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QUAND L'ÉCRIT FAIT TAIRE LES CRIS.

POUR UNE CLINIQUE


PARTICULIÈRE DE L'ORALITÉ DANS LA DÉMENCE

Ophélie Engasser

Érès | « Cliniques »

2013/2 N° 6 | pages 145 à 159


ISSN 2115-8177
ISBN 9782749239170
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https://www.cairn.info/revue-cliniques-2013-2-page-145.htm
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© Pierre-Georges Despierre

« L’oralité est une fonction qui déborde le champ de l’alimentation


et concerne l’usage de la parole. Le travail d’écriture proposé en atelier
peut constituer un barrage à l’excès de jouissance pulsionnelle qui envahit
le corps, dont l’émanation vocale se matérialise dans le cri. »
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Quand l’écrit
fait taire les cris.
Pour une clinique
particulière de l’oralité
dans la démence
Writing instead of screams.
For a particular clinical practice of orality
in dementia

ophélie Engasser

Ophélie
Engasser,
psychologue
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clinicienne,
attachée
temporaire
d'enseignement
et de recherche à
l'université Nice
Sophia-Antipolis,

L
« Le cri fait le gouffre où le silence se rue 1. » Laboratoire
interdisciplinaire
récits, cultures et
e cri désigne une émission de voix forte et inarticulée, sociétés,
LIRCES/EA-3159.
permettant d’être entendu. Il se substitue donc à la parole 1. J. Lacan,
Le Séminaire,
comme moyen d’expression. En 1658 déjà, le philosophe Livre xII (1964-
1965), Problèmes
T. Hobbes 2 décrivait le cri comme une absence de langage. Ce cruciaux pour la
fait présente d’ailleurs un substrat au niveau cérébral : en effet, psychanalyse,
inédit.
la stimulation électrique des aires situées symétriquement à 2. T. Hobbes, De
homine. Traité de
l’avant et à l’arrière de la scissure de Rolando provoque un cri l’homme (1658),
involontaire chez le sujet (une longue voyelle traînante), Paris,
A. Blanchard,
associé à un arrêt du langage parlé. Lorsque nous parlons, la 1974.

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Cliniques 6

voix comme support organique de la communication est


masquée par la signification, et le sens refoule le son. Selon
G. Pommier, « nous n’entendons plus la musique des phrases,
pour prêter attention à ce qu’elles cherchent à dire 3 ». Mais
lors d’une impasse subjective où le sens excède les capacités
d’élaboration, la parole s’efface subitement derrière la voix qui
laisse entendre le son de son cri perçant.

AU COMMENCEMENT ÉTAIT LE CRI

3. G. Pommier,
Qu’est-ce que le
À l’aube de la vie, d’après f. Villa, « la pulsion sexuelle, faute
« réel » ? (2000), de voie spécifique prédéterminée, ne peut que s’engouffrer
Toulouse, érès,
2004, p. 20. dans toutes les voies collatérales qui s’offrent à elle, et en
4. f. Villa, particulier dans celles qui servent à la conservation de la
« Le corps sans
organe et vie 4 ». L’une des premières voies parallèles qui sera
l’organe
hypocondriaque », centralement investie est la zone orale ou muqueuse bucco-
Champ pharyngienne. L’excitation se voit projetée vers cette sorte de
psychosomatique,
n° 44, 2006, pseudopode que constitue la bouche où la tension se
p. 33-46.
5. M.-f.
concentre jusqu’à se dédoubler en cri, en hurlement jeté au
Castarède, loin. La bouche pleine de libido devient alors une zone
« Les notes d’or
de sa voix psychiquement investie, qui gardera pour le sujet une
tendre », revue fonction prévalente.
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française
de psychanalyse, L’oralité, qui est liée aux plaisirs de la bouche, est donc loin de
n° 65, 2001,
p. 1657-1673. recouvrir la seule sphère alimentaire. Son champ pulsionnel
6. L’enjeu du est en réalité beaucoup plus vaste : il passe également par la
refoulement
originaire serait voix émise et entendue (Castarède, 2001 5).
de mettre
à l’écart de Le cri signe dès lors l’acte de naissance de l’être qui fait le choix
la sphère de l’existence. Proféré par l’infans, étymologiquement « celui
consciente
les incitations qui ne parle pas », il porte en lui toute cette détresse
pulsionnelles
liées à la
primordiale et se fait effort de survie. Exister ne va
signification effectivement pas de soi, et dans les limbes de la subjectivité,
phallique,
c’est-à-dire l’existence se constitue à partir d’un mouvement hypothétique
l’identification
du sujet
que S. freud postule comme étant le refoulement originaire,
au phallus soit ce rejet au-dehors de la signification phallique 6. Cette
manquant
de la mère, qui opération conditionne l’accès au langage, qui autorisera par la
équivaudrait suite le refoulement proprement dit. L’enfant qui refoule le son
à l’annihilation
du sujet. accède à la parole, et scelle sa naissance subjective. La

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discontinuité des mots est taillée par la langue dans le son


continu de la voyelle. En même temps qu’il parle, le sujet
sacrifie son corps pulsionnel, et son désir se sexualise à mesure
qu’il s’éloigne de la jouissance. La bouche devient à la fois
l’instrument de la jouissance et de son refoulement. En effet, la
jouissance du corps étant devenue impossible, celle-ci se
déplace dans la jouissance du sens des phrases et sera
désormais inter-dite.

LE CRI EN INSTITUTION GÉRONTO-PSYCHIATRIQUE

Les cris résonnent quotidiennement dans les couloirs des


établissements gériatriques : 10 à 30 % des patients seraient
concernés par cette problématique. Les hurlements sont bien
souvent à l’origine d’un épuisement tant du patient lui-même
que de son entourage (les autres patients, les soignants, les
familles, etc.). Ce comportement désarçonne totalement le
corps soignant dont les interventions se révèlent fréquemment
impuissantes à le faire cesser. Le cri provoquera finalement la
fuite de ceux qu’il tente précisément d’attirer à lui. Il présente
en effet cela d’inquiétant qu’il est justement hors sens pour celui
qui l’entend, et fait écho à ce qu’il y a de plus archaïque en lui.
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Dans l’« Esquisse d’une psychologie scientifique », S. freud
affirme que quand l’autre crie, « le sujet se souvient de ses
propres cris et revit ses propres expériences douloureuses 7 ».
Communément appelé « trouble » du comportement, compor-
tement perturbateur, ou encore comportement moteur
aberrant, le cri vient troubler le calme de l’institution et de ses
occupants. Il est cet insupportable éclat de voix qui détone à
travers l’univers intersubjectif, qui décompose et déstructure le 7. S. freud,
bruit environnant. « Esquisse d’une
psychologie
Car la voix n’est pas seulement cet objet sublime, comme le scientifique »,
dit J.-M. Vives 8, elle convoque toujours avec elle son envers dans Naissance
de la psychanalyse
diabolique matérialisé dans le cri. L’auteur donne l’exemple (1895), Paris, Puf,
2005, p. 348.
de la diva dont le ratage d’une note aiguë bascule 8. J.-M. Vives,
immédiatement vers le cri et provoque un effet catastrophique La voix sur
le divan, Paris,
sur le spectateur, effet que ne produit pas la fausse note du Aubier, 2012.

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pianiste ou le faux pas du danseur. Le cri entraîne donc des


réactions contre-transférentielles très intenses : il flirte avec
l’horreur, la douleur, voire la haine. Prenant naissance dans le
corps de l’autre, il saisit celui qui l’entend et le menace en
éveillant le souvenir de ses cris anciens. Il se marque du sceau
de l’inquiétante étrangeté, cet étrange familier qui « coïncide
tout bonnement avec ce qui suscite l’angoisse en général 9 »,
souligne S. freud.

L’ExPÉRIENCE DÉMENTIELLE : QUAND LE CORPS ENCOMBRE


9. S. freud,
« L’inquiétante
UN MONDE DÉSERT
étrangeté »,
dans L’inquiétante
étrangeté et autres La démence 10 est une affection neurologique évolutive qui
essais (1919), conjugue désastre cognitif et catastrophe existentielle. Aussi,
Paris, Gallimard,
1985, p. 213-214. l’atteinte cérébrale s’accompagne toujours d’un vécu subjectif
10. Sous le terme
de démence, qui explique le caractère singulier des réactions que l’on
nous entendons observe. D’abord caractérisée par une défaillance de la
toutes les
affections neuro- mémoire et de l’orientation, la maladie touche rapidement
dégénératives
telles que
d’autres sphères de la vie cognitive et psychique, notamment
la maladie les processus langagiers, allant jusqu’à détruire, selon
d’Alzheimer et
les démences A. Quaderi, « les fondements mêmes de la psyché 11 ». Dans
qui lui sont les stades sévères de la démence, le sentiment absolu
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apparentées.
11. A. Quaderi, d’existence que f. Hegel 12 déduit de la certitude sensible est
« Mémoire et
souvenir dans fondamentalement altéré chez le sujet. Du fait de
la clinique l’émoussement sensoriel associé aux atteintes cognitives, le
du dément »,
Cliniques malade se voit peu à peu déconnecté du fil de la réalité, ce qui
méditerranéennes,
n° 79, 2009, le conduit à une perte progressive de la continuité d’être.
p. 79-90. À partir de 1920 dans l’« Au-delà du principe de plaisir 13 »,
12. f. Hegel,
Phénoménologie S. freud introduit la dialectique d’Éros et de Thanatos,
de l’esprit (1807),
Paris,
dénominations mythologiques des deux tendances dont le
flammarion, perpétuel affrontement sous-tend toute existence humaine :
2012.
13. S. freud, la pulsion de vie et d’amour (Éros), et l’instinct de mort et de
« Au-delà
du principe
destruction (Thanatos). Là où Éros unit, Thanatos chercherait
de plaisir », à dissocier et annihiler. Cette vectorisation de l’existence
dans Essais
de psychanalyse caractérise bien l’épreuve démentielle, et le symptôme du
(1920), Paris, dément, dont le cri représente l’un des avatars, en serait le
Payot et Rivages,
2001. produit final.

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S. freud disait de la pulsion de mort qu’elle est cette étrange


pulsion « qui s’occupe de la destruction de son propre foyer
organique14 ». Dans la démence, sa violence anéantit les
bordures du moi et du corps, qui sont structurés selon une
logique analogue de surface. La subversion des limites du moi
provoque pour le sujet un effacement de ce qui pourrait
donner consistance à son identité. Aussi, si le moi se délite, la
spatialité de l’enveloppe corporelle vacille à son tour. Par
ailleurs, le moi, qui ne peut plus se soutenir de la fonction
nouante du langage, perd progressivement sa force de
refoulement, et dévoile les enjeux archaïques d’un corps
pulsionnel que le sujet avait eu tant de mal à pacifier. Le
déferlement pulsionnel ne se trouve plus endigué par aucune
limite, et lorsqu’il n’y a plus que du corps, celui-ci s’abandonne
à une jouissance démesurée qui tient le sujet au plus près de
l’angoisse d’anéantissement.
Le phénomène d’étrangeté serait apte à témoigner de cette
fragilité des frontières. Une telle dissonance du moi et du
corps est retrouvée dans le malaise existentiel du héros
kafkaïen de La métamorphose 15, qui se réveille un matin dans le
corps monstrueux d’un cafard. Cette transformation
bouleverse radicalement le rapport de l’être au monde : le
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corps nouveau se voit totalement inapte à interagir avec son
14. S. freud,
environnement, tant il est devenu étranger à lui-même. « Angoisse et vie
L’impossibilité d’articuler toute demande, du fait de la parole pulsionnelle »
(1933), dans
manquante, fera disparaître un Autre qui avait d’abord tenté Nouvelles
conférences
de se montrer secourable, et à défaut d’être reçue, cette d’introduction
demande restera « lettre morte ». Ce trop-plein d’un corps jeté à la psychanalyse,
Paris, Gallimard,
dans un monde vide précipitera le héros dans la mort. 1984, p. 143.
15. f. Kafka,
Dans Le Horla de G. de Maupassant 16, le corps devenu hostile La métamorphose
est si pesant qu’il s’incarne dans la figure surnuméraire d’un (1915), Paris,
Gallimard, 2000.
double anéantissant, à moins que ce double ne soit justement 16. G. de
la seule garantie du moi contre sa propre disparition. Maupassant,
« Le Horla »,
Cette situation douloureuse rappelle ce que certains auteurs dans Le Horla et
autres nouvelles
décrivent à partir de l’expérience prototypique du nourrisson (1886), Paris,
qui ressent la frustration d’une zone érogène. Ses manifestations Librairie
générale
corporelles sont alors purs reflets de cet état de détresse française, 1984.

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impensable, en ce temps originaire où la parole n’est pas en


mesure de formuler la demande. Cet état d’impuissance est
décrit par S. freud sous le terme d’Hilflosigkeit, et par
D.W. Winnicott sous le concept d’agonie primitive 17. Si elle n’est
pas devinée par l’autre, l’angoisse abyssale fait tendre le sujet
vers un effondrement qui lui serait fatal.

DU NÉANT À L’ÊTRE, IL N’Y A QU’UN CRI

Pourtant, depuis ce gouffre sans fond dans lequel la


destructivité plonge le malade, une force en lui l’incite à
s’autoconserver. Aussi, le cri serait l’écho de l’angoisse du
non-être, et cette mise en acte de l’affect dans le corps serait
une manière de combler un vide de pensée et de s’assurer une
continuité d’existence par la recherche de sensations. En
hurlant, le dément s’emploie à recréer un sentiment d’être :
l’onde vibratoire des cordes vocales s’installe dans le corps
tout entier et engendre un effet autostimulant. Le non-sens
17. D. W.
induit par la perte du langage se transformerait en un
Winnicott, comportement de décharge motrice qui se concentrerait en un
« La crainte de
l’effondrement », cri (Quaderi, 2009 18). Celui-ci permettrait au sujet dément
dans La crainte d’évaluer sa propre réalité dans la réalité du monde et de
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de l’effondrement
et autres situations répondre à la question : « Est-ce que j’existe ? » Dans le cri, la
cliniques, Paris,
Gallimard, 2000. voix possède un caractère homothétique à la pulsion, celui
18. A. Quaderi, d’une projection hors de soi. Elle émane du corps et emprunte
« Mémoire et
souvenir dans la voie dont le sujet s’était d’abord séparé comme organe pour
la clinique
du dément », se constituer (Lacan, 1964 19). La jaculation sonore se fait plaisir
op. cit. vocal, dans lequel la pulsion trouve une voie d’accès vers
19. J. Lacan,
Le Séminaire, l’extérieur avant de boucler son circuit vers le pavillon de
Livre xI (1963-
1964), Les quatre
l’oreille. La jouissance vocalique devient alors la seule issue
concepts au pulsionnel, le sujet expulsant littéralement sa pulsion. En
fondamentaux de
la psychanalyse, hurlant, le dément s’entend vivre et se sauve comme il peut.
Paris, Le Seuil,
1973.
Le cri pourrait également revêtir cette fonction d’appel à l’autre
20. S. freud, que S. freud lui attribue dès l’Esquisse : il aura alors pour
« Esquisse d’une
psychologie vocation d’attirer vers lui le prochain (Nebenmensch) qui se fait
scientifique » témoin secourable 20. Le cri est d’ailleurs associé à l’appel par
(1895), op. cit.,
p. 376. étymologie : du latin quiritare, le cri désigne avant tout un appel

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au secours, il a pour vocation d’être entendu. Car à l’instar du


cri inaugural, il ne prend sa valeur d’appel que d’être entendu
par un autre et interprété comme tel, ce qui fera de ce premier
cri-appel le paradigme de toutes les demandes ultérieures. Le
désir de l’Autre va rendre le sujet « invocant 21 » en l’appelant à
être. Selon J.-M. Vives, « l’interprétation signifiante du cri voile 21. Invocare en
la dimension réelle de la voix à laquelle le sujet se rendra sourd latin renvoie
à la dimension
pour accéder au statut de sujet parlant 22 ». Dès lors, le chemin de l’appel.
de la pulsion invocante sera tracé. J. Lacan en fait
un type
Mais lors de toute confrontation à la vacuité, le cri viendra particulier de
pulsion faisant
exprimer, pour J. Hyland « l’insuffisance du mot à dire le intervenir
monde et, de façon plus tragique encore, l’impuissance du sujet la voix.
22. J.-M. Vives,
à signifier l’univers dans lequel il se trouve 23 ». Chez le dément, La voix sur
le divan, op. cit.,
véritable exilé du symbolique, le cri prendrait la forme d’une p. 42.
demande de symbolisation, dans une quête désespérée de sens 23. J. Hyland,
« Mordre la
adressée à l’Autre, trésor des signifiants. Le cri viendrait à la langue. Le cri
place d’un discours de souffrance lorsque le mot ne peut plus comme espace
ultime
exprimer la violence des ressentis. Il serait à envisager comme de révolte »,
dans J. Hyland,
la dernière forme d’appel à l’Autre quand la parole échoue à L. Touaf et
formuler la demande et que le corps perd consistance. Lorsque S. Boutkhil (sous
la direction de),
le langage ne fournit plus de trame à la pulsion, la parole de La violence à
l’œuvre,
l’Autre vient border la jouissance débordante du cri. Dans cette
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Montréal,
détresse, l’Autre devient le garant d’une existence qui s’étiole : Cahiers du CELAT
à l’UQAM, 2002.
partant du postulat de l’existence du sujet dans la démence 24. A. Quaderi,
(Quaderi, 2003 24), la parole de l’Autre fait taire la voix et « La
psychanalyse
autorise ce sujet à advenir. au risque de
la démence.
Le cri aurait donc pour le dément cette double fonction de se Le pari pascalien
sentir exister, et d’en trouver une preuve dans l’Autre. Prise dans la clinique
du dément »,
dans cette dialectique de soi à l’Autre, la voix entendue et Cliniques
méditerranéennes,
émise « concrétise un état d’équilibre entre la relation d’objet n° 67, 2003,
et l’autoérotisme », nous dit M.-f. Castarède 25. Mais si le cri p. 33-52.
25. M.-f.
extériorise la brutalité des éprouvés corporels, il ne les calme Castarède,
pas pour autant. Les mots, en revanche, exorcisent toute « Les notes d’or
de sa voix
l’angoisse qui leur est corrélée. tendre », op. cit.

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Cliniques 6

ÉCRITURE VErSUS ORALITÉ : LES (É)CRIS DE LOUIS

Quelle serait la fonction de l’écriture dans l’épreuve


démentielle ? En quoi cette forme spécifique d’investissement
langagier viendrait-elle apaiser le cri ? Nous savons que le
travail d’écriture possède cette fonction de capitonnage qui fait
défaut dans la démence. La jouissance parasitaire du corps se
translate dans le corps des phrases, et l’écrit pourrait ainsi
permettre de nouer ce qui ne l’est pas dans la parole. En quoi
l’écriture viendrait-elle borner l’excès de jouissance pulsionnelle
qui vient coloniser le corps jusqu’à laisser échapper le cri ?
La structure dans laquelle nous exerçons accueille des patients
atteints de pathologies démentielles diverses. Nombreux sont
ceux qui crient. Dans le cadre de notre pratique clinique, nous
tirons parti de la valeur thérapeutique primordiale que la
psychanalyse accorde à l’écriture, en la proposant comme
médiation à la rencontre avec nos patients. Et nous
remarquons que lorsque certains patients crieurs écrivent, ils
ne crient plus.
Comme nous le dit l’adage, « Verba volant, scripta manent »,
« Les paroles s’envolent, les écrits restent ». L’écriture
permettrait de garder des traces là où la parole est précaire.
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Devant le caractère volatil de la parole, la matérialité de
l’écriture permettrait au sujet de figurer sa pensée tout en lui
donnant un rythme. Et lorsque la parole s’avère insuffisante à
se faire entendre, venant entraver la rencontre, l’écriture en tant
que médiation peut être un support de remplacement dans
lequel le langage redevient porteur de sens. L’écriture
endosserait donc ce rôle supplémentaire que n’a pas la parole,
celui de concrétiser les lettres pour ne pas qu’elles s’échappent.
L’écriture dans sa fonction sublimatoire pourrait aussi servir
de cadre aux émergences pulsionnelles en autorisant leur
figuration sous des formes symboliques, entraînant dans un
même mouvement une reconstruction du moi. L’écriture
devient donc un acte salvateur qui entretient un rapport étroit
avec la question existentielle : écrire serait une manière de
témoigner de son passage dans le monde.

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Prenant acte de cette potentialité thérapeutique de l’écriture,


nous avons créé un atelier d’écriture hebdomadaire auprès des
patients de notre structure, associant aux vertus de l’écriture
celles du groupe, qui offre une bordure protectrice au champ
psychique et au corps. Évoquons à présent l’évolution d’un
patient – que nous nommerons Louis – au sein de l’atelier
d’écriture, puis au sein de séances individuelles lorsque sa
présence dans le groupe ne fut plus possible.
Louis participe à quelques séances d’atelier dans le cadre d’un
séjour temporaire. Il prend alors plaisir à écrire des pages
entières dont les souvenirs d’enfance forment la substantifique
moelle. Ses écrits témoignent d’une identité intacte et d’une
bonne orientation dans le temps et dans l’espace. Mais à partir
du jour où il est admis de manière définitive dans le service, il
bascule de manière fulgurante. Ses textes s’appauvrissent,
deviennent répétitifs et incohérents, et Louis ne signe plus ses
écrits. Les frontières du moi ainsi que celles du groupe
deviennent floues. En effet, Louis quitte la salle plusieurs fois
par séance, pour revenir aussitôt. Cette perte des limites
s’inscrit également dans le discours : « J’arrive pas à le faire à
l’envers, dit-il un jour, il faudra que je rentre et que je ferme la
porte. » Le groupe ne réussit progressivement plus à se
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constituer garant des processus identitaires et à contenir
l’angoisse de Louis, qui s’exprime bientôt sur un mode très
répétitif : il demande sans cesse où il va dormir, ce qu’il va
devenir. L’angoisse se fait tellement dévorante que Louis ne
parvient plus à rester dans le groupe : sitôt entré dans la pièce,
il la quitte dans un effroi que l’on peut lire sur son visage. La
pulsion vient saturer le corps, à défaut d’être symbolisée. Ce
moment de vacillement coïncide chez Louis avec un
bouleversement radical de la fonction de son écriture : d’une
écriture de soi, d’une ultime quête d’identité à travers le
souvenir, le travail d’écriture devient pur effort de contenir un
corps trop présent.
Dès lors, Louis commence à déambuler à la recherche
désespérée d’un soignant qui puisse répondre à ses questions,
et l’apaiser devant un sentiment d’exister fugitif. La présence

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de l’autre à ses côtés devient en effet la seule garantie pour


Louis de son existence, par conséquent les appels redoublent
d’intensité, et pire, ils persistent maintenant même en
présence d’un autre à ses côtés. Ne pouvant répondre à une
sollicitation qui de toute évidence ne leur est pas adressée, les
soignants, se sentant impuissants, se réfugient défensivement
dans la fuite, pour les uns, ou dans la haine, pour les autres.
Dans son éternelle imploration, ce patient devient tout entier
irrecevable. Il interpelle sur le mode de l’interjection toute
personne qui passe et s’y agrippe, ce qui semble déjouer une
angoisse de chute, sinon de liquéfaction. À la frontière entre
appel et cri, Louis ne cesse de hurler : « Je vais crever ! », mots
que nous entendons littéralement comme une crainte
d’éclatement, de crevaison de l’enveloppe corporelle, tant la
pulsion déborde et menace l’intégrité de tout son être.
À d’autres moments, un « Je suis mort ! » ajoute un pas vers le
néant. Parfois encore, les variations sur la mort se jouent sur
le thème du besoin vital : « J’ai faim ! », profère Louis en
boucle. Ces mots reflètent-ils un besoin insatiable de combler
un vide intérieur ou alors le pressentiment de l’imminence de
la fin ? Éternel supplicié du corps, Louis profère tout à la fois
son malaise d’exister en même temps que son besoin de se
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sentir être pour ne pas disparaître.
Un jour, Louis tente de témoigner de ses sensations corporelles
anarchiques et dévastatrices qui le poussent à hurler : « Dans
ma tête ça tourne, dit-il, et à l’intérieur [montrant son ventre]
tout fout le camp et à l’extérieur y’a tout qui se mélange. » Ces
ressentis inhérents à la perte des limites mènent le patient à
l’angoisse d’anéantissement, qui se voit métaphorisée dans son
discours par l’idée du souffle : « J’ai peur de perdre mon
inspiration », dit-il. Le souffle lié à l’inspiration viendrait
signifier littéralement l’élan vital, et métaphoriquement l’élan
créateur tout aussi nécessaire à la vie. Devant ces paroles, nous
décidons d’accompagner Louis dans une salle close, à l’abri du
bruit et des mouvements extérieurs. Nous lui tendons une
feuille et un crayon, et commençons à lui « dicter » les éléments
de notre environnement visible et partageable : le jardin par la

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Quand l’écrit fait taire les cris. Pour une clinique particulière de l’oralité…

fenêtre, le soleil qui brille, le vent faisant bouger les arbres, le


bruit du chant des oiseaux, tous ces morceaux devenus épars
que Louis ne parvenait plus à intégrer à sa propre expérience
et qui retrouvent alors une certaine cohérence. À travers
l’écriture, ces éléments se voient nommés et se matérialisent
en toutes lettres sous les yeux du patient. Louis s’apaise, prend
plaisir à se voir capable d’écrire et sourit : il reprend son
souffle. L’acte d’écrire, qui engage le corps et laisse une trace
visible, autorise le retour de Louis à une sensation d’exister
dans son corps, et vient border son champ psychique. La
dénomination se joue ici sur le versant de la nomination :
mettre un nom à tout prix sur le réel brut, sur ce qui ne fait
plus sens. La magie du mot vient faire écran aux innommables
choses, en même temps qu’elle lève le voile sur l’univers
extérieur à soi et rempli d’étrangeté. La signature de l’écrit
permet enfin à la pulsion de sortir de son anonymat.
Cette expérience nous montre que l’écriture pourrait servir de
cadre à une pensée en perdition, permettre une reconstruction
du moi, et du corps disloqué. L’écriture comme trace de ce qui
se perd redonnerait au sujet écrivant sa condition d’être et sa
permanence d’exister, là où la pulsion tente de le néantiser.
G. Pommier 26 envisage l’encre comme la substance méto-
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nymique de l’écriture venant signifier la perte et l’écoulement
du corps, tout comme la retrouvaille de sa consistance. On
voit donc que l’écriture contient et fixe la pulsion, autrement
elle risquerait de fuir en permanence. Cette potentialité de
l’écriture est soutenue par son sens étymologique : du grec
graphein, écrire signifie faire des entailles, graver, ce qui
dialectise la trace indélébile avec le mouvement violent du
geste impliquant le corps. L’écriture engage donc le corps par
sa valeur d’acte même, par la sensorialité liée au geste et par
la matérialité visuelle et sonore des mots (Cadoux, 1999 27). Le 26. G. Pommier,
tracé littéral associé à l’acte engageant le corps autoriserait Naissance et
renaissance
ainsi une retrouvaille de la consistance du corps et de la de l’écriture, Paris,
Puf, 1993.
psyché attaqués par la pulsion. 27. B. Cadoux,
Nous voyons que l’écriture scande, ordonne, opère, clôture… Écritures de
la psychose, Paris,
Elle offre sa mélodie et son rythme au service d’une circulation Aubier, 1999.

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de jouissance qui empêche son débordement. Les lettres se


liguent entre elles pour produire du sens, et apprivoisent la
pulsion. La jouissance hyperbolique du corps trouve une
délivrance dans la jouissance des phrases.
C’est ainsi que nous poursuivons ces séances auprès de Louis,
dès lors que l’angoisse d’effondrement se fait trop bruyante
et se cristallise en hurlement. Mais très vite, la destructivité
inhérente à la progression de la pathologie entrave toute
production écrite. En même temps que Louis perd le langage,
ses appels incessants se transforment en cris inarticulés. La
demande ne pouvant plus être formulée dans l’appel à un
Autre, celui-ci s’évanouit et l’appel devient pur cri, voué à
demeurer irrecevable. Les mots de Louis se désarticulent,
deviennent syllabe, puis simple voyelle répétée à l’infini :
« ôoooo ». Le cri énigmatique constitue ce point vide ouvert à
28. G. Pommier, tous les sens possibles, car celui-ci s’est perdu en même temps
Naissance et
renaissance que les mots (Pommier, 1993 28). Le cri dit tout en même temps
de l’écriture,
op. cit.
qu’il ne dit rien : oxymore joignant plaisir et douleur, il
29. Il suffit exprime la jouissance du son pur, ce son que peut produire
d’observer
les tableaux de un corps pour sa jouissance, lorsque la jouissance des mots
la série des cris s’avère impossible. Quand le trop-plein de sens obture la
de francis Bacon
pour apercevoir signification, la musicalité de la voix dévoile son envers
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une fabuleuse
matérialisation pulsionnel et assouvit le plaisir d’organe.
du cri, pure Dans ces états terminaux de la démence, le retour à la voyelle
expression de
l’horreur. serait une forme de retour à cet illimité de la jouissance
Le peintre se
focalise sur
concomitant à l’échec du refoulement. L’ouverture vocalique
la bouche, cette n’évoque-t-elle pas en effet un illimité que la consonne venait
partie du corps
qui concentre scander ? La voyelle devient métonymie de la pulsion, qui,
le mieux non bornée, se déverse par l’orifice de la bouche béante 29.
l’essence du cri,
comme si le Dans le cri, la voix comme objet pulsionnel se soustrait aux
corps saturé
d’angoisse pouvoirs limitants du langage. La pulsion finit par s’échapper
finissait par par tous les pores d’un corps qui ne parvient plus à la
se réduire à un
simple orifice. contenir.

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Quand l’écrit fait taire les cris. Pour une clinique particulière de l’oralité…

QUAND L’ÉCRITURE ATTEINT SA LIMITE, LE CORPS S’« ORALISE »

Le cas de Louis nous montre que l’investissement langagier


par l’écriture parvient à son point de butée au moment où le
sujet se désarrime du symbolique, en même temps que la
pathologie attaque le corps et finit par entraver le geste
d’écriture lui-même. Selon G. Pommier, l’écriture dans sa force
stabilisatrice assure une liaison, « jusqu’au moment où elle
sera elle-même contaminée par la désagrégation du Verbe 30 ».
Si en parlant le sujet fait naître un clivage entre la jouissance du
corps et celle des mots, il lutte sans relâche par l’opération du
refoulement pour maintenir ce clivage. En entrant dans
l’univers langagier, le sujet s’éloigne de cette jouissance insup-
portable qui équivaudrait à sa disparition, et l’expérience
démentielle a cette particularité de nous faire entrevoir ce qui se
passe chez un sujet lorsque le signifiant déserte le corps : la voix
persiste à se faire entendre dans le cri. Si grâce à la lettre celui-
ci pouvait trouver un espace d’archivage pacifiant, sans elle, le
sujet est en proie directe avec ses pulsions qui envahissent son
corps jusqu’à lui faire perdre sa surface d’inscription. À l’instar
des personnages errants des œuvres de S. Beckett, la
phénoménologie du dément nous révèle combien ces patients
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usent de stratégies pour contenir l’encombrement d’un corps
qui sinon ne tiendrait pas. Mais même dans ce désœuvrement 30. G. Pommier,
sans fin, chez S. Beckett ça continue de parler, signe de la « Du langage
d’organe
dépendance éternelle du sujet à l’égard du symbolique. C’est à l’amour du
Nom : le point
cette aliénation qui fait précisément dire à l’innommable : nœud du
« Cependant je suis obligé de parler. Je ne me tairai jamais. transfert dans
les psychoses »,
Jamais 31. » Dans ce tableau, l’Autre en tant qu’il incarne l’ultime La clinique
cordon reliant le sujet dément au symbolique détient une place lacanienne, n° 15,
2009, p. 115-134.
importante : il se doit d’entendre le cri qui sinon choit en même 31. S. Beckett,
L’innommable,
temps que son auteur. Dans l’absurdité d’un monde que le mot Paris,
rate à nommer, la parole de l’Autre devient le dernier rempart Les Éditions
de Minuit, 1953,
contre le non-être. p. 8.

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BIBLIOGRAPHIE

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CADOUx, B. 1999. Écritures de la psychose, Paris, Aubier.
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de psychanalyse, n° 65, p. 1657-1673.
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Paris, Payot et Rivage, 2001.
fREUD, S. 1933. « Angoisse et vie pulsionnelle », dans Nouvelles conférences
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révolte », dans J. Hyland, L. Touaf et S. Boutkhil (sous la direction de), La
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LACAN, J. Le Séminaire, Livre xII (1964-1965), Problèmes cruciaux pour la
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POMMIER, G. 2004. Qu’est-ce que le « réel » ?, Toulouse, érès.
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du transfert dans les psychoses », La clinique lacanienne, n° 15.
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pascalien dans la clinique du dément », Cliniques méditerranéennes, n° 67.
QUADERI, A. 2009. « Mémoire et souvenir dans la clinique du dément »,
Cliniques méditerranéennes, n° 79.
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VIVES, J.-M. 2012. La voix sur le divan, Paris, Aubier.
WINNICOTT, D. W. 2000. « La crainte de l’effondrement », dans La crainte de
l’effondrement et autres situations cliniques, Paris, Gallimard.
Résumé
Ce texte a pour vocation d’explorer une modalité spécifique de l’oralité chez
le patient dément. L’oralité est en effet une fonction qui déborde le champ
de l’alimentation et concerne l’usage de la parole. Nous proposons d’étu-

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Quand l’écrit fait taire les cris. Pour une clinique particulière de l’oralité…

dier l’un des comportements les plus courants dans les institutions géria-
triques, le cri, à considérer comme une expression de la voix résultant de
la perte du langage à un stade évolué de la pathologie démentielle. Nous
souhaiterions confronter cette forme particulière d’« oralisation » au travail
d’écriture proposé en atelier, et montrer en quoi l’écrit pourrait constituer
un barrage à l’excès de jouissance pulsionnelle qui envahit le corps, dont
l’émanation vocale se matérialise dans le cri.
mots-clés
Démence, cri, écriture, langage, jouissance, pulsion.
abstract
This paper aims to explore a specific modality of orality in demented patients.
orality is indeed a function that goes beyond the field of food and concerns the use
of speech. We offer to study one of the most common behaviours in geriatric institu-
tions, screaming, be regarded as an expression of the voice resulting from the loss of
language at an advanced stage of dementia. We shall confront this particular form
of « oralisation » with the writing work proposed during a workshop, and show how
writing could be a barrier to excessive drival pleasure which invades the body, and
whose vocal emanation is materialized by the scream.
Keywords
Dementia, scream, writing, language, pleasure, drive.
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