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ET SOCIAL …………….
Unité-Progrès-Justice
Août 2020
1
AVANT-PROPOS
Le défi sécuritaire lié à la recrudescence des attaques terroristes depuis 2015, la crise sanitaire
du fait de la pandémie de la Covid-19, la corruption et la vague de revendications sociales ont
mis à rude épreuve l’économie burkinabè ces dernières années.
Dans un tel contexte, des réflexions approfondies doivent être menées par l’ensemble des
acteurs pour dégager des pistes de solutions afin d’éclairer, de guider et d’orienter l’action de
l’Exécutif dans sa prise de décisions en faveur des populations.
C’est à ce titre que le Conseil économique et social en tant que force de propositions, a choisi
dans le cadre de la production de son rapport public 2020, de s’intéresser à une thématique aussi
pertinente qu’actuelle, à savoir : « Mécanismes de lutte contre le blanchiment de capitaux et le
financement du terrorisme en zone UEMOA : cas du Burkina Faso ».
Le choix d’un tel thème se fonde sur le fait qu’aucun pays de l’espace UEMOA n’est épargné
par le phénomène du terrorisme en particulier le Burkina Faso et dont les conséquences à tous
les niveaux sont visibles et affectent les efforts de développement économique et social.
Cette nébuleuse est désormais au centre de toutes les analyses tendant à trouver les voies et les
moyens pour contrer son expansion, voire l’éradiquer. Parmi ces voies et moyens figure en
bonne place la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
Le présent rapport fait l’état des lieux de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le
financement du terrorisme (LBC/FT), met en lumière les mécanismes existants de la LBC/FT,
identifie les sources potentielles de financement du terrorisme et propose des recommandations.
Je suis convaincu que ce rapport va susciter un intérêt particulier aussi bien auprès des plus
hautes autorités du Burkina Faso que de celles de notre espace communautaire.
Dr Moïse I. NAPON
Commandeur de l’Ordre National
2
TABLE DES MATIERES
AVANT-PROPOS................................................................................................................................... 2
TABLE DES MATIERES....................................................................................................................... 3
Liste des tableaux .................................................................................................................................... 4
Liste des graphiques ................................................................................................................................ 4
SIGLES ET ABREVIATIONS ............................................................................................................... 5
RESUME EXECUTIF ............................................................................................................................ 7
INTRODUCTION ................................................................................................................................... 1
I. OBJECTIFS DE L’ETUDE, DEMARCHE METHODOLOGIQUE ET CLARIFICATION DES
CONCEPTS CLES .................................................................................................................................. 4
1.1. Objectifs de l’étude .......................................................................................................................... 4
1.2. Démarche méthodologique de l’étude ............................................................................................ 4
1.3. Clarification conceptuelle ................................................................................................................. 6
II. BLANCHIMENT DE CAPITAUX ET TERRORISME DANS L’UEMOA ET AU BURKINA
FASO : ETAT DES LIEUX, ENJEUX ECONOMIQUES ET SOCIAUX .......................................... 14
2.1. Etat des lieux du blanchiment de capitaux .................................................................................... 14
2.2. Etat des lieux du phénomène terroriste ........................................................................................ 25
2.3. Enjeux économiques et sociaux du blanchiment de capitaux et financement de terrorisme ....... 31
III. CADRE JURIDIQUE ET INSTITUTIONNEL .............................................................................. 37
3.1. Le cadre juridique de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.37
3.2. Le cadre institutionnel .................................................................................................................... 40
3.3. Diagnostic du cadre juridique et institutionnel de la lutte contre le blanchiment de capitaux et
financement du terrorisme ................................................................................................................... 49
IV. POTENTIELLES SOURCES DE FINANCEMENT DU TERRORISME EN ZONE UEMOA ET
AU BURKINA FASO ........................................................................................................................... 54
4.1. Les donations et financements extérieurs ..................................................................................... 55
4.2. Le développement des micro-financements extérieurs ................................................................ 56
4.3. L’autofinancement ......................................................................................................................... 56
4.4. L’imbrication entre financement du terrorisme et criminalité ...................................................... 57
V. RECOMMANDATIONS ................................................................................................................. 59
5.1. Recommandations sur le cadre juridique ...................................................................................... 59
5.2. Recommandations sur le cadre institutionnel ............................................................................... 60
5.3. Recommandations transversales ................................................................................................... 62
CONCLUSION ..................................................................................................................................... 66
ANNEXES ............................................................................................................................................. IV
Annexe : Liste exhaustive des institutions intervenant dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et
le financement du terrorisme .................................................................................................................. IV
3
Liste des tableaux
Graphique n°1 : Comparaison entre pays de l’UEMOA des déclarations d’opérations suspectes en lien
avec le blanchiment des capitaux .......................................................................................................... 15
Graphique n°2 : Répartition des infractions sous-jacentes au blanchiment de capitaux dans l’UEMOA
entre 2017-2018 ..................................................................................................................................... 16
Graphique n°3 : Facteurs ralentissant les efforts de lutte contre le BC/FT dans l’UEMOA............... 17
Graphique n°4 : Evolution du nombre de dossiers de blanchiment de capitaux enregistrés au Tribunal
de Grande Instance de Ouagadougou .................................................................................................... 21
Graphique 5 : Evolution du nombre de rapports LBC/FT transmis au parquet de 2014 à 2018 par la
CENTIF ................................................................................................................................................. 23
Graphique n°6 : Personnes déplacées internes par région................................................................... 27
Graphique 7 : Evolution du nombre d'attaques terroristes au Burkina Faso de 2015 à 2019 .............. 27
Graphique n°8 : Comparaison attaques contre FDS et contre Autres que FDS de 2015 à 2019......... 28
Graphique n°9 : Evolution du nombre de morts et de blessés de 2015 à 2019 ................................... 29
Graphique n°10 : Evolution des assassinats ciblés de 2015 à 2020 .................................................... 30
Graphique n°11 : Evolution du nombre d’enlèvements de 2015 à 2020............................................. 30
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SIGLES ET ABREVIATIONS
5
IGF Inspection Générale des Finances
MBDHP Mouvement Burkinabè des Droits de l’Homme et des Peuples
MUJAO Mouvement pour l’Unicité du Jihad en Afrique de l’Ouest
LBC/FT Lutte contre le Blanchiment de capitaux et Financement du Terrorisme
OCDE Organisation de Coopération et de Développement Economique
ONG Organisation Non Gouvernementale
ONI Office National d’Identification
OPJ Officier de Police Judiciaire
PIB Produit Intérieur Brut
PNUCID Programme des Nations Unies pour le contrôle international des drogues
SFD Système Financier Décentralisé
STA Société de Transfert d’Argent
TSE Technique Spéciale d’Enquête
UEMOA Union Economique et Monétaire Ouest Africaine
UMOA Union Monétaire Ouest Africaine
6
RESUME EXECUTIF
Ces dernières années, plusieurs pays de l’espace UEMOA sont en proie aux attaques terroristes
récurrentes. Si les pays les plus touchés sont le Mali, le Niger et le Burkina Faso, l’ensemble
des pays de l’espace est en état d’alerte. A l’échelle communautaire tout comme au niveau
national, l’une des pistes explorées dans les dispositifs de lutte contre ce phénomène est celle
relative aux sources de financement. Ainsi la problématique du blanchiment de capitaux et du
financement du terrorisme est à l’ordre du jour des réformes aussi bien du cadre juridique
qu’institutionnel, mais plus généralement dans la recherche de solutions à la lutte contre le
terrorisme.
Le présent rapport s’inscrit dans ce contexte et met l’accent sur le problème central du
financement du terrorisme en lien avec le blanchiment de capitaux dans l’UEMOA en général
et au Burkina Faso en particulier. Il est structuré en cinq (05) principaux points
Le deuxième point fait l’état des lieux du phénomène de blanchiment de capitaux d’une part et
du terrorisme à l’échelle communautaire et national d’autre part. Pour ces deux phénomènes, il
ressort qu’aussi bien au niveau de l’UEMOA qu’au niveau national, la dynamique semble
croissante avec un rythme très accéléré. Quelques faits stylisés 1 et statistiques obtenus sont
assez illustratifs :
- dans la zone UEMOA, en 2018, il a été noté en tout 1426 déclarations d’opérations
suspectes dont 88% en lien avec le blanchiment de capitaux ;
- au Burkina Faso, de 2018 à 2019, le nombre de dossiers de blanchiment de capitaux a
quadruplé passant de 06 à 24 pour le seul Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou.
Pour ce qui concerne l’ampleur du terrorisme au Burkina Faso, conformément au rapport de
mission des rencontres entre les parlementaires et les populations des régions frappées par le
terrorisme, on peut relever ce qui suit :
- plus de 800 000 personnes déplacées internes créant une situation humanitaire inédite ;
1
Un fait stylisé est une représentation simplifiée d'un résultat empirique ; il s’agit de faits significatifs ou de faits
marquants.
7
- 1229 civils tués entre janvier 2016 et juillet 2020 ;
- 436 tués parmi les éléments des Forces de défense et de sécurité ;
- pour la seule année 2020, de janvier à juin, 465 civils et 163 agents des Forces de défense
et sécurité (FDS) tués ;
- 02 maires de communes tués et 03 portés disparus, plusieurs conseillers municipaux
tués ou enlevés ;
- une centaine de communes où l’administration publique est inexistante parce que
contrainte à quitter les lieux à cause du risque très élevé.
Le troisième point met l’accent sur une dimension importante de la lutte contre le blanchiment
de capitaux et le financement du terrorisme. Il s’agit de l’analyse et du diagnostic du cadre
juridique et institutionnel de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du
terrorisme.
L’analyse du cadre juridique montre que l’unicité d’un dispositif juridique à l’échelle
communautaire favorise une interprétation uniforme de la loi dans tous les Etats membres ce
qui facilite la coopération judiciaire.
Au Burkina Faso, le cadre juridique est constitué par plusieurs textes de lois. La loi n°16-
2016/AN du 03 mai 2016 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement
du terrorisme. Cette loi résulte de la fusion de la loi n° 026-2006/AN du 28 novembre 2006
relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux au Burkina Faso et de la loi n° 061-2009/AN
du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre le financement du terrorisme au Burkina Faso.
Plus récemment, ce dispositif législatif a été complété par :
8
- la loi n°006-2017/AN du 19 janvier 2017 portant création, organisation et
fonctionnement d'un pôle spécialisé dans la répression des actes terroristes ;
- la loi n°25-2018/AN du 31 mai 2018 portant code pénal ;
- la loi n°40-2019/AN du 29 mai 2019 portant code de procédure pénale ;
- la loi n°44-2019/AN du 21 juin 2019 portant modification du code pénal.
A l’analyse, l’un des grands avantages de ce dispositif juridique au niveau national est la
correctionnalisation de la procédure de jugement des infractions de Blanchiment de Capitaux
et de Financement du Terrorisme (BC/FT). Cela permet aux juridictions correctionnelles de
juger rapidement de telles infractions sans passer par la chambre criminelle dont les procédures
sont en général longues et coûteuses. Par ailleurs, s’il y a eu des progrès au niveau de l’adoption
de plusieurs textes pour être en phase avec les standards internationaux, il faut toutefois noter
que ce dispositif juridique n’est pas encore totalement adapté à la réalité économique du
Burkina Faso caractérisée par une forte prédominance du secteur informel, secteur dans lequel
l’utilisation de l’espèce et du cash est la règle dans les transactions financières.
Pour ce qui concerne le cadre institutionnel, au niveau communautaire, on peut noter l’adhésion
des pays de l’UEMOA au Groupe Intergouvernemental d’Action contre le Blanchiment
d’Argent en Afrique de l’Ouest (GIABA) qui est une institution spécialisée de la CEDEAO et
un organe régional de type GAFI (Groupe d’Action Financière). Elle promeut des politiques
afin de protéger le système financier des Etats membres contre le blanchiment de capitaux, le
financement du terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive.
Le quatrième point analyse les sources potentielles de financement du terrorisme dans l’espace
UEMOA et au Burkina Faso en particulier. Il ressort quatre (04) principales sources potentielles
9
de financement dont certaines ont été largement exploitées comme l’ont montré les
investigations consécutives à certaines attaques. Ces quatre sources potentielles sont :
10
en Espèces (DSTE) qu’elle reçoit. Autrement dit, il faut donner des moyens opérationnels aux
acteurs intervenant directement dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement
du terrorisme, particulièrement en ressources humaines, matérielles et financières.
11
INTRODUCTION
La recrudescence sans précédent du phénomène terroriste ces dernières années dans la zone
sahélienne a amené les Etats à revoir leurs priorités et à mettre un accent particulier sur la lutte
contre ce fléau. Un des axes importants de ces stratégies de riposte porte sur la recherche sur
les modalités d’accès de ces groupes terroristes aux ressources financières leur permettant
d’alimenter leur fonctionnement. L’une des pistes explorées est le lien entre le blanchiment de
capitaux et le financement du terrorisme.
En effet, au cours de ces deux dernières décennies, le phénomène du blanchiment de capitaux
et le financement du terrorisme a fait l’objet d’une mobilisation sans précédent de la
communauté internationale. Cette mobilisation tient, à la fois à l’ampleur avec laquelle il s’est
développé et surtout au mouvement général de prise de conscience des menaces graves que
représente ce phénomène pour la paix, la cohésion sociale, la sécurité et le développement de
d’une manière générale dans le monde.
En dépit des initiatives de lutte contre ce fléau au niveau international, les statistiques relatives
aux actes terroristes sont en constante progression.
En Afrique subsaharienne, 6 775 attaques terroristes ont été enregistrées sur la période 1979-
2019, avec un bilan humain lourd de plus de 35 676 morts. Le constat qui se dégage est que les
différents pays de cette zone ne sont cependant pas touchés au même degré. Parmi les plus
touchés, on relève les pays du G5 Sahel2 (avec la présence de plusieurs groupes terroristes dont
Al-Qaïda au Magreb Islamique (AQMI), Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans
(GSIM), Ansarul Islam, créé par Malam Ibrahim Dicko, MUJAO, Ansardine, Al-
Mourabitoune, l’Etat islamique au grand Sahara, etc.), le Nigéria (avec la présence du groupe
terroriste Boko-Haram) et la Somalie (avec la présence du groupe terroriste Al-Shabaab).
Au Burkina Faso, la mission d’information parlementaire réalisée en juin 2020 dans les zones
en proie à l’insécurité indique que sur la période 2016-2020, le terrorisme a causé la mort de
1229 civils, 436 parmi les Forces de défense et de sécurité et plus de 800 000 personnes
déplacées internes, créant ainsi une situation humanitaire inédite.
2
Les pays du G5 Sahel sont : le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad
1
Suite à l’adoption des 40 recommandations du Groupe d’Action Financière (GAFI) en février
2012, l’UEMOA a adopté le 02 juillet 2015, la Directive 02/2015/CM/UEMOA relative à la
lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme dans les Etats membres
de l’Union. Cette directive, à travers son article 119 a donné un délai de 06 mois aux Etats
membres pour son insertion dans l’ordonnancement juridique national.
L’adoption de cette loi est un signe fort de la volonté du pays de lutter efficacement contre le
terrorisme surtout à travers ses différentes sources de financement.
Plus généralement, dans le cadre du G5 Sahel, un seul slogan est promu depuis la conférence
de lutte contre le financement du terrorisme tenue le 25 avril 2018 à Paris : « No money for
terror ». Plusieurs mesures adoptées lors de cette conférence et qui s’imposent aux pays
victimes des attaques terroristes, à l’instar du Burkina Faso, prouvent que le tarissement et
l’éradication des diverses sources de financement du terrorisme contribuent à combattre le
fléau.
2
un tel contexte : où en sommes-nous en matière de terrorisme et de blanchiment de capitaux en
lien avec le financement du terrorisme ? Quelles sont les sources potentielles de financement
des terroristes ? Dans quelles mesures le blanchiment de capitaux contribue ou pourrait
contribuer au financement du terrorisme dans le contexte UEMOA en général et plus
spécifiquement au Burkina Faso ? Quels mécanismes de prévention doivent ou peuvent être
adoptés ?
Le présent rapport, qui apporte des pistes de réponse à ces questionnements, est structuré
suivant le plan ci-après :
3
I. OBJECTIFS DE L’ETUDE, DEMARCHE METHODOLOGIQUE ET
CLARIFICATION DES CONCEPTS CLES
Le thème de l’étude fait appel à plusieurs concepts clés. Cette première section définit les
concepts essentiels. Il s’agit de la notion de blanchiment de capitaux, de terrorisme et de
financement du terrorisme.
Pour l’atteinte de ces objectifs spécifiques, l’étude a utilisé une démarche méthodologique
combinant analyse quantitative et qualitative à partir de l’exploitation à la fois de données
secondaires et primaires collectées auprès des parties prenantes. La collecte de données s’est
déroulée dans le courant du mois de juillet 2020 auprès des acteurs comprenant la police et la
gendarmerie, les magistrats du Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou, les agents de la
CENTIF.
Le tableau n°1 résume la stratégie d’investigation utilisée pour l’atteinte des résultats.
4
Tableau n°1 : Stratégie d’investigation pour chaque résultat attendu
Résultats Démarche
- genèse du phénomène terroriste dans l’espace UEMOA
L’état des lieux analytique de l’expansion et au Burkina Faso ;
du terrorisme et du phénomène de - statistiques ou faits stylisés sur le phénomène terroriste ;
blanchiment des capitaux en zone - conséquences et autres effets du phénomène terroriste ;
UEMOA et au Burkina Faso est établi. - genèse du phénomène de blanchiment de capitaux dans
l’espace UEMOA et au Burkina Faso ;
- statistiques ou faits stylisés sur le phénomène de
blanchiment des capitaux ;
- conséquences et autres effets du phénomène de
blanchiment de capitaux.
5
(CENTIF), les rapports d’évaluation du GIABA, les rapports d’évaluation nationale (ENR),
l’annuaire statistique du ministère en charge de la justice, etc.
Les données primaires, quant à elles, ont été obtenues à partir d’entretiens réalisés auprès des
acteurs ci-après :
- la Police Judiciaire ;
- le département de la justice (ministère et tribunal de grande instance de
Ouagadougou) ;
- la Cellule Nationale de Traitement des Informations Financières (CENTIF) ;
- la Brigade Spéciale des Investigations Anti-terroristes et de lutte contre la
criminalité organisée (BSIAT) ;
- les organisations des droits de l’homme (MBDHP, Amnesty Burkina, Human Right
Watch).
Plusieurs concepts clés sont contenus dans le thème de l’étude et cette première section apporte
une définition de ces concepts importants. Il s’agit de la notion de blanchiment de capitaux, de
terrorisme et de financement du terrorisme.
a) Au sens juridique
D'un point de vue juridique, le blanchiment de capitaux est défini comme toute tentative visant
à participer à une transaction monétaire qui met en jeu des biens d'origine illicite. Pour obtenir
une condamnation, le ministère public doit donc démontrer que l'accusé s'est livré à des
transactions financières, ou qu'il a transporté des fonds d'un pays à un autre, en rapport avec
« une activité illicite précisée ». La liste de ces activités est extrêmement longue ; elle inclut
notamment les pots-de-vin, la contrefaçon de monnaie, le trafic des stupéfiants, l'espionnage,
l'extorsion, la fraude, le meurtre, les rapts, l'escroquerie et certaines pratiques bancaires.
6
b) Selon la Convention de Vienne
La plupart des pays adhèrent à la définition adoptée par la Convention des Nations unies contre
le trafic illicite de stupéfiants et substances psychotropes en 1988 à Vienne (ou Convention de
Vienne) qui stipule que le blanchiment d'argent implique :
- la conversion ou le transfert de biens dont celui qui s'y livre sait qu'ils proviennent de
l'une des infractions de trafic de stupéfiants ou d'une participation à sa commission, dans
le but de dissimuler ou de déguiser l'origine illicite desdits biens ou d'aider toute
personne qui est impliquée dans la commission de l'une de ces infractions à échapper
aux conséquences juridiques de ses actes ;
- la dissimulation ou le déguisement de la nature, de l'origine, de l'emplacement, de la
disposition, du mouvement ou de la propriété réelle de biens ou de droits y relatifs dont
l'auteur sait qu'ils proviennent de l'une des infractions de trafic de stupéfiants ou d'une
participation à l'une de ces infractions.
Cette Convention ajoute, par ailleurs que le blanchiment de capitaux implique également
l'acquisition, la détention ou l'utilisation de biens dont celui qui les acquiert, les détient ou les
utilise sait, au moment où il les reçoit, qu'ils provenaient de l'une des infractions ou de la
participation à l'une de ces infractions. Selon ses termes, la Convention de Vienne limite, par
ailleurs, les infractions principales (autrement dit, l'activité criminelle dont le produit illicite est
blanchi) aux infractions de trafic de stupéfiants.
De ce qui précède, les délits qui ne sont pas liés au trafic de stupéfiants, comme la fraude fiscale,
l'enlèvement et le vol, par exemple, ne sont pas définis comme des infractions de blanchiment
de capitaux selon la Convention de Vienne.
Néanmoins, les années passant, la communauté internationale estime que les infractions
principales de blanchiment de capitaux devaient être étendues au-delà de la définition de la
Convention de Vienne pour englober d'autres infractions graves. Par exemple, la Convention
des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée en 2000 à Palerme demande à
tous les pays participants de s'efforcer d'élargir ces infractions de blanchiment d'argent afin de
couvrir « l'éventail le plus large d'infractions principales ».
7
de capitaux, le financement du terrorisme définit, quant à lui, assez brièvement le blanchiment
de capitaux comme le fait de « retraiter ces produits d'origine criminelle pour en masquer
l'origine illégale » afin de « légitimer » ces gains mal acquis du crime. Toutefois, dans ses
quarante recommandations sur la lutte contre le blanchiment de capitaux, le GAFI intègre
spécifiquement la définition technique et juridique du blanchiment de capitaux de la Convention
de Vienne et recommande d'étendre l'infraction du blanchiment de capitaux issus du trafic de
stupéfiants au blanchiment de capitaux se rapportant aux infractions graves.
- la conversion ou le transfert de biens, par toute personne qui sait ou aurait dû savoir que
ces biens proviennent d'un crime ou délit ou d'une participation à un crime ou délit, dans
le but de dissimuler ou de déguiser l'origine illicite desdits biens, ou d'aider toute
personne impliquée dans cette activité à échapper aux conséquences juridiques de ses
actes ;
- la dissimulation ou le déguisement de la nature, de l'origine, de l'emplacement de la
disposition, du mouvement ou de la propriété réelle de biens ou des droits y relatifs, par
toute personne qui sait ou aurait dû savoir que ces biens proviennent d'un crime ou délit
ou d'une participation à un crime ou délit ;
- l’acquisition, la détention ou l'utilisation de biens, dont celui qui s'y livre, sait ou aurait
dû savoir, au moment où il les réceptionne que ces biens proviennent d'un crime ou délit
ou d'une participation à un crime ou délit ;
- la participation à l'un des actes visés aux points a), b) et c), l’article 7 de la loi n°016-
2016/AN du 03 mai 2016, le fait de s'associer pour le commettre, de tenter de le
commettre, d'aider ou d'inciter quelqu'un à le commettre ou de le conseiller, à cet effet,
ou de faciliter l'exécution d'un tel acte.
8
Il y a blanchiment de capitaux, même si cet acte est commis par l'auteur de l'infraction ayant
procuré les biens à blanchir. Il y a également blanchiment de capitaux, même si les activités qui
sont à l'origine des biens à blanchir sont exercées sur le territoire d'un autre Etat membre ou
celui d'un Etat tiers.
9
- le troisième et dernier stade, l'intégration /recyclage, inclut toutes les méthodes
permettant aux capitaux d'origine criminelle, préalablement injectés et empilés,
d'être investis dans les circuits économiques et financiers légaux, sous la forme de
valeurs honnêtes et rémunératrices, comme notamment des immeubles, des fonds
de commerce, des objets de valeur ou encore des participations dans des entreprises.
3
Une cryptomonnaie est une devise numérique décentralisée, qui utilise des algorithmes cryptographiques et un
protocole nommé blockchain pour assurer la fiabilité et la traçabilité des transactions. Les cryptomonnaies sont
entièrement virtuelles, elles peuvent être stockées dans un portefeuille numérique protégé par un code secret
appartenant à son propriétaire. Des plateformes d'échanges (Binance, Coinbase, Bitstamp, etc.) servent à acheter
et revendre de la cryptomonnaie en ligne. La première cryptomonnaie à avoir vu le jour, et sans doute la plus
10
1.3.3. Le terrorisme et son financement
a) Notion de terrorisme
Dans un texte publié suite aux événements new-yorkais du 11 septembre 2001, Didier Bigo,
rédacteur en chef de la revue Cultures et Conflits, débute son propos par cette phrase quelque
peu surprenante : « Le terrorisme n’existe pas ». Cette affirmation provocatrice, si elle reflète
le goût certain de l’auteur pour la polémique, n’en traduit pas moins assez précisément le
malaise profond du politologue lorsque se pose la question de la définition du terrorisme. Une
telle entreprise apparaît, en effet bien souvent impossible à réaliser tant la signification de ce
terme varie en fonction de l’Etat, du groupe social ou encore de l’individu pris en compte. Ainsi,
il semble exister autant d’acceptions du terrorisme qu’il n’existe de points de vue politiques et
de situations historiques concrètes.
Dans un tel contexte, on comprendra aisément les énormes difficultés obérant toute tentative de
réaliser un consensus autour d’une seule et même définition du terrorisme4 ». Le « Global
terrorism index » réalisé chaque année par le think thank « Institute for Economics and Peace »,
définit le terrorisme comme la menace ou le recours effectif « à l’emploi de la force illégale et
de la violence par un acteur non-étatique pour atteindre un objectif politique, économique,
religieux, social à travers la peur, la coercition ou l’intimidation ». En 2019, trois (03) pays de
l’UEMOA figurent dans le top 30 des pays les plus touchés au monde par le phénomène
terroriste. Il s’agit du Mali (13e rang mondial et 6e rang africain), du Niger (23e rang mondial
et 12e rang africain) et du Burkina Faso (27e rang mondial et 14e rang africain).
célèbre d'entre elles, est le Bitcoin. Créée en 2009 par un énigmatique programmeur utilisant le pseudonyme
Satoshi Nakamoto, elle a propulsé le principe de blockchain et a entrainé la création de nombreuses autres devises
numériques cryptées, nommées « altcoins » par les cryptotraders.
4
Karine Bannelier, Théodore Christakis, Olivier Corten, Barbara Delcourt ; "Le droit international face au
terrorisme. Après le 11 septembre 2001"- p. 105-118 (ISBN : 2-233-00411-6)
11
Au Burkina Faso, il résulte de l’article 361-1 du code pénal que le terrorisme vise à intimider
ou à terroriser une population ou à contraindre un Etat ou une organisation internationale, à
accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque.
Le Code pénal français assimile dans sa définition le financement du terrorisme avec des actes
de terrorisme et de dissimulation de biens, de fonds et d’information ; il requiert également la
connaissance que ces actes soient destinés à être utilisés pour commettre un acte terroriste,
même s’ils ne sont éventuellement pas commis : « constitue également un acte de terrorisme le
fait de financer une entreprise terroriste en fournissant, en réunissant ou en gérant des fonds,
des valeurs ou des biens quelconques ou en donnant des conseils à cette fin, dans l’intention de
voir ces fonds, valeurs ou biens utilisés ou en sachant qu’ils sont destinés à être utilisés, en tout
ou en partie, en vue de commettre l’un quelconque des actes de terrorisme prévu au présent
chapitre, indépendamment de la survenance éventuelle d’un tel acte ».
12
moyen que ce soit, directement ou indirectement, a délibérément fourni ou réuni des biens,
fonds et autres ressources financières dans l’intention de les utiliser ou sachant qu’ils seront
utilisés, en tout ou partie en vue de la commission d’actes terroristes. Cette loi a été complétée
par la loi n°044-2019/AN du 21 juin 2019, portant modification de la loi n°025-2018/AN du 31
mai 2018 portant Code Pénal. Il résulte des termes de l’article 361-23 de cette loi qu’est puni
d’un emprisonnement de cinq à dix ans et d’une peine d’amende de cinq millions (5 000 000)
de Francs CFA à dix millions (10 000 000) de Francs CFA, quiconque, par quelque moyen que
ce soit, directement ou indirectement, illicitement et délibérément fournit ou réunit, gère des
fonds, des valeurs ou des biens quelconques dans l’intention de les voir utiliser ou en sachant
qu’ils seront utilisés dans la commission des actes terroristes.
13
II. BLANCHIMENT DE CAPITAUX ET TERRORISME DANS L’UEMOA ET
AU BURKINA FASO : ETAT DES LIEUX, ENJEUX ECONOMIQUES ET
SOCIAUX
Cette partie présente l’état des lieux du phénomène de blanchiment de capitaux et du terrorisme
suivant deux dimensions principales : la dimension portant sur le blanchiment de capitaux et
celle du terrorisme et de son financement en lien avec le blanchiment de capitaux. Pour chaque
dimension la distinction est opérée entre la situation globale de l’UEMOA et celle spécifique
du Burkina Faso. Elle traite également des enjeux économiques et sociaux du blanchiment de
capitaux et du financement du terrorisme.
L’état des lieux du phénomène de blanchiment de capitaux est traité à travers l’analyse d’un
ensemble de faits stylisés documentés au cours de ces dernières années. La première sous-
section présente l’état des lieux au niveau de la zone UEMOA et la deuxième se focalise sur le
cas spécifique du Burkina Faso.
En matière de lutte contre le blanchiment de capitaux, les actions au niveau de la zone UEMOA
s’inscrivent dans celle des pays membres du GIABA qui elle-même, est une organisation de
type GAFI. Le GIABA travaille selon les normes du GAFI. A ce niveau, deux (02) indicateurs
sont généralement utilisés pour faire les statistiques du phénomène de blanchiment de capitaux.
Il s’agit des indicateurs de Déclaration des Opérations Suspectes (DOS) et de Déclaration
Systématique des Transactions en Espèces (DSTE). Ces indicateurs sont collectés généralement
par les cellules nationales de traitement des informations financières auprès des établissements
financiers.
14
Nombre de dossiers transmis
17 11 28 0 0 17 17 14 104
aux autorités judiciaires
Nombre d'enquêtes
3 6 3 0 0 0 17 0 29
judiciaires sur BC/FT
Source : rapport du GIABA (2018)
Dans la zone UEMOA, en 2018, les statistiques ont relevé en tout 1426 déclarations
d’opérations suspectes dont 1166 soit 82% en lien avec le blanchiment de capitaux (Cf. Tableau
n°2). 2% de ces opérations suspectes étaient en lien avec le financement du terrorisme soit en
tout 19 opérations. Le Mali et le Burkina Faso ont les plus forts effectifs soit respectivement 8
et 4 du total des opérations suspectes de l’UEMOA.
Sur l’ensemble de ces opérations suspectes, un peu moins de 10% ont été transmis aux autorités
judiciaires. Cela peut s’expliquer par le fait que la plupart des législations n’ont pas rendu
obligatoire la transmission systématique des opérations suspectes aux tribunaux. A titre
illustratif, le total des enquêtes judiciaires sur le blanchiment de capitaux et le financement du
terrorisme s’élevait à 29 pour l’ensemble de l’UEMOA.
Le graphique n°1 montre la distribution des déclarations d’opérations suspectes liées au
blanchiment de capitaux dans l’espace UEMOA.
Graphique n°1 : Comparaison entre pays de l’UEMOA des déclarations d’opérations
suspectes en lien avec le blanchiment des capitaux
Benin
Togo
Burkina Faso
Côte d'Ivoire
Pays
Sénégal
Mali
Guinée Bissau
Niger
Le graphique n°1 révèle que le trio de tête est composé du Benin, du Togo et du Burkina Faso
avec des proportions respectives de 42%, 22% et 14%.
15
Le Burkina Faso est donc au troisième rang (en fin 2018) en termes de déclarations d’opérations
suspectes en lien avec le Blanchiment de capitaux dans l’espace UEMOA. Relativement à
d’autres pays de l’UEMOA, on peut dire qu’au Burkina Faso, les assujettis notamment les
banques et autres établissements financiers sont plus respectueux de leurs obligations dans la
LBC/FT. Toutefois, ces statistiques n’impliquent pas nécessairement que le phénomène de
BC/FT s’accroît plus rapidement au Burkina Faso ou au Bénin.
Fraude fiscale
Infraction sous-jacente
L’analyse du graphique n°2 montre que la fraude fiscale, la corruption, la traite des personnes,
le vol et le trafic de stupéfiant constituent les principales infractions sous-jacentes au
blanchiment de capitaux dans l’espace UEMOA. D’autres infractions sous-jacentes comme la
contrebande, la piraterie et la contrefaçon sont également notées. De 2017 à 2018, sept (07)
pays sur huit (08) ont affirmé que la fraude fiscale constituait la principale infraction sous-
jacente au blanchiment de capitaux tandis que six (06) pays sur les huit (08) pays de l’UEMOA
affirment que ce sont les infractions « corruption », « vol », « trafic des stupéfiants » et « traite
des personnes » qui constituent les principales infractions sous-jacentes. Seulement deux (02)
pays sur huit (08) affirment que l’infraction « exploitation sexuelle » constitue une infraction
sous-jacente au blanchiment de capitaux.
16
Graphique n°3 : Facteurs ralentissant les efforts de lutte contre le BC/FT dans l’UEMOA
Facteurs ralentissant les
0 1 2 3 4 5 6 7
Si les pays font des efforts pour la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du
terrorisme, certains facteurs tels que l’insuffisance dans la surveillance des banques, la faible
capacité de certaines autorités compétentes et l’application laxiste de la loi sont de nature à
saper de tels efforts.
De façon générale, dans la zone UEMOA, la supervision inadéquate des entités déclarantes et
la « faible capacité des autorités de répression » sont énumérées comme les handicaps majeurs
pour l’effectivité et l’efficacité de la LBC/FT. Le graphique n°3 montre que six (06) pays sur
les huit (08) pays de l’UEMOA pointent du doigt le manque de supervision des banques comme
le principal facteur limitant les efforts de la LBC/FT.
Pour pallier les insuffisances ci-dessus identifiées, le rapport du GIABA a suggéré la formation
de tous les acteurs de la LBC/FT de façon générale. Ce renforcement de capacités est demandé
notamment pour les Cellules de Renseignement Financier (CRF), les autorités judiciaires, les
agences de régulation/supervision et les entités déclarantes. Les besoins en « équipements et de
matériel informatique » sont aussi exprimés.
Selon le rapport d’évaluation mutuelle du GIABA (2019), se basant sur l’évaluation nationale
des risques (ENR) réalisée en 2018, plusieurs éléments factuels peuvent être notés sur l’état des
lieux du phénomène au Burkina Faso.
En effet, selon ce rapport les principales sources de revenus de la criminalité au Burkina Faso
sont les fraudes fiscales et les fraudes aux droits d’accises, le détournement de fonds publics, le
17
trafic de drogues, le change illicite, l'enrichissement illicite, la criminalité liée au trafic de l'or
et de la faune. Ces infractions sont considérées comme présentant un niveau élevé de risque de
blanchiment de capitaux. En matière de fraudes fiscales, les montants des redressements fiscaux
sont estimés en moyenne à 58 750 802 909 FCFA soit environ 3% des recettes propres du
budget de l’Etat sur la base des prévisions de 2020 (Rapport GIABA 2019).
Par ailleurs, le même rapport explique que le boom de l’exploitation aurifère au Burkina Faso
au cours de ces dernières années semble avoir contribué à l’accroissement du phénomène. Entre
2005 et 2015, les pertes enregistrées dans ce secteur en raison de la corruption et de la mauvaise
gestion ont été estimées à plus de 600 milliards de Francs CFA, ce qui représente une perte de
l’ordre de 32% des recettes propres de l’Etat (Rapport GIABA 2019).
Le rapport a aussi montré qu’à l’exception des avocats, des notaires, des experts comptables et
des commissaires aux comptes qui présentent un risque moyen, les risques de blanchiment de
capitaux dans le secteur des Etablissements Professionnels Non Financiers Désignés (EPNFD)
au Burkina Faso sont généralement élevés. Ce niveau élevé des risques est imputable au fait
que les mécanismes nécessaires pour la déclaration des opérations suspectes et les exigences
relatives aux fonctions de conformité prévues par les textes n’ont pas été mises en place. De
même, les connaissances en matière de LBC sont très limitées dans le secteur.
Quant au secteur bancaire burkinabè qui est assez développé, l’évaluation a montré qu’il est
exposé à des risques similaires à ceux touchant d’autres pays. Il a été ainsi identifié un nombre
important de vulnérabilités dans le secteur bancaire y compris la mauvaise qualité des contrôles
généraux liés à la lutte contre le blanchiment des capitaux ; la nature des opérations bancaires
toutes choses qui font que le risque de blanchiment des capitaux dans ce secteur, est
relativement élevé. La plupart des vulnérabilités identifiées pourraient être exploitées par des
criminels cherchant à cacher les produits générés par leurs activités criminelles.
2.1.2.1. Les risques et questions préoccupantes en lien avec le blanchiment des capitaux
au Burkina Faso
L’évaluation nationale des risques a identifié les risques importants et les questions
préoccupantes qui méritent une plus grande attention. Il s’agit des questions ci-après :
18
a) Les infractions économiques et financières
L’utilisation des espèces comme moyen de paiement est très importante au Burkina Faso. La
proportion estimée de la population ayant un compte bancaire en 2017 n’était que de 22,15%.
Le secteur informel joue un rôle majeur dans le fonctionnement de l’économie nationale, car il
facilite la circulation de l’argent en dehors des systèmes financiers conventionnels.
L’évaluation nationale des risques a indiqué que la plupart des Etablissements Professionnels
Non Financiers Désignés (EPNFD), en particulier les opérateurs immobiliers, les exploitants
des transports, les hôtels-restaurants et les activités de jeux de hasard présentent généralement
un risque élevé d’une part, en raison de leur niveau de compréhension et de mise en œuvre
limité des obligations en matière de LBC/FT et d’autre part, en raison de l’absence de
supervision et de réglementation de ce secteur des EPNFD. Contrairement aux établissements
financiers tels que les banques qui connaissent bien leurs obligations et qui sont d’ailleurs
soumis à une règlementation stricte, les EPNFD ne sont pas encore à ce niveau, ce qui constitue
des sources de vulnérabilité dans le dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux et le
financement du terrorisme.
Sur le plan de la stratégie de lutte, il faut noter que le Burkina Faso a adopté sa première stratégie
de LBC/FT par Décret n°2014-025/PRES/PM/MEF/MATS/MJ du 03 février 2014 et son plan
d'actions national couvrant la période 2014-2016. Cette stratégie a été élaborée avec le concours
du GIABA.
Il a effectué son évaluation nationale des risques. Toutefois, le pays n’a pas encore élaboré une
stratégie nationale fondée sur l’Evaluation nationale des risques. A défaut de cette stratégie
nationale, le pays a élaboré un plan d’actions basé sur l’évaluation nationale des risques qui
accorde la priorité à certaines activités nécessitant une attention urgente. L’objectif est de
garantir :
- la bonne connaissance de la LBC/FT par les institutions financières non bancaires ;
- la probité et l’indépendance des enquêteurs en matière de crimes financiers ;
- l’efficacité des procédures et pratiques de contrôle ;
- l’efficacité de la fonction de conformité dans les Institutions financières (IF) ;
- la mise en place d’une fonction de conformité, ainsi que l’élaboration et la mise en
œuvre d’un programme interne de LBC/FT dans les EPNFD et les OBNL ;
- l'efficacité et le suivi des déclarations d'activités suspectes ;
- le renforcement des capacités et les ressources nécessaires pour conduire les enquêtes,
procédures judiciaires et procès pour crimes.
L’objectif pour l’ensemble du secteur, est d’assurer la formation du personnel des assujettis sur
les obligations en matière de LBC/FT et sur les indicateurs de BC/FT de même que les nouvelles
typologies. La formation devra mettre un accent sur les textes communautaires et nationaux et
les normes contraignantes en vigueur dans le milieu bancaire. Il est important aussi de doter
les cellules en charge de la conformité de moyens humains et financiers suffisants pour la prise
en charge efficace de leurs missions à l’endroit des assujettis des secteurs autres que les
banques, les assurances et le système financier décentralisé (SFD) de l’article 44 de la loi n°
016-2016/AN relative à la LBC/FT.
20
L’objectif est aussi de mettre en place une plateforme d’interconnexion avec d’autres
institutions (ONI, CEFORE, Guichet unique, et autres) afin de disposer de sources
d’information indépendantes et déceler éventuellement des activités suspectes. Pour les organes
de contrôle, il faut renforcer les capacités des agents chargés de la supervision des assujettis en
matière de LBC/FT.
Ainsi, il s’agira d’adopter un plan de supervision et octroyer des ressources financières aux
structures compétentes afin de mettre en œuvre le planning prévisionnel de supervision en
matière de LBC/FT et imposer des sanctions administratives et/ou pénales aux assujettis en cas
de manquement à leurs obligations en matière de LBC/FT.
30
24
25
20
15
10
6
5 3 3
0
2016 2017 2018 2019 2020
Année
On constate une hausse significative en 2019 du nombre de dossiers. Cela s’explique surtout
par un changement de méthodes de poursuite au niveau des parquets. La corrélation avec
l’évolution du fait terroriste au Burkina Faso sur la même période n’est pas établi. Le faible
21
nombre de 2016 et 2017 s’explique essentiellement par le fait que dans l’ancienne méthode de
poursuite, le parquet n’incluait pas dans les chefs d’accusation l’infraction de blanchiment de
capitaux dans certaines infractions sous-jacentes.
En effet, à l’issue de plusieurs ateliers de formation, les parquets ont été encouragés à poursuivre
systématiquement pour des faits de blanchiment de capitaux dès lors qu’ils ont affaire à une
infraction économique et financière qui implique de fortes sommes d’argent. L’appréciation du
montant étant laissée à la discrétion des acteurs de poursuite qui se basent aussi sur la
complexité de certaines de ces infractions.
22
Graphique 5 : Evolution du nombre de rapports LBC/FT transmis au parquet de 2014 à
2018 par la CENTIF
16
Nombre de rapports
14
12
10
8
6
4
2
0
2014 2015 2016 2017 2018
Années
Le graphique n°5 révèle une évolution en dents de scie avec un pic en 2017. De manière
générale, le nombre de dossiers transmis au parquet semble globalement très faible. Cette
évolution en dents de scie s’explique essentiellement par le fait que depuis 2017, la CENTIF a
renforcé son dispositif d’analyse des déclarations d’opérations suspectes, ce qui, tout en
réduisant le nombre de dossiers transmis au parquet, améliore la qualité des rapports transmis.
Ce qui n’était pas le cas avant avec pour conséquence qu’un grand nombre de rapports transmis
se terminait au niveau de la justice par des décisions de non-lieu (ordonnance du juge
d’instruction disant qu’il n’y a pas d’infractions de BC/FT ou qu’il y a manque de preuves).
23
- fraude (matière de commercialisation de l’or) ;
- fraude fiscale.
- blanchiment et complicité de blanchiment de
capitaux ;
- faux et usage de faux en écriture publique ;
- faux et usage de faux en écriture privée ;
- escroquerie par le biais de l’outil informatique ;
- tentative et complicité d’escroquerie ;
2017 15 80 186 906 241 - fraude (en matière de commercialisation de l’or) ;
- fraude fiscale ;
- destruction ou soustraction de pièces ou documents ;
- usurpation de fonction ;
- vol ;
- fraude douanière ;
- violation de la règlementation de change R095.
- blanchiment et complicité de blanchiment de
capitaux ;
- complicité de faux et usage de faux en écriture
publique ;
- faux et usage de faux en écriture de commerce ;
- complicité d’escroquerie par le biais de l’outil
2018 4 1 244 445 602
informatique ;
- abus de confiance ;
- destruction ou soustraction de pièces ou documents ;
- fraude fiscale ;
- fraude dans la commercialisation de l’or ;
- pratique commerciale illégale.
Source : Rapport pays du GIABA, 2018
Le tableau n°4 montre une diversité des infractions sous-jacentes combinant la fraude fiscale,
la fraude à la commercialisation de l’or, les pratiques commerciales illégales, les abus de
5
Règlement n°R09/CM/UEMOA du 20 décembre 1998 relatif aux relations financières extérieures des Etats
membres de l’UEMOA
24
confiance, etc. Les montants en jeu sont également de plus en plus énormes franchissant même
la barre de 80 milliards de francs CFA en 2017.
Le phénomène terroriste n’a pas la même ampleur dans les différents pays de l’UEMOA. Le
trio constitué du Mali, du Niger et du Burkina Faso est le plus touché même si quelques
incidents isolés en Côte d’Ivoire, au Benin et au Togo sont à signaler.
Dans la zone G5 Sahel, la menace terroriste reste très forte, dans un contexte où la faiblesse de
certains gouvernements et la porosité des frontières favorisent l’implantation et le maintien de
plusieurs organisations terroristes. Au Mali, environ 25 % du territoire n’est pas contrôlé par le
gouvernement (Coulibaly H. et Lima S., 2013), tandis que le Burkina Faso apparaît comme de
plus en plus vulnérable face à la propagation du terrorisme sur son sol.
25
Les forces militaires françaises au Mali ont été ciblées à plusieurs reprises en 2018, en avril et
en juillet, tandis que le 8 mai 2018, AQMI a appelé à s’en prendre aux entreprises privées
françaises.
Si l’État islamique au Grand Sahara, qui ne bénéficie pas du soutien de sa structure centrale,
apparaît comme une menace moins forte, il n’en est pas moins une source de déstabilisation
pour le Sahel.
Depuis 2016, le phénomène terroriste est devenu une réalité au Burkina Faso. Depuis lors,
l’insécurité s’y est installée, gagnant un grand nombre de régions. Ainsi, tour à tour, les régions
du sahel, de l’Est, de la Boucle du Mouhoun, du Nord, et du Centre-Nord sont désormais
éprouvées par les assassinats de civils et par des attaques tragiques qui endeuillent les Forces
de défense et de sécurité (FDS).
Quelques chiffres du rapport de mission des rencontres entre les parlementaires et les
populations de ces régions frappées par le terrorisme sont assez illustratifs de l’ampleur du
phénomène :
- plus 800 000 personnes déplacées internes créant une situation humanitaire inédite ;
- 1229 civils tués entre janvier 2016 et juillet 2020 ;
- 436 tués parmi les Forces de défense et de sécurité ;
- pour la seule année 2020, de janvier à juin, 465 civils et 163 agents des FDS tués ;
- 02 maires de communes tués et 03 portés disparus, plusieurs conseillers municipaux
tués ou enlevés ;
26
- une centaine de communes où l’administration publique est inexistante et contrainte à
quitter les lieux à cause du risque très élevé.
350000
310066
Nombre de déplacés
300000
250000
200000
150000
0
Mouhoun Est Nord Sahel Centre-Nord
Régions
Le graphique n°6 montre que la région du centre-nord concentre le plus grand nombre de
personnes déplacées internes suivi des régions du sahel et du nord.
250 224
200
Nombre d'attaques
150
93
100 72
50
15
3
0
2015 2016 2017 2018 2019
Année
27
Le graphique n°7 montre une tendance quasi-exponentielle du nombre d’attaques entre 2015 et
2019 passant de 03 attaques à 224 attaques. Pour 2020, au 31 mai le nombre d’attaques
enregistrées atteignait déjà 173.
Le rapport d’évaluation du GIABA estime que certaines de ces attaques ont été réalisées grâce
à des financements entrant dans le cadre du blanchiment de capitaux. En effet, le rapport établit
que de 2015 au 30 juillet 2018, au moins 120 opérations terroristes financées de l’extérieur ont
été perpétrées sur le sol national grâce à des fonds générés à l’étranger. Selon le rapport, il
ressort des enquêtes sur ces attaques que les banques, les Sociétés de Transfert d’Argent (STA)
et des Organisations à But Non Lucratifs sont les principaux canaux utilisés dans le cas des
attaques terroristes qui sont survenues au Burkina Faso au cours de la période susvisée.
Graphique n°8 : Comparaison attaques contre FDS et contre Autres que FDS
de 2015 à 2019
160 141
Nombre d'attaques
140
120
100 83
80
52
60 45 41
40 27
20 1 2 9 6
0
2015 2016 2017 2018 2019
Année
Le graphique n°8 montre que l’évolution du nombre d’attaques dirigées contre les FDS et les
civils est très forte passant du simple au triple en l’espace de deux (02) ans. Plusieurs facteurs
peuvent expliquer une telle évolution, en l’occurrence l’inadéquation de la réponse sécuritaire
et militaire couplée au manque de moyens ainsi que l’existence d’un terrorisme endogène
favorisé par les conflits locaux dans certaines régions du pays.
28
Graphique n°9 : Evolution du nombre de morts et de blessés de 2015 à 2019
900
765
800
Nombre de victimes 700
600
500
400
300 226
119
200 86 81 113
63 41
100 25
0
2015 2016 2017 2018 2019
Année
Morts Blessés
On constate une hausse significative du nombre de morts à partir de 2018 passant d’un total de
113 morts en 2018 à 765 pour l’année de 2019 soit plus de 06 fois le nombre enregistré en 2018.
Le nombre élevé de victimes en 2019 pourrait s’expliquer par les évènements de Yirgou 6. En
effet, l’attaque de Yirgou semble avoir été un tournant majeur notamment pour ce qui est de
l’augmentation des victimes civiles en particulier dans les régions du centre-nord et du sahel.
Tableau n°5 : Situation des attaques terroristes au Burkina Faso de 2015 à 2020
Enlèvements 76
Attaques d’écoles 37
Source : CES, construit à partir des données de Human Right Watch (2020)
6
Le massacre de Yirgou a lieu du 1ᵉʳ au 2 janvier 2019, pendant l'insurrection djihadiste au Burkina Faso. Il débute
par une attaque de djihadistes contre le village, laquelle est suivie de représailles des miliciens Koglweogo contre
les Peuls. Le bilan officiel fait état de 49 victimes mais ce bilan est contesté par plusieurs organisations de la société
civile notamment le collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés (CISC) qui parle de près de
200 victimes.
29
Sur les cinq dernières années, les statistiques donnent un cumul de 1655 civils et militaires tués
par les faits de terrorisme dont 595 assassinats ciblés.
350
305
300
Nombre de victimes
250
193
200
150
100
57
50 29
2 9
0
2015 2016 2017 2018 2019 2020
Année
Source : CES, construit à partir des données de Human Right Watch, 2020
On remarque également que les assassinats ciblés ont connu un bond spectaculaire à partir de
2019 atteignant le nombre de 320 pour la première moitié de 2020. Ce bond spectaculaire peut
s’expliquer en partie par la recrudescence des conflits locaux consécutifs aux évènements de
Yirgou.
Graphique n°11 : Evolution du nombre d’enlèvements de 2015 à 2020
30 28
25
Nombre de victimes
20
19
20
15
10 7
5
1 1
0
2015 2016 2017 2018 2019 2020
Année
Source : CES, construit à partir des données de Human Right Watch, 2020
30
Une autre caractéristique de l’ampleur du phénomène terroriste au Burkina Faso, est le nombre
de plus en plus élevé d’enlèvements et notamment ceux des élus locaux, de personnels de
l’administration, de travailleurs d’organisations non gouvernementales et d’entreprises privées.
Pour la première moitié de 2020, on totalise déjà un nombre record d’enlèvements de 28
personnes comme le montre le graphique n°11.
- les inégalités de revenus : ces inégalités sont considérées comme l’un des facteurs
quantitatifs les plus patents des taux officiels de la criminalité, et l’Afrique abrite
certains des pays les plus inégaux de la planète : en moyenne, les 10% les plus riches
gagnent 31 fois plus que les 10% les plus pauvres ;
- la jeunesse de la population : dans le monde entier, la plupart des crimes sont commis
par des adolescents et de jeunes adultes de sexe masculin. Compte tenu de la jeunesse
de la population en Afrique (43% de moins de 15 ans), on peut en déduire qu’une grande
partie de la société entre dans cette catégorie de délinquants potentiels. Un grand nombre
de ces jeunes ne sont inscrits dans aucun programme d’enseignement et ne peuvent pas
trouver d’emploi ;
- l’urbanisation rapide, un facteur qui combine les éléments de la densité de la population,
les chocs culturels et l’instabilité des populations, est également étroitement liée aux
taux de la criminalité. L’Afrique s’urbanise à un rythme qui avoisine 4% chaque année,
soit près de deux fois la moyenne mondiale ;
- l’insuffisance de moyens au niveau du système judiciaire : dans les pays pauvres, les
systèmes de justice pénale manquent de moyens, les ratios juges–populations sont parmi
les plus faibles. Ce qui, inévitablement, se répercute sur les taux de condamnation ;
même si la police remplit sa fonction de la meilleure façon qui soit, les criminels en
Afrique ont moins de chance d’être punis pour leurs méfaits que ceux des autres régions
31
du monde. Un tel système ne peut donc efficacement décourager, mettre hors d’état de
nuire ou réintégrer les délinquants ;
- la prolifération des armes à feu, liée en partie à la recrudescence des conflits dans toutes
les régions du continent, et en partie au sentiment d’insécurité publique de plus en plus
généralisé, facilite et aggrave les crimes violents.
Même si, aucun de ces facteurs individuellement n’est cause de criminalité, pris ensemble,
celle-ci devient plus probable, toutes choses étant égales par ailleurs.
Par sa nature, le blanchiment de capitaux est en dehors du champ normal couvert par les
statistiques économiques. Néanmoins, comme pour d'autres aspects de l'activité économique
souterraine, des méthodes d’estimation permettent d’avoir une idée de l'ampleur du problème.
Le Programme des Nations Unies pour le Contrôle International des drogues (PNUCID), estime
que le trafic illicite des drogues produit chaque année environ 400 milliards de dollars de vente
au détail, soit près du double du revenu de l'industrie pharmaceutique mondiale ou dix (10) fois
environ le montant total de l'aide publique au développement (UNODC, 2005).
Sur le plan économique, les flux financiers illicites peuvent localement déstabiliser un marché,
voire toute l’économie nationale. Il est indéniable que les activités criminelles, difficiles à
mesurer, faussent les statistiques économiques disponibles et empêchent tout diagnostic
précoce d'une crise en germe. Une variation de la demande d'une monnaie nationale par
exemple a des effets sur le taux de change et les taux d’intérêts. Toutefois, si l'origine de cette
variation est un mouvement de capitaux dû au blanchiment d'argent, il n'apparaîtra pourtant pas
dans les statistiques.
L'argent "sale" présente un risque pour le fonctionnement efficient des marchés dans la mesure
où les déplacements de capitaux se font hors de toute logique économique : ceux qui veulent
32
blanchir de l'argent recherchent non pas le meilleur rendement, mais le meilleur compromis
entre la sécurité du recyclage des fonds et l’objectif de rentabilité de l'opération. En d’autres
termes, le blanchisseur n’a pas pour objectif primordial la recherche du profit mais cherche
plutôt à cacher l’origine illicite de son argent, ce qui est source d’inefficience sur le plan
économique.
Certains analystes vont jusqu’à théoriser des possibilités de déstabilisation de pays qui seraient
orchestrés par une coalition d'intérêts criminels par exemple parce que les mesures mises en
place par le gouvernement du pays pour lutter contre les trafics illicites seront jugées
dérangeantes. En d'autres termes, les blanchisseurs d'argent se préoccupent non pas d'obtenir
un bon rendement de leurs investissements, mais de protéger leurs gains. C'est pourquoi ils
« investissent » leurs fonds dans des activités qui ne sont pas nécessairement rentables pour le
pays dans lequel se trouvent ces fonds. En outre, dans la mesure où le blanchiment et la
délinquance financière privilégient des investissements de faible qualité qui masquent leurs
gains, au détriment d'investissements judicieux, la croissance économique du pays risque d'en
souffrir.
Ainsi, dans certains pays, des secteurs entiers comme le bâtiment et l’hôtellerie sont financés,
non pas en réponse à la demande, mais en fonction des intérêts à court terme des blanchisseurs
de capitaux. Quand ces secteurs cessent d'intéresser les blanchisseurs de capitaux, ces derniers
les abandonnent, causant ainsi leur effondrement. Cette situation engendre des pertes énormes
pour les Etats, et compromet sérieusement les politiques de développement économique, en
particulier s'il s'agit de pays pauvres.
Pour ce qui est du terrorisme, les impacts négatifs sur le plan économique sont encore plus
importants.
Il existe une littérature relativement abondante sur les conséquences économiques et sociales
du terrorisme. Keffer et Loayza (2008) dans une vaste étude pour le compte de la Banque
mondiale comportant aussi bien des pays développés que des pays en développement avaient
abouti à la conclusion que les coûts économiques du terrorisme dans les pays riches sont faibles
par rapport à ceux de la lutte contre le terrorisme et que les deux types de coûts sont plus élevés
dans les pays pauvres. Leurs travaux ont soutenu l'hypothèse selon laquelle le développement
politique, l'ouverture politique et la qualité du gouvernement sont inversement associés à
l'émergence d'organisations terroristes. Dans la même logique, Estrada et al. (2018) dans une
33
étude empirique sur la Turquie, démontrent que les conséquences économiques du terrorisme
sont les fuites, la décroissance et l'usure économique.
Les auteurs pensent que pour faire face à un phénomène multidimensionnel comme le
terrorisme, il faut un programme d'assistance sociale efficace ainsi qu’un système de justice
plus fort et impartial, toutes choses qui rendront les populations les plus pauvres moins
vulnérables et augmenteront ainsi le coût d’opportunité du terrorisme.
Asongu et Nwachukwu (2017), quant à eux, insistent sur l'impact du terrorisme sur l'économie
via le canal de la dégradation de la qualité de la gouvernance politique. L’étude empirique sur
les pays africains aboutit aux conclusions que, toutes les dynamiques terroristes sélectionnées
affectent négativement la gouvernance politique et ses constituants. Ensuite, elle montre qu’il
n’y a pas d’évidences empiriques sur l’existence d'une relation négative entre terrorisme-
gouvernance économique et ses composantes. Enfin, elle montre qu’en comparant le terrorisme
transnational et national, le premier affecte plus négativement et significativement les
gouvernances politiques, économiques.
Tingbani I. et Okafor G. (2019) ont réalisé, quant à eux, une étude pour rechercher une
éventuelle corrélation entre la montée en puissance du terrorisme et la faillite des entreprises.
Leur vaste étude sur 173 pays développés et en développement montre que le terrorisme a une
relation négative et significative avec la faillite des entreprises pour l'ensemble de l'échantillon.
Toutefois, lorsque l'échantillon est divisé en pays développés, en développement et fragiles, les
résultats montrent que le terrorisme est associé de manière négative et significative à la faillite
des entreprises dans les pays en développement et fragiles uniquement. Ce résultat montre que
l’une des conséquences du phénomène terroriste réside aussi dans la hausse de la faillite des
entreprises dans les pays frappés.
Une autre dimension abordée par Asongu et Uchenna (2016) est relative aux effets du
terrorisme sur la fuite des capitaux. Ils démontrent qu’aussi bien le terrorisme national que
transnational augmentent constamment la fuite des capitaux. Plus précisément, leur résultat
suggère que le terrorisme accroît la fuite des capitaux pour la plupart des pays, surtout lorsque
les niveaux initiaux de fuite des capitaux sont faibles.
Dans la même logique Ouédraogo R. et al. (2020) ont établi dans leur étude empirique qu’en
présence de terrorisme et d’instabilité, l’investissement public a tendance à exercer plus un effet
d’éviction sur l’investissement privé. Ils soulignent donc la nécessité pour les pays d'Afrique
34
subsaharienne d'assurer la sécurité des investissements privés en réduisant les risques associés
aux conflits et au terrorisme, et en préservant la viabilité des contrats et le rapatriement des
bénéfices.
Enfin, il existe dans la littérature une abondance de travaux qui ont évoqué les conséquences
négatives du terrorisme particulièrement sur le secteur touristique. Sönmez (1998), dans son
étude concluait que le terrorisme et l'instabilité politique sont les menaces les plus redoutées
par les touristes.
Pour Coca-Stefaniak et Morrison (2018), les jeunes générations classent «la guerre, le
terrorisme et les tensions politiques » comme leurs principales préoccupations.
Il n’y’a pas jusque-là d’études empiriques sur les conséquences du terrorisme au Burkina Faso.
Toutefois, relativement à cette dimension des conséquences sur le secteur touristique, il ressort
pour le cas du Burkina Faso, que suite aux attaques terroristes en 2016, « 2900 réservations de
chambres, onze congrès internationaux et des festivals ont été annulés » (extrait de l’interview
du président du comité burkinabè de coordination du programme de développement du tourisme
au journal « Le Monde » Abdoulaye Sankara (2016).
L’impact sur le tourisme est encore plus prononcé dans la région de l’Est, zone touristique par
excellence, qui n’accueille plus de visiteurs étrangers, suite à l’insécurité. Malgré les opérations
de démantèlement des bases de grands bandits et terroristes, la région fait partie des zones
déconseillées par les chancelleries européennes.
L’institut Free Afrik dans son rapport de recherche sur l’impact économique du terrorisme dans
les pays du G5 sahel a estimé que la quasi-totalité des secteurs d’activités économiques
souffrent de la nouvelle guerre imposée par les terroristes. Leur recherche a démontré qu’au
Burkina Faso, le manque à gagner dans le secteur de l’hôtellerie et du tourisme de la ville de
35
Ouagadougou s’est chiffré à 3,9 milliards F CFA entre 2016 et 2017. Pour ces auteurs, même
si pour l’industrie minière, la production n’a pas encore enregistré de perte, cela pourrait se
produire les années à venir.
D’ores et déjà, les conséquences se ressentent au niveau de la prospection minière qui permet
de créer les mines de demain mais qui sont fortement handicapée par les attaques terroristes
récurrentes. Il y a aussi le surcoût lié à la sécurisation des mines à travers le recrutement de
nouveaux agents de sécurité, l’acquisition d’équipements et d’infrastructures sécuritaires et le
fait que les sociétés minières peinent également à trouver de ressources humaines qualifiées
venant d’autres pays même si cette dernière conséquence pourrait être profitable à l’expertise
locale à condition que celle-ci soit disponible en abondance.
Enfin, un enjeu économique important du phénomène terroriste réside dans son impact sur la
répartition budgétaire du fait du changement des priorités au niveau des pays. Par exemple au
Burkina Faso, avec l’avènement du terrorisme, les dépenses budgétaires destinées au secteur de
la défense ont connu une hausse d’environ 25% sur la période 2016-2019 et celles de la sécurité
ont connu une augmentation de 12% sur la même période en 2019 selon le Centre
d’information, de formation et d’étude sur le budget (CIFOEB)). Cette situation engendre un
manque à gagner pour d’autres secteurs cruciaux, en l’occurrence les secteurs sociaux tels que
l’éducation et la santé.
36
III. CADRE JURIDIQUE ET INSTITUTIONNEL
Il s’agira dans cette partie de présenter et d’analyser le cadre juridique et institutionnel dans
lequel s’opère la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme dans
l’espace UEMOA et au Burkina Faso en particulier.
Dans la présentation, la distinction est faite entre l’échelle communautaire et l’échelle nationale.
Ainsi, la première sous-section présente le cadre juridique tandis que la deuxième sous-section
se penche sur le cadre institutionnel. La troisième sous-section quant à elle, présente le
diagnostic.
En adoptant une seule loi uniforme le législateur communautaire a voulu inciter les Etats
membres de l’union à lutter efficacement contre ces deux fléaux.
En effet, les différents entretiens avec les parties prenantes impliquées directement dans la
LBC/FT (pôles judiciaires spécialisés, CENTIF, BSIAT) mettent en évidence l’importance des
textes communautaires parce que la criminalité organisée est l’un des liens forts qu’on peut
établir entre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Toutefois, si cette
criminalité n’est pas combattue, elle peut procurer tant des fonds à blanchir que des fonds à
financer le terrorisme.
Pour se mettre en phase avec les recommandations du Groupe d'Action Financière (GAFI), le
Burkina Faso, à l'instar des autres Etats membres de l'UEMOA a adopté plusieurs textes de lois
en vue de lutter efficacement contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
A ce titre, on a assisté à l'adoption de la loi n°16-2016/AN du 03 mai 2016 relative à la lutte
contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Il faut souligner que cette
loi a fusionné la loi n° 026-2006/AN du 28 novembre 2006 relative à la lutte contre le
blanchiment de capitaux au Burkina Faso et la loi n° 061-2009/AN du 17 décembre 2009
relative à la lutte contre le financement du terrorisme au Burkina Faso.
38
Aussi, pour renforcer davantage cette lutte au niveau national, plusieurs autres lois ont été
adoptées. Il s’agit de :
- la loi n°005-2017/AN du 19 janvier 2017 portant création, organisation et fonctionnement
des pôles judiciaires spécialisés dans la répression des infractions économiques et
financières et la criminalité organisée ;
- la loi n°006-2017/AN du 19 janvier 2017 portant création, organisation et fonctionnement
d'un pôle spécialisé dans la répression des actes terroristes ;
- la loi n°25-2018/AN du 31 mai 2018 portant code pénal ;
- la loi n°40-2019/AN du 29 mai 2019 portant code de procédure pénale.
S’il y a eu des progrès au niveau de l’adoption de plusieurs textes pour être en phase avec les
standards internationaux, il faut toutefois noter que ce dispositif juridique n’est pas encore
totalement adapté à réalité économique du Burkina Faso caractérisée par une forte
prédominance du secteur informel, secteur dans lequel l’utilisation de l’espèce et du cash est la
règle dans les transactions financières.
En outre, la loi portant création du pôle judiciaire spécialisé dans la répression des actes
terroristes n’est pas suffisamment vulgarisée auprès des parties prenantes du système judiciaire.
Cela fait que par moment, les autres juridictions des zones en proie au terrorisme pensent que
le pôle anti-terroriste a une compétence exclusive dans la répression des actes de terrorisme
alors qu’il ne s’agit que d’une compétence préférentielle. En effet, les autres juridictions ont
toujours compétence dans la répression des actes terroristes qui ne présentent pas de complexité
ou d’une grande ampleur.
Aussi, dans le dispositif juridique, on note que la répression de la criminalité organisée relève
de la compétence des pôles judiciaires spécialisés dans la répression des infractions
économiques et financières au lieu du pôle anti-terroriste alors que la criminalité organisée est
souvent source de financement du terrorisme. Cette situation peut poser des problèmes
d’efficacité d’autant plus que la brigade spéciale des investigations anti-terroristes et de lutte
39
contre la criminalité organisée relève du pôle judiciaire spécialisée dans la répression du
terrorisme.
Créée le 12 mai 1962, la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) peut
aussi être considérée comme une institution de lutte contre le blanchiment de capitaux et de
financement du terrorisme. Ainsi, la BCEAO, sous l’égide du Conseil des Ministres de
l’UMOA, élabore des Directives et Instructions de lutte contre le blanchiment de capitaux et de
financement du terrorisme en vue de l’application efficiente des lois communautaires relatives
à cette lutte au sein des Institutions financières de l’UMOA.
40
concernant les banques, les établissements financiers et les systèmes financiers décentralisés et
l’application des sanctions prises par la Commission à l’encontre des assujettis du secteur.
Le Conseil Régional de l'Epargne Publique et des Marchés Financiers (CREPMF) est un organe
de l'Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA). Il a été créé le 3 juillet 1996 par décision du
Conseil des Ministres de l'UMOA, dans le cadre de la mise en place du marché financier
régional dont il assure la tutelle. Il est chargé d’une mission générale de protection de l’épargne
investie en valeurs mobilières et en tout autre placement donnant lieu à une procédure d’appel
public à l’épargne dans l’ensemble des Etats membres de l’Union. Ce conseil élabore des
instructions dans le cadre de la mise en œuvre des lois et règlements relatifs à la lutte contre le
blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme en matière de titres et valeurs :
supervision, contrôle et sanctions administratives et disciplinaires.
41
des Etats membres contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et le
financement de la prolifération des armes de destruction massive.
La décision de création du GIABA a été prise lors de la 22ème session de la conférence des chefs
d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO tenue à Lomé en 1999 et sur recommandation des
partenaires sociaux. C’est ainsi que lors de la Conférence des Chefs d’Etat en 2000, le GIABA
a vu le jour.
Il faut dire que le GIABA est une institution spécialisée de la CEDEAO, chargé du renforcement
des capacités des Etats membres pour la prévention et la lutte contre le blanchiment de capitaux
et le financement du terrorisme dans la région.
C’est un organisme à vocation continentale, donc tout pays africain qui veut devenir membre
peut l’être, s’il en fait la demande.
Le GIABA est chargé de mettre en place des mesures de lutte appropriées devant consister en
une protection du système bancaire et financier des produits issus du blanchiment de capitaux
et la mise en place d’un instrument juridique de lutte contre le blanchiment de capitaux et le
financement du terrorisme. Le GIABA est également chargé de développer une politique de
sensibilisation, surtout au niveau des décideurs politiques. Sont également concernés par cette
sensibilisation, les personnes exerçant un certain nombre d’activités où elles sont appelées à
manier des sommes d’argent qui peuvent avoir des liens avec le blanchiment de capitaux. Par
ailleurs, le GIABA est chargé entre autres de mener une formation à la lutte contre le
blanchiment de capitaux et financement du terrorisme ; d’évaluer les progrès accomplis et
l’efficacité des mesures prises pour lutter efficacement contre le blanchiment de capitaux et
financement du terrorisme ; de susciter l’adhésion d’autres Etats africains.
Le Burkina Faso a fait l’objet d’évaluation de son dispositif de lutte contre le blanchiment de
capitaux et financement du terrorisme par le GIABA courant l’année 2019 après sa première
évaluation qui a eu lieu en 20097.
7
Quelques résultats de cette évaluation ont été présentés plus haut dans la section « Etat des lieux »
42
à la formation des acteurs impliqués dans la LBC/FT dans les différents pays. Toutefois, le
niveau de collaboration judiciaire entre les Etats membres de l’union est encore relativement
faible.
Au niveau national, plusieurs institutions publiques ont un rôle à jouer dans la lutte contre le
blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Le dispositif est constitué
essentiellement de la Cellule Nationale de Traitement des Informations Financières (CENTIF),
la Direction Générale du Trésor et de la Comptabilité Publique (DGTCP), de l’Inspection
technique des Services (Douanes, Trésor, Impôts), de la Police judiciaire classique, de la
Brigade Spéciale d’Investigations Anti-terroristes et de lutte contre la criminalité
Transnationale organisée (BSIAT), de l’Agence Nationale de Renseignement (ANR), des pôles
judiciaires spécialisés dans la répression des infractions économiques et financières et de la
criminalité organisée, du pôle judiciaire spécialisé dans la répression des actes terroristes et des
juridictions de droit commun.
Instituée par la loi n°016-2016/AN du 03 mai 2016 relative à la lutte contre le blanchiment de
capitaux et blanchiment de terrorisme, en son article 59, la CENTIF est une autorité
administrative interministérielle permanente, placée sous la tutelle du Ministre chargé des
finances. Elle a pour mission principale de recevoir, d’analyser, d’enrichir et de traiter le
renseignement financier sur les circuits de blanchiment de capitaux et de financement du
terrorisme.
Elle procède à l’analyse des déclarations et à une enquête au cours desquelles elle effectue les
recoupements financiers et recourt, le cas échéant, à des échanges d’informations, y compris au
plan international. Si à l’issue de cette phase d’expertise et d’enrichissement des Déclarations
de Soupçons, la CENTIF parvient à transformer le soupçon initial en présomption de
blanchiment de capitaux et/ou de financement du terrorisme, elle porte alors les faits à la
43
connaissance du Procureur du Faso territorialement compétent. Ce dernier saisit un juge
d’instruction qui instruit à charge et à décharge, à l’effet d’établir la réalité ou non de
l’infraction.
Par ailleurs, dans le cas des Demandes d’informations (DI) et des informations spontanées
reçues des partenaires extérieurs et nécessitant des investigations, la CENTIF s’attache à les
mener avec le concours de tous les acteurs intervenant dans le dispositif de la LBC/FT du
Burkina et leur rend compte des résultats desdites investigations.
L’Inspection Générale des Finances a pour rôle le contrôle des services financiers, fiscaux et
comptables de l’Etat, des collectivités territoriales et de manière générale toutes les structures
qui reçoivent, détiennent ou gèrent des deniers publics. Quant aux Inspections techniques des
Services (Douanes, Trésor, Impôts), elles ont pour rôle l’organisation et l’exécution des
missions de contrôle interne des services, la mise en œuvre des stratégies de lutte contre la
corruption, l’audit organisationnel et fonctionnel des structures, la mise en place et le suivi du
dispositif de maîtrise des risques.
44
- de veiller à la bonne conduite des enquêtes qui lui sont confiées, qu’elles soient sous la
forme préliminaire, en flagrance ou dans le cadre d’une information judiciaire ;
- d’assurer la coordination des activités des unités d’enquête ;
- d’élaborer et mettre en œuvre un plan de formation au profit du personnel ;
- de gérer les matériels et autres équipements spécifiques mis à sa disposition ;
- de constater diligemment les infractions de terrorisme ou de crime organisé, d’en
rassembler les preuves et d’en rechercher les auteurs, les complices et leurs sources de
financement ;
- d’exécuter d’autres activités entrant dans le cadre de son attribution.
Les agents mis à la disposition de la BSIAT exercent leurs fonctions pendant une durée de trois
(03) ans avant de pouvoir prétendre à une mutation.
La BSIAT peut, pour les besoins de ses investigations, demander le concours de services
spécialisés de la gendarmerie et de la police nationale et de tout autre service habilité.
Prévue aux articles 241-1 et suivants du code de procédure pénale, la police judiciaire est
exercée, sous la direction du procureur du Faso, par les officiers et agents de police judiciaire
et certains fonctionnaires. Elle est placée sous la surveillance du procureur général et sous le
contrôle de la chambre de l’instruction.
La police judiciaire est chargée de constater les infractions à la loi pénale, d'en rassembler les
preuves et d'en rechercher les auteurs tant qu'une information n'est pas ouverte. Et lorsqu'une
information est ouverte, elle exécute les délégations des juridictions d'instruction et défère à
leurs réquisitions.
Au regard de ses attributions, la police judiciaire participe aussi à la lutte contre le blanchiment
de capitaux et de financement du terrorisme, cela surtout avec l’institution des techniques
spéciales d’enquête (TSE) qui lui offre de grandes possibilités d’investigations.
45
e) L’Agence Nationale de Renseignement
Créée par les articles 26 et suivants de la loi n°026-2018/AN du 1er juin 2018 portant
réglementation générale du renseignement au Burkina Faso, l’Agence Nationale de
Renseignement (ANR) est chargée de :
- centraliser et analyser la production de toutes les structures spécialisées du
renseignement et ce, au profit du Président du Faso et des institutions publiques pour
une orientation efficace de l’action de l’Etat ;
- coordonner les activités des structures chargées du renseignement intérieur et
extérieur, quelle que soit la nature du renseignement ;
- veiller à la mise en œuvre du plan national d’orientation du renseignement ;
- rechercher le renseignement.
L’utilisation des espèces comme moyen de paiement est très importante au Burkina Faso. La
proportion estimée de la population ayant un compte bancaire en 2017 n’était que de 22,15%.
Le secteur informel joue un rôle majeur dans le fonctionnement de l’économie nationale du
Burkina, car il facilite la circulation de l’argent en dehors des systèmes financiers
conventionnels. Les facteurs tels que l’importance du secteur informel dans l'économie, la forte
préférence des opérateurs économiques pour les espèces, le faible taux de bancarisation,
associés aux vulnérabilités du système financier décentralisé (SFD) engendrent généralement
un risque significatif de BC/FT.
C’est ainsi que l’Agence Nationale de Renseignement (ANR) joue le rôle de principal organe
chargé des affaires liées aux activités de terrorisme et de financement du terrorisme. En effet,
l'agence joue le rôle d’organe de coordination et de veiller à ce que les autres autorités
compétentes chargées de la lutte contre le financement du terrorisme, notamment la
gendarmerie, la police nationale et la Cellule de Renseignement Financier (CRF) échangent des
informations et des renseignements sur le terrorisme et son financement. L’ANR veille
également à ce que les agences de répression criminelle ne travaillent pas en vase clos.
Chaque pôle judiciaire spécialisé comprend une section spécialisée du parquet, des cabinets
d’instruction spécialisés et une chambre de jugement spécialisée.
47
Les magistrats du pôle judiciaire spécialisé bénéficient du concours d’assistants spécialisés. Ces
assistants spécialisés participent aux procédures sous la responsabilité des magistrats. Ils
accomplissent toutes les tâches qui leur sont confiées et peuvent assister, notamment les
juridictions d’instruction dans les actes d’instruction, les magistrats du ministère public dans
l’exercice de l’action publique et les officiers de police judiciaire.
Le procureur général, sur proposition du procureur du Faso compétent, désigne par note de
service les magistrats de la section spécialisée du parquet pour le traitement des infractions
soumises au pôle judiciaire spécialisé et le président de la cour d’appel, sur proposition du
président du tribunal compétent, désigne par ordonnance les juges d’instruction spécialisés et
les juges chargés du jugement des infractions soumises au pôle judiciaire spécialisé.
Il s'agit ici de toutes les juridictions de l'ordre judiciaire du Burkina Faso, notamment des
chambres correctionnelles des cours et tribunaux. Avant la création des pôles judiciaires
spécialisés, ce sont ces organes judiciaires qui étaient chargés de réprimer les actes de
blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. Il faut souligner que ces instances
48
judiciaires restent toujours compétentes pour connaître des affaires de blanchiment de capitaux
et de financement du terrorisme tant que ces affaires ne présentent pas de complexités.
L’analyse du cadre institutionnel au niveau du Burkina Faso fait ressortir que la CENTIF joue
un rôle très important dans la LBC/FT. Egalement, la mise en place effective des pôles
judiciaires spécialisés constitue une avancée notable dans l’opérationnalisation du dispositif de
lutte contre le blanchiment de capitaux et financement du terrorisme (LBC/FT). Toutefois,
beaucoup de ces institutions manquent encore de moyens spécifiques pour l’atteinte des
objectifs assignés. Il faut aussi noter l’inexistence de cadres de concertations entre l’ensemble
des acteurs impliqués dans la LBC/FT, toute chose qui peut être source d’inefficience et parfois
d’incompréhensions. Enfin, l’absence d’un système de contrôle des assujettis en général et plus
spécifiquement des Etablissements Professionnels Non-Financiers Désignés (EPNFD)
augmente le risque de blanchiment de capitaux et financement du terrorisme.
49
Tableau n°6 : Matrice FFOM du cadre juridique
Forces Faiblesses
50
questions de prolifération des armes de
destruction massive ;
- l’insuffisance et/ou la faiblesse dans la
coordination des activités de LBC/FT ;
- l’inexistence de budget de fonctionnement et
la faible motivation des acteurs ;
- la divergence d’interprétation de l’article 69
de la loi n°016-2016/AN relative aux
poursuites consécutives aux rapports de la
CENTIF.
Opportunités Menaces
A l’instar du cadre juridique, la forte propagation du phénomène terroriste, ces dernières années
au Burkina Faso, a créé plusieurs bouleversements du cadre institutionnel avec la mise en place
de nouvelles institutions spécialisées mais également des efforts de synergie et de mise en
cohérence des actions de l’ensemble des institutions. Le tableau n°7 synthétise les éléments de
forces et faiblesses du dispositif institutionnel.
51
Tableau n°7 : Matrice FFOM du cadre institutionnel
Forces Faiblesses
52
rapatrier leurs fonds (notamment le code de
l’investissement) ;
- le faible niveau de condamnation des auteurs de
blanchiment de capitaux, malgré un nombre
important de condamnations pour les infractions
sous-jacentes.
Opportunités Menaces
- l’existence du GIABA qui soutient les pays dans - l’instabilité institutionnelle dans certains pays de
l’élaboration des rapports d’évaluation ; l’UEMOA.
- l’existence d’un mécanisme de suivi des
recommandations issues de l’évaluation
nationale des risques (ENR) ;
- le rôle des organes de presse et de certaines
organisations de la société civile (OSC) peut
être important dans le dispositif national en
matière de lutte contre le blanchiment de
capitaux et de financement du terrorisme.
53
IV. POTENTIELLES SOURCES DE FINANCEMENT DU TERRORISME EN
ZONE UEMOA ET AU BURKINA FASO
Les ressources financières dont disposent les organisations terroristes constituent l’un des pans
du financement du terrorisme, qui correspond au « macro-financement » par opposition au «
micro-financement », qui désigne le financement direct des actes terroristes. Selon un récent
rapport, établi par Interpol, le RHIPTO8 et la Global Initiative Against Transnational Organized
Crime9, les ressources des sept10 principaux groupes rebelles / terroristes actifs dans le monde
s’établiraient selon les dernières données connues entre 1 et 1,39 milliard de dollars.
En 2017, les parlementaires Français ont réalisé une mission d’information sur le financement
du terrorisme à l’échelle international. Selon ce rapport, le financement du terrorisme est
d’autant plus redoutable qu’il est multiple et pragmatique. Les terroristes utilisent tous les
moyens possibles pour se financer, mais le rapport relève toutefois des tendances dominantes
que l’on retrouve d’ailleurs dans d’autres littératures similaires sur le sujet.
8
Centre à but non lucratif établi pour soutenir les Nations Unies avec une capacité de réponse rapide dans le
domaine de l’environnement, le développement, la paix et la sécurité.
9 https://globalinitiative.net/wp-content/uploads/2018/09/Atlas-Illicit-Flows-FINAL-WEB-VERSION-
copiacompressed.pdf
10
Le rapport inclut dans ce calcul les Shebabs, Boko Haram, les FARC, Hayat Tahrir al-Cham, le GSIM, l’État
islamique et les Talibans, ainsi que les principaux groupes actifs à l’est de la République démocratique du Congo
54
4.1. Les donations et financements extérieurs
Le rôle des financements dits extérieurs du terrorisme a connu d’importantes évolutions dans
le monde depuis la guerre froide en passant par les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-
Unis jusqu’à nos jours.
Ce type de source de financement a été largement observé dans le cas du groupe Al-Qaida bien
qu’il faille distinguer entre un véritable « sponsoring » étatique et des financements privés,
notamment via des Organisations Non Gouvernementales (ONG) ou fondations.
Une autre dimension de cette première source est celle relative au financement du prosélytisme
religieux, qui peut nourrir des courants comme le salafisme pouvant à leur tour devenir un
terreau pour les terroristes. Sur ce sujet, le rapport des parlementaires Français en 2017 révélait :
« Aujourd’hui, le financement par l’Arabie saoudite de certaines mosquées dans des États tiers
y compris la France dans le cas par exemple de la mosquée de Cannes– et le rôle prêté à ce pays
dans le financement d’un islam radical hors de ses frontières, restent des sujets sensibles. Cette
question avait déjà été abordée dans la publication en 2017 d’un rapport réalisé par un institut
de recherche britannique, la Henry Jackson society ». Selon ce rapport, l’Arabie saoudite
dépenserait jusqu’à 4 milliards de dollars chaque année dans le monde pour promouvoir le
wahhabisme, avec, dans le cas du Royaume-Uni, l’apport de financements pour des mosquées
ou des écoles.
Pour le cas spécifique du Burkina Faso, l’Association Ansarul Islam de Malam Dicko semble
au début avoir bénéficié de financement d’ONG ou de Fondations avant de se radicaliser.
55
4.2. Le développement des micro-financements extérieurs
4.3. L’autofinancement
L’autofinancement du terrorisme est l’une des principales forces des organisations terroristes
actives aujourd’hui. L’État islamique, qui demeure un cas singulier, a porté ce modèle à son
paroxysme du fait de l’emprise territoriale acquise. Ce modèle d’autofinancement s’appuie sur
plusieurs types de ressources (cités ci-dessus) en l’occurrence les ressources naturelles. La mise
en place d’un système d’impôts et de redevances a également permis à certains groupes de
générer de très importants revenus comme ce fut le cas au nord du Mali lors de la période
d’occupation des principales villes du Nord par le MUJAO et Ansardine.
11
La « hawala renvoie à un système de paiement apparu dès les débuts de l’Islam, au VIIIème siècle. Il s’agit d’un
processus de transfert d’argent, au sein d’un réseau d’agents nommés les hawaladars. Un client transfère une
somme d’argent à l’un de ces agents, en contact avec l’agent le plus proche du destinataire de la somme, à qui il
demande de lui verser cette somme en échange de la promesse d’un remboursement ultérieur. Il s’agit d’un système
qui repose sur la confiance établie entre les différents relais, et qui a l’avantage de brouiller la traçabilité des
transferts.
12
La zakât ou zakat ou zakaat est un mot arabe traduit par « aumône légale » est le troisième des piliers de l'islam
après l'attestation de foi et la prière. Le musulman est tenu de calculer chaque année lunaire (hégire)1 ce montant
et de le donner « aux miséreux, aux pauvres, à ceux qui travaillent au service de la zakât, aux nouveaux convertis
dont le cœur est à raffermir, aux esclaves [qui en ont besoin pour remplir leur contrat d’affranchissement], aux
56
pâturage dans des forêts abandonnées par les forces de défense et de sécurité, du ravitaillement
en vivres par des parents et autres adeptes à leurs causes ou des dons en espèce provenant de
ces adeptes.
A côté de ces principales sources de revenus, d’autres sources telles que les enlèvements contre
rançons et le trafic des antiquités et autres biens culturels ont été largement observées dans la
Zone UEMOA notamment au Mali et au Niger.
Dans la région de l’Est, le terrorisme semble s’être développé par endroit autour de
l’exploitation artisanale de l’or notamment dans la localité de Kabonga. Cette situation a été
beaucoup documentée par la presse d’informations en 2019. Les investigations réalisées
montrent que ces ressources issues de l’exploitation minière artisanale auraient servi non
seulement au recrutement de combattants locaux mais aussi l’enrôlement de mercenaires
étrangers et enfin à l’acquisition de matériels de combat.
Les organisations terroristes ont souvent recours à des pratiques criminelles pour financer leurs
activités terroristes. Il s’agira pour elles de participer à des trafics illégaux ou à d’autres activités
criminelles comme les pillages, les extorsions ou les enlèvements contre rançons ou encore des
vols à mains armées ou la contrebande. Ainsi les terroristes se procurent eux-mêmes pour soit
se procurer des armes sur le marché noir et d'autre moyens tels que des vivres, soit pour enrôler
des adeptes en les payant des sommes d’argent en vue d’opérer des attaques.
Le Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM) compte parmi ses sources
principales de financement les rançons, la contrebande de cigarettes et de drogues, le
prélèvement illégal de taxes ou encore les revenus liés au trafic de migrants.
Dans le cas de Boko Haram, il faut mentionner les extorsions de fonds, les rançons, les
braquages de banque, la participation aux trafics de migrants et d’êtres humains (Nations Unies,
2006).
endettés [qui ne peuvent pas s’acquitter de leurs dettes] aux combattants bénévoles et au voyageur [qui n’a pas ce
qui lui permet d’atteindre sa destination »
57
Selon le rapport du comité de surveillance des Nations Unies (« s’unir contre le terrorisme »),
le groupe AQMI a également recours à des pratiques criminelles pour se financer. Le trafic de
drogue notamment de cocaïne est ainsi de plus en plus utilisé par le groupe, qui génère des
revenus en prélevant des taxes en échange de sa protection. D’après le rapport « World Atlas
of illicit flows, 2018 », ce mode de financement est aujourd’hui privilégié par le groupe, qui
continue dans une moindre mesure à pratiquer des enlèvements contre rançons.
A titre illustratif, pour le cas du Burkina Faso, il est ressorti des entretiens au niveau du pôle
judiciaire du tribunal de grande instance de Ouagadougou spécialisé sur la lutte contre le
terrorisme, que les attaques de Ouagadougou du 2 mars 2018 à l’état-major général des armées
et à l’ambassade de France ont été précédées de vols à mains armées de boutiques orange money
et de caisses populaires par les auteurs.
L’autofinancement du terrorisme pourrait aussi s’analyser dans le fait pour certains terroristes
d’utiliser des fonds propres pour financer leurs activités terroristes. Dans cette hypothèse, il
pourrait s’agir de « noircissement de fonds » à l’opposé du blanchiment de capitaux. Il est
question ici de fonds d’origine licite utilisés pour financer une activité criminelle. Ainsi, au
Burkina Faso, l’exploitation des sites aurifères procure aux terroristes d’énormes sources de
financement de leurs activités criminelles.
Il est ressorti des entretiens avec les structures spécialisées dans le cadre de cette étude que les
potentielles sources de financement des attaques terroristes dans le Sahel en général et en
particulier au Burkina Faso sont constituées pour la plupart d’activités criminelles telles le vol
de bétail, le braconnage, le trafic de drogues. Dès lors, lutter contre la criminalité, c’est lutter
contre le terrorisme et suivre les traces de l’argent est un très bon moyen d’identifier et de
neutraliser les terroristes.
58
V. RECOMMANDATIONS
La loi portant création des pôles judiciaires spécialisés a confié au pôle anti-terroriste la
répression du financement du terrorisme et au pôle économique et financier, la répression de la
criminalité transnationale organisée. Pour une lutte efficace contre ces fléaux, il serait bien de
relire les lois sur les pôles et confier au pôle anti-terrorisme qui a une compétence nationale, la
répression du financement du terrorisme et la criminalité transnationale organisée. Car la
plupart du temps, les terroristes financent leurs actions à partir du produit de la criminalité
transnationale organisée.
Le ministère en charge de la justice devrait travailler à vulgariser les lois portant création des
pôles qui semblent méconnues par bon nombre d’acteurs judiciaires. Certains acteurs pensent
que la répression des actes de terrorisme relève exclusivement de la compétence du pôle anti-
terroriste. En réalité le pôle anti-terroriste n’a pas une compétence exclusive, mais préférentielle
dans la répression des actes de terrorisme. C’est donc dire que les autres juridictions pourront
connaitre des affaires ne présentant aucune complexité.
Ce qui pourra réduire les charges au niveau de ce pôle qui ne traitera alors que de grosses
affaires.
La structure économique des pays de l’UEMOA est caractérisée par une prédominance du
secteur informel, secteur dans lequel, l’utilisation de l’espèce et du cash dans les transactions
59
financières est prédominante. Cette situation constitue un obstacle majeur dans la lutte contre
le blanchiment de capitaux et financement du terrorisme. Ainsi, le dispositif de LBC/FT doit
aussi s’adapter à cette réalité.
La loi relative à la LBC/FT a mis des obligations à la charge de certains professionnels. Il s’agit
de l’obligation d’identification de leurs clients et de l’obligation de déclaration d’opérations
suspectes. Cependant, aucun mécanisme de contrôle n’a été prévu par la loi. En effet, certains
assujettis ne font presque jamais de déclaration d’opérations suspectes. Ce sont essentiellement
les Etablissements Professionnels Non-Financiers Désignés (EPNFD) tels que les avocats, les
notaires, les experts comptables, les huissiers de justice. Alors qu’il y a de fortes probabilités
que des opérations suspectes aient pu avoir lieu auprès de ces établissements. Ainsi, un
mécanisme de contrôle permettra de vérifier cela.
La loi n° 040-2019/ AN du 29 mai 2019 portant code de procédure pénale prévoit de nouvelles
techniques d’enquêtes. Il s’agit entre autres, pour les enquêteurs et les juges d’instruction de
pouvoir mettre des suspects sous écoute, intercepter leurs communications et capter des images.
Il se déduit clairement que la mise œuvre de ce type d’enquête demande un équipement adéquat
et un personnel qualifié.
60
b) Doter la CENTIF d’un outil performant d’analyse des Déclarations d’Opérations
Suspectes (DOS) notamment un logiciel informatique d’analyse permettant d’effectuer
des recoupements, des extractions et d’autres traitements automatisés des DOS et des
Déclarations Systématiques de Transactions en Espèce (DSTE) qu’elle reçoit. Le
recours aux nouvelles technologies numériques (Big data et intelligence artificielle) par
la CENTIF pourrait apporter une solution efficiente.
61
5.3. Recommandations transversales
a) Donner des moyens conséquents aux acteurs intervenant directement dans la lutte
contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC/FT) notamment en
ressources humaines, matérielles et financières ;
b) Donner une formation supplémentaire à tous les acteurs des enquêtes et poursuites,
en l’occurrence les agences chargées des enquêtes, des poursuites et de l’instruction sur la
manière d’utiliser les renseignements financiers pour faire avancer leurs enquêtes ;
c) Elaborer une ligne directrice en matière de gel, saisie et confiscation pour garantir
le respect de l'objectif national consistant à se focaliser sur la confiscation des produits
du crime ;
d) Renforcer les capacités des agents du fisc et des douanes sur l'importance de
confisquer tous les produits du crime et de mener des enquêtes financières à la suite
de saisies. Cette formation permettra de diminuer le risque de blanchiment et de
financement du terrorisme ;
e) Mettre en place d’une structure chargée d’exécuter les peines d’amende et de suivi
des biens ou sommes d’argent confisqués. En effet, après les condamnations à des peines
d’amende prononcées par les juridictions, il n’existe aucune structure chargée de recouvrer
ces amendes. Ce qui laisse toujours des sources de financement du crime aux délinquants,
notamment les terroristes ;
62
h) Mettre en place un régime de sanctions approprié par l’autorité de régulation des
communications électroniques et des postes (ARCEP) pour s'assurer que les opérateurs
de transferts de fonds par téléphone mobile respectent effectivement les normes de lutte
contre le financement du terrorisme en vigueur, notamment en ce qui concerne les transferts
de fonds électroniques ;
j) Procéder à une évaluation nationale spécifique des risques des organismes à but non
lucratif et l’opérationnalisation du registre les concernant.
63
Donner les moyens opérationnels aux acteurs Gouvernement Court terme
intervenant directement dans la LBC/FT,
notamment en ressources humaines et financières.
Créer un cadre de concertation et de coopération Gouvernement Moyen terme
entre les acteurs impliqués directement dans la
LBC/FT.
Désigner les autorités chargées du contrôle de Ministère de l’économie, Moyen terme
l’application des exigences de LBC/FT au niveau des finances et du
des EPNFD qui sont dotées de pouvoirs suffisants développement
de contrôle et de sanctions.
Doter la CENTIF d’un outil performant d’analyse Ministère de l’économie, Court terme
des Déclarations d’Opérations Suspectes. des finances et du
développement
Donner une formation supplémentaire à tous les Gouvernement Moyen terme
acteurs des enquêtes et poursuites.
Elaborer une ligne directrice en matière de gel, Ministère de la justice et Moyen terme
saisie et confiscation. Ministère de l’économie,
des finances et du
développement
Former les agents du fisc et des douanes sur Ministère de l’économie, Moyen terme
l'importance de confisquer tous les produits du des finances et du
crime. développement
Mettre en place une structure chargée d’exécuter les Ministère en charge de la Court terme
peines d’amende et de suivi des biens ou sommes justice
d’argent confisqués.
Rehausser le niveau de bancarisation en Gouvernement Moyen terme
sensibilisant les institutions financières et les
populations, en vue de réduire la manipulation
d’argent en espèce et d’élever le niveau de contrôle
à travers les banques.
Améliorer l’implication des ordres professionnels Gouvernement Moyen terme
dans le processus de lutte contre le blanchiment de
64
capitaux et le financement du terrorisme en les
érigeant en organismes d’autorégulation ;
Mettre en place un régime de sanctions approprié ARCEP Court terme
par l’Autorité de Régulation des Communications
Electroniques et des Postes (ARCEP) pour s'assurer
que les opérateurs de transferts de fonds par
téléphone mobile respectent effectivement les
normes de lutte contre le financement du terrorisme
en vigueur, notamment en ce qui concerne les
transferts de fonds électroniques.
Initier et intensifier des campagnes d’information et Gouvernement Court terme
de sensibilisation à l’endroit de la population pour
lutter contre le blanchiment de capitaux et le
financement du terrorisme.
Procéder à une évaluation nationale spécifique des MINEFID Court terme
risques des organismes à but non lucratif et
l’opérationnalisation du registre les concernant.
Renforcer les capacités de l’Agence nationale de Gouvernement Court terme
renseignement (ANR).
Donner des moyens conséquents (humains, Gouvernement Court terme
matériels et financiers) et un dispositif sécuritaire
efficace aux acteurs judiciaires pour leur permettre
de procéder au jugement effectif des dossiers sur le
terrorisme en instruction.
Renforcer les échanges d’informations entre les Gouvernement Court terme
FDS, les autorités de répression, l’Agence nationale
de renseignement (ANR) et la CENTIF dans le
traitement des cas des actes terroristes.
Source : CES, 2020
65
CONCLUSION
L’étude a utilisé une démarche essentiellement qualitative axée sur des entretiens avec des
parties prenantes clés du dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement
du terrorisme et aussi des outils d’analyse tels que la matrice Forces Faiblesses Opportunités
Menaces (FFOM). Les entretiens ont ainsi permis d’explorer l’ampleur du phénomène au
Burkina Faso, d’analyser les tendances et de discuter des enjeux économiques et sociaux. La
revue de la littérature récente sur le sujet, complétée par les entretiens, ont permis également de
mettre en exergue les potentielles sources de financement du terrorisme dans l’UEMOA et au
Burkina Faso en particulier.
66
En somme cette étude a permis de comprendre et de mesurer l’ampleur et les enjeux d’un
phénomène aussi préoccupant qu’est la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement
du terrorisme et de faire ressortir les implications possibles dans la perspective d’élaboration
de stratégies de lutte.
67
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II
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terrorisme : quels enjeux face au secteur informel en Afrique de l’Ouest ? Editions
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Saharan Africa: The role of instability risks, Economic Systems, Volume 44, Issue 2, June 2020,
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Sönmez S. (1998), Tourism, terrorism and political instability Annals of Tourism Research,
25 (2) (1998), pp. 416-456.
III
ANNEXES
IV
Elaboration d’instructions dans le cadre de la mise en
Conseil Régional de l’Epargne Public et des œuvre des lois et règlement relatifs à la LBC/FT en
Marchés Financiers-(CREPMF) matière de titres et valeurs : supervision, contrôle et
sanctions administratives et disciplinaires.
V
Autorité administrative indépendante, chargée de
veiller au respect des données à caractère personnel,
notamment en informant toutes les personnes
Commission de l’informatique et des libertés concernées de leurs droits et obligations et en
contrôlant les applications de l’informatique aux
traitements des données à caractère personnel.
VI
Le suivi des organismes de coopération en matière
d’assurance.
Le contrôle de l’application de la réglementation
régissant les systèmes financiers décentralisés ;
Direction de la surveillance et du contrôle des
L’instruction des demandes d’autorisation d’exercice
systèmes financiers décentralisés (DSC/SFD)
des activités en qualité de SFD ;
L’appui institutionnel et le suivi des institutions de
micro finance ;
Direction Générale du Trésor et de la Comptabilité
Veiller à la viabilité du système financier national
publique (DGTCP)
VII
L’élaboration de la typologie des infractions et des
courants de fraudes ;
La poursuite des infractions douanières devant les
tribunaux ;
Direction de la Police Judiciaire (DPJ) Organisation, coordination et contrôle des activités de
police judicaire ;
Lutte contre la grande criminalité et la criminalité
transnationale ;
Contribution au renforcement de la coopération
policière en matière de police judiciaire
Encadrement et formation continue du personnel
policier en police judiciaire
Direction Régionale de la Police Nationale Application dans les régions de police des directives
données en matière de sécurité par la Direction
Générale de la Police Nationale ;
Conception et mise en œuvre de la stratégie de lutte
contre l’insécurité dans la région sous le contrôle de la
Direction Générale de la Police Nationale.
Direction Générale de la Justice Pénale et du Sceau Elaboration et suivi de la mise en œuvre de la politique
(DGJPS) pénale
Mise en œuvre de la coopération internationale, des
conventions et des normes en matière pénale
Direction Générale des Affaires Juridiques et Assure la conception et le suivi de l'organisation, de la
Judiciaires (DGAJJ) surveillance et de la discipline des auxiliaires de justice
soumis à la réglementation spécifique de certains
services professionnels
Direction Générale des Etudes et Statistiques Centraliser les données, les traiter, produire des
Sectorielles statistiques sectorielles et les diffuser.
Direction des Organisations et Associations de la Recevoir les demandes de déclaration d’existence des
Société Civile associations à caractère national et en délivrer les
récépissés.
VIII
Recevoir les demandes d’autorisation d’exercer et de
renouvellement d’autorisation des associations
étrangères et des fondations et en délivrer les actes y
relatifs ;
Renforcer le partenariat entre l’Etat et les organisations
de la société civile ;
Renforcer les capacités des organisations de la société
civile ;
Assurer le suivi des organisations de la société civile.
Direction des Affaires Politiques et des Opérations Assurer la reconnaissance et le suivi des partis
Electorales politiques ;
Assurer le financement des partis et formations
politiques
Direction des Affaires Coutumières et du Culte Recevoir et traiter les dossiers des associations
cultuelles et cultuelles ;
Assurer le suivi des associations cultuelles ;
Promouvoir le dialogue inter-religieux.
Direction Générale des Libertés publiques et des Veiller à un meilleur exercice des libertés publiques ;
Affaires Politiques (DGLPAP) Surveiller et contrôler les OBNL y compris en matière
de LBC/FT
Adoption des lois et règlements relatifs à LBC/FT,
Etat Burkina Faso (Présidence du Faso, Assemblée
transposition des directives communautaires ;
Nationale, Gouvernement)
Désignation de l’Autorité chargée du gel des avoirs
dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
Haute autorité de Contrôle des Importations Elaborer les certificats de destination finale (CDF) et
d’Armes et de leur Utilisation (HACIAU) d’utilisation finale (CUF)
Contrôler les importations d’Armes (HACIAU)
Contrôle des services financiers, fiscaux et comptables
de l’Etat, des collectivités territoriales et de manière
Inspection générale des finances générale toutes les structures qui reçoivent, détiennent
ou gèrent des deniers publics.
IX
Inspections techniques des Services (Douanes, Organisation et exécution des missions de contrôle des
Trésor, Impôts) services ;
Contrôle interne des services ;
Mise en œuvre des stratégies de lutte contre la
corruption ;
Audits organisationnels et fonctionnels des structures ;
Mise en place et suivi du dispositif de maitrise des
risques.
Inspection Technique des Services (ITS) Organisation et exécution des missions de contrôle des
services ;
Mise en œuvre des stratégies de lutte contre la
corruption ;
Audits organisationnels et fonctionnels des structures ;
Ministère chargé de la Sécurité (MSECU) : Chargé de la protection des personnes et des biens, de
la sureté des institutions, du respect de loi et du
maintien de la paix et de l’ordre public.
Ministère chargé de la défense (MDAC) : Chargé de la protection des personnes et des biens, de
Etat-major de la Gendarmerie Nationale (EMGN) la sureté des institutions, du respect de loi et du
maintien de la paix et de l’ordre public.
Défense opérationnelle du territoire
Ministère chargé de la justice (MJDHPC) : Assurer la mise en œuvre et le suivi de la politique du
gouvernement en matière de justice, des droits
humains et du civisme.
X
Ministère de l’Administration Territoriale et de la Mettre en œuvre et suivre la politique du
Décentralisation (MATD :) Gouvernement en matière d’administration du
territoire et de décentralisation.
Ministère des Affaires Etrangères et de la Assure la mise en œuvre et le suivi de la politique
Coopération Régionale (MAEC) étrangère du Burkina Faso ainsi que de la politique du
gouvernement en matière de coopération régionale ;
Assure la coordination, la négociation, la signature et
le suivi de la mise en œuvre des accords-cadres de
coopération internationale ;
Prépare les instruments de ratification des traités et
accords internationaux et leur conservation.
Tribunaux et Pôles judiciaires Spécialisés Connaître des affaires de criminalité économique et
financière et de crime organisé ainsi que des actes liés
au terrorisme ;
Assurent la répression des infractions sous-jacentes, du
BC et du FT
Secrétariat permanent de l’initiative pour la Coordination et suivi de la mise en œuvre de l’initiative
transparence des industries extractives (SP/ITIE) pour la transparence des industries extractives au
Burkina Faso.
XI