortement nombre et leur dévotion est aussi intense. Au
émus. L'ltv~que HOllLil <1uo lu ohupclle n'avait xm• siècle, le monastère obtint le droit d'user
plus be1win d ' une cér6111onio humaine, Dieu d'un sceau, et choisit la Madone et l'Enfant,
l'nyaut lni-mé1i1e 00111t11créo. tandis que comme impression les a~moiries de
Lor11•1110 lfü<whard et le.Hl 111oinns assemblés l'abbé renferment les deux fidèles corbeaux de
1
',.
eutoudiruut oo cp1i 8 éLniL plli'H1é, ils furent sur- Meinrad volant à toute vitesse derrière les
pris ot ll'Olll.1léH. üralgnunl quo Conrad et leurs assassins. Le plus ancien tableau d'Einsiedeln
f1•ôro11 oussont ou 11110 vlKlou trompeuse, où que est de l'an 1513; il montre l'abbaye, le monas •
lour imnl(hH1tlu11 los oOL 0111po1·tés au delà de la Lère adossés aux collines boisées, environnés
rôtilhô. l11J 1)r088èro11l I'l~v~que de commencer la de nombreuses petites maisons, et sur le Brüel
oôrômoulo. A 0011tre-oœ11r, il eédu. La consé- des groupes de jeunes garçons s'amusent à faire
01•11tlo11 devait eornm•moor'. Mnis les premières des boules de neige auprès d'une petite église,
porolcH sortuhmL 1\ poine de la bouche de Con- pendant que quelques hommes graves les re-
rad qu'unti voix d'on huul pl'Ononca par trois gardent.
fois uvec un son qui se répercut,a dans toute Il y avait, trois cents ans avant cette date,
l'église: «Arrête, frère, la chapelle'est déjà con- une école dh>igée par des Bénédictins, et le
sacrée pa1· Dieu. » maltr<i d'école du commencement du x1v• siècle
Plus tard, lorsque l'Évèque Conrad vint à composa les ve1 H lntinH en l'honneur de l'Eglise,
1

Home, il raconta au pape Léon VIII tout ce dont voioi 1\ peu p1·ès la lrnduction :
c1u'il avait vu et entendu, et reçut de Sa Sain-
La relique do quolquo Suint fait l'orgueil de maintes
teté une bulle défendant toute tentative de re-
[cathédrales,
oousacrer la chapelle do~énavanL. P'autres se vantent det1 dons offerts par des Rois,
Cot incident surexcita tout le voisinage et les Mais la nôtre peut se glorifi er des deux,
pèlorluugos commencèrent à affluer vers un lieu Sa renommée réside encore davantage dans sa consé-
glorltlé p111• Dieu lui-mème. Ils ont continué à lcralion céleste.

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LA VIE DE PARACELSE LE D' WILHELM VON HOHENHEIM

-· Sainte Vierge ·I Dieu bllLit ici à ta gloire le sanctuaire


[où nous trouvons le salut.
Ici, les pèlerins L'implore11L avec ferveur.
troyée aux religieux d'élire leur Abbé, ·e t essayè-
rent de soulever une hostilité contre ce privi-
lège. Mais il est probable que leur influence et
! .
' ' Faiblea et forts 1·eçoivcnl de Loi louLcs lo8 faveurs divi- leur énergie à réformer le délaissement dans
. [nes. ~:...
' / lequel les habitants étaient tombés dans tout le
pays, furent les vraies causes de cette inimitié.
A travers les bons el les mauvais jours Ma- La lutte dura cinquante années, et une seule
rie d'Einsiedcln dura. Artisans et marchands fois les nobles réussirent à imposer l'Abbé de
affluèrent. vers la peille ville pour subvenir aux~ leur choix par la force des armes. Lorsque le
besoins des mullitndcs qui venaient visiter la danger eut cessé, survint une longue et inter-
Chapelle Hainte, et nnc vie séculaire en sympa- mittente querelle avec les habitants de Schwytz.
lhique so11mis11ion à l'autorité bénédictine com- Ces derniers, en 1314,firentirruptiondans l'église,
menon. Mui11 nvnnl lu fln dn xv· siècle de nombreux saccagèrent et emportèrent tout le trésor,et je-
malheurs at1Snll lirent l'énergique commune. Les tèrent les moines en prison. L'Autriche inter-
UônOdictins étaient alors, tout à la fois, mission- vint l'année suivante en faveur d'Einsiedeln,
naires, architectes d'églises, fondateurs de mai- mais son armée fut défaite à la baLaille de Mor-
sons religieuses, promoteurs d'éd.ucation et de garten.
savoir. Une partie de leurs revenus, soit qu'ils Ce1t déeOAtreÎ llrolongé8, terribles, amenèrent
provinssent de dons ou de leurs croissantes la perle dn la moiLiO dc11 terres des Bénédic-
propriétés terriennes, était dépensée pour ces tine dan11 ln )rorcH Homhro, mnh1 ils regagnèrenl,
importantes entreprises. d11 moin11, leur incMpondanoc et leurs droits.
La première calamité arriva en 1029, lorsque La paix fut oonolno avec Schwytz par l'arbi-
l'église et le cloître furent brt1lés, soit par ma- trage de l'Abbé de Dissenlis qui avait étéun
lice, ou par accident, mais probablement par religieux d'fün11ideln. Ces querelles successives
un ennemi, nommé Eberhard, dont l'ingérence remplirent d'amertume deux longs siècles, et
dans l'élection d'un Abbé fut contrecarrée. Les pendant les luttes a vcc SchwyLz le. cloître brûla
nobles avoisinants, détestaient la liberté oc- une seconde fois.
2
LA VIE DE PARACELSE LE D' WILHELM VON HOHENHEIM

Avant que commençàt le x1v• siècle, la pros· ver ses titres de famille. Il devait apporter le
périté de la dime semble avoir cessé. Mais au témoignage de quatorze nobles ancêtres. Le
plus bas de leur condition séculière, les Ab- doyen de Bonstettin nous informe dans sa éhro-
bés d'Einsiedeln furent constamment appelés nique de 1.\94:
aux fonctions épiscopales au dehors. « Cette maison de Dieu, et cette église seront
L' Abbé Jean I•r fit beaucoup pour le rétablis- comme un hôpital de refuge pour les princes,
sement du cloitre. Homme d'action, de piété, comtes, propriétaires terriens et leurs enfants,
d'érudition, il releva le culte aussi bien dans comme il est écrit dans les chroniques et comme
ses détails que dans l'esprit ; il améliora les il est d'usage depuis longtemps. >
méthodes d'enseignement et travailla sans trêve Quatre Abbés de haute naissance se suc-
à procurer les fonds pour restaurer les édifi- cédèrent durant le xv• siècle, le dernier fut
ces endommagés. Les pèlerinages s'étaient faits Conrad de Hohenrechberg élu en 1480. Déjà
rares pendant les calamités précédentes, mais de son temps, le strict usage de ce titre était
furent ranimés par son oncouragement. Il mou- fort discuté. On disait que la dévotion du mo-
rut en 13i7, et fut heureusement succédé par nastère souffrait de l'influence mondaine, et
les hommes qu'il avait su inspirer, de sorte qu'au que la discipline s'était fortement relâchée. En
début du xv• siècle Einsiedeln recouvra sa pros· commun avec la plupart ·des maisons religieu-
périté. Sa dignité ne l'avait jamais abandon- ses de l'époque, Rinsiedeln était sujet à critique
née. et à cen1mre.
Pendant ce siècle plusieurs maisons religieu- Lo promior 1wuN10 de la réforme éveilla de
ses, dépendantes du monastère s'établirent sérieuAeA opinions on Bohême el en Angleterre.
dans le voisinage, quelques-unes pour des reli- Quand le vent do l'intelligence est mis en mou-
gieuses ; celles-ci furent réunies en une com- vement il paRse d'un pays à l'autre. On peut
munauté de Bénédictines, au siècle suivant.. conclure que la faillite de l'Eglise chrétienne,
La paix et les progrès revinrent dans la val- à maintenir son but élevé au x1v• et au
lée. Le monastère était aristocratique. Nul reli- xv• siècles, fut la cause principale de cette
gieux n'éLail élu Abbé à moins qu'il pût prou- révolution, appelée réforme. Comme la Science,

'~ . ":". ..
·-u · .,.. .# ·.
,
LE D' W I LHEL M VON HOHENHEJM 2 !)
28 LA VIF. DE PARACELSE

ample information, il nous faut remercier les


l'église d'alors était devenue l'écho rlissonnant
d~rnières autorités sur la parenté de Paracelse,
de son passé.
les D.. Sudhoff, Carl Aberle,Strunz, et Hartmann,
Sa vie spirituelle faiblissait, el les forces qui
qui tous ont fait de soigneuses investigations
recueillaient leur· impulsion, lentement, silen-
de son rang social de naissance. Si ce n'était
cieusement dans les quelques runes touchées
pour la mal~eillance des ennemis de son fils,
par !'Esprit en face du spectacle d'une Eglise
ennemis contemporains ou posthumes, il serait
en lutte avec Dieu, en lutte avec les hommes,
inutile de s'arrêter au long, sur les ascendants
ces forces trouvèrent une issue volcanique dans
de Wilhelm von Hobenbeim. Mais à des biogra-
les actes de ces âmes et un défi dans leur lan-
phes menteurs de Paracelse, on 3: si longtemps
gage de feu.
ajouté foi, qu'il est de notre devoir de donner
Sous le doux Conrad de Hohenrecbberg il ne
brièvement le résultat des dernières investiga-
se fil à Einsiedeln aucun effort pour aller au-
tions.
devant des imputations ou pour les réfuter. Il
Un soldat, appelé Conrad Bombast de Hohen-
fut Abbé de 1-\80 à 1ts'l4-, quand les secousses
' t, heim vivant en 1270 était le tenancier féodal des
préliminaires se changèrent en soulèvement. ·
~
1 Comtés de Wirtemberg. li mourut en 1299 lais-
Bientôt après son éleclion, on réclama un mé-
sant comme exécuteur testamentaire un Frédé-
decin pour soigner les malades de la vil.le et
ric do Hohenheim. Des relations étroites, entre
ceux de l'hôpital des pèlerins. Il fit venir le i les Comtes do Wirtomberg et ocllo famille sont
D· Wilhelm Bombast von Hohenheim, de qui ,°f 1

démontrée!! pnr loA l11rro11 ot lns r•cvcnus dont


l' Archevêque Netjbammer dans son admirable '.
les Bombnst de Hohcnlwim All 1·oelnm1lient. Ce
Vie de Paracelse dit : « Wilhelm von Hohen-
Conrad habitait le Chl\leau de llohenhcim, près
heim n'était ni un vulgaire barbier, ou un bai-
' ,. . de Stuttgart et colloctionnail leg dimes de Plie-
gneur médecin, mais un docteur célèbre, ayant
ningen et de la moitié des revenus d' Ober Ess-
étudié dans les meilleures facultés, qui acquit à
lingen. Cos p1·ivilèges durèrent pendaut le x1v•
'l'iibingen son degr~ de Licencié de Médecine,
siècle et la majeure partie du xv•. Une famille
comme Je raconte une chronique de Sillach. »
du nom de Spmt acheta d'eux en 1432 la pro-
Le nom indique son rang, mais pour une pins
2.
30 LA VIE DE PARACELSE LE n• WILHELM VON HOHENHEIM 31
priété féodale el ses pri"ilèges, avec la sanction chimie, la botanique et faisant une spécialité de
du Comte Ull'ich de Wirtemberg. Wilhelm de la médecine végétale. Il possédait de nombreux
Hohenheim épousa une dame de cette famille. manuscrits, peut-être des copies faites à Tü·
Il était chevalier et accompagna le Comte Ulrich bingen, qui comprenaient les principales don-
contre le Comte Frédérich du Palatinat, et en nées de cette époque sur la médecine, la chi-
nm~ prit part à l'expédition contre Landshut mie,l'astrologie et les sciences qui s'y rattachent.
sous les ordres du Comte Eberhard de Wirtem- Al' Age de trente-quatre ans il épousa une dame "
berg accompagné de son frère, George Bom- d'une famille connue d' Einsiedeln, du nom ,1
bast de Hohenheim. Ceci advint juste un an d'Ochsner, dont le père était sans doute Rudi
avant la naissance de Paracelse, dont le père Ochsner vivant au pont de la Sihl. Elle oc-
habitait Einsiedeln depuis onze ans. etipait le poste de directrice de l'hôpital des
Ce George von Hohcnheim avait en t.\68 pèlerins, sous l'administration de l'Abbé, et le
nccompngno le Comte Eherhard en Terre Sainte docteur a dù souvent être mis en relation avec
tll clnru1 les dernières ann(!CS de sa vie, il entra eHe pendant qu'ils soignaient professionnelle-
dans !'Ordre des Chevaliers de Saint-Jean où il ment les malades.
tint un rang élevé. li avait un neveu, Wilhelm A l'occasion de son mariage qui eut lieu en
Bombast von Hohenheim, qui était le jeune 1491, le D• Wilhelm von Hohenheim fit peindre
médecin appelé de la Souabe, par Conrad von son portrait. Il est anjourd'hni à Salzhnrg, au
Hohenrechberg en H81. Le nom de Bombast, Musée Carolinn Angnsteum, et éolniro, pour
Bambast, Baumbast, ou encore dans sa forme nous, bien d<!R fnitH roAt(,14 donlfmx autrement;
la plus ancienne, Banbast, était spécial à cette son âge est inRorit 1mr un phylactère à sa gau- ....;
branche des Hohenheim. Leur fortune péricli· che, juste a11-doR11011s des at•mofries des Hohen-
tait, et son pèr·e qui vivait à Riet, n'était ni sol· heim, qui portent trois bezants d'azur sur barre
dat, ni riche. Le fils fut éduqué dans une pro- d'argent.
fession, qui lui permettrait de faire son chemin. A sa droite, dallA l'angle gauche du portrait
Après son arrivée à Einsiedeln, il a dû vivre est la tête· d'un bœuf', non point une représen-
tranquille, laborieux, étudiant tout ensemble ln tation héraldique, mais un emblème du nom
\'
...
' LA vm DE PARACELSE LE D' WILHELM VON. HOIIENHEIM
"
de famille de sn !lancée. De la main dextre il vicissitudes du portrait, avant qu'il ne trouvât
..
.' tient un œillet, Aymbole coutumier des fiancés . sa place au musée de Salzburg. On dit qu'on le
Une petite fenêtre cintrée à An droite, s'ouvre vit en 1760 dans la maison d'un négociant de
sur une route, hordéo cle rochers et de sapins, cette ville,et Je propriétaire affirma que le por-
sur la pente de laquelle so dirigent un piéton, trait se trouvait dans le salon de Paracelse quand
et un cavalier, indiquant Io chemin des pèleri- il résidait à Salzburg. Un siècle plus tard il se
nages vers le Haut-füzel. trouvait chez Herr Josef Mosel qui mourut en
,.
Cc portrait est tri.Hi int6re1111ant, et bien peint 188~; celui-ci l'avait hérité de son père, par qui l ·r

à l'huile sur panneau. il avait été acheté d'un nommé Schamhuber, au


Il reproduit un hommo <le trente-quatre ans, service de l' Archevêque de Salzburg, vers la
habillé de noir, scion 11n profo1111ion, portant un fin du xvm• siècle. . ';:
bonnet qui reoouvro la pn1•tie 1mp<;1•ieure de la La famille Ochsner habitait une maison au .' : .
tète, 1umf une oonromw dt) clwvcux épais et bou- bout du pont de la Sihl et proche de la montée
clés, <1011 ohcvcux entourent un fr•onL élevé et menant à l'Elzel. La maison originale fut brû-
deeccudonl bns tians ln nuque. Le visage, a1~x lée vers 1838 et la construction qui la remplace
traits nue, exprime ln 1•{10exion, la douceur, la n'est point une reproduction exacte. Sur un ' .
'
bienveillance ; les lignes autour de la bouche vieux plan d'Einsiedeln et des environs, le ;.

sont profondes, les sourcils délicatement ar- pont et la mniAon sont tels qu'ils étaient lors-
qués, et les yeux disent la finesse, l'humour et que le D' von Hohonheim nmena sn femme au
un peu de tristesse. Il porte deux anneaux, un logis pate rnel.
sur l'annulaire de chaque main. Nous en con- Il y avait d eux étages dans ln maiRon large de >
'.
cluonsqu'en 1491., Wilhelm von Hohenheim était façade et l'étage supérieur fut aRsigné au jeune
un homme de science, un être d'humeur bienveil- ménage. La jeune {1pouséo était de caractère '.1 .·
lante, un gentilhomme ayant le droit de porter tranquille, religieux ; elle s'occupa surtout de
le blason de sa famille, et de lè transmettre à son son intérieur une fois mariée. La demeure avait
nts, qui toujours s'en servit. un site supe rbe.
L li D• Carl Aberle suggère quelques u nes des O n l'approchait d'Einsiedeln par une route

,/.' .
'
,, ,

'I
34 LA VIE DE PARACELSE

escarpée jusqu'au pont de la Sihl, sis au bas


d'une descente rapide. La rivière se précipitait
par une gorge, ses bords étaient revêtus de sa-
pins, et émaillés de fleurs.
CHAPITR~ II
La maison était bâtie un peu en retrait du
pont recouvert ; les fenêtres s'ouvraient sur la
roule des pèlerinages de l'Etzel. Derrière s'éten- Naissance, Enfance, Éducation
daient des prairies où paissait le bétail. Le pont,
Les siècles venaient et passaient
connu comme Pont-du-Diable, fut reconstruit
tour li tour, jusqu'à l'aurore annon-
il y a un siècle et demi, semblable à sa forme çant sa venue prédestinée,
première, de sorte qu'aujourd'hui, on peut aisé-
ment se figurer la plupart des points de vues
familiers nux habitants de la maison Ochsner. Ce fut là que le 10 novembre 14.93 leur fils
... '
vit le jour. Il fut baptisé du nom de Théophraste,
en souvenir du penseur grec, disciple d'Aristote,
Theophrastos Tyrtamos d'Eresos, physicien,
botaniste, minéralogue, que le D• von Hohen-
heim admia·ait tout partiouliùrement. Lo nom
de « Philip • n pu être ajouté à ce nom, mais
Paracelse n'en llt jarnnl11 usage, ot quant 1\ celui
d' « Aureolus • il dut lui t'Jtrc adjoint sur le "'"
tard de sa vie, par ses ndmirateurs ; en HS38, il
s'en servit dans le titre d'un document.
1 !
. Aureolus avait été donné honorifiquement à
Theophrastos Tyrtarnos et peut avoir été donné .,-:, '
en plaisantant par le docteur à son fils. Il y eut
' '
par aventu1•e quelque faible émanation Lumi-

- ---·- .- ,..·-""';.""- - , - ... -~


36 LA VIE DE PARACELSE N AIS S AN CJ~, " Nl'A NCE, ÉOUCA'rlON :n
neuse de son visage, comme il s'en est produites tagnes, de la forêt, du lac, des marais et des
chez certains hommes de génie ; ce fut proba- chemins; dans son .livre publié par la maison
blement la cause du surnom. Benzinger on peut découvrir ce que l'enfant
En regardant le portrait faussement attribué y aperçut dans son éducation précoce.
au Tintoret, dépeignant Paracelse à l'âge de La Pharmacie n'était pas alors, en Europe,
vingt-huit ans, il y a une apparente tentative reconnue comme un état officiel, comme elle
d'indiquer cette auréole. Mais ce ne fut qu'après l'avait été en Cbine, en Égypte, en Judée et en
sa mort que ce surnom fut fréquemment em· Grèce mille ans avant l'ère chrétienne. De fait
ployé par ses biographes et ses éditeurs. Son la première Pharmacopée appartint à Nürem·
nom entier, sans additions hypothétiques, était berg en 1542, l'année qui suivit la mort de Pa-
Theophrastus Bombast von Hohenheim. racelse. Mais la plupart des herbes médicinales
Ce fut un enfant dif'!icile à élever. Petit, fra- connues aujourd'hui, étaient connues au moyen
gile, avec une tendance au rachitisme, il récla- âge, et les maisons religieuses les cultivaient
mait des soins constants. Il les 1•ecovait de soh ~dans leurs jardins el gardèrent ainsi la con-
père, qui le veillait avec une anxieuse tendresse. naissance de leurs usages. Mais souvent elles
Le D' von Hohenheim avait découvert pour lui- furent mal employées, et les malades obligés ·'
même l'effet salutaire et fortifiant du plein air, d'avaler des mixtures qui e1'lpiraient leurs sou('.. ~·

et lorsque l'enfant fut assez âgé, il en fit son frances er hALaient lonr lin. LoM décoctions
...
compagnon de toute heure, en promenade et d'herbes Otaient JlO(llllllOillH lllOÏll8 t•épulsivcs
en courses. Paracelse apprit ainsi les noms et que le11 modiollUWllLH 111i1101•nux ou 11ui111aux ad-
l'usage des herbes bienfaisantes soit en lotions ministrée avco forooH priliMH, ù l'eau bénite et . :f
~ j
ou en potions, leurs poisons et leurs antidotes. avec une com1llèto abMotW<I d'air pur.
Cc furent ses premières leçons dans le Grand Sur leK p1·ah•io11 ot dans les bois proches de la
Livre de la Nature. Nulle part comme autour Sihl, dans Io. vallée 01l lc1J marais abondent, les
de sa demeure, il n'eùt pu lire une page plus saisons successives fout lleurir et fructifier des
attrayante, plus complète. Le Père Martin Gan- plantes sans nombre. Daus les prés, la prime-
der a catalogué la flore d'Einsiedeln, des mon- vère, la gcntiauo, la pàquerettc, la sauge, la re-
3
38 LA VIE DE PARACELSE NAISSANCE, ENFANCE, ÉDUCATION 3U
noncule, les orchis, la camomille, la colchique, entraînant parfois jusque vers Einsiedeln et
la bourrache, l'angélique, le fenouil, le cumin, les fermes d'alentour; d'autres jours ils ne fai-
le pavot, le lys, se succèdent tour à tour. Dans saient que de brèves promenades à une demi-
la forêt, les piroles, l'aspérule, la belladone, heure du pont de la Sihl. Lorsque le commence-
ie datura, la violette, et les graminées sauvages ment de l'été amenait les pèlerins, les soins du
abondent. Sm· les berges, les talus, et les che- docteur se partageaient entre l'Etzel etEinsiedeln.
mins se trouvent la campanule, la digitale, la On a suggéré que sa maison servait de bu-
chicorée, la centaurée, la véronique, la menthe, vette aux pèlerins descendant de la ch~pelle,
le thym, la verveine, le smilax, les lychens, l'herbe et qu'une roue accrochée, les jours de pèlerinage,
de la Saint-Jean, les potentilles, le plantain, le indiquait que l'on pouvait y acheter du vin. Ce
noisetier sauvage. Sur les marais on récolte les n'est là qu'une supposition, due à la présence
primevè1•es floconneuses à grandes taches mau- d'une roue restée sur le bord de la route dans
ves et violettes, les myosotis, la grassette, la le paysage du portrait, mais rien ne le confirme.
mauve, ln prêle, la sélagine, une orchidée rare Ce qui est probable, c'est que les pèlerins, fati-
et ancienne, et sur les landes, les bruyère!J, gués ou délicats, trouvaient fà le repas, des
l'azalée, la rose des Alpes, le saxifrage, la dian- soins et peut-être quelques gorgées d'un cordial
drie, le sainfoin, la pirole, la prime sauvage pour les restaurer.
et les graines de toutes sortes. Ces jours amenaient bien des questionfl de ,,· '
·r:-
Cette liste ne représente qu'une partie mi- la part de l'cnfnnt ot lefl réponHel' du père l'ont
nime du catalogue du Père Gander ; parmi ces conjecturer quo IR mère otnll morte, lorsque
herbes quelques-unes passaient pour avoir des Théophraste ôtait tout petit. Il rcRtu entièrement
pouvoirs magiques. aux soins vigilante du pèro, et, pourtant il
Auprès de son père, Théophraste a dû con- soulfrit du manque <l'une nourriture délicate
naître toutes ces plantes, lorsque Je docteur conforme 1\ sa eonRtitution chétive. .·y

faisait ses longues tournées à pied. Ces randon- Mai.s il f'ut élevé religieusement comme le . ·'·
•.··,

nées les conduisaient au-dessus de l'Etzel jus- prouve sa profonde conviction de l'importance
qu'aux villages des rives du Lac de Zurich, les d'une foi réelle, dans les années à suivre.;

. ~"·

1 ' ,/ ,, . ., '
40 I,A vm DK PARACELSI<: NAISSANCE, ENFANCE, ÉDUCATION 41
Pour Paracelse, deux intérêts souverains rè- vention de Stans se formula; elle englobait de
glent la vie : Dieu au Ciel pour être adoré et nouveaux cantons mais endossa les anciens dé-
à qui se confier. Dieu dans la Nature et dans crets constitutionnels, et fut, pendant trois siè-
l'homme pour litre compris par les recherches. cles, la base de la Confédération suisse.
Enfant, il acceptait tout ce qu'on lui enseignait, La pensée d 'un gouvernement individuel,
adolescent et parvenu à l'âge d'homme, il pensa joint à un pouvoir d'ensemble exécutif, se mani-
de son chef, mais ne perdit jamais de vue les feste en ces siècles, et Théophraste dut avoir
vérités grandes et éternelles. Selon lui, Jésus- connaissance de ce rapide développement de la
Christ fut le maître divin, et l'exemple dont le liberté et des lois, car Schwytz avait toujours
dicta demandait l'obéissance positive, et non pris une part proéminente dans les guerres
l'interprétation casuistique jusqu'au point de étr;i.ngéres et dans les luttes civiles de l'Helvétie.
l'uitc. On peut admellre, d'après ses propres Au dehors de la Suisse des événements se
1nérnoires, que son pèro fut son premier éduca- déroulaient qui attirèrent bientôt la Confédéra-
teur en lnliu, en hotaniqun, en alchimie, en mé- tion dans le tourbillon de leurs conséquences,
decine vél(étnle, en chirurgie et en histoire reli- et que l' Europe presque entière était à la veille
gieuse. Mais il y avait d'autres influences agis- de subir.
santes, dont le D• von Hohenheim n'était point Le O• Franz Strunz darn1 la docte ot {1!0-
responsable. Celles-ci étaient dues à-l'esprit de quenteint.roduotion à sa Vie de Paracl~l.~P- ef. .~a
l'époque, elles n'étaient pas seulement nées avec Peraonnalit.t!, y nttir<l nolro attention. Une ère
lui, mais elles se développèrent rapidement, nouvelle '"' prépnrnlt ; cell<1 qui la précédait
spirituellement et moralement. avait produit uno f'orl<i génllrntion d'hommes
Tout jeune qu'il f'ùt,~Theophrastus dutconnai- et leurs grnndoe amvres ; Ill clécouvertc de
ll·c les grands événements qui avaient nationa- l'imprimerlo ; leA sciences cherchant à résou-
lisé de nombreux cantons au xrv 0 siècle, et qui au dre la nnture, reconsidérant leurs formules et
xv• nvaient défendu la Confédération contre Char- leurs assertions ; ln théologie était appelée à
les de Bourgogne et l'Autriche. _Dans l'année rendre compte de ses systèmes, de ses restric-
même qui amena son père à Rinsiedeln, la Con- tions; une liberté nouvelle ouvrait ses horizons

,.;.1 ' 1 .. .. "V - _--,...•. ~Nd• Îi.,f,.! . 1• '.l"1~-:ir -v


NAISSANCE, ENFANCE, ÉDUCATION
LA VIE DE PARACELSE

à l'intelligence humaine ; le géant Antée s'éveil- fique et la comparaison. L'alliance de cet esprit
lait du long sommeil s111· le sein de sa. mère, la scientifique, avec les forces spirituelles de la
terre, pour repr~ndre sa lutte contl'e l'ignorance, Réforme dans l'~cceptation restreinte ou large
la superstition, les préjugés. du mot, avec son influence sur l 'àme des horn-
Paracelse fut vraiment l'enfant de cette ère . mes, réellement due à Luther, nous explique
rajennie. l'autre côté de son caractère.
« L'.Histoire de la Renaissance, dit le D• Strunz, Ces influences étaient en diffusion active avant
philosophique autant qu'artistique, avec ses mil- Luther, et Paracelse les avait énoncées. Deux
liers d'inspirations, ses milliers de voix, a dû cent cinquante années plus tôt, une autre âme
parvenir à Paracelse.» Nous devons chercher à solitaire avait eu la vision qui illumina les té-
découv1·ir co1nment cette manifestation merveil- nèbres accumulées de quinze siècles d'ignorance
lmu1e de son époque affecta l'investigateur so- et qui découvrit la clef ouvrant le trésor divin
litaire de ht nnture, de la médecine , parmi la de la nature. Mais les hommes crièrent au sa-
foule faillible, qui fmivait encore les méthodes crilège et les requêtes de Roger Bacon pour
philosophiques du moyen âge ; comment son expérimenter ses découvertes furent étouffées ·
intelligence a compris que les vieilles métho- et oubliées. Son Opus Majus ne fut sauvé du
des étaient condamnées à disparaître et toutes manuscrit en lambeaux qu'un an après la mort
choses à se renouveler. de Paracelse.
La Renaissance cachait une condition spiri- L'opposilion dn morale oocidonlnl t\ ucceptcr
tuelle 'fortement enracinée, une profonde scis- la solution des H'run<lus ônif.l'llHlR Mail alors si
sion intérieure entre l'âge dépérissant et la grande qu'il fnllnt ln Honnis1111nce et la Héforme
croyance des hommes asservis à la foi et le pour l'arracher 1\ son eRcln vagc menlal.
reste du monde se donnant au diable. La divi- Les siècle1; otnient impaLients d'enfanter des
sion intérieure régnait entre l'absence de lois et êtres novatem·s.
l'arbitraire. Ce fut de l'esprit de la Renaissance En H83 Luther naquit ; Paracelse en H93 ;
quo Paracelse reçut l'impulsion vers la lumière Pico Della Mirandola mourait un an après ; en
émanant do la Nature, vers l'induction scienti- 1510 Girolumo Cardano, en 15'17 Ambroise
44 J,A VIE DE PARACEl,SE
NAISSANCE, ENFANCE, ÉDUCATION 4t)
Paré virent le jour ; Copel'ni~ fut leur con-
temporain.. Toul surgil i\ la fois ; nouvelle Le but du documenl était de servir do témoi-
exprcsAion rdi~icuse, pensée nouvelle, sciences gnage aux droits de son fils, aux biens qu'il lais-
sait. Voici les termes du parchemin : Nous, les
nouvelloA, nrt. 1·enouvelé.
magistrats, le conseil et toute !a communauté
El celles-ci n'étaient qu'une partie des voix
de Villacb,. témoignons ouvertement rlans cette
nomhrcnses de la grande effervescence humaine
lettre, que le savant et célèbre D• Wilhelm
qui n'avait su s'exprimer avant la venue de ces
Bombast von Hohenheim, licencié en Médecine,
hommes. Il est impossible de conjecturer jusqu'à
<111el point l'enfant prit contact avec l'influence a vécu parmi nous, à Villacb, trente-deux an-
ht'médictine. Apparemment il n'y a qu'une allu- uées et, pendant toute la durée de sa résidence
· il mena une vie honorable. Avec bienveillance
'
Hinn moqueuse à Paracelse dans les archives mo-
1111sl iqrn•1Hl'lfü1siedeln, écrite après sa mort, alors nous désirons témoigner de sa droiture, de sa
vie juste, sans blâme, comme il nous incombe de
qu'il no pouvait nscr do repré1milles. li avait
rnmf' 1111H lori.qu'il qnilln Io pays mais d6jà il le faire.En 1534,aujourdeNotre Madone, il quitta
connnisimit l't'iglise et ses services . la vie, ici à Villach. Puisse le Tout Puissant être
L'églis1i d'lfüu~icdeln brô.la en 1.\H5, en 1509 miséricordieux à son âme! Du nommé Wilhelm
et encore en 1577. Nons ignorons sa forme Rombast von Hohenheim, le très honoré et sa-
vant ThcophraRLn!il Jlombast von Hohcnhcim,
lors de sa dernière destruction. La reconstruc-
doctour <ln1H1 l<lR dtrnx MlldccineH, •~Hl Ici fil11 pnr
tion fut longtemps ajournée, les fonds man-
mnringo, ot Io proohu lulrlti<!I', d lm111 comme tel
quaient; l'église d'aujourd'hui fut érigée seule-
par le ctt\ji\ nonun{1 Wilhel 111 Bo111 l11ui t von Ho-
ment vers la fin du xvn• siècle, comme l'indique
henhoim ... Et po111• q1w <:o cloc11111ent puisse
son style hâ.roque.
servir nb1wlnmonl en co11lirllle<!, nous y appo-
l~n 1502 le D· Wilhelm von Hohenheim fut
sons le sce11n de ln ville cic Villach.
nomm1~ médecin de Villach en Karinthie.
Théophrnstc avait al.tdnl l'Age des études. li
LI existe un registre exact des trente-deux an-
y avait à Villach une écolo fondée par la célè-
néo!J <111'il y vécut, dans un document daté mai
bre famille des Fugger d' Augsburg qui étaient
1ts:l8, qnnl.1·c~ nn!-1 après sa mort.
les propriétaires des mines de plomb de Blei-
a.
.\6 LA VIE · DE PARACELSE
NAISSANCE, E NFANCE, ÉDUCATION 47
A l'Ecole des Mines, le docteur était profes-
berg à peu de distance. Leur école des Mines
seur de chimie, ou plutôt d'alchimie, en train
était destinée à former los conlrernaltres, à sur-
de se transformer en chimie. Le père et Je fils
veiller, à instruire los mineurs, à analyser les
métaux el les minerais du pays. vivaient sur la Place du Marché de Villach n• 18
et l'Ecole était dans la rue Lederer. Théophraste
Dans Ha chronicpw de Knrlnthio, Paracelse,
bien des années plus tard, {ierivit ù propos de y allait journellement, assistait aux leçons de
son père. Le choix des Fugger du Dr Wilhelm
ces métaux : « A Bloilh1rg il y n un merveilleux
von Hohenheim indique sa compétence en chi-
minerai de plomb, <J1ti approvisionne ; l' Alle-
magne, la Pnnnonin, lu '1'11r1111ic, l'Italie à Hü- mie, et l'on peut supposer que le fils connais-
sait, déjà très jeune, quelques-uns des principes
lenborg, il 1~xis1.e du minorai dt1 fer, contenant
de cette science, et l'attraction des expériences.
de l'acier cXO(lllm1l ot hen110011p de minerai d'a·
Son père avait un petit laboratoire particulier
Jun, anssi dn vitriol lr1'i11 conccnll'é, <ln minerai
dans la maison de la Place du Marché où il fai-
d 'or 1\ Hnint-Pnlcwnion, ninHi <flIC du minerai de
sait ses propres essais. Le O• Carl Aberle vit
zinll, métnl rnre et qu'on ne trouve pas ailleurs
cette chambre en 1879, et "le bouton de la rampe
en Europe. On trouve encore du cinabre ex-
cellent contenant du mercure et autres métaux de quelques marches montant dans la cour, et
qu'on ne peut to"us mentionner. Ainsi les mon· que, dit-on, ParacelRe avait doré.
tagnes de la Karinthie sont pareilles à un cof· Lo jeune garQon fut envoyé 11 la célèbre école
fre, qui ouvert avec une clef, révèlerait de pré- des B(médiolim du mon1111ti1rtt do Saint-André
cieux trésors. » danH le Ln vn nthn l ,pom• 11on instruction religieuse,
Une telle clef étaient les travaux commencés et c'est 111m11 doulc 11\ qu'il Re trouva en con-
par les Fugger, et le docteur et son fils ont sou· tactavec l'l~v("!qne Erhartou Ebe1·hardBaumgar-
vent dll parcourir les anciennes forêts de mélè- tner qui uidail 1011 Fuggllr tians leur laboratoire
zes menant à Hleiberg sur la pente du Dobé- d'alchimh\,
Il est oer·Lain que <le bonnes études jointes
r~tsph, aflr~ d' obseryer les procé~és transformant
à sa force d'ohsc rvation exacte équipaient Pa-
le m'neroj, Io cas~ant, le fondant, le mo11la~t
~~ linirots de plomb. · · ' ·' ' ·' racelse pour un travail avancé à cette époque.
. , . .
T. .\ VIE 01•: PARACELSE
.NAISSANCE, ENFANCE, ÉDUCATION 49
Le climat de la Kurinthie favori!'la son dévelop- Iogie, la biologie, le principe vital, les animaux,
pement phyAique, oL lui rlonna une santé rela- la génération, la mémoire, le sommeil, les rê-
tivement mcillemc.Le pnyR, ainsi que ln Knrniole,
venait de l.rnverirnr une lutte Lerrible contre les
vès, etc. Son œuvre fut immense, et il atteignit la
barrière sinon la route droite et resserrée de la
TurcH, qui l'urm\t chassés devant les portes de science. Pendant six siècles, école suc· école se
Villnch <'Il 1fa.H2. suivirent en Grèce, à Alexandrie et à Rome.
Théophrasto se préparait alors pour l'école Mais les traductions d'une langue à un autre,
1mp1i1·icnrc, on collège, probablement celui de altérèrent et confondirent les bases fondées par
Ul\lfl. li {~tait. occupé aussi par les sciences Hippocrate et Aristote, pendant que la trans-
occultes nVl'c son père et pnisait dans les livres ' cendante et obscure méthaphysique de Platon
collfü:lionnc)s pnr le rloctcur. Sans connaitre une troublait la pensée logique et enflammait l'ima-
pnrlfo do l'occulliHmc, il Mait impossible alors gination aux dépens de la patiente recherche.
cl<, <l•lV<~nir 1111 nu'~rtecin . Ln science . po!!ilivc Le second siècle de l'ère chrétienne produisit
n'<!XÎHlniL pnR. 'l'out1~F1 lc•H (1t11de11 cfoH collèges Galien, un docteur de Pergame qui savait tout
011 <lcH mo1111sl(wci11 c'!tnfont hn11ôcR !mr l'nuloritl~
ce qu'on pouvait acquérir alors, et même da~
cl con!!islnienl cltm!! \Ill clogme dégénéré falsi- vanlage par des expériences incomplètes. Il
fié, héritage des médecins grecs et romains ; écrivait Rlll' ehnque branche rle cc qu'alor11 on
;, 1
dogmes recopiés slu.dieuscment pendant des nommnil Philrnmphie, cinq e<~lllR lrniloR K11v1mls
siècles, mais remplis d'erreurs dans les traduc- dont. cent ont 1111rv61m. Hon mérite Cl11t <l'avoir
tions du grec en latin, du latin en arabe, de in11i11t6 sur l'i111port1mo1i cl6 ln Hclenee anatomi-
l'arabe en latin médiéval. Hippocrate, le célè-
que ; d'11illm11•F1 il pr·o11orivit un système de
hre Pt!re rle la Médecine, eut pour successeur
médecine, f'u!lionnnnt la thé,orie cl la pratique,
nu v• sibclc avant l'ère chrétienne, Aristote le rétrograde en lui-même, 11ulle111cut tiré et dé-
Stngyrite, qui eut l'instinct d'un génie supérieur, veloppé ciel'! solicll'K principt's d'Hippocrate et
<1t prt1Hq1w la vision de la science expérimentale. d'Aristote. Mai1:1 il s'impose dans sa réduction
Il é'cri vi 1. R11r tons les sujets: la physique, lamé- de toutes les hranches de la science comme
téorologi1', ln ml·1~nniq11~, l'anatomie, la physio- l'asser·Lion autoritaire qui prévalut dans toute
50 LA VIE JlE PARACELSE
NAISSANCE, ENFANCE, ÉDUCATION 51
l'Europe pendant douze siècles. Toute· opinion voir brûler toutes les œuvres d'Aristote, do~t ,
contraire fut jugée sacrilè~e. Hippocrate faisait l'étude était une perte de temps, autant qu'une
valoir l'importance de l'ohse1•vation, Galien la source d'erreurs, et une multiplication de l'igno-
confondait avec la théorie. Lorsque les Arabes - ..~. rance.
envahirent la sphère des connaissances euro- Il n'est pas étonnant que l'occultisme suppléa
péennes, ils furent saisis d'admiration devant à l'ignorance dogmatique. Saint-Ambroise dit :
celte érudition énorme et l'acceptèrent sans dis- « L'évidence de la nature a plus de valeur que
cussion. l'argument de la doctrine. » Mais la connais-
Le résultat furent les traductions en arabe sance de la nature était punie comme sorcel-
des traités de Galien, et des versions latines des lerie. Néanmoins, on s'y risqua.
médecins grecs. Avicenne et Averroès furent les William Howitt, mystique, a écrit :
rigoureux disciples du sy1'llème galénique, ayant « Le vrai mysticisme consiste dans le rapport
été fn<lÏn{,R pat• ocl.tc affirmalion <l'omniscience. direct de l'intelligence humaine et de Dieu ; le
Leur adhésion anéunlit non seulement les pro- faux mysticisme n 'atteint point à la commu-
testations inspirées Le lies colles de Hoger Bacon, nion vraie ni à la propritiation entre Dieu et
mais il tirent des décrets de Claudius Galienus, l'homme. »
des chaînes qui lièrent l'intelligence humaine Comment le pourrait-il lorsqu'il laiHsc l'âme
encore trois siècles après celui de Bacon. nue à la merol du mal.
Comme le latin était la langue usuelle de L'esprit ab11orbé en Dien oHt pr0Lt'1gé contre
l'enseignement, des copies de l'arabe furent tra- les attaq11e11. C'était uo vrni 111yHLicisme que
duites en latin médiéval et les erreurs se mul- Théophr1u1te 8'etlorooit d'noquérii• ; l'union de
tiplièrent. son Il.me nvec l'gMprit Divin alln de pouvoir
Du temps de Roger Bacon les œuvres d'Aris- concevoir le fonctionnement dans la Nature,
tote étaient dénaturées au point d'infirmer ses . de cet Esprif Universel.
conceptions et dans son ouvrage l' Opus Ma- Q~~nd ~I parti~. P?'~r B~le, il ~vait. déjà
~wl, écrit. po~r le Pape Clément IV, le Fran- ;.
;
.. acquis la p~alique des tr·aitements ch1rurg1cau~,
c~s.catln scientifique déclara qu'il voudrait ,pour ~1 . !'-Y~nt aidé s~n père à 's oigner des ble.ssures :
NAISSANCE, ENFANCE , É DUCATION 53
LA VIE DE PARACELSE

ples de ces transformations. L' usage prédominait


Dans ses « Livres et seR écrits de Chirurgie :.,
à Bâle e t Théophrastus transfé ra H o henheim
il nous <lit qu'il nvait eu los meilleurs maîtres,
et qu'il nvnit. 111 les éoritR dt~ s hommes célèbres en PARACELsus. Il existe une tradition qui veut
que son père lui ait donné ce nom lorsqu'il
préR011ts el pasRéR. P1u·mi eux, il cite !'Evêque
était un jouvenceau, voulant dire qu'alors il
Erhard do Lnvantnll e l 1-1011 préd écesseur.
était d éjà plus savant que Celsus, un docte ur vi-
Lnvnntnll vivait dn1111 le pnyR où ks Fugger
vant au temps de l'Empereur Auguste, et qui
uvuiout lem•s huule foul'llcnux, leurs labora-
écrivit un ouvrage sur le traitement mé.d ical plus
toires, et cc fut At11'lo11l li\ q1w l'Evèque fit ses
avancé en h ygièn e que n e l'étaient les livres
tixpér1ences d'ulohlmit1 dM m6tuux.
d'alors. Mais les D" Sudho ff et Carl Abe rle s'ac-
Nous ne s11von11 prc11q11c1 rion du séjou~re
corden t à considé re.r « Paracelsus > comme une
Théophrasl< 1\ ll'11(1 e n HStO. L'Université était
paraphrase de Hohenheim , transfé rant le Haut-
onlre los naulrn1 tloH HtJoll11Rlc1R tit d es pédants
Foyer -(la deme ure) dans la région spirituelle .
cl'11lor11. P111•11oc1IH0 fut hltmll'll couvnincn qu'il
On pe ut accepte r sûreme nt leur opinion.
n'y nvnil l'ie n 1\ 1-1n1-tner <lt1 lc1111·s répétitions stu- A partir de 1510, il fut connu sous ce n om
pidc~R, do lc nrR f'orrnuleR irnrnnnécs, que son. in- e t quoiqn'il l'ait rare ment inclus dans sa si-
'
le lli~e1H1c répudiait. La poussière e t les cen-
gn11 t11ro, il l'apposa à ses grands ouvrages phi-
dres respectées par ces esprits s tériles, écrit-il, lo RophlquoR cil: relii.ti r.ux. Ses diRciplcH l'appc-
s'é taie nt élaborées, transformées en importance. lalcml P111•11uol110 nt ee nom 6Lnit ni:iitt'i dnns les
Les r ésultats étaient é vidents dans un monde cont1•ovoc•111114 ol dn11H leR nll.11q11eH i11j11ric11ses.
obscurci, geignant, s'abandonnant à une lutte 11 pont lmngltwr !4011 impulionco vis-à-vis
ave uglée, infinie , contre l' ignor ance qui rabais·
de l'onfloi1-t1101nonl. nonclé miquo dés uè t et nul. Il
sait toutes le urs doctrines. voulnit ln vérlt(i, 110 11 pnH le jargon , l'ordre non
Un incident appartient à cette époque . la conf'nslo11, Hne dirfüilion vrnin, n on l'erreur.
li était d'usage que les é tudiants adoptassent
E t ptmdnn t ce te mpR l' Opus M<J:jus de Roger
uno vmsion latine de leur nom d e fami lle et
Bacon gisait, d échiré en lambeaux, à Rome et à
dune oorlni llR eus d'en hell éniser la forme; EnAs-
O xford.
MUH, FnuUICNIUR, MELANCHTON sont d es exem-
' " ~
J.A vm J)E PARAC~LSE
NAISSANCE, ENFANCE, ÉDUCATION 55
ParaoelRo nvnlt lu des mnnnscrits de !'Abbé décrites par Erasme dans la lettre racontant le
'frhhc1mh1A, pc.ml-ôlrt' 1mo copfo dnns la collec- voyage de Bâle à Louvain.
llon do Mon pc~r<1, 6t ooll(l locturc lt~ décida d'al- Il était devenu plus robuste, mais resta petit
lnr il Wll1•:t.h111•g el 1\ H'cmrôh~1· pnnui ses élèves.
de taille, mince, portant ses dons magnifiques
'.l'rllhc.m1i11H 6t11il niusi no111111{i d'après son lieu
dans un frèle vaisseau.
lin nniBAnnce, '1'1•oitenheim prèi,i de Trèves.
Il prit un logement à Würzburg.
!fon vrni nom était .Johnnnès Hcidenberg; déjà
uommo joune Bénédictin il était célèbre par Là où le Main abandonne son cours
11on 11Rvoir; il fut élu Abbé de Sponheim lors- Pour entourer la cité de son bras.
c111'll n'avait <JllC vingt et un ans.
l)n Hponhelrn il fut lranrd'faé •~n HS06 au cou- Trithemius était considéré dangereux par la
Vfllll '111 Halnt-.lnooh, prc~H de Wiirzburg 01) il
mourut nn clc\ocimhro HUO. ·. foule ignorante. Il avait pénétré certains mys-
tères de la nature, entre autres le magnétisme
Hon rnnom "'c\tcmclnll. 1111 loin, surtout pour et la télépathie.
""' "olcmooM 00011llo11 ; Il croyait 11ne les forces Dans des expériences occultes, il avait réussi
c11oht'1t111 do ln nnlnro él.uinnl couliécs à des for- à lire la pensée des autres à distance. Il se scr-
uc11111pirll11elles ..Les disciples affluaient et s'il les vnlt d'un langllfol'O CJt d'une chronologie secrets
cm jugeait digties, ils étaient admis dans le la- par le1q11ol1 il inlerpr·étnit los pnRsageA pro-
boratoire où se faisaient des expériences hideu- phéttqno11 ot rny,.Llc111011 de la Bihle et des
llOR. 11 était renseignéftur toute la science d'a- écrits do ln Cnhnln. A11-cl<l111111R do Loutcs les
lor11, influencé aussi par la Renaissance, épris études il pla9alt 001111 clciH S11into11 rnoriturcs pour
cl'nrt, de poésie, historien, médecin, alchimiste lesquelles il nvnil uno profonde dévotion, et
Lonl cmHomble ; il avait une panacée pour tous que ses élève"' devaient étudier avec une at-
ln" maux:, dont la recette est indiquée par le tention minutieuse et pieuse. En ceci il influ-
))• ll1•1111z llnrtmann. enca Paracelse pour la vie ; car l'étude de la
P1rnooh10 cmtroprit le grand voyage jusqu'à Bible fut ultérieurement une des préoccupations
WllN'.lmrg 111111H doute dans les mèmes conditions constantes du grand homme. Dans ses écrits
56 LA VIE DE PARACELSE NAISSA NCI!:, E NFA 'CE, ÉDUCATION 57
nous trouvoni; le Lémoignage de sa connais- Comparés à mon Dieu protecteur, au Dieu qui dirige
sance parfuitc du langage, mais aussi de la pro- ftout
fonde RÎg11iflcation spiril.trnlle du Livre. - Il est Afin que la terre livre ses secrets,
certain qu'il étndia l'occultisme avec l'Abbé, et Que chaque objet reçoive l' ordre de d écouvrir,
e11 connaiRsait lcs forces mystérieuses, ca_r plus D'enseigner, de contenter Dieu le maître.
1.111·cl, il travailla à le s systématiser à nouveau.
Mais il r~cnla devant les expériences dange- Ce fut avec ce but n e t, clair, qu'il se remit
rense!l, les croyances opposées à la volonté aux recherches et aux expériences personnelles.
divine et par-dessus tout il abhorra la nécro- Il discernait la nourriture mentale nécessaire
t,· mancie prariqnée par de11 hommes peu scrupu- de celle qui le rendait impropre à l 'union d e
leux, étant convaincu qu'elle ouvrait un débou- son âme avec Dieu. Guél'il' les hommes comme
ohé aux forces d n mal. Il renonca à tout gain Je Christ ks avait guéris eùt été son rêve, et
pcwHonnd dérivl• d«l l'exercice de la magie peut-être que la communion avec le Seigneur
him11'11iM1u1LC:l, convuincu c111c l'avantage d'au- l'investirait-elle d e ce pouvoir sublime ; mais
Lrni pouvait ln IHlr11rnl.trc et parLic11lièrement la ca attendant, il avait recu l'injonction divine
gnùritmn des aulrcR, i;ons la direction de Dieu. <le 1·eobcrcher tous les moyens de guérison,
H.obert Browning a bien défini son attitude dont le Crôutcnr avait p ourvu la nature.
vis-à-vis de tout effort cabalistique contrôlant Pondant h111 a1mé1}H rl'6tude avec 'l'ritlwmius
les influences spirituelles dans un but égoïste. il dut NHJ8cmllr l'lmpulKion 1o1pirituelle qui Je
poussa dun8 l'uvuul ·itrH·d du bululllou suc.wu. Ce
.Tc puis renoncer si aiséme nt aux ar ts inutiles furent les rmn6ott do ori110 clo 1o1u vio ; il fallait
Qu e ces pédants s'efforcent d' apprendre et d'enseigner. décider s'il irnlt do l'rout vo1•14 l'i111l11i, ou s'il 1·e-
Quo cl'a11lres louangent la Magie Noire , noncerait à la hnuLo. 111l11sio11. li al.>a11donna tout
.Lo Grund a~ uvre, !'Occulte, le Sublime, en Vérité ce qui pouvuiL lui proou1·t1r un avantage mon-
11 lion trop inlime m'attache à notre Dieu. ~ dain, partit 1\ ln rechcr(ihe de la s cience, avec
(J111 HOllL pour moi l'ami sombre prêt à me servir, aussi peu d'exigences mutéridles que le « Po-
l.oM o~prit~ cJ 6 chu~, clétesté..;, môme favorables, verello d' Assisi ».
..
"fi
'./
LES TROIS PRINCIPES

ce séjour fut la période la plus influente de sa


préparation à un départ nouveau dans la scie,nce;
Les Fuger n'étaient pas apparentés aux Fug-
CHAPI.'J'HE Ill ger d'Augsburg qui possédaient les mines de
Bleiberg. Ils étaient les Comtes de Fügen, dans
Les trois principes le Tyrol et leurs mineg étaient environ à trente
kilomètres d'Innsbruck. Sigismond Fuger en
l.111·~q11e p1'1?mièl'cmcnL je découuis l'envergure de mon aspi-
particulier devint l'ami de Paracelse, qui ha-
ration,
Qui chcrchaiL 1\ comprendre les œuvrcs de Dieu, bita chez lui à Schwatz. Paracelse trouva là
lo:l l>iu11 lu i-111ômc, cl Lou s les rapports divins deux groupes de travailleurs : les mineurs avec
Avnc l'i11Ldli~11111"' hunrnino.
leurs directeurs, et les chimistes avec leurs
creusets, leurs cornues et leurs fioles. Les chi-
mistes étaient encore des alchimistes. Leurs
c T./lll(lhirnl<i ne oon11i11t<l pRA 1\ faire de l'or
analyses et leurs combinaisons apparteifaient
et cle l'nrg1mt ; son but eAt de produire les ~s-
aux expériences occultes. Ils cherchaient les se-
111moe11 so11verninc11 cl de les employer pour gué-
~rets de la nature, mystérieusement, avec des ri-
rir les maladies. ~ Voilà ce qu'était le résultat
tes, deA offrandes, de vieilles conventions, obser-
des recherches de Hohenheim à Schwatz. Mais
vant le11 jonr11, hi11 hcuroR, leA influenccA astrales;
lorsqn'il y vint, c'était aveè une certaine curio-
faisant u1111g6 do nonMpira tionA, d 1invoCRlions, et
sité et la découverte possible d'une combinaison
de poids cl mc11mrnA 11tlo1•ctH. llA ohcrohaient ù
ciui changerait les métaux inférieurs en or. Il
saisir la soic1wc1 pnr lo11lo11 l<lA olumccs, p1•enant
avait tant lu, et ouï dire de cette découverte
des précautionA 01lbnl i11li11uc11, nntieipant la ré-
mensongère, qu'H lui était ,difficile d'échapper
vélation soudaine, A'y propnrant pnr le jeûne et
au charme de son possible accomplissement.
la méditation. ·rout en nppnrlcnunt au christia-
li devait avoir vingt-deux ans, lorsqu'il se
nisme ils avaient horit.6 le urs croyances, Jeurs
Joignit ù la petite armée de travailleurs dans ' '
méthodes occultes d'u n monde plus ancien _que
les mines et les laboratoires, des Fuger à Schwatz;
nous ne pouvons l'imaginer, un monde dont ils
60 LA vrn ni~ l'ARAC i,:Lst.<;
L ES TROIS P RINCIPES 61
ne savaienl l'ieu, sauf pac· quel<1ues fragmenls,
dans les recoins les plus profonds de la nature,
quelques chuchotements et quelques é tranges
les explora et sut voir, à travers les formes, les
<'Siif.vivances. Les Summériens, les Accadien s,
puissances des métaux, leurs origines, avec une
: les llabyloniens, les Assyriens, les Égyptien~,
pénétration si fine, qu'il en sut extraire Jes re-
les Indiens, les Perses, les ~h énic iens, les He~
mèdes nouveaux. »
1, b c·eux, les Grecs, les Romams, les Arabes, les
Melchior Adam témoigne que, dans la philo-
\Goths, les Celtes, les Teutons, les Tartares, les
sophie universelle, si ardue, si mystérieuse,
~1ongo liens , tous pratiquèrent e t léguèrent les
i"
)
1 s'èieliéeS" que les alch_imis tes du moyen âge pra-
nul ne l'égala.
! :.
En outre des recherches de la nature des mé-
tiquaient à leur tom·. ~ais le poly~h~is~e fa-
taux dans les mines, il fréquenta d'abord le
vorisa l'occultisme plus que le clir1st1amsme ;
laboratoire où les alchimistes poursuivaient
le polythéisme élait l11i-mè111e l'occultisme c~ les
leurs investigations occultes ; il les.quitta con-
alchimisles hù1·it(irc11l des l'itcs cl des L<wrurno-
vaincu de la futilité de la « cuisine d'or ». Mais
lugics des uncicm1 myllws.
leurs ·combinaisons, leurs solutions, appliquées
Piu•accl1rn travailla avec le~ cieux gl'oupes. Il
à la médecine pou vaien t ê tre développées. IL
connut les l'Îsqucs cl leR misères des 111ineur8,
était persuadé que presque tous les minéraux,
étudia les liions des précieux minerais, fondus
soumis it l'ttnaly"o, pouvaient p1•oduire des sc-
par des moyens qu'il essayait de, d~viner, et
creta guérl8R<IUl'H Cll vivillanlH 1 ot mener 1\ des
qui coulant dans les fissures, les dec~1rures, ~es combln11lilim1t nouvollC111 <ll fllympulhiques, vala-
montagnes, dul'cissaient ensuite en sillons ~lm­ bl~e dunH I~" 11u1l11dlcH montalos ou phyHiques.
celants. Trois forces les avaient produits : le feu,
11 oorn1idér11h, oum11w huHci pro111•0 de lu créati'ln
I' . la fluidité, la solidification. divine, que Loule Hub1tl11noe dolée de vie orga-
Les premiers biographes, ou plutôt ceux que
nique ou apput·onuucml inerle, contenait une
la malice n'avait pas pervertis, affirment son variété de puiss11uoe guérisseuse.
pouvoir à pénétrer l'âme même des choses de
Il ne uonsidérait nullement divine l'alchimie
la nature. expérimcntéo dont lo but était de faire de l'or,
« Purucclsc, écl'Ïvait Peter Ramus, cülru
et les . hommes qui marmottaient, suaient sur

"
62 LA vrn Dl~ PARACELSE LES TROIS PRINCIPES 63
les creusets de Schwatz, il les appela «imbéciles I. - Le premier livre de Rénovation et de
qui battent la paille vide •. Mais les feux des Restauration.
creusets avaient de grandes utilités, et ceux 1I. - Concernant la séparatioll' des éléments ;
qui se réclamaient d'une direction divine al- Ill. - Conc1ernant la cinquième Essence ;
:;t laient bientôt les transformer en feux purifi- IV. - Concernant les Arcanes ;
cateurs pour la guérison des peuples. V. - Concernant les Magisteriis (vertus mé-
Paracelse était donc au courant de la chimie dicinales) ;
expérimentale : à Villach et à Sponheim il avait VI. - Concernant les Spécifiques ;
assisté à maints essais. Il commença à· soumet- VII. - Concernant les Elixirs;
tre les minéraux dont il disposait à l'épreuve VIII. - Concernant les Externes ;
de la solution, de la désintégration, de la com- IX. - Concernant la Longévite.
binaison afin de découvrir quel trésor chaque
mélal contenait el pouvait communiquer. Quoique dix livres soient mentionnés dans le
Dans son premier onvr11gc,Archidoxa,il donna titre, il n'y en a que neuf dans cette édition, à
quelques-uns des résultats rleA investigations moins que l'on inclue la conférence sur le Mi-
faites à Schwarz. Le volume fut publié pour la crocosme, imprimée dans un numéro. Il est pro-
première fois en 1510, environ trente années bable que Perna apprit qu'à Strasbourg allait
après sa mort quoique ses disciples et ses élè- paraitre une édition, et qu'il colleotionna hAti-
ves le connussent en forme de manuscrit de- vcmcnL le11 oopio" rnnn1111orito11 clee vieux dis-
puis quarante ans. Peter Perna à Bâle fut son ciple" do Pnrnool111e, 1011 imprima 11ans une ré-
premier éditeur. Théodosius Rihel le publia à vision 1111ff1KaNlo, alln clo devancer Hihel. Les
Strasbourg plus tard dans la mème année et vers erreur" "ont nomhrcm11e11, peu r•ectillées par la
la fin du siècle de nombreuses éditions parurent. liste de correcLlorn1 qui so tr·ouve à la fin de la
L' Archidoxa de Perna témoigne, dit le D• Sud· deuxième édition.
hotl', d'une édition hâtive. L'ordre de ses con- La ver11ion do Hihel ei:;t supérieure. Elle est
tenus est comme i;uit : intitulée A rchido:lf:a clo Philip, Théophrastus,
Concernant les Mystères du Microcosme. Paracelsus Bomhust : du très expérimenté, très

3.-• ..!r ·•,'-.,/ ...:• ,•, ""'',• ~I>~ ·


.. 64- LA VIE DE PARACELSE.
L ES TROIS PRI CIPES
célèbre docteur en philosophie et des deux Mé-
quelques-uns originaient de la Perse et des
decines concernant les mystères de la nature.
Indes.
La table des maliè1·es est comme suit :
Il existe un glossaire de ceux-ci, le Lexicon
Alchimicum compilé par Martin Ruland et
l. -- De Mystériis Microscomi ;
édité à Prague en 1612. Cinquante ans après
Il. - De Myslériis Elementarum
il fut traduit en anglais et imprimé à Londres,
nr. - De Mystériis Quintae Essentiae : par William Johnson qui assumera le m érite
l V. - De Mysté riis Arcani ;
de sa compilation. Il est aujourd'hui à Genève
V. - De Mystériis Extractio num ;
dans la collection appelée « Biblioteca Chy-
VI. - De Mystériis Specificorurn
mica Curiosa »,par J .-F Mangels. 1l est intéres-
VII. - De Mystériis Elixir ;
sant de constater que les occultistes d'à présent,
VI li. - De Mysl(~riis Ex ternis
les théosophes se servent encore de chiffres
lX. - De Ronovnl.io1w et lksl.a11rnlione secrets. J'ai trouvé dans une de leurs publica-
X. - - J>e Viln Longu. tions, La Lumière sur le sentier, 1908, les mols
suivants:
A la fin de cett.c liste sont <kux traités sup- « De fait, c'est déchiffrer des signes mysté-
plémentaires De Tinctura Physica e l De Oc- rieux; tous les ouvragos d'alchimie sont écrits
cultae Philosophiae qui n e font p oint partie de en L rmeH dont j'ai purl6 ; ils ont ôl{: cmployt'~s
l' Archidoxa. par les gr1111ds philosophes et po1'l l c ~ clc tout
Ces livres contiennent la thérapeutique de temps. lis sont cmployfls Kyt1l6mnliq11emc11l par
Paracelse. Pour les comprendre, il faut un glos- les adoplos d1.111H ln vie et clnns le 1rnvoi1· qni
saire. Les alchimistes d'alors avaient l'h!!bi- apparemment do n111111t leur profonde sagesse, ca-
tnde de voiler leurs secrets aux non-initiés, en chent dans ltis 111ols mômes qui l'encadrent le
s'exprimant en termes cabalistiques. ParaceJse mystère acluol. »
était familier avec ceux qu'employait Trithemius; Dans le glossnirc, nous trouvons que Para-
il les ndopla en grande partie à sa terminologie celse appelle le principe de la sagesse Annor,
mai11 il ajont.n d'antres termes et phrases dont AzANB, ou AzAn, peuL-èlrc une traduction spi-
4.
66 LA VIE DE PARACELSE LES TROIS PRINCIPES 67

rituelle de la soi-disant pierre philosophale. 1


1 Nous apprenons qu'il divisa les éléments dé-
AzoTH est le principe créateur de la nature, ou couvrables dans tous les corps animaux, végé-
la force vitale spiritualisée. Le Cmm10 est la . taux ou minéraux, en feu, air, eau et terre -
QUINTA RSSRNTIA d'un corps, soit minéral, vé- comme le faisait la science antique. Ces éléments
géLal, ou animal, son cinquième principe ou étaient plus ou moins présents dans chaque corps,
puissance. Le DERSRs est un souffle occulte de organisés ou non, et pouvant être séparés les
la terre activant le développement. L'ILECH uns des autres. Pour procéder à la séparation,
PmMUJ\f est la force primordiale ou causale. La , des laboratoires étaient essentiels, pourvus d'ar-
MAGIE est la sagesse, l'emploi conscient des rangements commodes et de réceptacles. Le four-
l '
forces spirituelles, à la production des effets vi;..
I

'1· neau habituel était insuffisant, le feu plus ar- ;-. 1

sibles, tels que ceux clc la volonté, de l'amour, dent de la forge de même. Il faliait un foyer
de l'imagination - la plus haute force de l'es- réflecteur, un feu pivotant capable de rougir le
prit humain contrc">lant toutes les influences in- creuset complètement et l' Athanare ou fourneau
dont la chalelfr se maintenait constante, et aug-
'
férieures dans le but du bien; cc n'est nulle-
ment la sorcellerie. mentée selon les opérations de longue durée ...
On pourrait citer· bien des pages de ce voca- Il fallait en outre une provision continuelle d'eau,
bulaire, mais ces quelques exemples, choisis de vapeur, de sable, de limailles de fer, pour
dans la liste du D• Franz Hartmann, en indiquent maintenir ln chaleur égale, et pour refroidir ln
suffisamment le caractère. fournai110 pnr degrés. L'examen des 1mbstances .,
Grâce à lui, le nouveau système philosophi- à une templ'.ll'aluro au1111f Olevéo, exigeait un ré- \
"· ·,
que de la nature, que Paracelse commença à or- flecteur et un i1iolel'1U1'. Hnr 1011 étagère,c; et les
tables du laboralolt•o, se lro11v11io11t les balances . !11. '1
ganiser en HS15, après ses recherches à Schwatz, ' 1

à pu être recouvré dans ses propres mots. Ses bien ajustées, los 111or1icrfi! les fioles, les alam-
élèves et ses disciples avaient naturellement la bics, 1.es cre111mls émailléH, des cruches et autre
clef de sa terminologie, mais son obscurité pré-
._.. : ~t
vaisselle de verr·e, auHRi un alambic avec des
servait ses livres et ses conférences des dénatu- ·'>:lr embouchures dans lesquelles on pouvait faire
rations hostiles, le~ distillations. · ·.

'.,
68 LA VIE DE PARACELSE LES TROIS PRINCIPES

Dans un laboratoire ainsi monté, l'alchimiste vue avancée du royaume minéral l En Loule
capable d'une application rigoureuse à son tra- sincérité nous pouvons reconnaitre en Paracelse
vail, exercé danR l'obsm•vntion minnlicuse, peut un véritable homme de science, qui par des re-
vérifier les différentes lilUhsLnnocR soumises à cherches d'une subtilité infinie, sut atteindre
l'analyse, et en extraire ln <p1inLoHRc1wc, l' Ar- aux mystères de la nature inanimée. Aujour-
cana - c'estT-cITr~-l(HJ--Î~'.~>i11'.i~·1ô~. intrinsèques d'hui seulement., ces mystères nous sont révé-
des médicaments soit pour l'm111ge externe, ou lés plus complètement par les extraordinaires
interne. découvertes d'observateurs tels que Mm• Curie
1
La quintessence pnrfoiR infinitésimale en et ses collaborateurs.
quantité, même dons loA grnndR corps, affecte Pendant que nous considérons le nouveau
néanmoins la JnaAR<~ do Lc.111L11s parLR, tel qu'une système de philosophie naturelle développé par
seule p;outtt1 do hllo produit l'amertume, ou Paracelse, il ne faut pas oublier que quatre
quelqueH cmlllg1•nmmeH d«1 1mf'rnn jaunissent siècles· se sont écoulés depuis ses recherches.
une quantité d'eau. Ce fut lui réellement qui conQut ces investiga- ... ~

Les métaux, les demi-métaux, les pierres, tions et en inspira les grandes intelligences de
et leurs variétés sont fournis de la quintessence son époque et des générations qui suivirent.
tout c~mme les corps organiques, et quoique l..'C1sprit hi!:1toriq11e est de la plus grande im-
considérés sans vie, pour les distinguer des portance pour ln j1111to appréciation de celle dé-
animaux et des plantes, ils contiennent des couverte. Ron grnnd prM1~cn11Am1r llogor na-
essences de corps qui ont vécu. con ne rencontra quo la oen1mre, In pri11on, de
C'est là une affirmation remarquable. Para- la mainmorto dn ln 11wohu1liqun et Paracelse
celse la soutint par sa théorie de la transmuta- ignora ses cffor111, n1111Hil<\t étouffés, vers une
tion des métaux en substances diverses, théo- science ex:pMimcnlalo nu xm• siècle. li nous
rie maintenue par les empiriques occultes, il est faut :considérer 11incèrcmout les conditions du
vrai. Mais dans la conception de Hohenheim la xv1• siècle, pour apprécier ce que Paracelse ac-
tran11mutation désignait les médecines comme complit, afin de réaliser sa haute moralité, qui
résultat, cl non les métaux précieux. Quelle souleva une haine sans relâche dans les hom-

• • J ' ~· • ; 1 J \ .,.! •• •-'• • _. • n-~· •


vm
LES TROIS PRINCIPES 71
70 LA DE PARACELSE
produits par la solution et la calcination. Ce qui
mes de caractère hSA, de mentalité moins lucide
restait à l'état de cendres par calcination,_!_~con­
et pour comp1·endre son inaltérable courage,
sidérait comme l'indestructible et secrète par-
en dépit d'une oppo1dLlon rancunière.
Res analyses étaient f'altoH pur do11 agents dif-
ti;-d'~~~ ~ubst-ance,- son sel, in~~rr~ptible.
'Ces recherches culminèrent dans sa théorie
férents, par le feu, par ln vitriol, pnr le vinaigre,
des trois substances, bases nécessaires à tous les
et par lente distillation ; 11m1 principales inves-
corps. IL les appela soufre, mercure, sel, dans
tigations à Schwnlr., für1,nl r.cllcs des métaux,
sa terminologie chiffrée.
il eut pour coopéralfmr nnnlytique le fameux
Le soufre signifiait le feu, le mercure, l'eau
Evêque Erhard von J..nvnntnll, qu'il inclut dans et le sel, la terre, autrement, l'inflammabilité, la
le nombre de '"'" mallrn". Lli bismuth était une fluidité, la solidité. Il omit l'air, le considérant
des substanct'll qn'll 1nnly11a ph111 pnrticulière- le produit du feu et de l'eau. Tous les corps soit
menl, Cll qu'il ol\llllOl(llll oommndomi-m{ital. De qu'ils soient organisés ou minéraux, l'homme ou
celle 1mh11tnnon, M'"' Cnrlt'l n (,If miné le POLO- le métal, le fer, le diamant, le lys, l'herbe, étaient
NIUM, el o't'llll •nn" 1lonln pnr Io bismuth 9u'il pour lui les combinaisons variées de ces éléments
devina l'Hl11tnnun c1n1 vt1rlnll ar.t.ivtu1 dos miné- fondamentaux. Son enseignement sur la base
ramc qui 111n"Rc\rt1rt1nt 1~11 prooMés de transmu- et les qualités de la matière est cette théorie
tation. Il <MoonvrlL Io :dno, (1u'il classa aussi des Trois Principes. Ils sont les prémisses de
comme deml-mf\Lnl. Co fut une des nombreuses toute acllvlto, lei limites de toute analyse, ot
addition11 qn'H fil il ln pharmacie. ' la partie com1tlluanLo clo tou11 les corps . lis
"' Parmi onll~11-<1I li y avait des préparations de sont l'Ame, le oorp11 et l'o11prlt cle toute matière
fer, ct'anllmolM, 1ICl mercure et de plomb. Le qui est une. Mnis ln puissance formatrice de la
soufre cl J'noidCl sulfurique furent l'objet d'in- nature, qu'il cl1inommn AROHBU8 fnit de la ma-
térôt et d'expériences spé8Ïaux, représentant, à tière des myriades do formes, chacune conte-
son esprit, une substance fondamentale, maté· nant son ALOOOL propre, ou l\me animale, et
rialisnnt l'inflnmmab ilité. Il fit l'investigation chacune avec son Anes, ou caractère spéeifique.
des amalgames. avec le mercure, surtout avec le L'homme a en outre l'ALUECH, ou corps pure-
cuivre ; cfo l 'nhm c>t de ses usages, et des gaz
.7t. LA vrn OE PARACELSE LES TROIS PRINCIPES 73
ment spirituel. Cette force formatrice de la na- remède approprié. Il est donc de la plus haute
lu1·e est u u esprit invisible et sublime, l'artiste importance de connaître foncièrement chaque
ot l'artisan de la nature variant le's types et les médecine, et son . efficacité. Pour se servir des
1·oproduisant. Paracelse adopla les conceptions médicaments il faut un homme expérimenté
du MAcnocosMos et du M1cnocosMos pour ex- qui discerne entre le coup de lance et Je coup
p1·irncr le grand monde de l'univers et le petit de massue, c'est-à-dire qui a essayé et maitrisé
monde de l'homme individuel, l'un reflét~nt la nature de chaque. Le médecin. doit connaî-
l'aull·e. En plus des _recherches expérimentales tre exactement la maladie afin de savoir avec
précitées, il découvrit le chlorure et le sulfate quel remède il doit la vaincre. Un sculpteur en
clc mercure, le calomel, la fleur de soufre, et bois doit se servir de nombreux outils pour
maintes distillations. Encore,\à la fin du dernier perfectionner son art. Puisque le travail du mé-
Hiècle, la confiture de fraises mélangée avec decin est aussi un art, il doit avoir une prati-
une pondre grisu désagréable au .golit, était que réelle des moyens à employer. »
donn6e aux unl'nnts d61mbéissants, remède dû Paracelse écrivait, non seulement avec un
t\ ln Lhérnpeulicp1e ingénieuse de Paracelse, et ~ens précis de ce qu'il voulait communiquer,
l'onguent de zinc, dont ou se sc1·l toujours, date mois avec une clarté que ses comparaisons ac-
de Schwalz. oontuent. Il n'y n nulle complication dans son
Plus tard,.il veillff à l'emploi de tous ses mé- •tyln, rlnn rtn la verhoAlt6 t.orLurôe, 61ahor6e qui
/•
dicaments dans des traités, conseillant aux doc- • •nlvlL ln l\n1ualH1mon. Il A'exprlmo oomme un
teurs de bien reconnaitre les mal~dies :contre homrnt'I ny1mt <14'1 l'nutorltc\. r>nnH quelques-uns
lesquelles ils devaient servir. « Car, di:t~il, cha- ffo """ ctorh• uo11111 trou voru1 ln hrllve ol féconde
«1ue expérience avec une médecine est comme nxpra1u1lon fl'nn voy11nt, oL. 11<111 p<mRllCR sont re-
l'usage d'une arme qui doit être employée selon . vt\tnn• d'un IRllJ(llgn (11111011 met uu rang d'apbo-
son espèce, telle une lance pour percer, une rl11me• A trftVnrA l•1" Al(<~ A.
' 't·'
massue pour frnpper. Ainsi qu'une massue ne
p<"llt pe1•ce r, ni une lance assommer, ainsi tout
. <
Ln Jlol, clll-11, eAl uno étoile lumineuse qui
guide Io ol111rohour 1dnd1ro ù travers les mystè-
médionment ne peut ~!re employé que pour le res de la nu.turc. Il l'aul chercher votre point
5
,.
..
• /• J

LA vm DE PARACb:LSl<: LES TROIS PRINCIPES


74
de gravité en Dieu, et placer votre confiance Il commence par poser les principes déjà
dans une croyance divine, forte et pure : atta- notés, que chaque substance ou matière en
chez-vous à elle, de tout vott·e cœm', de .tout croissance est formée de sel, de soufre, de
votre esprit, de toute votre p6nsëe, pleins d'a- mercure et consiste en l'union des trois ; il y
mour et d'ahandon. Si vous possédez une telle a donc une action triple toujours agissante dans
foi, Dieu ne vous cachera pas sa vérité, mais il chaque corps, celle de purification par le sel,
vous révélera ses œuvres, de manière véridique, _de_ dissoluti~_n et de. consumatioJ?: par le sou-
visible consolatrice. « La Foi dans les choses _fre, et ce.Ile d'élimination par le mercure. L e
de la t~rre doit se sout~nir par, les Saintes Écri- sel est un alcalin, le soufre une huile, le mer-
tures, et par les paroles du Christ, et alors, elle cure une liqueur (peut-être l'eau), mais chacune
reposera sur une base ferme. » des matières .,a son action séparément des au-
Dans aucun de ses écl'its, cette précision de tres. Dans les maladies compliquées, les cures
style ne s'observe plus que dans ce livre des mixtes sont nécessaires. ,.
"
'frois Principes, lcnrs formes et leurH effets ; un Il faut mettre le plus grand soin à l'examen
extrait domuwa une coneeption plus lncidc. de de chaque maladie, reconnaitre si elle est simple . ;:

son système qne des pages de description. ou de deux espèces, on triple; si elle procède
Le livre t'ut publié à Bâle en HS63 par Adam matériellement du sel, du soufre, du mercure,
von Bodenstein qui nous dit, dans la préface, 6t do comhien de chaque élément ou do toue ;
r. que Papacelse avait été indignement calomnié q11ello 011t Mil 1•ol11Li-011 nv"o ln partie adjacente
et que de nombreux médecins avaie~t décl?ré, du 001•p11, 11'111 <Io Muvofr H'il 1'1111t on extrafre
comme étant leurs découvertes ce qu ils avaient soit l'nloftli, l'huile ou la llqucmr, href, un mé- 'y
appris de lui, pour ensuite le lui dérober. deoln doit oh11orv<W ln roglc do ne pas confon-
Dans ce petit volume, Paracelse applique sa dre deux mftlacUeH.
dootl•ine des Trois Principes aux maladies et aux Dan11 le 1u.iomHt ohnpitro il décrit les trois ma-
guérisons. Son style porte l'évidence que les nières dont le sel nettoie et put•ge le corps jour- • , 1

chapitres con.tiennent la matière de plusieurs nellement par ln vortu d6 l'Archeus ou la force


conl'érenceA, f'aiteA à des élèves. vivifiante, inhérente à chaque organe, et qui }
;..
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76 LA VIE DE PARACELSE
LES TROIS PRINCIPES 77
établit Ja manière de purifier ch8'cun. Dans le
ment par les sels, les drogues soufrées ou mer-
monde élémentaire, il y a bien des espèces d'al-
curielles. Les maladies dans Jeurs espèces sont
calis, telle que ln cassia, qui est douce, et qui
divisibles en branches, en brindilles et en feuil-
dans les minéraux est appelée antimoine, le sel
les, de même sont leurs cures.
gemme qui est aigre, l'acétate d'étain qui est
Les maladies mercuriel les sont par conséquent
acerbe, la coloquinte qui est amère.
réprimées par les drogues de mercure, soit le
Certain!! alcalis sont naturels, d'autres sont
mercure ordinaire ou métallique, ou l'antimo-
extraits, d'autres sont coagulés, et on doit s'en
nie mercuriel et ces cures doivent être bien com-
servir en conséquence, soit par l'expulsion par
prises. Les unes contiennent la force consolidée
ln transpiration, ou par d'autres moyens.
et vivifiante. Le mercure est multiple. Le mer-
Dans le troisième chapitre, l'action du soufre
cure métallique à l'apparence d'un m'4.al; dans
corporel aussi hian que élémentaire est expli-
le genièvre, HEBENo, H est sous la forme d'un ar-
qnée. Chnque maladie, dit-:il, résultant du su~erflu
buste, dans la persicaire, la prassatelle, il a l'as-
dans të~ uorps, n Mon antidote dans la rmxtm•e
pect de la plante et pourtant c'est le même
éiéme11t.airc ; de sorte~ que de la GBNRRA des
mercure sous des formes diverses. Certains ul-
plantes et des minéraux, ln source de la mala-
cères sont guéris par la persicaire , d'autres par • .i,,'
die peut ètre découvertè ; l'une démontre l'au-
l'nrRoniate rle mercure, d'autreA par le mercure
tre. Le mercure absorbe ce que le sel et le soufre
:dn huiR. TroiA t'll0ment11 dnnR le hoiA Ront néceA-
rejettent ; telles les maladies des artères, des
snfrC'lll oontro ln11 mnlnrllfl11 : lf'l Mol, Io Mouf're, le
ligaments des articulations et des jointures, etc.
Dans ces 'cas le mercure fluide doit être donne'
mercurn, ohnonn do dcmx oF1pèotiA, 1'mw Mémcn-
tairo, l'nntr·o gut,riKR6u110. Nul mt,decin n'a hesoin
dans la formule spéciale, qui répond le mieux à la
do pon6tror dnnFI cieux nrhroF1 .pour en extraire
forme du mal. L'ESSENTIEL de la maladie réclame
une cure. A ln ha110 il n'y a que troi~ maladies,
J'icssKNTIEL que la nature indique comme remè~e.
trois remM<lFI.
Paracelse continue à spécifier les maladies
«Que le silence mellc lln aux bavardages, aux
provenant séparément du sel, ~u so~f~e, du
ergotages de ces vieux baguenaudeurs, Avi-
mercure cl qui doivent èlre guéries spec1fique-
cenne, Mesue et autres 1 »
78 LA VlE DE PARACELSE LES TROIS PRINCIPES 71)

Dans 1e chapitre ts, Paracelse insiste pour «Vous serez appelés docteurs quand vous sau-
qu'on dénomnrn chaque mnlndlo par· le nom de rez ii:1anier chaque substance pour en tirer le
sa cure. remède. L'expérience est nécessaire, la science
« Il est préférable, dit-li, cl'nppoloi• ln lèpre ne s'apprend pas par le seul désir de savoir. »
maladie d'or, car tell11 ollcl ~Hl. npptlléc par la Le huitième chapitre traite de la distillation,
médecine, et le nom incfüprn le remède. Il vaut des baumes faits de gommes de substances qui
mieux appeler l'épllnft"lt'I, mnlndie du vitriol, attirent, et des percussifs sulfuriques. Tout le
puisqu'elle est guér·la pnr 111 vitriol. \traité se termine par un chapitre sur l'AncnEus,
« Mes honor{i" pritdc\M1"w11rs ne m'ont pas !« Je cœur des éléments », la force productrice,
éclairé sur l~a tlu'lor•i('M lllt"lllnnl lln aux maladies. I vivifiante, toujours présente dans le macrocosme
L'art <lu médooin ropo"n rlnn" ln" mystères de et le microcosme.
la naluro, qnfl lnK 1mofc,ru1 1hc\orl<1lonM oaohnicnt. ·~ .'J. « Cette force .fait surgir l'arbre d'une graine.
Mais moi, J11 prouvn 1110 thforlo dei ln nnturo, et ' ~'p C'est par la puissance des éléments que l'arbre
;.-;

de sa l'oroo, vivlllruato il lrovorK loH génc'lraliQns. '-~ ~> ~,


,)
1
croit, dure et s'élance en hauteur. C'est par
« Lo Hc•plihmo ohnphM lrnllc' clc~H maladies in- ....
~' cette même énergie que les animaux vivent, se
meuvent et s'arrêtent. Dans le corps humain,
carna live" et cln lnur orlgh1n. •
« Cellc11-cl rc\11mltont cl1111wro11re, uniquement:
les bles1mr·e111, nlallro11, 1111ncerH, érysipèles, peu-
( elle existe dans chaque organe qui, autrement,
périrQ.it; ohnquo organe a Rn propre e11pocc d'é-
nergie <111' Io f'orlifü, '1l Io r1monv<illlc. Ainsi la
vent être g116rl" 1umlonwnl par les différentes \\
forcr11 merourlc•lln" cloH minéraux ou des plan- 1 force do l'Arohom• tiRl dtHlR leR membres du
\
tes. Chaqnn mc\<1111,in doil. les chercher, les dé- corps la foro(' du mnorocoAmo et du micro-
couvrir pnr lnl-mômo, afin qu'il sache quelles ! cosme. •
'\
matière11 conlionnont du mercure, et qu'il sache
les proparor. Il en trouvera dans la topaze, dans
certains nlcoolR : chaque matière dans le degré
de chaleur qui lui est propice, afin d'extraire
l'essence de la masse.

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ANNtES DE VOYAGES 81

Dieu», sentant bi en !JllC l'espl'Ït <1: 1 Très-Haut


avait touché le sien, et l'avait inspiré de l'ap-
préhension d'un univers plus vaste, d es pos-
sibilités physiques et spirituelles inconnues des
CHAPITHE V
scolastiques et qu'il était appelé à s'aventurer
comme pèlerin, pionnier, conquérant ou mar-
Années de Voyages
tyr.
.lo pars pour éprouver ma vaillance!
Dans ses écrits et ses liv~es de Chirurgie,
·'" vois mon chemin, comme l'oiseau sa route sans Lrace, Paracelse indique les raisons qni le firent voya-
Qudque jour, Son jour d'hour, j'arriverai ; ger si longtemps, environ neuf années en tout.
Il 1110 i;uido, e l il guide l'oi11ea11.
Un docteur, dit-il, ne peut devenir capable dans
les Universités. Comment pourrait-il, en trois
ou quatre ans, comprendre la nature, l'astrono-
Pnraoeltw RéjonrnR environ dix mois à 8chwatz,
n;iie, la physique? La physique désignait alors
puis voyant que AOD expérience de l'uni versi,bé.
" · médecine . ·
avait été aussi stérile de résultats, « que .s'il
'« Cela est impossible, car tant de sujets font
avait séjourné dans un jardin où les arbres s~­
partio cfo hagago inlcll <~c tuel d'nn docteur. qu'un
raient tous des tronçons», il décida de se ttans-
J<mnc ol préoooe hommt1 cfo vi11gl-'1n11l.rc nns
planter dans un autre jardin'-« où les arbres
HO HllUru ll f10HH 0 <10 1· lo11l ln HO Îlllll:Cl qui l'ail. le
pousseraient complètement et porteraient toutes
m6deoi11.
espèces de fruits ».
«Ce n't1P1l p1111 1umlm1w11l ln 00111111i11Aance des
Il avait vingt-trois ans lorsqu'il quitta Villach,
minc'lrnu" c•t c1e11 nu'i clc1oineH c~x1rni1e s d'eux qui
po11r pr·endre ses degrés à l'Université de l'uni- .·
, font un ni(1clc"1ln, .ooln fuit 1111 philosophe. >
vers. Il n'était nullement disposé à s'établir '·
L'nA&ge d 'nlor111 voulniL que les savants fissent
comme médecin et de retomber dans la stagna-
partie d'unw 1woi<llé Accrètc d'alchimistes, s'ap-
tion mentale. Il poursuivait ce qui pour lui
pliquant à l'alohimie, à l'astrologie, · et à d'au-
élRÎl une mission'. divine. «Le grand mandat de
tres sujets, mais sous le serment du secret.
5.
LA VIE DE PARACELSE
ANNÉES DE VOYAGES 8H

racelse refusa de s'affilier à aucun de ces groupes, parmi les plus anciennes de l'Europe. De Co-
et d'èlre lié par un vœu d'occultisme. Il voulait logne il vint à Paris, mais on ignore tout de
acquérir la science ouvertement et en répandre son séjour dans cette ville, sauf qu'il y étudia
les bienfaits sur tous ceux qu'il espérait soula- des · maladies locales. Il existe au Musée du
ger ou guérir. Louvre un portrait de Paracelse, à l'âge de
Le D• Julius Hartmann nous allège la lâche vingt-quatre ans, beau tableau peint à l'huile
de suivre le cours des voyages du grand doc- sur panneau, qui avait été au Mnsée de Nancy.
teur. Dans son Théophraste de Hohenheim
,,
· :.- j ~
Il porte l'inscription « Famoso Doctor Pa,.acel-
publié en 1904, il a tiré les statistiques itiné- sus » et il est attribué à l'artiste flamand, Jean
raires des œuvres de Paracelse, et nous en a van Score!, qui vécut de H.93 à 1562.
donné la série parfaite. Le D• Aberle nous donne des détails retrou-
Nous pouvons l'accepter en toute sécu~r.é en vés, relatifs à cette peinture. Il existe bien des
l'enrichiHsa111. d'incidenlH découverts par le revendications, mais peu peuvent être vérifiées.
D• Carl Aberle, cl d'aulres investigateurs émi- Une réplique avec quelque différence faisait
nen~. ~ ~·· .· ,. :· t .••
partie autrefois de la Galerie de Blenheim. Le
·1.::·. · . •
« Un docteur doit être un voyageur, dit Pa- po1·traiL du Louvre fut longtemps attribué à
racelse, car il lui faut investiguer le monde. Les D(ircr, l.out oomrnc oelui tin Bleoheim le fut à
expériences ·ne suffisent pas. L'expérience doit UuhenR. Hoorel trnvnilln KRllH doute nvoc Dürer,
vérifier ce qui peut être accepté ou non. Le Sa- son RLyle t!L Rn faoturo r·appolltmt oortnin1~men t
voir est l'expérience. » l'art du grand nrtlslo nllcmnnd.
En dépit de ses mécomptes dans une Univer- Le viitage ti11l 1mporhe 1111 rtipoH, les yeux sont
sité, il n'évita pas les autres, mais fit, au con- grnnrl11, olnir11, ploin11 <le ptinHée~ : « On dit•ait
t1·aire, l'expérience de toutes celles des pays que p1u·tout 011 ilK Mil fh:tml, il y a une étoile. >
qu'il viAita. Il espérait y trouver quelque esprit Mais si 1011 youx Ront oenx d'un voyant, le front
d'afUnité, quelqu'un en qui résidait aussi« l'é~ ample, le nez puiRsnnt, la bouche petite mais ré-
tincelle,_<iivlnc,.. interrogative ~:' u ~Üa él'~b~rd solue, le menton et la rnàchoire au ferme mo-
Iv'ienne puis l'i Cologne, dont les facùltés étaient
.. i
delé, sont ceux d'un homme d'action. Il porte
~1 .

· ..;,

. . .. _... ·~ .\ 1
84 J,A VIE DE PARACELSE ANNÉES DE VOYAGES

un béret de velourR r011ge garni de fourrure, et qui l'honorèrent ainsi étaient ignodnts ou ou·
sa main droite tient un livre entr'ouvert. blieux du fait, que dans la première édition
LeÀ deux mains reposent aisément sur un de ses œuvres, publiées de son vivant, Amtiroise
enroulement <liagonal, sur lequel se trouve l'ins- Paré reconnaît ce qu'il devait à Paracelse, _en
cription <léjà citée. Ses chev<~ux, légèrement bou- tout ce qui touche à la chirurgie des blessures
clés, tombent de chaque côté du visage. Le fond et des plaies. Cette attestation fut omise dans
est un paysage, à la manière des peintres fla- toutes les éditions des œuvres de Paré, qui suivi-
mands, hollandais, parfois des italiens. Il re- rent, excepté dans celle de Malgaigne en 18.\0.
présente un château bâti sur des rochers, un De Pads, Hohenheim se dirigea sur Mont-
pont de pierre jeté sur un fleuve, et une pe- pellier, s'arrêtant partout où il avait une oppor-
tite ville en dessous du château. Des critiques tunité d'observation. A Montpellier, le système
ont cru y . reconnaître la ville de Dinant et les arabe d'enseignement médical était .en pleine
rochers de Dnyurd. vigueur, et Je voyageur se trouva de nouveau
La réplique de Blenhcim eKt plus p~tite face à face avec les théories gaJléniques, dans
mais r<~sscmble étroitement au tableau du Lou- une de leurs places fortes. Il était familiarisé
vre. Il a été enlevé de la galerie anglaise en, avec ces théories, et pouvait les citer tout au
1886. li existe beaucoup de gravures sur bois long par oœur.
et d'estampes de ce portait ; le plus célèbre est Les livre" <foR Ancien11 ne me satisfirent ja-
la gravure de Hollard, mais il est regrettable mais, iicdt·ll plnfl tnrcl, unr UA ne sont point par-
qu'elle diffère de l'original. On peut supposer faits; mnlR lnoortnh1R, <il 1tervcnt plutôt à éga-
que le portrait fut peint par un jeune contem- · ·rer qu'a\ <lirlgoi• vnr11 le droit olwmin. Il a dû
pornin soit à Nancy, ou à Paris, ou encore à rester aRRCZ longtemps il Montpellier, car il fait
Montpellier, pendant le séjour de Paracelse en souvent nll111don A on Rojour. Lorsqu'il quitta la
.France, France, il p111tsn en ltnlie, visita Bologne, Pa:..
Rn HH7, au moment de ce séjour, Ambroise doue et Ferrnro, trois centres d'érudition, où
Paré vint nu monde, celui qui plus tard fut.ap- quelques phi101mph~R avaient ressenti le con-
pelé « le Père de la Chirurgie Moderne». Ceux tact transformant de la Renaissance.
86 LA vm DE PARACELSE ANNÉES DE VOYAGES 87
J
En ce temps Girolamo Cardano était un jeune et ce n'est pas à l'honneur de sa patrie, que la
garQon à Milan, portant les gros bouquins et les France ait été plus ardente, à affirmer et à
papiers de son père, lorsc1ue celui-ci, qui était prouver son génie, que son propre pays, où ses
homme de loi, faisait ses tournées d'affaires. découvertes furent appropriées pour ajouter à
L'enf'ant était plutôt maltraité à la maison. Pa- la gloire d'un autre.
racelse visita probablement Salerne, après les Pendant que Paracelse était en Angleterre, il
villes du nord de l'llalie, mais ayant échoué dans -, apprit qu'on se battait dans les Pays-Bas. Il par-
-J
sa recherche des vérités fo11dam<'ntales de la ' tit pour le siège de la guerre, demanda le poste <

médecine, en Allemagne, en France, en lialie, de barbier chirurgien dans l'armée hollandaise.


il partit pour l'Espagne, et débarqua à Grenade. Il nous raconte ceci dans son Li"re d'Hôpital.
c Comme je ne voulais pas me soumettre à l'en- Il avait demandé au livre de la nature les
seignement, ni aux énrils de ces facultés>), dit·il sources de ses recherches, et à présent il ré-
dans son Vvrti d1! la grande Chirurgie, je clame des blessés son livre de chirurgie. « Les
voyageai ph1!1 loin, jnsqu'il Grenn<le, ensuite malades devraient être les livres du médecin»,
jusqu'à Lisbonne a lrave1·s l'Espagne. disait-il à ses élèves, comme Hippocrate l'avait
Il s'embarqua à Lisbonne pour l'An~leterre énonct'l deux mille ans avant lui. La guerre était
mais de cette visite il 11'y a qu'une seule men- l'opporlunilc'I d 'éilargir Mil co111ulisMa1u:e dans ln
tion sans détails. Considérant son but, nous chirurgie do" blo""ur~" dc'ljà pratiquée avec
supposons qu'il séjourna à Oxford, et .qu'il con- son pllr<l. Il roolwrohu nvoc nrclcmr ll'fl occasions
sacra quelques temps à l'étude des mines de de solgnM 1(111 hle8Mé8 d11111t untt Réric de cam-
plomb du Cumberland et celles d'étain de Corn- pagne" qua 1mlvlrc11l poudnnt ses années de
wall. Peut-être entendit-il parler de Roger Ba- voyage. Lo f)• ,Julh1M llnrlmunn pense, qu'il a
con lorsqu'il alla à Oxford. La célébr-ité du grand &&DM doute trouvé ou 1whetô, clans les Pays-Bas,
homme, obscurcie trois siècles durant, com- ;, la longue épéll ovad<mlc dans ses portraits ul-
menQait à percer à travers les nuages; quelques ; ' , térieurs.
efforts se faisaient pour recouvrer ses ouvrages, ·( En US18, GhrisLaan ll, de Danemark apparu~
plus sériuusement en France qu'en Angleterre, .,
devant Stockholm, avec rine flotte ·puissante, èt
1 ,
I'

88 LA VIE DE PARACELSE ANNÉES DE VOYAGES 89


y fut reconnu comme roi de Suède en 1520. Pa- qu'il eut terminé ses explorations, il) remonta
racelse voyagea des Pay11-Ras jusqu'en Dane- à cheval, reprenant sa course à travers le Bran-
mark, y prit du service comme chirurgien mi- debourg, la Bohême, la Moravie, la Lithuanie,
litaire. Il fut envoyé à Stockholm, que tout la Pologne ; ensuite il alla en Valachie, en Car-
naturellementll appela« une cité du Danemark» niole, en Dalmatie, descendant le long de la -.1

dans ces circonstances. Il prodigua sa science côte jusqu'à Fiume. Il mentionne ces pays divers
salutaire aux soldats suédois, aussi bien qu'aux dans plusieurs livres. En Transylvanie il paraît
Danois, observant les cures que les hommes avoir été malade, ou avoir encouru le risque de
eux-mêmes pratiquaient, et les breuvages mi- perdre la vie.
raculeux, et les fébrifuges que les gens du pays C'était une succession de régions splendides
donnaient aux hlessés. Dans sa grande Chi- pour ses ardentes recherches, chacune d'elles
rnrgitt il mentionne une dame suédoise qui une nouvelle chaire dans la Faculté du monde,
composait une décoolion merveilleuse, capable ou, comme il l'exprimait «un nouveau chapitre
de guérir en trois doAos jm~qu'Aux veines tran- dans le Livre de la Nature i. .
chées, et pour en ohtenir la recette, il snrmônta, On se le figure, peu chargé de bagages per-
sans doute, son habitude d'éviter les femmes. 11om1els, sa robe et son béret de docteur dans
Il visita les mines de la Suède, non seule- / un 1u\o ; l11i-mômevêtu d'un pratique pourpoint
ment à cause de leurs produits, mais pour do •ollcle orol1110, chovouohant d'nuberge en au-
mieux se rendre compte des accidents et des hergn, 011 proflt1mt cl'nn convoi de marchands
maladies auxquels les mineurs sont sujets. Il 1n rc1nd1ml la uno folro nnnuella, ou trouvant une
plRM ctnn• 1111 ohnrlot ouholnnt, trottant nu mar-
écrivit un livre sur les« maladies des Mineurs »
' chl!. Pn1•f'ol11 Il 1mlvnlt urui rndti troupe de soldats
plus lard, après les avoir encore observées en
Saxe, en Bohême, en Hongrie, en Transylva- et leu1• ohef' hnrcll, pnrf'oi11 une fllo de pèlerins
nie, en Pologne et en Prusse. à da11tlnllllon d'une, "ouroe ou d'un sanctuaire
LcA minéraux qu'il identifia en Suède et en salulalra•. li devenait auHsi le compagnon de
Danemark sont le fer, le cuivre, le zinc, le hasard de gal,.Jonnll8 hommes en tournée d'ap-
plomb, 1'6tnin, le soufre, l'argent et l'or. Lors- prentissage, ou Io camarade du colporteur, du
90 LA vm DE PARACELSE ANNÉES DE VOYAGES 91
·)
·"''1
moine prècheur, du Bohémien, de l' artisan er- <les auberges, d es villa ges, e t pour les guérir il
rant, peul-être, et sans aversion aucune, che.;. r éclamait comme hono raires soit un remède
minait-il avec le mendiant, campant la nuit de ùonne femme , le mot mystique d' un devin
n'importe où. Mais il est certain que partout ou quelqu e dup e rie de barbier, peut-ê tre m ême
où il Re trouvait, et au mili t: U de celte humanité la hideus e expé rience du bourreau. Cela lui suf- "'
ambulante, partout il se rendait utile, aidait les fisait , car tout ce qui au gmentait sa provision
·'
uns, guérissait, réconfortait l es autres, et s'ins- de savoir ne n écessitait p oint un che val de b ât
truisait sans cesse. \ pour la· tran s porter.
Dans les vil les où il séjournait quelque temps, li co nnaissait d éj à la Carnio le é tant seul em ent
on l'appelait dans les maisons el châteaux des ri- à quelques lieues de Villac h, où sans doute il
ches le payant pour les cures accomplies. Ainsi s'arrê ta quelques semaines en ro ule pou1· le pays
il gagnait assez d'argent pour sou gite, sa nour- plus m éri<li onal. Rien de plus beau que la val-
riture et pour renouveler son pourpoint et son lée de la Sa vc, a vec ses lacs et ses sources sa-
béret. Ces cures lui ull.irè re nt 1111 grand 1·cnom, lutaires, son air doux parfumé d e la senteur des
mais aussi l'hostilité des médecins locaux , e t par- pins, sa flor e spl endid e, sa riviè re par·eille à d es
fois cette hostilité était apte à prnndre une forme nlg11 <J s-nrnri11es mouvantes, les loriots dorés pas-
dangereuse. 1111111, lei~ d 8 éc lnlrs d <J brnnchtt en branche sur
Paracelse était un être qui rendait grâce à 1 8 11 lvo1.1. ll tlt1L l '11Llol11ctr1q111r un <Mlll<'.1étroit en
Dieu de tout ; nous le voyon s louant la Provi- d 11 ou8dll ohAL01111 cl11Kntzt'HMlc1in,f11mC1 ux par leR
dence de son enfance pauvre, du pain de sei- oh vullor1 brlgo11cl Mq11l l'h1.1hlt()rm1t ol où Pcgam,
gle grossier dont on le nourri ssait et des rudes 1 ohovnl m11Klc1110, nvult 1111lr11foi11 11011 écuri e.Il a
vêtcménts qui le couvraient, toutes choses qui dt\ voir IH tnmho11rlru1 érigûs ù chaque porche
·.
rendirent plus tard les privations sans impor- d'.1tgll8 , 1•ol'ugo et dôl'mu1e contre les Turcs en- '
tance ~l I.e. prépar è ~ent à ne s' a~er qu'aux vahi1so urM t nn s11l lo to rrenl. flamboyant d es mé- "
bJ~!!. _ InvlSlb,e.s . qu• diirent~ de prMé..r ence .au taux en fusi on à .fonorburg, où co mme le chante
luxe qui périt. Les malades de toutes conditions le poème slave « les épées se forgent pour tail-
) ' -· '
l intéressaient, ceux de la route, des lazarets, ler les nez des TnrcR ».
92 LA VIE DE PARACELSE ANNÉES DE VOYAGES
Il s'arrêta à Zeugg, au 1md <le Fiume, s'em- de sa toge de docteur, les cheveux clairsemés.
~arqua pour Venise, fut pendant quelque temps sur le sommet, mais encore flous et épais aux
chirurgien militaire au service des Vénitiens, tempes. Il tient le bras du fauteuil de l_a main
qui se battaient contra Charles-Quint. Une de droite. U'estle portrait d'un homme entre trente
i' leurs guerres avait pour but la défense de l'Ile de
''1 et quarante ans ; lorsqu'il i·evint à Venise il
Hhodes contre Soliman li le Magnifique, et Pa- avait trente ans. Mais les grandes fatigues, les
racelse parait avoir assisté à cette campagne. privations le vieillirent prématurément. Le
Venise vint à l'aide des chevaliers de Saint-Jean, tableau très beau n'est point du grand artiste
mais ses efforts furent inutiles. En 1522 Rhodes vénitien, il a souvent été gravé et photogra-
fut abandonnée aux Turcs. phié.
r..
Cette supposition est fondée sur la mention . II visita ensuite les Tartares, probablement
de « Rhodiss • dans la liste des endroits qu'il les Cosaques des Balkans, et les tribus noma-
visita et sur les observations faites par lui sur des de la Russie méridionale, car le terme Tar-
1~8 blc111mrcs d11e11 11ux flèehes. L'arc <~t la flèche tare alori,i était appliqué à toutes les hordes
ne servaitmL plus dans hlH guerres de l'Occident. (1rrnntes qui migraient à travers les steppes, et
Il menlionrie encore une maladie spéciale aux ft\IX Turo" et Cosaques des Balkans. Il remonta
« 8arrazins, Turcs, Tartares, Allemands et 1'ala- Jn•11•1'll Mo11oou, partageant la vie de11 tentes
ques >>. nt lft• ('ll'lva&lon• 1ln 1u,,1 hfltc11t, dmu1nelR il ap-
On a dit que Le Tintorêt, jeune alors, rencon- r•ll nommftnt lPAltnr ln• OIU'YRllX' Io Mtn~I, 1~8
trant Paracelse à Venise, fut tellement frappé oh~vrn11 111h111x c11u' cl'1111nu11 pn11pl11 do 1 Occ1-
par sa Lête magnifique, qu'il peignit son por- clcmt, Il RUfClll\ Al•c\mcmt le r11111,11c1t do oes peu-
trait; mais ceci a été réfuté par le D• Aber le. Le phule11, 1uu• 111m 111111rnl('t,, "n hontô, sa force et
Tintorêt était un enfant de deux ans lors de Aon 1uavolr nm1lloyc\11 itl gt'ml'lrou11ernent au ser-
Ja première visite de Paracelse à Venise, et de vloe dn ton• ,,., oe" nom1uloM primitifs, que l'in-
qnatl'e ans lors de la seconde. Un autre artiste térêt n'avnlt (lftll onoorfl dégradés, ni l'instruc-
vénitien a dtl être le peintre. Paracelse est re- tion 1tllfU'lrflol11lln nvouglée.
présenté assis dans un vieux fauteuil, revêtu On dit qu'il voyagea de Moscou à Constan-

' I
.................:...
ANNÉES DE VOYAG!•:S 95 ·,
LA VIE DE PARACELSE 1
fut qu'après avoir erré avec des nomades orien-
tinople avec un prince tarlare et y séjourna
taux un été durant, lorsqu'il eut appris des
plusieurri mois dans la maison d'un célèbre né-
Arabes et des Turcs les doctrines de leurs saints,
cromnn. Il n'alla pas plm~ avant. Lui-mème
et qu'il eut obtenu par la ruse des médecins et
écrivit : « .Je n'ai visité ni l'Asie, ni l'Afrique,
astrologues juifs les secrets de la Cabale redou-
quoiqu'on l'ait dit. »
table, qu'il fut convaincu de la réalité de ces
Au contact <les Turcs, des Tartares, il agran-
forces occultes, qui parmi toutes les nations de
dit le champ de ses connaissances positives, et
l'antiquité étaient considérées l'attribut intellec-
y gagna cette force, que l'éducation de la vo-
tuel le plus élevé du Sacerdoce.
lonté et de l'imagination rend si puissante pour
C'olail la Sagesse enseignée à Moïse à Hélio- ..
le bien et le mal, qui apaise ou crée la maladie, . •'
poliM, la Sagesse qui en fit le Sauveur, le légis-
qui calme et fortifie, ou qui s'abandonne aux
Jutour de son peuple. C'était la Sagesse de Sa-
puissances malignes et destructives. Nous sa-
lomon, qui connaissait toutes choses crées el
vons que Paracelse avait déjà étudié l'occul-
q11i possédait la science d'évoquer les esprits.
tisme cL uvail rcijeté ce qui lui paraissait «pure
C'c\talL la 8agesse de Samuel et des Prophè-
superstition ou illusion ~. li en avait accepté la
dootrinc la plus no hie du travail constant· de
Ln•, oolle qu'on enseignait dans leurs temples
"~ c1nl nvnlt alldnl Hon npogoe dans la re-
la force vitale, avec ses miracles dans la nature ----~ 1 f hf' dft l)lnu, C'11"t 1\ '1ll6 Cftl\' OOUll dflVOllS
élémentaire, ses instructions et ses liens avec
' Il l\lllln~1ntmL dn• ltorlt1m1" do I' Anolcm Tcis-
l'universel, mettant le macrocosme en relation
avec le microcosme aôn que l'homme ne vive
na nt 1 11 1t'•l nllct qui pri'lcllL Ill vnnua du Chri11t
pas seulement de pain, mais par la pensée du U I• lnlnt•lnn J 1111c\tt 1 ln• H"K"" f'nrtml HOH
divin. P'"•
•U lf'll 1•11111 1111 l'01•l1111t 1mM illuminés.
Il avait sondé plus avant dans le laboratoire
vAlflllr 1111 cmLln HMl.fn""''• 1•c\•lcl11IL pour Pa-
de Saint-Jacques. Mais il recula devant les ex-
•n d1m11 11nM 1'11r11t111 hlm11'nl11n11tcs et l'intui-
ll f1ll11dln ft11110rd11 l\ otilul qui recherche la
périences malfaisantes de la nécromancie. Déjà
il avait f~ des expériences de magnétisme, de
vc\rltc\, Il •·~vlnL ch1 l'Orloul nvl~c une croyance
télépalhfo, de divination psychique. Mais ce ne
atf4nomln 1 c\ll\l A'lfl, llUX dons iuvisibl;~·~ et aux
1

IN
96 LA VIE DE PARACELSE: ANNÉES DE VOYAGES U7
forces multiples, d'une volonté énergique et ment un alchimiste peut-il observer le travail
f.,
r inspirée.
Dans le quatrième Livre des Défenses, il dit :
cie la nature, s'il ne l'atteint là où gisent les mé-
taux. .Me fait-on un reproche d'avo1'r d,ecouvert
,,
c Les Universités n'enseignent point toutes cho· les rnméraux, d'avoir trouvé leur esprit et leur
ses; il faut au médecin, recht>rcher les bonnes cœ.ur, d'en avoir gardé, précieusement, la con-
femmes, les Bohémiens, les tribus errantes, les mussance afin de pouvoir séparer la matière
brigands et autres gens hors la loi, et se ren- pu.re ~11 minerai ? Pour y atteindre par quelles
seigner chez tons. Nous devons, par nous- pr1val1ons n'ai-je point passé'? »
mêmes, découvrir ce qui sert à la science, . c Pourquoi la Reine de Saba vint-elle des
voyager, subir maintes aventures, et retenir ce ~1.vages lointains pour entendre la Sagesse de -;

·1.
qui en route peut être utile. » , ~lomon ? Parce que la Sagesse est le don de
Puis encore dans la quatrième Défense, il Dieu, qu'il n'accorde qu'à ceux qui la recher-
t•éitère : chent avec effort. Il est vrai que ceux qui la
« Mes voyageR m'ont d6velopp~ : nul homme eherchent possèdent moins que ceux qui ne le
•\ ' ''
'· . ne devient un maitre chez lui, et ce n'est pas loulcnt pas. Les médecins qui restent à le urs
derrière le poêle qu'il trouvera celui qui l'ins- foyers, portent la robe de soie et les chaînes
truira. Car la connaissance n'est point enfer- d'o1• ; ooux: qui voyagent ont à peine de quoi
mée, m~iSS'épand dans le monde entier: ifra~t­ ~~'-~ -Lflr• un imrrau. Ceux qui restent au foyer se

l'aller quérir et_la ~apturer qu'elle se trouve. » J rl..1mL do pnrdreaux, ceux qui er1·eut, cher-
« Les maladies errent par toute la terre, ne ohnnt Il\ Knl111wo, mangent la soupe au l •t
restent pas en place. Si un homme désire les Qunlqn'll" Il 'nlt111 L rien, ils savent, comme ail~
comprendre, il loi faut errer aussi. Les voyages dl Ju'filu•I. 1111" « le Heul voyageur heureux est
instruisent plus que l'immobilité au foyer. Un 1 1qui ni po"11Mo rien >. Je crois qu'il est
docteur doit être aussi un alchimiste. Il lui faut 1 • mou hnnnaur 1111'1\ ma honte d'avoir ac-
donc voir la mère nature là oil elle prodigue , 1 1 m;ti • lll"M vuyr11(CIM i\ si peu .de frais. Et
ses minéraux et comme la montagne ne vient l •Lt Il 1111• ''"'" n•t Yf'nl cu1 CHI qui concerne la
pu à lui, il lui faut aller à la monlagne. Corn- Na&ura 1 c1nhm111111n • ,I~ du11fr <le la pénétrer,
" 0
LA VIE DE PARACELSE ANNÉ~S DE VOYAGES 99
98
doit en fouler les livres vivants de ses pieds. nombrn qui devinrent ses disciples. Mais dé'à
L'écriture s'apprend par les lettres. La Nature les prati:iens d~alors,docteurs, barbiers, moL
par les diverses contrées, dont chacune est un nes, sorciers, raillèrent la science nouvelle, épiè-
de ses livres. Tel est le Codex Natarae dont rent ses traitements pour ensuite les procla-
l'homme doit feuilleter les pages. mer les leurs. La simplicité de son pourpoint ..
·'•
"Paracelse quitta Constantinople pour Venise de seqi;e, car il ne portait l'ample robe des doc- h
? ,
l'an i5i'!, pour remplir le poste de chirurgien t~nrA que dans les grandes occasions le mit en ,,.
militaire dans la guerre entre Charles-Quint et bn.lte à leur vulgaire dérision. Son ad;esse mer-
Fran.Qois 1.., pour la possession de Naples. Les ~e1lleu~e. provoqua leur malice active, et parfois
Vénitiens prirent part contre l'Empereur. tl dul hm les risques qu'il encourrait. Il
.... Cette guerre se prolongea quelques années; ch~ppa ainsi de la Prusse, de la Lithuanie, de
Paracelse reRta à son poRte jusqu'en HSi5, tou- I ologne. Ne lt> dit-il pas lui-même: «Personne
joura présent là où la campagne 1'11.ait menée, et ne '~e v.onlait du bien, sauf les malades que je
1mrtouL danA la l\omagnc. li {itllil à cette époque g11er1R~a11'~ » . ~:
·--- chirnrglcn hab\ltt et 11n mé1lccin éminent, Pc111d11nl q11<dcpie1> mois de l'an HS~5, il résida ~

oyanL pris scK gradcH uni vcri;iLaires à Salerne Vlllnnh, prohnhle1me11l, auprèR de son père.
ommnnne'\mm1t.fl1 \ tn~n il rovint en w· t
probablement. Sa renommée le suivait partout ; 1Au 'li 1r em-
souvent il était appelé auprès de grands per- t fl(r • tfthllt A 'l'Ohllll(llll pour y prllt.iq11cr la
tmnnages, qu'il traitait avec succès, pour des ..·,.• n:•rt•nln" IL 11 f1hlr11rRln, "'· fut hlcmlt"ll m11ouré
maladies déclarées incurables par les docteurs d llH fll\1'111" it'4'&mtlrrnl11 llL de'\ cl111olplcl11. M11iA son
ignorants. dJnur fut ''" rn111r1n d111•A,,, D111111 l'nncfonne
Il guérit ainsi une vingtaine de princes. Par- ollt\ ~mlvf'r•ltnlr,,, Il y HVnll. trorl cln docteurs de
tout où il faisait une halte, les étudiants l'entou- Il vl,,11111 i\nnln 110111• to 11\"'''' l'intervention du
raient pour observer ses analyses ou écouter non '""' Yl'IUI cl11111t l1111r millier et leur ensei-
son enseignement. En Bohê.me, lorsqu'il exa- 1tnnnurn&, 11 ftltrl lt pour Fribourg-en-Brisgau
mine les minéraux du Riesengebirge, en Po- ~ f)fc\f~rnll
Il 1 l1111J11ur1t 1011 villoA où 1·1 y ava1.t une•
logne et en Slavonie il en avait instruit un grand non te\, A on n11c, """ 11()111 h1·cux étudiants qui y "
. ~·~

' 1/•

•1.
~. ' i
100 J,A VIE DE PARACELSE ANN~ES DE VOYAGES 10t
étaient. Son audiloire se composait de la . Pendant qu'il était dans le Wirtemberg, il
ration des jeunes, Son enseignement .remarqua- s1ta les sources . minérales de Gœppingen, Wild-
ble et ses cures merveilleuses suscitaient inva- ,. bad, Zellerbad, de Nieder Baden, appelé aujour~
riablement la jalousie des professeurs et des d'hui Baden Baden. Il ana lysa toutes ces eaux,
"~ .
docteurs. Les étudiants qui venaient à lui, pre- déclara qne les trois dernières avaient une source
naient en aversion la routine pédante de l'ensei· commune.
gnement galénique, après avoir compris sa d?c· Cette opinion fut confirmée par Walcher au
trine Ri large si vivante. Sa science progressive siècle dernier. Il revisita plusieurs fois Lieben-
ouvrait la v~ie des possibilités infinies, qu'il zell et y séjourna l'année de sa mort. Johanri
défendit obstinément contre la calomnie. U.euchlin y avait été en 1522 pour sa convales-
C'est une page merveilleuse dans l' h!:stoire du cence de la fièvre jaune, et il y a d'autres men-
pi·ogrès scientifique, celle qui <lépeint cet ètre tions Je la popularité des sources minérales
vaillant, isolé, de 1rnnlé délicnle, pauvre, soute~ . .. ; ~
pendant tout le xv1• siècle.
nanl co11t1·e 1•g11ropc entière la grande cause · Paracelse guérit l' Abbesse de Rottenminster
<Io la rcchm· ·hi~ pCl'!!O lllll\ llo dam1 lu nature. Sans en route pour Fribourg, où il fut accueilli si
filet' do l'iujn~l ice, du mépris, de l'in- ho•llJcrncnt, qu'il décida d'aller jusqu'à Slras-
;;1~cèli inébranlable en face de l'hostilité corn- bonrR• Ontte vlll(\ ne poRRértait pas encore
, ' l d' 11 IY,,l'lllltt\, mnl• on pnrlnlt. d\m fondor une ,
Liuée des doctorculi el des pédagogues, r eso u, t
fidèle aux vérités auxquelles il consacra sa vie. 110.tf 1 on •ft •oit '10nt11ntll, 111u,lqnn• nn110011 plu11
Paracelse brava tout. . , •••• 1 " nuutnr """ AmuMmtn. VMA ln fin de
1
Quelle chance de réussir avait-il, alo,rs que tou~ tD 11lnni•l•n ftvnl& 1rnhntc\ '" c1rolt <ln cité et
se liguaient contre lui? Socrate fut rec.ompense A •'y hu1tnll11r clMlnltlvement. De
)Nltftl'ft
par la coupe de ciguë, Bacon par. la prison, Ga- J>Ar nnn lol lonAI,,, Il l'ut ohllgc'I de cfovenir mern-
lilée par le donjon, la torture, Giordano Bruno hrn tl'nnn ttn• oorpor1tfon11, cl Il choisit celle
dn" 1nnrnhnnrt1 <ln hM 6f. tfrn1 11101miers. L'éter-
par le btl.cher. , .
Encore une t'ois sa vie ful menacee et il dut voya"tmr "nmhl11lt cmlln ttvoir trouvé un
foyer ot ln ropo",
fuir.
6•

.' .
. .
'
LA vm DT•: PAJl.ACELSF.

A Strasbourg, la lutte entre la chirurgie et la


médeoine n'était pas aussi l\pre qu'ailleurs. Un
hommo pouvait exercer tes deux sans passer
pour un imposteur. Mais à peine fut-il établi, CHAPITRE V
que les malades, abandonnés des doctorculi,
vinrent à lui, et ses cures éveillèrent la rancune Docteur de )a Cité et Confé.TencieT à Bâle ~ 1

professionnelle qui le suivait partout.


Il fut sommé de se mesurer dans une «Con- . lei je les défie,
troverse » avec un partisan célèbre de !'Ecole Ici j e demeure, sachei-le, jusqu'à ce
qu'on me fo rce à partir.
de Galien, uommé Vendélinius, mais il fut tel-
lement ennuyé par les futilités verbeuses de son
1 advar1u1iro, q11'il ne daigna même pas y répon-
l Lorsque Paracelse revint vers l'Europe occi·
dre. J.,cA doctorculi honrctonnaicnt en triom-
dentale, un gl'and changement s'était opéré. La
phe, mniH )fü~ cnrcs <liAconotwl11 ntes continuaient
prote11l1tLion de Luthet· avait stimulé le courage
et on "" Ill nn devoir prol'cHsionncl de l'écraser.
cfo 1'oppo11er 1\ l'l(glisc Catholique, dans d'autres
Paracelse fut apl>clé auprès de Philippe Mar-
1u11y1 c111t1 I<' Hnnovr.,, l1l PruRRe ot l'Angleterre.
grave de Baden, qui se mourait de dysenterie;
La UMormci cln 111 Hui""" 1w "uivil paK immé-
le savant docteur arrêta la maladie si prompte-
dlatttmm1t oe1ll11 ''"" pny• clu nord, ruu• la rai11on
ment que les médecins, attachés à la maison
(fUt' Zwingli, "on ohet', nu fuL pr~t qu'en HS18
princière, s'attribuèrent le m érite de la guérison
pour la gr•aucfo enl1•t,p1•l"c'·
et osèrent demander qu'on refusât les honorai-
Il était prèlrn i\ Eirn1it•clc1l11, durant les années
res à celui qui venait de sauver le Margrave.
1516, HH. 7, d d ti Kil olmho oommencèrent les
Devant cette insistance, on ne donna aucune attaques contre le lrallo do11 indulgences. La
récompense à Paracelse, qui jamais n'oublia un Renaissance l'influença tout autant que la Ré.,.
'· ouLrage aussi avisé qu'immérité. forme. Il est intéressauL tle voir que ses lectures
~es Pères, tels que Origène, saint Jérôme, Chry~
. . ' . :
LA VIE DE PARACELSE DOCTEUR DE LA CITÉ ET CONFÉRENCIER A DALE i.01')

sostome et sainl Augusliu, k clul'es faites dans pendant le Ca1·(!11w, soutint l'autorité des Ecri-
la bibliothèque du monastère d'Einsiedeln le con- tures contre celles de l'Eglise, et publia soixante-
duisirent à une étude plus approfondie du Nou- sept conclusions qui contiennent le premier
veau Testament, et surtout dès Epîtres Paulines exposé public de la foi réformée en Suisse, reje-
. )
et des Hébreux. Il )es copia toutes dans un petit tant la suprématie du Pape, la messe, ]'invocation
Jivre de la première édition d'Erasme, parue des saints, les jeûnes, les pèlerinages, le céli-
en mars 1516. bat et le Purgatoire.
: ·:,
Le· trésorier du monastère et lui se lièrent Il proclame Jésus-Christ l'unique Sauveur et
d'amitié ; tous deux discouraient de Ja crise Médiateur.
imminente, et s'accordaient à penser que l'ado- En 1523, ·devant nne dispute publique, la ma-
ration de la Vierge avait détaché le Christia- ., gistrature rend le jugement en faveur des« Con-
'
nisme du Christ, cl <1ue lo vulgaire expédient de clusions >. Deux autres disputes ont lieu, mais
\
vendre los indulgmwcA par l'intermédiaire de à celles-ci, les Évêques et la Diète refusent de
fi
moiue11 oolporlmtrM {,lnit 1mP. irnmlle il la mi- ~·. paraitre ou d'être représentés. ;;
,, '
séricorde d~ Dieu, qui lihéralement accordait Zarich agit sans eux, établit la Réforme dans
son pardon au pécheur . .Zwingli prêcha contre tout le canton. La Communion réformée est .'
;
·'
les deux abus dans l'église du Couvent et indui- célébrée par tous les habitants le jeudi, le ven-
sit l'abbé Conrad à enlever de la grille du Mo- dredi Rnint et l<' dimanche de PAque~, d'avril
nastère le document promulguant le plein par- 162ts. Zwingli et Loo .Jndnci 11ont solidnireR de
don des péchés, contre des sommes d'argent. toute la Rlhlo 811iR110, Mlt«lo h Zurich en HS!lO,
Il fut appelé à Zurich à la fin de 1518, à une quatre an11 nvnnt cflllo do Lnlhor. La Héforme
des églises de moindre importance. Mais les s'étend à BAie ; ot 1\ Mon étnbli11semcnt les pro-
grands services qu'il rendit, lorsqu'en 1519 la chains et importnnls événuments de la vie de
peste faisait rage dans la ville, hâtèrent sa no- Paracelse sont intirnClmonl liéM.
mination de Chanoine de la Cathédrale en 1521. L'acceptation do la Héf'orme à Bâle fut surtout
A partir de cette année il dèvint l'organe de la influencée par Œl:olampadius qui était pasteur
Réformation en Suisse. Il prêcha contre le jeftne de l'Église de Saint-Martin et Professeur de
DOCTEUà DE LA CITÉ ET CONFtRENCIER A BALE· 107
106 LA VIE DE PARA{;ELSE
ques et la gravelle. Dans sa réponse, il donne
théologie à l'Université. Il r echercha l'amitié de
à Erasme un diagnostic des maladies, s'oppose . ·..· ~
Zwingli, commença son œuvre sur le plan de
aux remèdes dont il fait usage, et s'offre pour
celle de Zuric h, Parmi ceux qui l'aidè rent, était ..;;
prescrire les ordonnances capables de le g uérir.
le célèbre Johann Frohen, dont l'hôte, Erasme
de Rotterdam, favorisait la Réforme, quoique
A cette lettre Erasme répondit :
sur des données plus libérales, plus intellectuel•
les que celles possibles à cette époque. Erasme « Ce n'est certes pas déraisonnable, oh l Phy-
vécut huit années chez Frohen. Ge dernier sicien par qui Dieu donne la santé du corps, de
avait brisé son pied droit dans une chute et souhaiter la santé éternelle de ton âme ... Je souf-
souffrait autant du traitement brutal et ignorant fre de douleurs dans le foie; mais je ne puis de-
des médecins locaux que de la lésion originale. viner quelle en est la cause; depuis de longues
Pendant l'ôté de H>211, les soull'l·ances s'aggra- années je sais que mes reins sont malades. La 1r
vèrent à tel point qu'on proposa l'amputation. troisième maladie, je ne la comprends pas suffi- ··1
·~
Ho11Musenwnt. l11 r<~p11tntio11 de Pa race hie avait .. , J
i samment, mais sans doute, elle est sérieuse. S'il
pénétré jusqu'ù HAio. Fruhen e n voy~ un messa- existe quelque solution citrique qui puisse allé- "
ger pour le ramener de S t ras bo urg~ .>-~
ger la douleur, je te prie de me la communi-
:~i
Il s'installa d ans la maison, comm ença de quer ... .Te )}(~ puis t'offrir des honoraires équi- '. ;~

suite le traitement du chil'Urgien, et la guérison valent" à ta HoienoE', maiR o_,rteR une gratitude
ne se fit pas attendre. Après quelques semai- .i nfinie. Tu &fi rnppt'llO du pays deR Ombres Fro- ·f: .
nes Frohen put Ron seulement marcher, mais benius qui <!fil mon antre moitié, et si lu par-
il résuma les longs voyages que nécessitaient viens à me goorlr, 111 nuraR guéri deux être!i ne
ses affaires d'imprimeur et d'éditeur. faisan t qu'un ...
Pendani ce séjom• Paracelse fit la connaissance « Adieu.
d'Erasme, qui lui voua une fervente admiration.
Erainne le consulta plus tard par correspondance, « EnA1:1Mus HoTERDAMus. »
sur l'élut de Ra propre santé, que .Paracelse
trouva minée pRl' la gonttC', des troubles hépati-

' ' ... .lt 1 '


IJ'111'1111llllrl!Rl'J.!l"PBl!llll!P~~t~~~~"'}'!~,...,~:r
... '

LA VIE DE PARACELSE
l>OCTli:UR DE LA CITÉ ET CONFÉRENCIER A HALE fO!)
108
d'étendre aux citoyens, le droit de siéger aux
Appendice A. Appendice bancs des chanoines de la Cathédrale, d'accor·
~.
1
.! der à ces citoyens la protection uniforme d
1 . l e
La perception si sûre <lu diagnostic étonna ~urs vies, et e droit d'appartenir à la corpora-
,.'
1
tion de leur choix.
9 Kt·asme, qui dé~ira voir Paracelse séjourner lon-
guement à BA.le; et sans doute son admiration Mais avec les mois qui passaient, la division
le grand docteur infiueoça les magistrats des partis s'accentua; la magistrature manifesta
/-
~1ans leur décision peu après. une major~~é ~ourla Réforme. Bientôt un grand
Bâle était divisée par la controverse de l'É- nombre d eghses chantèrent les psalmodies en
glise. Les catholiques étaient menés par Lud- , , . Au mois de septembre les magistrats
wig Bser, prédicateur à la cathédrale et profes- decreterent que l'Evangile fût prêché librement,
Htllll' cle théologie ù la Faculté de l'Université. ouvertement, tel qu'il est contenu dans les
0<:colnmpactiu11 (;tnit Io chef du pnrti proteslaot. q~atre Evangiles, les Epitres de Paul, dans le
ll avait accopto la nominnlionà l'l~g\ise deS~int­ Vie~x Testament, et que tout enseignement ca-
Martin 1\ la condition qu'il ne suivrait pas les nomque non aulorisé par eux, dut cesser. Le
catholiques, et déjà il célébrait la commu- ' . ,\ jO octobre \lll antre décret f'nt promulgué, qui
.. simplifiée des réformés, avec une liturgie nlfeotn Io" hlons monnHtique11 à l'nimgo des
. par lui. Le parti catholique le détes- pnnvrn" nt cln hlon·4'lro gônclrul.
tait. Les magistrats de Bâle n'étaient pas tous ol11mgnmcmt1t rnpillnM c~lninnl chu; li
de la même opinion. Mais pendant le Carême Œoolnm1uull11", do111 l'l111l1w1100 porHounolloôtait
de 15~6, la majorité se prononça pour les catho- devenue 1mpri'111n.
}iques, issurent une prohibition contre l'abatage .Maiit d1111M l'lJnlvm-'41té, l(iH CuLholi1iucs res-
et la vente de nourriture animale pendant les taient 1111torit.11lro14 "L lw111ilc'~ uux r0!'01•rnateurs
semaines rle jeûne. qui ohcrohtlient 1\ moclill('l' leur· pouvoir. Le
L11dwig Bœr envoya une députation spéciale poste de m6dooln do ln ville <itait vacant. Il
r _ _ _ remercier les magistrats de ce décret et était d~une itnport1rnoo oon~id1irahle, car en outre
pour leur témoigner sa gratitude. Il offrit des soms m6iiicaux do 111 cilô de Bâle, il

\.1 AH. ~
HO LA VIE D~ PARACELSE DOCTEUR DE LA CITÉ ET CONFÉRENCIER A BALl!l f ff
prenait une chaire d" médecine à l'Université, en masse. Dans les Cinq Qualifications d'un
et la surintendance des apothicaires de la ville . Docteur il soutient que ni le pr~tre ni le moine
Ces derniers formaient une corporation vivant ne sont propres à être des médecins, toute la
des prix exhorbitants qu'ils réclamaient pour bande n'étant qu'ignorànce, avidité, immora-
Jeurs drogues éventées, où les décoctions répul- lité. Ses ennemis les pires avaient été les moi-
sives de l'école galénique. n es docteurs qui le chassèrent de la chambre du
Cette charge dépendait des magistrats et non Margrave Philip de Baden et le défraudèrent
de l'Université. Mais la Faculté avait le droit de ses honoraires.
de s'interposer·, dans l'exercice médical et dans De Luther, Paracelse écrivit :
les cours, si le médecin désigné ne satisfaisait « Les ennemis de Luther se composent dans
pas lenrs exigences ; et sans doute elle avait une large mesure de fanatiques, de fripons, de bi-
conseillé et décidé le choix du candidat dans gots et de fourbes. Pourquoi m'appelez-vous
deff circonKlnnceA préoédenles. Il semblerait Luther de la médecine? Vous n'avez certes pas
que oette Fnoullé avait choisi un autre médecin l'intention de m'honorer en me donnant ce
devant ~Lre nommé par les magistrats qui nom, car yous méprisez Luther. Mais moi je
étaient à la discrétion d'Œcolampadius. Ce ne connais guère d'ennemis à Luther que ceux
dernier était un ami intime de Frohen, et los bas appétits sonL en conflit a veo sa ré-
d'Erasme, tous deux désireux d'amener Para- fürme. Coux cru'il fitit Mouffrir dan" leur11 esoar-
celse à Bàle, et sans doute, il le connaissait oelles sont 11011 ennomi11 ••Je lal1111e A Luther le
lui-même. eoin de dôfcm<tru ue qu'il dit, oomme je serai
II n'est pas aisé de caractériser nettement la reApon11ablo do mon dire. Quiconque est l'en-
ympathie qu'alors Paracelse témoignait aux nemi de I..ntlrnr m6rlto mon dédain. Ce que
réformés, mais elle sufùsait pour gagner. leur vous 1011ho.il0z 1\ Luther, vous le désirez pour
confiance. Il savait bien à quel degré l'Eglise moi, vous DOUM Mouhaitoz tous deux i'-U bd-
était tombée, comme elle canonisait l'ignorance cher. »
et entravait tout progrès. Nous savons, par ses Œoolampadius espérait que Paracelse renfor-
propre• paroles, ce qu'il pensait des prêtres prï,~ ceraitle partiévangélique del'Uni versitéet pressa
H2 LA VIE DE PARACELSE DOCTEUR DE LA ClTÉ ET CONFÉRENCIER A BALE 1f :-{

s~ nomination. Mais il est probable que tout en bientôt il redevint la pomme d e discorde. Pen-
penchant f'OI·lc ment du côlé des adversaires de dant longtemps l'université avait eu le droit
la prélr·aille. que ln rél'o rme de la médecine le d'élire ses professeurs, mais ce privilè'g e était
p1·éoccupait trop en ce mom ent et qu'il avait tombé en désuétude avec l'accroissement gra-
assez de débats sur les bras pour d ésirer pren- duel de l'auto rité civique. Œ colampadius avait
dre part à ceux des autres. Ses convictions été élu à la chaire de th éolog ie par les magis-
étaient certes plus étroitement alliées à celles trats. Il était impopulaire à l'Université et son
d es 1·éform és qu'à celles du lâche ecclésiasti- intercession à l'appni de Paracelse suscita une
cisme. prévention contre ce dernier. La science de
Peut-è t1·c ôtait-il retenu par l'incertitude du Galien recommanciée par la Facullé était na-
point jusqu'où Il~ inouvcme ut précipilé de la li- turellement. l'adversaire tout trou vé. A peine
hi·c pt.1nHéti concl11irnit les prolcslanls et à quels Paracelse comm en çait-il ses cours que les au-
oxtro11aeH, le pri1wip1 ~ de HCÎflHion, une fois admis, torit~s académiques intervinrent, et prohibè-

pourruil 11w111·.1· Ici'\ ho111111 cH. Pcul-èlr<~ hésita- rent leur continua tion . Il en appela aux ma-
l-il rlcvanl ln s 11bslitnlion de la Bi!Jlc comhrn gistrats.
Aulor·ilé unique, sans con.l1·ole sur les ~.rreurs « 1 s estiment, éé.rit-il, qne je n'ai ni la capa-
nombreuses, inévitables de son enseignement, cilé ni le droit d e foil'e mes courR Rans lm.I r
ei·reurs qui amènent plus tard la rupture du Hcienc11, et le ur co nsc11lC1mon1., c l ilH 110L(~ 111. que
Protestantisme. Paracelse co nnaissait l'abus de j'expli<1~10 11111 molhodo d o ln 1111'ulcci110 d 'une
la Bible dans les sciences. Qui la mettrait à l'abri manioro inul'lllOo 01 pur 11011HIHprn111., que je 1w
de~ abus de l'ignorance en matière de religion? saurais inHtruiro Io Kl'llllll 11omh1·t1. »
Mais lorsque sa nomination à Bâle lui parvint Co n'{,tnil P''"' ln 111nli<'l 1·0 de l'IOll «mAeig ncmen t
à la lin ùe l'année 1526, l'appel venait bien de qui les irriluit, mniK HOH nhandon dei-> vieilles
la maj1>rité protestante de la magis trature. Il méthodet1, prcRt.11·iv1111t leR (~ xplicalions et les
accepta le poste, et renonçant à son droit de ci- commcutairos d es sy11 Lè rn es ca noniques, et en
toye n 1~ t il sa maison de Strasbourg, il vint s'ins- face desquclR il offrait avec co n viction ses pro-
taller dans la vieille ville universitaire. Mais pres connaissances et ses propres e xpériences.

J ' I
H4 LA VIE DE PARACELSE DOC~EUR DE LA CITÉ ET CONFÉRENCJER A llALE 11 iS

En plus.il osa faire ses cours en allemand, afin que j'apporté l'innovation, parce que je suis
que tous pussent comprendre que Je nouvel Allemand 1 ~
enReignement se libérait des entraves de l'an- Avec le Lemps, la mesure d'interdiction fut
cien. « Je remercie Dieu, écrit-il plus tard, que retirée, il reprit ses cours. L'auditoire revint en
Je sois né un homme de ma race, un Alle- foule, les étudiants, les médecins de Bâle, ses
mand.» ennemis, et une petite élite d'hommes aux idées
Et comme Allemand, il relata l'histoire de avancées, tel Basil Amerbach, capables de com-
Res recherches en paroles allemandes. Mais prendre et d'apprécier la haute intelligence qui
• :\I'
pour la Faculté en courroux, proférer les véri- rayonnait de la chaire. A côté de ce groupe .·
tés vivantes en un langage vivant, c'était là une était l'auditoire, moins docte, invité par Para-
profanation de la science morte et de Res apho- celse, tous les barbiers, baigneurs, alchimistes
rJsmes inanimés. qui, plus ignorants encore, venaient pour se
A oetle éJ)OCJUO I' Anp;letort·e n'avait-elle pas railler de lui.
trouvé Ha langue, son Chnncer, et bientôt devait Le D• Hartmann dit :
produire son Shakespeare ; l'Italie avait for1né «La gloire d'avoir été le .premier à enseigner
sa langue superbe avec Dante et le Tasse ; dans la langue allemande, dans une Université
Luther donnaiL à l'AUemagne la Bible allemande. nllcmancle, 8f)partient à jamai11 à cet Allemand
La France produisait Villon, suivi de Ronsard. loyftl, 'l'h~ophra11t1i von Hohenheim. >
Eberlin, Geiler, Œcolampadius prêchaient en 1>'1111cun11 Mo rnoq11ôr<l11t, cli11n11t <f n'il igno-
. '
allemand et leurs congrégations chantaienL rait le latin, tout (lll M1whn111. c111'ilM uicntnicnt. l,.

dans la langue mère les hymmes et les psau- Ils 011A11yèro11t do cM11igr11r llf!H grades 1111iversi-
mes. Mais ce qu'accueillaient les églises étai l tairc>11 et m~m., cl'i11Hi1111cr qu'il lcH etlt jamais
prohibé dans les salles de l'Université. obtenm1. 1111 elrnrohèrcmt 1) l'exaMp~rer, afin de
Paracelse devint l'innovateur académique. li fit pouvoir le su1•prc1HJr" on faute. Mais il continua
la déOnition de ce que devait ètre un docteur, en ses cours s'11ttuoh1111t des (1lèves comme disci-
allemand, aOn que tous pussent comprendre. ples, et dos nornirnlrntr!i parmi les esprits élevés
« Je suis méprisé parce que je suis seul, parce de l'auditoire.
1:16 LA VIE )))·; PAHAf.ELSF. DOCTEUR DE LA CITÉ ET CON FÉRENClER A BALE 117
Il ne se i-wrvail ni du bâton rouge ni des « J 'admire les docteurs d;Espague, dit-il en se
chaines el <les anneaux d'or, cl ne prenait point re~émorant son séjour à Grenade ; ceux-là ne
l'allnre fn11f'a1·0111Hl des 111édecins de c e lle épo- circulent pas comme des flâneurs é légants, vê-
que. li cherchait à gagner la conliance pa1· la dé- tus de velours, de soie, de taffetas, l'anneau
111011slrnlion minutieuse et l'explication lucide. d'or aux doigts, la dague d'argent au côté, les
Nous pouvons nous le représenter dans la vaste mains gantées de blanc. Mais ils travaillent nuit
~utile, au plafond bas, vêtu d'un simple pour- et jour. lis n'ont point de loisirs pour la pro-
point, faisant ses expériences ; un creuset, des menade. Le laboratoire les retient ; leurs vê te-
cornncs placées devant lui, décrivant chaque m e nts sont de cuir, leur tablier de pe aux, aux-
1ix pt':ricnce en un langage clair, loujours précis , quelles ils essuient leurs doig ts. lis ne po rtent
pendant q11ti k Hhin snperhe roulait ses eaux point de bagues, obligés d'e nfoncer leurs mains
HOUH los fe11èlro>1 d o l'U11ivcrsil.é. Nons le pou- dans le charbon de bois. Comment pourraienl-
vo11s voir 011 p1~11s<'1c, parno11ra111 les rues de ils être vètus avec splende ur ? » Ainsi écrit-il
Bille 011 Ht:H Lo111·111': 1:s de viHilm1 prnl'css ionncllcs, dans son Livre de la Grande Chirurgie.
hahillô d1: dumafl g-rii;, coiffé d11 h1': rnl de danias1 .- Quel que füt son vête m~nt Paracelse ceignait
noir. Le vètcm cnl souvent porté au laboratoire, toujours sa longue épée, à laquelle il tenait
étai~ macul é par les teintures, les médecines, bO/l com1110 les (il(:gants ù leur hag1ws el leur
qu'il préparait lui-mème ; mais ces taches ne bagnollo rouge.
lui se mblaient nullement déshonorantes lorsque «Un docl11111·, dit- il <rnooro, dovrait èl.1·1~ pl<jin
le vê le ment n 'était pas par tr·op souillé. d'uxpurlcmco non al.Lil'ù d'hahit.H rn1q~1·s cl de
Alors seulement il e n achetait un autre tou- puillollo11. S'ullrihuor Io 1.it.1·1: d1: 1111', dccin et
jours e n da mas gris, et donnait l'habit usagé à n'en point fniro 1<1 lrnvnil est 1:lws<: nwrte; les
quelque pauvre. dm1x ohoHOR vo11t dti pair, èt1·e 111édecin e t en
Il n 'estimait guère les docteurs de Bâle aux accomplir lu ll\cho; uppliq1w1· la médecine s'il
vèLonwnl!! somptueux, louait au contrafre ia est médeuin, prou ver Ra mailrise s'il est passé
simplicit(: dans l'habillement, jointe au savoir, maître. i. ·
ù l'i11Lc!lig-c11cc e l. ù l' habile té d e la main. ."· ..·-·. Sa propre supério1·ité se manifestait par ses
,
.
1 7.

·"l
.~ .
' . -
H8 LA VIE DE PAJ\ACELSE DOCT EUR DE LA CIT É ET CONFÉRENCI E R A BALE 119

cures et les antres docteurs, poussés par la ja- procédés malveillants des apothicaires de la ville.
lousie, cherchèrent il le soumet.tre au jugement 11 s'était fait des ennemis de la corporation en
de l'entier corps médical de Bâle. Paracelse refusant de prescrire ou d'administrer leurs
avait-il Io droit ou non de pratiquel' dans la drogues, dont ils tiraient de larges profits. Il
ville ? Telle était la question. La charte acadé- préparait lui-même ses remèdes, et s'en servait
miq11e contenait une clause à cet effet s'appli- au lieu de leurs décoctions nauséabondes. Il fai-
quant à tout nouveau venu. Une amende de sait usage de ses extraits d'opiu~ qu'il appela
trente florins était encourue si le nouvean pra- labdanum, de ses solutions d'antimoine, d e
ticien ne tenait point compte de cette condition, mercure, d'arsenic, de ses préparations de zinc,
Paracelse refusa de se soumettre à cette forma- de fer et de soufre.
lité, mais cette tentative le força à protester Les apothicaires ignoraient tous ces remè-
malgré sa nomination par les magistrats. Il des. Il ne tr:onvait dans leurs boutiques que
écrivit à ceux-ci, comme suit : c Messieurs des matières éventées, d'aucune valeur, qu'ils
les gentilhommc11, graves, pir•ux, fermes, pré- vendaient à des prix absurdes. Comme docteur
voyants, sages, cléments. » Quelle ironie dans de la ville, la surveillance des drogueries lui
ces mols, alors que leur prévoyance, leur sa- incombait. Il mit à jour non seulement leur né-
gesse évidentes par · leur absence, l'eussent gligence, leur incurie, mai11 aussi l<•ur entente
préservé du traitement injuste et vexatoire. Il 8eorole flV(~(I ''"' m(ldeoinff. l'ont ceci pm1t11e lire
leur demanda de lui restituer ses privilèges. dan~ 1111 hiUre de pr•otc~Alnlfon . li rc'ml11m11 l'ins-
Puisqu'ils lui avaient donné le poste, c'était à pection dm1 Jlhnrnuwlo" el <Io lm1rR <lrogueR, le
eux d'appuyer son droit à exercer ses fonc- conh•(llc rlgo11r11mc do lm11·H proeérlc'~ s ; la révi-
tions. On ne l'avait nullement prévenu du po~­ sion pnr Io m6<fo(lin <fo ln villti de leurs pres-
voir d'intervenir qu'avait la Faculté. Il avait criptions, et l'cxnnwn clc1t phnrmnciens avant
:1
abandonné sa carrière à Strasbourg pour ac- leur nomina lion 001111110 tds. Les corps et la vie
cepter la charge par eux offerte. des malades n'c11aim1L-il!'I pas à leur merci? Il
Paraoel11e, dans cette même lettre, touche en- exigea encor~ que 11·11 111é<lccins fnssent payés
core à une auLro question, celle concernant les selon un taux fixe, et qu'un 111it fin aux prix
. '
l ! l.
. 1
\

.'
120 L .\ vrn IJE PARACELSE DOCTEUR Dl>: L A CITÉ! ET CONFÉRENCIER A BALE f ~f

exorbitant!! qui parf'oh1 rninaieul les malades. des malièr~s el de leurs propriétés le forment.
Cet 11ppcl nd111irublo, rlècidé, courageux et Le métier de docteur nécessite la connaissance
bienf'nhrnnl cul l'ellct voulu. li lib1Sra Paracelse . des différentes espèces de maladies, leurs cau-
de ln pcrH(~cution immédiate. ses, leurs symptômes, et leurs vrais remèdes.
Lo ri juin de l'an HH7, il fixa le programme Voilà ce qu'il allait démontrer car il avait ac-
d1~ Res eours sur le tableau noil• de L'Université, quis cette science par l'expérience, la grande
demandant à tous d'y assister. Le prospectus initiatrice et par un grand labeur. Il l'enseigne-
co111mcnçail par accueillir tous les éludianls, rait telle qu'il l'avait apprise, ses cours étaient
dans l'a1·1. rle guérir·. Paracelse en proclamait le 'basés sur les ouvrages qu'il avait écrits concer~
cnr11clè1•c sérieux, élevé, un vrai don de Dieu, nant les traitements externes el internes, lamé-
eL ln rnicesMitti de cltiveloppc1• celle science dans decine et la chirurgie. c Que Dieu commande,
ROil i111porL1111co 11011vclll~, et son nouveau renom. dit-il, et puissiez-vous vous appliquer de telle
li m1lrt~p1·i1. d(\ le~ l'afrn, rt~jet.11111. l'enseigne- manière que nos efforts à vouloir avancer en-
ment rt~lrog-nul1, clos arn:iens, marchant ver~ le core une fois l'art de guérir, puisse réussir. »
prog-r·ès q11e lui d1!eo11v1·ail la Na ture, gl'<lce à Ainsi se termine le programme, et sa réponse à
son ardeur ù l'approfondir, à vérifier tout ce MCS adversaires.
qu'elle donne à ceux qui comme lui, pal~emment, Quimr.n jours plus tard vint la Fêle de la Saint-
longuement en font l'expérience. Il était prêt .lcnn. L1\H lll.11di11nLs h1\lirnnt 11l allumè1·011t un
ù s'opposer à la servitude des anciennes lumiè- :i
ftm d1\ Joit, dc1vn11l l'U11iv111•14ité. Il f111111hoy11it lors-
res, considérées jusque-là, des oracles dont on <1ue Paraonhw nppurul, Lmanul en Rll main le Ca-
n'osait diifé1·er. D'illustres docteurs avaient pu,
grîicc aux livres, obtenir leurs diplômes, mais
non cle i\·lt'111t~ci110 d' Aviom11w, qu'il jela aux
flammoH 011 dl!!flllt « Va 1111 fou de ln Saint-Jean,
·,_·:
.

les li v1·cs seuls ne forment point un vrai méde- afin quo Loule inforlu1w disparaisse dans l'air
ei u. avec ta l'umtic. »
Ni les diplùmcs, ni la facilité, ni les langues C'était son ùefl 1111 parti de la vieille école. • !'"

11101•tm~, ni l'1)111de de livres nombreux pèuvent Luthe1· 11 vait d6füi ainsi la Papauté, lorsqu'il
prodnit·ti 1111 phy11icicn ,; seule la .connaissance brûla la Bulle et leR Statuts de Rome à la porte

"·'.
LA VIE DE PARACELSE :~ DOCTEUR DE LA CITÉ ET CONFÉRENCIER A BALE 1i3

de Wittenberg. Et Roger Bacon eût aimé à s'ar- Il ajouta aux cours les démonstrations prati-
roger le droit d'anéantir toutes les œuvres du ques. Les plus avancés parmi les étudiants l'ac-
Stagyrite. Paracelse brùla les morts, flamba Je compagnaient auprès des lits des patients et
savoir de Galien et d'Avicenne. s'instruisaient par l'observation de ses diagnos-
C'était l'acte symbolique, comme il l'écrira
un jour dans son Paragranum. « Ce qui a péri
doit aller au bO.cher, étant devenu inutile, ce .
? tics et de sa méthode dans les traitements. L'ex-
périence, disait-il, vaut mieux que toutes les le-
çons d'anatomie dans la salle des cours. Si vous ,.
I

qui est vrai, vivant, le feu ne peut le consu- ! désirez comprendre une maladie, regardez-la
mer.• i bien en face, veillez aux symptômes, étudiez-en ·.-, ·
L'humanité était vassale de l'Église morte, les phases, mesurez la durée, classifiez les cau-
du savoir mort, que tous deax clisparaissent à ses et la suite de son état, découvrez les soula- • !
Jamai11. Nuit et jour Paracelse tr·availlait à ses gements, et composez vous-mèmes les remèdes.
confére11ceA, lt1R dietait 1\ R('R secrétaires avec Il les conduisait dans la campagne environ-
un entrain oxlraordinairo, Loul (m marchant à nante, afin qu'ils y étudiassent les plantes mé-
grands p11R dans In chambre, les yeux ardents, '. ; dicinales « là où Dieu les avaient placées ».
!-~

« tel un prophète inspiré ». Comment les discerneraient-ils dans les teinlu-


Il passa outre les vacances usuelles, qui du- res, leH poudres, mème savamment composées'?
raient du milieu de juillet au 21 août, décidé à Micnx quo to11H 1011 livMs, mitmx que les jar-
raLtraper le temps que l'opposition académique din11 môdlolnnux, c\Lalont loK 0111111oos libres, où
lui avait fait perdre ; et la salle des cours était ln nnturu otnit lu Jnrdiuior, Olll' 1h IC!i pluntes
toujours bondée. Son but constant était de fai~e poussuient 1mr lem· <1hoix, 11Hpiru11l du HOI et de
tout en son pouvoir pour ceux qu'il enseignait, l'ai1• Ios ve1•l11H cp1i loH rtmdo11L el'licace11. « Sor-
« de ne rien leur céler qui pût ètre utile aux tez donc du1111 lu uatur", disait-il, couverte d'une
~aladeR ».Le Christ n'avait-il pas fait de la gué- voùtc unit.1m1, où leH apolhicuircs sont les val-
r111on des 1\mes et des corps malades sa souve- lées, les p1•airies, les montagnes et les forêts,
raine préoccupation ? l~t par conséquent, Je de- qui toutes nous ùouncut les provisions . Po~r
yo~r suprême dti se~ disciples. rios pharmacies. ~
' ' .

'1
1
f

., :
LA ~IE DE PARACELSE DOCTEUR DE LA CITÉ ET CONl' ÉRENCIER A BALE Uts
Paracelse les amenait à expérimenter l'alchi- donner votre aide, si votre voisin la réclame,
mie, la chimie, car il les voulait capables d'être ' q ue vous ne vous bouchiez pas le nez comme
leurs propres pharmaciens, de Ravoir distiller, le scribe, le prêtre et le lévite desquels il n'obtint
f.· combiner, dissoudre leurR médicaments et cela aucun secours : mais soyez comme le bon Sa-
ne s'apprenait el ne se développait que par
.r.·
l'observation constnnl<l ol par la pratique sans
maritain, expérimenté comme lui dans les cho-
ses de la nature qui contient la science et le re- ., ·' .
relâche. Nous avons une lh~h~ de quelques-uns mède. Nulle vocation ne demande autant de
de ses cours, et ceux-<1i touchent, à eux seuls, à grande bonté que celle du docteur. »
plusieurs domaines clu la mt'idecine. Il prit quelques-uns des étudiants lei:i plus
pauvres chez lui, leur donna le gîte, la table, les
I. - Concernant l<1s <fo~rés et composés de vêtements et leur enseigna tout. En revanche ··::,
-~·
prescriptions el de s11b~1.11nct1H nat.nrdles. ils de venaient ses secrétaires et lo rsqu'ils étaient '
Il. - Concernant le <lingnostio par le poids, plus compétents, il en faisait ses aides. Parfois ;!
l
le visage et autres symptômes. le labeur était dur. Paracelse ne connaissait pas .'' 1 1

III. - Concernant les maladies provenant de la fatigue, et il les tenait occupés souvent jus-
l'acidi té. qu 'nprès minuit. D 'autres fois il les tirait du P;

IV. - Concernant les maladies de la peau. meilleur sommeil, lorRqn'il Re p1·ésenlait sou-
V. - Concernant les plaies à vif et les ulcè- cinlnmnnnt 1\ """ eHprit cp1elque oxpéricuoe à
res. fnlro, qnc1l111w ldc\o no11v<1llo i\ nwllrc en prati-
VI. - Conférences de chirurgie sur les bles- que. Mnt" OtlK ho111m1111, Hl f'or·l<mwnt 6duqués par
sures reçues à la guerre. lui, étnltmL 0111111hl1111 clo pnrlngcir Rou travail, de
VII. - Concernant la pharmacie. faire oux-mt'!mnK luA c1xp{1ri11noeA, de veiller aux
Vlll. - Concernant la saignée. procéd(11'1 1 do loH onregi11trer. Le m eilleur d'en-
IX. - Concernant la préparation des méde.- " tre eux fut pnr lui trouvé un jour dans la cham-
cines. bre d'un mnladci pauvre. Paracelse demanda
à ce dernier d '011 il venait. « Je suis de Meissen,
« Je désire , dit-il, q ue vous sachiez comment r épliqua le jeune homm P., j'ai gaspillé mon ar-.
126 LA VIE DE PARACELSE UOCTEUR DE LA ClTÉ ET CONF'ÉRENCIER A BALE 1:!7 "'
.i ~ • i.
'.I, l,

gent à Heidelberg. Je voudrais enseigner cet gues magiques et d'incantations, ces esprits mal-
hiver afin de pourvoir à mon entretien. » Le l veillants espéraient le surprendre, alors qu'il
;, grand docteur r•épliquu : aurait recours à la magie, et de s'approprier ses
'
« Hi vouA ne trouvez rie11 de mieux comme secrels à leur avantage. Sa drogue la plus effi-
travail, venez chez moi et je vons donnerai le cace fut certainement le laudanum dont il ne
lit et la table. Le jouvenceau se fit bientôt con- faisait nul mystère, et qu'il donnait pour rame-
naitre comme Franz le Studieux, le sobriquet ner le sommeil à ceux qui souffraient d'insom-
lui vint de son application sans relâche; d e nies, et pour calmer la douleur et préparer la
son dévoftment au Maitre, duquel lor{gtemps convalescence.
après il disait: « Cher Maitre Théophraste Para- Il est probable qu'il rapporta de Constanti-
celse, de mémoire bénie. » Son zèle trouva sa nople une provision d'opium, duquel il extrayait
récompense, il devint lm docteur renommé. son labdanum, et qu'il tenait caché, peut-
MaiK parmi touR ceux qui venaient à lni cer- être dans la pomme de son épée. Il considérait
lnins élèves étafont ré11olm1 A t~xéoutnr leurs des- sa teinture de labdanum sa meilleure décou-
seins me11quins et indigneR. Ils supposaient cïue verte clinique, c'était l'opium ou Je labdanum
sa science de guéI·ir dépendait de la connais- qui op~ra la guérison rapide du Margrave
sance de cures secrètes, magiques ; ils se pro- Philip do .Badtm, qui au réveil du sommeil ar-
posèrent de les découvrir pendant qu'ils préten- llflolcil ch\ 1\ ln rlrol(ml, j(itn un joyau précieux
daient le servir, espérant ainsi tirer des profits clan11 ln mnln clo Mon 11u11vo111• - ocoi nvnnt que
comme fulurs docteurs habiles, sans le Jabe.ui;o le11 dootflnr11 Jnlonx lui rnfl1111~r1inl le1t honoraires ,;;

de l'étude et des expériences. cluA. Co joyau f'ul 1t0rlé 1rnr Io grn11d homme
Certes, la force de Paracelse reposait sur son jusqu'à 11n morl, nn Ail(ne de prote11lalion contre
travail incessant, mais aulant sur son influence J'outrage irnmôrito, M11iN on qui était encore plus
per11onnelle. Il avait ce don magnifique qui sou- puissant que le lnbdnnnm otait sa foi en Dieu,
l~ve Je courage, l'espoir d'une guérison, autant sa vie irréproohable, 11on dé1ür sincère, ardent,
(fll~ l<lf1 remèdes qui y contribuent. Mais comme d'aider ses semblabe11. Quelque chose du pou-
en oe11 tcmp11-là, les homme11 chuchotaient de dro- voir du Christ lui était accordé.

1i ··<1:1
128 LA VIE DE PARACELSE

Un de ses é lèves, et ce ne fut pas le pire


d'entre eux, quoique le plus notoire était Johan-
nès H erbst, surnommé Oporinus. Afin d'avoir
de l'argent pour conlinner ses études, il épousa
une ve uve Agée, qui empoisonna sa vie par ses CHAPLTRE VI
reproches. Il se mit au service de Paracelse, dans
l'espoir de découvrir les secrets do nt on l'accré- La salJe des Conférences
ditait, et d'o btenir la cé lébrité e t la fortune pour
son propre compte. Il r esta d eux années auprès . Chaq ue coin 1 ·,
du Maître, obtint sa confiance par s on dévoû- De l 'a mphi Lhéatre regor geant de savan ts clercs,
ment appa1·ent. Mais soit qu'il fùt déjoué par [ci Œcolampadius, au r egard spir ituel ,
la clairvoyance d e Paracelse, soit qu 'il fût su- Là Castell anus, au ssi érudit que lui,
Munstcr us de· ci, l!'rob enius là-bas.
bomé par les e nnemis <ln grand homme, il alla
jusq11'1\ le calo11111ior dnnR 1111 docume nt qu'il pu-
blia. Duns su vieillesse il regretta amè1·e mant
L'lntimati~ Theoprasti, comme Huser nomme
celle trahison.
le programme dans son Index du septiè~e vo-
Opo rinus n e d écouvrit point de fo rmule ma-
lume d " /~ivres, écrits de Paracelse qu 1L réu-
gique, puisqu'elle n 'existait pas. Paracelse di- •:-. 1e
nh f'nl lmpl'lmô i\ Bl\lo, ot uu xv11• sieo
sait lui-même, en référant à cette panacée , « ce
Il ~n ul11t11H onoor do8 c xc.1mpl11ireH. Mais
serait comme si on montait tous les chevaux
xueplé po1• lnM i•M <llLlo111t <l(: Toxitm1 (Michael
avec Ja mê me se lle, il en résulterait plus de mal
que de bien » .
°
SohlHz) d11118 Hon />aNJKl'tJ.f>l&0ri.un 11 ~ 5,7 5 , et
par Hui~ ,. cm HS\11, nou1J ignorerions ln serie des
oonférenoo8 quo llL H.ohcnheim dlll'ant la pre-
mière unnée d e Hu rô11idcnce à BA.le, tous l.es
exe mplail'ce do l'in1prossion originale ayant dis-
paru. , . .
Il est à présumer que le programme eta1t m-

-~-_____..i: • :::rn ::::::i: ~ ---


130 LA VIE DE PARACELSE LA SALL~ DES CONFÉRENCES i3t
troducteur et destiné à conduire vers un système Ces cours ful'ent très importants, expliquant
de médecine, de chirurgie, détnillé et compré_ outre ce qui fait le bon praticien en oppo·
hensif et traitement externe et interne nouveau sition de celui qui ayant pris ses grades aux
auquel les événements de 1l'~8 coupèrent court. écoles, ne re.c onnatt qu'une maladie, et ignore ."
L'énorme production des treize années qui sui- le traitement à faire.
virent son départ de Bâle comprenait quasi.- Parmi cette richesse de matériaux le choix est
ment chaque concevable forme de maladie difficile, mais un précis abrégé d'un ou deux
suggérée par le~ invasions de la peste, des fiè~ .·
cours, en plus de celui déjà communiqué sur
vres, des épidémies variées, ou par les mala- ses principes fondamentaux, suffit à indiquer '. !· . ''
dies accidentelles, constitutionnelles et conta- quel genre d'enseignement les étudiants de Bàle
gieuses qu'il rencontrait journellement dans (en 15\!7 et en HS~8) durent recevoir de ce ré·
l'6XC1rcice dll su prot'ession.
1formateur inspiré et inspirateur.
NouK pouvonfl aR1u11ner que quelques-unes . ' ''
En considérant ces conférences nous devons
001110reuom1~ de Hl\le Ho11t contenuos dans tenir compte de l'époque à laquelle Paracelse i ' :~
dix livre11 de l 'A rcltidoxa et dans les Trois pour ne pas confondre son point de
Princi.~es. Appartenant à cette époque, sont vue avec les progrès que la médecine a faits au
les traités des p:antes spéciales, du sel, du vi. eièolc dornier, cl auxquels contribuèrent son
triol, de l'arsenic, du soufre, de l'antimoine, oourngo 11L Hon ii111i11tanoc. li 1.ournn le do11 ù la
des ~ources minérales ; aussi ceux de Ja phar- soienoo morL11, •'~lforQRnt d'ntloindrc l'horizon
macie et de ses préparations : teintures, pou- idéal lolntaln, <1111 toujonrK 11'<\lolgno à mesure
dres, onguents, et les traités des plaies vives, qu'on 11emhln l 'n1>1woohor.
des ulcères et de leurs guérisons; traités de l'a- « Lo progrc\14 do" Molenoes rend inutile les
poplexie, de la paralysie, des fractures, des con- ouvrages <1111 ouL lt1 plu11 aidé 1\ ce progrès.
tractions et des déformations résultant d'acci- Comme cos ouvragett ne servent plus, la jeu-
dents; l1•ailés de la défectuosité de la digestion nesse croit de bonne f'oi qu'ill4 n'ont jamais servi
de la oiroul1ttion 011 des blessures reçues à l~ à rien. i.
guerre.
Anatole Franoe, en oes mots e xpressifs, a mis
13~ LA vrn DE PARACELSE LA SALLE DES CONFÉRENCES 133
à nu notre ingratitude intellectuelle, notre im- 2° Il doit traiter chaque cas, avec une science
possibilitê de réaliser les miraole_s du passé qui . süre, ne doit ni l'abandonner ou y renoncer.
ont engendré notre présent miraculeux. 4• li sera toujours ·sobre, sé1·ieux, chaste, de
En 1~71 Toxites publia à Strasbourg,par Chris- vie honnête, et ne sera pas un fanfaron.
tian Muller «Un excellent Traité >, par Philip 5• Il prendra en considération les besoins du
Tbeophrastus Paracelsus, le célèbre et expéri- malade au détriment des siens, son art plus
menté philosophe et docteur Allemand. que ses honoraires.
Ce livre contient aussi des cours sur quatre 6• Il prendra toutes les précautions que la
autres sujets. « L'excellent Traité » fut publié . science el l'expérience suggéreront, pour éviter
plus tard sou s le titre de « Antemedicus » dans
..
. ,
lui-même lesmaladies .
les Liçres et Ecrits Chirurgicau.?C d e Ruser. 7° Il ne sera pas le tenancier d 'une maison in-
C'est l'ap1>el énergique de Paracelse à ses élè- fàme, ni le bourreau, ni un apostat, ni du clergé
'. .
1, ves, d'apporter lonr personnalité autant que le d'aucune manière.
1
t1avoir dnns lenr travnil profossionncl. L'édition J Il explique plus amplement ces sept particu-
do Toxites a l'uvanlage d'<Hreimprimfie de l'écri- la1·ités.
ture mème de Hohenheim, et ainsi, elle ne pet·d ' . 1° Les médecins qui ont obtenu leurs diplô-
rien de sa force première. On y arrive après une llltlti pa1· de l'urgent on nprès des amuies d'étude ,
invocation au lecteur, et une longue préface La- · t]llÎ liHtmt lnlll'H livrcH H11porfleioll111111rn 1, reLien-
tine, toutes deux de Toxites. Paracelse indique noul pou tlnuH lourH ct,1•v111111x. MniH leH 1\lw1:1 vont
·les « Trois Qualifications » que tout chirurgien _d e put• ln vlll <.1, 00 111111<1 11i Io 111aludu co111mctluit
. (.
.·:::'"capable el habile doit posséder. un µrime, on uo11 L1· di 11nn l le 111é dccin.
La première concernant le caractère du mé- Les Barhit•1•11, lcH B11ig11u11r11 cl. <f nnlr1~ s sont de
decin est traitée en sept détails: ·~ la mème opinion, 1-1'i111agiiw11L qu'ils onltout ap-
0f Il de doit pas se croire compétent de guérir pris ïor·squ'ils :rnvuu t saigner, rnclcr, tapel',
tous les cas. comme si un vrni lrn il c rrn~ n t médical consistait
i• Il doit étudier journellement et employer en ce'la, et ces vertux se c1·oienl d e g1·ands maî-
l'expérfoncc d'autres docteurs. tres. N'ont-ils pas 6té ù Nü1·embe t•g pour leurs
8
LA VIR DE PARACELSE LA SALLE DES CONFÉRENCES 13~

examens où d'ailleurs beaucoup de leurs pareils il ne court pas toujours chez le même patient,
obtiennent leurs diplômes. et ne se promène pas dans l'es rues, car ce mou-
'i" Un médecin doit être aussi intdligent et vement continuel ne sert à rien. Mais s'il est
savant que possible. Il vient une heure, où un conscient que le malade ne peut guérir qu'avec
cas diffidle défie les livres ou l'expérience, et ses soins, voyant qu'un plus docte que lui n'ac-
fait tressaillir par son mysLère ; de sorte que court point, il doit par devoir et en conscience,
malgré toute sa science le docteur se sent perdu continuer son traitE'ment.
vis-à-vis de l'inconnu. ~· Si un docteur est raisonnable, ii ne sera
C'est pour cela qu'il vous faut étudier sans pas absorbé par autre chose que sa profession ;
cesse, noter, observer finement, ne dédaigner il ne sera ni un bavard, ne s'occupera pas des
aucun enseignement, ni croire trop à vos pro- affaires d'autrui, ni de ses amourettes, ni de la
pres capacités ; et par-dessus tout réaliser com- fine cuisine, il ne courra pas de boutique en
bien vous pouvez peu de chose, quoique méde- boutique. Il sera sensé, et ne mêlera pas la
cin, et passé maitre. fraude à ses actes. Il s'abstiendra d'incontinence,
Voilà pourquoi il faut travailler sans relâche car le médecin qui n'est point chaste, est un
car lequel peut tout savoÎl', tout prévoir et con- monstM, et l'on ne Aaurait se confier à lui.
naitre tous les remèdes ? 6• Si un dor.tet11• ne conAidère que son intérêt,
Il vous faut voyager, accepter .sans dédain il cesse d'éludier tout ce qui concerne son mé-
tout ce qui vient à vous ; alors vous ne ferez tier. Il npprcmd li flaUor, cL Rait, on les cRjolant,
point honte à votre titre de docteur. Car le comment f!Xlorqn.,r ACA vloluallleA des moines
charlatan est une marionnette el un élégant de et des religieuAeA de" cloflres ; il donne des
cour, qui déshonore la vérité, la science vraie. conseils nu hnHrd afln cto ne manquer de rien.
3• Lorsqu'un docteur ignorant soigne un cas, Dieu donne au voleur un long répit, avant qu'il
tout va de travers, et o'est bien de sa faute; il ne soit prmdu ; souvent même il échappe au gi-
ne pense qu'aux deniers. Mais un médecin in- bet. Ceux qui enseignent seulement d'après les
1, telligent ne juge pas à première vue, il ne s~ livres trompent les aveugles, et sont aveugles
croit pas capable de vaincre toutes les maladies ; eux-mêmes. Tous sont des obstacles sur la
136 LA VlE DE PARACELSE
LA SALLE DES CO NFÉRENC ES ·1:-17
route du médecin sincère. Cel11i-ei aime sa vo- ainsi. Un tel docteur n e devrait point pratiquer.
cation, s'occupe del'! malades n 'entreprend pas
Qu'il consulte l'expéri ence de quelque autre,
vingt cas il la fois ; tout au plus cinq ; car on ne
s ' instruise à son commerce, à ses conseils quo-
peut s'occnpet• sé1·i eusement de loules les ma-
tidiens. »
ladies, pas plus qu'une mère 11e saurait mener « Si un médecin tient une maison mal famée,
son enfant en présence d e )'Empereur. Si le mé-
·il est la honte de son métier. Il fait de sa demeure
decin est honnête, il p ense à autre chose qu'à un hôpital, méprisable pour la médecine, mais
ses honoraires, et ne se dit pas: « Avance, fais qui rapporte de l'argent. IL devient un bourreau,
ton chemin, mélange tes potions. »
il tuera ses patients. Il doit garder pure sa con-
S'il agit ainsi, on dira : « Qui donc peut gué- science et ne pas se réjouir que personne n'ose
rir tout le monde? Si vous désit·ez l' honneur,
l'accuser. Il doit contempler Dieu, et le crain-
l'aq~cnl. et des dons des l'crnmefl, comment gué-
dre, car Dieu voit le meurtre dans ton cœur pen-
rirez-vouA to1H1 les 111alacleA? Fi de vous, laissez
dant que tu y travailles assidûment et il ne con-
J11s 111uludm111vu11L d'1~mpirer 10111· état, car vous
sidérera ni l'indulgence de l'Empe t•eur étouffant
savez que vous 110 lem· l'uitcs que du mal, t1,.1s
l'affaire, ni l'absolution du Pape. II saura comp-
d'ignorants que vous èt.es. »
ter avec le meurtrier. »
()• Ceux qui ne p ensent qu'à Leurs honoraires
c Si le m6dec in est un apostat (soyez sl1rs
n'ont besoin ni de savoir, ni d'expérience, ils
qu'il 11111·11 {iL6 rnépriirnhlc 1111 1:011vm1t) que l'ma-
occupent une position louche. «Qui osera t'ac-
L·il do lu m6rtouino •t Los 111oino11 qui ln prati-
cuse r ?Qui dira que la faule est tienne? A peine
quent Io l'onl. f1011vo11t pour do vil11 motifs. S'il
connais-tu ton Avicenne, tu connais Hippocrate
est un nposl11t d'u11 nutro ordro, il fo1·a un mé-
et davantage. Advienne que pourra, Ja guérison decin <fontoux, truvnillunt i;e11le111c11l pour l'ar-
ou la mort, tu te dis, je ne suis pas à blâmer
gent. Nul ho11111u.i du clergé on des ordres reli-
puisque l'une ou l'autre doit venir. Si cela arri- gieux n'est cupablo d'ôtrc un docteur. A chaque
vait à quelque autre que le D• Bononiensis, ou vocation son homme.Nul no peut servir deux maî-
quelque vieux sophiste défunt, moins instruit, tres, à chacun sufliL le trn vail d'un seul. Le prètre .
il n'aUl'nit cct•tes pas l'imprudence de répondre aussi a ses spécialités. Le destin est contre lui.
~-
38 LA VII..: m: PARACELSE LA SALLE DES CONFERENCES f 3\J

« L'esprit même de la médecine ne peut le to- hre du corps, sa chair spéciale, sa moelle et tous
lé1•er il cause de sa vie dissolue. Encore bien les autres détails.
d'autres ne devraient avoir rien à faire avec la V. - Il doit savoir où résident les émonctoi-
chirurgie tels ceux qui ont des femmes extrava- res et comment les éviter, aussi ce qui est contenu
gantes, car elles poussent leurs maris à ne pra- dans chaque cavité du corps, et tout ce qui con-
tiquer que pour le gain. Les auteurs, les acteurs cerne les intestins.
doivent aussi s'abstenir de pratiquer, ils sont VI. - Il doit avec toute son ardeur cher-
trop spirituels, et il ne leur vaut rien d'ètre sé- cher à comprendre ce qui concerne la vie et
rieux. » la mort ; ce que les principaux organes · de
La seconde qualification concerne les patients. l'homme signifient ce que chaque partie peut
Un médecin doit reconnaitre les malades et tout souffrir et endurer.
cc qui concerne leur (!lnt,tol qu'un ébéniste con- Paracelse explique ces préceptes plus ample-
nntt MOU hoÎM. m ent :
Parncel11c <~x1•li<J1W <\!~c:i en six paragraphes 1° Si un médecin ignore les variétés de la
s péciaux. chair humaine et où chacune d'elle est pla-
1. - Un médecin doit savoir combien d'espè- cée, comment saurait-il les besoins de chaque
ces de tissus sont dans le corps et en quelle re- blessure, et choisir ce qui sera salutaire?
lation chacun d'eux se trouve avec l'ètre humain. Chaqnn variéLo a Kes nouidonls particuliers
II. - IL doit connaître tous les os tels que les et si m~mt' ou pouvuiL les guérir par le méme
côtes et ce qui les r ecouvre, la différence entre procédé, le ré1rnll11L Koralt dill'ôront dans oha-
l'une et l'autre, les relations entre elles et leurs que ca11, ohnoune nyunl Mil propre mtlure. Un
artic11 lations. chirurgien qui ne Mnil pils dittlinguer ces va-
1II. - ll doit connaître les vaisseaux sanguins, riétés de lu chair, n'el'll point n1>le à la chirurgie,
les n e rfs, les carti !ages, et comment ils sont maiu- quoique diplômé, doo tcu1• el Maître. Ces deux
hi111u1 em~r. mbl e . titres apparliumumt uu v1•1ü savoir, et de savoir,
IV. - li doit connaîlre la longueur, le nombre, il n'en possède point.
Jaforrnc, la 1·1111rl i1ion et l'ntili tP- dechaq ue mem- .. S ï.i n o con. nait pas
2• . les os, commc;lnt
' . ;,
remet-
. ,

. '
uo J,A VIE DE PARACELSE
~
LA SALLE DES CONFÉRENCES H1

tra-t-il telle el telle lésion? Comment en com- signe que vous ne savez rien d'autre, car celle-
prendre la nature ou les con,s équences qui peu- ci devrait être la moindre de vos connaissances.
vent en résulter. Il ne suffit pas de traiter une Vous ne savez mème pas comment vous êtes
blessure extérieurement; il faut en connaître en- faits et comment le tout se tient. Un joli maî-
core davantage la condition intérieure; celui qui tre en vérité ! Vous ètes peut-être un barbier
connait les os du corps, comprend une bles- intelligent, un baigneur rus~, qui fait parade de
sure du cerveau, des côtes, et ce qu'il peut oser son savoir en paroles, ne sachant rien faire
faire en chaque cas, et ce qu'il doit éviter. d'autre.
S'il l'ignore, il aura recours aux livres, l'ex-
: 1
6° Un médecin doit ètre capable de voir loin,
pliquera par des mensonges, aggravant le mal et de donner son diagnostic, par l'observation
par son ignorance, et fut-il appelé docteur et des symptômes. Inutile de se vanter de sa sco-
mnllrc dix f'oiH, il n'en e11t paH moins un sim- lastique, des livres lus, des voyages entrepris,
ple duwcheur d'or, un miH<\rahlc qn<l les ma fades tout ce bavardage est de la pacotille, s'il ne sait
doivent üvitor. vraiment rien~
:1• Chaq1w vui~Houn a Ha na Lure, ot le 111(,decin La Troisième Qualification concerne les trai-
qui no les connait pa!-! tous ne peut en guérir tements, et se divise en sept parties :
« 1° Le médecin doit connaitre les plantes de
aucun. Si vous ignorez le degré de danger de
la blessure comment y remédierez-vous? Vous toutes espèces et Havoir dans quel but elles pen-
ne savez pas où les veines sont situées, com- vcnL èlre 11lileH.
ment les arrêter dans leur cours, afin que le 2· Il doit oonnnltl'o lm\ 1lrog1ws qui désinfec- .: '

blessé garde la force de vivre ; tout cela pro- tent et g11éris11onl rnpidonuml 011 lontcmont selon ~· '•

cède du savoir seul. la· nature des bloBRUl'(lH.


3° Il doit ôlre prépn1·0 1\ tcrnl.e oventualité et
r Et malgré tout, vous devenez docteurs et
maitres comme d'autres imbéciles.
4° Si vous ignorez la longueur, le nombre,
savoir cc qu'elle c111l lorsqu'elle !!e présente.
i• Il doit savoir quoi permettre ou défendre
t
I• la forrr1e de la plaie, et la fonction de chaque ' aux malades, ce qui est conforme ou non.
1
membre nvt'c tout ce qui s'.y rattache c'est un :;• Il doit savoir quel est le remède efûcace
LA SALLE DES CONFÉRENCES
LA VIE D~ PARACELSE ,. ,,
pour le car:1, et. ne pas expérimenter avec d'au:- ~atist'action intérieure, démasquant la foule de
tres. JÙisérables. Il sentait que sa juste indignation
(S• Il doit connaîl1•e l'effet de chaque médica-
était essentielle à la ruin~ de l'infâme système
ment., comment l'augn1euter ou le diminuer, en qui régnait dans la profession.
un mot il doit avoir plus d'une corde à son arc. Afin d'illustrer son enseignement, il faut choi-
7'' Il ne doit mépriser aucune science, mais sir un ou deux des traités qui introduisent sa
R'instruire à toutes, pour comprendre davan- théorie des c Trois Principes fondamentaux :..
tage. Si .nous prenons celui des plaies vives ou des
Sachez-le, il y a deux catégories de docteurs : maladies de la peau qui suit le traité mentionné
ceux qui ne considèrent que les écus, et ceux dans le volume publié par Toxites à Strasbourg
qui s'occupent des misères des malades.> en 1571, nous avons un exemple frappant de la
Ces citations jettent une lumière lugubre sur manière dont il appliquait sa théorie.
lu oonciilion de ln profession médicale, et sur Il est impossible de reproduire ces conféren·
le carucl(i1·e et les pr·océdés des praticiens de ces in extenso, à cause de.leur longueur, mais
la première moitié du xv1• siècle. Paracelse l'extraitcité ci-dessous est donné au tant que pos-
ne manqua jamais l'opportunité de dénoncer sible, en son propre langage.
ces derniers et toujours à leur face, car ces Le traité débute par une expansion de sa lhéo-
hommes affluaient à ses cours, et-ce fut de sa-_ rie et réitère sa contention que Dieu fournit les
part un acte de véritable héroïsme. Il se voyait moyens de guérir, danR ln Nnturl'I, qu'il mi di-
obligé d'accuser l'ignorance effrontée, l'inso- rige la déoouvcrto et l'uitago. ...
lence et la cupidité des docteurs vautours de « Toute" le" hleMHlll'<lll <le ln p11au 11onl occa-

son époque, afin de former de vrais docteurs sionnées par le 801 ; tel c111'il rouille Io fer, tel
parmi ses élèves. IL les encouragea à l'étude sé- il rouille lefl tittMUR du corps. Maintes espèces
·rieuse, à faire des expériences, à rechercher la de rouille ou dommagl'IR se présentent dans les
vérité sincèrement et à donner aux malades , minéraux, chaque métal ayant sa nature parti-
aux nfnigé"I et aux blessés le meilleur d'eux- culière ; ainsi le cuivre est endommagé autrement
mêmes. 11 le tit, sans crainte, non sans quelque que, le fer. Et la science dos métaux .nous aide

~
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LA vrn DE PARACELSE LA SAJ,LE DES CONFÉRENCES

à reconnaitre que ces corruptions apparaissent son corps existent des sels de différentes natu-
aussi dans l'ètre humain. Un homme souffre res, qui peu à peu deviennent de petites flam-
d'une plaie, il gué1•it par un traitement. Le mé- mes. Une de celles-ci peut mettre une autre en
tal aussi a une plaie qui; peut se guérir par un combustion et toujours par les forces de la na-
trailement. Ce qui arrive :dans un cas, arrive ture. Beaucoup de sels se trouvent aussi dans les

gnalia Artium dont Dieu a doté le physicien. Il


..
dans Î'autre. Voilà les secrets de la Nature, la Ma- arbres. Da.n s quelques-uns, il y a un sel qu{ronge
le bois à la façon d'un ver. Ainsi dans l'homme,
est ordonné de la science merveilleuse, il la re- dans les loups,d'autres animaux,il y a des sels,
çoit de la splendeur de la nature et des malades tel que !'arsenic, qui s'insinuent, putréfient et dé-
qu'il observe et auprès desquels il peut la com- vorent les tissus. Ceci a1·rive partout où se trouve
pléter. Le médecin doit donc savoir ce qui est des sels et selon la nature.
nuisible à la peau et ce qui guérit le mal, les Dans l'espèce h.u maine il y a des natures si
deux espèces do 11cienccR se trouvant dans la na- différentes, que le mal diffère d'après chacune.
Lure. ., Certains sels broient comme des orties, d'autres
« Le sel csl de 1.cllo essence qu"il dévo1·c-et comme ' du vitriol, d'autres irritent comme le
ronge, ainsi qu'un t'eu caché, que personne ne plomb, d'autres font des ampoules ; toutes les
voit dans sa forme substantielle, ou comme la matières contenues dans l'homme doivent être
piqûre d'une ortie.Prenez connaissance des her- séparées comme dans la nature et clussHlécs se-
bes et surtout des épices ; de leurs feuilles, de lon telle ou telle fümillc et oApèoo. »
leurs fleurs, de leurs fruits, brûlant comme de « Lo "fil nglL cl'nnn manlc'lre particulière, c'cst-
petites flammes, tel le cresson, la moutarde, les à-dlre, li "e clévore lnl·m~mo, maiR il dévore
orties. O.UllBi le mnronro, le Aonf're on môme temps, el
Remarquez aussi les animaux qui mordent voilà ta oau"o do 88 propre cte111truction, comme
et piquent.. Tous possèdent et mettent en ac- il en est de toule11 oho11es créées, qui ne dévo-
tion des feux cachés, dont le résultat seul est rent paa la rouille, les corrosifs et les raclures.
visible. Précisément èomme dans la nature ex- Celles-<1i dépcudcnt de la force de la nature qui
. .·!Ji·· tél'icurc tout se passe aussi dans l'homme. Dans les enlève et les anéantit. C'est pourquoi, ·_ '.~ ..

9
U6 LA VJF. D& PARACELSE LA SALLE DES CONFÉRENCES U..7
l'homme doit consulter le médecin qui connaît, faire son expérience des forces actives des ma-
la puissance de la nature. Car la médecine est tières naturelles, afin de les reconnaître lors-
un don, et celui à qui il fut octroyé Je possède qu'elles se présentent. Il y a dans le corps hu-
et savoir ce que la natui·c contient, est le com- main un sel de feu (flamulae), un sel de borax,
mencement de l'inspiration. Ceci est la sagesse. un sel d'arsenic et bien d'autres. Inutile d'en
Alors le médecin devient Je physicien, par les faire la théorie, comme le faisaient les anciens
vérifications, les illustrations, l'étude et l'ensei· ou de les étudier comme le faisaient les philo-
gnement de la révélation de la nature. Aussi sophes; les plaies et les blessures ont leurs lois ;
tout docteur doit se pourvoir de la puissance il ne s'agit pas de se baser sur des conjectures,
de la médecine, telle que Dieu l'a créée, et ne ou sur l'imagination. Car le physicien ne peut
point essayer de s'en dispenser. Il y a un feu commencer que lorsque la philosophie prend
secret dans les matières de la nature et dans fin. Ces lois doivent ètre traitées séparément,
1'homme en lequel lorsqu'il s'enllamme, l'homme et le philosophe en ignore la manière. >
hrdle tel, que ln chaux qui bout dans l'eau. » « Notre enseignement est que la nature nous
«Car le coi·ps, là où se trouve le sel, et où il 'a inclus dans son œuvre; l'homme étant le mi-
brdle comme le poivre ou l'alcali, peut être com- crocosme, le médecin doit se consacrer à cette
paré à un corps fluide. Il dévore la substance théorie. li y a de vastes différences entre l'en-
qui compose son corps ; les sels de fer brdlent 111eig11oment. deH unoions el Io nôtrti ; notre Acience
le fer, les sels de cuivre brdlent Je cuivre, et do gndrlr <lllf1~rt1 gr1111dement de la lenr. Car
chaque partie du corps a son sel . spécial : les non11 onaolgnom, qufl oe qui g110rit l'homme,
vaisseaux: du sang, les tissus, la moelle, l~s os, peut fltgnlemflnl lt1 blo11Aor, et <JO qui l'a blessé,
les articulations, l'ont chacun sèlon s~ nature. peul lt1 gll~rlr. L'o1•lit1 peul ùtre transformée atin
Quiconque connait bien ces espèces, sait com- de no poha't hre\ltw, comme lu flamme de ne point .; ~

ment se forment les plaies du corps. ~ rouAfllr, et le ohélidoine de ne point cicatriser. '·
«Il eiiste un vieux: dicton parmi les savants: A111111i 1011 111hnilaircA sont utiles dans les guéri·
«Où le philosophe finit, le physicien commence.> sons; tel el toi sel, telle et telle plaie. Et les
Ceci veut dire que le médecin doit observer et matières qui guédsseut une blessure de la na-

.. . , ,
.. ~~~, ~~~...&i.a.l'.:!: •.· :.,~!iJ~~...,_~k.-
- ""··... ._.._ . ~

us LA VIE DE PARACELSE LA SALLË· DES CONF~RENCES

ture,guérissent la même espèce de blessure dans mystères. Ainsi nptre sagesse nous initie par
l'homme. Le médecin apprendra à reconnaître <;!es figures,; des .fo~mes, des comparaisons et :·: .
. ·. · - 1.~· ·

ces blessures similaires en les étudiant dans la n'()tre désir .de sa;l'oir finit par les rendre intelli- . h; /.

nature; et lorsque celle-ci cesse l'enseignement gibles. . --


par ses propres exemples. le docteur doit savoir « Le Christ n'a•t-il pas dit : Il n'est pas donné
-.1
quel traitement appliquer ; autrement il n'est à tous de comprendre; mais cette grâce est faite
qu'un philosophe. à un certain nombre, c'est-à-dire à ceux qui
« Le charpentier élabore le plan d'une mai- approfondissent avec ferveur, avec ardeur et le .~~ 1 '

son et la construit. Il n'en est pas ainsi du mé- besoin de vérité. ,.


decin. Il peut ne pas être capable de diagnoser « C'est pour cela qu'il est pe1·mis de ridiculiser ·,;,..-

les théories anciennes et aussi ceux qui suivent ,. .


la maladie, ne l'ayant point faite. La nature l'a
.
produite, la connait et si le médecin veut la le chemin où elles mènent. Ceux-là justifient le .,
diagnoser exactement il la doit rechercher dans proverbe : « Un aveugle mène les aveugles, et
la nature, connaitre ce qu'elle démontre et il si l'un tombe dans le fossé les autres le suivront I .·-i·..
. ..
sera renseigné. » dans le fossé de la médecine », sans se rendre
« Le charpentier abat un arbre, s'en sert compte qu'elle tient de l'inspiration, et n'est pas ·~
~:'
selon ses besoins et comme il lui plaît ; mais il le partage de tous. ~
n'en est pas de même du médecin. « Comment 111ornicnt-ilR d<~s doo1011rA, t1n11s la
« La médecine ne petit être charpentée selon ~onnnlKlftnco, la oomprohonAlon do ln Aoience, \' ::.'

les besoins, mais demeure ce qu'elle est, et doit &an• ln porooptlon dtl leur l11011p1wité, en un mot
être traitée en conséquence. C'est pour cela 81lll8 CJOif', t
qu'il est utile de s'instruire là où réside la science, « Il y n do 110111 Jonr11 bi(m deH gens en lesquels
qui ne s'exprime pas en paroles, mais qui par il n'y R rien, et 01) rien n'existera jamais. Ils
des signes, dépeint, indique, exerce les forces n'ont ni l'inlelllgouoc, ni le goO.t de la méde-
qui sont en elle. Si la Nature refuse son ensei- cine, qui rn1,me ne méprisent pas les moines
gnement à beaucoup d'êtres, elle instruit ceux docteurs, n'ndmottant pas l'ignorance de ces
qu'elle sélectionne, par des paraboles et des derniers. CeA moiM11 m1~decin..s ont la plupart

t
· '•

.. ,,. _.a .,·""· -· - -,·


f 30 LA VIE DE PARACELSE f,A SALLE DES CONFÉRENCE8 f ~{
F-:.
~ i.
: 1 .,
essayé de touR les mi.ltiers <le fourbes, avant de 4ue le miel ne contient pas de sel, mais que le
1 . ·:·. se réfugier dans l'art de guérir. poivre en contient. Cependant Jes deux en ont,
i ;-..·::
~
' ..
1: . ·: .
c Prouvez ouvertement votre savoir et vos mo- car ils ne pourraient exister comme miel ~t
;: : ... tifs. Car beaucoup d'entre vous n'ont été que comme poivre sans le sel. Il y a beaucoup de
'.(, 1 >.

des braillards et des meneurs vers l'erreur. » sels visibles afin que le docteur puisse voir de
Dans la conférence suivante, Paracelse revient quelles espèces ils sont, et ceux-là se différen-
à ses Trois Principes = cient en plusieurs variétés, et ainsi que dans la na-
« Le sel est la matière qui empêche les deux ture, chaque variété se rencontre dans l'homme,
autres de se corrompre ; ]à où le sel se trouve selon son essence spécifique.
il n'y a pas de corruption agissante. Le sel' « Le sel dont l'homme fait usage est de main-
.... .
1:.

!r; : se trouve dans tons les corps afin que chacun


se conserve sain. Il y a beaucoup d'espèces de
tes variétés qui coulent à travers les eaux, bouil-
lonnent dans le sol, et en sont extraites de nou-
't·! :'.'
; •1"•\; sel, tout comme il y a beaucoup d'espèces de veau par l'évaporation. D'autres sont tirées des
: :\ · , mercure et de Honf'r•~. Et pour cdte raison il métaux, d'autres se coagulent, de sorte que la
1 ': <·
y a de multiples formes de maladies et <le ·des- variété est infinie. Nous préparons un sel fin, 1 '
1 '.,
tructions. Tout ce qui a de la saveur est un sel; un sel pur, un sel suprême, etc. Mais tous ces
même si la matière a le gmlt de poivre, elle sels ont cela en commun qu'ils se rompent en
;t~;" .
1 ' "

,n'est qu'un sel. Dans la gentiane le sel est amer, orifltnnx. Certains sels se clo1rngrègcul pour i;e
i' :"
' ,,1· .
doux dans le sucre, acide dans l'oseille. Malgré~ refomior h nouvonu: l.OIR )uH ""'" cl'alun. L'alun
r' '' ·r, la diversité des saveurs, tous sont des sels. Tous dévore 6l l(llOrlt. r.cA HOIH vilriolicpwM HOJll vi~i­
!: sont différenciés comme la chair l'est ; soit la ble1 auHI, et 1w11" pl11Alc11rM l'orm(1H. Les sels de
f·.:·
chair du bœuf, celle du poisson, celle du poulet, plomb sont d'""PÙOllH 111ultipl6!1 cl de natures
d'un reptile qui toutes sont de la chair, en la- dilféronto" ; nuMsi leH Reis de ehaux et les sels
quelle réside l'essence ou l'esprit vfritiant de <1ui peuvent êlro HopnrtiH d '1111lrcs corps. Remar-
chaque. Mais malgré toute la différence qui existe, quez qu'ilft n'exi11ttml pns pour eux-mêmes mais
I
tel homme opinera un tissu particulier pour de qu'ils sont mOlangc~H comme lroisième élément
la chair, et uu autre non. Un homme affirmera à chaque cho~e ntin <111 la compléter. Chaque

. '
.:: r.

LA VIE DE PAJ1ACELSE
LA SALLE DES CONFtRENCES
-· . .~
substance contient des matières métalliques se- ne sont pas visibles à l'état normal. Lorsqu'elles
lon ses différentes parties. D'où il suit que les sont préparées par la terre, notre science les
corps métalliques meurent comme les autres, découvre. Par la combustion du sel nous appre-
leur sel étant l'arsenic. Comprenez bien que ceci nons comment la nourriture est décomposée par
est le cas avec toutes les espèces de matières. les viscères digestives, et nous faisons d'autres dé-
La terre entière est enchaînée avec l'homme couvertes par la préparation de l'alun, la fumiga-
par ces matièr·es. A travers tous les hommes tion de la chaux, etc. Et à mesure que les matières
passent les veines de sel pénétrant dans toutes sont découvertes, elles deviennent assez fortes
les parties du corps, dans toutes les régions de pour se disjoindre.
la terre. Les unes sont dans les pores et telle «C'est l'homme qui devient l'artiste, qui pré-
que la pluie tombe du ciel la moiteur ruisselle pare le corps, et le fait ce qu'il devient par sa
des pores. Le ciel et la terre sont contenus dans science. Son opération le complète. Mais la
le co1·ps et y sont séparés. Ainsi que les pierres préparation doit être L'EXALTATIO PAROXISMI au-
soul formées par \'a<!lion do l'eau sur la te1•re, trement le résultat est nul, et le corps reste
ainsi se f'01·ment dans le corps les pierres et les aussi inutile que s'il était encore dans le limon.>
graviers. Les découvrir est l'affaire du médecin Le traité continué en détail, est suivi par un
plutôt que celle du chirurgien. autre donnant une série de leçons sur 111 guori-
c: Voilà pourquoi lesujetdoit être expliqué de- son de111 j,luieM ot dcR mnladi<'fl cMri vnnt.de L' 11etion
::~ ..
·.._ _ ,_ .
puis son origine; mais le chirurgien doit connaitre dea 1cl1t 001•1•1unpu111. CcH citntionR :mf'flronl pour
tout ce qui concerne ces plaies, qui se produisent fmggéror lu vltnlllt\, la profo11dtrn r <,I, l 'ux h~11sio11 de
d'elles-mêmes, et savoir qu'elles sont dues aux l'enReignurrnmt de Parno<llirn, Hon oxl 1·aordi11aire
sels qui fluent à travers l'anatomie et la nature reoonn11iHK1111oe do 1'1111iv<wH1tlito cl de la simi-
du corps, nous savons que cela existe ainsi dans 1 • larité de 111 vit! clnns loR miniiraux, les plantes
la nature, et il faut d'autant plus l'investiguer et les animaux,
scrupuleusement dans la médecine. Dans un Cette epéoulntion qui, R<mlc111ent de nos jours,
état naturel nul mal n'en résulte, parce que ces devient une partie de la science positive, quoi-
substances sont dans la terre et le corps. Elles qu'elle ait pr•évalu dan~ cc1·tains enseignements
11.
LA VIE DE PARACELSE LA SALLE DES CONFÉRENCES

mystiques de l'antiquité. Il füu.l admirer saper- Toxites donne son éd\tion comme la troisième,
ception qui voulait que le crénleui· cùl fait le et ajoute à son titre la citation du Psaume c XIV.
macrocosme el le mic1·ocosme interdépendants « Ce n'est pas à nous, oh 1 Seigneur 1 ce n'est
dans lous les esseuliels physique ,.; , afin que les pas à nous, mais à Ton nom qu 'est la gloire. »
besoins de l'homme dans son petit monde lui Dans l'édition d'Adam von Bodenstein, de
fussent pourvus dans le monde plus puissant de laquelle les notes ci-jointes sont extraites le
la nature. Psaume 1 XIV est cité :
Il faut s'incliner devant son sens moral pas- « Ceux qui me haïssent injustement et me
sionné, la force guérisseuse de sa vie pure, bien persécutent sans cause, sont plus nombreux
01·donnée, sa haine de l'ignorance, de l'irréli- que les cheveux sur ma tête; mais ta Protec-
gion, de la fanfaronnade, de l'hypocrisie, de la tion, oh Dieu true délivrera. ~
cupidité et du vice. Une quatrième était incluse dans l'édition de
Il e11t évidenL, ml)me par cet extrait limité, Ruser de Strasbourg au commencement du
que Purucel11c fui. le pè1·e de l'homéopathie, et xvi1• siècle.
ceci est confirmé pur tous ses écrits et pa·r la Dans le premier de ces écrits, Paracelse ~raite
tendance de son ti·ailement. des causes de la paralysie et attaques similaires,
Un court résumé des deux traités sur la pa- résultant en incapacités des membres du corps;
ralysie et autres maladies invalidant les mem- dans Je 1Jeoond il cxpli<Jlie leui·s forme11, durées,
bres, peut illustrer un autre côté de son ensei- leurs ou1·ctt ol lu môthodo du 1.rnitemcnt néces-
gnement. saire 1\ ohuquc tlttpèct.1 d'ullnquu. l~lleR t1ont dues,
Ces traités furent publiés dans la même col- dit-il, à des cuusos extcr1w11 el internes. Les
lection des œuvres de Hohenheim en 1571, mais ... premiè1•01t rosullonl. d'uccide nl11, chutes soudai-
le D• Sudhoff nous dit que l'édition des Toxites nes, ohoott, bl0Hem·e1:1 d'et!copelles, ou des flèches
était déjà la troisième ; ils avaient é té imprimés de l'arbalète. Les secoudcR proviennent d'arrêts
en H>6:J dans la publication d'Adam vonBoden- de la digestion ou de lu cfrculation; les unes de
stein à Baie, et en 1564. à Cologne dans l'appen- ,. graviers ou de pierrct1 dans les reins, qui pro-
~ce de « Philosopbia ad Atheniensis ». . /l
..",,. duisent des curvatm·es, el font boiter, d'autres

'.---~·- · ~-r.......- ---------·.


156 LA VIE DE PARACELSE LA SALLE DES CONFÉ~ENCES US7

de maladies du dos, des hanches amenant la dé- patibles, afin qu'ils combattent spécialement des
formation de l'épine dorsale; d'autres de mala- maladies spéciales.
dies intestinales invisibles el qui occasionnent Si la maladie est à son point culminant, lors- ·,
des sou11'1·auces atr·oces, d 'autres enfin de mala- que ni la chaleur ni le froid, ni la sécheresse
dies dans le genou et le pied. .. ni l'humidité n'agissent, alors la médecine sui-
Mais parfois le corps entier se paralyse, et vante composée de substances n aturelles peut
ceci p eut résulter d'un accès de fureur. C'est la venir en aide.
forme la pire, elle affecte plus les femmes que L'essentiel est de recouvrir la vitalité, qui peut
les hommes. La colère met la bile en mouve- r écupérer et reno uveler le réconfort du corps.
.·,
ment, et la chaleur de la bile engendre l'aci- Elle doit être répandue dans les membres pour
dité et l'amertume à travers tout le corps. en chasser l'empoisonnement avec ses toxines.

Une autre cause est la boisson immodé1·ée, Un pareil traite ment peut probablement vain-
qui p1·oduit et augmente l'acidité,_ provoque la cre le mal. Mais la médecine demande une con-
goutlc et autr1~ s maladies lithiaqucs. Pour les naissance spéciale. Il ne suffit pas d'une drogue ·~
guérir, il est nécessaire que la vitalité atleigne 01·dinaire, grossiè re. Si la maladie provoque
la cause du mal, en chasse la force maligne par de grandes ondes de chaleur à travers le corps,
son propre pouvoir. si les membres se conlractent,se tordent comme
Les humeurs spéciales de la partie affectée s'il1:1 étaient noués, de ~rnnds f'ortiflauts peu von t
devront être mises en mouvement. Donc les ell'ectuer nuo 0111·0. D<1s 11ordia11x tel11 que l'au-
drogues devront ser vir à ouvrir les p ores pour rum potabilo, l'ofou.m .11olù1, le mal1~riam per-
les réchauffe r, les pores humectant alors les larum, l'e8.wm llam 11.1.tlimonii, l'a rcana quin-
vaisseaux sanguins el les n erfs. li faut avoir . tae, l' es.sentiae a qua 1>ilae, l' oleum vitrioli et
, ... ,,
le soin de mélanger les médicamen ts au même .·':· d'autres. « Et 1111 véril(i l'ho mme ne saurait
d egré que la maladie ; s'ils sont plus faibles, loue r Dieu uvco nsHez d'ardeur, e t le remercier
,, ... de sa grâce patc rne1l e, qui accorde cette méde-
ils ne l'expulse ront pas. Ils devront è tre de qua- ,.,
lité efficace, cat· tous les apéritifs n e convien- cine, car e ll e suflit. •
n ent pus ; ils doivent ê tre spécifiquement corn- · Un autre ll·aitement. consiste en fumi gations
·.''-·-i'

............-. ~ ·. ··-~
, ,,
.,; ..
,.

138 LA VIE DE PARACELSE

de baumes puissants ; tels la térébenthe, le lau-


rier, l'oléum ranarum aclipum gummerom. »
A la tln du traité il explique lu manièl'e de
composer ces drogues par exlraclion, distilla-
tion et il prescrit la quantité conforme à chaque CHAPITRE VII
dose:.
Persécution

Sans doute, ces dogmes n'atteignent point la terre.


Leut' nouve auté, leur rude forme les en empêchent.
. ...

Pour insuffisantes que soient ces Citations de ··.


,.
l'ensemble de sa doctrine, elles peuvent cepen-
dant indiquer la révolution par lui projetée.
li rejeta hardiment c les théories établies, sanc-
~
tiflées par les 1:1iècles, et que les hommes suppo-
\
Hieut ne Ja111ai8 oombnllro tant c1uo la terre -'·
'.' serait 80\18 lcmrtt pi<Hh1 ol le ciol au-drnm1s de
leura lâlett :; .
k,• " Il f'orn111 un syHlùnw mu11i11hl1\ 11e !mivant au-
I'. ', j cune autorité, Haut' oello de la Nature et de l'ex-
.. pé1•ienoo. li dédaigna la lilléralure morte ou
délétère du patiHé, ouvrit les saines pages ou
CODEX NA'l'UHAB; son Ryt1lème menait droit à la
science exaetc, rejetait les réitérations inutiles,
ll()q. vérifiées par l'examen. Paracelse indiqua
• • • • 1 • • • • • •

~--~-M-- . . . . . _______ ,.· : ··


''
iliiiiiiîijjÎll!llllli'â
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"•..,....,_,.=~r===--"""'dltillll~---...'--~·~......L .
160 LA VIE DE PARACELSE
PERSÉCUTION i61

aux hommes la route vraie, mais il fallut des rent aujourd'hui sa large culture, sa genereuse
siècles pour les y confiner. humanité ; son sens profond du monde spirituel
Dans leur ignorance les hommes le classè- au dedans et autour du monde naturel ; son
rent parmi les imposteurs et les charlatans. intuition du divin, de l'éternel tenant avec fer-
Mais ce fut lui qui délivra le monde de l'impos- meté ce qui est imparfait, transitoire, et qui
ture, et qui mit à sa place, la vérité, comme but dans l'accomplissement des temps, sera sauvé
et comme récompense. de leurs vicissitudes.
L e O· Franz Strung dit : Paracelse fut un Paracelse observe et consigne les faits non
pionnier comme médecin, comme investigateul' point en amateur, d'un savoir fragmentaire'
de la nature, comme théologien ; il regardait Ja mais parce que les faits le guidèrent vers les
nature et le monde tels qu'ils sont et voyait toutes lois puissantes, cachées, dont ils signifiaient le
choses, sous la lumière de la nature. Il anima travail, et dont il réalisa l'influence sur toutes
d'une vie nou vello l'indue! ion méthodique et la choses et à travers toutes choses. Lois maniées
comparaison. par l'omnipotence, ordonneés, régis~ant le mi-
Quoique le!i Allemands d e ROil temps le,mé- crocosme et le macrocosme.
connurent, les penseurs d'aujourd'hui convien- Mais combien il lui fut difficile de faire corn-
nent généreusement de son importance dans la . prendre à ses étudiants de Bâle et son point de
Renaissance allemande. départ el 84 portée. « Ils voulaient apprendre
Ils reconnaissent les services qu'il rendit à 101 1 or 18 non 1u1 1oloooe. • Lui-mêm<~ disait :
la science exacte, qu'il tira de sa longue capti- « 118 no v ul cnl p111J travoillor pour leurs di-
vité, et qu'il plaça sans entraves, en pleine lu- pl0mc8, mul8 llK voulout y voltn• ovant que leurs
mière. Ils admettent sa combinaison d'obser- 1 . ailes 111 nt pouHé. »
vation minutieuse, sa patiente recherche, sa \
D0tmooup cJ'ontro oux venaient aux cours de
science et sa puissante étreinte intellectuelle, 1 l'Unive1·slté trop jeunes, trop ignorants pour
dans l'exercice desquelles tous les faits se pré- pouvoir les Huivro. lis se laissaient influencer
sèntant à lui, prenaient leur place dans une syn- contre Paraloul!ie par la Faculté, par tout le
hès.e 'sym~trique et compréhensive. Ils admi- corps médical en dehors de l' Université. Lapa-
,11.••
r
,....,.

16i J,A VIE DE PARACELSE PERSÉCUTION

role franche, acérée de Hoheulwim, rlirigée formateurs de l'église. On lui jeta les noms les
contre la profession n'était guère faite pour se pins ·odieux c le Luther de la médecine », « le
rendre prvpices les membres de la Faculté. Vagabond assumant le titre de docteur ». "·
Ses cures surtout dans les cas qu'avaient ag- La Faculté s'abaissa dans un radotage d'é-
gravés les « doctorculi » par leur ignorance, pithètes. Il était un menteur, un suborneur, un
leur négligence, enflammèrent leur jalousie. imbécile, un nécroman, un possédé du diable,
Elle en vint à prendre la forme d'une lâche cam- une tète de mulet, l'âne d'Einsiedeln. Il ne fut
pagne contre lui. pas long à leur rendre la pareille. Les doc-
Ses conférences, ses traitements, son carac- teurs, disait-il, « étaient une bande malvenue
tère furent diffamés. Les plus viles insinuations d'ânes confirmés, les apothicaires des laveurs de
contre sa probité circulèrent. Les médecins, les vaisselle, leurs potions des bouillons pourris >.
apothicaires et les déclassés méprisables, qui « Les dodcurs, dit-il, prennent plus de peine
saignaient, baignaient, Lorturaient lems mal- à cachet' leurs mouvements qu'à maintenir ce
heureux clients, se lignè1·nnl tous contl'e lui. qui concerne les malades et les apothicaires
Les professeurs, !!les collègues ·n'nurtllll point q11i volent les gens avec leurs prix exorhitants,
honte de se joindre à la cohorte vile, hétéro- osent demander un écu pour de sales mixtu-
.•
gène. Le but était de le déposséder de sa 1'01 ne valnnL pue un denier. »
chaire, de sa clientèle, de se débarrasser de l:J"s 1·lpo8t08 ôt11lo11t aoéréeH ; 111 vérité barbe-
Jet ergoteur interlope, qui osaiL élever le miroir l11H 1) 8 l)81'01611 ut 1>r•ovoquu duvnnl111-t<1 la huine.
de la vérité pour y ·refléter leur incompétence, Quoncl vhmmt l H v11oanoeH de l'automne il
et de 1·estaurel' la fatuité académique dont la nooeplo 1111 luvl1.at1011 clo la villo du Zurich,
paix avait été troublée. heur ux d'c'ioho.p1>or 1\ ln 11ordid1.1 qunelle. ll
Naturellement, les ennemis de Luther et de l'ut rec;iu t'v •o ontho11Hil11mw par les étudiants,
de Zwingli furent les promoteurs de cette fêté, u1>plaucll, ôoouLé n vcc délices. 11 se sentait
campagne, quoique Paracelse considérait que heureux duos lmll' 00111p11gnie, les appelait ses
ses contentions méritaient une enquêle sur combibones optimi ol eux le nommaient « leur
un terrain complètement séparé de celui des ré- ThéophrastuM >.

!. - . i•
. . ·-<
., .

LA VIE DE PARACELSE PERSÉCUTION 165


·Sur cet échange de compliments sympathi- merveilleuses teintures avaient été trop for-
ques fut fondée l'accusation ridicule d'ivrognerie . tes. »
habituelle, de vices cachés, qui servirent à la La persécution assuma un caractère nouveau,
canaille médicale de Bâle pour renouveler leurs et encore plus outrageant. L'apoplexie résultait
attaques dès le retour de Paracelse. d'un voyage à cheval que fit Frobenius contre
Considérant les habitudes des bourgeois suis- l'avis de Hohenheim, pour assister à la foire
ses et allemands d'alors, et même d'aujourd'hui, des Livres de Francfort. •\'
)

leur consommation de vin et de bière à la plus Mais elle servit le but de ses calomniateurs,
triviale occasion, c'était vraiment un cas de la «qui méprisaient la vérité comme un mauvais
pelle se moquant du tisonnier. Un banquet soit serviteur ».
à Zurich ou à Bâle de nos jours, sans le hanap Des lettres anonymes furent portées chez Pa-
et le toste est inconcevable el ils étaient aussi racelse, l'accusant, lui et ses drogues, de meur-
populaires au xv1• qu'au xx• siècle. tre. Une de ces lettres dénonçait son fameux
On ne reprochait pus ù nos monarques de labdanum, teinture dont, en vain, ses ennemis
pouvoir vider une canette de bière écumeuse et tentèrent de voler la recette. Comme il le disait
les Combibones de Paracelse étaient aussi habi- lul-mêmo, «il préférait rire d'eux que de grogner ·1
tués à la bière légère de leurs cantons, que la oomm llO ohlon » ; mals ils avaient diffamé,
royauté anglaise à son capiteux breuvage d'oc- Oil Dl Il bll80 do 811 8olenoo ot C8&ayé de le
tobre. Mais c'était une injure facile, et ce~ ivro- obi 1 l' d DAI •
gnes lancèrent avec joie leur propre réputation 'il luUu; tut pour MOn sy11tènw, oo 11yslème
contre leur ennemi. 11 h 1Î 111 DL ftOh6&~, oonv11h1(1U
do son impor-
Une mort inattendue accentua le tollé. Fro- taoo t fH) lll' l'omour cluquel il fll face au monde.
benius que Hohenheim avait guéri un an au- 1 onooml11 nUol"nlrent le comble un di-
paravant, mourut subitement d'une attaque manoba m11lo, lor11quo 1mr les portes de la ca-
apoplectique et les « doctorculi » jubilèrent. thédrale do1 égllteK Salnt-Mllrtin el Saint-Pierre
/ ·
« Théophraste, dirent-ils, tuail ses malades, aussi et sur celles de Io nouvelle Bourse, il affichèrent
efficacement qu'ils le faisaient eux-mêmes; ses . un document compilé en excellent latin et pré-
166 LA VI! DE PARACELSE PERSÉCUTION t67
tendant être une lettre de l'ombre de Galien. liarisé avec le système et les cours de Paracelse ,•., ~

.,.;. '
Certains membres de la ligne avaient coutume Ce fut cela qui le blessa au vif. Il avait répandu
de s'asseoir juste au-dessous de la chaire de les trésors de ses recherches, de son induction
Hohenheim ù l'Université, de prendre des no- pour ces hommes qui les traitaient .de folles ima-
tes de ses invective8 contre Galien et Avicenne, ginations et lui-même de fou. Ses soins admi-
d'enregistrer ses attaques mordantes contre la l'ables donnés aux malades, ses traitements ra_. r '

faculté burlesque de Bâle. Ces hommes étaient lionnels, ses cures, sa réforme des drogues, son
les agents de ses ennemis et composèrent la sa- r6spect d'un devoir qu'il estimait sacré, tout
tire. Traduite approximativement elle est ainsi nvait été en vain.
~ .·
conçue. li adressa un appel indigné au Conseil mu-
..~'
L'ombre de Galien contre Théophrastus ou nicipal, non point une pétition déférente, mais ·.. ,
plutôt Cncophrustus. lu demande d'une intervention rigoureuse con-
'- i '•
tre ses pe-rsécuLeur•s.
.1 1flf>WUiice (}. « D11n11 l'indignation et la détresse insupporta-
hlos, il 1docl 1\ ln victime d'en appeler aux ma- · 1' 1

C'était, dit le 1)' Ha1·t 111a1111, une invention ma- !lllh'llL" pour ln 1wotoction, l'aide, le conseil. Si
ligne, grossihe et une insulte pu~lique à l'hon- Il lt If rdt't ltt .illtlnO vi1t·A-vi1:1 des multiples
neur d'un homme profondément outragé. Tant 1 &Ir 111lom11I mu fi qui lut fürent envoyée11,
que ses ennemis se bornèrent aux lettres ano- Il lt 111ur1I ~ 11r- JJ n' 111m1tflolr pallomnrnnt
nymes, il ne daigna pas user de r eprésailles. 1t"
l'lnJupl UI 1 l'uUL11 11nL fl!ll&!ric' 11ul vient d'tHre .. ., .

Mais cette satire menait la persécution au delà llqu m 1u 1tftl b •· • '..


des limites supportables. · ' nr fin llb 11 · th'!montr•ti tiue l'auteur
C'était là ni l'œuvre d'un barbier ou d'un bai- H & u d • •audit 11N1. li avait déjà soup-
gneur. Les apothicaires n'avaient pas assez de • u'U h1&1h du8 g D8 qui incitaie.nt et su-
1
culture pour la composer. Elle témoignait l'évi- "111 &1utr 11 doolcmrs A éorfre contre lui.
dence d'avoir 1ité écrite par un membre de la M1l1 1ujourd'lrnl Il réolnrnait que la masse de \ !,:
:~ \
faculté médicale, familiarisé avec le latin, fami- 1 • audh ur" t'cH oonvoquée, examinée, afin de . ··? ~
PERSÉCUTION 169
LA VIE DE PARACELSE
16~
Parmi ses amis il se laissait aller à sa verve
découvir l'auteur de la nature, et de . le traiter
malicieuse, inventant de nouveaux sobr..i quets
comme il le méritait. pour ses ennemis. Les plus b énins étaient doc-
Il ne pouvait garantir que son tempérament, teurs imbéciles pour les médecins, tas de souil-
poussé à bout, ne lui fit dire ou c?mmettre q~el­ lons pour les apothicaires. Mais il continuait à
que imprudence, s'il ne recevait un appui e"!1 remplir ses fonctions quotidiennes avec intré-
cette cause, ou s'il était exaspéré davantage. ~ais pidité. Les malades avaient foi en lui, et ses ri-
en aucun cas, il ne souffrirait plus d'autres mso- vaux ignorants étaient impuissants à lui d éro-
lences. «Ces faits, je vous les ai signalés nobles l:or sor~ ad_resse, ou la confiance de ses patients.
messires, à vous si sévères, si prudents, aux- (.. rllc~ a. 1111, les pauvres de Bâle n'étaient plus
quels je me recommande avec une soumission los v1cl1mes de la rapacité des imbéciles, des
respectueuse, votre sujet obéissant, lavelll's de vaisselle, des barbiers. La plus vi-
Théophrastus von Hohenheim, r·.11lcnte haine ne put endommager sa réputa-
docteur en médecine, médecin de la Cité. t1~n comme médecin, mais hélas, elle put faire
pire.
Nous discernons entre les lip;nes un vrai dé-
Il arriva, 111,1 moment de celle crise, qu'un cer-
dain pour les« sévères, prudents, nobles. messi-
LftlD Lluhl ni' 18, rlolw ohunoine de la Cathédrale
res :., qui n'avaient ni l'espçit ni la pmssai:ice
L n1b8 M'l'llV61llOnL nuah&d ; li olfril cenr. florini; 1~
pour le protéger. En même temps q~e la lett.re, qnl 1 g1u rli•nlt. l)lu11lo111•11 doolln11•11 lenlortmt ln
il envoya une copie des libelles, afin que rien
g116rl14011, 11111111 tonH c'who1u'.l1•u111.• Lo Di1otuiLuire
ne manquât à l'appui de son appel. onlholl(11w ne voululpol11l 11'ud1•011scr 1\ Paracelse
l'umi des r61'or111é8, Ju11qu'uu monwnt où la mor~
Extérieurement il se maitrisa et garda pour
lui les reproches, les injures qui l'eussent al-
le regardait déjà eu l'uce. Lu Mégère rle s'était
légé, mais en particulier il exprima franchement
pas laissé intimider pur l'air vicié ou les breu-
sa pensée. « Mème une tourterelle serait exas-
vages infects cl les oruisons, tant qu'à la fin le
pérée par ces bêtes viles. C'est là œuvre de va- chanoine fil quérir Hohenheim. Celui-ci 'en
lets. Dois-je rester un agneau lorsqu'ils me tour- trois jom·s, soulagea la douleur et l'inso~nie.
nent en loup ? >

/
PERSÉCUTION t71
LA VIE DE PARACELSE
t70
leur reprochant leur honteux verdict et donna
Cette cure fut trop simple, trop rapide et la vile libre cours à sa colère et à son mép;is. '
histoire de l'ingratitude humaine se répéta. Le « Comment comprendraient-ils la val~~r de
Chanoine refusa de payer les honoraires promis mes médecines ? Leur méthode est de vilipen-
et crut bien s'acquitter en offi aut six florins, der les médecins.
ses compliments, ajoutant qu' il savait mieux « Si un malade est guéri, ils lui disent de ne
que personne la valeur de sa vie. rien débourser pour sa guérison, de sorte que
Cel outrage fit éclater la colère longtemps le malade et la loi jugent de la science médi-
contenue de Paracelse. Son courroux devint vol- cale comme ils jugeraient du métier de cordon-
canique. nier. »
Volontiers il donnait aux pauvres, et pour Nous ne pouvons trouver aucune diffamation
rien, ses conseils, ses médecines. Mais de ce dans ces remarques, mais apparemment les
prêtre opulent, il réclamait les honoraires pro- âmes susceptiblej des juges de Bille souffrirent,
mis, et il en appela à la Loi, telle qu'elle exis- et des ordres fr6'ent donnés pour que Hohen-
tait alors à 81\le. Les j111(Ct1 n ifu sèr1•nt d'approu- heim füt saisi et emprisonné. La cité fut en tu-
ver la validité de la p1·omcsse de Lichtenfels, multe. Les ennemis triomphaient. On décida
adjugèrent les six florins suffisants pom les quel- <1u'll 1orait mitl hors lu loi et exilé sur une Ile
ques visites et les remèdes. du IAO d Luoaru . !;e8 umlH l'avertirent en
Cette grosse erreur judiciaire, succédant à la 1 r &, -& Il ·,, nfui& dtl BA Io la nuit m~me. Ceci
satire, renversa les dernières barrières de la ré-
• Pl ltllh au oommmuJtJme11L de HS~8. 8a 1·e-
serve de Hobenbeim. Il avait été insulté de
Vlll h de nh l!IUPVtJUh-, l elle tilt mordante.
toutes les manières. Son caractère, sa science,
Browning, m11l11ti ut quo ltt maludie présumée
son adresse avaient été tournés en dérision par
d Lluhumi 11 fuL uue lutl'igue délibérée dans
le but d' Xt111>ér"r Pa1·no(1)se et cela pourra~t être
des sots. · Les magist1·ats ne savaient pas le ven-
ger, les juges le trahissaient et l'insultaient.
probable. Le poète m et dun11 la bouche de Ho-
C'en était trop l Il décida de le leur rendre
henhelm uuc vcreion de tout l'épisode.
dans leur propre monnaie. Il écl'ivit unefeuille
Le ooup de pied Onal de la feuille volante
volante, dans laquelle il p1·it à pa1·tie les juges,
PERSÉCUTION
LA VIE DE PARACELSE
Je ne veux _n i reprocher, ni médire, comme ou
était ·modéré, comparé aux accusations et aux pourrait l'imaginer, mais je veux user du privi-
invectives que Paracelse rédigea pour la pré- lège de l' Autorité à mettre en lumière l'erreur à
face de son livreParagranum. La Bâle de 15~8 maintenir la punition que méritent les otfens~s
y est mise au pilori à jamais. Et comme elles par des explications fondées et sans colère. '
inco1·porent sa défense contre les accusations, «Ce que je maintiens sera mieux exposé dans
les insultes, les calomnies, elles appartiennent m_e~ écrits futurs, avec plus de pratique, d'ex-
plutôt à ce chapitre qu'à celui concernant spé- per1ence, quoique je m'attende à rencontrer la
cialement le Paragranum. même opposition.
« Lorsque j'eus fait connaitre les erreurs de « J'ai déjà beaucoup écrit sur mes ennemis
la médecine, écriL-il, non sur des bases triviales, et su~tout en ce qui concerne leurs exactions:
ou des conjectures, mais d'après l'observation les prix exorbitants auxquels ils débiLent leurs
attentive de nombrenses maladi~s, les docteurs drogue.s, ex,tr.aites de bois ou de mercure, leurs
en fu1•ent courroucés. Non seulement ceux purgallfs. ,J .a1 ~is _à jour leur pratique absurde
qu'atteignaient mes arguments, mais la ~asse de la cauter1sat10n, des incisions et des brûlures
ignorante également, qui ne connaissait rien de sous . le moindre prétexte · J'ai· dû sou ffr1r
. l eur
la science, mais qui se laissait inciter à prendre ~édam ù on use de mes écrits, . ceux traitant de
parti contre moi, et à me mortHier publique- l aoldllô, Ol°ll(lne doK puKLoleR, cle ln pharmacie,
ment, en ce qui touche à mon enseignement. cl m1' m~thodo <h MOll(11~r oL Lo111. co qne j'ai ex-
c Au nom de ma position actuelle, et de celle l'll~lll d~111t lu1t volnmu" clu Purnl(•'nphornrn,
à venir, j'écris ce livre Paragranum et j'y
.· '
•lt1 ll1t Il 111111Ill HL O(lll11Jrtmcll'CJ. llli onl. <! l.{i jus-
traite des sources de ma science, sources hors '!11 1la IHl•JpO!!I 11 •Io !110 punir• ma 111'11xilanl sur
desquelles nul médecin ne peut se développer. l 11 d nomm llo clu Punno-Pilat<'.
Et je me révélerai si entièrement que le fond · «V Ilia l' Urt1uol Jo <lomouro en Allemagne le
de mon âme sera mis à jour, excitant ainsi non l 101' l qu 1 IOH plllor•" do mu science 'ser~nt
seulement l'opposition, roais une rage sangui- l!Ll\blo ' ot J4j do111n11do ù O(mx qui ont lu mes
naire. Pour moi, qu'importe ! Ta:dt que mon o11vr11l(Ot4, Hl j(I clolH m'"""" ou cont1·nu",.r d',ecr1re.
.
livre peut servir au soulagement des malades ... 10.
LA VIE m; PARACELSE PERSÉCUTION
174
Je me charge d'explique1· brièvement comment c'est là un signe qu'eux-mêmes sont malades
ils essayèrent de révéler ma sottise, révélant au milieu d'une science mourante. Les symptô-
ainsi ln leur, de démontrer mon expérience, dé- mes de leur maladie sont leurs guerres contre
masquant la leur, de mettre à nu ma raison, moi, car ils craignent d'être démasqués ...
ma vérité, mettant au jom les leurs, évidentes «Je recherche les bases de mes brochures dans
à tous les hommes, ainsi que leurs vilaines âmes la science, la connaissance, l'expérience et le
devoir, et je brise aussi leurs attaques et leurs
pareilles à leur extérieur.
« lis me reprochent encore que mes écrits dif- arguments, chacun d'eux apportant un argu-
fèrent des leurs, c'est la faute de leur compré- ment différent, quoique en médecine il n'y ait
hension, non la mienne ; car mes écrits ont qu'une source unique, indestructible. Et leurs
leurs racines dans l'expérience et l'évidence, arguments sont . dével.oppés de fragments, le
et grandit•ont, portant leurs jeunes bourgeons
lo1·Aque viendra le réel ()l'intempR. lis ont des
docteur prenant parti pour l'un, le bachelier
en médecine pour l'autre, le barbier pour le sien,
,,
raisons de 1>0 plaindrn de mes écl'its car nul ne le baigneur pour ce qui reste.
se récrie, à moins de se i;enti1· atteint ;- nul «Leur pire contention est ceÜe que je ne sors
n'est blessé à moins d'èt1·c sensitif ; nul n'est ,."
pu do lc11rA écoles, que je n'écris pas selon leur
sensitif à moins d'êt1·e transitoire et non éter- érudlLlou. i j'éorivnh1 ainsi comment échappe-
nel. Ils se récrient parce que leur science est ral••JO 1111 ohAlhuont, pour uvoh- menti ; oa1· les
é rl&tt unolnn11 Hont ni11ulfo1tcm1cnt m·ronés. ••
destructive, mortelle ; ce qui est mortel se ré-
crie, et ils sont mortels et se récrient contre moi. Qu'y Oh l' h l 1llll•J Clflllll OCIJ troité1, HiUOll des
1

«La science de la médecine ne se récrie point rrOUl'I V 1 J'éol'lv11i11 111 v(Jrll(J 1\ propos de leUl'

contre moi, car elle est immortelle et posée 8oleoo , do hnu•• ôluclln11lH, de lolll'R bachelie1·s,
sur une base impérissable et le Ciel et la Terre de 1 un rnolt1°01t, il 11tl1 faudrait les 1·éunir en
crouleront avant que périsse la médecine. trou1le, oluruaut oc cru 'uHI. lmar science. Car leUt·s
« Tant que je serais en paix avec la médecine réorirnlnntlouti <fovl'l1lt111t être démasquées tout
en quoi les clameurs des doctems me tl'Ouble- autant que leur médecine. En conséque~ce si
j'esllaie d'écril·e la vél'Ïtô sur ·leur compte, il me ·'
raient-elles? lis clament parce que je les blesse;
176 LA VIE DE PARACELSE PERSÉCUTJON . 177
'.
faut · signaler les bases sur lesquelles repose la piliers. Il doit rassembler la science de ces qua- ' ,• V

vraie médecine, afin que le monde puisse re- tre bases ; ce sont elles qui font Le docteur, elles
connaitre si j'ai, ou si je n'ai point l'autorité en sont la connaissance de toute maladie, elles
cette matière. en sont les symptômes et les remèdes, en elles
« .Je place les fondements de ce que j'écris réside l'art de guérir; en elles reposent aussi la
sur quatre piliers, la Philosophie, l' Astronomie, foi et l'espérance des malades, comme en la
l'Alcbimie et la Vertu. J e base mon assise sur Croix du Christ réside la résurrection des morts.
ces quatre, sur chacune d'elles j'insisterai, remar- « .Et parce que j'écris à la source véritable de
quant si quelque physicien, se tenant en dehors _la médecine, je dois être rejeté, et vous autres
....
'r,: . des quatre sciences, se lèvera contre moi. Rail- qui n'ètes point nés de la vraie origine, ni de
~~·. ..
leurs de la Phi.losophie, railleurs de l' Astrono- la vraie hérédité, vous devez adhérer à la science
. .. ... .'; ..
' ·
·'
mie, 1·aillem·s del' Alchimie, railleurs de la Vertu, sophistique qui s'élève à côté d e la véritable. . . _, '.
.: • ':.,•.....-.">.:
' '\.
.,
voilà ce qu'il11 1m11t. Comment échapperaient-ils « Qui donc, parmi les êtres instruits ne préfé- ,· ·- .

aux railleries dei; malades alors qu'ils dédai- rera pas ce qui est bâti sur le roc à ce qui est bâti
gmml cc que la vraie science leur apporte. Et sur le sable ? Seuls les Bacchants dissolus et :·
.', 1

ils seront jugés à la mesure mème qu'ils emploient académiques, qui arborent le nom de docteurs ....· ........ ·.
el leurs œuvres ne leur apporteront que le mé- ue doivent pas subir la souffrance d'ètre démis- ·.;,:':-.

. »
pris. - . . 1Jlonu68. Us r·ostont 1\ lour11 postes, médecins
«Le Christ fut la source de béatitude pour la- grlmé1 1 8 1 lh~ n'ôtul nt nll'ul>lôH du tiLro, qui les /•,

quelle il fut raillé, mais le vrai mépris atteignit 1•coo1rn111tralt?


les railleurs, lorsque Jérusalem et eux-mêmes « L lll'll couvro1J, oorto11, uo 1011 rôvélcraicnt pas.
périrent. Et je puis certes comparer les doc- Extc'wloua• mont 11" sont 1.1upod.>es, iutéricurc-
teurs, barbiers et baigneurs aux Pharisiens te- m ut lht 1Jo11l do11 cu uo1•cs orasseu x.
nant les premières places dans l'assemblée des . «Quel homme Instruit, expérimenté, désire
railleurs. avoir Ull môdooln c1ul n'est 'ln'unc devanture?
«Il n'y a point de docteur, hormis l'homme . Certes, nul. Mnh1 los imbéciles le réclament.
qui le dévient par les fonde men ts <;les quat1·c Quelle est donc l'origine de cette médecine que

'.,'t,i~~
~
178 LÀ. vm DE PAl\ACELSE
PERSÉCUTION t79
nul homme instruit ne désire, de laquelle nulle connaissez ni votre métier, ni la vérité. L'ins-
philosophie ne surgit, nulle astronomie ne peut truction qui vous prépare jusqu'à présent, vous
être certifiée, en laquelle nulle alchimie n'est équipe, pour l' imbécillité et l'hypocrisie, vous
pratiquée, et dans laquelle nul vestige de vertu tous, médecins présumés.
n'existe? « Et comme je maintiens les quatre piliers
« Et parce que j'insiste sur ces points chez le vous devez en faire de mème, ce n'est pas à
médecin, il me faut avoir mon nom changé par moi d'adopter votre doctrine.
eux en Cacophrastus, moi, qui suis Théophrastus, «Suivez-moi donc, Avicenne, Galien, Rhases,
autant par mon baptême que par l'amour de Montagnana, Mesus. Suivez-moi tous, vous de
ma science. Comprenez donc que je veux ren- . Paris, de Montpellier, de Wirtemberg, de Meis-
dre évidentes les bases de la médecine sur les- sen, de Cologne, de Vienne, du Danube, du
quelles je me maintiens et me maintiendrai: la Rhin, des iles de la mer, de l'Italie, de la Dal-
Philosophie, l'Astronomic, I' Alchimie et les matie, de la Sarmathie et d'Athènes. Arabes,
Vertus. » Israélites suivez-moi; ce n'est pas à moi de vous
Le premier pilic1', la Philosophie est la con- suivre. De vous tous, aucun ne survivra, pas
naissance de la Terre el de l'Eau, l' Astrono- même dans le coin le plus reculé de la terre.
mie avec l' Astrologie, la connaissance de l'air et Moi je serai le monarque, et mienne sera la
du feu; l' Alchimie, la science par l'expérience, monarchie qui rounh•a tous vos pays ...
la. préparation et l'accomplissement des quatre «Quo ferez-vomi, t118 do braill11rds, lorsque vo-
éléments mentionnés et les Vertus qui doivent tre Caoophr11stus doviond1·a uu prluoo d(~ la mo-
exister et demeure1· dans le docteur jusqu'à la narchie, et vous des ramoneurs 1 Quo vomi sem-
mort, car elles complètent et préservent les blera-t-il lorsque la seoto do l'héophrastus
trois autres. Autrement, il sera dit, jusque par triomphera et que vous serez c.mtralnés dans ma
les paysans des villages, que votre métier est philosophie'/
d'administrer des drogues aux princes, aux sei- « Oh pauVl'e Ame de Galien s'il eût vécu dans
gnelll's, dans les villes e t dans les campagnes, la médecine immortelle, son ombre ne serait
par le mensonge et la fraude, et que vous ne point précipitée dans l'abime de !'Enfer, d'où
,·, ' '
f80 LA vrn trn PARACELSE
PERSÉCUTION f8f
Wm'écrivit la lettre dntéc dn Tartare . .Te n'avais
que les hommes qu' il venait sauver ne voulu-
:.::... pas pensé,je n'avais point imaginé que le p1foce rent point l'écouter. « Hypocrites, menteurs,
. ~-: ....: .
des docteurs cùt été onvo yo dunH ln place forte
vipères, génération malfaisante et adultère, sé-
du diable ; ce1·tee ses dl8olplo11 doivont l' y sui- pulcre blanchi », telJes sont les épithè tes que
.(· \

vre. Est-ce lù 1111 prince d ln ml'i<lecine, et la le Christ adressait à ses ennemis.


m éd ecine doit-elle Olro fo11d 611 H11r lui? Alors C'est dans l'introduction du livre du Para-
• les médecins doiv nt ôtt•o lofl plus grands fri- granum que Paracelse fait allusion à la tenta-
pons sous le soleil, ol 0 11 vMil.é, ils prouvent tive de ses adversaises de l'impliquer dans ce ',1,
qu'ils suivent eos br•llJÔOIJ, ,. qu'ils appelaient l'hérésie de Luther. ·.··
II est imposeiblo d 11 puH My111p1llhiser avec Il dit « : Vous ètes des serpents, et d e vous
J'honnôlc snro88tnO clo ooL ho11nno si cruelle- je n'attends que le venin. Avec quelle insolence
ment oulrogô dont Io 1rnvolr, rd 1otlinl'ireusement avez-vous proclamé que je suis le Luther de 1· .·_,

offert il touR,uvalL ôLô r·ojotô, ho1111i, truité uvec la Médecine, ce qui équivaut à ce que je sois
le plus vil mé1wl1J, . . un hérésiarque. Je suis Théophraste et plus
P11raool110 sen Luit qu'il ()Lull dn11 tl lu vr111 . ; 11 (fUe celui auquel vous me comparez. Je suis tel, et
ne doulu jnmnlH qu 11 - ;i lumlc reH lui vinssent le monarque des docteurs, et je vous renseigne-
de Dieu, qu'elles ôtulont « ln lampe de Dieu rai 8Ur oe qu'il ne vous plait point d'entendre.
dont la splend nr, lM ou ln1·d , percerait les Luther p ut JutLUler 11cs propres nffaireR, et je
tènèbres ,., Ju1tlller1i lelJ mlonnoN, Je surpnHHer•ui lcR mer-
Dix ans apt'llH 1111 morl., su <locldne était en-_ velllc'9 <)UO vontt r 68t1111ei oontro mol. L' arcanu
scignée ù Bll.lo. Bi\le fui. e nlrainée dans sa phi- m'y oulL01•11. Qui HOllL loH 01111tm1it.1 do I... uthcr '!
losophie comrno Il l'avait annoncé. On l'a La même odiou1Jo hnudo qui 1110 hait. Et le
blàmé d'uvoi1· t1xprimé Ra douloure use colère mal que vou11 lul· souhnitoz, vous me le souhai-
en termes ausM i violcnls. Quinze siècles avant toi. Au f'ou do l'onl'or touH los deux. Les cieux 1 l
lui, n'y eut-il paR .Jésus, en lequel il avait foi, ne me llront point dootour, Dieu me fit tel ;
qui, lui non plus, n e se servit point de douces ce n'est pus l'11ffüh-e d es cieux, mais la grâce de
paroles pour déguiser son indignation, lors- l'Eternel. Je puis me réjouir que mes ennemis
11

J 't

~ r1 ;
'
i82 LA vrn ni> l'Al\ACl>LS~: PERSÉCUTION 183
soient des fripons, cu1· la vérité n'a pour en- et esiuiera leurs petits nez pointus ? Le diable
nemis que dei; mcnlem•s. ,Je n'ai besoin con- avec la serviette de la faim et de la misère. »
tre vous ni de bourrelcls ni de colle de maille, Il leur démontre point par point, leur pro-
car vous n'ètcs ni très inslruits ni cxpél'imen- fonde ignorance à guérir les maladies détermi-
tés ; tous vos arguments contre moi sont nées telles que les Anthrax et la peste; il blàme
des vétilles. Je défendrai ma monarchie avec leur négligence dans le diagnostic, leur indif-
l' arcana et non avec les sales drogues compo- férence au sujet du pouls, et des symptômes
sées par vos apolhicail'es. Défendez-vous avec qu'il suggère.
vos lanterneries et vos paroles orgueilleuses. « Souvenez-vous de tout ceci, conclut-il, afin
Combien de temps pensez-vous qu'elles dure- que vous atteigniez à .la médecine supérieure
1·ont 'l Misérables qui avez tenté de m e torturer et non à celle qui ne fut ordonnée ni par Dieu,
pu1· lu herse, vos dos à voll·c tour seront mis à ni par la Nature, afin que vous marchiez sur la
nu pour êl1·c dochiros et vous tomberez dans route directe, que je vous ai indiquée dans
vos p1·op1·es pièges ù loup ..Je vous le dis, _que maints volumes puisés à la source des quatre
le duvet de mon menton en sait plus que vous piliers: Philosophie, Astronomie, Alchimie et les
et tous vos auteurs, les boucles de mes souliers Verlus. Voilà on quoi réside mon désir de vous
sont plus savantes que Galien et Avicenne, et iuoltor 1\ m'éoouter, i\ n'acooplor rien en dehors
ma barbe a plus d'expérie~ce que toutes vos do OCll <jllut1•0 pl 1•1•09 llllKUlafroe Mur· losquolles
Universités ... Jo bue oo c1ul 1rnll ; 111ln 11uo vouM 00111prouiez
Dieu fera d'autres docteurs qui comprendront l IOncfomonl <lo l'orlKlno clo mos écrile, que
les quatre éléments, et la magie, la cabbale, qui VOUll 1•él1ôuhl101l v. 1\ oo cpal lour 011t opposé, cha-
pour vous, sont tels que la cataracte pour vos man Il lvn 8ll 111.111 , 9011 1116l'ile, trn vttleur prati-
yeux. Ceux-là seront des géomantistes des adep- c1uo.
tes, des Archéï, des stagyrites ; ils posséde- « Dixl. >
ront l' Arcane, ils posséderont les teintures.
Où seront alors vos décoctions pourries. «Qui
alors rougirn les lèvres minces de vos femmes

\.;. ; " .·.... .1 ••• .;· ....


NUL SÉJOUR ~TABLE 18ts
au groupe de la meilleure culture de l'épo-
que.
Nous savons que Boniface était un ami intime
d'Erasme, qui le fit son héritier et de Hans Hol-
ClJAPl'l'HE Vlll bein, auquel il rendit des services. Il était en
ce moment Professeur de Droit à Bâle, et Para-
Nul séjour stable celse lui adressa deux lettres de Colmar, bien-
tôt après sa fuite. Cette fuite était urgente. S'il
Je comba Urai jusqu'au b ou t, parfois ép uisé, l'eût retardée d 'une heure, il eût été fait prison-
Mais, quand même , un rude combattant. nier à l'instigation des juges de Bâle. Mais une
fois hors de leur canton, leur juridiction ne pou-
vait plus l'atteindre. Ces deux lettres conser-
Pnrncclsc qui li.a à regret la cité à laquelle il s'é- vées dans les Archives ecclésiastiques de Bâle
tait al.taché pat· son labeur parmi les pauvr~s., pat• nous éclairent sur les déplacements continuels
scscoms, el que quelques arnis qui l'appt·écia1enl, de Paracelse, durant le printemps et l'été de
lui avaient aussi rendu chère. La lutte contre US28.
ses ennemis ne l'eût pas entravé. N'était-il p~s ,Ju11qu 11111 4 mars, date de ln première lettre
un Titan parmi un groupe de pygmées, qui. e_n Il n'nvnit t'OCJll n11011111111011\'ollo dü~ uulorilôs <le
lin de compte, triomphèrent par la plus m1se- B~lu. « Po11l·ôlro, ôorlL-11, ul·Jo pnrll'I trop lihl'C-
rable des cabales. mont 0011t1•0 loH mnglKt1·11lN ot. n11L1·0H, 11111i11 qn'im-
Parmi ses amis se trouvait l'humaniste Boni- port , puilUllle jo puis r1',pouclrc nux nccnsations
face Amerhach, fils du lithographe Jean Amer- portôe8 oontro mol ClL quo Lonjonr11, je pourrais
hach qui en 1514 mourut à Bâle, et qui en son 11outoulr. • li 1•6olnmo ln jm1titlcmlion des atta-
temps était un érudit. Il avait puhlié une belle que1 vlruleulort cllrlgéoK coutre son honneur et
édition des œuvres de saint Augustin, et d'autres sa vôraolt6.
littératures des Pères de l'Eglise. IL laissait un « La vérito uttlre ln huine, dit-il, d'abord la
autre fils Basile. Les deux frères appartenaient haine de mo11 oollègucs professionnels, ensuite

' ·,,.. . . ,-: ·v .


LA VIE DE PARACELSE NHL SÉJOUR S'f ABLE 18i
186
ia haine, la colère et l'tmvie des magistrats et sultat d'une conception logique, trouvait tout.
naturel que toutes espèces de minéraux: fussent
des juges.»
Et il demande i\ J\me rbach de défendre son inclus dans le monde. L'inscription existe en-
ami Théophraste lorsque ses ennemis l'accuse- core en mauvaises rimes, relatant comment la
pierre tomba du ciel près de la porte d'En-
ront.
sisheim pendant un violent orage, et comment
Il semble décidé à se consacrer entièrement
elle fut apportée à l'Eglise, en procession so-
à combattre ce qu'il appelle « L'essaim Aristo-
lennelle, accompagnée du chant des psaumes.
téléen. »Je ne les crains point, écrit-il dans son
premier livre du« Paramirum »,mais je crains Dans son livre concernant les Météores, qui ne
fut publié qu'en 1569, Paracelse décrit cet aéro-
le discrédit qu'ils peuvent rejeter sur moi, avec
lithe.
leur Loi, leurs coutumes et leurs règlements
Il continua sa route sur Rufach,le même jour,
surannés, qu'ils nomment jurisprudence.
Y devint l'hôte du D' Valentin Boltz, homme
Nous connaissons déjà quelque peu sa cam-
pagne par l'introduction du Para!(ramum qui intelligent, sympathique, humaniste lettré qui
ne fut écrit que lorsqu'il eut terminé le Pam- plus tard publia « six comédies de Térence ».
Les denx hommes se lièrent pour le reste de
mirum.
Le proscrit alla vers l'Alsace, s'arrèta à En- ln vie <le Hohcnheim, qni. un an avant sa mort
dOdln 1\ Jloltz 1111 lrnvnil oontro leR AnnhnptiRtcs
sisheim, pour y voir un météore tombé là un
"l 011lrm1 Antlohrt1tlo11H.
an avant sa propre na~sance et qui est encore
PnrnMlso 110 H1 nll111'1in pnR 1\ Jlnfnoh, gagna
visible à l'Hôtel de _Yille. Cette pierre était dans
;oimar, 011pltnlo <Io ln llnulc- AIHaco, 011 pen-
le chœur de l'église lorsque Paracelse l'examina.
rlanl quolcf11C1K JourR il fut uccuellli par le
Il la déclara un composé de pierre et de fer,
J)• Lorenz lfrlo11, phyHicion ct'ilèbrc, avec lequel
du poids de HO livres à la consternation de l_a
population superstitieuse, qui la chérissait il nvoltd6j1\ oorro11po11d11. Comme tous les amis
de Parnoolso, FrioH 6tnit savant, cultivé, mo-
comme miraculeuse et en exagérait Je poids
déré. 1'011s 0011 horn111<1H élnient le meilleur pro-
jusqu'à 380 livres.
duit de la Ilo1111lssnuco All'emande ; ni des Ca-,
Paracelse qui savait que l'Univers est le ré-

'. 1 ,._.,,/ ,,
188 LA VIE DE PARACELSE
NUL SÉJOUR STABLE t89
tholiques bigots, ni des Protestants fanatiques,
« Il me ~emble que l'allemand n'est pas
des hommes désirant la réforme de l'Eglise et
moins digne <l'exprime~ toutes choses, que ne
des Universités mais qui désapprouvaient la
sont le grec, le latin, l'italien, l'espagol, le
révolution.
français, langues en lesquelles on a l'habi-
Ces hommes avaient à cœur le progrès de la
tude d'interpréter toutes les matitires. Votre
Science, et savaient apprécier le nouveau sys-
langue doit-elle rester de moindre importance?
tème de recherche et d'enregistrement exact. Ils
Certes non, elle doit l'ètre plutôt davantage .
pouvaient consoler Paracelse par leur compré-
Il reçut de son invité l'encouragement le plus
hension et lui rendre par leur sympathie sa
sincère, la plus cordiale sympathie. Pal'acelse
considération meurtrie. n'a,·ait-il pas souffert pour la même cause, et
Le D· Lorenz Frics de Colmar, quoique par-
cette communauté de convictions tint en sus-
tisan de l'école de Galien accueillit chaudement pens d'autres diffét•ences d'opinions.
le fameux antagoniste des Écoles. C'est de Lorsque Paracelse quitta précipitamment Bâle,
cette maison qu'il écrivit la première lettre à il n'emporta rien sauf ses plus précieuses dro-
Amerbach, disant qu'il avait trouvé au foyer gues. Mais lorsqu'il se sentit en sécurité à Colmar
des Frics c ce qu'il avait cherché après l'orage,
il manda chercher Oporinus et ses bagages . Lors-
la sécurité et des jours tranquilles ». Son hôte
qu'ils arrivèrent il loua un logis avec une cave,
avait souffert de ses propres opinions quoi-
011 li ln8lallu son laboratoire .
qn' elles ne missent nullement en doute l'ancien
Il n'avoll nul heHOln <Io grand apparat, rc-
enseignement. Il avait plaidé l'usage de l'alle-
quloranl 11oulomo11L un fom·nouu, <loH soufllets,
mand au lieu du latin dans les Universités, afin
dot plno s, un rnurtouu, 1111 crouHol et de bon-
que l'instruction médicale fftt ouverte à ceux
nes ooudl'Os do bols. Lc11 001·111.1tH1 et les fioles
ignorant la langue morte. 10 trouval~nl dans la V ASA CHYMICA qu'appor-
Au moment où Paracelse habitait chez lui,
tait son soorétnfro.
il écrivait p1·écisément sa défense contre les
Le D• U'rioH connaissait la réputation de Ho-
accusations à ce sujet. Quatre ans plus tard
henheim oomme médecin et s'intéressait sans
il publia son Mil'Oil' de la Médecine où il dit :
doute à ses teintures, essences et drogues miné-
1i.

.' ;.•.
·" .· .. ., .. 1 1 • •
190 LA VIE DE PARACELSE
NUL SÉJOUR STA~LE 19t

raies, qui d'aillenrR ne pouvaient d'aucune ma- sulte,i;, des persécutions, pour cet homme harassé,
nière nuire ù la renommée rle Galien. que Je labeur, les privations et les souffrances
Dans les deux lettreR ù Amt'lrbach, Paracelse avaient prématurément vieilli.-Il avait trente-
mentionne le grand nombre de malades qui eu- cinq ans à peine, mais en paraissait cinquante.
rent recours à ses soins et Je retinrent à Col- Il prenait peu de repos ou de récréation quoi-
mar plus longtemps qu'il n'en avait en l'inten- que entouré d'amis sympatiques. Jl était oc-
tion. Il s'y fit des amis véritables, entre autres cupé auprès de ses malades de Colmar, en
deux catholiques, restés fidèles à leur Église d'autres parties de l'Alsace et au travers des
pendant ces années d'orageuses controverses. Vosges.Oporinus faisait office de secrétaire, s'oc-
Ce fait altère tant soit peu le point de vue de la pait en même temps de la pharmacie, pendant
persécution de Bâle, attribuée à l'antagonisme que Paracelse écrivait une partie intégrale de
acharné du parti catholique de celte ville, mais son gros ouvrage de chirurgie et les deux trai-
qui était due bien plnR ù la 1•ancunière jalousie tés déjà mentionnés. Celui qu'il dédia à Boner
professionnelle. comprend l'étude de la Variole, de la Paralysie,
Paracelse tout. en sympatiF1a11t fortement avec des Ahcès, Perforations, Fièvres tierces, etc., et
les réformés ne délaissa jamais le catholicisme. contenait le matériel qui plus tard fut inclus
Cemme Erasme, il était pour la réforme non darn1 la « Petite Chirurgie ».
L<~ volnrne fnl. ollerl 1\ Honer le 11 jnin, avec
pour la rupture.
Les deux citoyens amis étaient Jérôme Boner uno clMlonon oommonoant ah1Hi: « Au très f'a-
et Conrad Wickram auxquels il dédia des livres m me ,lùrflmo Houer, Prévôt de ln cité rle Col-
écrits à Colmar. Boner, comme Fries, était un ma1• nvoo le11 oompllmtmlH dn Hon Horvilenr Théo-
humanitiste, qu'intéressait particulièrement l'é- phr11111tn. •
tude des littératures grecques et latines ; il Dn1u• l'lntrod11(}llon il !one la Aagesse, la bonté
traduisit Thucydide, Démosthène et H érodote. et le vouvolr mirnouloux de Dieu dans le royaume
Paracelse parle des deux hommes avec un pro- de l'ci11prll et dt} l'intelligence, et surtout dans la
fond attachement. - IL est doux de penser qu'il médecino et il termine en associant son œuvre
se trouva eutln un asile paisible, à l'abri des in- à la gloire de Dien, et au Rcrvice de l'humanité.

. ·.,
l .... .

LA VIE DE PARACELSE NUL SÉ10UR STABLE f\}3

L'autre volume fut offert le 8 juin à Conrad quitta Colmar il le congédia, ou peut-être Opo- .. 1

Wickram, magistrat de la ciLé de Colmar. rinus · s'en alla de son propre gré, découragé
La dédicace ex al Le l'amom· du prochain, amour par la perspective d'une vie errante et précaire.
qui enlreprend tout labeur avec l'idée du bien « Ce valet qui suit mes talons pareil au cor-
de Lous, le but pour lequel l'auteur· a désiré beau décharné qui suit un mouton haletant »
travailler, afin de servir les autres et de répan- tel Browning le fait décrire par Paracelse à
dre partout la connaissance de la vraie méde- Festus, à Colmar et la comparaison a quelque
cine. similitude vraie. Mais ils se quittèrent en paix;
c Certes, mème les polémiques de son livre Hohenheim donnant même à Oporinus une por- ./'
sont justifiées, par la considération qu'il a été tion de sa provision de laudanum, qu'il trouva
forcé de combattre toutes les erreurs, les mé- bien utile dans une maladie qui survint bientôt.
prises, les conLradicLions et les sophismes (au- L'ex-secrétaire alla retrouver sa vieille femme
tant dunR ln théorie que dans la pt·atiquc de la à Bâle et vécut encore quarante ans. Il devint
médecine) pouvunl èlt·e 11éf'1u;tcs ;) la santé pu- un excellent imprimeur, connu pour l'exacti-
blique, et que, pour celle raison, il t•ésiste Re·u- tude de son travail, et la pureté de son grec et
lement à ceux qui emploient de telles armes. » de son latin. Il se maria quatre fois et lutta toute
Le livre traite des maladies visibles et ulcé- sa vie nvoc les dettes. li est probable, mais il
reuses, il a déjà été ·mentionné. Les pa1ients s'é- . n'est pue pronvo, que P11r11oelso Re moqua sou- ';
J

merveillaient de son adresse. Même Oporinus vent de lui, Cl lui jo1111 quelque tour. li lit de /
admet « qu'en Alsace il fut admiré de tous, môme avec Io « Htuclil111x F1•1tnz i. qui nvait plus
comme s'il eût été Esculape lui-même ». Il resta d'esprit qn'Oporlnus el lui 6tnit v1·aiment at-
à Colmar jusqu'à la fin de juillet, occupé à ses taché.
recherches sur la maladie italienne et sa cure. 8Ul' sou lit de 11101·1, Oporinus confessa à
Il est probable que depuis longtemps il soup- Toxitcs, qu'il no 1·611lis11 jamais quel grand
çonnait son secrétaire de traitrise, mais il l'avait homme avait été son maitre et qu'il regrettait
supporté à cause de son intelligence, de son amèrement deux choses: d'avoir perdu des li-
activité ftt de son expérience. Mais lorsqu'il vres appartenant ù Hohenheim en les prêtant
LA VJ~ DE PARACELSE . NUL SÉJOUR STABLE 195
à d'autres et d'avoir écrit une lettre insultante d'agrément ni d'ensdgncment dans l'ivresse ;
contre lui. Cette lettre contient la fameuse ac- Théophraste n'était point un ivrogne tout en ne
cusation d'ivresse contre Paracelse, etc'est l'u- dédaignant ni le vin ni la bière. Il dit expres-
nique preuve à ce sujet. On ne lui doit donc nul sément dans un de ses livres.« La bière est plus
...,,
.'
crédit, la lettre ayant pu ètre inspirée par pur saine que le vin, elle produit moins de mala-
res&entiment, lorsque Paracelse se gaussait en dies.> 'l
riant de la bêtise momentanée de son disciple. Oporinus était malveillant par manque d'in-
Malheureusement cette calomnie se propagea telligence ; ce défaut atrophia sa reconnais-
par l'ouvrage d'un Suisse nommé Licher, né à sance pour l'avantage extraordinaire dont il .;

Baden en HS~.\, et qui jamais ne vit Paracelse. jouissait, étant le premier à recevoir les concep- ·'
C'était un scoliaste convaincu ; il collectionna tions qui ouvrirent à la science une aurore nou-
toutes les calomnies, toutes les pasquinades velle.
contre le chef' de la nouvelle école scientifique Combien Paracelse ressentit l'ingratitude de
et exprima, A011A lt~ nom d'EraAluR, l'nnimosité ces hommes se révèle d'une manière poignante
de la bande qui le haïsirnil sans caus<', et qui se dans plusieurs de ses livres. Il les avait vê-
publia en quatre venimeux volumes « Contre tus, nourris, payés, il leur avait révélé l'étendue
la Médecine Nouvelle de Philip Théophrastur- ». cle 8R philoAophie, non seulement danA Aagran-
Il suffit d'ajouter qu'Erastus croyait à tout ce d ur•, qu'il" nvnlonl pt1irrn 1) concevoir, mais il les
qui est répulsif dans la « sorcellerie, aux mons• nvolL l11ltl611 nnx dc'1t11llH clo 1111 pratique, de~ Res
tres et aux tours du Malin ». lrlllLomontK ol do to111. oo qui y t.ouchnit.
L'archevêque Netzhammer rejette la calom- Dnn8 l'lnl.r11d11c1tlo11 "" 11rn1 « Bilchor B 1~rtbeo­
nie carrément et de manière opportune. ncne »Il 11011'4 dit <lOrnhion peu dn s"f'I élèves
c En vain chercherions-nous parmi ses nom- nooeptalcmt Hon 011ROiK1w111c11t.. li avait contri-
breux écrits un seul passage dans lequel il cé- bué au Anvolr do ccntnines d'étudiants en mé-
lèbre les joies du vin. Tout au contraire, et à deoine, 11111111 parmi touR, il ne pouvait récla-
plusieurs reprises il démontre que celui qui mer comme véritnhle11 doct.curs que deux de
est l'esclave de ses appétits ne trouvera point la Pan,nonie, trois de la Pologne, deux de la
196 LA vm DE PARACELSE NUL SÉJOUR STABLE 197

Saxe, un de la 8lavo11ic, un de la Bohême et Il installa ces caves avec tous les ustensiles
un de la Hollande, pas un seul de la Souabe. nécessaires à son laboratoire, et y travai'Ja aux
En Suisse aucun d 'cox n 'atteigniL au d~gré de expériences et aux problèmes d'alchimie et d'as-
trologie. Une tradition existant encore en 1882,
t::.
docteur quoique quelques-uns en arborassent :'·'
raconte, qu'ici il pratiquait des rites mystérieux \·
le titre. « Ils sont comme les Souabes, disait-il, '.? >

une secte d'incapacités. » la nuit; et lorsque le propriétaire restaura la <1

Lorsqu'il quitta Colmar, il se rendit à Esslin- maison et déménagea les caves, il ât peindre sur ......}
gen, où les Bombast von Hohenheim avaient le mur du pignon un portrait en pied de Para-
encore quelques bribes de leurs anciennes pos- celse, afin de se rendre propice le fantôme du
sessions, entre autres la maison d'angle sur la « vieux Magicien ». Il est représenté vêtu d'un
prairie de Saint-Blaise, qui se trouv,ait inoccu- pourpoint et d'un béret de fourrure, avec une
pée. chaîne d'or, un joyau et ce portrait est évidem-
.Par·acehw la transforma en logis temporaire. ment fondé sur la gravure de celui qui aujour-
Elle uvuit deux caves i\ voillcs sous un côté de d'hui se trouve au Louvre.
l'entrùc, la petite s'ouvrant snr la grande, venti- En toute probabilité, l'œuvre entreprise dans
lée par une souche de cheminée vers la cour. la « cave de Paracelse » participait au Merveil-
Cet te cave avait environ treize pied!? de longueur 1 me, el peul avoir été ses « PronoRtics pour
sur dix de largeur et treize pieds de hauteur. l'.l~ut·opo pcnd1111l lm1 111111611H rn:IO 1\ 1fül4 » pu-
,.,,
Dans le mur, se trouvait une niche où il put bll M t\ N111• mbor·g il ln lln clo trs'tll, pur Fr6dé-
placer son fourneau. rloh l'cypu8, <rnl leM l111p1·lm11 11voe grnnd soin.
Quand le toit <le la maison fut visité en 1882 118 curcmt un olrc11l11tlo11 1Ho11<luo et furent ré- <\
. !

on Je trouva couvert de signes astrologiques et' imprlmc'.18 olnq f'olit po11d1111L l'année et la sui-
. '>
de caractères cabatistiques, trop noircis pour être vante. ·.~

déchiffrés, et en même temps on retrouva sur Ce fut la promlMo fois que Paracelse apparut
le sol un petit marteau à deux têtes, avec son < dans Io rôle de prophète. 8os expériences noc-
manche, un mortier avec son pilon de fer, tous lurncs furent probablement astrologiques, peut-
deux t1·ès a11ci e ns. être nt'lcr1n1111ntiques, quoiqu'il condamnât la
,

198 LA vrn nE PARACELSE NUL SÉJOUR STABLE

nécromancie. Le frontispice de la première édi- Q ~1i échappe à la peste mor telle


tion pourrait le faire supposer. Le Dr Sudhofl E t aux mâc ho ires des bê tes sa u vagei:1,
nous dit que IAs trois quarts sont occupés par Cel ui-là peut d ire, to ut à l'aise,
/ 1. présen t, " ie nd ront les jours heureu x.
une fine gravure sur bois, dans laqnelle apparaît
en haut un guerrier, entouré de nuages, la tête A Essliop;en, attirée par la rumeur de ses oc-
inclinée vers Je bas, les pieds sur les nues, un cupations occultes, une masse hétérogène de
bouclier au bras droit, une épée tirée dans la soi-disant disciples se réunirent autour de lui,
main gauche; sur le corps, rayonnant double- disciples dont plus tard il caractérisa si forte- "
'.",•

ment, une grande étoile. L'irradiation se répand m ent l'incapacité. Q uelques-unR de cette com-
du visage sur les sept planètes qui sont en bas , pagnie étaient ses serviteurs, d'autres ses se-
représentées par des figurations ty piques qui crétaires,. d'autres ses élèves.
sont debout sur une couche d e nuages. Ces figu- 8on h11bitude de t ravailler la nuit était alors
res sont en pleine lumiilre solaire, mais d'nn invétérée. Il dormait très peu, quatre heures au
côté du guerrier, tombe ln pl uic. J n!'>tc an-dessous plus ; sa vitalité mentale contraignait celle du
des nungeR sur lesquels se tiennent les esprits corps 1\ tel point, q•ie nous n e nous étonnons
planétaires, se trouvent une lilière et nn cercueil ; pluM de RI\ vieillesRe physique prématurée.
dans ce dernier git un homme couronné. Des Molbouro11K<11ncnt il n'y nvait à Esslingen au-
torches renversées r emplissent les coins du bas. nn m11lnd rlolw, pouvont payttr lcR ho norai-
Une édition p ostérieure représente la peste fau- r r1 qui dovalémL fournir• 1\ "'.," he11ohl11 et 1\ ccnx
chant des gens avec sa faux ; un dragon et un de 168 oomp0Rnorn1. Boonoonp d' ntro cnR cfor-
lion contre lesquels un chevalier couronné lève nlor11 6t;oltmt daN f'rlpo1111 nv (1rl111 c111i tombèrent
sa lance; un empereur couronné, un sultan tur- 11t1•0 l it 1111111111 cl11 ln Jm1ll c11, ot P111•acclse fn t,
hané faisant la paix, et un autre chevalier armé. ptu• cnx, l111pltoynhl m11011t vo16.
Elle se termine par des vers burlesques : Lo rô8nltot fut ln hnnque routo, et il dut aban-
donner 110 mulM011. De nouveau, il reprit les
Qui ne meurt de faim , grands oheminH, Auivi c1c ses compagnons mi-
On tombe mort sur le champ de bataille séreux, dont peu il peu il se d ébarrassa.

<-:-, ~. '·
200 LA VIE DE PARACELSE !'U l.• SÉJOUR STABLE . ~01 I · .

Paracelse décl'Ît le temps vécu à Esslingen de un laborntoire chimique au Château de Horn_où


« misérable i., mais on croit qu'il y retourna ils travaillèrent ensemble. ·; -
deux fois. Sa nature ne pouvait pet·dre Schobinger était connu comme «le riche phi- .,.

losophe », honoré par !'Empereur Ferdinand,
Sun empreinte première. qui lui octroya le droit d'avoir des armomes.
IŒe deva it touj ours amasser, thésauri ser, ' Nous ignorons combien _de temps Hohen-
C lasse r toutes les Vérités, heim séjourna au Château de Horn, mais assez "'·
·; !
Dans l'unique but ultérieur : Je veux savoir. longtemps, pour y faire faire son portrait, qu'il
laissa en souvenir à son hôte et ami. Ce por-
Il avait essayé de la vie stable~ mais quel mo- trait est aujolll'd'hui dans la section historique
notone droit de cité eût pu contenter cette âme du Musée de Saint-Galien, mais avant d'y par-
ardentc,assoiff6e de recherche, toujoura anxieuse venir, il appartenait à M. Auguste Nief'. Il esl
à découvl'ir davantngo le n11L11rcl et le surnatu- peint à l'huile sur toile, mesurant vingt-deux
rel, 11c lc.1 trouvnnt ocrtc11 pas parmi les biblio- pouces de hauteur sur dix-huit de largeur. Il
philes df~ HAie, 011 leR bourg·eois affectés de la cRt plutôt en mauvais état, mais la gr~v~re q~~on
8ouabe. en tit, alors que l'original appartenait a M. N1ef,
Apparemment il retourna d'abord en Suisse, CML claire et bonne. Cette dernière se t1·ouve
visita ses amis Zwingli et Léo J udae à ·zurich, at- (181114 lu Bibliothèque de la ville.
teignant Saint-Galien au commencement de l'an- Lo portrait représente Paracelse à l'âge de
née HS29. Là il avait trois amis, les deux frè- LronLo-Klx ans, portant une courte barbe, fon-
res Schobinger et Joachin von Watt, connu " ommo la chevelure. Ses vêtements sont
sous le nom de Vadius. Son ami intime était nhcn 11. li OKL hahillé d'une chemise blanche, à
Bartholomé Schobinger, homme d'une grande 1d Rtalpuro, """laquelle il porte un pourpoint
intelligence, s'intéressant profondément aux 1 1 ll lhmrit v11rt pâle, échancré autour du
sciences, et surtout à la chimie. Il invita Para- o 1, Il manL uu 11oir t.ombe, en plis lourds, des
celse à habiter chez lui pendant quelque temps, paul 11 J', 1 main droit.1~, en partie cachée par
et le pria de l'aider à installer complètement o ' IJllil r p 11 llll' lu poignée de son épée, « le .
202 LA VIE Dl!: PARACELSE NUL SÉJOUR STABLE 203
-·; .
fidèle Azoth > et, suspendu au cou par un cor- parchemin, peut encore ètre vu à la Bibliothè-
.,,
...... don, est le joyau qui disparait sous le manteau. que municipale de Saint-Gallen; il y est pieuse- 1 ·.

Le fond du tableau est un rideau rouge foncé, rnent conservé par les soins du professeur Die-
drapé d'un coté et au lllèmo niveau se tr·ouve rauer.
l'inscription: « Théophrnslus Paracelsus 1529 » Vadiauus étudia un grand nombre d'œuvres
1 ,.
en trois ligues. ' grecques et latines, écrivit des traités sur la
·,'
Pendant son séjour chez l es Schobinger, il poésie, la rhétorique, publia des livres anciens .,;r
rencontra leur célèbre contemporain et parent et contemporains ; il se familiarisa avec les dé-
Vadianus, humaniste et réformé, aux efforts du.: couvei·Les courantes du Portugal, de l'Espagne,
quel la Réforme s'accomplit à Saint-Galien. 1:1'inléressant particulièrement à la géographie
Cet homme, dont la mémoire survit dans jt pour laquelle il était . doué. Il séjourna seize
uom d'une 1·ut1 et d'une bibliothèque, était ili années à Vienn e, puis il retourna à Saint-Gallen,
uutrc des grandR llls de la Henaissance, dont .:.~ .
peut-ètre pour retrouver ses parents qui vieillis-
l'influence et lu vuleu1· se füent sentir il cette rmionl, peut·ètre parce que les luttes de la Ré-
époque de ferments et de trnusilions. forme Io 1·ticlamaie nt. Mais pendant les quel-
Né onze années avant Paracelse, fils d'un ri- CJllOl! u11116 11 pruclldaut sou 1·etour, il s'était mis
che marchand, il fut envoyé à l'Université de à LUditW llU!ll!l lu 111Udooino, et uvait mèrnc pris .;'
,-
Vienne à l'àge de dix-huit ans, juste avant que th IJl' 11 tuilv l'Kltul1·m1 clu111J colle science.
le D• Wilhelm von Hohenheim émigrât d'Ein- Cl l jtllfJU l'l11Lô1•1.H q11'll po1·tu 1\ Puracel11e.
siedeln à Villach. A Vienne il rencontra Zwingli o lnt lllgcmoo, oumm uollo do Vudiauus, née
et subit l'influence du célèbre professeur alle- ov la Uout\IMl!UllO , uLLli·éo pur Lout ce qu'elle
mand, Conrad Celles, qui y avait apporté la ofl'rolt do nouvo1111, cl11 vlvlllunt ; une intelligence
ftne fleur de la culture renaissante. Joachim oulLlv~ pt1r lu frù1p1 11tulio11 dcl!llils de l'ère nou-
de Wau en éprouva l'effet stimulant et devint voll , li vull 11'i111pulle11lcr vis-il-vis des répéti-
lui-même un humaniste ardent. Parmi les poè- tions dô1ml'.'lloll ot dônuée8 de sens de la science
tes classiques, Virgile était son préféré, et ancienne. 11 eo tourna joytmsement vers la voix
l'exemplaire dont il se servait, manuscrit sur dupréou1·l!lcu1• qui ,,.'écriait dans le désert:« Vous
LA VIE DE PARACELSE NUL SÉJOUR STABLE.

tous préparez le chemin de la vérité. > Vadian tion toute spéciale. Il était divisé en trois parties.
devint bourgmestre et l'historien de Saint-Gal- La première condamnait les médicaments em-
ien. Son humanisme s'épanouit en une splen- ployés alors, car ils aggravaient le mal au lieu de
dide humanité, son classisme 11c transforma en le soulager. La seconde explique le vrai traite-
un vaillant patriotisme. ment, les médecines,co~p:ient et dans quel but
Lorsque Paracelse quil ln lu Suisse, il s'ache- elles doivent être employées. La troisième . ,_
~. .

mina lentement vers le nord, l't travers le Wur- traite de la maladie même, et démontre com-
temberg, vers la Franconie. Nous ignorons com- meut des maladies nouvelles, inconnues, résul-
ment il voyagea, mais son hui était Nuremberg, tent des méthodes erronées, fautives, du traite-:-
et il atteignit la ville oélobro le 2:i novembre HS29, meut médical.
ayant musardé en route plusieurfl mois. A Nuremberg aucun livre ne pouvait être
Pendant oes voynKefl il l'ut escorté par des étu- publié sans passer par la Censure. La raison en
diants umbulanls ol momc par dcH médecins; 1•ésidait dans le nombre de pamphlets et de ca-
il faisait des huiles pour les examiner et mème lomnieuses feuilles volantes échangés par lts
pour les enseigner. Mais il ue trouva parmi partis opposés des CaLholiques et des .Protes-
eux pas un seul qui fut touché par la grâce lunts.
divine; tous n'étaient que des curieux, des ra- I..o gouvornemonL a vuit déorété l'établissement
paces ou des incapacités. li '11nu Gour de Cornmro on US:ta, <Io sorte c1uc
Il portait avec lui ses« Pronostics » et il com- nuit publluallou pi\L Ho l'airo 11v1111L (1110 Io ma-
pléta son ouvrage sur la Maladie Italienne, si llll orlt f)\L xomln ot 1111lorl1J6. P11racel110 sou-
soigneusement écrite. 11'11L 8011 ~or•ll11 n lu Cour ut ohtlnt lu permission
. '
..: Il y a bien des indices, dit le professeur Hart· do 1611 f'ltlr lm111•l111tl1'. l~n 111ômo Lemps que ses .;· ~
man, qu'il revisa maintes fois ses écrits, re- « Pt•onolfLl011 •Il ooulln Kun livre 1\ F1·édéric Pey- < . ~· ,
)
jetant la forme première, lorsque de nouvelles pu11, <1ul l'Mlhl n fo1•1110 <l'in-quu1·to, consistant ~

expressions se suggéraient el souvent il modi- ou olnt1unnl -qu11Lro f'uuil101J, avec le fronstis·


fia les épithètes trop violentes. » pice déoo1•ô d'uno bordure de petites gravures
Il avait donné à ce dernier livre une applica· sm· bois, do l 'éousson, et dos initiales de l'impri-
12
NUI, HfÎlJOIJll l'l'l'Alll, IG 107
206 LA VIE DE PARACELSE
cl" l'unulc1111111 (·1·.olt~ <lnnR ln premièro section
meur. Il portait le titre : « Par le très érudit du vol1111w. Snns doute qu 'ils sentaient qu'il av ail
Maître Théophraste von Hohcuheim, concer- r•nlMon. Parmi ses écrits de chirurgie, on re-
nant la Maladie Italienne - trois livres. » trouva la copie d'une lettre indignée écrite
Paracelse dédia l'ouvrage et un aulre traité (mais jnmais envoyée) aux magistrats de Nu-
sur le caractère contasieux de la Maladie Ita- rcmhcrg ; lettre toute l!érémonieuse quant à
lienne au Censeur, c à !'Honorable et estimable leur11 Litres, mais avec un dédain illimité pour
Maitre, Lazare Spengler »en i·econnaissance .de lem· con<luite.
la promptitude à en permettre la publication. « 11 ne vous sied point de juger ou d'inter-
«Il quitta Nuremberg pendant qu'on imprimait dire sans un examen soigneux et une discussion
ses livres et vécut tranquillement à Beratzbau- pl'll<lente. De fait vous n'êtes point capables de
sen, petit village près de Ratisbonne, sur un j ngP-r mes œuvres, n'en ayant .point la com-
tributairedu Danube. Lù, dans le calme, il s'oc· préhension. Si l'Université a quelque raison de
cupa de nouveaux écl'ils espé1·ant qu'ils seraient se plaindre de moi, qu'elle ordonne une Dis-
promptement publiés ù Nurembe1·g et offerts pute, mais qu'elle ne me défende point une
au monde. Mais cet espoir fut déçu. De la -cité publication ouverte. Jusqu'à ce que je sois
vint un ordre défendant toute nouvelle publi- vaincu dans une Dispute, une telle prohibition
cation de ses livres. Encore une fois,« du fond est une répression de la vérité.
de l'Enfer, Galien se vengeait ». «L'imprimerie est faite pour apporterla vérité
La Faculté médicale de Leipzig avait lu son nu jour. Mes écrits ne concernent ni le Gou-
volume, mais avait pris ombrage de son insis- vernement, ni les princes, ni les seigneurs, ni
tance sur l'ignorance et les bévues dangereu-
;:
les magistrats. Ils s'occupent des fraudes de
ses de leurs confrères. Alors en grande céré-
la médecine, afin que tous les hommes riches
monie ils s'adre~sèrent au Conseil de Nuremberg
et pauvres puissent être _libérés de ces abomi-
demandant qu'aucun écrit futur de Théophras-
nations. »
tus von Hohenheim fùt publié. Il ne leur plaisait
Ln lettre qu'il envoya était plus modérée, plus
point d'ètrc appelés imposteurs, titre que Pa-
oourtoi11e. Il dit : « Son grand désir d'écrire, ce
racelse donnait aisément à tous les médecins

-~·
208 LA VIE DE PARACELSE
NUL S~IOUR STABLE ~OIJ

qui réellemènt peut bénéficier aux malades si


l 'csprit du nouvel ordre, au milieu d'une stagna-
abominablement maltraités et qu'on laissait pé-
tion trouble et parfois agitée. Mais cette sta'g na·
rir. Il aimait à croire qu'une ville, célèbre par
lion devait être mise à nu, dans toute sa mal-
son action à protéger la vérité, protégerait aussi
faisance, devait être révélée dans ce qu'elle
les hommes qui faisaient jaillir la vérité, et leur
était devenue. Les mêmes hommes qui avaient
accorderait un refuge~ Que ceux qui doutent
reconnu la dégénérescence de l'Eglise furent
de la véracité de mes affirmations viennent me
lents à reconnaitre son parallèle dans le royaume
rencontrer en Dispute ouverte. Aujourd'hui
de la science.
comme autrefois, je suis prèt à la discussion. »
De-ci de-là seulement, le réformateur avait-il
Cette lettre, écrite le 1e• mars 1530, fut envoyée
un auditeur sympathique, et celui-ci parmi les
aux Magistrats, mais elle resta sans accusé de
rares qui, capables de maîtriser la littérature
réception. Peut-on s'étonner que plus tard dans
médicale dans sa forme primitive, réalisaient
ses écrits, il allège son ressentiment de temps
combien l'enseignement de Paracelse s'était éloi-
à autre, pa1· un sarcasme contre la ·ville des
gné du point de départ et de direction.
espoirs déçus, des illusions vaines. «Ils ont ré-
Dans sa jeunesse, Paracelse avait acquis la
pudié les vrais médecins, et Dieu, en sa grâce,
simplicité de langage qui s'observe encore chez
leur en laissa quatre, tous des imbéciles et même
les Suisses et une certaine familiarité d'expres-
des misérables. »
sions dans les comparaisons et les illustrations
Voilà certes des expressions drues, un peu
qui jamais ne l'abandonna.li apportait un mes-
exagérées. Mais il est évident que les magis-
sage qui demandait de la précision, diane son-
trats craignaient de maintenir leur opinion
nante d'un jour nouveau, avec sa discipline
Première ' en facer de.s verdicts autoritaires de nouvelle, son nouveau pofot de départ. II le
Bille et de Leipzig.
oria fortement ce message, en une langue que
Hohenheim avait le tempérament volcanique, ·
lou1 pouvaient comprendre. Et il cria haute-
capable de détruire le vieil ordre des choses
mcnL t partout sa colère titanique à ceux qui
qu'il savait corrompant le monde, tout comme il
l'onLcndalont mais qui fermaient leurs oreilles
avait ln pénétrante intuition qui sut discel'Iler
oL oh0roh11lo11t ù _t.'.1touffer son appel.
12.
LA VIE DE PARACELSE

Ce n'était pltHl le moment des courtoisies, des


minauderie11. L'Univers réclamait une renais-
sance, et devait suhÎI' l'épreuve du feu consumant - ..i . t

de la vérité. L'ancien monde, l'ancien ciel allaient : '!

se recroqueviller, comme un vieux parchemin, CHAPITRE J X


et un monde et un ciel nouveau apparaître à
leur place. Paracelse alluma la torche qui con- VoJumen Paramirum
suma les antiques déchets, dont les gardiens i'
f .
mesquins et aveugles le dénoncèrent comme sa- .Je ne façonnais jamais un bienfait imagin6
En d ehors de la cause de l'humanité, J.
:;I
rilège, dans leur épouvante. Ni un service à rendre, ,1

-~\ '.
Ni une force refusée,
Capables de servir à l'homme.

\k
1
Paracelse séjourna sept ou huit mois à Beratz-
hausen,y travailla dans le calme et la beauté de
la vallée de la Laber. Quoique atteints et bles-
sés, son tune et 11on esprit sensitifs maintinrent
leur vnlllnnoe, leur dignité. Que reste-t-il de
ceux qui lnncèrent lrumlto sur in1mlto contre leur
pluiJ grand contemporain'? lis ont disparu comme
les neiges d'antan, et même si l'un ou l'autre
nom a survécu, c'est pnrco qu'il railla Paracelse
et comme le héros de la« Dunciade >,sa renom-
mée est son infamie.
Hohenheim travaillait au premier livre du
« Paramirum > ; il progressait régulièrement.

'.
LA VIE DE PARACELSE VOLUMEN PARAMIRUM '

Le D' Struni nous dit que le Paragranum fut médicaments et l'usage des forces qtli sont de
également écrit à Beratzhausen, et il est évi- nos jours admises dans la pratique rationnelle,
dent que l'introduction fut le résultat des ré- sauvegardées par la responsabilité.
cents souvenirs de ses expériences et de la per- Si les hommes ne venaient point l'écouter,
sécution à Bàle. disait-il, ils devaient le lire plus tard, s'instruire
Il est même possible qu'elle s'exprima àCol- ainsi, non pour la cause d 'une insistante polé-
mar ou à Esslingen, mais qu'il la réserva jus- mique, mais pour le vaste but auquel ses livres
qu'à ce qu'elle fût requise pour le livre Para- étaient dédiés, pour l bien de ceux qui récla-
granum, qui plus que tout autre de ses écrits maient la guérison et q i étaient à la merci des
présente en une forme complète et en expli- « docteurs, ou plutôt de bourreaux>.
cations condensées, tout son système théorique La prohibition de s·e f'aire imprimer à Nurem-
et pratique. Mais à Beratzbausen il parait avoir berg fut pour lui une d écourageante d éception,
été absorbé surtout pn1· le « Volumen Médicinae mais elle ne put arrêter son énergie.
Pararnirum Théophrasli ». li se composait de Si ce n'était à Nuremberg ce serait ailleurs.
de1~x parties constituant le « Paramirum P1·1- Peut-être à Saint-Galien, ou à Zurich, et s'il n'y
mum » auxquelles furent adjointes graduelle- réussissait d e suite,certes ce serait dans l'avenir.
ment deux autres parties formant l' « Opus Et ce fut Bâle qui, après l'avoir refusé si cruel-
Paramirum ou Paramirum Secondum »~ et trois. lement, fut la première à imprimer son Opus
Paramirum, qui la première « adhéra à sa Philo-
aut~es li_"res c~nnus comme troisième, quatrièm~ · .
etcmqmème hvres du Para~um. On peut con- sophie >.
sidérer Beratzhausen comme \ 1e lieu d e nais- P endant le printemps et l'été il exerça sa
sance du Volumen et d'une partie de l'Opus profession, fut souvent appelé auprès de rich es
Paramirum. malades. Il recherchait les pauvres lui-même.
Dans ces volumes il poursuit l'œuvre à laquelle Partout son adresse fut reconnue, ses médi-
il se voua dès lors, à faire connaitre par écrit caments opéraient des cures merveilleuses et
son nouveau système de recherches de guérison son influence personnelle aidait à sa science.
qui incluait le diagnostic, le traitement, les Mais il faut placer ici une autre histoire sor-
LA VIE DE PARACELSE
VOLUMEN PARAMIRUM 21:>
dide et Io traitement honteux et déloyal que
la préface d 'un trailé « Concernant le Mercure
dut subir Hohenheim, histoire qui rappelle la
daté de mon désert à Amberg, de mon loge-
chambre de malade du Prince Philippe de Bade ment le 12 juille t 1530 ». Il conseille ~ tous les
el la duperie du Chanoine Lichtenfels. médecins de se méfier des patients qui offrent
Un certain Bastien Castner, habitant Amberg Je gite et la table dans leurs maisons. C'était là
à trente lieues de Beratzhausen,
1
souffrait de encore une de ces expériences du traitement
douleurs aiguës à la jambe. Il avait en vain con- des riches, quoiqu'il leur prodiguât son savoir
sulté plusieurs docteurs. On lui conseilla de faire multiple, son aide pralique et ses précieux mé-
quérir Paracelse, lui promettant de payer le .
dicaments. Des pauvres il n'acceptait aucune ré-
louage d'un cheval pour Je voyage, de lui don- compense professionnelle, des gens fortunés il
ner le gîte, la nourriture 'en plus des honorai- l'exigeait. Il exprime ses vues à ce sujet dans
res. 'fout d'abord, Paracelse refusa d'aller aussi l'Introduclion des trois liv1·es du Bertheonre
loin; mais on finit par le persuader : il se mit « Concernant les Blessul'es e t les Plaies », pu-
en roule, atteignit Amhcrg et r{~clama l'argent
bliés la première fois en 1:>63 par Adam von
promis pour la monture ; on le lui refusa net.
Bodenstein.
Il voulut s'en retourner de suite, mais fut induit
Paracelse considè1·c que Les honoraires sont
par d'autres promesses à voir le patient et à en-
dm1 101·1u.1uc lo t1·ailemc11L est terminé. Mais ces
treprendre la cure.
hono1·uif.ooll uo 110111. pat1 los l(Ul(08 d'un labou-
On ~ui donna une chambre misérable, des
reur, d'un towlo111• ou ù'uu berger ; Io docteur
repas msuffisants dans Ja maison du malade;
apportant le soulugomonl au malade, mérite
Bientôt il découvrit la cause du mal et son trai-
plus que de la paille et do lu laine. Mais si les
tement donna promptement les meilleurs ré-
honoraires dus sont refusés, quo Io médecin ne
sultats, lorsque le beau-frère du malade un
D• Burtzli, fit irruption dans la chambre, 'vola
s'en plaigne pas tout haut, mui11 eu obéissance
à Dieu, qu'il rende ussistauoc, plutôt trois fois
les médicaments, congédia Paracels~n de
qu'une, à l'èll·o malfaisant et i;o1·dide.
procéder lui-même à la cure.
Il retourna à Beratzhauscu pour peu de temps
Tout ceci est raconté par Hohenhe1·m d ans
puis il se remit en roule. On ne sait rien de
216 VOLU M!!:N PARAMlRUM 217
ses premières étapes, mais à la fin de l'automne Hanté était précaire et q-qi s'était soumis au
de rnao, il était à Esslingen pour la seconde nouveau traitement. Studer était le beau-père
fois, et en mars 1531 à Saint-Gallen, où il éta- de Bartholomé Schobinger. On sait par Scho-
blit son quartier général pour l'année. (Encore binger que Paracelse vécut six mois chez Stu-
une fois, il connut l'ingratitude d'un homme ri- der. Mais en plus des soins donnés à son hôtel
che à Esslingen.) il visitait les pauvres de la ville, et n'acceptai,
Il est possible que les « Pronostics » qui oc- jamais rien pour ses traitements. 7, ; .
_,
cupèrent sa pensée et sa plume pendant la der- Il se jeta dans la lutte religieuse, aidant à en '
- 1

nière partie de l'an 1530 le ramenèrent à sa cave propager la connaissance et le message à Saint-
d'Esslingen, puisqu'ils sont de caractère astro- Gallen. C'était le côté purement évangélique,
logique. Ils semblent indiquer la crise qui se et non le côté ecclésiastique et politique de la
développait rapidement entre le Catholicisme réforme qu'il épousait et proclamait avec ar-
el le Protestantisme. deur. De tous ces Protestants, nul ne connais-
A 8aiut-Gallen et pat·tout d'ailleurs en Suisse sait la Bible comme lui : il l'avait étudiée de-
cette tension avait atteint son apogée. puis les années passées auprès de Trithemius
Un réformé du nom de Kaiser avait été brùlé et la citait souvent comme la volonté de Dieu
comme hérétique à Schwyz ; cette exécution 1•évélée. li ful médecin et évangéliste à celle'
excita le parti réformé à un . tel degré · que époque. Eu mômo Lomp11 il truvoillail 1) Ros li-
Zwingli conseilla la coercition armée des Can- li vro1J, oontln1111ot l'Oput.1 Parnmlr11111, dont il dé-
dia 1011 dèUX p11rLl01 ol Io LIVl'o lrvit.1ièrno u11
tons Forestiers. Lorsque Paracelse arriva à
Saint-Galien, il se trouva au milieu de la lutte D• Jouohlm von Wou.
religieuse. Ses amis, les Schobinger et Joachim CJn iuoldcmt dc.1 ooLLu 11111160 fui. l '11 pp1ll'ilio11
von Watt prirent parti pour les réfot:més. Ce d'uno oomùL , po11l-ôt1·0 collo d'ilulley. On
fut d'ailleurs à Vadian que Saint-Galien dut son l'aper<,ml au mlllou d'uoùl, cl. Purnuelse put
l'ob1uwvor du JloohlJorg do HuiuL-Gallen.
ndhésion au Protestantisme.
11 en envoya 1111 oomplo roudu écrit à Léo Ju-
J lohonhcim vécut tout l'été et l'automne dans
dae à Zurich. Léo, t1ui vcnuil de Le1·rniner sa tra-
la 111uii,ion du bourgmestre Studer, dont la
13

" ~ • ,,,1'. .
VOLUM~;N PARAMIRUM
218 LA VIE DE PARACELSE
rut à l'endroit où il était tombé, ses ennemis
duction de la Bible, mit l'écrit de Paracelse 6cartelèrent son cadavre, le brûlèrent et ses
immédiatement ent1·e les mains d'un imprimeur cendres furent jetées aux qµatre vents. ., 1

de la ville; deux ùcs copies 1:1m·vive1lt e t se trou- Lo Bénédictin d'Ensiedeln qui s'était attaché :,,:t
''.
vent encore dans la bibliothèque municipale· à lui dès le début de la Réforme à Zurich, fut ' '."

Il est intitulé « Interprétation de la Comète également tué, pendant qu'il assistait les bles-
qui apparut dans la montagne au milieu du sés. Tous deux périrent pour la liberté religieuse • .~ JI 1

mois d'août 1531 », par le docte maître, Para- de la Suisse, pour la liberté de prêcher dans
celsus. tous les Cantons; mais ils furent téméraires en
La page du titre représente la grossière gr.a- la mettant à l'épreuve de l'épée. ·'
vm·e d'une comète. La dédicace est comme smt: Le mois suivant Œcolampadius mourait· à
« Théophrastus à maitre L éo, prédicateur ~ Bille.
Zul'Ïoh, avec i;es salutations ; donné Le samedi Johannes Kessler qui écrivait la Chronique
aprùt1 \a Saint-ll111·tholémé ». Ceci li~e l~ date - de la R éforme dans cette ville, mentionne Pa-
d u 'tH aotU ' celle fêle tombant sur un Jeudi celle
'd.
1·acelse dans son livre « Sabbat a». Un ami de Kess-
année-là. Dans cet opusc ule Pa1·acelse pl'e Il le1·, Jehan Rütinger relatait dans son journal,
des malheurs, du sang répandu, et particuliè- tm jargon latin de 1529 à 1538, les événe-
rement la mort d'hommes illu!tres. nu nts et les commérages du jour. Nous lui de-
Cette prédiction se réalisa bientôt. Les Can- VOUI l'hl11toirc suivante. On considérait Hohen-
tons protestants bloquèrent ceux de la Forêt, holm OQm mo u11 thaumaturge, dont un signe
Uri, Schwyz, Unterwald; ceux-ci rassemblèrent do li 11ual11 1mtll11uit parfois à amener uue gué-
huit mille hommes et marchèrent sur les con- 1'1 100 1
fins de Zurich entr.e Zug et Cappel. Une bataille l\ l 1>rl11ll'oxo1·oor1wn pouvoir sur un jeune
se livra là, le Y octobre, où les forces des ré:- g1u·~ou 1 lll'l' l 0 1H1pur Ti1rnh much er, dont la
formés furent défaites. Zwingli s'était joint aux
~''" \Ill' ' 1•11vo11Hmt ondo mmugée. Para-
soldats pour les soigner, et pendant qu'il était ~I• U& un op • Uon, tl'oyo un peti t os. 11
agenouillé auprès d 'un blessé, une pierre lancée •'en 1utvl& Ull ru l üO!lr ' tl\I 1 porc igno-
le renversa, un coup de lance l' acheva. Il mou- ·
·, ...
2~0 LA VIE DE PARACELSE
VOLUMEN PARAMIRUM 221
rant ne prévoyait pas. Furieux, il cita le doc-
teur devant les chirrll'giens et les magistrats de des événements, il a compilé les références à sa vie '::.'

la ville. Comme Hohenheim ne lit nul cas de anx voyages qu'il entreprit, expliquant et illus-
celle ahsnrde assignation, Tisch111acher le somma trant ainsi son sujet. Lorsqu'on se représente
de paraitre devant le Sénat, dont la cour accorda combien ces éc rits sont volumineux, qn'ils sont
un d élai de quinze jo urs pour ache ver la gué- en vieil allemand, ~èlés parfois d'ancien suisse,
rison. La blessure de l'enfant pl'Ogressait, mais qu'ils ne sont ni autobiographiques, ni chronolo-
n'était pas complètement guérie à la fin de la giques, on peut estimer la d ette qne d oivent au
quinzaine. De nouveau le père courut chez les D' Hartmann tous ceux qui ont é tudié Paracelse.
magistrats, qui refusèrent de l'écoute r, tout II a ajouté à ce labeur une recherche minutieuse
comme Miiller, le tribun du peuple. Paracelse de tous les points obscurs et discutés. Son livre,
avait soigné l 'enfanL avec une tendre sollicitude comme celui du D• Sudhoff, est indispe nsable à
'"
sachant que dami trois autres jours la guél'ison
' Lous les biographes moins érudits, moins scienti-
serait complétée. Alo1·s, pour faire patienter le fiques de Théophraste Hohenheim.
pè1•e suporstitieux il lui dit solennellement: «At- Les cinq tomes du Paramirum furent ache-
tachez des vers de terre vivants pendant une vés à Saint-Galien. La première édition d e !'O-
nuit sur la main de votre fils, et en trois jours il pus parut en HS62, vingt et un ans après la mort
sera tout à fait guéri. » Rütinger devait croire do l'1111Le11r. ll l'nté<Iit6p11r Adam von Bo<lenst cin.
en cet étrange traitement, comme il croyait Ln H oondo édition lnulnnnt lonH les volumes
au pouvoir de Paracelse qui, écrit-il, avait parut on 1H7H ôclltôo pur 'l'oxlt.n11 cil i111pri111cfo 11
voyagé par toute l'Europe, et vécu cinq années Atl'l1111hourg pnt• Chrli1tln11 Mnll ol'. Uno Lroisit)mo
parmi les Roumis. odltlon 11ppnrtlont 1\ 111 uoll< uLlon clt~ li user;
Hohenheim quitta Saint-Galien vers la fin 01C8l IJfi VOi UIUO Ü&- tf IU&f'l.11 clci fi.\tfl pngeR avec
de 1531, vagabondant pendant plusieurs années. un porl1•111L do Pornoo lHo, 1·11dc111c11t ~ravé, à
Le D• Hartmann a fait un r egistre de ses dépla- rni-oorp11, Ill figure l~gbromcmt Lomnéc à droite,
cements dans son« Théophrast von Hohenheim ». fe Ju8tnnoorpK t\ohnnor1i, l11iss1111L voir le col,

-
Des écrits mèmes de Paracelse, et dans l'ordre l'à, coller Ue, nnlonr dn 00111111 ruban auquel un
joyau e11t 8Ufl[Hmcfo ln main droite tient le
VOLU ME PARAMIRUM 223
J.A vm OF. PARACF.L~E

celse en HS38, duquel il fit une gravure en 15.\.0 ;


pommeau en boule de son épée, pendant que la gravure dont Ruser fit usage ne serait qu'une
la gauche tient ferme la traverse. Il est daté de grossière copie de celle du grand artiste.
1540, c'est-à-dire neuf ans après qu'il eût quitté Les cinq livres du Paramirum remplissent
Saint-Galien. Il y a une notable différence en- 327 pages in quarto dans l'édition de Huser,
tre ce portrait et celui peint en Hî29, lorsqu'il
que publia Pierre Perna à Bâle en 1589. Huser
portait la barbe. brune comme la chevelure.
nous informe qu'il rechercha dans l'Allemagne
Dans cette gravure Paracelse apparait très •/.
du Nord et celle du Sud, soit lui-même, soit par .. ~

chauve, avec quelques boucles grises aux tem-


d'autres, tous les manuscrits originaux de Ho-
pes. La face est amaigrie, les traits sont accen-
henheim, et en collectionna un grand nombre,
tués, les yeux mélancoliques sont creusés.
dont les uns étaient déjà connus, d'autres n'a-
Au-dessus du portrait est sa devise favorite
vaient pas été édités. Beaucoup de ces manus-
« ALTlrnrns NON BIT, QUI RUU8 ICSSlC POTEST >,en
crits avaient été détruits par des gens ignorants.
dessous sont les mots : Ef'flg-ies Phillipi Théo-
Huser donne la liste des érudits et des docteurs
phrasti ab Hohenheim : sue nelalis 47. ÛNNIR
qni l'aidèrent, et cette liste prouve la réaction
DO~UM PERFECTUM A DEO IMPEHFECTUM A DIABOLO.
qui se flt en favem• de Hohenheim, quarante
Ce portrait sert d'introduction aux dix parties
nns npros 11a mort.
des «Livres et Écrits » de Hohenheim. Il fut re-
J)'nutrc8 6dltlon111 pnrLlollmt 011 oomplèl.e11 np-
produit d'après une gravure faite par Augustin ui
p81'tl6n ncnL ttux 01111(!(11t HIO:l, 100tS, 10tfl ot 1111 R,
Hirschvogel, dont le monogramme A. H. est en-
Jc 14 promll.lr 8 on J,.nl111, p11hllôo1t ri l?ronkfort et
lacé dans la date de 15i0, sous la dernière de-
re.\édttc~CM t'l Oôlll~V6 611 10t}H, L ' OptiN l'ut. f'r(iquem-
vise. On l'a gravé bien des fois, souvent modifié,
mont publlô t'l 11011v<11111 1\ llrunol'ort, 1\ Bdle et
ou accompagné d'autres devises, mais toutes les
variantes remontent à la gravure de Hirs9hvo-
ologno aux. xv1• t. xv11' 11iooloH. .
gel. Le Dr Carl Aberle considère cette gravure
L4' • l?rnnz Slrum~ n r6omnmonl l'ait paraître
,,
)
. une nou~ édlLI n <ln .« Pnramirum », accompa-
1'4~,
sur bois d'un anonyme, copié sur celle de Hirs-
ti· gnée d'nnnolollon11 11LtleH, 11jo11técs déjà à Iéna
~/
ohvogel, mais avec une seule des quatre colon-
en fl}O.\ por Eugen Dicdc'riclu~. Cette édition est
'i
nes. Hirschvogel peignit un portrait de Para-
LA VIE DE PARACELSE
VO LUMEN PARAMIRUM

basée sur celle de Huser mais a été comparée à


touteR les matières les plus significatives con-
celle antérieure d'Adam de Bodenstein dont elle
ce rnant les recherches, la médecine, la philoso-
est une reproduction intégrale, sauf par l'im-
phie dont son cerveau était con stamment · oc-
pression entiè re des anciennes abréviations, et
cupé. Ces pensées y sont exp rimées en paroles,
la modernisation de certaines phrases suran-
les unes en détail, d'autres indiquées briève-
nées.
ment, d'autres seulement esquissées avec clarté,
Considérant le« Paramirum ~une des plus im:.
et qu'il amplifia dans d'autres écrits.
portantes œuvres de Hohenheim, je me suis ser-
«Les deux livres du « Paramirum » contien-
vie de l'édi~ion du D' Strun nent les essentiels les plus importants du sys-
Dans sa préface l'éditeur dft . tè me de Paracelse ... E,lles exposent avec luci-
« Paracdse ne se laisse point traduire ; ce se- rlité sa méthode comme étudiant de la nature ,
rait détruire l'unique et l'ancien TIMBRE de ses co mme docteur, philosophe, quoique le - côté
expr<l AAions ~ Le style si original a été laissé tel
théologique reste quelque peu à l' a.r rière-plan.
qne l 1\ moins qu'il JHI Roit un obstacle à la lec- Ici tout vient à la surface, sa philosophie co n-
ture, on qn 'il en obscurcisse le sens. C'est ce cernant le macrocosme e t le microcosme de
qui a causé de grandes difficultés dans l'ar- l'esprit de la Renaissance, son auguste sens de
rangemen.t d 'une orthographe exacte et consis- l'uniL6 et de l' universalité de Dieu, du m onde
tante. » "l de l'l\mo, sa haute connaissance de lni-
Après avoir énuméré les nombreuses éditions tn ino, 80ll nrclc nt intérêt dans l'humanité, et
'
le D' Strunz présente l'ouvrage en ces mots: dfUlM lu no11v11llo vie individuelle ; sa joie dans
« L es écrits du « Paramirum > constituent un
ln lumlbro <Io lu nature, son usage judicie ux des
des livres les plus célèbres et les plus caracté- "V 1•l OUf 8 Ill Kllrlonl Aes rec he rches sys téma-
ris tiques de Hohenheim. LltfU -1 t oo mpnrnllvo8 pur l'1~xpérienee. »
c Si le « Paragrauum >, fortement polémi- L « Vohun n .llaromlr11m •traite de cinq su-
que, est un exposé de la science physique nou- jet8 1 1 !t tnllAdl "f.lUl'll111ÔOK 1\ l'nction et à l'in-
velle et de la médecine, celui du« Volumen » et fluenOO d 1 Loll -8 1 oollOM 'llli résultent des
c l'Opns Paraminum » nous présentent presque toxlnee f!Ld 1 1ml111mHI, clnM mol" oL dos boissons,
1a.
.• 1

."
~1
VOLUME ' PARAMIRmr ·~
! . )
ii6 LA VIE DF. PARACELSE
maturité et leur expression dans ce livre auquel
et qu'il nomme TAnTAJlUH ; los maladies prove- il voua un soin tout spécial, quelques citations
nant de ln nature, d'nul.ros des microcosmes du texte suffisent. Le choix en est difficile.
stellaires, ou d'élémcmt11 irnp11rH, cl'a11tres en- .Jusqu'à ce que les œuvres de Hohenheim
core des tumeurs nnt11rolleH, do11l il existe plu- éveillent en Angleterre l'intérêt et l'apprécia-
sieurs centaines d'espèooH (1111 Lrait direct contre tion des savants, suscité depuis trente années en
les quatre tumeui•s do Oulien) ; les maladies Allemagne et en Autrich~, la position réelle
mises en mouvement pur hlH llnides des hom- qu'occupe le grand homme dans le développe-
mes, surtout des êtrOH mnll'uiHunls, et qui sont ment de la recherche exacte, ne saurait être re-
en partie des rnnlodloH 111111otiq11m1, enfin des ma- connue, et la connaissance d e l'histoire de la
ladies envoyées pnt• 16 clClHHoin mystérieux de médecine demeure incomplète.
Dieu, auxqnoll •H Il faut Mn r(,Higrwr. La Partie I du « Volumen Paramirum » expli-
Dnns leM <toux llvr<H• df1 l'« Op11H P11ramir11m > que en onze courts chapitres ce que Paracelse
les orlgtnoH cloH 111nlndlc1P4 Muni. tr·nitécA d'une nomme d'ENs ASTRALE. Du premier au quatrième
manière pluiil poii1111V6, clfrlv1111L df' ln corrnption chapitre il conteste la croyance répandue de l'in-
du 1nc,ro11ro, <lu •1111, <111 Houf'rc-1 dunR le micro- fluence des astres sur l'homme de sa naissance
cosme. ~o trolMlèlmo vol11111c traite en détail des à sa mort.
maladl 8 d1wH 1\ l'ucicfo tarll'Ïque, provenant de « Les étoiles, dit-il, au chapitre qnatl'e, ne
la nourrlluro, <h.H1 toxines; le quatrième s'occupe contrôlent rien en nous, ne suggérent rien, ne
de ln f'ono1lo11 "1111cinl c et des maladies des fem- poussent à rien, ne s'attribuent rien ; elles sont
me• ; enfin Io cinquième, en cinq subdivisions indépendantes de nous, comme nous d' elles.
explique IOH maladies surnaturelles, résultant Mais observez que nous ne pouvons exister sans
des oxcèe de l'imagination, par les forces occul- les corps célestes, car le froid, la chaleur et la
tes dos morts, et de leurs reliques, et par Je pou- production de ce que nous mangeons et buvons
voir des signes et des paroles qui, s'ils guéris- nous vient d'elles; l'être humain non pas. Elles
sent parfois, le font par l'influence du Malin. sont à ce point utiles et nécessaires, puisqu'il
Chaque section a son prologue. nous raut la chnleul', le froid, la nourriture, la
Atln d'indiquer ses théories alors en pleine
228 LA VIE D•: PARACELSE VOLUMEN PARAMIRUM

boisson et l'air ; mais au delà elles n'existent est l' AncHEUS et nous n'en dirons pas davan-
pas en nous, ni nous en ()lies. Le Créateur l'a ainsi tage de crainte de nous éloigner de notre su-
disposé. Qui sait cc qui existCl au firmament qui jet. Ne dites-vous pas, en ce qui concerne les
puisse nous être utile 'l Cur ni 111 clart{~ du so- statures variées des hommes, qu'un temps si
leil, ni la science de Mei·c urn, ui ln beauté de long s'est écoulé depuis Adam, qu'il est impos-
V énus ne nous viennent en nldc ; mais le rayon- sible qu'un d eux ressemble à un antre, sauf des
nement du soleil nom1 011 l 11lil<~, puisqu'il fait jumeaux dont vous parlez comme d'un miracle,
l'été mûrissant les fr11lt11 1 f'uiHn11t croître les ma· que vous attribuez aux corps célestes, à leurs
tières dont nous no111t no11r1·i11Ro11s. Observez forces mystérieuses. Vous devriez savoir que
donc si un enf'nnl 11(1 HOllH lnH plnuètes les plus Dieu a décrété une entité féminine spéciale, et
chanceuses, 1011 phlH procll1-1"1tfü1 on clons rares, a que jusqu'à l'achèvement de tous les types, de
dans le cnr•nolùr·o lo1i1 q1111ll1tu•1 opposé<~s à ces toutes les foi:·mes, de toutes les couleurs de l'hu-
dons. A qnl donnor· Io hll\1110 ? C't•Ht la faute manité, les gens naitront pareils à êeux qui sont
dn ~1111g, cprl 1111 vlo11t cltlH gu11 ' r11tions. C'est le morts. Lorsque viendra le dernier jour, tous les
sang, ol non lc1111111lrci11 qui c 11 Hont ln cause:» types et toutes les espèces d'hommes seront
Nom1 pouvo1H1 fill8Hl eo11jcctUl'cr que les ex- accomplis. Car alors seulement le but sera at-
pério11008 011trologlq11m1, fuites ù Esslingen, l'a- toint lor11cp1e Lons IOA types hum11inR, leurs for-
vaienl. 0011vnl11011 clc1 ln futilité des horoscopes. llHIH o!. lmarR c:ouhmrH HOront pcrf'ectionn(!A et
D11118 Io oi11qul1~11w chapitre il suit son raison- nulle cHpt':we 11011vcllo no ponrra pl1111 ôl1·e créée.
nement.« Un homm e surpasse un autre en sa- Ne vous imaginez pas qnc vo1111 pni~sicz vieillir
voir,en r•ichoRHo on c 11 puissance. Et vous l'attri- l'univers ou seulement une partie du monde·
buez 1111x ClHll'üH; mais nous devons bannir cette Car lorsque les formes et les espèces d e l'huma-
idée do votre esprit. La bonne fortune résulte nité seront complétées, et nul autre type ne
de la capacité, e t celle-ci naît de l'intelligence. pourra être appe lé à vivre, l'âge du monde tou-
Tout homme a une intelligence spéciale et s'il c hera à sa fin.
sait exercer cette aptitude, la chance l'accom- Dans le chapitre suivant il continue ainsi :
pagne . Mettez-vous en tête que cet intellect <Vous dite s, e t avec tristesse, que s'il n'y
i30 J,A VIE DE PARACELSE VOLUME ' PARAMJRUM i3t
avait point d'air, toutes choses pél'iraient. Mais serait parce que le firmament n'aurait pas
l'air est réparti dans le Urmnmcnt et s'il n'en d'air et parce que l'air ce serait dissous ; alors
était ainsi le firmament s'otl'ondrcrnit; el voilà toute l'humanité et toiis les éléments périraient,
ce que nous appelons le Mic•r{conoN. Observez tous étant soutenus par l'air 1 Voilà ce qu'est le
que ce MÉTÉOHON contient toul<JH les choses MÉTÉORON MAGNUM. Cet air peut devenir em··
créées dans le ciel, sui· ln lOl'rO t~ t tous les élé- poisonné, changé, et les hommes l'aspirent; et
ments y vivent et viv nl pnr lui ... la vie humaine s 'y meut, ainsi que le corps
« Pour expliquer oe qu'11Ht ce M.ÉTÉORON humain qui s 'imprègne de ce que contient le
veuillez d'abord remnrqnor l'illuRLration sui- MÉTÉORON MAGNUM et se corrompt. Ainsi que
vante : Une chamb1·0 blcm cloHe u une odeur l'air impur de la chambre, quelque matière
qui n'est point ln 1denno, nu1IH qui provient de corrompt le MÉTÉORON s'y incorpore, puis se
•,.
quiconque l'n oooupétl. Ln pN'Homw 'lui est en- répand.»
trée dedans doh M'np ro< voir de <ic1Lle odeu1·, Dans le chapitre huitième, Paracelse déve-
qui n'est point pro<lnho par l'ni1· mni11 de qu~­ loppe du précédent sa théorie des maladies dues
conque n habltt'l 111 plôoo. Co111p1°1J1HJ1. hicm que aux corps célestes.
nous parlons du l'air allu qno 11011H puissions « Lo11 n11trcs, dit-il, ont leurs natures et leurs
expliquer l'ENs A8'rn.u11. Vrn1" 11flirm1·z que l'air proprlél.ÔH pnrliouliùrcH, l.out comme leR hu-
vient des mouvcm nl8 du llr111n11uml, que nous muh1H 1111r 111 l61'1'0. llt1 H<l mo<liflent intérieure-
ne somme11 pas immoblloH, 11111iH que le venl dé- ment, Hont p11rfol11 111116llo1·<)H, purfoiH empirés,
montre qu'il est do noturo météorique. L'air parf'ol11 plu" doux, purl'oiH pluH ncidefl, etc.
vient du Très Hanl,{}xh1tnit nvnnl toutes choses LorHqu'lls Hont honH un l111x -111èrneA, 1rnl mal
créées, la premièr1 11 do toutes ; apr·ès l'air vin- ne vient d'oux ; 111nit4 H'ils Hont malfaisants,
rent les autres; donc l'air ne vient pas du fir- l'infection on procùdo. 01.>scrvez que les étoi-
mament.Car le firmament est soutenu par l'air, les entouronl la terre comme la coquille entoure
tout comme l'homme ; et si le firmament s'ar- ' '1 1
l'œuf; L'air traverse la coquille, descend direc-
rêtait, l'air existerait. Si l'univers devait se tement vc1·s la Ler1·c. Ces astres qui sont em-
dissoudre lorsque le firmament s'arrêterait ce poisonnés, infectent l'air d e leur poison, de
,-

LA VIE DE PARACELSE VOLUMEN PARAMIRmt

sorte que partout où cet air· se propage, les Dans le chapifre neuvième il explique celle
maladieR se <léclarent conformes à l'influence théorie plus amplement : « L'étang, qui a son
de l'étoile. L'air <ln monde entier n'est pas MÉTÉORON approprié _est riche en poissons ;
infecté ; seule, une parti~," ;selon la puissance mais si le froid devfopt intense, il se gêle, le
de l'étoile. Il en est d.e ri)êrne des qualités poisson meurt, parce que le MÉTÉORON est op-
bienfaisantes des astres' : cèifos-ci sont aussi posé à la naturede l'eau. »
L'ENs AsTRALE : les vapeurs, les exhalaisons, Mais ce froid ne provient pas du MÉTÉORON,
les exsudations des étoiles se mêlent à l'air. De mais des corps célestes dont il est la force. La
là dérivent le froid, la chaleur, la sécheresse, chaleur du soleil en échauffant trop l'eau de
l'humidité et pareilles variations, selon leur in- l'étang, tue également les poissons. Certains
fluence. Remarquez que les étoiles n'agissent corps célestes peuvent produire les deux forces,
pas elles-mèm~s, elles inl'cct.ent seulement par d'autrent rendent le MÉTÉORON acide, amer,
leurs cxhalnisonB celle part.in <ln M1'.:n::onoN par doux, aigre, arsenical, produisant cent autres
laquelle nous sommcH cmpoisonriés cl affaibfü1. saveurs. Tout grand changement dans le Mé-
C'est ainsi que l'gNs AsTHALJ~ modifie nos coq)s téoron change le corps. « Remarquez comment
en bien et en mal. les astres contaminent le MÉTÉORON, qui alors
« L'homme dont le sang est hostiie à ces éma- nous rend malades et nous fait mourir des ef-
nations devient malade ; celui dont la nature fluves de la nature. Nul médecin ne doit
n'est pas hostile n'est point atteint. Tout comme s'en étonner, car il y a autant de poisons dans
celui qui est fortifié contre ces mauvaises in- les étoiles que sur la terre. Et il doit se souve-
lluences n'en souffre point; il résiste aux poi- nir qu'il n'y a pas de maladie sans toxine.L'in-
sons par la vitalité de son sang ou par des mé- toxication est le commencement de toute ma-
dicaments qui lutte nt avec les vapeurs délétères ladie, et c'est par le poison que toutes maladies
répandues. Remarquez donc que toutes les cho- internes ou occasionnées par des blessures !)Ont
ses créées, sont ennemies de l'homme, et l'homme révélées. Si vous acceptez ma doctrine, vous
leur est opposé également; toutes peuvent nuire découvrirez que cent maladies, différentes les
à l'homme qui ne peut rien contre elles >. unes des autres , sont dues à l'arsenic ;plus nom-
LA VTE D~ PARACELSE
VOLUMEN PARAJIHRV r 'l35
breuses encore celles dues au sel, au mercure et
Vitœ prnduisenl les maladies dans le corps; d'au-
surtout à l'arsenic rouge et au soufre. Je vous
tres occasionnent les ulcères, blessures en ren-
prie de donner toute votre attention à ce fait.,
contrant les virtulem emxpulsivam. Toute la
afln que vous réalisiez, qu'en vil.in vous cher-
théorie est cont<'nue en ces deux influences.
cheriez la cause spéciale d'une maladie particu-
La seconde partie du « Volumen » traite dc>s
lière, tant qu'une seule substance peut en pro-
origines plus évidentes des maladies, et p·arti-
duire un tel nombre ; mais si vous découvrez culièrement des dangers que présentent la nour-
la substance, vous trouverez la cause spéciale. riture et les boissons. li cite sa co'mparaison r.é-
Retenez bien cette règle, qu'il vous faut connai- Jèbre, l'Alchimiste placé par Dieu dans chacune
tre la substance, cause de la maladie, de préfé- de ses créatures afin de séparer le nuisible du
rence à Ja cause apparente, comme la pratique bienfaisant, dans leur nourriture.
le prouvera. :. « Cet alchimiste est expert dans sa besogne,
DanB les chapitres dix et onze, Paracelse et tel qu'un prince, il sait comment employer
continuo à développer sn théorie de l'ENTIA As- les meilleures qualités d'un serviteur, laissant
TRALIA et leurs influences sur la terre, l'eali, ·e t d'' côté leA autrcR. Ainsi l' Alchimiste personnel
surtout sur l'homme ; il conclut ainsi : 1 sort do111wopriétéA bienfniRantes de ce que nous
«Remarquez que certains des ENTIA AsTRALIA mAll~(lOOM pour notro nutrition, expulsant cc
corrompent seulement le sang,'tel que l'arsenic qui no1111 t1 rnlt nul11lhlt1, Le hmuf' mnnge l'herbe,
rouge ; d'autres la tête, tel que les poisons l 1homm6 m1.1n14'6 Io lu 111'. hll"f UC créature à su
mercuriels, d'autres les os et les vaisseaux san- nourrhm•o Rpôolnlci. J,o pnon Ro nourrit de ser-
guins, tels que les sels ; d'autres produisent pontR, <](1 léznr·ds, nnimnux complets en eux-
l'hydropisie, les tumeurs, tel 'que l'orpiment ou mômes, mais nuisibles comme nourriture saut' ...
·~- ..
la Oeur d'arsenic; d'autres poisons amers don- pour le paon. D e même l'homme requiert sa ~ :
nent la fièvre. Pour bien vous faire compren- nourriture propre et son alchimiste pour séparer /.•

dre, nous démontrerons la division des mala- la matièr.e mauvaise de la bienfaisante. Un porc
dies. Remarquez que ces ENTIA, qui pénètrent mangera ce que l'homme rejette; cela prouve
dans le corps et y rencontrent les Liquorem que l'alchimiste du porc doit nécessairement
LA VIE DE PARACELSE VOLUMl!:N PARAMIRUM

être plus prudent que celui de l'homme. L' Al- les poisons. Il se forme alo1·s la cormption lo-
chimiste choisit ce qui est bienfaisant, le trans- cale, ou celle des organes expulseurs.
forme en un extrait qu'il répartit dans le corps «Celle-ci nuit à ce qui est sain, engendre les
pom• nourrir la chair et tous les organes. L'al- maladies. Chaque toxine s'élimine de façon dif-
chimiste séjourne dans l'estomac où il travaille férente ; le soufre par le nez, l'arsenic par les
et cuisine. L'homme mange de la viande, con- oreilles, chaques poison par son organe respec-
tenant des matières salutaires et nuisibles.Lors- tif. Et s'ils ne sont pas expulsés, ils deviennent
que la viande alleint l'estomac, l'alchimiste s'y la source des maladies. Mais les agents de l'al-
trouve pour la séparer. Ce qui est contraire à chimiste peuvent devenir malades à leur tour
la santé est rejeté, mais ce qui est salutaire est (sans qu'il puisse e_mpècher ce changement) par
réparti dans le corps. l'air, par la bouche; l'air contenant les poisons,
c Tel eRt le décret <ln Créateur: Le corps est qui pénèll·ent dans le corps, y sèment les maux
donc préservé, nlin qu'nnc11n poison ne l'nf'- et détruisent les moyens avec lesquels l'alchi-
f'eclo •· miste lutte alors en vain. »
« Mnis il existe une HSSl~NTlA et 11n v1cN1muM La cinquième partie des « Volumen Parami-
dans toutes les matières nécessaires à l'homme. num » De ente dei, consiste en huit chapitres
L'ESSENTIA forme la subsistance, le VENENUM es t adressés a ceux qui croient en Dieu, qui réali-
l'origine des nombreuses maladies. &arfois l'al- sent que toutes les maladies viennent de Dieu,
chimiste est négligent, ne sépare plus avec les et quoique les unes semblent naitre des condi-
mêmes soins les d eux adversaires, alors survient tions de la nature, Dieu étaut le Créateur e n-
l'indigestion. Tous les maux de l'Ens Veneri ré- voie certains maux comme châtiment.
sultent d'une digestion défectueuse. L'intoxica- «Dieu donne la santé et la maladie et li donne
tion s'ensuit, mère de toutes les maladies qui les médecines pour guérir nos maux. Nul doc-
empoisonnent le corps. L'eau pure peut être leur ne connait le but de nos souffrances, Dieu
teinte de toutes les couleurs, et le corps, pareil- tenant ce but en ses mains. Chaque maladie est
lement à l'eau,prend les couleurs du dépérisse- un purgatoire, nul médecin ne saurait y remé-
me!1t, de l'intoxication qui ont leur origine dans dier ; Il est e1111cnticl que Dieu mette fin à l'é-
238 LA VU: DE PARACELSE

preuve et :que le médecin tl'availle, conscient


de ce châtiment prédestiné. »
Il démontre que Dieu envoie le docteur, im-
puissant i>ans Lui, et il demande aux médecins
d'ètre des Chrétiens, semblables au Christ.
« Dieu ne fait rien sans l'homme. S'il opère CHAPITRE X
un miracle, Il le fait par l'homme : ce ml.racle-.
ci, il le fait par le docteur. Mais puisqu'il y a Opus Paramirum
deux espèces de m édecins, ceux qui guérissent
miraculeusement et ceux qui guérissent par les C'est sur la marche des inlelligencea in tlivitluelles
Que la foule, lente à saisir, devrait fonder ses espé·
1·emèdes, comprenez bien que celui qui croit fera (rances,
les mil'acles. Mais quoique la foi ne soit pas P our la su ivre éventuelle ment.
fo1·te en Lous, et que le châtiment p1·enno fin,
le mtideciu uocumplil cc <jUO Dieu c ùt fait, mi-
raculeusement, si le malade avait eu la vraie L' «Opus Paramirum »consiste en deux livres,
foi. > traitant des substances primaires, le sel, le sou-
Pa1·acelse conclut le VoLUMEN P ARAMIRUM par fre, le mercure, origines et causes des maladies.
cette injonction précieuse à tous les médecins : Le Lm1.m PmMus a huit chapitres ; il est pré-
« celle de choisir la science véritable de la médc.· cédé d'un appel nu D' Joachim von Wnll, le priant
cine, et non la fautaisie. La .-Science véritable d'abandonner les erreurs de l'école do la méde-
c'est la raison, le savoir, Je bon sens qui coo1·- cine scolastique, et comme upùlro de la vérité,
donnent les vériLés que l'expérience a su ac. d'adhére1· à la vé1·ité.
quéril' ; mais ceux qui s'attachent à la fantaisie « Puissé-je être témoin d'une pareille déci-
n'ont point de Lerrain sur lequel marcher; ils ne sion de ta part, dit Paracelse, et n'avoir point
possèdent que leurs formules surannées, désuè- perdu, en vain, le temps de mon séjour à Saint-
:Les, comme d'ailleurs, vous le savez ». Gallen. Je me sens contraint d 'é veiller ton in-
térèt dans la connai::1snnce de la nature, de la

' 1'
2~0 LA VlE DE PARACELSE OPUS PARAMIRUM
.. .
création, jusqu'au discernement exact, afin que 1ance de bien saisir cela, avant d'aller plus avant.
, ·1
notre mémoire survive parmi tous ceux qui pra- La mort elle-même résulte de ces trois, car si
tiquent la médecine. Et puisque tu es un adepte la vie se retire des trois substances primaires ) .
de cette science, et certes non le moindre, tu ,_ . dans L'union desquelles l'homme existe, il doit
découvriras, en acceptant et en propageant la mourir. •
vérité, bien d es choses concernant l'éte rnel : et « Par conséquent, de ces trois primaires pro-
tu n'en seras pas moins un promo leur de vé- cèderit toute cause, toute origine, etcompl'éhen-
rité dans les questions coueernanl le corps, e1f ' si ~ des maladies ; leurs symptômes, le urs dé-
lequel réside l'éternel. » ",, '
.vcloppernents, leurs caractères spécifiques, et l
Les deux livres développont lu théorie de Ho- toul ce qui est essentiel à savoir pour un doc-
henheim, théorie qu'il porln d1111s l'intellectuel, ll ~ t11· ... »
le Rpirituel, a11Ksi bi1111 quu clnns les parties du « Dieu a façonné la médecine de manière à ce
mo11de mutériel do 1'1101111110, <lu 111aerocosme et qu'elle ne puisse être consumée par le feu. Il a
du microcosme 1 1111sKi formé le physicien afin qu'il naisse du feu.
« Ces ta·ois, écrit-il, forment l'homme, sont <:nr Io physicien est formé par la science e l non
l'homme, et lui est en eux, recevant d'eux tout pur lnl 1110mo ; u'ot1t pom· celle 1·aison qu'il doit
0

ce qui est salutaire e t tout ce qui est ,nuisible 1\lmllar LonLo Ill n11t111·0, 't lu nature est l'Uni-
au corps physique. v1 i' ltv 11 &u11L o qu'il uontl,mt. Mols <fl•'il ne
« Il faut donc que le médecin connaissè ces, uh ruh ri n. ft n11 11 p1·011ro 1mvoh·, ,,.,·11 dé-
trois principes , comprenne leurs combinaisons A hl lum r ll6 lu 11t1tm•.,, l'ô1uwignc-
1111t1V11«'1
leur confirmation et leur analyse.Car en ces trois m JU U Ml fllllOI MOO g1 crnlor d'nho11clunce.
1
, ..
résident toute la santé, toute la maladie, en- c or •Jllf Io Ill• dooln L1•011vo1•11 devu11t lui la .,- _,,._'
_

tière ou p~rtielle. En eux on découvre le çlegré llllLlll' y l 1 llll'M' 11umL OllVOl'LU, ulo1·8 l'ori-
de la santé ou celui du mal; le physicien ne ha d 11 nualtulh L d lu 81111tl1 no sera plus
doit négliger, ni le poids, ni le nombre, ni la me- b Ur 1 , Ou m Ill nt fJU'll est un docteur par ··;:-:
·~ '

sure du mal. C'est d'eux qu'il estimera la source . Il m d 1110 f il l fltlfl(lll OIUOlll, Ol que celte
d'où il dérive, et il est de la plus grande impor- 101 uu · 11L IJIUff 1molcmuo 'luo lui, il est issu
u

1 ·,
LA VIE DE PARACELSE
OPUS PARAMTl\UM
d'elle, non pas elle de lui. Qu'il recherche et
çonn(~. La science expérimenlale est l'atelier de
s'inslruise dans la science qui l'a formé, et non
Vulcain, la forge au feu de laquelle tout se per-
en lui-même. » fectionne.
Paracelse démontre que la plus belle intelli- ,..
c Il y a denx espèces de savoir, dit-il; celui
gence vient au monde ignorante. Elle peut être
pnr l'expérience, celui de notre intelligence per-
suprèmemenl adaptée à contenir les trésors de
H01111elle. La science par l'expérience est dou-
la science, comme une cassette bien ajustée est
ble : l'une est la base et le maître du médecin;
propre à renfermer le trésor dont un hom . e l'nntro eRt son induction en erreur. Il reçoit la
voudra la r·emplir. Et le prœclariam ingenium
est vide comme la cassette, jusqu'au moment ou
l'homme qui désire devenir un docteur la rem-
plit des fruits de ses i·echerches, de son adresse,
et de sa science.
Tout co qu'il a acquis cl expérimenté, il le
renferme en son intelligence et s'en se1·t !!U mo-
ment opportun. Paracelse illustre cette compa-
,
l
..
raison des métiers du verrier, de l'ébéniste et
de l'architecte.
c La belle intelligence est la cassette de la
médecine, mais le trésor qu'elle doit enfermer
provient du feu de l'expérience, comme le verre
du feu qui a aidé à le souffler. L'épreuve du
docteur réside en ce que sa science et son adresse
sont acquises par le feu de l'expérience. »
Il donne à l'expérience, ou aux expériences le
nom symbolique de Vulcain, non pas un dieu,
mais un artisan qui complète ce que D~eu a fa-
244 LA VIE DE PARACELSE OPUS PARAMIRUM 245
de l'âme appartiennent à la foi; toutes les con- ne guérira point la chaleur, ou la chaleur le
ditions du corps sont visibles. froid. Ce ·serait un désordre complet si nous
« C'est à cause de ces erreurs, de cette foi cherchions les cures dans les opposés. Lors-
trompeuse que beaucoup de ceux qui s'écrient: qu'un enfant demande du pain, on ne lui donne
Seigneur, Seigneur, ne sont pas entendus. » pas un serpent. Dieu nous a créés, et Il nous
Dans les chapitres suivants, Paracelse expli- donne ce que nous demandons, non pas des
que les trois substances primaires et les mala- serpents. Ce serait un mauvais traitement de
dies qui dérivent de chacune d'elles, avec de fré- donner des amers lorsque le sucre es t néces-
quentes références à la théorie des quatre saire. La bile doit avoir ce quelle réclame tout
humeurs de Galien. Il expose l'erreur de .cetle comme le cœur, le foie. C'est un des piliers
théorie non contenue dans la cassette de la fondamentaux sur lequel doit s'appuyer le
vraie médecine, mais procédant d'une source médecin, de donner à chaque partie du corps
terrestre et inauthentique. De sa propre théorie le médicament spécial qui s'harmonise avec elle.
il développe le sy11tème hon1éopathique de 8i- Ainsi le pain que mange l'enfant à une anatomie
milia-Similitus. pareille à la sienne, et l'enfant, pour ainsi dire,
«Qu'est donc le goùt sinon un besoin de l'a- mangesapropresubstance; c'est pourquoi cha-
natomie, pour lequel rien n'a d'importance, que maladie doit avoir son médicament con-
sinon d'atteindre son pareil ? Il en suit que ce forme il elle-même. Celui qni ne connaît pas
Gustus est distribué dans i~ut membre du corps, bien l'anatomie hésite 1\ agir s'il est honnôte ;
chacun désirant son pareil ; le doux réclame le mnis combien plus dangereux sont cenx dont
doux, l'amer réclame l'amer, chacun à son de- l'honneur est précaire et qui vont jusqu'au
gré et à sa mesure, comme ceux contenus dans crime et à l'infamie. Ils sont les ennemis de
les plantes douces, aigres, amères. ln lumière de la nature... Quel est l'homme
« Le foie demandera-t-il sa médication à la nssez aveugle qui, demandant du pain à Dieu,
manne, au miel, au sucre, où à la fougère po- 8Coepterait du poison ? Si tu es expérimenté,
lypode ? Non, car l'espèce recherche son es- lnALruiL en anatomie, tu ne donneras pas une
pèce. Dans l'ordonnance anatomique, le froid plorro au lieu de pain. Sache bien que tu es
14.
LA vrn DE PARACELSE OPUS PARAMIRUM

plulôt le père que le médecin de tes malades ; des criminels qu'on avait pendus, mais il ès- ' \
nourris-les donc comme un père nourrit son timait peu lenr travail et leurs résultats. Pour
enfant. Tel qu'un père doit pourvoh aux be- lui, seul le corps vivant révélait les processus
soins de son enfant et lui donner la nourriture vivants ; le cadavre changeait trop rapidement
appropriée, ainsi le docteur doit pourvoir aux pour donner des faits authentiques. Mais ce ' ', !

'!
besoins de ses malades. » fut seulement après la mo1·t de Paracelse que
Hohenheim termine le chapitre cinq, par une le terme «anatomie » a pr'Ïs sa valeur moderne,
invective contre les potions, les drogues et les datant des découvertes d' Andreas Vesalins qui
usages courants, et donne la garantie de , la hardiment disséqua le corps humain vers 15-\~.
propre parole du Christ, pour l'emploi de l'huile Hohenheim donne sa propre approbation de
.;
et du vin contre les blessures. l'anatomie dans le sixième chapitre de l' < Opus
''Lo Christ qui est la Vérité ne nous a point Paramirum ».
donné de faux remède mnis un remède com- « Il y a trois anatomies à faire de l'homme ; '/
' '·
patible et mystérieux. Notre pensée est Join d'abord Localis, qui nous renseigne sur · la
de dire que le Christ ignorait la simplicia de forme, le proportions, la substance d 'un homme
la nature. Par conséquent 11l' huile et le vin doi- et tout ce qui s'y rattache ; la seconde décou- ''
vent être efficaces, autrement il n'y aurait pas vre le soufre animé, le mercure fluide, le sel
de base en médecine ... Il est évident que le acide dans chaque partie ; et la troisième nous
grain de blé ne donne point de fruit .à moins renseigne comment une nouvelle anatomie, celle
d'ètre mis en terre pour y mourir : Ainsi la de la Mort, survient, Mortis A natomia, de quelle
terre devient la blessure, et l'huile et le vin le manière et sous quelle forme elle se présente.
grain. > . Car la lumière de la nature démontre que la
Le mot « anatomie » implique chez Para- mort apparaît sous autant de formes qu'il y a
celse quelque chose de différent de son emploi d'espèces nées d es éléments; autant de formes
moderne. De son temps il y avait des anato- de corruption, autant de formes de la mort et
mistes ; il les avait vus à Montpellier, Paris, comme chaque corruption en engendre une au-
Salerne et en Allemagne, étudiant les cadavreA tre, l'anatomie est requise. Elle vient en des
OPUS PARAMJRUM
'U8 LA VIE DK PARACELSE

formes diverses jusqu'à ce que nous mourrions


~ ,. '
rcn 1se son commencement dans la découverte
de la décomposition du prisme par Sir Isaac
les uns après les autres, consumés par la cor-
Newton, dont les expériences sont incluses dans
ruption. Mais au delà de toutes ces anatomies,
son traité sur l'Optique, présenté en 1675 à la
il y a aussi une science uniforme dans l'anato-
Société Royale de Londres. ·
mie de la médecine et au delà de tout il y a
c Les lignes obscures que Newton ne vit point
le firmament, la terre, l'eau et l'air : là l'anato-
dans le SPBCTRUM solaire, furent décrites en
mie est mise en une action nouvelle en laquelle
premier par Wollaston en 1792, et vers 1810
le ciel et les astres prennent part. Saturne
Fraunhofer réalisa un grand progrès, faisan~
donne son Saturnum, Mars son Martem et jus-
une carte d'environ six cents lignes. Plus tard
qu'à ce que ces éléments soient découverts, la
la voie fut préparée par Foucault, Balfour
Science et la Médecine ne sera point entière-
~tewart, Angstrom, et des conjectures prophé-
ment révélée. Tout comme l'arbre se développe
,,
'' tiques furent faites par Stokes et Lord Kelvin.
d'une graine, ainsi npparattra en une vie non·
velle tout ce qu( nnjo11rd'hui cAl inviAibl1>, car « Mais ~e furent Kirchhof e t Bunsen qui en
1859, à Heidelberg, prouvèrent les premiers que
cetto vio existe el Io jour vinndrn 011 elle sera
les lignes obscures dans le spectre solaire
visible. Car ln lumlùrt) de ln nature est une lu·
sont produites par l'absorption des vapeurs des
mière qui ouvrir•n leR yeux des hommes n' étant
mèmes substances, qui lorsqu'elles sont ré-
ni obscure ni ()onf11Ho ; et le jour viendra où
chauffées conformément, produisent les lignes
nous saurons l'niro usage de nos yeux pour voir
lumineuses correspondantes. Et en outre, que
les choses qu'il 11011s faut connaître. Les choses
beaucoup des vapeurs solaires absorbantes
ne seront pas différentes de ce qu'elles sont de
s~nt celle~ de substances de la terre. Ces expé-
nos jours; o'e~l nous qui serons autres et capa·
riences memorables marquent la naissance d e
hlcs de les mieux voir, « et ce jour-là la lumière
la science de l' Anafrse spectrale. .
de la nature d onnera la vision à tous jusqu'à
«. L'extension de cette science aux étoiles e t
l'humble paysan » .
Ma vieille amie, Lady Higgins écrit: « L'ac- autres corps célestes suivit de près. Les fonda-
complissement de cette prédiction remarquable a teurs effectifs de la spectroscopie stellaire en
OPUS PARAMlllUA1
250 LA VIE DE PARACELSE
vrircut dans les étoiles, non seulement de nou-
1862, furent Sir \Vi Il iam H.uggins en Angleterre,
velles preuves des éléments chimiques, tels que
auquel s'as1wcia d'abord le professeur W. A. nous les connaissons, ou que nous pouvons
Miller ; le Père Secchi en lt.alic. L'œuvre princi- modifier, mais ils découvrirent des faits relatifs
pale de Secchi fut l'examen d'environ quatre à l'hydrogène, alors inconnus à la chimie ter-
mille étoiles, et leur distribution en quatre restre. Quelques années plus tard, ces faits nou-
classes ou types, œuvre des plus utiles. veaux furent vérifiés dans son laborntoire, par
« Le travail de Huggins et de Miller est d'un
Cornu. »
car~ctère plus pénétrant et plus vaste ; il con- Ces dates d'appui me furent envoyées ex-
siste premièrement en un plan élaboré des lon- pressément pour illustrer l'intuition inductive
gueurs ondées du spectre des éléments chimi- et merveilleuse de Hohenheim. La « Lumière
ques ; secondement d'une carte d'un grand de la nature »le fit vorn ni obscurément ni con-
nomhrc de spectr·es stellaires, et leur compa- fusément.
rniso11 nv<~c ks Hp11clreR chirniqnnfl. Cet ouvrage Paracelse dans le reste du fameux chapitre
ful le dôhut de I'A8lro1il!ysir11w. condamne la pratique des noms appliqués aux
« Les spectres des planèles invesl.ig11(~es maladies et basés sur un seul symptôme. Il vou-
d'abord par Huggins, le furent ensuite par Vo- drait qu'elles prissent leurs noms soit del' origine
gél. Il fut démontré que l'atmosphère de Mars de la substance, du cours d e la maladie, de
est très similaire à la nô tre. Le spectre de Sa- son traitement, et il termine par un appel aux
turne a des parlicnlarilés sp éciales, quoique on membres des professions médicales et Lhéolo-
y trouve de nombreuses lignes de Fraunho- giques afin qu'ils ouvrent leurs yeux et voient
fer. l'œuvre magnifique de Dieu en tout ce qui con-
« Plus tard, et par des recherches astrophy- cerne et le corps et l'âme. «Car, diL-il, les deux
siques nouvelles, commencées en 1870, dans la professions ne peuvent être séparées l'une de
région ULTRA VIOLETTE du spectre, peut-être seu- l'autre ;. le corps étant la demeure de l'àme
lement par la photographie (l'œil étant incom- '
par conséquent l'une dépend de l'autre, l'une
pétent à voir au delà d e certaines longueurs révèle l'autre. » Le8 derniers chapitres du livre
d'ondes), 8ir William et Lady Huggins déoou- ' t'

-------= ----r- ---------·--·-- ··-· --- .


LA vrn DE l'ARACELSE 01'11 14 l'AllAMllllJM

se rapporlent aux merveilleuses forces cachées four est on lui pour restaurer la forme, uult'"-
par lesquelles s'achève Je développement de ment il ne peut exister. D'où il suit que la nu- . ..
toutes les créalures vivantes, selon le type de trition de chaque type modelé a eu lui-même la
chacune: forme, en laquelle il peut se développer et se
« Une graine conlient un arbre, mais ce der- subvenir. La pluie renferme en elle l'arbre, et
nier ne peut pousser que dans la terre.'La terre la sève <.le la terre également ; la pluie est sa
est l'artisan qui fera visible ce qui est invisi- boisson liquor terrœ, la nourriture par laquel10
ble ... Toute notre nourriture devient nous-mê- l'arbre se développe. Qu'est-ce alors qui pousse 'l
mes ; nous mangeons pour e:cister~ et de même Ce que l'arbre absorbe de l~ pluie et de la sève
dans la maladie, avec cette différence que le de la terre, devient le bois et l'écorce ; l'artisan
remède doit être conforme au caractère du mal. est dans la semence, le bois et l'écorce sont
Tout ce qui est consumé a\ l'élat sain, est rem- dans la liquor terrœ et la pluie : le modeleur .
. pincé dans chaque parlie par elle-même et en contenu dans la graine peut faire du bois
elle-môme. Ne vous en élonnez point ; l'arbre grâce aux deux •..
qui s'élève dans un pré, ne serait point un ·ar- Ilen est de même pour les plantes. La semence
bre s'il lui manquait la nourriture. Qu'est donc contient le germe en lequel sont la forme et l'ar-
la nutrition? Ce n'est point seulement la nour- tisan, le type et les qualités spéciales. Si elle
riture, le gavage, mais c'est la subsistance de la doit se développer en une plante, la pluie, la
forme. Qu'est donc la faim? C'est le« memento rosée et la liquor terrœ le feront, car c'est en
mori » dans l'avenir, par la dépense des forces. elles que sont les tiges, les feuilles, les fleurs, etc.
La forme est moulée par Dieu lui même dans le «Evidemment il doit y avoir une forme exté-
corps de la mère. Ce moulage reste fidèle à la l'ieure dans toute nutrition de croissance : et si
forme de chaque type. Mais il s'use et meurt nous ne la recevons pas, nous ne pouvons croî-
sans l'accroissement du dehors. Celui qui ne se tre, et nous mourons dans la forme qui a été
nourrit pas ne peut croitre, celui qui ne se nour- négligée. Et lorsque nous sommes adultes, nous
rit pus ne peut vivre. Il est donc évident . que devons conserver notre forme, de crainte qu'elle
celui qui vit existe par la nourriture, et le mou- ne dépérisse. Car nous portons en nous ce qui
15

- ·r
Ol'IJ tl l'Al\AMIRllM
LA VIE DE PARACELSE
1

est analogue au feu et qui consume notre être. tée dun11 du L)l)it1, dont 1·ien ne se dl1100rue d 1•
Si nous ne suppléions à la forme de notre corps bord.
c C'est là la nourriture qui, une l'ois pénétrée
et ne le soutenions, il mourrait par négligence.
Donc ce que nous mangeons devient nous-mê- dans le corps, se répand dans toutes ses par-
mes, afin que nous ne mourrions pas de dépéris- Liesabondamment ; le grand Artiste la distribue.
sement : de cette manière nous mangeons nos Celui qui ·créa l'homme la répartit entre les
doigts, notre corps, notre chair, notre sang, no- membres. Or nous savons que nous nous mau-
tre cerveau, notre cœur et cœtera. Chaque bou- geons nous-mêmes, ainsi que chaque arbre,
chée que nous faisons contient en elle-même chaque créature animée, mais n.ous devons
tous nos membres, tout ce qui est inclus dans apprendre en plus ce qui en résulte, concer-
le corps humain, tout ce qui le constitue ... » nant la médecine ... Nous ne mangeons ni les
«Lorsque l'été est proche, les arbres devien- os, ni les vaisseaux sanguins, ni les ligament.s
nent affamés parce qu'ils voudraient produire et rarement la cervelle, le cœur, la graisse.
leurs feuilles, leurs fleurs, leurs fruits. Ils ne Donc les os ne forment pas nos os, ni la cer-
contiennent pas ceux-ci. Est-ce que les arbl;es velle notre cerveau, mais chaque bouchée les
coupés produisent des feuilles comme ceux qui contient tous. Si l'os est invisible, il n'en est pas
sont plantés dans la terre. Ils se tiennent dans moins présent. Le pain est du sang ; mais· qui
le sol où ils recoivent ces choses dans leurs for- donc le voit tel ? Il est également la graisse,
mes spéciales, où l'artisan les modèle selon mais qui le voit ? ... Mais le maitre artisan de
chaque espèce :i c'est là sa contribution. » l'estomac est habile. Du soufre il tirera le
c Sachez donc que pour préserver leur forme fer, qui est du soufre : il est là sans cesse,
et leur type de la destruction, toutes choses vi- modelant l'homme selon sa forme. Il peut
vantes deviennent affamées et altérées ... extraire des diamants du sel, et de l'or du mer-
«Il y a deux êtres dans chaque homme : le vi- cure, mais il est plus inquiet en ce qui con-
sible el l'invisible; celui qui est visible est dou- cerne l'homme que des choses, de sorte qu'il tra-
ble, le corps et l'àme ; celui qui est invisible vaille à Lout oe qui est nécessaire à l'homme.
est unique et corporel comme une figure sculp- Apportez-lui le maté1·iel, laissez-le le répartir, le

·- - --- ---- -·-- -.


LA VIE DE PARA.CELSE 0111)11 1 1 Al\AM1fl l)~

former tel qu'il doil ètre; il connait la mesure ; lmnent non m1 J111üloo, mais cm gra\<10 <'t en 1wlù-
le poids, le nombre, la proportion, la longuem·, re8. »
tout, enfin 1 Le chapitre huitième étend celle coneeption
«Sachez donc que toute créature est double ; _d e notre nourriture, de son c·enouvellement
..i'. ]'une provenant de la semence, l'autre de la <fUOtidicn, et conseille la modération en man-
'f nourriture : l'homme porte la mort en lui et geant, qui est incluse dans la prière de chaque
~~-
doit se foc·titîer contre elle. » jour « pas davantage que ce qu'il nous faut jour
Paracelse insiste sur ceci, démontre que le par jour ». De celle manière nous nous renou -
corps de l'homme, quoiqu'il lui soit donné velons. Mais comme nous nous servons d'en-
comme son dù d'abord, celui par lequel il est g- rais pour cultiver notre pain, la maladie peut
entretenu, lui est donné aussi par la grâce de en provenir, et si nous mangeons trop, plusieurs
Dieu. maladies peuvent en dériver, qui ne seraient
« Il reçoit sa premièt•e nourriture de sa mèl'e point résultées si nous avions observé le com- . ·ril

par l'amour maternel, et puis il la reçoit par mandement du Christ et Sa priè re. Contre ces
'· ' .
la grâce de Dieu, vers lequel s'élève sa prière maladies le médecin est pourvu ; car Dieu est
de chaque jour.« Donne-nous ce jour notre pain dément et pardonne à nos offenses. L e méde-
quotidien », ce qui signifie aussi, donne-nous cin est capable de protéger le corps, en lequel
ce jour notre corps quotidien ... C'est pour cela l'âme réside. La fonction du docteur esl une
que le Christ nous enseigna la prière tout comme, haute fonction, et non point aisée comme bien
s'Il ·eût dit : « Le èorps reçu de votre mère est des gens se l'imaginent. Car tel que le Christ
insufl:isant: il eût pu mourir aujourd'hui, ou hier délégua les Apôtres disant: «Allez en avant, la-
ou il y a longtemps : « C'est le pain qui est vez les lépreux, redressez les bossus, donnez la
en ce jour et dorénavant votre corps. Vous vue aux aveugles », le médecin est tout aussi .,
ne vivez plus par le corps dû en justice, mais anxieux d'accomplir sa tâche que les Apôtres.
par le corps de la grâce : priez donc le Père Cé- C'est pourquoi celui qui ne sait puriner la lèpre,
leste pour votre pain quotidien, qui est le corps n e connaît pas le pouvoir de la science ; celui
de la miséi·icoc·de : nous nous dévorons journel- qui ne peut redresser le bossu, n'est point un

-: ..... ..........• ··.!;.-'"':. .


OPUS PARAMIRUM
LA vrn DE PARACELSE

ui du Malin ; mais qu'elles restent occultes


docteur. Dieu n'a pas dé11igné le médecin pour
afin que les hommes fassent l'effort vers elles,
ne guérir que des rhumes, <les maux de tète,
car il y a tant de choses dans la nature que
des maux de dents, des abcès ; mniA n11Rsi pour
nous ignorons encore, en science, en savoir,
remédier à la lèpre, à l'épilepHio ol leurs pareil-
en sagesse.
es, sans exception. Toutes lcR HllhRtnnces bien-
« Toutes ces choses ne furent pas seulement
faisantes sont dans la tcwre ; ni les y poussent,
cachées dans la pomme défendue à Adam, mais
mais les hommes qui devralcnl lcH récolter man-
dans d'autres fruits qu'il eftt mieux valu ne point
quent. S'ils étaient là, les hommeA capables, non
découvrir. Dieu a défendu certaines choses, afin
pervertis par une sophh1tlq11c trompeuse, nous
d'en faire connaitre Ja puissance. La terre re-
pourrions guérir lcH 16pro11x 01 rcnrlre la vue
gorge de poisons contenant la mort et d'autres
aux aveugles. Mah1 la 111éthodA 1wltwlle et so-
matières contenant la vie. Elle produit ce qui
phistique de la m dool11(•, lnisHe 01whéR les mys-
donne les maladies, comme elle produit ce qui
tères de la nature et·· tonlôH H(IH V(ll'l11H secrètes,
donne la santé. Mais les recherches parmi tou-
Ces médecins jullllU ut leur ig1101·1111oe en dis.ant
tes ces matières sont rares, et l'effort vers la
telle et telle muladlo ('Hl incurahlc. Pur cctar-
science véritable est si minime. La profession
gnment il" no cléoonvronl pfli-1 sc1ilcmcnt leur
esl perdue par l'unique recherche des symptô-
sottise, mals 1111Hsl l1•11r duplicité. Car Dieu n'a
mes : elle suffit à produire les honoraires, c'est
permis à nuomw maladie de se produire sans
tout cc que désirent les docteurs. Puisque si
pourvoir nnx moyens <le sa cure. Avez-vous ou-
peu suf'llt, pourquoi feraient-ils des efforts ? Ce
blié que Dieu nous accorde notre èorps quoti-
qu'ils recherchent c'est le denier. i.
dien, el croyez-vous qu'il ne nous donnerait pas
c Le second livre de l'Opue Paramirum »con-
le moyen de guérir nos maux, chacun à son
siste ninHi quo le pr·ernier, en huit chapitres qui
heure '/ >
traitent en détail, des trois substances primaires.
La fin du chapitre se termine en nous rappe-
Dans le premier, Paracelse démontre qu'un grain
lant que la nature est mystérieuse cachée, qu'elle
de blé semble en apparence ne consister que
travaille par des voies secrètes à notre insu~ que
d'une seule substance ; mais en réaJité il est
ces voies ne sont ni la magie, ni la sorcellerie,
260 LA VIE DE PARACELSE
OPUS PARAMIRUM ~(11
composé des trois; el de même le corps humain
consiste en trois substances combinées de ma- autant de formes que le soufre et le sel. Mais
nière à former une unité. puisque l'homme doit avoir une forme com-
« Le corps, dit-il, est developpé du soufre, plète, les diverses parties doivent se coaguler, .,
. .,,~

c'est-à-dire que le corps entier est un composé devenir rigides et avoir leur fluide ; les trois ' ......
de soufre, d'un soufre subtil qui consume et forment et unissent le corps. C'est un seul corps, /

détruit invisiblement. Le sang est un soufre, la mais de trois substances.


chair un autre, les parties dè la tête un autre, <« Le soufre brùle, étant du soufre ; le sel est
la moelle un autre e t ainsi de suite, et ce sou- un alcalin, car il est fixe ; le mercure est une
fre est volatil. vapeur, ou une fumée, car il n e se consume
« Les différents os sont également du soufre, pas, mais se volatilise dans le feu. Sachez donc
mais celui-ci est fixé : chaque soufre peut se que toute corruption, dissolution, provient de
distinguer pat• l'analyse scientilique. Mais la ri- ces trois substances.» Paracelse em ploie encore
gidité du corps est duc au sel; sans le sel nulle son système à l'exame n des maladies, de leurs
partie du corps ne pourrait être saisie; c'est le variétés, de leurs traits saillants, de leurs con-
sel qui imprime au diamant sa texture si dure ditions, complexions, développements et de leurs
au plomb sa texture molle, à l 'albâtre sa texture
' cures.
douce, etc. Toute rigidité, toute coagulation Le second chapitre est consacré aux médi-
vient du sel. Il doit donc y avoir une espèce de caments dans les trois substances, et ù leut·s
sel dans les os, une autre dans le sang, une au~ usages spécifiques. On peut, par Io p1lt'agra-
tre dans la chair. Autant d'espèces de soufre, phe suivant, juger combien sa vue est cosmi-
autant d'espèces ·d e sel. La troisième substance que :
du corps est le mercure, qui est fluide. Toutes c I..es lrois substances existent clans les qua-
les parties du corps ont leur fluide propre : tre ôléments, mères de loulcs choses, car tout
· ainsi les os en ont un, la moelle de même, le procèdo d 'eux. Do 111 lorrc vitrnueut les plantes,
sang et la ch air le leur ; chacun a son fluide, les arbrue e l touteR leurR vm·iétés ; de l'eau, les
qui est le me1·cure. De sorte que le mercure a métaux, les pierres e l tous les minéraux ; de
l'air, la rosée el la 11rnune; <lu feu, le tonner_re,
16.
OPUS PARAMJRU'.\I
J,A VIE DE PARACELSE
d'alors avait un réel besoin, mais dont 1a valeur
le~ éclairs, la neig0 et la grêle. Et lorsque le n'a été comprise qu'après des siècles :
m1scrocosme est brisé et détruit, une partie se « Par conséquent, l'homme est son propre
transforme en terre, et si merveilleusement .médecin ; car s'i L aide la nature, elle lui octroie
qu'en. un court, délai elle porte des fruits , d es' le nécessaire par son jardin d'herbes, conforme
grames. qu on y a semées; et ceci le docteur <loi t aux besoim1 de son anatomie. Si nous considé-
le savoir. Du corps brisé vient également l'élé- rons et observons toutes choses à fond, nous
ment, l'eau; celle-ci étant la mêre des miné découvrons qu'en nous-mêmes réside notre doc-
l' h' . raux,
~ 1c 1m1ste peut en composer des rubis. Et la teur, et en notre nature sont toutes les choses
dissolution donne ainsi le troisième élément, le dont nous avons besoin. Prenez nos blessures :
feu, duquel on peut extraire la grêle. Et L'air qu'est-ce qui est nécessaire à leur guérison?
monte ~vec l'expiration du souffle, telle que la Rien, excepté que la chair repousse de l'inté-
buée
li qm se forme à l'intét·ieur d'un verre c 1os. rieur vers l'extérieur, et non de l'extérieur vers
y a une autre transmutation après celles-ci, l'intérieur. Par conséquent le traitement des
d émet toutes les espèes de soufre , d e ·se 1,
<1ui blessures est un traitement défensif afin qu'au-
e. mercure. Voyez donc combien il . est n,eces- cune éventualité du dehors puisse empêcher le
. de, rendre. visible le monde du microc osme,
sa1re travail de notre na ture. De cette manière, notre
~uisqu I1 conllent tant de matières salutaires à nature se guérit elle-même, se nivelle, se ré-
1 homme, son ellu-de-vie, son arcanum, son forme, comme la chirurgie le prouve au chirur-
baume, son liquide d'or, et leurs pareils. Tou- gien expérimenté. Car la mumia est l'homme
tes ces choses sont dans le microcosme et tel- en substance, la mumia est le baume qui guérit
les qu'elles sont dans le monde extérieur tell la blessure. Les mastics, les gommes, les ver-
Il . t , es
e es ex1s ent dans le monde intérieur ». nis ne produiront pas le moindre grain de
. 11 . se sert du terme d'alchimie idéale , pour chair. Mais il est du domaine du médecin de
stgmfier toutes les forces curatives qui résident protéger et d'aider le travail de la nature.
dans le corps humain, comme elles résident Le mot mumia qu'emploie Paracelse signifie
d~ns le corps de ~a ~ature. Puis suit un passage les forces de la nature dans le corps" la force
dune profonde s1gmfication, dont les praticiens

---·-----· ---......--
LA VIE l>E PARACELSE OPUS PARAMIRUi'\f

curative inlerno ; le mot n'a rien de commun La première est protectrice, la seconde c'u rative.
avec une coutume d'alors, celle d'ajouter quel- Si nous protégeons la nature, elle se sert de sa
ques fragments d'une momie, ou des bande- propre science, car sans une science . elle ne
lettes d'une momie à une potion destinée aux peut réussir. Mais lorsque les médecins recou-
malades. Browning fait allusion à cette cure bi- rent à leur science, ce sont eux qui guérissent. >
zarre dans les mots qu'il met dans la bouche Puis suit la forme en laquelle il concevait la
de Paracelse lors de sa rencontre avec Festus fameuse Idée de la Renaissance, celle du macro-
à Colmar. cosme et du microcosme, à laquelle nous de-
« Et répand le léger parfum de quelque vieux vons les pas initiaux qui menèrent à l'atfran-
linceul Egyptien que rongèrent les vers, et qui chissementde la physique et d e la métaphysique.
une fois déroulé tombe en poussière. « Puisque l'homme dérive des limbes, et que
« Cette réforme splendide de la chirurgie est les limbes sont l'univers, il suit que chaque sub-
expliquée plus amplement dans un ouvrage stance séparée dans l'unité, trouve son complé-
ultéricui·, sa «Grande chirurgie:., écrite en 1536; ment dans l'autre unité. Car si l'homme n'était
mais les découvertes appartiennent aux annèes point créé du tout, dans chaque partie du tout,
vécues au milieu des guerres en Hollande, en il ne serait point le microcosme, le petit monde,
Danemark et en Italie. Ambroise Paré qui, en· et ne pourrait attirer à lui tout ce qui existe
HS31, devait avoir environ vingt ans, fut le pre- dans Je grand univers. Mais puisqu'il est com-
mie r grand chirurgien qui adopta ce traitement posé du tout, tout ce qu'il absorbe du grand
rationnel, et il reconnaît tout ce qu'il doit à Pa- monde est partie de lui-même ; car il doit être
racelse dans la plus ancl\mne édition de ses conservé par la substance dont il est fait. Car
œuvres; cet aveu fut sanctionné par le D• Mai- tel qu'un fils est issu de son père, et que per-
gnan, en 18~0, lorsque l'œuvre complète de sonne n'aide le fil s aussi naturellement que le
Paré fut rééditée sous sa direction. père, de même les parties curatives du monde
« La puissance de la médecine », continue extérieur viennent en aide aux parties du monde
Hohenhei.m, « doit être comprise de deux ma- intérieur. >
nières: celle.dans l'univers et celle par l'homme. "'Le grand Univers a toutes les proporLions,

-------·-· --~----·----- -·-.·---


~- i66 J,A VlE DE PARACELSE OPUS PARAMIRUM i67
divisions, péU·lies, memb1·es pareils à ceux de l'univers, c'est-à-dire toutes les ve1·Lus du ciel,
l'homme ; et l'homme les recoit par la nourri- de la terre, de l'air, de l'eau. Lorsqu'il y a la
ture et par la médecine. Ces parties sont sépa- maladie dans un corps, toutes les parties sai-
rées les unes des autres par égard au tout et de nes doivent lutter contre le mal, non pas une,
sa forme. Dans la science, leurs corps pris dans mais toutes. Une seule maladie peut causer la
l'ensemble ~st le PHYSICUM CORPUS. Donc le mort de toutes. Voyez comme la nature lutte
corps humain recoit le corps universel, tel qu'un contre la maladie, de toutes ses forces. C'est
fils le sang de son père ; ceux-ci sont un corps pour cette raison que votre médecine doit con-
et un sang séparés seulement par l'âme, mais tenir tout le firmament des sphères supérieures
-dans la science, sans séparation. Il s'en suit donc et inférieures. Songez avec quelle énergie la
dans la philosophie de la nature que le ciel, la nature se débat contre la mort, puisqu'elle ap-
terre, l'air et l'eau sont un homme ; et l'homme }JClle à son secours toutes les forces du ciel et
est un monde avec le ciel, la terre, l'eau et l'air, de la nature. De même l'âme doit se défendre
tout comme dans la science. du Malin, de toute sa vigueur ... La Nature a
« Saturne recoit son microcosme saturnien en horreur la mort cruelle et acharnée, que nos
des cieux, J,upiLerl'eQoit son microcosme jovien ; yeux ne peuvent voir, ni nos mains saisir. Mais
la balsamine recoit son microcosme de baume la nature laconnait,_la voit, la saisit, elle emploie
de la terre; la giroflée recoÜ son microcosme de les puissances di vines et terrc11tres co11L1·e la
giroflée ; les minéraux puisent leurs microcos- Redoutable. Car la Camarde est tel'l'ible, hideuse
mes de l'eau, et la manne de l'air, ils sont tous et sans pitié. Dieu trouva son lits le Christ au
en union. Donc le ciel, la terre, l'air e t l'eau mont des Oliviers, suant le sang et priant son
forment une seule substance et non quatre, non père d'éloigner la Mort. N'est-il pas naturel que
deux, ni trois, mais une. Lorsqu'elles ne sont la nature l'abhorre'! Et la valeur de la médecine
pas unies, c'est que la substance a été violentée sera d'autant plus grande que la Mort sera
ou détruite.» mieux connue et les sages sont à la recherche
« Nous devons donc comprendre qu'en ad- du refuge contre la tant redoutée. »
ministrant des médicaments, nous administrons Dans le chapitre troisième, Paracelse s'étend
OPUS PARAmRUM 269
LA VIE OE PARACEJ,SE
plus de naissances que celles qu'on réalise, le
sur la mort, sa puissance et ses limites ; mais camphre et d 'autres plantes le démontrent et
dans le quatrième il revient aux trois substances du germe naissent les maladies de la vessie et
primaires et aux maladies dues à leurs cor- des reins; le tartre (acide) qui forme la pierre
ruptions. Il remarque parmi les maladies attri- est de même. »
·.,
buables au mercure, la goutte, la folie, la dé- « Nous ne pouvons déraciner ce qui est héré-
mence, les pustules, la syphilis, la lèpre et leurs ditaire, car le germe doit produire tout ce qui
pareilles. ./ est caché en lui. IL ne s'en suit pas que l'on
Dans le chapitre cinquième, qui traite du sel naisse aveugle par hérédité, mais quoique un être
et de ses variétés, il attribue à leurs corruptions
naisse aveugle, la vue peut exister en lui, sans
les maladies de la peau, éruptions, démangeai-
qu'elle ait pu se développer. »
sons, eczémas et la gale. « Si un homme a six doigts d'une main et
Le chapitre sixième explique l'action du soufre
quatre de l'autre, ou s'ils ne sont pas à leur
dans les quatre éléments comme l'origine des
place normale, rien ne peut l'en guérir, parce
maladies élé mentaires, qu'il classe en froides,
que la défectuosité est dans la substance du
chaudes, sèches et humides. ·
corps. Mais aucun docteur expérimenté ne peut
Le chapitre septième concerne les maladies
affirmer que l'aveugle ne peut ètre guéri, la na-
causées par d'autres conditions.« Ces maladies»,
ture étant si merveilleuse, et si la vue existe en
dit-il, «sont de deux espèces, celles qui sont la-
lui, la nature la rétablira. Car la vue est un éther
tentes dans le germe et celles qui résultent d'in-
qui n' a point de corps, et qui peut être guidé
fluences spécifiques: Tellès influences, produi-
vers sa place spéciale, d 'où quelque lésion l'avait
sent la transpiration, d'autres le relâchement ·
délogé. Les substances innées sont telles que
des intestins, la chaleur, etc., avec lesquelles il
la dureté du fer, ou la couleur de la chaux ; il
faut compter, étant des .états spécifiques : elles
n ous faut les accepter telles qu'elles se présen-
ne résultent pas de causes visibles, mais innées,
tent. Nous ne pouvons empêcher la neige de
et sont de te lle nature qu'un homme a la ten-
tomber, mais nous pouvons l'empêcher de nuire
dance à transpirer, un autre à ètre relâché et
à l'homme. Tout semblable es t le germe de
ainsi de suile. Sachez que du sperme, il résulte


i70 LA vrn DE PARACELSE OPWI PAflAMJR U ~r 271

l'homme, le limbo, qui est issu des quatre élé- t'IMt Ri haute que son image est dans les cieux
ments. Ces forces sont mieux dénommées des nvec tout ce qu'il fait, ou qu'il n'achève point,
influences, car telles elles sont. C'est une er- aYec ses qualités et ses défauts. »
reur astronomique de dire que l'i11tluence pro- «Mais z·inclinatio consiste en toute autre chose.
vient des astres. Le ciel ne communique pas Un homme devient gras, et l'embonpoint ne ré·
d'influences. Nous recevons notre forme direc- sulte pas de sa nourriture; ou il peut maigrir,
tement de la main de Dieu. Quoi que nous et toute la nourriture possible ne l'aidera pas
soyions, c'est le Créateur qui nous a formés à engraisser. Et les docteurs attribuent ces états
avec toutes nos parties, nos conditions, nos par- non pas aux influences spécifiques, mais ils dé-
ticularités, nos habitudes: nous les recevons par clarent avec les astrologues que c'est la mélan-
le souffle de vie qui nous les accorde. Toutes cholia d11e à Saturne dans l'ascendant. L'homme
les maladies nous atteignent par les trois subs- n'est redevable de rien à l'ascendant. Il est re-
tances déjà décrites, el dont chacune nous im- devable au limbo et il a été créé par Dieu, non
prègne, tel que le f'eu imp1·èg11e le bois ou la par l'ascendant ou les planètes ou les constel-
paille, ou le safran l'eau. Voilà l'influence ·que lations, dont aucun ne peut le contraindre à être
nous ne pouvons écarter de nous, par opposi- gras ou maigre. Il faut nous efforcer de bien
tion aux maladies qui prennent leur origine en comprendre ces maladies, pour pouvoir les dis-
dehors de nous dans le limbo. Les hommes par- tinguer des autres, déjà expliquées. Elles ~eront
lent d'un inclinatio ; ce sont là des absurdités. traitées dans leur chapitre spécial. >
Ils prétendent que l'homme . reçoit un inclinatio Dans le huitième et dernier chapitre Paracelse
de Mars ou de Saturne, ou de la Lune, etc.:·; va au delà du corps visible, constitué des élé-
c'est une erreur, une illusion. Il serait plus ra- ments, au corps invisible existant dans chaque
tionnel de dire.« Mars simule l'homme, l'homme homme, et qui lui fût insufflé par Dieu. C'est ..
' '
étant plus grand, plus puissant que Mars ou les par le corps invisible que l'homme peut pécher '.
autres planètes. Celui qui comprend le ciel et et inciter le corps physique vers le péché.
les hommes ne dit rien. i. Il pourrait dire : c Comme le disent les Ecritures, au dernier
« L'homme est si noble, sa place, grâce à Dieu, jour nous r essusciterons et nous serons appelés
· ',

'J$;
272 LA \'JE DE PARACF,LSE
OPUS PARAMIRUM 273
.1

à rendre compte de nos méfaits. Notre corps r


léméique, ni celle d' Avicenne. Mais je crains
invisible a péché et doit ressusciter avec nous.
les insultes rencontrées sans cesse sur ma route,
Nous ne rendrons pas compte de nos maladies
et les jugements prématurés, les coutumes, le~
ou de noll•e santé, mais des actes qui procè-
ordres qu'ils nomment Jurisprudence. A celm
dent du cœur, car ceux-ci concernent l'homme
qui a la vocation Dieu octroie le don : celui qui
et forment un corps, non issu du limbo, mais du
ne l'a pas, pourquoi m'en inquiéterais-je?
souffle de Dieu. Mais puisque nous verrons, en
Que le Seigneur soit avec nous, notre défen-
notre chair, Dieu nol~e Sauveur, il est évident
sem, notre bouclier en toute Éternité.
que le corps, formé du limbo, qui est nolre
«Vale •
corps matériel, sera également présent au juge-
ment dernier. Qui donc désire ignorer ces cho-
·'
ses révélées par la bouche de Dieu ?
....
« Nous ressusciterons dans notre chair, dans
·~·· le corps issn des r.1M110, qui a sa mesure et ses
fonctions, et cc qui dèpasse celte mesure vient
•,
du corps invisible qui va au delà des limites de
la nature. » .
. . . « L'O pus Paramirum » se termine par une
seconde dédicace à Joachim von Watt, où perce
toute l'amertume de Paracelse : « Qui a cru à
mes déclarations ?
« Étrange, nouvelle, étonnante, inouïe, voilà ·-
ce qu'ils dis ent de ma physique, de ma météori ..
que, de ma théorie, de ma pratique. Et comment
ne paraîtrais-je pas étrange à ces hommes qui
n'ont jamais marché dans la Lumière? Je ne
crains ni la foule des Aristotéléens, ni la Pto-
T

REPRISE DE LA VIE ERRANTE i7Cl


raieut être comprises que par ceux qui connai-
traient l'ensemble de ses écrits. Souvent il ex-
prima l'urgent désir que ses lecteurs devraient
se contenter de la lecture d'un traité ou d 'un
CHAPITRE XI volume. Les mots au« lecteur >avec lesquels il
préface son troisième livre du Paramirum sont
spécifiques à ce sujet :
Reprise de la vie errante
« Rudes et âpres sont les vents que s;oulève
la vérité contre ses disciples, et malgré tout,j'ai
Cette mienne vie toujours espéré que Celui qui aime l'âme de
li me faut la vivre t oute
Pour gng11er la toml>e, amplement méritée. l'homme, aime aussi son corps, que celui qui
sauve l'âme, sauvera aussi Je corps, et j'ai tendu
mon effort à travailler pour Je bien de tous.
Nous n'avons pas la latitude de parler· des au- Mais la basse jalousie des uns m'en a empêché,
lMs livres du« Pararnirurn »le but du biograp.he et ce fut un rude vent à soutenir. C'est pourquoi,
,..
i
a~tuel étant plutôt celui de défendr:e la gloire
lecteur, prends garde de ne pas me juger par le ~.

~\· .
d un grand homme, que de faire l'éloge des im- premi~r ou le second, ni même par le troisième
menses progrès qu'il irnprima à l'évolution des chapitre, mais observe-moi jusqn'au bout, et
recherches scientifiques. mets à !'~preuve par ton propre jugement, ce . {

Lorsque ses œuvres seront traduites cor'nplè- dont il s'agit en ces pages. Ne sois pas effrayé
< ' - par ce que je traite, mais considère et estime . 'j,,
tement en anglais, par un écrivain capable de <

mes écrits, sans faveur, sans amitié, les mesurant


les traiter, la part éminente que prit Paracelse
avec équité. Car par la prédestination divine,
dans la Renaissance sera reconnue et fixée à sa
juste valeur. d'autres livres suivront ceux-ci, édifiés sur ces
bases et ceux-là te renseigneront plus ample-
Il ~e. savait si bieu lui-même, que sa pensée
défimlave sur les questions transcendantes de ment ; c_o~'S<to~c celui-ci et instruis-toi à
la vie physique et de la vie spirituelle ne pour- sa sour/ . >
{

-"""~-....----..,---....- ---·--·--·-----.- ·------ ---,---:-.-.-. ---~.............--~


. .......
~ ' ·'
REPRISE DE LA VIE ERRANTE

raient être comprises que par ceux qui connai-


traient l'ensemble de ses écrits. Souvent il ex-
prima l'urgent désir que ses lecteurs devraient
se contenter de Ja lecture d'un traité ou d'un
CHAPITRE XI volume. Les mols au« lecteur >avec lesquels il
préface son troisième livre du Paramirum sont 'I:, .

Reprise de Ja vie errante spécifiques à ce sujet :


« Rudes et âpres sont les vents que soulève
la vérité contre ses disciples, et malgré tout,j'ai
Cette mienne vie
toujours espéré que Celui qui aime l'âme de
li me faut la vivre toule
Pour 11ug11er la lomue, umplomenl méritée. l'homme, aime aussi son corps, que celui qui
sauve l'âme,sauveraaussi le corps, et j'ai tendu
mon effor~ à travaille1• pour le bien de tous. ' ' .~,

Nous n'avons pas la latitudo do pur Ier des au- Mais la basse jalousie des uns m'en a empêché,
et ce fut un rude vent à soutenir. C'est pourquoi, .,
lr0s livres du« Paramirmn »le but du biograplie ,
.•.t

actuel étant plutôt celui de défendre la gloire lectem> prends garde de ne pas me juger par le
d'un grand homme, que de faire l'éloge des im- premier ou le second, ni même par le troisième
menses progrès qu'il imprima à l'évolution des chapitre, mais observe-moi jusqu'au bout, et
recherches scientifiques. mets à !'~preuve par ton propre jugement, ce
Lorsque ses œuvres seront traduites co1uplè- dont il s'agit en ces pages. Ne sois pas effrayé
tement en anglais, pa1· un écrivain capable de par ce que je traite, mais considère et estime
les traiter, la part éminente que prit Paracelse mes écrits, sans faveur, sans amitié, les mesurant
dans la Renaissance sera reconnue et fixée à sa avec équité. Car par la prédestination divine,
juste valeur. d 'autres livres suivront ceux-ci, édifiés sur ces
Il le savait si bien lui-même, que sa pensée bases et ceux-là te renseigneront plus ample-
définitive sur les questions transcendantes de
la vie physique et de la vie spirituelle ne pour- sasoaï .
ment ; r:Zemls-d.onc celui-ci et instruis-toi à
> \
,,

276 LA VIE DE PARACl!:LS E REPRISE DE LA VlE ERRANTE 277


Lorsque le premier et le second livre du Pa- ble, sublime comme celle des prophètes et defl
ramirum furent achevés, Hohenheim quitta Saint· psalmistes d 'Israël.
Galien et resta quelques mois sans écrire sur Il vécut plusieurs années en Suisse, surtout
la médecine. Il s'adonna à la prédication des à Appenzell, mais il est difficile de suivre sa
Évangiles et surtout à l'enseignement et la dis- trace, el. ses allusions à ce temps-là sont va-
tribution de la Bible. Il mentionne dans le gues. On suppose qu'il résida longtemps dans
troisième livre qu'il renon<;a à la médecine pour la commune d'Urnœsch, changeant d e lôgis à
exercer d'autres professions. Il errait au travers intervalles. En 1838 plusieurs maisons gardaient
du Canton d'Appenzell et de ses montagnes, à encore la tradition de l'avoir abrité.
la recherche des pauvres, des malades, et pen- Il est probable qu'il partagea trois années
dant qu'il soignait ces derniers, il leur racon- entre Urnœsch et Huntvil, où en' outre de son
tait la bonne nouvelle, qu'on Leur cachait de- travail de prédicateur, il recommen<;a à écrire.
puis si Longtcmp~. Ce labeur actit de mission- Non seulement il compléta son c Paramirum »,
naire médical explique les calomnies répan- son « P al'agranum »mais il continua sa c: Grande
dues contre lui, par les prètres et les n1oi- Chirurgie ».
nes. Lorsqu'il quitta Urnaesch il y laissa un porte-
Non seulement des corps académiques se li- fe uille rempli d'écritures, que possédait uu
guaient pour opposer son enseignement, pour homme qui mourut en 17ti0. · Les héritiers ne
le détruire, mais l'Église Catholique prit part pouvant s'accorder lequel d 'entre eux h~riterait
dans ces méprisables intrigues. Seuls, les hom- du tout, se partagèrent les écrits. Les uns trai-
mes émancipés du double joug, les plus nobles taient de sujets religieux, en latin, l'un intitulé
fils de la Renaissance étaient les amis de Ho- Quon SANGUis ET CARO CHRISTI s1T IN PANE
henheim. S'il eût été l'impie imbécile que ses ET V INO et l'autre, également sur la Sainte Cène,
ennemis proclamaient, ils ne l'eussent pas craint était adressé à ses amis sympathiques d' Appen-
comme ils le faisaient. zell, avec lesquels il s'était assis à la table de la
',
V
Paracelse était un homme d'une profonde Communion dans un hameau appelé Roggen-
connaissance spirituelle, et d'une Foi inattaqua- halm près de Bühler, petit village _voisin de
16

/
/~ 1.

• 1
~78 LA VIE DE PARACELSE REPRISE llF. LA VIE ERRANT E i79
Gaïs. Il est avéré qu'il errait de commune en il ne lui resta pas d 'aulre alternative que de
commune, parcourant plus de pays que, ses al- quitter, en hâte, la Suisse une deuxième fois.
lusions ne l'indiquent. Faut-il s'étonner qu'il renia ce pays comme
Son travail combinait les occupations du col- patrie, et réclama plu tôt Villach qu'Einsiedeln
porteur, du médecin ambulant et du pr~dica­ comme son foyer ?
teur. li prit la fuite au commencemen t de 153.\
« Ici •,dans ce pays d 'Appenzell, dit le D' Ju- dans une telle misère que ses vêtements tom-
lian Hartmann, il se réconfortait avec ses com- baient en haillons. li dut prendre la route à
pagnons par l'Evangile, et /onversait des cho- travers les montagnes par la vallée de l'Inn
ses éternelles ; là il soignait les pauvres et les pour gagner Innsbruck. ;
malades qui avaient un si u~gent besoin de sa Là il r eprit sa profession , la pratique de la
science, comme il l'exprime si noblement. « Je médecine car « le corps en lequel habite l'im-
soignais les corps en lesquels réside ce qui est mortel », vit de pain, e t combien pénible le gain
immortel. > en avait é té pendant son travail de prédicateur .
Ce fut cette occupation du réconfort spirituel, li s'adressa au bourgmestre d 'lnnsbruck pour
tout autant que corporel qui ralluma le feu de obtenir le droit de pratiquer dans la ville, mais
la persécution. Cette fois ce furent les prê~res on le lui refusa, prétextant qu'un homme en
qui s'acharnèrent contre lui, et leur ressenti- haillons ne pouvait être un docteur. Ah! s'il
ment fut tel, qu'ils poursuivirent mê me les se fût présenté en toge cramoisie, avec une
hommes qui recevaient Paracelse chez eux. Leur chaine et des bagues en or , on n 'eût point con-
animosité réduisit le grand savant à la pire mi- testé ses Litres uni versitaires. Mais Paracelse
sère, tout lui manqua: le gite, la nourriture, les n'était point un adepte de la Philosophie du
vêtements, car lorsque les prêtres persécutent vêtement. Il fu t toujours un peu négligent
un être, c'est avec l'arme lâche du terrorisme. sous ce rapport, mais au moment de cette crise
Jusqu'aux Amici et sodales qui, ap rès s'être il ér ait excusable. N'avait-il pas depuis de longs
assis avec lui à la Table . du Seigneur, l'aban- mois souffert des per ~culi ons, de la faim, de
donnèrent, intimidés par la furie du clergé, et la fatigue des voyages du manque d"un foyer ?

• l
280 LA VIE DE PARACELSE · REPRI SE DE LA VIE ERRANTE 281

On sent toute l'amertume amassée en lui dans remèdes. Le petit volume en quatre chapitres
le récit de l'incident qu'il raconte dans son « Li- ,1,1 fut présenté aux« Bourgmestre et Magistrats de
vre sur la Peste » publié à Strasbourg en 157G, Stertzingen >par Théophrastus von Hohenheim,
par Toxites, trente-cinq ans après sa mort. professeur des Saintes Ecritures et Docteur des
« Parce que je me présentais sans les falbalas deux médecines.
habituels de mes confrères, on me renvoya avec Son livre fut peu apprécié des notabilités ci-
mépris, on _me força à partir. Le bourgmes- viques ; mais il est probable que pendant son
tre était habitué aux docteurs habillés de soie séjour Paracelse pratiqua «-"Il connaissance du
n9ire ou pourpre, el non vètus de loques gril- fléau, et gagna suffisamment d'argent afin de
lées au soleil. » se pourvoir de vêtements, de nourriture et d'un
De nouveau il ne lui restait que la route; il gîte. Il se fit deux amis, les frères Poschinger
suivit celle qui, par le col du Brenner, conduit à avec l'un desquels il se rendit à Méran, où on
Stertzingen, où la peste venait de se déclarer à lui fit honneur et bon accueil.A Méran il termina
l'hôpital de la ville. Cela se passait en juin HS:H. son livre et y écrivit l'introduction.
En j ui\let et en août, elle faisait rage. Para- Ce fut pendant son séjour à Stertzingen ou
celse resta quelques semaines à Stertzingen, à Méran que son père, le Dr Wilhelm von Ho-
consterné par l'ignorance, . l'impuissance des henheim mourut ; mais la nouvelle ne parvint
docteurs locaux. au fils que quatre ans après. Paracelse voyageant
Dans ses premiers voyages il avait rencon- sans cesse durant ces années, les magistrats de
tré la peste; il en avait étudié les causes, les Villach perdirent toute trace de ses mouve-
conditions, autant que les traitements dans dif- ments.
férents pays. Il décida alors de mettre en écrit Toxites était natif de Stertzingen, et comme
sa propre expérience, son opinion pour le bien le suggère le D· Sudhoff, il vit et copia proba-
de la ville affligée, à laquelle il dédia son fü. blement le manuscrit original du « Livre sur
meux traité. Il ajouta à son diagnostic de la la Peste» qu'il fut le premier à publier.
peste une série de conseils par rapport au trai- . L'édition de Huser qui parut treize ans après, .
tement, et un nombre de prescriptions et de semble fondée sur celle de Toxites avec quelque
16 .

-~ .
282 l.A vm DF. PARACELSF. REPRISE DE LA VIE ERRANTE

ressemblance au liv1·e imp1·imé et à une copie l'ac tion puissante et continue est décrite danR
manuscrite. ) un petit volume dédié à son hôte, l'abbé Jehan
De Méran Hohenhcim <liriKllll ses pas vers Jacob Russinger. Ce livre fut imprimé l'année
Je pays montagneux voisin do Sterlzingen el suivante à l'instigation de l'abbé et il est men-
vers Salzburg ; il l'explora lrnvcrsaut le Col tionné dans la ,~ Chronique Suisse » de Stumpf
du Penser ju.squ'au Hohn11thu11cru, visitant aussi en 1548. Il porte le till'e « concernant les bains
le Krymlerthaue1·n, le Fclhtirth1111er11, le Fushk, de Pfefl'ers situés dans la Suisse . supérieure,
et le Raurischertl1a1wr11 ot. recouvra le Lemps leurs vertus, forces el effets, leurs sources et dé·
pe.rdu en étudiant les maladies d es montagnards. rivation, leur direction et leurs règlements par
Il fait allusion à col i11Lorvullo d'ascensions du le très savant D• Théophrastus Paracelsus ».
pays montaKncux dans ln premier et second li- Nulle trace de l'éditeur, ni de l'endroit où le li-
vre de sa « Ora11de Clii1·11rgie ». li décrit les vre fut imprimé. En 1571 le petit livre fut publié
syrnptùmcs des co11gélalio11s et u11lr<~11 maladies à Strasbourg par Toxites et imprimé par Chris-
de ces régions glaciales, et uussi lc11 remèdes. tian Muller, et dix-neuf ans plus tard, il fut in-
Puis il partil vers l'ouest, s'éloignant du .la- clus dans la septième partie de l'édition de ..,
byrinthe dénudé des monts du Thauem et prit Huser. Comme ce dernier ne donne aucune ré-
la route du Tyrol et dé la Haute-Engadine, férence à la source du livre, il est à présumer ·,,
s'arrêtant à Veltlin. Là il remarqua l'absence qu'il se servît de l'imprm1sion de l'abbé, comme -~~·· ~ ~
de la goutte parmi les habitants ; il fit une halte '1 l'avait t'ait ToxiLes, avec <fUclques changements , ' ''
": i
à Saint-Moritz, afin d'analyser les eaux des des expressions. Le trnilü fut t1·aduit en la- .d ,
sources célèbres. L e rapport gu'il fit de leurs tin en 1570, et des éditio11s ulté1·ieures à l'ori- .-:
qualités et valeur thérapeutique s'ajouta à son. ginal furent publiées en 1C)\)/i,, en 1619, la der-
registre des« Eaux naturelles ». En aoùt 1535, nière par l'abbé de Pfeffers, alors en fonction,
1
l'abbé de Pfreffers l'envoya chercher et l'invita c r, Michael von der Hohen Sax. Paracelse raconte
à demeurer au Monastère tant qu 'il aurait be- (
comment il vit les malades, qu'on descendait
l
soin de ses soins. Ce fut porir Paracelse l'oc- ) d'une maison en bois, surélevée sur les gorges
casion cl 'e~arniner une aqtre e&.u miqérale dont de Pfeffers dans les eaux curatives de la source,

·.
,·4.
·-·~ :·~~~~~~· ·-..:· : .~.t "' .~ ..• ;-,.. ,. "~ ·: -;, -~
28~ LA VlE DE PARACELSE
REPRISE DE LA VIE ERRANTm

Au commencement de septembre 1535 il quitta plJnes d'erreurs. Varnier n'avait pas ét6 Hifi
Pfeffers, pt•enant la route de montagne vers le attentif à la partie du contrat concernant la 001'•
Wirtemberg. Il fit de nombreuses ascensions, rection des épreuves, et elles se trouvèrent dé·
et dans le chapitre sur le. gel et ses dangers, il figurées sans retour. Paracelse quitta Ulm nvoo
mentionne le Saint-Gothard, le Splügen, l' Al- ses manuscrits, les porta à Augsburg, où il fit
bula, la Bernina, le Col du Haken. un arrangement pour leur impression aveo
Ce. dernier se trouve entre Schwytz et Ein- Heinrich Steiner. Varnier, de son côté, continua
siedeln, et cette occm·rence nous porte à croire son édition, en dépit de la condition lamentable
qu'il eut le désir de visiter le lieu d e sa nais- de ses épreuves, et publia « La Grande Chi-
~ance. Apparemment il fit une halte à Mem- rurgie :. l'année même, sous une forme défec-
mingen et sûrement une autre à Mindelheim tueuse.
où il guérit le greffier municipal Adam Reys- L'édition authentique parut à Augsburg en
sner d'une maladie dont il avait souffert du- 1536, le premier volume le 28 juillet, le second
rant des années. Toxitcs l'entendit dire par .... le 22 août. Paracelse s'était donné beaucoup de
Heyssner en personne. « Si vous prenez l~s .1 peine à la produire parfaite. Il dicta le manuscrit
deux médicaments prescrits, lui dit H.ohenheim, à l'imprimeur, surveilla en personne la correc-
vous n'aurez nul besoin des conseils d'un doc- tion de la presse, et fit connaitre au lecteur, dans
teur, bi~n des années à venir. » Reyssner les une préface, que l'édition d' Augsburg était la
prit, non seulement fut guéri, mais retrouva seule publication de valeur de son livre. Il fut
la santé jusqu'à une vieillesse avancée. dédié au « très puissant auguste Prince et
A la fin de 1835, Paracelse avait terminé son Seigneur Ferdinand, Roi de Rome et Archiduc
ouvrage le plus influent, « La Grande Chirur- d'Autriche » .
. gie ». Il était désireux de le publier à Ulm, et Les titres sont comme suit :
s'y rendit au commencement de 1536, empor- « Concernant la Grande Chirurgie, le premier
tant son manuscrit. Il fit un contrat avec Hans ·l
volume, par le savant et diplômé do9teur des
Varnier et l'impression fut commencée. Mais deux médecines, Paracelsus: Concernant toutes
lorsque les épreuves lui parvinrent, elles étaient les blessures résultant de coups d'épée, de

, 14'· •
286 LA vrn DE PAR ACELSE
REPRI SE DE LA VIE EltnANTE 287
d'une com·te épée, dont la pointe ressort du
chasse au fosil, ou de tir à la guerre, de brO.lu-
dos ; l'autre blessé est assis sur une bO.che, ia
res, de morsures, de fraction des os, et tout ce
tête découverte, avec de profondes blessures à
que la chirurgie comprend, avec la cure et la
l'épaule e t à la cuisse droite, d'autres blessures
connaissance de tous les accidents présents ou
à la poitrine, les deux mains coupées entière-
futurs, démontrés sans erreurs. Concernant les
ment, le sang coulant des moignons, pendant
découvertes de la science ancienne et de la
que sur le sol, devant lui, on voit les deux
science nouvelle, sans rien omettre.
mains, un heaume empanaché et une longue
« Concernant la Granqe Chirurgie, le second
épée.
volume, par le savant et diplômé docteur des
La gravure du second volume montre sur la
deux médecines, Paracelsus : Des contusions,
droite un homme malade, la cuisse gauche cou-
ecchymoses e t des ulcères suppurants, leur
verte d 'ulcères, la jambe allongée sur un pliant
cause et leur cure, d'après l'expérience éprou-
près duquel se tient un docteur qui soigne les
vée, sans c rrem·s, cl d 'expériences toujours en
plaies avec un onguent à l'aide d'une spatule;
progrès.
à gauche, un barbie r se tient debout dans une
« La dédicace du second volume est également
" attitude de pose, le pied gauche placé sur une
à !'Empereur Ferdinand, mais est un peu diffé-
banquette, un emplâtre étalé sur ses genoux :
rente d' expression.
é'v idemment il se considère le personnage im- '. j
«Au tr~s puissant, très auguste Prince et Sei-
portant de la scène. 1
gneur, F erdinand, par !a grâce de Dieu, R oi de
Sur le revers du titre, Paracelse s'adresse au
Rome, de Hongrie, de Bohème , Archiduc d' Au-
lecteur, et lui raconte sa mésaventure à Ulm,
triche, notre très clément Seigneur. »
et son désaveu de l'édition de Varnier, lui de-
Le pre~ier volume étî it illustré par une gra-
mandant de se servir de l'édition d 'Augsburg
vure sur b ois, occupant la moitié de la page :
qui a été corrigée e t amendée par ~'aute,ur.
elle représente une cour pavée, avec une porte
Aucun des ouvrages de Hohenheim , n eut au-
cintrée, devant laquelle sont deux chevaliers
tant d'éditions. Avant la fin du xv1• siècle, neuf
blessés. L'un gît près des degrés de la porte,
éditions avaient pal'U; parmi elles plusieurs ver-
avec une blessure à la tête, le corps fraversé

'•
,.

288 LA vrn DE PARACELSE


REPRISE DE LA VIE E RRANT!>

sions holland.aiscs, deux versions lalines, deux au commencement de l'année avec des informa-
françaises traduites de la seconde version la- tions du passé et des prédictions pour l'année
tine. De nombreuses éditiôns succédèrent à celle- future ; ces prédictions incluaient dans leurs
ci. Il est probable que ce fut dans la traduc- visées l'Empire, la Papauté, les Monarchies de
tion laline de Gérard Dorn, que le célèbre l'Occident, les Sultanats de l'Orient. Nous avons
chirurgien français, Ambroise Paré, apprit el déjà mentionné les prédictjons de Paracelse, pu-
s'assimila le traitement de Hohenheim, de~ bles- bliées à Nuremberg par Peypus ; de temps à
sures reçues à la guerre. Paré était un homme autre il reprenait ce genre de composition, mû
d' un tempérament semblable, et un de ses fa- en partie par la science acquise en ses voyages
meux dires eût pu sortir de la bouche de Pa- et en partie par son extraordinaire intuition du
racelse : « Je le pansais, Dieu le guérit. » développement des causes des événements.
Au mois d'aoùt en 1536, immédiatement Comme homme de science il avait abandonné
après la publication complète de son grand ou- les supers Litions astrologiques, mais comme mys-
vrage, Paracelse émit son c Pronostic des vingt tique il était conscient des dons qui l'unissaient
années à venir i., le dédia à !'Empereur Ferdi- aux voyants des anciens. Adonné à l'étude de
nand. Il fut imprimé par Henri Steiner à Augs- la Bible, il croyait aux pouvoirs des hommes
burg, et presque immédiatement traduit en la- qui, tels que lui-même, vivent dans la solitude
tin, par Marcus Tatitis, professeur de poésie à et en communion avec Dieu. Dans tous ses li-
!'Ecole Supérieure d'Ingolstadt et" ·t raducteur de vres les plus importants, nous retrouvons oetto
nombreux classiques. recherche attentive du savant scientifique, étroi-
Il éditait précisément alors un livre avec Hen- tement alliée au sens profond et inextinguible
rich Steiner, et c'est ainsi qu'il connut Hohen- du spirituel , par-dessus tout de Dieu l'omnipo-
heim personnellement. Une deuxième et une tent, l'omniscient, l'omniprésent.
troisième édition latine suivirent, mais les da- Si par les yeux et l'intelligence Pai·aoclse sut
tes manquent. putlemment maîtriser le livre de 111. nature, sa
Il était d'usage en ce temps, alors que les jour- oonsoience spirituelle lui révéla Dieu -qu'il re-
naux n 'existant point, de publier des almanachs ODDUL · dans la création visible, dane le pa11ô
,.,

..,_,,.--,......-~-- ------- -----.--


' '
/

~90 LA VIB DE PARACELSE


Mios illustrent la prédiction de Hohenheirn con-
hislorique, dans le présent réveillé, soulevé et
cernant ses œuvres. L'une présente le portrait
dans les éclairs de la révélation jaillissant de du docteur scolastique, orné iJ.e l'anneau d'or
derrière le voile. et autres splendeurs, disant son chapelet, mais
Paracelse savait que : borgne, et lié par les entraves de l'autorité au
. .
pomt de ne pouvoir regarder en arrière, deve-
'
Dans le for intérieur de l'homme surgissent nant rigide de fray eur à 1a vue d ' Azo.th, l'épée
, - D'augustes anticipations, des symboles, des types de Hohenheim, terrifié par la poignée surtout
D'une splendeur pâlie, toujours renaissants . '
au pomt de briser sa tête contre elle et de ré-
Dans le cercle éternel que la vie poursuit l
pandre le peu de cervelle qu'elle contenait.
L'illustration représente le misérable être
Le livret était illustré par deux gravures sur .
entoure de cordes entrelacées, tenant son Pa-
'
bois, l'une représentant un étudiant assis de- ter et écarquillant son unique œil. .
vant une chaire, tenant une sphère de la main Sur l'autre bord de la feuille volante est le
droite, et pointant la gauche vers le ciel. Par la
pendant de sa prophétie. Une tète d'enfant se
fenêtre ouverte, le soleil et huit étoiles sont vi-
.'.:',
lève du.sol dans l'angle gauche , et regarde avec
sibles, ces dernières symbolisant, sans doute,
,.. un vif intérêt un amas de livres, les uns inscrits
les huit firmaments. La seconde gravure mon-
·::-,
d 'un R. capital et l'un avec le mot Rosa, des
tre les quatre vents soufflant vers le centre. manuscrits roulés parmi les volumes. L'enfant
. i' Dans les« Pronostics »,édition de Ruser, qui se demande : c Que sont-ils ? »
:&' trouve dans le dixième volume de son ensem- Et la prophétie s'explique :
' I
' ',_ ble, il y a trente-deux gravures symboliques il- « Quelque vingt ans après ma mort, vous
t ~--
lustrant les prédictions, dont deux, comme le Lous, jeunes et vieux, saurez la valeur de ma
,'... dit le D' Aberle, furent reproduites dans une Mcicnce, qui à présent est méconnue. La vérité
feuille volante éditée en 1606.
l~ Cette feuille volante peut encore ê tre vue à
mettra son œuvre à jour ; toute la fausse mé-
l·.
i.
>.
la Bibliothèque de Vienne, et au Musée Carolina
dooinc sera détruite, et avec elle toutes les au-
lroR Kollises, et les hommes découvriront dans
! '
Augusteum à Salzbourg. Les deux feuilles choi-

,
.. ---- ·-
,-

292 LA VIE Dl' PARACELSE .REPRI SE DE LA VIE .E RRANT E


, 1 ~ ••

mes écrits toutes les forces bienfaisantes de 1a rieur de la science moderne, d écouvre un non·
terre et des cieux ,. . vel horizon, est acclamé, et à bon droit ; le . 'J, .
Cette prédiction se réalisa. Nombreuses fu- monde entier lui rend hommage. Mais cet
rent les éditions de Hoheriheim après sa mort. homme, qui déblaya la route et qui refusa d'être
Mais la réaction suscitée par la force de l'igno- !: louffé ou intimidé par i'é,, cendres et le bruit
rance maligne, arrèta l'influence de ces œuvres que suscita son génie iconoclaste, cet homme
splendides. - Pendant pi us de trois siècles, il fuL fiit persécuté jusqu'à ses derniers jours. li au-
accusé d'avoir emprunté ses vastes conceptions 1·ait pu s'écrier. « Nous, qui divertissons les
à des hommes qui n'étaient pas encore nés dieux~ sommes harcelés jusqu'à la mort. »
lorsqu'il mourut, ou dont les écrits ne parurent Sa vision resta claire malgré son immense
que vingt ans après son décès. lsaac Hollandu s labeur, ses privations et la poursuite agitée de
et Basilius Valentiuus furent les soi-disant pré- son but.
curseurs de Hohcnhcim. - Le premier naquil Qui donc serait venu à son aide, sauf Dieu
au plus tôt en 1660, et le second écrivit son auquel il resta attaché et auprès duquel il puisait
{ :
traité « Sur la Pierre philosophale »en HS\Hl. Il ees forces inestimables au prix de ce que le
est à présumer que les deux hommes puisèreul inonde ambitionne d'habitude. Il ne trafiqua pas
leurs principes dans les œuvres de Hohenhei,m . cl'nne seule pulsation de son âme pour quel-
Paracelse fut l'avant-coureur de tout progrès que honoraire, quelque récompénse. Ses livres _,_ ,.

scientifique du xv1• au x1x• siècle. Il n 'avait nu 1 •\Lniont entièrement issus de lui. A la «Lumière :~·•
besoin de la direction de ses contemp<>rains ' l.lln Nature» il alluma la lampe de la Science,
'•

au-dessus desquels il planait. IL refusa d'ètre uL l(rllco i\ cette lumière les hommes qui le sui-
aveuglé par la poussière des siècles, qu'ils con- vlr nt commencèrent à saçoir.
sidéraient sacrée. Il osa la dénoncer : « dn 1·e- lluhonheim revendique fièrement ses œu vres,
but » disait-il - il osa regarder la création de ' on <Uill 1\ ln foule Aristoteléenne s'exprime
Dieu avec la vision que leurs sophismes, leurs 11
' - '.
illusions, leurs duplicités ne purent ternir.
L 'homme qui de nos jours, du champ supé- ' 1

..
RllPRIS E llE LA VIE ERRANn~
LA vm D~: PARACELSE

Eins an<lcrn Knocht soli niemand seyn mortelle, car l'œuvre de Dieu ne sera révélée
Der für sichz bluyben knnn nllcyn. qu'à ceux qui regardent avec les yeux du corps
et les yeux de l'esprit tout ensemble.» Paracelse
C'était du reste sa devise favorite, soit en inclut dans cette compréhension de la nature,
latin, soit en allemand. On la rclt•ouve au- le côté mystique, autant que la perception in-
dessous de tous les portrait" peints de son vi- tellectuelle. Son néoplatonisme le portait à
vant. On peut Ja traduire, quoique moins vi- cetle dualité de vue.
goureuse que dans l'original : Pour Je commun des étudiants scientifiques
l'intervention de la connaissance mystique pa-
Que nul ne Moil Io vulet d'un autre rait contraire à la recherche exaùte ; mais Pa-
Qui peul i1e Hufflre à lui-même. racelse était poussé vers la recherche tout
autant par sa puissance spirituelle que par sa
Il en élargit le som1 dans son ouvrage « De force intellectuelle. L'imagination mystique a
Felice Liberalitatc • : toujours, par son instuition prophétique, avancé
«Celui auquel Dien octroya loA <lonA el Îa ri- les découvertes qui font époque dans les scien·
chesse n'appartiendra à anmm antre homme, ces de la nature.
mais il sera son propre seigne ur, et le maître « Tout être qui est pratiquement au courant . ~:-~
de sa volonté, de son cœur, afin que tout ce des travaux scientifiques», disait Huxley, sait
,. que Dieu lui a donné émanejoyeusement de Jui. » que ceux qui refusent d'aller au delà du fait,
V• •
·~ . : arrivent rarement au fait ; et quiconque a étu-
Il ne possédait ni l'argent ni l'or ; mais les
dons reçus de Dieu allaient de lui largement aux dié l'histoire de la science, sait, que presque cha-
autres. Ses livres furent parmi les plus précieux que grand pas a été fait par « l'anticipation de
dons qu'il Ut à l'humanitéet il fait valoir qu'ils ex- la nature :».
priment ce que Je_livre de Ja Nature lui révéla. Les anticipations de Hohenheim confirment
«C'est au médecin, insiste-t-il, à comprendre' u<lllc vérité, qui a été prouvée maintes fois.
Ja nature, non seulement la nature terrestre et I...n qualité d'intuition est particulière à la pen-
. , mortelle, mais aussi celle qui est divine, im- " e orifol'inale, en quelque champ qu'elle opère .
296 LA VIE DE PARACELSE
RF.Pnl l'E DE LA VIE E RRANTE 297
Afin de comprendre Je point de vue de Pa-
racelse, il faut nous rappeler que la Renais- nuque! préside une Sur-Ame suprême et les
_sance du néoplatonisme au moyen Age est due nmes qui ont le pouvoir de la pensée; ces âmes
à Cornélius Agrippa de Neltesheim, né à Colo- tendent plus haut ou plus bas et changent en
gne en 1486, et qui avait sept ans de plus que oonséquence. Celles qui tendent vers le plus
Hohenheim. Entre Je v1• et Je xv• siècle, il y haut se purifien t, se spiritualisent. Il est essen-
eut une interruption complète de l'enseigne- tiel de connaître afin d'atteindre au plus haut,
ment fondé par Ammonius Saccus au 111• siè- 1i t celui dont l'esprit est illuminé voit le plus

cle, et établi par Plotin, son disciple. Ce der- haut, la Lumière qui éclaire l'univers. Il lui est
nier maintenait que Dieu est la base de toutes donné de s'unir avec le Suprême.
choses, qu'Jl est immortel et omniprésent, lu- Porphyre suivit Plotin, élargit son enseigne-
mière pure, tandis que la matière, la forme, ne ment par le principe que « l'âme universelle
sont qu'illusions, ombres de l'1lme. Dieu est un 1~ tant essentiellement une avec l'Esprit infini,
et la base de toute pensée. L'intelligence est suprême, peut, par la force du Suprême, décou-
.Son image. L'âme est le produit de l'action_in- vrir et produire toutes choses. L'âme indivi-
telligente et génère d'autreR notions, telles que duelle et libérée du corps peut faire de même. »
la foi, l'aspiration, la véullration qui s'élèvent Les successeurs de ces trois philosophes am-
vers Dieu ; la spéculation, le raisonnement, la plifièrent les forces accordées aux âmes illumi-
sophistique, qui occupent une sphère secondaire n ées par la connaissance, elles distinguaient
et les activitos, ·plus inférieures encore, de la le bien du mal, guérissaient les maladies, avaient
simple vie physique résultent aussi de l'action le don de faire des lois sages, ou celui d'inven-
de l'intellect. La matière est formée par l'âme lcr des choses utiles.
qui réside en elle, car chaque forme a son âme, Les d ogmes néoplatoniciens tombèrent en
soit de vie apparente ou non. désuétude au v1• siècle, mais furent remis en
En tout il y a la vie divine, dans les étoiles vigueur avec la Renaissance lorsque Corné-
comme sur la terre. Dans l'intelligence il n'y a lius Agrippa y ajouta son propre développe-
ni temps, ni espace : c'est Je monde de l'Esprit menL de leurs doctrines. L'homme est le mi-
e roooRme, l'image <le la nature : la véritable
17.

...
< ·,
i98 LA VIE DE PARACELSE RF.PRISE DE LA VlF. ERRANTE 29\)

image de Dieu est le Looos, le vec·bc, qui est sont infectés par les ètres malades, par celte
la sagesse, la vie, la lumière, la vérité. L'union attraction magnétique. »
de l'âme spirituelle avec Dieu est leur image. Ennemoser dit :
La lumière céleste prend une forme invisible «Une grande partiedessystêmes de Paracelse
dans l'âme et graduellement brille à travers .l e est basée sur le magnétisme. Il y a dans l'homme
corps qui devient comme une étoile. Une force quelque chose de sidéral qui est en relation
spirituelle réside dans l'âme humaine qui rend avec les étoiles et qui attire leur force tef qu'un
l'homme capable d'attirer, d'influencer, de chan- · aimant. Il appelle cette puissance le Magnes
ger les choses, qui rayonne bienfaisante et par- Microcosmi et explique par eUe bien des cir-
fois est divine. Mais si elle doit servir à des constances dans la Nature.
fins égoïstes, elle peut devenir diabolique. L'homme est nourri par les quatre éléments,
Pendant le Roulèvement intellectuel de !'Epo- mais aussi et imperceptiblement par la force
que de la Renaissance, de grands hommes se magnétique qui réside dans toute la nature et
convertirent à ces doctrines, parmi eux FAbbé par laquelle toute partie individuelle attire sa
'"
Trithemius et son élève Théophraste von Hohen- nutrition spécifique ve.rs elle. Ces influences ca-
heim. Paracelse développa la reconnaissance chées ont leur fonction positive dans la conser-
des pouvoirs spirituels de l'homme de Corné- vation du corps. Sur la théorie du magnétisme
. lius Agrippa, par sa théorie des magnes, c'est- il base les cures sympathiques des maladies.
à-dire la puissance cachée qui attire à elle les Dans la mumia ou force magnétique, dit-il, tout
sub~tances ou éléments dans d'autrés corps, et pouvoir guérisseur réside, car il attire tout dans
qu'elle influence. le corps, vers elle-même.»
c L'homme », dit-il, « a en lui quelque force Il fut indubitablement le fondateur de l'école
magnétique sans laquelle il ne peut exister. Mais de magnétisme, et ce mot origina de lui. Il dit
ce magnétisme est présent à cause de l'homme dans le livre quatrième de son traité, « Con- '
et non pas l'homme à cause du magnétisme. » cernant l'origine des Maladie~ Invisibles » qui
«Par cette force d'attraction il attire en lui ce forme la cinquième partie du « Paramirum »~:
qul est <!ans l'air ambiant ; et les êtres sains « Aussi puissant que peut être le grand Univers,

• 1 1 ~' +.
300 LA VIE DE P ARACELSE REPRI SE DE•. LA VIE t: RRANTlll 301
le petit monrle contient toutes ses vertus, toutes trui. Combien nombreuses furent les cures dm.Hl
ses forces. • · à son emploi, car il n' usait des teintures que dans
«Car dans l'homme se trouvent tous les pro- d es cas spéciau~. "
duits de la terre, ses minerais, ses eaux, ses Paracelse reconnut et pratiqua une antre force
quatre vents el tous les corps célestes. Qu'existe- invisible de la mumia, celle que de nos jours on
t-il sur la terre dont la force n'est · pas dans accepte et on emploie sous le nom de télépa-
l'homme? ... Toutes les forces des plantes et des thie.
arbres Ront dans son corps spirituel; et les mé- Trithemius la connaissait d'ailleurs,et pouvait
taux, les minéraux, les pierres précieuses.,. Si transmettre ses pensées à des personnes à dis-
'\
vous voulez du baume, vous l'y trouverez ; si tance, même lorsqu'il ignorait où elles étaient.
c'est de l'antimoine, vous l'y trouverez et tou- Il a pu confier son expérience à Paracelse, mais
tes ces substances travaillent secrètement. Dans certes à peu de ses élèves, parce qu'à cette épo-
tout homme il y a deux forces, celle qui tra- que un tel don eût semblé diabolique, sauf à
vaille visiblement, el celle dont le travail est quelques illuminés. Trilhemius et son élève cé-
invisible. Toute blessure que le corps visible lèbre faisaient à ce don une place parmi les pos-
porte trouve sa guérison dans l'invisible. » sibilités de la nature. En effet, cette force était
«Tel que le pouvoir du lys se répand en parfum, employée par les sorciers, les sorcières, afin de
qui est invisible, ainsi le corps invisible produit transmettre le malheur que leurs clients, ou
son influence guérisseuse. De même que le corps qu'eux-rnèmes d ésiraient pour, leurs ennemis
visible contient les activités merveilleuses que ou leurs victimes; mais ces ~eus pratiquaient la
les sens peuvent percevoir, de même le corps science noire dans la croyance que les csprils
invisible possède des forces capables de produire malins les aidaient, et ce n e furent que les hom-
d es prodiges. • mes, tels que Trithemius et Paracelse qui trai-
ll découvrit dans cette mumia, ou élément.ma- tùrent cette force comme une partie de la science
gnétique, la source de la vitalité, et il prouva microcosmique.
qu'un être, la possédant, peut se servir de sa Hohenheim dénonça fortement la sorcellerie,
force ponr arrêter et guérir les maladies d'au- ln nécromnncie, sachant lr.nr puissance pour le.

• . .....
.,,,.,..._.~~·::.::: ............ . . . ......
~Wlld~~.,..,.,.,.....i: ~
30i LA VIF. DF. PARACELSE REPRISE DE LA VIE ERRANTE :ma
mal, comme il dénonça l'usage de l'hypno- cations. Mais la consécration des sacrements
tisme dans ses abus malfaisants. particulièrement du baptême, du mariage,« ce-
Le D• Franz Hartmann écrit : lui du corps et du sang du Christ sur l'autel,
«La force psychique appartenant à l'âme et le doivent ètre tenus en haute estime, jusqu'au
pouvoir magique de l'esprit sont peu développés jour où nous serons tous parfaitement sacrés
et peu connus dans la majorité de l'humanité. et revêtus d'un corps céleste >.
Ils sont exercés souvent inconsciemment de Il proclama cette foi en Dieu, l'armure sans
sorte que le plus grand sorcier ignore lui-même défaut contre l'intrusion du Diable.
par quels moyens ses tours sont exécutés. Les Nonobstant il tenait les talismans en quelque
forces appelées à agir sont la volonté et l'i- estime, particulièrement le triangle doublement
magination. C'est une loi de la nature, bien enlacé, et le pentagone inscrit à chaque coin,
connue, que ce qui se ressemble s'associe, et avec une des syllabes du saint nom de l'Eternel.
si une volonté malfaisante devient active, elle Sa confiance dans les amulettes composées de
attire à elle les influences malignes corres~on­ métaux et de pierre'§. précieuses, était basée sur
dantes, qui aident le sorcier dans son œuvre leur force magnétique et électrique.
exécrable.» L'occultisme de Paracelse fut principalement
Dans son traité sur« La Philosophie Occulte » celui du néoplatonisme et de la Kabbale, c0mme
Paracelse écrit le mal que peuvent produire la le fur~nt les doctrines de Cornélius Agrippa et i:~

télépathie et l'hypnotisme, et insiste sur la vo- plus tard celles de Van Helmont et de Jacob
lonté et l'imagination inspirées par Dieu dans Boehme, qui furent ses disciples. Ennemoser
l'usage de ces forces mystérieuses. c Toute force nous dit que :
réelle vient de Dieu : un homme, aussi saint « La Kabbale consistait en l'idée sacréC;l de
qu'ilsoit, n'accomplit rien par sa propre force. Dieu : la création spirituell e primitive, et la pre-
tout pouvoir spirituel vient de Dieu. » Il con- mière chute spiritue lle ; l'origine des ténèbres
·damne toutes les conjurations, les consécrations et du chaos ; la création du monde en six pé-
« parce que notre puissance réside en notre foi riodes ; la création de l'homme matériel et sa
en Dieu, et non dans des cérémonies et des évo• ohu& i le ret.011r de l'harmonie primitive et le
..-
REPRISE DE LA VIE E RRANTE .,..
30ii LA VIE DE PARACELSE
. .~:
bons nécessairement et pevant ê tre contrôlés.
retour final de Loutes les créatm·es vers Dieu. » Même Saint Thomas d'Aquin avait accepté la
Dans !'Ecole des Prophètes·, que Samuel réta- Kabb~le bien longtemps avant l'époque de Ho-
blit, mais n'avait nullement fondée, les élèves henbe1m. Une grande partie de la doctrine avait
furent instruits en ces mystères sublimes, et lors· passé dans la théologie d'autres nations occi-
qu'onlesen trouvaitdignes, onlesinitiaitaux se- dentales et orientales, soit spontanément, ou
crets de la magie ; ceux-ci incluaient les pres- par le contact et la conquête.
sentiments, le pouvoir de prédire l'avenir, celui La Magie est réellement « la science tradi-
de comprendre et d'influencer toutes les forces tionnelle des secrets de la nature > léguée par
et les produits de la nature et le contrôle sur les Mages, qui étaient les prêtres et les théolo-
certains esprits. giens des civilisations orientales :
Le côté funeste de la magie existe aussi dans
la Kabbale mais corn me une science odieuse à
La science sacrée dispersée de-ci de-là,
Dieu. Un de ses grands dogmes est : « Partout. ' A travers le monde. \ ·•·.
l'exlerne est l'œuvre de l'intern~ ; parlout l'ex-
terne réagit sur l 'interne. »
Il est probable que la Chaldée fut la source
d'où la descendance d' Àbraham tira ces dogmes
et peut-être en Chaldée ces dogmes étaient
l'héritage légné par des races déjà très ancien-
nes, lorsque Abraham naquit à Urukh, héritage
. 'J
partagé enLre toutes les nations Sémitiques,
Assyriennes, Arabes, ainsi que les Hébreux. Ils
incluaient l'admission des Ordres Angéliques,
des intelligences et des dirigeances appar!enant
à l'univers mystique; des huit Cieux des in-
telligences élémentaires moindres, esprits du
feu, de l'air, de la terre, de l'eau, nullement
MAITRE, MYSTIQUE, CHRÉTIEN :107

possession de la pierre philosophale, l'empire


s ur les esprits. élémentaires et infernaux, la
puissance de création alchimique et de prédic-
tion astrologique . Pendant des siècles après sa
CHAPITRE XII mort on le proclama le fondateur de la Rose-
Croix. Une des premières traces de cette attri-
Maître, Mystique, Chrétien. bution se peut voir dans l'illustration mention-
née dans le chapitre précédent, étant parmi les
trente-deux gravures sur bois dans l'édition
L'homme n'est point l'homme,
Tant que de-ci de-là, quelque solitaire étoile disperse « des Pronosti cs » de Huser.
Les ténèbres, tant, que de temps à autre, quelque être d'inLel- Elle fut reproduite sur la feuille volante
[ligence sublime de 1606, qui montre ses livres inscrits soit avec
S'élève au-dessus de ses semblables prostrés,
PendanL que lu foule s'nbundonne lllchcment uu désespoir de
la lettre R. ou le mot Rosa.
[l'ignorance. Ces légendes peu à peu tombent en discrédit.
Lorsque l'humanité sera perfectionnée, Chose étrange. L'emblème des Rose-Croix(Ro- ·~
Chaque être paré d e ses forces intelligentes épanouies, 1
sicruciens) fut un développement de l'emblème .\
Alors, alors seulement, dis-j e, l'Aurorede l' humanité apparai- . '!
[tra. de Luther, une rose ouverte, dont le centre est . ·,'.JI

un cœur duquel s'élance la croix latine. La rose,


le cœur, la croix sont chacun et tous d'ancienshié-
Paracelse n'était ni le charlatan, ni le fourbe, rogrames, appartenant aux religions symboli-
assumant le costume, les rites et la po~e du sur- ques, et reconnus comme des emblèmes de pu-
homme. Il abandonna ces pratiques aux natu- l'ilication par la souffrance et de l'union avec le
res viles de son temps et des jours à venir. divin.
Pour le comprendre tel qu'il était, nous devons Luther les a combinés en un symbole de la
dépouiller sa mémoire des nombreuses imputa- vie chrétienne. Mais ce ne fut qu'en 1593 que
tions légendaires. Après sa mort on lui attribua ce symbole devint l'emblème secret d'une so-
habituellement la fabrication occulte de l'or, la oiôLo ovidomment théosophique et p1·otestante,
308 LA V IE DE PARACELSE
MA1TllE 1 MYSTIQUE, CHllÉTJEN 301)
mais qni nt~ pr·it pas encore le nom de Rose-
Sur son lit de mort, il confessa que ces brochu-
Croix. Ce fut à Nuremberg, cinquante-sept an-
1·cs n'étaient que d es fables satiriques, mais ces
nées après la morL de Hohenheim, que Simon
documents s'étaient r épandus dans toute l' Alle-
Studion fonda la première confrérie Rosicru- ,,' i
cienne, et l'appela MrLITIA CnucrFERA EvANGE-
magne, et des Confréries de la Rose- Croix se ' .
•J ~
formèrent à N uremberg, Hamburg, Dantzig e l
~IcA etce fut lui qui élabora le symbolisme mys-
à Erfürt. La contagion se propagea jusqu'en Hol-
llque de fa Rose-Croix. Mais la confrérie n e fut
lande, en Italie, surtout à Mantoue et à Venise.
connue sous le nom de Rosicrucienne qu'au
Les membres portaient un costume spécial aux
début du xvn• siècle. Un nombre de traités fu-
réunions, une robe noire avec un ruban bleu
1·ent publiés alors, ayant pour but d'établir l'o-
brodé d'une couronne et d'une rose d'or. Ils se
rigine mystique de la Rose-Croix, mais furent
tonsuraient comme les Bouddhistes, indiquant
découverts comme fictifs. Le renom de Para-
ainsi l'influence orientale qui avait développé ,.--
cehrn fut associé à la èont'rérie de Studion, parce
!'Ordre véritable de la Rose-Croix et d'Or.
ciue ses membres étaient des étudiants de la na-
c Tous devaient porter la croix d e la souf-
ture, et acceptaient son enseignement scit:l.nli-
france avant d'ètre couronnés par la victoire ;
lique de la chimie, de l'astronomie, élaborant
tons devaient crucifier leur volonté personnelle,
ses vues sur l'évolution en une théorie avancée.
1)1~oïs te et mourir aux choses qui attirent l'âme
Ce furent ces associations d'idées qui donnè-
vor·s la sphère des désirs terrestres, des i li usions,
rent à ses livres de philosophie la renommée
Alors seulement les facultés d e leur espl'Ït se
d 'ètre les sources de l'érudition des Rose-Croix.
d6ve lopperaient parles rayons du soleil levant. »
Paracelse était mort plus d' un demi-siècle avant
1 11 nous faut reconnaitre dans la Rose-Croix, 1/ !

la fondation de la MILITIA Cnuc1FERA EvANOE-


mltl 1·ecrudescence spécialisée des cult ures mys-
LICA et les inventions de Jean-Valentin Andreae
- ' tl()UûR primitives, christianisées comme l'avaient
un prêtre de Tübingen, et plus tard Abbé d'A- t ..
t Io sacerdoce et le cérémonial du paganisme,
delsberg à Stüttgard, n'apparurent qu'en 161<\.
' oontonanl les mêmes vérités immortelles qui
Cet homme compila des pamphlets fictifs dans
IYAl nt civilisé les règnes millénaires de l'Orient
l'espoir d'effectuer une réforme parmi le clergé.
V ' Io Chri11tianisme .

MAITRE, MYSTIQUE, CHRÉTIEN
310 LA VIE DE PARACELSE

La tradition que Paracelse produisait de l'or rapprochées au-dessus du foyer, afin que l'air
dura des siècles après sa mort : elle était fon- pùt à peine s'échapper, il secoua le mercure
dée sur l'impérissable faculté des conjectures dans un creuset qu·iL plaça sur les briques,
chimériques, qui distingue l'intelligence humaine m'ordonna de les entourer de charbons ardents,
de l'animale. Paracelse se moqua des « cuisi- et d e recouvrir ceux-ci de poussière. Puis il
niers d'or » jusqu'au mépris. A ses yeux la chi- alla dans la chambre attenante et après un temps
mie signifiait la découverte des médecines assez prolongé, il dit : « Notre esclave volatil
bienfaisantes soit par l'analyse, soit par la com- peut nous échapper, allons voir ce qu'il devient.»
binaison. Néanmoins, ses propres secrétaires Et comme nous rentrions, il était déjà fumant et
s'attachèrent à cette illusion, espérant quelque prêt à s'envoler. Paracelse continua:« Regarde,
jour la saisir dans l'acte même et de découvrir prends donc la masse avec les pincettes, et re-
Hun procédé. Il est certain qu'il en était au cou- tiens-la au dedans pendant un moment ; elle
1·ant. La lldélité hypocrite d'Oporinus n'avait fondra bientôt. » Ceci arriva en conséquence.
point d'autre but et Pa1·acelse dh1ait de lui : Puis il ajouta : « Retire les pinces, couvre le
«Ce valet qui suit mes talons, tel qu'un co1·beau creuset, rarrange le feu et laisse-le en place. »
décharné suit un mouton haletant. » «Nous retournâmes dans la chambre, oubliant
ll s'amusait de leur superstition enfantine et pendant une demi-heure le contenu du creuset
obstinée, et le c studieux Franz » raconte une lorsqu'il dit : « Allons voir ce que Dieu nous a
\1
farce que fit Paracelse dans une lettre publiée donné; enlève le couvercle.» Ce que je fis. Mais
en HS86 par Michael Neander, d'où nous tirons le feu était éteint et dans le creuset tout était
la citation qui suit : solide. «De quoi cel1;1. a-t-il l'air? dit-il. » Je ré-
« Un jour, il me dit : « Franz, nous n'avons pondis : «C'est jaune comme de l'or. » - «Oui,
plus d'argent. »Et me donnant un florin, m'or- dit-il, ce sera de l'or. :1> J'enlevai le creuset, je
donna d'aller chez l'apothicaire et d'en rappor- l'ouvris, une fois refroidi, et en sortis la masse.
ter une livre de mercure. J'y allais et lu{ rap- C'était de l'or. Puis il dit : «Prends le lingot,
portais Le métal el la monnaie. Ce mercure coû- porte-le chez l'orfèvre au-dessus de l'apothi-
tait peu alors. Il plaça quatre briques très oaire, et demande-lui de me donner de la mon-

., ~----· ____.. .
LA VIE DE PARACELSE M.UTIU:, MYSTlQUE, CHRÉTIEN

naie en échange. » J'y allai. L'orfèvre pesa la lmrn de telles découvertes de variétés ditférentes,
masse, qui avait une livre de poids moins une toujours jointes aux efforts de changer les m1'--
once, puis il s'en alla chercher la monnaie dans tières en. argent et en or. »
une bourse plate, faite en carton et remplie de Nous connaissons déjà son attitude à l'égard
tlorins du Rhin et dit': c Porte cela à ton maître, de l'astrologie, cette science qui fascina les hom-
dis-lui que le compte n'y est pas entièrement, mes de son époque, et aussi ceux de la Renais-
mais je lui enverrai le reste dès que je l'aurai.> l!lauce, tel que Girolamo Cardano dans l' Italie
....
«Il y en avait un rouleau,de la grandeur d'une 1:1eptenlrionale, et Melanchton en Allemagne.
grosse noisette, fermé. par de la cire à cache- Curdano s'occupa d'bowscopes toute sa vie, il
ter rouge, mais je n'osais point demander ce croyait en eux, mème lorsque les évén emcul ti
qu'il contenait, étant très jeune; mais je crois les mellaient en dis crédit comme daus le cas
que si je l'avais interrogé, il m'eût répondu, car du Hoi Edouard VI d'Angleterre, auquel il avaü
p1·6dit le retour à la santé et une longue vie. .,
il me montrait toujours de la sympathie. »
Dans cette fumisterie, l'apothicaire et l'orfè- Punt-ètre craignit-il de tirer· un horoscope de
vre jouèrent leurs rôles habilement. Il dit da lis mauvais augure pour un roi; pourtant il n' était .•
sa « Grande Chirurgie» : «.Il est arrivé, qu'en pu ~ un lâche, mais un homme exceptionnelle-

faisant des expériences chimiques, on a décou- 111 ul sincère pour un llalien de celte époque. ;
'4
vert des médecines . merveilleuses qui servent l\foluuchton tenait l'astrologie en estime s11ffi-
à prolonger la vie ... Mais après celles-ci, vien- Hlt111rrHlnt pour y croire. Ceci nous permet dt:
nent les teintures faiseuses d'or, qui assument oomprendre l'attraction de cette science mèm o
le pouvoir de convertir les métaux. Ainsi l'on 1w11r 1·11 hommes les plus cultivés du xv1• siècle.
a fait une teinture qui colore les métaux. Et de li u'y n nul doute que Hoh cnhcim fit des ex-
ces essais est née l'opinion qu'on peut effectuer 1~ 1,.lonoes s6rieuses. Probablement les séjours
une transformation des métaux, changeant une UI)' l rleux il Esslingen fixent des périodes de
substance en une autre, aân qu'une substance r horohe. el celles-ci peuvent s 'être renouve-
grossière, rude et malpropre puisse être trans- 1 à oint-Galien avec J'aide de Schobinger.
muée en un métal pur, raffiné et solide. J'ai ob- fut• p u do t mpe après ces voyages, que
18
LA VIE DE PARACELSE MAITll E:, MY"TIQI JI' , cnnltTmN

ses conclusions trouvèrent leU!' expression dans t~ maner d'eux. Il argumenta fortement oonlr6
le « Paramirum >, où il déclare son antipathie ln possession démoniaque, insistant sur le·point
contre les théories astrologiques et contre l'at- que les maladies telles que la danse de Saint-
tribution des caractères, des tendances et des Guy, la maladie de Saint-Valentin,le feu de Sainl-
destinées à l'influence des corps célestes. Anloine, etc., ne sont nullement les signes de la
Dans ces deux traités sur les comètes,Paracelse colère sainte qui les inflige comme pénitence.
exprime des vues directement opposées à cellë,s Ces maladies proviennent de quelque origine
des écrivains astrologues de son temps. Il cher- n11t11relle, et chacune doit être étudiée du point
che à définir en termes exacts l'étude des corps do vue du diagnostic m édical exact. Il ensei-
célestes, s'efforçant de trouver ce qu'ils sont gna qu'une imagination corrompue a un pou-
réellement, et comment ils sont placés par rap- voir extraordinaire à provoquer des maladies;
port à la terre. Il refuse de considérer celte mais il nia que le diable pût les créer, malgré
étude comme l'apanage des devins et des au- son ascendant à déterminer dans certains hom-
gures, mais au contraire il l'estime comme une mes les conditions mentales d'esprit malfai-
science véritable, qui commence à donner des sant, favorables aux maladies. Un extrait du
fruits dans des découvertes aussi importantes dernier livre et du dernier chapitre du« Parami-
que celles faites dans les autres domaines de la 1·nm »,celui concernant les c Origines des Mala-
nature. ._ dies Invisibles~ peut se traduire pour démontrer
Il abhorait de toutes ses forces la nécroman· l'attitude de Paracelse envers la sorcellerie en
cie et la sor.cellerie. Il ne niait pas leurs titres à dehors et au dedans de l'Église :
une certaine créance, mais il attribuait leurs ef- « Satan veille à ce que nous n'usions de ces
fets à l'invocation et à l'influence de pouvoirs moyens sans les cérémonies préliminaires. Que
toujours nuisibles, souvent infernaux, et d evant sont ces cérémonies ? Des jeûnes, des prières
!' être reniés. hypocrites. Tel que le Pharisien faisait la pa-
Mais il ne rendait pas, d'autre part, les sor- rnde devant les hommes, une parade hypocrite
ciers et nécromans responsables de toutes les et obligatoire devant le Malin, avec forces si-
~. .
maladies malignes, que populairement on cr·o yait jlll()R, chiffres, abstinences répétées, bénédic-

(
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LA VIE DE P ARACELSE MAIT R E; _.iYSTIQUE, CHRÉTIEN 31i
tioµs et consécra1ions par-fois à l'eau bénite. commandé de le faire pour ceux qui sincère-
Car le Diable veille à ce que l'homme oublie ment ont cherché à savoir.
Dieu et mette en pratique toutes les cfrémonies « Mais il y a d'autre part ceux qui invoquent
pour Satan, puisque c'est lui qui accordera la les esprits, comme si ceux-ci ·pouvaient agir
r·equête. ainsi de leur propre volonté. Ces révoltés aux
« Tout comme les hommes vivent opposés les commandements deDieu, et d'après l'enseigne-
uns aux autres, égarés par leurs guides théol, ~ ment secret des Chaldéens, des Perses, des
giques, ainsi font les esprits. Les amateurs de Egyptiens, ont é té identifiés de noms et élevés
cérémonies ont affublé les esprits de noms et au rang de dieux. Si nous demandons des grâ-
de mots, et ils les invoquent ainsi. Perdraient- ces aux saints, et que l'acte ne vienne pas de
ils la faveur de Dieu, en refusant de bonnes pa- Dieu, ils ne peuvent rien pour nous, n'étant qu e
roles à saint Pierre, quoique Pierre et les es- Ses serviteurs. Et pourtant leurs noms ont été
prits soient tous les serviteurs du Seigneur et conservés, et les hommes ont joué avec leurs
lui doivent obéisf-lance. esprits, et institué des cérémonies, des jeûnes,
« D'où il suit, que si le Christ en donnan~ à des prières, tout comme le juif Salomon a:vec le
Pierre les clefs des cieux et de l'enfer lui or- miroir, ou Moïse avec son livre de consécration.
donne de tout lier, il doit obéir, et s'il lui com- Et ainsi, de plus en plus, les hommes ont mul-
mande de tout délier, il doit obéir tant sur terre tiplié les cérémonies dans l'espoir de dominer.
que dans les Cieux. Toutes choses doivent Mais ils ne récoltent que la mauvaise graine
être cherchées en .Llieu ; c'est pourquoi lo.r s- et la sottise, car tels sont les dons octi•oyés aux
qu'Il commande à ses Serviteurs, ils obéissent, serviteurs avec lesquels Dieu n 'a rien à faire. »
qu'ils soi.ent anges ou démons. Car aux esprits Concernant les amulettes contre les maladies
il est également ordonné d'instruire et de se- et les malheurs, obtenues par la sorcellerie, il
courir, et Dieu nous envoie le bienfait par dit :
l'ami et l'ennemi. C'est pourquoi les esprits, « Croyez-vous sincèrement que le diable ait
sur l'ordre de Dieu, ont révélé la science et la puissance de fabriquer une amulette afin que
dévoilé la Lumière de la nature. On leur a nul n e puisse m e blesse r ou me poignarder?
18.
318 LA VIE DE PARACELSE MAITRE; MYSTIQUE, CHRÉTIEN 319

C'est impossible : Dieu seul peut le faire. Le ractères écrits, peuvent créer de l'amitié ou de
diable ne peut créer rien, pas même empêcher l'inimitié. Il nous rappelle alors que de la
un pot de terre de se briser, d'autant moins un lumière et des forces de la nature provient la
..,
homme. Il ne peut même extraire la plus pe- protection du corps et que ces forces ne peu- ,
tite dent, d'autant moins guérir une maladie. Il vent êlre utiles qu'en tant que nous avons foi ~ .\',

ne peut changer une seule plante de ce qu'elle en Dieu. (

est. II ne peut rapprocher deux hommes, « C'est pourquoi nous devons tenir ferme-
d'autant moins en faire des amis ou des enne- ment à la gloire de Dieu, et ne point nous dé-
mis. » parlÏl' de la confiance en Lui et nous fortifier
Les raisons en sont, premièrement, concer- ainsi dans la foi. Evitez donc ceux qui se pro-
nant l'amulette contre les blessures ou les coups clament des apôtres et qui vivent dans le péché.
d'épée. Dieu q11i p1·01égca saint Laurent, en Evitez ceux qui considèrent leur propre esprit
sorte qu'il ne fut pas brûlé sm le gril, qni sauva comme le Saint-Esprit et qui désirent détruire
saint J ean de l'huile houillanle, qui fit sortir de ce qui ne doit pas périr. Evitez ces sectes qui se
la fournaise les trois enf'ants sains et saufs. Dieu pro.clament saintes et qui d'un seul article de
sait et viendra en aide à ceux qu'il désire sau- foi, légué limpide et simple par les apôtres, font
ver. une œuvre de complexité et de grande impor-
Et ce qui arrive aux hommes d'aujourd'hui, · tance ; tels les 4nabaptisles, les frères Moraves,
arrivera au jour du jugement dernier, lorsque les Trinitaires.> . ;

le Seigneur jugera selon la foi et selon la su- Assurément dans les vigoureux avertissements
perstition des hommes. Qui peut guél'ir, sauf avec · lesquels il termine l' « Opus Paramirum »,
Dieu? Un homme peut tout aussi bien invo- nous n'entendons ni la voix d'un sorcier ou
quer les plantes que les esprits, Dieu seul peut d'un charlatan, mais celle d'un croyant fer-
changer le corps: soyez-Lui fidèles, constants. vent. « Et l'homme, dit-il, doit vivre pour la
Les esprits sont impuissants à moins que Dieu glofre de Dieu sinon courir à sa perte. »
~écrète ou les adjure ... Paracelse fut certes un mystique. Il déve-
~t H est chimérique de supposer que des ça.. . ppn An philosophie spirituelle par sa conpaj!)-

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320 LA VIE DE PARACELSE MAITRE . }IYSTIQUE, CHRtTIEN 32t
sauce précoce du néoplatonisme ; elle reposait nalité de Paracelse, le représente chargé de la
sur l'union avec Dieu, union où l'esprit de force dynamique des temps nouveaux :
l'homme puisait la force de vaincre les influen- «C'était une intelligence à grands traits, dont
1
ces mauvaises, celle de comprendre les mystè- la rare maturité convertit les déclarations des 1
I
res, de découvrir les arcanes de la nature, de problèmes scientifiques en termes animés et t

reconnaître le bien, de discerner le mal, de humains ; nous lui devons la réalisation d'une
vivre dans la forteresse spirituelle. communauté humaine, cultivée, basée sur une
Cette union avec l'Eternel illuminait les yeu~ foi et une piété humanitaire et chrétienne. Non8
<les mystiques, à travers les brumes, les obs- pouvons considérer ces qualités comme les bnsus
curités, les systèmes éthiques et théologiques de son enseignement dans l'actuel et le spirituel.
que les sophistes imaginent et imposent arbitrai- Sa vie errante ne lui déroba jamais cette ma-
rement. Les yeux des mystiques se tournaient gie qui sans cesse fit resplendir les impulsions
vers le trône dn Seigneur, où toute sagesse, immortelles de son âme. Tel qu'un soleil d'or
..
'· toute vérité, toute justice demeurent . rayonnant, cette vision appartient aux grands
Paracelse trouva la main de Dieu dans tonte poètes de la nature. Et pourtant peu d'hommes
la nature ; dans les profondeurs des montagnes de son époque reconnurent, comme il le fit, le
où les métaux attendent Sa volonté ; dans la résultat incalculable à atteindre, par la méthode
•.. voûte des cieux où« ll meut le soleil et les étoi- empiriquement inductive. Dans la Philosophie
·~ les » ; dans la rivière où Sa libéralité verse Naturelle de Coménius, dont l'âme inspirée et
la nourriture et le boire à l'homme ; dans les profonde nous rappelle Paracelse de certains
vertes prairies et les forêts où poussent ' des côtés, on sent vibrer également ce sens du
myriades d'herbes et de fruits bienfaisants ; ·charme et de la joie dans l'étude de la nature;
t. dans les sources qui déversent Ses dons guéris- cette science qui parle aux hommes du deve-
seurs dans la vallée. Il vit que la terre était nir et du reparaître, du labeur et du repos, et
bien l'œuvre de Dieu, et qu'elle était précieuse révèle le précieux codex de la nature, qui nous
à Ses yeux. instruit en ce qui concerne Dieu et Sa vie Eter-
Le Profes!'leur Strunz, décrivant la person- nelle.
MAIT RI!:, MYSTJ QUI!:, CllRÉT mN .
LA VIE: DE PARACELS E

dano Bruno poète, philosophe, artiste ot éLu• ,


L'homme ne doit point chercher d'abord en
diant de la nature .....
•; lui-même l'interprétation de l'unité de toute
1 J,'{'
conscience humaine, mais dans la nature elle- Et à ce mouvement en avant, la rèligion de
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~

même où Dieu est le guide, les sens sont les Paracelse se trouvait liée très étroitement. La
L
té moins, et que la raison illumine. Y a-t-il quel- nature avec ses richesses sans limites, ses beau-
F
( que chose dans notre discernement que notre tés, avec ses types immortels, son obéissance
~ ,, aux lois, fut pour lui la porte ouvet•te à la mé-
•\.
perception n'aie point d'abord appréhendé ?
Plus notre raison est proche de notre appré- decine.
hension de la perception, plus elle sera forte De même que l'affection pour tous ceux qui
dans la réalisation et puissante à saisir. Mais si travaillent, lourdement chargés, qui font la halte
notre raison s'éloigne du noyau de la percep- dans le grand hôpital de Dieu sur terre, signi-
tion intelligente, plus grandes sont ses erreurs fiait pour lui, le Guide divin qui ouvre la porte
et ses vaines fantaisies ... menant a1:1x trésors cachés de la nature.
Paracelse sentait comme un artiste et pen- Le monde de saint François d'Assise et de
sait comme un mathématicien; et è'est pour- Henry Seuse s'élargissait devant lui. De nou-
quoi il combina les lois de la nature avec cel- veau, la lumière d'un soleil d'été inondait la
les du microcosme, c'est-à-dire de l'homme avec terre, de nouveau l'amour intense de Dieu el
de la nature s'unissait à l'inspiration intellec-
sa conscience, ses sentiments, ses désirs.
Ce fut ce sens artistique si fin qui devint le tuelle d'un homme sincère et ardent. De nou-
pont audacieux entre Paracelse homme, et l'ob- veau surgissait un être tel que sai~1t FranQois,
servatem· visionnaire des réalités, viaduc mer- au tendre amour, voué à la pauvreté. Le Pove-
veilleux; reposant sur les traverses d'une huma- rello avait déterminé un renouveau glorieux du
nité nouvelle, la Rena~ssance. Et sur ce viaduc catholicisme, sans violence - il avait chanté le
s'avança la reconstruction de l'univers dont Pa- cantique du Soleil , des Fleurs, des Oiseaux -
racelse fut un des plus grands architectes. son cœur allait vers la Nature entière. Ne nous
Ce fut la déclaration des principes des pro- 11emble-t-il pas le retrouver quasimenl en Para-
g1·ùs spirituels, complétés dans la suite par Gioi:-. celse? Comment un homme comme Hohenheim
1 .

LA VIE DE PARACELSE: MAITRE·, MYSTIQUE, CHRÉTIEN

aurait-il échappé à l'alteinte du mysticisme lors- prévoir si ses espérances se réaliseront : elle
que Luther en ressentit l'influence ..... est sur les montagnes immobiles, où meurent
Comme les flots de la mer, le sentiment de la les vieux arbres, faisant place aux jeunes pous-
nature se répandit de Paracelse vcl'S les hommes ses ; dans le bocage qui murmure et dans les
de l'avenir, tels Coménius et Van Helmont. Ils
haies, dans les lacs où le soleil joue avec les
comprirent également la consécration des re-
eaux co,nme avec des perles précieuses ; par-
cherches et la douce et pure joie à découvl'ir les
tout où le combat se livre entre le froment et
lois de Dieu. Paracelse possédait cette piété,
l'ivraie à travers la houleuse gloire ·des champs
qu'aujourd'hui nous admirons dans les mysti-
tout, tout est la vivante Nature.
ques classiques. li s'opposa au rationalisme et Paracelse l'a enchâssée dans des images, des
ù toutes les religiosités fantaisistes. li voyait
comparaisons, des allégories, des paraboles. Son
Dieu dans la nature, tout comme il le voyait
langage pittoresque nous présente le cours de
dans le microcosme et il fut frappé par la ré-
chaque année, son approche, son départ. Le
flexion de la lumière divine. 8es conclusions ,.,
'
printemps quand les rythmes nouveaux se ba-
forment la morale d'un humanisme chrétien. ' lancent dans les airs. L'été quand la jeune vie
La confraternité intime des enfants de Dieu
. "
. marche vers la récolte, et que le temps se hl'lto
doit naître d'une . humanité bien ordonnée,
vers la maturité. L'automne lorsquo le lnùe111•
du savoir humain et de la conscience d e la va- .,
est fini, alors que tout est lassé, et que Io vie lan-
leur inexprimable de l'âme, dans chacun de ses guit.
membres. Cet univers aux mille formes et aux Combien souvent il a comparé son pèleri-
mille forces est dans son unité et son interdé- nage à l'automne, sa viè à la pleine maturité do
pendance la révélation des lois de Dieu ; la l'arrière-saison dont il offra~t l'abondante ri-
nature -est le soutien et l'ami véritable des ma- chesse au monde renouvelé. :.
lades, des infirmes, qu'ils soient riches ou J'ai cité tout au long ce passage du D• 8trunz,
pauvres. Elles est partout cette Nature : dans car il est, parmi les grands investigateurs Para-
les champs où el.le opère· ses miracles, où le celsiens, celui qui a peut-ètre le mieux compris
semeur coulie la graine à la terre sans pouvoir le caractère de Hohenheim, ce caractère où la
19
MAlTREj' -MYSTIQUE, CHÜl'lEN 3i7
326 LA VIE DE PARACELSB
gnement du Christ concernant le Royaume de
simplicité est alliée au génie, à la vérité héroï-
Dieu. Ces écrivains fixent la période de son in-
que, à la vision sans nuages, à l'esprit en com-
clinaLion au protestantisme jusqu'à l'année 1531 l·
munion avec Dieu. •
mais on sait aujourd'hui qu'il prêchait l'Evan-
Comme chrétien il suivait l'enseignement de
gile encore pendan t les tl'Ois années qui suivi-
Jésus-Christ. Les Protestants d'alors tentèrent
rent et qu'il déchaîna ainsi conLre lui, une per-
de le réclamer comme un des leurs; les Catho-
sécution des prêtres.
liques de nos jours le présentent comme un Ca-
Il est évident néanmoins qu'il s'éloigna de
tholique. Il paraîtrait que tout en abjurant les
pl~s. en plus des deux parlis, trouvant que la
entraves de l'ancien ecclésiasticisme, Paracelse
rehgton pure consiste dans la communion jour- '
désapprouvait les restrictions du protestantisme. ' '
nalière avec Dieu et non dans l'obéissance au
Il résista aux deux influences, se confiant à Jé-
pape, au prêtre, au presbytère.
sus, guide unique de sa vie.
~ous savons cependant qu'il ne se séparaja-
c Chaque sot, écrit-il, vante son propre parti.
«Celui qui met sa foi en la papauté repose sur ma1~ formellement de l'Eglise Catholique,et.q u' il
'
le velours; celui qui la met en Zwingli, repose fut mhumé comme un membre de l'Eglise Uni- '
sur le vide, celui qui croit en Luther, repose verselle. Mais qu'il se réservait le droit de ju- "
~er les·questions spirituelles, ne se peut démen-
sur un volcan. »
tir.
Les Professeurs Sudoff et Schubert sont d'a-
vis, qu'au retour de ses premiers voyages, alors Ses. ~crits contiennent de nombreuses et jus-
que Paracelse en rapportait la science nouvelle tes cr1t1ques du sacerdoce dans les deux partis
et les remèdes nouveaux, il avait trouvé parmi et bien des doutes concernant les nouveau~
les Réformés un accueil plus prompt aux idées
nouvelles que parmi les Catholiques. La largeur
dogmes des réfot' més. Ap1·ès H>31 il semble avoir
développé davantage ses opiuions théologiques,
s'occupant jusqu'à la fin de ses jours, des qnes-
f.
d'esprit des Protestants le disposait envers leurs
doctrine~ et d'autant plus, que comme exégète tions de doctrine, de foi, et des sacrements.
f
de la Bible, il connaissait l'erreur ecclésiastique
et dogmatique des Catholiques, quant à l'ensei-
Nul doute, que les dissensions qui écla.t èrent
dans les années qui suivirent 1531, entre les r· .
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3:l8 LA VIE DE PARACELSE _MAITRE, MYSTIQUE, CHRÉTIEN 32!)

Luthériens et les Zwingliens, modifièrent con- c'est Moi qui apporte l'Evangile.» lis retournent
sidérablement son opinion des deux ; elles le au péché des Pharisiens ...
menèrent à la conclusion que ces dissensions C'est un péché contre le Saint-Esprit de dire:
étaient hostiles à l'établissement du royaume le Pape, Luther, Zwingli, etc., sont le Verbe
de Dieu, et que ni le pape, ni Luther, ni Zwin- de Dieu, les porte-parole du Christ.
gli n'avaient saisi la quintessence de l'enseigne- Sont-ils Ses prophètes, sont-ils Ses apôtres ?
ment de Jésus. Celui qui considère et estime leurs discours
Dans ces dissidences il ne vit qùe l'impa- comme étant la Parole de Dieu pèche ·contre le
tience d'un chef de parti contre la . doctrine de Saint-Esprit ...
l'autre, l'absence d'unité spirituelle, l'hostilité «Tu n'entends pas ce que dit le Christ, mais
allant jusqu'à la haine, que quelque futile diffé- se ulement ce qu'ils disent. »
1·cn<.:e d'expression suscitait. Violentes comme celles des prophètes d 'Is-
Paracels e alla jusqu'à appeler les Luthériens raël son~ ses invectives contre les synodes,
et les Twingliens « Se<.:les vêtues de manteaux les conciles, les synagogues, les assemblées
évangéliques ». Il les accusait de fausser ·les religieuses,contre les ordres monastiques, con-
paroles du Christ de Sa signification et de les tre les superstitions, les pèlerinages, les céré-
retordre dans le sens qu'ils désiraient. Dans un monies, tout l'oocultisme hypocrite de la soi-
de ses traités ultérieurs, Sermo in Similitudi- disant sainteté. ,.

nis, il écrivit : "


« Dieu. réclame de nous nos cœurs ~, dit-il
« Finalement, qu'ils soient Papistes, Luthé- dans le traité des «Maladies Invisibles »,et non
riens, Baptistes, Zwingliens, ils sont tou~ prêts l~s cé~émonies,car avec elles, la foi en Lui pé-
à se glorifier de posséder à eux seuls, le Saint- rit.« S1 nous voulons chercher Dieu il nous faut
Esprit et à ètre autorisés dans leur interprétation aller au loin car dans l'Eglise nous ne Le trou-
de l'Evangile : et chacun d'eux s'écrie:« Je suis vons plus. »
dans la vérité, la vérité est avec moi. Je parle Il prend comme point d'appui la v-ie et! 'ensei-
c langage .de Dieu, le Christ et Ses paroles sont gnement de notre Seigneur car là est la seule
celles que je vous dis : suivez-moi vous tous, base de notre croyance :

1,
,,
::!30 J.A VIF. DE P ARACELSE , MAITRE~ MYSTIQUE, CHRÉTI.EN 33t
«C'est là, dans la Vie éternelle, déc1·ite par ceptation de la conception divine. Il ne désirait
les Evangiles et dans les Ecritures que nous ni la domination d'une autorité sacerdotale
trouvons tout ce dont nous avons besoin : pas humaine, ni la domination de la Bible interpré-
une syllabe « y manque. » tée textuellement par des intelligences humai-
«En le Christ seul est le salut, et par notre foi nes, variables et limitées. Il voulait la domina-
sincère en lui nous serons sauvés. Qu'est-il be- tion de Dieu, révélée par le Saint-Esprit, dans
soin du culte des Saints, ou des idoles de notre la personne, l'enseignement et le sacrifice de
imagination? La foi en Dieu et en Son unique Jésus-Christ. Le Royaume de Dieu, qui impli-
Fils suffit. Nos jeftnes, nos messes, nos vigi- quait la fraternité des hommes, était le joyau de
les, etc., n'accomplissent rien pour nous. Cc prix que le Christ avait fait voir au Monde
.
conviant les hommes à se séparer de tout leur
'
qui nous sauve est la miséricorde de Dieu, qui
pardonne à nos péchés. L'amour et la foi sont avoir afin de se l'assurer.
une, l'amour dérive de la foi, et le vrai Chris-
tianisme est révélé dans l'amour et les œuvres
Il croyait que la perfection de la vie spiri-
tuelle était désignée par Dieu pour tous les .~r~.~
' '.; ~
de l'amour. » hommes et non pas seulement pour quelques .,.:
.~
l

..
Une grande partie de ce raisonnement lucide ermites, quelques moines et religieuses, qui ·:ij
se trouve dans les traités théologiques et reli- n'avaient nul mandat du Seigneur d'assumer . :~
/'

gieux découverts en 1899 par le D• Sudhoff, qui les externalités exclusives d'une sainteté, à la-
en établit l'authenticité. Plus particulièrement quelle bien peu atteignaient.
dans son traité de l'Epître de Saint Jacques, Pa.:. Dieu avait créé les hommes pour Son ,Univers
racelse insiste sur les œuvres pratiques du et en ce monde il réclamait leur foi, leur amour
Christianisme, car « la foi sans le labeur est pour Lui et pour Jeurs semblables. Si Dieu était
morte-.. Il soutient que les Luthériens ont accen- accepté' .de fait comme Roi de son propre
~· ... · tué l'importance de la Foi au détriment de celle Royaume ce serait la fin de l'hypocrisie, dévoilée
~
..::. .
,;

de l'amour. par la rayonnante justice. Mais le Royaume de


Ce que Hohenheim voulait, c'était la réforme Dieu contient une relation intime avec notre vie
de la conception humaine de la religion, et l'ac- de foi et d'amour, une multitude de mystères, que
I
i

332 LA VIE DE PARACELSE


MAITRE, MYSTIQUE , CHRÉTIEN 33:l
l'âme pénétrante découvre un à un. Ils sont les
mystères de la providence de Dieu que ce~ui ~ui frappe et demande ? Combien vfritable devrn
cherche trouvera, ils sont les mystères de l umon être la sincérité d'un tel homme, combien vé-
avec Dieu, le tabernacle secret dont les portes ritable sa foi, sa pureté, sa chasteté, sa miséri-
s'ouvriront à celui qui frappe. Et les hommes corde ... Aucun médecin ne doit dire, celte ma-
qui scrut~nt et qui frappent sont les prophètes l~die est incurable. Il renie Dieu, not..e Cré<J teur,
et les bienfaiteurs de son Royaume. A eux sont il renie la nature avec son abondance-de for-
remises les clefs qui ouvriront les trésors de la ces secrètes, il déprécie le grand arcane de la
terre et des cieux. Et ils seront le's bergers, les nature et les mystères de la création. C'est dans
guides, les apôtres du monde. les pires maladies que Dieu est louangé, non
« La médecine est fondée sur la nature, la dans les cm·es d'indispositions triviales. Il n'y a
nature même est la médecine, et en elle seule point de maladie si grande qu' ll n'ait point
les hommes la doivent chercher. pourvue de sa cure. »
«Et la natme est le mntll·e du médecin, car elle En faisant allusion à l'occultisme imputé à
est plus ancienne que lui, et elle est au dedans Paracelse, il est nécessaire d'éviter les pièges où
de l'homme tout autant qu'au dehors. Béni est trébuchent parfois les étudiants de sa d octrine, ,,
donc celui qui lit les livres du Seigneur, et qui
marche dans la voie qu'il a tracée. De tels hom-
qui acceptent trop facilem e nt les traditions mys-
' 1
..
t.;1
tiques qui pendant le xv11• et le xvm• siècles ',
mes sont les membres fidèles, sincères, parfaits s'amoncelèrent autour de sa mémofre . 7·.:~:

. de leur profession, ils marchent dans la pleine Son nom devint la lettre de créance pour ., '
lumière du jour de la science, et non dans les livres des nécromans et des hermétistes qui,
l'abime obscur de l'erreur ... Car les mystères ,,•.
à cette époque de croyance superstitieuse dans ·i
de Dieu dans la nature sont immenses ; Il tra- la sorcellerie et la magie, imposaient la terreur
vaille où IL veut, comme IL veut, et quand Il par leurs écrits abjec.ts. Il fut accusé de prati-
veut. C'est pourquoi nous devons chercher, frap· quer leurs rites obscurs et malfaisants, ~t son
I
per et interroger. Et la question se pose, quelle nom fut noirci par leur propre infamie. Nous de-
espèce d'homme doit être celui qui cherche, vons, sans hésiter, refuser d'accepter leur usur-
pation de son autorité. Tout ce q~i était bas, nui~
19.

\ .

....... ,. ~ '; : .
,.

!lfAITRE, MYSTJQUP. , CHRÉTIEN 331')


Y.A VIE nF. P.\RACELSP.
comme un résumé de ses écrits sur le sujet
siblc, <lia Lio 1iq ue, il le 1·cjela en tc1· mes clairs. arrangé arbitrairement, et la préface est non
Sa pralique de la télépathie et des forces hypno- seulement pleine d'erreurs, mais suggère une
tiques, son usage du magnétisme gnérisseur,suf- très vague connaissance des livres d e Hohen-
firent à investir son nom de réputation magi- heim.
que, en dehors de toute preuve véritable. Mais i 1 Son ouvrage sur les amulettes est autrement
y avait un résidu de foi à demi douteuse dans intéressant, parce qu'il indique son appréhen-
un nombre de forces invisibles, non toutes mys- sion de la force immense de l'électricité . Il
térieuses et médicinales. combina des métaux pour form er des talismans
lin lui survivait l'admission d 'êtres élémen- guérisseurs, dont le plus efficace fut appelé par
taires, esprits du feu qu'il nommait acthnici: lui Electrum Magicum. Il était composé de sept
de l'air nem1,fdreni, de l'eau melosinœ ; et de métaux sous la forme de bagues ou de mirohs.
la terre pigmaci. Outre ceux-ci, les lutins, les Ses amulettes remplacèrent les gemmes gnosti-
gnomes et les rliablotinH avaient une place dans
ques et les talismans attribués à l'influence
son hérédité du royaume teutonique des fées.
planétaire e t gravés de signes célestes et de ca-
Les dryades il les appelait dur·dales, les esprits
ractères cabalistiques. On pourrait presque
familiers fiagœ. li croyait au corps as_tral de
supposer, qu' il usl\t du désir médiéval de la gué-
: ..., l'homme, l'appelait eçentrum le corps astral des rison occulte et le dirigea vers l'emploi de
j ,.1
plantes devenait leJas; la lévi talion fut nommée moyens véritables et .efficaces, sous le déguise-
\,:
~ 1 .•
mangonaria, la clairvoyance nectromancia. Il ment de la magie. li considérait les pierres! pré-
j . croyait aux fantômes, aux présages. cieuses importantes pour les guérisons. Les
i .
li est cependant très possible que le livre
breloques dans lesquelles on les montait fu-
qu'on lui attribue, plein de ces folles reliques rent nommés Gamathei. Chacune avait ses
du paganisme, publié en 1566 par Marcus Am- vertus propres. Une de ses pierres préférées
brosius Nissensis et dé dié à Constantin Farbcr était celle qui se nomme bezoar, qui n'est ni le
de Dantzic, sous le tit.re de « Ex Libro de Nym- produit de la montagne, ni d'une mine, mais
pbis, Sylvanis, Pygmaes, Salamandris et Giganti- est formée parfois dans l'estomac d'animaux
~us > 1 .etc., n'e~t JlUll~ll1eq.t de lui i il est donné •
: • 1 ~ ' • • ' • ~ "
336 LA VIE DE PARACELSE

herbivores, à moilié sauvages, par des accré-


tions concentriques ou rayonnées de phospha-
tes de chaux d'ammoniaque, ou de magnésie
autour de quelque petit objet que l'estomac n'a
pu expulser. CHAPITRE XIII
Ses opinions d es pierres precieuses furent
adoptées par les mystes de la Rose-Croix, qui
élaborèrent les interprétations physiques et
Dernières Années
spirituelles des pouvoirs occultes du diamant,
Puisque les ho mmes ne peuvent vivre sans le m épris,
du saphir, de l'améthyste et de l'opale.
Sans doute pour le ur bien , il est na turel
Qu'ils r eflèLen t m es faiblesses et déd aignenL mes erreurs ,
PlutôL que de louanger la for ce et la véri té qui sont en moi.

La publication de la « Grande Chirurgie > ra-


mena la célébrité vors Paracelse, célébrité que
les cabales académiques et sacerdotales avaient
dépréciée.
, Dix ans s'étaient écoulés depuis que ces intri-
gues avaient commencé, e t les enfants de cette ',,'
.. ;
époque, devenus des hommes avaient l'esprit plus
large et la curiosité plus ardente pour la science
nouvelle, qu'au temps où Hohenheim profes-
sait à Bâle. Deux éditions de ce livre partirent '.
e~ succession rapide et elles le retinrent à Augs-
bourg jusqu'au début de l'an 1537.
Après leur publicalion et ce lles de plusieurs
'l
' !
::138 LA VTE DE PARACELSE DERNIÈRES ANNÉF.S

éditions des « Pronostics » Paracelse quitta la soins. Au commencement Parace lse fut épou-
ville pour Efterdingen près de Linz, sur le Da- vanté par l'état auquel les ignorants docteurs
nube, pour rendre visite au o· Johann von l'avaient réduit. Le corps était ravagé, émacié et
Brandt, juriste et écrivain renommé, dont il Hohenheim désespérait de jamais le rendre à la
appréciait l'amitié. Pendant son séjour il travailla santé. Le médecin qui avait envoyé un rapport
avec ardeur à la troisième partie de sa « Grande du cas l'avaient tellement dénaturé, que Para-
Chirurgie » : mais au printemps il dut l'inter- celse lui dit qu'il ne serait pas venu s'il avait
rompre sur une requête d'aller à Kromau ou connu la vérité, la chance de sauver le malade
Johann von der Leipuich, Maréchal en chef hé- étant si douteuse. La maladie résultait d'une

-~/ réditaire de la Bohême, l'appelait pour des soins vie irrégulière aggravée par les soins des doc-
professionnels. _teurs incapables.
·I '
1 • •• Le succès lui avait apporté quelque argent et Il prit néanmoins en main ce cas si diffi-
,._
·, il put s'équiper convenablement pour ce voyage cile, mais comme il ne pouvait rester indéfini-
fait à cheval. ment, il expliqua par écrit le diagnostic en dé-
Le Maréchal était très malade et nécessitait tail, y ajoutant la description, d<'s symptômes
des soins prolongés. Hohenheim resta assez de quatre maladies in ternes, de plm;ieurs exter-
longtemps à Kromau, pour terminer le troi- nes avec leurs causes et effet~ probables. ll
sième volume de la «Grande Chirurgie > qu'il J donna ensuite un rapport <les moyens à employer
'<
dédia au D• Johann von Brandt. En plus il eut pour ~itiger la violence immédiate des altn-
Je loisir d'écrire le premier livre de « Phyloso- . J,,. ques, et pour préserver le malade des crises
phire Sagax »d'y ajouter les parties suivantes, de futures.
commencer la quatrième, et de composer l'édi- Il utilisa la plupart des observations faites
tion allemande de ses fameuses « Sept Défen- pendant sa présence auprès du Maréchal, dans
ces » vant de repartir. Il est probable _qu'il la troisième partie d ti sa « Grande Chirurgie ~.
passa ~a majeure partie de l'été de 1539 à Kro- Ses moyens lui permettant alors d'employer un
mau.Les symptômes et les phases de la maladie secrétaire, il put pendant les mois d_'été de 1537
du Maréchal exigeaient l!eaucoup de temps et de mener une vie litteraire plus active. Il dicta
: : • .· , • ' • ' 1 • "i 1' ; ;

. .· :
,· .....

..
'- ;. '
DERNIÈRES ANNÉES aH
340 LA VIF. nF. PARACELSF.
misérable jalousie ou une pitoyable lâcheté, et
tous les ouvrages déjà mcutioanés et proba- ils l'évitèrent. Probablement que sa « Grande
blement le « Labyriuthus Medicorum Erran- Chirurgie » confondait leurs pratiques profes-
tium >. sionnelles, et comme elle acquérait une renom-
Ayant fait tout ce qui lui était possible pour mée européenne persistante, leur ignorance se
soulager le Maréchal, il obtint la permission de réfugia dans la fuite devant sa présence. Quel-
partir pour Vienne où il espérait trouver un ques-uns des hommes jeunes le recherchèrent,
éditeur pour ses « Défensiones » et pour le il fut reçu bospitalièrement par les citoyens,
« Labyrinthus >. li emporta ses deux manus- parmi lesquels il accomplit quelques cures
1 '.'

crits laissant derrière lui une caisse · remplie bien rétribuées. Il dépensa largement ses hono-
'
d'autres ouvrages qu'il avait, en partie, appor- raires en réceptions et en banquets auxquels il
tés d' Augsbourg ou d'Efterdingen. li voyagea à conviait ses amis .
. cheval par la vallée de la Marche à Presbourg, ot1 Le roi Ferdinand auquel il avait dédié la
il fit halte. Une notice dans le registre du Cham- « Grande Chirurgie » l'envoya chercher par
bellan de la ville fixe la date de sou séjour, derix fois, désirant qu'il rencontràt s es propres
sans donner celle de son arrivée. , docteurs. Mais Paracelse expliqua au Roi qu'il
Le vendredi qui précéda La Saint-Martin, il · valait mieux les laisser de côté, puisqu 'ils 11e dé-
' \
fut fê té à un banquet donné en son honneur par siraient point ètre initiés à sa seience e t que
le greffier municipal Blasius Behaim ; ceci se lui n'avait nulle envie de connaître la l~ nr.
.,
passait à la fin de septembre 1537. L'archiviste A Vienne pet•sonne ne voulut accepter ses
.,
'"
ij
Johann Batka enregistra les détails du repas : manuscrits pour les éditer. Le Litre de l'un, le
poissons, pâtisseries, rôtis, vins, pains, . lait, \. contenu des deux alarmèrent les éditeurs qui ', ,j
œ ufs, légumes, persil, beurre, fruits e t fromage. se seraient brouillés avec toute la faculté médi- ' ..
Même les gages du chef sont notés 24 deniers. cale, s'ils avaient publié ses invectives. No-
La célébrité de Paracelse était dans toutes n obstant, il goûta le séjour prolongé de la ca-
les bouches et il fut accueilli avec de grands pitale impériale.
honneurs. Le « Labyrinthe des Physiciens Errants », ne
Mais à Vienne les docteurs montrèrent une
3U LA VIE DE PARACELSE DE R ~ TBRES AN NÉF.S

fut publié qu 'en 1otrn, douze années après la Vers la fin d e 15 J7 , Paracelce s'achemina vers
mort de Hohenheim. Il parut à Nuremberg, dans Villach en Carinthie et resta environ neuf mois
une condition très imparfaite, et l'on y avait dans la petite ville et ses environs; - il les avait
ajouté deR vers latins faisant l'éloge de la mé- visités onze ·années auparavant lorsqu'il fit la
decine, plutôt narrée que telle qu'il l'écrivit. route de Venise à Wirtemberg.
Ce qui donne d~ l'intérêt à cette version, es t Il est très possible qu'il ignorait la mort de
la gravure représentant Paracelse et que le son père jusqu'à ce qu'il en eût la nouvelle à
Dr Sudboff dépeint ainsi : Vie nne ; il se peut que l'affirmation de sa
« Le visage puissant est légèrement tourné célébrité et le succès de sa « Grande Chirurgie~
vers l'épaule gauche, la tête presque toute. lui donnèrent le désir de revoir s9n père ; mais
chauve laisse voir le front superbement m o- ce ne fut qu'à Villach qu'il apprit que ce der-
l delé et la suture, de rares mèches de cheveux nier était décédé. Dans l'une ou l'autre occur-
:, [:' ... bouclés recouvrent les oreilles. Son simple vê- rence, les magistrats durent être satisfaits de
,.'
\.
tement laisse voir la collerelte de la chemise ; remplir leurs obligations dans la question du
... sur la droite de son habit pend une cordelière testament paternel. Quelles que fussent les
à gland ; la main dextre repose sur la pomme circonstances dans lesquelles il rentra dans la
de son épée, la gauche s'appuie sur la travers e. maison de son enfance, elles durent être tris-
: . . tes. Les biens dont il hérita !ni furent remis, et
Le fond représente une fenêtre cintrée recou-
verte de mousse, dans l' arcature de laquelle la comme les formalités d'atl'aircs se prolongeaient,
date de 1552 est gravée. Au-dessus sur un écus- il accepta un poste temporah·e de métallurgiste
son, sont les mots ALTERIUS NoNSIT QUI suus sous l'administration des Fugger. Les direcLeurs
ESSE PoTEST. Sans nul doute, celte gravure fut s'attendaient à trouverde l'or, en plus du plomb
prise sur l'original gravé par Augustin Hirsch- et de l'argent pour lesquels la vallée de Lavan
vogel en 15:~0. :. était dé,jà renommée.
Les éditions de Huser incluent le « Labyrin- Paracelse fit une étude méticuleuse des res-
the > et _en 1559, il y eut une nouvelle éditfon sources minérales de la Carinthie el particu.:.
de la version de Nuremberg. lièrement des rui1111eaux (•t des rivières avec
< ' 344, LA VIE DE P ARACELSE DERNIÈRES ANNÉES

Je m·s bulius métalliques d es monlagnes. Ir eut . Hohenheim Docteur (les deux Médecines. notre
de bonnes raisons de croire à la présence de très cher ami et mait1·e », lettre dans laquelle
l'or, de l'or fin, pur, qui avait déjà été trouvé on lui donnait l'assurance que l'archiduché lui-
par des mineurs dans le passé et s'y trouvait . même ·s'occupe rait de la prompte impression et
actuellement. Ses rech erches aboutirent à un publication de ses livres. Malheureusement les
livre, qu'il écrivit en août, l'an 1538, et qu'il États se contefüèrent de celte promesse. Ce ne
dédia aux États de l' Archiduché de· Carinthie fut qu'en rneya, vingt-deux ~ns après la mort de
et dans lequel il mentionne les médecines in- Hohenheim,. ·que le traité des « Maladies Tar-
'.r
nombrables qui se trou vent dans les eaux, miné- lriques > fut publié à Konisgsb(·rg, par Johann \

,.,_
raux et plantes du pays, spécialement contre D aubmanm et à Bâle par Adam von BodensLein. J
les maladies goutteuses. Il manda cette « Chro ·- Quant au « Làbyrinthe », nous savons que la
'
·i:"
.,
•, nique de la Carinthie > avec trois autres écrits
aux États, les priant de les faire publier. Un
première édition. forl médiocre, fut imprimée
·i··" à Nuremberg en 1553.
~ ·, des autres ouvrages était le traité achevé à Kro- Une édition meilleure des « Maladies Tartri-
, mau sur les maladies produites par les acidités, ques » parut à Cologne, publiée par les succes •
telles que la goutte, la pierre, la gravelle, etc., seurs d' Arnold Byrckmann un quart de siècle
qu' il appela« Les Maladies Tartriques», un autre apt•ès la promesse faite à l'auteur .
était le« Labyrinthus Medieo rurn Erranleam ,. . « La Chronlquo de 1:armlhie », avec sa dé-
et l e troisième ses fameuses « Defensiones ~ con-- dicace complète aux nobles d o .l'urohiduc ho
tre les calomnies de ses ennemis. le « Labyrinthe des Médecins J~ rranltt » el lcB
Il demeurait alors à Saint-Veit, à quelque « Maladies Tartriques » furent publiés ù Colo-
distance de Villach, et la d ate de la dédicace gne par les mèmes éditeurs.
de sa c Chronique de la Carinthie », aux États, . Paracelse se trouvait à ,Laibach, en Carniole
est le 19 août Hi38. Quinze jours plus tard, il à la fin de 1538, et y rencontraAugustin 1-füsch-
recut une lettre de remerciements c de ceux de vogel, qui fit son portrait el le rep1·oduisit en
leurs membces assemblés à Klagenfurt,. « Au gravure.
.. _ noble et fameux Auréolas, Théophrastus von Ce portrait fut l'original duquel presque toutes
' 'j
~, ~ .
346 LA vu; DE l'.ARACELSE D.lfüN.IÈRES ANNÉES 3~7

les gravures sur bois et estampes ultérieures de hl Clllc, plus haute, sur le bord supérieur de la-
Paracelse furent tirées. Nous en avons déjà <pwlle s'appuie le bras gauche de Hobenheim,
mentionné une. On a conjecturé que Hirschvo· ot sur laquell e nous lisons le titre erroné et
gel voulait la reproduire sur une feuille vo- lu seconde de ses devises favorites :
lante. Et certes elle était à juste titre destinée à
ce but. Mais comme par elle-même la ressem- El<'FIGrns AuR~:oLI THEOPHRASTI AB HoHENHEIM
blance était belle et sympatique elle devint une de ,..S UE AETATIS 1/,7
ses portraitures les plus représentatives et carac- ÛM NE DONUM PERFECTUM .AB DEO
tél'istiques ; on la copia avec ou sans addiÜons IMPERFECTUM AB DIABOLO
et. changements pendant un siècle et plus. f5 AH 40 ·. ~. 1
H1rschvogel lui-rnème la réadapta en 1MO, et
de cette œuvre le D• Aberle donne les détails
suivants : Nous savons que Ruser adapta une gravure
« La gravure de Hirschvogel diffère des co- g1•ossière et tnal faite d'après celle de Hirsch- ..i

pies précédentes, par la présence du piéde~tal vogel comme frontispice à chaque volume de
d'une colonne qui s'élève derrière le bras droit son édition des œuvres de Paracelse.
de Hohenheim et dont la corniche est au ni- Les traits de l'original sont imposants, les
contours du menton, des joues, délicats et affi-
' -,•'
. '• /
j

veau de ses yeux. Derrière la colonne . un · mur ·~


q,
étroit sert de contrefort au piédestal. > nés. ba bouche est petite, ferme et close. Le
Une tablette transversale touche à la partie front s'élève en uuc com·be majestueuse. A part
\
supérieure du pilier ·et traverse toute la lar- quelques cheveux bouclés sm· les côtés, la tête '··
geur de l'estampe ; on y peut lire l'inscription est chauve. Dans les yeux, grands et profondé-
décorative comme suit : ment enchâssés, réside une mélancolie perma-
nente. Il porte un simple vêtement sur une che-
ALTERIUS NON SIT QUI SUUS ESSE POTEST · mise froncée, terminée au col pat• une petite
collerette de dentelle. La main droite tient la
.;;.j
Sous le poetrait se trouve une seconde ta- pomme de son épée, la gauche s'appuie sur la
J t.

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, 3.t.8 LA VIE DE PARACELSE DERNIÈRES ANNÉES 349
..
'<J'I traverse. Maintes légendes étaient mêlées à cette nique de la Carinthie ... :. Ils complotèrent, un
épée, entre autres celle que dans la pomme, il . jour qu'il se rendai~ à l'Eglise de Villach, de
gardait un diable esclave de ses volontés, ou s'assembler de toutes les parties de la Styrie de
celle encore qu'il y recélait son labdanum pré- la Carniole et de la Carinthie, remplirent le
cieux, ou celle que l'épée s'élançait pour le dé- · parvis, décidés à l'insulter et à le bousculer à
fendre à son commandement. · son entrée et à sa sortie de l'église.
Ce fut une scène étrange dans le Tabor, nom
Ah! fidèle Azoth, tu t 'élances donné à ces cours d'église, où, dans ces pays ex-
Sous l'étreinte de ton maître pour la dernière fois.
posés aux invasions, on fortifiait cette enceinte
pour y abriter les femmes, les enfanLs, pendant
Pendant sa résidence à Saint-Veit, Paracelse quo les veillards et les garçons maniaient le Ta-
pratiqua la médecine avec beaucoup de succès. hor, espèce de tambourin, coutre les Turcs en-
On l'appelail auprès de nombreux malades que ~1o mle. D'un côté se trouvait une lâcheté cruelle,
les médecins avaient menés à leur dernier soupir d l'alltr , le Mime d'une vieille expérience de I /

ou renonçaient à soigner ... Ses cures disccédi- 1 lift ,. A ut nno pa1• la sottise.
tèrent leur ignorance, leur insouciance et l'an- ff 11 1mn601. On 1111iL peu de
cienne jalousie professionnelle éclata. r ln1U nt, du <1u'H llt, mniR
Un de ses patients était le médecin du Roi on I' 111 q11'll vJtl&!l d • m•l1d L L r·1ni11a
de Pologne, Albert Basa, .qui vint à Saint-Veit 1 d roi r ll.vr •· Il tllh à Utf burg et ta Mu·
pour le consulter. Un autre, abandonné par les nto'h, probabl m nt cm tt1!10, put1 d nouv uu il
docteurs, le tit venir auprès de lui. Paracelse fit Villaoh, ensuite ù Gratz on llésfo 1ut1•lchlün110,
une prescription, et il l'invita à dîner pour le après cela à Breslau, puis il relOUl'DU à Vicnno,
lendemain. Le médicament fit merveille et l'in- où Hirschvogel retoucha sou porLralL. Il 11«1 se
valide d1na gaiment a ve.:; son médecin viQ.gt- dirigea sur Salsbourg qu'aprè1 ce deuxième et
quatre heures plus tard. La haine de ses enne- long séjour à Vienne.
is professiounels se déchaina avec fureur, ces Ce fut en 15.U 'JU'il partit à cheval pour
e~nemis qu'il avait mis au pilori dans sa « Chro- ' Salzbourg, via Ischl ; mais il resta des mois
~o

~....,...,_...,....,...,...~ __
r ~..,,_~~~''""""'~_..,.,....,,,~~-
· ....,..,..,.,,.....""""'""""""'~__..r· ....._.,............,..__..~~.~~
350 LA VIE DE PARACELSE DERNIER ES A NNÉES

en chemin s'arrêtant où il voulait, sans doute, lier à Salsburg, pour expliquer sa maladie, à
n'ayant plus de force pour les courses prolon- la maison au coin du Plretzl, sur la rive droite
gées. de la Salzach.
Une de ses haltes fut à Schober, appelé de Le courrier avait des instructions d'attendre
nos jours Strobl, sur la rive nord du beau lac le diagnostic et les avis du grand docteur. Pa-

- . de Fuchel. Là il s'arrêta en avl'il 154:1 chez un


ami, et de là il écriviL à Jacob Tœllinger, qui '
racelse fit part des deux, mais expliqua que la
maladie, trop ancienne, ne se pouvait plus gué-
paraît avoir été un ami intime, sympathique et rir. Plusieurs lettres furent échangées, mais il
fidèle. Il lui envoya des conseils pour sa santé, avertit le patient que malgré les remèdes sug-
deux recettes et une lettre qui se terminait avec gérés il était trop tard pour arrêter le mal. Il
ce message inusité : « Veuillez donner mes meil- blâma les médecins de Boner de .leur diagnos-
1 ·:\
leures salutations à vot1·e femme, votre fille, et tic absurde.
que la grâce de Dieu soit avec vous tous.~ Ces· Lui-même souffrait d'une maladie insidieuse,
dames furent vraiment favorisées, Paracelse résultant en partie de sa vie errante, sans repos,
évitant résolument les femmes. et de son- ardent labeur. Il avait, depuis des
Ce ne fut qu'en mai qu'il atteignit Salsbourg, ann 11, oompoeé lui-même ses médicaments.
sa derniè1·e étape. La supposition qu'il fut L • h rh 111 t 1 Il mlnôranx oontribnnicnt leurs
nommé docteur particulier du prince archevê- quint -._. no 8 A 1108 lohHure11 : parmi ceux-ci,
que Ernest, duc de Bavière et comte palatin, a été · l'onllmoln , le m ro111• , l'opium, ln belladone
abandonnée. Mais on peut croire qu'il reçut un _ et d'autres poieons. ll truvulllull nveo ceA subs-
accueil d 'honneur du prince et de la Cour. tances dangereuses, et on présum qu'un lent
..,
Ce que nous savons des mois qui précèdent empoisonnement se faisait dans son corps, dt\
la mort de Paracelse se monte à peu de chose~_ .,. aux vapeurs des décoctions et dfl& distillations,
Le ~ août il écrivit une lettre à Franz Boner J ' Il est certain que sa santé était profondément
Cracovie. Ce gentilhomme polonais avait · é,té - atteinte . .
induit 9 le consulter probablement par )~ Ses joues étaient pâles, creuses, ses lèvres
D• Alberi Basa. Il envoya un messager parti~u- pincées, serrées, dans ses yeux était la tristesse
),

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J. ~ " -.'
r- ·.-.•JI.-
352 LA VlE DE PARACELSE DERNIÈRES ANNÉES 353
des souffrances continuelles. La gravure de il étudia, fit des visites pl'Ofessionnelles, ou
Hirschvogel de 15.&.0 montre bien chaque symp- do.n na des consultations dan.s sa maison. Il
tôme. avait pourvu sa chambre de travail d'une grande
Jamais il ne s'était reposé, rareruent même cheminée sur un foyer de pierre, juste en face
la nuit, après un~ journée de labeur ou de de la porte; il avait ajouté des étagères, des ta-
voyage. « Le repos, avait-il écrit un jour, est bles et tous les ustensiles d'un laboratoire, tels
meilleur que l'insomnie, mais l'insomnie est que les soumets, pinces, creusets, vases, cor-
plus profitable que le repos. » nues, alambics. Il avait faiL provision d'herbes,
Elle était d'autant plus profitable qu'il cher- de minéraux, en un mo t il s'était installé prêt
chait la science, la vérité, la sagesse et non l'or,
le rang, ou le confort. Il les avait cherchées
aux consultations, aux expériences chirurgi:.. ...
ques et pour noter leurs r ésultats. Il était éga-
toute sa vie durant, depuis les jours lorsque à lement occupé à écrire ses méditations sur la
côté de son père, il courait par les prairies et vie spirituelle. Un fragment de l'une était celui
les rives de la Sihl. A p1·ésent ses jours de « Concernant la Sainte-Trinité, écrite à Salz- -~

voyages étaient finis. · bourg, dans l'altente de la Veille de la Nati-


Bien des légendes furent invent~es autour de vh• d N L1•0 Mt• Darne •, qui ne fut jamais
sa mort. L'une disait que les médecins de Salz- & rmln , 1]11 ruL publl6 par '1'oxitc8 on HS70.
bourg avaient payé un ruffiau pour le suivre la Il y uvah llU881 doit f) ll88ll8' 8 choisi" do ln Bihlo,
nuit l' assommer ou le jeter au bas des rochers. écrit• sur des t ulllee vohmt s.
Une' autre raconte qu'ils lui donnèrent à boire . Il fut réveillé de ces ooouputlons paisibles
du vin empoisonné, ou du verre pilé dans sa ' par les rapides progrès de lu maladie culmi-
bière. Mais grâce au témoignage du D' Aberle~ nante. La Mort entrait furtivement pour l'é-
nous pouvons écarter ces vîiains soupçop.s. teindre. ,,
Ce qui est certain, c'est que jour par jour la Il avait eu la vision du secret de la mort pour
subtile maladie progressait, et qu'il fortifia son . les autres et certes pour lui-même. L'installation
courage pour la rencontre du maître invincible de sa petite demeure, le retour au repos après
qu'elle annonçait. Pendant plusieurs semaines tant d'inquiétudes, la hâte d'enregistrer ses pen-
20 .

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.j )~. 4; ·~ _,, .J •
T.A vm DE PARACELSE DERNIÈRES ANNÉES

sées sui· les mystères de notre foi tout indique res. On l'y transporta la veille de la Saint-Ma-
le pressentiment de jours que Dieu avait comp- thieu, le 21. septembre. Le notaire public Hans
tés et d'un grand désir d'en tirer le plus grand Kalbsohr, et six témoins invités, s'assemblèrent
parti possible. pour écouter ses dernières volontés, et pour les
« La nuit, avait-il écrit un jour, les voleurs mettre en écrit. Un autre était présent, son ser-
dérobent, ne pouvant être aperc;ms et ce sont viteur Clauss Frachmaier. \
les larrons les plus malins qui volent sans être Les six témoins appelés étaient Melchior 1.
\
attrapés. Ainsi se faufile la mort, lorsque la mé- Spacb, juge à Hallein, André Setznagel, Hans
decine est obscure et dérobe la vie de l'homme, Mülberger, Ruprecht Strobl, Sebastian Gross,
son plus grand trésor. » tous-de Salzbourg, et Stephan 'Vaginger <le Rei-
Et à cette heure, celui qui avait peiné pour la chenthal.
médecine, la considérant une révélation de l'a- Paracelse était au ·1ft, mais assis. Le premier
mour Divin: celui qui avait cherché à en dissi- article de son testament, après une désigna-
per l'obscurité avec la« Lampe de Dieu» m~u­ tion exacte, et daté correctement, est comme
..,,.1 ,
'<'.
rait. Les voies mystérieuses de l'Eternel suivaient suit:
leurs cours, e t la vie se retirait de lui, tel que le Le très savant et honoré Maître Tbéophrastus
soleil se retire de la terre au couchant. von Hohenheim, Docteur en Science et en Mé-
Il reconnaissait la main qui l'entraînait, et se decine, faible de co rps, usRis 1mr un lit de camp,
retourna vers elle, calme et averti. Restait le · mais d'esprit lucide, de cœur probe ... remel sa
travail ultime. Il avait quelque bien, ses livres, vie, sa mort, son âme sous 111 gar•do et sous la
ses vêtements, ses drogues. Il lui incombait de protection du Tout Puissant. Sa foi inébranla-
veiller à leur distribution équitable, et il était ble espère que l'Eternel Miséricordieux ne per-
impossible de faire des dispositions satisfaisan.,. mettra pas que les amères souffrances, le mar-
les et légales dans sou laboratoire du Plretzl. Il tyre et la mort de son Unique Fils notre Sauveur
loua donc une chambre à l'auberge du Cheval Jésus-Christ aient été stériles et impuissants
Blanc, dans la Kaygasse, assez vaste pour servir pour le salut de cet homme m alheureux.
de chambre de malade et de chambre d'affai · 11 donna ensuite les directions pour son e'l:

. '
•'·

356 LA vrn DE PARACELSE


DERNlÈRES ANNÉES 357

terrement, et choisit l'Eglise de Saint-Sébastien menls et ses médecines, dont il devait faire
au delà du pont. Son corps devait y être porté, usage durant sa -vie.
on devait y chanter les Psaumes un, sept et Tous ses autres biens et possessions, avec
trente. Et enlre le chant des Psaumes, chaque l'exception de quelques petits héritages d'ar-
pauvre qui se trouverait devant l'Eglise recevrait : gent; il laissa c à mes héritiers >, les gens pau-
un denier. Le choix des Psaumes est caractéris- vres, misérables, indigents, ceux qui n'ont ni
tique. C'est la confession de sa foi, que sa. vie argent, ni vivres, sans partialité ou faveur : la
ne doit point périr, mais qu'elle recueillerait pauvreté et le besoin sont les seules condi-
1'immortalité : tions : « Ses dettes devaient être payées avant
« Il sera comme un arbre planté sur les ri- tout. »
ves ; il produira les fruits en leur saisen. Ses li nomma ses exécuteurs testamentaires Maî
feuilles, non plus, ne se dessécheront : regarde, tre George Teyssenperge,r, et Michael Setzna-
quoi qu'il fasse, il prospér·e ra. « Mon secours , gel, auxquels 11 laissa douze florins en monnaie,
vient de Dieu : Il préserve ceux qui sont de et à chacun des témoi1;1s il légua douze florins
cœur fidèle ... Je rends grâce au Seigneur, "con- ôgalement. Après la phraséologie .légale confir-
formément à sa justice; et je louerai le Nom man& ion L sLament, les témoins et aussi son
du Très Haut. » ··.;!"~ 1 Hl& ur IAU881 apposèrent leurs noms au do-
'""~l
« Je l'exalterai, 0 Seigneur, car .tu m'as élevé · ,,:,·:· .-·· ·a
oum nL Mat&r Hans J<.all>sohr conclut d'une
vers toi ; tu n 'as pas permis à mes ennemis de ·. ,·:) ~'.;~ taoon appr 1u•J , 1•ar 80 déolai•ation et sa si-
triompher de moi. .. L'accablement peut durer' ~ ~ 4~;· gnatur •
une nuit, mais la joie vient au matin.~. Seigneur, ,,·: . Ce te1ta1n !l& n 111 h qn 11 11 bleus se trou-
sois mon soutien. Tu as changé mon accable_; · .· vaient dans plu1lour1 ndrolt • 1) nx ooli1sos de
ment en allégresse... . ses livres ei eea rnaou1or1L1 tel nt à Au~K­
c Ob 1 mon Dieu je .te rends grâce à jamais. ~ burg, une à Kromau, t d'autr 1 oho8 lui op,-
Après ces instructions, viennent les leg~. A partenant étaient à Leob o, d'outr 1 ennn à
. •' Maitre André Wendl, citoyen ét docteur .de Villach et à Sirint-Veit.
Salzbourg, il laissa tous ses livres, ses instru- Il vécut seulement trois jours aprbs l'nooorn-

, .

...
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::158 T, A vm DE PARACELSE bERNIÈRES ANNÉES 3~9


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plissement de celle tâche dernière. Sans doute · · que les funérailles du grand médecin fussent
il mourut à l'auberge du Cheval Blanc. Il est . célébrées avec solennité.
avéré qu'il ne vint jamais à l'hôpital de Saint- Paracelse avait Q.ésiré être inhumé dans le ci-
Sébastien. La mort ne l'effrayait pas. La Mort metière des pauvres et indubitablement les pau-
« c'était la fin de sa journée laborieuse, et la ré- vres vinrent dire un dernier à Dieu à leur e.mi
colte de Dieu. Le pouvoir qu'a l'homme sur nous ' et recevoir ce qu'il leur léguait. Le mandat du
cesse avec la mort. Dieu seul alors en use avec P1·ince suffisait certes à assurer les obsèques,
nous, et Dieu est tout amour ». selon les vœux du dét'unt, mais nous aimerions
à savoir que les laudes qu'il désigna furent chan-
Si je desc ends tées autour de sa bière dans l'église. Son indé-
Dans la formidable, sombre mer des nuées
,• pendance apostolique n'était point connue à
'~ Ce n'est que pour un te mps; je serre la lampe divine'
Fortement cont1•0 mon Rein ; sa splendeur t ôt ou tard _Salsbourg, car ses traités ne furent imprimés
'fran~pcrceru los ténèhr11s ; j'émol'gcrai uu jour 1 que longtemps après sa mort. L 'on présumait
qu'il était orthodoxe et on l'enterra dans Je ci-
..
'
La date de sa mort fut le 24 septembre tM( meti~r~ réservé aux indigents .
Ltl livret qui l'occupèrent surtout avant sa
C'était le jour de la Saint-Rupert, .fête tr:_è s
populaire à Salsburg, qui celle année-là tombait tn r&, apparu nnout à l'élude des Ecritures. Il
sur un samedi. Déjà existait un décret passé en y aval& uu V LI& Dlhl , un Nouveau Testament
coutume, et qui p·e u de temps après fut prononcé « Oonoord1a Bibllorum,. ot le8 « lntorpr·etulio-
péremptoire, qu'entre la mort et l'enterrement nes super EvangoJlu ~o Suint .lôa•Omc ».
pas plus de vingt-quatre heures ne devai~nr ~~.' Des médiLations religieuses lnnohevoos oL sept
s'écouler. Le corps de Hohcnheim fut tran:~-- . · Lrailés médicaux constituent ses <lel'l1ie1·s écrils.
porté. de suite à l'église d e Saint-Sébastien, èt ,._ Sa garde-robe était très complète. Après la pu-
enterré l'après-midi du 24 dans le cimetière atté:.. blication de sa c Grande Chirurgie » il a dû
nant et sa tombe creusée au milieu.
' &e permeLtrede plusamplesdépenses. On trouva .

La ville était bo.ndée .de gens de la campagne quantité de vêtements, des habits de velours,
et d'étrangers. Le Prince Archevêque ordonna de .damas, des manteaux et dès habillements de

. ..,, ..,, __ , _ - • - .J> ... r·--- - . _ # _ __ _ _ , _ _ _ _ ~ . ,-,.. • • • - ., · -- - · ... ..- . . _ . . . .. _ ,. _ _. . . . . - • ••• -·


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360 LA ViE DE PARACE LSE DER"°IÈR ES ANNÉES 361


cheval. Sa fameuse épée n'est pas mentionnée_ des Bombasles von Hohenheim, et c~s mots se
dans le testament et l'on ignore à qui elle fu_t trouvent en dessous : « à la Paix vivante, au
léguée. Repos Eterne l en ce sépulcre» . .
Cinquante années après sa mort, sa tombe-, · Mais à Parace lse inhumé deux fois, la mort
fut ouverte, ses os furent enlevés et mis dans - elle-mème n'apporta point le repos, car main-
un autre sépulcre, contre le mur de l'église - de · tes foi s ses os furent déplacés.
Saint-Sébastien. Le centre du cimetière fut · · · La seconde fois ce fut en 1752, deux siècles
requis comme site d'une chapelle à Saint-Ga- . ,et davantage
1
après le premier enterrement lors-
briel. "- - · que I 'Archevêque Andréas von Dietrichstein
L'exécuteur testamentaire de Hobenheim, Mi- · érigea une pyramide en marbre sur un piédestal,
chael Setznagel, avait placé une dalle de' rhar- : dans laquelle on sertit la vieille plaque de
bre rouge sur la tombe, avec une inscription marbre rouge , e t le tout fut placé dans le por-
commémorative. La dalle fut transférée. L'ins- che de l' Eglise. Sur le pinacle pose une urne,
crip Lion est en latin, et se traduit environ çomni_~ mais ses os furent placés dans une niche de la ' -

suit : pyr~mide qui se fermait par une petite porte .


en fer.
Ici ci-git _Le port rait de Paracelse devait être peint sur
PHILIP THEOPHRAST US cet~e porte, mais par que lque bévue, le portrait
de son père y fut substitué, erreur qui fut seule-
ment découverte en 18fW par le Professeur Se-
Le fameux docteur en médecine qui guérit
ligmann. ,•.·
les blessures, la lèpre, la goutte, l'hydropisie
Encore aujourd'hui les pauvres vont là prier.
et d'autres maladies incurables du corps, avec · ~
La mémoire de Hohenheim a « fleuri dans la
une science m erveilleuse, et donna -ses bi_e ns
poussière » en Sainteté, les pauvres l'ont cano-
divisés et distribués aux pauyres. ·' ·
nisé. Lorsqu'en 1.830, le choléra menaça Salz-
En l'an 1541, le vingt-quatrième jour de sep-
bourg, le peuple fit un pèlerinage à son monu-
tembre « il passa de vie à trépas :;.
ment, et· des prières afin qu'il détournât I e
Sous l'inscription on a gravé les armoiries
.' ...
~ ., 1

' :/
r

362 LA VIE DE PARACELSE

fléau de leurs foyers. Le mal terrible s'éloigna,


faisant rage en Allemagne et dans le reste de
l'Autriche.
Au commencement du x1x• siècle, les osse-
TABLE DES MATIÈRES
ments de Paracelse. avaient été encore déran-
gés, cette fois par Je D• Thomas von Sœmme- .
ring, qui obtint la permission d'examiner le
Pages
crâne. Il découvrit à l'arrière la blessure, sur la-
quelle on avait basé le mythe de son violent. CHAPITRB 1
assassinat. On disait quïl avait été précipité d'une
· · Le Dr Wilhelm von Hohenheim . 9
hauteur sur les rocs, que soncou avaitétérompu
et son crâne fracassé. Cinquante ans après, Je CHAPITRE II
D• Aberle Io controversa par des examens suc-
.' cessifs des ossements en 1878, 1881, 188~ et 1886. Naissance. Enfance. Education . 35
Il en donna les résultats dans son précieux li-
vre « Le tombeau, le Crâne et les illustrations CHAPITRB III
de Théophrastus Paracelsus (Salzburg 1891) >. Les Trois Principes 58
Il démontre que si Paracelse était mort d'un
1; cou rompu, il n'aurait pu dicter ~on testament
'
CnAPITRB IV ...
,.
"· comme il le fil devant sept témoins. Le D' Aberle Années de voyages 80
rc:·
I'.
découvrit des indications nettes de rachitisme,
et c'est à l'action de celui-ci qu'il faut attribuer CHAPITRB V
i... ,,
~

la courbe el l'épaississement du crâne et· sa Docteur de la Cité et Conférencier à Bâle. 103


conséquente détérioration dans la tombe.
CHAPITllB VI

La Salle des Conférences . 129


.... ,. ..
·' .' \

TA.BLE DES MATIÈRES

Cn .\PITRB VII

Pèrséculion . \.
CHAPITRR Vlll

Nul séjour stable

C.11APITRB 1X

Volumen Paramirum. _:211 ".

CHAPITRR X

Opus Paramirum . 239

CHAPITRB XI

Reprise de la vie errante

C11APITRll ~II

Maître, Myst~que, Chrétien

CHAl'ITRB XIII

Dernières années .

MA \~ BNN8, JKPRfHKlHE C RARL B S CO LIN

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