3 Historique du chômage
La catégorie statistique du chômeur n’apparaît qu’à la fin du XIXème siècle, lors du
recensement de 1896. Le salariat étant la situation dans laquelle le travail « s’achète » comme
une marchandise, le chômeur se définit comme celui qui ne trouve pas acheteur pour sa force
de travail.
En longue période, le chômage connait des évolutions divergentes entre les Etats-Unis,
l’Union Européenne et le Japon. Le chômage français possède également des singularités.
a Au Japon
Au Japon, le taux de chômage depuis les années 50 est très stable aux alentours de 4.5%.
b Aux Etats-Unis
Le taux de chômage est très fluctuant et suit les cycles conjoncturels d’activité (beaucoup plus
qu’en Europe). Très faible dans les années 1990 (autour de 5%), le taux de chômage est
remonté à la suite de la crise financière (pic de 9% en 2011) pour redescendre
progressivement (4% en 2018).
c En Europe
Le chômage est faible au cours des 30 glorieuses du fait du fort taux de croissance du PIB
(4.8% par an de 1960 à 1973). La situation se dégrade dès 1974 avec la crise économique liée
au premier choc pétrolier. La forte poussée du chômage est également due à l’augmentation
de la population en âge de travailler ? la fin des années 1980 est marquée par un recul
provisoire du chômage grâce aux restructurations dans l’industrie, la création d’emplois dans
les services et la reprise de la croissance. Le début des années 1990 témoigne d’une nouvelle
aggravation (le taux de croissance du PIB ralentit et est même négatif en 1993). En 1994, le
taux de chômage atteint 11% de la population active et l’Europe compte 19 millions de
chômeurs. En 2001, grâce au retour de la croissance de la fin des années 1990, le nombre de
demandeurs d’emploi tombe à 13 millions (7.5%).
Le chômage est un mal européen. Alors qu’aux USA, le taux de chômage est très fluctuant,
les chocs se sont accumulés en Europe et aucun retour à la normale n’a eu lieu (hystérèse du
chômage). Sur la période récente le chômage reste à des niveaux élevés malgré des
divergences entre les pays européens.
d En France
Plus encore que le chômage européen, le chômage français se caractérise par :
L’importance du chômage de longue durée, c’est-à-dire > 12 mois, qui frappe surtout
les plus de 55 ans
L’importance du chômage des jeunes
L’importance du chômage des travailleurs non qualifiés
Une démographie spécifique. La lente décrue de la population active en France après
2006 offre un répit en matière de chômage mais il est porteur de nouveaux
déséquilibres, notamment celui du financement des retraites
Une forte croissance des « formes particulières d’emploi », c’est-à-dire les contrats de
travail qui ne relèvent pas du CDI : intérim, CDD, apprentis et contrats aidés
La France connaît une véritable dynamique de l’emploi ave une nette augmentation du
nombre d’emplois dans les années 1990 (hormis un creux en 1993) en raison d’une forte
corrélation entre le taux de croissance de l’emploi et le taux de croissance du PIB (loi
d’Okun), d’un ralentissement des gains de productivité (place de plus en plus importante des
services qui génèrent moins de gains de productivité) et de politiques de l’emploi se traduisant
par des exonérations de charges sur les bas salaires qui ont permis d’encourager le travail non
qualifié.
En termes d’emploi par secteur, les services sont devenus fortement prépondérants, la
construction et l’industrie connaissant une baisse sensible et l’agriculture passant sous la barre
des 3% (théorie du déversement de Sauvy).
La France se caractérise par une mutation de l’emploi : salarisation, féminisation,
tertiarisation, ubérisation. Le salariat dans la population active croît depuis la révolution
industrielle. Cette part dépasse 90% actuellement (contre 67% en 1954). La mondialisation
ainsi que le progrès technique affectent l’emploi. Le plein emploi pendant les trente glorieuses
a laissé place à une croissance faible et un chômage devenu structurel suite aux chocs
pétroliers. Plus tard, les crises successives (Subprimes en 2008, dettes souveraines en 2010)
ont contribué à dégrader la situation de l’emploi (+ de 10% de taux de chômage). Dans ce
contexte, les politiques de l’emploi semblent s’orienter vers davantage de flexibilisation.
La demande de travail provient des entreprises qui cherchent à maximiser leur profit. Par
conséquent, l’entreprise a intérêt à embaucher tant que son profit augmente. C’est-à-dire, tant
que le coût du dernier travailleur ( le coût marginal ) est inférieur à la recette procurée par ce
dernier travailleur ( la recette marginale ). On embauche si CmA < RmA.
Dans le modèle classique, l’effet de substitution l’emporte sur l’effet revenu : l’offre de travail
est une fonction croissante ou décroissante du salaire réel ?
3. Un équilibre de plein-emploi
Sur le marché du travail, la flexibilité du salaire réel permet l’égalité entre lz demande et
l’offre de travail ( L*)
Cet équilibre est un équilibre de plein-emploi ( garanti par la flexibilité du salaire réel ).
Exemple : l’arrivée soudaine de travailleurs immigrés ne créait pas de chômage, la courbe de
l’offre de travail ce déplace vers la droite, ce qui diminue le salaire réel et augmente l’emploi.
Le chômage involontaire est donc impossible, sauf si le salaire réel , fixé par les pouvoirs
publics ( exemple : SMIC ) ou par les syndicats, est supérieur au salaire d’équilibre ( w*/p).
PIGOU ( 1933) critique toutes les formes de rigidités qui affectent le marché du travail et
perturbent la flexibilité du salaire réel : salaire minimum, allocations chômage ou encore
actions des syndicats.
La grande dépression ( krach boursier 1929) a engendré une augmentation brutale du nombre
de personnes sans emploi ( on passe de 4 millions à 12 millions de chômeurs entre 1930 et
1932 soit 1/4 de la population USA de l’époque).
Face à cette augmentation rapide du nombre de chômeurs, il devient difficile de soutenir que
le marché du travail puisse revenir de lui-même à l’équilibre de plein emploi par un simple
ajustement du prix du travail.
1. La demande de travail
Tout comme les néoclassique, KEYNES considère que les entreprises cherchent à maximiser
leur profit et payent de ce fait les travailleur à la productivité marginale.
Cependant, ce qui conditionne la décision d’embauche, ce n’est pas tant le coût du travail que
les anticipations de demande effective.
La demande effective est développée par Keynes, ça correspond aux anticipations des patrons
par rapport au futur, à l’évolution des marchés.
Les anticipations de demande permettent ainsi de définir un niveau de production qui
détermine lui-même les décision d’investissement ou d’embauche.
Dans un climat d’incertitude et de crise, la notion de demande effective prend une importance
qu’elle n’a pas dans une situation de croissance.
→ Les entreprises embauchent la quantité de main d’œuvre qui leur permettra de satisfaire
une demande effective.
→ Le principe de la demande effective est une critique de la loi de J.B. SAY : ce n’est pas
l’offre qui créée la demande mais bien la demande anticipée par les producteurs qui
déterminera les quantités produites et offertes sur le marché.
2. L’offre de travail
Pour KEYNES, il existe toujours des personnes prêtes à travailler quel que soit le niveau de
salaire.
Critique de l’arbitrage rationnel entre travail et loisir ( hypothèse néoclassique) : pour lui ça
n’a pas de sens, en effet, il existe un excédant d’offre de travail par rapport à la demande.
Toute augmentation du salaire nominal est interprété par les offreurs de travail comme une
augmentation du salaire réel.
Selon KEYNES, la fixation du salaire nominal résulte de négociations : entre les représentants
des associations syndicales ouvrières et patronales.
Approche du travail : coût du travail, mais aussi rémunération des salariés qui conditionnent
leur consommation.
KEYNES admet que le libre jeu des forces de marché permet de parvenir spontanément à un
équilibre, mais rien ne garantit que l’équilibre déterminé soit un équilibre de plein-emploi.
D’après cette analyse, la cause du chômage n’est pas à rechercher sur le marché du travail
puisque les décisions d’embauche ne dépendent que de la demande effective.
C’est l’insuffisance des anticipations de demande par les entrepreneurs qui engendre un
chômage involontaire dans l’économie.
→ Ce n’est donc pas la diminution du salaire réel qui permettra une diminution du chômage :
la suppression du salaire minimum serait même contre productive ( opposition PIGOU ) car
une baisse des salaires réduirait la demande effective, le niveau de production choisit par les
entrepreneurs. Et par conséquent une augmentation du chômage.
Les négociations entre salariés et employeurs ne sont pas uniquement individuelles mais
également collectives : c’est-à-dire que les termes et clauses du contrat résultent d’un
marchandage entre les syndicats.
La puissance des syndicats dépend du nombre d’adhérents : les différences sont importants
entre la France qui a un faible taux de syndicalisation ( proche de 8 % sans grande évolution
dans le temps) et les pays d’Europe du Nord où le taux de syndicalisation dépasse les 50 %.
Les syndicats sont des acteurs de grande tailles qui disposent d’un pouvoir de marché
important en influence sur les négociations. Leur objectif est souvent de maximiser la masse
salariale.
La polarisation du marché du travail ( D. AUTOR, 2010) décrit le fait que dans les économies
avancées, on relève à la fois une augmentation des emplois qualifiés à hauts revenus et des
emplois peu qualifiés et faiblement rémunérés.
LINDBECK et D.SNOWER (1988) prolongent cette analyse avec leur modèle insiders-
outsiders : qui décrit la différence de comportement des individus suivant qu’ils sont à la
recherche (outsiders ) ou à détiennent déjà un emplois ( insiders )
Les insiders ont un pouvoir de négociation et rente de situation : parce qu’il est coûteux pour
les entreprises d’avoir un fort taux de rotation. Ils utilisent leur pouvoir de pression pour
profiter d’une rente de situation.
Ce phénomène est renforcé par la polarisation du marché du travail : les salariés plus qualifiés
sont plus rares sur le marché et ils peuvent donc négocier un salaire plus élevé.
La présence des syndicats et la segmentation du marché du travail sont deux facteurs
explicatifs de la rigidité à la baisse des salaires.
Les conditions de la CPP ne sont pas respectées sur le marché du travail qui, en réalité
représente un marché imparfait.
En effet, l’atomicité n’est pas respectée : parce que les insiders et les syndicats disposent un
fort pouvoir de négociation sur le marché du travail.
De même, la transparence de l’information n’est pas respectée : asymétrie d’informations
entre les employeurs et les candidats à l’embauche.
Le principe du modèle
Dans les années 1970, l’hypothèse de transparence de l’information est remise en cause.
Ainsi, la théorie du job search se situe-t-elle dans un cadre d’information imparfaite : les
agents économiques se confrontent à l’incertitude et l’information a un coût.
Le modèle du job search considère la situation à laquelle fait face un chômeur : le chômage
correspond à une situation de recherche d’emploi sur un marché concurrentiel. Ce modèle
permet d’évaluer le comportement des chômeurs avec l’hypothèse de rationalité, donc l’agent
compare les avantages et les inconvénients de l’acceptation d’une offre d’emploi.
Dans le modèle du job search, l’individu est amené à rechercher de l’information au cours de
périodes successives.
L’offreur de travail fait face à un arbitrage : plus sa recherche d’emploi est longue et plus son
coût de prospection sera élevé, mais plus il augmentera ses chances de trouver un emploi qui
lui convienne et un salaire élevé.
L’apport de McCALL :
→ La dégressivité des indemnités chômages s’inscrit ainsi dans une logique d’incitation à la
reprise du travail.
Ce modèle part de l’existence d’un aléa moral dans la relation entre le salarié et l’employeur :
l’employeur ne peut pas savoir à l’avance comment vas se comporter le salarié une fois en
poste.
Alors il convient de mettre en place des mécanismes incitatifs pour que le salarié développe sa
productivité.
→ Concrètement, il s’agit d’offrir une rémunération croissante et supérieur à celle du marché.
Aléa moral : situation d’informations asymétriques dans laquelle certains agents détiennent
une information privée sur des actions qui influencent le résultat de la transaction
( opportunisme ex-poste). Modification du comportement de l’individu le mieux informé au
détriment de la partie la moins bien informée. Un seul en subi les conséquences.
La théorie du salaire d’efficience a d’abord été analysé dans le cadre des pays en
développement (LEIBENSTEIN, 1957).
Ces conclusions sont aussi transposables dans intuitivement dans les pays développés :
généralement les employés se sentent mieux dans leur emplois or se sentir bien permet d’être
accroître sa productivité.
→ Dès lors, si les employeurs fixent le salaire, ils sont amenés à arbitrer entre l’efficacité du
facteur travail et son coût. Le salaire optimal résultant de cet arbitrage est le salaire
d’efficience.
→ Le salaire d’efficience est fixé, par nature, à un niveau supérieur à la productivité
marginale du travail.
La réalisation des embauches, quant à elle, va dépendre des tensions sur le marché du travail.
Pour mesurer ces tensions, la DARES ( Direction de l’Animation de la Recherche, des Études
et des Statistiques) : Indicateur de tension = offre d’emplois vacants/ nombre de chômeurs.
→ Un métier est considéré en tension lorsque cet indicateur est > 1 ( exemples : soudeurs,
infirmiers..).
Pour l’ensemble des métiers en France en décembre 2015, l’indicateur de tension est de 0,46.
La courbe de Beveridge
En période de croissance, la demande d’emplois est forte : cela se traduit par une baisse du
chômage car l’activité crée plus d’emplois qu’elle n’en détruit. Et donc le V augmente et le
point d’équilibre va se déplacer le long de la courbe de Beveridge vers la gauche.
Inversement, en période de ralentissement, le marché du travail détruit d’avantage d’emplois
qu’il n’en crée ce qui se traduit par une hausse du chômage. Par conséquent, le V diminue et
le point d’équilibre va se déplacer la long de la courbe vers la droite.
Une amélioration de l’appariement sur le marché du travail se traduit non pas par un
déplacement le long de la courbe vers la gauche mais par un déplacement vers la gauche de la
courbe en elle même, correspondant à un meilleur matching.
En effet, une courbe qui se rapproche de l’origine des axes témoigne que la marché du travail
fonctionne de manière plus fluide et enregistre une meilleure adéquation entre profils des
postes offerts et demandés.
Conclusion :
Le chômage a non seulement changé de nature en passant de conjoncturel à structurel, il a
également vu ses causes se modifier profondément.
Il convient par conséquent d’adapter les politiques de l’emploi afin de parvenir à résorber ce
chômage de masse.