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UNIVERSITE
JEAN LOROUGNON GUEDE
UFR DES SCIENCES ECONOMIQUES
ET GESTION
COURS D’INTRODUCTION A
LA GESTION DES RESSOURCES
NATURELLES
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CHAPITRE INTRODUCTIF
Section 1 : Emergence et dynamique de l’économie environnementale
Les années 1970, avec les deux chocs pétroliers apportant la preuve d’une raréfaction
d’un nombre croissant de ressources naturelles, vont mettre au goût du jour les préoccupations
environnementales. Dans ce contexte, des chercheurs, regroupés au sein du Club de Rome,
ont publié en 1972 « The limits to Growth » (Meadow et al. 1972), puis sa suite « Beyond the
limits » (Meadow et al. 1992), et une mise à jour supplémentaire douze ans plus tard. Ce
rapport affirme que si les tendances économiques et écologiques actuelles se perpétuent, la
plupart des ressources naturelles seront à terme épuisées, ce qui limitera toute croissance
économique. Ainsi, deux siècle plus tard, l’état stationnaire inéluctable de l’économie classique
resurgit dans le Rapport du Club de Rome : « l’idée de la croissance zéro est apparue à beaucoup
comme une résurgence des thèmes malthusiens, dans laquelle la pénurie des ressources naturelles et la
pollution joueraient le même rôle que la limitation des terres disponibles et les rendements décroissants
en agriculture chez les classiques » (Faucheux et Noël, 1995, p. 48).
A ce défi posé par la question environnementale, l’analyse économique va répondre
par une diversité d’approches.
L’émergence de l’économie environnementale en tant que domaine d’analyse à part
entière, est caractérisée par la naissance deux écoles, deux philosophies différentes du point
de vue de leurs visions : d’un côté les « pessimistes » et de l’autre les « optimistes » (Vivien,
2005).
L’Ecole des « optimistes », adopte la démarche néoclassique standard et prolongent les
travaux de Hotelling et de Pigou par la création de deux courants de l’économie
environnementale: l’économie de l’environnement et l’économie des ressources naturelles. Ces
deux courants, appelés couramment « économie de l’environnement », insèrent les problèmes
environnementaux dans le cadre des méthodes d’analyse néoclassique.
L’économie de l’environnement considère l’environnement comme fondamentalement
extérieur à la sphère économique. Et l’environnement est pris en compte par l’analyse
économique s’il perturbe, en tant qu’externalités, l’allocation optimale des ressources. Dans ce
cas, il faut le soumettre à une logique de marché. L’internalisation des effets externes
environnementaux se présente alors comme le centre d’intérêt de ce courant de l’économie
environnementale. Ce pourquoi l’économie de l’environnement est généralement assimilée à
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une économie de la pollution. Celle-ci est analysée comme une désutilité pour les agents
économiques non exprimée sur le marché par le biais d’un signal-prix.
L’économie des ressources naturelles, quant à elle, perçoit l’environnement, non
comme source d’externalité mais comme un capital naturel, un stock de ressources matérielles.
Ce stock se subdivise en ressources épuisables et en ressources renouvelables. L’utilisation
intertemporelle optimale de ces ressources est fonction de leur prix de marché, indicateur du
niveau et de la durée des prélèvements. La démarche d’analyse de ce courant de l’économie
environnementale est inspirée du travail de Hotelling (1931). En somme, l’économie des
ressources naturelles vise alors à réhabiliter le marché comme mécanisme régulateur et
socialement optimal de l’épuisement des ressources naturelles.
Dominante par le nombre des travaux et des publications, « économie de
l’environnement » s’est imposée, aux yeux de nombreux décideurs, comme la base la plus
solide parmi les contributions possibles des sciences sociales à la rationalisation des processus
publics des décisions et choix publics de gestion des biens environnementaux. Des revues
académiques spécialisées reconnues comme the Journal of Environmental Economics and
Management, Land Economics, et Environmental and Resources Economics, consacrent le
rayonnement scientifique de l’Ecole des « optimistes ».
L’autre Ecole, celle des « pessimistes », à contribuer à la création de l’économie
écologique. Selon Martinez–Alier (1987), les points de compromis de nombreuses idées qui
animent ce courant peuvent se résumer comme suit. « Il existe une grande incertitude sur le
fonctionnement de l’environnement. Cette incertitude fondamentale est irréductible, dans l’état actuel
de connaissances, et ne peut être probalisée, et partant soumise au seul traitement économique. Bien
plus, la dégradation de nombreux processus écologiques est irréversible. Les instruments économiques
courants n’ont pas alors tout le pouvoir d’aborder ces aspects. »
En somme pour l’économie écologique, l’affirmation que la question de l’environnement
est si décisive pour le devenir humain qu’il faut constituer une nouvelle science. Les outils de
cette nouvelle science devaient être empruntés à la fois aux sciences de la nature et à la science
économique.
C’est ainsi à travers des mouvements de construction pluriels que la pensée économique
de l’environnement est devenue une spécialité reconnue et régulièrement enseignée, d’abord
au stade des cycles doctoraux, et de plus en plus en des niveaux de formation inférieurs.
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Section 2 : Approche définitionnelle de la notion de ressources
naturelles
Van den Berg (1996) définit un actif naturel comme un élément de
l’environnement qui fournit des biens et services utiles, qui puissent être exploités et
qui est dépendant des mécanismes naturels pour son abondance et sa distribution. De
cette définition, il découle une distinction des ressources naturelles entre stock de biens
et services directement utilisables et éléments constitutifs de fonctions écologiques
nécessaires aux activités humaines. Dans le premier cas, on parle de capital naturel
qui se décompose en ressources naturelles épuisables et en ressources non épuisables.
La distinction entre deux catégories de ressources naturelles n’est en fait qu’une
question d’échelle de temps.
Les ressources naturelles épuisables se caractérisent par une capacité à se
régénérer si lente que leur croissance ne peut être prise en compte à l’échelle
humaine. De ce fait, on estime que ces ressources sont disponibles en quantité finie,
par conséquent les utilisations qui leur sont faites aujourd’hui réduit
irrémédiablement leur disponibilité future.
A contrario, les ressources naturelles renouvelables se reproduisent à un
rythme assez régulier de sorte que les prélèvements effectués d’une certaine quantité
de la ressource ne modifie pas le stock total. Néanmoins, il est possible d’épuiser une
ressource renouvelable par une mauvaise utilisation. Le tableau ci-dessous en
donne une description générale.
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La prise en compte du temps implique de considérer et gérer le capital naturel
comme du capital physique. Ainsi, laisser une ressource renouvelable se
régénérer est vu comme un investissement ; extraire un minerai est un
désinvestissement.
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CHAPITRE La gestion optimale des ressources non renouvelables
(épuisables)
La révolution industrielle et les nombreuses découvertes scientifiques qu’elle a
impulsées ont placé les ressources naturelles épuisables au cœur du fonctionnement
des économies modernes. Le pétrole, le gaz naturel, et le charbon dominent la
consommation mondiale d’énergie primaire ; et les minerais offrent aux industries
lourdes leurs principales matières premières, à savoir les métaux. Or pour Dasgupta
et al. (1979), une ressource naturelle est non renouvelable lorsque la somme
intertemporelle des services produits par le stock de cette ressource est finie. Il
ressort alors les préoccupations suivantes :
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leur existence. Ainsi, on parle de Réserves prouvées pour l’ensemble des gisements
« raisonnablement certains » d'être exploités, en utilisant les techniques actuelles, au
prix actuel et selon les accords commerciaux et gouvernementaux en cours ; de
Réserves probables pour l’ensemble des gisements de moindre probabilité
d’exploitation ; et de Réserves possibles pour l’ensemble des gisements "ayant une
chance d'être exploités en tenant compte de circonstances favorables".
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pour tout l’avenir : le stock est fixé. Il s’ensuit que l’extraction d’une unité de la
ressource génère deux coûts :
- le coût de l’extraction ;
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L’utilité intertemporelle est donc la somme, actualisée au taux at, des flux d’utilité, nets des
coûts d’extraction, associée à la trajectoire d’extraction.
2°) Interprétation
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A contrario, s’il existe une date (au moins) pour laquelle son profit marginal
actualisé passe par un maximum, il gagne à extraire et à vendre tout son stock à cette
date, et rien pour les autres dates.
avec le temps. Pour cause, l’extraction présente d’une certaine quantité de la ressource
réduit son stock, et partant sans disponibilité dans le futur. Ce qui induit une hausse
au cours du temps du prix de la ressource. Ainsi, le coût marginal total de production
d’une ressource épuisable comprend deux composantes :
un coût explicite, le coût marginal d’extraction c ;
Rt s’interprète comme la perte d’un profit net futur sur la dernière unité extraite due
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t 0 désigne la période initiale caractérisée par le niveau de prélèvement q0* tel
qu’il aurait réalisé s’il avait reporté sa décision d’extraction une date t
quelconque.
On note Rt, la rente de rareté, ou le coût d’épuisement, ou encore le prix net à la
date t ;
Pour comprendre le sens de la définition donnée à la rente de rareté ou le coût
d’épuisement de la ressource, représentons sur figure la 1.1 ci-dessous représentant
les données du modèle de Hotelling. En abscisses, on porte la quantité extraite et
consommée de la ressource. En ordonnée, on porte la valeur, en unités monétaires
par unité. On représente alors l’utilité marginale de la consommation et le coût
marginal de l’extraction.
Prix /Unité
pt qt
Rt
p (q)
qt q0* q
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4.2°) Enoncé de la Règle de Hotelling
L’équilibre analysé par Hotelling est une situation pour laquelle le producteur
n’a pas à modifier son comportement en faisant des arbitrages d’extraction entre les
différentes dates dans l’optique de minimiser le coût d’usage ou de maximiser son
profit marginal net.
La règle de Hotelling s’établit en remplaçant le profit marginal net par la rente
de rareté à chaque date, la première ligne du système (1) caractérisant la solution
optimale s’écrit :
t
R0 R1 .... Rt ...
Rt 1 Rt 1
r
Rt 1
= 1/(1 + r) soit r = 1/ – 1
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Tableau 2.1 : Principaux gisements ivoiriens de minerais
Minerai Réserves en tonnes avérées à fin 2013
Or Plus de 500
Fer 4 000 Millions
Nickel latéritique 260 Millions
Cuivre-Nickel 40 Millions
Bauxite 1 200 Millions
Manganèse 6 Millions
Colombo-Tantalite 145
Diamant 5 Millions de Carats
(Source, Ministère de l’Industrie et des Mines, RCI : Politiques Industrielles et Minières pour
l’émergence de la Côte d’Ivoire, présentées aux Rendez-vous du Gouvernement, 10 Juillet 2014)
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- les revenus encaissés directement par l’Etat auprès des sociétés
extractives pour un montant de 186,9 milliards FCFA soit 64,46% du
total des revenus du secteur ;
- les revenus encaissés par les deux entreprises de l’Etat « PETROCI »
et « SODEMI » au titre des parts de production et des dividendes
respectivement pour 97,8 milliards de FCFA et 1 milliard de FCFA ; et
- les paiements sociaux pour un montant de 4,2 milliards de FCFA.
La part des revenus extractifs allouée directement au budget de l’Etat provient
essentiellement du secteur des hydrocarbures pour un montant de 151,4 milliards
FCFA suivi du secteur minier avec une contribution de 35,5 milliards FCFA.
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CHAPITRE II : Gestion optimale des ressources renouvelables : Les
ressources halieutiques
Clark définit une ressource renouvelable comme une ressource dans le stock
de laquelle on peut, sans la compromettre, puiser une quantité positive
indéfiniment. Une ressource renouvelable peut être épuisable ou non épuisable,
selon que sa productivité est affectée ou non par son exploitation. Ainsi, les ressources
biologiques (ressources halieutiques, ressources ligneuses..) peuvent finir par être des
ressources épuisables. Ce pourquoi l’exploitation optimale de ces ressources,
garantissant pérennité de leur caractère de ressources renouvelables, a constitué un
champ d’intérêt pour l’analyse économique.
On considère une zone de pêche donnée et une espèce de poissons vivant sur
cette zone. On note x(t) l’état de la population de l’espèce de poissons à la date t. On le
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mesure, par exemple, en nombre d’individus ou en unité de biomasse (Masse de
matière vivante présente ou sur une aire limitée donnée).
Au niveau d’analyse retenu ici, on résume la dimension biologique du
problème en supposant que l’accroissement naturel de la population de poissons, noté
F(x), résulte uniquement de l’interdépendance entre les caractéristiques biologiques de
l’espèce et le milieu naturel considéré.
F(x) détermine le nombre d’individus ajoutés au stock par unité de temps, en
fonction de l’état du stock courant. On pose l’hypothèse logiquement plausible
suivante : F(x) est négatif pour un stock suffisamment grand, et positif sinon. La
spécification la plus simple d’une telle relation est donnée par la loi logistique, due à
Verhulst (1838) :
( )= (1 – ), où :
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lim K F(x) = r x,
c’est-à-dire que, à la limite, lorsque la capacité de charge est très grande, le taux de
croissance de la population de poissons (F(x)/x, par définition) est égal à r.
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- RT = p h : la recette totale ;
- CT = c E : le coût total ;
- = RT – CT : le profit ;
Il est important de dire que le coût de l’effort de pêche est défini de façon
extensive, de manière à intégrer aussi bien les coûts directs (main-d’œuvre, carburant,
amortissement du capital, etc.) que le coût d’opportunité.
En effet, le coût d’opportunité englobe l’ensemble des gains auxquels le pêcheur
renonce du fait qu’il emploie son capital humain et financier dans ce secteur, plutôt
que dans un autre secteur de l’économie.
c
Pour la suite, il est utile de poser l’hypothèse : K
pq
Ceci revient à ne retenir que les espèces dont l’exploitation est économiquement
rentable. En effet, l’exploitation d’une espèce n’est rentable que s’il existe des valeurs
de l’état de la population de l’espèce x pour lesquelles le secteur de la pêche peut
dégager un profit positif. Or, le profit est égal à :
= (p q x – c) E,
pour un état x donné de la population de poissons. Il est donc croissant avec x. Sachant
que l’état de la population est au maximum égal à K, la capacité de charge du milieu
naturel, un profit positif peut être dégagé si la condition: p q K – c 0 est satisfaite.
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x’ = F(x) – h, soit
x’ = r x (1 – x/K – q E/r) ;
L’état de la population de poissons est en équilibre stationnaire lorsque son
accroissement est égal au prélèvement effectué sur la période, soit :
F(x) = h , par conséquent, x’ = 0
Le prélèvement assurant l’équilibre stationnaire est dit soutenable au sens où il
correspond à l’accroissement de la population sur la période, et ne compromet pas
alors la capacité de reproduction de la ressource.
Le modèle repose sur l’hypothèse de travail selon laquelle l’état de la population
de poissons x est supposé s’ajuster infiniment vite à tout effort de pêche E et rejoindre
par conséquent instantanément l’équilibre stationnaire associé, égal à :
(1 – q E / r) K : solution en x de l’équation x’ = 0.
Sous cette hypothèse, on peut remplacer x par (1–qE/ r)K dans l’expression du
prélèvement h = q E x, pour obtenir la première équation du modèle de Gordon-
Schaefer.
La conséquence immédiate de cette hypothèse est que le prélèvement croît avec
l’effort de pêche E, quand ce dernier est petit, puis décroît ensuite, quand il augmente.
Ceci tient au fait que la ressource se raréfie, à l’équilibre stationnaire, avec l’effort de
pêche.
La figure 2.2 ci-après, inspirée de Schaefer (1957), présente graphiquement les
données du modèle. En abscisses, on porte l’effort de pêche E. En ordonnées, on
représente la recette totale RT et le coût total CT de l’effort de pêche E. On déduit des
précédentes les données suivantes :
- RM = RT/E = pq(1 – q E/r) K : la recette moyenne de l’effort de pêche ;
- Rm = RT E = pq(1 – 2qE/r) K : la recette marginale de l’effort de pêche ;
- CM = CT/E = c : le coût moyen de l’effort de pêche ;
- Cm = CT E = c : le coût marginal de l’effort de pêche.
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Figure 2.2 : Représentation graphique des données du modèle Gordon-Schaefer
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Sur la figure du bas, ce point correspond à l’intersection de la courbe Rm avec l’axe
des abscisses. On montre facilement que la solution a pour expression est : (EPMS, xPMS)
= (r/2q,K/2).
Noté (E*, x*), il est obtenu grâce aux respects des deux conditions suivantes :
d’une part, l’état de la population de poissons est stable ;
d’autre part, le secteur de la pêche a la même rentabilité que le reste de
l’économie.
Dans le modèle de Gordon-Schaefer, l’effort de pêche de l’équilibre bio-
économique vérifie simplement : RT = CT.
En effet, par construction, n’importe quel point de la courbe RT vérifie la
première condition.
La seconde condition est remplie lorsque RT = CT.
On situe donc l’équilibre bio-économique, sur la figure du haut, au point d’intersection
des courbes RT et CT. On le retrouve, sur la figure du bas, à l’intersection des courbes
RM et CM.
On déduit l’expression analytique de l’équilibre bio-économique :
(E*, x*) = (r (1 –c/(pqK))/q, c/(pq)).
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sous ces hypothèses, le propriétaire prend en compte les effets à long terme de son
prélèvement actuel, puisqu’il est seul à en subir les conséquences.
Si l’effort de pêche E0 maximise le surplus, il vérifie la condition d’optimalité du
premier ordre : Rm = pq(1 – 2qE0/r) K = c = Cm, qui garantit qu’on applique toutes les
unités d’effort de pêche qui rapportent plus qu’elles ne coûtent. En transformant cette
égalité, on trouve : E0 = r (1 – c/(pqK))/2q,
L’état d’équilibre de la population correspondant est :
x0 = (1 – qE0/r)K = (1 + c/(pqK)) K/2.
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Les thons majeurs sont directement utilisés par les conserveries. En ce qui concerne
la production artisanale (petits pélagiques, thonidés côtiers), elle est
essentiellement transformée en poissons fumés. Ces produits de faible valeur
marchande sont entièrement consommés en Côte d’Ivoire et pour l’essentiel dans les
zones littorales. Ces produits jouent un rôle clé pour la sécurité alimentaire locale.
80 000
70 000
60 000
50 000
40 000
30 000
20 000
10 000
0
2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012
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barrages et retenues d'eau couvrant environ une superficie de 64 000 ha
et près de 100 000 ha de bas-fonds propices à l'élevage de poissons.
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