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RÉSUMÉ SUMMARY
Les allo-immunisations anti-érythrocytaires chez la femme enceinte sont Diagnosis and management of the alloimmunized
des situations rares mais qui peuvent avoir de graves conséquences pour pregnancy
le fœtus et le nouveau-né. L’identification de ces immunisations doit être The red blood cells alloimmunizations in pregnancy are
faite pendant la grossesse et non en urgence devant les complications rare situations but can have serious consequences for
anémiques fœtales ou hyperbilirubinémiques postnatales. Le diagnostic the fetus and the newborn. The identification of these
d’incompatibilité fœto-maternelle (IFM) est purement biologique. Le suivi immunizations must be done during pregnancy and
biologique des patientes allo-immunisées doit être bien conduit en respec- not urgently face to complications of fetal anemia or
tant pendant la grossesse le calendrier de surveillance des agglutinines postnatal hyperbilirubinemia. The diagnosis of feto-
irrégulières et en effectuant, en cas de positivité, des titrages et dosages maternal incompatibility (FMI) is biological, based on
pondéraux réguliers de ces anticorps anti-érythrocytaires. En fonction a well conducted biological monitoring : respect during
du type d’anticorps, de sa concentration ou de son titre et du terme de pregnancy of recommendation for antibodies screening
la grossesse, un schéma de suivi biologique avec, au-delà d’un certain and titration or dosage of these antibodies. According
seuil, mise en place d’une surveillance clinique va pouvoir être organisé to the type of antibody, its concentration or its titration
afin d’anticiper les moyens médicotechniques de prise en charge de la and the term of pregnancy, a biological monitoring
mère et de son enfant. Par ailleurs, les progrès en biologie moléculaire scheme will be develop and if necessary a clinical
ont permis d’améliorer le diagnostic de ces IFM avec notamment la mise follow-up will be introduced to anticipate medical and
en place du diagnostic non invasif des incompatibilités grâce au génoty- technical means to follow the pregnancy. Moreover,
page des groupes sanguins du fœtus sur sang maternel pour les gènes the advances in molecular biology have improved
RHD et KEL1. Enfin le diagnostic des IFM érythrocytaires et le succès the diagnosis of these FMI including the non-invasive
de leur prise en charge reposent sur un dialogue multidisciplinaire entre diagnosis of incompatibilities, the fetal blood group
biologistes spécialistes de l’immunohématologie périnatale, obstétriciens genotyping from maternal blood for RHD and KELL
et néonatologistes. genes. Finally the diagnosis of erythrocyte FMI and the
success of their treatment based on a multidisciplinary
Incompatibilités érythrocytaires – maladie hémolytique – dialogue between biologists specialized in perinatal
recherche et identification d’agglutinines irrégulières – immunohematology, obstetricians and neonatologists.
titrage/dosage d’anticorps – génotypage de groupe sanguin fœtal.
Red blood cells incompatibility – hemolytic disease
of fetus and new-born – antibodies screening –
antibodies identification – antibodies titration/dosage –
blood group genotyping.
a UF de biologie du CNRHP
Pôle de biologie médicale et pathologie
Hôpitaux universitaires de l’Est Parisien (AP-HP)
Site Saint-Antoine 1. Introduction
184, rue du Faubourg Saint-Antoine
75571 Paris cedex 12 Les incompatibilités fœto-maternelles (IFM) anti-érythrocytaires
sont des situations obstétricales rares. On dénombre 1 à 2
b UF clinique du CNRHP femmes alloimmunisées sur 1 000 en dehors des incompatibili-
Pôle de périnatalité tés ABO. Le processus d’allo-immunisation résulte d’une suite
Hôpitaux universitaires de l’Est Parisien (AP-HP) de phénomènes liés à l’introduction d’un antigène étranger
Site Armand-Trousseau dans la circulation maternelle (hémorragie fœto-maternelle
26, av. du Docteur Arnold-Netter avec introduction d’antigènes d’origine paternelle exprimée
75571 Paris cedex 12 par le fœtus, transfusion incompatible) entraînant la production
d’anticorps chez la mère. La traversée transplacentaire des
* Correspondance anticorps maternels de type IgG va se faire via les récepteurs
agnes.mailloux@sat.aphp.fr FcgRn présents sur le placenta dès le premier trimestre
de la grossesse. Le taux fœtal d’IgG à 20 SA (semaines
article reçu le 29 octobre 2014, accepté le 21 janvier 2015 d’aménorrhées) est de 10 % du taux maternel et peut être
© 2015 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés. supérieur à celui-ci en fin de grossesse. Ces anticorps une
r L’anti-Kell (KEL1) provoquant une anémie fœtale sévère spécifique du fœtus soit mis en place (échographie fœtale
est toujours présent en début de grossesse à des titres et surtout mesure du pic systolique de vélocité au niveau
très élevés supérieurs au 1/64. L’utilisation d’hématies de l’artère cérébrale moyenne). Ce suivi spécifique est
traitées par des enzymes n’est d’aucun intérêt pour destiné à identifier des signes d’anémie commandant une
détecter cet anticorps puisqu’il est d’emblée présent intervention thérapeutique (transfusion fœtale, déclen-
à de forts taux. Le principal piège est la finesse des chement de l’accouchement…) [1].
agglutinats qu’il forme avec les globules rouges, ce qui Cependant, la valeur prédictive du dosage d’anticorps ne
peut rendre la lecture du titrage en technique indirecte doit pas être surestimée car il n’explore pas la capacité de
à l’antiglobuline très délicate (recours à un laboratoire l’anticorps à activer les récepteurs Fcg des macrophages
de référence souhaitable). et il existe en plus des variables fœtales pouvant atténuer
r L’anti-c (RH4) impliqué dans une anémie fœtale sévère le potentiel hémolytique des anticorps.
est également toujours présent au 1er trimestre de la gros-
sesse. Là encore, il peut l’être en limite de détection. Sa 2.4. Le titrage des anticorps
détection est très facilitée par l’utilisation de technique Pour les anticorps du système RH et également les
utilisant des hématies traitées par des enzymes (papaïne). autres anticorps, la technique de titrage peut être réa-
Le principal piège est de se fier à une simple technique lisée. La technique de référence fait appel au test indi-
de titrage puisque le titre souvent faible (anticorps de très rect à l’antiglobuline (TIA ou test de Coombs indirect)
faible affinité pour les globules rouges) est non prédictif en tube sur hématies-test normales en force ionique
d’une atteinte fœtale. physiologique à 37 °C. Le sérum à étudier est mis en
présence d’hématies tests possédant l’antigène cible.
2.3. Le dosage pondéral Après incubation, les hématies tests sur lesquels les
La technique de dosage pondéral peut être réalisée anticorps présents dans le sérum maternel se sont fixés
pour tous les anticorps du système RH : anti-RH1(D), sont lavées et centrifugées au contact d’une antiglobuline
anti-RH2(C), anti-RH3(E), anti-RH4(c), anti-RH5(e). anti-IgG humaine. Après remise du culot en suspension,
La technique de référence est une technique d’hémag- la lecture des agglutinats est macroscopique. Le titre
glutination automatisée en flux continu (Autoanalyser®). en anticorps correspond à l’inverse de la plus grande
Des hématies tests de phénotype RH:1,2,3,4,5 traitées dilution géométrique du sérum pour laquelle on observe
par la broméline, en milieu macromoléculaire, sont mises une agglutination visible à l’œil nu. Une première lec-
en présence du sérum des patientes. Le flux continu et ture directe, avant l’ajout de l’anti-IgG, permet de voir
la présence de spires d’incubation permet à la réaction si une composante IgM (anticorps ne passant pas la
antigène-anticorps de se réaliser. Après élimination des barrière placentaire) est présente. Le titre va dépendre
agglutinats et lyse des hématies restantes non aggluti- en partie de la concentration en anticorps mais surtout
nées, l’auto analyseur réalise une mesure photocolorimé- de son affinité vis-à-vis de l’antigène cible. Il en découle
trique de l’hémolysat, inversement proportionnelle à la qu’un anticorps de haute affinité peut avoir un titre très
concentration en anticorps. La comparaison des mesures supérieur à un anticorps de faible affinité en dépit d’une
d’absorbance avec une gamme étalon d’anticorps de concentration beaucoup plus faible. Ceci rend compte
concentration connue permet de déduire la concentra- des fréquentes discordances observées entre le titre et
tion pondérale apparente de l’anticorps testé. C’est une la concentration de l’anticorps et de l’impossibilité d’éta-
technique lourde avec un coefficient de variation élevé blir une corrélation serrée entre ces deux paramètres.
de 5 à 20 %. C’est pourquoi une augmentation du taux L’exemple le plus flagrant est celui de l’anti-RH4. Cette
en anticorps n’est considérée comme significative que technique n’est pas standardisée et il existe une grande
pour des variations au-delà de 30 %. Il existe 2 variantes variabilité inter-laboratoires.
dans ce dosage. La variante 2 temps utilise des hématies En parallèle du titrage, un score d’agglutination peut
prétraitées par la broméline ce qui facilite la fixation des être calculé. Ce paramètre prend en compte l’intensité
anticorps sur les hématies et permet un dosage global des réactions d’agglutination observées pour chaque
de toutes les fractions d’immunoglobulines (toutes les dilution du sérum positive. Il est un reflet plus précis de
sous-classes d’IgG et IgM). Pour la variante 1 temps la concentration et de l’affinité de l’anticorps et permet,
la broméline est introduite directement dans le circuit, un peu plus finement que le titrage, d’appréhender le
les anticorps IgG3 sont en grande partie détruits ce profil hémolytique de l’anticorps.
qui permet le dosage des anticorps de moyenne ou de De nombreuses variantes de techniques de titrage sont
haute affinité, essentiellement des IgG1. Le résultat du utilisables, notamment les techniques en gel, calquées
dosage pondéral des anti-RH1 s’exprime en μg/mL, en sur les techniques de recherche d’agglutinines irrégu-
unités internationales (IU/mL) ou en unités locales (unités lières. Elles donnent généralement des valeurs de titres
CHP/mL) avec la correspondance suivante : 1 μg d’IgG plus élevées. Les seuils décisionnels cliniques ont été
anti-RH1/mL = 50 UI = 250 UCHP. Pour les autres anti- définis avec la méthode classique de TIA et ne peuvent
corps du système RH le résultat s’exprime uniquement donc être appliqués aux autres techniques de titrage.
en unité locale [2]. Pour la surveillance de la femme enceinte, il est recom-
Le dosage pondéral a permis de déterminer des taux mandé de réaliser des titrages comparatifs avec le sérum
critiques au-delà desquels on observe un risque d’anémie précédent. Pour que l’augmentation d’un titrage soit
fœtale sévère définis en fonction de l’âge gestationnel. considérée comme significative, il faut plus d’une dilu-
Ces taux permettent d’alerter le clinicien pour qu’un suivi tion d’écart avec le sérum précédent.
dont le calcul est établi à partir de la figure 3 en fonction Figure 3 – Concentration en anti-RH1 attendue suite à une
du délai d’administration de l’IgRh et de sa posologie. injection d’IgRH 300 μg faite à 28 SA en IV. La concentration
Une concentration en anti-RH1 inférieure ou égale à la en anti-RH1 diminue de moitié toutes les 3 semaines.
concentration attendue permet de conclure à un anti-RH1
passif. A contrario, une concentration en anti-RH1 supé-
rieure à la concentration attendue doit faire évoquer une
alloimmunisation anti-RH1. La technique de microtitrage
est donc la seule qui puisse répondre de manière précise
à l’absence ou non d’une alloimmunisation anti-RH1.
Tableau II – Valeurs seuils critiques d’alerte des principaux anticorps à risque fœtal.
Dosage pondéral (titre 4 μg/mL 3 μg/mL 2 μg/mL 1 μg/mL 0,7 μg/mL
Anti-RH1
au moins égal au 1/16e) (1 000 U CHP) (750 U CHP) (500 U CHP) (250 U CHP) (175 U CHP)
Semaines d’aménorrhée 18 24 28 32 36
En situation d’incompatibilité, le risque d’anémie fœtale sévère dépend du taux de l’anticorps et de l’âge gestationnel.
Par exemple, un anti-RH1 dosant 1 μg/mL expose un fœtus Rh positif à un risque d’anémie sévère seulement à partir de 7 mois de grossesse
(32e semaine d’aménorrhée). Pour un taux de 4 μg/mL le risque apparaît dès 18 semaines.
Titre : test indirect à l’antiglobuline – hématies-test normales-lecture macroscopique des agglutinats.
Dosage pondéral : seul l’anti-RH1 est couramment exprimé en μg/mL (1 μg = 5 UI = 250 U CHP).
CHP : centre d’hémobiologie périnatale.
3.3. Schéma de suivi Figure 5 – Schéma de prise en charge d’une patiente alloimmunisée anti-RH1.
d’une allo-immunisation
anti-RH1
Suite à l’identification d’un anti-
RH1 chez une femme enceinte en
début de grossesse, un génoty-
page RHD fœtal sur plasma mater-
nel est proposé à partir de 12 SA
pour diagnostiquer une incompa-
tibilité fœto-maternelle RHD, en
parallèle un tirage et un dosage de
l’anti-RH1 sont réalisés (figure 5).
Si le génotypage RHD fœtal est
trouvé négatif sur 2 prélève-
ments, il n’y a pas à craindre une
incompatibilité fœto-maternelle
RHD pour la grossesse en cours
et la surveillance est levée. Nous
conseillons tout de même de
continuer à réaliser une RAI toutes
les 6 semaines, ces patientes étant
plus à risque de développer de
Figure 6 – Schéma de prise en charge d’une patiente alloimmunisée anti-KEL1.
nouveaux anticorps. Si le fœtus
est génotypé RHD positif, la sur-
veillance va dépendre du taux en
anticorps. Si la concentration est
inférieure à < 1 μg/mL, il n’y a pas
de risque d’anémie fœtale sévère
dans l’immédiat, la surveillance
échographique proposée est stan-
dard avec en parallèle un dosage
d’anticorps tous les 15 jours à partir
de 18 SA. Si cette concentration
est supérieure à 1 μg/, il existe un
risque de développement d’une
anémie fœtale sévère, c’est pour-
quoi une surveillance échogra-
phique morphologique et doppler
hebdomadaire est mise en place
dès 18 SA avec en parallèle un
dosage d’anticorps réalisé toutes
les 2 semaines.
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