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Les pratiques de gestion de la chaîne logistique : un portrait du secteur


manufacturier québécois

Article · January 2005


DOI: 10.1080/12507970.2005.11516837

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Martin Beaulieu
HEC Montréal - École des Hautes Études commerciales
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Logistique & Management

Les pratiques de gestion de la chaîne


logistique : un portrait du secteur
manufacturier québécois

Alain HALLEY
Professeur agrégé, HEC Montréal
Martin BEAULIEU
Professionnel de recherche, groupe de recherche CHAÎNE, HEC Montréal
martin.beaulieu@hec.ca

L’ article présente les résultats d’une première enquête sur les pratiques de gestion
de la chaîne logistique dans le secteur manufacturier québécois. Trois dimensions
sont analysées : les stratégies logistiques, les pratiques de gestion des informations
et des connaissances et l’analyse des facteurs de compétitivité. Quelques recom-
mandations sont proposées pour aider les gestionnaires dans la maîtrise accrue de
leurs connaissances tout au long de leur chaîne logistique.

Dans l’environnement concurrentiel actuel, Halley et Beaulieu, 2001). Dans cette optique,
les entreprises peuvent difficilement accroître l’amélioration de la performance logistique
leur compétitivité en ne s’appuyant que sur ne devrait pas uniquement s’attarder à la ges-
leurs seules habiletés. C’est pourquoi de nom- tion du flux physique mais également au par-
breux intervenants considèrent que la chaîne tage des connaissances entre les acteurs de la
logistique devient un vecteur clé pour amélio- chaîne logistique.
rer la performance d’une entreprise en assu-
Par ailleurs, la gestion de la chaîne logistique
rant la présence de produits répondant plus
ne se traduit pas par une pratique universelle.
étroitement et plus rapidement aux besoins
Les travaux Spekman et al. (1998) soulignent
des clients, en réduisant les délais de dévelop-
que la gestion de la chaîne logistique
pement et de commercialisation des nouveaux
emprunte des pratiques caractérisées par un
produits, en réduisant les coûts de gestion des
niveau plus élevé de collaboration étroite ou
stocks, etc. (Christopher, 1998). À cette repré-
d’antagonisme profond entre les acteurs de la
sentation traditionnelle de la chaîne logistique
chaîne. Nous considérons aussi que les entre-
se superpose une autre image : celle où les
prises adoptent des pratiques à géométrie
entreprises éclatent leurs activités de concep-
variable : elles peuvent être dans des phases de
tion, de production et d’assemblage à l’inté-
collaboration étroite avec certains acteurs
rieur de leur chaîne et sont ainsi amenées à
alors qu’elles peuvent rester plus distantes
rechercher et à exploiter l’expertise et les
avec d’autres firmes. Naturellement, ces
habiletés présentes chez leurs principaux par-
choix auront une incidence sur les pratiques
tenaires d’affaires. La chaîne logistique
d’échanges entre les parties et sur le dévelop-
devient par conséquent un canal d’échange
pement d’avantage concurrentiel.
d’informations et de connaissances ayant un
caractère plus ou moins névralgique et dont C’est avec ces préoccupations à l’esprit que
les gestionnaires pourraient souhaiter en res- nous avons amorcé au printemps 2003 une
treindre la diffusion (Jordan et Michel, 2000 ; étude qui vise à approfondir les notions de

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gestion de l’information et des connaissances conclusions de certaines analyses statistiques.


(knowledge management) dans un contexte Finalement, dans la troisième partie de
d’intégration de la chaîne logistique et plus l’article, nous présentons des recommanda-
particulièrement comment celles-ci se réper- tions afin d’aider les gestionnaires dans la
cutaient sur la compétitivité des organisa- maîtrise accrue de leurs connaissances tout au
tions. Globalement, le programme de long de leur chaîne logistique.
recherche s’articulait autour de trois dimen-
sions clés :
• Une description des pratiques de gestion de Cadre conceptuel et collecte
la chaîne logistique déployées avec les par- des données
tenaires d’affaires;
L’analyse des ressources (Resource-Based
• Une caractérisation des pratiques de ges-
View) est un courant de recherche qui stipule
tion des informations et des connaissances; que les organisations développent des compé-
• Une analyse des bases de compétitivité des tences distinctives qui leur procureront un
entreprises. avantage concurrentiel (Sanchez et Heene,
L’objectif premier de cette étude était d’éva- 1997). Les développements théoriques ten-
luer comment les stratégies de gestion de la dent à démontrer que ces ressources prennent
chaîne logistique déployées par les entrepri- la forme de connaissances plus ou moins
ses influencent leurs pratiques de gestion des structurées (Sanchez, 1997). Les connaissan-
informations et des connaissances. Dans un ces ne sont pas uniquement propres à une
second temps, nous cherchions également à organisation, elles peuvent en effet être
mesurer la relation entre la nature des rela- situées à l’extérieur de ses frontières (Dyer et
tions déployées avec les principaux partenai- Singh, 1998) ou être échangées par l’entre-
res d’affaires dans la chaîne logistique et les mise des relations développées à l’intérieur de
facteurs expliquant la compétitivité des la chaîne logistique (Gold et al., 2001). Cette
répondants. perspective serait naturelle puisque la chaîne
logistique peut être considérée comme un
Grâce au soutien financier du FQRSC (Fonds réseau d’entreprises dont les ressources
québécois de recherche société et culture), nécessaires pour une firme sont contrôlées par
nous avons réalisé une enquête auprès d’autres entreprises du réseau en question
d’entreprises manufacturières localisées dans (Bessant et al., 2003). Ces ressources (ou ces
la province de Québec (Canada) (l’annexe 1 connaissances) introduisent la notion de ges-
présente le profil général des répondants). Le tion des connaissances (Knowledge Manage-
choix de ce terrain a été justifié par deux ment) (Desouza et al., 2003).
motifs. Tout d’abord, des ressources limitées
nous empêchaient à l’origine de reproduire Dans ce contexte, nous avons développé un
l’enquête dans plusieurs pays différents c’est modèle d’étude liant cinq variables principa-
pourquoi nous avons retenu une population les (de même que trois sous-variables) (Halley
dont nous connaissions bien les principales et Beaulieu, 2001) (figure 1). Ainsi, nous pos-
caractéristiques. Comme nous planifions de tulons que le déploiement intensif de straté-
reproduire cette enquête dans d’autres pays gies de gestion de la chaîne logistique (se
(notamment aux États-Unis et en France), traduisant par une intégration accrue de la
cette première enquête nous a permis de vali- chaîne) est lié à une maîtrise prononcée de
der la pertinence de notre outil de collecte des compétences distinctives. La chaîne logis-
données ainsi que de notre stratégie de tique constitue un canal d’échanges d’infor-
dépouillement statistique des données. mations et de connaissances entre les parties.
Ces échanges peuvent être caractérisés par la
Le présent article se veut une synthèse des diversité des informations et des connaissan-
résultats généraux obtenus et un résumé des ces échangées, la fréquence plus ou moins
principales observations qui en découlent. élevée des échanges et finalement la nature
Pour y parvenir, la première partie de ce texte des mécanismes d’échanges.
précise les fondements théoriques et les varia-
bles à l’étude. Dans la deuxième partie, nous Notre modèle est complété par deux autres
présentons les principaux résultats se déga- variables. D’abord, comme le rappellent
geant de chacune des trois dimensions clés de Spekman et al. (2002), un rapprochement trop
l’étude : les stratégies de gestion de la chaîne étroit avec un partenaire d’affaires peut se tra-
logistique, les pratiques de gestion des infor- duire par une expropriation de certains secrets
mations et des connaissances, l’analyse des industriels. C’est pourquoi le déploiement de
facteurs de compétitivité ainsi que les grandes mesures de protection des connaissances

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ayant une valeur stratégique devrait être un taille du questionnaire ainsi que le fait qu’il ait
corollaire à un partage plus intensif des infor- été acheminé principalement à des petites et
mations et des connaissances dans la chaîne moyennes entreprises peuvent expliquer ce
logistique. De même, les relations de pou- taux de réponse. En effet, les observations de
voir entre les acteurs sont une notion implicite Dennis (2003) ainsi que celles de Greer et al.
à la gestion de la chaîne logistique (Cox, (2000) soulignent que les petites et moyennes
2001). Le pouvoir peut agir comme une entreprises constituent une population plus
variable modératrice puisqu’un acteur déte- difficile à convaincre de compléter un ques-
nant beaucoup de pouvoir pourrait soutirer tionnaire.
davantage de connaissances de la part des
autres acteurs de la chaîne logistique sans que
la réciprocité ne soit aussi grande. Synthèse des observations
Dans cette section de l’article, nous présen-
À partir du modèle à l’étude, nous avons
tons les principaux résultats relatifs aux trois
conçu un questionnaire couvrant chacune des
grands volets de l’étude. Nous débuterons par
dimensions. Le tableau 1 identifie les sections
une présentation générale des pratiques de
du questionnaire ainsi les travaux qui ont ins-
gestion de la chaîne logistique observées chez
piré les questions et les indicateurs.
nos répondants. Nous enchaînerons par une
Le questionnaire a été pré-testé auprès de description des pratiques de gestion de
quatre répondants. Ces derniers oeuvraient l’information et des connaissances et des pra-
pour de grandes sociétés industrielles dans le tiques de protection des connaissances. Nous
domaine de la logistique (électroniques, phar- poursuivrons ce portrait par une analyse des
maceutiques, aviation, transport) et ils avaient bases de compétitivité des entreprises de notre
une bonne expérience dans la rédaction de
questionnaires. Quelques suggestions ont été Tableau 1 – Les grands paramètres du questionnaire
obtenues afin d’améliorer la compréhension
des questions, la clarté des énoncés tout en Section Sources d’inspiration
proposant des énoncés supplémentaires. Le Section I - Informations générales de
questionnaire a par la suite été administré l’entreprise du répondant
auprès de 2 000 entreprises manufacturières Section II - Identification des compétences
Miller et al., 1992.
de plus de 20 employés et situées dans la pro- maîtrisées
vince de Québec (Canada). Section III - Échanges des informations et des
connaissances
Ce choix d’échantillonnage nous a permis
d’obtenir des données provenant d’organisa- Mécanismes de communication Ragatz et al., 1997; Tucci et al., 2001
tions de diverses tailles. Cette considération Nature des informations échangées Dyer, 1997; Ragatz et al., 1997.
ne serait pas anodine puisque des études de Fréquence des informations échangées Dyer, 1997; Ragatz et al., 1997.
Halley et Guilhon (1997) et Arend et Wisner
(2005) révèlent des comportements logisti- Section IV - Mesures de protection Norman, 2001.
ques différents entre la grande et la petite Section V - Nature des relations de la chaîne Bidault et al., 1998; Hoyt et Huq,
entreprise. De plus, négliger les petites et logistique 2000.
moyennes entreprises dans les recherches en Section VI – Sources de pouvoir Maloni et Benton, 2000; Cox, 2001.
logistique est de moins en moins approprier
puisque ces entreprises sont un vecteur impor-
tant de la croissance économique dans de Figure 1- Modèle d’étude
nombreuses régions (Julien, 1993) en plus
d’être des acteurs importants de la chaîne
logistique des grands donneurs d’ordres dans
des secteurs d’activités clés (automobile,
aéronautique, textile, etc.).
Nous avons procédé à un envoi postal accom-
pagné d’une enveloppe de retour
pré-affranchie. Un premier envoi a été réalisé
à la mi-mai 2003 et un suivi postal a été effec-
tué quatre semaines plus tard. 41 questionnai-
res n’ont pas atteint leurs destinataires ce qui
nous laisse une population totale de 1959
répondants. 163 questionnaires ont été reçus
pour un taux de participation de 8,3 %. La

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Tableau 2 – Pratiques de gestion de la chaîne logistique déployées échantillon. Nous compléterons cette présen-
avec les fournisseurs tation par les grandes conclusions se déga-
geant de certaines analyses statistiques plus
Pratiques de gestion de la chaîne logistique Moyenne poussées. Nous avons délibérément choisi de
Nous acceptons les suggestions de nos fournisseurs pour améliorer la
3,87
présenter les résultats les plus factuels nous
qualité de nos produits offrant ainsi la possibilité d’illustrer les prin-
Nous recherchons de nouveaux fournisseurs pour chacune des familles cipaux volets de notre enquête sans surchar-
3,20
d’achats ger le texte de la procédure d’analyse
Nos échanges se limitent aux termes du contrat 3,08 statistique. De plus, ce choix visait à adopter
Nos fournisseurs nous invitent à donner notre opinion à propos de une perspective plus opérationnelle pouvant
2,73 ouvrir des pistes de réflexion tant pour les ges-
décisions ayant des impacts pour nous
Nous maintenons des contrats à court terme avec nos fournisseurs 2,72 tionnaires de la chaîne logistique que pour les
chercheurs.
Nos fournisseurs ont la pleine responsabilité de concevoir et de
2,70
produire des composantes entrant dans nos produits
Les pratiques générales de gestion
Nos fournisseurs sont responsables de l’assemblage de composantes
2,59 de la chaîne logistique
avancées entrant dans nos produits
Nous avons développé des mécanismes pour résoudre les conflits avec Il a déjà été mis en évidence que la gestion de
2,58
nos fournisseurs la chaîne logistique se déploie dans un conti-
Il y a des accords précisant les mesures de performance retenues 2,42 nuum de pratiques amenant un rapproche-
ment plus ou moins intense avec les différents
Nous établissons avec nos fournisseurs des objectifs communs au
niveau du développement de produits
2,39 partenaires d’affaires (Spekman et al., 1998).
Ce premier volet de notre enquête cherche à
Nos fournisseurs participent à la conception (design) de nos produits
(ou composante)
2,25 caractériser les pratiques de gestion de la
chaîne logistique déployées par les répon-
Nous percevons nos fournisseurs comme des concurrents potentiels 1,74
dants tant avec leurs fournisseurs (tableau 2)
Nous maintenons une participation financière ou nous soutenons qu’avec leurs clients (tableau 3).
1,36
financièrement nos fournisseurs
Un programme de partage des bénéfices est établi avec nos fournisseurs 1,19 Observation # 1 : Globalement, les répon-
dants manifestent une attitude plus ouverte
Échelle de 1 à 5 : 1 = aucun de vos fournisseurs et 5 = tous vos fournisseurs
vis-à-vis leurs clients en comparaison avec
l’ouverture manifestée vis-à-vis leurs fournis-
Tableau 3 – Pratiques de gestion de la chaîne logistique déployées seurs. Cette ouverture semble se traduire par
avec les clients une plus grande imbrication des activités à
Pratiques de gestion de la chaîne logistique Moyenne plus forte valeur ajoutée (assemblage,
conception, etc.) entre les deux parties. En ce
Nous invitons nos clients à donner leur opinion à propos de décisions
ayant des impacts pour eux
3,77 qui concerne les fournisseurs, les répondants
adoptent avec eux une attitude plus antago-
Nous offrons des suggestions pour améliorer la qualité de leurs produits 3,70
niste (relation de court terme, recherche de
Nous sommes responsables de l’assemblage de composantes avancées
3,39 nouveaux fournisseurs, base contractuelle),
entrant dans le produit de nos clients
mais polie (échange de suggestions). On
Nous participons à la conception (design) des produits (ou
3,38 notera que ces résultats abondent dans le sens
composantes) de nos clients
des résultats de Halley et Guilhon (1997) qui
Nous avons la pleine responsabilité de concevoir et de produire des
3,28 concluaient que l’intégration logistique dans
composantes entrant dans le produit de nos clients
les PME manufacturières débute tout d’abord
Nous établissons avec nos clients des objectifs communs au niveau du
3,04 par une imbrication des activités logistiques
développement de produits
avec celles des clients pour s’étendre progres-
Nos échanges se limitent aux termes du contrat 2,94 sivement à l’interne, puis en amont auprès des
Nos clients maintiennent des contrats à court terme avec notre fournisseurs.
2,93
entreprise
Nous avons développé des mécanismes pour résoudre les conflits
La gestion des informations
2,91
et des connaissances
Il y a des accords précisant les mesures de performance retenues 2,74
Nos clients nous perçoivent comme des concurrents potentiels 1,77 Nous sommes d’avis que les pratiques de ges-
tion de la chaîne logistique devraient avoir
Nos clients maintiennent une participation financière ou accordent un
soutien financier à notre entreprise
1,39 une incidence sur les pratiques de gestion des
informations et des connaissances chez les
Un programme de partage des bénéfices est établi avec nos clients 1,26
entreprises étudiées. Après tout, la synchroni-
Échelle de 1 à 5 : 1 = aucun de vos clients et 5 = tous vos clients sation des flux d’information et de matières
est l’un des principes de base de la gestion de
la chaîne logistique. Notre enquête a permis

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d’approfondir cette notion d’informations Tableau 4 – Fréquence moyenne des échanges d’informations
échangées en apportant des réponses aux trois
questions suivantes : quelle est la nature de Type d’informations échangées Moyenne
l’information échangée; à quelle fréquence Horaire de livraison 4,15
est-elle échangée; et quels sont les principaux Résultats des tests de qualité 3,57
mécanismes d’échange et de communication Planification de la production 3,52
utilisés. Le tableau 4 présente un aperçu des
Dessins techniques 3,32
principales informations échangées, qu’il
s’agisse d’échanges avec un client ou encore Itinéraire de livraison 3,26
avec un fournisseur. Nous pouvons constater Niveau des stocks 2,99
que les cinq premiers énoncés sont ceux qui Spécification des besoins des clients actuels 2,91
sont, en moyenne, échangées plus d’une fois
Capacité de production 2,75
par mois, alors que toutes les autres informa-
tions à l’étude sont échangées à une fréquence Spécification des besoins des clients futurs 2,29
moindre. Révision des indicateurs de performance 1,92
Expertise technologique 1,89
Observation # 2 : De façon globale, les
échanges d’informations se font à un rythme Prévision des ventes 1,88
peu élevé. Notons que parmi les cinq premiè- Structure de coûts 1,49
res informations les plus échangées, seul les Brevet 0,47
dessins techniques peuvent présenter un
Échelle 0 à 6 : 0 = jamais, 1 = une fois par année, 2 = une fois par trimestre, 3 = une fois par
caractère plus stratégique alors que les quatre
mois, 4 = une fois par semaine, 5 = une fois par jour et 6 = en temps réel
autres sont nettement plus opérationnelles
(horaire et itinéraire de livraison) ou de nature Tableau 5 – Informations échangées avec le plus grand nombre
plus tactique (planification de la production). de partenaires
On constatera qu’au-delà de certaines prati-
Informations échangées Informations échangées
ques étendues de gestion de la chaîne logis- Moy. Moy.
avec les fournisseurs avec les clients
tique, l’arme principale qu’est la gestion de
Horaire de livraison 3,33 Horaire de livraison 3,84
l’information est exploitée d’une manière
limitée d’abord en vue d’une rationalisation Résultats des tests de qualité 3,03 Spécification des clients actuels 3,38
des flux physiques. Itinéraire de livraison 2,68 Résultats des tests de qualité 3,24

Lee et Whang (2001) expliqueraient la nature Spécification des clients actuels 2,66 Itinéraire de livraison 3,08
des informations échangées par le fait que les Niveau des stocks 2,62 Capacité de production 3,03
praticiens considèrent trop souvent et exclusi- Capacité de production 2,50 Planification de la production 2,97
vement les informations soutenant la gestion Prévision de ventes 2,46 Dessins techniques 2,96
des matières (demande, suivi, délais, etc.).
Spécification des clients futurs 2,39 Spécification des clients futurs 2,90
Nous pourrions également intégrer les analy-
ses de Bohn (1994) qui suggèrent que des Planification de la production 2,38 Prévision de ventes 2,85
données brutes sont plus aisées à entreposer et Dessins techniques 2,37 Niveau des stocks 2,65
à manipuler que des connaissances (brevet, Indicateurs de performance 2,23 Expertise technologique 2,44
expertise technologique, etc.) puisque ces Structure de coûts Indicateurs de performance
2,17 2,36
dernières seraient plus difficilement échan-
Expertise technologique 2,14 Structure de coûts 2,09
geables car elles sont intimement liées à
l’expertise humaine (Spekman et al., 2002). Brevet 1,24 Brevet 1,39

Afin de pousser un peu plus loin ces observa- Échelle de 1 à 5 : 1 = aucun de vos fournisseurs (ou clients) et 5 = tous vos fournisseurs (ou
clients)
tions, le tableau 5 range ces mêmes informa-
tions échangées selon le nombre de
fournisseurs et de clients avec qui elles sont noter que les informations planification de la
partagées. production et dessins techniques, bien
qu’elles soient échangées avec une minorité
Observation # 3 : Bien que globalement les
de partenaires (voir tableau 5), le sont pour-
informations les plus fréquemment échangées
tant à une fréquence plus élevée que d’autres
soient similaires pour les fournisseurs et les
clients, le partage de l’information se fait de informations comme celles sur la structure
façon plus généralisée vers l’aval de la chaîne des coûts ou encore sur le niveau des stocks
logistique (clients) alors qu’il est plus res- (voir tableau 4). Ainsi, il ne semble pas y avoir
treint avec les fournisseurs. Cette situation d’adéquation entre la fréquence d’échange et
rejoint l’observation formulée précédemment le nombre d’intervenants avec lesquels sont
(voir observation #1). Il est intéressant de échangées ces mêmes informations.

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Logistique & Management

Tableau 6 – Les mécanismes d’échange déployés avec les partenaires Naturellement, les informations sont échan-
d’affaires gées en recourant à différents mécanismes qui
peuvent prendre différentes formes : contenu
Mécanismes déployés Mécanismes déployés technologique élevé (ex : EDI) ou interven-
Moy. Moy.
avec les fournisseurs avec les clients tion humaine directe (ex : équipes de travail
Fréquents contacts Du personnel de notre ou formation commune). Le tableau 6 précise
téléphoniques ou courriel 2,88 entreprise est dédié au suivi de 3,57 l’ensemble des mécanismes déployés par les
(quotidien) la relation d’affaires
répondants avec les fournisseurs ainsi qu’avec
Du personnel de notre Fréquents contacts les clients.
entreprise est dédié au suivi de 2,83 téléphoniques ou courriel 3,35
la relation d’affaires (quotidien) Observation # 4 : Nous reformulons le com-
Partage électronique de
2,51
Partage électronique de
2,99
mentaire déjà émis à l’effet que les échanges
données données d’informations se font globalement plus
Équipe commune de travail 2,44 Équipe commune de travail 2,82 intensivement avec la portion aval de la chaîne
Fréquentes rencontres logistique (les clients). Le déploiement de
Formation commune 2,04 informelles (une fois par 2,40 mécanismes de partage des informations et
semaine) des connaissances se fait également d’une
Fréquentes rencontres
Fréquentes rencontres formelles
manière plus intensive avec la portion avale de
informelles (une fois par 1,95
(une fois par semaine)
2,25 la chaîne logistique. Finalement, nos données
semaine)
indiquent que les mécanismes sont déployés
Participation interentreprises
1,81 Formation commune 2,24 en moyenne, avec un nombre plus modeste de
aux efforts de vente
fournisseurs, soit moins de la moitié d’entre
Fréquentes rencontres formelles
1,77
Participation interentreprises
2,23 eux. Outre ce constat d’intensité, nous pou-
(une fois par semaine) aux efforts de vente
vons observer que les répondants entretien-
Démarche conjointe de
1,75
Démarche conjointe de
2,08 nent des contacts personnalisés (personnel
benchmarking benchmarking
dédié, fréquents contacts téléphoniques, fré-
Participation interentreprises Embauche de personnel quentes rencontres formelles ou informelles)
aux achats à l’intérieur de 1,72 additionnel chargé de suivre la 1,99 qui favorisent la communication et la partage
projets conjoints relation d’affaires
de connaissances. Même si les informations
Participation interentreprises échangées entre les parties ont un caractère
Partage d’actifs (usine, entrepôt,
1,54 aux achats à l’intérieur de 1,76
etc.)
projets conjoints plus opérationnel qui justifierait le déploie-
ment de mécanismes technologiques (Halley,
Embauche de personnel
additionnel chargé de suivre la 1,51
Partage d’actifs (usine, entrepôt,
1,62 1999), on peut observer ici l’une des caracté-
etc.) ristiques prédominantes de la PME à savoir
relation d’affaires
l’exploitation de mécanismes de communica-
Échelle de 1 à 5 : 1 = aucun de vos fournisseurs (ou clients) et 5 = tous vos fournisseurs (ou
clients) tion favorisant des contacts étroits et rappro-
chés avec les partenaires externes.
Tableau 7 – Mesures de protection des informations stratégiques
Les mesures de protection des informations
Mesures de protection Moyenne et des connaissances
La direction de l’entreprise identifie les informations jugées stratégiques 3,78
Par ailleurs, même si la gestion de la chaîne
La direction accorde des ressources (humaines, techniques, financières) logistique exige le transfert d’informations et
3,35
permettant de protéger les informations stratégiques
le partage de connaissances, certaines d’entre
L’accès du partenaire à nos installations ou à notre personnel est limité 2,92 elles ont un caractère stratégique obligeant
Des procédures ont été écrites pour préciser les étapes que doivent suivre
2,76
ainsi à une diffusion limitée. Dans cette
les employés avant de communiquer des informations stratégiques logique, notre démarche nous a amenés à
Les contrats avec nos partenaires prévoient des clauses précisant la
2,71
questionner les répondants quant aux mesures
propriété de certaines informations et les pénalités en cas de non-respect de protection qu’ils déploient afin de protéger
Des restrictions sont imposées quant au nombre d’employés pouvant leurs informations et leurs connaissances
2,70
communiquer avec nos partenaires ayant un caractère plus stratégique. Le tableau
Il y a une révision régulière des mesures d’accès aux informations 7 présente l’ensemble des mesures de protec-
2,63
contenues dans le système d’information tion déployées par les répondants.
Il y a des intervenants dans notre entreprise qui sont chargés de surveiller
les informations échangées avec nos partenaires
2,49 Observation # 5 : Selon Spekman et al.
(2002), une méfiance des gestionnaires face à
De la formation est accordée aux employés pour les sensibiliser aux
enjeux du partage d’informations stratégiques avec nos partenaires
2,36 la divulgation de connaissances stratégiques
serait une attitude naturelle. Cependant, nos
Notre entreprise a recours aux brevets pour protéger ses informations
stratégiques
1,77 résultats indiquent que les répondants
n’accordent pas une attention particulière et
Échelle de 1 à 5 : 1 = jamais et 5 = toujours soutenue aux mesures de protection de leurs

116 Vol. 13 – N°1, 2005


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informations et connaissances jugées comme Tableau 10 - Importance des bases de compétitivité


étant stratégiques. Cela apparaît comme étant
tout à fait normal compte tenu du caractère Force
Importance Importance
plus ou moins banalisé des informations les 1 comparative à 2 1
accordée par vos Moy. Moy. exigée à vos Moy.
celle des
plus fréquemment échangées. Les mesures de clients fournisseurs
concurrents
protection les plus importantes se situent au
Qualité des produits Qualité des produits Respect des
niveau de la haute direction, ce qui peut être uniforme et constante 4,64 uniforme et constante 4,29 promesses de livraison 4,71
naturel puisque nos répondants, très majori- Respect des Personnalisation des Qualité des produits
tairement des PME, possèdent des structures promesses de livraison 4,58 produits 4,15 uniforme et constante 4,64
de gestion plutôt centralisées. Par ailleurs, de Offrir des livraisons Offrir des livraisons Soutenir des prix
4,47 rapides 4,12 concurrentiels 4,49
nombreux répondants peuvent ne pas sentir le rapides
besoin de protéger la diffusion de certaines Soutenir des prix Offrir un service
4,37 après-vente efficace 4,08 rapides
Offrir des livraisons
4,44
concurrentiels
informations et connaissances compte tenu
Offrir un service Respect des Offrir un service
que celles qui sont les plus diffusées n’ont pas après-vente efficace 4,25 promesses de livraison 4,07 après-vente efficace 4,13
de caractères très stratégiques (voir tableaux 2
et 3). 1 L’échelle est de 1 à 5 : 1 = pas important et 5 = très important
2 L’échelle est de 1 à 5 : 1 = faible, 3 = parité et 5 = fort
Une analyse des bases de la compétitivité
des répondants Ce résultat nous permet d’avancer que la
gestion de la chaîne logistique suppose le
Dans cette section de notre enquête, nous sou- transfert d’exigences concurrentielles et le
haitons associer les pratiques de gestion de la respect de critères de compétitivité qui se dif-
chaîne logistique avec les bases de compétiti- fusent progressivement de l’aval (les clients)
vité des entreprises répondantes. En soit, ce vers l’amont (les fournisseurs). Les exigences
volet répondait à la question suivante : com- provenant des clients sont graduellement
ment la gestion de la chaîne influence-t-elle la transférées aux fournisseurs selon un niveau
compétitivité des organisations? Les bases de d’intensité comparable.
compétitivité ont été définies par une série de
15 énoncés parmi lesquels on retrouve la qua- À cette première conclusion, nous apporte-
lité du produit, la personnalisation, le respect rons certaines nuances. Ainsi, les répondants
des délais, la maîtrise des coûts, etc. Pour défi- considèrent se démarquer des concurrents par
nir les bases de compétitivité, les participants la personnalisation de leurs produits et cette
devaient : exigence ne provient pas des clients et n’est
1. mesurer l’importance que leurs clients ac- pas répliquée vers les fournisseurs. Bien que
cordent à chacun de ces 15 énoncés ; le respect des promesses de livraisons soit une
exigence forte des clients et qu’elle soit exigée
2. comparer leur performance à celle de leurs aussi des fournisseurs, les répondants ne
concurrents pour chacun des 15 énoncés ; considèrent pas qu’ils sont dominants sur
cette exigence concurrentielle par rapport à
3. évaluer leur niveau d’exigences à l’égard
leurs concurrents. Par ailleurs, lorsque l’on
de leurs fournisseurs pour chacun des 15
constate le nombre appréciable de répondants
énoncés.
s’attribuant des résultats élevés quant à la
Ce volet de l’étude cherchait à mesurer le comparaison effectuée avec leurs principaux
niveau d’adéquation entre l’importance que les concurrents, on peut se questionner sur leur
clients accordent aux énoncés de compétitivité capacité à prendre le recul nécessaire pour
recensés, la position relative des répondants évaluer leurs forces relatives. À l’inverse,
face à leurs principaux concurrents ainsi que cette appréciation quasi systématiquement
les exigences des répondants à l’égard de leurs supérieure peut également provenir d’une dif-
fournisseurs. Le tableau 8 identifie les bases de ficulté à bien jauger les compétences des 1 - Deux tests de corrélation ont
compétitivité jugées comme étant les plus concurrents, ce qui peut entraîner une été réalisés. D’abord, une
importantes pour chacune des situations (les sous-estimation des habiletés de ces derniers. corrélation impliquant
individuellement chacun des
clients, les répondants et les fournisseurs). critères avec sa
Bien que l’ordre d’importance ne soit pas res- Principales conclusions des analyses correspondance : client,
pecté, il s’agit globalement des mêmes critères statistiques répondant et fournisseur.
pour chacune des trois grandes catégories. Ensuite, un test de corrélation
Naturellement, nous avons réalisé des tests canonique retenant
Observation # 6 : L’impression de conver- statistiques plus poussés afin de croiser ces simultanément tous les critères
d’une même catégorie (ex :
gence entre les bases de compétitivité valori- résultats préliminaires. Ces analyses font clients). Dans ce derniers cas,
sées par les répondants et leurs clients est l’objet de publications distinctes qui prennent les résultats approchent la
appuyée par une série de tests de corrélation1. le temps de bien décrire la procédure d’ana- corrélation directe.

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Logistique & Management

lyse. Cependant, nous synthétisons ici les De même, les habiletés qui soutiennent une
principales conclusions qui en émergent. collaboration plus étroite entre les acteurs
d’une chaîne logistique n’auraient rien à voir
D’abord, nous avons croisé les résultats avec un développement historique de l’entre-
entourant les pratiques de gestion de la chaîne prise. Elles seraient plutôt le fruit d’actions
logistique avec les fournisseurs et les clients délibérées de la direction de l’entreprise afin
(tableaux 2 et 3) ce qui nous a permis d’identi- de favoriser la logistique comme axe de déve-
fier quatre groupes de répondants selon loppement.
l’ampleur des pratiques déployées. Un pre-
mier groupe composé 20 entreprises se carac-
térise par la maîtrise de la pleine Implications
responsabilité d’activités de conception et pour les gestionnaires
d’assemblage pour un nombre plus important
de clients tout en confiant aussi plus de res- À partir de ces résultats et des observations
ponsabilités de conception et d’assemblage à qui en découlent et en reprenant les propos de
un nombre important de fournisseurs. Nous quelques études recoupant nos thèmes de
avons défini ce groupe comme étant les inté- recherche, nous dégagerons une série d’impli-
grés équilibrés. À l’opposé, on retrouve les cations à l’attention des gestionnaires de la
intégrés défensifs qui regroupent 52 entrepri- chaîne logistique.
ses. Celles-ci adoptent globalement l’attitude
la plus distante et ce tant avec leurs fournis- 1. Une enquête de Kemppainen et Vepsäläi-
seurs que leurs clients. Par exemple, ils nen (2003) cherche à mesurer le déploie-
conservent souvent avec leurs fournisseurs ment de stratégies dominantes
des relations qui se limitent aux termes du d’intégration et de coordination de la
contrat. Ils cherchent également à diversifier chaîne logistique. Cette enquête démontre
leurs sources d’approvisionnement. Entre ces une tendance de plus en plus poussée vers
deux groupes, on identifie aussi les intégrés une logique d’intégration pour les pro-
amont (49 répondants) et les intégrés aval chaines années. Actuellement, une majo-
(42 répondants) qui présentent de meilleures rité de répondants sont dans une attitude
prédisposition avec leurs fournisseurs ou avec bidirectionnelle touchant leurs partenaires
leurs clients mais toujours dans une propor- immédiats Cependant, nous jugeons que
tion moindre que les intégrés équilibrés. cette enquête adopte une vision trop unidi-
mensionnelle de la gestion de la chaîne lo-
Le groupe des intégrés équilibrés présente gistique ne cadrant pas complètement
trois caractéristiques intéressantes. Il échange avec les observations de notre étude ren-
sensiblement les mêmes informations que les dant par le fait même la comparaison diffi-
trois autres groupes (tableau 4) mais à une fré- cile. Néanmoins, il faut s’assurer de doser
quence plus élevée et avec un nombre plus les pratiques de gestion de la chaîne logis-
élevé de partenaires d’affaires. Ce même tique. Pour y arriver, on peut simultané-
groupe accorde aussi une plus grande impor- ment poursuivre des pratiques
tance aux mesures de protection des connais- d’imbrication de ses activités à forte va-
sances. Enfin, sur les énoncés de leur ajoutée avec celles de ses clients et
compétitivité, ce groupe se distingue des trois fournisseurs tout en encourageant des pra-
autres en étant plus exigeant envers ses clients, tiques de diversification de ses sources
en se considérant plus performant que ses d’approvisionnements et/ou de ses clients
concurrents et en étant plus exigeant envers ou en d’autres mots, adopter simultané-
ses fournisseurs ce qui concerne le service ment une logique de coopération et de
logistique (offre de service logistique, produit concurrence. Cette logique est d’autant
facilement accessible et adaptation rapide du plus naturelle que tous les clients et les
réseau de distribution). Ainsi, le déploiement fournisseurs n’ont pas à être traités de la
de pratique d’intégration poussée de la chaîne même manière. Selon la nature de leurs
logistique aurait une incidence sur les prati- contributions, il peut être évident de main-
ques de gestion de l’information et la compéti- tenir des pratiques de gestion de la chaîne
tivité globale de l’entreprise. plus distantes avec certains.
Finalement, nous mettons en évidence une 2. Une autre enquête, celle de Wisner (2003),
dernière conclusion provenant d’analyses sta- menée auprès de firmes américaines et eu-
tistiques plus poussées. La taille de l’entre- ropéennes évalue l’impact d’une gestion
prise n’aurait aucune incidence sur les étroite des fournisseurs et des clients sur la
pratiques de gestion de la chaîne logistique. performance globale de l’entreprise. Les

118 Vol. 13 – N°1, 2005


Logistique & Management

données recueillies par cette étude démon- tivités avec celles de leurs clients puis de
trent les liaisons positives entre ces varia- leurs fournisseurs, ils pourraient en venir à
bles. Pour notre part, notre étude démontre échanger des connaissances névralgiques
clairement que les portions amont et aval sans pour autant avoir planifié le dévelop-
de la chaîne logistique n’auraient pas à pement de mesures de protection adéqua-
être gérés avec la même intensité. Néan- tes. Il faut être conscient que la chaîne
moins, nous suggérons aux gestionnaires logistique est un canal par lequel des infor-
de la chaîne logistique d’oser aller vers mations stratégiques peuvent être diffu-
leurs fournisseurs plus agressivement. sées. Il faut donc mettre en place des
Nos résultats démontrent que les répon- mesures afin de protéger ses informations.
dants cherchent à lier plus étroitement Parallèlement, les mesures déployées doi-
leurs activités à valeur ajoutée (concep- vent être dosées selon la nature de l’infor-
tion, assemblage, etc.) à celles de leurs mation et comme le souligne Warren
clients alors qu’ils adoptent une attitude (2002), il ne faut pas restreindre la protec-
plus distante avec leurs fournisseurs. Ce tion des connaissances uniquement aux
rapprochement avec l’aval est manifeste informations contenues dans les systèmes
également lorsque l’on observe les prati- informatiques.
ques de gestion des informations et des
connaissances. Avec toutes les nouvelles
approches de gestion (qualité totale, pro- Conclusion
duction à valeur ajoutée, etc.), chercher à Cet article a été une occasion de présenter les
satisfaire ses clients apparaît comme une résultats d’une première enquête sur les prati-
option naturelle pour les gestionnaires. ques de gestion de la chaîne logistique dans le
Par conséquent, le déploiement intensif de secteur manufacturier québécois. Cette pré-
pratiques en aval n’est donc qu’un prolon- sentation s’articulait autour de trois dimen-
gement de cette logique. Cependant, les sions : les pratiques de gestion de la chaîne
gestionnaires ne devraient pas négliger la logistique, les pratiques de gestion des infor-
valeur que peuvent apporter certains four- mations et des connaissances, et l’analyse des
nisseurs (réduction des délais de dévelop- bases de compétitivité des entreprises étu-
pement de produits, conditionnement diées.
personnalisé, horaires de livraison plus
souples, etc.). Ainsi, les manufacturiers québécois de notre
échantillon, pour la plupart des PME, mani-
3. Pour les gestionnaires de la chaîne logis- festent une attitude plus ouverte à l’égard
tique (autant dans la PME que dans la leurs clients en comparaison avec l’ouverture
grande entreprise), il faut oser automatiser manifestée vis-à-vis leurs fournisseurs. Chez
ses mécanismes de communication et ceux-ci, l’intégration de la chaîne logistique
d’échanges principalement pour les débute tout d’abord par une imbrication pro-
échanges d’informations plus opération- gressive des activités avec celles des clients
nelles (voir les tableaux 4 et 6). Comme pour ensuite s’étendre progressivement en
nos résultats l’ont démontré, les répon- amont auprès des fournisseurs. Malgré certai-
dants échangent avec un grand nombre de nes pratiques étendues de gestion de la chaîne
partenaires des informations ayant princi- logistique observées, l’arme principale de la
palement un caractère opérationnel. En logistique qu’est la gestion de l’information
supportant l’échange d’informations opé- est exploitée d’abord en vue d’une rationalisa-
rationnelles par des systèmes automati- tion des flux physiques. De même, le déploie-
ques, les gestionnaires pourraient ment de mécanismes de partage des
conserver plus de temps pour des échan- informations et des connaissances (qui se fait
ges plus directs d’informations stratégi- également d’une manière plus intensive avec
ques à haute valeur ajoutée (ex : devis). la portion avale de la chaîne logistique) se
caractérise par des contacts personnalisés au
4. La protection des informations et des
détriment de la technologie, malgré le carac-
connaissances plus stratégiques demeure
tère opérationnel des informations échangées.
encore embryonnaire. Cette situation peut
Il n’est ainsi pas surprenant de constater que
être compréhensible puisque les informa-
les entreprises déploient peu de mesures de
tions échangées à fréquence élevée ne pré-
protection des informations et de leurs
sentent pas nécessairement un caractère
connaissances.
stratégique. Les gestionnaires doivent tou-
tefois demeurer vigilent car en accentuant Nous sommes d’avis que cette étude présente
progressivement l’intégration de leurs ac- plusieurs avancées. D’abord, elle aborde le

Vol. 13 – N°1, 2005 119


Logistique & Management

milieu de la PME qui est souvent négligé dans Supply Chain Management, vol. 37, n° 2,
la majorité des études sur la gestion de la p. 8-15.
chaîne logistique. Ensuite, notre échantillon
Dennis, W.J., (2003), «Raising Response
regroupe de multiples secteurs d’activités plu-
Rates in Mail Surveys of Small Business
tôt que de se concentrer uniquement sur une
Owners: Results of an Experiment», Journal
seule industrie. Enfin, la démarche que nous
of Small Business Management, vol. 41, n° 3,
avons adoptée aborde avec une importance
p. 278-295.
égale les portions aval et amont de la chaîne
logistique. Par ailleurs, compte tenu des Desouza, K.C.; Chttaraj, A.; Kraft, G.,
échelles utilisées ainsi que de la liste des énon- (2003), «Supply Chain Perspectives to Kno-
cés pour chacune des questions, le potentiel de wledge Management: Research Proposi-
comparaison avec d’autres enquêtes est très tions», Journal of Knowledge Management,
restreint. En cela, on pourrait reprocher à vol. 7, n° 3, p. 129-138.
notre enquête de s’être uniquement limitée au
secteur manufacturier québécois. Sur ce Dyer, J.; Singh, H., (1998), «The Relational
point, nous tenons à souligner que nous avons View: Cooperative Strategy and Sources of
obtenu un financement du Conseil de Interorganizational Competitive Advantage»,
recherche en science humaine du Canada Academy of Management Review, vol. 23, n°
(CRSH) afin de reproduire cette étude à plus 4, p. 660-679.
grande échelle et ainsi de comparer ces résul- Dyer, J.H., (1997), «Effective Interfirm Colla-
tats avec des échantillons d’entreprises de boration: How Firms Minimize Transaction
d’autres régions du Canada, mais aussi des Costs and Maximize Transaction Value»,
États-Unis et de la France. La multiplication Strategic Management Journal, vol. 18, n° 7,
des répondants ainsi que la diversité des origi- p. 535-556.
nes offrira sûrement des résultats très enri-
chissants. Nous devrions normalement Ellram, L.M., (1991), «Supply Chain Mana-
obtenir les premiers résultats de cette enquête gement: The Industrial Organisation Perspec-
d’envergure internationale dans tout au plus tive», International Journal of Physical
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Vol. 13 – N°1, 2005 121


Logistique & Management

Annexe 1 – Profil des répondants répondants sont des entreprises de moins de


200 employés rejoignant ainsi la moyenne
Le tableau I liste les cinq secteurs d’activité
québécoise (voir tableau II). Encore une fois,
où œuvrent près de 75 % des participants à
ce résultat est fidèle à la situation générale au
notre enquête. Cette concentration est repré-
sentative de la structure industrielle québé- Québec où selon les plus récentes compila-
coise où sept familles industrielles tions, 89,2 % des entreprises manufacturières
prédominent : produits métalliques, impri- sont considérés comme des étant des PME
merie, habillement, bois, autres industries (Tremblay, 2003.). Une nette majorité des
manufacturières et secteur de l’ameublement répondants ont un chiffre d’affaires se situant
(Tremblay, 2003). La très grande majorité des entre 2 et 20 millions $ (voir tableau III).

Tableau I – Secteurs d’activité les plus représentés dans l’échantillon


Nbre de Pourcentage
Secteur d’activité Pourcentage
répondants cumulé
Fabrication métallique 42 27,5 % 27,5 %
Bois et meubles 26 17,0 % 44,5 %
Produits électriques et électroniques 17 11,1 % 55,6 %
Aliments et boissons 14 9,2 % 64,8 %
Imprimerie 12 7,8 % 72,6 %

Tableau II – Répartition du nombre d’employés par entreprise


Nbre de Pourcentage
Nombre d’employés Pourcentage
répondants cumulé
Moins de 49 employés 73 44,8 % 44,8 %
Entre 50 et 99 employés 41 25,2 % 69,9 %
Entre 100 et 199 employés 23 14,1 % 84,0 %
Entre 200 et 499 employés 13 8,0 % 92,0 %
Entre 500 et 999 employés 6 3,7 % 95,7 %
Plus de 1000 employés 7 4,3 % 100,0 %
Total 163

Tableau III – Répartition du chiffre d’affaires par entreprise


Nbre de Pourcentage
Chiffre d’affaires Pourcentage
répondants cumulé
Moins de 500 000 $ 1 0,6 % 0,6 %
Entre 500 000 et 2 000 000 $ 17 10,5 % 11,1 %
Entre 2 000 000 et 20 000 000 $ 102 63,0 % 74,1 %
Entre 20 000 000 et 50 000 000 $ 19 11,7 % 85,8 %
Plus de 50 000 000 $ 23 14,2 % 100,0 %
Total 162

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