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COLLECTION ENSEIGNEMENT SUP

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Algèbre II COLLECTION ENSEIGNEMENT SUP //// Mathématiques
ANNEAUX, MODULES ET ALGÈBRE MULTILINÉAIRE

Daniel Guin

L3M1M2

Algèbre II
Ce traité d’algèbre en deux volumes s’adresse aux étudiants de licence
ou master de mathématiques (L3-M1) et à ceux qui préparent le CAPES
ou l’agrégation.

Algèbre II -
Ce tome 2 traite de la notion générale de divisibilité des éléments dans ANNEAUX, MODULES
les anneaux : anneaux euclidiens, principaux, factoriels. Il présente une
généralisation de cette notion aux idéaux – anneaux de Dedekind – et donne ET ALGÈBRE MULTILINÉAIRE
des applications à la théorie des nombres : anneau des entiers d’un corps
de nombres, ramification.

Dans la seconde partie, il traite de l’algèbre linéaire et multilinéaire : modules,


modules sur un anneau principal, dualité, applications multilinéaires,
produit tensoriel, algèbre tensorielle, produit extérieur, algèbre extérieure
(application au déterminant).

ET ALGÈBRE MULTILINÉAIRE
ANNEAUX, MODULES
Chaque notion est développée depuis les définitions de base jusqu’à des
résultats très avancés, avec toutes les démonstrations. Les chapitres sont
suivis de thèmes de réflexion (TR) qui permettent d’étudier en profondeur
des notions qui illustrent ou complètent le cours.

Daniel Guin a été professeur à l’université Montpellier 2 où il a enseigné, en


particulier, l’algèbre à tous les niveaux, de L1 au M2. Ce livre correspond
aux cours qu’il a donnés pendant plusieurs années en L3 et M1. Il est
spécialiste de K-théorie algébrique et d’algèbre homologique.

Daniel Guin
Daniel Guin

COLLECTION ENSEIGNEMENT SUP //// Mathématiques

www.edpsciences.org

29 euros
ISBN : 978-2-7598-1001-7

Anneaux modules et algèbre.indd 1 27/09/13 09:49


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ALGÈBRE
Tome 2
ANNEAUX, MODULES
ET
ALGÈBRE MULTILINÉAIRE

Daniel Guin

17, avenue du Hoggar


Parc d’activités de Courtabœuf, BP 112
91944 Les Ulis Cedex A, France

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Illustration de couverture :

Imprimé en France

ISBN : 978-2-7598-1001-7
Tous droits d’adaptation et de reproduction par tous procédés réservés pour tous pays. Toute re-
production ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages publiées
dans le présent ouvrage, faite sans l’autorisation de l’éditeur est illicite et constitue une contrefaçon.
Seules sont autorisées, d’une part, les reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et
non destinées à une utilisation collective, et d’autre part, les courtes citations justifiées par le caractère
scientifique ou d’information de l’œuvre dans laquelle elles sont incorporées (art. L. 122-4, L. 122-5 et
L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle). Des photocopies payantes peuvent être réalisées avec
l’accord de l’éditeur. S’adresser au : Centre français d’exploitation du droit de copie, 3, rue Hautefeuille,
75006 Paris. Tél. : 01 43 26 95 35.


c 2013, EDP Sciences, 17, avenue du Hoggar, BP 112, Parc d’activités de Courtabœuf,
91944 Les Ulis Cedex A

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TABLE DES MATIÈRES

Avant-Propos vii

Remerciements xi

Avertissement xiii

Partie I Anneaux et modules 1

I Généralités sur les anneaux 3


1 Définitions – Exemples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
2 Idéaux – Morphismes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
3 Idéaux maximaux, idéaux premiers . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
4 Produit d’anneaux – Théorème chinois . . . . . . . . . . . . . . . 18
5 Caractéristique – Corps premiers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
6 Corps des fractions d’un anneau intègre . . . . . . . . . . . . . . . 22

Thèmes de réflexion 29
TR.I.A. Étude de Aut(Z/nZ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
TR.I.B. Localisation et idéaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
TR.I.C. Radical, nilradical . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32

II Anneaux euclidiens, principaux, factoriels 35


1 Anneaux de polynômes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
2 Division euclidienne – Anneaux euclidiens . . . . . . . . . . . . . . 41
3 Anneaux principaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
4 Anneaux factoriels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
5 Divisibilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52

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Algèbre T2

Thèmes de réflexion 55
TR.II.A. Exemples d’anneaux euclidiens . . . . . . . . . . . . . . . 55
TR.II.B. Un anneau principal non euclidien . . . . . . . . . . . . . 56
TR.II.C. Anneaux nœthériens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
TR.II.D. Séries formelles – Séries et polynômes de Laurent . . . . . 58

III Irréductibilité des polynômes – Polynômes symétriques 61


1 Irréductibilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61
2 Fonctions polynomiales – Racines – Dérivations – Multiplicité . . . 66
3 Résultant – Discriminant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74
4 Polynômes symétriques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77

Thèmes de réflexion 83
TR.III.A. Critère d’irréductibilité par extension . . . . . . . . . . . 83
TR.III.B. Critère d’irréductibilité par réduction . . . . . . . . . . . 83

IV Généralités sur les modules 87


1 Modules – Morphismes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87
2 Sous-modules . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90
3 Modules quotients . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91
4 Morphismes et quotients . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92
5 Modules monogènes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94
6 Produit et somme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95
7 Modules libres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96

Thèmes de réflexion 101


TR.IV.A. Propriétés universelles de somme directe et produit direct 101
TR.IV.B. Algèbres – Algèbres de polynômes . . . . . . . . . . . . . 102

V Modules sur un anneau principal 105


1 Modules libres – Modules de type fini . . . . . . . . . . . . . . . . 105
2 Modules de torsion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107
3 Structure des modules de type fini sur un anneau principal . . . . 109
4 Autre démonstration du théorème de structure des modules
de type fini sur un anneau principal . . . . . . . . . . . . . . . . . 118

Thèmes de réflexion 125


TR.V.A. Réduction des endomorphismes à la forme de Jordan . . . 125
TR.V.B. Calcul des facteurs invariants . . . . . . . . . . . . . . . . 127

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Table des matières

VI Éléments entiers et anneaux de Dedekind 129


1 Éléments entiers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 130
2 Norme et trace . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 134
3 Application aux corps cyclotomiques . . . . . . . . . . . . . . . .. 138
4 Anneaux et modules nœthériens . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 140
5 Idéaux fractionnaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 143
6 Anneaux de Dedekind . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 144
7 Norme d’un idéal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 148
8 Décomposition des idéaux premiers dans une extension et action
du groupe de Galois . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 150
9 Ramification . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153

Thèmes de réflexion 161


TR.VI.A. Quelques propriétés des anneaux de Dedekind . . . . . . 161
TR.VI.B. Ramification des nombres premiers dans un corps
cyclotomique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 162
TR.VI.C. Décomposition des nombres premiers dans un corps
quadratique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163
TR.VI.D. Théorème des deux carrés . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165

VII Dualité 167


1 Modules d’applications linéaires et suites exactes . . . . . . . . . . 167
2 Dualité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171
3 Orthogonalité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 175

Thèmes de réflexion 177


TR.VII.A. Modules injectifs – Modules projectifs . . . . . . . . . . . 177
TR.VII.B. Enveloppe injective . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 180
TR.VII.C. Une autre dualité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 182

Partie II Algèbre multilinéaire 185

VIII Produit tensoriel – Algèbre tensorielle – Algèbre symétrique 187


1 Applications bilinéaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 187
2 Produit tensoriel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 189
3 Commutation du produit tensoriel aux sommes directes . . . . . . 193
4 Associativité du produit tensoriel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 196
5 Changement d’anneau de base . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 198
6 Produit tensoriel d’algèbres associatives . . . . . . . . . . . . . . . 199

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Algèbre T2

7 Produit tensoriel et dualité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 200


8 Algèbre tensorielle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 203
9 Algèbre symétrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 206

Thèmes de réflexion 209


TR.VIII.A. Modules plats, fidèlement plats . . . . . . . . . . . . . . . 209
TR.VIII.B. Passage du local au global . . . . . . . . . . . . . . . . . 211
TR.VIII.C. Propriété universelle du produit tensoriel d’algèbres
commutatives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 211

IX Produit extérieur – Algèbre extérieure 213


1 Applications multilinéaires alternées . . . . . . . . . . . . . . . . . 213
2 Déterminants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 215
3 Produit extérieur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 217
4 Commutation du produit extérieur aux sommes directes . . . . . . 221
5 Algèbre extérieure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 223

Thèmes de réflexion 225


TR.IX.A. Annulation de puissances extérieures . . . . . . . . . . . . 225
TR.IX.B. Dérivations et formes différentielles . . . . . . . . . . . . . 225

Appendice 229
1 Ensembles ordonnés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 229
2 Cardinaux – Ensembles infinis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 232

Bibliographie 239

Index terminologique 241

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AVANT-PROPOS

Cet ouvrage fait suite à celui intitulé « Algèbre I » (écrit en collaboration avec
Thomas Hausberger) dont je reprends ici une partie de l’avant-propos.
La très longue histoire de l’étude des nombres, puis des équations, a permis
de remarquer des analogies entre certaines propriétés vérifiées par des objets ma-
thématiques de natures différentes, par exemple les nombres et les polynômes.
Cela a conduit les mathématiciens, en particulier au XIXe siècle, à tenter de dé-
gager une axiomatique qui rende compte des raisons profondes de ces analogies.
Il est alors apparu que ces objets, de natures différentes, possédaient les mêmes
structures algébriques, par exemple groupe, espace vectoriel, anneau, etc.
Il devint évident qu’il était plus efficace d’étudier ces structures pour elles-
mêmes, indépendamment de leurs réalisations concrètes, puis d’appliquer les ré-
sultats obtenus dans les divers domaines que l’on considérait antérieurement.
L’algèbre abstraite était née.
C’est l’étude des équations algébriques qui est à l’origine de la création et
du développement de l’algèbre, dont le nom provient du titre d’un traité d’Al-
Khowarizmi. D’abord exclusivement dévolue au calcul, à l’introduction des outils
(nombres négatifs, extraction de racines, nombres complexes) et à l’élaboration des
règles d’utilisation de ces objets, l’algèbre a évolué vers ce qu’elle est maintenant,
l’étude des structures.
L’étude des nombres entiers remonte à la plus Haute Antiquité, mais c’est
l’étude des nombres algébriques, au XIXe siècle, qui a conduit aux notions
d’anneau et de corps.
L’étude de la divisibilité dans les nombres entiers est basée sur la propriété
fondamentale suivante : tout nombre entier s’écrit, de manière unique, comme
produit de nombres premiers. Comme pour toutes les structures algébriques im-
portantes, la structure d’anneau apparaît dans de nombreuses situations dans
lesquelles les éléments ne sont plus des nombres entiers. C’est en particulier le

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Algèbre T2

cas des polynômes. Il est donc utile, en étudiant la notion de divisibilité dans
des anneaux généraux, de voir si l’analogue de la décomposition en produit de
nombres premiers existe : on l’appelle alors décomposition en produit d’éléments
irréductibles. Cela conduit à la notion d’anneau factoriel qui généralise les no-
tions d’anneau euclidien ou principal (chapitre II). On étudie ensuite cette
décomposition dans le cas des anneaux de polynômes (chapitre III).
L’idée essentielle a été l’introduction de la notion d’idéal : celle-ci permet de
généraliser des énoncés portant sur les propriétés usuelles de la divisibilité des
nombres entiers. En particulier, la généralisation aux idéaux de la propriété de
décomposition en produit d’irréductibles, associée à la notion d’extension de corps,
a permis de faire de très grands progrès en arithmétique, notamment avec l’étude
des anneaux de Dedekind (chapitre VI).
La structure d’espace vectoriel (sur un corps), qui est l’une des plus fécondes
des mathématiques, a des applications très nombreuses, non seulement en ma-
thématique, mais également en physique, chimie, biologie et sciences humaines.
C’est la raison pour laquelle l’algèbre linéaire est un domaine fondamental et
son étude cruciale.
Si l’on remplace le corps de base par un anneau, la définition de la structure
d’espace vectoriel garde tout son sens et, pour la différencier de la notion pré-
cédente, on parle de structure de module (sur un anneau) (chapitre IV). Cette
structure de module possède beaucoup de propriétés des espaces vectoriels, mais
elle est plus subtile et certains résultats fondamentaux des espaces vectoriels ne
sont plus valables : par exemple, un module ne possède pas nécessairement une
base. Néanmoins, cette structure algébrique est d’une grande richesse – en parti-
culier si l’anneau de base est principal (chapitre V) et relativement à la dualité
(chapitre VII) – et intervient naturellement dans de nombreux contextes mathé-
matiques ou autres.
On sait que les applications linéaires sont au cœur de l’algèbre linéaire, mais
de nombreux problèmes font apparaître des applications de plusieurs variables, li-
néaires en chaque variable, les applications multilinéaires. Pour en simplifier
l’étude, l’on se ramène à des applications linéaires en utilisant le produit ten-
soriel (chapitre VIII) ou le produit extérieur (chapitre IX). Cela conduit aux
notions d’algèbre tensorielle ou algèbre extérieure, qui sont des outils très
puissants en algèbre et géométrie.
Comme dans le cas des groupes, la structure d’anneau a donné naissance à une
approche algébrique de la géométrie, en particulier des courbes et des surfaces : la
géométrie algébrique. Cette démarche « algébrique » a été également appliquée,
de manière très efficace, en analyse – groupes topologiques, espaces vectoriels
normés, algèbres de Banach.

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Avant-Propos

Par le programme couvert, ces deux ouvrages Algèbre I – Groupes, Corps


et Théorie de Galois et Algèbre II – Anneaux, Modules et Algèbre Multilinéaire
s’adressent aux étudiants de L3 et master et leur contenu fait partie de la culture
normale d’un candidat à l’agrégation de mathématiques.

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REMERCIEMENTS

Ce texte doit beaucoup à la relecture de Jean-Michel Oudom. Il a résolu tous


les exercices et TR, ce qui a conduit, dans bien des cas, à une amélioration notable
de leurs énoncés.

Qu’il trouve ici l’expression de mon amicale reconnaissance.

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AVERTISSEMENT

Depuis plusieurs années, l’enseignement de l’algèbre en L1–L2 se limite généra-


lement à l’algèbre linéaire. Cet ouvrage, en deux volumes, donne une présentation
des thèmes d’un enseignement d’algèbre générale – groupes, anneaux, corps – et
donne une introduction à l’algèbre multilinéaire, sans connaissance préalable né-
cessaire de ces domaines. On s’est volontairement limité à un exposé simple des
concepts fondamentaux qui trouvent leurs places dans un enseignement de L3
et M1.
Chaque chapitre comporte, dans le cours du texte, des exemples et des exer-
cices qui illustrent les notions développées, au fur et à mesure qu’elles apparaissent.
Les exercices signalés par le symbole ¶ sont plus difficiles que les autres.
À la fin de chacun des chapitres, on trouvera des thèmes de réflexion (TR) (et
des travaux pratiques (TP) pour « Algèbre I »).
Les TR se présentent sous forme de questions, dont l’énoncé contient la ré-
ponse, qui guident le lecteur dans l’étude d’un objet ou d’une notion particulière
– illustration, complément ou approfondissement du cours. Ils sont de trois types :
– ceux qui sont signalés par le symbole ♥ doivent être considérés comme du
cours et doivent être étudiés comme tel. Ils sont utilisés sans rappel dans les
chapitres suivants ;
– ceux qui sont signalés par le symbole ♣ sont des problèmes d’application
qui utilisent des notions développées dans le chapitre concerné ou dans ceux qui
précèdent ;
– ceux qui sont signalés par le symbole ♠ sont des approfondissements plutôt
destinés aux étudiants préparant l’agrégation.
Certains de ces TR sont repris dans plusieurs chapitres : on peut ainsi constater
comment l’enrichissement de la théorie permet d’étudier, de façon de plus en plus
fine, un même objet.

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Algèbre T2

Les exercices et les TR de ce tome 2 représentent près de 300 questions, dont


la résolution permettra au lecteur d’acquérir une bonne maîtrise des concepts
de base concernant les anneaux (euclidiens, principaux, factoriels, de Dedekind),
l’arithmétique (éléments entiers), les modules et l’algèbre multilinéaire.
Les démonstrations intègrent de fréquentes références à des résultats conte-
nus dans ce livre. Celles qui commencent par un chiffre romain, renvoient à un
résultat contenu dans le chapitre correspondant à ce chiffre. Les autres renvoient
à un résultat contenu dans le chapitre en cours. Le symbole ♦ indique la fin, ou
l’absence, d’une démonstration.

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Première partie

Anneaux et modules

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GÉNÉRALITÉS SUR LES ANNEAUX

1. Définitions – Exemples

Rappelons qu’un groupe est la donnée d’un ensemble non vide G et d’une loi
de composition interne
G × G −→ G
(x, y) −→ x ∗ y
vérifiant les propriétés suivantes :
(i) ∀ x, y, z ∈ G, (x ∗ y) ∗ z = x ∗ (y ∗ z),
(ii) ∃ e ∈ G, tel que ∀ x ∈ G, x ∗ e = e ∗ x = x,
(iii) ∀ x ∈ G, ∃ x ∈ G tel que x ∗ x = x ∗ x = e.
Si, de plus, la propriété suivante est vérifiée :
∀ (x, y) ∈ G × G, x ∗ y = y ∗ x,
le groupe G est dit commutatif ou abélien.

Définitions 1.1.
a) Un anneau est la donnée d’un ensemble non vide A et de deux lois
de composition interne, notées + et . (appelées respectivement addition et
multiplication), telles que :
(i) (A, +) est un groupe abélien (on notera 0 son élément neutre),
(ii) ∀ (a, b, c) ∈ A × A × A, (a.b).c = a.(b.c),
(iii) ∃ 1 ∈ A, ∀ a ∈ A a.1 = 1.a = a,
(iv) ∀ (a, b, c) ∈ A × A × A, a.(b + c) = a.b + a.c et (b + c).a = b.a + c.a.

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Chapitre I. Généralités sur les anneaux

Si, de plus, la propriété suivante est vérifiée :

∀ (a, b) ∈ A × A, a.b = b.a,

l’anneau A est dit commutatif.

b) Un corps est un anneau A non réduit à {0} tel que (A \ {0}, .) soit un
groupe.

La propriété (ii) est l’associativité de la multiplication ; l’élément 1, dont


l’existence est assurée par la propriété (iii), est l’élément neutre de la multiplica-
tion et est appelé l’unité de l’anneau A ; la propriété (iv) est la distributivité
de la multiplication par rapport à l’addition.

Remarques 1.2.
a) Dans un anneau A, on a les relations

∀ a ∈ A, 0.a = a.0 = 0 et (−1).a = −a.

En effet, on a

0.a + a = (0 + 1).a = 1.a = a, d’où 0.a = 0,

et de même pour a.0 = 0. De plus,

(−1).a + a = (−1).a + 1.a = (−1 + 1).a = 0.a = 0, d’où (−1).a = −a.

b) Si 1 = 0, alors A est réduit à {0}, car on a alors

∀ a ∈ A, a = 1.a = 0.a = 0.

c) De la même manière que ci-dessus, on a

∀ (a, b) ∈ A × A, −(a.b) = (−a).b = a.(−b) et (−a).(−b) = a.b.

Dans la suite, on notera la multiplication dans A par ab, en omettant le point.


Bien entendu, les mots « addition » et « multiplication » sont des noms donnés aux
opérations définissant la structure d’anneau et ne correspondent pas forcément
aux opérations que l’on désigne usuellement par ces termes, cf. E1.2 ci-après.

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1. Définitions – Exemples

Exemples 1.3.
a) L’ensemble des entiers relatifs Z, muni de l’addition et de la multiplication
usuelles, est un anneau commutatif.
b) Les ensembles Q des nombres rationnels, R des nombres réels et C des
nombres complexes, munis des opérations usuelles, sont des corps.
c) L’ensemble Mn (k) des matrices (n, n) à coefficients dans un anneau com-
mutatif k, muni de l’addition et de la multiplication des matrices, est un anneau,
non commutatif pour n  2.
d) Soit G un groupe abélien (noté additivement), alors End(G) muni de l’ad-
dition et de la composition des morphismes de groupes est un anneau (en général
non commutatif).
e) Pour tout entier n > 0, le groupe abélien Z/nZ muni de la multiplication
définie par cl(p)cl(q) = cl(pq) est un anneau commutatif, dont l’unité est cl(1),
où cl(x) désigne la classe dans Z/nZ de l’élément x de Z.
f ) L’ensemble R[X] des polynômes à coefficients dans R, muni de l’addition
et de la multiplication des polynômes, est un anneau commutatif.

Exercice E1.
1. Soient X un ensemble non vide et A un anneau. On note F(X, A) l’en-
semble des applications de X dans A. Montrer que F(X, A) muni des opérations
définies par

∀ f ∈ F(X, A), ∀ g ∈ F(X, A), ∀ x ∈ X, (f + g)(x) = f (x) + g(x)


∀ f ∈ F(X, A), ∀ g ∈ F(X, A), ∀ x ∈ X, (f g)(x) = f (x)g(x)

est un anneau (commutatif si et seulement si A est commutatif ).


2. Soient X un ensemble et P(X) l’ensemble des parties de X. Pour deux
éléments A et B de P(X), on pose

AΔB = (A ∩ (X \ B)) ∪ (B ∩ (X \ A)),

que l’on appelle différence symétrique de A et B. Montrer que P(X) muni des
opérations

∀A ∈ P(X), ∀B ∈ P(X), (A, B) → AΔB


∀A ∈ P(X), ∀B ∈ P(X), (A, B) → A ∩ B

est un anneau commutatif.

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Chapitre I. Généralités sur les anneaux

Définition 1.4. Un élément a d’un anneau A admet un inverse à gauche (resp.


à droite) s’il existe un élément b de A tel que ba = 1 (resp. ab = 1).

Proposition 1.5. Si un élément a d’un anneau A admet un inverse à gauche b et


un inverse à droite c, ces éléments b et c sont uniques et égaux.

Démonstration. Supposons qu’il existe b et b dans A tels que ba = 1 = b a, alors


(ba)c = (b a)c, d’où b(ac) = b (ac) et, puisque ac = 1, b = b . Pour les mêmes
raisons, l’élément c est unique. De plus b = c, car on a b = b(ac) = (ba)c = c. ♦

Attention. Un élément d’un anneau peut admettre un inverse à gauche et pas à


droite, ou inversement, cf. E2.3 ci-dessous.

Définition 1.6. Un élément a d’un anneau A est inversible s’il admet un in-
verse à gauche et à droite. On note alors a−1 son inverse et U(A) l’ensemble
des éléments inversibles de A.

Proposition 1.7. Si A est un anneau, alors U(A), muni de la multiplication induite


par celle de A, est un groupe dont l’élément neutre est l’élément unité de A. Ce
groupe est abélien si l’anneau A est commutatif.

Démonstration. Soient a et b deux éléments de U(A) ; il existe a et b dans A tels


que aa = a a = 1 et bb = b b = 1. Alors

(ab)(b a ) = a(bb )a = 1 et (b a )(ab) = b (a a)b = 1

d’où ab est inversible. La multiplication de A induit donc une loi de composition


interne sur U(A), qui est associative puisque la multiplication de A l’est. Par
définition, l’unité de A est élément neutre et chaque élément de U(A) admet un
inverse. ♦

Exercice E2.
1. Déterminer U(R[X]).
2. Déterminer U(F(X, A)), où F(X, A) est l’anneau défini en E1.1.
3. Soit E un R-espace vectoriel de dimension infinie. Montrer que dans l’an-
neau EndR (E), il existe des éléments ayant un inverse à gauche (resp. à droite)
mais pas à droite (resp. à gauche).

Remarque 1.8. Il est clair qu’un anneau A = {0} est un corps si et seulement si
U(A) = A \ {0}.

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1. Définitions – Exemples

Exercice E3 (¶).
1. Soient K un corps commutatif et G un sous-groupe fini de K ∗ = U(K).
Montrer que le groupe G est formé de racines de l’unité et qu’il est cyclique (en
notant n le ppcm des ordres des éléments de G, on montrera, en utilisant le
théorème de structure des groupes abéliens de type fini, cf. [G-H] théorème VI.4.2,
qu’il existe un élément x de G d’ordre n et on montrera que G = x).
2. En déduire que si K est un corps fini commutatif à q éléments, le groupe
K ∗ est cyclique d’ordre (q − 1).
Dans la question ci-dessus, l’hypothèse de commutativité est redondante
puisque tout corps fini est commutatif (théorème de Wedderburn, cf. [G-H]).

Définition 1.9. Une partie B d’un anneau (resp. corps) A est un sous-anneau
(resp. sous-corps) de A si, munie des lois induites par celles de A, c’est un
anneau (resp. corps).

Proposition 1.10. Une partie B d’un anneau A est un sous-anneau de A si et


seulement si les trois conditions suivantes sont vérifiées :
(i) B munie de l’addition induite par celle de A est un sous-groupe abélien de
(A, +),
(ii) B contient l’élément unité 1 de A,
(iii) B est stable pour la multiplication de A.

Démonstration. Les arguments de cette démonstration sont laissés au lecteur à titre


d’exercice. On notera que la condition « B contient l’unité de A » est essentielle
et n’est pas une conséquence des autres conditions. ♦

Exemple 1.11. Soit A un anneau, alors

Z(A) = {a ∈ A | ∀ b ∈ A, ab = ba}

est un sous-anneau de A, appelé le centre de A.

Exercice E4. Montrer que l’ensemble

A = {a + ib | a ∈ Z, b ∈ Z, i2 = −1}

est un sous-anneau de C. Déterminer U(A).

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Chapitre I. Généralités sur les anneaux

Proposition – Définition 1.12. Soient A un anneau (resp. corps) et S une partie


de A. Le sous-anneau (resp. sous-corps) de A engendré par S est le plus petit
(pour la relation d’ordre induite par l’inclusion) sous-anneau (resp. sous-corps)
de A contenant S. C’est l’intersection des sous-anneaux (resp. sous-corps) de A
contenant S. ♦

Remarque 1.13. Pour S = {0, 1}, cela conduit à la notion de sous-corps premier
étudiée à la section 5.

Exercice E5. √
1. Déterminer
√ le sous-anneau et le sous-corps de R engendrés par 2. Mêmes
questions avec 3 2.
2. Soient A un anneau commutatif et S une partie de A. Montrer que le sous-
ni ni
anneau de A engendré par S est formé des éléments si1 1 · · · sik k , avec sij ∈ S
finie
et nij ∈ N. (Par convention, s0 = 1.)

2. Idéaux – Morphismes
Soit E un ensemble muni d’une loi composition interne (notée multiplicati-
vement) sur lequel est définie une relation d’équivalence R. On rappelle que la
relation R est compatible à droite (resp. à gauche) avec la loi si, quels que soient
x, y, a dans E, on a (xRy) =⇒ (xaRya) (resp. (xRy) =⇒ (axRay)) et qu’elle est
compatible avec la loi si elle est compatible à droite et à gauche.
Il est facile de vérifier que R est compatible avec la loi si et seulement si

∀ x, x , y, y  ∈ E, [(xRx ) et (yRy  )] =⇒ [xyRx y  ].

On en déduit que si E est un ensemble muni d’une loi de composition interne,


si R est une relation d’équivalence définie sur E et si E/R est l’ensemble quotient
de E par la relation d’équivalence R, alors la loi interne de E induit une loi interne
sur E/R, (x, y) → xy (où, pour z ∈ E, z désigne la classe d’équivalence de z)
si et seulement si R est compatible avec la loi de E. En effet, la correspondance
(x, y) → xy définit une loi interne sur E/R si et seulement si elle définit une
application E/R × E/R → E/R, autrement dit, si et seulement si

(x = x1 , y = y1 ) ⇒ (xy = x1 y1 ),

d’où le résultat d’après ce qui précède.


Par conséquent, si la relation R est compatible avec la loi de E, la loi induite
sur E/R par celle de E est définie par x y = xy. Il est clair que si la loi de E

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2. Idéaux – Morphismes

est associative (resp. commutative, resp. admet un élément neutre e, resp. tout
élément x admet un élément symétrique x∗ ), il en est de même pour la loi induite
sur E/R, e est l’élément neutre, l’élément symétrique de x est x∗ .
Cette analyse montre que si R est une relation d’équivalence définie sur un
anneau A, l’addition et la multiplication de A induisent sur l’ensemble A/R une
addition et une multiplication (x + y = x + y, x.y = xy) qui munissent A/R
d’une structure d’anneau si et seulement si R est compatible avec l’addition et la
multiplication de A.
Soient A un anneau et I un sous-groupe du groupe abélien (A, +). On consi-
dère la relation d’équivalence R définie sur A par :

∀ (x, y) ∈ A × A, (xRy) ⇔ (x − y) ∈ I.

Il est clair que cette relation est compatible avec l’addition de A. Alors I est la
classe de 0 pour la relation R et le groupe abélien (A/R, +) s’identifie au groupe
abélien (A/I, +). La relation R est compatible avec la multiplication de A si et
seulement si
∀ x ∈ I, ∀ a ∈ A, a.x ∈ I et x.a ∈ I.
Cela conduit à la définition suivante :

Définition 2.1. Une partie I d’un anneau A est un idéal à gauche (resp. à
droite, resp. bilatère) si I est un sous-groupe abélien de A pour l’addition
et si
∀ x ∈ I, ∀ a ∈ A, a.x ∈ I (resp. x.a ∈ I, resp. a.x ∈ I et x.a ∈ I).

Remarques 2.2.
a) Si l’anneau A est commutatif, il y a équivalence entre idéal à gauche, idéal
à droite et idéal bilatère. Dans ce cas, on dira que I est un idéal.
b) Il est clair que A et {0} sont des idéaux bilatères de A.
c) Il est évident que si I est un idéal à gauche (resp. à droite, resp. bilatère)
d’un anneau A et si 1 ∈ I, alors I = A.
De la discussion précédente découle le théorème suivant.
Théorème 2.3. Soient A un anneau (resp. anneau commutatif ) et I un idéal
bilatère (resp. un idéal) de A. Alors l’addition et la multiplication induites par
celles de A sur A/I le munissent d’une structure d’anneau (resp. d’anneau com-
mutatif ). ♦
Les démonstrations des propositions qui suivent sont des exercices faciles lais-
sés au lecteur.

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Chapitre I. Généralités sur les anneaux

Proposition – Définition 2.4. Si I et J sont deux idéaux à gauche (resp. à droite,


resp. bilatères) d’un anneau A, alors
I + J = {x + y | x ∈ I, y ∈ J} est un idéal à gauche (resp. à droite, resp.
bilatère) de A, appelé somme des idéaux I et J,
 
IJ = xl yl | xl ∈ I, yl ∈ J est un idéal à gauche (resp. à droite, resp.
finie
bilatère) de A, appelé produit des idéaux I et J. ♦

Proposition 2.5. Si {Il }l∈L est une famille non


 vide d’idéaux à gauche (resp. à
droite, resp. bilatères) d’un anneau A, alors Il est un idéal à gauche (resp. à
l∈L
droite, resp. bilatère) de A. ♦

Proposition – Définition 2.6. Soient A un anneau et S une partie de A. On appelle


idéal à gauche (resp. à droite, resp. bilatère) de A engendré par S le plus petit
idéal à gauche (resp. à droite, resp. bilatère) de A contenant S. C’est l’intersection
des idéaux à gauche (resp. à droite, resp. bilatères) de A contenant S. ♦

Proposition 2.7. Soient A un anneau et S une partie de


A. L’idéal à gauche de A
engendré par S est formé des éléments de A s’écrivant ai si , ai ∈ A, si ∈ S. ♦
finie

Le lecteur décrira de la même manière l’idéal à droite (resp. bilatère) engendré


par S.

Notation. Si la partie S est réduite à un élément, S = {a}, on note (a) l’idéal


bilatère engendré par a.

Définition 2.8. Un idéal (à gauche, à droite, bilatère) I d’un anneau A est dit
propre si I = {0} et I = A.

Proposition 2.9. Un anneau commutatif A est un corps si et seulement s’il ne


possède aucun idéal propre.

Démonstration. Soient A un corps et I un idéal non nul de A. Il existe un élément


a = 0 dans I. L’élément a, étant non nul, est inversible dans A et, puisque I est
un idéal, a−1 a = 1 appartient à I. On en déduit que I = A.
Supposons que A soit un anneau commutatif sans idéal propre. Pour tout
élément a = 0 de A, l’idéal (a) engendré par a est non nul, donc égal à A. Par
conséquent, il existe un élément b de A tel que ab = 1. Cela montre que tout
élément non nul de A est inversible, donc que A est un corps. ♦

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2. Idéaux – Morphismes

Attention. Le résultat précédent est faux si l’anneau A est non commutatif (consi-
dérer un anneau de matrices). Plus précisément, un corps ne possède pas d’idéaux
propres ; l’hypothèse de commutativité de l’anneau est nécessaire pour démontrer
l’implication dans l’autre sens.

Exercice E6. Montrer que les idéaux de l’anneau Z sont les (n) pour n parcourant
N (on utilisera la division euclidienne dans Z).

Définition 2.10. Soient A et B deux anneaux (resp. corps). Un morphisme


d’anneaux (resp. de corps) de A dans B est une application f : A → B
vérifiant

∀ (x, y) ∈ A × A, f (x + y) = f (x) + f (y)

∀ (x, y) ∈ A × A, f (x.y) = f (x).f (y)

f (1A ) = 1B .

Un morphisme d’anneaux (resp. corps) f : A → B est un isomorphisme d’an-


neaux (resp. corps) s’il existe un morphisme d’anneaux (resp. corps) g : B → A
tel que g ◦ f = idA et f ◦ g = idB .

Remarque 2.11. La première condition ci-dessus signifie que si f : A → B est un


morphisme d’anneaux, c’est un morphisme pour les groupes abéliens sous-jacents,
donc f (0A ) = 0B .

Les démonstrations des deux propositions qui suivent sont des exercices faciles
laissés au lecteur.

Proposition 2.12. Soient A un anneau et I un idéal bilatère de A. La projection


canonique A → A/I, qui à un élément de A associe sa classe modulo I, est un
morphisme surjectif d’anneaux. ♦

Proposition 2.13. Soit f : A → B un morphisme d’anneaux.


(i) Le noyau de f , Ker(f ) = {x ∈ A | f (x) = 0}, est un idéal bilatère de A et
l’image de f , Im(f ), est un sous-anneau de B.
(ii) Si J est un idéal à gauche (resp. à droite, resp. bilatère) de B, alors
I = f −1 (J) est un idéal à gauche (resp. à droite, resp. bilatère) de A.
(iii) Le morphisme f est un isomorphisme si et seulement si c’est un mor-
phisme bijectif. ♦

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Chapitre I. Généralités sur les anneaux

Exercice E7.
1. Déterminer tous les morphismes d’anneaux de Z dans Z, de Q dans Z, de
R dans Q. (On remarquera que la condition f (1) = 1 est très contraignante et
diminue fortement le nombre de morphismes possibles entre deux anneaux.)
2. Soit f : A → B un morphisme d’anneaux. Montrer que f (U(A)) ⊆ U(B).

Théorème 2.14 (de passage au quotient).


(i) Soient A et B deux anneaux, I (resp. J) un idéal bilatère de A (resp. B),
π : A → A/I (resp. π  : B → B/J) la projection canonique. Pour tout morphisme
d’anneaux f : A → B tel que f (I) ⊆ J, il existe un unique morphisme d’anneaux
f : A/I −→ B/J tel que f ◦ π = π  ◦ f .
(ii) Soit f : A → B un morphisme d’anneaux. Alors les anneaux Im(f ) et
A/Ker(f ) sont canoniquement isomorphes.

Convention. L’expression « le diagramme suivant


f
A −−−−→ B
⏐ ⏐

g
⏐
g
C −−−−

→ D
f

est commutatif » signifie que les applications f, f  , g, g satisfont à la condition


g ◦ f = f  ◦ g.

Démonstration du théorème 2.14. Considérons le diagramme suivant :

f
A −−−−→ B
⏐ ⏐

π
⏐ 

A/I −−−−→ B/J
f

Si le morphisme f existe et fait commuter le diagramme, il doit vérifier


f (π(x)) = π  (f (x)) et, tout élément de A/I s’écrivant π(x) pour x ∈ A, cette
égalité impose l’unicité de f .
Montrons que l’égalité ci-dessus définit bien une application f , i.e. que f (π(x))
est indépendant du représentant x choisi dans A pour décrire sa classe dans A/I.
Si π(x) = π(y), on a x − y ∈ I, donc f (x − y) = f (x) − f (y) ∈ f (I) ⊆ J. D’où
π  (f (x)) = π  (f (y)).

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2. Idéaux – Morphismes

Montrons que f est un morphisme d’anneaux. On a

f (π(x) + π(y)) = f (π(x + y)) = π  (f (x + y)) = π  (f (x) + f (y))


= π  (f (x)) + π  (f (y)) = f (π(x)) + f (π(y)).
f (π(x)π(y)) = f (π(xy)) = π  (f (xy)) = π  (f (x)f (y))
= π  (f (x))π  (f (y)) = f (π(x))f (π(y)).
f (1) = f (π(1)) = π  (f (1)) = π  (1) = 1.

(ii) C’est une conséquence de l’assertion (i), en remplacant B par Im(f ), I


par Ker(f ) et J par {0}. Il suffit de vérifier que, dans ce cas, le morphisme f est
injectif. ♦

Théorème 2.15. Soient f : A → B un morphisme surjectif d’anneaux et


K = Ker(f ).
(i) Il existe une correspondance biunivoque entre les idéaux bilatères I de A
qui contiennent K et les idéaux bilatères de B.
(ii) Si I ⊆ A (K ⊆ I) et J ⊆ B sont des idéaux bilatères qui se correspondent
par cette bijection, alors

A/I  B/J  (A/K)/(I/K).

Démonstration.
(i) Notons I l’ensemble des idéaux bilatères de A qui contiennent K et notons
J l’ensemble des idéaux bilatères de B. Pour tout I ∈ I, on pose

ϕ(I) = {f (x), x ∈ I}.

C’est un idéal bilatère de B puisque f est surjectif. On en déduit donc une appli-
cation ϕ : I → J .
Pour tout J ∈ J , on pose

ψ(J) = f −1 (J).

C’est un idéal bilatère de A qui contient f −1 (0) = K. On en déduit donc une


application ψ : J → I. On vérifie aisément que les applications ϕ et ψ sont
inverses l’une de l’autre.
(ii) Soient I un idéal bilatère de A contenant K et J = f (I). On considère la
projection canonique π : B → B/J. Alors le morphisme composé

π ◦ f : A → B → B/J

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Chapitre I. Généralités sur les anneaux

est surjectif. De plus, un élément a de A appartient à Ker(π ◦ f ) si et seulement


si f (a) ∈ J, i.e. a ∈ f −1 (J), d’où Ker(π ◦ f ) = I. On en déduit que

B/J  A/Ker(π ◦ f ) = A/I.

Or, puisque f est surjectif, on a B  A/K et J = f (I)  I/K. ♦

Remarque 2.16. Si A est un anneau et I un idéal bilatère de A, la proposition pré-


cédente, appliquée à la projection A → A/I, montre qu’il y a une correspondance
biunivoque entre les idéaux bilatères de l’anneau A/I et les idéaux bilatères de A
qui contiennent I.

Les exercices E6 et E8 montrent qu’il y a une relation étroite entre nombres


et idéaux. Nous pouvons expliciter maintenant l’interprétation de la divisibilité
des nombres en termes d’idéaux, comme cela a été annoncé dans l’avant-propos.

Définition 2.17. Soient A un anneau commutatif, a et b deux éléments de A.


On dit que a divise b, ou que a est un diviseur de b, et on écrit a|b, s’il existe
un élément c ∈ A tel que b = ac.

Exercice E8. Montrer que les idéaux de l’anneau Z/nZ correspondent aux nombres
entiers positifs qui divisent n.

Dans cette situation, on considère les idéaux (a) et (b) de A, engendrés par
a et b respectivement. Tout élément de (b) s’écrivant xb, avec x ∈ A, s’écrit xac,
donc appartient à (a). On en déduit donc que

[a|b] =⇒ [(a) ⊃ (b)] ⇐⇒ [b ∈ (a)].

Réciproquement, soient a et b deux éléments d’un anneau commutatif A et (a), (b)


les idéaux qu’ils engendrent. Si (a) ⊃ (b), alors b ∈ (a), i.e. il existe c ∈ A tel que
b = ac, i.e. a divise b.
On voit donc que la divisibilité des éléments dans un anneau se traduit par
l’inclusion des idéaux qu’ils engendrent. On peut remarquer, d’après la définition
du produit de deux idéaux, que si I et J sont des idéaux d’un anneau A, on a
I ⊃ IJ, ce qui correspond bien à l’idée naturelle que I divise le produit IJ.
On est donc amené à remplacer l’étude de la divisibilité des éléments dans un
anneau par l’étude des idéaux de cet anneau et des inclusions entre eux.
Nous allons introduire, ci-dessous, les notions d’idéaux premiers et d’idéaux
maximaux, qui jouent dans des anneaux très généraux, anneaux factoriels (cf. cha-
pitre II) ou anneaux de Dedekind (cf. chapitre VI), le même rôle que les nombres
premiers dans Z.

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3. Idéaux maximaux, idéaux premiers

3. Idéaux maximaux, idéaux premiers

Définition 3.1. Un anneau A non nul est intègre si

∀ a ∈ A, ∀ b ∈ A, [ab = 0] ⇒ [a = 0 ou b = 0].

Si l’anneau A n’est pas intègre, des éléments non nuls a et b tels que ab = 0
sont appelés des diviseurs de zéro.

Exemple 3.2. L’anneau Z est intègre. Tout corps est intègre. L’anneau M2 (R)
n’est pas intègre.

Exercice E9.
1. Soit p un nombre premier. Déterminer tous les diviseurs de zéro de l’anneau
Z/p2 Z.
2. Montrer que pour tout n  2 et pour tout corps commutatif k, l’anneau
Mn (k) n’est pas intègre.
3. Montrer que si X est un ensemble tel que card(X) > 1, l’anneau F(X, A)
défini en E1.1 n’est pas intègre.
4. Un élément a d’un anneau A est nilpotent s’il existe un entier n > 0 tel
que an = 0.
a) Montrer que dans Mn (k), n  2, il existe des éléments nilpotents.
b) Soient a et b des éléments d’un anneau A. Montrer que si ab est nilpotent,
alors ba l’est aussi.
c) Montrer que si ab = ba et si a et b sont nilpotents, alors ab et a + b sont
nilpotents.

Remarque 3.3. Il est clair qu’un sous-anneau d’un anneau intègre est intègre. Ce
n’est pas le cas pour le quotient par un idéal, comme on le voit facilement avec
Z/4Z par exemple.

On va dégager une notion d’idéal telle que l’intégrité de l’anneau soit conservée
par passage au quotient par les idéaux de ce type.

Dans toute la suite, les anneaux considérés


sont supposés commutatifs

Proposition 3.4. Soient A un anneau et p = A un idéal de A. Les assertions


suivantes sont équivalentes.

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Chapitre I. Généralités sur les anneaux

(i) L’anneau A/p est intègre.


(ii) Pour tous a et b éléments de A, on a [ab ∈ p] ⇒ [a ∈ p ou b ∈ p].

Démonstration. Supposons l’assertion (i) vérifiée et soient a et b deux éléments de


A tels que ab ∈ p. Alors la classe ab de ab dans A/p est nulle. On a donc a b = 0
et, puisque l’anneau A/p est intègre, on a a = 0 ou b = 0, i.e. a ∈ p ou b ∈ p.
Supposons l’assertion (ii) vérifiée et soient a et b deux éléments de A/p tels
que a b = 0. Cela signifie que ab appartient à p, donc que a ou b appartient à p.
Autrement dit,
(a b = 0) ⇒ (a = 0 ou b = 0)
et l’anneau A/p est intègre. ♦

Définition 3.5. Soit A un anneau, un idéal de A, distinct de A, est dit premier


s’il vérifie les assertions de la proposition 3.4.

Remarque 3.6. L’idéal {0} d’un anneau A est premier si et seulement si A est
intègre.

Proposition 3.7. Soient A un anneau et m un idéal propre de A. Les assertions


suivantes sont équivalentes.
(i) Si I est un idéal de A tel que m ⊆ I ⊆ A, alors I = m ou I = A.
(ii) Si a est un élément de A qui n’appartient pas à m, l’idéal engendré par m∪{a}
est égal à A.

Démonstration. Supposons que l’assertion (i) soit vérifiée et soit a un élément de A,


a∈/ m. L’idéal I engendré par m ∪ {a} contient strictement m, donc est égal à A.
Supposons que l’assertion (ii) soit vérifiée et soit I un idéal de A vérifiant
m ⊂ I. Si I = m, il existe a ∈ I, a ∈ / m, par conséquent l’idéal engendré par
m ∪ {a} est égal à A. Puisqu’il est contenu dans I, on a I = A. ♦

Définition 3.8. Un idéal propre m d’un anneau A est dit maximal s’il vérifie
les conditions de la proposition 3.7.

Proposition 3.9. Soit A un anneau. Un idéal propre m de A est maximal si et


seulement si l’anneau A/m est un corps.

Démonstration. Le morphisme d’anneaux A → A/m étant surjectif, d’après le


théorème 2.15 les idéaux de A/m sont en correspondance biunivoque avec les

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3. Idéaux maximaux, idéaux premiers

idéaux de A qui contiennent m. On en déduit que si l’idéal m est maximal, l’anneau


A/m n’a pas d’idéal propre. C’est alors un corps, d’après la proposition 2.9.
Si l’anneau A/m est un corps, il n’a pas d’idéal propre, par conséquent, si I
est un idéal de A tel que m ⊆ I, on a I = m ou I = A. ♦

Proposition 3.10. Un idéal maximal est premier.

Démonstration. Si m est un idéal maximal d’un anneau A, alors A/m est un corps,
donc un anneau intègre, et m est un idéal premier. ♦

Attention. La réciproque est fausse (considérer, par exemple, l’idéal engendré par
X dans l’anneau de polynômes Z[X]).

Théorème 3.11. Soit A un anneau. Tout idéal I de A est contenu dans un


idéal maximal de A.

Démonstration. Soit (ak )k∈K l’ensemble des idéaux propres de A qui contiennent I.
Si cet ensemble est vide, l’idéal I est maximal. Sinon, cet ensemble est ordonné
par inclusion et est tel que toute partie totalement ordonnée (aj )j∈J admet un
plus grand élément ∪j∈J aj . D’après le lemme de Zorn (cf. Appendice), l’en-
semble (ak )k∈K admet un élément maximal, qui est donc un idéal maximal de A
contenant I. ♦

Exercice E10.
1. Montrer qu’un idéal (p) de Z est maximal (resp. premier) si et seulement si
p est un nombre premier (resp. nul ou premier). (On remarquera donc que dans
l’anneau Z, un idéal non nul est maximal si et seulement s’il est premier. Ceci
est une propriété générale des anneaux principaux qui sera étudiée au chapitre
suivant.)
2. Déduire de ce qui précède que l’anneau Z/pZ est un corps si et seulement
si c’est un anneau intègre.
Cela est vrai de façon plus générale pour les anneaux finis, comme le montre
la question suivante.
3. Soit A un anneau fini intègre.
a) Montrer que pour tout élément a ∈ A, a = 0, les applications δa : x → xa
et γa : x → ax sont des automorphismes du groupe (A, +).
b) En déduire qu’un anneau fini est un corps si et seulement s’il est intègre.

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Chapitre I. Généralités sur les anneaux

4. Produit d’anneaux – Théorème chinois



Soit {Ai }i∈I une famille non vide d’anneaux. On note Ai l’ensemble des
i∈I
éléments (ai )i∈I où, pour tout i ∈ I, ai ∈ Ai .

Proposition – Définition 4.1. L’ensemble Ai , muni de l’addition composante par
i∈I
composante et de la multiplication composante par composante, est un anneau
dont l’élément neutre est la famille formée des éléments neutres des Ai , i ∈ I, et
l’élément unité est la famille formée des éléments unités des Ai , i ∈ I. Cet anneau
est appelé le produit des anneaux Ai , i ∈ I.

Démonstration. Les axiomes d’anneau sont vérifiés pour Ai car ils sont vérifiés
i∈I
pour chaque composante. ♦

Théorème 4.2 (propriété universelle du produit d’anneaux). Soient {Ai 


}i∈I une
famille non vide d’anneaux et pi , i ∈ I, les projections canoniques de Ai sur
i∈I
Ai , i ∈ I. Pour tout anneau B et tout morphisme 
d’anneaux fi : B → Ai , i ∈ I,
il existe un unique morphisme d’anneaux h : B → Ai tel que pi ◦ h = fi , i ∈ I.
i∈I

Démonstration. Existence de h : pour tout x de B, posons h(x) = (fi (x))i∈I . Il est


clair que h est un morphisme d’anneaux et que pi ◦ h = fi , i ∈ I.
Unicité de h : supposons qu’il existe un autre morphisme d’anneaux

h : B → Ai tel que pi ◦ h = fi , i ∈ I. Alors, pour tout x de B, on a
i∈I
h (x) = (fi (x))i∈I = h(x), d’où h = h. ♦

Théorème 4.3 (le théorème chinois). Soient A un anneau et a1 , . . . , an des idéaux


de A tels que ai + aj = A pour tout 1  i = j  n.
(i) Soient x1 , . . . , xn des éléments de A, alors il existe un élément x de A tel
que x ≡ xi (mod ai ), i = 1, . . . , n.
(ii) Les projections canoniques πi : A → A/ai , i = 1, . . . , n, induisent un
isomorphisme d’anneaux

n 
n
A/( ai ) → (A/ai ).
i=1 i=1

Pour rendre la démonstration de ce théorème plus compréhensible, nous allons


d’abord étudier le cas de deux idéaux.

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4. Produit d’anneaux – Théorème chinois

Définition 4.4. Deux idéaux I et J d’un anneau A sont étrangers si I +J = A.

Proposition 4.5. A un anneau, I et J deux idéaux de A.


(i) L’anneau A/(I ∩ J) est isomorphe à un sous-anneau de A/I × A/J.
(ii) Si les idéaux I et J sont étrangers, alors :

IJ = I ∩ J

et

∀ a ∈ A, ∀ b ∈ A, ∃ x ∈ A tel que x ≡ a (mod I) et x ≡ b (mod J).

(iii) Si les idéaux I et J sont étrangers, alors les anneaux A/IJ et A/I × A/J
sont isomorphes.

Démonstration.
(i) Pour tout élément a ∈ A, notons aI et aJ les classes respectives de a
modulo I et J. L’application p : A −→ A/I × A/J, définie par p(a) = (aI , aJ ), est
un morphisme d’anneaux dont le noyau est I ∩ J. En considérant le morphisme π
obtenu à partir de p par passage au quotient, l’anneau A/(I ∩ J) est isomorphe à
Im(p), qui est un sous-anneau de A/I × A/J (cf. théorème 2.14(ii)).
(ii) Par définition même d’un idéal, l’inclusion IJ ⊂ I ∩ J est évidente. Les
idéaux I et J étant étrangers, il existe u ∈ I et v ∈ J tels que 1 = u + v. Soit
z ∈ I ∩ J, on a donc z = zu + zv et chacun de ces deux derniers éléments est dans
IJ. D’où (I ∩ J) ⊂ IJ.
Avec les mêmes notations que ci-dessus, posons x = au + bv. Alors
x ≡ a (mod I) et x ≡ b (mod J).
(iii) Sous l’hypothèse que I et J sont étrangers, on a A/(I ∩ J) = A/IJ, de
plus, la dernière assertion prouve que le morphisme p est surjectif, il en est donc
de même pour le morphisme π. On en déduit que π est un isomorphisme de A/IJ
sur A/I × A/J. ♦

Démonstration du théorème chinois 4.3. On fait un raisonnement par récurrence. La


proposition 4.5 prouve le théorème pour n = 2. Supposons le théorème vrai pour
n − 1. Fixons un indice i, 1  i  n ; on peut, i=nsans perte de généralité, supposer
que i = 1. Montrons que les idéaux a1 et i=2 ai sont étrangers. Par hypothèse,
i=n tout i, 2  i  n, il existe ai ∈ a1 et bi ∈i=n
pour ai tels que ai + bi = 1. Le produit
i=n
i=2 (ai +bi ) est égal à 1 et appartient à a1 + i=2 ai . On a donc a1 + i=2 ai = A.
Le théorème
chinois découle alors de la proposition 4.5, avec I = a1 et
J = i=n a
i=2 i , et de l’hypothèse de récurrence. ♦

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Chapitre I. Généralités sur les anneaux

Exercice E11.
a) Montrer que si p et q sont des entiers positifs, pZ∩qZ = pqZ si et seulement
si p et q sont premiers entre eux.
En déduire que les anneaux Z/pZ × Z/qZ et Z/pqZ sont isomorphes si et
seulement si p et q sont premiers entre eux.
b) Généraliser cette dernière assertion en montrant que les anneaux

Z/p1 Z × · · · × Z/pk Z et Z/p1 . . . pk Z

sont isomorphes si et seulement si les entiers pi , 1  i  k, sont premiers entre


eux deux à deux.
c) En déduire que pour tout nombre n ∈ N∗ dont la décomposition en fac-
teurs premiers est n = ps11 · · · pskk , l’anneau Z/nZ est canoniquement isomorphe à
l’anneau Z/ps11 Z × · · · × Z/pskk Z.

5. Caractéristique – Corps premiers


Proposition – Définition 5.1. Si A est un anneau, l’application ϕ : Z → A, définie
par ϕ(n) = n.1, est l’unique morphisme d’anneaux de Z dans A. On appelle ce
morphisme le morphisme caractéristique de A.

Démonstration. Il est clair que ϕ est un morphisme d’anneaux, l’unicité étant im-
pliquée par le fait que l’on doit avoir ϕ(1) = 1. ♦

On sait que le sous-anneau Im(ϕ) de A est isomorphe à Z/Ker(ϕ).


Si le morphisme ϕ est injectif (i.e. Ker(f ) = {0}), alors Im(ϕ) est isomorphe
à Z. Dans ce cas, puisque le morphisme ϕ est unique, on identifie Im(ϕ) à Z.

Définition 5.2. Si le morphisme ϕ est injectif, on dit que l’anneau A est de


caractéristique nulle.

Si le morphisme ϕ n’est pas injectif, Ker(f ) est un idéal non nul de Z, il est
donc engendré par un nombre p  0, Ker(ϕ) = (p), et le sous-anneau Im(ϕ) de A
est isomorphe à Z/pZ.

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5. Caractéristique – Corps premiers

Définition 5.3. On dit alors que l’anneau A est de caractéristique positive p.

Autrement dit, si l’anneau A est de caractéristique positive p, p est le plus


petit entier positif tel que dans A on ait p.1 = 0.

Notation. On note car(A) la caractéristique de l’anneau A.

Exercice E12. Déterminer la caractéristique de Z, Z/nZ et (P(X), Δ, ∩) (cf. exer-


cice E1).

Proposition 5.4. Si A est un anneau intègre de caractéristique p positive, alors p


est un nombre premier.

Démonstration. Si l’anneau A est intègre, il en est de même pour le sous-anneau


Im(ϕ), par conséquent l’idéal Ker(ϕ) = (p) est premier. On en déduit, d’après
l’exercice E10, que le nombre p est premier. ♦

En particulier, la caractéristique d’un corps est soit nulle, soit un


nombre premier.

Exercice E13. On appelle corps ordonné tout corps K muni d’une relation
d’ordre total (cf. [G-H] Appendice), notée , telle que, pour tout x, y, z dans K,
on ait
[x  y] =⇒ [x + z  y + z]

[x  y et 0  z] =⇒ [xz  yz].
Montrer que si K est un corps ordonné, pour tout x dans K, on a x2  0. En
déduire que tout corps ordonné est de caractéristique nulle.

Définition 5.5. Un corps est dit premier s’il ne contient aucun sous-corps dis-
tinct de lui-même.

Il est clair que tout corps contient un sous-corps premier et un seul. C’est
l’intersection de tous les sous-corps.

Exercice E14. Montrer que la loi multiplicative d’un corps le munit d’une structure
d’espace vectoriel sur son sous-corps premier.

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Chapitre I. Généralités sur les anneaux

Théorème 5.6.
(i) Si K est un corps de caractéristique nulle, son sous-corps premier est
isomorphe au corps Q.
(ii) Si K est un corps de caractéristique p > 0, son sous-corps premier est
isomorphe au corps Z/pZ.

Démonstration. Tout sous-corps de K contient l’élément unité 1, il contient donc


l’image du morphisme caractéristique, Im(ϕ). Si car(K) = p > 0, Im(ϕ)  Z/pZ
qui est un corps puisque le nombre p est premier. Si car(K) = 0, Im(ϕ) = Z et
tout sous-corps de K qui contient Im(ϕ) contient donc Q. ♦

On remarquera que cela implique qu’un corps de caractéristique nulle est


infini et, par conséquent, qu’un corps fini est de caractéristique positive.
On prendra garde au fait que la réciproque est fausse (cf. exercice E16 ci-dessous).

Proposition 5.7. Soit K un corps fini à q éléments, il existe un entier n tel que
q = pn , où p = car(K).

Démonstration. D’après l’exercice E13, K est un Z/pZ-espace vectoriel : notons n


sa dimension. On a donc q = card(K) = card(Z/pZ)n = pn . ♦

On rappelle que l’on a vu en E3 que, dans ce cas, le groupe K ∗ = U(K) est


cyclique d’ordre (q − 1). On a donc les égalités

∀ x ∈ K ∗ , xq−1 = 1; ∀ x ∈ K, xq = x.

Exercice E15. Montrer que si K est un corps de caractéristique p > 0, on a

∀ x ∈ K, ∀ y ∈ K, (x + y)p = xp + y p .

(On rappelle, et on le vérifiera, que si p est un nombre premier, le nombre Cpk ,


0 < k < p, est un multiple de p.)

6. Corps des fractions d’un anneau intègre


Le but de ce paragraphe est de montrer que l’on peut, pour tout anneau
intègre A, construire de manière naturelle un corps F (A) et un morphisme injectif
d’anneaux A → F (A). Cela entraîne que tout anneau intègre peut être identifié
à un sous-anneau d’un corps. Le corps F (A) est construit à partir de l’anneau A
comme Q est construit à partir de Z. Ce corps s’appelle le corps des fractions
de l’anneau A.

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6. Corps des fractions d’un anneau intègre

Soit A un anneau intègre. On pose S = A \ {0} et on définit sur l’ensemble


A × S une relation d’équivalence par

[(a, s) R (a , s )] ⇐⇒ [s a − sa = 0].

Le lecteur vérifiera que l’hypothèse d’intégrité est nécessaire pour que cette relation
soit une relation d’équivalence.
On note a/s la classe d’équivalence du couple (a, s). On définit sur l’ensemble
quotient (A × S)/R une addition et une multiplication par

a/s + a /s = (s a + sa )/ss

(a/s)(a /s ) = aa /ss


où les opérations qui apparaissent dans les seconds membres sont celles de A.

Théorème 6.1. Les opérations ci-dessus sont bien définies et munissent l’ensemble
quotient (A × S)/R d’une structure de corps, que l’on notera F (A). L’application
a → a/1 est un morphisme injectif d’anneaux de A dans F (A).

Démonstration. Les opérations ci-dessus sont bien définies si et seulement si


elles sont indépendantes du choix des représentants des classes. Supposons que
a/s = a1 /s1 et a /s = a1 /s1 . Il faut montrer que

(s1 a1 + s1 a1 )/s1 s1 = (s a + sa )/ss

et que
a1 a1 /s1 s1 = aa /ss .
Vérifions la première égalité. On a

s1 s1 (s a + sa ) − ss (s1 a1 + s1 a1 ) = s1 s (s1 a − sa1 ) + s1 s(s1 a − s a1 ).

Or, puisque a/s = a1 /s1 et a /s = a1 /s1 , on a s1 a − sa1 = 0 et s1 a − s a1 = 0.
On en déduit que

s1 s1 (s a + sa ) − ss (s1 a1 + s1 a1 ) = 0

d’où
(s1 a1 + s1 a1 )/s1 s1 = (s a + sa )/ss .
La seconde égalité se démontre de la même façon.
On vérifie aisément que l’ensemble (A × S)/R muni de ces deux opérations est
un anneau, dont l’élément neutre de l’addition est 0/1 et l’élément unité est 1/1.

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Chapitre I. Généralités sur les anneaux

Notons F (A) cet anneau. Soit a/s un élément non nul de F (A). Alors, puisque
a = 0, a ∈ S et l’élément s/a appartient à F (A). On a (a/s)(s/a) = as/as = 1/1.
Donc s/a = (a/s)−1 et F (A) est un corps.
Il est clair que l’application ϕ : A −→ F (A) définie par ϕ(a) = a/1 est un
morphisme d’anneaux. On a

Ker(ϕ) = {a ∈ A | a/1 = 0/1} = {a ∈ A | a = 0},

donc ϕ est injectif. ♦

Exemples 6.2.
a) Si A = Z, F (A) = Q.
b) Si A = R[X], F (A) est le corps des fractions rationnelles en X à coefficients
dans R. Plus généralement, si A est un anneau intègre, F (A[X]) = F (A)(X), le
corps des fractions rationnelles à coefficients dans le corps F (A).

Exercice E16. Montrer que si A = (Z/pZ)[X], où p > 0 est un nombre premier,


alors F (A) = (Z/pZ)(X), le corps des fractions rationnelles à coefficients dans
Z/pZ, est un corps infini de caractéristique p.

L’exercice ci-dessous montre que le corps des fractions d’un anneau intègre est
solution d’un problème universel. Ceci montre l’unicité (à isomorphisme unique
près) du corps construit ci-dessus et permet, en particulier, de vérifier si un corps
donné est le corps des fractions d’un anneau intègre donné.

Exercice E17 (¶). Soit A un anneau intègre. Montrer qu’un corps K est isomorphe
au corps des fractions de A si et seulement s’il existe un morphisme injectif d’an-
neaux ϕ : A −→ K et si, pour tout corps L et tout morphisme injectif d’anneaux
σ : A −→ L, il existe un unique morphisme (injectif ) de corps ψ : K −→ L tel
que σ = ψ ◦ ϕ. (Comparer au théorème 6.10 ci-dessous.)

Généralisation : l’anneau S −1 A
Définition 6.3. Une partie S d’un anneau commutatif A est dite multiplica-
tive si 1 appartient à S et si tout produit de deux éléments de S appartient
à S.

Remarque 6.4. On remarquera qu’il est équivalent de dire que tout produit d’un
nombre fini d’éléments de S appartient à S.

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Généralisation : l’anneau S −1 A

Exemples 6.5.
a) Pour tout élément a de A, l’ensemble des an , n ∈ N, est une partie multi-
plicative de A.
b) L’ensemble des éléments de A qui ne sont pas diviseurs de zéro est une
partie multiplicative de A.
En particulier, si l’anneau A est intègre, l’ensemble A∗ des éléments non nuls
de A est une partie multiplicative de A.
c) Si p est un idéal premier de A, l’ensemble A \ p est une partie multiplicative
de A.

Dans toute la suite, on ne considérera que des parties multiplicatives S telles


que 0 ∈
/ S (cf. 6.9.c ci-après).
On considère un anneau intègre A, F (A) son corps de fractions et S une
partie multiplicative de A. On pose

S −1 A = {a/s ∈ F (A) | a ∈ A, s ∈ S}.

Proposition 6.6. Avec les données ci-dessus, S −1 A est un sous-anneau de F (A) et


le morphisme d’anneaux A −→ S −1 A défini par a → a/1 est injectif.

Démonstration. Laissée au lecteur à titre d’exercice. ♦

Si l’on ne suppose plus l’anneau A intègre, la construction ci-dessus n’a plus


de sens. Néanmoins, de façon analogue à la construction de F (A), on peut quand
même construire un anneau S −1 A et un morphisme d’anneaux iSA : A → S −1 A
tels que iSA (s) soit inversible dans S −1 A, pour tout s ∈ S. Il faudra seulement
tenir compte de la présence possible de diviseurs de zéro dans A.
Précisément, on définit sur l’ensemble A × S la relation suivante :

[(a, s) R (a , s )] ⇔ [∃ t ∈ S | t(sa − s a) = 0].

On vérifie facilement que R est une relation d’équivalence. On note S −1 A l’en-


semble quotient (A × S)/R et on note a/s la classe de (a, s) dans S −1 A.
On définit sur S −1 A une addition et une multiplication de la manière suivante :
soient x = a/s et y = b/t dans S −1 A, alors

x + y = (ta + sb)/st et xy = ab/st.

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Chapitre I. Généralités sur les anneaux

Théorème 6.7.
(i) Les opérations ci-dessus sont bien définies.
(ii) L’ensemble S −1 A muni de ces opérations est un anneau.
(iii) L’application iSA : A −→ S −1 A définie par a → a/1 est un morphisme
d’anneaux.
(iv) Le noyau de iSA est l’idéal de A formé des éléments a pour lesquels il
existe s ∈ S tel que sa = 0.

Démonstration. (i) Il faut vérifier que si (a, s)R(a , s ) et (b, t)R(b , t ), alors
((ta + sb)/st)R((t a + s b )/s t ). C’est un calcul immédiat.
Les démonstrations des assertions (ii) et (iii) sont immédiates. L’élément
neutre pour l’addition est 0/1 et l’élément neutre pour la multiplication est 1/1.
(iv) Un élément a ∈ A appartient au noyau de iSA si et seulement si
a/1 = 0 = 0/1, autrement dit, si et seulement s’il existe s ∈ S tel que sa = 0.

Définition 6.8. L’anneau S −1 A défini ci-dessus est appelé l’anneau de frac-


tions de A défini par S.

Remarques 6.9.
a) L’assertion (iv) ci-dessus montre que le morphisme iSA est injectif si et
seulement si S ne contient aucun diviseur de zéro de A.
b) Si l’anneau A est intègre et si S est la partie multiplicative formée des
éléments non nuls de A, alors S −1 A = F (A).
c) On aurait pu faire la même construction en acceptant que la partie mul-
tiplicative S contienne zéro. Mais il est facile de voir, sur la définition de S −1 A,
que 0 ∈ S implique S −1 A = 0.

Le théorème ci-dessous montre que le couple (S −1 A, iSA ) est solution d’un


problème universel, appelé problème universel de localisation.
Un problème universel est un problème d’existence et d’unicité de factorisa-
tion d’un morphisme.

Théorème 6.10. Soient A un anneau et S une partie multiplicative de A. Pour tout


anneau B et tout morphisme d’anneaux f : A −→ B tel que f (s) soit inversible
dans B pour tout s ∈ S, il existe un unique morphisme d’anneaux f : S −1 A −→ B
tel que f = f ◦ iSA .

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Généralisation : l’anneau S −1 A

Démonstration. Si le morphisme f existe, vérifiant la relation f = f ◦ iS


A , on a

f (a/s) = f ((a/1)(1/s)) = f (a/1)f (1/s) = f (a)f (1/s).

Mais,
1 = f (1/1) = f (s/1)f (1/s) = f (s)f (1/s),
d’où f (1/s) = f (s)−1 . On en déduit que f doit vérifier

f (a/s) = f (a)f (s)−1 .

Montrons que cette égalité définit bien f , c’est-à-dire que l’expression de f (x) ne
dépend pas du représentant de x choisi. Si a/s = a /s , il existe t ∈ S tel que
t(sa − s a) = 0, d’où f (t)(f (s)f (a ) − f (s )f (a)) = 0. Puisque f (t), f (s), f (s )
sont inversibles dans B, on en déduit que f (a)f (s)−1 = f (a )f (s )−1 . On vérifie
immédiatement que f est un morphisme d’anneaux. D’où l’unicité et l’existence
de f vérifiant f = f ◦ iSA . ♦

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7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN

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THÈMES DE RÉFLEXION

Sauf mention explicite du contraire, tous les anneaux


considérés ici sont commutatifs.

♠ TR.I.A. Étude de Aut(Z/nZ)

L’objectif de ce TR est d’étudier l’anneau Aut(Z/nZ) et, plus particulière-


ment, son groupe des unités. Pour le confort du lecteur, nous commençons par
rappeler quelques propriétés des groupes cycliques, dont on pourra trouver une
étude détaillée dans [G-H], TR.I.B.
1. Montrer que si G = x est un groupe d’ordre n, xk est un générateur de G si
et seulement si pgcd(k, n) = 1 (i.e. si k et n sont premiers entre eux).
On en déduit que le nombre de générateurs d’un groupe cyclique d’ordre n est
égal à ϕ(n), où ϕ est la fonction d’Euler

ϕ(n) = card{k ∈ N, 1  k  n − 1, pgcd(k, n) = 1}.

2. Montrer que les générateurs du groupe Z/nZ forment un groupe multiplicatif,


noté (Z/nZ)∗ (on utilisera l’identité de Bezout).
On remarquera que ce groupe n’est pas un sous-groupe de Z/nZ, puisque sa
loi n’est pas induite par celle de Z/nZ.
3. Montrer que si n = ps11 · · · pskk , où les pi , 1  i  k, sont des nombres pre-

miers, alors ϕ(n) = i=k si
i=1 ϕ(pi ) (on établira qu’un isomorphisme de groupes
f : G → G induit une bijection entre l’ensemble des parties génératrices de G et
l’ensemble des parties génératrices de G ).

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Algèbre T2

4. Montrer que pour tout nombre premier p et tout entier positif s, on a


ϕ(ps ) = ps−1 (p − 1).
En déduire que si n = ps11 · · · pskk est la décomposition de n en facteurs pre-
miers, on a

i=k
1
ϕ(n) = n (1 − ).
pi
i=1

5. Montrer que, pour tout n ∈ N∗ ,le groupe Aut(Z/nZ) est isomorphe au groupe
(Z/nZ)∗ .
Soient n un entier et n = pr11 · · · prkk sa décomposition en produit de fac-
teurs
k premiers. Alors, d’après le théorème chinois, l’anneau Z/nZ est isomorphe
ri
à i=1 Z/pi Z.
6. Montrer que cet isomorphisme induit un isomorphisme de groupes


k
U(Z/nZ)  U(Z/pri i Z).
i=1

Pour étudier le groupe U(Z/nZ), il suffit d’étudier chacun des groupes


U(Z/pri i Z), i = 1, . . . , k.
On sait, d’après l’exercice E3, que si p est un nombre premier,
U(Z/pZ)  Z/(p − 1)Z. Il suffit donc de déterminer U(Z/pr Z) pour p nombre
premier, r  2.
Considérons p premier impair et r  2.
7. Montrer que U(Z/pr Z)  Z/pr−1 (p − 1)Z. (On sait, d’après la question 4, que
|U(Z/pr Z)| = ϕ(pr ) = pr−1 (p − 1), il suffit donc de montrer qu’il existe dans
U(Z/pr Z) un élément d’ordre ϕ(pr ). Pour cela,
k
– montrer que pour tout k ∈ N, il existe q ∈ N∗ tel que (1 + p)p = 1 + qpk+1
(on fera une récurrence sur k),
– en déduire que la classe de (1 + p) est un élément de U(Z/pr Z) d’ordre pr−1 ,
– montrer que U(Z/pr Z) contient un élément x d’ordre (p − 1) (on considérera
le morphisme de groupes U(Z/pr Z) → U(Z/pZ) induit par l’identité de Z et on
utilisera l’isomorphisme U(Z/pZ)  Z/(p − 1)Z),
– on montrera que (p + 1)x est un élément d’ordre ϕ(pr ) dans U(Z/pr Z).)
Il reste maintenant à étudier U(Z/2r Z), avec r  2. Il est évident que
U(Z/4Z)  Z/2Z. On suppose donc que r  3.
8. Montrer que, si r  3, U(Z/2r Z)  Z/2Z × Z/2r−2 Z. (Pour cela,
– montrer, par récurrence sur k, que pour tout k ∈ N, il existe un nombre
k
impair q tel que 52 = 1 + q2k+2 ,
– en déduire que 5 est un élément d’ordre 2r−2 de U(Z/2r Z),

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♣ TR.I.B. Localisation et idéaux

– montrer que le noyau du morphisme canonique de groupes

U(Z/2r Z) → U(Z/2Z)

est engendré par 5,


– montrer que U(Z/2r Z) est isomorphe à Z/2r−2 Z ⊕ Z/2Z et en déduire le
résultat.)

♣ TR.I.B. Localisation et idéaux

Nous avons vu au théorème 6.10 que la localisation d’un anneau A relative-


ment à une partie multiplicative S est la solution d’un problème universel. Ce
problème universel a un sens même si S est une partie de A non nécessairement
multiplicative. Nous allons voir que l’on peut toujours supposer que la partie S
est multiplicative.
Si S est une partie de A, on note S la plus petite partie multiplicative de A
qui contient S et on l’appelle partie multiplicative de A engendrée par S.
1. Montrer que c’est l’intersection de toutes les parties multiplicatives de A qui
contiennent S, ou encore la partie de A obtenue par produits finis d’éléments de S.
2. Soient A un anneau et S une partie de A. En notant S −1 A la solution du
problème universel de localisation de A relativement à S, montrer que S −1 A est
−1
isomorphe à S A.
3. Soient A (resp. B) un anneau, S (resp. T ) une partie multiplicative de A (resp.
B), f : A −→ B un morphisme d’anneaux tel que f (S) ⊂ T . Montrer qu’il existe
un unique morphisme d’anneaux f  : S −1 A −→ T −1 B tel que, pour tout élément
a de A, f  ( a1 ) = f (a)
1 . Si T = f (S), montrer que si f est injectif (resp. surjectif ),
il en est de même pour f  .
4. En déduire que si A est un anneau, S et T deux parties multiplicatives
de A telles que S ⊂ T , alors il existe un unique morphisme d’anneaux
iT,S −1 −1 A tel que iT = iT,S ◦ iS .
A : S A −→ T A A A
Soient A un anneau et a un idéal de A. Un élément s ∈ A est dit A/a-régulier
si,
∀ a ∈ A, [ as ∈ a ] =⇒ [ a ∈ a ].

5. Soient A un anneau et S une partie multiplicative de A. Montrer que l’applica-


tion, qui à un idéal a de S −1 A fait correspondre a = (iSA )−1 (a ), est une bijection
croissante (pour l’inclusion) de l’ensemble des idéaux de S −1 A sur l’ensemble des
idéaux a de A tels que tout élément de S soit A/a-régulier.

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Algèbre T2

6. Soient A un anneau et S une partie multiplicative de A. Montrer que l’applica-


tion définie par p → (iSA )−1 (p) est une bijection de l’ensemble des idéaux premiers
de S −1 A sur l’ensemble des idéaux premiers p de A vérifiant p ∩ S = ∅.
Si p est un idéal premier d’un anneau A, on note Ap l’anneau S −1 A, avec
S = A \ p. Le morphisme canonique iSA est alors noté ip.
7. Soient A un anneau, S une partie multiplicative de A et p un idéal pre-
mier de S −1 A, p = (iSA )−1 (p ). Montrer qu’il existe un unique isomorphisme
ϕ : Ap −→ (S −1 A)p vérifiant

a
a b
∀ a ∈ A, ∀ b ∈ A \ p, ϕ = / .
b 1 1

8. Soient A un anneau et I l’ensemble des éléments non inversibles de A. Montrer


que I est la réunion des idéaux de A distincts de A. Montrer que I est un idéal si
et seulement si A possède un unique idéal maximal.
Un anneau A possédant un unique idéal maximal m est un anneau local. Le
corps A/m est le corps résiduel de A.
9. Soient A un anneau et p un idéal premier de A. Montrer que Ap est un anneau
local dont l’idéal maximal pAp est engendré par l’image canonique de p dans Ap.
Montrer que le corps résiduel de Ap est canoniquement isomorphe au corps des
fractions de l’anneau A/p (montrer que i−1
p (pAp) = p et utiliser les résultats des
questions 6 et 3).

♣ TR.I.C. Radical, nilradical


Dans tout ce TR, A est un anneau commutatif.
Le radical de A, noté Rad(A), est l’intersection de ses idéaux maximaux.
1. Montrer qu’un idéal a de A est contenu dans Rad(A) si et seulement si 1 + a
est contenu dans U(A) (groupe des éléments inversibles de A).
2. Montrer que Rad(Z) = 0.
3. Montrer que tout idéal premier de A contient un idéal premier minimal (i.e.
minimal dans l’ensemble, ordonné par inclusion, des idéaux premiers de A).
4. Soient p un idéal premier de A et a1 , . . . , an des idéaux de A. Montrer que si
a1 · · · an ⊂ p, il existe i, 1  i  n, tel que ai ⊂ p.
5. Soient a un idéal de A et p1 , . . . , pn des idéaux premiers de A. Montrer que si
a ⊂ ∪i=n
i=1 pi , il existe i, 1  i  n, tel que a ⊂ pi .
6. Soient a un idéal de A et S = 1 + a. Montrer que S est une partie multiplicative
de A et que S −1 a est contenu dans le radical de S −1 A.

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♣ TR.I.C. Radical, nilradical

On appelle nilradical de A, noté Nilrad(A), l’ensemble des éléments nilpo-


tents de A (on rappelle qu’un élément x de A est nilpotent s’il existe un entier
positif n tel que xn = 0).
7. Montrer que le nilradical de A est un idéal de A et que Nilrad(A) ⊂ Rad(A).
8. Montrer que Nilrad(A) est l’intersection des idéaux premiers de A. Montrer
que c’est aussi l’intersection des idéaux premiers minimaux de A.
9. Soit S une partie multiplicative de A. Montrer que S −1 Nilrad(A) est le nilra-
dical de S −1 A.

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7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN

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II
ANNEAUX
EUCLIDIENS, PRINCIPAUX, FACTORIELS

Tous les anneaux considérés dans ce


chapitre sont commutatifs
Les anneaux de polynômes sont d’une utilisation très fréquente en mathé-
matiques et leur rôle est primordial. Le premier paragraphe de ce chapitre est
consacré à un rappel de la définition générale de ces anneaux. En étudiant les
propriétés des anneaux de polynômes en une indéterminée, à coefficients dans
un corps, on est amené à introduire les notions d’anneaux euclidiens et prin-
cipaux. Les anneaux principaux comprennent une famille d’éléments privilégiés,
les éléments irréductibles, qui jouent dans l’anneau le même rôle que les nombres
premiers dans Z, c’est-à-dire qu’ils permettent d’écrire chaque élément de l’an-
neau sous forme d’une « décomposition en produit de facteurs irréductibles ». Ceci
conduit à la notion d’anneau factoriel. Enfin, on étudie la question suivante : un
anneau A étant de l’un des types cités ci-dessus (euclidien, principal, factoriel),
en est-il de même des anneaux de polynômes à coefficients dans A ?

1. Anneaux de polynômes

Soit n un entier strictement positif. On note i = (i1 , . . . , in ) les éléments de


Nn et, pour deux éléments i = (i1 , . . . , in ) et j = (j1 , . . . , jn ) de Nn , on pose
i + j = (i1 + j1 , . . . , in + jn ). On remarquera que l’élément 0 = (0, . . . , 0) est un
élément neutre pour cette loi.
Soit A un anneau commutatif. On note Pn (A) l’ensemble des applications
f : Nn → A telles que f (i) = 0 sauf pour un nombre fini de i ∈ Nn . On définit

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Chapitre II. Anneaux euclidiens, principaux, factoriels

sur Pn (A) deux opérations en posant, quels que soient f, g ∈ Pn (A)

f + g : Nn −→ A
i → f (i) + g(i)
h = f g : Nn −→  A
i → h(i) = j+k=i f (j)g(k).

Exercice E1.
1. Vérifier que ces opérations munissent Pn (A) d’une structure d’anneau com-
mutatif, dont l’élément unité est l’application définie par

i − →0 si i = 0
0 −→ 1.

2. Montrer que l’application A −→ Pn (A), définie par a −→ fa , avec fa (0) = a


et fa (i) = 0 si i = 0, est un morphisme injectif d’anneaux.

Dans la suite, on identifiera, par ce morphisme, le sous-anneau {fa }a∈A de


Pn (A) à l’anneau A.

1.1. Cas n = 1
Les éléments de N seront notés i (et non pas i). On note X l’application
N → A définie par X(1) = 1 et X(i) = 0 si i = 1. D’après la définition de la
multiplication dans P1 (A), on a

 
2 0 si i = 2
X (i) = X(j)X(k) =
1 si i = 2
j+k=i

et 
0 si i = s
∀ s ∈ N, s  1, s
X (i) =
1 si i = s.

On pose X 0 = f1 , i.e. X 0 (i) = 0 si i = 0 et X 0 (0) = 1.


Pour tout élément a = 0 ∈ A et tout entier s de N, l’application aX s définie
par

0 si i = s
aX s (i) =
a si i = s
est appelée monôme de coefficient a et de degré s.

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1. Anneaux de polynômes

Par conséquent, en posant, pour tout i ∈ N, f (i) = ai , tout élément f de


P1 (A) admet une écriture unique


n
f= ai X i ,
i=0

avec n = sup{i ∈ N | f (i) = 0}. On dit que f est un polynôme en X.


Les ai sont les coefficients de f et ai = 0 pour tout i si et seulement si
f = f0 = 0.
Si f = 0, on définit le degré de f , noté
 deg(f ), comme étant le plus grand
entier n tel que, dans l’expression f = ai X i , an soit non nul. Le coefficient
an est alors appelé le coefficient dominant de f . Le coefficient a0 est appelé
coefficient constant de f . Un polynôme non nul de degré n est dit unitaire si
son coefficient dominant est égal à 1.
Si f = 0, par convention, on pose deg(f ) = −∞.
On note A[X] l’anneau P1 (A). On remarquera que les opérations définies
ci-dessus dans Pn (A) correspondent, dans le cas n = 1, à l’addition et à la multi-
plication usuelles des polynômes.

1.2. Cas n  2

On considère les n-uples suivants :

i1 = (1, 0, . . . , 0), . . . , ij = (0, . . . , 0, 1, 0, . . . , 0), . . . , in = (0, . . . , 0, 1),

où le 1 est à la j-ième place dans ij , et on définit Xk ∈ Pn (A), 1  k  n, par



1 si i = ik
Xk (i) =
0 si i = ik .

On pose Xk0 égal à l’élément unité de Pn (A), quel que soit k.


Pour tout a ∈ A et tout i = (i1 , . . . , in ), d’après la définition de la multiplica-
tion dans Pn (A), l’élément a X1i1 · · · Xnin de Pn (A) vérifie

a si j = i
a X1i1 · · · Xnin (j) =
0  i
si j =

(vérification par récurrence sur |i| = i1 + · · · + in ). Un tel élément est appelé un


monôme et, s’il n’est pas nul (i.e. si a = 0), son degré est |i| = i1 + · · · + in .

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Chapitre II. Anneaux euclidiens, principaux, factoriels

Par conséquent, en posant f (i) = ai , chaque élément de Pn (A) s’écrit alors de


façon unique sous forme d’une somme finie de monômes distincts

f= ai X1i1 · · · Xnin ,
i

avec i = (i1 , . . . , in ). Une telle expression est appelée polynôme en les n indé-
terminées X1 , . . . , Xn , les ai sont les coefficients de ce polynôme et a0 est le
coefficient constant. Le degré total, noté deg(f ), du polynôme f = 0 est le
sup des |i| = i1 + · · · + in tel que ai soit non nul. Par convention, si f = 0, on
pose deg(f ) = −∞.
On note l’anneau Pn (A) sous la forme A[X1 , . . . , Xn ].

Définition 1.3. Un polynôme non nul f est dit homogène de degré s si tous
ses monômes ai X1i1 · · · Xnin non nuls ont même degré |i| = s. Si f = 0, il est
homogène de degré −∞.

Proposition 1.4. Si f et g sont deux polynômes homogènes et si f g = 0, alors f g


est homogène de degré total égal à la somme des degrés de f et g.

Démonstration. Les polynômes f et g étant homogènes de degré total respectif s


et t, ils s’écrivent

f= ai X1i1 · · · Xnin , i1 + · · · + in = s
i

et 
g= bj X1j1 · · · Xnjn , j1 + · · · + jn = t.
j

Si f g est non nul, il existe au moins un coefficient non nul



ch = ai bj
i+j=h

et chacune de ces expressions non nulles est coefficient du monôme

ch X1i1 +j1 · · · Xnin +jn

qui est de degré i1 + j1 + · · · + in + jn = s + t, d’où le résultat. ♦

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1. Anneaux de polynômes

Proposition 1.5. Un polynôme f de A[X1 , . . . , Xn ], de degré total m, s’écrit de


façon unique comme une somme f = f0 + f1 + · · · + fm , où fs est soit nul, soit
homogène de degré s et où fm = 0.

Démonstration. Pour tout s, 0  s  m, fs est la somme de tous les monômes de


degré s de f ; s’il n’y en a pas, on pose fs = 0. Puisque f est de degré total m,
on a fm = 0. ♦

Corollaire 1.6. Si f et g sont deux polynômes de A[X1 , . . . , Xn ], on a

deg(f g)  deg(f ) + deg(g).

Démonstration. Si f g = 0, on a bien −∞  deg(f ) + deg(g), quels que soient


deg(f ) et deg(g). Supposons donc que f g est non nul. Notons p et q les degrés
totaux respectifs de f et g : alors, d’après la proposition 1.5, on a f = f0 + · · · + fp
et g = g0 +· · ·+gq , où les fi et gj sont des polynômes homogènes de degré respectif
i et j, ou bien des polynômes nuls. Le polynôme f g s’écrit

f g = f0 g0 + · · · + fi gj + · · · + fp gq .
i+j=h

Chaque expression de cette somme est soit nulle, soit un polynôme homogène de
degré inférieur ou égal à p + q. D’où deg(f g)  deg(f ) + deg(g). ♦

Remarque 1.7. Si on a 1  m < n, on peut identifier Pm (A) à un sous-anneau


de Pn (A), en identifiant Nm à l’ensemble des éléments de Nn dont les (n − m)
dernières composantes sont nulles. Cela permet l’identification

A[X1 , . . . , Xn ]  A[X1 , . . . , Xm ][Xm+1 , . . . , Xn ].

En particulier, en écrivant A[X1 , . . . , Xn ] = A[X1 , . . . , Xn−1 ][Xn ], une ré-


currence évidente montre que si une propriété P est vérifiée par un anneau
A et par l’anneau A[X], alors cette propriété P est aussi vérifiée par l’anneau
A[X1 , . . . , Xn ], pour tout n  1.

Proposition 1.8. Si l’anneau A est intègre, il en est de même de l’anneau


A[X1 , . . . , Xn ], et si f et g sont deux polynômes non nuls, le degré total de f g
est la somme des degrés totaux de f et g.

Démonstration. D’après la remarque 1.7, il suffit de démontrer la proposition pour


l’anneau A[X], ce qui est un exercice facile. ♦

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Chapitre II. Anneaux euclidiens, principaux, factoriels

Remarque 1.9. Si K est un corps, l’anneau K[X1 , . . . , Xn ] est intègre donc,


d’après I.6.1, il admet un corps de fractions, noté K(X1 , . . . , Xn ), appelé corps
des fractions rationnelles sur K en n indéterminées.

Théorème 1.10 (propriété universelle de A[X1 , . . . , Xn ]). Soient A et B deux an-


neaux, ϕ : A → B un morphisme d’anneaux et y1 , . . . , yn des éléments de B. Il
existe un unique morphisme d’anneaux ψ : A[X1 , . . . , Xn ] → B tel que ψ|A = ϕ et
ψ(Xi ) = yi , i = 1, . . . , n.

Démonstration. Tout élément f de A[X1 , . . . , Xn ] s’écrit de manière unique comme


somme d’un nombre fini de monômes distincts

f= ai X1i1 · · · Xnin .
i

En posant 
ψ(f ) = ϕ(ai ) y1i1 · · · ynin ,
i

on obtient une application ψ bien définie qui vérifie ψ|A = ϕ et, pour tout i,
ψ(Xi ) = yi . Ces conditions rendent nécessaire la définition de l’application ψ
ci-dessus, d’où son unicité. Vérifions que ψ est un morphisme d’anneaux.
On a ψ(1) = ϕ(1) = 1. D’autre part, soient
 
f= ai X1i1 · · · Xnin et g = bj X1j1 · · · Xnjn ,
i j

alors 
f +g = (ai + bi ) X1i1 · · · Xnin
i

où ai (resp. bi ) est nul si le monôme X1i1 · · · Xnin n’apparaît pas dans f (resp. g),
et  
fg = ch X1h1 · · · Xnhn , ch = ai bj .
h i+j=h

On a donc 
ψ(f + g) = ϕ(ai + bi ) y1i1 · · · ynin
i
 
= ϕ(ai ) y1i1 · · · ynin + ϕ(bi ) y1i1 · · · ynin = ψ(f ) + ψ(g).
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2. Division euclidienne – Anneaux euclidiens

D’autre part, 
ψ(f g) = ϕ(ch ) y1h1 · · · ynhn ,
h

mais 
ϕ(ch ) = ϕ(ai )ϕ(bj ),
i+j=h

d’où
 
ψ(f g) = ( ϕ(ai )ϕ(bj )) y1h1 · · · ynhn
h i+j)=h
 
=( ϕ(ai ) y1i1 · · · ynin )( ϕ(bj ) y1j1 · · · ynjn ) = ψ(f )ψ(g). ♦
i j

On trouvera au TR.IV.B une autre description des anneaux de polynômes et


une généralisation à un nombre infini d’indéterminées.

2. Division euclidienne – Anneaux euclidiens

Théorème 2.1. Soient A un anneau et f , g deux éléments de l’anneau A[X]. On


suppose que le coefficient dominant de g est un élément inversible de A. Alors, il
existe un couple unique (q, r) ∈ A[X]×A[X] tel que f = gq +r et deg(r) < deg(g).

Démonstration. Existence. On pose m = deg(f ) et deg(g) = n. Si m < n, le couple


(0, f ) répond à la question. Si m = n, c’est évident. On suppose que m > n et le
résultat est vrai pour m − 1. On peut écrire f = bX m + · · · et g = aX n + · · · ,
alors af − bX (m−n) g est de degré inférieur ou égal à m − 1 et, par hypothèse de
récurrence, il existe un couple (q1 , r1 ), avec deg(r1 ) < deg(g), tel que

af − bX m−n g = gq1 + r1 .

D’où
f = a−1 (bX m−n + q1 )g + a−1 r1 ,
ce qui est l’égalité cherchée, avec q = a−1 (bX m−n + q1 ) et r = a−1 r1 .
Unicité. Supposons qu’il existe un autre couple (q  , r  ), avec deg(r  ) < deg(g),
tel que f = gq  + r  . Alors g(q − q  ) = r  − r ; si r  − r = 0, alors on aurait
deg(q − q  ) + deg(g) = deg(r  − r), ce qui est impossible. D’où r = r  , ce qui
entraîne q = q  . ♦

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Chapitre II. Anneaux euclidiens, principaux, factoriels

Définitions 2.2.
a) Soit A un anneau. On appelle algorithme euclidien sur A toute ap-
plication ϕ de A \ {0} dans N telle que, pour tout x ∈ A \ {0} et tout y ∈ A,
il existe q ∈ A et r ∈ A tels que y = qx + r, avec ϕ(r) < ϕ(x) ou r = 0.
b) Un anneau A est euclidien s’il est intègre et s’il existe sur A un algo-
rithme euclidien.

Exercice E2. Montrer que l’anneau D des nombres décimaux (i.e. le sous-anneau
de Q engendré par 1/10) est euclidien.

Nous verrons au TR.II.A d’autres exemples d’anneaux euclidiens.

Théorème 2.3. Si K est un corps, l’anneau K[X] est euclidien.

Démonstration. C’est une conséquence immédiate du théorème 2.1 appliqué à


K[X] : il suffit de considérer ϕ(P ) = deg(P ). ♦

Remarque 2.4. Pour montrer qu’un anneau intègre est euclidien, il suffit de mon-
trer qu’il est muni d’un algorithme euclidien. Par conséquent, pour montrer qu’un
anneau intègre n’est pas euclidien, il faut montrer qu’il n’est muni d’aucun algo-
rithme euclidien, ce qui est en général difficile. La proposition suivante donne une
condition nécessaire assez simple pour qu’un anneau intègre soit euclidien. Pour
montrer qu’un anneau intègre n’est pas euclidien, il suffit alors de montrer qu’elle
n’est pas vérifiée. Nous l’utiliserons au TR.II.B pour donner un exemple d’anneau
non euclidien.

Proposition 2.5. Si A est un anneau euclidien, il existe un élément x dans A\U(A)


tel que l’application U(A) ∪ {0} → A/(x), induite par la projection canonique
A → A/(x), soit surjective.

Démonstration. Soit A un anneau intègre muni d’un algorithme euclidien noté ϕ.


Si A est un corps, il suffit de prendre x = 0. Sinon, l’ensemble des éléments de A
qui sont non nuls et non inversibles est non vide. Soit x l’un de ces éléments, tel
que ϕ(x) soit minimal. Tout élément de l’anneau A/(x) est la classe d’un élément
de A modulo (x). Or, tout élément a ∈ A s’écrit a = xq + r avec r = 0 ou
ϕ(r) < ϕ(x). Autrement dit, a ≡ r mod((x)) avec r = 0 ou ϕ(r) < ϕ(x). Si r = 0,
d’après la minimalité de ϕ(x), l’élément r est inversible, d’où le résultat. ♦

L’exercice qui suit donne une condition nécessaire et suffisante pour qu’un
anneau intègre soit euclidien.

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3. Anneaux principaux

Exercice E3 (¶). Soit A un anneau intègre. On considère la suite de parties


(An )n∈N de A définie par récurrence de la façon suivante :

A0 = {0}, . . . , An+1 = An ∪ {x ∈ A | A = An + (x)}.

a) Montrer que l’anneau A est euclidien si et seulement si A = ∪n∈N An (on


considérera l’application ϕ définie par ϕ(x) = inf{n ∈ N | x ∈ An }).
b) Montrer que si l’anneau A est euclidien, l’application ϕ définie ci-dessus
est le plus petit algorithme euclidien qui existe sur A, i.e. pour tout algorithme
euclidien ψ défini sur A et tout x ∈ A, ϕ(x)  ψ(x). Montrer qu’il vérifie la
propriété suivante : si a divise b, alors ϕ(a)  ϕ(b).

Théorème 2.6. Si A est un anneau euclidien, tout idéal de A est engendré par un
élément.

Démonstration. Soient A un anneau et I un idéal de A. Si I = 0, on a I = (0).


On suppose maintenant que A est euclidien, muni d’un algorithme euclidien ϕ,
et que I = 0. Alors ϕ(I \ {0}) est une partie non vide de N et a donc un plus
petit élément α. Soit a ∈ (I \ {0}) tel que ϕ(a) = α. Tout élément x ∈ I s’écrit
x = aq + r avec r = 0 ou ϕ(r) < ϕ(a) = α. Mais r = x − aq appartient à I donc,
par minimalité de α, on a r = 0. Par conséquent, I = (a). ♦

Cette propriété conduit à la notion d’anneau principal.

3. Anneaux principaux

Définitions 3.1.
a) Soient A un anneau et I un idéal de A. On dit que I est principal s’il
est engendré par un élément (i.e. ∃ a ∈ A tel que I = (a)).
b) Un anneau A est principal s’il est intègre et si tout idéal de A est
principal.

Remarques 3.2 (importantes).


a) Si l’élément a ∈ A est inversible, alors aa−1 = 1 ∈ (a) et, d’après la
remarque I.2.2.c, (a) = A.
b) Dans un anneau intègre, (a) = (a ) est équivalent à a = ua avec u élément
inversible de A. En effet, si (a) = (a ), il existe u ∈ A et v ∈ A tels que a = ua
et a = va : on a donc a = uva , d’où a (1 − uv) = 0 et, puisque l’anneau A est

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Chapitre II. Anneaux euclidiens, principaux, factoriels

intègre, uv = 1. Si a = ua, alors (a ) ⊂ (a). Si u est inversible, on a a = u−1 a ,


d’où (a) ⊂ (a ).
Autrement dit, dans un anneau principal, tous les générateurs d’un idéal quel-
conque sont « égaux entre eux, aux éléments inversibles près ».

Le théorème 2.6 s’énonce de la façon suivante.

Théorème 3.3. Un anneau euclidien est principal. ♦

Attention. La réciproque est fausse (cf. TR.II.B).

Corollaire 3.4.
(i) L’anneau Z est principal.
(ii) Si K est un corps, l’anneau K[X] est principal. ♦

Exercice E4. Montrer que l’anneau Z[X] n’est pas principal (considérer l’idéal de
Z[X] engendré par 2X et X 2 + 1).

Remarque 3.5. L’exercice E4 ci-dessus montre que la propriété pour un anneau A


d’être principal ne se transmet pas nécessairement à l’anneau de polynômes A[X].
Et d’après le théorème 3.3, il en est de même pour la propriété d’être euclidien.

Nous allons montrer que les anneaux principaux satisfont une propriété de
« finitude ». Ce point de vue sera généralisé au TR.II.C. et en VI.4.
Nous allons d’abord établir un résultat général.

Théorème 3.6. Soit E un ensemble ordonné. Les assertions suivantes sont équi-
valentes.
(i) Toute famille non vide d’éléments de E admet un élément maximal.
(ii) Toute suite croissante (xn )n0 d’éléments de E est stationnaire.

Démonstration. Montrons que (i) implique (ii). Soient (xn )n∈N une suite croissante
d’éléments de E et xq un élément maximal de l’ensemble {xn }n∈N . Pour n  q,
on a xn  xq , d’après la croissance de la suite, d’où xn = xq d’après la maximalité
de xq .
Montrons que (ii) implique (i). Supposons qu’il existe une famille non vide
F de E sans élément maximal. Alors, pour x ∈ F , l’ensemble des y ∈ F tels
que y > x est non vide. D’après l’axiome du choix (cf. Appendice), il existe une
application f : F → F telle que, pour tout x ∈ F , f (x) > x. En fixant un élément
x0 et en posant x1 = f (x0 ), . . . , xn+1 = f (xn ), on obtient une suite strictement
croissante. Elle ne peut donc être stationnaire. ♦

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3. Anneaux principaux

Théorème 3.7. Soit A un anneau principal.


(i) Toute suite croissante d’idéaux de A est stationnaire.
(ii) Toute partie non vide de l’ensemble des idéaux de A, ordonné par inclusion,
admet un élément maximal.
Démonstration. D’après le théorème 3.6, il suffit de démontrer l’assertion (i). Soit

(In )n∈N une suite croissante d’idéaux de A. Alors I = n∈N In est un idéal de A,
d’où il existe a ∈ A tel que I = (a). Donc il existe m ∈ N tel que a ∈ Im . Or, pour
tout p  m, on a Im ⊆ Ip ⊆ I = (a) ⊆ Im . Ce qui signifie que la suite (In )n∈N est
stationnaire à partir du rang m. ♦

Définitions 3.8. Soient A un anneau intègre et a un élément de A.


a) L’élément a = 0 est dit irréductible s’il n’est pas inversible et si l’éga-
lité a = bc, (b, c) ∈ A × A, implique que b ou c est un élément inversible
de A.
b) L’élément a est dit premier si l’idéal (a) est premier.

Remarque 3.9. Un élément a d’un anneau A est irréductible (resp. premier) si


et seulement si, pour tout élément inversible u de A, ua est irréductible (resp.
premier, d’après la remarque 3.2) dans A. Par conséquent, on considérera les
éléments irréductibles (resp. premiers) d’un anneau, « aux inversibles près ».
Proposition 3.10. Si A est un anneau intègre, tout élément premier non nul est
irréductible.
Démonstration. Puisque l’idéal (a) est premier, on a (a) = A, donc a est non
inversible dans A. Si a = bc, alors b ∈ (a) ou c ∈ (a) puisque (a) est un
idéal premier. Si b ∈ (a), alors b = ua, d’où a = bc = uac et a(1 − uc) = 0.
Puisque l’anneau A est intègre, on a (1 − uc) = 0, ce qui signifie que c est in-
versible. Si c’est c qui appartient à (a), le même raisonnement montre que b est
inversible. ♦
Attention. La réciproque est fausse (cf. exercice E5 ci-dessous).
Exercice E5. Soient K un corps et A le sous-anneau de K[X, Y ] formé des po-
lynômes dont le degré total est pair. Montrer que l’élément XY est irréductible
dans A, mais pas premier.
Proposition 3.11. Soient A un anneau intègre et a = 0 un élément de A.
(i) Si l’idéal (a) est maximal, l’élément a est irréductible.
(ii) Si A est principal et si a est irréductible, l’idéal (a) est maximal.

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Chapitre II. Anneaux euclidiens, principaux, factoriels

Démonstration.
(i) Si l’idéal (a) est maximal il est premier, l’élément a est donc premier, et
par conséquent irréductible.
(ii) Supposons que l’élément a soit irréductible et que l’anneau A soit principal.
Supposons qu’il existe un idéal I = (b) de A tel que (a) ⊆ I. Alors a = bc et,
puisque a est irréductible, b ou c est inversible. Si b est inversible, alors (b) = A
et si c est inversible, alors b = ac−1 et (b) = (a). On en déduit que l’idéal (a) est
maximal. ♦

Remarque 3.12. Un idéal maximal étant premier, ce qui précède montre que dans
un anneau principal les éléments premiers non nuls (resp. les idéaux premiers non
nuls) et les éléments irréductibles (resp. les idéaux maximaux) coïncident.

Exercice E6. Montrer que l’anneau A[X] est principal si et seulement si A est un
corps.

Proposition 3.13. Soit A un anneau intègre dans lequel tout élément non nul et
non inversible est produit fini d’éléments irréductibles de A. Alors les assertions
suivantes sont équivalentes.
(i) Si a est un élément non nul et non inversible de A et si
a = p1 · · · pn = q1 · · · qm , où les éléments p1 , . . . , pn , q1 , . . . , qm sont des éléments
irréductibles de A, alors m = n et il existe une permutation σ ∈ Sn et des éléments
inversibles de A, u1 , . . . , un , tels que qi = ui pσ(i) , i = 1, . . . , n.
(ii) Si a est un élément irréductible de A et si a divise le produit bc,
(b, c) ∈ A × A, alors a divise b ou a divise c.

Démonstration. Montrons que (i) implique (ii). Soient b et c deux éléments non
nuls de A et supposons que a divise bc. Si b (resp. c) est inversible, il est évident
que a divise c (resp. b). On suppose donc que b et c sont non inversibles. On a
alors bc = ad avec d non inversible, sinon l’élément a étant irréductible, on aurait
b ou c inversible. On a donc

b = p1 · · · p r , c = pr+1 · · · pr+s , d = q1 · · · qt

où les pi et qj , 1  i  r + s, 1  j  t, sont des éléments irréductibles de A.


L’égalité bc = ad s’écrit alors

p1 · · · pr pr+1 · · · pr+s = aq1 · · · qt .

D’après la condition (i), il existe un i0 , 1  i0  r + s, et un élément inversible


ui0 de A tels que a = ui0 pi0 . On en déduit que si 1  i0  r, alors a divise b et si
r + 1  i0  r + s, alors a divise c.

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3. Anneaux principaux

Montrons que (ii) implique (i). Soit a = p1 · · · pn = q1 · · · qm , où les éléments


p1 , . . . , pn , q1 , . . . , qm sont des éléments irréductibles de A. Il s’agit de montrer
que m = n et que, pour tout i, il existe une permutation σ ∈ Sn et un élément
inversible ui tels que qi = ui pσ(i) . On procède par récurrence sur n + m : si
n + m = 2, alors p1 = q1 . Supposons le résultat établi pour n + m < n + m ;
comme q1 divise p1 · · · pn et que q1 est irréductible, d’après (ii) q1 divise pj pour un
certain j et il existe u1 tel que q1 = u1 pj . On peut donc appliquer l’hypothèse de
récurrence à q2 · · · qm et p1 · · · pj−1pj+1 · · · pn : on a n − 1 = m − 1 et il existe une
permutation μ ∈ Sn−1 et des éléments inversibles u2 , . . . , un tels que qi = ui pμ(i) .
On a donc n = m et on étend μ en un élément σ ∈ Sn en posant σ(1) = j et
σ(i) = μ(i) pour i = 2, . . . , n. ♦

Théorème 3.14. Soit A un anneau principal. Alors :


(i) chaque élément non nul et non inversible de A s’écrit comme produit fini
d’éléments irréductibles de A,
(ii) les deux assertions équivalentes de la proposition 3.13 sont vérifiées.

Démonstration.
(i) Si A est un corps, l’ensemble des éléments non nuls et non inversibles est
vide et toutes les assertions ci-dessus sont vérifiées. On suppose donc que A n’est
pas un corps.
Soit a un élément non nul et non inversible de A. Si a est irréductible, l’asser-
tion est vérifiée. Supposons que a est non irréductible : montrons d’abord que a
admet un facteur irréductible. S’il n’en admettait pas, on pourrait écrire a = a1 b1
avec a1 et b1 non inversibles. De la même manière, on aurait a1 = a2 b2 avec a2 et
b2 non inversibles. En réitérant ce procédé, on aurait une suite d’éléments ai avec
ai+1 |ai et, pour tout i, ai = ui ai+1 avec ui inversible. Autrement dit, on aurait une
suite strictement croissante d’idéaux {(ai )}i∈N , ce qui est en contradiction avec le
fait que A est un anneau principal, d’après (3.7). Cela montre que a = p1 a1 avec
p1 irréductible : si a1 est inversible, c’est terminé. Sinon, on a a1 = p2 a2 avec p2
irréductible. Ce processus s’arrête au bout d’un nombre fini d’étapes, sinon on au-
rait à nouveau une suite strictement croissante d’idéaux {(ai )}i∈N . Il existe donc
un entier n tel que a = an p1 · · · pn , avec an inversible et p1 , . . . , pn irréductibles.
(ii) Supposons que q soit un élément irréductible de A et que q|bc. En no-
tant b et c les classes respectives de b et c dans A/(q), on a bc = 0. D’après la
proposition 3.11, on en déduit que b = 0 ou c = 0, i.e. q divise b ou q divise c.

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Chapitre II. Anneaux euclidiens, principaux, factoriels

4. Anneaux factoriels
Définitions 4.1. Un anneau factoriel A est un anneau intègre dans lequel :
a) tout élément non nul et non inversible de A s’écrit comme produit d’un
nombre fini d’éléments irréductibles de A,
b) si a est un élément non nul et non inversible de A et si
a = p1 · · · pn = q1 · · · qm , où les éléments p1 , . . . , pn , q1 , . . . , qm sont des élé-
ments irréductibles de A, alors m = n et il existe une permutation σ ∈ Sn et
des éléments inversibles de A, u1 , . . . , un , tels que qi = ui pσ(i) , i = 1, . . . , n
(unicité de la décomposition).

Proposition 4.2. Dans un anneau factoriel, un élément non nul est irréductible si
et seulement s’il est premier.

Démonstration. Soit A un anneau factoriel : l’anneau A étant intègre, un élément


premier est irréductible (proposition 3.10). Supposons que a ∈ A soit irréductible
et que bc ∈ (a). Alors a divise bc et, puisque l’anneau A est factoriel, a divise b ou
c, donc b ∈ (a) ou c ∈ (a). Par conséquent, si l’élément a est irréductible, l’idéal
(a) est premier. ♦

Le théorème suivant est un corollaire immédiat du théorème 3.14.

Théorème 4.3. Un anneau principal est factoriel. ♦

Attention. La réciproque est fausse (cf. remarque 4.7.a ci-dessous).

Théorème 4.4. Un anneau factoriel, qui n’est pas un corps, est principal si et seule-
ment si les idéaux premiers non nuls sont maximaux.

Démonstration. D’après la remarque 3.12, l’assertion est vraie pour les anneaux
principaux. Montrons la réciproque. Soit A un anneau factoriel vérifiant la condi-
tion de l’énoncé.
Montrons que les idéaux premiers sont principaux. Soient I un idéal pre-
mier non nul de A et x un élément non nul de I ; puisque A est factoriel, on a
x = p1 · · · pn , où les pi sont des éléments irréductibles de A. Puisque I est un
idéal premier, il existe un indice i0 tel que pi0 appartient à I. L’élément pi0 , étant
irréductible dans un anneau factoriel, est premier, donc l’idéal (pi0 ) est premier
et, par conséquent, maximal par hypothèse. Il est contenu dans I, qui est premier,
donc différent de A, d’où (pi0 ) = I.
Cela entraîne que les idéaux premiers de A sont principaux.

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4. Anneaux factoriels

Montrons par l’absurde que l’anneau A est principal. Si l’anneau A n’est pas
principal, l’ensemble I des idéaux de A qui ne sont pas principaux est non vide.
L’ensemble I, ordonné par inclusion, est inductif donc, d’après le lemme de Zorn
(cf. Appendice), il possède un élément maximal I = {0}. D’après ce qui précède,
l’idéal I n’est pas premier ; il ne peut donc pas être maximal. Il existe un idéal
maximal m qui contient I strictement. Un idéal maximal étant premier, d’après
ce qui précède m = (p) et, d’après la proposition 3.11, l’élément p est irréductible.
Soit p−1 l’inverse de p dans le corps K des fractions de A. Pour tout élément x
de I, l’élément px appartient à I, donc x = p−1 px appartient à p−1 I. Puisque
I ⊂ (p), p divise tout élément x ∈ I, donc p−1 x appartient à A et p−1 I est
un idéal de A. C’est un idéal propre de A (car p, étant irréductible, ne peut être
inversible), qui contient I. De plus, il le contient strictement : en effet, si p−1 I = I,
une récurrence évidente montre que tout élément x de I est divisible par pn pour
tout n ∈ N, ce qui n’est possible que si I = {0}, ce qui est contraire à l’hypothèse.
Par conséquent, l’idéal p−1 I n’appartient pas à I, il est donc principal. Il en est
donc de même de I, d’où la contradiction. ♦

Théorème 4.5. Si A est un anneau factoriel, l’anneau A[X] est factoriel.

Démonstration. Montrons d’abord que tout élément non nul et non inversible de
A[X] s’écrit sous forme d’un produit fini d’éléments irréductibles. Soit f ∈ A[X]
un élément non nul et non inversible. Si f n’est pas irréductible, alors on a f = f1 f2
avec fi , i = 1, 2, éléments non inversibles de A[X]. Si f1 et f2 sont irréductibles,
on a le résultat. Si f1 ou f2 est non irréductible, on lui applique le même processus.
À chaque étape, ce processus diminue le degré des polynômes ou décompose le co-
efficient dominant en produit d’éléments irréductibles de A, donc de A[X]. En un
nombre fini d’étapes, on obtient une décomposition de f en un produit fini d’élé-
ments irréductibles de A[X]. Pour démontrer « l’unicité » de la décomposition, on
établit d’abord deux lemmes.

Lemme 4.5.1 (de Gauss). Soient a un élément irréductible d’un anneau factoriel
A, f et g deux éléments de A[X]. Si a divise le produit f g, alors a divise f ou a
divise g.

Démonstration. Écrivons

f (X) = b0 + b1 X + · · · + bn X n , g(X) = c0 + c1 X + · · · + cm X m .

Si n = m = 0, le résultat est clair d’après la définition d’un anneau factoriel. On


suppose que n = 0 ou m = 0 et que a ne divise ni f ni g. De manière générale, un
élément a d’un anneau intègre A divise un polynôme f ∈ A[X] si et seulement si

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Chapitre II. Anneaux euclidiens, principaux, factoriels

a divise chaque coefficient de f . Il existe donc un coefficient bi0 = 0 qui n’est pas
divisible par a. On peut donc considérer k le plus petit entier, 0  k  n, tel que
a ne divise pas bk , i.e. a divise bi pour i < k. De la même manière, on considère
le plus petit entier h tel que a ne divise pas ch . Le coefficient du terme de degré
h + k de f g est

b0 ch+k + b1 ch+k−1 + · · · + bk ch + · · · + bh+k c0 .

L’élément a divise tous les termes de cette somme sauf le terme bk ch , par consé-
quent a ne divise pas le coefficient du terme de degré h + k de f g, il ne divise
donc pas f g. ♦

Lemme 4.5.2. Soient A un anneau factoriel, f, g deux éléments de A[X] et a = f


un élément de A qui divise le produit f g. Si f est irréductible, alors a divise g.

Démonstration. On applique le lemme précédent à tous les facteurs irréductibles


de a. ♦

Montrons maintenant, par l’absurde, l’unicité de la décomposition de tout


élément de A[X] en un produit fini d’éléments irréductibles. Supposons qu’il existe
f ∈ A[X] tel que
f = p1 · · · pr = q 1 · · · q s ,
où les pi , i = 1, . . . , r, qj , j = 1, . . . , s, sont des éléments irréductibles de A[X]
distincts et f étant de degré minimum pour cette propriété. On peut supposer
que

m = deg(p1 )  deg(p2 )  · · ·  deg(pr ) , n = deg(q1 )  deg(q2 )  · · ·  deg(qs ),

et que n  m > 0. On note a = 0 le coefficient dominant de p1 , b = 0 celui de q1


et on pose
g = af − bp1 X n−m q2 · · · qs .
On a alors, d’une part,

(1) g = ap1 · · · pr − bp1 X (n−m) q2 · · · qs = p1 (ap2 · · · pr − bX (n−m) q2 · · · qs )

et, d’autre part,

(2) g = aq1 · · · qs − bp1 X (n−m) q2 · · · qs = (aq1 − bp1 X (n−m) )q2 · · · qs .

L’égalité (1) montre que l’élément irréductible p1 est en facteur dans g et l’égalité
(2) montre qu’il en est de même des éléments irréductibles q2 , . . . , qs .

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4. Anneaux factoriels

Si le polynôme g est non nul, d’après les choix de a et b, on a l’inégalité


deg(aq1 −bp1 X (n−m) ) < deg(q1 ), d’où l’inégalité deg(g) < deg(f ). Par conséquent,
d’après la minimalité du degré de f , la décomposition de g en produit d’éléments
irréductibles est unique. On en déduit que p1 est en facteur dans aq1 − bp1 X (n−m) ,
donc aussi dans aq1 .
Si g est nul, alors aq1 = bp1 X n−m . Dans tous les cas, on a donc aq1 = p1 h,
pour un certain h ∈ A[X]. D’après le lemme 4.5.2, on a h = ah1 , h1 ∈ A[X], d’où
q1 = p1 h1 , ce qui contredit le fait que q1 soit irréductible. ♦
Corollaire 4.6. Si A est un anneau factoriel, l’anneau A[X1 , . . . , Xn ] est factoriel.

Remarques 4.7.
a) L’anneau Z étant principal est factoriel, donc Z[X] est un anneau factoriel.
On a vu à l’exercice E4 que cet anneau n’est pas principal. Cela fournit donc un
exemple d’anneau factoriel non principal.
b) On peut résumer les résultats principaux de ce chapitre par
euclidien ⇒ principal ⇒ factoriel
et aucune des implications réciproques n’est vraie. De plus, parmi ces propriétés,
seule celle d’être factoriel « passe » de l’anneau à l’anneau de polynômes.
c) Soit A un anneau factoriel. Il existe un ensemble P d’éléments irréductibles
de A tel que :
(i) ∀ p, q ∈ P, si p = q, alors ∀ u ∈ U(A), q = up,
(ii) tout élément irréductible de A est multiple d’un unique élément de P
par un élément inversible de A,
(iii) tout élément a de A, non nul et non inversible, s’écrit de manière unique
(à l’ordre près des facteurs) a = u pα1 1 · · · pαnn , où u ∈ U(A) et pi ∈ P, i = 1, . . . , n,
αi ∈ N∗ , i = 1, . . . , n.
Un tel ensemble P est appelé ensemble complet d’éléments irréductibles.
Exercice E7.
1. Montrer que si A est un anneau factoriel, tout élément x appartenant à
F (A), où F (A) désigne le corps de fractions de A, peut s’écrire x = a/b, avec
pgcd(a, b) = 1 (cf. ci-dessous pour la définition du pgcd).
2. Soient A un anneau factoriel, S une partie multiplicative de A et S −1 A
l’anneau de fractions de A associé à la partie S (cf. définition I.6.8).
a) Montrer que les éléments irréductibles de S −1 A sont (aux inversibles de
S −1 A près) les éléments irréductibles de A qui ne divisent aucun élément de S.
b) Montrer que l’anneau S −1 A est factoriel.

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Chapitre II. Anneaux euclidiens, principaux, factoriels

5. Divisibilité
Définitions 5.1. Soient a et b deux éléments d’un anneau A.
a) On appelle plus grand diviseur commun de a et b, et on note
pgcd(a, b), tout élément d de A vérifiant les deux propriétés suivantes :
(i) d|a et d|b
(ii) ∀ x ∈ A tel que x|a et x|b, alors x|d.
b) On appelle plus petit commun multiple de a et b, et on note
ppcm(a, b), tout élément m de A vérifiant les propriétés suivantes :
(i) a|m et b|m
(ii) ∀ x ∈ A tel que a|x et b|x, alors m|x.

Proposition 5.2. Soient a et b deux éléments d’un anneau intègre A. Si d et d


(resp. m et m ) sont deux pgcd (resp. ppcm) de a et b, il existe un élément u
inversible de A tel que d = ud (resp. m = um).

Démonstration. Soient d et d deux pgcd de a et b. Puisque d est un diviseur de a


et b, d divise d et, pour les mêmes raisons, d divise d. Par conséquent, il existe
des éléments u et v de A tels que d = ud et d = vd . On a donc d = uvd, i.e.
d(1 − uv) = 0 et, puisque A est intègre, u et v sont inversibles.
La démonstration pour les ppcm est analogue. ♦

Remarque 5.3. On peut aussi énoncer la proposition précédente de la façon sui-


vante : si deux éléments d’un anneau intègre admettent un pgcd (resp. ppcm), il
est unique à la multiplication par un élément inversible près.

Théorème 5.4. Soient deux éléments quelconques a et b d’un anneau factoriel A.


(i) Ils ont un pgcd et un ppcm dans A.
(ii) Il existe un pgcd d et un ppcm m de a et b tels que ab = dm.

Démonstration. Le résultat est évident si les éléments a ou b sont nuls ou inver-


sibles. D’après la remarque 4.7.c, on a
 α  β
a=u pi i , b=v pj j
i∈I j∈J

où u et v sont des éléments inversibles de A, les pi et pj sont des éléments de P, αi


et βj sont des entiers positifs. En acceptant que des αi et βj soient éventuellement

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5. Divisibilité

nuls, on peut supposer que I = J. Alors,


 γ  δ
pkk , pkk
k∈I k∈I

avec
γk = inf k∈I (αk , βk ), δk = supk∈I (αk , βk )
sont respectivement un pgcd et un ppcm de a et b. Si l’on pose
 γ  δ
d=u pkk , m = v pkk
k∈I k∈I

on a dm = ab. ♦

Remarque 5.5. La définition d’un pgcd (resp. ppcm) de deux éléments d’un an-
neau s’étend clairement à une famille finie d’éléments a1 , . . . , an de A. Le même
procédé que celui montrant l’existence d’un pgcd (resp. ppcm) de deux éléments
d’un anneau factoriel montre l’existence d’un pgcd (resp. ppcm) d’une famille
finie d’éléments.

Définition 5.6. Des éléments a1 , . . . , an d’un anneau factoriel A sont dits


étrangers s’ils admettent l’unité de A pour pgcd.

Proposition 5.7.
(i) Soient a1 , . . . , an des éléments d’un anneau factoriel A et d un pgcd de
ces éléments. Posons ai = dai , i = 1, . . . , n. Les éléments ai , i = 1, . . . , n, sont
étrangers.
(ii) Si a1 , . . . , an sont des éléments étrangers deux à deux d’un anneau facto-
riel, le produit a1 · · · an est un ppcm de a1 , . . . , an .

Démonstration. Laissée au lecteur à titre d’exercice. ♦

Dans le cas d’un anneau principal, on a les propriétés plus précises suivantes.

Théorème 5.8 (de Bezout). Soient a1 , . . . , an et d des éléments d’un anneau prin-
cipal. Les assertions suivantes sont équivalentes :
(i) d est un pgcd de a1 , . . . , an ,
(ii) d est un générateur de l’idéal de A engendré par les éléments a1 , . . . , an .

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Chapitre II. Anneaux euclidiens, principaux, factoriels

Démonstration. Si d = pgcd(a1 , . . . , an ), l’idéal (a1 , . . . , an ) est contenu dans l’idéal


(d). Puisque A est un anneau principal, il existe un élément b ∈ A tel que
(a1 , . . . , an ) = (b), d’où b divise les éléments ai , i = 1, . . . , n, et par conséquent b
divise d, i.e. (d) est contenu dans (b). On en déduit que (d) = (a1 , . . . , an ).
Soit d un élément de A tel que (d) = (a1 , . . . , an ). Alors, pour tout i = 1, . . . , n,
d divise ai . Soit b un élément de A divisant les éléments ai , i = 1, . . . , n. Par
ailleurs, (d) = (a1 , . . . , an ) est contenu dans (b), donc b divise d. On en déduit que
d est un pgcd de a1 , . . . , an . ♦

Théorème 5.9. Soient a1 , . . . , an et m des éléments d’un anneau principal A. Les


assertions suivantes sont équivalentes :
(i) m est un ppcm de a1 , . . . , an ,

(ii) m est un générateur de l’idéal ni=1 (ai ).

Démonstration. Laissée au lecteur à titre d’exercice. ♦

Exercice E8. On dit qu’un anneau A est de Bezout si tout idéal de A engendré
par deux éléments est principal.
Montrer qu’un anneau factoriel de Bezout est principal. (En notant P une
famille de représentants des éléments irréductibles de A, tout élément x ∈ A \ {0}
s’écrit, de manière unique aux inversibles près, x = p∈P pνp (x) . On considère les
applications ϕx : P −→ N définies par ϕx (p) = νp (x). Soient I un idéal de A et
un élément a = 0 de I ; montrer que l’ensemble

{ϕx , x ∈ I, x = 0, | ∀ p ∈ P, ϕx (p)  ϕa (p)}

possède un élément minimal ϕb pour la relation d’ordre usuelle sur un ensemble


de fonctions. En conclure que I est principal, en considérant un élément c = 0 de
I et un pgcd de b et c.)

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THÈMES DE RÉFLEXION

♣TR.II.A. Exemples d’anneaux Euclidiens



Soit d√un entier sans facteur carré. Le √corps Q(√ d) est formé des éléments

x = a + b d avec a, b ∈ Q. Pour x = a + b d ∈ Q( d), on note x = a − b d et
on pose N (x) = xx = a2 − db2 , T r(x) = x + x = 2a. √
On √ verra au chapitre VI que le sous-ensemble de Q( d) formé des éléments
x ∈ Q( d), tels que N (x) et T r(x) sont dans Z, est un anneau A (anneau des
« entiers ») et que :

– si d ≡ 2 (mod 4) ou d ≡ 3 (mod 4), alors A = Z[ d],

– si d ≡ 1 (mod 4), alors A = Z[ 1+2 d ].
Nous allons déterminer des valeurs de d pour lesquelles l’application ϕ, définie
par ϕ(x) = |N (x)|, est un algorithme euclidien pour l’anneau A.
1. Montrer que l’application ϕ, définie ci-dessus, est un algorithme euclidien pour
A si et seulement si

∀ x ∈ Q( d), ∃ q ∈ A tel que |N (x − q)| < 1.

On suppose que d ≡ 2 ou 3 (mod 4).


√ √ √ √
2. Montrer que pour tout x = α + β d ∈ Q( d), il existe q = a + b d ∈ Z[ d]
tel que :
|d|+1
– si d < 0, |N (x − q)|  4 ,
– si d > 0, |N (x − q)|  4 ou |N (x
1
− q)|  d4 .

En déduire que l’anneau Z[ d] est euclidien pour d = −2, −1, 2, 3.
3. √
Montrer que, dans le cas ci-dessus, les seules valeurs de d < 0 pour lesquelles
Z[ d] est euclidien, pour ϕ, sont −1 et −2.
On suppose que d ≡ 1 (mod 4) et que d < 0.

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Algèbre T2

√ √ √
4. Montrer que pour tout x = α + β d ∈ Q( d), il existe q = a + b d ∈ A tel
que
|d| + 4
|N (x − q)| < .
16
5. En déduire que si d = −3, −7, −11, l’anneau A est euclidien, pour ϕ.
Montrer que si |d|  12, le critère de la question 1 n’est pas vérifié.
On a donc démontré
√ que les seules valeurs de d < 0 pour lesquelles l’anneau
des entiers de Q( d) est euclidien, pour ϕ, sont −1, −2, −3, −7, −11.
On peut démontrer, mais c’est beaucoup plus difficile, que ces √ valeurs sont les
seules valeurs de d < 0 pour lesquelles l’anneau des entiers de Q( d) est euclidien.

♣ TR.II.B. Un anneau principal non euclidien



Nous allons montrer que l’anneau A = Z[ 1+i2 19
] est principal, mais non eu-
clidien.
√ C et la conjugaison complexe induit sur
L’anneau A est un sous-anneau de
A une conjugaison. On pose α = 1+i 19
2 et pour tout z = u + αv ∈ A, on pose
N (z) = zz = u2 + uv + 5v 2 .
1. Montrer que pour tout couple (a, b) d’éléments non nuls de A, il existe un couple
(q, r) d’éléments de A tel que :
a) a = bq + r avec r = 0 ou N (r) < N (b)
ou
b) 2a = bq + r avec r = 0 ou N (r) < N (b).
(On considère x = a/b = ab/bb = u + αv ∈ Q(α) et n la partie entière de v, i.e.
v ∈ [n, n + 1[. On suppose que v ∈ / ]n + 1/3, n + 2/3[ et on considère les entiers
s et t les plus proches de u et v respectivement. En posant q = s + αt, calculer
N (x − q) et en conclure que l’on a a = bq + r avec r = 0 ou N (r) < N (b). Si
v ∈ ]n + 1/3, n + 2/3[, considérer 2x = 2u + 2αv et se ramener au cas précédent.)
2. Montrer que l’anneau A est isomorphe à l’anneau Z[X]/(X 2 − X + 5).
3. Montrer que le polynôme X 2 − X + 5 est un élément irréductible de l’anneau
(Z/2Z)[X].
4. En déduire que l’idéal (2) de A est maximal.
5. Montrer que l’anneau A est principal. (On considère un idéal I et a ∈ I, a = 0,
tel que N (a) soit minimal. On suppose que I = (a) et on considère x ∈ I \ (a) :
montrer que x = aq + r avec r = 0 que ou N (r) < N (a) est impossible. On a
donc 2x = aq + r avec r = 0 ou N (r) < N (a) : utiliser la question 4 pour montrer
que a = 2a avec a ∈ A. En déduire que I = (a ).)

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♣ TR.II.C. Anneaux nœthériens

6. Montrer que U(A) = {−1, 1} (utiliser la norme).


7. En déduire que l’anneau A n’est pas euclidien. (On suppose que A est euclidien.
D’après la proposition 2.5, on aurait un morphisme surjectif ϕ : Z[α] −→ K avec
K = F2 ou K = F3 . En posant β = ϕ(α), montrer que cela conduit à une
contradiction.)

♣ TR.II.C. Anneaux nœthériens

Nous avons vu au théoréme 3.7 que si A est un anneau principal, alors toute
suite croissante d’idéaux de A est stationnaire. Nous allons étudier ici cette pro-
priété dans un cadre plus général.
Un anneau A est nœthérien si toute suite croissante d’idéaux de A est sta-
tionnaire.
D’après le théorème 3.6, un anneau A est nœthérien si et seulement si toute
famille non vide d’idéaux de A possède un élément maximal.
1. Montrer qu’un anneau A est nœthérien si et seulement si tout idéal de A est
engendré par un nombre fini d’éléments (on dit que l’idéal est de type fini).
On voit bien, à partir de ce résultat, pourquoi un anneau principal est nœthé-
rien et en quoi cette nouvelle notion de « finitude » est une généralisation de la
notion d’anneau principal.
2. Soit A un anneau nœthérien :
a) montrer que tout anneau quotient de A est nœthérien,
b) pour toute partie multiplicative S de A, montrer que l’anneau de fractions
S −1 A (cf. définition I.6.8) est nœthérien.
L’objectif des prochaines questions est de montrer le résultat suivant.

Théorème (de Hilbert). Si A est un anneau nœthérien, l’anneau A[X] est


nœthérien.

On suppose donc que A est un anneau nœthérien et on considère un idéal I


de A[X]. On veut prouver que I est de type fini.
3. On note In l’ensemble formé de 0 et des coefficients dominants des polynômes
de degré n appartenant à I. Montrer que {In }n∈N est une suite croissante d’idéaux
de A.
4. Montrer que l’on peut construire une suite croissante finie {Kn }0nr d’en-
sembles finis, avec Kn partie génératrice de In .

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Algèbre T2

Pour tout élément aj ∈ Kn , 0  n  r, il existe un polynôme Paj ,n (X) de


degré n, appartenant à I. En faisant varier j de 0 à card(Kn ) et n de 0 à r, on
obtient une famille finie de polynômes Paj ,n (X) appartenant à I.
5. Montrer que cette famille finie de polynômes Paj ,n (X) engendre l’idéal I (on
notera J l’idéal de A[X] engendré par la famille finie de polynômes Paj ,n (X) et on
montrera, par récurrence sur n, que tout polynôme P (X) de degré n appartenant
à I appartient à J).
D’où le résultat annoncé.
On en déduit que si A est un anneau nœthérien, alors, pour tout entier positif
n, A[X1 , . . . , Xn ] est un anneau nœthérien.
On trouvera à la section VI.4 une étude des modules nœthériens.

♠ TR.II.D. Séries formelles – Séries et polynômes


de Laurent
Nous allons étudier des généralisations de la notion de polynôme.
Soient A un anneau commutatif et S l’ensemble des suites (an )n∈N formées
d’éléments de A. On munit cet ensemble S de deux opérations :

(an )n∈N + (bn )n∈N =  (an + bn )n∈N


(an )n∈N × (bm )m∈N = ( n+m=p an bm )p∈N .

1. Montrer que ces opérations munissent l’ensemble S d’une structure d’anneau


commutatif.
On appelle cet anneau l’anneau des séries formelles en une indétermi-
née, à coefficients dans A, et on le note A[[X]].
Pour les mêmes raisons que  dans le cas des polynômes, on peut écrire la série
formelle (an )n∈N sous la forme n∈N an X n et les opérations s’écrivent alors :
 n
 n
 n
n∈N an X n +  n∈N bn X m =   (an + bn )X p
n∈N
n∈N an X × m∈N bm X = p∈N ( m+n=p an bm )X .

2. Montrer que l’anneau A[X], des polynômes à coefficients dans A, est un sous-
anneau de A[[X]].
On considère maintenant l’ensemble L des suites (an )n∈Z formées d’éléments
de A vérifiant la propriété suivante : pour chaque suite s = (an )n∈Z ∈ L, il existe
un entier ns ∈ Z tel que an = 0 pour tout n < ns .
3. Montrer que les opérations définies sur L de manière analogue à celles qui
précèdent munissent L d’une structure d’anneau commutatif.

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♠ TR.II.D. Séries formelles – Séries et polynômes de Laurent

On appelle cet anneau l’anneau des séries de Laurent en une indéter-


minée, à coefficients dans A, et on le note A((X)) (cette notation sera justifiée
par le résultat de la question 11).
Pour les mêmes
 raisons quen ci-dessus, on peut écrire la série de Laurent (an )n∈Z
sous la forme nns ,n∈Z an X et les opérations ont une écriture analogue à celles
des séries formelles.
4. Montrer que A[[X]] est un sous-anneau de A((X)).
On introduit maintenant un nombre associé à une série de Laurent (cela s’ap-
plique donc évidemment aux séries formelles), qui joue un rôle analogue à celui
joué par le degré d’un polynôme. Soit s = (an )n∈Z une série de Laurent non nulle.
On note v(s) le plus petit entier n ∈ Z tel que an = 0 et on l’appelle valuation
de s. Le terme an X n correspondant est appelé le terme de plus bas degré de
s. On pose v(0) = +∞.
5. Montrer que v(s1 + s2 )  inf(v(s1 ), v(s2 )) et que v(s1 + s2 ) = inf(v(s1 ), v(s2 ))
si v(s1 ) = v(s2 ).
6. Montrer que si l’anneau A est intègre, on a v(s1 s2 ) = v(s1 )+v(s2 ) et en déduire
alors que les anneaux A((X)) et A[[X]] sont intègres.
7. Soit A un anneau intègre. Montrer que les éléments inversibles de l’anneau
A[[X]] sont les séries formelles de valuation nulle dont le terme constant est in-
versible dans A.
8. Montrer que si k est un corps, l’anneau k[[X]] est principal.
9. En déduire que si k est un corps, l’anneau k[[X]] est un anneau local, cf. TR.I.B.
(C’est également vrai si k est un anneau intègre local.)
10. Soit A un anneau intègre. Montrer que les éléments inversibles de l’anneau
A((X)) sont les séries de Laurent dont le coefficient du terme de plus bas degré
est inversible dans A.
11. En déduire que si k est un corps, k((X)) est un corps. Montrer que c’est le
corps des fractions de l’anneau intègre k[[X]].
On voit là l’analogie avec la situation k[X] et k(X).
On va montrer que, dans l’anneau des séries formelles, il existe un résultat
analogue à la division euclidienne dans l’anneau des polynômes.
12. Soient A un anneau commutatif, S et T deux séries formelles de A[[X]].
Montrer que si T est de valuation nulle et que son terme constant est inversible
dans A, alors, pour tout entier n, il existe un polynôme Q et une série formelle
R uniques tels que S = T Q + R avec deg(Q) < n et v(R)  n.
On considère maintenant l’ensemble P formé des éléments de A((X)) vérifiant :
pour chaque suite s = (an )n∈Z ∈ P , il existe un entier ms ∈ Z tel que an = 0

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Algèbre T2

pour tout n > ms . Autrement dit, l’ensemble P est formé des suites s = (an )n∈Z
telles que an = 0 si n < ns et n > ms . Il est clair que les deux opérations définies
sur A((X)) munissent P d’une structure de sous-anneau de A((X)). On appelle
cet anneau l’anneau des polynômes de Laurent en une indéterminée, à
coefficients dans A et on le note A[X, X −1 ]. Le plus grand entier n tel que
an = 0 est le degré du polynôme.
13. Montrer que l’anneau A[X, X −1 ] est le localisé de l’anneau A[X] relativement
à la partie multiplicative engendrée par X.

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III
IRRÉDUCTIBILITÉ DES POLYNÔMES
POLYNÔMES SYMÉTRIQUES

Nous avons vu, dans le chapitre précédent, l’importance de l’existence, dans


un anneau, d’éléments irréductibles. Nous allons ici nous intéresser au cas des
anneaux de polynômes, donc essayer de déterminer les polynômes irréduc-
tibles. Puis nous étudierons les relations entre ordre de multiplicité des ra-
cines d’un polynôme et dérivations. Nous étudierons ensuite les polynômes
symétriques, polynômes qui s’écrivent en fonction des polynômes symétriques
élémentaires, dont on connaît l’importance pour l’étude des relations entre coef-
ficients et racines.

1. Irréductibilité

On a vu que si A est un anneau factoriel, il en est de même de l’anneau


A[X1 , . . . , Xn ]. Il est donc important de savoir déterminer les éléments irréduc-
tibles d’un tel anneau.
Dans tout ce paragraphe, A est un anneau factoriel et K est son corps des
fractions.
Soit p un élément irréductible (ou premier) d’un ensemble complet P d’élé-
ments irréductibles de A (cf. remarque II.4.7.c). Pour tout élément a de K ∗ , on
peut écrire a = pr b, b ∈ K ∗ , r ∈ Z, p ne divisant ni le numérateur ni le déno-
minateur de b. L’unicité de la décomposition en produit de facteurs irréductibles
dans A implique que l’entier r ainsi défini est unique. On pose r = ordp (a) et on
appelle cet entier l’ordre de a en p. Si a est nul, on pose ordp (a) = −∞ pour
tout p.

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Chapitre III. Irréductibilité des polynômes – Polynômes symétriques

Il est clair que

∀ a, a ∈ K, ordp (aa ) = ordp (a) + ordp (a ).

Soit f (X) = a0 + a1 X + · · · + an X n un élément de K[X] : si f = 0 on pose


ordp (f ) = −∞, si f = 0 on pose ordp (f ) = inf i (ordp (ai )), le inf étant pris sur les
i tels que ai = 0. On pose alors

c(f ) = pordp (f )
p∈P

le produit étant pris sur tous les p tels que ordp (f ) = 0.


On notera que si l’on considère un autre ensemble complet P  d’éléments
irréductibles de A, alors, en posant

c (f ) = pordp (f )
p∈P 

les éléments c(f ) et c (f ) diffèrent d’un élément inversible. Autrement dit, l’élé-
ment c(f ) est intrinsèquement défini, à un élément inversible de A près. Si


i=n
f (x) = ai X i ∈ A[X],
i=0

c(f ) = pgcd(ai )0in , le pgcd étant pris sur les coefficients non nuls de f , à un
inversible près.
Il est clair que si b est un élément de K ∗ , c(bf ) = bc(f ). On peut donc écrire
f (X) = c(f )f1 (X), avec c(f1 ) = 1 et f1 ∈ A[X]. En effet, écrivons


i=n
ai
f (X) = Xi
bi
i=0

avec ai , bi = 0 dans A. Notons b un ppcm des bi , 0  i  n, alors f s’écrit

1  i
i=n
f (X) = ai X .
b
i=0

En posant ai = dai , où d est un pgcd des ai , 0  i  n, on obtient

d 
i=n
f (X) = f1 (X), avec f1 (X) = ai X i .
b
i=0

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1. Irréductibilité

On suppose que l’on a réduit db de telle sorte que d et b sont étrangers. On a


donc c(f ) = c( db f1 ) = db c(f1 ). Puisque les coefficients de f1 sont étrangers, il est
évident que c(f1 ) = 1. On en déduit donc que c(f ) = db . Autrement dit, pour
tout polynôme f (X) ∈ K[X], l’écriture f (X) = c(f )f1 (X) consiste à « réduire
au même dénominateur » et à « mettre en facteur les facteurs communs aux
coefficients ».
On déduit de ce qui précède que, pour un polynôme f ∈ A[X], montrer que
c(f ) = 1 revient à montrer qu’il n’existe aucun élément irréductible p de A qui
divise tous les coefficients de f .

Lemme 1.1 (de Gauss). Soient A un anneau factoriel et K son corps des fractions.
Soient f et g deux éléments de K[X], alors c(f g) = c(f )c(g).

Démonstration. Puisque f (X) = c(f )f1 (X) et g(X) = c(g)g1 (X), il suffit de mon-
trer que si c(f ) = c(g) = 1, alors c(f g) = 1, avec f et g dans A[X]. Posons

f (X) = a0 + · · · + an X n , an = 0, et g(X) = b0 + · · · + bm X m , bm = 0.

Soit p un élément irréductible de A et soit r (resp. s) le plus grand entier compris


entre 0 et n (resp. m) tel que p ne divise pas ar (resp. bs ). Le coefficient de X r+s
dans f (X)g(X) est égal à

ar bs + ar+1 bs−1 + · · · + ar−1 bs+1 + · · ·

Or p ne divise pas ar bs mais divise tous les autres termes de cette somme, il ne
divise donc pas la somme. ♦

Remarque 1.2. Il est clair que si f ∈ A[X] est un polynôme de degré strictement
positif tel que c(f ) = 1 (ou c(f ) et non inversible dans A), f n’est pas irréductible
dans A[X] puisqu’il s’écrit f = c(f )f1 , avec c(f ) et f1 non inversibles. La condition
c(f ) = 1 est donc nécessaire pour que le polynôme f soit irréductible dans A[X].

Théorème 1.3. Soient A un anneau factoriel et K son corps des fractions. Un


polynôme f ∈ A[X] est irréductible dans A[X] si et seulement si f est un élément
irréductible de A, ou un polynôme de degré supérieur ou égal à 1 irréductible dans
K[X] et tel que c(f ) = 1.

Démonstration. Montrons que la condition est nécessaire. Soit P (X) ∈ A[X] un


polynôme irréductible dans A[X].
Si deg(P ) = 0, alors P (X) est un élément de A, irréductible par hypothèse.

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Chapitre III. Irréductibilité des polynômes – Polynômes symétriques

Si deg(P ) > 0, alors c(P ) = 1 d’après la remarque 1.2. Montrons que P


est irréductible dans K[X]. Supposons que P s’écrive P (X) = Q(X)R(X) avec
Q(X) ∈ K[X] et R(X) ∈ K[X] non nuls. Écrivons Q(X) = c(Q)Q1 (X) et
R(X) = c(R)R1 (X), avec Q1 (X) ∈ A[X], R1 (X) ∈ A[X] et c(Q1 ) = 1, c(R1 ) = 1.
En posant c(Q) = ab et c(R) = dc , de l’égalité bdP (X) = acQ1 (X)R1 (X) on tire
bd c(P ) = ac et, puisque c(P ) = 1, ac = bd. On a donc P (X) = uQ1 (X)R1 (X),
avec u ∈ U(A). Puisque P est irréductible dans A[X], alors on a
Q1 ∈ U(A[X]) = U(A) ou R1 ∈ U(A[X]) = U(A). On en déduit que deg(Q1 ) = 0
ou deg(R1 ) = 0, et que Q(X) ou R(X) est une constante non nulle de K, donc
inversible.
Montrons que la condition est suffisante. Si p est un élément irréductible de
A, il est irréductible dans A[X] (vérification évidente). Soit P (X) ∈ A[X], irré-
ductible dans K[X] et tel que c(P ) = 1. Supposons que P (X) = Q(X)R(X),
avec Q(X) ∈ A[X] et R(X) ∈ A[X]. Comme A[X] ⊂ K[X], on a deg(Q) = 0
ou deg(R) = 0. Supposons, pour fixer les idées, que ce soit deg(Q) = 0. Alors
Q(X) = a ∈ A et P (X) = aR(X). Puisque c(P ) = 1, on en déduit que a ∈ U(A)
et P est irréductible dans A[X]. ♦

La définition de c(f ) s’étend naturellement aux polynômes de A[X1 , . . . , Xn ].

Théorème 1.4. Soient A un anneau factoriel et K son corps des fractions. Un


polynôme f de A[X1 , . . . , Xn ] est irréductible dans A[X1 , . . . , Xn ] si et seulement
si c’est un élément irréductible de A, ou un polynôme de degré total supérieur ou
égal à 1 irréductible dans K[X1 , . . . , Xn ] et tel que c(f ) = 1.

Démonstration. En écrivant A[X1 , . . . , Xn ] = A[X1 , . . . , Xn−1 ][Xn ], le résultat dé-


coule du théorème 1.3, par récurrence. ♦

Exercice E1. Soient A un anneau factoriel et K son corps des fractions,


f (X) = X n + an−1 X n−1 + . . . + a1 X + a0 ∈ A[X], avec a0 = 0.
a) Montrer que si x ∈ K est tel que f (x) = 0, alors x divise a0 et x ∈ A.
b) En déduire que :
– le polynôme X 3 − 5X 2 + 1 est irréductible dans Q[X],
– le polynôme X 3 − 4(1 − i)X 2 + 5X + (1 + 2i) est irréductible dans Q(i)[X].

Ce qui précède montre que l’étude de l’irréductibilité des polynômes à coeffi-


cients dans A se ramène à celle des polynômes à coefficients dans K. Ce qui suit a
pour but de donner quelques méthodes d’étude de l’irréductibilité des polynômes
de K[X].

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1. Irréductibilité

Théorème 1.5 (critère d’Eisenstein). Soient A un anneau factoriel et K son corps


des fractions. Soit f (X) = a0 + · · · + an X n un polynôme de A[X], n  1. S’il
existe un élément irréductible p de A tel que

an ≡ 0 (mod p), ai ≡ 0 (mod p), i < n, a0 ≡ 0 (mod p2 ),

alors f (X) est irréductible dans K[X].

Démonstration. En mettant en facteur le pgcd des coefficients de f , on peut sup-


poser que c(f ) = 1. Supposons que f (X) s’écrive comme produit de deux poly-
nômes de K[X], de degré supérieur ou égal à 1. D’après la remarque 1.2, on a
f (X) = g(X)h(X) dans A[X]. Posons

g(X) = b0 + · · · + bp X p , h(X) = c0 + · · · + cq X q ,

avec bp = 0, cq = 0, p  1, q  1.
Puisque b0 c0 = a0 est divisible par p mais pas par p2 , l’un et l’un seulement des
éléments b0 ou c0 est divisible par p. On peut supposer que b0 n’est pas divisible
par p et que c0 est divisible par p. Puisque an = bp cq n’est pas divisible par p,
cq n’est pas divisible par p. On peut donc considérer r, r  q < n, le plus petit
entier tel que cr ne soit pas divisible par p. Alors, ar = b0 cr + b1 cr−1 + · · · n’est
pas divisible par p, puisque p ne divise pas b0 cr mais divise tous les autres termes
de la somme, ce qui est contraire à l’hypothèse. ♦

Exemples 1.6.
a) Soit a = 1 ∈ Q∗ un élément sans facteur carré. Alors pour tout n  1, le
polynôme X n − a est irréductible dans Q[X].
b) Si p est un nombre premier, f (X) = 1 + X + X 2 + · · · + X p−1 est un
polynôme irréductible dans Q[X]. En effet, il suffit de montrer que f (X + 1) est
irréductible dans Q[X]. On a
(X + 1)p − 1
f (X + 1) = (X + 1)p−1 + · · · + (X + 1) + 1 =
(X + 1) − 1

1  p−1  p−2
= (X p + Cpk X k ) = X p−1 + Cpk+1 X k + p
X
k=1 k=2

et Cpk est divisible par p. On peut donc appliquer le critère d’Eisenstein.

Exercice E2. Montrer que les polynômes P (X) suivants sont irréductibles :
√ √ √
P (X) = X 4 +(−2+7 −2)X 2 −9X +3 ∈ Z[ −2][X] (prendre p = (1+ −2)),
P (X) = X 7 + (4 − 3i)X 3 + 5X 2 + (1 − 2i) ∈ Z[i][X] (prendre p = (1 − 2i)).

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Chapitre III. Irréductibilité des polynômes – Polynômes symétriques

On verra aux TR.III.A et TR.III.B d’autres méthodes d’étude de l’irréductibi-


lité des polynômes qui sont très utiles, en particulier la méthode par réduction
modulo un idéal de A, étudiée au TR.III.B.

2. Fonctions polynomiales – Racines – Dérivations –


Multiplicité
Soient A et B deux anneaux (B anneau non nécessairement commutatif) tels
que A soit un sous-anneau de B ; pour tous éléments a ∈ A et x ∈ B, on peut
former l’élément ax ∈ B et on peut, dans B, faire la somme de tels éléments. Par
conséquent, si f (X) = a0 + a1 X + · · · + an X n est un polynôme de A[X] et si x
est un élément de B, on peut considérer l’élément f (x) = a0 + a1 x + · · · + an xn
de B. On définit alors une application f˜ : B −→ B en posant f˜(x) = f (x).

Définition 2.1. Avec les notations ci-dessus, on appelle fonction polynomiale


sur B à coefficients dans A toute application ϕ : B −→ B vérifiant la pro-
priété suivante : il existe un polynôme f ∈ A[X] tel que, pour tout x ∈ B,
ϕ(x) = f˜(x).

Cette situation se généralise de la manière suivante.



Si f (X1 , . . . , Xn ) = ai1 ...in X1i1 · · · Xnin est un polynôme de A[X1 , . . . , Xn ]
et si x = (x1 , . . . , xn ) est un élément de B n , on peut considérer l’élément
f (x) = ai1 ...in xi11 · · · xinn dans B. On définit alors une application f˜ : B n −→ B
en posant f˜(x) = f (x).

Définition 2.2. On appelle fonction polynomiale sur B n à coefficients


dans A, toute application ϕ : B n −→ B vérifiant la propriété sui-
vante : il existe un polynôme f ∈ A[X1 , . . . , Xn ] tel que, pour tout
x = (x1 , . . . , xn ) ∈ B n , ϕ(x) = f˜(x).

Exemples 2.3.
a) Soient K un corps, E un K-espace vectoriel de dimension n et u un endo-
morphisme de E. Pour tout f ∈ K[X] (par exemple le polynôme caractéristique
de u), on peut former l’endomorphisme f (u) de E. Si A ∈ Mn (K) est une matrice
(par exemple la matrice de u relativement à une base fixée de E), on peut former
la matrice f (A) ∈ Mn (K).
b) On considère B = A[Y1 , . . . , Yq ] : pour tout (u1 , . . . , un ) dans B n et pour
tout f ∈ A[X1 , . . . , Xn ], on peut former l’élément f (u1 , . . . , un ) dans B. On dit

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2. Fonctions polynomiales – Racines – Dérivations – Multiplicité

que c’est le polynôme en Y1 , . . . , Yq obtenu en substituant les polynômes


u1 , . . . , un aux indéterminées X1 , . . . , Xn dans f .

Exercice E3. Dans l’exemple ci-dessus, on considère n = q = 1, f ∈ A[X] et


g ∈ A[Y ].
Montrer que, en général, f (g) = g(f ).
Montrer que deg(f (g))  deg(f )deg(g) et qu’il y a égalité si l’anneau A est
intègre.

Pour A et B deux anneaux tels que A soit un sous-anneau de B, notons


Pn (A, B) l’ensemble des fonctions polynomiales de B n dans B. Un calcul direct
montre que si f et g sont deux polynômes de A[X1 , . . . , Xn ], on a f˜ + g̃ = f +g
et f˜g̃ = fg. D’autre part, il est clair que l’application 0̃ est l’application nulle et
que 1̃ est l’application identité. Cela prouve le résultat suivant.

Proposition 2.4. Avec les notations ci-dessus, l’application

P : A[X1 , . . . , Xn ] −→ Pn (A, B).

qui à f ∈ A[X1 , . . . , Xn ] associe f˜, est un morphisme d’anneaux. ♦

Par construction, le morphisme P est surjectif. Il n’est en général pas injectif,


comme le montre l’exercice ci-dessous.

Exercice E4. On considère A = Z/2Z et f (X) = X 2 − X. Montrer que f˜ = 0.

Définition 2.5. Soient A un anneau et f (X1 , . . . , Xn ) un polynôme de


A[X1 , . . . , Xn ]. Un n-uple (b1 , . . . , bn ) ∈ B n , où B est un sur-anneau de A,
est un zéro (ou une racine si n = 1) de f si f˜(b1 , . . . , bn ) = 0.

Théorème 2.6. Soient A un anneau intègre, f (X) un polynôme de A[X], a un


élément de A. Alors a est racine de f (X) si et seulement si (X − a) divise f (X)
dans A[X].

Démonstration. La division euclidienne de f (X) par (X − a) dans K[X]

f (X) = (X − a)q(X) + r(X)

montre que f (a) = 0 si et seulement si r(a) = 0. Or, deg(r) < 1 implique que
r(X) est une constante, par conséquent r(a) = 0 si et seulement si r(X) = 0.
De plus, l’égalité f (X) = (X − a)q(X) implique c(q) = c(f ) = 1, d’où
q(X) ∈ A[X]. ♦

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Chapitre III. Irréductibilité des polynômes – Polynômes symétriques

Exercice E5. Soit P (X) un polynôme de degré 2 ou 3, à coefficients dans un an-


neau intègre A.
a) Montrer que si P (X) est unitaire, il est réductible si et seulement s’il pos-
sède un zéro dans A.
b) Donner un exemple de polynôme non unitaire de Z[X] qui est réductible,
mais qui ne possède pas de zéro dans Z.

Exercice E6. Soit f (X) = an X n + · · · + a1 X + a0 ∈ Z[X], an = 0, n  1.


a) Montrer que si x = pq ∈ Q, avec p et q étrangers, est racine de f (X), alors
p divise a0 et q divise an .
b) En déduire les racines dans Q du polynôme f (X) = 6X 3 − 7X 2 − X + 2.

Théorème 2.7. Soient A un anneau intègre et f (X) un polynôme non nul de A[X].
Le nombre de racines distinctes de f (X) dans A[X] est au plus égal au degré de
f (X).

Démonstration. Soient a1 , . . . , an des racines distinctes de f (X) dans A. Montrons,


par récurrence sur n, que f (X) est divisible dans A[X] par (X − a1 ) · · · (X − an ).
D’après le théorème 2.6, l’assertion est vraie pour n = 1. Supposons qu’elle soit
vraie pour n − 1. On a f (X) = (X − a1 ) · · · (x − an−1 )g(X). L’anneau A étant
intègre et an = ai , i < n, f (an ) = 0 implique que g(an ) = 0. Le polynôme g(X)
est donc divisible par (X − an ), d’où le résultat. ♦

Corollaire 2.8. Soient A un anneau intègre et S une partie infinie de A. Si f (X)


est un polynôme de A[X] tel que f (a) = 0 pour tout a dans S, alors f (X) est le
polynôme nul. ♦

Corollaire 2.9. Soient A un anneau intègre et S1 , . . . , Sn des parties infinies de


A. Si f (X1 , . . . , Xn ) est un polynôme de A[X1 , . . . , Xn ] tel que f (a1 , . . . , an ) = 0
pour tout (a1 , . . . , an ) dans S1 × · · · × Sn , alors f (X) est le polynôme nul.

Démonstration. On procède par récurrence sur n. Si n = 1, c’est le résultat pré-


cédent. On suppose le résultat vrai pour (n − 1)  1. Soit f (X1 , . . . , Xn ) un
polynôme de A[X1 , . . . , Xn ] tel que f (a1 , . . . , an ) = 0 pour tout (a1 , . . . , an ) dans
S1 × · · · × Sn . On écrit f (X1 , . . . , Xn ) suivant les puissances croissantes de Xn ,


i=s
f (X1 , . . . , Xn ) = gi (X1 , . . . , Xn−1 )Xni ,
i=0

avec gi (X1 , . . . , Xn−1 ) ∈ A[X1 , . . . , Xn−1 ]. Pour tout (a1 , . . . , an−1 ) dans
S1 × · · · × Sn−1 , le polynôme f (a1 , . . . , an−1 , Xn ) s’annule sur Sn , c’est donc le

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2. Fonctions polynomiales – Racines – Dérivations – Multiplicité

polynôme nul. Par conséquent, on a gi (a1 , . . . , an−1 ) = 0 pour tout i et tout


(a1 , . . . , an−1 ) ∈ S1 × · · · × Sn−1 et, par hypothèse de récurrence, les polynômes
gi sont nuls pour tout i. ♦

Théorème 2.10. Si A est un anneau intègre infini, le morphisme d’anneaux

P : A[X1 , . . . , Xn ] −→ Pn (A, A)

est un isomorphisme.

Démonstration. C’est une conséquence immédiate de corollaire 2.9. ♦


Autrement dit, si f, g ∈ A[X1 , . . . , Xn ], pour que f = g, il faut et il suffit
que f˜ = g̃, i.e. il faut et il suffit que pour tout a = (a1 , . . . , an ) ∈ An , on ait
f (a) = g(a). Il est donc légitime, lorsque l’anneau des coefficients est intègre et
infini, d’identifier les polynômes et les fonctions polynomiales.

Attention. Chacune des hypothèses intègre et infini est nécessaire. Cette identifi-
cation est donc à proscrire, en particulier pour les polynômes à coefficients dans
un corps fini.

Définition 2.11. Soit A un anneau. Une dérivation D de A est une application

D : A −→ A

qui vérifie, pour tous x et y de A


D(x + y) = D(x) + D(y) et D(xy) = xD(y) + D(x)y.

Soient A un anneau, f (X) ∈ A[X] un polynôme à coefficients dans A et Y


une indéterminée différente de X. Le polynôme f (X + Y ) appartient à A[X, Y ]
et, en considérant A[X, Y ] = A[X][Y ], on peut développer f (X + Y ) suivant les
puissances croissantes de Y ,
f (X + Y ) = f0 (X) + Y f1 (X) + Y 2 f2 (X) + · · · + Y p fp (X).

Définition 2.12. Avec les notations ci-dessus, on appelle polynôme dérivé de


f , que l’on note D(f ) ou f  , le coefficient de Y dans le développement de
f (X + Y ).

Avec ces notations, on a donc D(f ) = f  = f1 .

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Chapitre III. Irréductibilité des polynômes – Polynômes symétriques

En substituant 0 à Y dans le développement de f (X + Y ), on obtient


f0 (X) = f (X). De même, en mettant Y 2 en facteur dans le développement de
f (X + Y ), on peut écrire

(∗) f (X + Y ) = f (X) + Y f  (X) + Y 2 h(X, Y )

avec h(X, Y ) ∈ A[X, Y ].

Remarque 2.13. Supposons que A = R et considérons f˜, f , h̃ les fonctions poly-
nomiales associées respectivement à f , f  et h. On déduit de l’égalité (∗) que

∀ x ∈ R, ∀ y ∈ R, y = 0, f˜(x + y) = f˜(x) + y f (x) + y 2 h̃(x, y)

d’où
f˜(x + y) − f˜(x)
= f (x) + y h̃(x, y)
y

et, en faisant tendre y vers 0, on obtient (f˜) = (f  ). Autrement dit, la fonc-

tion polynomiale associée au polynôme dérivé de f est la dérivée de la fonction


polynomiale associée au polynôme f .

Proposition 2.14. Soient f et g deux polynômes de A[X] et λ un élément de A.


On a
(f + g) = f  + g , (λf ) = λf  , (f g) = f  g + f g
et le polynôme dérivé d’un polynôme constant est nul.

Démonstration. L’égalité (∗) permet d’écrire

f (X + Y ) ≡ f (X) + Y f  (X) mod(Y 2 )

g(X + Y ) ≡ g(X) + Y g (X) mod(Y 2 )


d’où

f (X + Y ) + g(X + Y ) ≡ f (X) + g(X) + Y (f  (X) + g (X)) mod(Y 2 ).

Or, on a

f (X + Y ) + g(X + Y ) = (f + g)(X + Y ) ≡ (f + g)(X) + Y ((f + g) (X)) mod(Y 2 )

et, par unicité des coefficients d’un polynôme, on déduit que

(f + g) (X) = f  (X) + g (X).

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2. Fonctions polynomiales – Racines – Dérivations – Multiplicité

De la même manière, en multipliant les deux congruences du départ, on obtient

f (X + Y )g(X + Y ) ≡ f (X)g(X) + Y (f  (X)g(X) + f (X)g (X)) mod(Y 2 ).

Mais

f (X + Y )g(X + Y ) = (f g)(X + Y ) ≡ (f g)(X) + Y ((f g) (X)) mod(Y 2 )

d’où (f g )(X) = f  (X)g(X) + f (X)g (X).


L’égalité (λf ) (X) = λf  (X) se démontre de la même façon, encore plus faci-
lement, et la dernière assertion de la proposition en découle. ♦

Corollaire 2.15. L’application D : A[X] −→ A[X], qui à un polynôme associe son


polynôme dérivé, est une dérivation de A[X]. ♦

Proposition 2.16. Si f ∈ A[X] s’écrit f (X) = a0 + a1 X + a2 X 2 + · · · + an X n ,


alors son polynôme dérivé s’écrit f  (X) = a1 + 2a2 X + · · · + nan X n−1 .

Démonstration. Le polynôme dérivé de f est la somme des dérivés de chaque mo-


nôme. Le coefficient a0 étant constant, son polynôme dérivé est nul. D’autre part,
le polynôme dérivé de ak X k est égal à ak (X k ) , il suffit donc de calculer le poly-
nôme dérivé de X k . D’après la formule du binôme, on a


i=k
(X + Y )k = Cki X k−i Y i ≡ Ck0 X k + Y Ck1 X k−1 mod(Y 2 ).
i=0

D’où, (X k ) = Ck1 X k−1 = kX k−1 . ♦

Remarque 2.17. Pour tout f ∈ A[X], D(f ) appartient à A[X], on peut donc
itérer l’application de l’opérateur D. Comme d’habitude, on notera D k (f ) = f (k)
le k-ième polynôme dérivé de f .

Proposition 2.18 (formule de Taylor). Si f est un polynôme de A[X] de degré p et


si Y est une indéterminée distincte de X, on a

f (X + Y ) = f (X) + Y f  (X) + Y 2 f2 (X) + · · · + Y p fp (X)

avec, pour tout k, 2  k  p, (k!)fk (X) = f (k) (X).

Démonstration. On reprend le développement de f (X + Y ) suivant les puissances


croissantes de Y ,

f (X + Y ) = f0 (X) + Y f1 (X) + Y 2 f2 (X) + · · · + Y p fp (X).

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Chapitre III. Irréductibilité des polynômes – Polynômes symétriques

D’après la proposition 2.16, les polynômes dérivés successifs de ce polynôme en


Y s’écrivent :

f  (X + Y ) = f  (X) + 2f2 (X)Y + · · · + pfp(X)Y p−1

f ”(X + Y ) = 2f2 (X) + 3.2f3 (X)Y + · · · + p(p − 1)fp (X)Y p−1


.............................................................................
f (k) (X + Y ) = (k!)fk (X) + (k + 1)k · · · 3.2fk+1 (X)Y
+ · · · + p(p − 1) · · · (p − k + 1)fp (X)Y p−k .
En substituant 0 à Y , on obtient f (k) (X) = (k!)fk (X). ♦

Remarques 2.19.
a) L’égalité de la formule de Taylor étant une égalité entre polynômes, on
peut substituer à X et Y des éléments x et h de A (ou de tout sur-anneau de A),
et l’on obtient

f (x + h) = f (x) + hf  (x) + h2 f2 (x) + · · · + hp fp (x)


avec, pour tout k, 2  k  p, (k!)fk (x) = f (k) (x).
b) Si A est un corps de caractéristique nulle, on peut diviser par k! et on
obtient la formule usuelle
f (k) (x) f (p) (x)
f (x + h) = f (x) + hf  (x) + · · · + hk + · · · + hp .
k! p!
Remarque 2.20. La situation précédente se généralise sans peine aux poly-
nômes en plusieurs indéterminées. Précisément, on définit des dérivations sur

A[X1 , . . . , Xn ], ∂X i
, 1  i  n, en associant au polynôme f (X1 , . . . , Xn )
de A[X1 , . . . , Xn ] la dérivation précédente appliquée à f (X1 , . . . , Xn ) considéré
comme polynôme en Xi à coefficients dans A[X1 , . . . , Xi−1 , Xi+1 , . . . , Xn ].

Proposition 2.21.

(i) ∂X i
, 1  i  n, sont des dérivations de l’anneau A[X1 , . . . , Xn ].
(ii) Soient K un corps et f (X1 , . . . , Xn ) ∈ K[X1 , . . . , Xn ] tel que
∂f
∃ i, 1  i  n, =0
∂Xi
alors :
– si la caractéristique de K est nulle, le polynôme f ne contient pas Xi ,
– si la caractéristique de K est p > 0, Xi apparaît dans le polynôme f avec une
puissance qui est un multiple de p.

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2. Fonctions polynomiales – Racines – Dérivations – Multiplicité

Démonstration. L’assertion (i) étant évidente, démontrons l’assertion (ii).


Supposons que car(K) = 0 : si f contient ai Xim , ai = 0,

ai ∈ A[X1 , . . . , Xi−1 , Xi+1 , . . . , Xn ]


∂f ∂f
alors ∂X i
(X1 , . . . , Xn ) contient mai Xim−1 avec mai = 0, donc ∂X i
= 0.
Supposons que car(K) = p > 0. Remarquons que si A est un anneau intègre de
caractéristique p > 0, alors il en est de même de A[X] et donc de A[X1 , . . . , Xn ].
On peut donc supposer ici que f est un polynôme en une variable à coefficients
dans un anneau intègre B de caractéristique p. Si f  (X) = 0, tous ses coefficients
sont nuls dans B, i.e. sont multiples de p. Si f contient un monôme bq X q avec
bq = 0 et q non multiple de p, alors qbq est non nul (car B est intègre) et non
multiple de p (car p est premier), donc f  (X) = 0. ♦

Définition 2.22. Soient A un anneau intègre, f (X) un polynôme de A[X] et


a ∈ A une racine de f . L’ordre de multiplicité de a est le plus grand en-
tier m tel que (X − a)m divise f (X). Si m > 1, on dit que a est une racine
multiple d’ordre de multiplicité m ; si m = 1, on dit que a est une racine
simple.

Proposition 2.23. Avec les mêmes notations que ci-dessus, a est une racine mul-
tiple de f si et seulement si f (a) = 0 et f  (a) = 0.

Démonstration. Si a est racine multiple d’ordre m de f (X),


on a f (X) = (X − a) g(X) m avec g(a) = 0, d’où
f  (X) = (X − a)m g (X) + m(X − a)m−1 g(X). Si m > 1, alors f  (a) = 0 ;
si m = 1, alors f  (X) = (X − a)g (X) + g(X), donc f  (a) = g(a) = 0. ♦

Proposition 2.24. Si K est un corps de caractéristique nulle, pour que a ∈ K soit


une racine d’ordre r d’un polynôme f ∈ K[X], il faut et il suffit que

f (a) = f  (a) = · · · = f (r−1) (a) = 0 et f (r) (a) = 0.

Démonstration. Si a ∈ K est une racine d’ordre r d’un polynôme f ∈ K[X], on a


f (X) = (X − a)r g(X), avec g(a) = 0. On calcule la dérivée k-ième de cette
égalité :

f (k) (X) = r(r − 1) · · · (r − k + 1)(X − a)r−k g(X) + (X − a)r−k+1 gk (X).

On en déduit que f (k) (a) = 0 pour 0  k  r − 1. D’autre part, f (r) (a) = r!g(a)
et, puisque g(a) = 0, f (r) (a) = 0.

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Chapitre III. Irréductibilité des polynômes – Polynômes symétriques

Réciproquement, supposons que


f (a) = f  (a) = · · · = f (r−1) (a) = 0 et f (r) (a) = 0.
Puisque K est un corps de caractéristique nulle, on peut diviser par k! et on écrit :

k=n
f (k)(a)
f (X) = (X − a)k .
k!
k=0

Par hypothèse, tous les termes pour k  r − 1 sont nuls, d’où


f (r) (a) f (r+1) (a)
f (X) = (X − a)r [ + (X − a) + · · · ].
r! (r + 1)!
Autrement dit, on a f (X) = (X − a)r g(X) avec g(a) = 0. Si f (X) était divisible
par (X −a)(r+1) , alors g(X) serait divisible par (X −a), ce qui est en contradiction
avec g(a) = 0. Donc r est bien le plus grand entier k tel que (X − a)k divise
f (X). ♦

3. Résultant – Discriminant
Nous allons donner une condition nécessaire et suffisante pour que deux poly-
nômes à coefficients dans un corps aient un facteur commun non constant. Nous
en déduirons une condition nécessaire et suffisante pour qu’un polynôme de de-
gré supérieur ou égal à 2 ait une racine double. Cette condition généralisera la
condition bien connue dans le cas du degré 2.
Soient K un corps et
f (X) = a0 + a1 X + · · · + an X n , g(X) = b0 + b1 X + · · · + bm X m
deux polynômes à coefficients dans K. Dans toute la suite, on suppose que
0  m  n et que an = 0, bm = 0.

Proposition 3.1. Les polynômes f (X) et g(X) ont un facteur commun non
constant si et seulement s’il existe deux polynômes h(X) et k(X) dans K[X]
tels que f (X)h(X) = g(X)k(X), avec deg(h) < deg(g) et deg(k) < deg(f ).
Démonstration. Si f (X) et g(X) ont un facteur commun non constant l(X), on
peut écrire f (X) = l(X)f1 (X) et g(X) = l(X)g1 (X) et il suffit de prendre
h(X) = g1 (X) et k(X) = f1 (X).
Réciproquement, si on a f (X)h(X) = g(X)k(X), puisque K[X] est factoriel,
tous les facteurs irréductibles de f (X) sont des facteurs irréductibles de g(X)k(X).
Comme deg(k) < deg(f ), nécessairement au moins l’un de ces facteurs irréduc-
tibles divise g(X). ♦

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3. Résultant – Discriminant

Écrivons maintenant

h(X) = c0 + c1 X + · · · + cm−1 X m−1 , −k(X) = d0 + d1 X + · · · + dn−1 X n−1 .

L’égalité f (X)h(X) = g(X)k(X) se traduit par

(a0 + a1 X + · · · + an X n )(c0 + c1 X + · · · + cm−1 X m−1 )

+(b0 + b1 X + · · · + bm X m )(d0 + d1 X + · · · + dn−1 X n−1 ) = 0.

Tous les coefficients du polynôme du premier membre doivent être nuls,


ce qui donne un système de n + m équations en les n + m inconnues
c0 , . . . , cm−1 , d0 , . . . , dn−1 , en écrivant les coefficients des monômes de degré crois-
sant :

a0 c0 + b0 d0 = 0
a1 c0 + a0 c1 + b1 d0 + b0 d1 = 0
a2 c0 + a1 c1 + a0 c2 + b2 d0 + b1 d1 + b0 d2 = 0
.. .. .
. . = ..
.. .. .
. . = ..
an cm−1 + bm dn−1 = 0.

Notons (S) ce système. Précisément, la r + 1-ième ligne de ce système est :


– si r  m,
ar c0 + · · · + a0 cr + 0 + · · · + 0 + br d0 + · · · + b0 dr

avec m − r − 1 zéros,
– si m < r  n,

ar ca + · · · + ar−m+1 cm−1 + 0 + · · · + 0 + bm dr−m + · · · + b0 dr

avec r − m − 1 zéros,
– si n < r  m + n − 1,

0 + · · · + 0 + an cr−n + · · · + ar−m+1 cm−1 + 0 + · · · + 0 + bm dr−m + · · · + br−n+1 dn−1

avec r − n zéros au début et r − m zéros au milieu.

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Chapitre III. Irréductibilité des polynômes – Polynômes symétriques

La matrice du système (S) est donc la matrice (m + n, m + n) suivante :


⎛ ⎞
a0 0 ... ... 0 b0 0 ... ... 0
⎜ . .. . .. ⎟
⎜ a1 a0 . . . b1 b0 . . . ⎟
⎜ . . ⎟
⎜ . .. .. .. .. .. .. ⎟
⎜ . a1 . . . . b1 . . .. ⎟
⎜ . ⎟
⎜ . .. . . . . .. .. . . . .
. . 0 ⎟
⎜ . . . . 0 . . ⎟
⎜ ⎟
⎜ . . . . .. . . b ⎟
. .
⎜an−1 .. .. . . a b
0 m−1
..
0 ⎟
⎜ ⎟
⎜ a a . . . . ⎟
⎜ n n−1 .. .. a1 bm bm−1 .. .. b1 ⎟
⎜ . .. . .. ⎟
⎜ 0 .
an . . ..
.
bm . . .. . ⎟
⎜ . 0 ⎟
⎜ . .. .. .. .. .. .. .. .. .. ⎟
⎜ .. . . . . . . . . ⎟
⎜ . ⎟
⎜ . .. .. .. .. .. ⎟
⎝ .. . . an−1 . . . bm−1 ⎠
0 . . . . . . 0 an 0 . . . . . . 0 bm
On écrit les termes a0 , a1 , . . . , an en colonnes, en commençant en haut à gauche
et en les décalant d’un cran vers le bas à chaque colonne, que l’on complète avec
m − 1 zéros, ce qui forme m colonnes. Puis, on fait de même avec les termes
b0 , b1 , . . . , bm , en recommençant en haut de la m + 1-ième colonne, on complète
chaque colonne avec n − 1 zéros, ce qui forme n colonnes.

Définition 3.2. Le déterminant de cette matrice est le résultant des polynômes


f (X) et g(X). On le note R(f, g). Si f (X) ou g(X) est nul, on pose R(f, g) = 0.

Proposition 3.3. Soient A est un anneau intègre, f (X) = a0 + a1 X + · · · + an X n


et g(X) = b0 + b1 X + · · · + bm X m des polynômes à coefficients dans A. Il existe
des polynômes h(X) et k(X) dans A[X] tels que f (X)h(X) = g(X)k(X), avec
deg(h) < deg(g) et deg(k) < deg(f ), si et seulement si R(f, g) = 0.

Démonstration. L’analyse qui précède montre que les polynômes h(X) et k(X)
existent si et seulement si le système (S) admet une solution non nulle. On se
place dans le corps des fractions K de A ; le système (S) admet une solution non
nulle dans K, donc dans A en multipliant par les dénominateurs, si et seulement
si les vecteurs colonnes de sa matrice sont linéairement dépendants, autrement
dit si et seulement si le déterminant de sa matrice est nul, i.e. R(f, g) = 0. ♦

On déduit des propositions 3.1 et 3.3 le résultat suivant.

Théorème 3.4. Soient K un corps, f (X) et g(X) des polynômes à coefficients dans
K. Ils ont un facteur commun non constant si et seulement si R(f, g) = 0. ♦

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4. Polynômes symétriques

Remarque 3.5. Dans les raisonnements ci-dessus, on a seulement utilisé le fait que
l’anneau K[X] est factoriel, par conséquent le théorème 3.4 reste valable si l’on
remplace le corps K par un anneau factoriel.

Définition 3.6. Soit f (X) un polynôme de K[X] de degré supérieur ou égal à


2, dont on note an le coefficient dominant. On pose

n(n−1) 1
D(f ) = (−1) 2 R(f, f  )
an

où f  est le polynôme dérivé de f , et on l’appelle discriminant de f .

Exercice E7. Montrer que

D(aX 2 + bX + c) = b2 − 4ac et que D(X 3 + pX + q) = −4p3 − 27q 2 .

Proposition 3.7. Soit K un corps de caractéristique nulle. Un polynôme


f (X) ∈ K[X] de degré supérieur ou égal à 2 a une racine d’ordre de multipli-
cité supérieur ou égal à 2 si et seulement si D(f ) = 0. ♦

4. Polynômes symétriques

Soient A un anneau et T1 , . . . , Tn , X des indéterminées. On forme le polynôme


en X suivant, à coefficients dans A[T1 , . . . , Tn ] :

F (X) = (X − T1 ) · · · (X − Tn ).

En développant, on obtient

F (X) = X n − s1 X n−1 + · · · + (−1)n sn ,

où les si sont les éléments de A[T1 , . . . , Tn ] définis par


s1 = T1 + · · · + Tn

s2 = T1 T2 + T1 T3 + · · · + Tn−1 Tn = 1i<jn Ti Tj
.....................

sk = 1i1 <···<ij <···<ik n Ti1 · · · Tik
.....................
sn = T1 T2 · · · Tn .

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Chapitre III. Irréductibilité des polynômes – Polynômes symétriques

Définition 4.1. Les polynômes s1 , . . . , sn sont appelés polynômes symé-


triques élémentaires en T1 , . . . , Tn .

On remarquera que chaque polynôme si est homogène de degré i.


Soit σ une permutation de l’ensemble {1, . . . , n}. Étant donné un polynôme
f ∈ A[T1 , . . . , Tn ], on définit le polynôme σ f par
σ
f (T1 , . . . , Tn ) = f (Tσ(1) , . . . , Tσ(n) ).

Remarque 4.2. Si σ et τ sont deux permutations de l’ensemble {1, . . . , n} et ε est


la permutation identique, on a τ (σ f ) = (τ σ) f et ε f = f . De plus, pour f et g
dans A[T1 , . . . , Tn ] et σ ∈ Sn , on a σ (f + g) = (σ f ) + (σ g) et σ (f g) = (σ f )(σ g).
Autrement dit, le groupe Sn opère sur A[T1 , . . . , Tn ].

Définition 4.3. Un polynôme f de A[T1 , . . . , Tn ] est dit symétrique si σ f = f


pour tout élément σ de Sn .

On vérifiera que les polynômes s1 , . . . , sn sont symétriques au sens de cette


définition. Il est clair que l’ensemble des polynômes symétriques est un sous-
anneau de A[T1 , . . . , Tn ]. On va montrer le théorème suivant.

Théorème 4.4. Le sous-anneau de A[T1 , . . . , Tn ] formé des polynômes symétriques


est isomorphe à l’anneau A[s1 , . . . , sn ].

Démonstration. Il est clair que le sous-anneau de A[T1 , . . . , Tn ] formé des po-


lynômes symétriques contient A et les polynômes symétriques élémentaires
s1 , . . . , sn . Il contient donc A[s1 , . . . , sn ]. Nous allons montrer que, réciproque-
ment, tout polynôme symétrique de A[T1 , . . . , Tn ] appartient à A[s1 , . . . , sn ]. Ce
sera l’objet de la proposition 4.7 ci-dessous.

Proposition 4.5. Si l’on substitue Tn = 0 dans les polynômes symétriques élémen-


taires s1 , . . . , sn−1 , les expressions obtenues sont les polynômes symétriques élé-
mentaires en T1 , . . . , Tn−1 .

Démonstration. On a

F (X) = (X − T1 ) · · · (X − Tn ) = X n − s1 X n−1 + · · · + (−1)n sn .

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4. Polynômes symétriques

En faisant Tn = 0, on obtient

(X − T1 ) · · · (X − Tn−1 )X = X n − s̃1 X n−1 + · · · + (−1)n−1 s̃n−1 X


= X(X n−1 − s̃1 X n−2 + · · · + (−1)n−1 s̃n−1 ).

D’où, (X −T1 ) · · · (X −Tn−1 ) = X n−1 − s̃1 X n−2 +· · ·+(−1)n−1 s̃n−1 , ce qui prouve
que les polynômes s̃1 , . . . , s̃n−1 sont les polynômes symétriques élémentaires en
T1 , . . . , Tn−1 . ♦

Définition 4.6. On appelle poids du monôme T1m1 T2m2 · · · Tnmn , l’entier


m1 + 2m2 + · · ·+ nmn . On définit le poids d’un polynôme f de A[T1 , . . . , Tn ]
comme étant le plus grand des poids des monômes de f .

Proposition 4.7. Soit f ∈ A[T1 , . . . , Tn ] un polynôme symétrique de degré d. Alors,


il existe un polynôme g ∈ A[T1 , . . . , Tn ] tel que f (T1 , . . . , Tn ) = g(s1 , . . . , sn ), g
étant de poids d en les si .

Démonstration. On fait un raisonnement par récurrence sur n. Pour n = 1,


c’est évident. On suppose le résultat vrai pour tout polynôme symétrique
f ∈ A[T1 , . . . , Tn−1 ] et l’on considère les polynômes symétriques de A[T1 , . . . , Tn ].
On fait alors un raisonnement par récurrence sur le degré d de f . Si d = 0, c’est
évident. On suppose le résultat vrai pour les polynômes de degré inférieur ou égal
à (d − 1). Soit f ∈ A[T1 , . . . , Tn ] un polynôme symétrique de degré d. Si l’on fait
Tn = 0 dans f , d’après la proposition 4.5 et l’hypothèse de récurrence, il existe
un polynôme g1 (T1 , . . . , Tn−1 ), de poids d en les s̃i , tel que

f (T1 , . . . , Tn−1 , 0) = g1 (s̃1 , . . . , s̃n−1 ).

Le polynôme g1 (s1 , . . . , sn−1 ) est symétrique en T1 , . . . , Tn , il en est donc de


même du polynôme

f1 (T1 , . . . , Tn ) = f (T1 , . . . , Tn ) − g1 (s1 , . . . , sn−1 ).

On a f1 (T1 , . . . , Tn−1 , 0) = 0, donc f1 est divisible par Tn et, puisqu’il est


symétrique, il est divisible par le produit T1 · · · Tn = sn . Il existe donc un polynôme
f2 tel que f1 = sn f2 et f2 est nécessairement symétrique (car sn (σ f2 − f2 ) = 0).
De plus, le polynôme g1 étant de poids d en les s̃i , g1 (s1 , . . . , sn−1 ) est de degré
total en T1 , . . . , Tn au plus égal à d : en effet, puisque deg(si ) = i, le monôme
mn−1
1 · · · sn−1 , exprimé en fonction des T1 , . . . , Tn , est de degré total inférieur ou
sm 1

égal à m1 + 2m2 + · · · + (n − 1)mn−1 , qui est inférieur ou égal à d.

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Chapitre III. Irréductibilité des polynômes – Polynômes symétriques

Par conséquent, le degré total de f2 est inférieur ou égal à d − n < d. Par


hypothèse de récurrence sur d, il existe un polynôme g2 ∈ A[T1 , . . . , Tn ], de poids
égal à d − n en les si , tel que

f2 (T1 , . . . , Tn ) = g2 (s1 , . . . , sn ).

On obtient alors,

f (T1 , . . . , Tn ) = g1 (s1 , . . . , sn−1 ) + sn g2 (s1 , . . . , sn )

et le second membre est un polynôme de poids d en les si . ♦

Cela achève la démonstration du théorème 4.4. ♦

On suppose maintenant que les polynômes f (X) et g(X) s’écrivent


 
f (X) = a (X − xi ), g(X) = b (X − yj ).
1in 1jm

On peut, par exemple, supposer que ces polynômes sont à coefficients dans un
corps algébriquement clos K, ou bien on peut se placer dans une clôture algébrique
de K (cf. [G-H]).
Nous allons donner une nouvelle description de R(f, g). Les coefficients aα de
f (X) correspondent au produit de a par les fonctions symétriques élémentaires des
xi et les coefficients bβ de g(X) correspondent au produit de b par les fonctions
symétriques élémentaires des yj . De plus, R(f, g) est homogène de degré m en
les aα et homogène de degré n en les bβ (le vérifier sur le développement du
déterminant définissant R(f, g)). Par conséquent, R(f, g) s’écrit comme le produit
de am bn par une fonction symétrique des xi et yj .
Si xi = yj , les polynômes f et g ont un facteur commun, donc R(f, g) = 0.
En considérant R(f, g) comme un polynôme en les xi et yj , on en déduit qu’il est
divisible par xi − yj . Puisque tous les facteurs xi − yj sont irréductibles, R(f, g)
est divisible par leur produit, donc divisible par l’expression
 
S = am bn (xi − yj ).
1in 1jm


Pour tout i, 1  i  n, on a g(xi ) = b 1jm (xi − yj ), d’où

(∗) S = am g(xi ).
1in

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4. Polynômes symétriques


Pour tout j, 1  j  m, on a f (yj ) = (−1)n a 1in (xi − yj ), d’où

(∗∗) S = (−1)nm bn f (yj ).
1jm

On déduit de (∗) que S est unitaire homogène de degré n en b et de (∗∗) qu’il


est unitaire homogène de degré m en a. Par conséquent, R(f, g) et S ont même
degré et, puisque S divise R(f, g), ils ne peuvent différer que d’une constante. On
vérifie, par comparaison des termes, que cette constante vaut 1. On en déduit le
résultat suivant.

Proposition 4.8. Avec les notations ci-dessus, on a


 
R(f, g) = am bn (xi − yj ). ♦
1in 1jm

Exercice E8. Soient f (X) = 0, g(X) = 0, g1 (X) et g2 (X) des polynômes à coef-
ficients dans K. On pose deg(f ) = n, deg(g) = m et b est le coefficient dominant
de g. Montrer que
a) R(g, f ) = (−1)mn R(f, g),
b) si r(X) est le reste de la division euclidienne de f (X) par g(X),
R(f, g) = (−1)mn b(m−deg(r)) R(g, r).
c) R(f, g1 g2 ) = R(f, g1 )R(f, g2 ).
(n−1)(n−2)
Exercice E9. Montrer que D(X n−1 + X n−2 + · · · + 1) = (−1) 2 n(n−2) .

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7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN

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THÈMES DE RÉFLEXION

♠ TR.III.A. Critère d’irréductibilité par extension


Si K est un corps, on appelle extension de K tout corps E qui contient K
comme sous-corps.
1. Montrer que la multiplication de E munit le groupe abélien (E, +) d’une
structure naturelle de K-espace vectoriel.
On dit que E est une extension finie de K si E est une extension de K telle
que le K-espace vectoriel E soit de dimension finie. On note alors [E : K] cette
dimension.
Soient K un corps et P (X) ∈ K[X]. Nous admettrons qu’il existe une exten-
sion E de K, telle que le polynôme P (X) admette une racine x dans E (pour
tout corps K et tout polynôme P (X) ∈ K[X], ce corps existe, cf. [G-H]). On note
K(x) le plus petit sous-corps de E qui contient K et x.
2. Soient K un corps, P (X) ∈ K[X] un polynôme de degré n et x une
racine de P (X). Montrer que si P (X) est irréductible dans K[X], alors
K(x)  K[X]/P (X). Montrer que [K(x) : K] = n (on montrera que
1, x, . . . , xn−1 est une base du K-espace vectoriel K(x)).
3. Soient K un corps et P (X) ∈ K[X] un polynôme de degré n. Montrer que
P (X) est irréductible dans K[X] si et seulement s’il n’a pas de racine dans toute
extension E de K telle que [E : K]  n/2.

♣ TR.III.B. Critère d’irréductibilité par réduction


Soient A et B deux anneaux commutatifs et f : A −→ B un morphisme
d’anneaux. Pour tout polynôme P ∈ A[X], P (X) = an X n + · · · + a0 , on note
f (P ) le polynôme f (an )X n + · · · + f (a0 ) de B[X].
1. Soient A et B des anneaux intègres, K et L leurs corps des fractions respectifs
et f : A −→ B un morphisme d’anneaux. Soit P ∈ A[X] tel que f (P ) = 0 et

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Algèbre T2

deg(f (P )) = deg(P ). Montrer que si f (P ) est irréductible dans L[X], alors on ne


peut avoir P (X) = Q(X)R(X) avec Q, R ∈ A[X] de degré supérieur ou égal à 1.
En déduire le résultat suivant.
2. Soient A un anneau factoriel, K son corps des fractions, I un idéal
premier de A, B = A/I, L le corps des fractions de B. Soient
P (X) = an X n + · · · + a0 ∈ A[X] et P sa réduction modulo I. On suppose que
an = 0. Montrer que si P est irréductible dans B[X] ou L[X], alors P est irré-
ductible dans K[X].
3. Montrer que le polynôme X 2 + Y 2 + 1 est irréductible dans R[X, Y ] (considérer
I = (Y )).
On remarquera que P n’est pas nécessairement irréductible dans A[X] (consi-
dérer P (X) = 2X ∈ Z[X] et I = (3)). Bien évidemment, d’après le théorème 1.3,
si deg(P )  1 et c(P ) = 1, le polynôme P est irréductible dans A[X].
On peut, en particulier, appliquer le résultat ci-dessus avec A = Z et I = (p)
avec p premier.
Nous allons montrer que, pour tout nombre premier p, le polynôme
f (X) = X p − X − 1 est irréductible dans Z/pZ[X], ce qui, d’après le résultat
ci-dessus, prouvera qu’il est irréductible dans Z[X].
On sait qu’il existe un corps K, contenant le corps Z/pZ, dans lequel le poly-
nôme f (X) admet une racine a (cf. [G-H]).
4. Montrer que les racines de f (X) sont les a + j, où j parcourt les entiers
0, 1, . . . , (p − 1).
On suppose que f (X) = g(X)h(X), avec g(X), h(X) appartenant à Z/pZ[X]
et 0 < r = deg(g) < p, 0 < s = deg(h)
l=r< p.
Alors, dans K[X], on a g(X) = l=1 (X − (a + jl )), avec jl ∈ {0, 1, . . . , p − 1}.
5. En calculant le coefficient de X r−1 , montrer que a ∈ Z/pZ. En déduire une
contradiction.
Le résultat démontré à la question 2 est une condition suffisante, mais non
nécessaire. L’objectif des questions suivantes est de le démontrer (♠).
6. Montrer que le polynôme f (X) = X 4 + 1 est irréductible dans Z[X] (on appli-
quera le critère d’Eisenstein à f (X + 1)).
On considère maintenant la réduction fp (X) de f (X) dans (Z/pZ)[X], pour
p premier.
7 Montrer que f2 (X) n’est pas irréductible dans (Z/2Z)[X].
On suppose maintenant que p  3. On a alors, dans (Z/pZ)[X],

X 8 − 1 = (X 4 − 1)(X 4 + 1).

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♣ TR.III.B. Critère d’irréductibilité par réduction

8. Soit E une extension quelconque de Z/pZ. Montrer qu’un élément x de E \ {0}


est racine du polynôme X 4 + 1 si et seulement si x est un élément d’ordre 8.
9 Montrer que (p2 − 1) est divisible par 8. En déduire qu’il existe un élément
d’ordre 8 dans toute extension E de Z/pZ telle que card(E) = p2 .
10. Montrer qu’une telle extension E est telle que [E : Z/pZ] = 2. En déduire que
le polynôme X 4 + 1 n’est pas irréductible dans Z/pZ[X].

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7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN

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IV
GÉNÉRALITÉS SUR LES MODULES

Il est inutile de rappeler la très grande importance en mathématiques, ainsi


que dans de nombreuses autres disciplines, de la structure d’espace vectoriel. Il
apparaît, dans de nombreux problèmes, une structure analogue, où le corps de
base est remplacé par un anneau. C’est la structure de module sur un anneau.
Nous avons déjà rencontré une telle structure : un groupe abélien n’est rien d’autre
qu’un module sur Z.
Nous allons, dans ce chapitre, étudier cette structure et voir que, si de nom-
breuses propriétés des espaces vectoriels se généralisent sans problème à ce nou-
veau cadre, il n’en est pas de même pour certaines propriétés fondamentales
comme, par exemple, l’existence d’une base.

1. Modules – Morphismes

Définitions 1.1. Soit A un anneau.


a) Un A-module à gauche est la donnée d’un groupe abélien M (noté
additivement) et d’une loi externe

A × M −→ M
(a, x) −→ ax
satisfaisant aux conditions suivantes : pour tous éléments a, b de A et x, y
de M ,
a(x + y) = ax + ay
(a + b)x = ax + bx
(ab)x = a(bx)
1x = x.

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Chapitre IV. Généralités sur les modules

b) Un A-module à droite est la donnée d’un groupe abélien M (noté


additivement) et d’une loi externe

M × A −→ M
(x, a) −→ xa

satisfaisant les conditions suivantes : pour tous éléments a, b de A et x, y de M ,

(x + y)a = xa + ya
x(a + b) = xa + xb
x(ab) = (xa)b
x1 = x.

Remarque 1.2. Étant donné un anneau A, on appelle anneau opposé de A, que


l’on note A0 , le groupe abélien sous-jacent de A muni de la multiplication ∗ définie
par :
∀ a, b ∈ A, a ∗ b = ba,
où la multiplication apparaissant dans le second membre est celle de A.
Il est clair que la donnée d’une structure de A-module à droite sur un groupe
abélien M est équivalente à celle d’une structure de A0 -module à gauche.
Si l’anneau A est commutatif, les anneaux A et A0 coïncident. Il en est donc
de même pour les structures de A-modules à gauche et à droite. Dans ce cas, on
dit que M est un A-module.
Exemples 1.3.
a) Si A est un corps commutatif, un A-module est un A-espace vectoriel.
b) Si A = Z, un A-module est un groupe abélien.
c) Pour tout anneau A, A est un A-module, la loi externe étant la multiplica-
tion de A.
d) Tout idéal I d’un anneau A est un A-module, la loi externe étant la mul-
tiplication de A.

Définition 1.4. Soient M et N deux A-modules à gauche (resp. à droite).


Une application f : M −→ N est A-linéaire, ou est un morphisme de
A-modules à gauche (resp. à droite), si c’est un morphisme de groupes
abéliens et si

∀a ∈ A, ∀ x ∈ M, f (ax) = af (x) (resp. f (xa) = f (x)a).

Si, de plus, f est bijectif, on dit que c’est un isomorphisme de A-modules.

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1. Modules – Morphismes

Notation. Si M et N sont des A-modules à gauche (resp. à droite), on note


HomA (M, N ) l’ensemble des morphismes de A-modules à gauche (resp. à droite)
de M dans N . Si M = N , on pose HomA (M, M ) = EndA (M ), dont les éléments
sont appelés endomorphismes du A-module M .

Dans toute la suite de ce chapitre,


les anneaux considérés sont commutatifs
(sauf mention explicite du contraire).

Proposition 1.5. Soient M et N deux A-modules. L’ensemble HomA (M, N ) est


canoniquement muni d’une structure de A-module.

Démonstration. Le lecteur vérifiera que les opérations définies par

(f + g)(x) = f (x) + g(x)


(af )(x) = f (ax)

avec f, g ∈ HomA (M, N ), a ∈ A, munissent HomA (M, N ) d’une structure de


A-module. ♦

Attention. Cela n’est plus vrai si A est non commutatif, auquel cas HomA (M, N )
est seulement un groupe abélien.

Proposition 1.6. Soit M un A-module.


(i) La composition des applications munit EndA (M ) d’une structure d’anneau
(non commutatif ).
(ii) L’application a −→ δa , où δa est définie par δa (x) = ax, est un morphisme
d’anneaux de A dans EndA (M ).

Démonstration. La démonstration de (i) est une vérification facile laissée au lecteur.


Considérons l’application
ϕ : A −→ EndA (M )
a −→ δa .

On a ϕ(a + a ) = δa+a . Mais δa+a (x) = (a + a )x = ax + a x = δa (x) + δa (x),


d’où ϕ(a + a ) = ϕ(a) + ϕ(a ).
On a ϕ(aa ) = δaa . Mais δaa (x) = aa x = δa (δa (x)) = δa ◦ δa (x), d’où
ϕ(aa ) = ϕ(a)ϕ(a ). ♦

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Chapitre IV. Généralités sur les modules

Définitions 1.7.
a) Le noyau du morphisme ϕ défini ci-dessus

Ker(ϕ) = {a ∈ A | ∀ x ∈ M, ax = 0}

est un idéal de A appelé l’annulateur de M , noté AnnA (M ).


b) Si x est un élément de M , on note AnnA (x) = {a ∈ A, ax = 0}. C’est
un idéal de A appelé l’annulateur de x.

Exercice E1. Soit M un A-module, montrer que



AnnA (M ) = AnnA (x).
x∈M

On notera que l’existence d’annulateurs non triviaux (cf. exemple 1.8 ci-
dessous) montre qu’il y a une différence importante entre la structure de module
et celle d’espace vectoriel.

Exemples 1.8.
a) Si M est un Z-module (i.e. un groupe abélien) et si x ∈ M est un élément
de torsion, AnnZ (x) est un idéal non trivial de Z.
b) Si M = Z/nZ, n = 0, AnnZ (M ) est un idéal non trivial de Z.

2. Sous-modules
Les démonstrations des résultats énoncés dans ce paragraphe sont des exercices
faciles et classiques laissés au lecteur.

Définition 2.1. Soit M un A-module. Un sous-ensemble N de M est un sous-


A-module de M si, muni des lois induites par celles de M , c’est un A-module.

Proposition 2.2. Un sous-ensemble N d’un A-module M est un sous-A-module de


M si c’est un sous-groupe abélien de (M, +), stable pour la loi externe. ♦

Exemple 2.3. Soient M et N des A-modules. Pour tout f ∈ HomA (M, N ), le


noyau de f , Ker(f ) = {x ∈ M | f (x) = 0}, est un sous-A-module de M et l’image
de f , Im(f ) = {f (x), x ∈ M }, est un sous-A-module de N .
Il est clair que
[f injective] ⇐⇒ [Ker(f ) = {0}],
[f surjective] ⇐⇒ [Im(f ) = N ].

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3. Modules quotients

Proposition 2.4. Soient M et N deux A-modules, M  (resp. N  ) un sous-A-module


de M (resp. N ) et f ∈ HomA (M, N ). Alors
(i) f (M  ) est un sous-A-module de N ,
(ii) f −1 (N  ) est un sous-A-module de M . ♦

Proposition
 2.5. Si (Ni )i∈I est une famille de sous-A-modules d’un A-module M ,
alors i∈I Ni est un sous-A-module de M . ♦

Proposition – Définition 2.6. Soient M un A-module et S une partie de M . Le


sous-A-module de M engendré par S est le plus petit sous-A-module de M (pour
la relation d’ordre définie par l’inclusion) contenant S. C’est l’intersection de tous
les sous-A-modules de M contenant S. ♦

Proposition 2.7. Soient M un A-module et S une partie deM . Le sous-A-module


de M engendré par S est formé des éléments de la forme finie ai si , où ai ∈ A et
si ∈ S. ♦

Proposition 2.8. Soient M un A-module et (Ni )i∈I une famille de sous-A-modules


de M . Alors
  
Ni = xi , xi ∈ Ni , xi = 0 sauf pour un nombre fini de i ∈ I
i∈I i∈I

est le sous-A-module de M engendré par i∈I Ni . ♦

3. Modules quotients

Soient M un A-module et N un sous-A-module de M . En particulier, N est


un sous-groupe du groupe abélien M . On peut donc considérer le groupe abélien
quotient M/N . On définit une loi externe sur M/N par

A × M/N −→ M/N
(a, x) −→ ax

(où x désigne la classe dans M/N de l’élément x de M ).

Proposition 3.1.
(i) La loi externe ci-dessus est bien définie.
(ii) Cette loi munit le groupe abélien M/N d’une structure de A-module.
(iii) La projection canonique M −→ M/N , qui à un élément de M associe sa
classe dans M/N , est un morphisme (surjectif ) de A-modules, de noyau N .

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Chapitre IV. Généralités sur les modules

Démonstration.
(i) Si y est un autre représentant de la classe x, on a x−y ∈ N . Par conséquent,
a(x − y) ∈ N et ax = ay.
Les démonstrations des assertions (ii) et (iii) sont des exercices
immédiats. ♦

Proposition 3.2. Soient M un A-module et N un sous-A-module de M . La projec-


tion canonique π : M −→ M/N induit une correspondance biunivoque entre les
sous-A-modules de M/N et les sous-A-modules de M qui contiennent N .

Démonstration. Si K est un sous-A-module de M/N , K = π −1 (K) est un sous-


A-module de M , qui contient π −1 (0) = N . Si K est un sous-A-module de M
contenant N , π(K) est un sous-A-module de M/N . Le morphisme π étant sur-
jectif, les deux applications

K → π(K), K → K

sont réciproques l’une de l’autre. ♦

4. Morphismes et quotients
Théorème 4.1. Soient M , N deux A-modules et f : M −→ N un morphisme de
A-modules. Alors f induit un isomorphisme f : M/Ker(f ) −→ Im(f ), tel que le
morphisme composé
f
M −→ M/Ker(f ) −→ Im(f ) → N

soit égal à f .

Démonstration. Analogue au théorème I.2.14.ii. Il suffit de démontrer que f est un


morphisme de A-modules, ce qui est évident. ♦

Proposition 4.2. Soient M un A-module, P et Q deux sous-A-modules de M et

π : M −→ M/P

la projection canonique.
(i) Ker(π) = P .
(ii) Si l’on note π1 et π2 les restrictions de π à P + Q et Q respectivement,
alors Ker(π1 ) = P et Ker(π2 ) = P ∩ Q.
(iii) Les A-modules (P + Q)/P et Q/(P ∩ Q) sont canoniquement isomorphes.

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4. Morphismes et quotients

Démonstration. Les assertions (i) et (ii) sont évidentes. Démontrons l’assertion


(iii). On sait, d’après le théorème 4.1, qu’il existe des isomorphismes

π1 : (P + Q)/P −→ Im(π1 ) , π2 : Q/(P ∩ Q) −→ Im(π2 )

tels que le morphisme composé

1 π
P + Q −→ (P + Q)/P −→ Im(π1 )

soit égal à π1 et que le morphisme composé

2 π
Q −→ Q/(P ∩ Q) −→ Im(π2 )

soit égal à π2 . Or, Im(π1 ) = Im(π2 ) = π(Q), donc

π π −1
1 2
(P + Q)/P −→ π(Q) −→ Q/(P ∩ Q)

est un isomorphisme, ce qui démontre le résultat. ♦

Théorème 4.3. Soient M un A-module, P et Q deux sous-A-modules de M tels


que Q ⊂ P . Alors les A-modules (M/Q)/(P/Q) et M/P sont canoniquement
isomorphes.

Démonstration. Soient

p : M −→ M/P, q : M −→ M/Q

les projections canoniques. Il existe un unique morphisme

θ : M/Q −→ M/P

tel que θ ◦ q = p. En effet, pour tout x ∈ M/Q, il existe m ∈ M tel que q(m) = x :
on pose θ(x) = p(m). Cette application est bien définie, car si m ∈ M est tel
que q(m) = q(m ), (m − m ) appartient à Ker(q) = Q ⊂ P = Ker(p), d’où
p(m) = p(m ). Il est évident que θ est linéaire et surjective. Le noyau de θ
est l’ensemble des éléments x ∈ M/Q tels que x = q(m) avec m ∈ P , i.e.
Ker(θ) = P/Q. On a donc Im(θ) = M/P  (M/Q)/(P/Q). ♦

Théorème 4.4 (de passage au quotient). Soient M et M  deux A-modules, N et


N  des sous-A-modules de M et M  respectivement, π : M −→ M/N et

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Chapitre IV. Généralités sur les modules

π  : M  −→ M  /N  les projections canoniques. Si f : M −→ M  est un mor-


phisme de A-modules tel que f (N ) ⊂ N  , il existe un morphisme de A-modules
f : M/N −→ M  /N  unique tel que le diagramme
f
M −−−−→ M
⏐ ⏐

π
⏐ 

M/N −−−−→ M  /N 
f

soit commutatif.
Démonstration. La démonstration de ce résultat est strictement analogue à celle
du théorème I.2.14. ♦

5. Modules monogènes
Définition 5.1. Un A-module M est monogène, de générateur x, s’il est en-
gendré par x, i.e. M = {ax, a ∈ A}.

Proposition 5.2. Un A-module M est monogène de générateur x si et seulement


s’il existe x ∈ M tel que M soit isomorphe au A-module A/AnnA (x).
Démonstration. Soit M un A-module monogène de générateur x. À tout élément
ax ∈ M , on associe ϕ(ax) = a ∈ A/AnnA (x), où a désigne la classe de a. Cela
définit bien l’application ϕ car ax = bx est équivalent à (a−b) ∈ AnnA (x) et a = b.
Il est évident que ϕ est un morphisme surjectif de A-modules et que ϕ(ax) = 0 est
équivalent à a ∈ AnnA (x), i.e. ax = 0. Le morphisme ϕ est donc un isomorphisme.
Réciproquement, s’il existe x appartenant à M tel que A/AnnA (x)  M , alors M
est engendré par l’image réciproque par cet isomorphisme de la classe de 1. ♦
Exercice E2 (¶). Un A-module M est simple s’il n’a pas de sous-A-module propre
(i.e. autre que {0} et M ).
1. Montrer qu’un A-module simple est monogène, isomorphe à un A-module
A/m, avec m idéal maximal de A.
2. Montrer que si M et N sont des A-modules simples, tout morphisme de
A-modules de M dans N est soit nul, soit bijectif.
3. Soient K un corps commutatif, V un K-espace vectoriel et A = EndK (V )
(cf. exemple I.1.3.c). Montrer que l’application A × V −→ V , définie par
(ϕ, x) → ϕ(x), munit V d’une structure de A-module à gauche, pour laquelle
V est un A-module simple.

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6. Produit et somme

6. Produit et somme

Le but de ce paragraphe est de définir le produit et la somme directs d’une


famille de A-modules. Les propriétés sont données sans démonstration car il suffit
de reprendre celles des propriétés analogues pour les groupes abéliens et de vérifier
la compatibilité avec la loi externe définissant la structure de A-module.
Soit (Mi )i∈I une famille de A-modules. On considère Πi∈I Mi le groupe abélien
produit des groupes abéliens sous-jacents aux Mi , i ∈ I. On définit la loi externe
A × Πi∈I Mi −→ Πi∈I Mi
(a, (xi )i∈I ) −→ (axi )i∈I .
Le lecteur vérifiera que, muni de cette loi, Πi∈I Mi est un A-module, appelé pro-
duit des A-modules Mi , i ∈ I.

Définition 6.1. Le sous-ensemble i∈I Mi de Πi∈I Mi , formé des éléments
n’ayant qu’un nombre fini de composantes non nulles, est un sous-A-module
de Πi∈I Mi appelé somme directe des A-modules Mi , i ∈ I.

Notation. Si pour tout i ∈ I on a Mi  M , on note



M I = Πi∈I Mi et M (I) = Mi .
i∈I

Donc M I = M (I) si et seulement si I est fini.

Proposition 6.2. Soient


 M un A-module et (Mi )i∈I une famille de sous-A-modules
de M . Alors M = i∈I Mi si et seulement si les deux conditions suivantes sont
vérifiées :

(i) M = i∈I Mi ,
(ii) ∀ i ∈ I, Mi ∩ j=i Mj = {0}.
Ces deux conditions sont équivalentes à la suivante :

∀ x ∈ M, x = xi , xi ∈ Mi
i∈I

où tous les xi sont nuls sauf pour un nombre fini de i ∈ I et cette écriture est
unique. ♦

On trouvera au TR.IV.A une autre caractérisation de la somme et du produit


des A-modules, en particulier comme solution de problèmes universels.

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Chapitre IV. Généralités sur les modules

Définition 6.3. Un sous-A-module N d’un A-module M est en facteur direct


dans M , s’il existe un sous-A-module N  de M tel que M = N ⊕ N  .

Exercice E3 (¶). Un A-module est semi-simple s’il est somme directe de


A-modules simples. L’objectif de cet exercice est de montrer le résultat suivant :
un A-module M est semi-simple si et seulement si tous ses sous-A-modules sont
en facteur direct dans M .

a) Soient M = i∈I Mi , où, pour tout i ∈ I, Mi est un A-module simple, et
N un sous-A-module de M . On pose MJ = i∈J Mi , J ⊂ I, avec J maximal tel
que MJ ∩ N = {0}. Montrer que M = MJ N.
b) Soit M un A-module tel que tous ses sous-A-modules soient en facteur
direct dans M .
(i) Soit N un sous-A-module de M . Montrer que tout sous-A-module de N est
en facteur direct dans N .
(ii) Montrer que tout sous-A-module non nul de M contient un sous-A-module
simple.
(iii) Montrer que si (Ni )i∈I est une famille de sous-A-modules simples
de M , maximale pour la propriété « i∈I Ni est une somme directe », alors
M = i∈I Ni .

On trouvera au TR.IV.A. une étude détaillée du comportement des produits


et sommes directs relativement aux morphismes.

7. Modules libres
Soient M un A-module et (xi )i∈I une famille d’éléments de M . On 
considère
(I) (I)
le A-module A , et à tout élément (ai )i∈I de A on associe l’élément i∈I ai xi
de M . Cela définit une application ϕ : A(I) −→ M qui est un morphisme de
A-modules.

Définitions 7.1.
a) Les éléments (xi )i∈I sont linéairement indépendants, ou la famille
{xi }i∈I est libre, si le morphisme ϕ est injectif.
b) Les éléments (xi )i∈I forment un système générateur de M , ou la
famille {xi }i∈I est génératrice, si le morphisme ϕ est surjectif.
c) La famille {xi }i∈I est une base de M si ϕ est bijective.
d) Un A-module M qui admet une base est dit libre.

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7. Modules libres

Remarques 7.2.
a) Le A-module M est libre de base (xi )i∈I si et seulement si tout élément
s’écrit de manière unique comme combinaison linéaire (finie) des xi , à coefficients
dans A.
b) La construction ci-dessus montre que tout A-module libre est isomorphe
au A-module A(I) , pour un certain ensemble I. Si l’on veut seulement exprimer
que le A-module M est libre, on écrira M  A(I) et si l’on a besoin d’en préciser
une base X = (xi )i∈I , on écrira M  A(X) .

Théorème 7.3 (propriété universelle). Soit L un A-module engendré par une partie
X. Alors L est libre de base X si et seulement si, pour tout A-module M et
toute application f : X −→ M , il existe un unique morphisme de A-modules
f : L −→ M tel que f = f ◦ jX , où jX est l’inclusion canonique de X dans L.

Démonstration. Supposons que L = A(X) et notons iX l’inclusion canonique de X


dans A(X) . On pose exi = iX (xi ), i.e. exi = (0, . . . , 0, xi , 0 . . .) où le terme xi est
à la ième place, et l’on pose f (exi ) = f (xi ). Ceci définit f de manière unique et
l’on vérifie aisément que c’est un morphisme de A-modules tel que f = f ◦ iX .
Réciproquement, soit L un A-module engendré par X satisfaisant les condi-
tions de l’énoncé. On considère le cas où M est le A-module A(X) et f = iX .
D’après l’hypothèse il existe un unique morphisme de A-modules iX : L −→ AX
tel que iX ◦ jX = iX , où jX est l’inclusion de X dans L. D’après la partie directe,
il existe un unique morphisme de A-modules jX qui prolonge jX . On vérifie que
jX et iX sont des isomorphismes réciproques l’un de l’autre. ♦

Exercice E4. Montrer que si N est un A-module libre, tout morphisme surjectif
de A-modules, p : M −→ N , admet une section, i.e. il existe s ∈ HomA (N, M )
tel que p ◦ s = idN .

Théorème 7.4. Tout A-module M est isomorphe à un quotient d’un A-module


libre.

Démonstration. Soit M un A-module, X une partie génératrice de M et jX l’inclu-


sion de X dans M . D’après le théorème 7.3, il existe un morphisme de A-modules,
jX : A(X) −→ M , qui est surjectif puisque jX ◦ iX = jX . On en déduit que le
A-module M est isomorphe au A-module A(X) /Ker(j X ). ♦

L’objet de la proposition suivante est de permettre de définir une notion ana-


logue à celle de dimension dans les espaces vectoriels.

Proposition 7.5. Soit M un A-module libre. Toutes les bases de M ont même
cardinal.

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Chapitre IV. Généralités sur les modules

Démonstration. Soit m un idéal maximal de A. L’application


A/m × M/mM −→ M/mM , définie par a x = ax, munit M/mM d’une
structure de A/m-espace vectoriel. Si {ei }i∈I est une base du A-module M ,
{ei }i∈I est une base du A/m-espace vectoriel M/mM . Le résultat annoncé résulte
donc du résultat analogue dans le cadre des espaces vectoriels. ♦

Définition 7.6. Si M est un A-module libre, on appelle rang de M le cardinal


d’une base.

Attention.
a) Tous les A-modules ne sont pas forcément libres (fournir des contre-
exemples avec A = Z).
b) Un sous-module d’un A-module libre n’est pas forcément libre (cf. exemple
ci-dessous).

Exemple 7.7. Soient n un entier positif et A = Z/n2 Z. Le A-module A est libre


et l’idéal nZ/n2 Z est un sous-A-module qui n’est pas libre, puisqu’annulé par n.

Exercice E5. Soient k un corps et A = k[X, Y ]. Montrer que l’idéal (X, Y ) est un
sous-A-module qui n’est pas libre (on montrera que (X, Y ), qui est engendré par
deux éléments, ne contient aucun système libre à plus de un élément).

Définition 7.8. Un A-module est de type fini s’il admet un ensemble fini de
générateurs.

Attention. Un sous-module d’un module de type fini n’est pas forcément de type
fini.

Exemple 7.9. Soient k un corps, A = kN et A = k(N) . Il est clair que A est un


idéal de A, donc un sous-A-module du A-module de type fini A. Ce sous-A-module
n’est pas de type fini. En effet, pour toute famille finie (x1 , . . . , xp ) d’éléments de
A, on pose Jk le support de xk , i.e. l’ensemble des indices des termes non nuls
k=p
de xk , et l’on pose J = k=1 Jk . Toute combinaison linéaire des xk à coefficients
dans A a son support dans J. Or, puisque card(J) < ∞, il existe des éléments de
A qui n’ont pas leur support dans J, ce qui prouve le résultat.

Théorème 7.10. Soit M un A-module. Les assertions suivantes sont équivalentes.


(i) Toute famille non vide de sous-A-modules de M possède un élément maxi-
mal (pour l’inclusion).

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7. Modules libres

(ii) Toute suite croissante (pour l’inclusion) de sous-A-modules de M est sta-


tionnaire.
(iii) Tout sous-A-module de M est de type fini.

Démonstration. L’équivalence des assertions (i) et (ii) est un cas particulier du


théorème VIII.3.6. Montrons que l’assertion (i) implique l’assertion (iii). Soient
N un sous-A-module de M et F la famille des sous-A-modules de type fini de N .
Cette famille est non vide puisque {0} ∈ F. D’après (i), F admet un élément
maximal F . Pour tout élément x de N , le A-module F + Ax appartient à F, d’où
F + Ax = F . Par conséquent, x ∈ F et N = F , ce qui prouve que N est de type
fini.
Montrons que l’assertion (iii) implique l’assertion  (ii). Soit (Np ) une suite
croissante de sous-A-modules de M . Alors N = Np est un sous-A-module de
M , donc de type fini. Soit (x1 , . . . , xk ) un système de générateurs de N . Pour tout
j, 1  j  k, il existe un indice p(j) tel que xj ∈ Np(j) . On pose q = sup1jk p(j).
Alors, tous les éléments xj appartiennent à Nq et N ⊆ Nq . On a donc, pour tout
p  q, N ⊆ Nq ⊆ Np ⊆ N , i.e. la suite (Np ) est stationnaire. ♦

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7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN

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THÈMES DE RÉFLEXION

♥ TR.IV.A. Propriétés universelles de somme directe


et produit direct

Nous allons montrer ici que la somme directe et le produit direct d’une famille
de A-modules sont solutions de problèmes universels qui sont duaux l’un de l’autre.
Soient (Mi )i∈I une famille de A-modules et M un A-module.

1. Montrer que le A-module M est isomorphe au A-module i∈I Mi si et seule-
ment si,
– ∀ i ∈ I, ∃ αi ∈ HomA (Mi , M ),
– pour tout A-module N et pour toute famille fi ∈ HomA (Mi , N ), i ∈ I, il
existe un unique ϕ ∈ HomA (M, N ) tel que, pour tout i ∈ I, on ait ϕ ◦ αi = fi .
2. Montrer que le A-module M est isomorphe au A-module Πi∈I Mi si et seule-
ment si,
– ∀ i ∈ I, ∃ βi ∈ HomA (M, Mi ),
– pour tout A-module N et pour toute famille fi ∈ HomA (N, Mi ), i ∈ I, il
existe un unique ψ ∈ HomA (N, M ) tel que, pour tout i ∈ I, on ait βi ◦ ψ = gi .
3. En déduire que pour tout A-module N , les morphismes
 
θ : HomA ( Mi , N ) −→ HomA (Mi , N )
i∈I i∈I
 
η : HomA (N, Mi ) −→ HomA (N, Mi )
i∈I i∈I

définis par
θ(ϕ) = (ϕ ◦ αi )i∈I ,
η(ψ) = (βi ◦ ψ)i∈I
sont des isomorphismes de A-modules.

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Algèbre T2


On prendra garde au fait que tout autre combinaison des symboles , et
HomA (−, −) ne donne pas d’isomorphisme ou donne un « morphisme » qui n’est
pas défini.

♣ TR.IV.B. Algèbres – Algèbres de polynômes


Soient K un anneau commutatif et K[X] l’anneau de polynômes en une indé-
terminée, à coefficients dans K. Il est évident que la multiplication des polynômes
par les constantes de K et l’addition des polynômes munissent K[X] d’une struc-
ture de K-module. De plus, la loi externe de K sur K[X] et la multiplication dans
K[X] vérifient la condition

∀ k ∈ K, ∀ P, Q ∈ K[X], (kP )Q = P (kQ) = k(P Q).

On a donc la situation suivante : un anneau commutatif K, un ensemble


A (= K[X]), une loi externe de K sur A, deux lois internes sur A, notées « + »
et « . », telles que :
– la loi externe et « + » munissent A d’une structure de K-module,
– la loi « + » est distributive par rapport à la loi « . »,
– la loi externe et la loi « . » vérifient la condition de compatibilité

∀ k ∈ K, ∀ x, y ∈ A, (kx).y = x.(ky) = k(x.y).

Dans le cas de K[X], on a, de plus, que la loi « . » est associative, commutative


et possède un élément unité.
On formalise cette nouvelle structure de la façon qui suit.
Soit K un anneau commutatif. Une K-algèbre A est la donnée d’un K-module
A et d’une application K-bilinéaire

f : A × A −→ A.

La K-algèbre A est dite associative si l’application f vérifie la condition


(1) ∀ x, y, z ∈ A, f (f (x, y), z) = f (x, f (y, z)).
La K-algèbre A est dite commutative si l’application f vérifie la condition
(2) ∀ x, y ∈ A, f (x, y) = f (y, x).
La K-algèbre A est dite unitaire s’il existe un élément 1 ∈ A vérifiant la condition
(3) ∀ x ∈ A, f (1, x) = f (x, 1) = x.
1. On suppose que A est une K-algèbre et l’on pose f (x, y) = xy. Montrer que la
bilinéarité de l’application f se traduit alors par la distributivité de la somme par
rapport au produit et par la compatibilité de la loi externe et du produit. Montrer

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Algèbre d’un groupe

que si la K-algèbre A est associative et unitaire, A a une structure d’anneau


compatible avec sa structure de K-module. Tester ces affirmations avec A = K[X].
Cela montre que l’on peut toujours considérer qu’une K-algèbre associative
et unitaire est un anneau muni d’une structure de K-module, ces deux structures
étant compatibles. Réciproquement, tout anneau est une Z-algèbre associative et
unitaire.
Il existe des structures d’algèbres, très importantes en mathématiques, qui ne
sont pas de ce type. Ce sont les algèbres de Lie. En voici un exemple.
2. Soient K un anneau commutatif et A une K-algèbre associative, dont on
note multiplicativement la deuxième loi interne. On définit sur A l’application
f : A × A −→ A par f (x, y) = xy − yx et on note f (x, y) = [x, y].
Montrer que le K-module A muni de l’application f est une K-algèbre.
Montrer que pour tout x, y, z ∈ A, on a les égalités suivantes :
[x, y] = − [y, x]
[[x, y], z] + [[y, z], x] + [[z, x], y] = 0 (identité de Jacobi).
En déduire que la nouvelle structure de K-algèbre ainsi définie sur A n’est pas,
a priori, associative.
3. Soient K un anneau commutatif et A un anneau dont on notera 1 l’élément
unité.
Montrer que si A est une K-algèbre associative et unitaire, l’application ϕ
définie sur K par ϕ(k) = k1 est un morphisme d’anneaux de K dans A, dont
l’image est contenue dans le centre Z(A) de A (cf. I.1.11).
Montrer que, réciproquement, tout morphisme d’anneaux ϕ : K −→ Z(A)
munit A d’une structure de K-algèbre associative et unitaire.
Par conséquent, la donnée d’une structure de K-algèbre associative et unitaire
sur un anneau A est équivalente à la donnée d’un morphisme d’anneaux

ϕ : K −→ Z(A).

À partir de maintenant, nous ne considérerons que des K-algèbres associatives


et unitaires, que nous appellerons simplement K-algèbres.

Algèbre d’un groupe

Soient K un anneau commutatif et G un groupe. On pose


⎧ ⎫
⎨ ⎬
K(G) = ag g | ag ∈ K, ag = 0 sauf pour un nombre fini de g .
⎩ ⎭
g∈G

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Algèbre T2

On définit sur K(G) deux opérations internes, somme et produit, par


⎛ ⎞ ⎛ ⎞
  
⎝ ag g⎠ + ⎝ bg g ⎠ = (ag + bg )g
g∈G g∈G g∈G
⎛ ⎞⎛ ⎞
  
⎝ ag g⎠ ⎝ bg  g  ⎠ = ag bg gg .
g∈G g  ∈G g,g  ∈G

4. Montrer que K(G), muni de ces opérations et du morphisme K −→ K(G)


défini par k → k.1G , est une K-algèbre.
On remarquera que la structure de K-algèbre définie ci-dessus ne fait pas
intervenir le fait que tout élément de G admet un inverse. On peut donc étendre
la définition de cette K-algèbre au cas où G est un monoïde.
Ce qui précède permet de définir la notion de polynôme en un nombre quel-
conque de variables, de la façon suivante.
Soit S un ensemble. On considère l’ensemble

N(S) = {f : S −→ N | f (s) = 0 sauf pour un nombre fini de s ∈ S}.

On dira que les éléments de N(S) sont les fonctions de S dans N qui sont nulles
presque partout.
On définit sur N(S) une opération interne, notée multiplicativement, par
(f g)(s) = f (s) + g(s).
5. Montrer que, muni de cette loi, N(S) est un monoïde, dont l’élément neutre est
l’application nulle.

6. Montrer que tout élément f de N(S) s’écrit, de manière unique, s∈S sμ(s) ,
avec μ(s) = 0 sauf pour un nombre fini de s, où μ(s) ∈ N et sn est l’application
de S dans N définie par sn (x) = 0 si x = s et sn (s) = n.
Soit K un anneau commutatif. On appelle anneau de polynômes en S, à
coefficients dans K, l’algèbre K(N(S)), que l’on notera K[S] dans la suite.
7. Montrer que si card(S) = n, les anneaux K[S] et K[X1 , . . . , Xn ] sont iso-
morphes.
8. Montrer que tout élément de K[S] s’écrit, de manière unique,
 
a(μ) sμ(s)
μ∈N(S) s∈S

avec a(μ) ∈ K, nul pour presque tout μ.

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V
MODULES SUR UN ANNEAU PRINCIPAL

Nous avons vu au chapitre précédent que les modules sur un anneau ont un
comportement très différent de ceux des espaces vectoriels sur un corps (un sous-
module d’un module libre, resp. de type fini, n’est pas nécessairement libre, resp.
de type fini). Nous allons, dans ce chapitre, montrer que si l’anneau est principal,
ces difficultés disparaissent. De plus, nous établirons le théorème de structure des
modules de type fini sur un anneau principal.
Ce résultat a de nombreuses applications. Il s’applique évidemment aux
groupes abéliens de type fini (l’anneau Z est principal !), mais il permet aussi,
par exemple, d’obtenir directement un résultat de réduction des endomorphismes
d’un espace vectoriel de dimension finie (la jordanisation).
Compte tenu de l’importance des ces applications, nous allons donner ici deux
démonstrations différentes du théorème de structure des modules de type fini, qui
ont chacune leur intérêt, tant théorique que pratique.

1. Modules libres – Modules de type fini

Théorème 1.1. Si A est un anneau principal, tout sous-A-module d’un A-module


libre est un A-module libre.

Démonstration. Nous allons donner d’abord une démonstration élémentaire dans


le cas du rang fini, qui permet de préciser que le rang du sous-module est inférieur
ou égal au rang du module. Le cas du rang infini nécessite une démonstration plus
élaborée.
Dans cette démonstration, tous les modules considérés sont des A-modules.

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Chapitre V. Modules sur un anneau principal

(1.1.1) Supposons que L soit un module libre de rang fini n. Nous allons faire
un raisonnement par récurrence sur n.
Si n = 0, le module L est libre de base l’ensemble vide et le résultat est évident.
Supposons le résultat vrai pour les modules libres de rang r  n − 1 et soit
L un module libre de rang n. Alors L est isomorphe à An ; considérons le mor-
phisme de modules p : An → A défini par p((x1 , . . . , xn )) = xn . Il est clair que
Ker(p) = {(x1 , . . . , xn−1 , 0)|xi ∈ A} est un module isomorphe à An−1 , donc libre
de rang n − 1. Tout sous-module de L est isomorphe à un sous-module N de An .
On a p(N ) = aA. Si a = 0, alors N est contenu dans Ker(p) et le résultat découle
de l’hypothèse de récurrence. Si a = 0, p(N ) est un sous-module de A, donc libre,
et le morphisme N → p(N ) est surjectif et a pour noyau N ∩ An−1 , qui est libre
par hypothèse de récurrence. On en déduit que N  (N ∩ An−1 ) ⊕ p(N ) (pour
une justification précise de cet isomorphisme, cf. VII, exercie E.2), donc N est un
module libre comme somme directe de modules libres. De plus, p(N ) est de rang
égal à 1 et (N ∩ An−1 ) est, par hypothèse, de rang inférieur ou égal à n − 1. D’où
le résultat.
(1.1.2) Considérons maintenant un module libre L = {0} de base X = {xi }i∈I
quelconque et N un sous-module propre de L.
Pour tout k ∈ I, onnote πk : L → A le morphisme k-ième coordonnée, i.e.
πk (M ) = nk avec M = i∈I ni xi .
On peut toujours supposer que I est muni d’une structure d’ensemble bien
ordonné (cf. Appendice). Pour tout t ∈ I, on note Lt le sous-module de L
engendré par les éléments xi pour i  t et on pose Nt = N ∩ Lt . L’image de Nt
par πt est un sous-module de A, πt (Nt ) = Aat . On note yt un élément de Nt tel
que πt (yt ) = at . Si at = 0, on prend yt = 0.
Pour tout s ∈ I, on considère Ks le sous-module de L engendré par les éléments
yt pour t  s. Donc Kt est contenu dans Nt , pour tout t. Nous allons montrer
que, pour tout s ∈ I, Ks = Ns , ce qui prouvera que le sous-module N lui-même
est engendré par les éléments (ys )s∈I .
Supposons que, par hypothèse de récurrence, on ait : pour tout t < s, Kt = Nt .
Cette hypothèse est bien vérifiée pour le plus petit élément de I. Pour tout élément
x ∈ Ns , on a πs (x) = qas , q ∈ A, donc x − qys s’écrit comme combinaison linéaire
d’un nombre fini de xi , avec i < s. On a donc x − qys ∈ Nt , avec t < s. D’où,
d’après l’hypothèse de récurrence, x−qys ∈ Kt . Mais Kt ⊂ Ks et, par conséquent,
l’élément x appartient à Ks , d’où Ks = Ns .
Ce qui précède prouve que la famille (ys )s∈I est génératrice de N . Montrons
maintenant que la sous-famille desys qui ne sont pas nuls est libre sur A. Suppo-
sons qu’il existe une relation S = finie ni yi = 0, dans laquelle il existe des termes

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2. Modules de torsion

non nuls. On note k le plus grand indice i tel que ni yi = 0. Puisque πk (yi ) = 0
pour i < k, on a πk (nk yk ) = πk (S) = 0. Mais πk (nk yk ) = nk ak et, puisque ak = 0,
on doit avoir nk = 0, ce qui est contraire à l’hypothèse.
On en déduit que la famille des (ys )s∈I qui sont non nuls est une base de N ,
qui est donc un module libre. ♦

L’exercice qui suit est la réciproque du théorème 1.1.

Exercice E1. Soit A un anneau commutatif. Montrer que si tout sous-A-module


de tout A-module libre est libre, alors tout idéal de A est principal et l’anneau A
est intègre, i.e. l’anneau A est principal.

Corollaire 1.2. Si A est un anneau principal et si M est un A-module engendré


par n éléments, tout sous-module N de M admet une partie génératrice ayant au
plus n éléments. Par conséquent, tout sous-module d’un A-module de type fini est
un A-module de type fini.

Démonstration. Il existe un morphisme surjectif de module f : An → M . L’image


réciproque de N par f est un sous-module K de An , donc libre de rang p  n.
L’image par f d’une base de K est une partie génératrice de N . ♦

Remarque 1.3. Soient A un anneau principal et L un module libre de rang fini.


Si M et N sont deux sous-A-modules tels que L = M ⊕ N , alors

rang(L) = rang(M ) + rang(N ).

2. Modules de torsion

Définitions 2.1. Soient A un anneau et M un A-module.


a) Un élément x ∈ M est de torsion si son annulateur (cf. définition IV.1.7)
est non nul.
b) Le A-module M est dit de torsion si tous ses éléments sont de torsion.
Il est dit sans torsion si aucun élément, différent de l’élément neutre, n’est
de torsion.

Exemples 2.2.
a) Un module libre est sans torsion.
b) Tout module fini est de torsion.
d) (Q/Z, +) est un Z-module de torsion.

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Chapitre V. Modules sur un anneau principal

Proposition – Définition 2.3. Soient A un anneau intègre et M un A-module. L’en-


semble T (M ), formé des éléments de torsion de M , est un sous-module de M ,
appelé sous-module de torsion de M . Si T (M ) = M , le module M/T (M ) est sans
torsion.

Démonstration. Si M est un module sans torsion, alors T (M ) = 0 ; si M est un


module de torsion, alors T (M ) = M . Dans ces deux cas, le résultat est trivial.
Supposons que M soit un module tel que T (M ) soit distinct de M et de {0}.
Soient x et y deux éléments de T (M ) et soient a ∈ A, a = 0 (resp. b) tels que
ax = 0 et by = 0. On a ab(x − y) = 0, avec ab = 0, donc (x − y) ∈ T (M ) et
T (M ) est un sous-module de M . Soit x un élément du module M/T (M ). S’il
existe a ∈ A, a = 0 tel que ax = 0, on a ax ∈ T (M ), i.e. il existe b ∈ A, b = 0
tel que bax = 0, d’où x ∈ T (M ) et x = 0. Donc M/T (M ) est un module sans
torsion. ♦

Exercice E2. Soient M un A-module et N un sous-A-module de M . Montrer que


a) T (N ) = N ∩ T (M ),
b) T (M )/T (N ) est un sous-module de T (M/N ).

Proposition – Définition 2.4. Soient A un anneau principal, M un A-module et p


un élément irréductible de A. L’ensemble M (p), formé des éléments x de M qui
sont annulés par une puissance de p (pas nécessairement la même pour chaque
x), est un sous-module de M , appelé composante p-primaire de M . Un A-module
réduit à sa composante p-primaire est appelé un p-module.

Théorème 2.5. Soient A un anneau principal, M un A-modulede torsion et P


l’ensemble des éléments irréductibles de A. Alors M est égal à p∈P M (p).

Démonstration. Soient x un élément de M et a un générateur de Ann(x). On


considère a = upr11 · · · prkk la décomposition en facteurs irréductibles de a et on
pose ai = a/pri i , 1  i  k. Les éléments ai sont étrangers entre eux dans leur
ensembledonc, d’après le théorème de Bezout, il existe des éléments b1 , . . . , bk
tels que 1ik bi ai = 1. On en déduit que

x = 1x = b1 (a1 x) + · · · + bk (ak x),

où, pour 1  i  k, ai x est annulé par pri i . Par conséquent,


 
x ∈ M (pi ) ⊆ M (p),
1ik P

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3. Structure des modules de type fini sur un anneau principal


d’où M ⊆ P M (p). Comme l’inclusion dans l’autre sens est évidente, on a

M = M (p).
P

Montrons que cette somme est directe. Soit p0 un élément de P et soit



x ∈ M (p0 ) ∩ M (p).
p=p0 ,p∈P

Il existe {p1 , . . . , pn } ⊂ (P \ {p0 }) tel que x = x1 + · · · + xn , avec xi ∈ M (pi ).


Chaque xi , 1  i  n, est annulé par psi i , d’où x est annulé par ps11 · · · psnn . Mais,
puisque x ∈ M (p0 ), il est aussi annulé par ps00 . Comme les éléments ps11 · · · psnn et
ps00 sont étrangers, en appliquant l’identité de Bezout, on a 1.x = 0, d’où x = 0.
On a donc

M= M (p). ♦
p∈P

Corollaire 2.6. Soient A un anneau principal, M un module de torsion et N un


sous-module de M . Avec les notations ci-dessus, on a

N= (N ∩ M (p)). ♦
p∈P

Remarque 2.7. Il est clair, d’après le corollaire 1.2, que si le module M dans le
théoreme 2.5 et le corollaire 2.6 est de type fini, la somme directe est finie.

3. Structure des modules de type fini sur un anneau


principal

Théorème 3.1. Soient A un anneau principal, M un module libre de rang fini n


et N un sous-module de M . Alors
(i) Il existe une base (e1 , . . . , en ) de M , un entier q  n, une famille d’éléments
non nuls de A, a1 , . . . , aq tels que
a) ai divise ai+1 , 1  i  q − 1,
b) (a1 e1 , . . . , aq eq ) soit une base de N .
(ii) L’entier q et les idéaux (a1 ), . . . , (aq ) vérifiant ces conditions sont uniques,
déterminés par la donnée de M et N .

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Chapitre V. Modules sur un anneau principal

Démonstration.
(i) Nous allons faire un raisonnement par récurrence sur n. Si n = 0, N est le
module réduit à zéro, de base l’ensemble vide : le résultat est trivial.
On suppose le théorème vrai pour les modules libres de rang inférieur ou égal
à n − 1.
Soient (xi )1in une base de M et (πi )1in les fonctions coordonnées as-
sociées à cette base. Rappelons qu’elles sont définies de  la manière suivante :
tout élément x de M s’écrivant de manière unique x = 1in ni xi , on pose
πi (x) = ni .
Pour tout u ∈ HomA (M, A), u(N ) est un idéal de A, donc de la forme (αu ).
Puisque N est non nul, il existe au moins une fonction coordonnée qui ne s’annule
pas sur N , il existe donc des (αu ) non nuls. D’après le théorème II.3.7 (ii), cette
famille d’idéaux possède un élément maximal. Notons a l’un de ses générateurs
et notons f un élément de HomA (M, A) correspondant à a, i.e. f (N ) = (a). Soit
n ∈ N tel que f (n) = a. Écrivons n = 1in ni xi .

Lemme 3.1.1. Pour tout i, 1  i  n, a divise ni .

Démonstration. Soit d le pgcd de a et ni . Il existe des éléments r et s premiers


entre eux tels que

d = rni + sa = rπi (n) + sf (n) = (rπi + sf )(n).

Or, (rπi + sf ) est un élément de HomA (M, A), par conséquent, il existe un α tel
que (rπi + sf )(N ) = (α). On a donc (d) ⊆ (α). Puisque d divise a, on a (a) ⊆ (d).
On a donc (a) ⊆ (α). On en déduit, par maximalité de (a), que (α) = (a). On a
donc (d) = (a), d’où a divise d, donc a divise ni .
Par conséquent,
 pour tout i, 1  i < n, il existe ni ∈ A tel que ni = ani . On
pose n = 1in ni xi . On a n = an , donc f (n) = f (an ) = af (n ), mais comme
 

f (n) = a, on a f (n ) = 1. Le morphisme f : M → A admet donc une section λ


définie par λ(1) = n . Le module λ(A) est isomorphe à A, donc libre de rang 1.
Il s’identifie au sous-module de M engendré par n , que nous noterons n , qui
est donc lui aussi libre de rang 1. On a donc M = n  ⊕ Ker(f ). Par conséquent,
Ker(f ) est un module libre de rang n − 1 et

N = (n  ∩ N ) ⊕ (Ker(f ) ∩ N ).

De plus, pour tout élément y de N , on a f (y) = ba avec b ∈ A, d’où


y = bn + (y − ban ) et (y − ban ) ∈ (Ker(f ) ∩ N ), puisque f (n ) = 1. Ceci,

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3. Structure des modules de type fini sur un anneau principal

et l’unicité de l’écriture de tout élément de N en fonction de la décomposition en


somme directe donnée ci-dessus, impliquent que n  ∩ N = n. On a donc

N = n ⊕ (N ∩ Ker(f )).

Par hypothèse de récurrence appliquée au module Ker(f ) et son sous-module


Ker(f ) ∩ N , il existe
– une base (e2 , . . . , en ) de Ker(f ),
– un entier q, n  q  2,
– des éléments a2 , . . . , aq , avec a2 | a3 | · · · | aq ,
tels que (a2 e2 , . . . , aq eq ) soit une base de Ker(f ) ∩ N .
Posons a1 = a et e1 = n (i.e. a1 e1 = n). On déduit de ce qui précède que
(a1 e1 , a2 e2 , . . . , aq eq ) est une base de N .
Montrons que a1 divise a2 . On considère le morphisme v : M → A défini par
v(e1 ) = v(e2 ) = 1 et v(ei ) = 0 pour i  3. Alors, a = a1 = v(a1 e1 ) = v(n)
qui appartient à v(N ) = (β), d’où (a) ⊆ (β) et, par maximalité de (a),
(β) = (a) = (a1 ). D’autre part, a2 = v(a2 e2 ) ∈ v(N ) = (β), donc a2 ∈ (a1 ),
i.e. a1 divise a2 .
(ii) Pour démontrer l’unicité de l’entier q et des idéaux (a1 ), . . . , (aq ), nous
allons d’abord déduire de (i) un théorème de structure des modules de type fini.
La démonstration du théorème 3.1.(ii) sera faite au paragraphe 3.6 ci-dessous.

Théorème 3.2 (de structure des modules de type fini). Soient A un anneau princi-
pal et M un A-module de type fini. Il existe un entier p et une famille (a1 , . . . , ar )
d’éléments de A non nuls et non inversibles, avec ai divise ai+1 pour 1  i  r−1,
tels que
M  Ap ⊕ A/(a1 ) ⊕ · · · ⊕ A/(ar ).
L’entier p et les idéaux (a1 ), . . . , (ar ) déterminés par ces conditions sont uniques.

Démonstration.
Existence. Soit (x1 , . . . , xn ) une famille génératrice de M . Il existe un mor-
phisme surjectif f : An → M . Si f est un isomorphisme, alors M est libre de rang
n et le théorème est démontré en prenant p = n et la famille des ai vide. Sinon, le
morphisme f a un noyau non nul et M  An /Ker(f ). D’après le théorème 3.1, il
existe une base (e1 , . . . , en ) de An , un entier q, 1  q  n, des éléments non nuls
de A, a1 , . . . , aq , avec ai divise ai+1 pour 1  i  (q − 1), tels que (a1 e1 , . . . , aq eq )
soit une base de Ker(f ). On pose aq+1 = · · · = an = 0. Alors

An /Ker(f )  ((ei )/(ai ei )).
1in

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Chapitre V. Modules sur un anneau principal

Mais, pour tout i, on a (ei )/(ai ei )  A/(ai ) et, si ai = 0, A/(ai ) = A. D’où, en


posant p = (n − q), et en éliminant les ai éventuellement inversibles,

M  Ap ⊕ A/(a1 ) ⊕ · · · ⊕ A/(ar ).

Unicité. Montrons d’abord l’unicité de l’entier p. Dans l’écriture

M  Ap ⊕ A/a1 A ⊕ · · · ⊕ A/ar A,

il est clair que A/(a1 ) ⊕ · · · ⊕ A/(ar ) est le sous-module de torsion T (M ) de M ,


par conséquent, Ap est isomorphe au module M/T (M ). Autrement dit, le module
M/T (M ) est libre : son rang est bien déterminé. D’où l’unicité de p.

On en déduit donc, avant même de démontrer l’unicité des idéaux


(a1 ), . . . , (ar ), le résultat important qui suit.

Corollaire 3.3. Soient A un anneau principal, M un A-module de type fini et


T (M ) son sous-module de torsion. Alors, il existe un unique entier positif ou
nul p tel que M  Ap ⊕ T (M ). Donc M est un A-module libre si et seulement si
il est sans torsion. ♦

Pour démontrer l’unicité des idéaux (a1 ), . . . , (ar ), nous allons d’abord étudier
les composantes p-primaires de T (M ).

Proposition 3.4. Soient A un anneau principal, p un élément irréductible de A et


M un p-module de type fini. Alors, il existe des entiers positifs q, s1 , . . . , sq uniques
tels que M  1iq A/(psi ).

Démonstration. Existence. On applique le théorème 3.2 à M : puisque M est un


module de torsion, la partie libre est nulle, on a donc

M  A/(a1 ) ⊕ · · · ⊕ A/(ar ).

Notons π1 la projection canonique de A sur A/(a1 ), vue comme morphisme de


A-modules induit par cet isomorphisme. Supposons que l’un des ai , par exemple
a1 , ne soit pas une puissance de p. Puisque A/(a1 ) est un facteur direct de M ,
il existe un entier positif s tel que ps π1 (1) = 0. Comme p est irréductible, les
éléments ps et a1 sont étrangers, il existe donc x et y dans A tels que xps +ya1 = 1.
On en déduit que

π1 (1) = π1 (xps + ya1 ) = π1 (xps ) + π1 (ya1 ) = π1 (xps ) = xps π1 (1) = 0,

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3. Structure des modules de type fini sur un anneau principal

ce qui entraîne que π1 = 0, ce qui est une contradiction. Par conséquent, tous les
ai sont des puissances de p, ai = psi .
On a donc une décomposition

M  A/(ps1 ) ⊕ · · · ⊕ A/(psr )
avec s1 < s2 < · · · , sr .
Unicité. Montrons que l’on a r = q, où q est un entier bien déterminé. Puisque
p est irréductible, l’idéal (p) est maximal, donc A/(p) est un corps. Par consé-
quent, M/(p)M est un A/(p)-espace vectoriel et sa dimension est un entier q bien
déterminé. D’après l’existence de la première partie, on a

M  A/(ps1 ) ⊕ · · · ⊕ A/(psr )
d’où :

M/(p)M  (A/(ps1 ))/(p)(A/(ps1 )) ⊕ · · · ⊕ (A/(psr ))/(p)(A/(psr )).


Mais, d’après le théorème IV.4.3, pour tout i, 1  i  r, on a

(A/(psi ))/(p)(A/(psi ))  A/(p)


d’où :

i=r
M/(p)M  A/(p).
i=1
On en déduit que r est la dimension du A/(p)-espace vectoriel M/(p)M , d’où
r = q.
Montrons l’unicité des si . On fait un raisonnement par récurrence sur sq . Si
sq = 1, le résultat est évident. Supposons le résultat vrai pour tout p-module,
dont le plus grand des si qui intervient dans sa décomposition est inférieur ou
égal à k − 1. On a
i=q
(p)M  (p)A/(psi )
i=1
et il est facile de vérifier que le morphisme
A/(p(si −1) ) −→ (p)A/(psi ),

qui à la classe d’un élément a de A modulo (p(si −1) ) associe la classe de pa modulo
(psi ), est un isomorphime, d’où :


i=q
(p)M  A/(p(si−1 ) ).
i=1

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Chapitre V. Modules sur un anneau principal

On déduit de l’hypothèse de récurrence appliquée au module (p)M que les si ,


1  i  q, sont uniquement déterminés. ♦

Nous avons donc montré que si A est un anneau principal et si M est un


A-module de type fini, on a une écriture unique
 s
() T (M )  A/(pi i,j )
finie

où les pi sont des éléments irréductibles de A.


Notons p1 , . . . , pt les éléments irréductibles qui interviennent dans l’écriture
ci-dessus. Pour chaque i, on écrit les puissances si,j de pi en ordre décroissant :
si,1 > si,2 > · · · > si,r . On dispose ces nombres dans le tableau suivant :

p1 s1,1 s1,2 ... s1,j ... s1,r


p2 s2,1 s2,2 ... s2,j ... s2,r
.. .. .. .. .. .. ..
. . . . . . .
pi si,1 si,2 ... si,j ... si,r
.. .. .. .. .. .. ..
. . . . . . .
pt st,1 st,2 ... st,j ... st,r

On notera que l’entier r est tel qu’au moins l’une des lignes de ce tableau est
formée de nombres tous non nuls. Pour les autres lignes, les entiers si,j peuvent
être nuls à partir d’un certain rang.
On pose

i=t
s
ak = pi i,r−k+1
i=1
et la condition de décroissance si,1 > si,2 > · · · > si,r , pour tout i, entraîne que
ai divise ai+1 pour 1  i  r − 1. On obtient, à partir de () ci-dessus, l’écriture

T (M ) = A/(a1 ) ⊕ · · · ⊕ A/(ar )
s
avec ai divise ai+1 pour 1  i  r−1. D’autre part, l’unicité des idéaux (pi i,j ) et la
condition ai divise ai+1 pour tout i entraînent l’unicité des idéaux (a1 ), . . . , (ar ).
Cela achève la démonstration du théorème de structure des modules de type fini
sur un anneau principal 3.2. ♦
On sait bien que si a et b sont deux éléments d’un anneau A, a divise b si et
seulement si l’on a l’inclusion des idéaux (b) ⊂ (a). Par conséquent, en posant
Ai = (ai ), le théorème de structure des modules de type fini sur un anneau
principal peut s’énoncer de la manière suivante.

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3. Structure des modules de type fini sur un anneau principal

Théorème 3.5. Soient A un anneau principal et M un A-module de type fini.


Il existe un entier p et une famille A1 , . . . , Ar d’idéaux de A non nuls, avec
A1 ⊃ A2 ⊃ · · · ⊃ Ar , tels que

M  Ap ⊕ A/A1 ⊕ · · · ⊕ A/Ar .

L’entier p et les idéaux A1 , . . . , Ar déterminés par ces conditions sont uniques. ♦

Démonstration 3.6 (du théorème 3.1.(ii)). Soit N  le sous-module de M de base


(ei )1iq . Il est clair que N ⊆ N  . De plus, puisque a1 | · · · |aq ,

N  = {x ∈ M |∃ λ ∈ A, λx ∈ N }.

Par conséquent, N  /N est le sous-module de torsion de M/N . Cela détermine N  ,


donc son rang q, de manière unique.
D’autre part, on a
  
N  /N  ( Aei )/( Aai ei )  (A/ai A).
1i|eqq 1iq 1iq

On en déduit l’unicité des idéaux (ai )1iq . ♦

La décomposition en somme directe d’un module de type fini donnée par le


théorème de structure s’appelle la décomposition canonique.

Définitions 3.7.
(i) Les idéaux (ai ), 1  i  q, du théorème 3.1 sont appelés les facteurs
invariants de N dans M .
(ii) Les idéaux (Ai ), 1  i  r, du théorème 3.5 sont appelés les facteurs
invariants du module M .
s
(iii) Les éléments di,j = pi i,j sont appelés les diviseurs élémentaires
de M .

Remarque 3.8. Puisque les éléments pi sont irréductibles, il est clair que les élé-
ments di,j , pour j fixé et 1  j  t, sont étrangers entre eux deux à deux. On en
déduit que, pour tout i, 1  j  r, on a

A/(aj )  A/(di,j ).
1it

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Chapitre V. Modules sur un anneau principal

Cas des groupes abéliens


Un Z-module est un groupe abélien et l’anneau Z étant principal, tout ce qui
précède s’applique aux groupes abéliens de type fini.

Exercice E3.
1. Soit G un groupe abélien fini. Montrer qu’il existe un élément x de G dont
l’ordre est le ppcm des ordres des éléments de G (on décompose G sous la forme
donnée par le théorème 4.3, on note y la classe de 1 dans Z/ar Z et l’on pose
x = (0, . . . , 0, y)).
2. En déduire que si G est un groupe abélien fini dont l’ordre n’est pas divisible
par le carré d’un nombre strictement supérieur à 1, ce groupe est cyclique.

Si G est un groupe abélien fini (par exemple le sous-groupe de torsion d’un


groupe abélien de type fini), notons pt11 · · · ptkk la décomposition en facteurs pre-
miers de |G|. Comme on l’a vu dans la démonstration du théorème de structure,
chaque facteur invariant ai de G, 1  i  r, s’écrit
w
ai = pw
1
i ,1
· · · pk i,k avec 0  wi,j  tj

et 
tj = wi,j avec wi,j  wi+1,j car ai |ai+1 .
1ir

Définition 3.9. Soit G un groupe abélien fini. En écrivant les diviseurs élémen-
taires de G dans l’ordre croissant, chacun d’entre eux étant écrit un nombre de
fois égal au nombre de fois où il apparait dans l’écriture des facteurs invariants
de G, on obtient une suite finie de nombres entiers que l’on appelle le type de
G (cf. exemple 3.11).

Remarque 3.10. Lorsque l’on a le type d’un groupe abélien fini G, le nombre
maximum d’occurrences d’un même facteur premier de |G| qui apparaît dans le
type donne le nombre de facteurs invariants de G.

Conclusion
Soit G un groupe abélien fini. On détermine ses facteurs invariants (cf.
TR.V.B) (ai )1ir et l’on en déduit sa décomposition canonique

G Z/ai Z.
1i?r

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Cas des groupes abéliens

On calcule ses diviseurs élémentaires, qui donnent son type (c1 , . . . , cs ), et l’on a

G Z/ci Z.
1is

De plus, en regroupant dans cette dernière somme directe les termes correspondant
à un même facteur premier p de |G|, on a la décomposition en somme directe de
la composante p-primaire G(p).
Ceci peut se résumer sous forme d’un tableau. Soient G un groupe abélien fini,
|G| = pt11 · · · ptkk la décomposition de son ordre en facteurs premiers, a1 , . . . , ar ses
w
facteurs invariants et di,j = pj i,j ses diviseurs élémentaires. On écrit

p1 p2 ... pj ... pk
a1 w1,1 w1,2 ... w1,j ... w1,k
a2 w2,1 w2,2 ... w2,j ... w2,k
.. .. .. .. .. .. ..
. . . . . . .
ai wi,1 wi,2 ... wi,j ... wi,k
.. .. .. .. .. .. ..
. . . . . . .
aq wq,1 wq,2 ... wq,j ... wq,k

Les colonnes donnent le type des composantes p-primaires de G. Par exemple,


la j-ième-colonne donne le type de la composante pj -primaire G(pj ), et l’on a
w1,j  w2,j  · · ·  wq,j .
Les lignes permettent de reconstituer les facteurs invariants. Par exemple, la
w
i-ième-ligne permet de reconstituer le facteur invariant ai , par ai = 1jk pj i,j .
Pour obtenir le tableau ci-dessus,
– ou bien on connaît les facteurs invariants, il suffit alors d’écrire la décompo-
sition en facteurs premiers de chacun d’eux,
– ou bien on connaît le type du groupe, et le nombre de lignes du tableau
est donné par remarque 3.10. Le fait que chaque facteur invariant ai contient une
puissance (éventuellement nulle) de chaque nombre premier pi et que ai divise
ai+1 donne une détermination unique des wi,j .

Exemples 3.11.
a) Soit G un groupe abélien de type (2, 2, 3, 23 , 5, 32 ). On veut déterminer
les facteurs invariants de G et sa décomposition canonique. Le nombre premier
apparaissant le plus grand nombre de fois est p1 = 2, avec trois occurrences. Il y
a donc trois facteurs invariants. Ce sont

a1 = 2, a2 = 2 × 3 = 6, a3 = 23 × 32 × 5 = 360.

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Chapitre V. Modules sur un anneau principal

D’où la décomposition canonique

G  Z/2Z ⊕ Z/6Z ⊕ Z/360Z.

b) Soit G  Z/20Z⊕Z/30Z. Puisque 20 ne divise pas 30, cette décomposition


de G n’est pas la décomposition canonique.
Cherchons les diviseurs élémentaires de G. On a

20 = 22 × 5 et 30 = 2 × 3 × 5,

et G est de type (2, 3, 22 , 5, 5). On en déduit la décomposition de G en somme


directe de ses composantes p-primaires :

G  (Z/2Z ⊕ Z/4Z) ⊕ Z/3Z ⊕ (Z/5Z ⊕ Z/5Z).

Les facteurs invariants sont donc 2 × 5 = 10 et 4 × 3 × 5 = 60 et la décomposition


canonique de G est
G  Z/10Z ⊕ Z/60Z.

Exercice E4. Déterminer le type, les facteurs invariants, les composantes


p-primaires du groupe

G = Z/4Z ⊕ Z/6Z ⊕ Z/7Z ⊕ Z/8Z ⊕ Z/18Z.

4. Autre démonstration du théorème de structure des


modules de type fini sur un anneau principal
4.1. Matrices sur un anneau principal
Soient A un anneau commutatif, m, n deux entiers strictement positifs,
Bm = (e1 , . . . , em ) une base de Am , Bn = (g1 , . . . , gn ) une base de An et
f : An −→ Am une application linéaire. Pour tout i, 1  i  n, f (ei ) s’écrit
de manière unique

m
f (ei ) = aji gj .
j=1

Comme dans le cadre des applications linéaires entre espaces vectoriels, on note
⎛ ⎞
a11 . . . a1n
⎜ ⎟
U (f ) = ⎝ ... . . . ... ⎠
am1 . . . amn

la matrice de f relativement aux bases Bm et Bn .

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Les matrices élémentaires

Dans ce contexte, le calcul matriciel est essentiellement le même que dans le


cadre des espaces vectoriels. Il faudra toutefois prendre garde au fait que dans
ce dernier cadre, on utilise systématiquement le fait qu’un élément non nul est
inversible. Dans le cas des anneaux, ce n’est plus vrai. Il faut donc préciser lorsque
c’est nécessaire, et c’est souvent le cas, si l’élément que l’on considère est inversible.
Dans la suite, pour une matrice U à coefficients dans A, on notera (U )ij le
coefficient de la i-ième ligne et de la j-ième colonne.

Les matrices élémentaires

Soit n un entier strictement positif. On considère les matrices (n, n) suivantes :


Eij (λ) définie pour tout λ ∈ A par : pour tout k = 1, . . . , n, (Eij (λ))kk = 1,
(Eij (λ))kl = 0 si (k, l) = (i, j) et (Eij (λ))ij = λ,
Tij la matrice obtenue à partir de la matrice unité In en échangeant les lignes
d’indices i et j,
Di (λ) définie pour tout λ ∈ A par : pour tout k = 1, . . . n, k = i,
(Di (λ))kk = 1, (Di (λ))ii = λ et (Di (λ))kl = 0 si k = l.
Les démonstrations des deux propositions suivantes sont des simples vérifica-
tions qui sont laissées au lecteur.

Proposition 4.1.1.
(i) La matrice Tij est inversible et Tij−1 = Tij .
(ii) Pour tout λ élément de A, la matrice Eij (λ) est inversible et
Eij (λ)−1 = Eij (−λ).
(iii) Si λ est inversible dans A, alors la matrice Di (λ) est inversible et
Di (λ)−1 = Di (λ−1 ). ♦

Proposition 4.1.2. Pour toute matrice U de taille (n, m),


– la matrice Tij U est la matrice obtenue à partir de U en échangeant les lignes
d’indice i et j,
– la matrice Eij (λ)U est la matrice obtenue à partir de U en ajoutant λ fois
la i-ième ligne à la j-ième ligne,
– la matrice Di (λ)U est la matrice obtenue à partir de U en multipliant la
i-ième ligne par λ. ♦

On remarquera que si l’on multiplie la matrice U à droite par Tij , Eij (λ) ou
Di (λ), on obtient les résultats analogues à ceux de la proposition ci-dessus en
remplaçant « ligne » par « colonne ».

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Chapitre V. Modules sur un anneau principal

Exercice E5.
1. Soient K un corps et SLn (K) le groupe des matrices (n, n) de déterminant
+1. Montrer que ce groupe est engendré par les matrices élémentaires.
2. On suppose que n  3. Montrer que pour k = i, j et pour tout λ ∈ K,

Eij (λ) = Eik (λ)Ekj (1)Eik (−λ)Ekj (−1).

En déduire que pour n  3, le groupe SLn (K) est égal à son sous-groupe des
commutateurs (cf. [G-H]).

Théorème 4.1.3. Soient A un anneau principal et U une matrice (m, n) à coeffi-


cients dans A. Il existe des matrices inversibles P et Q à coefficients dans A telles
que
⎛ ⎞
a1 0 . . . . . . . . . . . . 0
⎜ 0 a2 0 . . . . . . . . . 0 ⎟
⎜ ⎟
⎜. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .⎟
⎜ ⎟
⎜. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .⎟
⎜ ⎟
PUQ = ⎜ ⎜ 0 . . . . . . 0 ar 0 . . .⎟

⎜ 0 ... ... ... ... 0 0 ⎟
⎜ ⎟
⎜. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .⎟
⎜ ⎟
⎝. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .⎠
0 ... ... ... ... ... 0
et ai |ai+1 pour i = 1, . . . , r − 1. De plus, les idéaux (ai ) sont uniques.

Démonstration. On va faire un raisonnement par récurrence.


Si m = 1, n = 2, on a U = (u v). On va montrer qu’il existe une matrice
inversible (2, 2), Q, telle que

(u v)Q = (t 0).

Si u = v = 0, c’est évident ; sinon, soit t = pgcd(u, v). Alors il existe a, b, c, d ∈ A


tels que ud−vc = t et u = ta, v = tb. De la relation
tad−tbc
= t, on tire ad−bc = 1
ab d −b d −b
et la matrice est inversible d’inverse . On pose Q = et
cd −c a −c a
l’on a (u v)Q = (t 0).
Remarquons que pour m et n quelconques, en faisant le produit des matrices
par blocs, on peut construire, de la même façon que ci-dessus, une matrice inver-
sible Q à coefficients dans A telle que

() (U Q)11 = pgcd((U )11 , (U )12 ), (U Q)12 = 0.

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Les matrices élémentaires

Soit U une matrice (m, n) à coefficients dans A. Si U = 0, le théorème est


évident. Si U = 0, en multipliant U à gauche et à droite par des matrice du
type Tij , on obtient une nouvelle matrice U  telle que (U  )11 = 0. En appliquant
la construction () à U  , on obtient une matrice U  telle que (U  )11 = 0 et
(U  )12 = 0. En répétant ce procédé aux premiers termes de toutes les colonnes, on
obtient une matrice dont la première ligne est (a11 , 0, . . . , 0). On fait maintenant
les mêmes opérations sur les lignes (donc en multipliant les matrices à gauche
par certaines matrices inversibles). On obtient deux matrices inversibles P0 et Q0
telles que ⎛ ⎞
d1 0 . . . 0
⎜0 ⎟
⎜ ⎟
P0 U Q0 = ⎜ . ⎟
⎝ .. U ⎠ 1
0
où U1 est une matrice (m − 1, n − 1) à coefficients dans A. Par hypothèse de
récurrence, il existe des matrices inversibles P1 et Q1 telles que P1 U1 Q1 soit de la
forme annoncée dans l’énoncé du théorème. D’où, en posant
⎛ ⎞ ⎛ ⎞
1 0 ... 0 1 0 ... 0
⎜0 ⎟ ⎜0 ⎟
⎜ ⎟ ⎜ ⎟
P2 = ⎜ . ⎟ , Q2 = ⎜ .. ⎟
⎝ .. P ⎠ 1 ⎝. Q ⎠ 1
0 0

et en posant P3 = P2 P0 et Q3 = Q0 Q2 , on a
⎛ ⎞
d1 0 ... ... ... ... 0
⎜0 a2 0 ... ... ... 0⎟
⎜ ⎟
⎜. . . ... ... ... ... ... . . .⎟
⎜ ⎟
⎜. . . ... ... ... ... ... . . .⎟
⎜ ⎟
P3 U Q3 = ⎜
⎜0 ... ... 0 ar 0 . . .⎟

⎜0 ... ... ... ... 0 0⎟
⎜ ⎟
⎜. . . ... ... ... ... ... . . .⎟
⎜ ⎟
⎝. . . ... ... ... ... ... . . .⎠
0 ... ... ... ... ... 0

avec ai |ai+1 pour i = 2, . . . , r − 1.


d1 0
Considérons la matrice . Alors,
0 a2

11 d1 0 d1 a2
=
01 0 a2 0 a2

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Chapitre V. Modules sur un anneau principal

et, en appliquant le procédé () à d1 et a2 , on obtient un élément a1 qui divise a2 .


D’où deux matrices inversibles P et Q telles que
⎛ ⎞
a1 0 ... ... ... ... 0
⎜0 a2 0 ... ... ... 0⎟
⎜ ⎟
⎜. . . ... ... ... ... ... . . .⎟
⎜ ⎟
⎜. . . ... ... ... ... ... . . .⎟
⎜ ⎟
PUQ = ⎜
⎜0 ... ... 0 ar 0 . . .⎟

⎜0 ... ... ... ... 0 0⎟
⎜ ⎟
⎜. . . ... ... ... ... ... . . .⎟
⎜ ⎟
⎝. . . ... ... ... ... ... . . .⎠
0 ... ... ... ... ... 0

avec ai |ai+1 pour i = 1, . . . , r − 1.


Montrons maintenant que les idéaux (ai ) sont uniques, autrement dit que les
éléments ai sont uniquement déterminés à la multiplication près par des éléments
inversibles de A. On rappelle que chaque mineur d’ordre k de D = P U Q est une
combinaison linéaire de mineurs d’ordre k de U . Puisque les matrices P et Q sont
inversibles, on a U = P −1 DQ−1 et chaque mineur d’ordre k de U est combinaison
linéaire de mineurs d’ordre k de D. On en déduit que les mineurs d’ordre k de U
et de D engendrent le même idéal de A. Un générateur δk de cet idéal est donc
unique à la multiplication près par des éléments inversibles. D’après la forme de
la matrice D, on a δi = a1 · · · ai , d’où ai = δi /δi−1 et les éléments ai sont donc
uniques à la multiplication près par des éléments inversibles. ♦

Définition 4.1.4. Les éléments ai sont appelés facteurs invariants de la


matrice M .

On trouvera au TR.V.C une méthode de calcul des facteurs invariants qui


reprend, dans le cas particulier de l’anneau Z, les résultats ci-dessus.

4.2. Autre démonstration du théorème de structure des modules


de type fini sur un anneau principal
Soit M un A-module de type fini. On sait que M est isomorphe à un quotient
d’un module libre. Précisément, il existe un A-module libre An , une application
linéaire surjective p : An −→ M et M  An /Ker(p). D’après le théorème 3.1,
Ker(p) est un A-module libre de rang m, avec m  n. Notons f : Am −→ An
l’application induite. D’après le théorème 4.1.3, il existe une base de Am et une

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Les matrices élémentaires

base de An telles que la matrice de f relativement à ces bases soit de la forme


⎛ ⎞
a1 0 ... ... ... ... 0
⎜0 a2 0 ... ... ... 0⎟
⎜ ⎟
⎜. . . ... ... ... ... ... . . .⎟
⎜ ⎟
⎜. . . ... ... ... ... ... . . .⎟
⎜ ⎟
M (f ) = ⎜
⎜0 ... ... 0 ar 0 . . .⎟

⎜0 ... ... ... ... 0 0⎟
⎜ ⎟
⎜. . . ... ... ... ... ... . . .⎟
⎜ ⎟
⎝. . . ... ... ... ... ... . . .⎠
0 ... ... ... ... ... 0

avec ai |ai+1 pour i = 1, . . . , r − 1. Puisque les vecteurs colonnes de cette matrice


sont les images par f des vecteurs de bases de Ker(p), écrites dans la base de An ,
on obtient l’écriture de M sous la forme

M  Ap ⊕ A/(a1 ) ⊕ · · · ⊕ A/(ar )

avec p = n − m si l’on omet les termes correspondants aux éléments inversibles.


L’entier p et les idéaux (a1 ), . . . , (ar ) déterminés par ces conditions sont uniques.

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7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN

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THÈMES DE RÉFLEXION

♣ TR.V.A. Réduction des endomorphismes à la forme


de Jordan
On a déjà étudié en L1 ou L2 la réduction des endomorphismes d’un espace vec-
toriel de dimension finie. Cette diagonalisation ou trigonalisation ou jordanisation
des matrices était alors faite en calculant les valeurs propres de l’endomorphisme
et en étudiant les sous-espaces propres ou les sous-espaces invariants correspon-
dants. Nous allons ici donner une démonstration directe de la jordanisation d’un
endomorphisme en termes de K[T ]-modules, en utilisant la décomposition cano-
nique d’un module de torsion sur un anneau principal.
Soient K un corps, E un K-espace vectoriel de dimension finie n et u un
endomorphisme de E. Pour tout polynôme p(T ) ∈ K[T ] et pour tout x ∈ E, on
pose
p(T ).x = p(u)(x).

1. Montrer que cette opération munit E d’une structure de K[T ]-module.


On notera Eu ce K[T ]-module.
2. Soit E  un K[T ]-module qui est un K-espace vectoriel. Montrer que si l’on
pose, pour tout x ∈ E  , u(x) = T.x, cela définit un endomorphisme du K-espace
vectoriel E  . Montrer que, en tant que K[T ]-modules, on a E  = Eu .
Autrement dit, au vu de ce qui précède, la donnée du couple (E, u) est équi-
valente à celle du K[T ]-module Eu .
3. Montrer que l’on a le dictionnaire suivant entre le langage des modules et celui
des espaces vectoriels.
a) V est un sous-espace vectoriel de E stable pour u signifie que V est sous-
module de Eu .

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Algèbre T2

b) I est l’idéal des polynômes p(T ) ∈ K[T ] tels que, pour tout x ∈ V ,
p(u).x = 0 signifie que l’idéal I est l’annulateur du sous-module V .
Rappelons que le polynôme unitaire g tel que I soit égal à l’idéal principal (g)
est appelé le polynôme minimal de la restriction de u à V .
c) Il existe x ∈ V tel que le sous-espace vectoriel V soit engendré par les
éléments ui (x), i ∈ N, signifie que V est un sous-module monogène de Eu .
Montrer que, dans ce cas, le K[T ]-module V est isomorphe à K[T ]/(q(T )), où
q(T ) est un polynôme unitaire déterminé de manière unique.
d) Il existe x ∈ Eu tel que (ui (x)), 0  i  n − 1, soit une base de l’espace
vectoriel Eu et tel que l’on ait g(u)(x) = 0, deg(g) = n, signifie que Eu est
monogène et d’annulateur I = (g).
4. Soit M un K[T ]-module canoniquement isomorphe à K[T ]/((T −α)m ). Montrer
que les classes (mod. (T − α)m ) des (T − α)k , 0  k  m − 1, forment une K-base
de M (i.e. une base de M en tant que K-espace vectoriel) et que l’on a

T (T − α)k = α(T − α)k + (T − α)k+1

pour 0  k  m − 1.
5. On suppose que M est un K-espace vectoriel et que v est un endomorphisme
de M tel que Mv  K[T ]/((T − α)m ). Montrer qu’il existe une K-base de M
par rapport à laquelle la matrice de v est la matrice d’ordre m, Vm,α , telle que :
(Vm,α )i,i = α, (Vm,α )i+1,i = 1 et 0 ailleurs (le premier indice désigne la ligne d’une
matrice...).
Dans toute la suite, E est un K-espace vectoriel de dimension finie n (sur K)
et u un endomorphisme de E.
6. Montrer que, puisque E est de dimension finie sur K, le K[T ]-module Eu est
un module de torsion de type fini (on pensera au fait que le K-espace vectoriel
K[T ] est de dimension infinie).
On rappelle que l’anneau K[T ] est principal : nous allons donc utiliser les ré-
sultats concernant les modules de type fini sur un anneau principal, en particulier,
la décomposition du sous-module de torsion.
7. Montrer que E admet une décomposition

E = E1 ⊕ · · · ⊕ Er

où chaque Ei est un K[T ]-module monogène, Ei = K[T ]/(qi (T )), les pôlynômes qi
étant non nuls vérifiant q1 |q2 | · · · |qr . Ces polynômes sont uniquement déterminés
et qr est le polynôme minimal de u.

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♣ TR.V.B. Calcul des facteurs invariants

Notons q le polynôme minimal de u. Sa décomposition en facteurs irréductibles


s’écrit
q = ps11 · · · psl l .
On obtient donc une décomposition

E = E(p1 ) ⊕ · · · ⊕ E(pl )

où chaque E(pi ) est annulé par psi i . On peut donc appliquer 3.d.
8. Déduire de ce qui précède que si le corps K est algébriquement clos, il existe une
K-base de E telle que la matrice de u relativement à cette base est une matrice
diagonale par blocs, chaque bloc étant de la forme décrite à la question 5.
Cette matrice est la réduite de Jordan de l’endomorphisme u.
9. À l’aide du dictionnaire de la question 3, transcrire les résultats des questions 4,
5, 6 en termes de sous-espaces propres ou sous-espaces caractéristiques.

♣ TR.V.B. Calcul des facteurs invariants

Soient G un groupe abélien libre de rang n et H un sous-groupe de G. On


va donner ici un algorithme de calcul des facteurs invariants de H dans G (cf.
définition 3.7).
Notons a1 , . . . , aq ces facteurs invariants. Pour déterminer les ai , 1  i  q, il
suffit de connaître les produits a1 a2 · · · ak pour tout k, 1  k  q. D’autre part,
puisque a1 |a2 | · · · |aq , il est clair que, quels que soient les entiers j1 , . . . , jk avec
1  j1 < · · · < jk  q, l’élément a1 · · · ak divise l’élément aj1 · · · ajk .
On fixe un entier k, 1  k  q.
1. Montrer que pour toute application k-linéaire alternée f définie sur G à valeurs
dans Z et quels que soient x1 , . . . , xk éléments de H, le produit a1 · · · ak divise
f (x1 , . . . , xk ).
2. Montrer que l’on peut de plus choisir f et x1 , . . . , xk tels que

a1 · · · ak = f (x1 , . . . , xk ).

3. En déduire que a1 · · · ak est un pgcd d’éléments de Z qui sont de la forme


f (x1 , · · · , xk ), xi ∈ H, 1  i  k.
Ces résultats fournissent un algorithme de calcul des facteurs invariants, de la
manière suivante.

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Algèbre T2

Soient y1 , . . . , yn une base quelconque de G et x1 , . . . , xp un système de gé-


nérateurs de H. On note A la matrice dont la j-ième colonne est formée des
composantes de xj dans la base y1 , . . . , yn , 1  j  p.
4. Montrer que a1 · · · ak , 1  k  q, est le pgcd des mineurs d’ordre k de la
matrice A.

Application aux matrices équivalentes


On rappelle que deux matrices A et B à coefficients dans un anneau R sont
équivalentes s’il existe des matrices inversibles U et V à coefficients dans R telles
que B = U AV .
5. Soit A une matrice à coefficients dans Z, à n lignes et p colonnes. Montrer
qu’il existe des matrices inversibles U et V , à coefficients dans Z, telles que
⎛ ⎞
a1 0 . . . 0 0 . . . 0
⎜ 0 a2 . . . 0 0 . . . 0⎟
⎜ ⎟
⎜ .. .. .. .. .. .. .. ⎟
⎜ . . . . . . .⎟
⎜ ⎟
U AV = ⎜ ⎟
⎜ 0 0 . . . aq 0 . . . 0⎟
⎜ 0 0 . . . 0 0 . . . 0⎟
⎜ ⎟
⎜ .. .. .. .. .. .. .. ⎟
⎝ . . . . . . .⎠
0 0 ... 0 0 ... 0

où les ai sont des nombres entiers positifs tels que a1 |a2 | · · · |aq .
Les nombres ai , 1  i  q, sont appelés les facteurs invariants de la
matrice A.
6. En déduire que deux matrices A et B à coefficients dans Z sont équivalentes si
et seulement si elles ont même rang et mêmes facteurs invariants.

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VI
ÉLÉMENTS ENTIERS ET ANNEAUX
DE DEDEKIND

Ce chapitre est une ouverture vers l’arithmétique. On sait que la décompo-


sition de tout nombre entier (élément de l’anneau Z) en produit de nombres
premiers est un cas particulier de la même propriété, plus générale, vérifiée par
les éléments des anneaux factoriels. D’autre part, les éléments de Z peuvent être
vus comme les éléments de Q qui sont racines de polynômes unitaires de Z[X] ; ce
sont les éléments de Q qui sont entiers√sur Z. Nous avons vu dans le TR.II.A que
dans le cas des √corps quadratiques Q( d), l’anneau des entiers (i.e. l’anneau des
éléments de Q( d) qui sont entiers sur Z) n’est en général pas principal, ni même
factoriel. Cependant, cet anneau admet une structure très riche, celle d’anneau
de Dedekind. Un tel anneau possède une propriété analogue à la décomposi-
tion de tout élément en produit d’éléments irréductibles, mais où les éléments
sont remplacés par les idéaux fractionnaires et les éléments irréductibles par les
idéaux premiers. De même qu’un polynôme irréductible de K[X], où K est un
corps, peut se décomposer dans une extension L de K, les idéaux premiers d’un
anneau de Dedekind peuvent se décomposer dans une extension galoisienne de
son corps de fractions F . Nous étudierons cette situation et nous montrerons que
le groupe de Galois de l’extension opère sur cette décomposition, en précisant les
propriétés de cette opération. Pour les notions relatives aux extensions de corps
et extensions galoisiennes utilisées dans ce chapitre, le lecteur pourra se reporter
à [G-H].
Le lecteur intéressé trouvera une étude plus complète de ces questions dans le
livre de P. Samuel, cité dans la bibliographie, dont ce chapitre s’inspire largement.

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Chapitre VI. Éléments entiers et anneaux de Dedekind

1. Éléments entiers
Théorème 1.1. Soient R un anneau, A un sous-anneau de R et x ∈ R. Les asser-
tions suivantes sont équivalentes :
(i) x est racine d’un polynôme unitaire de A[X],
(ii) l’anneau A[x] est un A-module de type fini,
(iii) il existe un sous-anneau B de R contenant A et x qui est un A-module
de type fini.

Démonstration. Montrons que (i) implique (ii). Soient x racine de

f (X) = X n + an−1 X n−1 + · · · + a0


et M le sous-A-module de R engendré par 1, x, . . . , xn−1 . Alors,
xn = −(an−1 xn−1 + · · · + a0 )
appartient à M . Pour tout entier positif k, on a
xn+k = −(an−1 xn+k−1 + · · · + a0 xk ),
d’où, par récurrence, xn+k appartient à M . On en déduit que le A-module A[x]
est engendré par 1, . . . , xn−1 , il est donc de type fini.
L’assertion (ii) implique l’assertion (iii) de manière évidente.
Montrons que (iii) implique (i). Soit (y1 , . . . , yn ) un système de générateurs du
A-module B. Puisque B est un sous-anneau de R contenant x et les yi , 1  i  n,
les éléments xyi , 1  i  n, appartiennent à B. D’où, pour tout i, 1  i  n, il
existe aij ∈ A tel que
n
xyi = aij yj
j=1

que l’on peut écrire



n
(δij x − aij )yj = 0 i = 1, . . . , n.
j=1

On a donc un système de n équations linéaires homogènes en (y1 , . . . , yn ). En


notant d = det(δij x − aij ), les formules de Cramer montrent que dyi = 0,
1  i  n. Puisque B = Ay1 + . . . + Ayn , on en déduit dB = 0, d’où d = d.1 = 0.
Mais, en développant le déterminant d, on obtient une équation de la forme
P (x) = 0, avec P (X) ∈ A[X] ◦
net d P = n. Ce polynôme est unitaire, car le
terme de degré n provient de i=1 (x − aii ), ce qui prouve le résultat. ♦

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1. Éléments entiers

Définition 1.2. Dans la situation ci-dessus, l’élément x est dit entier sur A.
Un polynôme unitaire dont il est racine est appelé relation de dépendance
intégrale pour x sur A.

Proposition 1.3. Soient R un anneau, A un sous-anneau de R et x1 , . . . , xn des


éléments de R. Si pour tout i, 1  i  n, xi est entier sur A[x1 , . . . , xi−1 ], alors
A[x1 , . . . , xn ] est un A-module de type fini.

Démonstration. On fait un raisonnement par récurrence sur n. Si n = 1,


c’est le théorème 1.1.(ii). On suppose le résultat vrai pour n − 1. On pose
B =A[x1 , . . . , xn−1 ]. Par hypothèse, B est un A-module de type fini, i.e.
B = j=p j=1 Abj . Alors, d’après  le cas n = 1, A[x1 , . . . , xn ] = B[xn ] est de type fini
sur B, i.e. A[x1 , . . . , xn ] = qk=1 Bck , d’où


q  p 
A[x1 , . . . , xn ] = ( Abj )ck = Abj ck . ♦
k=1 j=1 f inie

Remarque. La proposition 1.3 s’applique, en particulier, lorsque les éléments


x1 , . . . , xn sont entiers sur A.

Théorème 1.4. Soient R un anneau et A un sous-anneau de R. L’ensemble A des


éléments de R qui sont entiers sur A est un sous-anneau de R qui contient A.

Démonstration. Évidemment, A est contenu dans A . Soient x, y des éléments de


A : alors x+y, x−y, xy appartiennent à A[x, y]. D’après la proposition 1.3, A[x, y]
est de type fini sur A donc, d’après le théorème 1.1, x + y, x − y, xy sont entiers
sur A. ♦

Exemple. Si E est une extension finie de Q, en prenant A = Z, alors A est


l’anneau des entiers de E.

Définitions 1.5.
a) Avec les notations ci-dessus, A s’appelle la fermeture intégrale de A
dans R.
b) Si A est intègre et K est son corps de fractions, la fermeture intégrale
de A dans K s’appelle la clôture intégrale de A.
c) Si B est un anneau qui contient A et dont tout élément est entier sur A,
on dit que B est entier sur A (i.e. la fermeture intégrale de A dans B est B).

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Chapitre VI. Éléments entiers et anneaux de Dedekind

Proposition 1.6. Soient A ⊆ B ⊆ C des anneaux. Si B est entier sur A et C est


entier sur B, alors C est entier sur A. ♦
Théorème 1.7. Soient A ⊆ B des anneaux tels que B soit intègre et entier sur A.
Alors B est un corps si et seulement si A est un corps.
Démonstration. Supposons que A soit un corps. Soit b = 0 ∈ B. Alors A[b] est un
A-espace vectoriel de dimension finie. L’application
A[b] −→ A[b], x → bx
est A-linéaire, injective car B est intègre, donc bijective. Par conséquent, b est
inversible dans B, i.e. B est un corps.
Supposons que B soit un corps. Soit α ∈ A \ {0}. Alors α−1 ∈ B et, puisque
B est entier sur A, il existe an−1 , . . . , a0 ∈ A tel que
α−n + an−1 α−n+1 + · · · + a1 α−1 + a0 = 0.
D’où, en multipliant par αn−1 , on a
α−1 = −(an−1 + · · · + a1 αn−2 + a0 αn−1 ),
et α−1 appartient à A. ♦

Définition 1.8. Un anneau A est intégralement clos s’il est intègre et égal à
sa clôture intégrale.

Exemple. Soient A un anneau intègre, K son corps de fractions et A la clôture


intégrale de A. Alors A est intégralement clos.
Théorème 1.9. Un anneau factoriel est intégralement clos.
Démonstration. Soient A un anneau factoriel, K son corps de fractions et x un
élément de K entier sur A. Écrivons x = α
β, α, β ∈ A, β = 0, (α, β) = 1. Il existe
a0 , . . . , an−1 dans A tels que
αn αn−1
+ an−1 + · · · + a0 = 0
βn β n−1
d’où
αn + an−1 βαn−1 + · · · + a1 αβ n−1 + a0 β n = 0
donc
αn + β(an−1 αn−1 + · · · + a0 β n−1 ) = 0.
Donc β divise αn et, puisque (α, β) = 1, β divise α. Par conséquent, x appartient
à A et A est intégralement clos. ♦

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1. Éléments entiers

Exemple. Anneau des entiers des corps√quadratiques. On sait que toute


extension de degré 2 de Q est de la forme Q( d), où d est un élément de Z, sans
facteur carré
√ (cf. [G-H],
√ XI. E3, ou, plus simplement,
√ le vérifier directement). Pour
x = a + b d ∈ Q( d), on note x = a − b d et on pose N(x) = xx = a2 − db2 et
Tr(x) = x+x = 2a. Les √résultats ci-dessus permettent de montrer que x est entier
(i.e. un élément de Q( d) entier sur Z) si et seulement si N(x) ∈ Z et Tr(x) ∈ Z.
En effet, si x est entier, il en est de même pour Tr(x) et N(x). Comme ce sont des
éléments de Q et que Z est intégralement clos, il en résulte que x entier entraîne
que Tr(x) et N(x) appartiennent à Z. Réciproquement, x est racine de l’équation
X 2 − N(x)X + Tr(x) = 0 et, si Tr(x) et N(x) sont dans √ Z, alors x est entier.
Cela permet d’expliciter
√ l’anneau A des entiers de Q( √ En effet, déterminer
d).
les entiers de Q( d) revient donc à déterminer les a + b d où a et b sont des
éléments de Q tels que

a2 − db2 ∈ Z et 2a ∈ Z.

Ces deux conditions entraînent que 2b ∈ Z, on peut donc poser a = u/2 et b = v/2
avec u ∈ Z et v ∈ Z. Il est facile de vérifier que si v est pair, alors a ∈ Z et b ∈ Z
et que si v est impair, alors nécessairement d ≡ 1 (mod 4).
On en déduit que :

– si d ≡ 2 (mod 4) ou d ≡ 3 (mod 4), alors A = Z[ d],

– si d ≡ 1 (mod 4), alors A = Z[ 1+2 d ].

Proposition 1.10. Soient R un anneau intègre, A un sous-anneau de R et B la


fermeture intégrale de A dans R. Pour toute partie multiplicative S de A, 0 ∈
/ S,
la fermeture intégrale de S −1 A dans S −1 R est S −1 B.

Démonstration. On remarquera d’abord que, d’après TR.I.B, on a


S −1 A ⊂ S −1 B ⊂ S −1 R. Soit x = sb un élément de S −1 B. Puisque b ∈ B,
on a une relation de dépendance intégrale

bn + an−1 bn−1 + · · · + a0 = 0, ai ∈ A, i = 0, . . . , n − 1.

En divisant cette relation par sn , on obtient


n
b an−1 b n−1 a0
+ + · · · + n = 0,
s s s s

qui exprime que x est un élément de S −1 R entier sur S −1 A.

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Chapitre VI. Éléments entiers et anneaux de Dedekind

Réciproquement, soit xs , x ∈ R, s ∈ S, un élément de S −1 R entier sur S −1 A,


i.e. on a une relation de dépendance intégrale
n
x an−1 x n−1 a0
+ + ··· + = 0, s ∈ S, ai ∈ A, si ∈ S, i = 0, . . . n − 1.
s sn−1 s s0
En multipliant cette relation par (ss0 s1 · · · sn−1 )n , on voit que l’élément de R,
xs0 s1 · · · sn−1 , est entier sur A, donc appartient à B. Ainsi,
x 1
= xs0 s1 · · · sn−1 ∈ S −1 B. ♦
s ss0 s1 · · · sn−1
Corollaire 1.11. Soient A un anneau et S une partie multiplicative de A. Si A est
un anneau intégralement clos, il en est de même pour S −1 A.
Démonstration. On applique la proposition 1.10 en prenant pour R le corps des
fractions de A. ♦

2. Norme et trace
Les éléments N(x) et Tr(x) définis ci-dessus dans le cas des extensions qua-
dratiques, sont respectivement la norme et la trace de x. Nous allons, ci-dessous,
généraliser cette notion à des endomorphismes, puis, à la fin de ce chapitre, à des
idéaux.
Rappelons quelques définitions d’algèbre linéaire. Soient A un anneau commu-
tatif, E un A-module libre de rang fini n, u un endomorphisme de E, (ei )i=1,...,n
une base de E et (aij ) la matrice de u dans cette base. Les expressions

n
aii et det(aij )
i=1
sont indépendantes de la base choisie. On définit alors la trace et le déterminant
de u par
 n
Tr(u) = aii et det(u) = det(aij ).
i=1
On sait que la trace et le déterminant vérifient Tr(u + u ) = Tr(u) + Tr(u ) et
det(uu ) = det(u)det(u ). De plus, on a
det(XIdE − u) = X n − Tr(u)X n−1 + · · · + (−1)n det(u).
On généralise ces définitions de la manière suivante. Soient B un anneau et
A un sous-anneau de B tels que B soit un A-module libre de rang fini n (c’est le
cas d’une extension de corps E/K avec [E : K] = n). Pour tout x ∈ B, on note
mx l’endomorphisme de B défini par mx (y) = xy.

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2. Norme et trace

Définition 2.1. On appelle trace, norme, polynôme caractéristique de x,


relativement à l’extension B/A, les éléments respectifs

TrB/A (x) = Tr(mx ), NB/A (x) = det(mx ), Px,B/A (X) = det(XIdB − mx ).

Ce sont des éléments de A ou de A[X].

Remarque 2.2. Si x, x sont des éléments de B et si a est un élément de A, on a


mx + mx = mx+x , mx .mx = mxx , max = amx
et la matrice de ma est diagonale dans n’importe quelle base. On en déduit que
la trace et la norme vérifient les relations suivantes :
Tr(x + x ) = Tr(x) + Tr(x ), Tr(ax) = aTr(x), Tr(a) = na
N(xx ) = N(x)N(x ), N(ax) = an N(x), N(a) = an .
Si L/K est une extension de corps finie et séparable, la norme et la trace défi-
nies ci-dessus coïncident avec celles définies en [G-H, XIII.5], que nous rappelons
ici pour la commodité du lecteur.

Théorème 2.3. Soient L/K une extension séparable, [L : K] = n, x ∈ L et


r = [L : K(x)] (de sorte que n = rs avec s = [K(x) : K]). On note x1 , . . . , xn les
racines du polynôme minimal sur K de x, Mx (X), chacune répétée r fois. Alors :
TrL/K (x) = x1 + · · · + xn
NL/K (x) = x1 · · · xn
Px,L/K (X) = (X − x1 ) · · · (X − xn ).

Démonstration. La démonstration comporte deux étapes.


– Supposons que x soit un élément primitif de L, i.e. L = K(x). On sait que
L  K[X]/Mx (X) et que (1, x, . . . , xn−1 ) est une K-base du K-espace vectoriel
L. Écrivons
Mx (X) = X n + an−1 X n−1 + · · · + a0 .
Alors la matrice de mx dans la base (1, . . . , xn−1 ) est :
⎛ ⎞
0 0 · · · 0 −a0
⎜1 0 · · · 0 −a1 ⎟
⎜ ⎟
⎜0 1 · · · 0 −a2 ⎟
⎜ ⎟
⎜ .. .. .. .. ⎟
⎝. . · · · . . ⎠
0 0 · · · 1 −an−1

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Chapitre VI. Éléments entiers et anneaux de Dedekind

donc TrL/K (x) = −an−1 et NL/K (x) = (−1)n a0 . Mais puisque x est un élément
primitif, on a Mx (X) = (X − x1 ) · · · (X − xn ). Donc

TrL/K (x) = x1 + · · · + xn et NL/K (x) = x1 · · · xn .

– Cas général. Ce que l’on vient de faire s’applique à l’extension K(x)/K.


Pour prouver le théorème, il suffit de montrer que Px,L/K (X) = (Mx (X))r . Soient
(y1 , · · · , ys ) une base de K(x) sur K et (z1 , · · · , zr ) une base de L sur K(x). Alors
(yi zj ), 1  i  s, 1  j  r, est une base de L sur K et n = rs. Soit M = (akh )
la matrice de la multiplication par x dans K(x), par rapport à la base (yi ). On a

xyi = aih yh
h

d’où # $
 
x(yi zj ) = aih yh zj = aih (yh zj ).
h h

Si l’on ordonne lexicographiquement la base yi zj , la matrice M  de la multipli-


cation par x dans L, par rapport à cette base, se présente sous la forme d’une
matrice carrée (r, r), diagonale par blocs :
⎛ ⎞
M
⎜ ⎟
M = ⎝ ... ⎠ ,
M

d’où Px,L/K = det(XId − M  ) = (det(XId − M ))r . Mais det(XId − M ) = Mx (X)


d’après l’étape 1. D’où le résultat. ♦

Remarque. Les traces et normes définies pour les corps quadratiques sont bien
des cas particuliers de ce cadre général. Les définitions de la norme et de la trace
données à la définition 2.1 s’appliquent bien entendu au cas des extensions finies
non séparables de corps. Mais dans ce cas, l’explicitation de ces éléments est
plus complexe et doit prendre en compte le facteur d’inséparabilité du degré de
l’extension (cf. [G-H], TR.XIII.B).

Corollaire 2.4. Soient A un anneau intègre, K son corps de fractions supposé de


caractéristique nulle, L/K une extension de degré fini et x un élément de L entier
sur A. Alors les coefficients de Px,L/K sont entiers sur A (donc, entre autres,
TrL/K (x) et NL/K (x)).

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2. Norme et trace

Démonstration. D’après le théorème précédent, on a

Px,L/K (X) = (X − x1 ) · · · (X − xn ).

Les coefficients de Px,L/K sont donc des sommes de produits de xi . Pour prou-
ver le résultat, il suffit donc de montrer que les xi sont entiers sur A. Pour
tout i, 1  i  n, xi est conjugué de x, i.e. il existe un K-isomorphisme
σi : K(x) −→ K(xi ) tel que σi (x) = xi . En appliquant σi à l’équation de dé-
pendance intégrale de x sur A, on obtient une équation de dépendance intégrale
pour xi . ♦

Corollaire 2.5. Si, de plus, A est intégralement clos, alors les coefficients de Px,L/K
appartiennent à A. ♦

Nous allons maintenant étudier quelques propriétés de la trace, liées à la notion


de discriminant que nous introduirons au paragraphe 9, qui nous seront utiles dans
la suite.

Proposition 2.6. Soient K un corps de caractéristique nulle ou un corps fini,


L/K une extension de degré n, (x1 , . . . , xn ) une K-base de L et σ1 , . . . , σn les
K-homomorphismes distincts de L dans une clôture algébrique K de K. Alors,
pour i et j parcourant {1, . . . , n},

det(TrL/K (xi xj )) = det(σi (xj ))2 = 0.

Démonstration. On remarquera d’abord que le corps K étant de caractéristique


nulle ou un corps fini, l’extension L/K est séparable ([G-H], XIII.3 et XV.4).
Comme elle est de degré n, il y a exactement n K-homomorphismes distincts
de L dans K. D’autre part, (TrL/K (xi xj )) et (σi (xj )), i, j ∈ {1, . . . , n} sont des
matrices (n, n) : on considère leurs déterminants. Pour i et j fixés, les conjugués
de xi xj sont les σk (xi xj ), pour k = 1, . . . , n. On déduit du théorème 2.3 que

Tr(xi xj ) = σk (xi xj ),
k

d’où # $ # $
 
det(Tr(xi xj )) = det σk (xi xj ) = det σk (xi )σk (xj )
k k

= det(σk (xi )) det(σk (xj )) = det(σi (xj ))2 .


Si det(σi (xj )) = 0, les lignes de la matrice (σi (x
j )) sont linéairement liées, i.e. il
existe u1 , . . . , un ∈ K, non tous nuls, tels que ni=1 ui σi (xj ) = 0. Par linéarité,

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Chapitre VI. Éléments entiers et anneaux de Dedekind

n
on en déduit que i=1 ui σi (x) = 0 pour tout x ∈ L. Autrement dit, les σi ,
i = 1, . . . , n, sont linéairement dépendants sur K, ce qui est en contradiction avec
[G-H], théorème X.3.1. ♦

Corollaire 2.7. Sous les hypothèses de la proposition 2.6, si, pour tout y ∈ L,
TrL/K (xy) = 0, alors x = 0.
 
Démonstration. En écrivant y = j λj xj et x = i μi xi , on a

TrL/K (xy) = μi λj TrL/K (xi xj ).
i,j

On déduit de la proposition 2.6 que TrL/K (xy) = 0 pour tout y ∈ L entraîne


μi = 0 pour tout i, i.e. x = 0. ♦

Pour x fixé, on pose sx (y) = TrL/K (xy). On déduit du corollaire 2.7 que
l’application linéaire ϕ : L −→ L∗ = HomK (L, K), définie par ϕ(x) = sx est
injective. Puisque dimK (L) = dimK (L∗ ) = n < +∞, l’application ϕ est un
isomorphisme. On note (x∗1 , . . . , x∗n ) la base duale de (x1 , . . . , xn ) et l’on pose
yj = ϕ−1 (x∗j ), j = 1, . . . , n. Alors, TrL/K (xi yj ) = syj (xi ) = x∗j (xi ) = δij .
On a démontré le résultat qui suit.

Proposition 2.8. Soient K un corps de caractéristique nulle ou un corps fini, L/K


une extension de degré n, (x1 , . . . , xn ) une K-base de L. Il existe une K-base
(y1 , . . . , yn ) de L telle que TrL/K (xi yj ) = δij , i, j = 1, . . . , n. ♦

3. Application aux corps cyclotomiques


Pour la définition et les premières propriétés des polynômes cyclotomiques, le
lecteur pourra se reporter à [G-H], XV.3.
Soient p un nombre premier et ζ une racine primitive p-ième de l’unité. Alors
le polynôme minimal de ζ sur Q est Mζ (X) = X p−1 + · · · + 1 et Q(ζ)/Q est
une extension de degré p − 1, de base (1, . . . , ζ p−2 ). On veut étudier l’anneau
des entiers (sur Z) de Q(ζ). D’après ce qui précède, en particulier le fait que
Pζ,L/K (X) = Mζ (X) et les relations de remarque 2.2, on a :

TrQ(ζ)/Q (ζ) = −1, TrQ(ζ)/Q (1) = p − 1, TrQ(ζ)/Q (ζ j ) = −1, j = 1, . . . , p − 1

donc

TrQ(ζ)/Q (1 − ζ) = TrQ(ζ)/Q (1 − ζ 2 ) = · · · = TrQ(ζ)/Q (1 − ζ p−1 ) = p.

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3. Application aux corps cyclotomiques

De la même façon, on a
NQ(ζ)/Q (1 − ζ) = p
(écrire la matrice de la multiplication par 1 − ζ dans la base (1, . . . , ζ p−2 ) et
calculer son déterminant) et

NQ(ζ)/Q (ζ − 1) = (−1)p−1 p.

Mais NQ(ζ)/Q (1 − ζ) est le produit des conjugués de 1 − ζ, donc :

p = (1 − ζ)(1 − ζ 2 ) · · · (1 − ζ p−1 ).

Soit A l’anneau des entiers de Q(ζ). Il contient évidemment ζ et ses puissances,


(Mζ (ζ) = 0 est une équation de dépendance intégrale sur Z pour ζ puisque
Mζ (X) ∈ Z[X]).

Lemme 3.1. Avec les notations ci-dessus, A(1 − ζ) ∩ Z = pZ.

Démonstration. La relation p = (1 − ζ)(1 − ζ 2 ) · · · (1 − ζ p−1 ) implique p ∈ A(1 − ζ).


Donc :
A(1 − ζ) ∩ Z ⊃ pZ.
Puisque pZ est un idéal maximal de Z, si A(1−ζ)∩Z = pZ, alors A(1−ζ)∩Z = Z
et 1−ζ est inversible dans A. Alors, pour tout j, les (1−ζ j ) seront aussi inversibles
(car conjugués), donc p également : cela est contradictoire avec le fait que p soit
premier. D’où
A(1 − ζ) ∩ Z = pZ. ♦

Lemme 3.2. Pour tout y ∈ A, Tr(y(1 − ζ)) appartient à pZ.

Démonstration. Tout conjugué de y(1 − ζ) est un multiple dans A de (1 − ζ j ), donc


de 1 − ζ car
1 − ζ j = (1 − ζ)(1 + ζ + · · · + ζ j−1 ).
Comme la trace est égale à la somme des conjugués, Tr(y(1 − ζ)) ∈ A(1 − ζ). Mais
y(1 − ζ) ∈ A donc, d’après le corollaire 2.5, Tr(y(1 − ζ)) ∈ Z, i.e. Tr(y(1 − ζ))
appartient à A(1 − ζ) ∩ Z = pZ. ♦

Théorème 3.3. Soient p un nombre premier et ζ une racine p-ième primitive de


l’unité. Alors l’anneau A des entiers de Q(ζ) est Z[ζ] et (1, ζ, . . . , ζ p−2 ) est une
base du Z-module A.

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Chapitre VI. Éléments entiers et anneaux de Dedekind

Démonstration. Tout élément de Q(ζ) s’écrit x = a0 + a1 ζ + · · ·+ ap−2 ζ p−2 , ai ∈ Q,


0  i  p − 2, et
x(1 − ζ) = a0 (1 − ζ) + a1 (ζ − ζ 2 ) + · · · + ap−2 (ζ p−2 − ζ p−1 ).
Alors Tr(x(1 − ζ)) = a0 Tr(1 − ζ), car Tr(ζ j ) = Tr(ζ k ), d’où Tr(x(1 − ζ)) = a0 p,
car Tr(1 − ζ) = p. Mais, si x ∈ A, d’après le lemme 3.2, Tr(x(1 − ζ)) ∈ pZ, i.e.
a0 ∈ Z. Comme ζ −1 = ζ p−1 , alors ζ −1 ∈ A. D’où, en écrivant
(x − a0 )ζ −1 = a1 + a2 ζ + · · · + ap−2 ζ p−3 ∈ A
et en appliquant à cet élément le raisonnement qui précède, on en déduit que
a1 ∈ Z et, de proche en proche, que ai ∈ Z, pour tout i. Donc x appartient à A
si et seulement si x appartient à Z[ζ]. ♦
Remarques 3.4.
a) Le résultat ci-dessus se généralise aisément au cas où ζ est une racine
primitive pr -ième de l’unité, car
r
pr−1 p−1 pr−1 p−2 pr−1 Xp − 1
Mζ (X) = (X ) + (X ) + ··· + X + 1 = pr−1 .
X −1
b) L’égalité A(1 − ζ) ∩ Z = pZ montre que, considéré comme élément de A,
l’élément p > 2 s’écrit comme un produit. Autrement dit, un nombre premier
impair p de Z n’est plus premier quand on le considère comme élément de l’anneau
des entiers de Q(ζ).
Ce phénomène extrêmement important sera étudié dans le cadre plus général
des idéaux à la fin de ce chapitre.
On va maintenant construire un cadre général qui va permettre d’étudier cette
situation.

4. Anneaux et modules nœthériens


Il est très utile de pouvoir exprimer un élément d’un module en fonction d’un
nombre fini de générateurs, autrement dit que le module soit de type fini. Nous
allons compléter ici l’étude amorcée au TR.II.C.
Théorème 4.1. Soient A un anneau et M un A-module. Les assertions suivantes
sont équivalentes.
(i) Toute famille non vide de sous-A-modules de M possède un élément maxi-
mal.
(ii) Toute suite croissante de sous-A-modules de M est stationnaire.
(iii) Tout sous-A-module de M est de type fini.

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4. Anneaux et modules nœthériens

Démonstration. L’équivalence des assertions (i) et (ii) est une conséquence immé-
diate du théorème II.3.6.
Montrons que (i) implique (iii). Soient E un sous-module de M et F la famille
des sous-modules de type fini de E ; elle n’est pas vide car {0} ∈ F. D’après (i),
F admet un élément maximal F . S’il existe x ∈ E un élément n’appartenant pas
à F , alors F + Ax est un sous-module de type fini de E qui contient strictement
F . Par maximalité de F , on a E = F , donc E est de type fini.
Montrons que (iii) implique (ii). Soit (Mn )n∈N une suite croissante de sous-
modules de M . Alors, E = ∪n∈N Mn est un sous-module de M . D’après (iii), il
admet un système fini de générateurs (x1 , . . . , xq ). Pour tout i, 1  i  q, il existe
un indice n(i) tel que xi ∈ Mn(i) . Soit n0 le plus grand des n(i), 1  i  q. On
a xi ∈ Mn0 , pour tout i, 1  i  q, d’où E = Mn0 . La suite (Mn ) est donc
stationnaire à partir de n0 . ♦

Définitions 4.2.
a) Un A-module M qui satisfait aux conditions ci-dessus est dit nœthé-
rien.
b) Un anneau A est dit nœthérien si, pour sa structure naturelle de
A-module, c’est un A-module nœthérien.

Exemple. Un anneau principal est nœthérien (théorème II.3.7). Le théorème 6.2


donne des exemples d’anneaux nœthériens non principaux.

Proposition 4.3. Soient A un anneau, M un A-module et N un sous-A-module de


M . Alors M est nœthérien si et seulement si N et M/N le sont.

Démonstration. L’ensemble ordonné des sous-modules de N (resp. de M/N ) est


en correspondance biunivoque avec l’ensemble des sous-modules de M contenus
dans N (resp. contenant N ). Par conséquent, si le module M est nœthérien, les
modules N et M/N sont nœthériens.
Supposons que les modules N et M/N soient nœthériens. Soit (Fn )n0 une
suite croissante de sous-modules de M . La suite Fn ∩ N est stationnaire à partir
d’un rang n0 ; la suite (Fn + N )/N est stationnaire à partir d’un rang n1 , il en
est donc de même pour la suite Fn + N . Montrons que pour n  sup(n0 , n1 ),
on a Fn = Fn+1 . Il suffit de voir que Fn+1 ⊂ Fn . Soit x ∈ Fn+1 . Puisque
Fn+1 + N = Fn + N , il existe y ∈ Fn , z ∈ N , t ∈ N tels que x + z = y + t.
On a donc x − y = t − z et ces éléments appartiennent à Fn+1 ∩ N = Fn ∩ N .
D’où x − y ∈ Fn et x ∈ Fn . ♦

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Chapitre VI. Éléments entiers et anneaux de Dedekind

Corollaire
p 4.4. Si A est un anneau et M1 , . . . , Mp sont des A-modules, alors
M = i=1 Mi est un A-module nœthérien si et seulement si les modules Mi
sont nœthériens, 1  i  p.

Démonstration. Si le module M est nœthérien, chaque module Mi , s’écrivant


comme quotient de M , est nœthérien, d’après la proposition 4.3.
Supposons que les modules Mi , 1  i  p, soient nœthériens. Si p = 2, alors
M1 et M2  M/M1 étant nœthériens, M est nœthérien, d’après la proposition 4.3.
Pour p  2, un raisonnement par récurrence donne le résultat. ♦

Corollaire 4.5. Si A est un anneau nœthérien, un A-module est nœthérien si et


seulement s’il est de type fini.

Démonstration. Par définition même, si M est un A-module nœthérien, il est de


type fini. Supposons que M soit un A-module de type fini : alors M est isomorphe
à un quotient d’un module libre de rang fini An . Puisque A est nœthérien, il en
est de même de An , d’après le corollaire 4.4, et M est nœthérien, d’après la
proposition 4.3. ♦

Théorème 4.6. Soit A un anneau nœthérien intégralement clos, dont le corps de


fractions K est de caractéristique nulle. Soient L/K une extension, [L : K] = n,
et A la fermeture intégrale de A dans L. Alors A est un A-module de type fini
et un anneau nœthérien.
Si, de plus, l’anneau A est principal, alors A est un A-module libre de rang n.

Démonstration. Soit (x1 , . . . , xn ) une base de L sur K : chaque élément xi est


algébrique sur K. En réduisant les coefficients du polynôme minimal de xi sur K
au même dénominateur, on obtient une relation

an xni + an−1 xn−1


i + · · · + a0 = 0

avec les coefficients aj , 1  j  n, dans A. On peut supposer an non nul et en


multipliant par an−1 
n , on voit que an xi est entier sur A. On pose xi = an xi : alors
  
(x1 , . . . , xn ) est une base de L sur K contenue dans A . D’après la proposition 2.8,
il existe une base de L sur K, (y1 , . . . , yn ), telle que Tr(xi yj ) = δij , 1  i  n,
1  j  n. Soit z un élément de A : puisque (y1 , . . . , yn ) est une base de L sur K,
on a z = nj=1 bj yj , avec bj ∈ K, 1  j  n. Pour tout i, on a xi ∈ A , donc
xi z ∈ A et, d’après le corollaire 2.5, Tr(xi z) ∈ A. Or,
⎛ ⎞
n 
n n
Tr(xi z) = Tr ⎝ bj xi yj ⎠ = bj Tr(xi yj ) = bj δij = bi .
j=1 j=1 j=1

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5. Idéaux fractionnaires


n a donc bi ∈ A pour tout i et A est un sous-module du A-module libre
On
j=1 Ayj . Puisque l’anneau A est nœthérien, ce A-module libre est nœthérien.
On déduit de la proposition 4.3 que le A-module A est nœthérien, donc de type
fini, d’après le corollaire 4.5. Les idéaux de A sont des A-sous-modules de A
particuliers : ils sont donc de type fini sur A, donc sur A , et A est un anneau
nœthérien.
Si A est principal, tout sous-A-module d’un module libre étant libre (théo-
rème V.1.1), A est libre de rang inférieur ou égal à n. Mais la démonstration
ci-dessus montre que A contient une base de L sur K, il est donc de rang n. ♦

Rappelons pour mémoire le résultat suivant, vu au TR.II.C.2.

Proposition 4.7. Soient A un anneau et S une partie multiplicative de A. Si A est


un anneau nœthérien, il en est de même pour S −1 A. ♦

5. Idéaux fractionnaires

Lemme 5.1. Soient A un anneau, p un idéal premier de A et A un sous-anneau


de A. Alors p ∩ A est un idéal premier de A . ♦

Lemme 5.2. Soit p un idéal premier d’un anneau A. Si p contient un produit


d’idéaux a1 , . . . , an , alors p contient l’un deux.

Démonstration. Si pour tout i, il existe un élément ai ∈ ai n’appartenant pas


à p, l’idéal p étant premier, le produit a1 · · · an n’appartient pas à p, d’où une
contradiction. ♦

Proposition 5.3. Soit A un anneau nœthérien (resp. intègre nœthérien). Tout idéal
(resp. idéal non nul) contient un produit d’idéaux premiers (resp. idéaux premiers
non nuls).

Démonstration. Nous allons démontrer le cas « non nul », l’autre se démontrant de


la même façon en ignorant l’hypothèse « non nul ». On fait une démonstration par
l’absurde. Si la famille F des idéaux non nuls qui ne contiennent aucun produit
d’idéaux premiers non nuls est non vide, elle admet un élément maximal b (puisque
A est nœthérien). L’idéal b n’est pas premier (sinon il contiendrait le produit de
la famille réduite à b). Donc, il existe x, y ∈ A \ b tel que xy ∈ b. Les idéaux
b + Ax et b + Ay contiennent strictement b, donc n’appartiennent pas à F (car b
est maximal). Ils contiennent donc des produits d’idéaux premiers non nuls

b + Ax ⊃ p1 · · · pn , b + Ay ⊃ q1 · · · qr .

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Chapitre VI. Éléments entiers et anneaux de Dedekind

Mais xy appartient à b, donc

(b + Ax)(b + Ay) ⊂ b, d’où p1 · · · pn q1 · · · qr ⊂ b.

D’où une contradiction. ♦

Définition 5.4. Soient A un anneau intègre et K son corps de fractions. On ap-


pelle idéal fractionnaire de A (ou de K par rapport à A) tout sous-A-module
I de K tel qu’il existe d ∈ A, d = 0, satisfaisant à I ⊂ d−1 A.

Cela revient à dire que les éléments de I ont un dénominateur commun d ∈ A.

Remarques 5.5.
a) Tout sous-A-module de type fini de K est un idéal fractionnaire. Si
. . . , xn ), avec xi = adii , 1  i  n, alors I est contenu dans d−1 A,
I = (x1 ,
avec d = i di .
b) Si A est nœthérien, tout idéal fractionnaire est un A-module de type fini.
En effet, I est un sous-module de d−1 A qui est nœthérien.
c) Si I et I  sont des idéaux fractionnaires, alors I ∩ I  , I + I  , II  sont des
idéaux fractionnaires (de dénominateurs respectifs d ou d , dd et dd ).

On en déduit que les idéaux fractionnaires non nuls de A forment un monoïde


commutatif pour la multiplication, que l’on notera I(A).

6. Anneaux de Dedekind

√On a vu au√ paragraphe 1 que l’anneau des entiers du corps quadratique


Q( −5) est Z( −5). Montrons que cet anneau n’est pas factoriel (donc, a for-
tiori, ni principal, ni euclidien, cf. TR.II.A). On a
√ √
(1 + −5)(1 − −5) = 2.3

et √ √
N(1 + −5) = N(1 − −5) = 6, N(2) = 4, N(3) = 9.
√ √
Supposons
√ que l’élément 1 + −5 ait un diviseur non trivial x = a + b −5 dans
Z( −5). Alors N(x) est un diviseur non trivial de 6 dans Z, i.e. N(x) = 2 ou
N(x) = 3. Mais les équations

a2 + 5b2 = 2, a2 + 5b2 = 3

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6. Anneaux de Dedekind


n’ont pas de solution
√ dans Z. Par conséquent,
√ l’élément 1+ −5 n’a pas de diviseur
non √trivial dans Z( −5). Si l’anneau Z( −5) était factoriel, puisque cet élément
1 + −5 divise le produit 2.3, d’après le lemme de Gauss, il devrait
√ diviser 2 ou
3 et, en prenant les normes, 6 diviserait 4 ou 9. Donc l’anneau Z( −5) n’est pas
factoriel.
Cela montre que l’anneau des entiers d’un corps de nombres n’est pas néces-
sairement euclidien ou principal ou factoriel. Nous allons montrer ci-dessous que
cet anneau possède néanmoins une structure très intéressante.

Définition 6.1. Un anneau A est de Dedekind s’il est nœthérien, intégralement


clos, et si tout idéal premier non nul est maximal.

Exemple. Un anneau principal est de Dedekind. Le théorème 6.2 ci-dessous donne


des exemples d’anneaux de Dedekind qui ne sont pas principaux. On peut toutefois
noter que la notion d’anneau de Dedekind est un cran « plus complexe » que celle
d’anneau principal, dans la mesure où, dans un anneau de Dedekind tout idéal
est engendré par au plus deux éléments (cf. TR.VI.A).

Théorème 6.2. L’anneau des entiers d’un corps de nombres est de Dedekind.

Puisqu’un corps de nombres est une extension finie de Q, le théorème 6.2 est
un corollaire du théorème qui suit (en prenant A = Z).

Théorème 6.3. Soient A un anneau de Dedekind, K son corps de fractions, sup-


posé de caractéristique nulle, L/K une extension de degré fini et A la fermeture
intégrale de A dans L. Alors A est un A-module de type fini et un anneau de
Dedekind.

Démonstration. L’anneau A est intégralement clos, donc, d’après le théorème 4.6,


A est un anneau nœthérien et un A-module de type fini. Soient p = 0 un idéal
premier de A , x un élément de p et une équation de dépendance intégrale pour
x, de degré minimum :

xn + an−1 xn−1 + · · · + a0 = 0.

Le fait que le degré soit minimum implique que a0 = 0. Alors a0 appartient à


A x ∩ A ⊂ p ∩ A. Donc p ∩ A = {0} est un idéal premier de A, donc maximal
(puisque A est de Dedekind). D’où A/(p ∩ A) est un corps. Mais A/(p ∩ A)
s’identifie à un sous-anneau de A /p et, puisque A est entier sur A, A /p est
entier sur A/(p ∩ A). Donc, d’après le théorème 1.7, A /p est un corps et p est
maximal. ♦

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Chapitre VI. Éléments entiers et anneaux de Dedekind

Théorème 6.4. Soit A un anneau de Dedekind qui n’est pas un corps. Tout idéal
maximal de A est inversible dans le monoïde des idéaux fractionnaires de A.

Démonstration. Soit m un idéal maximal de A ; il est non nul. On pose


m = {x ∈ K|xm ⊂ A}. Alors m est un sous-A-module de K dont les éléments
admettent comme dénominateur commun n’importe quel élément de m, i.e. m
est un idéal fractionnaire. Montrons que mm = A, qui est l’élément neutre du
monoïde I(A). Par définition, mm est contenu dans A et il est clair que A ⊂ m ,
d’où m = Am ⊂ mm ⊂ A. Puisque m est maximal, on a mm = A ou mm = m.
Supposons que mm = m. Soit x ∈ m , alors xm ⊂ m, d’où x2 m ⊂ xm ⊂ m
et xn m ⊂ m pour tout n. Autrement dit, n’importe quel élément non nul d de
m sert de dénominateur commun à tous les xn , n ∈ N. Donc A[x] est un idéal
fractionnaire. Puisque A est nœthérien, A[x] est un A-module de type fini, d’où
x est entier sur A. Comme A est intégralement clos, x appartient à A. D’où, si
mm = m, alors m = A. Montrons que c’est impossible. Soit a = 0 un élément de
m. L’idéal Aa contient un produit d’idéaux premiers non nuls p1 · · · pn . On peut
supposer n minimum. On a

m ⊃ Aa ⊃ p1 · · · pn .

Donc, d’après le lemme 5.2, m contient l’un des pi , par exemple p1 . Comme par
hypothèse p1 est maximal, on a m = p1 . On pose b = p2 · · · pn . On a Aa ⊃ mb
et Aa ⊃ b, par minimalité de n. Donc, il existe b ∈ b tel que b ∈ / Aa. Comme
mb ⊂ Aa, on a mb ⊂ Aa, d’où mba−1 ⊂ A. Donc ba−1 ∈ m par définition de m .
Comme b ∈ / Aa, on a ba−1 ∈
/ A et m = A. ♦

Théorème 6.5. Soient A un anneau de Dedekind et P l’ensemble de ses idéaux


premiers non nuls.
(i) Tout idéal fractionnaire non nul b s’écrit d’une façon et d’une seule sous
la forme 
b= pnp (b)
p∈P

où les np(b) sont des entiers relatifs, nuls sauf un nombre fini d’entre eux.
(ii) Le monoïde des idéaux fractionnaires de A est un groupe.

Démonstration.
(i) Montrons d’abord l’existence de la décomposition. Soit b un idéal fraction-
naire ; il existe d = 0 ∈ A tel que db ⊂ A. Ainsi b = (db)(Ad)−1 et l’on est ramené
à montrer le résultat pour les idéaux « entiers » i.e. les idéaux de A (i.e. d = 1).
Soit F la famille des idéaux non nuls de A qui ne sont pas produits finis d’idéaux

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6. Anneaux de Dedekind

premiers. Supposons F = ∅. Puisque A est nœthérien, F admet un élément maxi-


mal q. On a q = A puisque A est produit de la famille vide d’idéaux premiers.
Alors q est contenu dans un idéal maximal p. D’après le théorème 6.4, il existe p
tel que pp = A : on en déduit que qp ⊂ A. Comme p ⊃ A, on a qp ⊃ q. De plus
qp = q, car si qp = q et si x ∈ p , on a xq ⊂ q et xn q ⊂ q pour tout n, d’où x est
entier sur A, i.e. x ∈ A. Ceci est impossible car p = A (sinon on aurait pp = p).
Puisque q est maximal dans F, alors qp ∈ / F et qp = p1 · · · pn , où les pi sont
premiers, 1  i  n. En multipliant par p, on obtient q = pp1 · · · pn , ce qui est en
contradiction avec q ∈ F.
Montrons l’unicité de la décomposition. Supposons que :
 
pnp (b) = pmp (b) ,
p∈P p∈P

alors 
pnp (b)−mp (b) = A.
p∈P

Si les np(b) − mp(b) ne sont pas tous nuls, on sépare les exposants positifs et
négatifs et l’on obtient
pα1 1 · · · pαr r = qβ1 1 · · · qβs s
avec pi , qj ∈ P, αi , βj > 0, pi = qj , pour tout i et j. Puisque p1 est un idéal,
p1 ⊃ pα1 1 · · · pαr r = qβ1 1 · · · qβs s et, puisqu’il est premier, p1 contient l’un des qj .
Mais p1 et qj sont maximaux, donc p1 ⊃ qj implique p1 = qj . Contradiction.

(ii) La partie (i) prouve que p∈P p−np (b) est l’inverse de p∈P pnp (b) . ♦

Remarques 6.6.
a) On peut vérifier facilement que les propriétés suivantes sont satisfaites :
(i) np(ab) = np(a) + np(b).
(ii) b ⊂ A est équivalent à np(b)  0, pour tout p ∈ P.
(iii) a ⊂ b est équivalent à np(a)  np(b), pour tout p ∈ P.
(iv) np(a + b) = inf(np(a), np(b)).
(v) np(a ∩ b) = sup(np(a), np(b)).

b) Si a est un idéal de A, on a a = p∈P pnp (a) avec np(a)  0. Si p est tel
que np(a) > 0, on dit que p divise a et on écrit p|a.

Si p|a, alors a = pq avec q = (p(np (a)−1) ) p pnp  (a) . Mais pq ⊂ p puisque p
est un idéal, d’où a ⊂ p. Réciproquement, si p est un idéal premier de A tel que
a ⊂ p, alors np(a)np(p) = 1, donc p intervient dans la décomposition de a en
produit d’idéaux premiers, i.e. p|a.

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Chapitre VI. Éléments entiers et anneaux de Dedekind

Par conséquent, p|a si et seulement si a ⊂ p. Cela est à rapprocher de la


relation portant sur les éléments d’un anneau : a|b si et seulement si (a) ⊃ (b).
c) On peut montrer que si A est un anneau intègre dont le monoïde des idéaux
fractionnaires est un groupe, alors A est un anneau de Dedekind (cf. TR.VI.A).
Par conséquent, un anneau intègre est de Dedekind si et seulement si le
monoïde de ses idéaux fractionnaires est un groupe.

Proposition 6.7. Soient A un anneau et S une partie multiplicative de A. Si A est


un anneau de Dedekind, il en est de même pour S −1 A.

Démonstration. C’est une conséquence évidente de la proposition 4.7 et du


corollaire 1.11. ♦

Proposition 6.8. Soient A un anneau de Dedekind et p un idéal premier de A.


Alors Ap est un anneau principal et il existe un élément premier p de Ap tel que
les seuls idéaux non nuls de Ap soient les idéaux (pr ), r ∈ N.

Démonstration. Tout idéal premier de A étant maximal, le seul idéal premier de A


disjoint de A\p est p. Donc, d’après TR.I.B.6, le seul idéal premier de Ap est pAp.
L’anneau Ap étant de Dedekind (proposition 6.7), on en déduit, en appliquant le
théorème 6.5.i, que ses seuls idéaux non nuls sont les (pAp)n , n ∈ N. Soit p un
élément de pAp \(pAp)2 : l’idéal (p) est contenu dans pAp et n’est pas contenu dans
(pAp)2 . D’où, en appliquant le théorème 6.5.i et la remarque 6.6.b, (p) = pAp ;
l’élément p est donc premier. Si a est un idéal non nul de Ap, il est contenu dans
l’unique idéal maximal pAp de Ap (TR.I.B.9), d’où, d’après le théorème 6.5.i et
la remarque 6.6.b, il existe n ∈ N tel que a = (pAp)n = (p)n = (pn ). ♦

7. Norme d’un idéal


Soient K un corps de nombres de degré n (i.e. une extension de degré n de Q)
et A l’anneau des entiers de K, qui est donc, d’après 6.2, un anneau de Dedekind.
On notera la norme N au lieu de NK/Q .

Proposition 7.1. Pour tout x ∈ A, x = 0, on a |N(x)| = Card(A/Ax).

Démonstration. On sait, d’après le théorème 4.6, que A est un Z-module


libre de rang n. L’idéal Ax est un sous-Z-module de A, donc libre : son
rang est aussi n car la multiplication par x est une application bijec-
tive A −→ Ax. Par conséquent, d’après le théorème V.3.1, il existe une
base (e1 , . . . , en ) du Z-module A et des éléments c1 , . . . , cn de N tels que

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7. Norme d’un idéal

1ne1 , . . . , cn en ) soit une base de Ax. On en déduit que A/Ax est isomorphe à
(c
i=1 Z/ci Z, d’où Card(A/Ax) = c1 · · · cn . Considérons l’application Z-linéaire
u : A −→ Ax définie par u(ei ) = ci ei . On a det(u) = c1 · · · cn . D’autre part,
puisque la multiplication par x est bijective, (xe1 , . . . , xen ) est aussi une base
de Ax. Il existe donc un automorphisme de Z-modules v : Ax −→ Ax tel que
v(ci ei ) = xei . Puisque c’est un automorphisme, son déterminant est inversible
dans Z, d’où, det(v) = 1. Mais v ◦ u est la multiplication par x, dont le détermi-
nant est, par définition N(x). On a donc

N(x) = det(v ◦ u) = det(v)det(u) = c1 · · · cn = Card(A/Ax). ♦

Cela conduit à la définition suivante.

Définition 7.2. Soit a un idéal non nul de A : on pose N(a) = Card(A/a) et on


l’appelle norme de l’idéal a.

Remarque 7.3. Pour tout idéal non nul a de A, N(a) est fini. En effet, pour tout
élément a = 0 de a, on a Aa ⊂ a et A/a s’identifie à un quotient de A/Aa, donc
Card(A/a)  Card(A/Aa) = N(a) < +∞. En particulier, si a est un idéal princi-
pal, a = (a), alors N(a) = |N(a)|.

Proposition 7.4. Si a et b sont des idéaux de A, on a N(ab) = N(a)N(b).

Démonstration. En considérant la « décomposition en facteurs premiers » de l’idéal


b, il suffit de montrer que N(am) = N(a)N(m), avec m idéal maximal. Or am ⊂ a
implique Card(A/am) = Card(A/a)Card(a/am). Il suffit donc de prouver que
Card(a/am) = Card(A/m). Comme a/am est un A-module annulé par m, c’est
un A/m-espace vectoriel. Ses sous-espaces vectoriels sont de la forme q/am, où q
est un idéal tel que am ⊂ q ⊂ a. On a vu à la remarque 6.6 que q ⊂ a implique
np(q)  np(a) pour tout p, d’où

∀ p ∈ P, np(a) + np(m) = np(am)  np(q)  np(a).

Si p = m, np(m) = 0, d’où

∀ p = m, np(a) = np(am)  np(q)  np(a),

donc np(q) = np(a).


Si p = m, on a
nm(a) + 1  nm(q)  nm(a).

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Chapitre VI. Éléments entiers et anneaux de Dedekind

Or nm(q) ∈ N, donc

nm(q) = nm(a) ou nm(q) = nm(a) + 1.

Si nm(q) = nm(a), alors

∀ p ∈ P, np(q) = np(a) et a = q.

Si nm(q) = nm(a) + 1, alors, puisque pour les autres p ∈ P on a np(q) = np(a), on


déduit que q = am.
Il n’y a donc pas d’idéal q strictement compris entre am et a. Par conséquent,
a/am est un A/m-espace vectoriel de dimension 1. On a donc bien

Card(a/am) = Card(A/m). ♦

8. Décomposition des idéaux premiers dans une


extension et action du groupe de Galois
Comme cela a été rappelé dans l’introduction de ce chapitre, un polynôme
irréductible de K[X] peut se décomposer dans une extension L de K ; il n’est
donc pas irréductible quand on le considère dans L[X]. Il en va de même pour les
éléments irréductibles d’un anneau factoriel quelconque.

Exemples 8.1.
a) Dans Z[i], on a 5 = (2 + i)(2 − i).

b) Dans Z[ −5], les éléments 2 et 3 sont irréductibles, mais √ les idéaux
√ premiers. En effet, (2) = (2, 1 + −5) et
(2) et (3) √ne sont pas 2

(3) = (3, 1+ −5)(3, 1− −5). Autrement dit,√ l’idéal (2) dans Z est premier, mais
n’est pas premier dans « l’extension » Z → Z[ −5]. On dit qu’il se décompose.

On va étudier ce problème dans la situation suivante : K est un corps de


nombres, L est une extension finie de K, A est l’anneau des entiers de K et B est
l’anneau des entiers de L. L’anneau A est donc un sous-anneau de B. Dans tout
ce paragraphe, les lettres A, B, K, L désigneront les objets ci-dessus.
On a vu que si p est un idéal premier de B, alors p ∩ A est un idéal premier
de A. Si p est un idéal premier de A, on note pB l’idéal de B engendré par p
% &

pB = αi βi | αi ∈ p, βi ∈ B .
finie

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8. Décomposition des idéaux premiers dans une extension et action du groupe de Galois

Remarquons que si p = (a), alors pB = {ab, b ∈ B}.


Puisque pB est un idéal de B, qui est un anneau de Dedekind, il admet une
« décomposition en produit d’idéaux premiers » de B. C’est cette décomposition
que l’on veut étudier.

Proposition 8.2. Soient p un idéal premier de A et q un idéal premier de B. Les


conditions suivantes sont équivalentes :
(i) q|pB,
(ii) q ⊃ pB,
(iii) q ⊃ p,
(iv) q ∩ A = p,
(v) q ∩ K = p.

Démonstration. Les assertions (i) et (ii) sont équivalentes, d’après la remarque 6.6.
Les assertions (ii) et (iii) sont clairement équivalentes.
Montrons que (iii) implique (iv) : q ∩ A est premier dans A, mais q ⊃ p
entraîne q ∩ A ⊃ p et, comme p est premier, donc maximal, q ∩ A = p. Il est
évident que (iv) implique (iii).
Enfin, les assertions (iv) et (v) sont équivalentes puisque q étant contenu dans
B, tous les éléments de q sont entiers, donc q ∩ K = q ∩ A. ♦

Définition 8.3. Dans la situation ci-dessus, on dit que q est au-dessus de p,


ou que p est en dessous de q.

Théorème 8.4.
(i) Tout idéal premier propre de B est au-dessus d’un unique idéal premier
non nul de A.
(ii) Tout idéal premier propre de A est en-dessous d’au moins un idéal premier
de B.

Démonstration.
(i) Soit q un idéal premier de B. D’après la proposition 8.2, l’unique idéal p
en-dessous de q est p = q ∩ A, qui est un idéal premier de A. Il faut vérifier que
p = {0} (utiliser, par exemple, la norme).
(ii) Les idéaux premiers de B qui sont au-dessus de p ⊂ A sont les « diviseurs »
de pB. Pour montrer qu’il en existe, il suffit de montrer que pB = B, ce qui
équivaut à montrerque 1 ∈ pB. On sait que 1 ∈ p, mais il faut s’assurer que l’on
ne peut avoir 1 = finie αi βi , αi ∈ p, βi ∈ B.
Pour cela, on démontre le lemme suivant.

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Chapitre VI. Éléments entiers et anneaux de Dedekind

Lemme 8.5. Soient A un anneau de Dedekind, a un idéal de A et K le corps des


fractions de A. Il existe γ ∈ K \ A tel que γa ⊂ A.

Démonstration. Soit a ∈ a, a = 0 ; l’idéal (a) contient un produit d’idéaux pre-


miers p1 p2 · · · pr , avec r minimum pour cette propriété. Soit m un idéal maximal
contenant a : alors m ⊃ p1 · · · pr et m étant premier, d’après le lemme 5.2, il existe
i tel que m ⊃ pi . On peut, sans restreindre la généralité, supposer que i = 1.
Comme A est un anneau de Dedekind, p1 est un idéal maximal, d’où m = p1 . Par
minimalité de r, on ne peut avoir (a) = p2 · · · pr , donc il existe b ∈ (p2 · · · pr ) \ (a).
Posons γ = ab ∈ K \ A. Alors, puisque tout élément x appartenant à a appartient
à m = p1 , on a bx ∈ p1 · · · pr ⊂ (a) i.e. bx = ac, c ∈ A, donc ab x = c ∈ A. ♦

D’après ce lemme, il existe γ ∈ K \ A tel que γp ⊂ A, d’où γpB ⊂ AB = B.


Si 1 ∈ pB, alors γ ∈ B ; mais alors γ est entier, ce qui est impossible puisque
γ ∈ K \ A. ♦

On va maintenant étudier le comportement des idéaux premiers de B au-


dessus de p ⊂ A, sous l’action du groupe de Galois Gal(L/K). Pour cela, nous
établissons d’abord les deux résultats ci-dessous.

Lemme 8.6. Soient C et D deux anneaux et f : C → D un morphisme d’anneaux.


(i) Si q est un idéal premier de D, f −1 (q) est un idéal premier de C.
(ii) Si f est bijectif, pour tout idéal premier p de C, f (p) est un idéal premier
de D. ♦

Proposition 8.7. Pour tout élément f de Gal(L/K), sa restriction à B est un


isomorphisme d’anneaux f|B : B −→ B et f|A = idA .

Démonstration. Soit x un élément de B ; il vérifie une équation de dépendance


intégrale
xn + an−1 xn−1 + · · · + a0 = 0,
avec ai ∈ Z, 0  i  n − 1. Puisque K est une extension de Q et que f|K = id|K ,
on a f|Z = id|Z . D’où,

f (x)n + an−1 f (x)n−1 + · · · + f (a0 ) = 0


et f (x) ∈ B. Par conséquent, la restriction de f à B est à valeurs dans B et
f|B : B −→ B est un morphisme d’anneaux.
Puisque f est injectif, il est clair que f|B est injectif. Tout élément x de B
est un élément de L, donc l’image par f d’un élément y de L. Si x est entier,
alors y est entier, donc f|B est surjectif. Puisque f|K = idK , il est clair que
f|A = idA . ♦

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9. Ramification

Théorème 8.8. Soient L/K une extension normale et p un idéal premier de A. Le


groupe Gal(L/K) opère transitivement sur l’ensemble des idéaux premiers de B
qui sont au-dessus de p.

Démonstration. Montrons que le groupe Gal(L/K) opère sur l’ensemble des idéaux
premiers de B qui sont au-dessus de p. Si q est un idéal premier de B au-dessus de
p, alors, d’après le lemme 8.6, pour tout σ ∈ Gal(L/K), σ(q) est un idéal premier
de σ(B) = B, au-dessus de σ(p) = p.
Montrons que cette action est transitive, i.e. pour tout q et q au-dessus de p, il
existe σ ∈ Gal(L/K) tel que σ(q) = q . Supposons que pour tout σ ∈ Gal(L/K),
on ait σ(q) = q ; les idéaux q et σ(q) étant premiers, donc maximaux, sont
étrangers deux à deux (m + m = B). Donc, d’après le théorème chinois I.4.3, le
système de congruences 
x ≡ 0 mod q
x ≡ 1 mod σ(q)
admet une solution α ∈ B.
D’après le théorème 2.3, on a
 
NL/K (α) = σ −1 (α) = α σ −1 (α).
σ∈Gal(L/K) σ=id,σ∈Gal(L/K)

Puisque α ≡ 0 mod q , on a α ∈ q , d’où NL/K (α) ∈ q . D’autre part, d’après les


corollaires 2.4 et 2.5, NL/K (α) ∈ A, d’où NL/K (α) ∈ A ∩ q = p.
Mais, pour tout σ ∈ Gal(L/K), α ∈ σ(q) (car α ≡ 1 mod σ(q)), donc
σ −1 (α) ∈ q. Comme q est un idéal premier, on en déduit que NL/K (α) ∈ q.
Comme NL/K (α) ∈ p ⊂ q, on a une contradiction. ♦

9. Ramification

Nous avons vu au paragraphe 8 que lorsque K est un corps de nombres, L


est une extension de K, [L : K] = n, A est l’anneau des entiers de K et B est
l’anneau des entiers de L, alors si p est un idéal premier de A, l’idéal pB de B
peut se décomposer dans l’anneau de Dedekind B


i=r
pB = qei i , ei  1, i = 1, . . . , r
i=1

où les qi sont des idéaux premiers de B, qui sont précisément les idéaux premiers
de B au-dessus de p.

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Chapitre VI. Éléments entiers et anneaux de Dedekind

Définition 9.1. Dans la situation ci-dessus, on dit que p se ramifie dans B (ou
dans L) s’il existe un indice i tel que ei  2.

Le but de ce paragraphe est de caractériser les idéaux premiers de A qui se


ramifient dans B. Cela nous permettra d’en tirer des informations arithmétiques
sur la décomposition des nombres premiers dans les extensions quadratiques de
Q ou dans les extensions cyclotomiques.
Le fait que, pour tout i, l’idéal qi soit au-dessus de p, entraîne, d’après la pro-
position 8.2, que l’anneau A/p s’identifie à un sous-anneau de B/qi . Ces deux
anneaux sont des corps et, puisque B est un A-module de type fini d’après
le théoèrme 4.6, B/qi est un A/p-espace vectoriel de dimension finie. On pose
fi = dimA/p(B/qi ).

Définition 9.2. On appelle fi le degré résiduel de qi sur A et ei l’indice de


ramification de qi sur A.

Théorème 9.3. Avec les notations ci-dessus, on a



i=r
ei fi = dimA/p(B/pB) = n.
i=1

Démonstration. On considère la suite d’inclusions d’idéaux

pB = qe11 . . . qerr ⊂ qe11 . . . qerr−1 ⊂ . . . ⊂ q21 ⊂ q1 ⊂ B.

Deux termes consécutifs de cette suite sont de la forme a et aqi . La démonstration


de la proposition 7.4 montre qu’il n’y a pas d’idéaux strictement compris entre a
et aqi , par conséquent a/aqi est un B/qi -espace vectoriel de dimension 1. C’est
donc un A/p-espace vectoriel de dimension fi . Or, dans la suite d’inclusions ci-
dessus, il y a, pour i fixé, ei quotients. D’où

i=r
dimA/p(B/pB) = ei fi .
i=1

Il faut maintenant montrer que ces expressions sont égales à n.


Supposons que l’anneau A soit principal : alors, d’après le théorème 4.6,
B est un A-module libre de rang n. En notant (x1 , . . . , xn ) une A-base de B,
(x1 , . . . , xn ), où xi est la classe de xi modulo pB, est une A/p-base de B/pB.
D’où
dimA/p(B/pB) = n.

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9. Ramification

Montrons qu’on peut se ramener au cas où l’anneau A est principal. On


considère A = Ap : c’est un anneau principal, (6.8), local d’idéal maximal
pAp (TR.I.B.9). En posant S = A \ p, d’après (1.10), l’anneau B  = S −1 B
est la fermeture intégrale de Ap dans L. On déduit alors de ce qui précède que
dimA /pA (B  /pB  ) = n. On considère la décomposition de pB  dans l’anneau de
i=r
Dedekind B  : comme pB = i=r ei 
i=1 qi , on a pB =
 ei
i=1 (qi B ) . Comme qi ∩A = p,
 
on a qi ∩ S = ∅, d’où qi B est un idéal premier de B (TR.I.B.6). La première
partie de la démonstration donne alors

i=r
 
dimA /pA (B /pB ) = ei dimA /pA (B  /qB  ).
i=1

On a A /pA  A/p et B  /qi B   B/qi . D’où



i=r
 
n = dimA /pA (B /pB ) = ei fi . ♦
i=1
i=r ei
Corollaire 9.4. Avec les notations ci-dessus, on a B/pB  i=1 B/qi .

Démonstration. D’après le théorème 6.5.i, qi est le seul idéal maximal qui contienne
e
qei i : donc, pour tout i = j, on a qei i + qj j = B. On applique alors le théorème
chinois I.4.3. ♦
Nous allons maintenant introduire la notion de discriminant qui permet de
caractériser les idéaux premiers de A qui se ramifient dans B.

Définition 9.5. Soient B un anneau et A un sous-anneau de B tels que B soit


un A-module libre de rang fini n. Pour tout (x1 , . . . , xn ) ∈ B n , on appelle
discriminant du système (x1 , . . . , xn ), l’élément, D(x1 , . . . , xn ) de A défini
par
D(x1 , . . . , xn ) = det(TrB/A (xi xj )), i, j = 1, . . . , n.

On verra au TR.VI.B que si K est un corps de caractéristique nulle ou un


corps fini et si x est un élément dont le polynôme minimal sur K est X 2 + bX + c
(resp. X 3 +pX +q), alors D(1, x) (resp. D(1, x, x2 )) est le discriminant bien connu
b2 − 4c (resp. −4p3 − 27q 2 ).

j=n 9.6. Soit (y1 , . . . , yn ) ∈ B tel que, pour tout i, 1  i  n, on ait


Proposition n

yi = j=1 aij xj . Alors


D(y1 , . . . , yn ) = (det(aij ))2 D(x1 , . . . , xn ).
Démonstration. Calcul facile laissé au lecteur. ♦

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Chapitre VI. Éléments entiers et anneaux de Dedekind

Définition 9.7. Soient B un anneau et A un sous-anneau de B tels que B soit


un A-module libre de rang fini n. On appelle discriminant de B sur A l’idéal
principal DB/A de A engendré par D(x1 , . . . , xn ), où (x1 , . . . , xn ) est une base
de B sur A.

Remarque 9.8. La définition ci-dessus est consistante. En effet, la proposition 9.6


montre que les discriminants de deux systèmes formés par deux bases quelconques
diffèrent d’un élément inversible, donc les idéaux engendrés coïncident.

Proposition 9.9. Soient B un anneau et A un sous-anneau de B tels que B soit


un A-module libre de rang fini n. Si A est un anneau intègre, ou plus générale-
ment si l’idéal DB/A contient un élément qui n’est pas diviseur de zéro, pour que
(x1 , . . . , xn ) ∈ B n soit une base de B sur A, il faut et il suffit que DB/A soit
engendré par D(x1 , . . . , xn ).

Démonstration. La condition étant nécessaire par définition, montrons qu’elle est


suffisante. On suppose que d = D(x1 , . . . , xn ) engendre DB/A . Soit (e1 , . . . , en ) une
A-basede B et posons d = D(e1 , . . . , en ). En écrivant, pour tout i, 1  i  n,
xi = j=n 2  
j=1 aij ej , on a d = (det(aij )) d . Comme Ad = DB/A = Ad , il existe

α ∈ A tel que d = αd, d’où d(1 − α(det(aij )) ) = 0. L’élément d n’est pas
2

diviseur de zéro, car sinon tout élément de Ad = DB/A serait diviseur de zéro, ce
qui est contradictoire avec l’hypothèse. On en déduit que 1 − α(det(aij ))2 = 0,
d’où det(aij ) est inversible. La matrice (aij ) est donc inversible et (x1 , . . . , xn ) est
une base de B sur A. ♦

Proposition 9.10. Soient A un anneau, B1 , . . . , Bq des anneaux contenant A et qui


i=q
sont des A-modules libres de rang fini, B = i=q i=1 Bi . Alors DB/A = i=1 DBi /A .

Démonstration. Il suffit de traiter le cas q = 2, une récurrence évidente don-


nera ensuite le résultat. Soient (x1 , . . . , xm ) et (y1 , . . . , yn ) des A-bases de B1
et B2 respectivement. En identifiant, dans B1 × B2 , B1 à B1 × {0} et B2 à
{0} × B2 , on peut écrire que (x1 , . . . , xm , y1 , . . . , yn ) est une base de B1 × B2
sur A. Dans cette écriture, on a, pour tout i et tout j, xi yj = 0 (il faut comprendre
(xi , 0)(0, yj ) = (0, 0)). On a donc

(TrB/A (xi xj )) 0
D(x1 , . . . , xm , y1 , . . . , yn ) =
0 (TrB/A (yk yl ))

(matrice diagonale par blocs), d’où

D(x1 , . . . , xm , y1 , . . . , yn ) = D(x1 , . . . , xm )D(y1 , . . . , yn ). ♦

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9. Ramification

Proposition 9.11. Soient B un anneau, A un sous-anneau de B, tels que B soit


un A-module libre de rang fini n, (x1 , . . . , xn ) une A-base de B et a un idéal de
A. Pour x ∈ B, on note x la classe de x modulo a. Alors (x1 , . . . , xn ) est une
A/a-base de B/aB et on a D(x1 , . . . , xn ) = D(x1 , . . . , xn ).

Démonstration. Si (aij ) est la matrice de la multiplication par x par rapport à la


base (x1 , . . . , xn ), alors la matrice de la multiplication par x par rapport à la base
(x1 , . . . , xn ) est (aij ). D’où Tr(x) = Tr(x). ♦

Définition 9.12. Un anneau est dit réduit si zéro est son seul élément nilpotent.

Proposition 9.13. Si A est un anneau nœthérien réduit, l’idéal (0) est intersection
d’un nombre fini d’idéaux premiers.

Démonstration. D’après la proposition 5.3, tout idéal de A contient un produit


d’idéaux premiers. On a donc
n
(0) ⊃ pn1 1 · · · pq q

et, comme (0) est le plus petit idéal de A,


n
(0) = pn1 1 · · · pq q .
n
On en déduit que si x ∈ p1 ∩ · · · ∩ pq , on a xn1 +···+nq ∈ pn1 1 · · · pq q = (0), d’où
xn1 +···+nq = 0. Par conséquent, puisque A est réduit, on a x = 0 et il en découle
que p1 ∩ · · · ∩ pq = (0). ♦

Proposition 9.14. Soient K un corps de caractéristique nulle ou un corps fini et L


une K-algèbre commutative de dimension finie. Pour que L soit un anneau réduit,
il faut et il suffit que DL/K = 0.

Démonstration. Supposons que L soit non réduit et soit x ∈ L un élément non nul
nilpotent. On pose x = x1 et l’on complète en une K-base (x1 , . . . , xn ). Alors,
pour tout j, 1  j  n, l’élément x1 xj est nilpotent, donc la multiplication par
x1 xj est un endomorphisme nilpotent de L. Par conséquent, toutes ses valeurs
propres sont nulles, donc TrL/K (x1 xj ) = 0, 1 < j  n. La matrice TrL/K (xi xj )
ayant une ligne de zéros, son déterminant D(x1 , . . . , xn ) est nul, d’où DL/K = (0).
Réciproquement, supposons que L soit réduit. Comme K est un corps et que
L est un K-algèbre de dimension finie, L est un anneau nœthérien. D’après  la
proposition 9.13, l’idéal (0) est intersection finie d’idéaux premiers, (0) = i=r q
i=1 i .
Pour tout i, 1  i  r, L/qi est un anneau intègre, de dimension finie sur K, donc,

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Chapitre VI. Éléments entiers et anneaux de Dedekind

d’après le théorème 1.7, c’est un corps (car toute algèbre de dimension finie sur
un corps K est un anneau entier sur K). On en déduit que, pour tout i, 1  i  r,
qi est un idéal maximal, d’où, pour tout i et tout j, 1  i, j  r, on a qi + qj = L.
i=r
i=rque L  i=1 L/qi . Par conséquent, d’après la
Le théorème chinois entraîne
proposition 9.10, DL/K = i=1 D(L/qi )/K . On sait, d’après la proposition 2.6, que
pour tout i, 1  i  r, D(L/qi )/K = 0, d’où DL/K = 0. ♦

On revient maintenant au cas où K est un corps de nombres, L est une ex-


tension de K, [L : K] = n, A est l’anneau des entiers de K et B est l’anneau des
entiers de L.

Remarque 9.15. Si (x1 , . . . , xn ) est une K-base de L contenue dans B, on sait,


d’après le corollaire 2.5, que pour tout i et j, 1  i, j  n, TrL/K (xi xj ) ∈ A. Par
conséquent, DB/A est un idéal entier sur A (i.e. contenu dans A). On a vu à la
proposition (2.6) qu’il est non nul.

Théorème 9.16. Sous les hypothèses ci-dessus, pour qu’un idéal premier p de A se
ramifie dans B, il faut et il suffit que p ⊃ DB/A . Les idéaux premiers de A qui se
ramifient dans B sont en nombre fini.

Démonstration. La seconde assertion découle immédiatement de la première. En


effet, la condition p ⊃ DB/A signifie que p|DB/A , i.e. que les idéaux premiers
de A qui se ramifient dans B apparaissent dans la « décomposition en facteurs
premiers » de DB/A (théorème 6.5.i). Ils sont donc en nombre fini.
Démontrons
la première assertion. D’après le corollaire 9.4, on a
B/pB  i=r i=1 B/q ei
i .

Lemme 9.16.1. L’idéal premier p de A se ramifie dans B si et seulement si B/pB


est un anneau non réduit.

Démonstration. Supposons qu’il existe i, 1  i  r, tel que ei  2. On peut,


sans restreindre la généralité de la démonstration, supposer que e1 = 2. Soit
x1 ∈ q1 \ q21 : alors x = (x1 , 0, . . . , 0) est un élément non nul de B/pB et x2 = 0,
d’où B/pB est non réduit.
Si B/pB est non réduit, alors il ne peut être isomorphe à un produit de corps,
ce qui entraîne qu’il existe au moins un indice i, 1  i  r, tel que ei  2. ♦

D’autre part, A/p est un extension finie de Z/(p ∩ Z)  Z/pZ, où p est un


nombre premier. Par conséquent A/p est un corps fini et, d’après la proposi-
tion 9.14, on déduit du lemme (9.16.1) le lemme suivant.

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9. Ramification

Lemme 9.16.2. L’idéal premier p de A se ramifie dans B si et seulement si

D(B/pB)/(A/p) = (0) ♦

Posons A = Ap, B  = (A \ p)−1 B, p = pAp. Remarquons que,


d’après TR.I.B.3, le morphisme canonique de B dans B  est injectif : nous consi-
dérerons dans la suite B comme sous-anneau de B  . On sait, d’après la proposi-
tion 6.8, que A est un anneau principal, donc, d’après le théorème 4.6, que B 
est un A -module libre de rang n. On a A /p  A/p et B  /p B   B/pB. Soit
(b1 , . . . , bn ) une base de B  sur A . D’après la proposition 9.11, on a le lemme
suivant.

Lemme 9.16.3. L’idéal D(B/pB)/(A/p) = (0) si et seulement si D(b1 , . . . , bn ) ∈ p .


Supposons maintenant que p se ramifie dans B. Alors D(b1 , . . . , bn ) ∈ p . Si


. , xn ) est une K-base de L contenue dans B, on a, pour tout i, 1  i  n,
(x1 , . . 
j=n    
xi = j=1 aij bj , avec pour tout i et tout j, aij ∈ A (car B ⊂ B ). Comme
D(x1 , . . . , xn ) = (det(aij ))2 D(b1 , . . . , bn ), on en déduit que D(x1 , . . . , xn ) ∈ p .
Puisque p ∩ A = p, on a D(x1 , . . . , xn ) ∈ p, d’où DB/A ⊂ p.
Réciproquement, si DB/A ⊂ p, on en déduit que D(b1 , . . . , bn ) ∈ p , car on
peut écrire, pour tout i, bi = ysi , yi ∈ B, s ∈ A \ p. Ainsi,

D(b1 , . . . , bn ) = s−2 D(y1 , . . . , yn ) ∈ A DB/A ⊂ A p = p .

Par conséquent, d’après le lemme 9.16.3, D(B/pB)/(A/p) = (0) et, d’après le


lemme 9.16.2, l’idéal p se ramifie dans B. ♦

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7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN

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THÈMES DE RÉFLEXION

♠ TR.VI.A. Quelques propriétés des anneaux de Dedekind

Nous avons vu à la proposition (6.8) que le localisé d’un anneau de Dedekind


par rapport à un idéal premier est un anneau principal. Nous allons approfondir
ici l’étude des relations entre anneaux principaux et anneaux de Dedekind.
1. Soient A un anneau de Dedekind, p1 , . . . , pn des idéaux premiers de A distincts
et ri , 1  i  n, des nombres entiers strictement positifs. Montrer que la projection
canonique

i=n
A −→ A/pri i
i=1

induit un isomorphisme

i=n 
i=n
A/ pri i −→ A/pri i .
i=1 i=1

2. En déduire qu’un anneau de Dedekind qui n’a qu’un nombre fini d’idéaux pre-
miers est un anneau principal (montrer que chacun de ces idéaux premiers est
principal et en déduire que tout idéal est principal).
3. Soient A un anneau de Dedekind
et a un idéal de A. Montrer que A/a est un
anneau principal (écrire a = i=r pni −1 A avec S = A \ ∪r p ).
i=1 i et considérer S 1 i
4. En déduire que dans un anneau de Dedekind, tout idéal est engendré par au
plus deux éléments.
Nous allons maintenant démontrer le résultat suivant.

Théorème. Si A est un anneau intègre dont le monoïde des idéaux fractionnaires


est un groupe, alors A est un anneau de Dedekind.

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Algèbre T2

Cela et le théorème 6.5.ii prouvent qu’un anneau intègre est de Dedekind


si et seulement si le monoïde de ses idéaux fractionnaires est un groupe.
Soit A un anneau intègre dont le monoïde des idéaux fractionnaires est un
groupe. On note K le corps des fractions de A.
5. Soit a un idéal de A. Montrer  qu’il existe n ∈ N et, pour tout i, 1  i  n, des
éléments ai ∈ a, bi ∈ K tels que i=n i=1 ai bi = 1.
6. Montrer que pour tout i, 1  i  n, l’élément ai bi appartient à A.
7. En déduire que A est un anneau nœthérien.
8. Soient a et b des idéaux fractionnaires de A. Montrer que si a est strictement
contenu dans b, alors b−1 est strictement inclus dans a−1 .
9. Soient p un idéal premier de A et m un idéal maximal de A contenant p.
Montrer que pm−1 est un idéal de A. En déduire qu’il existe un idéal b de A tel
que p = bm, puis que b = A.
10. En déduire que tout idéal premier de A est maximal.
11. Soit p un idéal premier de A. Montrer que si t ∈ pAp \ p2 Ap, alors tAp = pAp.
En déduire que Ap est un anneau principal.
On en déduit que pour tout idéal premier p de A, l’anneau Ap est intégralement
clos (théorème 1.9).
12. Soit (Ai )i∈I une famille d’anneaux intègres de même corps des fractions  K.
Montrer que si, pour tout i ∈ I, l’anneau Ai est intégralement clos, alors i∈I Ai
est un anneau intégralement clos.
13. En déduire que l’anneau A est intégralement clos (montrer que A est égal
à l’intersection des Ap, où p parcourt l’ensemble des idéaux maximaux – i.e.
premiers – de A (difficile)).

♠ TR.VI.B. Ramification des nombres premiers


dans un corps cyclotomique
Nous allons d’abord démontrer le résultat suivant.

Proposition. Soient K un corps de caractéristique nulle ou un corps fini et


L = K[x] une extension de degré fini n. Alors

D(1, x, . . . , xn−1 ) = NL/K (Mx (x)),

où Mx (X) désigne le polynôme dérivé du polynôme minimal de x sur K.


1. On note x1 , . . . , xn les conjugués de x. Montrer que

D(1, x, . . . , xn−1 ) = (det(xji ))2 , 1  i, j  n.

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♠ TR.VI.C. Décomposition des nombres premiers dans un corps quadratique

2. En déduire que
⎛ ⎞
 
D(1, x, . . . , xn−1 ) = ⎝ (xi − xj )⎠
i j=i

(utiliser le déterminant de Vandermonde).


3. En notant Mx (X) le polynôme minimal de x sur K, montrer que

Mx (xi ) = (xi − xj ).
j=i

4. En déduire la proposition (remarquer que Mx (xi ) est conjugué de Mx (x) et
appliquer théorème 2.3).
5. Montrer que, dans le cas de polynômes de degré 2 ou 3, on retrouve le discri-
minant usuel.
Soient p un nombre entier naturel premier et ζ une racine primitive p-ième
de l’unité. On pose K = Q, L = Q(ζ). Alors A = Z, B = Z[ζ], (1, ζ, . . . , ζ p−2 )
est une base de B sur A (ou de L sur K) et Mζ (X) = X p−1 + · · · + 1. Nous
allons déterminer DQ(ζ)/Q , i.e. calculer D(1, ζ, . . . , ζ p−2 ). D’après la proposition
ci-dessus, cela revient à calculer NQ(ζ)/Q (Mζ (ζ)).
6. De l’expression (X − 1)Mζ (X) = X p − 1, déduire que (ζ − 1)Mζ (ζ) = pζ p−1 .
7. En déduire que NQ(ζ)/Q (Mζ (ζ)) = ± pp−2 (utiliser les relations du para-
graphe 3).

Ce résultat et le théorème 9.16 entraînent le théorème suivant.

Théorème. Soient p un nombre entier naturel premier et ζ une racine primitive


p-ième de l’unité. Le seul nombre premier qui se ramifie dans Z[ζ] est p.

♠ TR.VI.C. Décomposition des nombres premiers


dans un corps quadratique
Dans toute
√ la suite, d est un nombre entier relatif sans facteur carré, K = Q
et L = Q( d). Alors, A = Z et

B = Z[ d] si d est congru à 2 ou 3 modulo 4,

B = Z[ 1+2 d ] si d est congru à 1 modulo 4
(cf. paragraphe 1).

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Algèbre T2


Supposons que d est congru à 2 ou 3 modulo 4. Alors (1, d) est une base
de B sur Z.
1. Montrer que
√ 2 0
D(1, d) = = 4d.
0 2d

2. En déduire que les seuls nombres premiers de Z qui se ramifient dans Z[ d]
sont 2 et les diviseurs premiers de d.

Supposons maintenant que d est congru à 1 modulo 4. Alors (1, 1+2 d ) est
une base de B sur Z.
3. Montrer que # √ $
1+ d 2 1
D 1, = d+1 = d.
2 1 2

4. En déduire que les seuls nombres premiers de Z qui se ramifient dans Z[ 1+2 d ]
sont les diviseurs premiers de d.
On va maintenant étudier comment, pour un nombre premier p donné, l’idéal
pB se décompose dans B.
D’après le théorème 9.3, on a


i=r
ei fi = 2,
i=1

ce qui entraîne que r  2. En conséquence, seuls trois cas peuvent se présenter :


(i) r = 2, e1 = e2 = 1, f1 = f2 = 1 ; on dit que p est décomposé dans B,
(ii) r = 1, e1 = 2, f1 = 1 ; autrement dit p se ramifie dans B,
(iii) r = 1, e1 = 1, f1 = 2 ; on dit que p est inerte dans B.
5. Montrer que p est décomposé, resp. se ramifie, resp. est inerte, dans B signifie
que B/pB est le produit de deux corps, resp. a des éléments non nuls nilpotents,
resp. est un corps.
Supposons que p est impair.
6. Montrer que, quelle que soit la valeur de d, on a

B/pB  Z[ d]/(p)  Fp [X]/(X 2 − d),

où d est la classe de d modulo p (remarquer que Z[ d]  Z[X]/(X 2 − d)).
7. Déduire de 5 et 6 que p est décomposé, resp. se ramifie, resp. est inerte, dans B
signifie que dans Fp [X], le polynôme X 2 − d est produit de deux facteurs distincts
du premier degré, resp. est un carré, resp. est irréductible.

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♠ TR.VI.D. Théorème des deux carrés

8. Montrer que les trois conditions de 7 se produisent si d est, dans Fp , un carré


non nul, resp. est nul, resp. n’est pas un carré.
Lorsque d est un carré non nul dans Fp , on dit que d est un résidu quadra-
tique modulo p. Lorsque d n’est pas un carré dans Fp , on dit que d est non
résidu quadratique modulo p.
On suppose maintenant que p = 2.
9. Montrer que si d est congru à 2 ou 3 modulo 4, alors 2 se ramifie dans B.
10. Montrer que si d est congru à 1 modulo 4, alors ou bien d ≡ 1 (mod 8) auquel
cas 2 est décomposé, ou bien d ≡ 5 (mod 8) auquel cas 2 est inerte.
En résumé, on a démontré que les nombres premiers de Z qui :
(i) sont décomposés dans B sont les nombres premiers impairs p tels que
d soit résidu quadratique mod p et 2 si d ≡ 1 (mod 8),
(ii) sont ramifiés dans B sont les diviseurs premiers impairs de d et 2 si
d ≡ 2 ou 3 (mod 4),
(iii) sont inertes dans B, sont les nombres premiers impairs p tels que d
soit non résidu quadratique mod p et 2 si d ≡ 5 (mod 8).

♠ TR.VI.D. Théorème des deux carrés

Nous allons appliquer les résultats du TR.VI.C ci-dessus pour donner une
condition nécessaire et suffisante pour qu’un nombre entier naturel soit somme
des carrés de deux nombres entiers. On considère, avec les notations du TR.VI.C,
le cas d = −1, i.e. L = Q(i). Puisque −1 ≡ 3 (mod 4), on a B = Z[i]. On
sait que l’anneau Z[i] est euclidien (TR.II.A), donc principal. On notera que la
démonstration proposée dans TR.II.A pour montrer que l’anneau Z[i] est euclidien
s’adapte facilement pour montrer directement qu’il est principal.
On sait que −1 est un carré dans Fp si p est congru à 1 modulo 4 (on peut le
p−1
−1 −1
voir avec la formule = (−1) 2 , où est le symbole de Legendre,
p p
[G-H], TR.XV.A). Par conséquent, on déduit de la classification du TR.VI.C que :
– les nombres premiers de la forme 4k + 1 sont décomposés,
– les nombres premiers de la formes 4k + 3 sont inertes,
– 2 se ramifie dans Z[i].
On en déduit que si p est un nombre premier congru à 1 modulo 4, alors pZ[i]
se décompose en un produit q1 q2 d’idéaux premiers distincts.

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Algèbre T2

1. Montrer que NZ[i]/Z (q1 ) = NZ[i]/Z (q2 ) = p.


2. En déduire qu’il existe a et b dans Z tels que p = a2 + b2 (utiliser le fait que
Z[i] est un anneau principal).
Le but de ce TR est de démontrer le résultat suivant :

Théorème (des deux carrés). Soient x un nombre entier naturel et x = p pnp (x)
sa décomposition en produit de facteurs premiers. Pour que x soit la somme des
carrés de deux nombres entiers, il faut et il suffit que, pour tout nombre premier
p congru à 3 modulo 4, l’exposant np (x) soit pair.

La méthode proposée est analogue à celle utilisée pour démontrer le théorème


des quatre carrés (cf. [G-H], TR.IX.B et TP.VIII).
On remarquera que, par multiplicativité de la norme, l’ensemble des sommes
des carrés de deux nombres entiers est stable par multiplication.
3. En déduire que la condition de l’énoncé est suffisante (utiliser la question 2).
On suppose maintenant que x = a2 + b2 , a, b ∈ Z et que p est un nombre
premier congru à 3 modulo 4. L’idéal pZ[i] est premier.
4. Montrer que l’exposant de pZ[i] dans la décomposition de xZ[i] est pair (remar-
quer que a2 + b2 = (a + ib)(a − ib) et que pZ[i] est stable par l’automorphisme
(u + iv) → (u − iv)).
5. Conclure que la condition de l’énoncé est nécessaire.

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VII
DUALITÉ

L’un des chapitres importants du programme d’algèbre linéaire de L1 ou L2


porte sur l’étude de la dualité linéaire. C’est un formalisme fort utile, dont le
bon fonctionnement repose essentiellement sur le fait qu’un espace vectoriel de
dimension finie et son bidual sont canoniquement isomorphes. Nous allons voir
dans ce chapitre que la notion de dualité pour les modules sur un anneau, éga-
lement très utile, est plus subtile que dans le cas des espaces vectoriels, car un
module n’est pas nécessairement libre. Pour établir avec simplicité les résultats
fondamentaux de la dualité, nous allons d’abord introduire le langage des suites
exactes de modules. Ce langage, très simple, permet une grande économie dans la
rédaction des énoncés et de leurs démonstrations. Il permet de plus, très souvent,
une meilleure compréhension des phénomènes. Nous étudierons ensuite le compor-
tement des modules d’applications linéaires par rapport aux suites exactes. Cela
nous permettra de comparer les propriétés des morphismes entre deux modules et
celles de leurs transposés entre les modules duaux. Enfin, nous introduirons la
notion d’orthogonalité qui généralise celle bien connue dans le cadre des espaces
vectoriels.

1. Modules d’applications linéaires et suites exactes

Définition 1.1. Soit A un anneau. Une suite


M  −→ M −→ M  ,
u v

où M, M  , M  sont des A-modules et où u et v sont des morphismes de


A-modules, est exacte (ou exacte en M ) si Im(u) = Ker(v).
Une suite d’au moins trois morphismes est exacte si chaque suite de deux
morphismes consécutifs est exacte.

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Chapitre VII. Dualité

Remarques 1.2.
u
a) La suite 0 −→ M  −→ M est exacte si et seulement si le morphisme u est
v
injectif et la suite M −→ M  −→ 0 est exacte si et seulement si le morphisme v
est surjectif.
b) Si u : M  −→ M est un morphisme de A-modules, pour tout A-module N ,
– on note u : HomA (M, N ) −→ HomA (M  , N ) le morphisme de A-modules
défini par u(w) = w ◦ u (on remarquera le « renversement » du sens des flèches),
– on note u : HomA (N, M  ) −→ HomA (N, M ) le morphisme de A-modules
défini par u(w) = u ◦ w.

Théorème 1.3. Soient A un anneau, u : M  −→ M et v : M −→ M  des mor-


phismes de A-modules.
(i) Pour que la suite

0 −→ M  −→ M −→ M 
u v

soit exacte, il faut et il suffit que, pour tout A-module N , la suite


u v
0 −→ HomA (N, M  ) −→ HomA (N, M ) −→ HomA (N, M  )

soit exacte.
(ii) Pour que la suite

M  −→ M −→ M  −→ 0
u v

soit exacte, il faut et il suffit que, pour tout A-module N , la suite

0 −→ HomA (M  , N ) −→ HomA (M, N ) −→ HomA (M  , N )


v u

soit exacte.

Démonstration. On va donner une démonstration de l’assertion (ii), celle de l’as-


sertion (i) étant de même nature et plus facile. On suppose que la suite

M  −→ M −→ M  −→ 0
u v

est exacte.
Montrons que le morphisme v est injectif : soit w ∈ Hom(M  , N ) tel que
v(w) = w ◦ v = 0. Puisque v est surjectif, cela entraîne w = 0.
Montrons l’exactitude en HomA (M, N ) : remarquons que l’on a l’égalité
u ◦ v(w) = w ◦ v ◦ u. Puisque v ◦ u = 0, on a u ◦ v = 0 et Im(v) ⊆ Ker(u). D’autre

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1. Modules d’applications linéaires et suites exactes

part, si w ∈ Ker(u), alors w ◦ u = 0 et Im(u) ⊆ Ker(w). Mais Im(u) = Ker(v),


donc Ker(v) ⊆ Ker(w). D’après le théorème de passage au quotient et en utilisant
le fait que M/Ker(v)  M  , il existe un morphisme w ∈ HomA (M  , N ) tel que
w = w ◦ v = v(w ). On en déduit que Ker(u) ⊆ Im(v), ce qui prouve le résultat.
Réciproquement, on suppose que pour tout A-module N , la suite

0 −→ HomA (M  , N ) −→ HomA (M, N ) −→ HomA (M  , N )


v u

est exacte. En particulier, on a u ◦ v(w) = w ◦ v ◦ u = 0 pour tout w appartenant


à HomA (M  , N ). En prenant N = M  et pour w l’identité de M  , on a v ◦ u = 0,
d’où Im(u) ⊆ Ker(v).
On considère N = M/Im(u) et p : M −→ M/Im(u) la projection canonique.
On a u(p) = p ◦ u = 0, d’où, puisque Ker(u) = Im(v), il existe ϕ ∈ HomA (M  , N )
tel que p = v(ϕ) = ϕ ◦ v. On en déduit que Ker(v) ⊆ Im(u), ce qui prouve que la
suite
M  −→ M −→ M  −→ 0
u v

est exacte en M .
Puisque Im(u) = Ker(v), on a M/Im(u) = M/Ker(v)  Im(v). De l’injectivité
de v, on déduit l’unicité du morphisme ϕ, d’où M  = Im(v) et le morphisme v
est surjectif, ce qui achève la démonstration. ♦

Remarque 1.4. On déduit de ce qui précède qu’une application A-linéaire


u : M −→ N est surjective si et seulement si, pour tout A-module P , l’appli-
cation
u : HomA (N, P ) −→ HomA (M, P )
est injective.

Attention. Si, avec les notations du théorème 1.3, le morphisme u est injectif
(resp. le morphisme v est surjectif ), le morphisme u (resp. v) n’est pas néces-
u v
sairement surjectif. Autrement dit, si la suite 0 −→ M  −→ M −→ M  −→ 0 est
exacte, il n’en est pas forcément de même des suites

0 −→ HomA (M  , N ) −→ HomA (M, N ) −→ HomA (M  , N ) −→ 0


v u

(resp.
u v
0 −→ HomA (N, M  ) −→ HomA (N, M ) −→ HomA (N, M  ) −→ 0),

comme le montre l’exercice ci-dessous.

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Chapitre VII. Dualité

Exercice E1. On considère A = Z, N = Z et la suite exacte de A-modules


u v
0 −→ Z −→ Z −→ Z/nZ −→ 0

où le morphisme u est la multiplication par n = 1 et le morphisme v la projection


canonique. Montrer que, avec les notations précédentes, le morphisme u n’est pas
surjectif.
Traiter le même exercice avec la suite exacte

0 −→ Z −→ Q −→ Q/Z −→ 0

où les morphismes sont les inclusion et projection canoniques.

Nous allons développer ici la notion de section d’un morphisme, introduite à


l’exercice IV.E.4.

Exercice E2. Soient A un anneau et

0 −→ M  −→ M −→ M  −→ 0
u v

une suite exacte de A-modules. Montrer que les assertions suivantes sont équiva-
lentes.
(i) Le A-module M est isomorphe au A-module M  ⊕ M  .
(ii) Il existe s ∈ HomA (M  , M ) tel que v ◦ s = idM  .
(iii) Il existe r ∈ HomA (M, M  ) tel que r ◦ u = idM  .

Définition 1.5. Une suite exacte de A-modules

0 −→ M  −→ M −→ M  −→ 0
u v

est scindée si l’une des propriétés équivalentes ci-dessus est vérifiée.

Exercice E3. Déduire de ce qui précède que si la suite exacte

0 −→ M  −→ M −→ M  −→ 0
u v

est scindée, alors pour tout A-module N , les suites


u v
0 −→ HomA (N, M  ) −→ HomA (N, M ) −→ HomA (N, M  ) −→ 0

0 −→ HomA (M  , N ) −→ HomA (M, N ) −→ HomA (M  , N ) −→ 0


v u

sont exactes et scindées.

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2. Dualité

2. Dualité

Définitions 2.1.
a) Pour tout A-module M le A-module M ∗ = HomA (M, A) est appelé le
module dual de M et ses éléments sont les formes linéaires sur M .
b) Pour tout morphisme de A-modules u : M −→ N , on appelle trans-
posé de u, que l’on note t u, le morphisme de A-modules N ∗ −→ M ∗ défini
par t u(y ∗ ) = y ∗ ◦ u pour tout y ∗ ∈ N ∗ .

Exercice E4.
1. Donner des exemples de A-modules M non nuls tels que M ∗ = {0}.
2. Donner des exemples de morphismes de A-modules u : M −→ N ni injectifs,
ni surjectifs, tels que t u soit bijectif.

Soient M un A-module et M ∗ son dual. Pour tout couple d’éléments x ∈ M


et y ∗ ∈ M ∗ , on pose x, y ∗  = y ∗ (x). On vérifie que les relations suivantes sont
satisfaites :
x + x , y ∗  = x, y ∗  + x , y ∗ 
x, y ∗ + z ∗  = x, y ∗  + x, z ∗ 
αx, y ∗  = αx, y ∗ 
x, αy ∗  = αx, y ∗ 
où x, x ∈ M , y ∗ , z ∗ ∈ M ∗ et α ∈ A.
Autrement dit, l’application

M × M ∗ −→ A
(x, y ) −→ x, y ∗ 

est une forme bilinéaire (cf. section VIII.1 pour un rappel sur les applications
bilinéaires), appelée la forme bilinéaire canonique sur M × M ∗ .

Remarques 2.2.
a) Dans le cas particulier M = A, l’application

A −→ A∗

y −→ y ∗

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Chapitre VII. Dualité

où y ∗ est définie par y ∗ (x) = xy, est un isomorphisme de A-modules et la forme


bilinéaire canonique x, y ∗  sur A × A∗ s’identifie, par cet isomorphisme, au pro-
duit xy ∗ .
b) Si u : M −→ N est un morphisme de A-modules, alors t u est défini par

∀ x ∈ M, ∀ y ∗ ∈ N ∗ , u(x), y ∗  = x, t u(y ∗ ).

Théorème 2.3. Si
M  −→ M −→ M  −→ 0
u v

est une suite exacte de A-modules, la suite

0 −→ M ∗ −→ M ∗ −→ M ∗
v t u t

est exacte.

Démonstration. C’est un cas particulier du théorème 1.3. ♦



Théorème 2.4. Soient (Mi )i∈I des A-modules, M = i∈I Mi et αi : Mi −→ M ,
i ∈ I, les injections canoniques. Alors l’application
y ∗ −→ (t αi (y ∗ ))i∈I est un

isomorphisme de A-modules entre M et i∈I Mi . ∗

Démonstration. C’est un cas particulier de l’isomorphisme établi au TR.IV.A. ♦

Corollaire 2.5. Si M est un A-module libre de rang fini, M ∗ est un A-module libre
de même rang.

Démonstration. On applique le théorème 2.4 avec Mi = A, auquel cas


Mi∗ = A. ♦

Attention. On en déduit que, dans ce cas, M ∗ est isomorphe à M . Mais cet iso-
morphisme n’est pas canonique (il dépend du choix d’une base de M , par l’in-
termédiaire du choix d’un isomorphisme M  An ).
De plus, le résultat précédent n’est pas vrai, en général, si M n’est pas libre de
rang fini (prendre A = Z et M = Z/nZ) (cf. exercice E5 ci-dessous).

Théorème 2.6. Soient M un A-module libre de rang fini et (e1 , . . . , en ) une base
de M . Alors les éléments e∗i de M ∗ , 1  i  n, définis par e∗i (ej ) = δij , avec
δij = 1 si i = j et δij = 0 si i = j, forment une base de M ∗ , appelée la base duale
de la base (ei )1in .

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2. Dualité

Démonstration. Pour tout x = x1 e1 + · · · + xn en élément de M , on a

e∗i (x) = x1 e∗i (e1 ) + · · · + xi e∗i (ei ) + · · · + xn e∗i (en ).


D’après la définition de e∗i , cette somme est égale à xi . Pour tout f ∈ M ∗ , on a
f (x) = x1 f (e1 ) + · · · + xi f (ei ) + · · · + xn f (en ),
d’où, en posant f (ei ) = ai ∈ A,
f (x) = a1 e∗1 (x) + · · · + ai e∗i (x) + · · · + an e∗n (x).
Cette égalité étant vérifiée pour tout x ∈ M , on a donc f = a1 e∗1 + · · · + an e∗n ;
cela prouve que la famille (e∗i )1in est génératrice de M ∗ .
Considérons une combinaison linéaire à coefficients dans A,
b1 e∗1 + · · · + bi e∗i + · · · + bn e∗n = 0.
En évaluant cette forme linéaire sur ei , on tire bi = 0. Cela étant vrai pour tout
i, 1  i  n, on en déduit que la famille (e∗i )1in est libre. ♦

Remarque 2.7. En utilisant la forme bilinéaire canonique, la base duale (e∗i ) de la


base (ei ) est définie par ei , e∗i  = δij .
Si M est un A-module, on note M ∗∗ le dual du A-module M ∗ et on l’appelle
le bidual de M . Pour x ∈ M , l’application
M ∗ −→ A
y −→ x, y ∗ 

est une forme linéaire sur M ∗ et donc un élément de M ∗∗ , que l’on notera x̃. On
en déduit une application
cM : M −→ M ∗∗
x −→ x̃
qui est A-linéaire et canonique.

Attention. Cette application n’est, en général, ni injective, ni surjective (cf. exer-


cice E5 ci-dessous).

Exercice E5.
1. Donner un exemple de groupe abélien de type fini M tel que cM ne soit pas
injective.
2. Montrer que si E est un espace vectoriel de dimension infinie, cM n’est pas
surjective.

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Chapitre VII. Dualité

Théorème 2.8. Si le A-module M est libre (resp. libre de rang fini), l’application
canonique cM : M −→ M ∗∗ est injective (resp. bijective).

Démonstration. Soient (ei )i∈I une base du A-module M et (e∗i )i∈I sa base duale.
On a vu ci-dessus que pour tout x ∈ M , e∗i (x) = xi est la i-ième coordonnée de
x dans la base (ei )i∈I . Soit x ∈ M tel que x̃ = 0. On a donc y ∗ (x) = 0 pour tout
y ∗ ∈ M ∗ , donc en particulier pour y ∗ = e∗i , i ∈ I. On en déduit que xi = 0, i ∈ I,
d’où x = 0 et cM est injective.
Supposons que card(I) = n est fini. Puisque e∗i , ẽj  = e∗i (ej ) = δij , la famille
(e˜j )1jn est la base duale de la base (e∗i )1in . L’application cM transforme donc
une base de M en une base de M ∗∗ , elle est bijective. ♦

Remarques 2.9.
a) L’application cM étant canonique, on déduit de ce qui précède que si M est
un A-module libre de rang fini, les A-modules M et M ∗∗ sont canoniquement
isomorphes.
b) Si M est un A-module libre de rang fini et si (ei )1in est une base de M ,
alors (cM (ei ))1in est la base duale de (e∗i )1in .
c) Si M est un A-module libre de rang fini, toute base de M ∗ est la base duale
d’une base de M (il suffit de remarquer que, si (fi )1in est une base de M ∗ , sa
base duale (fi∗ )1in est une base de M ∗∗ et d’identifier M ∗∗ à M par cM ).

Proposition 2.10. Soient M et N deux A-modules libres de rang fini et u : M −→ N


un morphisme de A-modules. Alors, en identifiant M à M ∗∗ par cM et N à N ∗∗
par cN , on a t (t u) = u.

Démonstration. Il est clair que si u ∈ HomA (M, N ), alors t (t u) ∈ HomA (M ∗∗ , N ∗∗ ).


D’autre part, on vérifie facilement que le diagramme

u
M −−−−→ N
⏐ ⏐

cM 
⏐c
N
M ∗∗ −−−−→ N ∗∗
t (t u)

est commutatif, d’où l’identification de u et t (t u) par cM et cN . ♦

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3. Orthogonalité

3. Orthogonalité

Définitions 3.1. Soient M un A-module et M ∗ son dual.


a) Deux éléments x ∈ M et y ∗ ∈ M ∗ sont dits orthogonaux si x, y ∗  = 0.
b) Une partie N de M et une partie N  de M ∗ sont des ensembles or-
thogonaux si tout élément de N est orthogonal à tout élément de N  .
c) Soit N une partie de M . On note N ⊥ l’ensemble des éléments de M ∗
qui sont orthogonaux aux éléments de N , i.e. N ⊥ = {y ∗ ∈ M ∗ , Ker y ∗ ⊃ N },
et on l’appelle l’orthogonal de N .

Remarque 3.2. Si N est une partie d’un A-module M , alors pour tout y ∗ , tout
z ∗ ∈ N ⊥ et tout λ ∈ A, on a y ∗ + z ∗ ∈ N ⊥ et λ y ∗ ∈ N ⊥ , autrement dit N ⊥ est
un sous-A-module de M ∗ .

Proposition 3.3.
(i) Si N ⊂ P sont deux parties d’un A-module M , alors P ⊥ ⊂ N ⊥ .
(ii) Si (Ni )i∈I est une famille de parties d’un A-module M , alors
# $⊥
' 
Ni = Ni⊥ ,
i∈I i∈I

et cesous-module de M ∗ est aussi l’orthogonal du sous-module de M engendré


par i∈I Ni .

Démonstration. C’est une vérification facile laissée au lecteur à titre d’exercice.


Proposition 3.4. Soit u : M −→ M  un morphisme de A-modules.


( )⊥
(i) Si N est un sous-A-module de M , alors u(N ) = (t u)−1 (N ⊥ ).
(ii) (u(M ))⊥ = Ker(t u).

Démonstration.
(i) Le morphisme t u est défini par

∀ x ∈ M, ∀ y ∗ ∈ M ∗ , u(x), y ∗  = x, t u(y ∗ ).

Or,
(u(N ))⊥ = {y ∗ ∈ M ∗ | u(x), y ∗  = 0, x ∈ N },

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Chapitre VII. Dualité

d’où,
(u(N ))⊥ = {y ∗ ∈ M ∗ | x, t u(y ∗ ) = 0, x ∈ N }.
Autrement dit, y ∗ appartient à (u(N ))⊥ si et seulement si t u(y ∗ ) appartient à
N ⊥ . D’où (u(N ))⊥ = (t u)−1 (N ⊥ ).
(ii) On en déduit que
(u(M ))⊥ = (t u)−1 (M ⊥ ) = (t u)−1 (0) = Ker(t u). ♦

Proposition 3.5. Soient M un A-module, N un sous-A-module de M , i : N → M


l’injection canonique et π : M −→ M/N la projection canonique. Alors
(i) t π est un isomorphisme de (M/N )∗ sur N ⊥ ,
(ii) t i induit un morphisme injectif M ∗ /N ⊥ −→ N ∗ .

Démonstration. (i) La suite


i π
0 −→ N −→ M −→ M/N −→ 0
est exacte. On déduit du théorème 1.3 que la suite
tπ ti
0 −→ (M/N )∗ −→ M ∗ −→ N ∗
est exacte. On en déduit que (M/N )∗ est isomorphe à Im(t π) = Ker(t i). Or,
Ker(t i) = N ⊥ .
(ii) Par passage au quotient, le morphisme t i : M ∗ −→ N ∗ induit un mor-
phisme injectif M ∗ /Ker(t i) −→ N ∗ , i.e. M ∗ /N ⊥ −→ N ∗ . ♦

Remarque 3.6. D’après la définition de l’orthogonal d’une partie, on peut dé-


finir l’orthogonal de l’orthogonal. Pour toute partie N d’un A module M , on a
N ⊥⊥ ⊂ M . Dans cette situation, on peut rencontrer les mêmes problèmes qu’avec
le bidual.

Exercice E6. Soient K un corps, I un ensemble infini et A = K I . Montrer que le


A-module A est tel que A⊥⊥ = A.

Exercice E7 (¶). Soient A un anneau principal, K son corps des fractions, M un


A-module sans torsion et de type fini (il est donc libre de rang fini n) et N un
sous-A-module de M .
a) Montrer que le A-module M ∗ /N ⊥ est sans torsion. En déduire que N ⊥ est
en facteur direct dans M ∗ .
b) Montrer que le sous-A-module N ⊥⊥ est isomorphe à M ∩ KN (M est
considéré comme plongé dans un K-espace vectoriel de dimension n).

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THÈMES DE RÉFLEXION

♠ TR.VII.A. Modules injectifs – Modules projectifs

Les modules projectifs que nous allons introduire et étudier ci-dessous jouent
un rôle fondamental dans beaucoup de domaines des mathématiques. En effet, ils
constituent une classe de modules plus large que celle des modules libres, dont les
propriétés suffisent à résoudre de nombreux problèmes.
Nous allons d’abord introduire et étudier une notion duale, celle de module
injectif.
Nous avons vu, dans l’exercice E1, des exemples de A-modules M, M  , N et
de morphismes u : M  −→ M injectifs tels que les morphismes

u : HomA (M, N ) −→ HomA (M  , N )

associés ne soient pas surjectifs. Nous allons maintenant étudier une classe de
A-modules pour lesquels cela ne se produit pas.
Un A-module N est injectif si pour toute suite exacte de A-modules

M  −→ M −→ M  ,
u v

la suite de A-modules

HomA (M  , N ) −→ HomA (M, N ) −→ HomA (M  , N )


v u

est exacte.
1. Montrer qu’un A-module N est injectif si et seulement si, pour tout morphisme
injectif de A-modules u : M  −→ M , le morphisme

u : HomA (M, N ) −→ HomA (M  , N )

est surjectif.

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Algèbre T2

2. En déduire qu’un A-module N est injectif si et seulement si, pour tout mor-
phisme injectif de A-modules u : M  −→ M et tout morphisme de A-modules
f : M  −→ N , il existe un morphisme de A-modules g : M −→ N tel que
f = g ◦ u.
3. Montrer qu’un A-module N est injectif si et seulement si la propriété de la
question précédente est satisfaite lorsque M = A, M  est un idéal de A et u est
l’injection canonique. (Pour montrer que la condition est suffisante, on considère
un morphisme injectif de A-modules u : M  −→ M et un morphisme de A-modules
f : M  −→ N . Soit F l’ensemble des couples (P, v), où P est un sous-A-module
de M contenant u(M  ) et v : P −→ N un morphisme de A-modules tel que
f = v ◦ u. En munissant F d’une relation d’ordre adéquate et en appliquant le
lemme de Zorn, montrer que F admet un élément maximal (Q, g), avec Q = M ).
Un A-module N est divisible si

∀ a ∈ A, a = 0, ∀ x ∈ N, ∃ y ∈ N | x = ay.

4. Supposons que l’anneau A est intègre. Montrer que :


a) tout A-module injectif est divisible,
b) tout A-module sans torsion et divisible est injectif,
c) si l’anneau A est principal, tout A-module divisible est injectif.
5. Montrer que les Z-modules Q et Q/Z sont injectifs. Plus généralement, montrer
que si A est un anneau principal et K est son corps des fractions, le A-module
K/A est injectif.

6. Montrer que si (Ni )i∈I est une famille de A-modules, le A-module i∈I Ni est
injectif si et seulement si chaque Ni est injectif.
7. Montrer que si l’anneau A est nœthérien (cf. TR.II.C), toute somme directe
de A-modules injectifs est un A-module injectif.
Nous étudierons au TR suivant des propriétés très importantes des modules
injectifs. En particulier, nous montrerons que tout A-module se plonge dans un
A-module injectif, « minimal » dans un certain sens.
Nous avons jusqu’à maintenant étudié le comportement de HomA (−, N ) par
rapport aux suites exactes. Nous allons désormais étudier le même problème pour
HomA (N, −).
8. Soient A un anneau, u : M  −→ M et v : M −→ M  des morphismes de
A-modules. Montrer que la suite

0 −→ M  −→ M −→ M 
u v

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♠ TR.VII.A. Modules injectifs – Modules projectifs

est exacte si et seulement si, pour tout A-module N , la suite


u v
0 −→ HomA (N, M  ) −→ HomA (N, M ) −→ HomA (N, M  )

est exacte (faire un raisonnement analogue à celui du théorème 1.3).


9. Donner des exemples dans lesquels le morphisme v est surjectif et le morphisme
v ne l’est pas (analogue de l’exercice E1).
Un A-module N est projectif si pour toute suite exacte de A-modules

M  −→ M −→ M 
u v

la suite de A-modules
u v
HomA (N, M  ) −→ HomA (N, M ) −→ HomA (N, M  )

est exacte.
10. Montrer qu’un A-module N est projectif si et seulement si pour tout mor-
phisme surjectif de A-modules v : M −→ M  , le morphisme

v : HomA (N, M ) −→ HomA (N, M  )

est surjectif.
11. En déduire qu’un A-module N est projectif si et seulement si, pour tout mor-
phisme surjectif de A-modules v : M −→ M  et tout morphisme de A-modules
f : N −→ M  , il existe un morphisme de A-modules g : N −→ M tel que f = v◦g.

12. Montrer que si (Ni )i∈I est une famille de A-modules, le A-module i∈I Ni
est projectif si et seulement si chaque Ni est projectif.
13. En déduire qu’un A-module libre est projectif.
On en déduit donc que tout A-module est isomorphe à un quotient d’un
A-module projectif.
14. Montrer qu’un A-module N est projectif si et seulement s’il est facteur direct
d’un A-module libre.
15. Montrer qu’un A-module N est projectif si et seulement si toute suite exacte
de A-modules
0 −→ M  −→ M −→ N −→ 0
est scindée.
16. Soit A un anneau intègre. Montrer que tout A-module projectif est sans tor-
sion. Montrer que la réciproque est fausse (considérer A = Z et M = Q).

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Algèbre T2

♠ TR.VII.B. Enveloppe injective


Dans ce TR, A est un anneau commutatif et, sauf mention explicite, tous les
modules considérés seront des A-modules.
Nous allons tout d’abord établir le résultat suivant.

Théorème. Pour tout module M , il existe un module injectif I contenant M .

1. Prouver le théorème dans le cas où A = Z.


2. Soit J un Z-module injectif : montrer que le A-module HomZ (A, J) est injectif.
3. Soient M un module et l’application j : M −→ HomZ (A, M ) définie par
j(x)(a) = ax, pour tout a ∈ A et tout x ∈ M . Montrer que l’application j est
A-linéaire et injective.
4. En déduire le théorème. (D’après la question 1, il existe un Z-module injectif
J tel que M ⊂ J. En déduire l’existence d’un morphisme injectif

HomZ (A, M ) −→ HomZ (A, J)

et conclure à l’aide des questions 2 et 3.)


Nous allons maintenant montrer que le module I, dont le théorème ci-dessus
affirme l’existence, peut être choisi « minimal » en un certain sens.
Soit j : M −→ N un morphisme injectif de modules. On dit que
j est essentiel
si, pour tout sous-module H de N , la propriété H = 0 implique H j(M ) = 0. Si
M est identifié (via j) à un sous-module de N , on dit que N est une extension
essentielle de M .
5. On suppose que A = Z. Montrer que Q est une extension essentielle de Z.
6. Montrer que si N = M ⊕ P avec P = 0, alors N ne peut être une extension
essentielle de M .
7. Montrer que la propriété d’être une extension essentielle est transitive.
8. Montrer que N est une extension essentielle de M si et seulement si, pour tout
n ∈ N \ {0}, il existe a ∈ A tel que an ∈ M \ {0} (pour montrer que la condition
est nécesssaire, on considérera le sous-module H engendré par l’élément b).
On suppose que M est un sous-module d’un module P et on note E(M, P ) l’en-
semble des extensions essentielles de M contenues dans P .
9. Montrer que l’ensemble E(M, P ) est non vide.
Soient J un ensemble totalement ordonné, dont on notera  la relation d’ordre,
et {Ej }j∈J une partie de E(M, P ) telle que Ei ⊂ Ej si i  j.

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♠ TR.VII.B. Enveloppe injective


10. Montrer que E = j∈J Ej est un module contenu dans P et que E ∈ E(M, P ).
Vérifier que E = Σj∈J Ej .
11. En déduire qu’il existe une extension essentielle maximale E de M contenue
dans P (utiliser le lemme de Zorn).
On se propose de démontrer le résultat suivant.

Proposition. Si M est un sous-module d’un module injectif I et si E est une


extension essentielle maximale de M contenue dans I, alors E est un module
injectif.

12. Montrons d’abord que toute extension essentielle de E est isomorphe à E.


Pour cela :
a) soit η : E −→ F une extension essentielle de E. Montrer qu’il existe un
morphisme injectif ϕ : F −→ I,
b) montrer que ϕ(F ) est une extension essentielle de M contenue dans I,
c) en déduire que η est un isomorphisme.

13. Soit E  (E, I) l’ensemble des sous-modules H de I tels que H E = 0.
a) Montrer que E  (E, I) est non vide.
b) Montrer que E  (E, I) possède un élément maximal H  .
14. Soit π : I −→ I/H  la projection canonique. Montrer que

σ = π|E : E −→ I/H 

est un morphisme injectif.



15. Soit H un moduletel que H  ⊂ H ⊂ I et H  =  H. Montrer que H E = 0
et, par suite, (H/H  ) σ(E) = 0. En déduire que σ est essentiel.
16. Déduire de ce qui précède que E est isomorphe (via σ) à I/H  et que la suite
exacte
0 −→ H  −→ I −→ E −→ 0,
où le morphisme I −→ E est σ −1 ◦ π, est scindée.
17. En déduire que le module E est injectif (un facteur direct d’un module injectif
est un module injectif !).
Cela prouve la proposition énoncée.
18. Montrer que si E1 et E2 sont deux extensions maximales de M respectivement
contenues dans I1 et I2 , alors les modules E1 et E2 sont isomorphes et tout module
injectif I contenant M contient un sous-module isomorphe à E1 .

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Algèbre T2

D’après le théorème et la proposition ci-dessus et la question 11, pour tout


module M , il existe une extension maximale qui est un module injectif. D’après
la question 18, cette extension maximale est unique à isomorphisme près et, par
conséquent, ne dépend que de M et pas du module injectif I. D’où la définition :
on appelle enveloppe injective d’un module M , que l’on note E(M ), l’extension
maximale injective de M .
19. Calculer les enveloppes injectives de Z, Z/pZ pour p nombre premier, et de
k[T ] où k est un corps.
20. Montrer qu’un module est injectif si et seulement si il n’a pas d’autre extension
essentielle que lui-même.

♠ TR.VII.C. Une autre dualité


Une théorie de dualité sur les modules a de bonnes propriétés quand on a un
isomorphisme canonique entre un module et son bidual. On a vu que, dans la
théorie de dualité « linéaire » étudiée dans ce chapitre, ce n’est le cas que lorsque
les modules sont libres de rang fini. Nous allons introduire ici une autre théorie de
dualité sur les modules, qui aura la propriété d’isomorphisme canonique entre un
module et son bidual pour une classe de modules beaucoup plus large que celle
des modules libres de rang fini.
Pour cela, nous allons d’abord introduire cette classe de modules : les modules
de longueur finie.
Soient A un anneau et M un A-module.
Une suite de composition de M est une suite finie de sous-A-modules Mi
de M , 0  i  n, telle que

{0} = Mn ⊂ Mn−1 ⊂ · · · ⊂ Mi+1 ⊂ Mi ⊂ · · · ⊂ M1 ⊂ M0 = M.

Les modules quotients Mi /Mi+1 sont appelés les quotients de la suite de com-
position et n est sa longueur (n est le nombre de quotients).
Si pour tout i, 0  i  n − 1, on a Mi = Mi+1 , on dit que la suite de
composition est strictement décroissante.
Soient Σ et Σ deux suites de composition d’un A-module M :

(Σ) {0} = Mn ⊂ Mn−1 ⊂ · · · ⊂ M1 ⊂ M0 = M

(Σ ) {0} = Kp ⊂ Kp−1 ⊂ · · · ⊂ K1 ⊂ K0 = M.


On dit que Σ est un raffinement de Σ si p  n et pour tout i, 0  i  n, il existe
ji , 0  ji  p, tel que Mi = Kji (autrement dit, la suite Σ est extraite de Σ ).

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♠ TR.VII.C. Une autre dualité

On écrit alors Σ ⊆ Σ . S’il existe j, 0  j  p, tel que pour tout i, 0  i  n,


Kj = Mi , on dit que Σ est un raffinement propre de Σ. On écrit alors Σ ⊂ Σ .
On dit que les suites de composition Σ et Σ sont équivalentes si n = p et s’il
existe une permutation σ ∈ Sn telle que, pour tout i, 0  i  n − 1, les modules
Mi /Mi+1 et Kσ(i) /Kσ(i)+1 soient isomorphes. On écrit alors Σ ∼ Σ .
1. Soient Σ1 et Σ2 deux suites de composition d’un A-module M . Montrer qu’il
existe deux suites de composition Σ1 et Σ2 telles que

Σ1 ⊆ Σ1 , Σ2 ⊆ Σ2 , Σ1 ∼ Σ2

(indication : si on a Σ1 : {0} = Mn ⊂ Mn−1 ⊂ · · · ⊂ M1 ⊂ M0 = M et


Σ2 : {0} = Kp ⊂ Kp−1 ⊂ · · · ⊂ K1 ⊂ K0 = M , on peut obtenir Σ1 en intercalant
entre Mi et Mi−1 , 1  i  n, les sous-modules Mi,j = Mi +(Mi−1 ∩Kj ), 1  j  p,
et Σ2 de manière analogue).
Une suite de composition strictement décroissante Σ d’un A-module M est
une suite de Jordan-Hölder s’il n’existe aucune suite de composition strictement
décroissante de M qui soit un raffinement propre de Σ.
2. Montrer qu’une suite de composition est une suite de Jordan-Hölder si et seule-
ment si tous les quotients de la suite sont des A-modules simples (rappelons qu’un
A-module est simple s’il n’admet aucun sous-A-module propre).
3. Montrer que si Σ et Σ sont deux suites de composition équivalentes, si Σ est
une suite de Jordan-Hölder, il en est de même de Σ .
4. Montrer que si un groupe abélien admet une suite de Jordan-Hölder, il est fini.
5. Soit M un A-module admettant une suite de Jordan-Hölder. Montrer que :
(i) toute suite de composition strictement décroissante de M admet un raffi-
nement qui est une suite de Jordan-Hölder,
(ii) deux suites de Jordan-Hölder quelconques de M sont équivalentes.
Cette dernière propriété rend consistante la définition suivante. Un A-module
M est de longueur finie s’il possède une suite de Jordan-Hölder. La longueur
d’une telle suite est appelée longueur de M et notée long(M ).
6. Soient M un A module et N un sous-A-module de M . Montrer que M est de
longueur finie si et seulement si N et M/N sont de longueur finie et que, dans ce
cas,
long(M ) = long(N ) + long(M/N ).

7. Soient M un A-module de longueur finie et N un sous-A-module de M . Montrer


que N = M si et seulement si long(N ) = long(M ).

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Algèbre T2

On considère maintenant un anneau principal A, qui n’est pas un corps, et K


son corps de fractions.
Pour tout A-module M , on pose

D(M ) = HomA (M, K/A).

On rappelle que la structure de A-module de D(M ) est donnée par

∀a ∈ A, ∀u ∈ D(M ), ∀x ∈ M, (au)(x) = u(ax).

Comme dans le cas de la dualité linéaire, il existe une application A-bilinéaire


canonique M × D(M ) −→ K/A définie par (x, x ) → x, x  = x (x).
8. En déduire l’existence d’une application A-linéaire canonique

cM : M −→ D(D(M ))

telle que x , cM (x) = x, x , avec x ∈ M et x ∈ D(M ).


9. Montrer que si M est un A-module de longueur finie, les A-modules M et
D(M ) sont isomorphes (non canoniquement) et que cM est un isomorphisme (on
montrera d’abord qu’il suffit de se ramener au cas où le A-module M est de la
forme A/aA, avec a = 0, et on démontrera le résultat dans ce cas).
10. Montrer que si
0 −→ M  −→ M −→ M  −→ 0
est une suite exacte de A-modules de longueur finie, la suite

0 −→ D(M  ) −→ D(M ) −→ D(M  ) −→ 0

associée est exacte.


On peut définir, de façon analogue au cas de la dualité linéaire, une notion
d’orthogonalité.
11. Montrer que les résultats de la proposition (3.5) sont encore valables dans ce
cadre.

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Deuxième partie

Algèbre multilinéaire

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7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN

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VIII
PRODUIT TENSORIEL
ALGÈBRE TENSORIELLE
ALGÈBRE SYMÉTRIQUE

Dans tout ce chapitre, A désignera un anneau commutatif.

1. Applications bilinéaires

Définition 1.1. Soient M , N et P des A-modules. Une application


f : M × N −→ P est A-bilinéaire si pour tous x, x1 , x2 dans M , pour tous
y, y1 , y2 dans N et tout a dans A, on a

f (x1 + x2 , y) = f (x1 , y) + f (x2 , y)

f (x, y1 + y2 ) = f (x, y1 ) + f (x, y2 )

f (ax, y) = af (x, y) = f (x, ay).

Notation. L’ensemble des applications A-bilinéaires de M × N dans P est noté


HomA (M, N ; P ). Dans toute la suite, pour x fixé dans M , on notera fx l’applica-
tion N −→ P définie par

∀ y ∈ N, fx (y) = f (x, y)

et pour tout y fixé dans N , on notera fy l’application M −→ P définie par

∀ x ∈ M, fy (x) = f (x, y).

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Chapitre VIII. Produit tensoriel – Algèbre tensorielle – Algèbre symétrique

Avec ces notations, l’application f est A-bilinéaire si et seulement si, pour tout
x ∈ M et tout y ∈ N , les applications fx et fy sont A-linéaires.
On définit sur l’ensemble HomA (M, N ; P ) une addition et une multiplication
par les scalaires de la manière suivante : pour tous f, f1 , f2 dans HomA (M, N ; P ),
pour tout a dans A et pour tout (x, y) dans M × N , on pose

(f1 + f2 )(x, y) = f1 (x, y) + f2 (x, y)

(af )(x, y) = af (x, y).

Proposition 1.2. Muni de ces deux opérations, HomA (M, N ; P ) est un A-module.

Proposition 1.3. Soient M , N et P des A-modules, l’application

ΦM,N,P : HomA (M, N ; P ) −→ HomA (M, HomA (N, P ))

définie par

∀ f ∈ HomA (M, N ; P ), ∀ x ∈ M, ΦM,N,P (f )(x) = fx

est un isomorphisme de A-modules.

Démonstration. La linéarité de l’application ΦM,N,P est évidente. Pour tout


x ∈ M , pour tout y ∈ N et pour tout θ ∈ HomA (M, HomA (N, P )), on pose
f (x, y) = θ(x)(y). On vérifie facilement que f est une application bilinéaire de
M × N dans P , que l’application

ΨM,N,P : HomA (M, HomA (N, P )) −→ HomA (M, N ; P )

définie par
∀ θ ∈ HomA (M, HomA (N, P )), ΨM,N,P (θ) = f
est A-linéaire et que

ΨM,N,P ◦ ΦM,N,P = IdHomA (M,N ;P ) , ΦM,N,P ◦ ΨM,N,P = IdHomA (M,HomA (N,P )) .

Cela prouve que ΦM,N,P et ΨM,N,P sont des isomorphismes réciproques l’un de
l’autre. ♦

Exercice E1. Soient M  un A-module et u ∈ HomA (M, M  ). On considère l’appli-


cation
HomA (u, N ; P ) : HomA (M  , N ; P ) −→ HomA (M, N ; P )

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2. Produit tensoriel

définie par HomA (u, N ; P )(f  ) = f , avec f définie par f (x, y) = f  (u(x), y). On
rappelle que l’on a une application A-linéaire

u : HomA (M  , HomA (N, P )) −→ HomA (M, HomA (N, P ))

définie par u(ϕ ) = ϕ ◦ u (cf. remarque VII.1.2).


Montrer que l’application HomA (u, N ; P ) est A-linéaire et que le diagramme
suivant est commutatif :

ΦM  ,N,P
HomA (M  , N ; P ) −−−−−→ HomA (M  , HomA (N, P ))
⏐ ⏐

HomA (u,N ;P )

u
HomA (M, N ; P ) −−−−−→ HomA (M, HomA (N, P ))
ΦM,N,P

Montrer que l’on obtient des carrés commutatifs analogues si l’on considère des
applications linéaires v ∈ HomA (N, N  ) et w ∈ HomA (P, P  ).
Ces commutativités expriment que le morphisme ΦM,N,P est fonctoriel.

2. Produit tensoriel

Soient M, N, P des A-modules et le module libre L = A(M ×N ) . On note


(e(x,y) ), avec (x, y) ∈ M × N , une base de L et i l’application de M × N dans
L qui à (x, y) ∈ M × N associe e(x,y) . D’après la propriété universelle de module
libre (théorème IV.7.3), une application f : M × N −→ P induit une application
A-linéaire f : L −→ P telle que f = f ◦ i. L’application f est A-bilinéaire si et
seulement si l’application f s’annule sur le sous-module Q de L engendré par les
éléments

e(x1 +x2 ,y) − e(x1 ,y) − e(x2 ,y)


e(x,y1 +y2 ) − e(x,y1 ) − e(x,y2 )
e(ax,y) − ae(x,y)
e(x,ay) − ae(x,y)

où x, x1 , x2 parcourent M , y, y1 , y2 parcourent N et a parcourt A. Autrement


dit, l’application f est A-bilinéaire si et seulement si il existe une application
A-linéaire f˜ : L/Q −→ P telle que f = f˜ ◦ q, où q : L −→ L/Q est la projection
canonique. On pose αM,N = q ◦ i.

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Chapitre VIII. Produit tensoriel – Algèbre tensorielle – Algèbre symétrique

Définition 2.1. Le A-module L/Q est noté M ⊗A N et est appelé le produit


tensoriel des A-modules M et N .

Ce qui précède montre le résultat suivant.

Théorème 2.2. Soient M , N et P des A-modules. Pour toute application


A-bilinéaire f : M × N −→ P , il existe une application A-linéaire
f˜ : M ⊗A N −→ P unique telle que f = f˜ ◦ αM,N . ♦

Autrement dit :

Théorème 2.3 (propriété universelle du produit tensoriel). Pour tous A-modules


M et N , le couple (M ⊗A N, αM,N ) est la solution du problème universel sui-
vant :
il existe un A-module Γ(M, N ) et une application A-bilinéaire
j : M × N −→ Γ(M, N ) tels que, pour tout A-module P et toute applica-
tion A-bilinéaire f : M × N −→ P , il existe une unique application A-linéaire
f˜ : Γ(M, N ) −→ P telle que f = f˜ ◦ j. ♦

Notation. Pour tout x ∈ M et tout y ∈ N , on pose αM,N (x, y) = x ⊗ y.

Donc x ⊗ y est la classe dans M ⊗ N= L/Q de l’élément e(x,y) . Puisque tout
élément de L s’écrit de manière unique finie a(x,y) e(x,y) , tout élément de M ⊗ N
s’écrit de manière non unique finie a(x,y) x ⊗ y, avec a(x,y) ∈ A.
Ce qui précède se résume en la proposition suivante.

Proposition 2.4. Le A-module M ⊗A N est engendré par les éléments x⊗y, x ∈ M ,


y ∈ N , soumis aux relations suivantes :

(x1 + x2 ) ⊗ y = x1 ⊗ y + x2 ⊗ y

x ⊗ (y1 + y2 ) = x ⊗ y1 + x ⊗ y2
(ax) ⊗ y = x ⊗ (ay) = a(x ⊗ y)
pour tous x, x1 , x2 ∈ M , y, y1 , y2 ∈ N et a ∈ A. ♦

On en déduit immédiatement les propriétés suivantes.

Proposition 2.5.
(i) Si x = 0 ou y = 0, alors x ⊗ y = 0.
(ii) Les A-modules M ⊗A N et N ⊗A M sont isomorphes.
(iii) Les A-modules A ⊗A M , M ⊗A A et M sont isomorphes.

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2. Produit tensoriel

Démonstration. L’assertion (i) est une conséquence immédiate de l’une quelconque


des relations de la proposition 2.4. L’application A-linéaire x ⊗ y → y ⊗ x est un
isomorphisme, ce qui entraîne (ii). Les applications A-linéaires a ⊗ x → ax et
x → 1 ⊗ x sont réciproques l’une de l’autre, d’où (iii). ♦
Exemple 2.6. Soient A = Z, M = Z/mZ et N = Z/nZ, avec pgcd(m, n) = 1.
Alors, pour tout x ∈ M et tout y ∈ N , on a
m(x ⊗ y) = mx ⊗ y = 0
n(x ⊗ y) = x ⊗ ny = 0
donc l’ordre de l’élément x ⊗ y dans le groupe abélien Z/mZ ⊗Z Z/nZ divise m
et n. Par conséquent, tout élément de ce groupe est d’ordre 1, i.e. est nul. Donc
Z/mZ ⊗Z Z/nZ = 0.
Proposition 2.7. Pour tous A-modules M , N et P , on a les isomorphismes de
A-modules suivants :
HomA (M, N ; P )  HomA (M ⊗A N, P )  HomA (M, HomA (N, P )).
Démonstration. C’est une conséquence immédiate de la proposition 1.3 et du théo-
rème 2.2. ♦
Proposition – Définition 2.8. Soient u : M −→ M  et v : N −→ N  deux applica-
tions A-linéaires. Il existe une unique application A-linéaire
u ⊗ v : M ⊗A N −→ M  ⊗A N 
appelée produit tensoriel des applications u et v, définie par
(u ⊗ v)(x ⊗ y) = u(x) ⊗ v(y),
telle que αM  ,N  ◦ (u, v) = (u ⊗ v) ◦ αM,N .
Démonstration. L’application composée
αM  ,N  ◦ (u, v) : M × N −→ M  × N  −→ M  ⊗A N 
est A-bilinéaire. Elle se factorise donc de manière unique par M ⊗A N , i.e. il
existe une unique application A-linéaire u ⊗ v : M ⊗A N −→ M  ⊗A N  telle que
le diagramme
(u,v)
M × N −−−−→ M  × N 
⏐ ⏐
αM,N ⏐

⏐α  
 M ,N
M ⊗A N −−−−→ M  ⊗A N 
u⊗v
soit commutatif. ♦

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Chapitre VIII. Produit tensoriel – Algèbre tensorielle – Algèbre symétrique

Exercice E2. Montrer que, avec des notations évidentes,

(u ⊗ v) ◦ (u ⊗ v  ) = (u ◦ u ) ⊗ (v ◦ v  ).

Théorème 2.9. La suite de A-modules

N  −→ N −→ N  −→ 0
u v

est exacte si et seulement si, pour tout A-module M , la suite de A-modules


⊗u ⊗v
M ⊗A N  −→
Id Id
M M
M ⊗A N −→ M ⊗A N  −→ 0

est exacte.

Démonstration. Soient
N  −→ N −→ N  −→ 0
u v

une suite exacte et P un A-module. En appliquant deux fois le théorème VII.1.3,


la suite
0 −→ HomA (N  , P ) −→ HomA (N, P ) −→ HomA (N  , P )
est exacte, donc aussi la suite

0 −→ HomA (M, HomA (N  , P )) −→ HomA (M, HomA (N, P ))

−→ HomA (M, HomA (N  , P )).


D’après la proposition 2.7, il en est de même de la suite

0 −→ HomA (M ⊗A N  , P ) −→ HomA (M ⊗A N, P ) −→ HomA (M ⊗A N  , P ).

Cela étant vrai pour tout A-module P , d’après le théorème VII.1.3, la suite
⊗u ⊗v
M ⊗A N  −→
Id Id
M M
M ⊗A N −→ M ⊗A N  −→ 0

est exacte.
Le même raisonnement appliqué dans l’autre sens montre que, si cette dernière
suite est exacte pour tout A-module M , c’est en particulier le cas pour M = A
et la suite
N  −→ N −→ N  −→ 0
u v

est exacte. ♦

Remarque 2.10. Ce qui précède montre que si v est un morphisme surjectif, pour
tout A-module M , le morphisme IdM ⊗ v est aussi surjectif.

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3. Commutation du produit tensoriel aux sommes directes

Attention. Cette propriété est fausse pour l’injectivité, comme le montre l’exemple
ci-dessous (cf. aussi TR.VIII.A).

Exemple 2.11. Soient A = Z, M = Z/2Z et la suite exacte


u v
0 −→ Z −→ Z −→ Z/2Z −→ 0

où u est la multiplication par 2 et v est la projection canonique. D’après la


proposition-définition 2.8, tout élément de Im(IdZ/2Z ⊗ u) est de la forme x ⊗ y,
avec y ∈ Im(u), donc
x ⊗ y = x ⊗ 2z = 2x ⊗ z = 0
et Im(IdZ/2Z ⊗u) = 0. Or, on vérifie facilement que les groupes abéliens Z/2Z⊗Z 2Z
et Z/2Z ⊗Z Z sont isomorphes par le morphisme x ⊗ 2 → x ⊗ 1. D’après la
proposition 2.5, Z ⊗Z Z/2Z  Z/2Z = 0, donc Z/2Z ⊗Z 2Z = 0. On en déduit que
IdZ/2Z ⊗ u n’est pas injective.

Corollaire 2.12. Soit a un idéal de A. Pour tout A-module M , le A-module


A/aA ⊗A M est isomorphe au A-module M/aM .

Démonstration. La suite
0 −→ a −→ A −→ A/a
est exacte. Par conséquent, pour tout A-module M , la suite

a ⊗A M −→ A ⊗A M −→ A/a ⊗A M −→ 0

est exacte. Mais A⊗A M est isomorphe à M et le morphisme a⊗A M −→ A⊗A M


s’identifie à a ⊗A M −→ M défini par a ⊗ m → am. D’autre part, de l’égalité
a ⊗ m = 1 ⊗ am, on déduit que l’image de a ⊗A M dans M est isomorphe à aM .
D’où la suite exacte

0 −→ aM −→ M −→ A/a ⊗ M −→ 0

et A/a ⊗ M est isomorphe à M/aM . ♦

3. Commutation du produit tensoriel aux sommes directes

Théorème 3.1. Soient I un ensemble d’indices, (Mi )i∈I une famille de A-modules
et N un A-module. On a un isomorphisme naturel de A-modules
# $
 
Mi ⊗A N  (Mi ⊗A N ).
i∈I i∈I

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Chapitre VIII. Produit tensoriel – Algèbre tensorielle – Algèbre symétrique


Démonstration. Tout élément de ( Mi ) × N s’écrit de manière unique
i∈I
(Σi∈S xi , y), où S est un sous-ensemble fini de I. On considère l’application
# $
 
Mi × N −→ (Mi ⊗A N )
i∈I i∈I

définie par (Σi∈S xi , y) → Σi∈S (xi ⊗ y). On vérifie facilement que c’est une appli-
cation A-bilinéaire, d’où une application A-linéaire
# $
 
Mi ⊗A N −→ (Mi ⊗A N ).
i∈I i∈I

On définit de manière analogue une application A-linéaire


# $
 
(Mi ⊗A N ) −→ Mi ⊗ N
i∈I i∈I

qui est inverse de la précédente. ♦

Corollaire 3.2. Soient M un A-module et N un A-module libre de base {yi }i∈I .


Tout élément de M ⊗A N s’écrit, de manière unique, Σi∈I xi ⊗ yi , xi ∈ M nul sauf
pour un nombre fini de i ∈ I.

Démonstration. La base {yi }i∈I permet de définir un isomorphisme de A-modules



N −→ Ayi .
i∈I

D’après le théorème précédent, on a un isomorphisme



M ⊗A N  (M ⊗A Ayi )
i∈I

d’où le résultat. ♦

Corollaire 3.3. Si M et N sont des A-modules libres de bases respectives {xi }i∈I
et {yj }j∈J , le A-module M ⊗A N est libre de base {xi ⊗ yj }i∈I,j∈J .

Démonstration. Il est clair que {xi ⊗ yj }i∈I,j∈J est une famille généra-
trice du A-module M ⊗A N . Si Σi,j ai,j (xi ⊗ yj ) = 0 (somme finie), alors
Σj (Σi ai,j xi ) ⊗ yj = 0. D’après l’unicité de l’écriture démontrée au corollaire 3.2,
cela implique Σi ai,j xi = 0 pour tout j de J, d’où ai,j = 0 pour tout (i, j) ∈ I × J.
La famille {xi ⊗ yj }i∈I,j∈J est donc libre. ♦

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3. Commutation du produit tensoriel aux sommes directes

Corollaire 3.4. Si M et N sont des A-modules libres de rangs respectifs m et n,


alors le A-module M ⊗A N est libre de rang mn. ♦

Exercice E3. Soient A un anneau commutatif, M et N deux A-modules.


 1. On suppose que N est libre de base (ni )i∈I . Montrer que tout élément
i∈I mi ⊗ ni de M ⊗A N (écriture unique) est nul si et seulement si tous les
mi , i ∈ I, sont nuls.

2. On suppose N quelconque. Montrer que i∈I mi ⊗ ni = 0 si et seulement si
il existe une famille (mj )j∈J d’éléments de M et une famille finie (aij ) d’éléments
de A telles que :
 
aij mj = mi pour tout i et aij ni = 0 pour tout j
j∈J i∈I

(on pourra utiliser une présentation de N par un module libre).

Proposition 3.5. Soient M et N des A-modules libres de rang fini. Il existe un


isomorphisme de A-modules
EndA (M ) ⊗A EndA (N ) −→ EndA (M ⊗A N )
défini par f ⊗ g → f ⊗g,
˜ où f ⊗g
˜ est l’application A-linéaire produit tensoriel des
applications f et g.

Démonstration. Soient {vi }i∈I une base de M et {wj }j∈J une base de N (I et J
ensembles finis), alors {vi ⊗ wj }(i,j)∈I×J est une base du A-module M ⊗A N . Pour
tout (i, j) et (i , j  ) de I × J, il existe un unique fi,i ∈ EndA (M ) et un unique
gj,j  ∈ EndA (N ) tels que
f (vi ) = vi et f (vk ) = 0 si k = i
g(wj ) = wj  et g(wl ) = 0 si l = j.
Il est facile de vérifier que les familles {fi,i }(i,i )∈I×I et {gj,j  }(j,j  )∈J×J sont des
bases respectives des A-modules EndA (M ) et EndA (N ). On a
(fi,i ⊗g
˜ j,j  )(vk ⊗ wl ) = vi ⊗ wj  si (k, l) = (i, j)
(fi,i ⊗g
˜ j,j  )(vk ⊗ wl ) = 0 sinon
donc {fi,i ⊗g
˜ j,j  }(i,i )∈I×I,(j,j )∈J×J est une base du A-module EndA (M ⊗A N ).
Puisque {fi,i ⊗ gj,j  }(i,i )∈I×I,(j,j )∈J×J est une base du A-module
EndA (M ) ⊗A EndA (N ), on a le résultat. ♦

Remarque 3.6. D’après cet isomorphisme, on peut identifier f ⊗


˜ g et f ⊗ g.

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Chapitre VIII. Produit tensoriel – Algèbre tensorielle – Algèbre symétrique

4. Associativité du produit tensoriel


Théorème 4.1. Soient M , N et P des A-modules. Il existe un unique isomorphisme
de A-modules
M ⊗A (N ⊗A P ) −→ (M ⊗A N ) ⊗A P
défini par

∀ (x, y, z) ∈ M × N × P, x ⊗ (y ⊗ z) → (x ⊗ y) ⊗ z.

Démonstration. L’unicité est évidente, puisque les éléments (x ⊗ y) ⊗ z (resp.


x ⊗ (y ⊗ z)) engendrent le A-module (M ⊗A N ) ⊗A P (resp. M ⊗A (N ⊗A P )).
Montrons l’existence. On vérifie aisément que, pour tout x dans M , l’applica-
tion
fx : N × P −→ (M ⊗A N ) ⊗A P
définie par (y, z) → (x ⊗ y) ⊗ z est A-bilinéaire. On en déduit l’application
A-linéaire
f˜x : N ⊗A P −→ (M ⊗A N ) ⊗A P
qui à y ⊗ z associe (x ⊗ y) ⊗ z. L’application

f : M × (N ⊗A P ) −→ (M ⊗A N ) ⊗A P

définie par (x, t) → f˜x (t) est A-bilinéaire, d’où l’application A-linéaire

f˜ : M ⊗A (N ⊗A P ) −→ (M ⊗A N ) ⊗A P

définie par x ⊗ (y ⊗ z) → (x ⊗ y) ⊗ z.
En faisant le même raisonnement dans l’autre sens, on obtient une application
A-linéaire
g̃ : (M ⊗A N ) ⊗A P −→ M ⊗A (N ⊗A P )
définie par (x ⊗ y) ⊗ z → x ⊗ (y ⊗ z) et l’on vérifie que f˜ et g̃ sont inverses l’une
de l’autre. ♦

Notation. Pour trois A-modules M, N et P , on note M ⊗A N ⊗A P l’un des


modules M ⊗A (N ⊗A P ) ou (M ⊗A N ) ⊗A P . Plus généralement, on définit de
la même manière M1 ⊗A · · · ⊗A Mn , pour tout entier n  3.

Nous allons donner ici une version plus conceptuelle du produit tensoriel de
n  3 modules, sous forme de solution d’un problème universel analogue au
théorème 2.2.

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Applications multilinéaires

Applications multilinéaires

Définition 4.2. Soient M1 , . . . , Mn , P des A-modules. Une application n-


multilinéaire définie sur M1 , . . . , Mn est une application M1 ×· · ·×Mn −→ P
qui est A-linéaire en chaque variable. Si M1 = · · · = Mn = M , on dit que f
est une application n-multilinéaire définie sur M . Lorsque P = A, on parle de
forme n-multilinéaire.

On note L = AM1 ×···×Mn le A-module libre engendré par M1 × · · · × Mn , dont


on notera {e(x1 ,...,xn ) }, (x1 , . . . , xn ) parcourant M1 × · · · × Mn , une base. On note
Q le sous-A-module de L engendré par les éléments
e(x1 ,...,xi +xi ,...,xn ) − e(x1 ,...,xi ,...,xn ) − e(x1 ,...,xi ,...,xn )
e(x1 ,...,axi ,...,xn) − ae(x1 ,...,xi ,...,xn )
pour xi , xi ∈ Mi , xj ∈ Mj , 1  j = i  n, i parcourant l’ensemble {1, . . . , n},
a ∈ A.
On note αM1 ,...,Mn la composition

M1 × · · · × Mn → L −→ L/Q

où les deux applications sont, respectivement, l’inclusion et la projection cano-


niques. Il est clair, par construction, que ϕ est multilinéaire.

Définition 4.3. Le A-module L/Q est appelé produit tensoriel des A-modules
M1 , . . . , Mn et est noté M1 ⊗A · · · ⊗A Mn .

Pour des raisons analogues à celles mentionnées au début du paragraphe 2, on


a le résultat suivant.

Théorème 4.4. Soient M1 , . . . , Mn et P des A-modules. Pour toute application


n-multilinéaire f : M1 ×· · ·×Mn −→ P , il existe une unique application A-linéaire
f˜ : M1 ⊗A · · · ⊗ Mn −→ P telle que f = f˜ ◦ αM1 ,...,Mn . ♦

Le lecteur vérifiera que le A-module M1 ⊗A · · · ⊗ Mn est canoniquement iso-


morphe aux modules obtenus en utilisant l’associativité du produit tensoriel de
deux modules.

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Chapitre VIII. Produit tensoriel – Algèbre tensorielle – Algèbre symétrique

5. Changement d’anneau de base


Soient A et B deux anneaux commutatifs et ϕ : A −→ B un morphisme
d’anneaux.
5.1. Pour tout B-module M , on définit un A-module ϕ (M ) de la manière
suivante : c’est le groupe abélien sous-jacent à M muni de l’opération externe de
A définie par a.x = ϕ(a)x, pour a ∈ A et x ∈ M , où ϕ(a)x est défini par la
structure de B-module de M .
Pour tout morphisme de B-modules f : M −→ N , l’application

ϕ (f ) : ϕ (M ) −→ ϕ (N )

définie par x → f (x) est A-linéaire : en effet,

ϕ (f )(a.x) = f (ϕ(a)x) = ϕ(a)f (x) = a.f (x) = a.ϕ (f )(x).

On appelle ϕ ainsi définie la restriction des scalaires.


5.2. On considère le A-module ϕ (B) obtenu par restriction des scalaires.
Pour tout A-module M , on munit le groupe abélien ϕ (B) ⊗A M d’une structure
de B-module par (avec les notations évidentes)
 
b. bi ⊗ mi = bbi ⊗ mi .
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Le lecteur vérifiera que cette opération munit bien ϕ (B) ⊗A M d’une structure
de B-module. On note ϕ (M ) ce B-module.
Si f : M −→ N est un morphisme de A-modules, on pose ϕ (f ) = Idϕ (B) ⊗f ;
c’est un morphisme de B-modules (le vérifier).
On appelle ϕ ainsi définie l’extension des scalaires.

Théorème 5.3. Pour tout A-module M et tout B-module N , les morphismes de


groupes abéliens

Φ : HomB (ϕ (M ), N ) −→ HomA (M, ϕ (N ))

Ψ : HomA (M, ϕ (N )) −→ HomB (ϕ (M ), N ),

définis respectivement par u → (x → u(1⊗x)) et f → f , où f est l’unique élément


de HomB (ϕ (M ), N ) vérifiant f (1 ⊗ x) = f (x), sont inverses l’un de l’autre.

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6. Produit tensoriel d’algèbres associatives

Démonstration. Soit u ∈ HomB (ϕ (M ), N ) : on définit une application


Φ(u) : M −→ ϕ (N ) définie par Φ(u)(x) = u(1 ⊗ x) est A-linéaire. En effet, elle
est clairement additive et

Φ(u)(ax) = u(1⊗ax) = u(a.(1⊗x)) = u(ϕ(a)(1⊗x)) = ϕ(a)u(1⊗x) = a.Φ(u)(x).

Dans l’autre sens, soit f ∈ HomA (M, ϕ (N )), l’application ϕ (B) × M −→ N


définie par (b, x) → bf (x) est A-bilinéaire. On en déduit une unique application
A-linéaire
f : ϕ (B) ⊗ M = ϕ (M ) −→ N
telle que f (1 ⊗ x) = f (x). Cette application est B-linéaire, car

f (b(b ⊗ x)) = f (bb ⊗ x) = bb f (x) = b(b f (x)) = bf (b ⊗ x).

On vérifie que les applications Φ et Ψ sont réciproques l’une de l’autre. ♦

6. Produit tensoriel d’algèbres associatives

Théorème 6.1. Soient K un anneau commutatif et A et B deux K-algèbres as-


sociatives. Il existe sur le K-module A ⊗K B une unique structure de K-algèbre
associative telle que

∀ x, x ∈ A ∀ y, y  ∈ B, (x ⊗ y)(x ⊗ y  ) = xx ⊗ yy  .

Démonstration. Les applications

A × A −→ A, B × B −→ B,

(x, x ) → xx , (y, y  ) → yy 


sont K-bilinéaires, d’où des applications K-linéaires

u : A ⊗K A −→ A, v : B ⊗K B −→ B

vérifiant u(x ⊗ x ) = xx et v(y ⊗ y  ) = yy  . On en déduit donc une application


K-linéaire
u ⊗ v : (A ⊗K A) ⊗K (B ⊗K B) −→ A ⊗K B
vérifiant (u⊗v)((x⊗x )⊗(y ⊗y  )) = xx ⊗yy  . D’autre part, on a un isomorphisme
de K-modules

(A ⊗K B) ⊗K (A ⊗K B) −→ (A ⊗K A) ⊗K (B ⊗K B)

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Chapitre VIII. Produit tensoriel – Algèbre tensorielle – Algèbre symétrique

défini par (x ⊗ y) ⊗ (x ⊗ y  ) → (x ⊗ x ) ⊗ (y ⊗ y  ). En composant cet isomorphisme


avec u ⊗ v, on obtient une application K-linéaire

(A ⊗K B) ⊗K (A ⊗K B) −→ A ⊗K B

vérifiant (x ⊗ y) ⊗ (x ⊗ y  ) → xx ⊗ yy  . Elle provient de l’application K-bilinéaire

(A ⊗K B) × (A ⊗K B) −→ A ⊗K B

définie par (x ⊗ y) × (x ⊗ y  ) → xx ⊗ yy  qui munit A ⊗K B d’un produit. On


vérifie aisément, par linéarité, que ce produit munit le K-module A ⊗K B d’une
structure de K-algèbre. ♦

Si les K-algèbres associatives A et B sont unitaires, il en est de même de


A ⊗K B, l’unité étant 1A ⊗ 1B .

Exemple. Si A est un anneau commutatif, A[X]⊗A A[Y ] est isomorphe à A[X, Y ].

7. Produit tensoriel et dualité


Soient M et N deux A-modules et M = HomA (M, A) le dual de M . On
considère l’application

ψ : M × N −→ HomA (M, N )

définie par (f, y) → (ψ(f, y) : x → f (x)y). Montrons que cette application est
A-bilinéaire. Pour tout f, g ∈ M , y, y  ∈ N , λ ∈ A et pour tout x ∈ M , on a

ψ(f +g, y)(x) = (f +g)(x)y = (f (x)+g(x))y = f (x)y+g(x)y = ψ(f, y)(x)+ψ(g, y)(x)

ψ(f, y + y  )(x) = f (x)(y + y  ) = f (x)y + f (x)y  = ψ(f, y)(x) + ψ(f, y  )(x)


ψ(λf, y)(x) = λf (x)y = λψ(f, y)(x)
ψ(f, λy)(x) = f (x)λy = λf (x)y = λψ(f, y)(x).
On en déduit donc une application A-linéaire

ϕ : M ⊗A N −→ HomA (M, N )

définie par (f ⊗ y) → (x → f (x)y).

Proposition 7.1. Si l’un des A-modules M ou N est libre de rang fini, alors l’ap-
plication ϕ est un isomorphisme.

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7. Produit tensoriel et dualité

Démonstration. Supposons que M soit libre de type fini et notons {e1 , . . . , en } une
base. On sait que le A-module M est libre et possède une base {1 , . . . , n } définie
par i (ej ) = δi,j , 1  i, j  n. D’après lecorollaire 3.2, on sait que tout élément
n
de M ⊗A N s’écrit de manière unique i=1 i ⊗ yi . On a

# n $
 n
ϕ i ⊗ y i = ϕ(i ⊗ yi )
i=1 i=1

et chaque ϕ(i ⊗ yi ), qui appartient à HomA (M, N ), est entièrement déterminé


par ses valeurs sur la base {e1 , . . . , en }. On a

ϕ(i ⊗ yi )(ej ) = i (ej )yi .

Ce dernier élément est égal à yj si i = j et 0 sinon. Par conséquent,


# n $

ϕ(i ⊗ yi ) (ej ) = yj .
i=1

Montrons que ϕ est surjective. Soit u ∈ HomA (M, N ) déterminén par les u(ej ),
1  j  n. En posant u(ej ) = uj , 1  j  n,on a alors u = ϕ( i=1 i ⊗ ui ).
Montrons que ϕ est injective.
n On a ϕ( ni=1 i ⊗ yi ) = 0 si et seulement si,
pour tout j, 1  j  n, ϕ( i=1 i ⊗ yi )(ej ) = 0, c’est-à-dire,
n si et seulement si,
pour tout j, 1  j  n, yj = 0, donc si et seulement si i=1 i ⊗ yi = 0.

 {e1 , . . . , en } une base. Tout


Supposons que N soit libre de type fini et notons
élément de M ⊗A N s’écrit de manière unique ni=1 μi ⊗ ei .
n
n que ϕ est injective. ϕ( i=1 μi ⊗ ei ) = 0 si et seulement si, pour tout
Montrons
x ∈ M , i=1 μi (x)ei = 0, i.e. μi (x) =
0, 1  i  n. Cela étant valable pour tout
n
x ∈ M , on a μi = 0, 1  i  n, d’où i=1 μi ⊗ ei = 0.

Montrons que ϕ est surjective. Soit v ∈ HomA (M, N ). On cherche ni=1 μi ⊗ei
tel que # n $
 n
∀ x ∈ M, v(x) = ϕ μi ⊗ ei (x) = μi (x)ei .
i=1 i=1

Cela signifie que le morphisme de A-modules ϕ( ni=1 μi ⊗ei ) doit être tel que, pour
tout x ∈ M , ϕ( ni=1 μi ⊗ ei )(x) ait pour composantes dans la base {e1 , . . . , en }
les valeurs μ1 (x), . . . , μn (x). On considère donc les μi définies par : pour tout x
dans M , μi (x) est la i-ième composantede v(x) dans la base {e1 , . . . , en }. On a
bien alors, pour tout x de M , v(x) = ϕ( ni=1 μi ⊗ ei )(x), i.e. v = ϕ( ni=1 μi ⊗ ei ).

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Chapitre VIII. Produit tensoriel – Algèbre tensorielle – Algèbre symétrique

Remarques 7.2.
a) On sait que si M est un A-module libre de rang fini, les A-modules M et
M sont isomorphes non canoniquement, alors qu’ici ϕ est canonique (i.e. défini
indépendamment du choix d’une base).
b) Les hypothèses sont nécessaires. En effet, considérons le cas A = Z,
M = N = Z/2Z. On a M = 0, d’où M ⊗A N = 0, alors que HomZ (Z/2Z, Z/2Z)
est non nul car il contient l’identité.
c) Si M est un A-module libre de rang fini, on a l’isomorphisme

M ⊗A M −→ EndA (M ).

Nous allons donner, grâce à l’isomorphisme ϕ explicité ci-dessus, une expres-


sion intrinsèque de la trace d’un endomorphisme.
Soit M un A-module libre de rang fini. L’application

M × M −→ A

(f, x) → f (x)
est A-bilinéaire et induit une application A-linéaire

γ : M ⊗A M −→ A

vérifiant γ(f ⊗ x) = f (x). Puisque

ϕ : M ⊗A M −→ EndA (M )

est un isomorphisme de A-modules, pour tout endomorphisme u de M , on peut


considérer l’élément γ(ϕ−1 (u)) qui appartient à A.

Proposition 7.3. Avec les notations ci-dessus, pour tout A-module libre de rang
fini M et tout endomorphisme u de M , la trace de u est égale à γ(ϕ−1 (u)).

Démonstration. Soient {e1 , . . . , en } une base de M et {1 , . . . , n } la base duale.



D’après la démonstration
 de (7.1), on sait que u = ϕ( ni=1 i ⊗ u(ei )), d’où
γ ◦ ϕ−1 (u) = γ( ni=1 i ⊗ u(ei )). D’après la définition  de γ, on a donc
γ ◦ ϕ−1 (u) = n
 i (u(ei )). En posant u(ei ) = n
j=1 λij ej , on a
n i=1
−1
 n
i (u(ei )) = j=1 λij i (ej ) = λii . D’où γ ◦ ϕ (u) = i=1 λii qui est bien la
trace de la matrice de u relativement à la base {e1 , . . . , en }. ♦

Ce résultat donne une démonstration conceptuelle du fait que la trace d’un


endomorphisme ne dépend pas de la base relativement à laquelle on le représente
par une matrice (cf. VI.2).

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8. Algèbre tensorielle

8. Algèbre tensorielle

Définition 8.1. Soit M un A-module. On appelle algèbre tensorielle de M


la donnée d’une A-algèbre associative unitaire T (M ) et d’une application
A-linéaire iM de M dans le A-module sous-jacent à T (M ) satisfaisant la pro-
priété suivante :
pour toute A-algèbre associative unitaire R et pour toute application
A-linéaire f de M dans le A-module sous-jacent à R, il existe un unique mor-
phisme de A-algèbres f de T (M ) dans R tel que f = f ◦ iM .

S’il existe, le couple (T (M ), iM ) est solution d’un problème universel, donc


est unique à un unique isomorphisme près.

8.2. Existence du couple (T (M ), iM )

On pose T 0 (M ) = A, T 1 (M ) = M et, pour tout n  2, on définit T n (M )


⊗n
) = Mn⊗A · · · ⊗A M (n facteurs M ), qu’on note M , puis on pose
par T n (M
T (M ) = n0 T (M ).
On munit T (M ) d’une structure de A-algèbre de la façon suivante : pour tout
p et q dans N, on définit une application A-bilinéaire

ϕp,q : T p (M ) × T q (M ) −→ T p+q (M )

par : pour tous a et b dans A, pour tout x dans T p (M ), pour tout y dans T q (M ),

ϕ0,0 (a, b) = ab, ϕ0,q (a, y) = ay, ϕp,0 (x, a) = ax,

et pour tout xi , 1  i  p, yj , 1  j  q, dans M ,

ϕp,q (x1 ⊗ · · · ⊗ xi ⊗ · · · ⊗ xp , y1 ⊗ · · · ⊗ yj ⊗ · · · ⊗ yq ) =

x1 ⊗ · · · ⊗ xi ⊗ · · · ⊗ xp ⊗ y1 ⊗ · · · ⊗ yj ⊗ · · · ⊗ yq .

On note
ϕ : T (M ) × T (M ) −→ T (M )

l’unique application A-bilinéaire dont la restriction à T p (M ) × T q (M ) est ϕp,q ,


pour tout p et q dans N. Cette application munit le A-module T (M ) d’un produit.

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Chapitre VIII. Produit tensoriel – Algèbre tensorielle – Algèbre symétrique

L’associativité de ce produit, i.e. pour tout p, q, r ∈ N,

ϕp+q,r (ϕp,q (. . .), idr ) = ϕp,q+r (idp , ϕq,r (. . .)),

provient de l’associativité du produit tensoriel.


L’élément unité est l’élément unité de A et l’application iM : M −→ T (M )
est l’inclusion M = T 1 (M ) → T (M ).

Remarques 8.3.
a) Si x1 , . . . , xn sont des éléments de M , le produit iM (x1 ) · · · iM (xn ) dans
T (M ) est x1 ⊗ · · · ⊗ xn .
b) L’algèbre T (M ) est non commutative.

Théorème 8.4. Le coupe (T (M ), iM ) ainsi construit est l’algèbre tensorielle de M .

Démonstration. Pour toute A-algèbre associative unitaire R et pour toute applica-


tion A-linéaire f de M dans le A-module sous-jacent à R, il faut prouver l’existence
et l’unicité d’un morphisme de A-algèbres f de T (M ) dans R tel que f = f ◦ iM .
Unicité. si f existe, on doit avoir

∀a ∈ A = T 0 (M ), f (a) = f (a.1) = af (1) = a.1 ∈ R

et

∀p  1, ∀xi ∈ M, f (x1 ⊗ · · · ⊗ xp ) = f (iM (x1 ) · · · iM (xp )) = f (x1 ) · · · f (xp ).

Tout élément de T (M ) s’écrivant comme somme finie d’éléments de A ou d’élé-


ments de la forme x1 ⊗ · · · ⊗ xp , p  1, l’expression ci-dessus détermine entière-
ment f .
Existence. Pour tout entier p et tout élément xi de M , 1  i  p, on pose
f p (x1 ⊗ · · · ⊗ xp ) = f (x1 ) · · · f (xp ) et f0 : T 0 (M ) = A −→ R le morphisme struc-
tural de la A-algèbre R. Les fp , p  0, définissent f : T (M ) = ⊕p0 T p (M ) −→ R
et l’on a f = f ◦iM . Il reste à montrer que f est un morphisme de A-algèbres. Pour
montrer que f (αβ) = f (α)f (β), avec α et β dans T (M ), il suffit, par linéarité, de
le faire pour α = x1 ⊗ · · · ⊗ xp et β = y1 ⊗ · · · ⊗ yq :

f (x1 ⊗ · · · ⊗ xp )f (y1 ⊗ · · · ⊗ yq ) = f (x1 ) · · · f (xp )f (y1 ) · · · f (yp )


= f (x1 ⊗ · · · ⊗ xp ⊗ y1 ⊗ · · · ⊗ yq ) = f ((x1 ⊗ · · · ⊗ xp )(y1 ⊗ · · · ⊗ yq )). ♦

Souvent, par abus de langage, on dit que l’algèbre tensorielle de M est T (M ),


le morphisme iM étant sous-entendu.

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8. Algèbre tensorielle

Exercice E4.
1. Soient A un anneau commutatif et X1 , . . . , Xndes variables. On note
A{X1 , . . . , Xn } l’ensemble des expressions de la forme finie ai1 ,...,in X1i1 · · · Xnin ,
avec ai1 ,...,in ∈ A, dans lesquelles les éléments de A commutent avec les Xi ,
1  i  n, mais les variables Xi , 1  i  n, ne commutent pas entre elles.
Montrer que la somme, définie de manière évidente, et le produit, défini par
concaténation, i.e.
ai1 ,...,in X1i1 · · · Xnin bj1 ,...,jn X1j1 · · · Xnjn = ai1 ,...,in bj1 ,...,jn X1i1 · · · Xnin X1j1 · · · Xnjn
étendu linéairement, munissent A{X1 , . . . , Xn } d’une structure de A-algèbre.
On appelle cette A-algèbre l’algèbre des polynômes non commutatifs à co-
efficient dans A.
2. Étendre cette construction pour un ensemble quelconque de variables
(Xi )i∈I . On note A{Xi }i∈I la A-algèbre ainsi obtenue.
3. Soit M un A-module libre de base (xi )i∈I . Montrer que la A-algèbre T (M )
est isomorphe à la A-algèbre A{Xi }i∈I (montrer que A{Xi }i∈I est solution du
problème universel d’algèbre tensorielle de M ).

Proposition 8.5. Soient M et N des A-modules. Alors toute application A-linéaire


u : M −→ N se prolonge en un unique morphisme d’algèbres u : T (M ) −→ T (N ).

Démonstration. Si un tel prolongement u existe, on doit avoir

u(1) = 1, ∀ a ∈ A, u(a) = u(a.1) = au(1) = a


∀ x1 , . . . , xp ∈ M, u(x1 ⊗ · · · ⊗ xp ) = u(x1 ) ⊗ · · · ⊗ u(xp ).
Par définition du produit tensoriel d’applications linéaires, ce dernier élément est
u⊗p (x1 ⊗ · · · ⊗ xp ). Tout élément de T (E) est une somme finie d’éléments du
 z ⊗p
type x1 ⊗ · · · ⊗ xp , d’où u(z) = p u (zp ), avec zp = x1 ⊗ · · · ⊗ xp , d’où l’unicité
de u.
Réciproquement, l’application u ainsi définie est un morphisme de A-algèbres
qui prolonge u. ♦

Remarque 8.6. Le lecteur vérifiera facilement que ces prolongements sont compa-
tibles à la composition, i.e. v ◦ u = v ◦ u.

Exercice E5. Soient A un anneau commutatif, M un A-module, (T (M ), iM ) son


algèbre tensorielle et N un sous-A-module de M . Montrer que l’algèbre T (M/N )
est isomorphe au quotient de l’algèbre T (M ) par l’idéal bilatère engendré par
iM (N ).

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Chapitre VIII. Produit tensoriel – Algèbre tensorielle – Algèbre symétrique

9. Algèbre symétrique
On reprend le problème universel de la définition 8.1 en supposant, de plus,
que les algèbres considérées sont commutatives.

Définition 9.1. Soit M un A-module. On appelle algèbre symétrique de M


la donnée d’une A-algèbre associative commutative unitaire S(M ) et d’une ap-
plication A-linéaire jM de M dans le A-module sous-jacent à S(M ) satisfaisant
la propriété suivante :

pour toute A-algèbre associative commutative unitaire R et pour toute ap-


plication A-linéaire f de M dans le A-module sous-jacent à R, il existe un
unique morphisme de A-algèbres f˜ de S(M ) dans R tel que f = f˜ ◦ jM .

S’il existe, le couple (S(M ), jM ) est solution d’un problème universel, donc
est unique à un unique isomorphisme près.
Le morphisme f : T (M ) −→ R vérifie, pour tout x et tout y dans M ,
f (x⊗y) = f (x)f (y) et f (y ⊗x) = f (y)f (x). Puisque l’algèbre R est commutative,
on a f (x)f (y) = f (y)f (x), donc x⊗y −y ⊗x appartient à Ker(f ). Par conséquent,
Ker(f ) contient l’idéal bilatère a engendré par les éléments x ⊗ y − y ⊗ x, pour x
et y parcourant M .
On pose S(M ) = T (M )/a et l’on note jM la composée de iM et de la projection
canonique π : T (M ) −→ S(M ).

Remarque 9.2. En notant ap = a ∩ T p (M ), on a = ⊕p ap et, en posant


S p (M ) = T p (M )/ap , on a S(M ) = ⊕p S p (M ). Puisque a0 = a1 = 0, on a
S 0 (M ) = A et S 1 (M ) = M .

Théorème 9.3. Le couple (S(M ), jM ) ainsi construit est l’algèbre symétrique


de M .

Démonstration. On sait que pour toute A-algèbre associative, commutative, uni-


taire R et pour toute application A-linéaire f de M dans le A-module sous-jacent à
R, il existe un unique morphisme de A-algèbres f : T (M ) −→ R tel que f = f ◦iM .
Puisque l’idéal bilatère a est contenu dans Ker(f ), par passage au quotient, on
obtient un morphisme de A-algèbres f˜ : S(M ) −→ R tel que f = f˜ ◦ π. On a

f˜ ◦ jM = f˜ ◦ (π ◦ iM ) = (f˜ ◦ π) ◦ iM = f ◦ iM = f.

Montrons l’unicité de f˜. Puisque f˜ ◦ jM = f , la restriction de f˜ à


S 1 (M ) = A est nécessairement le morphisme structural de R. Un élément

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9. Algèbre symétrique

de S p (M ) est une somme finie d’éléments de la forme jM (x1 ) · · · jM (xp ) et


f˜(jM (x1 ) · · · jM (xp )) = f (x1 ) · · · f (xp ). Par linéarité, cela entraîne l’unicité de
f˜ sur S p (M ), pour tout entier p, donc l’unicité de f˜ sur S(M ). ♦

Souvent, par abus de langage, on dit que l’algèbre symétrique de M est S(M ),
le morphisme jM étant sous-entendu.

Exercice E6. Soit M un A-module libre de base (xi )i∈I . Montrer que la A-algèbre
S(M ) est isomorphe à la A-algèbre de polynômes A[Xi ]i∈I .

Exercice E7. Avec les notations de l’exercice E5, que peut-on dire de l’algèbre
S(M/N ) ?

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7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN

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THÈMES DE RÉFLEXION

♠ TR.VIII.A. Modules plats, fidèlement plats

Dans tout ce qui suit, A est un anneau commutatif. Un A-module M est dit
plat si, pour toute suite exacte de A-modules

N  −→ N −→ N 
u v

la suite de A-modules
⊗u ⊗v
M ⊗A N  −→
Id Id
M M
M ⊗A N −→ M ⊗A N 

est exacte, où IdM désigne le morphisme identité de M .


Un A-module M est dit fidèlement plat si toute suite de A-modules

N  −→ N −→ N 
u v

est exacte si et seulement si la suite de A-modules


⊗u ⊗v
M ⊗A N  −→
Id Id
M M
M ⊗A N −→ M ⊗A N 

est exacte, où IdM désigne le morphisme identité de M .


1. Montrer que le A-module M est plat si et seulement si, pour tout morphisme
injectif de A-modules u : N → P , le morphisme IdM ⊗ u est injectif.
On peut supposer que N est un sous-module de P , ce que nous ferons systé-
matiquement dans la suite.
2. Montrer que si M est un A-module plat, pour tout élément a ∈ A qui n’est pas
diviseur de zéro, les relations x ∈ M et ax = 0 entraînent x = 0.

3. Soit (Mi )i∈I une famille de A-modules. Montrer que le module M = i∈I Mi
est plat si et seulement si chaque A-module Mi , i ∈ I, est plat.

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Algèbre T2

4. En déduire qu’un A-module libre (resp. projectif ) est plat.


5. Montrer que pour que le A-module M soit plat, il suffit que la propriété de la
question 1 soit vérifiée pour tous les sous-modules
 N de type fini de P . (Soit N
un sous-module quelconque de P et z = i mi ⊗ ni un élément de M ⊗A N dont
l’image dans M ⊗A P est nulle. Considérer le sous-module de type fini N  de N
engendré par les ni .)
6. Soient M un A-module et (Pi )i∈I une famille de A-modules. Montrer que,
si pour tout i ∈ I et tout sous-module Ni de Pi , le morphisme  canonique
M ⊗A Ni −→ M ⊗A Pi est injectif, alors pour tout sous-module N de I∈I Pi le
morphismecanonique M ⊗A N −→ M ⊗A P est injectif. (On suppose I ={1, 2},
P = P1 P2 . Soit N un sous-module de P . Considérer N1 = N P1 et
N2 = π2 (N ) où π2 : P −→ P2 est la projection canonique. En déduire le cas
où I = {1, . . . , n} par récurrence.
 On suppose I quelconque. Soit N un sous-
module de type fini de P = I∈I P . Alors il existe un sous-ensemble fini J de I
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tel que N soit contenu dans PJ = i∈J Pi . Conclure.)
7. Montrer que si pour tout sous-module N de P le morphisme canonique
M ⊗A N −→ M ⊗A P est injectif, alors pour tout quotient Q de P et tout sous-
module R de Q, le morphisme canonique M ⊗A R −→ M ⊗A Q est injectif.
8. Déduire des questions qui précèdent le critère de platitude suivant : un A-module
M est plat si et seulement si pour tout idéal a de A, le morphisme canonique de
A-modules aM  M ⊗A a −→ M ⊗A A  M est injectif.
9. Montrer que si A est un anneau principal, un A-module est plat si et seulement
s’il est sans torsion. En déduire que Q est un Z-module plat. Est-il fidèlement
plat ?
10. Montrer que si M et N sont deux A-modules plats, le A-module M ⊗A N est
plat.
11. Soit M un A-module. Montrer que les assertions suivantes sont équivalentes :
(i) le A-module M est fidèlement plat,
(ii) le A-module M est plat et pour tout A-module N , M ⊗A N = 0 implique
N = 0,
(iii) le A-module M est plat et pour tout morphisme g de A-modules,
IdM ⊗A g = 0 implique g = 0,
(iv) le A-module M est plat et pour tout idéal maximal m de A, mM = m.
(Suggestion : montrer que (i) ⇒ (ii)⇒ (iii) ⇒ (i) et que (ii) ⇔ (iv)).
12. Soient f : A −→ B un morphisme d’anneaux commutatifs et M un A-module.
Montrer que si M est un A-module plat (resp. fidèlement plat), alors f (M ) est
un B-module plat (resp. fidèlement plat).

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♠ TR.VIII.B. Passage du local au global

♠ TR.VIII.B. Passage du local au global

Dans tout ce qui suit, A est un anneau commutatif.


1. Soient S une partie multiplicative de A et S −1 A le localisé de A relativement
à S (cf. section I.6). Montrer que l’anneau S −1 A est un A-module plat.
2. Avec les mêmes notations, montrer, plus généralement, que si M est un
A-module plat (resp. fidèlement plat), alors S −1 M = M ⊗A S −1 A est un
S −1 A-module plat (resp. fidèlement plat).
On rappelle (cf. section I.6) que, pour tout idéal premier p de A, Ap est
l’anneau localisé de A relativement à la partie multiplicative S = A \ p. On note
alors, pour tout A-module M , Mp le Ap-module M ⊗A Ap.
3. Soient A et B deux anneaux commutatifs, ϕ : A −→ B un morphisme d’an-
neaux et N un B-module. Montrer que les propriétés suivantes sont équivalentes :
(i) ϕ (N ) est un A-module plat,
(ii) pour tout idéal maximal n de B, Nn est un A-module plat (par restriction
des scalaires),
(iii) pour tout idéal maximal n de B, Nn est un Am-module plat (par restriction
des scalaires), où m = ϕ−1 (n).
4. En déduire que pour qu’un A-module M soit plat (resp. fidèlement plat), il faut
et il suffit que, pour tout idéal maximal m de A, le Am module Mm soit plat (resp.
fidèlement plat).
On note Ω l’ensemble des idéaux maximaux de A.

5. Montrer que le A-module m∈Ω Am est fidèlement plat.
Soient M et N deux A-modules et u : M −→ N un morphisme de A-modules.
Pour tout idéal premier p de A, on note up : Mp −→ Np le morphisme u ⊗ Idp.
6. Avec les notations ci-dessus, montrer que pour que u soit injectif (resp. surjectif,
bijectif, nul), il faut et il suffit que, pour tout m ∈ Ω, um soit injectif (resp. surjectif,
bijectif, nul).

♠ TR.VIII.C. Propriété universelle du produit tensoriel


d’algèbres commutatives

Soient K un anneau commutatif, (A, f ) et (B, g) deux K-algèbres associatives,


commutatives et unitaires.
D’après le théorème 6.1, A ⊗K B est une K-algèbre associative et unitaire.

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Algèbre T2

1. Vérifier que c’est aussi une K-algèbre commutative.


2. Vérifier que le morphisme structural de cette K-algèbre est k : K −→ A ⊗K B
donné par k(λ) = f (λ) ⊗ 1 = 1 ⊗ g(λ).
En identifiant A à A⊗K K et B à K ⊗K B, on pose u = IdA ⊗g et v = f ⊗IdB .
3. Vérifier que u et v sont des morphismes d’anneaux et que l’on a u◦f = k = v◦g.
On considère (C, h) une K-algèbre associative, commutative et unitaire. Soient
u : (A, f ) −→ (C, h) et v  : (B, g) −→ (C, h) deux morphismes de K-algèbres (on
rappelle que cela signifie que u et v  sont des morphismes d’anneaux, u : A −→ C,
v  : B −→ C, qui vérifient u ◦ f = h = v  ◦ g).
4. Montrer que l’application A × B −→ C définie par (x, y) → u (x)v  (y) se
factorise par une application K-linéaire ϕ : A ⊗K B −→ C, ϕ(x ⊗ y) = u (x)v  (y).
5. Montrer que ϕ est l’unique morphisme de K-algèbres ϕ : (A⊗K B, k) −→ (C, h)
tel que u = ϕ ◦ u et v  = ϕ ◦ v. On remarquera que l’hypothèse de commutativité
des algèbres est nécessaire pour montrer que ϕ((x⊗y)(x ⊗y  )) = ϕ(x⊗y)ϕ(x ⊗y  )
et que c’est la seule utilisation de cette hypothèse.
On a donc montré que le produit tensoriel d’algèbres associatives, commuta-
tives et unitaires est solution d’un problème universel. En termes un peu plus
savants, on dit que le produit tensoriel est le coproduit dans la catégorie
des agèbres associatives, commutatives et unitaires. Comme on l’a remar-
qué à la question précédente, ce résultat est faux si l’on ne suppose pas que les
algèbres sont commutatives.

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IX
PRODUIT EXTÉRIEUR
ALGÈBRE EXTÉRIEURE

Dans ce chapitre, A désignera un anneau commutatif.

Dans les deux premiers paragraphes de ce chapitre, nous allons rappeler


quelques notions et propriétés bien connues d’algèbre linéaire dans le cadre des
espaces vectoriels : applications et formes multilinéaires, déterminants. Nous ver-
rons que certaines de ces propriétés sont valables sans changement dans le cadre
des modules sur un anneau commutatif et, pour le confort du lecteur, nous expli-
citerons celles qui nous seront les plus utiles dans la suite.

1. Applications multilinéaires alternées

Définition 1.1. Soient M et P deux A-modules. Une application (resp. forme)


n-multilinéaire définie sur M , f : M n = M × · · · × M −→ P (resp.
f : M n = M × · · · × M −→ A) est alternée si f (x1 , . . . , xn ) = 0 quand
il existe deux arguments consécutifs égaux.

Autrement dit, s’il existe i, 1  i  n − 1, tel que xi = xi+1 , alors


f (x1 , . . . , xn ) = 0.

Proposition 1.2. Soient M et P deux A-modules et f une application


n-multilinéaire alternée. On a :
(i) f (x1 , . . . , xi , xi+1 , . . . , xn ) = −f (x1 , . . . , xi+1 , xi , . . . , xn ),
(ii) ∀ i, j, 1  i < j  n,

f (x1 , . . . , xi , . . . , xj , . . . , xn ) = (−1)j−i+1 f (x1 , . . . , xi , xj , . . . , xn )

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Chapitre IX. Produit extérieur – Algèbre extérieure

où xi est à la i-ième place et où xj à la j-ième place dans le premier membre et


à la (i + 1)-ième place dans le second membre,
(iii) s’il existe i, j, 1  i < j  n, avec xi = xj , alors

f (x1 , . . . , xi , . . . , xj , . . . , xn ) = 0,

(iv) ∀ a ∈ A, ∀ i, j, 1  i  n, 1  j  n, i = j,

f (x1 , . . . , xi , . . . , xj , . . . , xn ) = f (x1 , . . . , xi + axj , . . . , xj , . . . , xn ).

Démonstration.
(i) Posons f˜(xi , xi+1 ) = f (x1 , . . . , xi , xi+1 , . . . , xn ) ; f˜ est une application bili-
néaire alternée. On a

∀ x, y ∈ M, 0 = f˜(x + y, x + y) = f˜(x, y) + f˜(y, x),

d’où, en remplaçant x par xi et y par xi+1 , on a

f (x1 , . . . , xi , xi+1 , . . . , xn ) = −f (x1 , . . . , xi+1 , xi , . . . , xn ).

(ii) Se déduit par applications successives de (i).


(iii) C’est une conséquence de (ii) et de la définition 1.1.
(iv)
f (x1 , . . . , xi + axj , . . . , xj , . . . , xn )
= f (x1 , . . . , xi , . . . , xj , . . . , xn ) + af (x1 , . . . , xj , . . . , xj , . . . , xn )
= f (x1 , . . . , xi , . . . , xj , . . . , xn ). ♦

Proposition 1.3. Soient x1 , . . . , xn des éléments de M et considérons les éléments

y1 = a11 x1 + · · · + a1n xn
.......................................
.......................................
yn = an1 x1 + · · · + ann xn

avec aij ∈ A pour tout 1  i, j  n. Si f est une application n-multilinéaire


alternée définie sur M , on a

f (y1 , . . . , yn ) = sgn(σ)a1σ(1) · · · anσ(n) f (x1 , . . . , xn )
σ∈Sn

où Sn est le groupe des permutations d’un ensemble à n éléments et où sgn(σ)


désigne la signature de la permutation σ.

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2. Déterminants

Démonstration. En développant l’expression f (y1 , . . . , yn ) par multilinéarité de f ,


on obtient

f (y1 , . . . , yn ) = a1σ(1) · · · anσ(n) f (xσ(1) , . . . , xσ(n) )
σ

où σ parcourt toutes les applications de l’ensemble {1, . . . , n} dans lui-


même. Si σ n’est pas bijective, dans l’expression f (xσ(1) , . . . , xσ(n) ) deux ar-
guments sont égaux et le terme est nul. On peut donc se restreindre au cas
où σ appartient à Sn . Par applications successives de la proposition 1.2.i,
chaque terme f (xσ(i1 ) , . . . , xσ(in ) ), avec {i1 , . . . , in } = {1, . . . , n}, est égal à
sgn(σ)f (x1 , . . . , xn ). ♦

On déduit de ce qui précède que si (e1 , . . . , en ) est une base d’un A-module
libre M , toute application n-multilinéaire alternée f définie sur M est entièrement
déterminée par la donnée de f (e1 , . . . , en ). En particulier, il existe une et une seule
forme n-multilinéaire alternée f : M −→ A telle que f (e1 , . . . , en ) = 1. Dans ce
cas, on notera D cette forme n-multilinéaire alternée. Par conséquent, si ai,j ,
1  i  n, 1  j  n, sont les composantes des éléments y1 , . . . , yn relativement à̀
la base (e1 , . . . , en ), on a

D(y1 , . . . , yn ) = sgn(σ)a1σ(1) · · · anσ(n) .
σ∈Sn

2. Déterminants

Pour la commodité du lecteur nous rappelons ici quelques notions bien connues
sur le déterminant dont nous ferons usage dans la suite.
On note Mn (A) le A-module des matrices (n, n) à coefficients dans A. Une
matrice B de Mn (A) sera notée B = (bij ), bij ∈ A, 1  i  n, 1  j  n,
où i est l’indice de la ligne et j est celui de la colonne. On notera dans la suite
B1 , . . . , Bn ses colonnes. On rappelle que toute matrice (n, n) peut être vue comme
représentation d’un endomorphisme u d’un A-module libre de rang n relative-
ment à une base {e1 , . . . , en } de ce module. Dans ce cas, pour tout 1  i  n,
Bi = b1i e1 + · · · + bni en (comme il est usuel, on identifie le vecteur de base ei avec
la colonne dont toutes les composantes sont nulles, sauf la i-ième qui vaut 1).

Définition 2.1. Un déterminant (n, n) est une application det : Mn (A) −→ A


qui, pour chaque matrice B de Mn (A), est une forme n-multilinéaire alternée
des colonnes B1 , . . . , Bn de B et telle que det(Id) = 1.

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Chapitre IX. Produit extérieur – Algèbre extérieure

En particulier, si M est un A-module libre de rang n et si {e1 , . . . , en } est une


base de M , on a det(e1 , . . . , en ) = det(Id) = 1.
Par conséquent, d’après le paragraphe précédent, le déterminant est l’unique
forme n-multilinéaire alternée D définie sur Mn (A) telle que D(e1 , . . . , en ) = 1.
Donc, avec les notations ci-dessus,

D(B) = D(B1 , . . . , Bn ) = sgn(σ)b1σ(1) · · · bnσ(n) .
σ∈Sn

Dans toute le suite, on notera det(B) le déterminant D(B) = D(B1 , . . . , Bn ).


Donnons, par récurrence, un algorithme de calcul du déterminant.
– Si n = 1, on pose det(b) = b, b ∈ A.
– Soit n  2 : supposons que le déterminant soit défini pour toute matrice de
Mp (A) avec p  n − 1, et soit B = (bij )1in,1jn une matrice de Mn (A). Pour
tout couple (i, j), 1  i  n, 1  j  n, on note Bij la matrice de Mn−1 (A)
définie à partir de B en supprimant la i-ième ligne et le j-ième colonne. On pose

det(B) = (−1)i+1 bi1 det(Bi1 ) + · · · + (−1)i+n bin det(Bin ).

Par définition, det(B) est un élément de A.


Montrons que det est une forme multilinéaire. Fixons un indice k et un terme
bij det(Bij ). Si j = k, bij ne dépend pas de k et det(Bij ) est linéaire en la k-ième
colonne de B ; si j = k, det(Bik ) ne dépend pas de la k-ième colonne de B et le
coefficient bik dépend linéairement de la k-ième colonne de B. Chaque terme du
second membre de l’égalité ci-dessus est linéaire en la k-ième colonne de B, donc
det(B) aussi. Cela étant vrai pour tout k, 1  k  n, det(B) est multilinéaire.
Montrons que cette forme multilinéaire est alternée. Supposons qu’il existe un
indice k, 1  k  n − 1, tel que Bk = Bk+1 . Pour tout indice j différent de k et
de k + 1, la matrice Bij a deux colonnes égales, donc det(Bij ) = 0. On a donc

det(B) = (−1)i+k bik det(Bik ) + (−1)i+k+1 bik+1 det(Bik+1 ).

Les matrices Bik et Bik+1 sont égales, ainsi que les coefficients bik et bik+1 , donc
det(B) = 0.

Remarque. L’expression du déterminant donnée par l’algorithme ci-dessus est le


développement suivant la i-ème ligne. L’unicité du déterminant montre que l’on
peut le calculer en développant par rapport à n’importe quelle ligne.

Exercice E1.
1. Soient B ∈ Mn (A) et t B sa transposée. Montrer que det(t B) = det(B).

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3. Produit extérieur

2. Soient B ∈ Mn (A), M un A-module, f une application n-multilinéaire


alternée sur M et (x1 , . . . , xn ) des éléments de M . On pose
⎛ ⎞ ⎛ ⎞
x1 y1
⎜ .. ⎟ ⎜ .. ⎟
B⎝ . ⎠ = ⎝ . ⎠.
xn yn

Montrer que
f (y1 , . . . , yn ) = det(B)f (x1 , . . . , xn ).
En particulier, si u est un endomorphisme de M , il existe un scalaire, noté det(u),
tel que
f (u(x1 ), . . . , u(xn )) = det(u)f (x1 , . . . , xn ).

3. Montrer que si B et C (resp. u et v) sont deux éléments de Mn (A) (resp.


endomorphismes d’un A-module libre de rang n), alors det(BC) = det(B)det(C)
(resp. det(u ◦ v) = det(u)det(v)).
En déduire que le scalaire det(u) est indépendant de la base dans laquelle on
représente l’endomorphisme u.
4. Montrer que si M est un A-module libre de base {e1 , . . . , en }, si P est un
A-module et y un élément de P , il existe une unique application n-multilinéaire
fy sur M telle que fy (e1 , . . . , en ) = y.
5. En déduire que si M est un A-module libre de rang n, l’ensemble des formes
n-multilinéaires alternées sur M est un A-module libre de rang 1 (on trouvera une
autre démonstration de ce résultat au corollaire 3.3 ci-dessous).

Remarque. D’après la question 1 de l’exercice ci-dessus, on peut aussi calculer le


déterminant d’une matrice en développant par rapport à n’importe quelle colonne.

3. Produit extérieur

Soit M un A-module. On considère le sous-A-module J p de T p (M ) engen-


dré par les éléments x1 ⊗ · · · ⊗ xp tels que xi = xj pour i = j et l’on pose
Λp (M ) = T p (M )/J p .

Notation. L’image d’un élément x1 ⊗ · · · ⊗ xp dans Λp (M ) est notée x1 ∧ · · · ∧ xp .

Le module Λp (M ) s’appelle la puissance extérieure p-ième de M et l’élé-


ment x1 ∧ · · · ∧ xp s’appelle le produit extérieur des éléments x1 , . . . , xn .

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Chapitre IX. Produit extérieur – Algèbre extérieure


Tout élément de T p (M ) s’écrivant finie ai1 ...ip xi1 ⊗
· · · ⊗ xip , avec ai1 ...ip ∈ A
et xij ∈ M pour tout ij , tout élément de Λ (M ) s’écrit finie ai1 ...ip xi1 ∧ · · · ∧ xip ,
p

avec ai1 ...ip ∈ A et xij ∈ M pour tout ij .


Notons βM,p l’application composée de αM,...,M (p facteurs M ) (cf. sec-
tion VIII.4), avec la projection canonique π : T p (M ) −→ Λp (M )

βM,p : M p −→ T p (M ) −→ Λp (M )

qui à (x1 , . . . , xp ) associe x1 ∧· · ·∧xp . Il est clair qu’elle est p-multilinéaire alternée.
Par conséquent, les éléments x1 ∧ · · · ∧ xp satisfont aux relations et propriétés
démontrées au paragraphe 1.

Théorème 3.1. Soient M un A-module et p  2 un entier. Pour tout A-module


P et toute application p-multilinéaire alternée f : M −→ P , il existe une unique
application linéaire fˆ : Λp (M ) −→ P telle que f = fˆ ◦ βM,p .

Démonstration. D’après le théorème VIII.4.4, pour tout A-module P et toute ap-


plication p-multilinéaire M −→ P , il existe une unique application A-linéaire
f : T p (M ) −→ P telle que f = f ◦ αM,...,M . L’application f étant alternée,
l’application f s’annule sur J p et l’on obtient, par passage au quotient, une ap-
plication A-linéaire fˆ : Λp (M ) −→ P telle que f = fˆ ◦ π. On en déduit que
f = fˆ ◦ π ◦ αM,...,M = fˆ ◦ βM,p . L’unicité de fˆ provient, par construction, de
l’unicité de f . ♦

Autrement dit, le A-module des applications n-multilinéaires alter-


nées définies sur M et à valeurs dans P est isomorphe au A-module
HomA (Λn (M ), N ).

Théorème 3.2. Soit M un A-module libre de rang n, dont on notera {e1 , . . . , en }


une base. Si r > n, Λr (M ) = 0. Si r  n, Λr (M ) est un A-module libre de rang
Cnr dont une base est formée des éléments ei1 ∧ · · · ∧ eir , avec i1 < · · · < ir ,
(i1 , . . . , ir ) parcourant les parties à r éléments de l’ensemble (1, . . . , n).

Démonstration. Un élément quelconque x de Λr (M ) est une somme finie



x= ai1 ,...,ir ei1 ∧ · · · ∧ eir .
(i1 ,...,ir )

– Si r > n, pour tout r-uple (i1 , . . . , ir ), il existe j = k tels que eij = eik et
ei1 ∧ · · · ∧ eir = 0, d’où x = 0.
– Si r = n, d’après la relation d’antisymétrie, tout générateur de Λn (M )
s’écrit, à un signe près, e1 ∧ . . . ∧ en . Par conséquent, tout élément de Λn (M ) est

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3. Produit extérieur

un multiple de e1 ∧ · · · ∧ en . D’autre part, d’après (2.3), on a det(e1 , . . . , en ) = 1,


donc Λn (M ) est isomorphe à A, i.e. est un A-module libre de rang 1, de base
e1 ∧ · · · ∧ en .
Si 1  r < n, pour les mêmes raisons que ci-dessus, les éléments ei1 ∧ · · · ∧ eir ,
avec i1 < · · · < ir , engendrent Λr (M ). Notons i = (i1 , . . . , ir ) et supposons que

ai ei1 ∧ · · · ∧ eir = 0.
finie

Considérons un r-uple quelconque j = (j1 , . . . , jr ) et notons jr+1 , . . . , jn les entiers


compris entre 1 et n qui ne figurent pas dans j. Dans la somme

0= ai ei1 ∧ · · · ∧ eir ∧ ejr+1 ∧ · · · ∧ ejn ,
finie

les termes correspondants à tous les r-uples (i1 , . . . , ir ) différents de j sont nuls
car l’un des ik , 1  j  r, est égal à l’un des js , r + 1  s  n. Le seul élément
qui reste dans cette somme est aj ej1 ∧ · · · ∧ ejr ∧ ejr+1 ∧ · · · ∧ ejn , qui est donc nul.
Or, à un signe près, cet élément est égal à aj e1 ∧ · · · ∧ en . D’après le cas précédent,
on a donc aj = 0. Comme cela est vrai pour tout j, on a ai = 0 pour tout i et
la famille des éléments ei1 ∧ · · · ∧ eir (i1 < · · · < ir ) parcourant les parties à r
éléments de l’ensemble {1, . . . , n} est libre. C’est donc une base de Λr (M ).
Pour n = 0, on pose Λ0 (M ) = A. ♦

Corollaire 3.3. Soient k un corps, V un k-espace vectoriel de dimension n et


x1 , . . . , xp des éléments de V . Les assertions suivantes sont équivalentes :
(i) les éléments x1 , . . . , xp sont linéairement indépendants,
(ii) l’élément x1 ∧ · · · ∧ xp est non nul.

Démonstration. Montrons que (i) implique (ii). Si les éléments x1 , . . . , xp sont li-
néairement indépendants, d’après le théorème de la base incomplète, on peut
compléter {x1 , . . . , xp } en une base {x1 , . . . , xp , xp+1 , . . . , xn } de V . D’après le
théorème ci-dessus, l’élément x1 ∧ · · · ∧ xp ∧ xp+1 ∧ · · · ∧ xn est non nul, il en est
donc de même de l’élément x1 ∧ · · · ∧ xp . p
p Montrons que (ii) implique (i).
p Supposons que 1 ai xi = 0, alors
1 ai x i ∧ x 2 ∧ · · · ∧ x n = 0. Mais, 1 ai xi ∧ x2 ∧ · · · ∧ x n = a1 (x1 ∧ · · · ∧ xn ) ;
d’après (ii), cet élément est nul si et seulement si a1 = 0. On peut faire ce raison-
nement pour tout ai , ce qui prouve (i). ♦

Remarque. On peut démontrer directement, i.e. sans utiliser la notion de déter-


minant, que si M est un A-module libre de rang n, alors le A-module Λn (M ) est
isomorphe à A. Cela permet de définir le déterminant à partir du produit extérieur
(cf. l’exercice E2 ci-dessous).

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Chapitre IX. Produit extérieur – Algèbre extérieure

Exercice E2. Soient M un A-module libre de rang n et {e1 , . . . , en } une base de


M . On rappelle que, d’après le corollaire VIII.3.3, T n (M ) est libre, dont une base
est formée des éléments ei1 ⊗ · · · ⊗ ein , avec (i1 , . . . , in ) ∈ {1, . . . n}n .
1. On note K le sous-A-module de T n (M ) engendré par l’élément e1 ⊗· · ·⊗en .
Montrer que T n (M ) = J n ⊕ K.
2. En déduire que Λn (M ) est un module libre de rang 1, i.e. isomorphe à A.
Par conséquent, pour toute famille de n éléments x1 , . . . , xn de M , il existe
un unique élément a ∈ A tel que x1 ∧ · · · ∧ xn = a(e1 ∧ · · · ∧ en ).
3. Montrer que a satisfait la définition 2.1 du déterminant, où B1 , . . . , Bn sont
les colonnes formées par les composantes respectives de x1 , . . . , xn relativement à
la base {e1 , . . . , en }.
4. En déduire que

a= sgn(σ)x1σ(1) · · · xnσ(n)
σ∈Sn

où, pour tout i, 1  i  n, xij , 1  j  n sont les composantes de xi .

On peut donc définir le déterminant de x1 , . . . , xn relativement à la base


{e1 , . . . , en } par det{e1 ,...,en } (x1 , . . . , xn ) = a. Cette définition s’étend à det(B)
pour tout élément B de Mn (A).
Soient M , N des A-modules et u : M −→ N une application A-linéaire.
L’application M p −→ Λp (N ), qui à (x1 , . . . , xp ) associe u(x1 ) ∧ · · · ∧ u(xp ), est
p-multilinéaire alternée. Il existe donc une unique application A-linéaire

Λp (M ) −→ Λp (N ),

que l’on note Λp (u), qui vérifie

Λp (u)(x1 ∧ · · · ∧ xp ) = u(x1 ) ∧ · · · ∧ u(xp ).

Exercice E3.
1. Soient M , N des A-modules et u : M −→ N une application A-linéaire.
Montrer que Λp (u) est obtenue à partir de u⊗p : M ⊗p −→ N ⊗p par passage au
quotient.
2. Montrer que Λp (v ◦ u) = Λp (v) ◦ Λp (u).

Soient M un A-module libre de rang n et u un endomorphisme de M . L’ap-


plication Λn (u) est une application A-linéaire de A dans A, c’est donc une
homothétie.

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4. Commutation du produit extérieur aux sommes directes

Définition 3.4. Avec les notation ci-dessus, le rapport de l’homothétie Λn (u)


est appelé le déterminant de u, que l’on note det(u).

4. Commutation du produit extérieur aux sommes


directes
Théorème 4.1. Soient M et N deux A-modules. Pour tout entier n, il existe un
isomorphisme naturel de A-modules

Λn (M ⊕ N )  (Λp (M ) ⊗A Λq (N )).
p+q=n

Démonstration. Posons E = M ⊕ N , i : M → E et j : N → E les inclusions


canoniques. Puisque i admet une section s : E −→ M (cf. VII. exercice E2),
d’après l’exercice E3.2, Λk (s) est une section de Λk (i), pour tout entier k. Par
conséquent, Λk (M ) s’identifie à un facteur direct de Λk (E) (cf. exercice VII.E2).
Il en est de même pour Λk (j) et Λk (N ).
Traitons le cas n = 2. On notera x, x , x des éléments de M et y, y  , y  des
éléments de N . L’application M × N −→ Λ2 (E) définie par

(x, y) → (x + 0) ∧ (0 + y) = x ∧ y

est A-bilinéaire. Il existe donc une application A-linéaire ϕ : M ⊗ N −→ Λ2 (E)


vérifiant ϕ(x ⊗ y) = x ∧ y. D’après la propriété universelle de somme directe
(TR.IV.A), il existe une application A-linéaire

ψ : Λ2 (M ) ⊕ Λ2 (N ) ⊕ (M ⊗A N ) −→ Λ2 (E)

vérifiant

ψ((x ∧ x ) + (y ∧ y  ) + (x ⊗ y  )) = x ∧ x + y ∧ y  + x ∧ y  .

Dans l’autre sens, considérons l’application

E × E −→ Λ2 (M ) ⊕ Λ2 (N ) ⊕ (M ⊗A N )

définie par (x + y, x + y  ) → (x ∧ x ) + (y ∧ y  ) + (x ⊗ y  − x ⊗ y). On vérifie que


c’est une application A-bilinéaire alternée, d’où une application A-linéaire

θ : Λ2 (E) −→ Λ2 (M ) ⊕ Λ2 (N ) ⊕ (M ⊗ N )

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Chapitre IX. Produit extérieur – Algèbre extérieure

vérifiant θ((x + y) ∧ (x + y  )) = (x ∧ x ) + (y ∧ y  ) + (x ⊗ y  − x ⊗ y). On vérifie


que ψ ◦ θ = IdΛ2 (E) et que θ ◦ ψ = IdΛ2 (M )⊕Λ2 (N )⊕(M ⊗A N ) . D’où le résultat pour
n = 2 (on rappelle que Λ0 (M ) = Λ0 (N ) = A et que A ⊗A M  M , A ⊗A N  N
canoniquement).
Traitons le cas n > 2 quelconque. Pour tout couple d’entiers positifs ou nuls
(p, q) tels que p + q = n, on note Sp,q l’ensemble des éléments σ de Sn formé des
permutations σ de l’ensemble (i1 , . . . , ip , j1 , . . . , jq ) telles que

σ(i1 ) < · · · < σ(ip ) et σ(j1 ) < · · · < σ(jq ).

On considère l’application

αp,q : E n −→ Λp (M ) ⊗A Λq (N )

définie par

αp,q (x1 +y1 , . . . , xn +yn ) = sgn(σ)(xσ(i1 ) ∧· · ·∧xσ(ip) )⊗(yσ(j1 ) ∧· · ·∧yσ(jq ) ).
σ∈Sp,q

On vérifie que αp,q est une application n-multilinéaire alternée. On en déduit une
application A-linéaire

α̂p,q : Λn (E) −→ Λp (M ) ⊗A Λq (N )

vérifiant

α̂p,q ((x1 +y1 )∧· · ·∧(xn +yn )) = sgn(σ)(xσ(i1 ) ∧· · ·∧xσ(ip) )⊗(yσ(j1 ) ∧· · ·∧yσ(jq ) ).
σ∈Sp,q

Les applications α̂pq , pour (p, q) couple d’entiers positifs ou nuls tels que p+q = n,
induisent, par propriété universelle du produit, une application A-linéaire

α : Λn (E) −→ (Λp (M ) ⊗A Λq (N )).
p+q=n

Or, le produit portant sur un nombre fini de composantes, on sait que


 
(Λp (M ) ⊗A Λq (N )) = (Λp (M ) ⊗A Λq (N )).
p+q=n p+q=n

Dans l’autre sens, on considère l’application

βp,q : Λp (M ) × Λq (N ) −→ Λn (E)

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5. Algèbre extérieure

définie par

βp,q (x1 ∧ · · · ∧ xp , y1 ∧ · · · ∧ yq ) = (x1 + 0) ∧ · · · ∧ (xp + 0) ∧ (0 + y1 ) ∧ · · · ∧ (0 + yq ).

C’est une application A-bilinéaire, d’où une application A-linéaire

β̃p,q : Λp (M ) ⊗A Λq (N ) −→ Λn (E).

Les applications β̃p,q , pour (p, q) couple d’entiers positifs ou nuls tels que p+q = n,
induisent, par propriété universelle de la somme directe, une application A-linéaire

β: (Λp (M ) ⊗A Λq (N )) −→ Λn (E).
p+q=n

On vérifie que α et β sont des applications réciproques l’une de l’autre. ♦

5. Algèbre extérieure

On considère l’idéal bilatère J de T (M ) engendré par les éléments x ⊗ x, pour


x parcourant M .
On pose Λ(M ) = T (M )/J.
On a 
Λ(M ) = T p (M )/(T p (M ) ∩ J).
p

Or, il est clair que ∩ J est sous-A-module J p de T p (M ) engendré par les


T p (M )
éléments x1 ⊗ · · · ⊗ xp tels que xi = xj pour i = j. Par conséquent,

T p (M )/(T p (M ) ∩ J) = Λp (M ).

On a donc 
Λ(M ) = Λp (M ).
p

On note kM : M = Λ1 (M ) → Λ(M ) l’inclusion de M dans Λ(M ).

Théorème 5.1. Pour toute A-algèbre associative unitaire R, pour toute application
A-linéaire f de M dans le A-module sous-jacent à R vérifiant f 2 (x) = 0 pour
tout x dans M , il existe un unique morphisme d’algèbres associatives unitaires
fˆ : Λ(M ) −→ R tel que fˆ ◦ kM = f .

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Chapitre IX. Produit extérieur – Algèbre extérieure

Démonstration. D’après la propriété universelle de l’algèbre tensorielle, il existe


f : T (M ) −→ R tel que f ◦ iM = f . L’hypothèse f 2 (x) = 0 pour tout x de M
implique que le noyau de f contient les éléments x ⊗ x pour x parcourant M . Par
passage au quotient, on obtient un morphisme d’algèbres fˆ : Λ(M ) −→ R qui
vérifie fˆ ◦ kM = f .
L’unicité de fˆ est évidente. ♦

Définition 5.2. Pour tout A-module M , Λ(M ) est l’algèbre extérieure de M.

Exercice E4. Soient M et N deux A-modules et u : M −→ N une application


A-linéaire.
1. Montrer que u se prolonge en un unique morphisme de A-algèbres
Λ(u) : Λ(M ) −→ Λ(N ).
2. Montrer que Λ(v ◦ u) = Λ(v) ◦ Λ(u).

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THÈMES DE RÉFLEXION

♠ TR.IX.A. Annulation de puissances extérieures

Soient A un anneau commutatif et M un A-module.


1. Soient n et p deux nombres entiers non nuls. Montrer l’existence d’un mor-
phisme surjectif de A-modules de Λn (M ) ⊗A Λp (M ) sur Λn+p (M ).
2. En déduire que si Λn (M ) = 0, alors Λn+p (M ) = 0 pour p  1.
3. Soient I et J deux idéaux étrangers de A (i.e. I + J = A) et supposons que
s1 , . . . , sn soit un système de générateurs de I. Montrer que pour tout p ∈ N, on
a A = (sp1 , . . . , spn ) + J (faire un raisonnement par récurrence).
On suppose maintenant qu’il existe un nombre entier p tel que le A-module
Λp (M ) soit monogène, dont on notera e un générateur.

4. En écrivant e = n1 vi , où les vi sont des éléments purs de Λp (M ) (i.e. chaque
vi est le produit extérieur de p éléments de M ), montrer qu’il existe des éléments
s1 , . . . , sn de A tels que, pour tout i, 1  i  n, vi = si e.
5. En déduire que A est somme de l’idéal engendré par les si , 1  i  n, et de
AnnA (e).
6. Montrer que tout élément pur de Λp+1 (M ) est annulé par AnnA (e) et les s2i ,
1  i  n.
7. En déduire que Λp+q (M ) = 0 pour tout nombre entier non nul q.
Le lecteur est invité à mettre ce résultat en relation avec le théorème 3.2.

♠ TR.IX.B. Dérivations et formes différentielles

Soient k un anneau, A une k-algèbre commutative et unitaire (cf. TR.IV.B) et


M un A-module. Une dérivation de A à valeurs dans M est une application

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Algèbre T2

k-linéaire D : A −→ M qui satisfait la relation

D(ab) = aD(b) + D(a)b ∀ a, b ∈ A.

On note Der(A, M ) l’ensemble des dérivations de A à valeurs dans M .


1. Montrer que Der(A, M ) est un A-module.
2. Pour tout élément u de A, on pose adu (a) = ua − au. Montrer que adu est une
dérivation de A à valeurs dans A.
On dit que adu est une dérivation intérieure.
3. On considère k = R, U un ouvert de Rn et A = C ∞ (U ) la k-algèbre des
fonctions C ∞ de U dans R. Montrer que pour tout i, 1  i  n, l’opérateur
différentiel ∂/∂xi est une dérivation de C ∞ (U ) dans elle-même.
Une dérivation d : A −→ M est dite universelle si, pour toute dérivation
δ : A −→ N , il existe une unique application A-linéaire ϕ : M −→ N telle que
δ = ϕ ◦ d.
Nous allons construire cette dérivation universelle. L’algèbre A⊗A A est munie
d’une structure de A-module à gauche et de A-module à droite par la multiplica-
tion sur chaque facteur.
4. Montrer que le noyau I de la multiplication μ : A ⊗A A −→ A hérite d’une
structure de A-module à gauche et à droite et qu’il est engendré par les éléments
1 ⊗ x − x ⊗ 1, x ∈ A.
5. Montrer que les structures de A-module à gauche et à droite induites sur
I/I 2 sont compatibles (on montrera que pour tout x ∈ A et pour tout a ∈ A,
a(1 ⊗ x − x ⊗ 1) − (1 ⊗ x − x ⊗ 1)a est un élément de I 2 ).
6. Montrer que l’application d : A −→ I/I 2 définie par d(x) = classe(1⊗x−x⊗1)
est la dérivation universelle.
On note Ω1A|k le A-module engendré par les symboles d(a), pour a parcourant
A, soumis aux relations
d(λa + μb) = λd(a) + μd(b), λ, μ ∈ k, a, b ∈ A
d(ab) = ad(b) + bd(a), a, b ∈ A.
7. Montrer que les A-modules I/I 2 et Ω1A|k sont canoniquement isomorphes (consi-
dérer (1 ⊗ x − x ⊗ 1) → dx).
8. Montrer que l’application f → f ◦ d est un isomorphisme de A-modules

HomA (Ω1A|k , M ) −→ Der(A, M ).

9. Soient V un k-module de dimension finie n et A = S(V ) son algèbre symétrique.


Montrer que l’application a ⊗ v → ad(v) est un isomorphisme de S(V )-modules

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♠ TR.IX.B. Dérivations et formes différentielles

S(V ) ⊗ V −→ Ω1S(V )|k (on montrera que l’application S(V ) −→ S(V ) ⊗ V définie

par v1 ⊗ · · · ⊗ vn → i (v1 ⊗ · · · ⊗ v̂i ⊗ · · · ⊗ vn ⊗ vi ), où v̂i signifie que l’on omet
vi , est une dérivation universelle : conclure).
Pour tout n  1, on pose ΩnA|k = ΛnA Ω1A|k et, par convention, on pose Ω0A|k = A.
On appelle ces modules modules des formes différentielles.
10. Avec les données de la question 9, montrer que l’on a un isomorphisme cano-
nique
ΩnS(V )|k  S(V ) ⊗ Λn V.

11. Montrer que si S est une partie multiplicative de A, alors

S −1 A ⊗A ΩnA|k  ΩnS −1 A|k .

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APPENDICE

L’objet de cet appendice est un exposé des résultats généraux de la théorie


des ensembles utilisés dans certaines démonstrations de cet ouvrage. Un exposé
complet de ces questions nécessiterait à lui seul un ouvrage. On ne trouvera donc
ici que les rappels nécessaires à une bonne compréhension des démonstrations
contenues dans ce livre. Pour plus de détails, le lecteur pourra consulter [BBK].
Certains points sont développés en appendice de [ALB].

1. Ensembles ordonnés

Définition 1.1. Une relation d’ordre sur un ensemble E est une relation bi-
naire R satisfaisant les conditions suivantes :
(i) ∀ x ∈ E, xRx (réflexivité),
(ii) ∀ x ∈ E, ∀ y ∈ E, [xRy] et [yRx] =⇒ [x = y] (antisymétrie),
(iii) ∀ x ∈ E, ∀ y ∈ E, ∀z ∈ E, [xRy] et [yRz] =⇒ [xRz] (transitivité).
Un ensemble ordonné est la donnée d’un couple (E, R), où E est un
ensemble et R une relation d’ordre définie sur E.

Exemples 1.2.
a) La relation  sur l’ensemble N est une relation d’ordre.
b) Pour tout ensemble E, la relation d’inclusion est une relation d’ordre sur
l’ensemble P(E), ensemble des parties de E.
c) La relation R définie sur N∗ par xRy si x est un diviseur de y est une
relation d’ordre.
d) Soient E un ensemble et (F, R) un ensemble ordonné. On définit sur
G = F(E, F ), ensemble des applications de E dans F , une relation d’ordre,

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notée R , par

∀ f ∈ G, ∀ g ∈ G, f R g si et seulement si ∀ x ∈ E, f (x)Rg(x).

e) Soit E un ensemble muni d’une relation d’ordre, que l’on notera .


Pour tous éléments x = (x1 , . . . , xn ) et y = (y1 , . . . , yn ) de E n , on pose
x  y si et seulement si x = y ou s’il existe k ∈ {0, 1, . . . , n − 1} tel que
x1 = y1 , . . . , xk = yk , xk+1  yk+1 . Cela définit une relation d’ordre sur E n ,
appelé ordre lexicographique.

Pour plus de commodité, sauf mention explicite, nous noterons une relation
d’ordre définie sur un ensemble E par  et nous écrirons « soit E un ensemble
ordonné ».

Définition 1.3. Soit E un ensemble ordonné. Un élément a de E est un élément


minimal (resp. maximal) de E si la relation x  a (resp. a  x), x ∈ E,
entraîne x = a.

Exemples 1.4.
a) Soient E un ensemble et F le sous-ensemble de P(E) formé des parties non
vides de E. Les éléments minimaux de F sont les parties à un élément.
b) Dans l’ensemble des entiers naturels strictement plus grands que 1, ordonné
par la relation « m divise n », les éléments minimaux sont les nombres premiers.
c) L’ensemble R muni de l’ordre usuel n’a pas d’élément minimal ou maximal.

Définition 1.5. Soit E un ensemble ordonné. Un élément a de E est le plus


petit (resp. plus grand) élément de E si, pour tout x ∈ E, on a a  x (resp.
x  a).

Exemples 1.6.
a) Dans l’exemple 1.2.a, 0 est le plus petit élément de N et il n’y a pas de plus
grand élément.
b) Dans l’exemple 1.2.b, ∅ et E sont, respectivement, le plus petit élément et
le plus grand élément de P(E).
c) Dans l’exemple 1.4.c, il n’y a ni plus petit ni plus grand élément.

Définition 1.7. Soient E un ensemble ordonné et X une partie de E. On appelle


minorant (resp. majorant) de X dans E tout élément m (resp. M ) de E tel
que, pour tout x ∈ X, on ait m  x (resp. x  M ).

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1. Ensembles ordonnés

Définition 1.8. Une partie X d’un ensemble ordonné E est totalement or-
donnée si, pour tout élément x et y de X, on a x  y ou y  x. Si c’est le
cas pour X = E, on dit que la relation d’ordre sur E est totale, ou que E est
totalement ordonné.

Exemples 1.9.
a) La relation d’ordre usuelle sur les ensembles N, Z, Q et R est totale.
b) La partie vide et toute partie réduite à un élément sont totalement ordon-
nées.
c) Si l’ensemble E admet au moins deux éléments, la relation d’ordre sur
l’ensemble P(E), induite par inclusion, n’est pas totale.

Définition 1.10. Un ensemble ordonné E est inductif si toute partie non vide
totalement ordonnée de E possède un majorant.

Ces ensembles possèdent l’importante propriété suivante, qui est utilisée très
souvent dans cet ouvrage.

Théorème 1.11 (lemme de Zorn). Tout ensemble ordonné inductif possède un élé-
ment maximal.

Remarques 1.12.
a) Ce théorème est équivalent à l’axiome du choix, dont des énoncés équi-
valents sont (entre autres) :
tout produit cartésien non vide d’ensembles non vides est un ensemble non
vide,
ou
pour tout ensemble E, il existe une application

f : P(E) \ {∅} −→ E

telle que
∀A ∈ P(E) \ {∅}, f (A) ∈ A.
b) Le lemme de Zorn est également équivalent au théorème de Zermelo énoncé
ci-dessous.

Définition 1.13. Un ensemble E est bien ordonné s’il est ordonné et si, pour
l’ordre considéré, toute partie non vide de E admet un plus petit élément.

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Théorème 1.14 (de Zermelo). Tout ensemble peut être bien ordonné. ♦

Remarque 1.15. Si une relation d’ordre définie sur un ensemble E le munit d’une
structure d’ensemble bien ordonné, cette relation d’ordre est totale (car toute
partie à deux éléments {x, y} a un plus petit élément). On en déduit donc que
tout ensemble peut être muni d’une relation d’ordre totale. Mais attention, toute
relation d’ordre définie sur un ensemble n’est pas nécessairement totale (comme
on l’a vu avec l’inclusion sur l’ensemble des parties d’un ensemble), de même
que toute relation d’ordre n’est pas nécessairement une relation de bon ordre.
L’existence d’une relation d’ordre totale qui ne soit pas une relation de bon ordre
est équivalente à l’axiome de l’infini énoncé ci-dessous.

2. Cardinaux – Ensembles infinis


Définition 2.1. Deux ensembles X et Y ont même cardinal, ou sont équipo-
tents, s’il existe une application bijective de X sur Y .

On écrit alors Card(X) = Card(Y ).

Attention. On vient de définir l’égalité de deux cardinaux, mais on n’a pas dé-
fini la notion de cardinal. Il s’agit « intuitivement » du nombre d’éléments de
l’ensemble. Il est clair que l’égalité des cardinaux définit une relation d’équiva-
lence sur la « classe » des ensembles. On peut alors considérer le cardinal d’un
ensemble comme un représentant de sa classe d’équivalence.
On remarquera que dans la phrase ci-dessus, on parle de la « classe » des en-
sembles, car parler de « l’ensemble » des ensembles conduirait à une contradiction
(cet ensemble devant alors se contenir lui-même comme élément).

On remarquera que si les ensembles {1, . . . , n} et {1, . . . , p} sont équipotents,


alors n = p. Cela rend consistante la définition suivante.

Définition 2.2. Un ensemble E est dit fini s’il existe un entier n tel que E soit
équipotent à l’ensemble {1, . . . , n}. On écrit alors Card(E) = n. On dit qu’un
ensemble est infini s’il n’est pas fini.

En particulier, un cardinal est infini s’il n’est pas entier.


Axiome de l’infini. Il existe un ensemble infini.
On définit maintenant une relation d’ordre sur les cardinaux, de la façon suivante.

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2. Cardinaux – Ensembles infinis

Définition 2.3. Si E et F sont deux ensembles, on écrit Card(E)  Card(F )


si E est équipotent à une partie de F , ou encore s’il existe une application
injective de E dans F .

Cela définit une relation d’ordre total sur les cardinaux. La réflexivité et la
transitivité sont évidentes. En revanche, l’antisymétrie, loin d’être évidente, est
donnée par le théorème suivant.

Théorème 2.4 (de Cantor-Bernstein). Soient E et F deux ensembles. Si


Card(E)  Card(F ) et Card(F )  Card(E), alors Card(E) = Card(F ).
(Pour une démonstration, cf. [ALB].) ♦

Attention. On peut avoir E ⊂ F, E = F et Card(E) = Card(F ). Par exemple,


l’ensemble des nombres pairs est un sous-ensemble strict de N qui a même cardinal
que N, puisque ces deux ensembles se correspondent par l’application bijective
n → 2n.

Exercice E1. Montrer que si E et F sont deux ensembles non vides, il existe une
application injective de E dans F si et seulement si il existe une application sur-
jective de F dans E (noter que la réciproque utilise l’axiome du choix).

Proposition 2.5. L’ensemble N des entiers naturels est infini.

Démonstration. Pour tout entier n, l’ensemble {0, 1, . . . , n} est une partie de N à


n + 1 éléments. Donc Card(N)  (n + 1) > n est différent de n. Le cardinal de N
n’étant pas entier, N est un ensemble infini. ♦

On note ℵ0 , (qui se prononce aleph 0), le cardinal de N.

Définition 2.6. Un ensemble est dénombrable s’il est équipotent à N.

Si E est un ensemble dénombrable, une bijection f de N sur E permet d’écrire


les éléments de E sous forme de suite an = f (n).

Proposition 2.7. Tout ensemble infini E contient un sous-ensemble équipotent à N.

Démonstration. Il suffit de montrer que si E est un ensemble infini, il existe une


application injective de N dans E. Puisque E est un ensemble infini, pour tout
n ∈ N, il existe une partie de E de cardinal n (construction par récurrence). Soit
n un entier : on fixe des éléments de E, deux à deux distincts, an,0 , . . . , an,n . On

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Algèbre T2

ordonne lexicographiquement N2 et on pose : b0 = a0,0 et b1 = ar,s , où (r, s) est


le plus petit élément de N2 tel que ar,s = b0 . Par récurrence, de la même façon,
on construit ap,q ∈/ {b0 , b1 , . . . , bn }. L’application définie par f (n) = bn est une
application injective de N dans E. ♦

Ce qui précède montre que tout ensemble infini est au moins dénombrable, ou
que ℵ0 est le plus petit cardinal infini.
Nous allons maintenant définir des opérations sur les cardinaux.

Définitions 2.8. Soient a et b deux cardinaux et soient X et Y des ensembles


tels que a = Card(X) et b = Card(Y ).
a) On pose ab = Card(X × Y ) et on l’appelle produit des cardinaux a
et b.
b) On choisit X et Y comme ci-dessus, vérifiant de plus X ∩ Y = ∅. On
pose alors a + b = Card(X ∪ Y ), que l’on appelle somme des cardinaux a et b.
c) On pose ab = Card(X Y ), où X Y est l’ensemble des applications de Y
dans X. Cette opération s’appelle l’exponentiation des cardinaux.

Remarques 2.9.
sont disjoints, X ∩ Y = ∅, on note la réunion
a) Lorsque les ensembles X et Y *
de X et Y de la façon suivante : X Y , que l’on appelle réunion disjointe de
X et Y .
b) Les définitions ci-dessus n’ont de sens que si elles ne dépendent pas du
choix des ensembles X et Y . Le lecteur vérifiera qu’il en est bien ainsi.

Exercice E2. Montrer que si a, b et c sont des cardinaux, on a les identités sui-
vantes :
a + b = b + a, a + (b + c) = (a + b) + c, 0 + a = a,
ab = ba, a(bc) = (ab)c, 0a = 0, 1a = a,
a(b + c) = ab + ac
b+c
a = a a , (ab) = acbc, (ab)c = abc, a0 = 1, a1 = a,
b c c

avec 0 = Card(∅) et 1 = Card({∅}).

Attention. Les égalités a + c = b + c ou ac = bc n’impliquent pas a = b, comme le


montrent les résultats ci-dessous.

Proposition 2.10. L’ensemble N × N est équipotent à N.

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2. Cardinaux – Ensembles infinis

Démonstration. Pour tout n ∈ N, on pose un = 1 + 2 + · · · + n. On considère


l’application f : N × N −→ N définie par f (x, y) = y + ux+y . Montrons que f
est bijective. L’application n → un est strictement croissante. On en déduit que
pour tout élément a de N, il existe un unique entier p tel que up  a < up+1 .
Posons y = a − up . On a 0  y < up+1 − up = p + 1. En posant x = p − y, on a
f (x, y) = a, ce qui prouve que f est surjective. Soient x et y des entiers, a = f (x, y)
et p l’unique entier tel que up  a < up+1 . On a ux+y  a  a + x + 1 = ux+y+1 ,
d’où p = x + y. Alors y = a − up , x = p − y et f est injective. ♦

On peut faire une autre démonstration, en utilisant l’ordre lexicographique


sur N2 et la bijection « diagonale » (cf. [ALB]).

Théorème 2.11. Pour tout cardinal infini a, on a a2 = a.

Démonstration. Soit E un ensemble de cardinal a. D’après la proposition 2.7, il


existe une partie F de E équipotente à N et, d’après la proposition 2.10, il existe
une application bijective f de F sur F × F . On considère l’ensemble des couples
(X, g), où X est une partie de E contenant F et g est une application bijective
de X sur X × X prolongeant f . Cet ensemble est non vide, car il contient (F, f ),
et est ordonné par la relation

[(X, g)  (X  , g )] ⇐⇒ [X ⊂ X  et g est un prolongement de g].

C’est un ensemble inductif ; il existe donc, d’après le lemme de Zorn 1.11, un


élément maximal (Y, h). Posons Card(Y ) = b.
Supposons que b soit strictement inférieur à a.
Puisque b = b2 est infini, on*a b  2b  3b  b2 = b. En effet, il
existe une application injective Y Y → Y × Y , d’où 2b  b2 et, de même,
2b  3b  b3 = b2 = b. On a donc b = 2b et b = 3b. L’hypothèse b < a entraîne
que Card(E \ Y ) > b, car sinon
* on aurait Card(E)  2b = b, ce qui est impossible
(utiliser le fait que E = Y (E \ Y ), d’où Card(E) = Card(Y ) + Card(E \ Y )).
Il existe donc une partie Z ⊂ (E \ Y ) équipotente à Y . Posons T = Y ∪ Z. On a

T × T = (Y × Y ) ∪ (Y × Z) ∪ (Z × Y ) ∪ (Z × Z).

Les ensembles apparaissant dans le second membre sont deux à deux disjoints et,
puisque Y et Z sont équipotents, on a

Card(Y × Z) = Card(Z × Z) = b2 = b,

d’où
Card((Y × Z) ∪ (Z × Y ) ∪ (Z × Z)) = 3b = b.

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Algèbre T2

Il existe donc une application bijective k de Z sur (Y × Z) ∪ (Z × Y ) ∪ (Z × Z).


L’application égale à h sur Y et à k sur Z est une bijection de T sur T × T
qui prolonge h, ce qui est contraire au caractère maximal du couple (Y, h). Par
conséquent, b = a, ce qui prouve le théorème. ♦

Corollaire 2.12.
(i) Si a est un cardinal infini, pour tout entier n  1, on a an = a.
(ii) Le produit d’une famille finie de cardinaux non nuls, dont le plus grand a
est infini, est égal à a.
(iii) Soient a un cardinal infini, I un ensemble de cardinal inférieur
 ou égal à
a, (ai )i∈I une famille de cardinaux inférieurs ou égaux à a. Alors i∈I ai  a.

Si de plus, ai = a pour un indice i, alors i∈I ai = a.
(iv) Soient a et b deux cardinaux non nuls dont l’un au moins est infini. Alors

ab = a + b = sup(a, b).

Théorème 2.13.
(i) Tout produit cartésien fini d’ensembles dénombrables est un ensemble dé-
nombrable.
(ii) Soient I unensemble dénombrable et, pour tout i ∈ I, Ei un ensemble
dénombrable. Alors i∈I Ei est un ensemble dénombrable.

Démonstration. Ce sont des conséquences immédiates du corollaire 2.12. ♦

Remarque 2.14. On déduit immédiatement de la proposition 2.7 et du corol-


laire 2.12.iv que si E est un ensemble infini, Card(E) = Card(E)Card(N).

Proposition 2.15. Si f est une application surjective d’un ensemble E sur un en-
semble infini F telle que, pour tout élément x de F , l’ensemble {f −1 (x)} est
dénombrable, alors les ensembles E et F sont équipotents.

Démonstration. Les ensembles {f −1 (x)}, pour x ∈ F , forment une parti-


tion de l’ensemble E par des sous-ensembles dénombrables. On en déduit
donc que Card(E)  Card(F )Card(N). D’après la remarque 2.14, on a
Card(F )Card(N) = Card(F ). L’application f étant surjective,
Card(F )  Card(E), d’où le résultat. ♦

Proposition 2.16. Si E est un ensemble infini, l’ensemble F(E) des parties finies
de E est équipotent à E.

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2. Cardinaux – Ensembles infinis

Démonstration. L’application x → {x} est une application injective de E dans


F(E), on a donc Card(E)  Card(F(E)). Pour tout entier n, notons Fn (E)
l’ensemble des parties de E à n éléments. On a Card(Fn (E))  Card(E n ) et
Card(E n ) = Card(E), d’après le théorème 2.13.i. Par conséquent,

Card(F(E)) = Card(Fn (E))  Card(E)Card(N) = Card(E).
n∈N

On en déduit que Card(F(E)) = Card(E). ♦

Attention. Ce résultat est faux pour l’ensemble P(E) des parties quelconques de E
(cf. exercice ci-dessous).

Exercice E3. Soit E un ensemble.


1. Montrer que
Card(E) < Card(P(E)).
(S’il existe une application bijective f : E −→ P(E), en considérant
A = {x ∈ E | x ∈
/ f (x)} et a ∈ A tel que f (a) = A, déduire une contradiction.)
2. Montrer que Card(P(E)) = 2Card(E) . (Considérer A = {0, 1}, f une ap-
plication de X dans A : alors f → f −1 ({0}) est une application bijective de
l’ensemble AE sur P(E).)

Remarque 2.17. On peut démontrer que Card(P(N)) = Card(R) (cf. [ALB]). Le


cardinal de R, qui est donc strictement supérieur au cardinal de N, s’appelle la
puissance du continu. Le problème suivant :
toute partie infinie de R est-elle équipotente à N ou à R ?
est appelé hypothèse du continu. Il a été démontré que cette question est in-
décidable, c’est-à-dire que les axiomes de la théorie des ensembles ne permettent
pas de démontrer que cette assertion est vraie ou qu’elle est fausse. Autrement
dit, cela signifie que l’on peut ajouter aux axiomes de la théorie des ensembles
l’hypothèse du continu, ou sa négation, sans aboutir à des contradictions.

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BIBLIOGRAPHIE

Tous les résultats présentés dans ce livre (sauf dans l’Appendice) sont entièrement dé-
montrés. Les quelques références à la théorie des groupes ou des corps qui sont utilisées
se trouvent dans :

[G-H] Guin, D., Hausberger, T. Algèbre I. Groupes, Corps et Théorie de Galois. (2008).
EDP Sciences.

On trouvera également les références suivantes dans l’Appendice :

[ALB] Albert, C. Topologie. (1997). Belin et Espaces Éditions 34.


[BBK] Bourbaki, N. Algèbre, Théorie des ensembles, Chapitre 3. Ensembles ordonnés,
Cardinaux, Nombres entiers. (1963). Hermann.

Cependant, de nombreux ouvrages ont été la source d’inspiration pour la présentation


des diverses notions exposées dans ce livre, ou pour les exercices et TR. J’en donne ci-
dessous une liste, non exhaustive, qui constitue une base documentaire à laquelle le lecteur
désireux d’approfondir ses connaissances pourra se reporter.

Artin, M. Algebra. (1991). Prentice Hall, New Jersey.


Bourbaki, N. Algèbre, Chapitre 1 : Structures algébriques. (1964). Hermann.
Bourbaki, N. Algèbre, Chapitre 2 : Algèbre linéaire. (1968). Hermann.
Bourbaki, N. Algèbre, Chapitre 3 : Algèbre multilinéaire. (1958). Hermann.
Bourbaki, N. Algèbre, Chapitre 7 : Modules sur les anneaux principaux. (1964). Hermann.
Bourbaki, N. Algèbre commutative, Chapitre 1 : Modules plats ; Chapitre 2 : Localisation.
(1961). Hermann.
Lang, S. Algèbre. (2004). Dunod.
Malliavin, M.P. Algèbre commutative. Applications en géométrie et théorie des nombres.
(1985). Masson.
Perrin, D. Cours d’algèbre. (1995). Ellipses.
Samuel, P. Théorie algébrique des nombres. (1997). Hermann.

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INDEX TERMINOLOGIQUE

Les renvois ci-dessous sont signalés par :


– le chapitre, puis le numéro dans ce chapitre – exemple, VIII.4.1 renvoie au 4.1 du
chapitre VIII,
– l’appendice, suivi du numéro – exemple, A.1.10 renvoie au numéro 1.10 de l’appendice,
– pour les TR, le chapitre et la lettre repérant ce TR – exemple, TR.II.A renvoie au
TR.A du chapitre II.

A Bezout (théorème) II.5.8


algèbre TR.IV.A bien ordonné (ensemble) A.1.13
algèbre de Lie TR.IV.A bilinéaire (application) VIII.1.1
algèbre extérieure IX.5.2
C
algèbre symétrique VIII.9.1
algèbre tensorielle VIII.8.1 Cantor-Bernstein (théorème) A.2.4
algorithme euclidien II.2.2 caractéristique (d’un anneau, d’un corps)
alternée (application, forme) IX.1.1 I.5
anneau I.1.1 caractéristique (polynôme) VI.2.1
anneau de Dedekind VI.6.1 cardinal A.2.1
anneau des fractions I.6.8 cardinaux (produit, somme,
anneau euclidien II.2.2 exponentiation) A.2.8
anneau factoriel II.4.1 centre (d’un anneau) I.1.11
anneau local TR.I.B chinois (théorème) I.4.3
anneau nœthérien TR.II.C, VI.4.2 clos (intégralement) VI.1.8
anneau opposé IV.1.2 clôture intégrale VI.1.5
anneau principal II.3.1 commutatif (anneau) I.1.1
anneau réduit VI.9.12 composante p-primaire V.2.4
annulateur (d’un élément, d’un module) composition (suite de) TR.VII.C
IV.1.7 continu (hypothèse du) A.2.17
application bilinéaire VIII.1.1 corps I.1.1
associativité I.1.1 corps des fractions I.6
corps ordonné I. exercice E12
B corps premier I.5.5
base IV.7.1 corps résiduel TR.I.B

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Algèbre T2

critère d’Eisenstein III.1.5 euclidien (anneau) II.2.2


Euler (fonction) TR.I.A
D exacte (suite) VII.1.1
exponentiation de cardinaux A.2.8
Dedekind (anneau) VI.6.1
extension des scalaires VIII.5.2
degré (d’un monôme, d’un polynôme) II.1
extension essentielle TR.VII.B
degré résiduel VI.9.2
extérieur (produit) IX.3
degré total II.1
extérieure (puissance, algèbre) IX.3,
dénombrable (ensemble) A.2.6
IX.5.2
dépendance intégrale (relation) VI.1.2
dérivation III.2.11, TR.IX.B F
déterminant IX.2.1
différence symétrique I. exercice E1.2 facteur direct IV.6.3
discriminant III.3.6, VI.9.5, VI.9.7 facteur invariant V.3.7, V.4.1.4, TR.V.B
distributivité I.1.1 factoriel (anneau) II.4.1
diviseur I.2.17 fermeture intégrale VI.1.5
diviseur élémentaire V.3.7 fidèlement plat (module) TR.VIII.A
divisible (module) TR.VII.A fonction d’Euler TR.I.A
fonction polynomiale III.2.1
E
forme linéaire VII.2.1
Eisenstein (critère) III.1.5 formelle (série) TR.II.D
élément de torsion V.2.1 formes différentielles (module des)
élément entier VI.1.2 TR.IX.B
élément maximal, minimal A.1.3 formule de Taylors III.2.18
élémentaire (diviseur) V.3.7 fractionnaire (idéal) VI.5.4
élémentaire (matrice) V.4.1 fractions (anneaux des) I.6.8
élémentaire (polynôme symétrique) fractions (corps des) I.6
III.4.1
G
éléments orthogonaux VII.3.1
endomorphisme (de modules) IV.1.4
Gauss (lemme) III.1.1
ensemble bien ordonné A.1.13
générateur (système) IV.7.1
ensemble dénombrable A.2.6
génératrice (famille) IV.7.1
ensemble inductif A.1.10
ensemble ordonné A.1.1 H
ensemble totalement ordonné A.1.8
ensembles orthogonaux VII.3.1 homogène (polynôme) II.1.3
entier (anneau) VI.1.5 hypothèse du continu A.2.17
entier (élément) VI.1.2
enveloppe injective TR.VII.B I
équivalentes (matrices) TR.V.B
essentiel (morphisme) TR.VII.B idéal (à gauche, à droite, bilatère) I.2.1
essentielle (extension) TR.VII.B idéal fractionnaire VI.5.4
étrangers (éléments) II.5.6 idéal maximal I.3.8
étrangers (idéaux) I.4.4 idéal premier I.3.5
euclidien (algorithme) II.2.2 idéal principal II.3.1

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Index terminologique

idéal propre I.2.8 module de type fini IV.7.8


idéaux étrangers I.4.4 module divisible TR.VII.A
indécidable A.2.17 module dual VII.2.1
inductif (ensemble) A.1.10 module fidèlement plat TR.VIII.A
injectif (module) TR.VII.A module injectif TR.VII.A
injective (enveloppe) TR.VII.B module monogène IV.5.1
intégrale (clôture, fermeture) VI.1.5 module nœthérien VI.4.2
intégrale (dépendance) VI.1.2 module (p-) V.2.4
intégralement clos VI.1.8 module plat TR.VIII.A
intègre (anneau) I.3.1 module projectif TR.VII.A
invariant (facteur) V.3.7, V.4.1.4, module semi-simple IV. exercice E3
TR.V.B module simple IV. exercice E2
inverse (à gauche, à droite) I.1.4 monôme II.1
inversible (élément) I.1.6 morphisme (d’anneaux) I.2.10
irréductible (élément) II.3.8 morphisme (de modules) IV.1.4
isomorphisme (d’anneaux) I.2.10 morphisme caractéristique I.5.1
isomorphisme (de modules) IV.1.4 morphisme essentiel TR.VII.B
morphisme transposé VII.2.1
J multiplicative (partie) I.6.3
multiplicité (ordre de) III.2.22
Jordan (réduite) TR.V.A
Jordan-Hölder (suite de) TR.VII.C N

L nilpotent (élément) I. exercice E9.4


nilradical TR.I.C
Laurent (polynôme, série) TR.II.D nœthérien (anneau, module) TR.II.C,
libre (famille) IV.7.1 VI.4.2
libre (module) IV.7.1 norme (d’un élément) VI.2.1
Lie (algèbre) TR.IV.A norme (d’un idéal) VI.7.2
linéaire (forme) VII.2.1
linéairement indépendants (éléments) O
IV.7.1
local (anneau) TR.I.B opposé (anneau) IV.1.2
localisation I.6 ordonné (corps) I. exercice E12
ordonné (ensemble) A.1.1
M ordonné (ensemble bien) A.1.13
ordre (relation) A.A.1
majorant A.1.7 ordre de multiplicité III.2.22
matrice élémentaire V.4.1 orthogonaux (éléments, ensembles)
matrices équivalentes TR.V.B VII.3.1
maximal (élément) A.1.3
maximal (idéal) I.3.8 P
minimal (élément) A.1.3
minorant A.1.7 partie multiplicative I.6.3
module (à gauche, à droite) IV.1.1 pgcd II.5.1
module de torsion V.2.1 plat (module) TR.VIII.A

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Algèbre T2

p-module V.2.4 série (formelle, de Laurent) TR.II.D


poids (d’un monôme, d’un polynôme) simple (module) IV. exercice E2
III.4.6 somme de cardinaux A.2.8
polynôme caractéristique VI.2.1 somme d’idéaux I.2.6
polynôme de Laurent TR.II.D somme directe IV.6.1
polynôme dérivé III.2.12 sous-anneau I.1.9
polynôme non commutatif VIII. exercice sous-anneau engendré I.1.12
E4 sous-corps I.1.9
polynôme symétrique III.4.3 sous-module IV.2.1
polynôme symétrique élémentaire III.4.1 sous-module de torsion V.2.3
polynômes (anneau de) II.1 sous-module engendré IV.2.6
polynomiale (fonction) III.2.1 suite de composition TR.VII.C
ppcm II.5.1 suite de Jordan-Hölder TR.VII.C
p-primaire (composante) V.2.4 suite exacte VII.1.1
premier (corps) I.5.5 suite exacte scindée VII.1.5
premier (élément) II.3.8 symétrique (algèbre) VIII.9.1
premier (idéal) I.3.5 symétrique (polynôme) III.4.3
principal (idéal, anneau) II.3.1 symétrique élémentaire (polynôme)
produit d’anneaux I.4.1 III.4.1
produit de cardinaux A.2.8
produit d’idéaux I.2.6 T
produit tensoriel d’applications VIII.2.8
produit tensoriel de modules VIII.2.1, Taylor (formule) III.2.18
VIII.4.3 tensoriel (produit d’applications)
projectif (module) TR.VII.A VIII.2.8
propre (idéal) I.2.8 tensoriel (produit de modules) VIII.2.1
tensorielle (algèbre) VIII.8.1
R théorème chinois I.4.3
théorème de Bezout II.5.8
radical (d’un anneau) TR.I.C théorème de Cantor-Bernstein A.2.4
ramification d’un idéal VI.9.1 torsion (élément, module) V.2.1
ramification (indice) VI.9.2 torsion (sous-module) V.2.3
rang (d’un module) IV.7.6 totalement ordonné (ensemble) A.1.8
réduit (anneau) VI.9.12 trace VI.2.1
réduite de Jordan TR.V.A transposé (morphisme) VII.2.1
relation d’ordre A.1.1 type (d’un groupe) V.3.9
résiduel (corps) TR.I.B type fini (module) IV.7.8
restriction des scalaires VIII.5.1
résultant III.3.2 U

S unité (élément) I.1.1

scalaires (extension, restriction) VIII.5.1, Z


VIII.5.2
scindée (suite exacte) VII.1.5 zéro (d’un polynôme) III.2.5
semi-simple (module) IV. exercice E3 Zorn (lemme) A.1.11

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