Vous êtes sur la page 1sur 21

SES, Terminale, R.

Pradeau, 2021-2022
Chapitre 8 : Comment lutter contre le chômage ?

Programme :
- Savoir définir le chômage et le sous-emploi et connaître les indicateurs de taux de chômage et de
taux d’emploi.
- Comprendre que les problèmes d’appariements (frictions, inadéquations spatiales et de
qualifications) et les asymétries d’information (salaire d’efficience) sont des sources de chômage
structurel.
- Comprendre les effets (positifs ou négatifs) des institutions sur le chômage structurel (notamment
salaire minimum et règles de protection de l’emploi).
- Comprendre les effets des fluctuations de l’activité économique sur le chômage conjoncturel.
- Connaître les principales politiques mises en œuvre pour lutter contre le chômage : politiques
macroéconomiques de soutien de la demande globale, politiques d’allègement du coût du travail,
politiques de formation et politiques de flexibilisation pour lutter contre les rigidités du marché du
travail.

Notions : population active / population inactive, population active occupée / population active inoccupée,
chômage, sous-emploi, taux de chômage, taux d’emploi, chômage structurel / chômage conjoncturel,
marché du travail, offre de travail / demande de travail, taux de salaire réel, chômage frictionnel, problèmes
d’appariements, frictions, inadéquations spatiales / inadéquations de qualifications, asymétries
d’information, salaire d’efficience, anti-sélection (ou sélection adverse), aléa moral, institutions,
salaire minimum, règles de protection de l’emploi, rigidités du marché du travail, fluctuations de
l’activité économique, politiques macroéconomiques de soutien de la demande globale / politiques
d’allègement du coût du travail / politiques de formation / politiques de flexibilisation, flexisécurité,
politique budgétaire de relance, politique monétaire expansive.

Savoir-faire : lecture de taux de chômage et de taux d’emploi.

TD : si pas fait avant, TD histoire de la pensée économique pour aider à comprendre les débats entre
économistes.

Plan :
I/ Comment définir et mesurer le chômage et le sous-emploi ?
II/ Comment expliquer le chômage ?
A/ Les effets des institutions sur le chômage structurel
B/ Les problèmes d’appariements et les asymétries d’information sont des sources de chômage
structurel
C/ Les effets des fluctuations de l’activité économique sur le chômage conjoncturel
III/ Comment lutter contre le chômage ?
A/ Les politiques d’allègement du coût du travail
B/ Les politiques de formation et les politiques de flexibilisation pour lutter contre les rigidités du
marché du travail
C/ Les politiques macroéconomiques de soutien de la demande globale
Exemples de sujets possibles au bac :

Dissertation :
- Comment expliquer le chômage ? ou Quelles sont les causes du chômage ?
- Le salaire minimum et les règles de protection de l’emploi n'ont-ils que des effets négatifs sur le
chômage structurel ?

Épreuve composée (Mobilisations des connaissances et / ou raisonnement sur dossier documentaire)


:
- Distinguez taux de chômage et taux d'emploi.
- Expliquez en quoi les asymétries d'information sur le marché du travail sont-elles sources de
chômage structurel.
- Montrez que les problèmes d’appariements sont sources de chômage structurel.
- Montrez les effets des institutions sur le chômage structurel.
- Montrez que les fluctuations de l’activité économique ont des effets sur le chômage conjoncturel.
- Vous montrerez que des politiques d’allègement du coût du travail permettent de lutter contre le
chômage.
- Vous montrerez que des politiques macroéconomiques de soutien de la demande globale permettent
de lutter contre le chômage.
- Vous montrerez que des politiques de flexibilisation du marché du travail permettent de lutter contre
le chômage structurel.
- À l’aide de deux exemples, vous montrerez que les politiques de flexibilisation permettent de lutter
contre les rigidités du marché du travail.

Problématiques :
- Qu’est-ce que le chômage et le sous-emploi et comment les mesure-t-on ?
- Comment expliquer le chômage ? Comment et pourquoi l’existence de difficultés d’appariement et
d’asymétries d’information sur le marché du travail génère-t-elle du chômage structurel ? Quels
peuvent être les effets de l’instauration d’un salaire minimum et de ses variations sur la part
structurelle du chômage ? Améliorer le niveau de protection des emplois augmente-t-il
mécaniquement le taux de chômage structurel ? Comment et pourquoi les variations du Produit
intérieur brut (PIB) et de ses composantes affectent-elles le niveau du chômage conjoncturel ?
- Comment lutter contre le chômage ? Quels sont les leviers de politique économique en général, de
politique pour l’emploi en particulier, que les pouvoirs publics peuvent actionner pour lutter contre
le chômage ?

Commencer par conseiller la lecture du Repères « Le chômage », par Jérôme Gautié, disponible au
CDI. En insistant sur le fait que dans les études supérieures, dès l'an prochain, ce sera à vous de
creuser les cours, et que la collection Repères offre un grand nombre d'ouvrages abordables pour des
étudiants.

I/ Comment définir et mesurer le chômage et le sous-emploi ?

Document 1 : doc. 1 p. 74

Rappel (cf chapitre structure sociale)

Q1 : Comment distingue-t-on population active et population inactive ?


La population inactive regroupe ceux qui n'ont pas d'emploi et n'en cherchent pas
Remarque : certains inactifs ne sont pas en âge de travailler.
La population active regroupe ceux qui ont un emploi ou qui en cherchent un.
Q2 : Comment distingue-t-on population active occupée et population active inoccupée ?
La population active occupée désigne les personnes ayant un emploi / la population active
inoccupée désigne les personnes n'ayant pas d'emploi mais en cherchant un, cad au chômage.
Le chômage désigne à la fois
– la situation d’une personne qui n’occupe pas d’emploi mais en cherche un
– comme l’état du marché du travail quand l’offre y est supérieure à la demande.
Est au chômage toute personne en âge de travailler, sans emploi, disponible pour travailler qui
recherche un emploi.

Q3 : Comment distingue-t-on taux de chômage et taux d'emploi ?


Le taux de chômage se calcule comme le rapport entre la population active au chômage et la
population active.
Le taux d’emploi se calcule comme le rapport entre la population active occupée et la population
totale en âge de travailler, tandis que le taux d’activité se calcule comme le rapport entre la
population active et la population totale en âge de travailler.
Remarque : Le taux d’emploi constitue un indicateur complémentaire au taux de chômage, qui
renseigne sur la capacité d’une économie à mobiliser réellement la main-d’œuvre, éliminant le biais
induit par la variation possible de la population active (le taux de chômage peut « artificiellement »
être réduit par une baisse des taux d’activité).
Remarque : l’augmentation du taux d’emploi des États membres est un but poursuivi par l’Union
européenne.

Si la définition du chômage ne pose pas de problème, comment mesurer le nombre de chômeurs ?

Document 2 : Vidéo Dessine moi l'éco, "Comment mesure-t-on le chômage ?"


https://www.youtube.com/watch?v=0AJLLsL2mZg

Q1 : Quelles sont les différences entre les statistiques de Pôle Emploi et de l'INSEE ?
En France, il existe aujourd’hui deux comptabilisations officielles différentes du nombre de chômeurs
:
1) le suivi des Demandeurs d’Emploi en Fin de Mois (DEFM) publié par Pôle emploi
Le nombre des DEFM agrège l’ensemble des demandeurs d’emploi enregistrés par Pôle emploi,
ventilé en cinq catégories de A à E.
Les catégories D et E regroupent des personnes non tenues d’effectuer des actes positifs de recherche
d’emploi ; leurs effectifs sont donc, en règle générale, écartés du périmètre de mesure du chômage.
Parmi les demandeurs tenus de réaliser une recherche active, ceux de catégorie A sont sans emploi,
ceux de catégorie B ont pu exercer une activité réduite jusqu’à 78 heures dans le mois et ceux de
catégorie C une activité supérieure à 78 heures. : cf notion de sous-emploi
Par convention, le nombre de chômeurs au sens de Pôle emploi est généralement estimé par le nombre
de DEFM de catégorie A.
Mais cette mesure du chômage présente au moins deux limites :
- Les DEFM sont une catégorie administrative soumise à l’évolution des critères d’inscription et des
pratiques de radiation de Pôle emploi mais également des pratiques d’inscription des chômeurs eux-
mêmes : une personne en âge de travailler, dépourvue d’emploi et qui en recherche un mais n'est pas
inscrite à Pôle Emploi n'est pas comptabilisée
- Cette catégorie ne permet pas de mener des comparaisons internationales du fait de l’existence de
différences majeures entre les pays.

D'où l'intérêt du 2e indicateur...


2) l’INSEE publie chaque trimestre un taux de chômage au sens du Bureau International du Travail
(BIT), à partir des résultats de l’enquête Emploi En Continu (EEC).
La mesure du nombre de chômeurs par l’INSEE s’effectue sur la base de la définition du chômage
du Bureau International du Travail (BIT), ce qui permet des comparaisons internationales : est
chômeur, toute personne en âge de travailler (entre 15 et 64 ans) qui est sans emploi, n’a pas eu la
moindre heure d’activité professionnelle durant la semaine précédant l’enquête, déclare avoir effectué
des actes de recherche au cours du mois précédent et qui est disponible dans les deux semaines pour
occuper un nouvel emploi.

Q2 : Qu'est-ce que le sous-emploi ?


Selon l’INSEE, sont en sous-emploi l’ensemble des actifs occupés au sens du BIT qui soit disposent
d’un emploi à temps partiel, veulent et peuvent travailler davantage (temps partiel subi), soit occupent
un emploi à temps complet mais ont dû travailler moins que d’habitude durant la semaine précédant
l’enquête du fait d’une mesure de chômage technique ou partiel.
Document 3 :

Évolution du taux de chômage en France

Source : Insee, enquêtes Emploi, séries longues sur le marché du travail.


Champ : France hors Mayotte, personnes actives de 15 ans ou plus vivant en logement ordinaire.

Q1 : Faites une phrase permettant de comprendre le sens des données pour le 2e trimestre 2021.
Au 2e trimestre 2022, en France, selon l'INSEE, 7,4 % des actifs étaient au chômage.

Q2 : Comment a évolué le taux de chômage depuis 1975 ?


Depuis 1975 (fin des Trente Glorieuses), le taux de chômage a fortement augmenté. Il était de
« seulement » 3% en 1975, avant d'atteindre plus de 10% pendant les années 1990.
Depuis, irrégulier : période de baisse et de hausse, notamment après crise 2008. Tendance à la baisse
depuis 2015, malgré hausse passagère durant crise Covid.

II/ Comment expliquer le chômage ?

Pour analyser le phénomène du chômage, la distinction entre une forme de chômage découlant des
variations cycliques de l’activité économique (le chômage conjoncturel) et une forme de chômage
résultant des caractéristiques institutionnelles d’une économie et de son marché du travail (le
chômage structurel) est introduite dès la première moitié du XXe siècle (Beveridge, 1944).

A/ Les effets des institutions sur le chômage structurel

Le chômage structurel se comprend comme la part du chômage incompressible à court et moyen


terme dans un contexte institutionnel donné. Cette forme de chômage est due à un déséquilibre
durable du marché du travail lui-même.
Alors, qu'est-ce que le marché du travail et comment fonctionne-t-il ?

A l'oral : Rappel 1e : qu'est-ce qu'un marché et comment fonctionne le marché des biens et des
services ? Comment varie la demande en fonction du prix ? Et l'offre ?

Marché (des biens et services) : le marché des biens et services représente le lieu, parfois physique
mais souvent abstrait, où se confrontent une offre et une demande pour aboutir à des échanges (achat
et vente de biens et services) caractérisés par un prix de marché, cad un prix supérieur à 50 % du coût
de production.
Sur un marché, la demande est une fonction décroissante du prix et l'offre est une fonction croissante
du prix.

Demander à un élève de tracer au tableau courbes d'offre et de demande, en déterminant le prix


d'équilibre.
Puis remplacer « offre » par « offre de travail », « demande » par « demande de travail », « prix
d'équilibre » par « taux de salaire d'équilibre ».

Nous allons montrer en effet que selon les économistes néoclassiques le marché du travail fonctionne
comme n'importe quel marché.

Document 4 :

L’explication néoclassique du marché du travail


Selon les économistes néoclassiques, l’économie de marché est caractérisée par la coexistence de
plusieurs marchés spécifiques dont les principaux sont le marché du travail, le marché des biens et
services et le marché financier.
Dans ce cadre théorique, le marché du travail fonctionne comme n’importe quel autre marché : la
marchandise échangée est le travail (c’est une marchandise au même titre que n’importe quel bien
sur le marché des biens et services), certains agents économiques expriment une demande de travail
(les entreprises) tandis que d’autres expriment une offre de travail (les ménages). Le prix du travail
est exprimé par le taux de salaire réel (W/P) qui est conduit à fluctuer en fonction de la rencontre
entre l’offre et la demande de travail pour finalement aboutir à un niveau d’équilibre.
A court terme, pour un niveau de capital donné, c’est le niveau de l’emploi qui permet d’accroître le
volume de la production de l’entreprise. La demande de travail de l’entreprise dépend ainsi de la
comparaison entre le taux de salaire et la productivité marginale du travail. Le taux de salaire réel
correspond au prix du travail, c’est donc un coût pour l’entreprise (toutes choses étant égales par
ailleurs, plus celui-ci est élevé, moins l’entreprise est incitée à embaucher). Tant que le supplément
de production apporté par le dernier travailleur embauché (sa productivité marginale) est supérieur
à ce qu’il coûte (le taux de salaire réel), l’entreprise demande du travail (elle effectue un calcul coût
/ avantage qui la conduit à poursuivre l’embauche). A l’inverse, dès que le taux de salaire réel devient
supérieur à la productivité marginale, l’entreprise cesse d’embaucher. Ainsi, la courbe de demande
de travail (DL) est décroissante par rapport au prix.
Pour sa part, l’offre de travail (OL) est croissante avec le taux de salaire réel. Chaque offreur
(ménage) effectue un arbitrage entre son temps de travail, qui lui apporte un revenu mesuré par le
taux de salaire mais pour lequel il subit un coût mesuré par la désutilité marginale du travail, et son
temps de loisir qui lui procure une utilité marginale mais pour lequel il subit un coût mesuré par
l’absence de taux de salaire. Au final, chaque offreur décide rationnellement d’offrir son travail si le
taux de salaire réel du marché compense la désutilité marginale du travail.
La rencontre entre l’offre de travail et la demande de travail conduit, via le mécanisme autorégulateur
du marché, à la détermination d’un équilibre stable qui égalise le volume de l’offre et de la demande.
A l’équilibre, le modèle néoclassique montre que le plein emploi est assuré (toutes les offres et toutes
les demandes de travail sont satisfaites).
Christophe Rodrigues, octobre 2003.

Q1 : Définissez les termes suivants : offre de travail, demande de travail, taux de salaire réel, marché
du travail
Statut du travail comme marchandise : le travail est une marchandise comme les autres.
D'où le marché du travail fonctionne selon les même mécanismes que le marché des b et s = la
demande et l’offre de travail sont fonction du prix.
Offre de travail = émane des travailleurs qui cherchent à louer leur force de travail (cherchent à
occuper un emploi, ils sont demandeurs d'un emploi, d'où demande d'emploi = offre de travail,
attention au contresens)
Demande de travail = émane des employeurs qui cherchent à recruter de la main d’œuvre (ils offrent
un emploi, d'où demande de travail = offre d'emploi)
Taux de salaire = rémunération unitaire du travail, cad le prix du travail. Attention : ne pas confondre
le taux de salaire qui est un prix et le salaire qui est un revenu. Quelle relation entre taux de salaire et
salaire ? Taux de salaire x temps de travail = salaire.
On parle de taux de salaire réel dans la mesure où les acteurs du marché du travail sont en mesure
de déduire l'inflation du taux de salaire nominal. D'où est parfois noté w/p cad taux de salaire nominal
/ prix
Marché du travail : lieu, souvent abstrait, où se confrontent une offre de travail et une demande de
travail pour aboutir à des échanges caractérisés par un prix de marché (le taux de salaire réel).

Q2 : L'analyse néoclassique se base-t-elle sur un raisonnement microéconomique ou


macroéconomique ?
L'analyse néoclassique du marché du travail repose sur une approche microéconomique à partir de
calculs coût/avantage réalisés par les demandeurs et les offreurs de travail.
Remarque : raisonnement à la marge (marginaliste), on s'intéresse à l'unité supplémentaire de travail.

Q3 : Qu'est-ce qui détermine la demande de travail ?


La demande de travail est fixée par la comparaison (le calcul coût/avantage) effectuée par
l'entreprise entre ce que lui coûte une heure de travail supplémentaire (en fonction du taux de salaire)
et ce que lui rapporte cette heure de travail (la productivité marginale du travail = ce que produit
un salarié pendant cette heure de travail supplémentaire).
Tant que le supplément de production apporté par le dernier travailleur embauché (sa productivité
marginale) est supérieur à ce qu’il coûte (le taux de salaire réel), l’entreprise demande du travail, elle
embauche.
Sinon, l'entreprise va plutôt investir, cad hausse du capital au détriment du travail = l'entreprise
effectue donc un arbitrage capital / travail.

Q4 : Qu'est-ce qui détermine l'offre de travail ?


L'offre de travail est fixée par la comparaison (le calcul coût/avantage) effectuée par le ménage
entre ce que lui rapporte une heure de travail supplémentaire (le taux de salaire réel) et ce que lui
coûte une heure de travail (la pénibilité d'une heure de travail par rapport à une heure de loisir, cad le
coût du renoncement au loisir).
= arbitrage travail / loisir : le taux de salaire représente le coût d’opportunité du loisir dans la
mesure où une heure de loisir supplémentaire prive l’individu d’une quantité de biens et services
consommée d’autant plus importante que le taux de salaire réel est élevé.

Mais alors, comment expliquer le chômage dans cette perspective ?

Document 5 :

Ajustements du salaire et chômage dans la théorie néoclassique


Le "plein emploi" existe toujours, ce terme étant interprété au sens large comme l'emploi de tous les
gens désireux d'être salariés, moins ceux qui sont empêchés de l'être, en raison d'une insuffisante
mobilité, et autres frictions semblables. [...] Si en effet la libre concurrence parfaite joue parmi les
travailleurs et que le travail soit parfaitement mobile [...], il se manifestera toujours entre les taux de
salaire et la demande de travail une relation telle que tout le monde trouvera à s'employer. Donc,
dans des conditions stables, tout le monde le sera effectivement. Il résulte de ceci que tout chômage,
à un moment quelconque, est entièrement dû au fait que la demande se modifie constamment et que
les résistances frictionnelles empêchent les nécessaires ajustements du salaire de se réaliser
instantanément.
Arthur C. Pigou, The theory of Unemployment, Londres, 1933, traduit dans Textes choisis, Dalloz, 1950

Q : Expliquez le passage souligné.


Selon l’analyse néoclassique traditionnelle du marché du travail (notamment Arthur C. Pigou), le
chômage s'explique par l'existence de rigidités institutionnelles qui faussent le libre fonctionnement
du marché du travail, en empêchant le prix et les quantités de varier librement.
Ainsi, les contraintes aux licenciements ou la durée légale du travail perturbent le libre jeu du marché
du travail en empêchant de modifier librement les quantités de travail.
De même, le salaire minimum perturbe le libre jeu du marché du travail en empêchant de modifier
librement le prix du travail.
Remarque : dans cette perspective, l'assurance-chômage, les réglementations sur les jours fériés, le
travail le dimanche, les heures supplémentaires ou le travail de nuit... nuisent au libre fonctionnement
du marché et augmentent le coût du travail. De ce fait, le taux de salaire réel risque d'être supérieur
au taux de salaire d'équilibre, ce qui est source de chômage.

Dès lors, les économistes s'interrogent sur le rôle des institutions dans le chômage.

Rappel chapitre 1 : Qu'est-ce qu'une institution ?


Les institutions sont l'ensemble de valeurs, de normes et de pratiques communes à un certain nombre
d'individus, qui organisent et structurent de façon durable leurs relations.
Douglas North définit les institutions comme « les contraintes élaborées par les hommes qui
structurent l’interaction politique, économique et sociale. Elles consistent à la fois en des contraintes
informelles (sanctions, tabous, traditions et codes de conduites) et des contraintes formelles
(constitutions, lois, droits de propriété) ».

Ici nous nous intéressons donc à l’ensemble des règles formelles et informelles qui permettent et
encadrent la rencontre de l’offre et de la demande de travail ainsi que la fixation du prix sur le marché
du travail, en particulier le salaire minimum et les règles de protection de l’emploi (remarque : le
programme n'évoque pas les règles d’indemnisation du chômage, etc.).

1. Quels sont les effets du salaire minimum sur le chômage structurel ?

Document 6 : doc. 4 p. 79

Q1 : Qu'est-ce que le salaire minimum ?


Salaire minimum : taux de salaire minimal, en dessous duquel aucun salarié ne peut être payé. (Le
salaire minimum est destiné à assurer à tous les salariés un revenu décent.)
Le salaire minimum est une institution du marché du travail qui encadre la relation salariale (entre
l’employeur et le salarié) en fixant un niveau plancher de rémunération horaire.
Remarque : En France, il n'est pas possible de payer un salarié en dessous du SMIC horaire.
SMIC : salaire minimum interprofessionnel (quel que soit le métier, la branche...) de croissance (il
augmente forcément).

Q2 : Pourquoi le salaire minimum peut être source de chômage ?


Selon l’analyse néoclassique traditionnelle du marché du travail, si le salaire minimum est supérieur
au salaire d’équilibre du marché, cela entraîne un rationnement de l’offre et une forme structurelle de
chômage.
L’existence d’un salaire minimum contribue en effet à fausser le mécanisme du marché en instaurant
un salaire plancher, il rationne l'offre de travail (cf. cours de 1e sur le marché, notion de
rationnement : quelque chose, ici le travail, est rationné s'il est distribué en quantité limitée) : les
salariés dont la productivité est la plus faible ne seront pas embauchés. Ainsi, un salaire minimum
trop élevé aggraverait le taux de chômage de la catégorie des actifs les moins qualifiés et serait en
partie responsable des difficultés d’accès au premier emploi des jeunes travailleurs.
Représenter graphiquement en projetant le doc 3 p. 79
Plus généralement, un coût du travail trop élevé, cad supérieur à son niveau d’équilibre, est source de
chômage selon les néoclassiques, car cela incite les entreprises à remplacer du travail par du capital
moins coûteux.

Remarque : c'est sur la base de ces arguments que le gouvernement refuse de donner un « coup de
pouce » au SMIC, c'est-à-dire de l'augmenter plus que l'inflation pour augmenter le pouvoir d'achat
des salariés au SMIC.

Document 7 :

Le salaire minimum peut ne pas avoir d'effets négatifs sur l'emploi


L’idée selon laquelle un salaire minimum peut nuire à l’emploi est ancienne et découle du modèle
standard en termes d’offre et de demande. Elle a cependant été mise à mal par l’expérience de
certains pays industrialisés depuis le début des années 1980. Ainsi, aux Etats-Unis, la forte baisse
du salaire minimum fédéral en termes réels de la fin des années 1960 à la fin des années 1980 puis
sa forte augmentation au début des années 1990 ne semblent avoir eu aucun impact significatif sur
l’emploi, et notamment celui des jeunes. […]
Il faut d’abord souligner que le fait que le salaire minimum puisse ne pas avoir d’impact négatif -
voire avoir un impact positif - sur l’emploi peut trouver un fondement théorique, à condition de
sortir du modèle standard. Si on se réfère aux modèles du salaire d’efficience, une hausse du salaire
(W), peut réduire le coût unitaire en travail (W/Pr) via l’augmentation de la productivité (Pr), du fait
de l’accroissement de la motivation, de la diminution des coûts de rotation… Il peut même en
résulter une augmentation des embauches.
J. Gautié, Le chômage, La découverte, 2015, pp 67-69

Q : Expliquez pourquoi le salaire minimum peut ne pas avoir d'effets négatifs sur l'emploi.
Selon la théorie du salaire d'efficience (développée dans le IIB), la productivité est déterminée en
partie par le salaire offert. Les employeurs peuvent alors utiliser le salaire comme instrument de
motivation.
Ainsi, la mise en place d’un salaire minimum (même supérieur au salaire d’équilibre) conduit à une
baisse du coût unitaire en travail. En effet, la hausse du salaire va conduire à une hausse de la
productivité du travail ce qui réduit donc le coût unitaire du travail ainsi que les coûts de rotation de
la main d’œuvre (les salariés percevant un salaire plus élevé que celui auquel ils pourraient prétendre
chez leurs concurrents ne seront pas incités à quitter l’entreprise). Cette baisse du coût unitaire de
travail peut inciter les entreprises à embaucher = effet positif sur l’emploi.

D'ailleurs, certains travaux empiriques établissent l’absence d’effets négatifs de l’instauration d’un
salaire minimum :
Par exemple,
- aux Etats-Unis, les fortes baisses puis augmentations du salaire minimum fédéral entre les années
1960 et 1990 ne semblent avoir eu aucun impact significatif sur l’emploi
- de même, au Royaume Uni, l'instauration d'un salaire minimum en 1999 puis sa hausse soutenue
jusqu'en 2007, ne semblent pas avoir eu d'effet négatif sur l'emploi
- des économistes ont étudié en 1993 les effets de l’instauration d’un salaire minimum dans le secteur
des fast-food du New Jersey (hausse du salaire minimum de 4,45 $ à 5,05 $, donc de 19% dans l'Etat
du New Jersey). Les économistes ont comparé la situation de plus de 400 restaurants au New Jersey
et en Pennsylvanie (où le salaire minimum n’avait pas augmenté), avant et après la hausse : ils n’ont
trouvé aucun impact significatif à cette hausse.

2. Quels sont les effets de l’établissement de règles de protection de l’emploi sur le chômage
structurel ?

Document 8 : doc 2 p. 78

Document 9 :
Les effets des règles de protection de l’emploi sur le chômage
Les défenseurs de la protection de l’emploi raisonnent fondamentalement en stock. Pour eux,
l’emploi est un bien rare qu’il convient de préserver. Lorsqu’une entreprise réduit ses effectifs, c’est
souvent définitivement, et si d’aventure elle les accroît à nouveau après une période de restriction,
c’est pour remplacer les contrats à durée indéterminée (CDI) par des contrats à durée déterminée
(CDD) […].
Ceux qui plaident pour une moindre protection de l’emploi font un raisonnement en flux. Pour eux,
la création d’emplois enregistrée par les statistiques résulte d’un nombre considérable de créations
et de destructions simultanées. Il ne sert donc à rien de protéger l’existant, le problème est bien plutôt
l’écart entre créations brutes et destructions brutes. Or, la décision de créer un emploi met en jeu un
calcul inter-temporel : l’employeur prend en compte ce que lui coûtera demain l’éventuel
licenciement du salarié qu’il se propose d’embaucher. Protéger l’emploi, c’est donc dissuader
l’embauche et c’est dresser des barrières à l’accès des chômeurs à l’emploi.
Aucune de ces représentations n’est fausse. Si les économistes tiennent la seconde pour nettement
plus pertinente, la première reflète mieux la réalité perçue par les habitants d’une petite ville dont
l’entreprise principale, traditionnellement pourvoyeuse d’emplois stables et bien payés, connaît des
difficultés. […]
Le degré de protection de l’emploi varie considérablement d’un pays à un autre. Bien qu’imparfaite,
la mesure du degré de protection de l’emploi élaborée par l’OCDE […] souligne le contraste entre
les économies « anglo-saxonnes » et l’Europe continentale, où le droit du licenciement est plus strict
et la recours aux CDD plus encadré […].
La législation de protection de l’emploi a très clairement un effet distributif : pour les salariés qui en
bénéficient, elle diminue le risque de perte d’emploi, et elle l’augmente pour ceux qui n’en
bénéficient pas. […]
La protection de l’emploi diminue l’ampleur des fluctuations conjoncturelles des effectifs (parce
qu’elle augmente les coûts d’ajustement pour les entreprises), et donc réduit les flux de l’emploi
vers le chômage et les flux du chômage vers l’emploi. Elle est donc associée à une durée moyenne
du chômage plus longue.
A. Benassy Quere et alii, Politique économique, De Boeck, 2e édition, 2009

Questions sur les documents 8 et 9 :

Q1 : Qu'est-ce que les règles de protection de l’emploi ?


Les règles de protection de l’emploi désignent l’ensemble des règles régissant les contrats de travail,
notamment les modalités d’embauche et de licenciement.
Remarque : l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a construit un
indicateur de la « législation protectrice de l’emploi », qui intègre trois dimensions :
- la réglementation du licenciement individuel pour un contrat de travail dit « régulier » (contrat à
durée indéterminée (CDI) en France) ;
- les coûts supplémentaires associés aux licenciements collectifs ;
- la réglementation sur les contrats temporaires (contrat à durée déterminée et intérim).

Q2 : En quoi les règles de protection de l’emploi constituent-t-elles des rigidités institutionnelles ?


Remarque : l’analyse néoclassique assimile les règles de protection de l'emploi à des « rigidités du
marché du travail ».
En effet, elles limitent ou rendent plus long les ajustements par les prix et les quantités sur le marché
du travail. Par exemple, en déterminant les modalités d’embauche et de licenciement des emplois
stables et précaires, elle limite dans une certaine mesure l’ajustement par les quantités.

Q3 : Pourquoi peut-on dire que les règles de protection de l’emploi ont des effets ambigus sur le
niveau de chômage ?
Lorsque l’activité économique recule (baisse de la production à court terme), la protection de l’emploi
permet d’éviter que les entreprises licencient, ce qui limite ainsi le chômage (effet positif). En effet,
du fait des règles régissant le contrat de travail, il devient plus difficile pour ces dernières de licencier
leurs travailleurs.
En revanche, lorsque la récession se termine et que le PIB repart à la hausse, les entreprises vont, du
fait de la réglementation, limiter leurs embauches (elles vont par exemple préférer avoir recours aux
heures supplémentaires).
Au final, les règles de protection de l’emploi ont des effets ambigus sur le chômage : elles sont à la
fois génératrices de rigidités qui alimentent le chômage structurel, mais aussi un obstacle à la
dépréciation du capital humain due au chômage.

Q4 : Rappelez ce qu'est la destruction créatrice.


Selon Schumpeter, la destruction créatrice résulte des innovations. Toute innovation (par exemple les
chemins de fer) conduit à des destructions (par exemple les diligences) et en même temps à la création
de nouvelles activités (mise au point de locomotives plus performantes, création de nouveaux
chemins de fer…).

Q5 : Pourquoi les règles de protection de l'emploi peuvent-elles nuire au processus de destruction


créatrice ?
À long terme, en réglementant notamment les modalités d’embauches et de licenciement, la
protection de l’emploi peut nuire aux secteurs innovants… En effet, lorsque des innovations sont
réalisées, elles rendent obsolètes certaines activités et conduisent au développement d’autres activités,
ce qui nécessite une réallocation des ressources productives (et notamment de la main d’œuvre) vers
les secteurs innovants (destruction d’emplois dans les secteurs devenus obsolètes et création
d’emplois dans les secteurs innovants). Or un haut niveau de protection de l’emploi limite le
redéploiement des travailleurs entre les secteurs, professions… et donc freine le processus de
destruction créatrice.
C’est dans cette perspective qu’à long terme, la protection de l’emploi nuirait au processus de
destruction créatrice.

Synthèse : Les comparaisons internationales visant à évaluer les effets de la protection de l’emploi
sur le chômage ont mis en avant le fait que la protection de l’emploi n’avait pas d’impact significatif
sur le taux de chômage global (les effets sont ambigus, les effets négatifs compensant les effets
positifs).
Il n'existe donc pas de corrélation clairement établie entre niveau de protection de l'emploi et taux de
chômage.

B/ Les problèmes d’appariements et les asymétries d’information sont des sources de chômage
structurel

Dans toute économie, quel que soit le contexte, il existe inévitablement du chômage, car chaque jour
des emplois sont détruits et d'autres créés, il y a donc un ajustement permanent entre offre de travail
et demande de travail, ceux qui perdent leur travail n'en retrouvant pas un le jour même. On parle
alors de chômage frictionnel, qui désigne l'absence d'emploi momentané correspondant à la période
entre deux emplois.
Mais les économistes se demandent pourquoi le chômage est plus élevé que ce seul chômage
frictionnel et étudient notamment les problèmes d'appariement comme cause du chômage.

1. Problèmes d’appariements et chômage

Qu'est-ce que les problèmes d’appariements sur le marché du travail ?

Document 10 :

Appariement sur le marché du travail et chômage


L’appariement sur le marché du travail c’est la mise en relation entre l’offre et la demande de travail,
c’est-à-dire entre un travailleur et un emploi. [...]
Pour parler d’appariement, l’anglais utilise le mot match, tandis qu’un mismatch désigne un mauvais
appariement. Un bon match évoque aussi bien une bonne adéquation entre un salarié et son poste
qu’un couple bien assorti. L’analogie avec la relation amoureuse permet de comprendre pourquoi la
question de la qualité des appariements est si cruciale. En effet, sur le marché du travail comme en
couple, quand on ne trouve pas la bonne personne, le risque de séparation est grand. On peut
multiplier les contrats ou les relations, mais on aspire souvent à une certaine stabilité. Comme un
divorce, la rupture d’un contrat de travail peut être douloureuse. Or trouver la bonne personne ou le
bon emploi se révèle parfois difficile. C’est rarement instantané. […]
Sur le marché du travail, la vitesse à laquelle s’effectuent les appariements et la qualité du résultat
dépendent des efforts de recherche entrepris par les demandeurs d’emploi et par les recruteurs, mais
aussi de l’adéquation qui existe, ou non, entre les caractéristiques des offres vacantes et celles des
candidats potentiels. Si, par exemple, tous les postes à pourvoir sont concentrés dans des régions où
peu de personnes cherchent un emploi, l’appariement s’en trouve inévitablement compliqué. De
même, les compétences requises par les employeurs doivent coïncider avec celle dont disposent les
personnes souhaitant travailler.
En cas de décalage entre les besoins des entreprises et les caractéristiques de la population active,
deux scénarios sont possibles et peuvent coexister. Dans le premier, employeurs et travailleurs se
résolvent à un appariement imparfait. Une entreprise peut décider de pourvoir son poste rapidement,
sans attendre le candidat idéal. Un chômeur peut préférer accepter un emploi qui ne lui plaît et ne
lui correspond que moyennement plutôt que de rester au chômage. Il y a alors mauvais appariement,
mais dans l’emploi. Le risque, déjà évoqué, est que la relation soit de courte durée. Cela induit une
rotation accrue de la main d’oeuvre qui peut parfois se révéler coûteuse.
Dans le second scénario, demandeurs d’emploi et employeurs persévèrent dans leurs recherches
jusqu’à dénicher ce qui leur convient. Tant qu’ils n’ont pas trouvé - et cela peut durer longtemps -,
on observe simultanément du chômage et des emplois non pourvus. […].
On pourrait penser que les offres non pourvues faute de candidats adéquats sont un indicateur clair
d’un décalage structurel de compétences ou de localisation géographique entre l’offre et la demande.
Pourtant, il se peut que des candidats appropriés existent, mais que les recruteurs n’aient pas pu ou
pas su les identifier, ou bien qu’ils n’aient pas réussi à les attirer. Symétriquement, il se peut que les
chômeurs ne soient pas informés de toutes les offres auxquelles ils pourraient prétendre. […] Dans
tous les cas, la coexistence d’offres non pourvues et d’un chômage de masse signale des difficultés
d’appariement.
A. Roulet, « Améliorer les appariements sur le marché du travail », Presses de SciencesPo, 2018, pp 5-8

Q1 : Qu'est-ce qu'un appariement sur le marché du travail ?


L’appariement sur le marché du travail renvoie à la mise en relation entre l’offre et la demande de
travail, c’est-à-dire entre un travailleur et un emploi.

Q2 : Expliquez la différence entre un bon appariement et un mauvais appariement.


Un bon appariement sur le marché du travail signifie qu’il y a une bonne adéquation entre les salariés
et leur poste (les travailleurs trouvent un poste qui leur convient et inversement, les employeurs
trouvent un travailleur qui leur convient).
À l’inverse, un mauvais appariement signifie qu’il y a une mauvaise adéquation entre les travailleurs
et leur emploi (les salariés exercent un emploi qui ne leur convient pas et/ou les employeurs
embauchent des travailleurs qui n’ont pas toutes les compétences requises).

Q3 : Quels peuvent être les causes des difficultés d’appariement sur le marché du travail ? Distinguez
inadéquation spatiale et inadéquation des qualifications.
Les difficultés d’appariements peuvent résulter :
– De la localisation des emplois vacants. En effet, si les emplois vacants se concentrent dans
des régions où le chômage est faible, alors l’appariement sera difficile. L’inadéquation spatiale
renvoie donc au décalage géographique entre offre et demande de travail.
– D’un décalage entre la qualification des travailleurs et la qualification des emplois
(inadéquation des qualifications). En effet, si les emplois vacants ne correspondent pas aux
qualifications des travailleurs, alors l’appariement n’aura pas lieu (ou sera mauvais).
Lire aussi doc 2 p. 80
Remarque : Il existe de multiples causes à ces problèmes d'appariement : système de formation
inadapté aux besoins de l'économie (les formations proposées ne correspondent pas aux besoins des
employeurs), service public de l'emploi défaillant (incapable de mettre en relation les demandeurs de
travail et les offreurs), coûts trop élevés de la mobilité géographique (liés par exemple aux difficultés
sur le marché de l'immobilier)...

Il existe aussi des frictions qui empêchent les chômeurs de trouver immédiatement un employeur
prêt a les embaucher / qui empêchent les employeurs de trouver immédiatement une personne prête
à travailler.
L'existence de frictions s'explique notamment parce que les chômeurs ont besoin de temps pour :
- identifier les entreprises qui embauchent
- déterminer si l’emploi leur convient
- envoyer des CV, passer des entretiens
- attendre le verdict des employeurs

Q4 : Quelle est la principale conséquence des difficultés d’appariement sur le marché du travail ?
Les difficultés d’appariement sont source de chômage, il s'agit donc d'un chômage d’inadéquation
(inadéquation entre offre et demande de travail).
Ce constat permet à la fois d’expliquer l’existence d’un volume d'emplois non pourvus en France et
la persistance d’un taux de chômage élevé dans certaines catégories d’actifs : ce modèle permet donc
de comprendre pourquoi chômage et emplois vacants peuvent coexister.
Remarque : En France, une polarisation du marché du travail a augmenté certains besoins en main-
d’œuvre peu qualifiée et très qualifiée au détriment des actifs à niveau de qualification moyenne. Cf
chapitre mutations emploi.
Les politiques de formation visent précisément à remédier à cette inadéquation (cf III).

2. Asymétries d'information et chômage

Le modèle néo-classique de base (cf docs 4 et 5) repose sur des hypothèses très strictes de la
concurrence parfaite (cf cours de 1e concurrence parfaite), notamment la transparence : tous les
acteurs disposent au même moment et sans coûts des mêmes informations.

La spécificité de la relation salariale (par rapport au marché de biens et services) a amené les
économistes à relâcher (assouplir) les hypothèses du modèle néoclassique de base.

Tout d'abord, peut-on parler de transparence sur le marché du travail ?

Document 11 : doc. 1 p. 82

Q1 : Rappelez ce qu'est une asymétrie d'information (rappel de 1e).


L'asymétrie d’information est une situation dans laquelle certaines caractéristiques d’une
transaction sont connues d’une partie et ne peuvent pas, sans coût supplémentaire, être découvertes
par l’autre partie.
Il s'agit d'un cas de défaillance du marché.

Q2 : A partir de l'exemple de Gaston Lagaffe, expliquez pourquoi il y a asymétrie d'information sur


le marché du travail.
La célèbre bande dessinée Gaston Lagaffe met en scène un travailleur tire-au-flanc, qui ne pense qu'à
jouer et dormir. Mais quand il a été embauché, ces caractéristiques n'étaient pas connues de son
employeur (il ne s'est pas présenté ainsi lors de son embauche).
La relation salariale présente des asymétries d’information.
En effet, les employeurs n’observent pas directement l’effort fourni par les travailleurs. Ils peuvent
certes mettre en place des procédures de contrôle et surveillance, mais elles sont coûteuses et pas
toujours efficaces (elles peuvent brider l’autonomie et l’initiative des salariés). Les caractéristiques
des travailleurs ne peuvent être parfaitement connues par les employeurs : les employeurs ne sont pas
capables de connaître toutes les caractéristiques des personnes qu'ils embauchent : vont-ils faire des
efforts ? Arriver à l'heure ? Voler dans la caisse ? Tout ceci n'est pas écrit dans leur CV.

Les employeurs peuvent alors utiliser le salaire comme instrument de motivation.


Document 12 :

Asymétrie d’information, salaire d’efficience et chômage


Nous avons jusqu’à présent considéré que […] les individus bénéficiaient d’un salaire plus ou moins
élevé en fonction de leur productivité. Les théories du salaire d’efficience font l’hypothèse que le
taux de salaire peut influencer le niveau de productivité d’un individu, il existe donc un taux de
salaire optimal, c’est-à-dire qui maximise les efforts des agents, et donc leur productivité, tout en
limitant le coût pour la firme. Prenons le cas d’un étudiant à qui un centre d’appel propose un travail
plus rémunérateur que chez la concurrence, à condition de faire un effort d’implication dans son
travail. Dans ces conditions, son salaire est supposé agir sur sa productivité, hypothèse au coeur des
théories du salaire d’efficience. Elles proposent en fait différentes pistes pour étudier les facteurs
explicatifs de la relation entre productivité et rémunération des individus. […]
Il existe une asymétrie d’information entre l’employeur et les individus qui postulent pour un
emploi. Il est en effet très difficile d’évaluer de façon précise la qualité d’un postulant. En proposant
des salaires faibles, l’employeur a toutes les chances de voir la qualité moyenne des candidats se
dégrader car les individus qui se savent très productifs vont refuser de postuler à ce type d’emploi.
Proposer des salaires élevés est ainsi une façon d’attirer les meilleurs candidats et de diminuer le
risque d’embaucher un salarié peu productif. […]
D’autres économistes proposent une autre explication du lien entre salaire et productivité. Ils partent
eux aussi du principe qu’il existe une asymétrie d’information entre l’employeur et le salarié mais
s’intéressent aux effets de cette asymétrie une fois que le contrat de travail a été signé. Si le
travailleur ne peut qu’imparfaitement surveiller ses salariés, ces derniers risquent de « tirer au flanc
». Dans cette perspective, l’employeur a intérêt à payer ses salariés plus que ses concurrents […].
Le salaire est un instrument d’incitation pour les salariés et en fonction du mode de rémunération
choisi par l’employeur, l’incitation à l’effort est plus ou moins efficace.
Certains économistes proposent enfin un autre type d’explication basé sur le sentiment de justice.
Des travailleurs mieux payés se sentent plus valorisés dans l’entreprise ce qui favorise leur
implication et leur productivité.
M. Navarro et E. Buisson Fenet, « La microéconomie en pratique », 3ème éd, 2015, Armand Colin,
pp. 230-231

Document 13 :

La baisse du coût du travail est-elle dans l’intérêt des entreprises ?


Les enseignements de la théorie du salaire d’efficience
Durant les années 1980, une équipe de chercheurs américains dont Edmund Phelps (économiste néo-
keynésien, Prix Nobel d’économie en 2006) développe une approche novatrice du marché du travail
selon laquelle il existe une relation positive entre le niveau du salaire et la productivité des salariés.
Autrement dit, toutes choses étant égales par ailleurs, le niveau du salaire conditionne positivement
la productivité du travail.
Ainsi, Phelps considère que la motivation des individus est un élément important de leur productivité
réelle. Pour toutes ces raisons, il est probable qu’une élévation des rémunérations améliore la
motivation et donc la productivité des salariés. Inversement, une diminution ou une stagnation des
salaires altère leur motivation, leur perception positive de l’avenir et donc leur productivité.
Chaque entreprise, dans le but d’accroître la productivité de sa main d’œuvre est ainsi incitée à offrir
un salaire supérieur au salaire d’équilibre du marché (ce salaire supérieur est appelé salaire
d’efficience) ce qui conduit le marché du travail à ne pas véritablement fonctionner comme un
marché (le salaire ne dépend pas des conditions de rencontre entre l’offre et la demande).
C. Rodrigues, novembre 2006.

Questions sur les documents 12 et 13 :

Q1 : Selon la théorie du salaire d'efficience, quelle relation existe-t-il entre niveau de salaire et
productivité ?
Selon la théorie du salaire d'efficience, le taux de salaire n’est pas égal à la productivité marginale
du travailleur (comme dans la théorie néoclassique standard), au contraire la productivité est
déterminée en partie par le salaire offert.
Les employeurs peuvent alors utiliser le salaire comme instrument de motivation. Il existe en effet
une relation positive entre le salaire et la productivité du salarié : plus on est payé, plus on est motivé
et productif.
Si le salaire est élevé, le travailleur tend à accroître sa productivité en intensifiant ses efforts,
encouragé par la reconnaissance qui lui est ainsi accordée par l’employeur, ou de peur de perdre un
emploi bien rémunéré.

Q2 : Pourquoi les employeurs peuvent-ils avoir intérêt à verser un salaire supérieur au salaire
d'équilibre ?
Les employeurs peuvent donc avoir intérêt à verser un salaire supérieur au salaire d'équilibre afin
d'inciter le travailleur à accentuer son effort : c’est la logique du salaire d’efficience.
Ainsi, verser des salaires supérieurs au salaire d'équilibre peut permettre à l'employeur d'attirer les
meilleurs candidats possibles et réduire les coûts de rotation liés au turn-over : en dissuadant les
travailleurs d'aller chercher un meilleur salaire dans une autre entreprise, cela permet d'éviter d'avoir
à former de nouveaux travailleurs (cette formation a un coût et le nouveau travailleur n'est pas
immédiatement aussi productif que celui qui part).

Q3 : Commentez le passage souligné. Que peut-on en déduire ?


Du fait de l’asymétrie d’information qui existe entre l’employeur et les salariés potentiels
(l’employeur ne peut pas déterminer la « qualité » exacte des postulants), il est rationnel que celui-ci
propose un salaire plus élevé que celui du marché (salaire d’équilibre) de manière à inciter les
travailleurs les plus productifs à postuler pour l’emploi en question. En effet, des salaires faibles
désinciteront les travailleurs les plus productifs à postuler pour obtenir le poste. Ces derniers se
retireront donc du marché, ce qui conduira in fine à la « dégradation de la qualité moyenne des
candidats ».

Cela renvoie au fait que les asymétries d’information sur le marché du travail alimentent un risque
d’anti-sélection ou sélection adverse (rappel de 1e) : désigne le fait, faute d’information parfaite,
que certains agents peuvent être conduits à sélectionner des produits de mauvaise qualité.
En effet, au moment de leur entretien d’embauche, seuls les travailleurs connaissent le niveau réel de
leur productivité. Partant de l’hypothèse que les salariés très productifs ont un salaire de réservation
(niveau de salaire à partir duquel ils acceptent un emploi) plus élevé que les salariés peu productifs,
les employeurs diminuent le risque d’anti-sélection en proposant un salaire (dit d’efficience)
supérieur au salaire d’équilibre du marché, de manière donc à recruter les plus productifs.
Lire aussi doc 2 p. 82

Q4 : Pourquoi l’employeur a-t-il intérêt, après la signature du contrat, à verser à ses salariés un salaire
plus élevé que celui versé par ses concurrents ?
Après la signature d’un contrat, il est difficile pour l’employeur de contrôler le comportement au
travail de chaque salarié (asymétrie d’information au profit des salariés, cf doc 11).
Dans cette optique, il est rationnel pour l'employeur de verser à ses salariés un salaire supérieur à
celui de ses concurrents (et donc au salaire d’équilibre) pour les inciter à s’investir pleinement dans
leur travail par peur d’être licencié s’ils sont pris en train de « tirer au flanc » et de perdre ainsi le
surcroît de salaire dont il dispose. Ainsi, pour éviter les coûts liés au turn-over, les employeurs ont
parfois intérêt à proposer un salaire supérieur (dit d’efficience) au salaire d’équilibre du marché afin
de fidéliser leurs salariés, une fois recrutés.

En procédant ainsi, l’employeur augmente le coût lié à la perte de l’emploi pour le salarié (il lui sera
difficile de trouver un emploi aussi bien rémunéré). Cela permet donc d’éviter une situation d’aléa
moral : comportement opportuniste résultant de l'existence d'asymétries d'informations, quand une
partie est incapable de contrôler le respect du contrat par l'autre partie.
(exemple : déclarer sa voiture volée alors que l'assureur est incapable de savoir si c'est vrai)
Les asymétries d’information sur le marché du travail soumettent les employeurs à un aléa moral :
une fois le contrat de travail signé, un salarié peut diminuer sa productivité sans que son salaire n'en
pâtisse.
Pour l’inciter au travail, son employeur doit disposer d’une menace à brandir sous la forme d’un coût
économique associé au licenciement. Sous l’hypothèse que le marché du travail est à l’équilibre et
que le salarié est rémunéré au taux de salaire qui égalise offre et demande, ce coût est nul : une fois
licencié, le « tire-au-flanc » retrouvera immédiatement un emploi au même salaire. L’employeur
rationnel qui veut s’assurer que la productivité de ses salariés ne diminue pas doit donc proposer un
salaire (dit d’efficience) supérieur au salaire d’équilibre du marché.
Lire aussi doc 3 p. 83

Q5 : Que se passe-t-il lorsque le taux de salaire proposé par l’employeur est supérieur au taux de
salaire d’équilibre du marché ?
Lorsque le taux de salaire proposé par l’employeur est supérieur au taux de salaire d’équilibre du
marché, les quantités offertes de travail émanant des travailleurs sont supérieures aux quantités
demandées par les entreprises. Autrement dit, à ce taux de salaire réel, les personnes souhaitant
travailler ne trouvent pas toutes un emploi. Elles se retrouvent donc au chômage.
Ainsi, bien que rationnelle à l’échelle individuelle, la stratégie du salaire d'efficience engendre une
situation sous-optimale à l’échelle macroéconomique : tous les employeurs l’adoptant, le niveau de
salaire du marché se fixe au-dessus de celui qui équilibrerait offre et demande, ce qui génère du
chômage.
Autrement dit, l'instauration d'un salaire d'efficience peut être source de chômage dans la mesure où,
si toutes les entreprises procèdent ainsi, le salaire moyen va augmenter et se situer au dessus du salaire
d'équilibre.
Lire aussi doc 4 p. 83

Synthèse : dans la théorie du salaire d'efficience, ce sont les entreprises qui, dans un contexte où leur
information sur la qualité et la motivation des travailleurs est imparfaite du fait de l'existence
d'asymétries d'informations, ont intérêt à verser des salaires supérieurs au salaire d'équilibre, afin
d'attirer et de retenir les travailleurs de qualité, les inciter à fournir des efforts une fois embauchés et
réduire les coûts liés au turn-over. Ainsi, le chômage s'explique par le fait que le salaire est supérieur
au salaire d'équilibre, mais du fait du comportement rationnel des entreprises et non pas de l'existence
de rigidités institutionnelles.

C/ Les effets des fluctuations de l’activité économique sur le chômage conjoncturel

La croissance n'est pas régulière (cf chap croissance), il existe des fluctuations économiques, cad
l'activité économique connaît des phases de ralentissement et d'accélération.
Le chômage conjoncturel est une forme de chômage liée au ralentissement de l’activité économique.
La réduction de la production induite par la baisse de la demande provoque une diminution de la
demande de main-d’œuvre, une augmentation des licenciements et, par voie de conséquence, une
hausse du chômage conjoncturel.

Document 14 :

Taux de croissance du PIB réel (en %) et évolution du taux de chômage (en points de
pourcentage) aux États-Unis
Q1 : Faites une phrase permettant de comprendre le sens des données pour 1984 et 2009.
Par exemple, aux Etats-Unis, en 1984, le PIB réel a augmenté de 7% environ et le taux de chômage
a baissé de 2 points ; en 2009 (crise des subprimes), le PIB réel des Etats-Unis a baissé de 3 % et le
taux de chômage a augmenté de 3,5 points de %.

Q2 : Quelle corrélation peut-on établir entre l'évolution du PIB et celle du chômage ?


Il existe une très forte corrélation négative entre évolution du PIB et taux de chômage : plus la
croissance est forte, plus le taux de chômage baisse ; à l'inverse quand le PIB stagne ou baisse, le taux
de chômage augmente.

Q3 : Proposez une explication à cette corrélation.


Dans les périodes de forte croissance, les créations d'emplois ont tendance à l'emporter sur les
destructions, et le chômage diminue.
A l'inverse, en période de récession, les destructions d'emploi l'emportent sur les créations, et le
chômage augmente.
Ainsi, les flux de création et de destruction d’emplois sont indissociablement liés au processus de
croissance et aux fluctuations de la croissance économique.

Cela rejoint l'analyse du chômage faite par JM Keynes.

Document 15 :

Demande effective et chômage


L'intuition de Keynes est qu'il faut partir des prévisions de vente des entrepreneurs, qui vont devenir
la « demande effective ». En effet, […] ils ont, d'une certaine manière, toujours raison.
S'ils sont optimistes et prévoient en conséquence des recettes croissantes, ils vont développer leurs
affaires et investir. Il s'ensuivra un processus de variation à la hausse de l'activité, qui distribuera des
revenus croissants à partir desquels les consommateurs pourront consommer et aussi, de plus en
plus, épargner, donc financer les investissements.
S'ils sont pessimistes, le processus de contraction fera finalement se rencontrer un investissement
faible et une épargne de montant identique. Le chômage durable résulte de ce processus de
contraction. Pour Keynes, l'emploi est la dernière variable qui détermine son système - d'où la
possibilité de chômage involontaire et durable.
Bernard Gazier, John Maynard Keynes, PUF, coll « Que sais-je ? », 2009

Q1 : Selon Keynes, de quoi dépend la décision d'embaucher de la part des employeurs ?


Selon Keynes, les employeurs ne déterminent pas leur demande de travail en fonction des fluctuations
du salaire réel, comme dans l'analyse classique, mais en fonction de la demande effective.
Demande anticipée (ou demande effective) : notion de Keynes qui correspond à la demande à
laquelle les producteurs pensent devoir répondre dans le futur, cad la demande que les entrepreneurs
anticipent dans un futur proche pour leur production (dans les prochains mois).
En effet, ils vont produire en fonction des prévisions de vente futures (demande anticipée) et vont
embaucher en conséquence.
Remarque : Il ne faut donc pas confondre cette demande effective ou anticipée et la demande réalisée,
cad la demande effectivement formulée à un moment donné.

Q2 : En période d’expansion, que peut-on dire de la demande effective ? Que peut-on en déduire
quant à l'évolution du chômage ?
En période d’expansion, les entreprises vont anticiper une augmentation de la demande de biens et
services qui leur seront adressés (qu’il s’agisse de la consommation des ménages ou de la demande
de biens de production des entreprises). Cela les incitera donc à accroître leur production pour
répondre à l’augmentation de la demande. Pour y parvenir, elles augmenteront leur capacité de
production en embauchant, ce qui conduira, toutes choses égales par ailleurs, à une baisse du
chômage.

Q3 : En période de récession, que peut-on dire de la demande effective ? Que peut-on en déduire
quant à l'évolution du chômage ?
En période de récession, les entreprises vont anticiper que les quantités de biens et services qui leur
seront demandées seront insuffisantes pour qu’elles puissent écouler leur production, elles vont donc
réduire leur volume de production, ce qui se traduira par du chômage (les employeurs n’embaucheront
pas et ou licencieront).
À l’oral : un cercle vicieux peut-il s’enclencher ?
Un cercle vicieux peut s’enclencher. En effet, les individus se retrouvant au chômage vont
généralement voir leur revenu baisser. Cette baisse de leur revenu va se répercuter sur leur
consommation. Face à cette baisse de la consommation les entreprises vont réduire leurs
investissements. Cela va donc conduire à nouveau à une baisse de la demande anticipée des
entreprises, qui vont à nouveau réduire leur volume de production, d'où la hausse du chômage.
Autrement dit, face à une demande effective trop faible, les entreprises réduisent le nombre d'emplois,
et le chômage qui en résulte entretient la crise des débouchés.
cf cas de la crise des années 1930 et de la « Grande dépression » aux Etats-Unis, lire doc 3 p. 85

Pour J.M Keynes, le chômage s’explique donc par une insuffisance de la demande effective : la
demande effective détermine le niveau de production, qui détermine lui-même le niveau d’emploi,
qui détermine lui-même le chômage.

Q4 : Dans cette perspective, quelle conséquence aurait-une baisse généralisée des salaires ?
Keynes, contrairement aux néoclassiques, se place d'un point de vue macroéconomique.
D'un point de vue microéconomique, quelle est la conséquence d'une baisse des salaires ?
Keynes ne conteste pas l'argument néoclassique selon lequel un employeur embauchera davantage si
le niveau de salaires diminue : d'un point de vue microéconomique, cela n'est pas contestable.
Mais est-ce toujours le cas d'un point de vue macroéconomique ?
Pour Keynes, le salaire n'est pas qu'un coût pour l'entreprise, c'est un revenu pour le travailleur. Ainsi,
d'un point de vue macroéconomique, une baisse généralisée des salaires entraîne une baisse du
pouvoir d'achat, donc de la demande de biens et services, donc de la production et de l'emploi. Même
si les employeurs sont prêts à embaucher (car ça ne leur coûte pas cher), ils ne le font pas car la
demande est insuffisante : Keynes parle de crise des débouchés.
Si la demande anticipée est trop faible, l’économie peut évoluer en équilibre de sous-emploi :
l'économie est en situation d'équilibre mais, à cet équilibre, le niveau de production nécessite un
volume d'emploi qui ne permet pas d'embaucher toute la population active disponible.

Synthèse/transition : il n'existe donc pas UNE seule cause du chômage et donc pas UNE politique
efficace pour y mettre fin.
Selon l'économiste Olivier Blanchard, « le chômage est un phénomène complexe, résultant d'une
multiplicité de facteurs, dont l'interaction peut, de plus, varier dans le temps et d'un pays à l'autre ».
III/ Comment lutter contre le chômage ?

Selon l'analyse qu'ils font des causes du chômage, les économistes proposent différents types de
politique de lutte contre le chômage.
Ainsi, pour chaque type d'explication du chômage, nous présenterons les politiques correspondantes
de lutte contre le chômage (IIA/III A, IIB/IIIB, IIC/IIIC).

A/ Les politiques d’allègement du coût du travail

Le coût du travail est constitué de toutes les dépenses induites par l’utilisation du facteur travail dans
l’entreprise. Il comprend donc les salaires bruts versés aux salariés (salaires nets perçus par les
salariés auxquels sont ajoutées les cotisations sociales salariales) et les cotisations sociales versées
par l’employeur.

Document 16 :

Les politiques d’allègement du coût du travail


La demande de travail dépend du coût relatif de ce dernier ainsi que de la productivité marginale
relative du travail. Un coût du travail trop élevé est souvent présenté comme un facteur de chômage.
Le coût du travail englobe l’ensemble des coûts que doit supporter une entreprise pour disposer de
main d’oeuvre : salaire, cotisations sociales, etc.
Le modèle standard part de l’hypothèse que le marché du travail est un marché comme les autres :
en situation de concurrence et sans intervention de l’Etat, il n’y a pas de chômage à l’équilibre. […]
Seuls les individus qui désirent travailler aux taux de salaire réel du marché le peuvent.
Dans ce contexte, la négociation d’un taux de salaire réel minimum supérieur au taux de salaire réel
d’équilibre peut conduire à l’apparition de chômage. […] L’existence de cotisations sociales élevées
accroît également le coût du travail. En présence d’un salaire minimum, le taux de salaire net1 ne
peut diminuer en dessous du minimum légal et les cotisations sociales renforcent ainsi le chômage
en diminuant la quantité de travail demandées par les employeurs. Dans cette optique, abaisser le
niveau du SMIC ou alléger les cotisations sociales peut être un moyen de lutter contre le chômage.
Depuis le gouvernement Balladur en 1993, les gouvernements successifs ont concentré leur action
sur l’allègement des coûts pesant sur les bas salaires car le coût du travail pénalise d’abord l’emploi
de ces catégories. La mise en place du « crédit d’impôt compétitivité emploi » en 2012 puis du «
pacte de responsabilité » par le gouvernement Valls en 2014, s’inscrit dans cette même stratégie
d’action sur l’emploi par l’allègement des cotisations sociales, de façon à rendre les entreprises plus
compétitives. Il s’agit de diminuer les cotisations patronales d’ici 2017, ce qui représente un
allègement de l’ordre de 30 à 35 milliards d’euros. Certains économistes ont critiqué le fait que cette
mesure n’était pas assez centrée sur le bas de l’échelle salariale, ce qui réduirait son impact sur
l’emploi.
E. Buisson-Fenet et M. Navarro, « La microéconomie en pratique », 3ème éd, Armand Colin, pp 237-238

Q1 : Dans le modèle néoclassique standard, pourquoi un coût du travail trop élevé est-il présenté
comme une cause du chômage ?
Dans le modèle néoclassique standard, les employeurs décident d’embaucher tant que le supplément
de production apporté par le dernier salarié (productivité marginale) est supérieur au taux de salaire
réel (ce qu’il lui coûte).
Si le taux de salaire réel fixé est supérieur au taux de salaire réel d’équilibre (coût du travail « trop
élevé ») alors les employeurs vont « toutes choses égales par ailleurs », décider de substituer capital
et travail (augmentation de l’intensité capitalistique de la combinaison productive).
Dans cette optique, plus le coût du travail est élevé, moins les employeurs sont incités à embaucher
et plus ils seront incités à licencier, à substituer du capital au travail ou à délocaliser leur production
vers des pays à main d’œuvre bon marché.

Q2 : Pourquoi baisser le coût du travail permettrait-il de lutter contre le chômage structurel ?


Pour lutter contre le chômage structurel, il faut mettre en place des mesures visant à alléger le coût
du travail, c’est-à-dire l’ensemble des coûts supportés par une entreprise pour disposer de la main
d’oeuvre. Dans cette perspective, il faut donc baisser les cotisations sociales et ou le niveau du SMIC.
Cela permettrait d’accroître la rentabilité des entreprises et les inciterait à embaucher donc à réduire
le chômage structurel.
Cela s'est traduit par des mesures en France ces dernières décennies, notamment dans 2 directions :
- la désindexation des salaires (les salaires n'augmentent plus systématiquement au rythme de
l'inflation) à partir de 1982 a contenu le coût réel du travail. Dans la même logique, le refus d'accorder
des « coups de pouce » au SMIC vise à réduire le chômage des travailleurs peu qualifiés (cf débat sur
le SMIC, le SMIC jeunes...). La politique du gouvernement actuel s'inscrit parfaitement dans cette
logique.
- depuis 1993, des allègements/exonérations de cotisations sociales concentrés sur les bas salaires
(entre 1 et 1,6 SMIC) visent à soutenir l’emploi peu qualifié (en partant du principe qu'un coût du
travail élevé constitue un frein à l’emploi surtout pour les travailleurs peu ou pas qualifiés dont la
productivité marginale est faible). Remarque : la plupart des allègements de CS visent à réduire le
coût du travail peu qualifié, sans réduire le pouvoir d'achat des travailleurs, mais il y aussi des mesures
visant des publics particuliers (ex : contrats aidés, jeunes) ou des secteurs particuliers (ex : emploi à
domicile).

Projeter doc 1 p. 88

Remarque : on a vu dans le IIC que dans une optique keynésienne la politique de modération salariale
pouvait avoir des effets pervers sur la demande globale. Les politiques de lutte contre le chômage
peuvent donc être contradictoires entre elles. Cela dépend notamment contre quel type de chômage
on cherche à lutter.

B/ Les politiques de formation et les politiques de flexibilisation pour lutter contre les rigidités
du marché du travail

Document 17 :

Les politiques de flexibilisation du marché du travail


La protection de l’emploi risque donc de freiner l’adaptation de la structure des emplois aux
mutations de l’économie. La réallocation de la main d’oeuvre est un facteur important de la
croissance de la productivité puisque les entreprises moins productives tendent à détruire plus
d’emplois alors que les entreprises plus productives en créent davantage. Augmenter la flexibilité
de l’emploi permettrait dans cette optique de réduire le chômage. C’est le sens du débat sur la
réforme du code du travail, qui a donné lieu à la loi El Khomri en 2016, puis aux réformes adoptées
en septembre 2017. Ces dernières prévoient par exemple un plafonnement des indemnités de
licenciement en cas de recours aux Prud’hommes pour licenciement abusif, de façon à donner aux
entreprises plus de visibilité sur le coût maximal d’un licenciement. L’efficacité de ces réformes fait
toutefois débat, car leur impact sur le niveau de chômage est difficile à évaluer.
Nombre de propositions ont été faites pour concilier la flexibilisation des parcours professionnels
avec la volonté de sécurité et de stabilité des salariés. Le modèle de la « flexisécurité » consiste à
compenser l’instabilité de l’emploi par des mesures qui sécurisent les travailleurs entre deux emplois
(…). Ce système repose sur l’idée qu’il faut avant tout protéger l’employabilité (probabilité de
trouver un emploi) de l’individu plus que son emploi. La possibilité accrue donnée aux entreprises
de licencier leurs employés doit ainsi s’accompagner d’indemnité chômage généreuse et d’une
véritable politique de formation pour aider les chômeurs à se reconvertir.
E. Buisson-Fenet et M. Navarro, La microéconomie en pratique, 3ème éd, Armand Colin, p. 244

Q1 : Proposez une définition du concept de flexibilité du marché du travail.


La flexibilité du marché du travail renvoie à une situation où l’ajustement de l’offre et de la
demande de travail se réalise rapidement.
La flexibilisation du marché du travail renvoie donc à une politique de gestion de la main-d’œuvre
dont l’objectif est d’adapter la production aux besoins des entreprises (en fonction notamment des
évolutions du marché) et de réduire des coûts de production.
Pour faciliter l’appariement entre offre et demande de travail, entre le demandeur d’emploi et son
embaucheur potentiel, on peut introduire davantage de flexibilité sur le marché du travail. Les
néoclassiques réclament que les mécanismes du marché fonctionnent, cad que le marché du travail
puisse retrouver son équilibre grâce à l'adaptation des prix et des quantités.

Mais les politiques de flexibilisation peuvent prendre plusieurs formes :


1) Gestion des salaires = suppression ou atténuation de la législation sur le salaire minimum,
désindexation des salaires sur les prix... Il s'agit ici de faciliter les variations du prix du travail en
fonction de l’offre et de la demande de travail.
2) Gestion des effectifs salariés = réduction des contraintes juridiques régissant le contrat de travail
et en particulier les décisions de licenciement : développement des emplois atypiques. Un
assouplissement des conditions d’embauche et de licenciement doit avoir pour conséquence
d’accroître les flux de sorties du chômage : les entreprises, moins contraintes par la législation sur les
conditions de licenciement, seraient plus enclines à embaucher.
3) Organisation du travail = annualisation du temps de travail, remise en cause de la durée légale du
travail, suppression des réglementations sur le travail de nuit ou le dimanche...
Remarque : la 1e dimension concerne donc la flexibilité des prix du travail (on parle parfois de
flexibilité salariale), les dimensions 2 et 3 concernent la flexibilité des quantités de travail (flexibilité
quantitative).

Q2 : Quels sont les risques des politiques de flexibilisation du marché du travail ? Comment résoudre
ce problème ?
En supprimant les rigidités institutionnelles (telles que la protection de l’emploi et le SMIC), les
politiques de flexibilisation du marché du travail conduisent à la précarisation des emplois
(augmentation de l’instabilité des emplois).
Dans cette perspective, plusieurs propositions ont été faites pour concilier la flexibilisation des
parcours professionnels avec la volonté de sécurité et de stabilité des salariés. Il s’agit des politiques
de flexisécurité, visant à concilier flexibilité du marché du travail et sécurité pour les travailleurs.
Lire aussi doc 4 p. 91

La flexibilisation du marché du travail est la tendance qu'on observe en France, comme dans la plupart
des pays européens, depuis 20 ans, alors que les Trente Glorieuses avaient au contraire étaient
marquées par une plus grande protection de l'emploi. Ces politiques se sont accompagnées d'une
montée de la précarité, d'où la mise en place de politiques de flexisécurité.

Mais lutter contre le chômage structurel nécessite aussi des politiques de formation.

Document 18 : doc 1 p. 92

Q1 : A quelle cause du chômage les politiques de formation tentent-elles de répondre ?


Les politiques de formation cherchent à résoudre les problèmes de mauvais appariements sur le
marché du travail, et plus spécifiquement au problème d'inadéquation des qualifications (cf doc 10),
elles ont donc pour but d’améliorer l’appariement sur le marché du travail.
Remarque : Les politiques de formation peuvent viser toute la population (augmenter la formation
initiale et la formation professionnelle continue), mais il existe aussi des politiques spécifiques
d’insertion qui concernent avant tout les chômeurs ou les travailleurs les plus exposés au risque de
chômage, notamment les moins qualifiés.

Q2 : Pourquoi le progrès technique et la mondialisation rendent nécessaires des politiques de


formation ?
Cf chapitres chômage et commerce international : le progrès technique et la mondialisation font
baisser la demande de travail peu qualifié.
Les politiques de formation semblent nécessaires en raison du progrès technique et de l’évolution de
l’organisation du travail qui impliquent que certains chômeurs se dotent de nouvelles qualifications
et compétences.
C/ Les politiques macroéconomiques de soutien de la demande globale

Document 19 : doc. 1 p. 86

Q : Comment les politiques budgétaires et monétaires peuvent-elles lutter contre le chômage ?


Dans une perspective keynésienne, le chômage peut être dû à une insuffisance de la demande globale.
Dans cette situation, il convient de la soutenir voire de la relancer avec des politiques conjoncturelles,
qui visent à relancer l'activité économique.
Les pouvoirs publics peuvent alors activer deux leviers de politique économique (cf chapitre sur les
politiques économiques dans le cadre européen) :
- La politique budgétaire de relance : l’État peut augmenter l’investissement public, lequel va susciter
un flux de dépenses (ex New Deal : politique de grands travaux) ; il peut utiliser la redistribution pour
augmenter les revenus de transfert des catégories défavorisées de la population car elles disposent
d’une forte propension marginale à consommer (ex hausse des allocations chômage) ; l’État peut
aussi diminuer la fiscalité sur les revenus ou sur la consommation afin de redonner du pouvoir d’achat
aux consommateurs pour qu’ils augmentent leur consommation ; l'Etat peut réduire la fiscalité sur les
entreprises (notamment impôt sur les sociétés) afin de les inciter à investir.
- La politique monétaire expansive (ou expansionniste) (cf cours de 1e) : la banque centrale peut
diminuer les taux d’intérêt directeurs pour faciliter le crédit et inciter les agents économiques à
emprunter pour consommer et/ou investir.

Conclusion : la coexistence de plusieurs types de chômage rend légitime le fait d'avoir plusieurs
politiques de lutte contre le chômage, même si elles peuvent apparaître contradictoires.
Gautié : « Au delà des seules politiques conjoncturelles de soutien de l'activité […], réduire le
chômage à moyen terme peut impliquer des réformes structurelles, dont certaines dépassent d'ailleurs
le seul cadre du marché du travail », comme la formation ou lever les obstacles à la mobilité
résidentielle.

Remarque : si vous avez un sujet sur les politiques de lutte contre le chômage, il faudra relier au II,
car chaque politique est une réponse aux différentes causes identifiées du chômage, donc se demander
si telle politique est efficace c'est aussi se demander si telle cause est source de chômage.

Vous aimerez peut-être aussi