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Lorsque deux parties, un acheteur et un vendeur, souhaitent

conclure une transaction, elles peuvent le faire sur deux types de


marchés : (1) sur le marché organisé ou Bourse ou (2) sur le
marche de gré à gré, aussi appelé over-the-counter (OTC). Sur un
marché de gré à gré, la transaction est conclue bilatéralement entre
les deux parties, tandis que sur un marché organisé, les
contreparties ne négocient pas bilatéralement mais placent des
ordres d'achat et de vente, via une société de bourse du type NYSE
Euronext ou London Stock Exchange. Cette distinction, qui ne vous
semblent peut-être pas majeure à première vue, à pourtant de
nombreuses conséquences sur les risques et la transparence des
transactions réalisées, principalement sur le marché des produits
dérivés. Regardons donc cela en détail.
 

Le fonctionnement d'un marché organisé est assuré par une entreprise de marché. Une entreprise
de marché est une société commerciale ayant pour activité d'organiser le marché financier en fixant
les règles de fonctionnement et d'admission au marché, tout en se conformant à la réglementation
de l'autorité de Contrôle des marchés financiers (AMF en France). La participation à un marché
organisé n'est pas ouverte à tous mais est réservée à des membres, seuls habilités à négocier par
l'entreprise de marché. Les membres du marché se chargent de transmettre les ordres de leurs
clients, particuliers ou institutionnels. Par exemple, le marché parisien est géré par EuroNext Paris
SA (membre du groupe NYSE Euronext), propriétaire de la marque déposée "CAC40".

Si par exemple vous voulez acheter des actions de


l'entreprise Peugeot sur le marché organisé, vous n'allez
pas voir votre voisin pour lui donner la somme en cash en
échange d'un petit papier disant que vous êtes maintenant
le détenteur des actions. Vous devez en effet passer un
ordre d'achat, via un membre de marché (courtier, société
de bourse...), qui placera votre ordre d'achat ou de vente
sur le marché centralisé. 
 
Par contre sur un marché de gré à gré, les deux parties
sont libres de contracter bilatéralement. Ce marché est
donc moins standardisé et le cadre réglementaire est plus
souple. Vous pouvez sur un marche de gré à gré allez voir
votre voisin pour lui acheter ses actions Peugeot, et ce
même si la bourse est fermée par exemple. Vous êtes libres
de discuter des clauses du contrat, et de définir par
exemple un paiement échelonné ou un partage des
bénéfices en fonction de l'évolution du prix de l'action.
Bref, vous êtes un grand garçon libre de contracter, vous
faites bien ce que vous voulez.
 
Vous allez me dire que cela ne change pas grand chose
dans le fond. Pour une transaction au comptant, c'est à dire
dans notre cas un échange le jour J d'une somme en euros
contre des actions Peugeot, il est vrai que cela n'aura pas
un énorme impact. Le risque principal arrive lorsque l'on
s'intéresse au marché des produits dérivés, dont le
paiement ou la livraison de l'actif sous-jacent doit avoir lieu
à une date future.
 
Reprenons donc notre exemple, mais en supposant que
votre voisin est maintenant un petit cultivateur, et que vous
souhaitiez lui acheter sa production future de 50kg de
carottes dans 6 mois, au prix de 1 euro le kilo de carotte.
Vous avez donc deux choix : conclure cette transaction sur
un marché organisé en passant par une société de bourse,
ou bien faire un deal de gré à gré en signant un papier
directement avec votre voisin. Si cette transaction est
conclue sur le marché de gré à gré, c'est alors ce que l'on
appelle un "contrat forward", tandis que si elle est conclue
sur le marché organisé, c'est alors un "contrat future".
 
Pour que cela soit plus simple, vous décidez donc de
passer par le marché de gré à gré ; ce qui vous permet en
plus d'éviter des frais de transaction. Oui mais dans ce cas
là, le risque est alors bien plus fort pour vous, et ce pour
différentes raisons. Votre premier risque est le risque de
défaut de votre contrepartie. Le contrat que vous avez
signé est un contrat ferme, qui doit être exécuté à la date
d'échéance. Si la récolte est mauvaise, ce n'est pas votre
problème, votre voisin doit alors se débrouiller pour
acheter ailleurs les carottes pour vous les livrer au moment
défini dans le contrat. Idem si le prix des carottes a
doublé ; il doit vous les vendre au prix convenu à la
signature du contrat de 1 euro le kilo. A l'inverse, si le prix
dans 6 mois a fortement diminué, vous êtes de votre côté
aussi dans l'obligation d'acheter les 50kg au prix convenu,
même si vous pourriez les acheter moins cher sur le
marché à cette date future.
 
Si votre voisin fait faillite à cause d'une mauvaise récolte,
le contrat ne sera pas exécuté et cela résultera par une
perte de gain pour vous. Idem si tout d'un coup, alors que
le prix des carottes a doublé, votre voisin vous annonce le
jour de l'exécution du contrat "ah quelle dommage, mon
chien a tout mangé les carottes hier" pour ne pas avoir a
vous vendre les carottes au prix de 1 euro le kilo (alors que
vous l'aurez compris, il les a vendu le matin même sur le
marché au prix de 2 euros le kilo pour maximiser son
profit).
 
Mais en quoi un marché organisé permet d'éviter ce
risque ? Sur un marché organisé, il existe ce que l'on
appelle une chambre de compensation. La chambre de
compensation a pour objectif d'intervenir comme
contrepartie centrale unique en s'interposant entre
acheteurs et vendeurs et en leur garantissant la bonne fin
des opérations, évitant ainsi tout risque de défaillance.
Allez, encore un exemple. 
 
Si vous signez avec votre voisin un contrat du type "dans 1
mois, je m'engage à t'acheter un baril de pétrole au prix de
100 euros" ; aucun de vous deux n'étant producteur de
pétrole, c'est alors de la pure spéculation (à la hausse pour
vous et à la baisse pour votre voisin). Supposons que le
matin de la signature du contrat, le cours du baril soit de
100 euros. Le soir même, le baril est à 102 euros (= bien
pour vous car vous achetez moins cher). Le soir même, la
chambre de compensation demande alors à votre voisin un
appel de marge de 2 euros, pour compenser sa perte
latente. Pourquoi 2 euros ? Car si le contrat était dénoué
aujourd'hui, votre voisin devrait alors acheter un baril au
prix de 102 euros sur le marché pour ensuite vous le
revendre 100 euros, soit une perte de 2 euros pour lui (et
donc un gain de 2 euros pour vous). Et idem le jour
suivant, un appel de marge étant réalisé en fonction de
l'évolution du prix.
 
ClearingHouse = Chambre de compensation

La chambre de compensation permet donc d'éviter le risque de défaut, en évaluant chaque jour les pertes
latentes et en les sécurisant jusqu'à la date d'exécution du contrat. Si dans un mois, après un choc
pétrolier, le baril est alors à 150 euros, vous aurez un gros risque sur un marché de gré à gré que votre
voisin ne soit pas en mesure de vous payer les 50 euros de pertes qu'il va subir (et il vous aura bien sûr
cacher jusque là son incapacité à vous payer, en espérant jusqu'au dernier moment que le cours du baril se
retourne en sa faveur). Par contre, sur un marché organisé avec appel de marge journalier, le risque est
quasi-nul car chaque jour, votre voisin aura dû montrer sa capacité à vous payer effectivement en versant
une somme correspondante à l'appel de marge auprès de la chambre de compensation. Si un jour donné,
votre voisin n'est plus capable de payer l'appel de marge, le contrat est alors automatiquement dénoué
avant l'échéance, et la chambre de compensation vous versera alors l'ensemble des appels de marge
collectés jusqu'à cette date.

  

Conclusion: Le Captain' voulait vous parler du risque de liquidité et de l'impact du marché de gré à gré sur
la crise financière (avec des papiers de la Banque de France du type "Réduire le risque systémique sur les
marchés de dérivés de gré à gré (OTC)" ou "Repenser les marchés des dérivés de gré à gré pour garantir
la stabilité ?nancière"), mais je vais déjà vous laisser le temps de digérer tout cela. Rendez-vous donc en
début de semaine pour de nouvelles aventures sur ce sujet passionnant.

"L'expérience récente a montré que les turbulences sur les marchés de dérivés de gré à gré
pouvaient constituer un facteur d'aggravation de la crise ?nancière. Il s'agit dorénavant pour les
responsables politiques de réduire les risques que ces marchés font peser sur le système ?nancier.
Favoriser l'accroissement du rôle de la compensation par contrepartie centrale (CCP) constitue en ce sens
un pas dans la bonne direction, dans la mesure où le risque de contrepartie se trouvera réduit, et la
transparence, améliorée." - Nout Welling, président du comité de Bâle sur la régulation bancaire

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