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n° 18 Janvier 2011 pratiques.sociales@wanadoo.fr www.pratiques-sociales.org

Les questions
épistémologiques >>>>>> “Souffrance au travail des
professionnels du champ social”
sont loin d’être gratuites Si les métiers subissent des attaques graves, de plus en plus rapides, souligne Jacqueline Duchêne,
psychologue clinicienne, leur avenir n’est pas scellé : la résistance est possible.
«Nous testons l’efficacité des médicaments, pas leur dangerosité» Comment les professionnels contournent-ils les consignes et continuent-ils à trouver un sens à leur
expliquait récemment le directeur du service public français action ?
Exemple du détournement par une équipe d’un questionnaire d'évaluation préétabli pour en faire un
d’autorisation de mise sur le marché. Quant au patron du laboratoire
outil "intelligent", en adéquation avec la pratique clinique dans le champ social.
qui produit un des médicaments (Médiator) dont il est avéré qu’il Ceux qui veulent témoigner peuvent envoyer un courriel à l'adresse suivante :
provoque des accidents mortels chez les «bénéficiaires», il préfère souffranceautravail@gmail.com
dénoncer la médisance et l’envie à son égard. Affirmations
Nous reviendrons dans un prochain PasDeCoˆte´ sur cette question bien plus complexe qu’il ne
Voir également le récent ouvrage d’Yves Clot, “Le travail à cœur” (Paris, La Découverte, 2010).
impeccables, au demeurant. Irréfutables, même.
Du genre «l’intervention a été un succès, malheureusement le patient paraît de la souffrance au travail.
n’a pas supporté !», ou encore, plus connu mais également
inoxydable, «tous les hommes sont égaux, mais certains plus que
d’autres !». «Puisque tous les enfants n’ont pas des difficultés à >>>>>> FREDERIC LORDON,
l’école, celle-ci n’est donc pour rien dans leurs échecs». “Capitalisme, désir et servitude”
Aucune de ces affirmations n’est fausse, mais aucune ne dit vrai, (La Fabrique, 2010, 215 p.)
entièrement vrai. C’est pourquoi, pour les réfuter, l’indignation ne
suffit nullement. Dans cet ouvrage, l’économiste Frederic Lordon fait jouer Marx avec Spinoza pour
Comment fonctionnent-elles ? Chacune dans son champ procède à rendre compte de l’évolution néolibérale du rapport salarial. Marx a démontré la
structure du capitalisme et le rapport ainsi induit d’enrôlement des salariés au -
une double opération : d’une part, escamotage, non prise en
patronat, mais c’est avec Spinoza que Lordon décrit les passions subjectives qui
compte, rejet de ce qui, dans le réel, pourrait la questionner, a œuvrent au sein de ce rapport. L’auteur interroge les processus liés aux affects,
minima obligerait à déplacer le point de vue affirmé ; d’autre part, vecteurs principaux, selon lui, des modalités contemporaines de la « servitude
conservation de ce qui dans le réel la confirme, atteste de sa volontaire » : le projet du capitalisme néolibéral est de façonner notre désir et
pertinence, de sa justesse et son honorabilité. d’optimiser « l'exploitation passionnelle », précise-t-il.
F. Lordon s’escrime à revisiter les concepts d’exploitation, aliénation, domination, au regard des
Ce sont là des mécanismes typiquement idéologiques d’allusion-
nouvelles tendances managériales qui promettent « épanouissement au travail » et « réalisation de soi
illusion [Althusser]. Ils fonctionnent aussi ailleurs, partout. Nous nous » et auxquelles les salariés consentent plus d’une fois…
y adonnons, tous, avec assiduité et bonne conscience, - la bonne On pourra s’étonner cependant que Lordon recoure aux thèses de Spinoza, né deux siècles avant
conscience étant celle qui résiste aux épreuves du réel. D’autant plus Marx, - mais, curieusement, ne se réfère ni à Freud ni à Lacan pour expliquer les ressorts affectifs du
que ces mécanismes typiquement idéologiques forment souvent le projet salarial néolibéral. Pourquoi, par exemple, en s’activant au service du désir-maître (l’entreprise),
le salarié a-t-il en fait le sentiment de s’activer au service de son propre désir ?
terreau des diverses formes de narcissisme. Moins on les interroge C’est probablement une des originalités et en même temps une forte énigme à cette démonstration,
et plus chacun est convaincu d’avoir affaire au «normal», au pourtant brillante...
«naturel». Interrogation pas évidente, certes, mais absolument
indispensable notamment quand on prétend s’occuper d’autrui, en
travail social ou ailleurs. >>>>>> Déverrouiller, mais encore…
En ce début d’année 2011 et pendant quelques jours, un sujet a dominé l’actualité.
Manuel Valls, député-maire d’Evry, a jeté un pavé dans la mare des lendemains de
La formation fête en préconisant de «déverrouiller les 35 heures», suscitant ainsi de nombreuses
réactions dans les groupes politiques, tous bords confondus. Pourquoi tant de
au cœur des pratiques bruit dans Landerneau ? S’agit-il d’une dissension de plus dans les rangs du Parti
aujourd’hui Socialiste, d’une stratégie électoraliste, d’un retournement de veste, voire d’une trahison - haute ou
basse - style Besson ou Kouchner ?
A y regarder de plus près, il semble bien que nous soyons là dans une bataille idéologique dans
Journée de débats et échanges, entrée libre. laquelle chacun essaie de se positionner comme il le peut. Les 35 heures découlant des lois Aubry
vendredi 28 janvier 2011, à l’ITES de Brest concernent explicitement la réduction du temps de travail et donc la partie de leur vie que les salariés
thème de cette journée : « incontournable, essentielle, déterminante ». cèdent aux entreprises et à ceux qui les dirigent. Implicitement, ces 35 heures mettent en mouvement
et en question des modèles de société dissymétriques, voire antagonistes, quant à la valeur travail,
la rémunération de l’activité de production et de distribution de biens et de richesses, l’échelle des
www.girfas-bretagne.fr www.pratiques-sociales.org salaires, la place des individus et des groupes dans des sociétés à régime néolibéral. Est en cause
un certain réaménagement du temps de travail, et donc du temps de non-travail salarié. Enjeu
> SITE À VISITER important s’il en est.
Cela dit, la mise en place de ces 35 heures n’est pas sans perturber plus ou moins sérieusement le
fonctionnement d’un certain nombre d’entreprises. Ces perturbations, faute d’être analysées et non
Oulala.net seulement dénoncées, laissent à penser que cette mise en place en serait la cause alors qu’elle est
Dans le numéro 443 du bulletin hebdomadaire (janvier 2011) pour une large part la conséquence de positionnements idéologiques des entreprises et des difficultés
organisationnelles de leurs dirigeants.
un excellent article du Prof. Chems Eddine Chittour
Du côté des sujets, il n’est pas étonnant que le vernis des engagements affichés (adhésion à tel ou
«Le temps du monde et le temps des hommes», tel parti) craque et laisse entrevoir des engagements apparemment opposés. Il convient alors
à propos des enjeux idéologiques des d’interroger ce qui se passe pour chaque sujet, homme politique ou autre, quant aux configurations
fêtes de fin d’année». idéologiques et inconscientes dont il est animé. Personne en effet n’en est maitre.
Formons l’hypothèse qu’il s’agit moins ici de trahison que d’évolution des sujets et des groupes qui
« Je ne prendrai pas de calendrier cette année, se découvrent porteurs de principes et d’idéaux qu’ils rejetaient jusque là, dans tous les cas très
car j’ai été très mécontent de celui de l’année dernière ! » sincèrement sans doute.
Alphonse Allais Reste la question du déverrouillage des 35 heures : déverrouiller comme abolir, supprimer, ou bien
comme généraliser, débloquer, étendre, ouvrir davantage ?

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28 janvier 2011 - Brest. En partenariat avec le GIRFAS Bretagne, journée sur 24 - 25 juin 2011 - La Rochelle. Atelier d'été du RÉSEAU PRATIQUES SOCIALES.
«La formation au cœur des pratiques aujourd’hui : incontournable, essentielle, déterminante» Thème : "Sous l'évaluation, les pratiques. Etat des lieux, analyse, perspectives".
29 janvier 2011 - Brest. Conseil d’Administration de PS, réunion ouverte aux adhérents et non-adhérents 14 - 15 - 16 novembre 2011 - XVIIè Journées d'Étude Pratiques Sociales :
26 mars 2011 - Paris. Assemblée Générale du RÉSEAU PRATIQUES SOCIALES. "Quelle(s) clinique(s) pour l'intervention sociale et médico-sociale aujourd'hui ?"

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