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de protagonistes ».
Effectivement, la même situation vécue par quatre
personnes sera perçue de quatre façons différentes…
L’essentiel n’est donc pas ce qu’il se passe, mais bien
comment le vit la personne pour qui ça se passe… C’est
forte de cette théorie que je peux vous conter ce qui suit.
1. Annie
Du marié :
Jean. Le frère jumeau de Lydia. Ils sont amis d’enfance
avec Julien.
François, mon cousin. Même principe, ils se connaissent
depuis qu’ils sont ados et le fait que leurs femmes soient les
deux meilleures amies les a rapprochés encore plus.
Apparemment, Lydia et Maïa sont vraiment très proches.
Ma cousine Sophia semble compléter le trio, mais je crois
que depuis qu’elle a eu sa fille, elle est devenue un peu
chiante. En tout cas, c’est ce que me dit ma tante quand
j’appelle, car je n’ai vu personne depuis Noël et la naissance
d’Anna.
Sophia et son mari Paul vivent à Londres, mais depuis la
naissance d’Anna, Sophia vient de plus en plus souvent
dans le Sud de la France, chez sa mère. Au grand désespoir
de Paul, apparemment. D’où le fait qu’ils soient partis de
Montpellier eux aussi. Ç’aurait certainement été plus simple
de décoller de Londres, mais bon, avec Sophia, j’ai appris
depuis longtemps à ne pas insister !
***
Mais qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu ? Satan est dans
la place et c’est moi-même qui lui ai ouvert la porte !
J’ai tellement de mal à t’écrire… Pardonnez-moi mon Père
car j’ai… Non ! Je n’ai pas péché ! C’est eux ! Plus le séjour
avance, plus ils se transforment. S’il y a une espèce sur terre
qui n’a jamais été vraiment étudiée, c’est bien le vacancier !
Je reviens d’un dîner au restaurant devant l’hôtel, chez
Jessica. J’avais besoin de savoir comment évoluait ce petit
monde et surtout, où en étaient mes deux sujets d’étude
préférés, Céline et Scott. Pour la peine : barbe rousse et
perruque châtaine de sortie ! À part la blonde filasse qui m’a
regardé de travers, je crois être passé incognito.
Scott et Céline se sont pris un bon savon cet après-midi.
Encore que j’ai hésité à convoquer Scott, après tout, c’était à
elle de tout vérifier. Un point en moins pour elle et un en plus
pour Scott : il a accepté de boire un scotch avec moi à la fin
de l’entretien quand elle a préféré partir bouder. Un scotch
de cette valeur… Les femmes n’ont décidément aucun goût.
Après cette séance bienfaisante d’engueulade, j’ai passé
un après-midi des plus agréables en bonne compagnie qui
m’a mis en train pour attaquer ma ronde.
Mais ce soir, cher journal, toute ma bonne humeur s’est
envolée. J’aurais dû me douter que leur façon de danser
comme les Dominicains ne présageait rien de bon. Serais-je
en train d’assister à une métamorphose complète ? Est-ce
l’air de Las Terrenas, l’alcool ingurgité, les effluves de
l’océan ou je ne sais quoi d’autre ?
J’ai cru que la petite blonde allait avoir un orgasme sur la
piste. Et la brune, la maman, je ne comprends pas, elle a
tellement changé depuis son arrivée que je me demande si
c’est la même. Une jumelle, peut-être ? Elles voyagent à deux
et ne payent que pour une ? C’est pervers ça, c’est
plausible, féminin en tout point. À mon avis, la jumelle
maléfique s’est débarrassée de sa sœur, qui a disparu.
Comment fait son mari ? Le pauvre, déjà une, ce n’est pas
facile, mais deux ! Je devrais l’avoir à l’œil pour m’assurer
qu’il ne manque de rien, le malheureux peut craquer à tout
moment.
Une démonstration d’offensive féminine, voilà ce qu’il
m’a été donné de voir sur la piste. Je les plains, ils tombent
tous comme des mouches. Bon, cela dit, elles sont beaucoup
plus belles que Linus, mon ex-femme. Mais ce n’est pas une
raison pour qu’ils transforment cet hôtel en maison de
passe !
Je n’exagère pas : une maison close verrait moins de vice
que je n’en ai vu en une nuit !
Je me doutais bien qu’ils reviendraient tous au bar de
l’hôtel boire un dernier verre, j’ai préféré sortir. De toute
façon, chez Jess c’est trop petit, ils m’auraient repéré.
Dehors, j’ai choisi l’arrière d’un palmier comme poste
d’observation, puis j’ai attendu.
La blonde lubrique et son copain fadasse sont sortis et je
me suis retrouvé coincé. Juste derrière eux.
L’obscurité ne leur a pas permis de me voir, et c’est
malheureux pour moi, car ils ont choisi cet endroit pour faire
leur affaire. Je ne savais pas qu’une femme pouvait crier
autant.
D’ailleurs, il ne devait pas le supporter non plus vu la
manière dont il a essayé de la faire taire tout le long. Il l’a
même claquée, à un moment donné, mais rien n’y a fait.
Quand ils se sont décollés du mur pour tomber sur le sol,
j’ai réussi à me glisser discrètement sur le côté pour enfin
leur échapper. Je me suis encore râpé contre le crépi. C’est
décidé, demain je prends rendez-vous avec le façadier.
Une fois sorti de mon calvaire, je me suis éloigné
doucement à reculons pour être sûr qu’ils ne me voient pas.
Le stress avait suffi à me décider à rentrer tôt. Mais c’était
sans compter sur le reste de la bande.
Deux pas plus loin, je vois arriver la jumelle maléfique,
son beau-frère et le bébé dans la poussette. Elle riait. Ce qui
confirme ma théorie car la première ne riait pas.
Je me suis prestement caché dans la petite cabane du
gardien en remerciant le ciel qu’il n’ait pas commencé son
tour de garde tout en notant mentalement de lui envoyer un
avertissement demain pour son retard. De toute façon, c’est
un Dominicain, ils s’en foutent, des avertissements. « Oui
monsieur », c’est tout ce qu’il me dira. Bon, autant ne pas me
fatiguer et profiter de cette cachette providentielle.
– Tu les rejoins boire un verre ? a demandé la fille.
– Je t’accompagne d’abord à la chambre, dit l’homme
avec une voix étrange.
– Je peux y aller, je connais bien le chemin.
– Ce n’est pas le chemin qui m’inquiète, mais les gens
que tu pourrais croiser.
Je les entendais très bien, comme s’ils étaient à côté de
moi. Je me suis relevé doucement pour regarder par
l’ouverture de la guitoune. Ils étaient juste là, devant la
maison !
– Tu pourrais aller retrouver ce James, qui souhaiterait
sûrement une nouvelle danse.
– Et ça te gênerait ?
– Plutôt oui. J’ai beau être gentil, je ne suis pas trop
partageur.
C’est pas bien, ça. Mais bon, il le reconnaît, c’est déjà ça.
Mais que ne veut-il point partager ?
J’en étais là de mes réflexions et je notais la question sur
le calepin que j’ai toujours sur moi, quand la suite a fini par
éclairer ma lanterne.
– Tu n’as qu’à montrer ce qui est à toi, si tu ne veux pas
qu’on te le prenne, a-t-elle dit.
– Je mets une étiquette dessus, comme mon nom sur les
habits en colo ?
– Ou tu te contentes de les garder à proximité…
J’ai prié pour que le gardien revienne quand elle s’est
appuyée contre ma petite maison.
Je pouvais voir son dos et ses cheveux frotter le sommet
de mon crâne dégarni (j’avais ôté ma perruque). Note : en
brun je suis vraiment bien. Mes cheveux me manquent.
Il s’est approché d’elle, a mis ses mains autour de son
visage et l’a embrassée. Eux aussi ?
À ce moment-là, j’étais prêt à me relever, et tant pis s’ils
se demandaient qui j’étais, ce que je faisais là, et tant pis si je
ne pouvais plus profiter des cheveux mais quand même, trop
c’est trop. Où est passée la pauvre maman ? Qu’ont-ils fait
du bébé ? Je n’entendais rien dans la poussette, s’en
étaient-ils débarrassés aussi ?
J’ai alors nettement entendu des bruits de vêtements
froissés… Et j’ai à nouveau prié pour que ça ne recommence
pas. Heureusement pour moi, ils se sont arrêtés net :
– Tu as entendu ? a demandé ma perruque.
– Viens, je te ramène à la chambre, je mets Anna au lit,
puis je te mets, toi, au lit…, dit-il en insistant sur le « toi ».
– Tu ne rejoins pas les autres ?
– Les autres peuvent attendre, pas ma famille.
Il avait vraiment une voix étrange. De la drogue, c’est
comme ça qu’elle a dû l’avoir. Ainsi donc, Anna est sa fille, il
va la mettre au lit pour s’en débarrasser pendant qu’il se
tape l’autre. Culotté !
Ils ont fini par s’éloigner en riant comme des imbéciles. Je
suis resté quelques instants dans ma cabane, suffisamment
pour voir que le gardien planque des revues porno sous la
table. Eh bien, il ne s’ennuie pas la nuit pendant ses rondes.
Même mon gardien est perverti. Mais comment confondre le
coupable ? Ils sont deux à se partager la nuit.
Passé le choc de ma découverte sur la nature humaine
(puis la lecture des magazines de mon gardien finie), je
m’apprêtais à partir quand j’ai entendu du monde arriver.
J’ai aussitôt reconnu les voix : Céline et Scott. Ah, voilà
quelqu’un que j’attendais. A-t-il réussi à prendre le dessus,
ce brave petit gars ?
– … Que je passe la nuit avec toi ?
C’est une soirée à thème ou quoi ?
– Tu voulais une solution, en voilà une ! a dit Scott. Si tu
passes la nuit avec moi, tu seras sûre que je n’ai rien mis en
place pour saboter la journée de demain. On ne se quittera
pas de la nuit. On a passé la journée ensemble, tu sais donc
que je n’ai rien fait aujourd’hui à part quand j’ai bu un
scotch avec le boss, mais tu étais derrière la porte…
Ah, la garce !
– … donc tu sais que je n’ai rien pu entreprendre pour
bousiller l’organisation du mariage. Mais la nuit est encore
longue… Si tu n’as pas confiance en moi, la seule solution,
c’est que tu ne me quittes pas ! Et il n’arrivera rien à ton
voyage.
– Mais je rêve ou c’est carrément du chantage pour
coucher avec moi ?
– Ah mais c’est toi qui parles de coucher, chérie ! Moi je
parlais juste de passer la nuit. Mais effectivement, tu fais
bien d’aborder la question. J’ai une réputation à tenir !
Oh, c’est fort ça ! J’ai tout pris en note dans mon calepin,
histoire de ne pas en rater une miette.
– Et comme ça, moi aussi je t’ai à l’œil, poursuit Scott. Je
n’ai aucune confiance en toi non plus. Je suis sûr que tu es
assez perverse pour t’autosaborder et m’accuser ensuite.
– Pauvre con.
– Et ne me dis pas que tu ne serais pas capable de
coucher pour obtenir ce que tu veux ?
Je me relève discrètement pour observer depuis
l’ouverture dans la porte de la cabane.
Elle s’apprête à le gifler mais il attrape sa main et la
bloque.
– Devant tout le monde, je veux bien te laisser faire une
fois. Mais pas deux, chérie, dit-il alors en se rapprochant
d’elle. Ne me dis pas que tu n’en as pas envie. Je t’offre une
occasion unique de passer la nuit avec moi et de pouvoir
crier ensuite sur tous les toits que je suis un connard et que
tu m’as bien eu. Si ça te chante, tu pourras même dire que
c’est toi qui as tout décidé, et en plus, tu seras sûre que ta
journée se passera bien.
– Et toi, quel est ton intérêt ? a demandé Céline.
– Te sauter ! J’en peux plus, je bande depuis la première
fois que je t’ai vue et je suis complètement à cran. J’aimerais
bien avoir le sang qui afflue dans une autre partie de mon
corps, pour changer.
Alors ça, c’est direct. Comment fait-il ? Je dis la moitié à
une femme et elle m’émascule.
Quand, vers la fin de mon mariage, j’ai fait savoir à Linus
que je souhaitais avoir des relations sexuelles, car c’est tout
l’intérêt d’être avec une femme sinon à quoi bon, elle m’a
balancé un coup de pied dans les parties génitales et lancé la
procédure de divorce. C’était pourtant beaucoup plus gentil
que ce que Scott a dit…
Je n’ai pas vu le visage de Céline car elle était de dos
mais elle ne semblait plus en colère.
– Et puis je sais très bien que toi non plus, tu n’en peux
plus ! Reconnais que ça t’empêche même de te concentrer, a-
t-il poursuivi.
– Non, mais je rêve !
– Pas encore, mais tu verras, ça ne va pas tarder. Je ne
sais pas pourquoi on est attirés l’un par l’autre, mais c’est
un fait, ça ne sert à rien de le nier. Alors autant céder une
fois, juste une, et après, on devrait être libérés.
Il s’est alors approché brusquement et a collé sa bouche
contre la sienne. Elle a semblé hésiter et puis ils se sont
embrassés d’une façon, d’une façon… Je ne saurais
comment la qualifier sans choquer mes futurs lecteurs.
Quand, au bout de quelques minutes, ça s’est enfin
arrêté, elle a repris son souffle et dit :
– Juste une nuit !
– Si tu veux, a répondu Scott. Si tu peux t’arrêter là.
– Je saurai me retenir. Juste une nuit, rien de plus. Du
sexe sans conséquence, je m’assure que tu ne fais rien pour
gâcher la journée, on ne se quitte pas de la nuit et demain,
on fait comme s’il ne s’était rien passé.
– Tu peux même m’attacher, si tu veux en être sûre !
– C’est bien ce que je comptais faire.
Il lui a lâché la main, l’a poussée contre le mur de la
cabane et l’a de nouveau embrassée, à mon grand désespoir.
Elle s’est laissée faire – je ne comprends décidément rien aux
femmes. De ce que j’ai vu, il en a profité pour la peloter et lui
a dit :
– Mais ne m’attache pas tout le temps ou tu ne sauras
jamais ce que ces mains peuvent te faire.
– Arrête de parler et baise-moi…
À ce stade, j’étais carrément choqué. Et complètement
tendu, aussi. Scott lui a fait longer le côté de la cabane pour
atteindre le banc qui se trouve juste derrière. S’ils n’avaient
pas été en train de s’embrasser comme des ados en rut, ils
m’auraient sûrement vu en passant devant la porte. Je l’ai
échappé belle. Je n’ai pas pu voir précisément ce qu’ils
faisaient, mais en regardant à travers un petit interstice entre
deux parpaings qui ménageait comme un mini-œil-de-bœuf,
j’ai entraperçu Scott, assis sur le banc, et Céline, à
califourchon sur lui. J’ai eu l’impression d’être au purgatoire
et je sentais que j’étais de plus en plus tendu…
Des bruits de pas se sont approchés, puis se sont
arrêtés. Scott et Céline ont finalement décidé de poursuivre
leur affaire dans la chambre, et je ne sais plus si j’en ai été
déçu ou soulagé.
Je suis sorti de ma cachette en chancelant, d’abord parce
que rester accroupi n’est plus de mon âge, ensuite parce que
mon entrejambe commençait à être vraiment douloureux.
Mais le sort avait décidé de s’acharner. Ne pouvais-je
donc pas rentrer chez moi tranquillement ?
Sur le chemin du retour, choqué, perturbé et mal en point,
j’ai heurté quelque chose. Il fait très clair, la nuit, en bord de
plage mais là, dans ma précipitation, je n’ai pas vu l’escarpin
violet par terre, relié à une demi-jambe elle aussi par terre,
elle-même reliée à un genou à terre, articulé à la deuxième
moitié de la jambe dressée jusqu’à un tronc et une tête et
surtout une bouche, posée sur un sexe, d’un homme, très
certainement.
– Ahhh !
Un cri d’effroi m’a échappé. Prenant mon courage à deux
mains, je suis parti en courant sans avoir eu le temps
d’identifier les propriétaires des escarpins et du sexe buccal.
C’était il y a trois heures. Depuis, j’ai pris une longue
douche. Les infâmes pensées ne m’ayant toujours pas
quitté, j’ai continué de m’occuper de moi et mon sexe
endolori a fini par crier grâce, comme un cilice trop serré sur
une cuisse trop ferme après un péché. J’ai attendu avant de
tout pouvoir coucher sur papier, ma main ayant, elle aussi,
subi les pires outrages pour expier les péchés de mon sexe
tendu.
7. Maïa
– Fin –
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Crédits citations de début de chapitres :
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ISBN 9782280340649