Vous êtes sur la page 1sur 19

La Guerre et la Crise de la fiction: De la "fictionnalisation" de l'Histoire à la

"factualisation" de la fiction dans quelques romans africains


Author(s): Karel Plaiche
Source: Nouvelles Études Francophones , AUTOMNE 2014, Vol. 29, No. 2 (AUTOMNE
2014), pp. 42-59
Published by: University of Nebraska Press

Stable URL: https://www.jstor.org/stable/24773052

JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide
range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and
facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org.

Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at
https://about.jstor.org/terms

University of Nebraska Press is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend
access to Nouvelles Études Francophones

This content downloaded from


197.1.139.85 on Tue, 27 Oct 2020 09:51:58 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
La Guerre et la crise de la fiction
De la "fictionnalisation" de l'Histoire à la

"factualisation" de la fiction dans quelques romans africains


Karel Plaiche

La décennie 1990 en Afrique est marquée par des conflits armés ayant engendré un grand
nombre de textes littéraires, et l'on constate que beaucoup d'entre eux ont eu recours à la
fiction pour raconter l'expérience de la guerre. Or il est intéressant de noter que plu
sieurs de ces textes, envahis par une accumulation d'éléments historiques, sociologiques,
témoignent d'un entremêlement singulier entre récit fictionnel et discours factuel. Ce
dernier est en effet massivement sollicité à travers l'emploi d'une écriture proche du re
portage, du document historique ou informatif qui donne au texte une dimension docu
mentaire. Quels sont les traits de cette écriture singulière qui introduit le discours factuel
à travers un processus de "factualisation" du récit fictionnel? Comment penser ce procé
dé qui se distingue d'une fictionnalisation des faits auquel le lecteur de fictions de guerre
semble plus accoutumé? Que révèle-t-il sur la mise en récit de l'événement trauma
tique relevant d'un passé proche? La position "indirecte" de l'écrivain vis-à-vis des faits
encourage-t-elle cette stratégie parce qu'elle serait garante d'une écriture moins théâtra
lisante? L'analyse de trois romans—notamment Allah n'est pas obligé (2000) d'Ahmadou
Kourouma et En suivant le sentier sous les palmiers (2009) de Pius Ngandu Nkashama,
mais aussi Les "Démons crachés" de l'autre république (2007) de Serge Armand Zanzala—
nous servira à réfléchir sur ces interrogations et à examiner le rapport complexe entre
(l')Histoire et la fiction.

La décennie 1990 desur


et des violences le continent
masse africain
qui ont engendré est marquée
un nombre par des
impressionnant de conflits armés
créations littéraires qui visent à la sensibilisation, et ont stimulé, depuis le dé
but des années 2000, la recherche universitaire.' Cette littérature émergente de

i Si cette recherche s'est essentiellement consacrée aux productions du génocide des Tutsis du
Rwanda, l'on recense également des travaux sur les créations liées à d'autres conflits armés et
violences de masse. Parmi les contributions importantes, outre les thèses, signalons: le dossier
"Rwanda 2000: mémoire d'avenir" paru dans Africultures (2002); le dossier "Afrique en guerre"
dans la revue Études Littéraires (2003); Rwanda, le réel et les récits (2004) de Catherine Coquio;
Les Langages de la mémoire: littérature, média et génocide au Rwanda (2007) coordonné par
Pierre Halen; Lignes de fronts: le roman de guerre dans la littérature africaine (2009) de Paul Ble
ton et Désiré Nyela; Le Génocide, sujet de fiction? (2008) de Josias Semujanga; Écritures de guerre,

This content downloaded from


197.1.139.85 on Tue, 27 Oct 2020 09:51:58 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
Plaiche: La Guerre et la crise de la fiction 43

l'expérience guerrière témoigne de la mobilisation collective de l'élite africaine


et de la vivacité du champ socioculturel soumis à des "crises extrêmes."2 Elle se
caractérise par un recours privilégié au discours fictionnel, sans doute parce que
celui-ci autorise une position subjective: l'écrivain crée ainsi des images men
tales fortes qui permettent d'éclairer l'Histoire, de la considérer sous un angle
nouveau et de lui donner une épaisseur que le document et l'essai n'ont pas.
Inefficacité et le pouvoir de la fiction dans la représentation d'événements réels,
en particulier lorsqu'ils sont tragiques, ont été démontrés, célébrés et théorisés
par maints écrivains et chercheurs.3 Elaine Scarry démontre brillamment dans
The Body in Pain (1985) que l'imaginaire est un espace de (re)création infinie
qui rend présent et accessible ce qui ne l'est pas ou plus: la douleur, l'horreur, les
morts. Dans son traitement du rapport entre discours historique et discours fic
tionnel, Paul Ricœur dans Temps et récit 3 souligne que la fiction, en articulant la
dimension horrible, cruelle et tragique d'un fait historique, individualise ce der
nier et le rend singulier. En ce sens, dit l'auteur, elle fait entrer les victimes dans
la légende et se "met au service de l'inoubliable" (343). L'Histoire, à l'inverse,
en tant que discours informatif ne visant que la stricte vérité, exclut toute ap
proche captivante. C'est donc l'apport du fictionnel qui ferait ressentir au mieux
le caractère dramatique d'un événement historique en l'érigeant en une tragédie
humaine exceptionnelle qui sensibiliserait davantage le lecteur.
Si l'usage privilégié de la fiction paraît sans équivoque, signalons cepen
dant que la "fictionnalisation"4 de l'univers historique révèle deux tendances.
Tout d'abord, on observe un espace textuel avant tout nourri par la fiction où
l'Histoire accompagne en toile de fond le récit fictionnel. Mais, parallèlement,
se trouve une catégorie de textes qui se distinguent en absorbant le monde his
torique réel de façon importante et sans opérer de réel brouillage fictionnel.
Ces textes sont envahis par une accumulation d'éléments historiques, sociolo
giques, témoignant d'une rencontre étonnante entre les discours fictionnel et
factuel. On pourrait y voir une "contamination" de l'univers fictionnel par le
monde réel. Comme le dit Schaeffer: "il y a une incursion de [la réalité] dans
[l'irréalité] (c'est-à-dire l'invention)" (143) qui aboutit à la déstabilisation et à la
fragilisation du statut fictionnel de l'œuvre. On parlera alors d'un phénomène

écritures historiques (2011) de Pius Nkashama Ngandu; le dossier "L'Enfant-Soldat: langages &
images" coordonné par Nicolas Martin-Granel dans Études Littéraires Africaines (2011).
2 Terme qui désigne "des événements qui ont mis en péril l'existence de groupes humains entiers"
(Le Pape, Siméant, Vidal 12).
3 Sur l'intervention de la fiction dans la représentation de faits de violences extrêmes et la dou
leur d'autrui voir Charred Lullabies: Chapters in an Anthropography of Violence (1996) de Valen
tine Daniel, 7he Body in Pain (1985) d'Elaine Scarry, Goût et dégoût: l'art peut-il tout montrer?
(2003) de Carole Talon-Hugon, Rwanda: le réel et les récits (2004) de Catherine Coquio, Trau
ma Culture:The Politics of Terror and Loss in Media and Literature (2007) d'E. Anne Kaplan.
4 Terme que nous empruntons à Ricœur (331) et Jean-Marie Schaeffer (143).

This content downloaded from


197.1.139.85 on Tue, 27 Oct 2020 09:51:58 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
44 NOUVELLES ÉTUDES FRANCOPHONES 29.2

de "factualisation" de la fiction.5 Nous insistons sur le caractère massif de l'in


sertion du discours factuel et historique qui différencie ces œuvres d'autres fic
tions qui reconstruisent elles aussi des événements passés réels, sans toutefois
avoir recours au document, à l'histoire ni au texte informatif. Le texte de fic
tion rend ainsi compte d'une dimension documentaire dévoilant une volonté
claire d'ancrer le récit dans un contexte sociohistorique réel que le lecteur peut
situer aisément. Par conséquent, ces fictions, qui s'inscrivent dans une quête
de crédibilité et qui veulent être prises au sérieux, ne peuvent être pensées en
dehors de l'univers spécifique qui les a vu naître et font explicitement appel à
l'écriture journalistique, au reportage, au document historique ou informatif.
Cette stratégie scripturaire soulève des interrogations sur le rapport com
plexe entre l'Histoire et la fiction qui sous-tend l'écriture, notamment dans le
cadre de la recomposition artistique d'une tragédie collective. Comment inter
préter cette "contamination" de l'univers fictionnel par le monde historique qui
semble vouloir déstabiliser le statut fictionnel de l'œuvre? Que révèle-t-elle sur
la prise en charge de l'événement collectif traumatique par le biais de l'imagi
naire, qui relève de la feintise et du ludique? Quels sont les procédés déployés
pour aboutir à l'éclatement ou à "l'invisibilité du statut fictionnel" du texte
(Schaeffer 136)? Parmi les textes issus de cette catégorie particulière se trouvent
notamment Allah n'est pas obligé (2000) de l'Ivoirien Ahmadou Kourouma, En
suivant le sentier sous les palmiers (2009) du romancier et chercheur congo
lais Pius Ngandu Nkashama et, à un moindre niveau, Les "Démons crachés"
de l'autre république (2007) du Congolais (Congo-Brazzaville) Serge Armand
Zanzala. Nous souhaitons interroger leur jeu de factualisation de la fiction
dans le cadre de la représentation d'un événement traumatique collectif rele
vant d'un passé proche, et suivi de loin ou indirectement. Chacun, à sa ma
nière, présente un aspect révélateur du processus que nous analyserons avant
de traiter de l'exploitation stratégique et originale du paratexte. Enfin, nous
penserons les effets et enjeux d'une telle stratégie dans le contexte spécifique
d'une production littéraire de l'urgence visant une réception critique.

Contours d'une "factualisation" de l'univers fictionnel

En amont des analyses textuelles, signalons que les trois romans se caracté
risent par la place prépondérante qu'ils accordent à la dimension historique.
Ils s'inspirent, en effet, des réalités politiques des sociétés de référence du Li
beria, de la Sierra Leone, de la République Démocratique du Congo (rdc) et
du Congo. La société du roman, chez les trois auteurs, décrit une idéologie po
litique dominante fondée sur la corruption, l'autocratie et la violence. La re

5 II serait aussi intéressant de voir chez Ricœur la notion d'"historisation de la fiction" (342) qui
problématise le rapport fort complexe entre l'Histoire et la fiction, le réel et l'irréel dans le récit.

This content downloaded from


197.1.139.85 on Tue, 27 Oct 2020 09:51:58 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
Plaiche: La Guerre et la crise de la fiction 45

présentation des questions politiques et sociales, dans les textes, s'inscrit dans
une période spécifique, marquée par de profonds conflits et des divisions inter
ethniques ayant engendré des crises extrêmes. Dans leur recomposition des
événements historiques, les auteurs ont eu recours à une écriture informative
et factuelle qui envahit le récit fictionnel au point que l'univers factuel devient
aisément repérable, "brutalement" mis en présence. Par conséquent, ces fic
tions ont un statut vacillant, car elles laissent voir un phénomène de rupture
et d'éclatement au cœur du processus de mise en récit, ce qui donne lieu à des
créations originales et composites où l'on discerne une hybridation et une in
différenciation génériques. En ce sens, l'écriture fictionnelle, en permanence
travaillée par ce matériau informatif, devient le lieu d'une rencontre singu
lière avec des écritures factuelles empruntant au document historique, au texte
journalistique, au reportage, au pamphlet et à la chronique qui se distinguent
par leur caractère descriptif, didactique et véridique.
Allah n'est pas obligé, célèbre roman de Kourouma, éclaire les événements
tragiques des guerres civiles et ethniques du Liberia (1989-1997) et de la Sier
ra Leone (1991-2002) en s'inspirant directement des réalités sociopolitiques
des sociétés de référence et des faits de guerre quelles ont connus. Pour rap
pel, ce texte relate les péripéties du jeune orphelin Birahima, devenu enfant
soldat au Liberia puis en Sierra Leone lorsqu'il part à la recherche de sa tante.
Le texte—qui fait l'objet de nombreuses études—possède un statut de pionnier
et un caractère original dans la littérature africaine contemporaine consacrée
aux conflits armés et aux violences de masse. Lœuvre et son contexte de créa

tion trouveront, en effet, des échos dans d'autres fictions africaines qui émerge
ront successivement vers la même période en valorisant l'insertion d'éléments
factuels et un style empruntant à l'écriture du reportage et du document.6 Un
des aspects clefs du roman est la superposition constante du récit factuel et du
récit fictionnel. Si ce dernier crée un univers nouveau, le premier met l'accent
sur "la reconnaissance d'un déjà-dit" (Bonoli 20), sur une réalité préexistante.
Par ces nombreux indices factuels, le roman s'apparente alors au document
historique ou au reportage. Et cette appropriation singulière de la fiction ro
manesque comme un support pour dire et écrire l'Histoire est revendiquée par
Kourouma qui reconnaît que sa création vise délibérément une dimension do

6 Parmi d'autres fictions qui reposent sur un schéma similaire ou proche, en précisant toutefois
que leur degré de factualisation de la fiction est variable, figurent notamment: L'Ombre d'Ima
na (2000) de Véronique Tadjo, Murekatete (2000) de Monique Ilboudo, Quand on refuse on
dit non (2003) d'Ahmadou Kourouma, Transit (2003) d'Abdouhraman Waberi. Nous signalons
par ailleurs notre traitement du rapport entre le récit fictionnel et le récit factuel dans L'Ombre
d'Imana dans des actes à paraître: Karel Plaiche, "L'Ombre d'Imana ou 'l'expérience du dire' du
génocide',' colloque international Véronique Tadjo: postcolonialité littéraire, post-féminité ou
africanité revendiquée? Universités Johannesburg/Wisconsin-Milwaukee, 23-26 novembre
2013, Johannesburg.

This content downloaded from


197.1.139.85 on Tue, 27 Oct 2020 09:51:58 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
46 NOUVELLES ÉTUDES FRANCOPHONES 29.2

cumentaire.7 Car, explique-t-il, la situation critique du continent africain exige


une écriture qui imprime ses ruptures sociohistoriques.8
De manière générale, le roman est strictement focalisé sur la reconstruc
tion rigoureuse des deux conflits armés: leurs origines, leur déroulement et
leurs conséquences désastreuses sur les plans politique, économique et hu
main. Suivant ce que Duchet appelle "l'écriture de la socialite' et qui renvoie
à la présence d'une société de référence dans le roman, Allah n'est pas obligé
rend lisible la société du hors-texte marquée par l'événement des guerres (Du
chet 449). Le roman encourage explicitement le lecteur à le recevoir comme
un acte de témoignage immédiat et comme un espace d'information. C'est
en exploitant les artefacts linguistiques, narratifs et formels que l'écriture es
sentiellement réaliste reconstruit les événements. Concrètement, elle favorise
largement la proportion historique et rappelle avec minutie à travers le per
sonnage de Birahima le déroulement des faits tels qu'ils se sont produits dans
les deux sociétés de référence. En ce sens, la société du roman abonde en élé
ments sociohistoriques et le récit fictionnel intervient à un degré moindre. La
socialité du texte se présente par différents ancrages (événements politiques,
pratiques sociales, dates, personnages historiques, repères géographiques et
temporels, etc.) dans les sociétés libérienne et sierra-léonaise. Comme le docu
ment historique, le roman sélectionne, procède à un découpage et organise les
événements en mettant en avant leurs étapes marquantes. Le lecteur est ainsi
confronté à une écriture fictionnelle originale, dévoilant la prédominance du
discours informatif comme l'illustre la citation suivante:

la guerre tribale arriva au Liberia ce soir de Noël 1989. La guerre com


mença ce 24 décembre 1989, exactement dix ans avant, jour pour jour,
le coup d'État militaire du pays voisin, la Côte-d'Ivoire. (Kourouma
104-05)

Plus loin, c'est l'embrasement de la Sierra Leone en 1997 qui est décrit en
empruntant toujours à l'écriture du reportage dans un exposé chronologique
et méthodique qui retrace les moments clefs du début de la guerre. Ainsi
apprend-on que "dès le début du mois d'août 1997, la Sierra Leone est ravagée
par d'incessants combats [et qu'] elle est prise entre les bombardements [. . .]

7 "Oui. Évidemment, je tends vers le document [. . .] j'écris pour les Européens, pour tous les
Africains pour dire ce qu'il y a. C'est l'histoire. Les faits historiques sont des faits; c'est la trame
pour les joindre qui constitue la fiction" (Diandue, annexe XVII).
8 "En Afrique, on ne vit que l'Histoire parce que, tout ce que nous vivons, tout ce que nous
connaissons est historique. C'est la situation historique créée par la colonisation, c'est la situa
tion historique créée par la guerre froide, c'est la situation historique créée par les guerres tri
bales. En Afrique, celui qui veut travailler doit prendre appui sur l'Histoire pour donner un ton
sérieux à son travail. Moi, mes projets sont historiques et qui m'analyse ainsi m'aura compris"
(Diandue, annexe XVII).

This content downloaded from


197.1.139.85 on Tue, 27 Oct 2020 09:51:58 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
Plaiche: La Guerre et la crise de la fiction 47

[du] contingent de L'ecomog." Mais il est aussi précisé que "dès septembre
1997." sous le poids de l'embargo, "elle est privée de nourriture et de carburant.
Elle connaît une récession dramatique, ce qui se traduit par l'arrêt de toute ac
tivité économique" (203-04). Ces quelques citations prélevées d'un long pas
sage consacré à la Sierra Leone illustrent le souci flagrant d'informer dans tout
le texte. Le caractère d'authenticité des événements rapportés est constamment
appuyé par l'insertion de toponymes référentiels (noms de pays, de villes, de
quartiers existant réellement) ou d'indices temporels. Avec des renseignements
denses, illustrés par exemple par le souci de rappeler que la Sierra Leone a "sol
licité] l'aide de la Guinée pour relancer les pourparlers rompus le 29 juillet,"
la précision et l'organisation linéaire des faits évoqués afin de rendre le texte
transparent, l'écriture imite celle du reportage (Kourouma 203). Caractéri
sée par la dimension véridique et authentique dont elle se réclame, elle vise à
rendre compte avec la plus grande exactitude d'événements réels contempo
rains, et à transmettre du savoir au lecteur. À l'instar du document historique,
le genre du reportage se présente comme une enquête menée sur un sujet pré
cis relevant de l'actualité sociale et politique.
On est ici, à n'en pas douter, dans un modèle d'écriture de crédibilité qui
se focalise sur l'événement (Charaudeau 60). Rappelons que l'auteur ivoirien
a déclaré que son roman était le fruit d'une commande urgente d'un groupe
d'anciens enfants-soldats qui lui avaient demandé d'écrire leur histoire dans
une visée testimoniale. La naissance même de l'œuvre apparaît donc dès le dé
part comme un projet de reportage précis confié à l'auteur. Dès lors, elle en
adopte l'écriture qui se veut un élément structurant de sa composition. Et cela
a pour conséquence d'encourager une réception orientée du roman. Car le lec
teur, submergé par ce discours factuel aux repères bien établis, remet difficile
ment en question le caractère véridique du texte qui lui apparaît alors comme
une sorte de roman documentaire.
Si, dans l'ensemble, l'histoire événementielle constitue l'essence même du
roman, soulignons toutefois que c'est bien la fiction qui la rend accessible et
lisible. Elle sert de prétexte à l'écriture et devient la couverture qui permet au
romancier de dénoncer les tragédies. L'imaginaire participe à faire le lien entre
les faits historiques et présente l'ensemble des éléments factuels inscrits dans le
roman comme une lecture personnelle de l'Histoire. Quoi qu'il en soit, le statut
fictionnel d'Allah n'est pas obligé est intentionnellement mis à mal.
C'est également ce que fait Ngandu dans son roman dont le processus de
"factualisation" de l'univers fictionnel se distingue toutefois de celui de Kou
rouma et présente une autre démarche singulière. Si le texte de Kourouma re
pose sur une interpénétration du fictionnel et du factuel, En suivant le sentier
sous les palmiers rend compte d'une séparation claire et étonnante des deux
univers. Indiquons d'abord que le roman est explicitement lié aux conflits ar

This content downloaded from


197.1.139.85 on Tue, 27 Oct 2020 09:51:58 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
48 NOUVELLES ÉTUDES FRANCOPHONES 29.2

més et aux violences de masse qui ont frappé la République Démocratique du


Congo durant les années 1990-2000 causant plus de trois millions de morts.
Cette œuvre fort originale et complexe présente différents niveaux de lecture et
de discours: le récit fictionnel raconte l'histoire de Munanga, protagoniste res
capé d'un massacre en quête de son identité et de sa mémoire perdues. Paral
lèlement, le récit factuel, composé de textes informatifs, militants et politiques,
etc., traite des réalités sociopolitiques et des atrocités perpétrées sur les civils.
L'incorporation du monde historique se fait donc essentiellement à l'intérieur
de cet espace. C'est tout le roman qui fonctionne sur ce jeu curieux entre les
récits fictionnel et factuel dans lequel, à intervalles réguliers, le premier se
heurte brutalement au dernier. L'auteur incorpore à l'univers romanesque des
extraits de journaux, de reportages ou d'autres documents d'actualité en ligne,
des textes pamphlétaires, des fragments de témoignages. Dans la plupart des
cas, les sources sont indiquées par des références bibliographiques assez pré
cises (nom du journal, de l'auteur, du site ou du blog, date, etc.) démontrant
la quête de crédibilité du texte. Lextrait suivant illustre le télescopage entre les
deux récits:

Il [Munanga] s'est accroupi, étreignant un banc mouillé [...].

Il ne songe plus qu'à une seule chose: fuir.

[. . .] Le jour étouffé à son éclosion. Se dérober de la frayeur qui


prend de l'ampleur d'instant en instant. Émerger de la brume. Et les cu
mulus sont clairsemés à présent par-delà un ciel moribond. Aux pour
tours d'un univers triste et gris.

rdc: I'onu condamne les combats entre l'armée et


le cndp de Nkunda.

Le chef de la Mission de I'onu en République démocratique du


Congo (Monuc) Aland Doss a condamné avec "fermeté" les com
bats de jeudi 28 août entre l'armée et le mouvement du chef re
belle traître congolais Laurent Nkunda au Nord-Kivu (est), dans
un communiqué reçu vendredi par I'afp.

"Le représentant spécial du secrétaire général de I'onu en rdc


condamne avec la plus grande fermeté les derniers combats entre
les éléments armés du Cnpd (Congrès national pour la défense du
peuple) et les Forces armées de la rdc (fardc) dans le territoire
de Rutshuru" à une cinquantaine de km au nord de la capitale
provinciale Goma, indique le texte [...] (d'après afp). (29-30)

Tout le roman est construit sur cette alternance entre énoncés fictionnels
et factuels. Il est intéressant de remarquer que l'intervention du récit factuel

This content downloaded from


197.1.139.85 on Tue, 27 Oct 2020 09:51:58 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
Plaiche: La Guerre et la crise de la fiction 49

est annoncée par un alinéa et une police différente: les caractères sont plus pe
tits en taille et ceux du titre sont en gras. Le texte est également marqué par
un retrait plus important. Cela est visible ailleurs également, attestant du pro
jet du romancier de séparer ces deux univers. Tout se passe comme si Ngan
du souhaitait assurer l'autonomie de chacun selon les tâches et visions bien

précises qu'il lui attribue. Si le récit fictionnel permet une échappée dans un
monde imaginaire marqué par la circulation de sensations et perceptions di
verses et étranges et par une atmosphère menaçante et onirique où le beau et
le monstrueux s'interpénétrent, le discours factuel métamorphose le roman
pour l'enraciner dans le monde réel et historique. Or, l'extrait cité montre que
la mise en parallèle entre discours fictionnel et factuel est bien plus complexe
encore. En effet, si les citations de I'afp peuvent être considérées comme une
information véridique et objective, d'autres passages exigent une plus grande
vigilance, comme en témoigne la description du chef rebelle Nkunda comme
"traître." S'il s'agit de toute évidence d'une source journalistique, donc d'un dis
cours à prétention factuelle, le texte introductif en italique, dont la provenance
n'est pas précisée de surcroît, révèle ainsi un point de vue subjectif et partisan.
L'insertion de textes qui, sous couvert de forme véridique, dévoilent une di
mension politique complexifie bien évidemment l'enchevêtrement des registres
chez Ngandu. Les énoncés factuels tels qu'on les observe ici travaillent de façon
intensive l'ensemble du roman. Considérons le passage suivant:

Il [Munanga] n'aspire qu'à savourer le plaisir inespéré: une rivière


à sa naissance. Les tempes battent. La vie bat, le corps vit. La nature
discrète enserre. Des bras maternels. Lui, il n'a jamais connu la famille.
La sensation d'une insécurité morbide.

rdc: près de la moitié des populations de l'est


"vit dans la peur."
Près de la moitié des populations de l'est de la République Dé
mocratique du Congo (rdc) a été menacée de mort, battue ou
prise en esclavage par les groupes armés qui sévissent dans la
région, indique un rapport du Centre international pour une
justice transitionnelle (itcj).

"Un tiers des 2 620 personnes interrogées a été enlevé [. . .]"


souligne I'ong basée à New York dans son rapport intitulé
"Vivre dans la peur" [...]. (42)

Comment interpréter l'agencement surprenant des deux univers? Ces


textes factuels axés sur la problématisation des violences extrêmes en rdc
semblent jouer un rôle clef dans la réception de l'œuvre, car la fiction roma
nesque, caractérisée par sa configuration métaphorique et poétique, et por

This content downloaded from


197.1.139.85 on Tue, 27 Oct 2020 09:51:58 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
50 NOUVELLES ÉTUDES FRANCOPHONES 29.2

tée par un registre recherché, se révèle souvent plus complexe à déchiffrer.


En suivant le sentier sous les palmiers se distingue, en effet, par une écriture
symbolique assez opaque qui rend moins évident l'accès à la connaissance des
événements tragiques en rdc, contrairement au projet réaliste qui postule une
écriture transparente. Ainsi, la présence des énoncés factuels permet d'instau
rer un dialogue avec le récit fictionnel; elle rend l'univers métaphorique de
Ngandu plus facilement accessible. Le matériau informatif intégré apparaît
alors comme un gage de véracité qui inscrit l'écriture symbolique et poétique
dans un contexte spécifique, lui donnant l'épaisseur référentielle qui lui fait
défaut.9 En nous inspirant des réflexions de Philippe Mesnard, nous dirons
qu'elle se présente comme un discours poétique qui tente de résister à la "dé
culturation" qui précède "l'aliénation" et la destruction qu'engendre la guerre
(Mesnard 114). On peut ainsi l'interpréter comme une "manière de résister
qui mobilise les ressources de la culture et de la langue" (Ngandu, Dialogues
et entretiens d'auteur 13). Si l'écriture réaliste donne au récepteur l'impression
d'avoir accès au monde réel tel qu'il est, la configuration symbolique, en ne re
présentant pas directement les faits, le coupe du monde historique. C'est donc
l'intervention du discours informatif qui la borne qui éclaire la lecture du récit
fictionnel, permettant au lecteur de saisir le traumatisme du protagoniste qui
est exprimé par ses errements labyrinthiques tant psychiques que physiques.
Chaque type de récit se voit ainsi attribué un rôle bien défini et c'est à ce
niveau que réside l'originalité de la stratégie discursive du roman. Les deux récits
se complètent, l'un nourrissant l'autre. Le premier contribue à la dimension pa
thétique, lyrique et poétique du texte dans lequel il traduit la douleur humaine
alors que l'autre, ancré dans le monde historique, problématise les crises et décrit
les atrocités. Ce faisant, il exige du lecteur un regard et un positionnement cri
tiques et politiques, même si (ou justement parce que) la question de l'objectivité
n'est pas automatiquement donnée, comme l'expression "traître" a pu le montrer.
Cette stratégie complexe parvient à proposer une création audacieuse où l'écri
ture à double face et fonction est capable, avec la même intensité, de capter les
sentiments ainsi que l'esprit critique. Ainsi se présentent les contours de la "fac
tualisation" de la fiction chez Ngandu qui commence dès le paratexte. Ce dernier
constitue un élément clef de ce processus, car il a fait l'objet d'une grande ma
nipulation dans l'œuvre mais aussi dans plusieurs autres fictions de guerre où il
est travaillé afin d'attester de la "véridicité" du récit imaginaire. Il est intéressant
d'examiner son utilisation stratégique chez l'auteur congolais tout en considérant
parallèlement son traitement étonnant chez Zanzala.

9 L'importance de cette stratégie scripturaire se révèle surtout si l'on considère l'intention de té


moignage ou de sensibilisation qui s'inscrit dans le projet romanesque de l'écrivain. Pour l'auteur,
l'écriture est une entreprise de résistance. Ainsi, comme il le laisse entendre clairement dans un
entretien qu'il nous a accordé en 2011, dire et écrire l'Histoire des tragédies en rdc serait un acte
de combat symbolique "pour la vérité et la liberté" (Ngandu, Dialogues et entretiens d'auteur 13).

This content downloaded from


197.1.139.85 on Tue, 27 Oct 2020 09:51:58 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
Plaiche: La Guerre et la crise de la fiction 51

Le paratexte comme passerelle stratégique de véridicité

L'invasion du matériau informatif, historique et critique dans En suivant le sen


tier sous les palmiers commence dès le paratexte, lieu de passage et de transac
tion stratégique qui constitue une composante incontournable et déterminante
de l'œuvre dont il oriente la lecture (Genette 8). Les informations, indications
ou précisions dont il est porteur établissent un pacte de lecture qui, d'entrée de
texte, permet à l'auteur de gagner l'adhésion (au moins partielle) du lecteur.
Présenté ainsi, il peut, selon le type de texte et la visée recherchée, être détermi
nant pour la réception de l'œuvre. C'est non seulement le cas pour le roman de
Ngandu, mais également pour d'autres fictions de guerre qui ont eu recours à
des notes paratextuelles avec l'intention évidente d'orienter une lecture sérieuse
en établissant—directement ou non10—le caractère "véridique" de leur roman.
C'est ce que nous verrons dans Les "Démons crachés" de l'autre république dont
l'écriture métaphorique, témoignant d'une volonté affichée de fictionnaliser
les événements, est mise à mal par un paratexte surprenant qui révèle, situe
et problématise les événements réels dont s'inspire le roman partant ainsi à
contre-courant du jeu de feintise privilégié dans l'intrigue. En effet, le paratexte
participe à ce processus de factualisation en agissant dès le départ sur le lecteur
de manière à le toucher et à orienter sa réception du roman comme un dis
cours véridique sur des événements précis. Chez les deux auteurs, tout se passe
comme si le message paratextuel fonctionnait tel un panneau de signalisation
pour indiquer au lecteur que le statut fictionnel est à prendre accessoirement,
"au second degré," car leurs textes renvoient à des tragédies collectives réelles.
Par conséquent, il convient de le recevoir avec un regard critique ou engagé.
Ainsi, En suivant le sentier sous les palmiers comprend une partie intitu
lée "Anté-lude" composée d'un poème, d'une préface pamphlétaire et d'un long
extrait de reportage sur la généralisation des violences sexuelles dans l'est de la
rdc avec des indices spatiaux et temporels précis. En voici un extrait:

Congo-reportage: "Dis-le, raconte-le"

(La Libre: 07/05/2008) [. . .]

Dans l'est du Congo, la barbarie n'a plus de limite. Des femmes,


des jeunes filles, des enfants sont kidnappés et deviennent les esclaves
sexuels de bandes armées issues des rangs des rebelles rwandais.

[...] Ici le viol à grande échelle est devenu une arme de guerre [...]. (7)

io Si certains éléments paratextuels (par ex. la préface ou une note) situent les événements, leur
chronologie et leurs acteurs (cf. par ex. dans Le Feu sous la soutane de Benjamin Sehene),
d'autres se révèlent moins directs ou plus subtils en utilisant des dédicaces, des épigraphes ou
d'autres extraits de textes qui fournissent des indications au lecteur quant à la teneur de l'œuvre
(par ex. Allah n'est pas obligé).

This content downloaded from


197.1.139.85 on Tue, 27 Oct 2020 09:51:58 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
52 NOUVELLES ÉTUDES FRANCOPHONES 29.2

L'incorporation dans le péritexte d'un reportage long de plusieurs pages,


au ton grave et au contenu tragique, a une évidente visée de témoignage.
Cette stratégie permet une mise en contexte et en condition par rapport au
sujet dont traite le roman. Informatif, il apparaît comme un accompagnateur
et éclaireur du récit fictionnel qui n'établit pas d'emblée de liens explicites avec
des tragédies guerrières en rdc. C'est alors aux éléments paratextuels qu'il
incombe d'inscrire le récit fictionnel dans un univers sociohistorique réel. Il
s'agit donc non seulement d'orienter la réception de l'œuvre, mais également
de gagner l'adhésion du lecteur. Le reportage incorporé mais aussi la préface
critique pamphlétaire (évoquant les guerres en Afrique et dénonçant leur récu
pération dans une partie de la production littéraire) transforment l'espace pa
ratextuel, comme le dirait Genette, en un "appareil rhétorique de persuasion"
qui va valoriser le sujet de l'œuvre (201). Il met en avant sans équivoque l'enga
gement de l'écrivain et conditionne le lecteur à accueillir le roman comme une
écriture de l'urgence.
De tels éléments paratextuels informatifs et didactiques s'observent dans
d'autres œuvres orientées vers une "factualisation" du récit fictionnel." Ils

tendent à opérer comme des indicateurs de la dimension "véridique" du texte


à venir, incitant le lecteur, d'emblée, à identifier le texte comme le porteur d'un
drame humain réel et d'une vision critique. Ainsi, par l'entremise de la dédicace
ou de la préface, ils donnent des informations plus ou moins explicites sur les
événements historiques dont ils s'inspirent. On le voit par exemple dans Les
"Démons crachés" de l'autre république, où l'insertion brute d'éléments factuels
est toutefois bien moindre que dans les œuvres que nous avons évoquées plus
tôt. Le texte s'illustre par une écriture hautement didactique et se caractérise
par les traits d'un texte écrit par celui que Roland Barthes nomme écrivant qui
se distingue de l'écriture poétique de l'écrivain par un usage du langage comme
moyen de communication (148-53).12 Le texte comprend une dédicace, un aver

11 Voir les dédicaces de Charly en guerre (2000) de Florent Couao-Zotti et de Détonations et fo


lie (2007) de Liss: "À tous les enfants d'Afrique et du monde qui font une guerre qui n'est pas la
leur"; "À tous ceux qui /[...]/ Ont dû peindre l'avenir / Avec pour seules couleurs / Le jaune
blafard / D'un espoir claudiquant / Et le rouge brûlant / du sang des parents et amis disparus."
Ou encore, voir la note informative qui précède le texte dans Le Feu sous la soutane (2005) de
Benjamin Sehene: "Le 6 avril 1994, l'avion du président du Rwanda, Juvénal Habyarimana, est
abattu au-dessus de l'aérodrome de Kigali alors qu'il rentrait d'un sommet régional en Tanzanie
[.. .]. Immédiatement après commence le génocide de plus d'un million de Tutsis et de Hutus mo
dérés, perpétré par l'armée gouvernementale rwandaise et les miliciens hutus [..
12 Dans "Écrivains et écrivants," Barthes distingue deux types d'auteurs: "l'écrivain" et "l'écrivant."
Ijécrivain est celui qui transforme son langage en un matériau poétique, qui "travaille sa pa
role" et fait du "matériau en quelque sorte sa propre fin." Il y a donc chez lui toute une quête
de l'esthétique qui s'organise autour de la question "comment écrire?" Il se distingue de l'écri
vant, homme "transitif," pour qui la parole "n'est qu'un moyen" pour communiquer, témoigner,
expliquer, enseigner. Ainsi expliquée, la parole de l'écrivant apparaît comme un objet qui est
moins travaillé. Selon Barthes, l'écrivant vise à "dire en toute occasion et sans retard ce qu'il

This content downloaded from


197.1.139.85 on Tue, 27 Oct 2020 09:51:58 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
Plaiche: La Guerre et la crise de la fiction 53

tissement et une introduction des plus singuliers. Les trois éléments sont di
rectement liés aux conflits armés au Congo-Brazzaville (1993-1997) et, à leur
manière, tentent d'en exprimer les horreurs. De ce fait, l'œuvre est explicite
ment dédiée aux victimes et à leurs proches. Et de leur côté, l'"Avertissement"
et l'introduction attestent de la véracité du texte en situant les événements au

Congo. Ainsi, l"Avertissement" pamphlétaire dénonce la responsabilité des ac


teurs politiques: "À l'image des automobiles qui fonctionnent avec du gasoil
ou de l'essence, les régimes politiques congolais roulent avec du sang humain."
L'"Introduction" pédagogique qui suit souligne la dimension militante du roman
et s'attarde sur la peinture des conséquences dramatiques: "entre 1993 et 2002, le
Congo a connu des guerres civiles politiques très meurtrières: plusieurs milliers
de personnes tuées et plusieurs centaines d'autres portées disparues" (9).
La stratégie d'écriture de l'auteur a pour objectif évident d'encourager une
réception engagée du texte auquel il donne une dimension documentaire. 11
s'agit de retenir l'attention du lecteur sur la matière traitée. On peut donc inter
préter le paratexte didactique dans Les "Démons crachés" de l'autre république
(mais également dans d'autres textes similaires)13 comme un plaidoyer pour la
transmission d'un message important qui nécessite l'attention sensible du lec
teur. On rappellera ici Genette dans Seuils pour qui les éléments paratextuels
visent surtout à valoriser l'œuvre dans son fond et non sa forme (164). L'auteur
y trouve un moyen de retenir l'attention sur le sujet: "si je ne suis pas [. . .] à la
hauteur de mon sujet, vous devez néanmoins lire mon livre, pour sa 'matière'"
(164). Et cela est vrai pour le texte de Zanzala dont l'écriture didactique appa
raît surtout comme un moyen de communiquer un message pressant. Dans le
cas précis des textes dits "de l'urgence," les messages paratextuels didactiques
prennent par conséquent toute leur importance.
Si toutes les fictions qui "factualisent" le récit ne suivent pas le schéma pé
dagogique qui exploite le pathos du roman de Zanzala, les éléments paratex
tuels observés chez Ngandu visent aussi à signifier la dimension "vraie" du
texte dans le but d'orienter une réception critique. En l'absence d'éléments ré
férentiels, le récit fictionnel en lui-même peut difficilement concrétiser ou ga
rantir le projet réflexif ou testimonial de l'écrivain. C'est dans cette perspective
que l'intervention du paratexte, notamment la préface, s'avère décisive en ce
qu'elle permet de faire aboutir le projet de sensibilisation de l'auteur, rendant

pense." Son projet d'écriture s'inscrit clairement dans une logique de témoignage, de message à
délivrer, "d'où l'aspect critique, urgent" de sa parole (Barthes 148, 151, 152,153). Si cette typolo
gie ne tient plus de nos jours de manière aussi schématique, en particulier dans le cas des litté
ratures émergentes, des traits distinctifs que Barthes attribue à l'une ou à l'autre posture nous
semblent toujours avoir une certaine validité.
13 Dans le même genre, signalons les textes romanesques Sous les tropiques du pays bafoué (2005)
ou encore Le Musée Je la honte (2003) de Jean-Michel Mabeko Tali et Benoît Kongbo, auteurs
que nous qualifions aussi d'écrivants.

This content downloaded from


197.1.139.85 on Tue, 27 Oct 2020 09:51:58 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
54 NOUVELLES ÉTUDES FRANCOPHONES 29.2

le lecteur plus réceptif aux histoires tragiques inspirées de faits réels. Il consti
tue bien un enjeu stratégique afin d'assurer la crédibilité du récit de fiction
et de transmettre une connaissance sur un événement traumatique ignoré ou
peu connu par une grande partie du lectorat ciblé, essentiellement occidental.

La "factualisation" de la fiction: constats, enjeux et réflexions

Ainsi se présentent quelques aspects du processus de "factualisation" qui ca


ractérise une partie de la création africaine contemporaine d'expression fran
çaise sur la guerre. S'il illustre, d'une part, les multiples stratégies que déploie
l'écrivain afin d'assurer la transmission d'un savoir sur les violences guerrières,
n'est-il pas également, d'autre part, révélateur du malaise de l'auteur dans la
prise en charge de tels événements traumatiques par le seul biais de la fiction?
Rappelons ici la complexité de sa tâche: raconter des événements exclusive
ment liés à la souffrance, la cruauté et la mort. Et cela semble d'autant plus
ardu quand les drames dont s'inspirent les auteurs sont récents et qu'ils sont
mis en récit par des écrivains dont le statut vis-à-vis des faits est "indirect." Les
auteurs qui nous intéressent ici ne sont en effet pas des rescapés mais des té
moins indirects ayant eu accès aux combats de loin: par le biais des proches des
victimes, des médias, de documents divers, entre autres. Rappelons que de tels
sujets délicats, dont le traitement suppose des responsabilités d'ordre éthique et
moral, ne trouvent pas aisément un public.
Évoquant la question du témoignage de l'expérience traumatique dans Es
thétique du témoignage (2005), Dornier et Dulong soulignent que "pour que
l'intention de témoigner aboutisse, il faut d'un côté un public prêt à accueillir le
message; il faut d'un autre côté que le récit favorise cette transmission" (XIV).
Bien que nos écrivains ne parlent pas d'un travail de "témoignage," l'écriture
de conscientisation qui travaille leurs textes est flagrante et ils ne le nient pas.
Pour voir leur projet de sensibilisation s'accomplir, ils ont choisi le recours à
l'invention. La mise en fiction d'événements reconstruisant une histoire excep
tionnelle qui interpelle et touche est souvent présentée comme l'un des moyens
les plus efficaces dans la transmission de l'expérience de douleur. En effet, en
tant qu'espace de (re-)création, Scarry rappelle que l'art constitue un moyen
efficace pour déjouer la crise du langage, et cela grâce au recours à l'imaginaire
qui permet d'accéder à ce qui nous semblait initialement inaccessible.14
Or, si c'est l'invention qui permet de rendre accessible l'expérience de la
douleur à autrui comment faut-il interpréter le processus de factualisation de
la fiction dans nos textes? Lexemple d'Allah n'est pas obligé et d'En suivant le

14 Scarry parle de "un-making" et de "making of the world" afin de conceptualiser respectivement


l'expérience de la douleur extrême et l'acte post-cathartique de (re-)créer.

This content downloaded from


197.1.139.85 on Tue, 27 Oct 2020 09:51:58 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
Plaiche: La Guerre et la crise de la fiction 55

sentier sous les palmiers—comme d'autres œuvres opérant selon un schéma


similaire—semble dévoiler un certain scepticisme vis-à-vis de la capacité de la
fiction à représenter et porter seule l'événement traumatique collectif. Quant
au statut de témoin indirect des écrivains, ne contribue-t-il pas à ce malaise et
à cette incertitude? Enfin, on pourrait se demander si le recours au factuel dans
ces textes ne suggérerait pas les possibles limites du discours fictionnel dans
la retranscription du réel éclaté des phénomènes de "violence extrême" d'un
passé proche.'5
Cette intégration, au bout du compte, dévoile les problèmes que peut sou
lever l'emploi de la fiction lorsqu'il s'agit de représenter des faits traumatiques
collectifs. Catherine Coquio note à ce propos dans Rwanda: le réel et les récits
que le recours à la fiction n'est pas sans poser problème, car il est souvent perçu
"comme un danger: celui de trahir, par la fiction, un réel dont il ne peut être le
garant, mais seulement le symbolisateur" (140). Si la fiction semble, en effet,
une voie efficace et souvent nécessaire pour sa force pathétique et la vision du
monde qu'elle donne, son utilisation présente aussi le risque d'une spectacu
larisation des horreurs qui ferait perdre toute crédibilité à l'œuvre et mettrait
en péril sa visée de sensibilisation. Le recours au récit factuel caractérisé par
son objectivité et sa dimension véridique pourrait alors être lu comme une op
tion plus "neutre." Rappelons que Kourouma et Ngandu sont des témoins dits
"indirects" qui interviennent pour transmettre l'expérience de la victime mais
n'étaient pas présents sur les lieux au moment des événements qu'ils ont sui
vis par le biais d'intermédiaires et de filtres. Cette distance semble jouer un
rôle dans leur choix d'incorporer un matériau historique et sociologique dans
le discours fictionnel. Ce détour par le réel pourrait donc être lu comme un
moyen de combler "symboliquement" la distance qui les sépare des drames
car il leur permet de produire une écriture sur l'expérience guerrière plus
"convaincante" aux yeux du lecteur. En l'occurrence, l'invasion du récit factuel
tend à indiquer une démarche plus prudente par rapport au discours fictionnel
caractérisé par son approche surtout subjective et les mondes possibles infinis
que permet son mécanisme du "faire-comme-si." Cet univers régi par la fein
tise et l'illusion, qui suppose une posture plus légère chez le récepteur, semble
dès lors représenter une menace potentielle au projet de sensibilisation que les
auteurs ont à cœur. Par ailleurs, le recours à la fiction pour traiter de faits de
cruauté accroît le risque de produire un récit théâtralisant que le traitement
des violences extrêmes engendre, si une distance prudente n'est pas main

15 Nous utilisons l'expression "violence extrême" suivant Jacques Sémelin qui la définit comme
une "forme d'action spécifique, un phénomène social particulier" se situant dans un "au-delà de
la violence." Elle renvoie à des violences caractérisées par leur cruauté et impliquant le pillage,
les actes de torture et de viol et la destruction massive des populations civiles. (479)

This content downloaded from


197.1.139.85 on Tue, 27 Oct 2020 09:51:58 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
56 NOUVELLES ÉTUDES FRANCOPHONES 29.2

tenue.'6 Ceci nous fait dire que Kourouma et Ngandu, dans les deux romans
traités, tiennent vraisemblablement à éviter des mises en scène ambiguës qui
éloigneraient le lecteur de leur projet réflexif.
Dans un article traitant des fictions d'après-guerre, Henri Godard évoque
la "crise de la fiction" dans l'immédiat après-guerre de 1945 chez des roman
ciers européens (81-82). Ce rejet de la fiction qui fait suite aux événements
qui venaient de s'abattre sur l'Europe traduit, selon le chercheur, le refus d'une
écriture perçue comme ludique, superficielle, illusionniste et feinte. Les nom
breux éléments factuels dans les textes évoqués apparaissent alors comme des
béquilles qui soutiennent la représentation fictionnelle de l'événement trau
matique. C'est un processus qui viserait à garantir, d'une part, la visibilité de
l'événement auprès d'un lectorat étranger aux faits guerriers. D'autre part, en
signifiant au lecteur la dimension véridique du roman, le texte le force à le re
cevoir dans un but critique et mémoriel. Sur ce point, pour l'écrivain et cri
tique Ngandu que nous avons interrogé, "l'invasion" de l'univers fictionnel par
un matériau informatif tendrait, en effet, à traduire l'incertitude de l'écrivain
à propos de l'énonciation de faits de violence extrême et de la capacité de la
fiction à les prendre en charge (Dialogues et entretiens d'auteur 21). Cela ren
force la vision de l'auteur qui conçoit que la transmission de la guerre est une
"expérience du dire" (Guerres africaines et écritures historiques 16) donnant lieu
à des écritures singulières. Son constat fait écho aux travaux en anthropologie
et en psychiatrie sur le rapport entre la douleur et le langage qui soutiennent
que la douleur extrême, en tant qu'expérience subjective, est difficilement com
municable et traduisible à autrui parce que la souffrance met en échec le lan
gage (Scarry 3, 6, 13; Le Breton 117; Crocq 346). Si cela concerne avant tout la
victime, le témoin indirect est lui aussi confronté à l'expérience discursive mais
différemment. E. Anne Kaplan l'affirme en évoquant le poids du réel éclaté et
excessif qu'est l'expérience traumatique et qui dépasse le témoin indirect lors
qu'il l'approche par le biais de récits rapportés, rendant ainsi sa mise en dis
cours délicate et difficile (I, 87-100). Dès lors, comment dire la douleur d'au
trui afin de la rendre accessible au monde social?
S'il est admis que la douleur résiste au langage et rend difficile sa trans
mission, c'est aussi un fait que le moyen privilégié d'y accéder est précisément
le langage. Et c'est grâce au travail inventif du langage et de l'imagination et à
leurs pouvoirs créateurs infinis que l'individu rend accessible l'expérience de
la douleur (Kirmayer 43-44). En optant pour une interpénétration des écrits

i6 Représenter les phénomènes de violence extrême est une entreprise pénible car les actes de
cruauté portent atteinte à nos systèmes de représentation du monde et remettent en question
notre humanité (Audoin-Rouzeau, Fabre 18). Ainsi, le sujet qui s'en approche s'expose à la puis
sante fascination que la cruauté peut exercer en dépit du dégoût qu'elle suscite chez lui. C'est
l'effet de sidération et d'écœurement qui tend à encourager des représentations fortes ou des
écritures maximalistes spectaculaires qui reposent sur l'exhibition.

This content downloaded from


197.1.139.85 on Tue, 27 Oct 2020 09:51:58 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
Plaiche: La Guerre et la crise de la fiction 57

factuels et fictionnels dans lesquels le monde réel pèse de tout son poids et sug
gère une déstabilisation et un éclatement du texte fictif, Kourouma et Ngandu
ont visiblement tenté de créer des langages de la douleur qui rendent acces
sibles les faits. Si les créations obtenues reposant sur un principe de mélange
et de rupture sont originales, leur caractère hybride et éclaté exprime toute
la complexité de la prise en charge de l'expérience guerrière par la seule voie
de l'imaginaire. L'incorporation massive du monde historique apparaît alors
comme une sorte de filet de sécurité visant à prévenir tout basculement dans
une écriture potentiellement saisissante. Mais outre le malaise provoqué par
la crise de la fiction au niveau de l'écrivain que ces créations semblent indi
quer, que dire de leur réception? En choisissant cette stratégie, les auteurs
parviennent-ils à concrétiser leur projet de sensibilisation? La factualisation de
la fiction telle qu'on l'observe dans Allah n'est pas obligé et En suivant le sen
tier sous les palmiers—et tout texte de guerre reposant sur un schéma plus ou
moins proche—tend à générer un sentiment d'accomplissement dans la trans
mission de l'expérience guerrière.
En se réappropriant de la sorte le récit factuel, Ngandu et Kourouma
donnent à leurs fictions une dimension documentaire qui tend à emporter
l'adhésion du lecteur interpellé par l'accumulation d'éléments de véridicité qui
provoque alors une réception critique. Dans ce sens, elle n'affaiblit pas le projet
de représentation de l'expérience guerrière, mais contribue plutôt à l'accomplir
de façon originale. Ainsi ces emprunts de la création littéraire fictionnelle à
l'histoire et au reportage, en apportant une "fiabilité historique," proposent au
lecteur une manière différente d'appréhender la mise en récit de l'expérience
traumatique collective: une manière où il s'agit d'approcher la fiction comme
un livre d'histoire et où la fabulation sert de prétexte à la reconfiguration d'une
tragédie historique permettant ainsi la construction d'une mémoire collective
et l'établissement d'une chaîne de solidarité entre les communautés des vic
times et des non-victimes.
Université de La Réunion

Ouvrages cités
Audouin-Rouzeau, Stéphane et Thierry Fabre. "Combattre." La Pensée de Midi 26.4
(2008): 14-21. Web. 15 juin 2011.
Barthes, Roland. "Écrivains et écrivants." Essais critiques, Coll. Tel quel. Paris: Éditions
du Seuil, 1964.147-53. Imprimé.
Bonoli, Lorenzo. "Écritures de la réalité." Poétique 137 (février 2004): 19-34. Imprimé.
Charaudeau, Patrick. Le Discours d'information médiatique. Coll. Médias-Recherches.
Paris: Nathan, 1997. Imprimé.
Coquio, Catherine. Rwanda: le réel et les récits. Paris: Belin, 2004. Imprimé.

This content downloaded from


197.1.139.85 on Tue, 27 Oct 2020 09:51:58 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
58 NOUVELLES ÉTUDES FRANCOPHONES 29.2

Crocq, Louis. Les Traumatismes psychiques de guerre. Paris: Odile Jacob. 1999. Imprimé.
Diandue, Bi Kacou Parfait. "Histoire et fiction dans la production romanesque d'Ahma
dou Kourouma." Thèse de doctorat: littérature générale et comparée, Université de
Cocody et Université de Limoges, 2003. Annexe XVII "Entretien avec Ahmadou
Kourouma" (pas de pagination). Web. 25 novembre 2009.
Dornier, Carole et Roland Dulong. Esthétique du témoignage. Paris: Maison des
sciences de l'homme, 2005. Imprimé.
Duchet, Claude. "Une Écriture de la socialité." Poétique 16 (1973): 446-54. Imprimé.
Genette, Gérard. Seuils, Coll. Points. Paris: Éditions du Seuil, 1987. Imprimé.
Godard, Henri. "La Crise de la fiction. Chroniques, roman-autobiographie, autofic
tion." L'Éclatement des genres au XX" siècle. Coord. Marc Dambre et Monique
Gosselin-Noat. Paris: Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2001. 81-91. Imprimé.
Kaplan, E. Anne. Trauma Culture: the Politics of War and Loss in Media and Literature.
New Jersey: Rutgers UP, 2005. Print.
Kirmayer, Laurence J. "La Folie de la métaphore." Anthropologie et Sociétés 17.1-2 (1993):
43-55. Imprimé.
Kourouma, Ahmadou. Allah n'est pas obligé. Coll. Points. Paris: Éditions du Seuil, 2001.
Imprimé.
Le Breton, David. "Expériences de la douleur, expériences de la violence." De la violence
II (Séminaire de F. Héritier). Coord. Françoise Héritier. Paris: Odile Jacob, 2005.
113-32. Imprimé.
Le Pape, Marc, Johanna Siméant et Claudine Vidal. Crises extrêmes: face aux massacres,
aux guerres civiles et aux génocides. Coll. Recherches. Paris: La Découverte, 2006.
Imprimé.
Mesnard, Philippe. Témoignage en résistance. Paris: Stock, 2007. Imprimé.
Ngandu, Pius Nkashama. Dialogues et entretiens d'auteur. Coll. Écrire l'Afrique. Paris:
L'Harmattan, 2012. Imprimé.
. En suivant le sentier sous les palmiers. Paris: L'Harmattan, 2009. Imprimé.
. Guerres africaines et écritures historiques. Paris: L'Harmattan, 2011. Imprimé.
Ricœur, Paul. Temps et récit. Vol. 3. Coll. Points-Essais. Paris: Éditions du Seuil. 1985.
Imprimé.
Scarry, Elaine. The Body in Pain: the Making and Unmaking of the World. New York:
Oxford UP, 1985. Print.
Schaeffer, Jean-Marie. Pourquoi la fiction? Coll. Poétique. Paris: Éditions du Seuil, 1999.
Imprimé.
Sémelin, Jacques. "Violences extrêmes: peut-on comprendre?" Revue Internationale des
Sciences Sociales 174.4 (2002): 479-81. Imprimé.
Zanzala, Serge Armand. Les "Démons crachés" de l'autre république. Coll. Écrire
l'Afrique. Paris: L'Harmattan, 2007. Imprimé.

karel PLAiCHE est Docteure ès Lettres, spécialiste des littératures franco


phones africaines contemporaines. En 2012, elle a soutenu sa thèse intitulée
"États et écritures de violence en Afrique contemporaine: la représentation des

This content downloaded from


197.1.139.85 on Tue, 27 Oct 2020 09:51:58 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
Plaiche: La Guerre et la crise de la fiction 59

conflits armés et des violences de masse dans les fictions africaines subsaha

riennes francophones" (Université de La Réunion) et depuis a publié divers ar


ticles sur les questions de la douleur, de la violence extrême, du trauma et leur
traitement dans le discours littéraire. Actuellement, elle s'intéresse en particu
lier aux contextes de guerres contemporaines en privilégiant une perspective
pluridisciplinaire. Karel Plaiche est chercheuse associée au Laboratoire lcf ea
4549 à l'Université de La Réunion et est enseignante de lettres.

This content downloaded from


197.1.139.85 on Tue, 27 Oct 2020 09:51:58 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms

Vous aimerez peut-être aussi