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Dès 1922, une étude exhaustive tout à fait remarquable sur les
monnaies de l'Arabie préislamique était publiée par George Francis
Hill (1). Malgré cela, dans les décennies_ qui suivirent la numisma
tique ne retint guère l'attention des sudarabisants, alors qu'elle
est primordiale du fait des implications chronologiques qui
résultent du classement des monnaies (1).
Cette publication est toujours précieuse mais désormais incom
plète ('). C'est ainsi que dans le domaine tout particulier des
imitations d'alexandres avec légende ou lettres sudarabiques (�),
alors que du temps de Hill on ne connaissait qu'une seule monnaie
de ce type, ce sont aujourd'hui cinq séries monétaires,
représentées par un nombre plus ou moins grand d'exemplaires,
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monnaies d'Alexandre sont l'objet de cette étude. Avant de les
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décrire, je rappellerai que le conquérant macédonien a frappé
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culièrement d'argent, seul métal dont il sera question dans la
suite de cet exposé. Il a adopté pour ce monnayage l'étalon attique
dont la drachme pèse 4,30 g. Le tétradrachme, qui est le module
I0,'11{ :-::·.'.•, � :. ·.·;,::,• le plus courant, pèse donc idéalement 17,20 g mais en pratique
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s,-a.v·GÎÀT.H!Ï"' \) �p,.t'\P �\ toujours un peu moins. Les types les plus utilisés sont :
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au droit : la tête d'Héraclès imberbe coiffé de la peau de lion;
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au revers : Zeus tourné à gauche assis sur un trône et tenant sur
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C::> La frappe d'Alexandre a été si considérable, le poids des monnaies
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si régulier et la qualité de l'argent frappé si parfaite que ces
monnaies ont joui d'une immense popularité. Après la mort du
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roi, ses successeurs immédiats ont continué à frapper aux mêmes
f,1. -i Co..'l.te. types pendant quelques décennies (par exemple jusqu'en 294 en
Macédoine), puis ils ont adopté des types personnels ( 1). Malgré
cela, la frappe des alexandres se poursuit encore pendant plus
de deux siècles. Elle est le fait de cités libres qui trouvent ainsi
le moyen d'émettre une monnaie internationalement reconnue,
mais aussi de villes intégrées au royaume séleucide. Dans ce cas
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Sur un groupe, bar est suivi de quatre lettres qui se lisent sans 4) Les monnaies au nom de Sams (voir pl. I, n° 8).
hésitation Tlbs ( 1). Le revers de ces monnaies est une imitation de belle qualité
Sur l'autre groupe, bar est suivi par cinq ou six signes dont les de celui des alexandres, mais avec trois innovations : le personnage
trois premiers se lisent certainement ils ; peut-être doit-on lire assis sur le trône de Zeus est imberbe, il porte un diadème dont les
les deux suivants l et l et le sixième qui n'apparaît que sur un fanons sont visibles, et on lit dans le champ à gauche, écrit en
exemplaire (voir pl. I, n° 7) ' (aleph), ce qui donnerait Tlsll(') (1); caractères sudarabiques, Sms (Sams).
mais il faut considérer cette dernière lecture comme très hypo Quatre exemplaires de cette monnaie sont connus, tous des
thétique, d'autant plus qu'elle ne donne aucun nom propre tétradrachmes :
satisfaisant; sans doute sera-t-elle à réviser quand seront dispo - L'un, encore inédit, est conservé au Cabinet des Médailles
nibles des photographies de toutes les monnaies du trésor de de la Bibliothèque Nationale (Paris), sa provenance est inconnue
Ba}.irayn. Est-ce que Tlbs et Tlsll(') (?) franscrivent un même (poids : 16,30 g) ( 1).
nom propre qui ne serait pas sémitique (8) ? C'est la seule hypothèse - Les trois autres proviennent du trésor inédit de Ba}.irayn
qui me semble possible, puisqu'on imagine difficilement que deux déjà mentionné (poids inconnus).
Abi'ël, l'un fils de Tlbs et l'autre fils de Tlsll(') (?) aient pu frapper
des monnaies aussi semblables.
5) Les monnaies au sin (voir pl. I, n°8 9-10).
Les monnaies de ce groupe sont toutes des tétradrachmes,
seul module attesté à ce jour. Mais il paraîtrait que de petits Elles ont le même type de revers que celles du groupe 4, mais la
bronzes du même type ont été trouvés dans la Fédération des légende Sams est remplacée par un simple sin sudarabique. On peut
Emirats Arabes. Si ce fait devait se confirmer, on aurait ainsi une les répartir en un sous-groupe (a) où le sin est écrit verticalement
indication précieuse sur l'origine de ces monnaies pui::,que le bronze et un sous-groupe (b) où le sin est couché.
circule beaucoup moins que l'argent ('). Du sous-groupe (a), on connaît 4 tétradrachmes qui proviennent
du trésor n° 5 de Suse, enfoui après 140 av. n. è. (poids : 16,55;
16,70; 16,85 et 16,80 g) (1) et surtout 212 tétradrachmes découverts
(1) C'est particulièrement clair sur la monnaie illustrée pl. I, n° 6; on retrouve cette dans le trésor de Ba}.irayn (poids: de 16,43 à 16,75 g). Ces monnaies
même légende sur la monnaie illustrée pl. I, n° 5 et sur celle publiée par J. Teixidor;
ce dernier avait proposé la lecture Tlmy.
ne sont pas d'aussi belle facture que les précédentes mais leur
(2) J. M. UNVALA, Notes.... , lisait Td, ce que R. DussAuo, Sur lu chemin, de Suse..• , style n'est pas mauvais.
p. 150 n. l, corrigeait en Tanshin. Ce second type de légende sous sa forme courte Le sous-groupe (b) n'est encore représenté que par un nombre
(5 lettres) ae trouve sur l'exemplaire du British Museum, les deux exemplaires du trésor limité de tétradrachmes : les seuls que j'ai pu étudier proviennent
de Suse et l'exemplaire publié par F. Altheim. M. Sznycer et J. Starcky m'ont apporté
un secours précieux dans le déchiffrement de ces légendes ; je les en remercie l'un et
des trésors Gordion I enfoui vers 200 av. n. è. (2 exemplaires
l'autre. pesant 15,89 et 16 g) (8) et Gordion V (même date; un exemplaire
(3) Aucun de ces deux noms n'est attesté dans les langues sémitiques. pesant 16,15 g) (') et du trésor de Faylaka enfoui à une date indé
(4) La valeur libératoire des monnaies de bronze ou de tout autre métal non terminée après 220 av. n. è., mais sans doute voisine de 210-200
précieux .est négligeable comparée à celle des monnaies d'or, d'électrum ou d'argent.
Il est donc logique qu'elles soient réservées aux petits échanges locaux alors que seules
les secondes servent de moyen de paiement dans les échanges internationaux. Il est
notable, en outre, que pour les trois groupes de monnaies déjà étudiés, et il en sera de
même pour les deux autres, le nombre des monnaies d'un gros module (tétradrachmes)
soit supérieur de manière écrasante à celui des monnaies de petit module (drachmes (1) Il est illustré pl. I, n° 8. Je dois à l'obligeance de G. Le Rider d'avoir pu
et sous-divisions) : 90 tétradrachmes contre une drachme. Ce phénomène est général étudier et mouler cette monnaie. Je l'en remercie ainsi que de ses conseils et encoura
en numismatique. Pour l'expliquer on peut invoquer que les monnaies de gros module gements qui m'ont guidé en numismatique.
se thésaurisent plus volontiers que les autres pour deux raisons : 1) elles ont un moindre (2) G. LE RIDER, Suse..., n°• 495/1 à 4, p. 201 et pl. XLV (le n ° 495/2 est reproduit
encombrement, 2) il a été démontré que l'usure des monnaies (le frai) n'est pas porpor pl. I, n° 10).
tionnelle à leur poids, mais est absolue: la perte de poids d'un tétradrachme est ainsi, (3) Dorothy H. Cox, A Third Century Hoard of Tetradrachms from Gordion (Univer
à circulation égale, quatre fois inférieure à celle de quatre drachmes. En proportion, sity Museum, Philadelphie-Museum Monographs), 1953, n °• 49 et 50, p. 7 et pl. IV.
les monnaies de gros modules s'usent donc moins et restent plus proches de leur poids (4) Dorothy H. Cox, Gordion Hoards 111..., n° 35, p. 38 et pl. XII.
idéal. Au sujet du frai, voir H. DE NANTEUIL, Le frai du monnaie& d'or et d'argent,
dans Courrier Numilmalique, 16, 1928.
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92 CHRISTIAN ROBIN 93
(12 exemplaires de poids inconnus) (1). Ces monnaies sont d'un
MONNAIES PROVENANT DE L'ARABIE DU NORD-EST
le M du fait de sa position et de sa forme n'est probablement pas un Ain sudara Faylaka (Kuwayt) 1 Abyata' ; 12 sïn
ne me semblent pas appartenir à ce groupe: elles sont d'un style tout à fait différent;
bique; elles s'en distinguent enfin par le symbole de la gazelle. Bal).rayn 77 Abi'ël; 3 Saros; 212 sin
Il apparaît donc que toutes ces monnaies ont été trouvées dans nécessairement aux monnaies d'Abi'ël qui n'apparaissent que
le Golfe Arabo-persique ou sur des routes commerciales qui en dans un seul de ces deux trésors et avec un nombre sensiblement
partaient ( 1). Il est remarquable en outre qu'on ait trouvé sur la moindre d'identités de coin.
plupart de ces sites (à l'exception de Mektepini et de Tag) des Les monnaies de la seconde série (Saros et sïn) ont donc proba
monnaies de l'une et l'autre série. Cette observation permet de blement été frappées dans un atelier à localiser sur la rive arabe
conclure que ces monnaies devaient circuler ensemble et pourraient du Golfe Arabo-persique. L'origine des monnaies de la première
provenir d'une même région. série (rois de Hagar) est moins assurée; mais les affinités qu'on
Quant à_ la nature des trésors, ceux de Bal),rayn et de Faylakà observe entre les deux séries (style des monnaies et présence sur
présentent deux caractères remarquables : ils sont pratiquement les mêmes sites) amèneraient à situer l'atelier des rois de Hagar
entièrement composés de monnaies indigènes (1) et celles-ci sont dans la même région ou dans une région ayant d'importants
liées entre elles par de nombreuses identités de coins. échanges avec elle.
On retrouve cette même localisation des monnaies au nom de
a) Trésor de Bal),rayn : on se souvient qu'il est composé de Saros par un raisonnement indépendant. Sur le revers de celles-ci,
77 monnaies d'Abi'ël, 3 au nom de Saros et 212 avec sïn vertical, le personnage assis sur le trône est soigneusement différencié
en majorité très bien conservées. Or si on s'en tient aux coins de du Zeus des monnaies grecques qui a servi de modèle
droit, on obserye que 2 ont servi pour les 3 monnaies au nom
de Saros, 15 pour 145 des 212 monnaies avec sïn (3) et 19 pour a) par l'absence de barbe
les 77 monnaies d'Abi'ël. Pour un coin de droit, en y trouve donc b) par le bandeau dont les fanons sont bien visibles.
en moyenne 4 monnaies d'Abi'ël et 10 avec sïn. L'artiste a donc cherché à représenter une divinité qui n'est pas
b) Trésor de Faylakà: les 12 monnaies avec sïn de ce trésor Zeus et que le mot Sams a pour but d'identifier ( 1). Ces monnaies
ont été frappées avec 4 coins de droit ( 4) et 8 coins de revers (6). proviennent donc d'une région où Saros est une divinité de sexe
Si dans un trésor, on observe un grand nombre d'identités de masculin, ce qui exclut l'Arabie du Sud. Or une enquête sur Saros
coin, on ne saurait conclure que l'atelier qui a confectionné ces montre que ce dieu a joui d'une faveur particulière 'à Gerrha
monnaies est proche du site d'enfouissement, du fait de la grande et peut-être plus généralement en Arabie du Nord. Un Gerrhéen
mobilité des monnaies de métal précieux (un lot de monnaies nommé Tèmallatos fait une offrande à Hèlios qui est mentionnée
peut avoir été emporté très loin aussitôt sorti de l'atelier). Mais dans un inventaire de !'Artémision de Délos daté de 141/140 (1).
avec deux trésors, une telle conclusion est vraisemblable, à moins Dans un texte de Cos daté d'environ 200 av. n. è., un certain
d'une coïncidencè extraordinaire. En conséq_uence, l'atelier des Kasmaios, sans doute gerrhéen bien que seules les trois premières
monnaies avec sïn et donc de celles au nom de Saros doit se trouver lettres de son ethnique subsistent, fait lui aussi une offrande
dans une région en contact avec les îles de Bal),rayn et de Faylakà, à Hèlios (8). D'autres textes encore, moins précis sur l'origine
c'est-à-dire probablement le I:Iasa. Ce résultat ne s'étend pas de leurs auteurs, attestent plus généralement la popularité de
Saros en Arabie du Nord, comme ce petit autel de Délos offert
par un arabe à Hèlios ou cette inscription sudarabique dédiée
(1) Il faut toutefois remarquer que toutes les monnaies dont la provenance est par des Nordarabiques à la déesse Saros et q_ui sur dix noms
connue, à l'exception de deux, ont été trouvées dans des trésors qui tous, sauf celui théophores en a cinq composés avec l'élément Saros (4).
de Mektepini, ont été le fruit de fouilles archéologiques, Le fait que dans certaines
régions peu accessibles, et c'est particulièrement le cas de l'Arabie du Nord, aucun
site n'ait encore été exploré interdit de tirer de cet argument des conclusions définitives. (1) Il me semble exclu que Sams soit le nom d'un souverain: c'est un nom propre
(2) Seule une monnaie du trésor de Faylakli est étrangère à l'Arabie. assez rare, et surtout les modifications non négligeables introduites dans le portrait
(3) Les 67 restantes n'ont pas encore été nettoyées. de Zeus me semblent impliquer une relation entre la légende et la figure.
(4) Un coin a servi pour la frappe de 8 monnaies et un autre pour celle de 2. (2) ID (=- Inscriptions de Délos) n° 1444 Aa, 45.
(5) Deux coins ont servi pour la frappe de 2 monnaies et un autre pour celle de 3. (3) Voir H. SEvaro, Antiquités syriennes, Sixième série (Institut Français d'Archéo
Il est normal de trouver un nombre de coins de revers plus élevé que celui de coins logie de Beyrouth, Publication hors série n° 12), Paris, 1966, p. 142, n. 3.
de droit : le coin de droit, enchâssé dans l'enclume et immobile, fatigue beaucoup (4) ID 2321 et RES 3605 bia (republié sous Ry 547 : voir G. RvcKMANs, Inscriptions
moins lors de la frappe que le coin de revers serré dans le trousseau. aud-arabu, Quinzième série, dans Le Muséon, LXX, 1957, p. 113-117).
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1 CARACTÉRISTIQUES DES CINQ GROUPES
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MONNAIES NORDARABIQUES 0:,
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émissions
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3) Abl'i!l 4-7 id. (1) tabouret Suse n• 5 après 97 2 82 Tiig
aleph araméen 140
sin araméen Bal_lrayn v. 130 292 77
bucrane
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5) Avec sin 9-10 Zeus imberbe sin vertical (a) Suse n• 5
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après 97 4 216
diadème et fanons 140
sin sudarabique Bal_lrayn V. 130 292 212
sin couché (b) FaylakA après 13 12 15 0
0
220
Gordion I v. 200 114 2 �
Gordion V v. 200 100 1 Ël
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Cil
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98 CHRISTIAN ROBIN MONNAIES PROVENANT DE L'ARABIE DU NORD-EST 99
Ces données de l'épigraphie pourraient trouver une confirmation remplacement de l'écriture sudarabique par l'écriture araméenne
dans un texte d'Aristobule, repris par Arrien (Anabase d'Alexandre, que le contraire ( 1).
VII, 20, 1) ( 1), selon lequel les Arabes du Golfe Arabo-Persique L'ordre chronologique de ces souverains est donc selon toute
vénèrent deux grandes divinités, Dionysos et Ouranos, cette vraisemblance :
dernière parce qu'« ils la voient et qu'elle contient en elle toutes
les étoiles et particulièrement le soleil de qui vient à l'humanité 1. Abyala', dont le règne doit se situer vers 220-200 av. n. è. (2).
le plus grand et le plus évident des bienfaits. en toutes directions •· Si on peut identifier ce roi avec l'Abyata' des textes sudarabiques
Ja 1012 m et Ja 1013 j (8), au nom de qui un arabe du Nord et
un qatabanite nommés 'Abd'uzzayan et Zayd'il acheminent des
QUAND CES MONNAIES ONT-ELLES ÉTÉ FRAPPÉES ? caravanes à travers une passe non loin de Nagran, on aurait
La date approximative des monnaies• royales hagarites peut une intéressante confirmation chronologique ; en effet, selon
se dégager des trésors monétaires dont les dates d'enfouissement Jacqueline Pirenne, que je remercie pour cette indication, èes
fournissent des termini ante quem ( 11) ; on peut ainsi déduire textes pourraient se situer paléographiquement aux environs de
qu'Abyata' a commencé à frapper monnaie vers 200 av. n. è. 200 av. n. è.
au plus tard, mais probablement un peu plus tôt, peut-être vers 220- 2. J:Iâritat, vers 180-160 av. n. è. (').
210, et que les monnaies de J:Iaritat et Abi'ël sont antérieures
à une date qui se situe vers 140 av. n. è. ou peu après. 3. Abi'ël, vers 150-140 av. n. è. ( 6).
Afin de déterminer dans quel ordre se succèdent ces souverains, Pour O. M0rkholm, les monnaies de ce dernier roi sont à dater
on notera que les monnaies d'Abyata' et de J:Iaritat ont en commun vers 240-230 (•). Son raisonnement est le suivant : les monnaies
une légende écrite en caractères sudarabiques, ce qui interdit au sin couché sont d'un style beaucoup plus dégradé que celles
de les dissocier, et que les monnaies de J:Iaritat et d'Abi'ël sont au sin vertical ; elles leur sont donc certainement postérieures ;
liées par leurs symboles (palmier et protomé de cheval). Deux or puisqu'on trouve trois de ces monnaies au sin couché dans les
successions sont donc théoriquement possibles trésors Gordion I et V enfouis selon lui vers 210, le trésor de
Abyata' - J:Iaritat - Abi'ël Ba}.irayn qui contient des monnaies plus anciennes devrait avoir
ou été enfoui vers '230 av. n. è. avec une marge d'erreur de 15 ans;
les monnaies d'Abi'ël, bien conservées, ne devraient pas être
Abi'ël - J:Iaritat - Abyata' antérieures de beaucoup à cette date. Cette datation me semble
En fait, seule la première succession est acceptable pour diverses sensiblement trop haute pour deux raisons
raisons : - La succession Abyata'-1:Iaritat-Abi'ël me paraît vraisem
a) le style des monnaies d'Abyata' est moins dégradé et la blable. Comme une date aux alentours de 220-200 pour le premier
graphie de la légende 'byf est plus archaïque que celle de Ifrll (/) de ces rois résulte des trésors de Mektepini et de Gordion V, Abi'ël
mlk (/) Hgr, devrait se situer sensiblement plus tard.
b) l'absence de grènetis sur le revers des monnaies d'Abyata'
(l) Voir ci-dessous, p. 1 18.
est une présomption d'antériorité, (2) G. F. HILL, Catalogue of the Greek Coin, of Arabia..., p. lxxxvii, datait la
c) enfin sur les sites du Golfe Arabo-persique, les inscriptions première monnaie connue de ce roi du 11• siècle av. n. è. O. M&RKH0LM, Greek Coins
découvertes à ce jour, et particulièrement la bilingue haséo /rom Failaka..., pp. 20 4 et 207 propose une date vers 150 av. n. è.
(3) A. JAMME, Sabaean and Qasaean Inscriptions /rom Saudi Arabia (Istituto
araméenne publiée par Ruth Stiehl (8) suggèrent davantage un di Studi del Vicino Oriente, Università di Roma, Studi semitici 23), Roma, 1966,
pp. 20-2 1 et 22-23, et pl. 11-111.
(1) Pour les textes d'Arrien, Strabon, Pline et Diodore, je me suis fondé sur le8 (4) Pour G. LE RIDER, Su,e..., p. 202, les deux monnaies de ce roi c appartiennent
éditions de la Loeb Classical Library. probablement au 111• siècle •·
(2) Voir le tableau récapitulatif, p. 96-97. (5) G. Le Rider les date implicitement comme les précédentes, sans préciser si
( 3) F. ALTBEIM et Ruth STIEBL, Die Araber in der alten Welt, Vf'},, Berlin, 1969, elles lui semblent antérieures ou postérieures.
p. 27-30 et fig. 6 (haut) p. 55 2. (6) Dans l'article à paraitre dans Kuml, où il éditera le trésor de BaJ.irayn.
L
inscription date de 44 av. n. è. (p. 20). tracé maladroit de la légende AAE:SANllPOl'
qui se constate sur toute la série ne
(3) Voir ci-dessus p. 94. s'expliquerait plus.
MONNAIES PROVENANT DE L'ARABIE DU NORD•EST 103
102 CHRISTIAN ROBIN
ou avec sïn étant frappées entre 240 e t 130 environ av. n. è., qui n'ont pas de correspondants précis ( 1) : notre quête des
et les monnaies royales entre 220 et 140 environ. Hagarites se changera donc ici en celle des Agréens (8).
a) Strabon, Géographie XVI, 4, 2 ( = 767) d'après Eratos
thène (8) indique qu'en suivant une ligne qui va de Pétra de
LOCALISATION DES HAGARITES Nabatène vers Babylone, on longe le territoire des Nabatéens,
des Chaulatéens et en fin des Agréens CAypot(o�).
ies r oyales b) Pline. On trouve trois mentions d'Agréens dans l'Hisloire
Comme je l'ai dit, l'atelier qui a frappé les monna licite qui
est celui des H agar ites ( �). C'est
la d on né e la pl us exp naturelle de Pline. Les deux premières se trouvent dans le cours
d'elle que je
soit fournie p ar les monnaies : c'est donc à partir ries ont été de sa description détaillée de l'Arabie dont j'ai déjà signalé le
a t e lie rs o ù- l es d eux sé
chercherai à localiser le ou les caractère confus . La première prend place au début de l'énumé
frappées. ration de s tri bus de la presqu'île a rabique qui résident à l'intérieur
disponibles
Pour cela, j e vais passer en revue les diverses sources ays portant des terres et la seconde tout à la fin (Pline, VI, XXXII, 154 et 159).
où se trouve mention d'une tr ibu,
d'une ville ou d'un p L'analyse de cette énumération donne l'impression qu'elle est
le nom de Hagar. composée de trois parties qui se répètent partiellement de l'une
à l'autre. L'auteur qui a dû puiser sa documentation dans plusieurs
e la seconde
1) Les textes accadiens. Une petite inscription d une tribu
so urces ne sa it pas reconnaître une même tribu quand il rencontre
moitié du ne millénaire trouvée à Ba}:irayn mentionne son nom sous des ortho graphes différentes .
ines gutturales,
Agarum (2). Mais comme l'accadien ne note pas certa lent à Hagar. Le paragraphe où se trouve la première mention semble énumérer
va
il n'est pas absolument sû r que ce nom soit équi les tribus qui contrôlent la culture et le commerce de l'encens . ,
On n'y trouve guère de précisions sur la localisation de chacune :
2) La littérature hébraïque ancienne. On y trouve
à deux reprises
nt d e l' a ctuelle Trans- L'énumération commence simplement par « encore au sud» et
mention de H agarites établis à l' or i e
se te rmine par l'indication que leur habitat s'éte nd << de mer
8
jordanie ( ). à mer». Les Agréens (Agraei) y apparaissent entre les Lexianae
tion difficile (Lihyanites ?) et les Cerbani (?). La deuxième mention est plus
3) La littérature gréco-romaine. Elle est d'utilisa nombreuses explicite dans la mesure où les Agréens (Agraei) sont cités immé
té la mati èr e d e
car, si l'Arabie a été durant l'antiqui ces << orienta diatement après une rivière par laquelle !'Euphrate est supposé
études, malheureusement la plupart des œuvres de siste quelque
(q uan d il e n s ub
listes >> ne nous ont été transmi ses
longues ou de
chose) que sous forme de citations plus ou moins ai_n. Il semble (1) Une dernière difficulté n'est pas sans remède : il n'existe pas encore de corpus
des textes gréco-romains traitant de l'Arabie. Mais on pourra trouver des références
m
résumés intégrés dans des· ouvrages de seconde juxtaposer les à là plupart d'entre eux dans A. SPRENGER, Die aile Geographie Arabiens, Bern, 1875
même parfois que l'aute ur se s oit con t en té d e
nt il dispo sait : (réédition anastatique, Amsterdam, 1966) et dans D. H. MüLLER, article Arabia, 1,
diverses données, sans doute mal comprises, do la description Paulys Real-Encyclopiidie der classischen Altertumswissenschaft, Neue Bearbeitung,
c'est ainsi qu'il est très difficile de retrouver dans hrgg. von G. W1ssowA, vol. II, Stuttgart, 1896, col. 344-359 (pour ce dernier ouvrage,
ultés s'ajoutent
de Pline une quelconque cohérence. A ces diffic en l atin ou
j'emploierai désormais l'abréviation PW). Les textes latins et les textes grecs en
traduction latine qui traitent de l'Arabie du Sud ont été réunis par K. CONTI Ros 1N1,
bien entendu celles qui résultent de la trans c r ip tion
i n t a nt es d u sémitique Chrestomalhia arabica meridionalis epigraphica (Pubblicazioni dell'Istituto s per
ues et ch u
en grec des gutturales, emphatiq !'Oriente), Roma, 1931, p. 1-17.
(2) Je néglige bien entendu toutes les mentions de Agra (Egra, etc.) qui se
rapportent manifestement à la métropole du l:IigAz septentrional, aujourd'hui al-1:Iigr.
Voir TKAé, Egra, dans PW, vol. 5, Stuttgart, 1905, col. 2005-2006.
(3) �ratosthène vécut dans les trois· derniers quarts du me siècle : voir KNAACK,
Eratoslhenes, 4) Eratosthenes von Kyrene, dans PW, vol. 6/1, Stuttgart, 1907, col. 369.
(1) Voir ci-dessus p. 92.
Dilmun, dans Journal of Cuneiform Sea informations qui peuvent avoir été de première main se rapportent à l'Arabie
(2) Voir P. B. CORNWALL, Two Letters from de la deuxième moitié du m e siècle. Notons en outre que la mention des Agréena
Studies, VI, 1952, p. 141.
ï'ïm); Ps. LXXXIII/7 (Hagrïm). (•Aypœç) qu'on trouve dans Denis le Périégète, Périég�se, 956, est manifestement
(3) 1 Chr. V/10 (Hagri'ïm),· 19 et 20 (Hagr
d6pendante de ce texte d'�ratosthène.
·}-->� -.
, ,
(1) Selon le Kilâb mu'gam mâ ista'gam..., Hagar serait la forme arabisée du nom (1) On ne le trouve que cinq fois dans des textes qui sont tous sudarabiques :
persan Hakar. Si c'était exact, Hagar ne pourrait donc pas être identifiée à Gerrha
Ja 192/1 (A. JAMME, Pièces tpigraphiquea de l;leid bin 'Aqtl, la ntcropole de Timna'
(Hagr Ko�ldn) , Bibliothèque du Muséon, vol. 30, Louvain, 1952, p. 80); Ja 872/1
comme le proposait E. Sachau (voir ci-dessus p. 108 n. 2). Une objection encore plus
(A. JAMME, Sorne Qatabanian Inscriptions Dedicaling • Daughter, of God •• dans
décisive à cette identification, c'est que Gerrha (ou les Gerrhéens) est mentionnée
concurremment avec les Agréens dans plusieurs sources : Eratosthène dans Strabon, BASOR, 138, April 1955, pp. 39-47); Ja 1012 m et 1013 j (voir ci-dessus p. 99);
et enfin RJIS 2687/1 (sous la forme l;la.;lramoutique 'byi!').
Ptolémée et �tienne de Byzance.
(2) Voir F. V. W1NNETT and W. L. REEn, Ancient Records... , pp. 71-72.
(2) On considère traditionnellement qu'il s'agit d'un des premiers rois nabatéens;
voir J. STARCKY, Pttra et la Nabatène..., col. 904-905. (3) C'est particulièrement vrai en Arabie du Sud où de nombreux rois portent les
mêmes noms.
(3) a-bi-ia-te-' : on reconnait sous cette graphie accadienne le nom propre arabique
Abyata'. (4) C'est la localisation que lui assigne R. DussAuo, Sur lu chemina de Suse et de
(4) li-a-a-te-' et li-a-a-te. Babylone.•., pp. 145-146.
(5) Il n'est pas question ici de l'abondante documentation en provenance du nord
(5) Trude WEISS RosMARIN, Aribi und A.rabien in dt.n Babr,lonisch-A111yri1chen·
Quellen, Inaugural-Di11Sertation, New York (The Society of Oriental Researeh), 1932, du l;lill'Az.
pp. 25-26.
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112 CHRISTIAN ROBIN MONNAIES PROVENANT DE L'ARABIE DU NORD-EST ll3
lettres( 1). Il n'est pas possible de dire si elle se rattache aux pas facile de déterminer en quelle langue elles sont écrites car
inscriptions minéennes plutôt qu'aux haséennes. Le seul trait ces textes sont d'une pauvreté désespérante. La plupart sont des
notable dans sa graphie est le m fermé( �). pierres tombales réd,igées selon un formulaire qui varie peu,
mentionnant le (ou les) défunt(s), son ascendance, son clan et sa
b) Les inscriptions haséennes. tribu. En dehors de ces pierres tombales, on connaît une inscription
Cette dénomination des inscriptions du Golfe Arabo-persique rupestre (?) (Ja 1049) publiée d'après une copie maladroite de
étant récente et encore peu employée il convient tout d'abord lecture incertaine, une formule Wd'bm (Ja 1054), une marque
d'en préciser le sens. sur le col d'une jarre indiquant certainement une contenance
Il est certainement impropre d'appeler ces inscriptions << sudara (Ja 1057) et deux petits fragments de nature incertaine (Ja 1051
biques >> puisque les quelques traits de langue qu'elles révèlent et 1062).
et l'onomastique ne sont pas sudarabiques. La graphie elle-même Les quelques traits de langue qu'on puisse dégager de ces textes
).
ne suit pas servilement les partis adoptés en Arabie du Sud mais sont les suivants :
au contraire innove sur de nombreux points. Comme ces inscriptions - système verbal : un seul mot a été compris comme un verbe,
ne se rattachent pas davantage à une autre catégorie de documents, fqdt (Winnett/4). L'éditeur y verrait un passif 3e p. fém. sing.
il faut accepter la conclusion de F. V. Winnett : << les inscriptions acc9mpli, faute de meilleure solution. On n'a donc aucune attes
du Golfe Persique présentent un certain nombre de particularités tation de la préformante des verbes factitifs.
épigraphiques et dialectales qui montrent qu'on devrait les placer Peut-être peut-on analyser le n. pr. Hntsr (CIH 699/2 et 4)
dans une catégorie à part>> ( 2). A. Jamme a proposé par la suite comme l'article h- suivi d'un nom d'action à infixe t(VIIIe forme);
de les appeler << haséennes >>(3). Ce choix est judicieux car cette - pronoms suffixes : seul celui de la 3e p. fém. sing. est attesté :
dénomination géographique(') ne préjuge ni de la langue ni du -h (Ry 687/3 et Ja 2129/3). A. Jamme croit reconnaître celui de
nom que se donnaient les auteurs de ces textes. la 3e p. masc. sing. dans Ja 1052/4 sous la forme -sh, mais la lecture
On connaît à présent 27 inscriptions haséennes(5) dont il n'est de ce texte n'est pas suffisamment assurée;
- substantifs au duel ou au pluriel : une seule forme est attestée,
(1) F. V. WINNETT and W. L. REED, Ancient Records ..., Minean Inscriptions, bnl, duel ou pluriel de bnl (Ry 687/4 où il s'agit de deux sœurs);
n ° 1 p. 74 et pl. 2. - assimilation du n : selon G. Ryckmans, il faudrait décomposer
(2) F. V. WINNETT, A Himyaritic Inscription from the Persian Gulf Region, dans le n. pr. Bis" en bi (= bnl)+s(y)'+'; cependant seule la forme
BASOR, 102, April 1946, p. 6.
(3) A. JAMME, Sabaean and l;lasaean Inscriptions..., p. 66-67.
bni se trouve dans les inscriptions pour marquer la filiation
(4) Il en est de même des 'inscriptions • safaitiques • et • sudarabiques •· (Winnett/1; CIH 984 a/5; CIH 985/2-3 et 3; Ja 1043/1; 1045/3
,
(5) CIH 699, 984 a et b {A. JAMME, Sabaean and l;lasaean Inscriptions..., p. 65, n. 2, 1048/2 et 3 (que je lis bn[l]/Sbt/bnt ..• au lieu de bnfirbblf'lt
... ),
a certainement raison de considérer que les deux fragments ne proviennent pas de la 2125/2 et 2129/2;
même inscription) et 985, - apocope du ' : possible dans le n. pr. Yd'b (RES 4685/5-6);
RES 4685,
Cornwall! et 2: voir P. B. CoRNWALL, Ancient Arabia: Explorations in Hasa, 1940-41, - pronoms démonstratifs-relatifs
dans The Geographical Journal, CVII, 1-2, Jan.-Féb. 1946, p. 43-45 et pl.,
Ja 1043, 1044, 1045, 1048 à 1052, 1054 à 1058, 1062 dans A. JAMME, Sabaean and sing. pl.
l;lasaean Inscriptions... , · masc. <J, 'lwt( 1)
Ja 2125 et 2146 dans A. JAMME, The Pre-lslamic Inscriptions of the Riyâdh Museum, fém. <J,'t
dans Oriens Antiquus, IX, 1970, p. 124 et fs. p. 137,
Ja 2129 dans A. JAMME, New Safaitic.and Hasaean Inscriptions from Northern Arabia,
dans Sumer, 25, 1969, pp. 149-50 et fs. pl. 3, est entachée de doute ; la graphie, différente
de celle des inscriptions haséennes, et
Ry 687 et 688 dans G. RYCKMANS, Inscriptions sud-arabes, Vingt-et-unième série, la découverte d'un monument semblable (RES
4975) en Arabie du Sud invitent à
dans Le Muséon, LXXVI, 1963, pp. 419-423 et pl. VI, penser que ce brQle-parfum est sudarabique.
Winnett: voir F. V. W1NNETT, A Himyaritic Inscription from the Persian Gulf Region, Les lieux de trouvailles de ces 27 textes sont
tous situés dans le l;lasa, à l'exception
dans BASOR, 102, April 1946, pp. 4-6; d'un seul, Warka (l'ancienne Ourouk), où
fut découvert CIH 699.
l'origine du petit brûle-parfum publié par T. C. MITCHELL, A South Arabian Tripod (1) 'lwt n'apparait qu'une fois dans un contex
a cru lire •u dans Ja 1048/2, qu'il consid te mutilé (Ja 1053/3). A. Jamme
O(fering Saucer said to be (rom Ur, dans Iraq, XXXI, 1969, p. 112-114 et pl. X:XI ère comme une acriptio defectiva de 'lwt;
:. comm e Je l'ai déjà signalé, sa lecture est à corriger en bnt.
s de B bylon e, et F. Alth im et (1) Voir F. ALTHEIM und Ruth STIEHL, Omana und Gerrha, dans Die Araber in
fondée p ar des Chaldéens venu a e
der alten Welt, vol. I, Berlin, 1964, p. 111 et BalJrain und der Untergang Gerrha's,
dans Die Araber in der alten Welt, vol. V/1, Berli n, 1968, p. 165.
(2) Histoires, XIII, 2, 9.
pas r are dans les dialectes de (3) C. CONTI ROSSINI, Storia d'Etiopia, Parte prima (• Africa It aliana ., III),
(1) Forme qui tout comme l a désinence -h n'est
547 = RES 3605 bis (G. RYCKMANS, Bergamo (Istituto I taliano d'Arti Grafiche), 1928, p. 93.
l'Arabie du Nord : voir l'in troduction de Ry 1957, p. 113). Selon (4) F. V. WINNETT, A Himyaritic Inscription ... , p. 5. Voir aussi P. B. CORNWALL,
Quinz èm série, d ns Le Muséo n, LXX,
Inscriptions sud-arabes, i e a
Aramêi ische Inschriften Ancient Arabia... , p. 44 où cette opinion est adoptée.
tisieru ng der Emph aticae,
F. ALTHEIM und Ruth STIEHL, Spiran
r, 1, d ns Die Arabe r in der alten Weil, vol. III, Berlin, 1966, p. 59-61, on (5) Opinion rapportée par H. R. P. and V. P. D1cKSON, Thaj and Other Sites, dans
aus Simbâ a
Iraq, X, 1948, p. 1.
de l'araméen.
pourrait reconnaître dans ce -• l'é tat emphatique (6) Dans R. LeBARON BowEN Jr., The Early Arabian Necropolis of Ain Jawan
(2) Formation fréquente en nab atèen. voir l e
tion est de type lihyanite : {BASOR, Supplementary Studies, n•• 7-9), New Haven, Conn., 1950, p. 25; voi r
(3) G. Ryckmans considère que cette forma aussi A. JAMME, Sabaean Inscriptions from MalJram Bilqts (Mdrib) (Publications
commentaire de RES 4685/2 -3.
es text es (n. pr. se terminant
par-• ou of the American Foundation for the Study of Man, III), Ba ltimore, 1962, p. 267.
(4) On notera que cert ains des caractère s de c rédigées Cet.te opinion est r eproduite par A. GROHMANN, Arabien..., p. 257..
introd uit p r <fi ou 'lwt/'l ) s e retrouvent dans des inscriptions
-h, nom de cl an a
s proba bleme nt déd iées par des _ (7) Voir F. ALTHEIM und Ruth STIEHL, Die Araber in der alten Weil, vol. III,
s n Arabi du Sud, m
en dialecte sabéen et trouvée e e ai
RES 3605 bis).
nord-arabes (CIH 450; RES 4763 et Ry 547 =
116 CHRISTIAN ROBIN MONNAIES PROVENANT DE L'ARABIE DU NORD·EST 117
n, g,, appendice du ' et du l!, : les barres médianes sont toujours styles D-E définis par Jacqueline Pirenne, qu'elle date
obliques, 300 et 180 av. n. è·., si on retient comme traits caractéristentre
- r toujours en demi-cercle, l'ouverture du m et l'élargissement des hampes. Le stade iques
le
- li : la cupule est toujours de forme carrée lJl ( 1), ancien ne saurait être antérieur au style C qui remontera plus
- h et l!, : la cupule est toujours semi-circulaire y � ( 8), environs de 350 av. n. è. si on se fonde sur la médiane obliquit aux
- m : on distingue deux stades, le premier où le m est formé e du n
(suivie par la médiane dès appendices du ' et du l!,) ( 1).
de deux triangles isocèles � (1), le second où le m est ouvert avec Si on admet un certain décalage entre l'apparition d'un
la ligne interne en arc de cercle l] ('), graphique en Arabie du Sud et son imitation dans le I:Iasà style
- les w et' ont un diamètre égal à la hauteur des autres lettres compte tenu de ce qu'il faut abaisser de quelques dizaines et
dans les inscriptions où le m, q1,1and on en trouve un, est au premier d'années
les dates de Jacqueline Pirenne ( 1), les textes haséens doive
stade de son évolution (Cornwall 1; CfH 984 a; RES 4685; se répartir entre vers 300 et vers 130 av. n. è. soit approximatnt
Ja 2129 ?, voir note 4); vement pendant la période où sont attestées les monnaies hasée i
quand au contraire le m est au deuxième stade de son évolution Si on analyse à son tour la graphie des légendes des monn nnes.
c'est-à-dire ouvert, il y a hésitation sur la grosseur du w dont on remarque : aies,
le diamètre oscille entre des mesures égales à la hauteur et à la
largeur des lettres. Le ' est alors sensiblement plus petit que le w - le li qui a une cupule rectangulaire alors que le h a une
(Winnett, CIH 699, Ry 687, Ja 1043), semi-circulaire ou en fourche (1) (monnaies de l:làritat), cupule
- renflement terminal des hampes : s'il se laisse deviner dans . le r en arc de cercle mais beaucoup plus étroit que le r hasée
(monnaies de l;Iàritat), n
quelques inscriptions, il est surtout particulièrement net dans
Winnett où il prend parfois l'apparence de véritables apex. - lem fermé et le sïn de forme symétrique à celle du m (mon
de l:làritat et de Saros), naies
On peut tirer deux conclusions de ces observations. La première,
c'est que la graphie des textes haséens subit une évolution parallèle - le ' relativement petit (monnaies d'Abyata'),
à celle des textes sudarabiques (ouverture du m, élargissement - le k avec hampe verticale ou légèrement inclinée qui rappe
des hampes) malgré certaines options différentes dans l'établisse assez bien ceux du I:Iasà (voir CIH 699/5 et Ja 1052/2) (mon lle
de l:làritat). naies
ment du canon des lettres. La seconde, c'est que la graphie a peu
évolué et donc que ces textes ne doivent pas s'étaler sur une longue On constate donc une parenté certaine entre les graph
période de temps. Deux stades seulement peuvent être distingués : monnaies hagarites et celles des inscriptions haséennes,ies des
aussi des différences non négligeables. Là aussi, on mais
- le plus ancien avec m fermé et w et ' de diamètre égal à la est amené
hauteur des lettres,
- le plus récent avec m ouvert, w tendant à devenir de taille (1) On remarquera que dès le stade ancien, le d. a
ses transversales obliques, le
plus réduite, • beaucoup plus petit et sporadiquement élargissement · parti adapté pour le n, le ' et le !J lui étant étendu
. C'est une innovation qui ne sera
des hampes. La comparaison de ces caractères graphiques avec reprise en Arable du Sud que beaucoup plus tard
: pendant toutes les périodes dont
il a été question, le 4 sudarabique a les transv
ceux qu'on observe en Arabie du Sud permet de suggérer une ersales horizontales. Les dates que j'ai
attribuée s aux différents styles sudarabiques
datation approximative. Le stade le plus récent s'apparente aux sont celles que Jacqueline Pirenne
adopta en 1956 (c'est-à-dire celles de Paléog
raphie... ). Mais il est établi désormais
que les dates des derniers styles doivent
être abaissées de quelques dizaines d'années
en raison du resse�ement intervenu dans
la chronologie des rois de Saba' et i;JO-Raydan
(1) CIH 984 a; Ja 1044, 1048, 2129 et 2146; Winnett. (un siècle selon J. RYCKMANs, La chrono
logie des rois de Saba et gü-Raydàn, Publi
(2) h : CIH 699, 985; RES 4685;_ Ja 1043, 1044, 1045, 1052; Ry 687; cations de l'Institut historique et arché
ologique néerlandais de Stamboul, XVI),
!J : Ja 1052, 2129, 2146; Ry 687. Ista nbul, 1964, pp. 28-29, mais ce n'est
qu'une approximation provisoire dans l'attente
L'opposition de forme entre � d'une part et !J-h d'autre part permet de restituer d'une étude d'ensemble des graphies de
cette période intermédiaire).
avec sécurité la première lettre de Ry 688/3 : )tiymn. (2) En dehors de ces monnaies nordarabiqu
�aractère ne se retrouve qu'une fols, es et des inscriptions haséennes, ce
(3) CIH 984 a; Cornwall 1; Ja 1048 et 1052 et Ry 688. dans
(4) Wlnnett, Ry 687 et Ja 1045. Dans Ja 1043, 1051 et 2129 ('l), lem a une forme RES 3427, gravée sur un sarcophage trouvéune inscription tenue pour minéenne :
.particuliers. J. RYCKMANs, Les • Hierod en �gypte, de contenu et de graphie
de passage. d'un stade à l'autre (Ja 2129 n'est connu que par un fac-similé ce qui ulenlisten •..., p. 54, n. 2 la date du ne siècle
ne permet pas une analyse paléographique rigoureuse). ;•v;n. è.
.��..t_:��\� ·:·�w...
'.;,�- ·;...;; -:.:.i� : :::-�i&,.,t�t:,,:;\-�2.it ·� •�-:._; tti' �-::_ .,
CHRISTIAN ROBIN
MONNAIES PROVENANT DE L'ARABIE DU NORD-EST 119
118
à admettre des influences réciproques mais à repousser l'hypothèse b) l'une de ces deux séries est le monnayage d'un royaume
d'une même origine. de Hagar que les sources littéraires invitent à situer en Arabie du
Quant aux monnaies au nom de Sams, les lettres du mot Sams Nord peut-être dans la ré�ion de Dümat al-�andal(I). La graphie
_,
ne sont pas assez caractérisées pour pouvoir formuler un avis. des legendes de ces monnaies ne permet d'ailleurs pas de localiser
Notons enfin, d'un point de vue chronologique, que les monnaies l'atelier qui les a frappées dans le l;lasà(l1),
de I:Iàritat et de Sams qui un un m fermé sont en relation avec c) la seconde série au contraire, celles des monnaies au nom
le stade le plus ancien des inscriptions haséennes ; celui-ci pourrait de Sams, n'est pas sans relation avec le l;lasà puisque le culte de
donc durer jusque vers 160 av. n. è(1). _
ce dieu est bien attesté à Gerrha(8).
Je crois que ces données ne sont pas contradictoires. Les
2) Les inscriptions araméennes. Hagarites occuperaient, à Dümat, une position clé sur l'une des
En dehors d'un petit monument portant trois lettres dont on peut deu� routes caravanières qui relient le Golfe Arabo-persique à la
douter qu'elles soient araméennes(1), on ne connaît encore que Méditerranée('). Ils ont pu exploiter cet avantage et contrôler
trois inscriptions toutes trouvées dans le l;lasa(3). Les vestiges quelque temps cette voie commerciale.
de l'une d'elles sont particulièrement intéressants car ils se trouvent Le départ de cette piste côté Golfe Arabo-persique est sans
sur la partie basse de la stèle qui porte le texte haséen Ja 1052. c?nteste à Gerrha(6). On ne connaît pas exactement le site de la
Ce texte, avec son m ouvert, appartient certainement au groupe ville(8), �ais. il est assuré que �•est un entrepôt important pour
le plus récent des inscriptions haséennes. On peut donc en conclure la redistribution des marchandises, sans rival jusqu'à la refon
avec vraisemblance que l'écriture sudarabique a été en compétition dation d'Antioche en Spasinou Charax (7).
avec l'araméenne puis supplantée par elle. On retrouve donc dans _ de traiter à nouveau une question que les monnaies
A défaut
les inscriptions la même succession sudarabique-araméen que dans �� rdarab1ques ne permettent pas de renouveler, je ne rappellerai
les légendes des monnaies. 1c1 que quelques données de base. Tout d'abord il semble que
(1) Voir Claire PRÉAUX, L'économie royale des Lagides, Bruxelles, 1939, p. 362 (1) Les temples qui disposaient d'énormes quantités de métaux précieux Jouaient
et note 4. C'est sans doute la plus ancienne mention de la ville. souvent le rôle de banques; de là à supposer qu'ils pussent émettre monnaie il n'y avait
(2) Un talent attique pèse près de 36 kg. qu'un pas à franchir. Sur le rôle de banque joué par les temples, voir R. BoGAERT,
(3) Polybe, Histoires, XIII, II, 9. Banquu et banquiers daTl8 les cités grecques, Leyde, 1968.
Sur cette expédition d'Antiochos III, voir Ed. WILL, Histoire politique du monde ( �) Pour G. Le Rider, il faut souligner t que le droit de monnayage était le privilège
de l État souverain, _
hellénistique... , I, p. 172 n. 1 et pp. 54 et 56. que les temples faisaient partie de la cité et étaient administrés
Ce tribut illustre la richesse des Gerrhéens, d'ailleurs considérée par Artémldore par elle et qu'en conséquence il était peu probable qu'on pt1t trouver dans le monde
comme égale à celle des Sabéens (dans Strabon XVI, 4, 19 = 778). g ':c des e �empl�s non douteux de c monnaies de temple • ou c monnaie sacerdotale • ;
(4) Dans Diodore, Bibliothèque historique, III, 42, 5. vou- Numismatique grecque, dans Annuaire 1970-1971 (École Pratique des Hautes
(5) Strabon XVI, 4, 4 (= 768) d'aP.rès Eratosthène. Études, IV• section, Sciences historiques et philologiques), Paris 1971, p. 261. L'auteur
(6) Selon Aristobule, dans Strabon XVI, 3, 3 = 766. Cet auteur qui écrit au début dêvelpppe quelques exemples.
du 111• siècle reflète peut-être davantage l'objectif permanent de la politique des (3) Monnaiu anliq�es_ en Troade (Hautes Études numismatiques publiées par le
_
Centre de recherches d h1sto1re et de philologie de la IV• section de !'École Pratique
Séleucides dans cette région que la réalité. Sinon l'expédition d'Antiochos III en 205
qui semble avoir eu pour but principal non la conquête, mais la réorientation du des Hautes Études, 1), Genève-Paris, 1966.
commerce gerrhéen vers les territoires séleucides (c'est-à-dire la Babylonie, puisque (4) l;lac;lramawt (Syn), Tarse (Nergal), Hatra (l;ltr' d$ms) Hiérapolis ('tr'th Tr'th
la Coelé-Syrie est encore lagide) ne se comprendrait pas. ou Hdd w't�), etc. Dans certains cas, comme à Saba, un' symbole divin e,:plicite
_
(7) Strabon XVI, 3, 3 ( = 766) d'après Ératosthène. . pourrait avoir le même sens.
i . ·· ,. (8) Les lettres et symboles qui apparaissent sur les monnaies d'Abr'ël sont peut-être
•).i���,,.i-,./�;,����
es
d� �gistra� lll
on
�,ta t .,
iJ
(1) A. Caquot pense que le culte de Sama� qui est diversement attesté à Hatra
pourrait être la survivance d'un ancien culte araméen (voir A. CAQUOT, Nouvelles
inscriptions araméennes de Hatra, dans Syria, XXIX, 1952, p. 114). Le culte de Sams
en Arabie du Nord pourrait donc résulter d'une influence araméenne dont on a d'autres
indices, par exemple dans l'onomastique (voir ci-dessus, p. 114 n. 1).