Vous êtes sur la page 1sur 14

Logistique & Management

ISSN: 1250-7970 (Print) 2377-9640 (Online) Journal homepage: http://www.tandfonline.com/loi/tlam20

Supply Chain Management et performance


de l’entreprise “Value Based Supply Chain
Management Model”

Michel Nakhla

To cite this article: Michel Nakhla (2006) Supply Chain Management et performance de
l’entreprise “Value Based Supply Chain Management Model”, Logistique & Management, 14:1,
65-77, DOI: 10.1080/12507970.2006.11516855

To link to this article: http://dx.doi.org/10.1080/12507970.2006.11516855

Published online: 09 Nov 2015.

Submit your article to this journal

Article views: 1

View related articles

Full Terms & Conditions of access and use can be found at


http://www.tandfonline.com/action/journalInformation?journalCode=tlam20

Download by: [University of Sussex Library] Date: 08 August 2016, At: 07:23
Logistique & Management

Supply Chain Management et performance


de l’entreprise “Value Based Supply Chain
Management Model”
Downloaded by [University of Sussex Library] at 07:23 08 August 2016

Michel NAKHLA
Professeur - CGS Ecole des Mines Paris et AgroParistech
michel.nakhla@ensmp.fr

Plusieurs travaux empiriques ou théoriques tendent aujourd’hui à indiquer que


l’efficacité d’une chaîne logistique globale se mesure par son degré de réactivité, de
satisfaction des clients et de création de valeur pour l’entreprise. L’objectif de cet
article est de prolonger ces travaux, en proposant d’associer aux démarches de
rationalisation des chaînes d’approvisionnement des indicateurs de performance
financière de l’entreprise pour tenter de concilier gestion industrielle et stratégie
financière. Cet article explicite comment il est possible d’envisager un “couplage”
de ces démarches selon un modèle unifié de la performance désigné par Value
Based Supply Management « VBSM », ce couplage étant selon l’auteur l’un des en-
jeux majeurs des années 2000. Deux cas simplifiés illustrent comment s’opère con-
crètement ce couplage en mettant en évidence les enjeux pour les entreprises.

Introduction technologies et des méthodologies, en parti-


culier les systèmes d’information.
Dans un marché concurrentiel, la gestion de
la chaîne d’approvisionnement constitue Dans ces conditions, les expériences concrè-
aujourd’hui un enjeu stratégique majeur pour tes de recherche d’amélioration de la perfor-
les entreprises industrielles et commerciales. mance des entreprises, abordent
C’est un potentiel important de création l’optimisation de la chaîne d’approvisionne-
valeur pour le client : qualité de service, per- ment selon deux logiques :
formance en délai et en réactivité. C’est aussi • Une logique qui cherche à réduire les im-
un des principaux lieux où se joue une partie perfections dans les démarches de planifi-
de la rentabilité de l’entreprise, par la rationa- cation industrielle en visant une
lisation des coûts liés à la chaîne d’approvi- sophistication croissante de celles-ci. Dans
sionnement ou par la concentration sur de ce cadre, les approches optimisatrices ba-
nouveaux canaux de distribution (Nakhla, sées sur la planification multi-sites (Clark
2006). et Scarf, 1960), le calcul des quantités éco-
nomiques avec une organisation multi ni-
Cette tendance s’est encore renforcée dans un veaux devant permettre d’explorer des
contexte économique dominé par la mondiali- modes d’organisation en phase avec des ob-
sation des échanges, la diversification et le jectifs de réduction des délais et des stocks
raccourcissement des cycles de vie des pro- et d’amélioration du niveau de service. La
duits, le développement de partenariats entre détermination des quantités de produits à L’auteur remercie les deux
entreprises. En même temps, de nouvelles fabriquer et à livrer par période de temps te- rapporteurs anonymes pour
opportunités sont offertes par l’évolution des nant compte des contraintes des différents leurs commentaires.

Vol. 14 – N°1, 2006 65


Logistique & Management

niveaux de la chaîne, l’interaction des ni- L’objectif de cet article est de suggérer une
veaux « aval » et « amont », l’anticipation piste de réflexion en ce sens, en proposant
des risques de rupture dans la chaîne sont d’associer démarche de rationalisation des
quelques avantages attendus de ces trans- chaînes d’approvisionnement et performance
formations (Gavernini, 2001). financière de l’entreprise pour tenter concilier
• Une logique qui cherche à réduire les pro- stratégie financière et gestion opérationnelle.
blèmes de coordination liés à la multiplica- Pour répondre à cet objectif, nous développe-
tion des niveaux de la chaîne rons les points suivants : la section 1 présen-
d’approvisionnement et qui impose de ré- tera les problèmes de coordination au sein de
fléchir aux moyens de faire coïncider les in- la chaîne d’approvisionnement en mettant en
térêts des différents maillons. L’incitation à évidence les évolutions récentes liées à la
la performance et l’évaluation des efforts question de la maîtrise de ces coordinations.
individuels et collectifs par l’introduction La section 2 discute les voies de rationalisa-
d’indicateurs de performances s’inscrit tion explorées par les entreprises qui mettent
dans ce cadre. Le problème posé est celui l’accent tantôt sur des indicateurs physiques
de l’atteinte de performances quantifiées, de planification et d’optimisation de la SC
dans un contexte où les activités sont con- tantôt sur la performance économique. Dans
frontées à de multiples incertitudes et où le cette section, nous verrons comment il est
Downloaded by [University of Sussex Library] at 07:23 08 August 2016

jeu concurrentiel peut amener à remettre en possible d’envisager leur « couplage », via le
cause les niveaux de performance en place modèle Value Based Supply Management
(Cachon et Fisher, 1996 ; Cachon et Lari- « VBSM ». La section 3 s’appuiera sur deux
vière, 2001 ; Chen, 1988) Les modèles em- cas simplifiés pour illustrer comment s’opère
piriques (World Class Logistics puis World concrètement ce couplage en mettant en évi-
Class Supply Chain) développés par Michi- dence les enjeux pour les entreprises.
gan State University et le (Supply Chain
Operations Reference) s’inscrivent dans
cette logique en proposant des indicateurs Organisation de la SC
standards ou des méthodologies standardi- et approches gestionnaires :
sées de description et d’évaluation des flux quels modèles de performance ?
au sein d’une supply chain. Les indicateurs
de performance opérationnelle constituent, Gestion de la SC par une modélisation
dans ces modèles empiriques, une autre fa- intégrée et problèmes de coordination
çon d’approcher indirectement la perfor- Dans la littérature empirique et théorique, de
mance financière (Supply Chain nombreuses définitions ont été proposées
Operations Reference, version 7.0, supply pour la « supply chain » ; le lecteur pourra se
Chain Council, 2005 ; Estampe et Chandes, reporter aux travaux de (Croom et al 2000 ;
2003). Tan 2001) pour un état des lieux plus détaillé.
Nous retenons comme terme équivalent : « la
Le grand mérite de ces travaux, menés depuis chaîne d’approvisionnement », ce qui renvoie
quelques années, est d’avoir révélé l’impor- d’une part à l’idée de chaîne où les différents
tance majeure de l’implémentation de nouvel- acteurs d’un système de production indus-
les architectures logistiques et d’outils trielle sont interdépendants et d’autre part à
d’optimisation des flux physiques et d’infor- une définition au sens large de l’approvision-
mation. L’obtention d’un avantage concurren- nement (flux entre usines, flux entre un four-
tiel durable exige en effet une remise en cause nisseur et un client, flux entre deux postes de
du fonctionnement existant au profit d’une travail…). Les chaînes d’approvisionnement
flexibilité des structures organisationnelles, auxquelles on a affaire ici correspondent à la
d’un accroissement de la réactivité et d’une chaîne des flux qui incluent une entreprise
aptitude à s’insérer dans un réseau de parte- principale en se restreignant particulièrement
naires pour proposer la meilleure offre pos- aux fournisseurs et aux clients directs de cette
sible au client (Lambert et Burduroglu, 2001). entreprise : achat, fabrication, distribution et
vente du produit (voir figure 1). Des défini-
Toutefois, ces démarches restent discrètes par
tions proches se trouvent chez (Rota et al
rapport au débat sur la gouvernance d’entre-
2002 ; Croom et al 2000) et qui sont à la base
prise (Lee, So et Tang, 2000 ; Martin et Ryals,
des modèles d’organisation mis en avant
1999), la création de valeur et le retour finan-
aujourd’hui par plusieurs entreprises.
cier pour les actionnaires liés à une meilleure
maîtrise de la supply chain ainsi que par rap- La gestion de la chaîne d’approvisionnement,
port aux formes d’organisation de celle-ci. (Supply Chain Management « SCM ») se

66 Vol. 14 – N°1, 2006


Logistique & Management

donne alors pour objectif, d’une part, de coor- Figure 1 : Les acteurs de la supply chain
donner les activités et les flux depuis les four-
nisseurs et sous-traitants jusqu’au client final
et, d’autre part, d’intégrer la gestion des flux
tout au long de la chaîne, notamment, par
l’intermédiaire de l’informatisation des don-
nées. L’important est d’assurer une circula-
tion rapide des matières et des informations
pour garantir aux clients un service optimal et
réduire la trésorerie immobilisée dans les
stocks pour l’entreprise. Cela intègre la sup-
ply chain « Amont » mais aussi la demand
chain (flux d’information sur la demande).
Par rapport à cette représentation des chaînes d’informations et son partage au sein des dif-
d’approvisionnement, l’observation concrète férents niveaux de la SC. Dans ce cadre,
de leurs fonctionnements montre que, d’un (Chen, 1988) a simulé des stratégies de stoc-
côté, les synchronisations et ajustements entre kage basées sur les méthodes de « point de
les différents acteurs d’une chaîne donnée commandes » et les coûts qui leur sont asso-
Downloaded by [University of Sussex Library] at 07:23 08 August 2016

sont faits sur la base d’une certaine « vision ciés. Il a observé que le partage d’informa-
équilibrée » entre niveaux des stocks suppor- tions concernant la gestion des stocks
tables et taux de service souhaité. Cette vision permet de réduire ces coûts de 9%. De plus,
correspond en fait à un compromis entre le il met en évidence une décroissance des bé-
coût des stocks et les coûts de rupture liés aux néfices au niveau de la chaîne lorsque la va-
livraisons « ratées ». riance de la demande augmente ou lorsque la
chaîne de distribution comporte plusieurs ni-
De l’autre côté, les clients en aval cherchent veaux. D’autres développements, ont élargi
souvent à retarder au maximum les comman- ces résultats en analysant des scénarios avec
des de manière à pouvoir s’ajuster le plus fine- plusieurs fournisseurs ou plusieurs clients
ment possible aux fluctuations de la demande (Cachon et Fisher, 1996 ; Gavernini, 2001,
(quantité et qualité) en faisant reporter les ris- Gal-Or, 1991)
ques de rupture, de surstock et les coûts qui leur • Une seconde approche, interne, consiste à
sont associés sur l’amont de la chaîne. Cette travailler sur les relations à l’intérieur de
tension entre l’amont et l’aval est à l’origine de l’entreprise entre les fonctions d’approvi-
nombreuses inefficacités au sein des chaînes sionnement, de production et de distribu-
d’approvisionnement (rupture de livraison, tion. Ce sont des travaux qui envisagent la
surstockage, dégradation du taux de service…) SC du point de vue d’un décideur unique et
Ces quelques caractéristiques que l’on vient de déterminent les décisions qui minimisent
présenter posent des problèmes quant à l’orga- son coût global. Dans ces approches, la SC
nisation de l’action collective au sein d’une est considérée comme une structure vertica-
chaîne d’approvisionnement en situation lement intégrée et où toute l’information est
d’interdépendance entre acteurs et d’incerti- partagée et l’approvisionnement du produit
tude sur la demande et soulèvent plusieurs est contrôlé par le fabricant. On retrouve ici
questions. Comment ces problèmes sont-ils les applications et méthodologies comme le
résolus concrètement ? Selon quels arbitrages ? juste à temps, la production au plus juste, le
En fonction de quels indicateurs ? C’est ce que MRP (Billington et al, 1983 ; Baynat et al,
l’on va tenter d’illustrer. Ces questions ren- 2001). Ces analyses ont été élargies ensuite
voient à plusieurs approches de la gestion de aux situations d’entreprises multi-sites, en
plus en plus intégrées selon la complexité et travaillant sur les relations entre plusieurs si-
l’intégration de la SC : tes d’une même entreprise voire en intégrant
• Une première approche qui correspond à
quelques fournisseurs ou clients directs de
une vision partielle et morcelée centrée sur l’entreprise. Le développement ensuite de
les fonctions d’approvisionnement. A ce ni- logiciels de type APS (Advanced Planning
veau d’intégration, il est d’ailleurs difficile Systems) qui visent à une optimisation glo-
de parler à proprement dit de gestion de SC ; bale du fonctionnement de la chaîne logis-
il s’agit plutôt de logistique tout court. Plu- tique d’une entreprise (Vidal et al, 1997), se
sieurs travaux issus de la recherche opéra- situent dans cette catégorie.
tionnelle se sont intéressés au lien entre • Une troisième approche, intégrée, consiste à
bénéfice pour l’entreprise, maîtrise des flux travailler, au niveau d’une entreprise au sein

Vol. 14 – N°1, 2006 67


Logistique & Management

de la SC à laquelle elle appartient, sur les re- Gestion de la SC par l’utilisation


lations entre l’ensemble des acteurs de la d’indicateurs standards
SC. Parmi ces approches, on peut distin-
guer :
de résultat
L’hypothèse sous-jacente au développement de
➨ Celles qui se focalisent sur la partie cette deuxième catégorie de démarches de ges-
amont de la SC de l’entreprise. Le réseau tion de la SC est implicitement la suivante :
d’approvisionnement se définit dans ce quand bien même on continuerait à améliorer
cas comme un réseau d’entreprises les dispositifs d’optimisation et d’intégration de
échangeant des matières et de l’informa- la planification, à favoriser les fonctionnements
tion, dans le cadre d’activités menant à la en réseau ou collaboratif, on n’aurait pas encore
livraison de produits ou de services à réuni tous les éléments pour s’assurer, le plus
l’entreprise. Ces approches traitent de la possible, de la performance globale de la SC.
gestion du réseau d’approvisionnement Pour aller plus loin dans la maîtrise de ces coor-
en s’intéressant essentiellement aux dinations abordées dans la section précédente,
fonctions d’achats et d’approvisionne- l’idée de formaliser des indicateurs standards est
ments industriels. mise en avant dès les années 90 par des groupe-
ments professionnels internationaux constitués
Downloaded by [University of Sussex Library] at 07:23 08 August 2016

par de grands groupes industriels et qui visent à


➨ Celles qui s’intéressent plus spécifique- cerner la performance d’une SC. Ces travaux
ment à la partie « aval » de la SC de l’en- empiriques sont à rapprocher des travaux sur les
treprise. Ces approches se focalisent tableaux de bord stratégiques (Kaplan et Nor-
principalement sur l’optimisation des ton, 1998 ; Johnson et Montgomery, 1974 ;
transports et des réseaux de distribution Favre Bertin et al, 2005) qui déclinent la perfor-
englobant les grossistes et les détaillants. mance globale de l’entreprise selon quatre gran-
des interrogations :
➨ Celles qui se positionnent aussi bien en • Quelles sont les attentes des clients ?
amont (réseau d’approvisionnement) • Quelles sont les attentes des actionnaires ?
qu’en aval (réseau de distribution). On • Quels sont les processus et les activités essen-
parle alors de gestion de la SC intégrée tiels à la satisfaction des actionnaires et des
(Rota et al 2002). Parmi ces approches, clients ? »
(Mentzer et al 2001) distinguent celles • Comment piloter le changement organisa-
qui s’intéressent aux chaînes directes tionnel pour répondre à ces interrogations ?
(l’entreprise, ses clients et ses fournis-
seurs directs) et celles qui s’intéressent On peut synthétiser un certain nombre de ces
aux chaînes élargies ou collaboratives : indicateurs en les plaçant dans une logique glo-
l’entreprise, ses clients et ses fournisseurs bale d’amélioration de la SC comme le montre
directs mais aussi les clients de ses clients la décomposition suivante (adaptée de Martin
et les fournisseurs de ses fournisseurs. et Ryals, 1999) :
Figure 2 : L’arbre de la performance de la suppy chain

68 Vol. 14 – N°1, 2006


Logistique & Management

Cette décomposition est à mettre en relation Figure 3 : Indicateurs et acteurs de la SC


avec les métriques développées par le Supply
Chain Council à travers les notions de réacti-
vité, de flexibilité, de maîtrise des coûts et de
gestion des actifs.
En reliant quelques-uns des indicateurs figu-
rant sur l’arbre de performance aux différents
acteurs de la SC (schéma adapté de Boschet et
al., 2003), on peut distinguer les principaux
enjeux de performance liés à chaque maillon.
La principale difficulté à ce niveau, pour la
gestion de la SC, est de pouvoir aligner les
objectifs de chacun des acteurs par rapport à
une vision globale qui ne correspond pas
nécessairement à la simple addition des opti-
misations locale de chaque maillon de la
chaîne.
Downloaded by [University of Sussex Library] at 07:23 08 August 2016

Sur la base de cette vision de la performance et


Source : Logistique & Management 2003
l’utilisation d’indicateurs standards, quelques
entreprises ont conduit des expériences de teurs opérationnels issus des démarches pré-
comparaison avec d’autres entreprises de cédentes dans une perspective d’évaluation de
même secteur, en espérant plusieurs avanta- la valeur ajoutée financière de la chaîne. C’est
ges : ce couplage entre deux visions de la perfor-
• un gain de temps dans la comparaison par mance que nous allons mettre en évidence et
l’utilisation d’indicateurs standards, qui selon nous semble s’opérationnaliser pro-
• l’identification des écarts de performances gressivement comme nous allons le voir dans
et leur maîtrise, les cas présentés plus loin.
• un contrôle de la performance par rapport à
la concurrence, A ce stade, on peut même dire que l’un des
enjeux majeurs de ce lien réside dans l’organi-
• un repérage des actions apportant des avan-
sation des relations au sein de la SC et dans la
tages compétitifs,
qualité des coordinations transversales
Si ces approches ont permis des avancées réel- comme conditions de la performance globale
les en termes de représentations quantifiées de (Nakhla, 2003).
la performance d’une SC, leur mise en place
bute cependant sur deux difficultés majeures : Basé sur la recherche d’une maîtrise collective
de l’ensemble des flux, le processus de cons-
• Une part importante des difficultés est liée à
truction de la performance globale est aussi un
la mise en place de stratégies collaboratives
processus de reconstruction des relations au
entre entreprises. On retrouve naturelle-
sein de la SC et des compétences en place.
ment les problèmes classiques de collecte
de l’information qui peut limiter ainsi le
travail de benchmarking voulu par ces dé-
Une vision unifiée de la gestion
marches.
de la SC et création de valeur
• L’existence d’interdépendances entre dif-
férents maillons de la SC liées au décou- dans l’entreprise : la modélisation
page organisationnel. La mise en place de VBSCM
véritables approches comparatives sur la
base d’indicateurs supposerait par ailleurs Si l’on admet l’idée selon laquelle une entre-
que l’on soit en mesure de découper la SC, prise doit réussir à la fois sur le marché des
de telle manière que les interdépendances biens réels et sur le marché financier (Nakhla,
entre maillons de la chaîne, selon les entre- 2006 ; Lambert et Stock, 1993 ; Heskett,
prises, soient totalement circonscrites et 1997), une stratégie économique visant à cou-
comparables. pler ces deux préoccupations peut être une
voie prometteuse en permettant de concilier la
Il reste à l’évidence un point, celui du poids maximisation de la valeur pour le client final
financier de la SC qui amène aujourd’hui les et la maximisation de la valeur pour les pro-
entreprises à développer une gouvernance priétaires de l’entreprise par une meilleure
nouvelle. Celle-ci tente d’intégrer des indica- gestion de la SC.

Vol. 14 – N°1, 2006 69


Logistique & Management

Figure 4 : Relation Organisation de la chaîne et performances économique et financière de la performance


opérationnelle et financière que nous retenons. Nous désignons par per-
formance économique la création nette de
richesse (création moins destruction) en
admettant que l’activité industrielle
consomme des ressources (le temps des per-
sonnes, des capitaux, de la matière, de
l’espace...) pour produire de la valeur et des
prestations. Il y a ainsi performance et donc
création de valeur actionnariale lorsque le
rendement des capitaux investis est supérieur
au coût des capitaux de l’entreprise,
c’est-à-dire au coût de sa dette et de ses fonds
propres. On peut également se reporter à
(Fabbe-Costes, 2002) pour une discussion
complémentaire de la notion de valeur créée.
Par rapport à cette définition, nous privilé-
gions deux métriques de la performance éco-
Downloaded by [University of Sussex Library] at 07:23 08 August 2016

nomiques, à savoir : la rentabilité des capitaux


Aujourd’hui, négliger l’un des deux marchés engagés et la valeur économique créée. Ces
ne manquera pas d’avoir des conséquences indicateurs font parties des principaux critères
sur l’autre marché : l’actionnaire est le client recommandés par les institutions financières
de la firme sur le marché financier au même pour la communication des entreprises en
titre que le consommateur est un client sur le matière de création de valeur actionnariale.
marché des produits. Cette vision soulève
deux catégories de questions : Nous appellerons Capitaux Engagés (CE),
• Comment relier concrètement une mé- l’actif immobilisé net d’amortissements
trique de mesure de la performance opéra- (actifs industriels, équipement de transports,
tionnelle, que l’on vient de présenter, et une locaux de stockage…) et le besoin en fonds de
métrique de mesure de la création de la va- roulement (BFR : les stocks, la variation du
leur (que nous exposerons plus loin)? Quels crédit clients/fournisseurs). Ce dernier point
indicateurs privilégier ? signifie que l’entreprise doit utiliser une partie
• Quelle place accorder aux modes d’organi- de ses ressources financières pour constituer
sation sous-jacents ? Comment concilier des stocks et pour attendre le paiement des
d’une part, décentralisation des décisions clients, mais ceci est diminué par le fait que
de planification au niveau des sites indus- les fournisseurs attendent leur argent. Cet
triels ou plate formes logistiques, nécessai- investissement dans le cycle d’exploitation est
res pour permettre au mieux le traitement d’une importance primordiale car il corres-
des évènements urgents et d’autre part, pond à des ressources financières payantes
l’exercice d’une centralisation minimale qui doivent être levées uniquement pour
susceptible de permettre la tenue des objec- financer le BFR. Dans la plupart des entrepri-
tifs globaux de performance ? ses industrielles, le BFR est positif avec une
règle simple : plus le BFR est petit, plus les
Les observations menées à partir de projets de
ressources financières totales sont petites,
rationalisation des chaînes d’approvisionne-
mieux l’entreprise se porte.
ment mettent en évidence que le lien entre la
performance opérationnelle et la performance Les Capitaux Engagés sont financés par les
financière rend souvent nécessaire une actionnaires (Capitaux Propres notés CP) et
réflexion sur l’organisation de la chaîne par les créanciers financiers (Dettes financiè-
elle-même (Lambert et Pohlen, 2002). Le res notées D) :
schéma suivant présente ces hypothèses et
structurera la présentation du modèle CE = CP + D.
VBSCM que nous proposons. L’intérêt majeur de cette présentation est de
distinguer nettement l’outil industriel (CE) de
Performance financière et son financement (CP + D). La caractéristique
principale du financement est qu’il a un coût.
indicateurs physiques de la SC
Actionnaires et créanciers financiers exigent
Avant d’expliciter le lien entre les deux métri- un rendement de l’investissement qu’ils ont
ques, nous précisons d’abord la définition réalisé dans l’entreprise et ce rendement est

70 Vol. 14 – N°1, 2006


Logistique & Management

proportionnel au risque qu’ils ont accepté de valeur. Dans ce contexte, le couplage de RCE
prendre. Le coût du capital (K) est égal à la avec les indicateurs de performance peut
somme pondérée de la rentabilité exigée des s’opérer à travers le capital engagé. Pour la PE,
capitaux propres c’est-à-dire le taux de renta- la transition avec les indicateurs peut se faire à
bilité minimale sur les actifs que l’entreprise travers « l’arbre de valeur » qui permet de
puisse attendre. décomposer la valeur économique de l’entre-
prise en indicateurs de gestion des flux phy-
La métrique Rentabilité des CE (RCE)
sique de la SC.
A partir de ces notations, la rentabilité des CE De façon synthétique, la performance écono-
est donc égale au résultat d’exploitation (RE) mique est représentée par le résultat d’exploita-
divisé par le montant de financement de l’outil tion, le capital engagé et le coût du capital. Ces
industriel (CP+D), c’est-à-dire les capitaux quatre postes sont à mettre en parallèle des
mis en œuvre pour dégager ce résultat : indicateurs de performance opérationnelle de
RCE = RE / (CP+D) la SC. Cette instrumentation de la performance
globale n’est pas dissociable d’une réflexion
Une entreprise crée de la valeur dès lors sur les modes d’organisation sous-jacents, en
qu’elle dégage une rentabilité des capitaux termes de circulation de l’information et des
engagés supérieure au coût de ses ressources, niveaux de responsabilité au sein de la chaîne.
Downloaded by [University of Sussex Library] at 07:23 08 August 2016

soit RCE > K. Cette vision globale, s’accompagne le plus


La valeur créée correspond ainsi à la diffé- souvent d’un mouvement de recentralisation
rence entre le résultat d’exploitation réalisé de la planification et des décisions.
après impôts et la rémunération exigée par le
marché des capitaux, soit (RCE - K)?CE. Arbitrage entre centralisation
La métrique Performance Economique (PE) et décentralisation
La performance économique (PE) ou Econo- dans le pilotage de la SC.
mic Value Added2 (EVA) (Stern, 1990) peut Un des moyens pour synchroniser les flux de
être définie comme la différence entre le produits et les flux d’informations au sein de la
revenu net d’impôts tiré de l’exploitation et la chaîne consiste, comme nous l’avons montré
rémunération des capitaux engagés au coût de (Nakhla et Soler, 1998 ; Nakhla, 1994), est de
capital, c’est-à-dire au coût moyen pondéré mettre sous-contrôle centralisé les interdépen-
des ressources financières. Si l’on considère, dances entres les différents niveaux de planifi-
en première approximation, que le revenu cation en les intégrant au sein d’une même 2 - Concept formalisé par le
généré par l’exploitation est le résultat entité ce qui reviendrait à endogénéiser les cabinet Américain Stern -
d’exploitation, la formule de PE s’écrit ainsi : coûts de coordination entre différentes direc- Stewart

PE = RE × (1 - Tis) - K × CE
Figure 5 : Performance économique et indicateurs physiques
Avec, de la supply chain
RE = résultat d’exploitation,
Tis = taux d’imposition des bénéfices,
K = coût de capital,
CE = capitaux engagés.
Une PE positive correspond donc à un enrichis-
sement des actionnaires, une PE négative cor-
respond à une destruction de richesse.
Dans ce cadre, vouloir relier performance éco-
nomique et indicateurs opérationnels de la SC
revient à proposer une vision élargie de la per-
formance (ou performance globale). Un des
rôles clés de cette approche est de mettre en
place une articulation entre les performances
opérationnelles de la SC et les informations
financières. Il s’agit de concilier une logique de
management à caractère financier avec une
logique de pilotage opérationnel de la SC en
examinant l’impact décisif des modes d’orga-
nisation sur les mécanismes de création de

Vol. 14 – N°1, 2006 71


Logistique & Management

tions de l’entreprise et d’obtenir ainsi une meil- Le premier cas industriel (cas Metal Steel noté
leure visibilité et un meilleur pilotage à court, par la suite MS) concerne la fabrication de
moyen et long terme. produits d’emballage et d’aciers spéciaux. Le
processus de transformation et d’atteinte de la
Cette tendance est très marquée dans le secteur qualité finale du produit suppose une mise au
agroalimentaire, et plus largement dans les sec- point complexe.
teurs de grande consommation où la grande
Le second cas industriel (cas Food Compagny
distribution est de plus en plus concentrée. Les
noté par la suite FC) fait appel à un process
grandes enseignes sont regroupées en centrale
court avec une grande périssabilité du produit.
d’achat. Les industriels tendent alors à calquer
Le tableau ci-dessous montre comment ces
leur organisation sur celles de leurs clients pour
deux cas vont être mobilisés pour éclairer les
répondre au mieux à la demande du consom-
différentes dimensions étudiées de la perfor-
mateur. Ainsi, l’organisation de la chaîne
mance :
d’approvisionnement devient également un
facteur clés dans la création de valeur. Elle
conditionne en tout cas la performance globale. 1. Cas “Metal Steel”.
Ces transformations débouchent très souvent Rentabilité des capitaux engagés
sur l’émergence de la fonction supply chain
et amélioration du taux de
Downloaded by [University of Sussex Library] at 07:23 08 August 2016

dans l’entreprise. Centralisée pour mieux opé-


rer une coordination transversale entres sites service : quel impact sur les coûts
industriels ou bases logistiques, elle regroupe des stocks ?
les fonctions de prévision, de gestion des
L’entreprise MS est issue de la fusion de deux
stocks, de suivi des commandes et relations
producteurs européens de produits spéciaux
clients autrefois décentralisées au niveau de
« commodités et emballages » destinés à plu-
chaque site. Les acteurs de la « SC » issus de
sieurs types d’industries (conserves agroali-
cette réorganisation, sont de véritables acteurs
mentaires, aéronautique, électroménager…).
d’interfaces coordinateurs de l’activité de pla-
Cette fusion a permis à MS de se hisser au pre-
nification et de gestion des flux physiques sur
mier rang européen du secteur. Une période de
l’ensemble de la chaîne.
mutation profonde de son organisation a suivi
3 - Pour des raisons de
opération dans l’optique de tirer le meilleur
Cette organisation est censée permettre une parti des « synergies » possibles et l’applica-
confidentialité et notamment sur
les coûts, les données sont
grande cohérence vis-à-vis des grands distribu- tion de stratégies industrielles, qui selon ses
présentées à titre illustratif ainsi teurs (limiter le nombre d’interlocuteurs, dirigeants sont en rupture, plus agressives
que la dénomination de certains homogénéiser les pratiques, lancer des opéra- aussi bien en termes commerciaux qu’au
produits pour garder tions commerciales d’ampleur nationale) ainsi
l’anonymat des entreprises niveau de l’organisation de la chaîne d’appro-
concernées.
qu’une meilleure adéquation entre les moyens visionnement. Le projet « optimisation de la
Nous avons privilégié ici une disponibles (capacité de production, force de performance de la chaîne logistique » s’inscrit
démonstration basée sur des vente, marketing, logistique) et les besoins des dans cette stratégie avec un objectif double :
méthodes de cas. Nous avons clients. Nous présenterons plus loin un
retenu pour cet article deux cas améliorer la compétitivité de l’entreprise par
de « bonnes pratiques » qui ne
exemple type de ces organisations. un meilleur service au client mais aussi mobi-
constituent pas évidemment un liser l’organisation derrière un projet de ratio-
échantillon représentatif au sens
nalisation des processus de la SC créateurs de
« statistique » mais donnent une
tendance et des signaux des Le modèle VBSCM ou impact de valeur pour l’entreprise.
évolutions industrielles en la Gestionde la SC sur la Pour expliciter cette expérience, nous com-
cours. Ce choix nous permet
d’explorer de façon détaillée les performance des entreprises : mençons par synthétiser le système de pro-
différentes dimensions du deux cas industriels. duction de l’entreprise. La matière première
modèle VBSCM. En effet, correspond à des « brames » enroulées en
certaines variables, notamment
organisationnelles ne sont Pour illustrer le modèle VBSCM nous allons bobines qui doivent être d’abord laminée à
appréhendables qu’à travers nous appuyer sur deux cas industriels simpli- froid pour obtenir l’épaisseur désirée. Le pro-
une analyse approfondie de cas fiés.3 duit obtenu est ensuite recuit pour restaurer

Tableau 1 : Positionnement des cas étudiés par rapport aux différentes dimensions
Service clients Réactivité et flexibilité de la SC Management financier Compétences
RCE Impact sur le délai, les ventes et sur le résultat Impact sur les capitaux mobilisés et sur Impact sur la performance globale de la
Impact sur le résultat d’exploitation
PE d’exploitation le Besoin en Fonds de Roulement chaîne
Cas Food Compagy
Illustration Cas Food Compagy Cas Metal Steel Cas Food Compagy
Cas Metal Steel

72 Vol. 14 – N°1, 2006


Logistique & Management

ses propriétés mécaniques, cette opération est maillon de la structuration de la chaîne


réalisée sur différentes lignes en fonction de la d’approvisionnement de l’entreprise. Cette
qualité voulue « brillante ou décapée ». segmentation est le résultat d’un travail
conjoint de la production et du réseau com-
Après l’opération de recuit, intervient une
mercial sur la base de quatre principaux critè-
opération de laminage très superficielle des-
res :
tinée à améliorer la surface du produit.
• L’importance des flux de production de
Enfin, plusieurs opérations de finition (mise à chaque référence produit.
dimension, pose de revêtement, polissage…) • Le taux de rendement de production de qua-
permettent d’obtenir un produit conforme à la lité supérieure par référence (noté TR par la
demande du client. suite est mesuré par le rapport entre la quan-
Face à un marché devenu très étendu (dimen- tité produite de qualité supérieure sur le to-
sions, conditionnement, aspects de sur- tal matière première engagée).
face…), l’entreprise doit faire face à plusieurs • L’adéquation des différentes qualités pro-
interrogations : comment améliorer le taux de duites par rapport aux qualités demandées
service sur l’ensemble de la gamme sans trop par les clients. Certaines qualités peuvent
pénaliser le besoin en fond de roulement ? être vendables, d’autres qualités subissent
Comment préserver une compétitivité basée une décote au niveau des prix.
Downloaded by [University of Sussex Library] at 07:23 08 August 2016

sur le prix dans un contexte concurrentiel • Le mode de production : sur stocks ou à la


fort ? Comment répondre à des clients se mon- commande à partir d’un produit intermé-
trant de plus en plus exigeants vis à vis de la diaire
qualité des produits et des délais de livraison ?
Ciblage des segments logistiques par
Pour répondre à ces interrogations, le projet rapport aux niveaux de service attendus
« optimisation de la performance de la chaîne par les clients
d’approvisionnement » s’est centrée dans un
Ces huit segments sont ensuite reliés aux dif-
premier temps autour de la mise en place de
férentes attentes clients en identifiant les
nouvelles offres logistiques tirées par de nou-
attentes spécifiques, les segments stratégiques
veaux taux de service qui, dans un deuxième
pour l’entreprise, les grandes tendances
temps, sont évaluées en termes d’impact sur la
d’évolutions du marché et l’offre de la concur-
performance financière de l’entreprise
rence par marché en matières de délai de
comme nous allons le montrer :
livraison et taux de service (TS) :
Une segmentation logistique des attentes
Pour atteindre ces objectifs, plusieurs leviers
clients : support de l’évaluation
sont mis en place selon la catégorie de pro-
de la performance
duits et des attentes des clients :
La segmentation logistique en huit catégories • Le levier stock : Il est constitué principale-
des attentes des clients a constitué le premier ment de produits intermédiaires permettant

Tableau 2 : Les différents segments « clients » identifiés


Production de masse Production en petite série
TR fort TR faible TR fort TR faible
Qualité inférieure
Qualité inférieure non Qualité inférieure
vendable à un prix Qualité inférieure vendable à un prix déclassé
vendable non vendable
déclassé
Produit à la Produit sur stock Produit à la Produit sur stock
commande commande
(1) (2) (3) (4) (5) (6) (7) (8)

Tableau 3 : Offre logistiques au croisement produits / attentes clients


Segments (1) (2) (3) (4) (5) (6) (7) (8)
logistiques →

Attentes ↓
Clients
Délai court
Livraison en juste à temps à partir du stock Livraison en juste à temps à partir du stock ou selon le principe d’une spécialisation retardée
TS=90%
Délai moyen
Livraison à partir du stock et garantie des délais
TS=95%
Garantie absolue des délais et d’un taux de service très élevé coûteux
Délai long
Garantie absolue des délais et d’un taux de service très élevé
TS=100%

Vol. 14 – N°1, 2006 73


Logistique & Management

de diminuer le temps de cycle de produc- rents leviers ce qui donne les résultats présen-
tion. Les stocks sont positionnés à un stade tés dans le tableau 4. Les différents coûts sont
de production non différenciant. Ce levier mesurés par rapport à une situation de réfé-
permet, de livrer des produits en un délai rence (produit facile) et des lots moyens de
très court ou en juste à temps après une production de 20 tonnes. Les valeurs corres-
étape de différenciation. pondent à des surcoûts.
• Le levier surlancement qui consiste à lancer
en production une quantité supérieure à la La stratégie qui consiste à proposer de nou-
commande afin de compenser les aléas de veaux segments logistiques mieux adaptés au
production ou un éventuel taux de rende- marché pour améliorer le taux de service aux
ment faible du produit. clients et donc le résultat d’exploitation peut
pénaliser les coûts liés aux stocks et le capital
• Le levier anticipation de la production qui
engagé. Cet arbitrage est souvent nécessaire
permet en cas d’aléas de relancer la produc-
avant de reconfigurer l’ensemble de la SC. Il
tion sans pénaliser les délais. Ce levier est
renvoie également aux problèmes de coordi-
actionné pour les produits dont le délai de
nation que l’on peut observer entre logique
production est supérieur au délai commer-
commerciale et logique industrielle. Il faut
cial.
noter également que le tableau 4 n’intègre pas
Lien entre amélioration de taux de service les pertes de chiffre d’affaire liées à un produit
Downloaded by [University of Sussex Library] at 07:23 08 August 2016

et besoin en fond de roulement vendable mais déclassé (vendu à un prix infé-


de l’entreprise rieur à son prix habituel). C’est le cas des
offres (2), (5) et (6). Cela signifie que les coûts
Pour illustrer ce lien, prenons le cas de l’offre
obtenus ici doivent être complétés par les
logistique caractérisée par un délai court et
conséquences sur le chiffre d’affaire. Cela dit,
faisant appel à des surlancements à cause d’un
cette remarque ne modifie pas la portée de la
taux de réussite du produit inférieur à 100%.
méthode présentée ici.
Sur cette offre l’entreprise fixe un taux de ser-
vice minimum (TS) de 90%, notamment lié à
des retards de production. L’entreprise exige Cas Food Company.
un rendement annuel sur ses capitaux engagés
Organisation de la SC
(RCE) égal à 15%. Le taux de réussite (taux de
rendement de production de la qualité et amélioration de la marge
demandée) est évalué à 80% et la durée opérationnelle
moyenne de stockage est évaluée à un tri-
FC est un groupe européen leader dans le
mestre.4
domaine des produits agroalimentaire et
Pour une commande de 2 tonnes, l’entreprise dégage un résultat opérationnel d’environ
doit lancer en production 2,5 tonnes en tenant 316 millions d’euros. Compte tenu des con-
compte du taux de réussite fixé (80%). Le sur- traintes du produit, le réseau logistique de FC
classement correspond alors à 0,5 t. Le produit est assez dense et complexe. La Supply Chain
fini est mis en stock (90% de la commande en correspond à l’ensemble des services qui pilo-
moyenne compte tenu du taux de service). Le tent les flux d’informations et les flux de pro-
coût lié aux stocks est : duits depuis la prévision des commandes des
distributeurs et l’enregistrement de ces com-
3
0,5 × 0,9 × 1500 × 0,15   = 25 € par tonne mandes, jusqu’à la livraison des produits, en
 12 
4 - Tous ces chiffres ont été passant par la planification de la production et
modifiés. Ils n’ont pour objectifs la gestion des stocks.
que d’illustrer la méthode Ce mode de calcul est appliquée aux différen-
d’évaluation adoptée. tes offres logistiques en examinant les diffé- L’objectif du projet « supply chain et perfor-
mance financière » mis en place est de s’assu-
Tableau 4 : surcoûts des différentes offres logistiques rer de la présence des bons produits au bon
Segments (1) (2) (3) (4) (5) (6) (7) (8) endroit, au bon moment et en bonne quantité
logistiques → tout en minimisant les coûts de transport et de
stockage.
Attentes ↓
Clients Ainsi, le principe du pilotage de la supply
Délai court
0€ 250 €/t 0€ 337 €/t
chain par la demande du marché et la
TS=90%
Coût de Coût de recherche de la performance se sont structurés
Délai moyen référence référence
TS=95% 0€ 0€ 267 €/t 0€ 0€ 356 €/t autour de deux axes :
Délai long • Un axe organisationnel visant une implica-
TS=100% 0€ 280 €/t 0€ 375 €/t tion transversale de plusieurs services (pré-

74 Vol. 14 – N°1, 2006


Logistique & Management

visions des ventes, service client, gestion Figure 6 : la SC de Food Company


des commandes, stock…).
• Un axe financier visant l’optimisation de la
chaîne logistique afin de réduire les coûts
engendrés tout en assurant un service maxi-
mum au client et une marge opérationnelle
suffisante.
Une réorganisation de la chaîne
d’approvisionnement : une chaîne orientée
création de valeur avec une centralisation
renforcée du pilotage
Dans cette entreprise, les grands principes de
l’organisation de la SC ont été tirés par des
objectifs de coordination. Il s’agit de piloter la
création de valeur en impliquant toutes les
fonctions de l’entreprise en rendant possibles
des arbitrages permanents entre opportunités
Downloaded by [University of Sussex Library] at 07:23 08 August 2016

de marges opérationnelles et coûts de la logis-


tique et d’approvisionnement. Figure 7 : Réduire les coûts en assurant un service maximum et une
marge opérationnelle suffisante
Ces nouveaux objectifs de la SC ont débouché
sur un mouvement de centralisation d’un cer-
tain nombre d’activités qui jusque là étaient
effectuées au niveau des usines ou entrepôts.
Ainsi, la direction de la SC centrale prend en
charge la définition des politiques de gestion
des stocks, la planification des charges des
différentes usines au niveau européen et la
gestion des commandes qui sont regroupés
dans trois services différents dans le cas pré-
sent. Pour assurer ce fonctionnement, la fonc-
tion SC a été ré-organisée en trois entités
comme le montre le tableau suivant :
Les avantages visés par cette nouvelle organi- tat semblable peu être obtenu à partir d’une
sation sont : réduction des délais clients fournisseurs.
• Une meilleure planification des flux en pri-
• Une augmentation du résultat d’exploitation
vilégiant les produits à forte valeur ajoutée.
par une augmentation du taux de service.
• Une réduction du Besoin en fonds de roule-
ment et donc du capital engagé par une ré- Pour illustrer ces améliorations, reprenons
duction des stocks à quelques jours et la notre exemple en l’illustrant avec des chiffres
réduction des emballages et des produits simplifiés.
obsolètes d’où un impact sur le profit éco-
nomique égal à ∆PE = - K × ( ∆ Stocks), En effet, à partir de l’année 2002 (situation de
toutes choses égales par ailleurs. Un résul- référence) FC a fait, à la suite du projet « sup-

Tableau 5 : Organisation de la SC centrale de Food Company


Direction Supply Chain Centrale
Gestion des stocks et distribution Gestion des commandes
Planification et flux
physique et service client
- Prévisions de ventes - Gestion précise des stocks pour limiter la - Prise en charge complète de la commande
quantité de stocks à quelques jours et la depuis la planification jusqu’à l’expédition.
- Planification au jour le jour des lignes de quantité de produits obsolètes
production dans les usines à l’échelle - Suivi précis pour le client de chacune des
européenne. - Gestion opérationnelle des entrepôts, du étapes de la commande, planification,
déploiement et du transport. production, stockage, expédition afin
- Suivi fin des produits générant plus de d’assurer un service parfait et surtout une
marge (petites quantités avec des délais extrême réactivité en cas d’incidents lors du
garantis) processus

Vol. 14 – N°1, 2006 75


Logistique & Management

ply chain et performance financière », des concrétisée par un passage d’une philosophie
réductions significatives de ses stocks et de de la gestion de la SC marquée par l’atteinte
ses crédits clients fournisseurs. La centralisa- de performances locales (commerciales, pro-
tion de la supply chain a impacté plus particu- duction, logistique, coût de revient) selon une
lièrement la gestion des commandes et des logique « métier » à une philosophie de la ges-
relations aux clients. Si nous supposons un tion de la SC comme levier de création de
résultat opérationnel stable, pour simplifier, valeur pour l’entreprise et pour le client, à un
on peut mettre en évidence l’importance de la coût acceptable par le marché. Dans ce cadre,
gestion de la Chaîne d’approvisionnement c’est une réelle réflexion sur l’articulation
dans la création de valeur mesurée par le PE, entre les deux philosophies qui devient straté-
comme le montre les résultats suivants : gique.
De ce point de vue, les expériences de gestion
Années 2002 2003 2004 2005
de la SC analysées peuvent être vues comme
Résultat Économique (€) 316 316 316 316 un moyen d’afficher, une exigence de progrès
Capital engagé (€) 2053 2043 2003 1913 continu, et par là de débattre de la portée et des
Coût du Capital 0,15 0,15 0,15 0,15
limites de création de valeur pour l’entreprise.
PE : Profit Économique (€) 8,05 9,55 15,55 29,55
PE cumulé (€) 62,2 Il reste que le modèle proposé vise avant tout à
Downloaded by [University of Sussex Library] at 07:23 08 August 2016

organiser des dynamiques collectives, en for-


malisant des points de repères susceptibles de
Il faut, cela dit, rester prudent dans la mesure
structurer des modes de travail collectif des
où les différentes décisions d’amélioration
acteurs internes et externes de la SC en favori-
sont imbriquées. Elles exigent des investisse-
sant une meilleure articulation entre les straté-
ments et des dépenses affectant les deux ter-
gies d’amélioration du taux de service et les
mes de l’équation du profit économique
projets de réduction des coûts. L’idée étant
comme on l’a vu dans le cas MS où l’augmen-
d’organiser la convergence vers des niveaux
tation du taux de service n’est pas gratuite.
de rentabilité globale performante et de garan-
On aurait du également analyser l’impact de tir un minimum de coordination au sein de
l’amélioration du taux de service sur ces résul- l’ensemble de la chaîne.
tats, mais les données disponibles pour cette
entreprise ne permettent pas d’aller plus loin.
Ce point met en évidence, comme le cas pré-
Bibliographie
cédent, la nécessité d’aligner selon un objectif Baynat B., Dallery Y., Di Mascolo M. et Frein
comme une stratégie commerciale, une stra- Y., (2001), Multi-class approximation tech-
tégie d’évaluation financière et une stratégie nique for the analysis of Kanban-like control
opérationnelle. Les calculs précédents ont systems, International Journal of Production
tenté d’éclairer le lien entre une stratégie opé- Research, Special Issue on Modelling Speci-
rationnelle basée sur la gestion des stocks, fication and Analysis of Manufacturing Sys-
l’amélioration du BFR et une meilleure coor- tems, vol. 39, n°2, 307-32.
dination des relations aux clients.
Billington P.J., Mc Clain J.O. et Thomas L.J.,
(1983), Mathematical programming appro-
Conclusion ches to capacity-constrained MRP system :
review, formulation and problem reduction,
L’accroissement des contraintes pesant sur la Management Science, vol 29, n°10, p.
performance des entreprises et la recherche 1126-1141.
d’une productivité croissante, avec un plus
grand risque que par le passé d’instabilité des Boschet S., Marie-Noëlle Justin MN., Mor-
demandes a amené à envisager des formes de van C., Thiollier J., et Wojciechowski T.,
coordination nouvelles visant le renforcement (2003), Performance financière et Supply
des chaînes d’approvisionnement. A travers Chain des entreprises européennes 2003,
ces multiples transformations, on peut noter Logistique & Management, vol. 11 n°1,
que la mesure de la performance a, au départ, pp. 11-34.
été centrée autour des indicateurs « techni- Cachon G., Fisher M., (1996), Supply chain
ques » des flux physiques. Cette préoccupa- inventory management and the value of sha-
tion s’est déplacée ensuite de façon de plus en red information, Duke University.
plus marquée, dans les grands groupes indus-
triels, vers une préoccupation davantage éco- Cachon G.P., Larivière M.A., (2001), Con-
nomique et financière. Cette évolution s’est tracting to assure Supply : How to Share

76 Vol. 14 – N°1, 2006


Logistique & Management

Demand Forecasts in Supply Chains, Mana- Lambert D., Pohlen T., (2002), Mesurer la
gement Science, vol 47, n° 5. performance globale de la chaîne logistique,
Logistique & Management, Vol.10, n°1.
Chen F., (1988) – Echelon reorder points, ins-
tallation reorder points, and the value of cen- Lambert D. et Burduroglu R., (2001), Mesu-
tralized demand information, Management rer et vendre la valeur de la logistique, Logis-
science, 44 (12), pp. 221-234. tique & Management, Vol. 9, n°1.
Clark A.J., Scarf H., (1960) – Optimal poli- Lee H.L., So K.C., Tang C.S., (2000), The
cies for a multi-echelon inventory problem, value of information sharing in a two level
Management Science, Vol.6, n° 4, pp. supply chain, Management science, vol 46
475-490. n°5.
Croom S., Romano P. et Giannakis M., Martin C. et RYALS L., (1999), Supply chain
(2000), Supply chain management: an analy- strategy: its impact on Shareholder Value, The
tical framework for critical literature review, international journal of logistics manage-
European Journal of Purchasing & Supply ment, Vol. 10, n°1, p.1-10.
Management n°6, 67-83
Mentzer J.T., Dewitt W., Keebler J.S., Min S.,
Estampe D., Chandes J., (2003), Logistics Nix N.W., Smith C.D., Zacharia Z.G, (2001),
Downloaded by [University of Sussex Library] at 07:23 08 August 2016

performance of actors in the wine supply Journal of business logistics Management,


chain, Supply Chain Forum: An International vol 22 n°2.
Journal, Vol.4, n°1.
Nakhla M., Soler L.G. (1998), “Management
Fabbe-Costes N., (2002), Evaluer la création and International Contracts in Projects as
de valeur du supply chain management, Arenas for Renewal and Learning process”,
Logistique & Management, Vol.10, n°1. Boston, Kuower Academic Publisher.
Favre Bertin M., Estampe D., Bossu V., Gre- Nakhla M., (1994), Production control in the
set D., (2005), What The Supply Chain Mana- food processing industry: The need for flexi-
ger’s Position Entails, Supply Chain Forum: bility in operations scheduling International
An International Journal, Vol.5, n°2. Journal of Operations & Production Manage-
ment. Volume 15, N°3.
Gal-Or E., (1991), Vertical restraints with
incomplete information, The journal of indus- Nakhla M., (2003), Information, coordination
trial Economics, Vol. 39, September, and contractual relations in firms, in Interna-
pp. 503-516. tional Journal of Law and Economics, 23 pp
101-119.
Gavernini S., (2001), Benefits of co-operation
in a production distribution environment, Nakhla M., (2006), L’essentiel du manage-
European Journal of Operational Research, ment industriel, Ed Dunod.
130, pp. 612-622.
Rota K., Thierry C. et Bel G., (2002), Supply
Heskett J.L., Sasser W.E., Schlesinger, chain management : a supplier perspective,
(1997), The service profit chain, New York, Production Planning and Control.
The Free Press.
Stern J.M., (1990), One way to build value in
Johnson L.A., Montgomery D.C., (1974) your firm, executive compensation, Financial
Operations research in Production Planning, executive, p. 51-54.
Scheduling, and Inventory Control, Wiley.
Tan K.C., (2001), A framework of supply
Kaplan R., Norton D., (1998), Le tableau de chain management literature, European Jour-
bord prospectif. Pilotage stratégique : les 4 nal of Purchasing & Supply Management n°7,
axes du succès. Les éditions d’organisation, p. 39-48.
Paris.
Vidal C.J., Goetschacks M., (1997), Strategic
Lambert D.M. et Stock J.R., (1993), Strategic Production-Distribution Models, European
Logistics Management, 3rd Edition, Home- Journal of Operational Research, 98,
wood. pp. 1-18.

Vol. 14 – N°1, 2006 77

Vous aimerez peut-être aussi