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Le retour d’expérience (retex) est le plus souvent assimilé aux bilans rétrospec-
tifs ou aux enquêtes post-accident du ressort d’experts. Malheureusement les
rapports qui en découlent, même s’ils sont de très bonne facture, ne sont pas
pleinement exploités et en tout cas rarement confrontés au principe de réalité
pour répondre de manière concrète et adaptée aux problèmes soulevés.
Par ailleurs, bon nombre de retex démontrent que les anomalies, presqu’acci-
dents, ou dysfonctionnements insuffisamment corrigés ressurgissent tôt ou
tard, tandis que de bonnes pratiques ou succès opérationnels peuvent tout
simplement tomber dans l’oubli.
Quand rien n’est fait, c’est l’efficacité globale de l’organisation qui, peu à peu,
en pâtit en s’accompagnant d’une baisse de la vigilance, et d’un écart gran-
dissant entre les préoccupations concrètes du terrain et les choix stratégiques
d’affectation des ressources ou des équipements.
Le retex, tel qu’il est pratiqué par les militaires, remédie à un certain nombre
de ces difficultés. Il prend par exemple, en compte les interactions entre le
domaine opérationnel et son environnement (RH, administratif et logistique)
et élargit le champ d’action notamment à la recherche opérationnelle, la pros-
pective ou l’optimisation des solutions. En prise directe avec le niveau d’exé-
cution, il vise en priorité l’adaptation permanente des procédures et équi-
pements aux missions (optimisation du feed back) et diffuse largement la
résultante de ses travaux.
1
Cette approche, nous semble dans une large mesure transposable et adap-
table à une organisation à taille humaine comme le SDIS, qui dispose d’une
administration autonome et qui opère sur un bassin de risques présentant des
enjeux et problématiques spécifiques.
Le Retex est par excellence l’outil des organisations orientées vers l’effica-
cité opérationnelle. Il est dans l’ADN anglo-saxon et formalisé dans la doc-
trine OTAN1. Il s’est développé dans nos armées avec la mise en place de
structures ad hoc et s’est également imposé dans l’écosystème de la santé2
ou dans l’industrie3. Cette généralisation du retex touchant des entités par-
fois très contraintes sur le plan financier est une preuve en soi de son indis-
pensable contribution à la fiabilité et à l’optimisation des organisations qui y
recourent. Les processus d’amélioration continue parfois érigés en mode de
management de la performance s’appuient d’ailleurs fortement sur le retour
d’expérience.
Pour qu’il apporte une réelle plus-value, créer l’organe ne suffit pas. Il est
essentiel au préalable de prendre en compte un certain nombre de pré-requis
concernant notamment les moyens, la méthode ou les outils.
1. « La finalité du RETEX est d’apprendre efficacement par l’expérience et de fournir des justifications pour
amender les procédés actuels, afin d’améliorer la performance »(doctrine interarmées - processus lessons lear-
ned).
Lessons learned au sein de l’Otan, la place particulière du Joint Analysis Lessons Learned Centre –JALLC. Publié
le 6/10/2015. Source : site pensée militaire.
2. Arrêté Retex du 6 avril 2011 relatif à la qualité de la prise en charge médicamenteuse.
3. C.f travaux et publications de la Fondation pour une culture de sécurité industrielle (FONCSI). Par exemple
n°014-01 « Quelques bonnes questions à se poser sur son dispositif de REX » publié le 24/03/2014.
2
discipline requiert un enseignement adapté au même titre que la communi-
cation, le renseignement ou le pilotage4). Il n’y a pas non plus d’outils certifiés
dans ce domaine. A minima les cadres sensibilisés à la matière assurent d’ordi-
naire le cadrage de l’activité en organisant au mieux les principales fonctions
(collecte, analyse, exploitation ou « intégration » pour reprendre la termino-
logie militaire).
Les acteurs du retex doivent idéalement être des experts disposant d’un vécu
opérationnel et dotés d’un sens relationnel développé. Ouverts et à l’écoute,
ils doivent en effet parvenir aussi bien à appréhender des problématiques
opérationnelles complexes, voire des situations dramatiques, qu’à prendre en
compte certains signaux faibles ou rationaliser l’exploitation des données (à
cet égard il est préférable que les cadres soient familiarisés avec les outils de
gestion et de pilotage). Des grilles d’analyse, des techniques d’interview et des
méthodes d’évaluation existent pour appuyer cette démarche visant à repérer
les points forts et les marges de progression.
Un point important est également de déterminer l’opportunité ou pas de dé-
clenchement d’une action de retex. Il est à traiter dans la note d’organisation
qui devra en outre préciser le niveau de délégation donné aux responsables
désignés pour le retex.
Les objectifs poursuivis (1), les directives principales (2) et les modalités (3) de
communication doivent être donnés pour orienter l’activité dans l’organisa-
tion (par exemple en se référant à la démarche en 4 étapes présentée infra). A
cet égard, le niveau de formalisme ainsi que les supports de diffusion retenus
seront révélateurs de l’impulsion souhaitée par le management pour propager
la culture du retex.
Périmètre d’action
Au sein des armées, le retex concerne aussi bien l’engagement sur le théâtre
d’opérations que les exercices.
4. A commencer par la compétence recherche opérationnelle qui est rare et précieuse.
3
Au niveau de la conduite, divers acteurs contribuent au processus pour déga-
ger des enseignements à tirer (EAT ou Lessons Learned – qu’on retrouve dans
le Joint Lessons Learned Division - pôles retex des unités anglo-saxonnes).
Leur rôle va jusqu’à préparer la décision en vue de garantir sa mise en œuvre.
Ce processus peut être accéléré si les circonstances l’imposent pour réagir aux
urgences opérationnelles.
Les activités de retex peuvent par ailleurs être orientées pour cibler un domaine
d’intérêt particulier. Chez les militaires elles peuvent concerner les conditions
d’exécution d’une mission, l’armement, les matériels ou équipements mais
aussi des procédures ou des modes d’engagement inédits. Il en va de même
pour le SDIS qui souhaitera engager la réflexion sur une opération majeure,
une intervention inédite, ou des risques technologiques ou émergents (par
exemple en prévision d’une révision de son schéma d’analyse et de couverture
des risques).
4
A l’échelle du SDIS ces fonctions peuvent être différemment regroupées, l’es-
sentiel étant de pouvoir se rapprocher du schéma idéal où le retex parvient
à agir sur l’ensemble des fonctions concourant à l’efficacité opérationnelle.
Un certain nombre d’outils peuvent s’avérer très utiles pour appuyer cette
démarche.
Exerçant son action selon des directives claires, et s’appuyant sur un réseau
étendu, elle doit, par diverses techniques de recueil, et à partir d’évaluations
opérationnelles, identifier des marges de progression dans différents domaines7
et s’assurer de la mise en œuvre de plan d’actions après leur validation.
6. Pour impliquer les autorités et responsables directement en charge des processus décisinnels concernés. Il
s‘agit de mieux intégrer les adaptations nécessaires dans les rythmes de gestion des ressources humaines et
financières. Instruction portant sur Le Retour d’Expérience des Armées. Publication PIA-7.7 du Centre Interar-
mées de Concepts de Doctrines et d’Expérimentations publiée le 18/03/2008.
7. Concernant notamment les aspects : Technique, Humain, Organisation (et environnement)
5
Référents et réseau
Des « facilitateurs »
organisés en réseau
sont en charge
de collecter les
informations après un
engagement ou un
exercice.
Adapté au SDIS, le cycle en vigueur dans une organisation du type JLLD (Joint
Lessons Learned Division - organisation retex de l’armée américaine10) répon-
dra au schéma suivant :
1) Découverte: cette phase est consacrée à la collecte les informations de
sources diverses :
a) évaluations opérationnelles ;
b) exercices ;
c) alertes diverses, ou messages de signalement.
Les données sont fournies par le réseau des référents Retex, des chefs d’agrès
ou chefs d’éléments opérationnels (chefs de groupe, colonne, site), des res-
8. Les 4 R assurent un pré-décorticage du renseignement terrain : Restitution ou back brief (quelle était notre
mission et l’idée de manœuvre ? )- Résultat obtenu (quel s’est-il passé ?)- Raison (pourquoi cela c’est produit?)-
Réaction (que faire si le cas se reproduit ?)
9. Cf article « Issue of fire rescue - using after action review on Wildland Fire Incidents » (Hearth COTA et Matt
GINDER )-site internet Firefighter in action, publié le 1/04/2014.
10. Joint Lessons Learned Division
6
Source :
élaboration personnelle
7
ponsables fonctionnels (RH, services techniques, télécommunications, SST …)
ou collectées par les agents de la structure retex eux-mêmes (lors d’évalua-
tions opérationnelles par exemple).
8
Les évaluations
9
Analyse, aide à la décision, exploitation et pilotage (tour d’hori-
zon)
12. c.f missions du bureau exploitation de la Division Retour Expérience des armées. À partir des enseignements
et des propositions ébauchées à différents niveaux de la chaîne RETEX, le bureau élabore puis fait valider des
propositions ... Il fait décider, au niveau adéquat, du traitement de ces propositions et suit l’application des
mesures prises….
13. La division Recherche et Retour d’Expérience du Centre de Doctrine et d’Emploi des Forces (auteur CDEF/
com), publié le 26/03/2014.
10
Il est en effet fondamental, non seulement de recueillir les données (du
presqu’accident à l’opération majeure), mais aussi d’apporter des réponses
aux questions posées.
La tenue d’un tableau de bord permet d’identifier la mise en œuvre des ensei-
gnements produits par les RETEX et de mesurer la pertinence des mesures
correctives adoptées. L’objectif du RETEX est de participer à l’institutionnalisa-
tion d’une démarche d’amélioration continue au sein de l’organisation. C’est
de cette façon que le RETEX s’inscrit comme un levier de la performance dans
les organisations.
Conclusion
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