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LE CHEVAL ET L'HOMME
Le cheval.
Je ne dresse que des pur sang, mais je suis loin de prétendre que les
trois quarts ou demi-sang ne peuvent pas faire de bons chevaux de
selle. C'est simplement ma préférence que j'indique.
J'examine avec soin si les talons ne sont pas serrés. Pour éviter que ce
défaut ne vienne à se produire plus tard, je ne fais pas ferrer mes
chevaux tant qu'ils travaillent sur un terrain doux. Ils marchent alors
sur la fourchette, et il en résulte un écartement du talon.
Je fais toujours ferrer en demi-lune, allongée, et les pointes des fers
enchâssées dans les talons. J'arrive ainsi à n'avoir ni encastelures ni
maladies des pieds.
Je les achète autant que possible vers le mois de septembre. Comme les
chevaux naissent au printemps, ils ont à cette époque deux ans et demi.
Le motif qui me fait préférer les chevaux jeunes est que ces derniers
n'ont presque jamais été soumis à l'entraînement, ou du moins très
peu, et qu'ils sont par conséquent bien conservés.
Il est d'ailleurs facile de se les procurer, car, à côté des pur sang qui ont
quelques chances de réussir sur les hippodromes, il y en a un grand
nombre que l'on considère comme des non-valeurs au point de vue des
courses, et qui peuvent néanmoins devenir de merveilleux chevaux
d'école et de service. Du reste, pour une foule de raisons, on trouve à
acheter un grand choix de pur sang de cet âge.
Pendant ces quatre premiers mois, j'évite de leur mettre sur le dos
même le poids d'une selle. Ce temps écoulé, je commence leur
éducation, le plus doucement possible.
Pendant les deux ou trois mois qui suivent, Je confirme, en plein air, le
travail appris au manège pour amener mes chevaux à être légers et
liants dans les allures naturelles.
(1). Tout en prenant beaucoup d'embonpoint, les pur sang qui font,
dans les haras, le service d'étalon, et rien que ce service, conservent
mieux leurs proportions.
II Nourriture du cheval.
IV
Que le regard soit dur, colère, doux ou bienveillant, le cheval n'y prête
aucune attention. J'ai fait à ce sujet des expériences multiples sur de
jeunes et sur de vieux chevaux^ or je certifie que, si les yeux et les
muscles de la face bougent seuls, l'écuyer ne faisant aucun mouvement,
soit du corps, soit des bras, le cheval demeurera complètement
indifférent.
J'ai cent fois essayé de la colère dans le regard, du sourire sur les
lèvres : résultat nul. Faites les plus horribles grimaces à vos chevaux,
tirez-leur la langue, et jamais aucun d'eux ne manifestera, par le plus
petit signe, que cela ait sur lui une influence quelconque.
La voix est aussi d'une grande utilité quand on dresse le cheval monté.
La voix ne doit pas seulement servir à châtier, elle doit servir aussi à
encourager le chevalet à le rassurer. Dans ce cas, elle accompagnera
utilement la caresse.
Son action est d'autant plus utile que vous pouvez en user en toutes
circonstances, et la rendre à votre choix ou brusque ou caressante,
tandis que vous n'avez pas toujours la libre disposition de vos mains et
de vos jambes.
Supposez que, monté sur un cheval chaud, impatient, violent même,
vous vous trouviez pris entre plusieurs voitures. L'animal s'effraye,
s'affole, et, si vous ne pouvez vous dégager immédiatement, ce ne sont
ni les rênes ni les jambes qui le rassureront. La voix, si vous l'y avez
habitué, s'il y a confiance, le tranquillisera.
L'action de la voix m'a souvent été d'un grand secours et m'a tiré de
plus d'un embarras.
VI Les caresses.
Tous les chevaux, même les plus susceptibles, acceptent la caresse sur
l'encolure. C'est donc l'encolure que le cavalier doit caresser. Il doit le
faire franchement assez fort pour attirer l'attention du cheval et faire
une diversion, mais sans brutalité. Il doit également éviter la trop
grande légèreté de main, qui n'aboutirait qu'à chatouiller l'animal.
VII
Les corrections.
C'est pour cette raison que la correction perd tout son fruit et devient
même un élément de confusion dans la mémoire du cheval, si elle n'est
administrée AU MOMENT PRECIS OU la fautc se commet. La
correction doit suivre d'aussi près la faute, que la caresse, la
concession. Pour les chevaux qui ruent, par exemple, si la correction
arrive juste au moment où la croupe est en l'air, le cheval se souvient
que le mouvement lui a valu une souflrance. Si, au contraire, la
correction n'arrive que lorsque les pieds sont retombés à terre, le
cheval n'est plus frappé de la corrélation entre les deux actes : il
cherche même par une nouvelle ruade à se dégager de ce qui lui a fait
du mal.
J'ai dit que toute faute voulue, préméditée par le cheval, doit être
corrigée; mais je n'hésite pas à ajouter qu'il vaudrait mieux la laisser
impunie que de corriger tardivement. Les deux procédés sont mauvais,
mais entre deux maux il faut choisir le moindre.
VIII
Il faut toujours, au début du dressage, que le mors ait les canons gros,
une liberté de langue modérée et des branches courtes; c'est ce qu'on
appelle un mors doux. Sa largeur doit être proportionnée à celle de la
bouche du cheval ; s'il est trop étroit, les lèvres sont comprimées de
chaque côté par les branches ; s'il est trop large, le cheval, pour jouer
ou pour se soulager, le déplace en le portant d'un côté ou de l'autre, en
sorte qu'un seul des canons repose sur une barre, l'autre déborde et est
remplacé sur la barre par le commencement de la liberté de langue. Il
résulte de cette position du mors une inégalité notable dans l'effet
produit par la main, et presque toujours le cheval porte la tête de
travers.
Pour que le mors s'adapte bien, il faut que les canons débordent de
chaque côté de la bouche de quelques millimètres, de telle sorte que les
branches ne touchent pas les lèvres. Les canons doivent reposer sur les
barres, d'une manière égale de chaque côté, à égale distance des
crochets et de la commissure des lèvres, c'est-à-dire un peu plus bas
que le filet. Je dirai plus loin quelles exceptions peut comporter ce
principe. L'extrémité inférieure des branches, cédant à l'action des
rênes qui la tirent en arrière, fait basculer l'extrémité supérieure en
avant et produit la pression des canons sur les barres. Le mors, en
basculant, tend la gourmette, ce qui augmente encore la pression des
canons sur les barres. Plus la gourmette est serrée, plus cette pression
est prompte et forte. Par conséquent, la tension de la gourmette doit
être proportionnée au degré de sensibilité des barres sur lesquelles on
veut agir.
Par contre, il ne serait pas exact de dire que, si on commence avec une
gourmette serrée, il sera toujours temps de la relâcher, car l'effet
produit sur des barres très sensibles par une gourmette serrée
provoque un endolorissement qui subsiste après que la gourmette a été
relâchée. Tandis qu'en commençant avec une gourmette très lâche et
en la resserrant progressivement jusqu'au point voulu, on évite
d'endolorir les barres, d'agacer le cheval et de provoquer des défenses.
De plus, on gagne du temps. En effet, si, au début du travail, on a
endolori ou même simplement échauffé les barres par une pression
non proportionnée à la sensibilité, on n'a obtenu aucune des
indications dont on a besoin sur le degré de sensibilité de la bouche du
cheval. Bien au contraire, l'ayant exagérée, on l'apprécie faussement et
l'on se trouve, dès le début, engagé dans une mauvaise voie. La
meurtrissure ou même le simple échauffement des barres ne
disparaissent pas aussitôt que le travail est fini, et le mors enlevé ; ils
persistent le lendemain ou même plus longtemps. Le cheval reviendra
donc à la leçon suivante avec des barres congestionnées, douloureuses,
par conséquent faussées. L'écuyer alors tiendra compte des effets qu'il
produira sans savoir que la bouche est malade; il augmentera le mal; il
sera de plus en plus éloigné de l'appréciation de la bouche, de son état
sain et normal. En un mot, il fera, sans s'en douter, exactement le
contraire de ce qui est nécessaire.
J'ai dressé complètement des chevaux, sans leur avoir jamais mis de
gourmette, non seulement dans le manège, mais au dehors. La
gourmette, d'ailleurs, doit rester accrochée à une des branches du mors
pour qu'on puisse l'employer immédiatement en cas de besoin. Mais je
dis, comme une règle générale, qu'il ne faut y avoir recours que lorsque
le besoin s'en fait sentir.
IX
La martingale.
La martingale empêche le cheval de porter au vent, arrête les coups de
tête et sert au cavalier à mieux diriger sa monture. Un bon dressage
rend la martingale inutile. Aussi, je n'en conseille l'usage que lorsqu'on
n'aura pas tout le temps ou le savoir voulu pour dresser le cheval. Ainsi,
on pourra l'employer quand, à première vue, on aura reconnu que
l'animal que l'on doit monter, soit à la promenade, soit à la chasse, bat
à la main ou porte trop au vent.