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2018/2019

FISCALITE INTERNATIONALE
F TURQ - Université Paris Descartes

DOSSIER N° 2 : ÉTABLISSEMENT STABLE

Il résulte des dispositions, tant du CGI marocain (art. 5) que du CGI français (art. 209), que
les bénéfices passibles de l'IS sont constitués, en principe, par les bénéfices réalisés dans les
entreprises exploitées sur le territoire ainsi que par ceux dont l'imposition est attribuée à l’état
par une convention internationale relative aux doubles impositions.

I - LES PRINCIPES

I - 1 - le concept d’exploitation
Les lois marocaines ou françaises ne prévoyant que le principe général de territorialité de
l'impôt sur les sociétés, on doit s’appuyer sur la jurisprudence et la pratique administrative.

Selon l’OCDE, l’expression « établissement stable » désigne une installation fixe d’affaires par
l’intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité.

En France, le Conseil d'État a été amené à définir la notion d'« entreprise exploitée en
France » ou à l'étranger. Bien évidemment, les critères définis par cette juridiction ne
s’appliquent qu’en absence de dispositions conventionnelles. Il en résulte que, sont
imposables, les entreprises :
- qui, sans posséder d'établissement sur le territoire, y utilisent néanmoins le concours
de représentants n'ayant pas de personnalité professionnelle distincte de la leur ; ces
intermédiaires sont considérés comme de véritables préposés exerçant une activité
dans le pays pour le compte de l'entreprise étrangère ;
- ou bien, qui, sans avoir sur le territoire d'établissement ou de représentant qualifié, y
réalisent des opérations formant un cycle commercial complet.

Inversement, les entreprises peuvent échapper à l'impôt sur les sociétés, non seulement à
raison des profits tirés d'un établissement situé à l'étranger, mais aussi :
- lorsque les opérations qu'elles réalisent habituellement à l'étranger sont effectuées
avec le concours d'intermédiaires n'ayant pas de personnalité professionnelle
indépendante ;
- ou lorsque lesdites opérations forment un cycle commercial complet à l’étranger et se
détachent des autres opérations de l'entreprise.

Les bénéfices réalisés à l'étranger par une société́ marocaine ne sont pas imposables à l'I.S,
lorsqu’ils sont :
- réalisés par l'intermédiaire d'un établissement situé à l’étranger ;
- réalisés dans le cadre d'un cycle commercial complet d'opérations réalisées à
l’étranger.

1
Toutefois, les rémunérations des prestations de services ponctuelles rendues par la société́
marocaine à ses établissements à l'étranger ainsi que les sommes correspondant à la
participation de ces établissements aux frais de siège de la société́ marocaine restent
soumises à̀ l’I.S. au Maroc dans les conditions de droit commun.1

Aux États Unis :


Permanent Establishment Concept in U.S. Income Tax Treaties: In general, U.S. income tax
treaties define a U.S. permanent establishment to include a fixed place of business in the
United States through which the foreign enterprise carries on its business. However, a foreign
enterprise will not be deemed to have a U.S. permanent establishment if its activities in the
United States are limited to certain activities --generally those of a preparatory or auxiliary
nature. A separate IPS unit covers this exception.2

Au Royaume Uni :
Under the FA03/S148 definition, a non-resident company has a domestic law permanent
establishment in the UK if:
- it has a fixed place of business here through which the business of the company is
wholly or partly carried on, or
- an agent acting on behalf of the company has and habitually exercises here authority
to do business on behalf of the company. (As long as that agent is not of independent
status acting in the ordinary course of his business.)3

Selon l’article 5 de la convention modèle OCDE :


2. L’expression « établissement stable » comprend notamment :
a) un siège de direction,
b) une succursale,
c) un bureau,
d) une usine,
e) un atelier et
f) une mine, un puits de pétrole ou de gaz, une carrière ou tout autre lieu d’extraction de
ressources naturelles.
3. Un chantier de construction ou de montage ne constitue un établissement stable que si sa
durée dépasse douze mois.

I - 2 - Exercice habituel d’une activité

a - Établissement
La condition d'exercice habituel d'une activité est notamment remplie lorsque l'entreprise
exploite un « établissement » qui se caractérise, en principe, par l'existence :
- d'un organisme professionnel ;
- dont l'installation présente un certain caractère de permanence ;
- et qui possède une autonomie propre.

Il y a lieu de considérer comme tel toute unité de production ou d'échange formant un


ensemble cohérent, apte à poursuivre certains buts économiques déterminés et siège
d'opérations normalement génératrices de profits. Cet organisme est généralement concrétisé
par une installation matérielle possédant une certaine permanence.

Enfin, l'établissement doit constituer une unité propre ayant une certaine autonomie au sein

1
https://www.fiscamaroc.com/pdf/notes_circulaires_articles/article5.pdf
2
https://www.irs.gov/pub/int_practice_units/TRE9450_06_02.pdf
3
https://www.gov.uk/hmrc-internal-manuals/international-manual/intm264050

2
de l'entité juridique constituée par l'entreprise. L'autonomie de l'établissement peut être
caractérisée, notamment, par l'existence des éléments suivants ou de certains d'entre eux :
- d'un personnel distinct ou d'un préposé spécialement délégué ;
- de services commerciaux, financiers ou techniques propres ;
- d'une comptabilité séparée de celle du siège ;
- d'un centre de décision.

Il est parfois procédé au fractionnement des activités sur le territoire : on évite ainsi l’apparition
de l’établissement stable, entité dotée d’un certain nombre de moyens.

En droit marocain, il n'est pas nécessaire, pour qu'une opération soit imposable, qu'elle se
situe dans le cadre d'une activité exercée de manière habituelle. L'opération occasionnelle est
soumise à l'I.S., dès lors qu'en raison de sa nature, elle revêt un caractère lucratif.

Dans la pratique marocaine, la fourniture de services par un prestataire non-résident est


considérée comme un établissement stable si sa durée est de six mois. Cette durée est bien
inférieure dans les conventions avec la Belgique (2,5 mois), l'Algérie (3 mois), la Corée (3
mois), etc. C'est avec le Pakistan que cette durée est la plus faible : un mois.4

MAROC FRANCE
Est réputé établissement stable, sous réserve des D'une manière générale, sont considérés
dispositions des conventions et accords : comme constituant des établissements :
- un siège de direction ou d'exploitation ; - le siège de la direction d'une
- une succursale, une agence, un magasin de entreprise ;
vente ; - une usine ou un atelier de
- un chantier de construction ou de montage ; fabrication ;
- un bureau ou comptoir d'achats exploité au - un bureau, un comptoir d'achat ou
Maroc par une société non résidente qui y de vente
procède à l'achat de marchandises en vue de - une succursale, un magasin, une
leur revente en l’état. agence ;
- une mine, carrière ou tout autre lieu
Il en est ainsi même si : d'extraction de ressources
- ce bureau ou comptoir est destiné à naturelles ;
approvisionner la société non résidente ou un - un chantier nécessitant des travaux
de ses établissements à l’étranger ; importants, continus, de longue
- la revente des marchandises et l'encaissement durée ainsi que la prise de décisions
des fonds n'ont lieu qu'à l'étranger. techniques par des responsables se
trouvant sur ce chantier.

L’installation doit présenter une certaine autonomie à l’égard du siège ; c’est d’ailleurs cette
autonomie qui la rend apte à poursuivre les buts économiques qui lui sont assignés. Une
exploitation qui serait pleinement dépendante du siège et qui ne pourrait fonctionner seule ne
pourrait pas être individualisée fiscalement.
Pour être fiscalement « indépendant », il faut que l’établissement le soit d’abord
économiquement. Autrement dit, l’exploitation située à l’étranger, tout en n’étant qu’un simple
démembrement du siège, fonctionne comme si elle était en réalité une entreprise à part
entière. Elle dispose, pour ce faire, d’un personnel distinct, de services commerciaux,
financiers, techniques propres et parfois d’une comptabilité séparée de celle de la société.
En résumé, il faut que la valeur ajoutée qui sera imposable à l’étranger soit personnellement
« imputable » à l’établissement, qu’elle résulte de sa création propre.

4
http://www.maghress.com/fr/leconomiste/70719

3
Exemple :
Une succursale sans autonomie de gestion qui ne réalise aucune affaire en France, mais
se borne à assurer pour le compte de son siège situé hors de France, auquel est refacturé
l'ensemble des frais qu'elle expose, le suivi et la coordination de budgets de publicité, ne peut
être regardée comme exploitant une entreprise en France, dès lors qu'il n'est pas établi
que son gérant serait investi de pouvoirs lui permettant de conclure des contrats au nom de la
société ou d'intervenir comme instance de décision dans le traitement d'affaires.5

Certaines activités sont par ailleurs exclues de cette définition :


4. … on considère qu’il n’y a pas « établissement stable » si :
a) il est fait usage d’installations aux seules fins de stockage, d’exposition ou de livraison
de marchandises appartenant à l’entreprise ;
b) des marchandises appartenant à l’entreprise sont entreposées aux seules fins de stockage,
d’exposition ou de livraison ;
c) des marchandises appartenant à l’entreprise sont entreposées aux seules fins de
transformation par une autre entreprise ;
d) une installation fixe d’affaires est utilisée aux seules fins d’acheter des marchandises ou
de réunir des informations, pour l’entreprise ;
e) une installation fixe d’affaires est utilisée aux seules fins d’exercer, pour l’entreprise, toute
autre activité de caractère préparatoire ou auxiliaire ;
f) une installation fixe d’affaires est utilisée aux seules fins de l’exercice cumulé d’activités
mentionnées aux alinéas a) à e), à condition que l’activité d’ensemble de l’installation fixe
d’affaires résultant de ce cumul garde un caractère préparatoire ou auxiliaire.6

L’établissement stable suppose normalement le caractère de permanence, aussi certaines


entreprises ont elles imaginé de fractionner les activités, pour faire disparaitre cet élément :
Splitting-up of contracts
... The twelve month threshold has given rise to abuses; it has sometimes been found that
enterprises (mainly contractors or subcontractors working on the continental shelf or engaged
in activities connected with the exploration and exploitation of the continental shelf) divided
their contracts up into several parts, each covering a period less than twelve months and
attributed to a different company which was, however, owned by the same group7

La société Google France a récemment été à l’origine d’un contentieux au terme duquel le
tribunal administratif de Paris a considéré qu’elle ne constituait pas un établissement stable :

Sur le pouvoir de la SARL Google France d’engager la société́ Google Ireland Limited :

9. Considérant qu’aux termes du contrat de prestations de services … que l’article 2.1. Dudit contrat
stipule par ailleurs : « Lors de la fourniture de l’assistance de soutien à la vente, [la SARL Google
France] comprend et convient qu’[’elle] n’a pas le pouvoir d’engager la Société́ [Google Ireland
Limited], d’agir comme mandataire ou représentant autorisé à agir en tant que mandataire pour le
compte ou au nom de la Société́ [Google Ireland Limited], ou de signer tout contrat ou accord au nom
de la Société́ . Plus spécifiquement, [la SARL Google France] ne négociera pas de contrats ou de
licences pour le compte de la Société́ [Google Ireland Limited] ni n’acceptera de commandes pour le
compte de [cette dernière] » ;

5
http://bofip.impots.gouv.fr/bofip/4264-PGP.html
6
https://juricaf.org/arret/FRANCE-COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE DOUAI-20170713-
15DA01938
7
OECD/G20 Base Erosion and Profit Shifting Project- Preventing the Artificial Avoidance of
Permanent Establishment Status - ACTION 7: 2015 Final Report

4
12. Considérant, toutefois, que si les éléments énumérés au point précèdent tendent à̀ faire regarder les
tâches confiées à certains des salariés de la SARL Google France comme excédant le strict cadre des
missions dévolues à cette dernière aux termes du contrat de prestations de services décrit au point 9,
aucun de ces éléments ne permet d’établir que les salariés concernés seraient investis du pouvoir d’agir
pour le compte et au nom de la société́ Google Ireland Limited ; 8

b - Opérations effectuées par des représentants


L'exercice habituel d'une activité peut également s'exercer l'intermédiaire de
« représentants ». Mais il convient de distinguer à cet égard selon que les « représentants »
possèdent ou non une personnalité professionnelle distincte de celle de l'entreprise qui a
recours à leurs services.

Représentants indépendants (commissionnaires, courtiers et d'une manière générale, tous


intermédiaires à statut indépendant) : l'entreprise qui effectue des opérations par leur
entremise dans un pays étranger doit être considérée comme n'exerçant personnellement
aucune activité dans ce pays. Elle doit être regardée comme n'exploitant qu'une seule
entreprise et elle est par suite imposable dans son propre pays à raison de l'ensemble des
bénéfices afférents à cette entreprise, les opérations à destination de l’étranger étant
analysées comme des exportations ou des livraisons intracommunautaires.
Bien entendu, les commissionnaires, courtiers et représentants indépendants demeurent
personnellement imposables à raison des profits qu'ils réalisent dans le cadre de leur activité
professionnelle, les charges engagées par eux n’étant pas des charges de l’entreprise
française.

Selon l’article 5 de la convention OCDE :


6. Une entreprise n’est pas considérée comme ayant un établissement stable dans un État
contractant du seul fait qu’elle y exerce son activité par l’entremise d’un courtier, d’un
commissionnaire général ou de tout autre agent jouissant d’un statut indépendant, à condition
que ces personnes agissent dans le cadre ordinaire de leur activité.

On observe une pratique visant le contournement de la notion d’établissement stable : par


simple contrat, on peut transférer une activité à un représentant apparemment indépendant.
Au lieu d’un établissement réalisant une marge bénéficiaire, on a désormais un représentant
rémunéré par une commission minimisée.
Un accord de commissionnaire désigne un accord en vertu duquel une personne vend des
produits dans un État donné en son propre nom mais pour le compte d’une entreprise
étrangère qui possède ces produits. Par le biais d’un tel accord, une entreprise étrangère est
en mesure de vendre ses produits dans un État sans y avoir d’établissement stable auquel
ces ventes pourraient être attribuées à̀ des fins fiscales ; étant donné que la personne qui
conclut les ventes ne possède pas les produits qu’elle vend, elle ne peut pas être imposée sur
les bénéfices générés par ces ventes et ne peut l’être que sur la rémunération qu’elle perçoit
pour ses services (généralement une commission).9

Représentants sans personnalité professionnelle indépendante de celle de l'entreprise qui les


emploie, agissant pour son compte et apparaissant en fait comme ses préposés
(représentants permanents par exemple) : l'entreprise doit être considérée comme exerçant
directement et personnellement dans le pays en cause une activité imposable.

8
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PARIS N° 1505113/1-1 – 12/07/2017
9
OECD/G20 Base Erosion and Profit Shifting Project - Preventing the Artificial
Avoidance of Permanent Establishment Status - Action 7: 2015 Final Report

5
c - Cycle commercial complet

MAROC FRANCE
Les opérations réalisées au Maroc par une L'exercice habituel d'une activité peut enfin
société non résidente et constituant un cycle résulter de la réalisation d'un cycle commercial
commercial complet sont imposables à l'I.S. et complet d'opérations, alors même que
ce, même si leur réalisation s'effectue en l'entreprise ne posséderait dans le pays
l'absence de tout établissement et sans recours concerné aucun établissement ou représentant
à un représentant mandaté à cet effet par ladite permanent.11
société.10

Un cycle complet correspond généralement à une série d'opérations commerciales,


industrielles ou artisanales dirigées vers un but déterminé et dont l'ensemble forme un tout
cohérent :
- L'exemple le plus caractéristique du cycle complet est celui des opérations d'achat de
marchandises suivies de leur revente.
- On trouve également le cas d’une société d’assurance étrangère qui, sans
représentant local, prospecte des clients potentiels, encaisse les primes et verse le
capital, le tout à partir de son siège à l’étranger.
- Peuvent également constituer un cycle commercial complet les opérations d'extraction,
de transformation, de lotissement de terrain, de prestations de services ou les
opérations financières, dès lors qu'elles correspondent à l'exercice habituel d'une
activité distincte.

d - Sites internet
L’évolution technologique et l’élargissement du champ géographique sont des éléments dont
tous les systèmes fiscaux doivent tenir compte, notamment en matière de commerce
électronique.
Traditionnellement, le concept d'établissement stable suppose une présence physique de
l'entreprise sur le territoire, or Internet crée une nouveauté en permettant de réaliser des
opérations commerciales sans disposer nécessairement d'une telle présence. Ce n'est que
dans des cas exceptionnels où l'entreprise étrangère disposerait de son propre équipement
informatique dans un état et y emploierait du personnel pour le faire fonctionner, qu'il serait
facile de considérer que cette entreprise dispose d'un établissement stable dans cet état.

Cette conception traditionnelle permet cependant, s’agissant des serveurs, dans la mesure où
leur appréhension dans l'espace et dans un lieu donné est susceptible d'être effectuée, de leur
appliquer la notion d'établissement stable à l'emplacement où se trouve localisé le serveur.
Le Comité de l’OCDE a toutefois estimé que :
- la localisation d'un serveur ne permet pas à elle seule de retenir l'existence d'un
établissement stable,
- il est nécessaire, en outre, que le serveur soit à la disposition de l'entreprise
- et que des fonctions essentielles de cette entreprise soient réalisées par l'intermédiaire
du serveur.

Seul le respect de ces trois conditions cumulatives permet en conséquence de retenir


l'existence d'un établissement stable en matière de commerce électronique et donc de déroger
au principe de taxation dans l'État de résidence de l'entreprise.

10
http://www.fiscamaroc.com/pdf/notes_circulaires_articles/article5.pdf
11
http://bofip.impots.gouv.fr/bofip/4262-PGP.html

6
Bien évidemment, dans le cadre de l’économie numérique, il est aisé de localiser
l’infrastructure technique et physique dans un état à fiscalité privilégiée ; on peut ainsi éviter
une imposition jugée trop lourde.

Cela est d’autant plus simple que :


- Les contrats sont généralement conclus à distance via l’Internet ou par téléphone.
- Les paiements s’effectuent exclusivement par carte de crédit ou par d’autres moyens
de paiement électroniques, en utilisant des formulaires en ligne ou des plateformes
liées ou intégrées aux sites Internet correspondants.
- Les sites Internet constituent l’unique vecteur utilisé pour entrer en relation avec
l’entreprise ; aucun magasin ou aucune agence physique n’intervient pour exercer les
activités fondamentales, à l’exception des bureaux situés dans les pays où la société
mère ou la société exploitante est implantée.
- L’utilisation effective du bien numérique ou la fourniture du service numérique ne
nécessite pas une présence physique ou la participation d’un produit matériel autre
que l’utilisation d’un ordinateur

Cet état de fait a amené l’OCDE à proposer d’établir une imposition en cas de « présence
numérique significative12 ». Pour une entreprise engagée dans une activité entièrement
dématérialisée, une présence numérique significative serait réputée exister dans un pays
lorsque, par exemple :
- Un nombre significatif de contrats prévoyant la vente de produits ou la fourniture de
services entièrement dématérialisés sont signés à distance entre l’entreprise et un
client résident dans le pays à des fins fiscales.
- Les biens ou services numériques de l’entreprise sont largement utilisés ou
consommés dans le pays.
- Des paiements substantiels sont effectués en faveur de l’entreprise par des clients
situés dans le pays en lien avec des obligations contractuelles générées par la
fourniture de biens ou de services numériques effectuée dans le cadre des activités
fondamentales de l’entreprise.
- Une succursale existante de l’entreprise dans le pays exerce des fonctions
secondaires, de type conseil ou commercialisation, qui ciblent des clients résidents du
pays et qui sont étroitement liées aux activités fondamentales de l’entreprise.

La Commission européenne prévoit également une réforme fiscale commune applicable aux
activités numériques. Celle-ci devrait permettre aux États membres de taxer les bénéfices (et
non les revenus) qui sont réalisés sur leur territoire, même si une entreprise n'y est pas
présente physiquement. Dans ce cas, on pourrait taxer ces plateformes numériques dans un
État membre si elles ont, dans cet État, une « présence numérique » imposable ou un
établissement stable virtuel. Notons qu'une plateforme numérique sera considérée comme
ayant une « présence numérique » imposable ou un établissement stable virtuel dans un État
membre si elle satisfait à l'un des critères suivants :
- elle génère plus de 7 millions € de revenus annuels dans un État membre ;
- elle compte plus de 100 000 utilisateurs dans un État membre au cours d'un exercice
fiscal ;
- plus de 3000 contrats commerciaux pour des services numériques sont créés entre
l'entreprise et les utilisateurs actifs au cours d'un exercice fiscal.

Certaines entreprises se réfugient derrière l’exception de l’article 5 de la convention OCDE,


en argumentant sur le caractère accessoire de certaines activités numériques :

12
Relever les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l’économie – Note politique Telle
qu'approuvée par le Cadre inclusif sur le BEPS le 23 janvier 2019 - OCDE

7
4. … on considère qu’il n’y a pas « établissement stable » si :

e) une installation fixe d’affaires est utilisée aux seules fins d’exercer, pour l’entreprise, toute
autre activité de caractère préparatoire ou auxiliaire ;

Certain processes previously carried out by local personnel can now be performed cross-border
by automated equipment, changing the nature and scope of activities to be performed by staff.
Thus, the growth of a customer base in a country does not always need the level of local
infrastructure and personnel that would have been needed in a “predigital” age.13

e - Entreprises de navigation maritime ou aérienne


Article 12 de la convention franco-marocaine :
1. Les revenus provenant de l'exploitation, en trafic international de navires ou d'aéronefs, ne
sont imposables que dans l'État contractant où se trouve le domicile fiscal de l'entreprise.
2. Si le siège de la direction effective d'une entreprise de navigation maritime est à bord d'un
navire, ce siège est réputé situé dans l'État contractant où se trouve le port d'attache de ce
navire ou, à défaut de port d'attache, dans l'État contractant sur le territoire duquel l'exploitant
du navire a son domicile fiscal.

II - APPLICATIONS
Il résulte des principes développés que les bénéfices provenant d'opérations effectuées par
les entreprises d’un état dans les « établissements » qu'elles possèdent à l'étranger ne sont
pas imposables à l'impôt sur les sociétés dans cet état. Les entreprises qui exploitent
exclusivement des établissements situés à l'étranger et ne possèdent en France que leur siège
social échappent généralement à toute taxation dans le pays.
Lorsqu’une personne morale soumise à l’IS a son siège en France, sa quote part de bénéfice
dans une structure fiscalement transparente ayant une activité à l’étranger n’est pas
considérée comme imposable en France.
Corrélativement les charges ou les pertes afférentes aux opérations effectuées à l’étranger
ne sont pas déductibles des bénéfices soumis à l'impôt sur les sociétés de l’état.

Ce principe doit être modulé en raison du caractère « détachable » ou non des opérations à
l’étranger. On peut en effet trouver des opérations réalisées à l'étranger :
- détachables des autres opérations de l'entreprise
- non détachables des autres opérations de l'entreprise

EXEMPLES D’OPÉRATIONS ÉTRANGÈRES DÉTACHABLES


Établissement :
Dans le cas d'une entreprise française qui, pendant plusieurs années, a exécuté - dans un
pays étranger qui n'était pas lié à la France par une convention fiscale - des opérations de
forage exigeant la prise de décisions techniques par des responsables se trouvant sur le
chantier, il a été jugé qu'une telle activité devait s'analyser comme celle d'une entreprise
exploitée hors de France, eu égard à la continuité, à l'importance et à l'autonomie technique
des opérations réalisées sur place, alors même que des tâches de direction et de gestion

13
OECD/G20 Base Erosion and Profit Shifting Project - Addressing the Tax Challenges of
the Digital Economy - ACTION 1: 2015 Final Report

8
étaient exécutées en France.14

Un chantier à Monaco d'une société française de travaux publics doit être considéré comme
une entreprise exploitée hors de France en raison de la durée, de la continuité et de
l'importance des travaux alors même que certaines tâches de direction, de gestion et
d'approvisionnement sont exercées en France.15

Ainsi, il a été jugé :


- que dans le cas de la vente d'une usine clés en main à l'étranger, les études réalisées
en France ainsi que les opérations faites à l'étranger dans la mesure où elles ne sont
que l'accessoire de ces études constituent une activité exercée en France.
- En revanche, doit être regardée comme constituant une activité exercée à l'étranger
par l'entreprise l'ensemble des opérations effectivement réalisées dans le pays
d'implantation de l'usine, telles que la passation et le suivi des contrats, la réalisation
des installations sur le site, la mise en place de l'infrastructure de chantier, les études
d'ingénierie complémentaires exigées sur le site, les modifications des installations en
résultant ou décidées à la suite de défaillance du matériel, la direction, la supervision
et le contrôle du déroulement des opérations de construction, les opérations de mise
en service et les essais de performance, l'étude et les négociations du financement de
l'ensemble du marché ainsi que les opérations relatives à l'exportation des matériels
nécessaires constituent une activité exercée à l'étranger.16

Représentant autonome :
Une société immobilière qui a son siège en France ne peut y être taxée à raison du gain qu'elle
réalise sur la vente d'un immeuble qu'elle possède dans un pays étranger, dès lors qu'elle a
habilité dans ce pays un représentant qualifié, chargé par elle d'y gérer ses immeubles et, le
moment venu, d'en opérer l'aliénation devant notaire. Il y a lieu, en pareil cas, de réintégrer
dans la base d'imposition en France, la quote-part correspondante des frais généraux
d'administration.17

Cycle commercial complet :


Le Conseil d'État a jugé que ne pouvaient être imposés en France les profits réalisés par une
entreprise à l'occasion d'actes de commerce faits exclusivement à l'étranger, dès lors que ces
actes se détachaient, par leur mode d'exécution, des opérations - pourtant de même nature -
effectuées en France par cette entreprise et caractérisaient l'exercice habituel d'une activité
commerciale à l'étranger. Il s'agissait, au cas particulier, d'une société qui se livrait
habituellement à l'expédition de fruits et primeurs tant en France qu'à l'étranger. Le
Gouvernement anglais ayant interdit en 1935 l'importation des pommes de terre françaises, la
société s'était vue dans l'obligation, pour conserver ses marchés, de se procurer des pommes
de terre d'autre provenance. A cet effet, deux associés s'étaient rendus en Espagne pendant
quelques semaines en vue de procéder aux achats nécessaires. En même temps, un autre
associé assurait en Angleterre la vente des marchandises au fur et à mesure de leur
importation d'Espagne. Aucun des intéressés n'avait d'installation fixe à l'étranger.18

EXEMPLES D’OPÉRATIONS ÉTRANGÈRES NON DÉTACHABLES


Chantier :
Une société française qui exploitait une verrerie avait conclu un contrat relatif à la construction,

14
CE, arrêt du 29 juin 1981, n° 16095
15
CE, arrêt du 29 mars 1978, n° 04883
16
CE, arrêt du 17 mai 1989, n° 34 380
17
CE, arrêt du 5 juin 1937, n° 42274
18
CE, arrêt du 14 février 1944, n° 67442

9
à l'équipement et à la mise en fonctionnement d'une usine de même nature dans un pays
d'Asie. Le contrat comportait une clause d'assistance technique au cours de la première
période de fonctionnement de l'usine, clause en vertu de laquelle la société percevait des
redevances. Au cas d'espèce il a été jugé que :
- d'une part, ni la construction - d'ailleurs exécutée en sous-traitance par une tierce
entreprise - ni l'équipement de ladite usine ne constituaient, pour la société intéressée,
l'exercice habituel à l'étranger d'une activité commerciale détachable de son activité
en France ;
- d'autre part, les prestations fournies au titre de l'assistance technique, ayant été
exécutées à l'aide d'un personnel mis temporairement à la disposition de son
cocontractant, devaient être regardées comme une extension occasionnelle de son
activité, alors même que celle-ci n'aurait pas comporté jusqu'alors de prestations de
l'espèce.19

Activité commerciale :
Cas d'une entreprise sise en France qui, ayant cédé une usine qu'elle exploitait au Japon, a
consenti à l'acquéreur la location de certains éléments de son matériel industriel moyennant
une redevance en partie fonction des bénéfices, la Haute Assemblée a estimé que la société
ne pouvait être regardée, par le seul fait de ce contrat, comme exerçant habituellement une
activité commerciale à l'étranger, qu'au contraire cette opération rentrait par sa nature, bien
que le matériel fût loué hors de France, dans le cadre de l'exploitation de l'entreprise en
France, et ne pouvait, dans les conditions où elle avait été réalisée, en être détachée,
nonobstant la circonstance qu'un représentant ait été spécialement chargé de surveiller sur
place l'exécution dudit contrat.20

C'est ainsi qu'une société qui, sans posséder à l'étranger d'agence ou de succursale, y vend
par l'intermédiaire d'une maison de commission ayant une personnalité indépendante de la
sienne, les produits qu'elle fabrique en France, doit être regardée comme exploitant une seule
entreprise sise en France : elle est par suite imposable à raison de l'ensemble des bénéfices
afférents à cette entreprise.21

Une société, concessionnaire exclusif en France pour la vente, le montage et la réparation de


matériels d'une firme allemande, avait constitué dans les anciens territoires de l'union
française un réseau de concessionnaires indépendants avec qui elle avait, en tant qu'agent
général de la firme allemande, passé des contrats aux termes desquels, moyennant le
paiement d'une commission, elle faisait livrer auxdits concessionnaires les matériels, fixait les
prix, établissait les factures « pro-forma » et procédait éventuellement aux démarches
nécessaires pour l'obtention des licences d'importation. Le Conseil d'État a considéré que les
opérations effectuées outre-mer étant organisées, contrôlées et gérées par le siège de
l'entreprise en France devaient, bien qu'elles fussent réalisées selon des modalités différentes
de celles utilisées dans notre pays, être regardées comme constituant, non un cycle
commercial distinct, mais le simple prolongement des opérations effectuées par ladite
entreprise en France, où se situait le centre de décision.22

Cette jurisprudence a été confirmée dans le cas de sociétés françaises achetant, entreposant
et vendant en gros des vins à l'étranger sans y posséder d'établissement stable. Il a été en
effet jugé que ces opérations de commerce international, bien que matériellement exécutées
hors de France, ne pouvaient être regardées comme réalisées par une entreprise exploitée
hors de France dès lors que toutes les décisions relatives à ces opérations étaient prises en

19
CE, arrêt du 3 avril 1968, n° 70822
20
CE, arrêt du 5 février 1945, n°68348, 72132 et 73150
21
CE, arrêt du 18 mars 1932, n° 16452, 21607 et 24688
22
CE, arrêt du 5 février 1968, n° 62333

10
France, où les sociétés avaient leur siège et leur seul établissement, et que tous les
mouvements financiers correspondant à ces transactions étaient également décidés et
réalisés à partir des sièges sociaux.23

Brevets :
Lorsqu'une entreprise française concède à des sociétés étrangères, moyennant le paiement
de redevances, le droit d'exploiter à l'étranger des brevets lui appartenant, ces redevances
constituent pour elle des recettes qui ne sauraient être détachées de celles qu'elle retire de
son activité en France, sauf en cas d'inscription des droits générateurs des redevances à l'actif
du bilan d'un établissement étranger, si cette inscription est justifiée par l'activité de
l'établissement.24

Activités financières :
Sauf si les placements effectués à l'étranger sont détachables des activités du siège en France
(ce qui peut être le cas lorsqu'ils ont un lien étroit avec un établissement installé hors de
France), les produits correspondants sont imposables en France, à défaut, ils sont réputés
effectués à partir de la France.

Activités immobilières :
Il convient de distinguer les deux hypothèses suivantes :
a. Les immeubles situés à l'étranger sont affectés à l'exercice d'une activité
commerciale habituelle dans le pays de leur situation ou constituent de par leur
gestion, l'exploitation d'une véritable entreprise indépendante.
Lorsqu'une entreprise française exerce une activité commerciale habituelle dans le
pays où sont situés les immeubles, les revenus de ces immeubles - qui figurent à
l'actif du bilan de l'établissement étranger - doivent en principe être compris dans les
résultats de l'activité étrangère et échappent par suite à toute imposition en France.
b. Les immeubles à l'étranger ne sont pas affectés à une activité commerciale
habituelle de la personne morale propriétaire et les conditions de leur gestion ne sont
pas caractéristiques d'une activité détachable de celle du siège.
Dans les situations de ce type, les revenus des immeubles situés à l'étranger sont
imposables en France.

Assurance :
Tel est le cas, également, d'une société effectuant en France -où elle a son siège et ses
bureaux- des opérations de courtage de réassurance ; les opérations de même nature qu'elle
réalise à l'étranger où elle ne dispose d'aucune succursale, ni d'aucun établissement, et qu'elle
effectue, soit par correspondance émanant de son bureau en France, soit par l'intermédiaire
de sous-courtiers installés à l'étranger et ayant une personnalité indépendante, doivent être
regardées comme se rattachant à l'activité exercée en France.25

Navigation :
Une compagnie de navigation ayant à l'étranger son siège social où elle ne possède ni local
spécial ni préposé et où elle ne traite aucune affaire, alors qu'elle a en France le siège de sa
direction, où sont installés ses services techniques, administratifs et commerciaux ainsi que
ceux du contentieux et de la comptabilité, doit être assujettie à l'impôt sur les sociétés au lieu
de ce dernier siège pour l'ensemble de ses activités. Jugé à cet égard, que les opérations de
transport de la compagnie doivent être considérées comme effectuées en France dès lors :

23
CE, arrêt du 14 mars 1979, n° 07098
24
BOI-IS-CHAMP-60-10-20
25
CE, arrêt du 18 juin 1969, n° 68042

11
- d'une part, que ladite compagnie ne possède à l'étranger, ni agence, ni succursale et
que, si elle traite certaines opérations de fret par l'intermédiaire d'entreprises
étrangères, celles-ci n'ont pas qualité pour l'engager et gardent une personnalité
commerciale distincte de la sienne ;
- d'autre part, que l'exploitation de ses navires, bien qu'immatriculés hors de France et
effectuant d'un port étranger à un autre port étranger des transports dont le prix est
payé à l'étranger, ne représente pas une activité détachable des autres opérations de
l'entreprise.26

CAS DES ENTREPRISES ÉTRANGÈRES AYANT DES ACTIVITÉS SUR LE TERRITOIRE


NATIONAL

Les exemples précédents s’appliquaient aux cas d’entreprise ayant leur siège dans l’état (la
France ou le Maroc). Par symétrie, les bénéfices réalisés par une entreprise ayant son siège
à l’étranger (hors France ou Maroc) sont imposables dans ce pays, notamment lorsqu'ils
résultent d'opérations constituant l'exercice habituel d'une activité dans ce pays. Cette
condition est réputée remplie lorsque l'entreprise dont le siège est situé à l’étranger :
- exploite un « établissement » sur le territoire national ;
- y réalise des opérations par l'intermédiaire de représentants n'ayant pas de
personnalité professionnelle indépendante ;
- ou encore lorsque les opérations effectuées sur le territoire y forment un cycle
commercial complet.

Quelques observations particulières27 :


Revenus de valeurs mobilières et d’autres capitaux placés dans un territoire : sous réserve
des dispositions des conventions internationales, ces revenus sont imposables dans l’état
source lorsque le bénéficiaire est une personne morale ayant son siège à l’étranger. En fait,
sauf dispositions conventionnelles, ces produits sont normalement soumis à une retenue à la
source.

Plus-values de cession de droits sociaux : sous réserve des conventions internationales, les
plus-values réalisées par des personnes morales ou organismes, quelle qu'en soit la forme,
ayant leur siège social à l’étranger, doivent donner lieu à imposition dans l’état source.

Participation dans un GIE : Les personnes morales étrangères passibles de l'impôt sur les
sociétés sont personnellement assujetties à cet impôt à raison de la quote-part des bénéfices
des sociétés de personnes ou des GIE, correspondant à leurs droits sociaux.
Cette part de bénéfices est déterminée selon les règles applicables à l'impôt sur les sociétés.

Revenus d’immeubles possédés par une entreprise ayant son siège à l’étranger :
D'une manière générale, lorsqu'une entreprise étrangère exerce dans un territoire une activité
habituelle, les revenus des immeubles qu'elle y possède et qui figurent à son actif doivent,
quelle que soit l'affectation de ces immeubles, être compris dans le bénéfice imposable dans
le territoire.
Lorsqu'elle n'exerce aucune activité habituelle, une société étrangère qui possède un
immeuble à usage commercial ou d'habitation donné en location, est également passible de
l'impôt sur les sociétés, en raison de sa forme ou du caractère lucratif de l'opération, sur les
profits retirés de cette location.

26
CE, arrêt du 3 mars 1958, n° 41135
27
http://bofip.impots.gouv.fr/bofip/4264-PGP.html

12
III - DÉTERMINATION DU RÉSULTAT IMPOSABLE
III - I Principes généraux
La détermination des bénéfices ou des pertes ne soulève généralement pas de difficultés
lorsque les opérations nationales et étrangères sont nettement distinctes et effectuées dans
des établissements autonomes dotés d'une comptabilité particulière. Il en est de même
lorsque l'entreprise possède une organisation comptable centralisée telle qu'il soit possible
d'en extraire les éléments propres à chaque établissement ou à chaque branche d'activité
autonome.
En revanche, lorsqu'il n'existe qu'une seule comptabilité qui enregistre les résultats
d'ensemble de l'entreprise, il convient alors de procéder à une ventilation des produits bruts et
des frais et charges communs à l'ensemble de l'exploitation afin de déterminer la fraction du
bénéfice imposable - ou de la perte déductible - que l'entreprise concernée a réalisé dans
chacun des pays.

Un bénéfice imposable dans un territoire ou certains éléments de ce bénéfice (par exemple,


intérêts, dividendes, redevances...) sont parfois également imposables dans un autre État ou
territoire.
- En absence de convention fiscale, l'impôt supporté à l'étranger sur les bénéfices ou
éléments de bénéfices est admis dans les charges à déduire pour déterminer la base
d'imposition dans le territoire national. Mais cet impôt n'est pas traité comme un crédit
imputable sur l'impôt dû en France.
- Dans le cas d’une convention fiscale, l’impôt étranger n’est pas déductible, mais il
génère un crédit d’impôt.

D'une façon générale, la détermination de cette fraction dépend des conditions de


fonctionnement de l'entreprise.

Ainsi, dans le cas d'une société qui possède en France une fabrique et des services
commerciaux et qui a d'autre part, à l'étranger, un dépôt de marchandises dont la direction est
confiée à un agent spécial résidant sur place et chargé soit d'exécuter les ordres reçus du
siège, soit de recevoir directement les commandes des clients et d'y pourvoir à l'aide de
marchandises en magasin, le bénéfice réalisé sur les affaires traitées avec l'étranger doit être
regardé comme provenant à la fois de l'entreprise industrielle française et de l'entreprise
commerciale exploitée à l'étranger. Il y a donc lieu de rechercher si et comment ce bénéfice
total doit être réparti en un bénéfice de fabrication imposable en France et un bénéfice de
vente imposable pour partie en France et pour partie à l'étranger.28

Dans tous les cas où, ni les conditions de fonctionnement de l'entreprise, ni la comptabilité, ne
permettent de déterminer avec précision les opérations nationales et étrangères, il convient
d'avoir recours à une ventilation forfaitaire. Il y a lieu de noter, toutefois, que le terme
« forfaitaire » employé ici doit être entendu au sens d'« évaluation approchée », mais faite à
partir de données comptables incontestables.

Deux méthodes de ventilation sont à distinguer :


a) La méthode de répartition proportionnelle qui consiste à appliquer au montant du
bénéfice global de l'entreprise un coefficient résultant du rapport de deux grandeurs
préalablement choisies. Parmi les solutions proposées, on trouve :

28
http://bofip.impots.gouv.fr/bofip/4271-PGP.html

13
Bénéfice brut de l’établissement distinct
Bénéfice brut de l’ensemble de l’entreprise

Un comptable peut être étonné par cette méthode de répartition du bénéfice par un rapport de
bénéfices !
Ou bien, pratique plus répandue :

CA de l’établissement distinct
CA de l’ensemble de l’entreprise

la société n'avait pas été en mesure, au cours des opérations de contrôle, d'indiquer le montant
des dépenses engagées pour les opérations réalisées en Côte d'Ivoire et au Maroc ni
d'évaluer, en l'absence de comptabilité analytique, le montant du bénéfice correspondant, et
qu'elle ne contestait pas davantage les calculs auxquels l'administration avait procédé pour
évaluer ce bénéfice, à proportion du rapport entre le montant brut de recettes perçu par la
société provenant de ces trois entreprises et les recettes totales de la société.29

Telle est la méthode retenue par la convention fiscale franco marocaine :

Article 10
4. Lorsque les contribuables dont l'activité s'étend sur les territoires des deux États
contractants sont dans l'impossibilité de faire ressortir distinctement et exactement les
bénéfices afférents aux établissement stables situés dans l'un et l'autre État, le bénéfice
respectivement imposable par ces États peut être déterminé en répartissant les résultats
globaux au prorata du chiffre d'affaires réalisé dans chacun d'eux.

Cette analyse est également applicable pour la répartition de frais communs. C'est ainsi que,
dans le cas d'une société possédant des établissements en France et à l'étranger, il a été jugé
que les frais engagés dans l'intérêt de l'ensemble de l'entreprise, notamment ceux concernant
la gestion du capital et la direction générale de la société, devaient donner lieu à ventilation.
La part de ces frais imputable à l'établissement sis en France a pu être valablement fixée,
dans les circonstances de l'affaire, d'après la proportion existant entre le chiffre d'affaires de
l'établissement français et le chiffre d'affaires global de la société.

b. La méthode de répartition par comparaison qui permet de reconstituer, à partir de


certains éléments déterminés, le bénéfice de l'établissement en cause, que l'on assimile à une
entreprise indépendante.
Ce procédé consiste à comparer l'établissement distinct dont il y a lieu de déterminer le
bénéfice imposable, à celui des entreprises similaires, fonctionnant dans les mêmes
conditions, et participant au même processus économique.
Le résultat recherché peut être obtenu en appliquant au chiffre d'affaires de l'établissement en
cause, le pourcentage moyen de bénéfice net constaté dans les entreprises choisies comme
terme de comparaison. Dans ce cas, aucune déduction n'est faite ensuite au titre des frais
généraux de l'établissement ou des frais communs exposés par le siège.
Il est également possible de multiplier le chiffre d'affaires par le coefficient de bénéfice brut
constaté dans ces mêmes entreprises et de retrancher du résultat ainsi obtenu les frais
généraux de l'établissement concerné et une quote-part des frais communs exposés par le
siège.

Mais, dans de nombreux cas et plus spécialement, lorsque l'on se trouve en présence :

29
Conseil d'État n° 398258 20/12/2017

14
- soit d'activités commerciales auxiliaires ou préparatoires réalisées dans un
établissement, tel qu'un bureau d'achat ou un bureau de vente ;
- soit de prestations de services diverses effectuées sur le territoire, par exemple, par
un bureau d'études, ou de publicité, qui, dans l'un et l'autre cas, caractérisent l'exercice
habituel d'une activité imposable, il convient de recourir à la « méthode de la
commission ».

Le bénéfice réputé réalisé sur le territoire doit alors correspondre à celui que réaliserait
l'établissement, le dépôt ou le bureau en cause s'il effectuait pour le compte de tiers les
opérations qu'il exécute pour la société étrangère dont il dépend.
En d'autres termes, ce bénéfice peut être évalué en défalquant les frais exposés localement
du montant des commissions ou rémunérations diverses que l'entreprise étrangère aurait dû
verser à des tiers (représentants ou prestataires de services) pour effectuer les opérations
qu'elle réalise ainsi directement elle-même.

Bien entendu, la méthode de répartition par comparaison ne saurait être retenue que dans le
cas où la comptabilité ne permet pas l'évaluation exacte des résultats de l'activité déployée ou
lorsque la méthode de répartition au prorata du chiffre d'affaires ne peut être retenue.

III - 2 Modalités d’application


Pour déterminer les résultats positifs ou négatifs de l'activité réputée nationale, du point de
vue fiscal, d'une entreprise qui exerce son activité tant dans le territoire qu'à l'étranger, il
convient d'effectuer la ventilation des résultats globaux de l'entreprise d'après sa comptabilité.
Compte tenu de la nature des opérations effectuées et des conditions particulières
d'exploitation, cette ventilation peut porter :
- soit sur des bénéfices ou revenus ;
- soit sur certaines dépenses communes :
- soit enfin sur les pertes ou déficits subis

a - Ventilation des bénéfices


Dès lors que le bénéfice global d'une entreprise n'est pas réalisé exclusivement sur le territoire
national, il doit faire l'objet d'une ventilation.

b - Ventilation des frais et charges


Les frais et charges afférents aux entreprises exploitées dans le territoire sont normalement
déductibles pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés.
En revanche, les frais qui se rapportent à des entreprises dont les résultats ne sont pas soumis
à l'impôt national ne peuvent venir en déduction des bénéfices imposables.
Il y a lieu de distinguer, parmi les frais et charges d'un établissement, deux catégories
distinctes de dépenses.
- Une première catégorie comprend les dépenses propres à l'établissement qui,
directement imputables à celui-ci, sont facilement déterminables. Il en est ainsi,
notamment, des dépenses de personnel et de direction propres à l'établissement, des
achats de marchandises, matières premières et produits finis, des acquisitions de
matériels et outillages directement affectés à l'établissement, de l'amortissement des
immobilisations sises au lieu d'implantation de l'établissement, etc.
- Une deuxième catégorie englobe les frais et charges pris en compte par le siège de la
direction effective de l'entreprise et qui doivent être, par la suite, partiellement imputés
à chaque établissement distinct. La ventilation de ces charges présente des difficultés
particulières, soit que leur montant ait été comptabilisé globalement, soit que leur
destination apparaisse incertaine.

15
Cas particulier des intérêts versés par les succursales dans un état à des banques
étrangères.
En ce qui concerne les banques et les autres établissements financiers et de crédit, il
convient de distinguer, dans les relations entre un siège et ses succursales étrangères :
- d'une part, les dotations attribuées aux succursales à titre de quasi-capital ;
- d'autre part, les avances en comptes courants inhérentes à la nature même de
l'activité des établissements, c'est-à-dire le commerce de l'argent.

• Distinction des deux catégories d'opérations


Elle ne peut qu'être faite au cas par cas, en fonction de l'ensemble des caractéristiques de
chaque affaire.

• Prise en compte des intérêts


Les dotations obéissent aux règles prévues pour toutes les opérations purement financières
entre un siège et une succursale. Elles ne peuvent donc pas donner lieu au paiement
d'intérêts susceptibles d'être pris en compte pour le calcul des résultats fiscaux.
En revanche, et sous réserve d'être effectuées dans les mêmes conditions que celles qui
sont pratiquées entre établissements bancaires non apparentés, les avances sont traitées
comme des opérations commerciales.
Ces avances peuvent donc être génératrices d'intérêts. Ces intérêts sont déduits du résultat
fiscal de la succursale et intégrés à celui du siège.

• Incidence des conventions fiscales


La plupart des conventions internationales permettent d'appliquer les règles ci-dessus.30

Toutefois, l’entreprise reste libre du choix et de la répartition des modes de financement.


L’administration ne saurait remettre en cause le caractère normal du choix arrêté par le seul
siège de la société de financer par l'octroi d'un prêt, de préférence à un apport de fonds
propres.31

III - 3 Obligations des sociétés passibles de l’IS ayant des activités à l’étranger
Les documents comptables et fiscaux que les entreprises sont tenues de produire doivent être
de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans la déclaration à laquelle ils doivent
être joints.
S'agissant de personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés, ces résultats
imposables s'entendent uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées
dans le territoire ainsi que ceux dont l'imposition lui est attribuée par une convention
internationale relative aux doubles impositions.

Dans le cas français, les sociétés et personnes morales assimilées exerçant partiellement leur
activité à l'étranger sont tenues de produire deux séries de tableaux normalisés à l'appui de
leur déclaration de résultat :
- la première, regroupant les éléments comptables concernant l'ensemble des
activités exercées quelle que soit leur localisation ;
- la seconde, mentionnant les éléments afférents aux seules opérations dont le
résultat est imposable en France.

30
BOI-IS-CHAMP-60-10-40
31
Cour Administrative d'Appel de Versailles, N° 09VE02376 – 08/03/2011

16
IV LE REGIME DES QUARTIERS GENERAUX ET CENTRES DE COORDINATION
Le quartier général exerce des fonctions de direction, de gestion, de coordination ou de
contrôle. Le centre de logistique exerce des fonctions de stockage, de conditionnement,
d'étiquetage ou de distribution de produits et les activités administratives liées à ces fonctions.
Ce type d’entité a trois caractéristiques :
- il fait partie d’un groupe,
- il peut n’avoir aucune personnalité juridique,
- il peut n’avoir aucun produit, étant alors un simple centre de coûts.

MAROC FRANCE
Article 2.- Personnes imposables Instruction du 21 janvier
I.- Sont obligatoirement passibles de l’impôt sur les sociétés :
1997 :
… On considère comme
5°- les centres de coordination d’une société non résidente
« quartier général » une
ou d’un groupe international dont le siège est situé à l’étranger.
société dont le siège est en
Par centre de coordination, il faut entendre toute filiale ou
France ou un
établissement d’une société ou d’un groupe international dont
établissement stable situé
le siège est situé à l’étranger et qui exerce, au seul profit de
en France d'une société
cette société ou de ce groupe, des fonctions de direction, de
dont le siège est à
gestion, de coordination ou de contrôle. l'étranger, qui dépend d'un
groupe international
Article 8.- Résultat fiscal contrôlé depuis la France
… ou l'étranger, et qui exerce
IV.- La base imposable des centres de coordination … est au seul profit de ce groupe
égale à 10 % du montant de leurs dépenses de des fonctions de direction,
fonctionnement. A cette base s’ajoute, le cas échéant, le de gestion, de coordination
résultat des opérations non courantes. ou de contrôle.

Modalités d'imposition à l'impôt sur les sociétés


Ce type de structure est souhaité par de nombreux états, des dispositifs fiscaux favorables ont
donc été mis en place : on va de l’exonération totale à une imposition forfaitaire symbolique.
En droit français comme en droit marocain, sous réserve qu'il s'agisse d'entités passibles de
l'IS, les quartiers généraux ou centres de coordination ont la possibilité d'obtenir à priori de
l'administration l'assurance que le montant de leurs bénéfices imposables à l'IS ne sera pas
remis en cause s'ils le déterminent en fonction d'une marge bénéficiaire pour l'ensemble des
activités qui relèvent des fonctions " quartier général " ou " centres de logistique " , calculée
en appliquant un pourcentage donné au montant des charges d'exploitation courantes.
Le taux de marge retenu est fixé au cas par cas, en fonction des caractéristiques de l'activité
du quartier général et de ses conditions d'exercice, au niveau qui correspond le mieux au profit
qui aurait été réalisé par une entreprise indépendante dans le respect du principe de pleine
concurrence. A titre indicatif, on fait souvent référence en France à un taux de marge forfaitaire
de 8%.

Le Conseil de l'Union européenne ayant adopté un code de conduite dans le domaine de la


fiscalité des entreprises, destiné à enrayer les mesures fiscales dommageables susceptibles
d'influer sensiblement sur la localisation des activités économiques au sein de la
Communauté, et a critiqué certaines législations : le dispositif français des quartiers généraux
et des centres de logistique (et quelques autres, équivalents) a été identifié comme
« dommageable ».
Dans plusieurs États, le régime des quartiers généraux correspond à des « rulings » négociés
avec l’administration fiscale locale. Dans la mesure où ces rulings se bornent à imposer ces
sociétés sur une marge de coûts, appliquée sur l’ensemble de leurs charges, donc à faire
usage d’une des méthodes de détermination des prix de transfert consacrée par l’OCDE, et à

17
la condition que cette marge ne soit pas ridiculement faible, le code de conduite ne devrait pas
s’appliquer. La situation est différente lorsque cette marge « cost plus » ne comprend qu’une
petite partie des frais exposés par la société.32

32
Schaffner – Droit fiscal international – Promoculture Larcier 2014

18

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