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Les lacunes de la loi bancaires de 2006 

La loi bancaire du 14 février 2006, focalisée sur le renforcement de la supervision


assurée par BAM ainsi que les mesures prudentielles et de contrôle a permis certes, à notre
législation bancaire d’être en conformité, dans ces domaines, avec les meilleurs standards
internationaux mais n’a malheureusement pas accordé la même importance aux relations entre
les établissements de crédit et leur clientèle.

Or ces relations, qui forment l’essence même de l’existence des établissements de


crédit, ont connu au cours de ces dernières années des évolutions remarquables aussi bien au
niveau des législations bancaires étrangères que dans la formalisation des pratiques au plan
international.

La loi bancaire de 2006, si elle a tenu compte de quelques unes de ces évolutions dans
les relations des établissements de crédit avec leur clientèle, en a oublié de nombreuses
autres, lesquelles, adaptées à notre réalité, auraient pu mieux répondre aux attentes de cette
clientèle.

Parmi ces lacunes, citons principalement :

 Les défauts d’une contractualisation systémique des services et des crédits bancaires (1)
 Les carences relatives à l’information sur les tarifs bancaires (2)
 Le non introduction de la médiation préalablement aux recours judiciaires (3)
 L’absence d’institution de dispositions spécifiques régissant les relations particulières
entre les E.C et les entreprises en difficulté(4)

1. Les défauts d’une contractualisation systémique des services et des crédits


bancaires :

La loi bancaire 2006 a bien introduit l’obligation d’une convention de compte, à


l’occasion de l’ouverture des comptes à vue et à terme, mais a passé sous silence les pratiques
répandues en Europe et aux Etats Unis des conventions ou des contrats systématiques pour :

 Les services, pris individuellement (non regroupés ou mis en « package »)


 Les crédits de fonctionnement ou d’exploitation
 Et les crédits d’investissement

Signalons à cet égard que si les services, les crédits d’investissement bancaires ainsi
que les concours alloués par les sociétés de financement font généralement l’objet de contrats,
seules quelques banques marocaines ont adopté, depuis le début des années 2000, les
conventions de crédits de fonctionnement qui sont renouvelées annuellement (à l’occasion de
la révision des dossiers y afférents)

Ces conventions détaillent les différents crédits de fonctionnement accordés et


précisent dans quelles conditions de montants, de durée, de taux et de garanties ces concours
sont octroyés ou renouvelés.
Ces contrats on conventions clarifient donc, en toute transparence, les crédits
d’exploitations alloués à une entreprise ainsi que leurs caractéristiques et conditions et
permettent de lever les ambiguïtés génératrices souvent d’incompréhensions et de litiges.

Il convient de noter, cependant, que de nombreuses banques continuent de transmettre


aux entreprises leurs accords concernant les crédits de fonctionnement (octroi, renouvellement
et/ou extension) de manière verbale.

Cette pratique verbale, susceptible de mettre dans l’ombre les caractéristiques


défavorables des crédits de fonctionnement octroyés (concours inadéquats comme les
cautions délivrées par les dirigeants les entreprises et oubliées par eux lors de renouvellements
des actes …) et souvent à l’origine des conflits et des incompréhensions, voire même d’abus
difficilement perceptibles par les entreprises.

La loi bancaire se doit de corriger cette lacune importante en prévoyant la


contractualisation systémique des services et des crédits bancaires afin de faire obstacle aux
pratiques verbales d’un autre âge, opaques et obsolètes qui, malheureusement , continuent de
perdurer en ce qui concerne les crédits de fonctionnement accordés par de nombreuses
banques marocaines.

2. Les carences relatives à l’information sur la tarification des banques


marocaines :

Ces carences touchent à 3 domaines différents :

 Les défauts dans les moyens de publication de la tarification


 La clarification de cette tarification
 Et enfin, la contractualisation des tarifs

a. Les défauts dans les moyens de publication de la tarification bancaire :

Parmi les innovations qui avaient été introduites par la loi bancaire de 1993, reprises
presque mot-à-mot par la loi de 2006, il y a l’obligation faite aux établissements de crédits
d’informer le public sur les conditions qu’ils appliquent à leurs opérations, notamment en ce
qui concerne leurs taux d’intérêts débiteurs, leurs commissions et leur régime de dates de
valeur.

Cette information doit être portée à la connaissance du public dans les conditions
foxées par la circulaire du Gouverneur BAM n° 5/G/98 du 5 Mars 1998.

Cette circulaire, qui a détaillé les principes opérations bancaires concernées par cette
obligation d’information n’a malheureusement pas spécifié les moyens que les établissements
de crédit doivent mettre en œuvre à cet effet (comme par ex. l’obligation de publication dans
leur site internet respectif). De nombreuses banques marocaines n’ont pas su combler
convenablement ce vide et sauf erreur ou omission, une seule parmi toutes celles disposant
d’un site internet y a affiché ses conditions à l’heure où nous rédigeons ces lignes.
Pourtant, il aurait suffi que les établissement bancaires s’inspirent des pratiques
occidentales où la quasi-totalité des banques offrent à-qui-le-vent des fascicules d’information
extrêmement détaillées sur les tarifs qu’elles appliquent, conditions qui sont d’ailleurs reprises
et affichés, en toute transparence , sur leur site internet respectif.

Il est temps que BAM établisse une circulaire réglementant les conditions
d’information du public afin que la clientèle des banques puisse être convenablement
informée et puisse arbitrer entre les offres compétitives des différents établissements de crédit.

b. Le défaut de la clarification de la tarification :

Parallèlement à l’obligation d’informer convenablement le public des conditions


appliquées, les banques et les Stés de financement se doivent de normaliser la présentation des
conditions affichées en simplifiant ou en explicitant le glossaire des termes techniques à
l’instar de leurs consœurs étrangères.

c. Défaut de la contractualisation des tarifs appliqués :

Aujourd’hui et en dehors des conventions et contrats dûment établis avec leur


clientèle, les établissements de crédit marocains peuvent changer leurs conditions
(commissions, taux et valeur) du jour au lendemain, sans aviser leurs clients.

Pour nous mettre au diapason des évolutions en la matière, il serait utile de nous inspirer
des législations bancaires étrangères, notamment françaises, où la banque est tenue d’aviser sa
clientèle de tout projet de modification de ses tarifs 3 mois avant leur entrée en vigueur tout
en conférant à cette clientèle un délai de 2 mois pour contester. Ainsi, en cas de refus, par un
client, d’une augmentation substantielle des tarifs, celui-ci a la possibilité de clôturer son
compte sans frais.

3. La non introduction de la médiation :

De nombreuses législations européennes ont mis en place, depuis 2001, un système de


médiation entre les établissements de crédit et leu clientèle.

Sans remettre en cause le traitement normal des réclamations pas des dispositifs
existants au sein des établissements de crédits, la médiation offre un recours pour le maintien
du dialogue entre les établissements de crédit et son client destiné à favoriser les solutions
des litiges avant que ceux-ci ne dégénèrent devant les tribunaux.

L’introduction de la médiation dans la législation bancaire marocaines et opportune à plus


d’un titre ; elle pourrait, en effet :

 Permettre une plus grande ouverture et sensibilisation des établissements de crédit et


de leur clientèle à la résolution des conflits eus égard à l’objectivité et aux arguments
qui peuvent être développés par un collège de médiateurs professionnels ayant pour
souci d’aboutir à une solution honorable dans l’intérêt des 2 parties ;
 Atténuer la congestion des tribunaux de commerce, croulants actuellement sous les
dossiers ;
 Limiter les recours des entreprises à BAM très accaparée dans son rôle de surveillance
et de contrôle, responsabilité qui a d’ailleurs été fortement renforcée, dans le cadre de
la nouvelle loi bancaire ;
 Conférer la possibilité aux établissements de crédit et aux entreprises de solutionner
très tôt leurs litiges, permettant ainsi le sauvetage de nombreuses Stés et la sauvegarde
de leurs emplois.

4. L’omission de dispositions spécifiques concernant les relations des établissements


de crédit avec les entreprises en difficulté :

Le code de commerce de 1996 a légiféré en prévoyant une série de mesures en faveur


des entreprises en difficulté.

Le Maroc relève aujourd’hui de nombreux défis à l’orée des années 2010 : zone de
libre échange avec l’Union Européenne, vision 2010, ancrage aux standards internationaux et
à la libéralisation, devenue évidence.

Les études menées dans les premières années de la décennie 1990 avaient prévu que
ces transformations allaient mettre en difficulté prés du tiers des entreprises industrielles
maghrébines, ce qui explique, entre autres, les programmes de mise à niveau instaurés avec
l’Union européenne et les nombreux Fonds de Garantie de soutien, mis en place, depuis , au
Maroc comme en Tunisie.

Loin de tenir compte de ces évolutions inéluctables où les entreprises auront à fournir
d’énormes efforts pour s’en sortir, survivre et se développer, les établissements bancaires
marocains font une opposition quasi-systématiques au financement des entreprises en
redressement judiciaire et ce, combien même les créances nées après le jugement d’ouverture
de la procédure de redressement bénéficient d’une priorité absolue de paiement par rapport à
toutes les autres créances (assorties ou non de privilèges ou de sûretés).

A cela s’ajoute la poursuite des cautions, personnes physiques, qui sont souvent les
dirigeants de ces entreprises en difficulté.

Autrement dit, les établissements bancaires non seulement « ferment les robinets »
pour les entreprises en difficulté, même pour les plus viables d’entre elles, mais poursuivent
en plus les dirigeants -cautions de ces entreprises, dont les efforts doivent être tournés
exclusivement au redressement de leur affaires, et ne pas être distraits par une présence
quasi-permanente chez les avocats et les tribunaux par suite à des recours judiciaires, des saisi
conservatoires, des commandements immobiliers, des ventes aux enchères publiques de leurs
biens…

La législation bancaire marocaines se devait de corriger ces pratiques défavorables aux


entreprises en redressement et à la préservation de leurs emplois en excluant les recours à
l’encontre des cautions personnes physiques comme cela est prévu dans la législation
française et en appelant au financement de ces entreprises lorsqu’elles sont viables.

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