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Histoire des entreprises au

Sénégal
Pr. Birahim GUEYE
birahim.gueye@ugb.edu.sn
Avant propos
• Ce cours, monté par un non historien, relativement
jeune pour prétendre disposé de tout le recul
nécessaire pour faire l’histoire des entreprises, est en
construction,
• Il est certainement marqué par des insuffisances et
des manquements … à compléter pour tout un
chacun parmi les auditeurs.
– …mais l’histoire n’est elle pas une synthèse volontaire de faits
marquants dans une communauté opérée par des individus dans la
limite de leurs capacités cognitives et de leurs intérêts particuliers. Les
choix opérés ici sont à inscrire dans ce cadre.
Bibliographie
• Roland Finifter & Gérard Verna « L’entreprise africaine, essai sur la
mal gouvernance », l’Harmattan, 2011.
• Emmanuel Kamdem, « Management et Interculturalité en Afrique:
Expérience camerounaise », l’Harmattan, 2002.
• Marc Bellitto, « Une histoire du Sénégal et de ses entreprises
publiques », l’Harmattan, 2001
• Makhtar Diouf, « Economie Politique », NEA, 1978
• Jean Charles Asselain, « Histoire des entreprises et approches
globales: quelles convergences ? », Revue Economique, 2007, vol.
58
• Revue Entreprises et Histoire « Histoire d’entreprises, pourquoi et
comment » ?, numéro spécial de, suppl. au n° 29, juin 2002.
Plan
• Chapitre 1 (introductif): Considérations
méthodologiques

• Chapitre 2: Etude de l’histoire et du cheminement


des entreprises en Afrique

• Chapitre 3: « Une » histoire des entreprises au


Sénégal?
Chapitre 1 (introductif):
Considérations méthodologiques
introduction

• Selon Makhtar Diouf, « l’entreprise est l’unité


économique de production de biens et services;
elle peut exercer son activité dans le secteur
agricole, commercial ou industriel. »

• Diouf distingue les entreprises financières et les


entreprises non financières et considère le mode
de propriété (privé ou public) comme critère de
distinction majeur entre les entreprises quelque
soit leur secteur d’activité.
introduction
• L’entreprise privée appartient à un ou des personnes physiques à titre
individuel. Elle se présente sous des formes juridiques différentes: société
de personnes (société unipersonnelle, société en nom collectif, société
coopérative) et société de capitaux (SA, SARL, etc.).

• L’entreprise publique est gérée par l’Etat, a priori au profit de la


collectivité (il peut arriver que l’Etat gère une entreprise privée au profit
d’intérêts privés particuliers).

• Entre l’entreprise privée et l’entreprise publique, il existe des entreprises


société d’économie mixte dans lesquelles des personnes privées et l’Etat
sont associés.

• A côté de ces entreprises « formelles », on constate au Sénégal, et partout


en Afrique, une floraison d’« entreprises informelles » qui sont dans
l’absolu caractérisées par la non tenue d’une comptabilité régulière, le non
respect du droit du travail et le paiement de la contribution globale unique.
introduction
• Dans ce contexte, parler de l’histoire des entreprises au
Sénégal est une gageure.
• Dans l’absolu, l’histoire des entreprises est étroitement
liée à l’histoire des peuples.
– Le troc représentait des opérations d’échanges entre
chasseurs, pêcheurs, cueilleurs, etc.
– En Afrique, la période de la traite des esclaves est
synonyme d’activités « entrepreneuriales » et de
« commerce internationale »
• Pour un certain nombre de contraintes (notamment
d’archives), il serait difficile de faire l’histoire des
entreprises.
• L’objectif de ce cours est d’examiner l’histoire
« contemporaine » des entreprises au Sénégal.
Plan

1. Pourquoi étudier l’histoire des entreprises

2. Débat autour du niveau d’analyse

3. Accessibilité et fiabilité des données


d’archives
Pourquoi étudier l’histoire des
entreprises
• Objet d’étude relativement jeune et en plein
essor dans beaucoup de pays occidentaux
– Création de la Business Historical Society aux Etats
Unis en 1925
– Création de la revue Entreprise et Histoire (France) en
1992
– Recensement en 1995 de quelques 600 publications
consacrées à l’histoire des entreprises en France
• Dont plus de la moitié datait de moins de 10 ans en 1995.
Pourquoi étudier l’histoire des
entreprises
• De plus en plus d’historiens, d’économistes et de
gestionnaires manifestent un intérêt certain à
l’histoire des entreprises.
• On parle ainsi de renouveau, d’un domaine de
recherche vigoureux, un moyen pour renouveler
notre vision du capitalisme.
• Selon J. C. Asslain (2007), l’histoire des
entreprises permet d’éclairer les grands
mouvements de l’économie et d’en préciser
l’origine.
Pourquoi étudier l’histoire des
entreprises

• Ainsi, un objectif important de l’histoire des


entreprises est de « mieux comprendre les
évolutions ou retournements majeurs, en
cherchant à préciser et à éclairer leurs
origines. »
Pourquoi étudier l’histoire des
entreprises
• Les historiens de l’entreprise sont aussi
pleinement dans leur rôle lorsqu’ils
s’attachent à réfuter le contre-sens des
analyses qui présentent l’actuelle
« globalisation » comme un phénomène
récent et radicalement nouveau….
Pourquoi étudier l’histoire des
entreprises
• Plus généralement, l’approche centrée sur les
entreprises a contribué à faire progresser la
compréhension historique par la remise en
cause d’idées reçues
• contribution « négative », mais néanmoins
essentielle.
Pourquoi étudier l’histoire des
entreprises
• Au-delà de ces apports « négatifs » (critiques),
l’approche inductive inhérente à l’histoire des
entreprises doit être créditée de multiples
apports « positifs » à la compréhension des
conditions de la croissance.
– … par exemple, l’influence du mode de
financement sur la stratégie des entreprises et
sur les performances économiques, le rôle des
économies de diversification, ou encore le rôle
de l’investissement dans les réseaux de vente.
Pourquoi étudier l’histoire des
entreprises
• Mais c’est avant tout au sujet du progrès
technique, des relations entre science et
technique à l’origine des innovations, des
problèmes relatifs aux droits de propriété de
l’inventeur et de sa rémunération, à propos
aussi des cheminements de l’innovation, du
rôle des processus d’apprentissage et de la
formation de systèmes techniques, que les
travaux des historiens ont ouvert la voie aux
avancées de la théorie économique.
Pourquoi étudier l’histoire des
entreprises
• L’histoire des entreprises sert également à
investiguer des questions qui échappent souvent
aux approches globales de l’histoire économique,
notamment:
– L’explication du destin des entreprises et/ou des
entrepreneurs,
– La problématique des modes de gestion des
entreprises familiales (ou dynastiques), leur influence
sur l’économie, leurs stratégies et leurs résultats,
– Les relations de travail au sein des entreprises au-delà
de leur impact sur les performances globales,
– Etc.
Pourquoi étudier l’histoire des
entreprises
• Comme le rappelle Asslain, « si les historiens de la
révolution industrielle s’accordent pour mettre en
relief le rôle décisif des entrepreneurs pionniers, c’est à
l’histoire des entreprises qu’il incombe d’étudier
comment l’entreprise (fut-elle familiale ou dynastique)
– acquiert au fil du temps une existence distincte de celle de
son fondateur,
– assume des fonctions toujours plus complexes au fur et à
mesure que son organisation se diversifie et
– se trouve aujourd’hui impliquée plus que jamais dans la
conception même de l’innovation, et non plus seulement
dans la diffusion du progrès technique. »
Pourquoi étudier l’histoire des
entreprises
• L’histoire des entreprises couvre donc – depuis la
genèse de l’entreprise moderne jusqu’aux
développements les plus récents, directement en
prise sur les mutations en cours dans le monde
du travail – un champ très large, coextensif à celui
de l’histoire économique dans son ensemble.
• Aucun secteur d’activités ne doit être négligé, de
même que toutes les fonctions de l’entreprise
Pourquoi étudier l’histoire des
entreprises
• Les développements récents de la General Business
History visent à permettre un entrecroisement des
points de vue, en multipliant les analyses
« transversales » et comparatives, centrées sur
• les principales fonctions de l’entreprise (production,
distribution, innovation, …),
• les conditions de son activité (du point de vue du
financement, par exemple),
• les différents types sectoriels d’organisation et de
relations entre partenaires économiques, sociaux et
politiques.
• Il est ainsi posé un débat riche sur le niveau
d’analyse de l’histoire des entreprises
Débat sur le niveau d’analyse de
l’histoire des entreprises
• Si l’histoire des entreprises a bien pour ambition
d’englober toutes les dimensions de l’activité
économique, faut-il dès lors tenir pour caduques les
approches globales (« macroéconomiques »), plus
traditionnelles, de l’histoire économique?
– « Progressivement, s’est imposée l’idée que la prospérité
et l’emploi ne reposent pas tant sur la macroéconomie que
sur la microéconomie. Rien ne sert de manipuler les
agrégats financiers: les richesses et les emplois sont créés
par les entreprises… », écrit Stoffaes,
• Rarement évoquée en termes aussi directs, l’opposition
macro-micro apparaît souvent sous-jacente comme
référence implicite.
Approche microéconomique
• A longtemps dominé dans l’analyse de
l’histoire des entreprises
• Démarche monographique (accumulation de
monographies aux Etats Unis, en Grande
Bretagne, et plus tard en France)
– Peu de tentatives de généralisation
• Affaires des économistes et des gestionnaires
• On s’intéresse dans cette approche à l’histoire
singulière des entreprises
Approche macroéconomique
• Permet de questionner
• la naissance des entreprises et la formation du capital
initial,
• l’histoire de la comptabilité des entreprises,
• l’histoire du financement de la création d’entreprise,
• l’évolution des qualifications professionnelles,
• l’histoire de l’environnement des affaires, etc.
• Ces questions sont complémentaires aux
monographies (indispensables?)et permet d’avoir
une vue d’ensemble
Tentatives de dépassements et de
rapprochements

• Il existe des tentatives de dépassements et de


conciliations entres ces deux approches.

• La première est de souligner l’importance


d’étudier l’histoire des entreprises au niveau
des branches et des secteurs.
Tentatives de dépassements et de
rapprochements
• Certains auteurs considèrent que se situer
d’emblée à l’intérieur de l’histoire des entreprises
n’est peut être pas la meilleure approche.
• L’approche microéconomique ne saurait suffire
– Elle aide à comprendre les grandes tendances, détecte
les problèmes singuliers…
– …mais il est nécessaire de recourir à une approche
plus globale de l’histoire économique
Tentatives de dépassements et de
rapprochements
• Pour certains auteurs, l’histoire des
entreprises procède d’abord d’une approche
microéconomique
• Chandler dans ses travaux prend comme unité
de base l’entreprise individuelle.
• Par effet d’agrégation, une vue d’ensemble est
possible à partir des monographies
– L’approche microéconomique ne s’opposerait pas
ainsi à une vision globale.
Tentatives de dépassements et de
rapprochements
• L’histoire des entreprises peut-elle parvenir à
une certaine hiérarchisation de ses objectifs,
sans sacrifier pour autant ce qui fait sa
richesse ?
• Que peut-elle attendre des rapprochements avec
différents indicateurs macro- (ou méso-)
économiques ? et
• d’une mise en commun de ses problématiques
avec les approches plus globales de la croissance ?
Tentatives de dépassements et de
rapprochements
• Plus généralement, il existe entre les évolutions
macro- et microéconomiques des interrelations
multiples et (par définition) à double sens.
– La révolution industrielle, qui bouleverse l’échelle de
la production dans un nombre croissant de branches,
– la révolution des transports, point de départ d’un
élargissement continu des marchés, sont à l’origine
des transformations organisationnelles qui ont donné
naissance à la grande entreprise moderne –
– de même que l’avènement de l’hypermarché dans les
années 1960 doit être relié à la forte expansion de la
consommation depuis la fin de la guerre.
Quelques aspects méthodologiques …
• La plupart des travaux en histoire des entreprises ont un
contenu essentiellement qualitatif (approche
monographique).
• Les indications chiffrées ne sont pas absentes, mais elles
interviennent de façon épisodique, à titre purement
illustratif.
• Au plan global, les auteurs soucieux de comparaisons
internationales, à l’instar de Chandler, centrent leur
analyse sur les 200 premières entreprises, voire les 100
ou les 50 premières,
– ce qui revient à mettre entre parenthèses – consciemment ou
non – l’exigence de représentativité.
Quelques aspects méthodologiques …
• Inversement, les quelques travaux à caractère plus «
englobant » ont souvent un contenu essentiellement
statistique, sans référence aux « études de cas » qui
constituent pourtant le cœur de l’histoire des
entreprises.
• Les recherches consacrées à la « démographie » des
entreprises – créations de sociétés et faillites – sont
celles qui fournissent l’apport le plus précieux, tant au
niveau national qu’au niveau régional ou sectoriel ;
mais elles passent encore difficilement le test de se
prêter à des comparaisons internationales significatives
Quelques aspects méthodologiques
• Ou du moins elles appellent un va-et-vient, une mise en
relation systématique avec les monographies
d’entreprise d’une part, et l’ensemble des données
macroéconomiques disponibles d’autre part.
• L’élaboration d’indicateurs quantitatifs plus significatifs
• mesurer par exemple l’intensité de l’effort de recherche
par le nombre de brevets ou le nombre de chercheurs
pour 1 000 actifs, voire le nombre de publications rapporté
au pib
• … devrait d’ailleurs constituer une tâche commune au
point de jonction entre les approches macro- et
microéconomiques.
Accessibilité et fiabilité des archives
• L’histoire des entreprises au sens strict
(Company Business History) est
inévitablement tributaire de l’existence de
sources d’archives suffisantes.
• Or non seulement la préservation des archives
d’entreprise présente un caractère aléatoire,
mais elle est affectée par des biais
systématiques.
Accessibilité et fiabilité des
archives
• Un certain nombre d’institutions et de grandes
entreprises consentent aujourd’hui un effort
important pour connaître leur passé et faciliter le
travail des historiens.
– « l’une des raisons du foisonnement des histoires
d’entreprises réside notamment dans la constitution
et l’essor des comités d’histoire – note d. Barjot , en
1

donnant comme exemple la Banque de France, edf–


• Une seconde raison, au moins aussi importante,
réside dans l’essor de la Business History appliquée,
c’est-à-dire des histoires d’entreprises réalisées à la
demande des firmes elles-mêmes».
Accessibilité et fiabilité des
archives
• Les spécialistes de la discipline n’hésitent pas à
évoquer les risques d’une « histoire sur
commande ».
• Selon J C Asselain, le danger ne doit certes pas
être exagéré : on peut faire confiance à l’éthique
des historiens pour
– « garder le cap en dehors de toute pression pour une
histoire commémorative illustrée par des images sur
papier glacé ou pour une histoire qui, à force d’être
lissée par les acteurs-témoins, tourne à l’hagiographie
».
Accessibilité et fiabilité des archives
• Il faut souligner l’inégale couverture des
différents secteurs, du fait essentiellement de
deux distorsions systématiques qui risquent
de biaiser les analyses.
• Les échecs retiennent moins l’attention
• Une trop grande focalisation sur les grandes
entreprises, au détriment des PME
Accessibilité et fiabilité des archives
• La limitation de l’objet d’étude, son insuffisante représentativité, ou du moins
l’incertitude qui existe à cet égard risquent, a priori, d’affecter les conclusions
de deux façons opposées.

– le risque le plus évident est celui de généralisations abusives à partir d’une


base d’observation trop restreinte, notamment lorsqu’il s’agit d’un seul
pays et d’une période donnée.

– Mais ce danger n’est pas en réalité le plus sérieux : car toute


schématisation stimulante est un peu trop audacieuse – telle la « loi des
trois générations », qui pronostique le déclin de la firme familiale à la
troisième génération à partir du fondateur – suscitera des tentatives de
vérification, qui mettront immanquablement en évidence un certain
nombre de contre-exemples et conduiront à rappeler (de façon
inattaquable, mais un peu trop prévisible) le danger des extrapolations
abusives face à la complexité du réel.
Accessibilité et fiabilité des archives
• D’où, typiquement, le repli sur des conclusions d’une extrême prudence,
souvent essentiellement négatives
– on insiste sur le caractère partiel ou non démontré de thèses jusqu’alors
couramment admises, comme l’effet favorable sur l’industrialisation
allemande des liens étroits entre banque et industrie, ou encore la supériorité
technique de la grande entreprise, qui ne concerne que certaines branches,
peut-être minoritaires)
• … ou très générales
– du débat sur les travaux de Chandler, on retiendra seulement que toutes les
formes d’organisation des firmes et des industries sont transitoires, « étant
chacune adaptée aux conditions de processus de changement nécessairement
singuliers »,
• écartant toute prise de position « dogmatique »
– refus de se prononcer dans l’absolu sur les mérites ou les démérites de
l’entreprise familiale, de déclarer telle stratégie de croissance supérieure à
telle autre dans l’absolu,
• en insistant avant tout sur la diversité historique des situations et en
appelant à de nouvelles recherches plus détaillées au niveau de la
branche, de la région, de l’entreprise.
Accessibilité et fiabilité des archives
• Car la prudence – pour ne pas dire le flou – des
conclusions laisse place à des appréciations
divergentes, à des jugements subjectifs,
fluctuants et parfois contradictoires.
– les clichés sur le « tempérament national »….
• « les Français vénèrent la technique […] ils apprécient les
produits, mais pas les entreprises qui les créent […] ils
respectent les inventeurs, mais pas les entrepreneurs […]
l’industrie française reste handicapée par une longue
tradition d’autarcie économique »
– … demeurent présents à l’arrière-plan, et fournissent
trop facilement des pseudo-explications à l’inégalité
des performances économiques.
Accessibilité et fiabilité des archives
• La stabilité, par exemple, du classement des
grandes entreprises sera interprétée
alternativement comme un témoignage de rigidité
(souvent à propos de la France), ou au contraire
comme une preuve de la capacité d’adaptation
des principales firmes et de leur dynamisme (dans
le cas de l’Allemagne).
• Les jugements portés sur l’intervention de l’État
reflètent, bien entendu, les convictions
personnelles de chacun.
Accessibilité et fiabilité des archives
• Mais il advient aussi que l’opinion majoritaire
fluctue brutalement au gré des retournements de
la conjoncture et des « modes » qui en découlent
:
– la supériorité de la croissance japonaise par rapport à
la croissance américaine tend à provoquer dans les
années 1980 une dévalorisation générale du modèle
entrepreneurial des États-Unis, présenté comme
irrémédiablement moins flexible et moins innovant,
– alors que le redressement américain des années 1990
conduira vers la fin de la décennie à des
schématisations tout aussi excessives en sens inverse
Accessibilité et fiabilité des archives
• On peut voir là une forme caricaturale de
relation entre la macroéconomie et la vision
des réalités microéconomiques :
– si les développements de l’actualité peuvent
légitimement inspirer aux historiens de nouvelles
interrogations, ils ne justifient évidemment pas de
tels revirements, révélateurs de l’incapacité à
établir de véritables comparaisons internationales,
fondées sur des critères objectifs.
L'apport de l'économie industrielle à
l'histoire des entreprises?
• Une modélisation micro-économique est-elle possible
et sous quelles conditions ?
• Quel est l'apport de l'analyse comptable, de la gestion
?
• Dans quelle mesure doit-on prendre en compte des
approches comme celles d'Alfred Chandler, de Kenneth
Arrow, de Peter Drucker, de Michael Porter ?
• Comment un historien peut-il concilier l'appel à des
théories économiques avec ses propres approches
d'interprétation des sources d'archives ?
L'apport de l'économie industrielle à
l'histoire des entreprises?
• La différence entre l’histoire, qui est par
définition unique, et l’économie, qui croit à des
lois, est à relever.
• Si l'utilisation partielle de modèles économiques
peut présenter un intérêt, le risque d'extrapoler
la réalité à partir de la corrélation statistique
existe dès lors qu'on tente de tester un modèle
économique.
– Or sur le plan de la pratique, il existe inévitablement
une tension entre les variables du modèle et les
sources que l'historien doit repérer.
L'apport de l'économie industrielle à
l'histoire des entreprises?
• J.-Ch. Asslain insiste alors sur le fait que
corrélation et explication causale ne doivent pas
être confondues, bien que les corrélations, sans
rien prouver, permettent de battre en brèche des
explications fausses.
• L'historien peut travailler sans recourir à des
modèles économiques explicites, d'autant que
l’antécédence des travaux d'historiens par
rapport aux modèles théorisés des économistes
est bien réelle.
L'apport de l'économie industrielle à
l'histoire des entreprises?
• Les économistes ont peu d’influence sur les
entrepreneurs.
• Ainsi, le modèle Keynésien a eu peu d’incidence sur la
croissance économique.
• Le modèle libéral, néanmoins, parce que considéré comme
supérieur, a eu une influence réelle en Europe de l’Est
après 1989.
• Inutile donc de formuler des modèles trop complexes,
ce sont les modèles les plus simples qui auraient une
influence réelle.
• La pertinence des modèles économiques, pour
l’historien, est bien à souligner.
L'apport de l'économie industrielle à
l'histoire des entreprises?
• L’historien qui s’intéresse à l’histoire des
entreprises peut s’appuyer sur d’autres disciplines
pour étudier des questions importantes comme:
– La sociologie, pour l’étude de la qualification des
employés dans un secteur donné (le développement
du secteur de la cimenterie après la colonisation)
– L’histoire de l’art, pour étudier l’architecture des
bâtiments industriels ce qui peut apporter des
éléments sur les mentalités des entrepreneurs.
– Le droit pour étudier l’évolution de
l’institutionnalisation de l’environnement des affaires.
L'histoire appliquée et les archives
d'entreprises.
• L’histoire des entreprises pose la question de
l’histoire appliquée, c’est-à-dire l’histoire
commandée.
• La question essentielle qui se pose à ce niveau
est: comment concilier la demande grandissante
des entreprises mues par un véritable besoin
d’histoire et la morale de l’historien?
• Cette démarche est elle plus facile à l’accès aux
archives des entreprises?
• Quelles autres sources peuvent être utilisées?
L'histoire appliquée et les archives
d'entreprises.
• Si certaines entreprises jouent le jeu et mettent à la
disposition de l’historien toutes les archives dont elles
disposent, d’autres ne le font et choisissent les archives
qu’elles souhaitent divulguer.
• La fiabilité des informations fournies par une
entreprise qui souhaite reconstituer son histoire pose
également problème.
• De toute façon, la question de la complaisance de
l’historien est déterminante pour la reconstitution de
l’histoire d’une entreprise sur commande.
L'histoire appliquée et les archives
d'entreprises.
• Parmi les sources à investiguer pour constituer
l’histoire des entreprises, les archives
bancaires présentent un grand intérêt (même
celles qui n’existent plus comme la BNDS au
Sénégal), pas uniquement pour l’histoire des
banques elles mêmes,
– Mais parce qu’on peut retrouver dans ces archives
des informations riches sur les entreprises clientes
ou ayant traité avec elles.
L'histoire appliquée et les archives
d'entreprises.
• Du fait que beaucoup d’entreprises ne souhaitent pas
toujours ouvrir leurs archives, les historiens travaillent
de plus en plus sur des entreprises mortes.
• Pour étudier l’histoire des entreprises contemporaines
(vivantes), les informations comptables publiées dans
les marchés boursiers constituent une source
importante
– même si il faut être prudent avec ses informations car leur
fiabilité n’est pas entièrement garantie notamment dans le
contexte africain.
• De toutes façons, une triangulation des sources
d’informations est nécessaire pour une grande fiabilité.
La question du marché
• Selon les chercheurs, la notion de marché est un
élément essentiel à l’histoire des entreprises. …
Une entreprise est d’abord définie par son
marché.
• … mais quelles sont les frontières d’une
entreprise?
• De quel type de marché parle-t-on pour définir quel
type d’entreprise?
• Qu’en est il de l’évolution du marché de l’entreprise?
• Parler du rapport entre l’entreprise et le marché
renvoie également à l’externalisation des coûts.
Le rôle de l’Etat
• L’intervention de l’Etat est perçu par les
chercheurs comme un mal absolu, un mal
nécessaire ou un bien absolu.
• Dans l’analyse de l’histoire des entreprises,
l’examen du rôle de l’Etat (au sens large) est
nécessaire.
• Les relations entre l’Etat et les entreprises
dépendent de plusieurs facteurs propres à l’Etat
(fédéralisme ou non, centralisé ou non) ou
spécifiques aux entreprises (grandes entreprises,
PME, privées ou publiques, etc.)
Le rôle de l’Etat
• Il y a une double échelle géographique
d’intervention de l’Etat: au plan national et au
plan international
• La préoccupation majeure est de savoir si
l’intervention de l’Etat est sources d’obstacles ou
d’opportunités pour le développement des
entreprises.
• Pour juger le rôle de l’examen de l’évolution de la
législation et du droit des entreprises peut offrir
un cadre fertile.
Le rôle de l’Etat
• Au plan international, l’Etat joue un rôle prépondérant
dans la vie des entreprises, notamment à travers des
mécanismes de protection mais également l’appui à
l’internationalisation.
• Le rôle de l’Etat dans l’histoire des entreprises pose de
manière inéluctable la problématique du lien
politique/entreprise.
• L’idée d’une corruption bilatérale ne peut être exclue.
– Elle est exercée sur les entreprises pour insister sur le
comportement rationnel de l’entrepreneur au milieu de ce
monde
Chapitre 2: « Etude de l’histoire
et du cheminement des
entreprises en Afrique »
(E. Kamdem)
Introduction
• Les travaux d’Emmanuel Kamdem ont fortement inspiré ce
chapitre portant sur l’étude de l’histoire et du cheminement des
entreprises en Afrique (genèse, faits marquants, formes
d’évolution, etc.).
• Selon Kamdem, cette approche est très utile pour mieux
appréhender les fondements historiques du management en
Afrique. Comme partout ailleurs, ce dernier s’inscrit dans une
évolution historique de la société toute entière.
• Kamdem nous relate les travaux de chercheurs du monde entier,
réunis dans le cadre d’un colloque international à Paris, en
décembre 1981, qui se sont attelés à retracer l’histoire des
entreprises et de l’entrepreneuriat en Afrique.
• Les travaux de cette rencontre ont été rassemblés dans un
ouvrage collectif publié en 1983, en deux tomes, sous le titre
Entreprises et entrepreneurs en Afrique.
Introduction
• Ce recueil de monographies d’entreprises a pu apporter un éclairage historique
et spatiotemporel intéressant sur l’étude des entreprises africaines.
• A l’exception de deux pays (l’Afrique du Sud et l’Egypte) non étudiés, faute de
documentation accessible aux auteurs, c’est tout le continent qui est concerné
indépendamment des zones géographiques et linguistiques.
• Par ailleurs, la perspective diachronique des travaux retenus permet une vision
d’ensemble de la situation et de l’évolution des entreprises africaines à
différentes périodes (précoloniale, coloniale, postcoloniale).
• Les auteurs historiens pour la quasi-totalité, dégagent quatre faits marquants
dans l’histoire des entreprises africaines :
– l’émergence des « entreprises autochtones » pendant les périodes
précoloniale et coloniale,
– le développement des « entreprises impériales » pendant la colonisation,
– la complexité des rapports entre les pouvoirs publics et les entrepreneurs
pendant l’époque coloniale, et enfin
– les perspectives de développement des entreprises depuis l’accession de la
plupart des pays du continent à la souveraineté internationale.
EXPERIENCES « D’ENTREPRISES AUTOCHTONES »
• « entreprises autochtones » étaient en réalité des types
d’organisation artisanale, conçus par des africains pour la
réalisation d’un certain nombre d’activités de commerce ou de
fabrication, entre l’époque précoloniale et coloniale.
– Il en est ainsi du traitement du coton en Somalie (E. A. Alpers),
– du tissage de la soie en Tunisie (M. M’Halla),
– du commerce de la mangrove au Kenya (P.D. Curtin),
– du commerce de la gomme au Sénégal (R. Pasquier),
– du commerce des produits de consommation en Guinée (O.
Goerg),
– du commerce du bétail au Niger (J.M. Bellot),
– du commerce de produits à Madagascar (F. Esoavelmandroso),
etc.
EXPERIENCES « D’ENTREPRISES AUTOCHTONES »
• Ces expériences sont très instructives dans la mesure où elles
témoignent de l’existence, dans certaines régions bien précises du
continent, d’une tradition authentique et ancienne d’entrepreneur
qui a d’ailleurs beaucoup facilité les premiers contacts avec le monde
occidental.
• Evoquant par exemple le cas des traitants des comptoirs du Sénégal
spécialisés dans le commerce de la gomme, R. Pasquier (1983, p.
141) écrit :
– Les traitants des comptoirs du Sénégal sont pour la plupart
d’entre eux de véritables « entrepreneurs » selon la formule de
plusieurs observateurs de XIXème siècle ? Ils jouent comme
intermédiaires entre les négociants européens et les producteurs
africains, un rôle essentiel dans l’économie sénégalaise. D’autre
part, ils constituent à l’intérieur de la société coloniale depuis la
fin XVIIIème siècle l’élément le plus important de la bourgeoisie.
EXPERIENCES « D’ENTREPRISES AUTOCHTONES »
• Des expériences entrepreneuriales, comme celles qui
viennent d’être citées, très bien étudiées en leur temps,
auraient pu constituer les prémisses d’un management
africain authentique et fonctionnel ; et susceptible d’être
développé comme un modèle alternatif par rapport au
modèle émergent à l’époque en Occident et devenu dominant
par la suite, notamment en Afrique.
• Mais ici, comme un peu partout dans le monde, le mode
d’organisation et de production prôné par Taylor et Fayol,
entre autres, a fini par devenir la référence incontournable
parce que plus fonctionnel, plus rentable à l’époque, quoique
généreuse de nombreuses nuisances pour l’individu.
EXPERIENCES « D’ENTREPRISES AUTOCHTONES »
• Contrairement à certaines affirmations simplificatrices, l’Afrique précoloniale à
bel et bien connu des expériences entrepreneuriales certes modestes mais
tout à fait significatives (Kamdem, 2000).
• La question se pose alors de savoir pourquoi de telles expériences n’ont pas fait
école et ne sont pas inscrite dans la durée.
• A priori, Kamdem avance trois raisons principales:
– « La première est que les africains eux-mêmes n’ont pas véritablement cru
à ces expériences comme pouvant être d’une utilité déterminante pour le
devenir de leurs sociétés. »
– « La seconde renvoie aux structures sociales dont on peut penser qu’elles
n’ont pas toujours favorisé le développement d’un esprit d’entreprise, ce
qui fait croire que les différents cas cités ne sont que des singularités et ne
reflètent pas un phénomène social dominant en Afrique. »
– « La troisième réside tout naturellement dans l’image envahissante d’une
certaine modernité, image véhiculée par le modèle occidental et qui a fini
par être adoptée en dépit des contraintes subies lors du choc culturel avec
l’occident. »
EXPERIENCES « D’ENTREPRISES AUTOCHTONES »
• … le véritable débat aujourd’hui réside moins dans l’invention ex nihilo de
pratiques de management (comme si cela n’avait jamais existé) que dans la
réhabilitation de celles qui ont existé à une certaine époque, et qui se sont
avérées performantes aussi bien sur le plan économique que social.
• … adapter aux exigences d’une société nouvelle, dans un monde de plus en
plus compétitif.
• … . Limitons-nous, à titre d’illustration, à un seul exemple très significatif :
– la pratique de l’accumulation matérielle et de l’épargne par le biais des
tontines.
– Ces associations de solidarité (traditionnelles à l’origine) ont existé dans
différentes régions d’Afrique depuis des temps immémoriaux.
– Elles auraient donc pu constituer, ne serait-ce que dans ces régions, le
creuset d’un système financier authentique et opérationnel.
– Ce ne fut pas le cas, puisque les politiques économiques suivies pendant
très longtemps se sont plutôt inspirées d’un modèle financier prenant
appui sur des institutions financières étrangères, aux dépens de ce type
d’associations financières pourtant très enracinées et attractives.
EXPERIENCES « D’ENTREPRISES AUTOCHTONES »

• La revalorisation actuelle des associations


communautaires de ce type, dont l’activité est
pourtant complémentaire et non concurrente
à celle des banques classiques, montre bien
l’existence, dans les traditions nationales
africaines, de modèles de conduite et d’action
parfaitement compatibles avec l’accumulation
matérielle et la réussite en affaires.
COLONISATION ET DEVELOPEMENT DES
« ENTREPRISES IMPERIALES »
• « Ces dernières sont des entreprises créées en Afrique, à
l’époque coloniale, c’est-à-dire approximativement entre le
début du 20ème siècle et le début des indépendances
politiques en 1960.
• Elles étaient et demeurent principalement des filiales ou
simplement des succursales de sociétés-mères existant déjà
en Europe et spécialisées dans le négoce international,
l’exploitation des matières premières agricoles ou minières.
• … leur fonctionnement s’est davantage inscrit dans le lien
colonial, caractérisé par le transfert systématique des
structures et des modes d’organisation des pays occidentaux
vers les pays d’implantation, dans un système économique de
rente (exploitation en exportation des matières premières).
COLONISATION ET DEVELOPEMENT DES
« ENTREPRISES IMPERIALES »
• L’implantation et le développement de ces entreprises n’ont souvent pas
été possibles qu’aux prix d’une forme de violence exercée sur les
populations locales, et B. Fall (1983, p.343) nous donne une illustration à
partir du cas d’une entreprise d’exploitation agricole au Sénégal :
– Pour stimuler la productivité, il fallut avoir recours aux mauvais
traitements par la chicotte, les griffes, les punitions, ainsi, vaincre
toute manifestation d’ « apathie » ou de « paresse » chez les
indigènes. D’où de nombreuses désertions.
• Par ailleurs, les conditions de travail du personnel ouvrier étaient
particulièrement éprouvantes.
– M. Mbodj (1983, p.364) compare le personnel ouvrier d’un complexe
agro-industriel français implanté au Sénégal entre 1912 et 1919 à un
prolétariat occasionnel et sans racines… sans grande capacité
d’organisation ; bien qu’une ration alimentaire surestimée représente
la majeure partie d’une rémunération que beaucoup estiment très
irrégulière.
COLONISATION ET DEVELOPEMENT DES
« ENTREPRISES IMPERIALES »
• Le mode d’organisation caractéristique des nouvelles entreprises
industrielles étrangères n’a pas toujours été facilement accepté
par les populations locales.
• Pour ces dernières, le travail dans ces entreprises visait plus à
satisfaire des besoins financiers et matériels croissants avec es
changements intervenus dans leur mode de vie.
• Cette vision du travail productiviste et rentabiliste a été qualifiée
de travail du blanc, par les africains, c’est-à-dire un travail
considéré comme étranger aux traditions locales et qui, de
surcroît, accentue la rupture entre l’individu et sa société.
• … il importe de souligner qu’on en a vu se créer un peu partout,
suivant la position géographique ou stratégique des différents
pays du continent, ainsi que leur potentiel minier et forestier.
POUVOIRS PUBLICS COLONIAUX ET MILIEUX
D’AFFAIRES NATIONAUX
• On s’est longtemps interrogé sur la fonction et le rôle des
entreprises impériales pour savoir si au-delà de leurs
activités marchandes, commerciales ou exportatrices,
elles n’ont joué un rôle déterminant pour la promotion
économique et sociale des pays d’implantation.

• Les avis sont généralement partagés entre ceux qui


pensent que ces entreprises ne se sont préoccupées que
de leurs intérêts financiers et économiques, et ceux qui
leur reconnaissent une contribution essentielles à l’essor
des sociétés d’accueil.
COLONISATION ET DEVELOPEMENT DES
« ENTREPRISES IMPERIALES »

• Il est important de chercher à comprendre davantage


la position des pouvoirs publics coloniaux dans cette
situation.

• Il faut d’emblée souligner que les rapports entre les


pouvoirs publics coloniaux et les milieux d’affaires
nationaux se sont largement inscrits dans la logique
de protection des intérêts du pays colonisateur, aussi
bien vis-à-vis des pays colonisés que des puissances
coloniales concurrentes.
COLONISATION ET DEVELOPEMENT DES
« ENTREPRISES IMPERIALES »
• Le rôle de l’administration coloniale a également été très
déterminant dans l’élaboration et la mise en place d’une
réglementation très favorable aux milieux d’affaires coloniaux

• Par contre, sa contribution à l’émergence d’une génération


d’entrepreneurs nationaux assez a été limitée, pour ne pas dire
quasi nulle comme le relèvent d’ailleurs plusieurs auteurs (C.de
Miras, P Manning, B. C. Codo et S. Anignikin).

• Elle a davantage favorisé la constitution d’une bourgeoisie


administrative préparée pour la relève dans l’administration
publique et peu sensibilisée à la nécessité de créer des
entreprises pour soutenir le développement économique et social
(B. Jewiseiwicki, 1983).
COLONISATION ET DEVELOPEMENT DES « ENTREPRISES
IMPERIALES »
• En effet, les entreprises impériales ou leurs filiales locales ont en général bénéficié de nombreux
avantages en vue d’accroître leur compétitivité (forte complicité avec l’administration coloniale ou
postcoloniale, situation de monopole, main d’œuvre abondante à moindre coût, et peu
revendicative).

• Cependant, leur préoccupation concernant la création des conditions d’un développement


économique véritablement endogène s’est avérée assez marginale ; car tels n’étaient pas leurs
objectifs.

• M. Michel et C. Origet expliquent cela par ce qu’ils appellent l’absence de stratégie coloniale de
développement chez les promoteurs et les dirigeants de ces entreprises. En d’autres termes, ces
derniers n’ont toujours pas considéré le développement des sociétés locales comme l’objectif
prioritaire de leur stratégie d’entrepreneurs ; celle-ci obéissant davantage au sacro saint principe
du plus grand profit partout où cela est possible.
• Cela a tout naturellement contribué à renforcer l’échange inégalitaire et à inscrire les pays africains
dans une région de dépendance à l’égard de leurs anciennes puissances coloniales. C’est surtout M.
Lakoum (1983, p.13) qui résume bien la nature des rapportes entre l’administration coloniale et les
milieux d’affaires nationaux :
– Il ne s’agit pas donc à proprement parler d’une collaboration entre secteur public et secteur
privé mais d’une forte incrustation réciproque qui conduisit très tôt à assimiler gestion et
administration et aboutit, après les indépendances, à la constitution d’un secteur mixe.
Projet de développement des
entreprises après les indépendances
• Le versant public

• Le versant privé
Le versant public
• Dans les années soixante, l’accession à la souveraineté internationale
de la plupart des pays africains n’a pas considérablement modifié la
nature des rapports entre les pouvoirs publics et les milieux
d’affaires.
• Les nouveaux dirigeants politiques nationaux sont, pour la plupart
d’entre eux, parrainés par les anciennes puissances colonisatrices.
Cette situation a naturellement créé une relation de dépendance
dont les effets sont perceptibles aux plans politique, économique et
social.
• Les milieux d’affaires, en particulier, connaissent un certain nombre
de mutations dont on peut retenir quelques faits marquants
concernant la situation des entreprises.
• D’abord, la poursuite des activités de négoce réalisées par des firmes
commerciales internationales permet l’approvisionnement des pays
concernés en produits de consommation et l’exportation à l’étranger
des produits de base.
Le versant public
• Parallèlement, se créent de nouvelles unités industrielles et agro-industrielles
(publiques ou parapubliques) de production et de transformation dans
quelques secteurs stratégiques, principalement l’exploitation des sources
d’énergie et des matières agricoles et minières.
• Comme les firmes commerciales, ces dernières s’insèrent dans un tissu
économique essentiellement extraverti et leurs activités sont limitées par
certains paramètres essentiels de l’environnement local.
• C’est dans ce contexte que se produit la lente et difficile émergence des
premières entreprises nationales aussi bien publiques que privées.
• Du fait de la faiblesse des capitaux privés nationaux, l’Etat devient le principal
promoteur économique et les entreprises publiques ou parapubliques sont
appelées à jouer un rôle catalyseur dans la vie économique.
• Elles sont même considérées à tort ou à raison, comme les piliers de la
politique d’industrialisation des Etats nouvellement indépendants.
• Les limites d’une telle option apparaissent quelques années plus tard, et
conduisent maintenant à poser le problème du rôle de la puissance
économique dans l’élaboration d’un cadre institutionnel susceptible de
favoriser le développement des affaires.
Le versant public
• En effet, on a longtemps épilogué sur le faible développement
des entreprises compétitives et performantes en Afrique.

• L’explication générale de ce phénomène par l’absence de


stratégie coloniale de développement, comme on l’a vu plus
haut, est certes vraie. Mais elle est insuffisante surtout si l’on
se réfère à tout e qui s’est passé depuis l’accession des
différents Etats coloniaux à la souveraineté internationale.

• Ce changement politique, davantage formel dans la plupart


des cas, s’est accompagné de l’émergence d’une bourgeoisie
politico-administrative beaucoup plus rentière
qu’entreprenante, contrôlant les principaux leviers de
commande de l’Etat postcolonial nouvellement mis en place.
Le versant public
• En somme, pour Kamdem, l’indépendance politique n’a eu que peu
d’incidences sur la situation antérieure et n’a véritablement pas inauguré une
nouvelle ère économique, surtout si l’on tient compte du rôle (pas toujours
explicité) des pouvoirs publics coloniaux lors du transfert des instruments de
souveraineté aux dirigeants des nouveaux états.

• En effet, les entreprises regroupées dans le giron de l’Etat sont soit d’anciennes
entreprises impériales cédées à la nouvelle administration nationale, soit des
entreprises nouvellement créées, mais effectivement (et pas juridiquement)
dépendantes de firmes industrielles ou commerciales étrangères davantage
préoccupées par la recherche de nouveaux marchés porteurs, soit des
entreprises créées de toutes pièces par les pouvoirs publics et dirigées par ses
représentants.

• Dans un cas comme dans l’autre, ces projets d’entreprise ont nécessité
d’énormes investissements financiers, matériels et humains, se sont
développés avec plus ou moins de réussite, avec des retombées parfois
discutables du point de vue du développement intégral et durable de la
société.
Le versant public
• On en arrive donc à la question centrale de savoir
comment l’entreprise, de manière générale, peut
contribuer au progrès économique et social de la
société, en tant qu’acteur institutionnel du
changement et du développement durable.

• C’est en partie cette dernière question qui explique


qu’après plusieurs décennies d’activité, la
privatisation des entreprises du secteur public (à la
demande pressante des bailleurs de fonds
internationaux) soit d’actualité.
Le versant privé
• Parallèlement à l’action des pouvoirs publics, un autre pôle
d’activités devient émergent du côté des promoteurs privés.

• Au départ, ils sont pour la plupart des artisans, petits


commerçants, clients ou salariés de maisons de commerce ou
des industries naissantes ; ou encore fonctionnaires de
l’administration publique.

• Leur cheminement est étudié par plusieurs auteurs. Ces


derniers insistent souvent sur le processus de chevauchement
(straddling en anglais) dans la description des itinéraires des
entrepreneurs africains.
Le versant privé
• Pour ces différents auteurs, ce processus est essentiel pour bien comprendre les
rapports entre l’administration publique et le reste de la société, principalement le
monde des affaires.

• Pour beaucoup de personnes en Afrique, le chevauchement (qui peut être défini


comme l’utilisation de plusieurs positions d’influence dans la société, pour construire
une trajectoire d’entrepreneur) est une des principales voies d’accès au monde des
affaires, du fait des positions privilégiées que ces personnes occupent dans le système
traditionnel ou politico-administratif.

• Par ailleurs, l’analyse du cheminement d’un grand nombre d’entrepreneurs africains de


la première génération (celle dont les membres sont entrés en affaires avant ou juste
les indépendances) montre que très peu, parmi eux, ont suivi une trajectoire uniforme.

– La tendance dominante a souvent consisté à exercer plusieurs activités


(complémentaires ou concurrentes) en parallèle, utilisant les ressources provenant
des unes pour soutenir les autres, l’employé du secteur privé, qui utilise sa position
de salarié pour développer des affaires personnelles dont la gestion est souvent
confiée à des parents ou à des amis.
Le versant privé
• A la faveur de la crise économique et sur recommandation ou injonction des
bailleurs de fonds internationaux, les gouvernements africains ont engagé des
programmes de privatisation entraînant la révision de leur présence dans le
monde des affaires.

• … se servant de la métaphore de la sorcellerie des blancs (c’est-à-dire l’illusion


qui consiste à croire que la privatisation exigée de l’extérieur est la solution
miracle, que préconisent certains, pour rendre les entreprises africaines plus
performantes) vise à substituer à l’ancien état entrepreneur un nouvel état
régulateur de l’activité économique.

• Notamment par l’élaboration, la mise en place et le suivi d’un cadre


institutionnel susceptible de favoriser le développement des affaires. Pour les
partisans de cette nouvelle orientation économique, l’expérience de l’état au
Japon et dans la plupart des nouveaux pays industriels d’Asie du Sud (a savoir
un état définissant et assurant la mise en œuvre de la politique économique, à
travers des structures institutionnelles facilitatrices au profit de l’entreprise
privée) est très souvent citée comme référence.
Le versant privé
• On peut enfin s’interroger sur le rôle exact des entrepreneurs
nationaux dans les programmes de privatisation ….

• Quelles possibilités leur sont réellement offertes dans ce


processus que beaucoup n’hésitent pas à considérer comme
un jeu de dupes ?

• La question concerne surtout ceux des entrepreneurs


nationaux ayant déjà réussi une accumulation avérée
d’expertise professionnelle pour prétendre à l’acquisition
partielle ou totale des entreprises à privatiser.
Le versant privé
• En effet, certains analystes n’hésitent pas à voir, dans le processus de
privatisation, plus un processus de néo-privatisation que de simple
privatisation.

• C’est pour exprimer combien plusieurs entreprises publiques et parapubliques


étaient déjà pratiquement dans le giron de différents réseaux privés
dominants, notamment familiaux, ethniques et politiques. J.M. Servet (1995,
p.23) par exemple souligne le cas des institutions financières publiques
africaines qui paraissent, aux yeux des populations, trop liées à l’état, alors que
celui-ci n’est généralement pas vécu comme intérêt général au dessus des
intérêts particuliers, mais plus généralement comme un instrument lié à une
personne ou aux intérêts d’un groupe de personne.

• Dans cette optique, on peut considérer le processus actuel de privatisation


comme une tentative pour remplacer ces groupes privés influents, qui
contrôlent les entreprises publiques, par des partenaires privés connus et
identifiables dont on attend une meilleure efficacité productive dans la gestion.
Le versant privé
• … des réserves peuvent être faites sur la
transparence des opérations dont le moins qu’on
puisse dire est qu’elles relèvent parfois d’un flou
organisé (programmation des échéances, clarification
des modalités pratiques, définition des conditions de
cession…).

• Cette situation est susceptible de renforcer l’extrême


réserve, voire l’hostilité manifeste exprimée de part
et d’autre, et pour des raisons diverses, face au
processus actuel de privatisation économique.
Le versant privé
• De part et d’autre, la privatisation des entreprises du
secteur public et parapublic est perçue comme un
bradage du patrimoine national, ou encore comme
une perte des attributs de la souveraineté nationale.

• Ces positions amènent une fois encore à poser le


problème du rôle de l’Etat dans un contexte de
dérégulation économique, comme c’est bien le cas
actuellement en Afrique et dans le monde.
Le versant privé
• L’étude du processus historique de développement des entreprises en Afrique a
une portée considérable du point de vue de la compréhension des comportements
et des motivations des entrepreneurs d’aujourd’hui.

• Elle permet par ailleurs de se faire une idée des types de difficultés auxquels ils
sont confrontés dans l’élaboration, la mise en œuvre et le suivi de leurs projets
d’entreprise, ainsi que dans la recherche de solution appropriées.

• Nous retenons principalement cet aperçu historique que les économies de la


quasi-totalité des pays africains se développent actuellement entre deux pôles
dominants. Un pôle centralisateur, autour de l’Etat et un pôle libéral autour des
promoteurs privés nationaux et internationaux.

• On observe bien une tendance dominante actuellement, celle consistant à passer


du premier au second. La même observation est valable au sujet des rapports
politiques entre l’Etat, la société civile et les citoyens.
Le versant privé

• L’entreprise africaine doit être regardée non


seulement à travers la lucarne socio-
historique, mais aussi et surtout à travers la
lucarne socio-anthropologique qui est
extrêmement importante pour permettre un
bon décryptage de la multi nationalité qui est
au cœur du fonctionnement des organisations
africaines.
Chapitre 3: Une histoire des
entreprises au Sénégal?
Introduction
• Selon Bellito, « dans le contexte particulier du Sénégal, pays africain en
développement, l’évolution de l’économie et plus généralement de la société
ne peut être dissociée de l’étude du secteur parapublic, tant ce dernier tient
une place importante dans le pays. »
• Bellito considère également que
– « le particularisme politique du Sénégal est le deuxième paramètre d’importance à ne pas
négliger. Qu’il s’agisse des prérogatives uniques accordées à la petite colonie ouest-africaine
et à ses quatre communes, d’abord durant la période de domination française puis au sein de
l’AOF – ou bien encore de la gestion de l’expérience démocratique qui a fait suite à
l’Indépendance de 1960, les évolutions des pouvoirs politique et administratif ont toujours
conditionné de façon très étroite les choix économiques de l’Etat et, plus particulièrement
encore, sa politique à l’égard de son secteur parapublic. »
• Ce chapitre est essentiellement inspirée de Bellito qui fait l’histoire des
entreprises publiques au Sénégal en distinguant trois périodes
essentiellement: la période coloniale, la période 60-80 et l’orientation
progressive vers le libéralisme engagé depuis le début des années 80 avec les
Politiques d’ajustement structurel.
La période coloniale
• Durant la période coloniale, marquée par un pouvoir plus administratif
que véritablement politique, le secteur parapublic est utilisé pour bâtir les
principales infrastructures nécessaires à l’exploitation et à l’organisation
de la colonie.
• Si le pouvoir administratif est fort, il n’est pas total pour autant (point de
vue de Bellito). En effet, la sphère économique demeure, quant à elle,
sous le contrôle des maisons de commerce bordolaises, c’est-à-dire des
intérêts privés français.
• Ceux-ci n’hésitent pas à peser sur la vie politique du pays pour garantir au
mieux leurs intérêts.
• Ce pouvoir administratif est par ailleurs fortement centralisé, en
Métropole d’abord, puis au sein de son bras exécutif fédéral, le
gouverneur général de l’AOF. A ce titre, il échappe donc pour l’essentiel à
l’administration locale, même si on peut noter quelques exceptions
inhérentes au particularisme de la colonie.
La période coloniale
• Louis Faidherbe, concepteur et développeur de l’infrastructure
économique moderne du Sénégal au 19e siècle.
– Économie au service de la politique de transformation sociale de la
colonie, suivant la tradition « assimilationniste »
– Promotion de la culture arachidière dès 1840 pour satisfaire la
demande européenne en huile végétale
– Mise en place des Société Indigène de Prévoyance (SIP), dont les
principales parties prenantes sont le gouverneur, les chefs de cercle et
les maisons de commerce françaises qui sont les principaux
bénéficiaires des activités des SIP.
– Fondation de la Banque du Sénégal en 1853
– Lancement des grands travaux d’infrastructure (création du Port de
Dakar en 1858, construction du chemin de fer entre Saint-Louis et
Dakar en 1885, construction des grands axes routiers entre les bassins
de production arachidière et Dakar.
La période coloniale
• Création de l’AOF, facteur majeur du développement
économique du Sénégal

– Adaptation des moyens de transport au nouvel espace


– Extension du port de Dakar
– Création de lignes aéropostales, puis de lignes aériennes régulières
entre la métropole, le continent américain et les autres pays africains
(AEF)
– Raccordement de Thiès au réseau ferroviaire du Niger dans les années
1930
– Apparition d’importantes unités de transformation industrielle
(huileries en 1920, brasseries en 1929, savonneries en 1930,
biscuiteries en 1935, textiles industrielles en 1938, production de gaz
liquide en 1930)
La période coloniale
• Transformation de la Banque su Sénégal en Banque de
l’Afrique Occidentale (BAO) qui étend sa sphère d’influence
géographique à l’ensemble de l’AOF puis, entre 1929 et 1942,
au Cameroun.

• Les attributs de la BAO sont élargies et elle peut prendre part


au capital d’entreprises en création dans les pays où elle
possède des établissements.

• L’état français entre dans le capital de la BAO en 1927 pour


mieux marquer de son empreinte la trajectoire du
développement économique des colonies. Le reste des parts
du capital de la BAO est détenu par les maisons de commerce
telles que CFAO, SCOA.
La période coloniale

• La deuxième guerre mondiale a contribué à façonner


le visage de l’économie sénégalaise.

• Le blocus de Dakar, en 1940, avait occasionné des


pénuries et la paralysie de l’activité industrielle et la
mise en place d’industrie de substitution: industrie
de la chaussure (1941), tabacs (1941), minoteries
(1942), industries du sucre et du sel, cimenterie
(1942), industrie pharmaceutique (1946), etc.
La période coloniale

• Découverte de gisement de gaz (1952) et


exploitation de l’alumine (à partir de 1948)
notamment grace aux travaux de centre de
recherche tels que le BRP (Bureau des
Recherches Pétrolières) et le BRGM (Bureau
des Recherches Géologiques et Minières).
La période coloniale
• Au plan infrastructurel, « le premier plan quadriennal français marque le
point de départ d’un grand effort de construction » grâce notamment à la
création du Fonds d’Investissement pour le Développement Economique
et Social (FIDES) en 1946.
– Réalisation d’infrastructures de transport
– Bitumage des rues de Dakar
– Extension des infrastructures portuaires et aéroportuaires
(inauguration de l’aéroport de Dakar en 1956)
– Mise en place de programmes d’adduction d’eau et de connexion
électriques et téléphoniques
– Fort développement des entreprises sénégalaises de BTP et de
production et de commercialisation de matériaux de construction
– Renforcement du tissu industriel avec l’apparition de secteurs tels que
les conserveries (1955), industrie des allumettes (1951), industrie des
emballages (1951), industrie cotonnière (1953).
La période coloniale
• L’essentiel des investissements effectués est le fait de capitaux
français d’où l’arrivée dans le secteur financier de filiales de
grandes banques françaises: Société Générale (SGBS), le
Crédit Lyonnais, BNP (Bicis).

• Ces banques se sont essentiellement limitées à « leur rôle


d’intermédiation dans les transactions commerciales réalisées
par les filiales d’entreprises françaises et les transferts de
fonds des expatriés ».

• Une politique active de collecte de l’épargne pour financer la


création d’entreprise n’est pas notée et les agences bancaires
de ces institutions se sont concentrées à Dakar proches de
leur clientèle.
A l’Indépendance………..
• Après la guerre et la mise en place de l’Union
française, le pouvoir de l’administration locale
s’étend.
• L’accession progressive du Sénégal à l’Indépendance
avec le retrait des structures territoriale et fédérale
françaises s’accompagne d’une fragilisation
transitoire de l’administration locale.
• Le jeune Etat sénégalais cherche à remplir ce vide et
à asseoir son autorité dans les plus brefs délais.
A l’Indépendance
• Le secteur parapublic qui a les faveurs du discours
idéologique de l’époque et, tout particulièrement,
l’Office de commercialisation de l’arachide, qui en est
le chef de fil, deviennent des outils privilégiés de cet
affermissement du pouvoir de l’Etat.

• En même temps, ils héritent de la lourde tâche qui


consiste à entrainer l’ensemble de l’économie et de
la société dans une dynamique de croissance et de
développement.
A l’Indépendance
• La fin du régime bicéphale instauré par la première
République et l’établissement d’un régime
présidentiel fort, en 1963, relèguent brutalement
l’action économique de l’Etat au second plan.

• Parallèlement, les premières difficultés rencontrées


par les entreprises parapubliques agricoles et les
grands services publics, durement éprouvés par la
disparition de l’AOF, trahissent les difficultés de
l’économie sénégalaise dans son ensemble.
A l’Indépendance
• L’extension du secteur parapublic est relancée au début des
années 1970. Le président L. S. Senghor cherche alors à
compenser, dans la sphère économique, la perte de pouvoir
politique que lui a occasionnée, la révolution constitutionnelle
et la fin du régime présidentialiste.

• Au milieu des années 1970, profitant de la croissance


occasionnée par le boom du prix de l’arachide et des
phosphates, il fait du secteur parapublic son principal
instrument d’intervention économique ainsi que le garant de
la stabilité politique de son régime.
A l’Indépendance
• Le secteur parapublic est devenu le premier acteur
économique du pays. En outre, son inertie permet d’atténuer
les premiers effets du retournement conjoncturel, en 1976-
77.

• L’extension de l’expérience démocratique au multipartisme


illimité conforte le déplacement de l’action administrative du
politique vers l’économique, alors même que les velléités
autonomistes des entreprises publiques, désormais
conscientes de leur rôle économique, ne cessent de grandir.
A l’Indépendance

• Au début des années 80, les entreprises


publiques qui commencent à payer le prix de
leur développement tous azimuts, de même
que l’économie dans son ensemble, semble se
trouver dans une impasse.
A l’Indépendance
• Les nouvelles autorités choisissent l’agriculture comme le
principal levier du développement économique

• Apparition des SMDR (Société Mutuelle de Développement


Rural) qui se donnent comme objectif de « contrebalancer la
puissance des grandes maisons commerciales françaises »
(SCOA, CFAO, etc.).

• Naissance du Crédit du Sénégal pour accompagner ce


changement

• Création de la BCEAO, remplaçant les instituts d’émission de


droit français qui avaient succédé à la BAO.
A l’Indépendance
• Nouveau dynamisme au niveau du secteur des BTP
avec les rénovations du palais, la construction du
building administratif et de l’assemblée national, la
mise en œuvre du programme de construction
d’habitat (social)
• On note également l’exploitation du gisement de
phosphate à Taïba avec un investissement de 10
milliards de francs CFA
• Cette volonté sera paralysée par la dégradation des
termes de l’échange, dans un pays qui malgré les
multiples atouts reste sous industrialisé.
Les premiers plans quadriennaux
• 1er plan: 1961-1965
– Mise en œuvre de la réforme agraire
– Encadrement des ruraux par les Centres Régionaux d’Assistance
pour le Développement (CRAD) et les Centres d’Expansion
Rurale (CER)
– Création de la Banque Sénégalaise de Développement qui se
substitue au Crédit du Sénégal
– L’Office de Commercialisation Agricole
– Tentative de diversification à la tomate et au coton pour réduire
la forte dépendance à l’arachide

• 2e plan: 1965-1969
– Renversement de la stratégie de diversification et un important
soutien à la culture arachidière
Les premiers plans quadriennaux
• Constat d’échec des deux premiers plans (croissance
insuffisante) révèle des faiblesses structurelles:

– faible investissement privé,


– craintes des investisseurs étrangers qui redoutent la
politique nationaliste de DIA,
– insuffisance de l’investissement public,
– la forte dépendance à la culture de l’arachide,
– le resserrement soudain et drastique des débouchées pour
l’industrie sénégalaise avec les indépendances et la mort
de l’AOF.
Les premiers plans quadriennaux
• Après les indépendances, on assiste à une redéfinition des
entreprises et services para-étatiques.
– HLM succède à l’OHE
– Le PAD devient national

• De nouveaux organes parapublics apparaissent: l’Office des


Postes et Télécommunications, la Régie des transports du
Sénégal, la Caisse de Sécurité Sociale, le COUD, la RTS, l’APS,
etc.
• Dans le domaine spécifique, on voit arriver de nouvelles
entités avec les sociétés de développement régional (SDR)
notamment la SODENIA, SAED, SODAICA, SEMA, OAV, OAD,
etc.
Le secteur parapublic, nouveau pilier de
développement
• Les entreprises d’Etat apparaissent comme l’héritage de
l’administration coloniale, et deviennent « un outil dont
dispose le gouvernement pour mettre un terme au système
économique de la traite ».

• Les premières entreprises parapubliques apparaissent en


1920 avec la création de la SEIB
– Collusion entre intérêts privés et publics de l’administration coloniale?

• Dans le cadre de l’AOF sont apparues de multiples entreprises


parapubliques qui avaient leur siège à Dakar notamment le
PAD, la Régie Dakar-Niger, l’Office des Habitations
Economiques (OHE), la Sicap, le Crédit du Sénégal, l’Entente
Coopérative, etc.
Apparition des Sociétés d’Economie Mixte
• Les SEM offrent à l’Etat la possibilités d’attirer la technologie et les capitaux
privés pour assurer le développement tout en maintenant un niveau de
contrôle de son programme stratégique.

• Ces types de partenariats permettent à l’état de rassurer les investisseurs


étrangers après les vagues de nationalisations après indépendance.

• Pour appuyer le développement économique avec notamment les SEM, on


voit apparaitre un secteur bancaire d’Etat avec la BNDS (qui remplace la BDS
après l’absorption de Crédit du Sénégal en 1964), l’Union Sénégalaise de
Banques (avec une prise de participation du Crédit Lyonnais).

• L’objectif assigné aux SEM est de constituer un relais des politiques de


substitution aux importations et d’indépendance nationale d’où la création de
la SISCOMA, de Berliet-SENEGAL dans le domaine des constructions
mécaniques et du matériel agricole, la SIES pour la production des engrais
Apparition des Sociétés d’Economie Mixte

• On note également la création des sociétés suivantes:


– SSPT: Société Sénégalaise des Phosphates de Thiès,
– SIV: Société Industrielle du Vêtement,
– SEBA: Société d’Exploitation du Bois Aggloméré,
– ITA: Institut de Technologie Alimentaire
– SERAS: Société d’Exploitation des Ressources Animales du Sénégal
– SOSAP: Société Sénégalaise des Armements de Pêche
– COMAPECHE: Complexe Artisanal de Pêche et de conserverie du Sénégal

• Les SEM avaient ainsi pour objectif de suppléer un secteur privé


national jugé défaillant même si elles ont été absentes des activités
artisanales dont la promotion et la formation des acteurs avaient été
confiées à l’Office Sénégalais de l’Artisanat.
Apparition des Sociétés d’Economie Mixte
• « Au terme de cette première décennie d’indépendance, le secteur
parapublic sénégalais renvoie l’image d’une stratégie de développement
maitrisée »

• « c’est le résultat d’un savant dosage, effectué par LSS, entre des
composantes idéologiques et une grande dose de pragmatisme: mélange
subtil entre des entreprises d’Etat, des SEM et l’encadrement du monde
rural.

• Point faible de cette stratégie: difficultés à imposer des pratiques de bonne


gestion aux entreprises qui dépendaient fortement des subventions
publiques.

• Cette situation va amener l’Etat à prendre des mesures de rigueur pour faire
face aux difficultés budgétaires. Ces mesures n’auront pas suffit et des
réformes furent inéluctables.
Apparition des Sociétés d’Economie Mixte
• La fin des années 1960 est marquée par la volonté du
président LSS de libéraliser la vie économique et se focaliser
au développement économique après les errements
stratégiques de la première décennie après l’Indépendance.

• Trois chocs sont à considérer durant cette période. D’une part,


le choc pétrolier dont les effets négatifs furent amoindris par
le fait que le Sénégal exporte du pétrole raffiné, et d’autre
part, les deux chocs positifs enregistrés sur les prix de
l’agriculture et des phosphates.

• Les effets positifs de ces deux derniers événements furent


anéantis par le deuxième choc pétrolier et surtout par les
sécheresse successifs qui ont marqué la fin de la décennie.
Apparition des Sociétés d’Economie Mixte
• L’Etat choisit de fonder son développement autour de
l’exploitation agricole et la pêche comme indiqué dans les trois
plans quadriennaux de la décennie.

• L’industrie devient le point focal de la nouvelle stratégie déclinée


dans le troisième plan quadriennal consacré à la promotion de la
PME.
• Ainsi, le nouveau code des investissements de 1972 « prévoit
pour les entreprises de taille moyenne l’instauration de régimes
d’exonération de droits et taxes. Une société d’Etat est chargée de
promouvoir la création d’entreprise.

• un climat favorable pour les investisseurs étrangers est défini dans


le cadre du quatrième plan quadriennal. On voit naître les zones
franches
Apparition des Sociétés d’Economie Mixte
• La croissance du secteur privé est favorisée par la demande
publique dopée par les dépenses d’infrastructures publiques dont
l’objectif est de promouvoir la création d’entreprises privées.

• Malgré les mesures incitatives de l’Etat, le secteur privé n’a pas


été à la hauteur des attentes même si les secteurs minier et
touristique ont par moment donné l’impression de porter
l’économie du pays, cela grâce principalement à l’intervention de
l’Etat.

• Cet interventionnisme qui va rapidement être limité par les


insuffisances des recettes fiscales d’où l’orientation vers
l’endettement extérieur pour financer les ambitions du jeune Etat.
Apparition des Sociétés d’Economie Mixte
• La décennie 1970 fut ainsi marquée par l’accroissement du
nombre d’entreprises parapubliques (mais également celle
des premières liquidations d’entreprises publiques).

• Ces entreprises sont financées essentiellement par


endettement extérieur et par le secteur bancaire naissant.
L’Etat fait également recours au Trésor public et à de multiples
subventions dans des conditions pas toujours claires.

• Cette tendance va entraîner une « crise de la dette » et


conduire les autorités à s’engager irrémédiablement vers des
programmes d’ajustement sectoriels qui seront engagés dès le
début des années 80 sous la houlette du nouveau président
de la République Abdou Diouf.
De l’impasse … aux réformes
• « Dès 1984, deux grandes politiques sectorielles sont définies:
la nouvelle politique agricole (NPA) et la nouvelle politique
industrielle (NPI) … complétées par la Nouvelle Politique à
l’égard du Secteur ParaPublic (NPSPP) et la réforme du
Système financier ».

• Ces différents plans permettent au Sénégal de faire des


performances encourageantes de 1984 à 1988 (une bonne
production agricole, croissance de la production intérieure,
accroissement de l’industrialisation)

• Malheureusement cette embellie sera de courte durée faute


de structures suffisantes pour accompagner la croissance
nouvelle d’où l’échec de ces plans.
De l’impasse … aux réformes
• L’Etat sera obligé de faire appel à l’aide étrangère pour
boucler son budget.

• Dans le même temps, l’Etat va engager un plan de


désengagement dans le capital de beaucoup
d’entreprises publiques et parapubliques.

• Le constat de la profonde fragilité « de neuf des douze


banques ou établissement financiers du pays » et
surtout des banques détenues par l’Etat (BNDS, USB,
BIAO-Sénégal), va pousser l’Etat à se désengager du
secteur en cédant ses actifs à des banques
commerciales.
De l’impasse … aux réformes
• Les années 80 vont se terminer avec « le constat de
retards observés dans la mise en œuvre des PAS ».

• La situation du pays est difficile. On parle de


« finances exsangues » et « d’économie sous
perfusion » à cause du poids de la dette et de la
faible compétitivité des entreprises sur le marché
international malgré des assouplissements sur les
barrières douanières et non tarifaires.

• Cette situation mènera vers la dévaluation du franc


CFA en 1994.
De l’impasse … aux réformes
• Après la dévaluation du franc CFA, une politique libérale est engagé
notamment par le tandem Sakho-Loum.

• Le nouveau leitmotiv des autorités politiques est la promotion de


l’entreprise et de l’initiative privées. Cela devient le principe de
base des nouvelles politiques de développement.

• Cette tendance sera accélérée par l’arrivée d’Abdoulaye Wade au


Pouvoir en 2000 et la mise en place de structures dédiées à la
promotion de l’entrepreneuriat privé: FNPJ, ADEPME, ANEJ, …

• L’arrivée de Macky Sall en 2012, malgré une volonté marquée


d’assainir les finances publiques, ne change pas fondamentalement
le recours à l’initiative privée comme moteur du développement
économique.

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