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Collège Jean-de-Brébeuf

Octobre 2021

Le Graffiti
L’équipe

Sarah Dahman Alice Godbout Hadi-Rayane Illourmane


Rédactrice en Correctrice en Directeur des finances
chef chef

Anastasia Van Ryswyk Nada Madhi


Responsable de la mise en Directrice des
page et des illustrations communications
Remerciements
En cette publication de la deuxième édition du Graffiti pour l’année 2021-2022, notre équipe souhaite remercier
tous les écrivain.es qui nous ont confié leurs textes et leurs dessins. À la lumière de l’engagement
communautaire et de la justice sociale que nous souhaitons encourager et améliorer dans notre monde actuel,
voici donc votre édition tant attendue.

Mille mercis à : Bogdan-Alexandru Sava, Elisa Messien Bonnet, Elizabeth Powo, Anthony Dubé-Jaegly, Juliette
Walker-Hanley, Aichatou Dia, Éloïse Pilon, Alexis Noiseux, Daphné Cyr-Gagnon, Éva Leblanc, Marc-Steven
Jean-Louis, Felix Tymoshenko et Anastasia Van Ryswyk.

Bien à vous,
L’équipe du Graffiti
Les injustices par Bogdan-A. Sava
Vous les avez sans doute croisées, sans même les remarquer ; Elles ne sont pas très belles à voir ;
Vous les avez sans doute vues, sans même les regarder. Souvent, par inconfort, on détourne le regard.
Comme la neige sale, elles se fondent dans le décor ; On se dit qu'elles sont surtout ailleurs, qu'ici il n'y en a pas.
Leurs rumeurs, leurs paroles ne sont rien de plus qu'une Pourtant, on se ment et on le sait ;
Bande sonore. On dit qu'on est tous égaux,
Elles se tiennent souvent dans les métros, Mais certains sont plus égaux que d'autres.
Dans les quartiers mal famés, souvent affamés, Certains pensent même parfois, que si l'on ne regarde pas,
Dans les parcs, sur les bancs, Que si l'on ne parle pas de ce qui « ne nous regarde pas »,
Dans des tentes, sous les ponts, Qu'alors elles n'existent pas.
En garde à vue, en prison, Et pourtant.
À se faire tuer dans les hôpitaux, Et pourtant, elles existent :
À manquer d'eau sur leurs propres terres. Elles sont les injustices, qui, faute de sauter aux yeux
Sautent au cœur.

1 Première de couverture réalisée par Anastasia Van Ryswyk et Nada Madhi


Sommaire
Les injustices 01 Bogdan-A. Sava

Rotaract 03 Elisa Messien Bonnet


Comité des Cultures 04 Elizabeth Powo


Afros de Brébeuf

Comblé par des 05 Anthony Dubé-Jaegly


sourires

Critique de la pièce
de théâtre Manuel de 06 Juliette
Walker-Hanley
la vie sauvage

Inégalités médicales 07 Aichatou Dia



Réduire les inégalités


pour réduire les 09 Éloïse Pilon
émissions

Lac Simon Alexis Noiseux et



10 Sarah Dahman
L'identité
autochtone 11 Éva Leblanc

Une improvisation
pour mes bien-aimés 13 Marc-Steven

Jean-Louis

2
Rotaract
Savez-vous ce qu’est un club Rotary ? Sûrement que la
plupart d’entre vous répondront non, et pourtant, le Rotary
International est une association qui rassemble 35 221
clubs présents dans près de 200 pays et régions
géographiques. D’ailleurs, historiquement, le Rotary a été
le premier « club de service à autrui » créé au monde. En
effet, il est né le 23 février 1905, à Chicago, de la vision
d’un homme, Paul Harris. Au fil du temps, la portée de la
vision du Rotary s’est progressivement étendue et ses
membres, qui ne craignent pas de rêver en grand, se sont
dédiés à une multitude de causes humanitaires mondiales. Les membres bénévoles ne se contentent pas de construire
À titre d’exemple, ils ont commencé leur lutte contre la des puits et de partir. En effet, ils partagent leur expertise
polio en 1979. La polio (ou poliomyélite) est une maladie avec les dirigeants et les éducateurs de la communauté pour
infectieuse paralysante et potentiellement mortelle qui garantir la réussite à long terme des projets.
touche le plus souvent les enfants de moins de 5 ans. Le
virus se transmet d’une personne à l’autre, généralement Ici, à Brébeuf, nous avons le comité Rotaract. Nous sommes
par de l’eau contaminée, et s’attaque au système nerveux un comité philanthropique chapeauté par le club Rotary de
de la personne infectée. Aujourd’hui, cette maladie est Westmount, un des 35 221 clubs Rotary dans le monde
endémique uniquement dans deux pays, soit en faisant partie de Rotary International. Concrètement, nous
Afghanistan et au Pakistan, alors que ce chiffre s’élevait à permettons à nos membres de s’impliquer au sein de leurs
125 en 1988. Rotary International a dédié 35 ans de travail, communautés en leur offrant de nouvelles opportunités de
plus de 2,1 milliards de dollars et d’innombrables heures de bénévolat, diverses en nature et en forme, à chaque
bénévolat à l’éradication de cette maladie paralysante pour rencontre. Par exemple, une semaine, ils pourraient offrir
arriver à ce résultat. En effet, en tant que partenaires leur aide dans la cuisine de la Maison du Père pour préparer
fondateurs de l’Initiative mondiale pour l’éradication de la des repas distribués à des personnes vulnérables ; une autre,
polio (IMPE), qui regroupe des organisations telles que ils auraient la possibilité de léguer leurs talents en
l’UNICEF et l’OMS, ils ont réduit les cas de 99,9 % depuis composition de sites internet à un organisme à but non
leur première action de vaccination de 6 millions d’enfants lucratif. Ils pourraient même offrir leur aide en tant que
aux Philippines en 1979. Il est important de comprendre tuteurs pour PROMIS, qui est un centre d’aide pour les
l’ampleur de ces actions, car si tous les efforts immigrants et qui cherche à faciliter leur intégration et à
d’éradication cessaient aujourd’hui, d'ici 10 ans, la polio renforcer leurs liens communautaires à Montréal. Nous
pourrait affecter jusqu’à 200 000 enfants chaque année. avons aussi une équipe de rédaction qui s’occupe de rédiger
L’organisme éduque et équipe une multitude d’autres des textes d’actualité afin de sensibiliser les gens autour de
communautés pour mettre un terme à la propagation de nous et de les garder informés sur une multitude de
maladies mortelles comme le VIH ou SIDA et le situations précaires se produisant aux quatre coins du
paludisme. Ses membres travaillent aussi à améliorer et à monde. Nous comptons aussi organiser des levées de fonds,
étendre l’accès aux soins de santé gratuits ou à faible coût certaines en partenariat avec Rotary, d’autres non, ainsi que
dans les régions en développement. De plus, Rotary des collectes de vêtements et de denrées que nous
International soutient des solutions locales pour apporter de distribuerons ensuite à divers organismes. En somme, des
l’eau potable, des installations sanitaires et une meilleure grandes villes aux villages ruraux, Rotaract Brébeuf a pour
hygiène à un plus grand nombre de personnes chaque jour objectif de changer des communautés comme la vôtre à
dans divers villages et villes dans le monde. travers le service à autrui.

Elisa Messien Bonnet


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Comité des Cultures Afros de Brébeuf
Elizabeth Powo importants tout en remédiant à certaines situations qui ont eu
En tant que personne noire, il m’est souvent difficile de lieu dans le passé quant à notre histoire. Ce comité, qui peut
penser qu’une société, quelle qu’elle soit, puisse atteindre sembler comme exclusif aux yeux de certains, constitue
cette fameuse justice sociale dont on parle tant. Une notre moyen de se bâtir, de rationaliser et d’améliorer notre
première raison qui explique cela est que le système en soi pensée critique. Son but premier, cependant, est de pouvoir
favorise certaines personnes. Comment parvenir à « l’égalité créer un chemin vers cette possibilité d’aboutir à un progrès
des droits pour tous les peuples ainsi que la possibilité pour économique et social que nos pairs n’ont jamais connu.
tous les êtres humains sans discrimination de bénéficier du Nous comptons y arriver en essayant de trouver des
progrès économique et social partout dans le monde » quand solutions à certaines situations que nous traversons, en
les grandes puissances ont déjà préétabli qui sont les plus débattant et en posant des actions concrètes qui pourraient
aptes à survivre ? Des grands penseurs de l’Antiquité, améliorer la condition de certains Noirs à travers le Canada.
comme Aristote, qui pensaient que certains étaient faits pour En dirigeant le CCAB, mes co-exécutives, Arielle et
gouverner alors que d’autres étaient prédestinés à une vie Michelle, ainsi que moi-même, voulons plus que tout créer
d’esclave découle l’idéologie du colonialisme. De un réseau social à partir duquel plusieurs Noirs à différents
l’idéologie du colonialisme découlent les idées racistes, des niveaux – collégial, universitaire, monde du travail –
idées racistes découlent les préjugés et des préjugés découle pourraient compter les uns sur les autres pour des
l’improbabilité de parvenir à la possibilité pour tous les êtres collaborations et des projets.
humains sans discrimination de bénéficier du progrès
économique et social. Fille d’immigrants et étant considérée comme la deuxième
génération, je dois dire que les stéréotypes basés autour des
Pour moi, les différentes associations existantes, telles que minorités commencent à être beaucoup plus visibles et
des comités scolaires ou des organisations sociales, dénoncés, ce qui permet de se mobiliser et de se rapprocher
permettent de se rapprocher de la justice sociale. En effet, de la justice sociale. En effet, il est vrai qu’on ne pourra
grâce au réseau que l’on se crée, aux actions posées visant jamais vraiment atteindre cette dernière, mais nous
l’amélioration de la société (levées de fonds, bénévolat, commençons tout de même à voir plusieurs personnes de
organisation de séminaires) et à la sensibilisation, les couleur occuper des postes de haut niveau et bâtir un
groupes minoritaires montent de plus en plus sur l’échelle generational wealth pour leur descendance. Les préjugés et
sociale et réussissent à détruire le mythe selon lequel ce ne stéréotypes sont la raison pour laquelle il nous sera toujours
sont que les Blancs qui sont les plus aptes à avoir du succès, difficile d’obtenir une société juste, surtout que ceux, par
ainsi que la série de fausses conceptions qui a perduré avec exemple Aristote, qui se pensaient supérieurs à d’autres sont
le temps. enseignés dans plusieurs écoles aujourd’hui. Cela vient en
partie contredire ce à quoi la société veut aspirer. Pourtant, il
Le CCAB, Comité des Cultures Afros de Brébeuf, ne s’agit pas ici que de l’Occident : la plupart des pays
anciennement connu comme étant l’ACAB, est un comité d’Afrique ne connaissent même pas le terme de « justice
pour toute personne afro-descendante qui souhaite joindre un sociale » et le taux de réussite sociale (qui inclut des facteurs
safe space où elle peut s’exprimer librement et passer du comme avoir un emploi, par exemple) est aussi bas que le
temps avec des gens de sa communauté. C’est également un taux d’acceptation à Harvard (4,6%). Après tout, n'est-ce pas
moment que nous prenons, en tant que membres de la la raison pour laquelle nos parents ont quitté leur pays natal
minorité noire, pour se réunir et discuter de sujets ? 4
Comblé par des sourires
Vous est-il déjà arrivé de vous sentir comblé à la simple vue d’un sourire authentique ? C’est un phénomène très récurrent dans un contexte de
bénévolat où l’on offre nos services et notre temps en échange du bonheur d’autrui.

C’est une expérience que j’ai vécue la fin de semaine dernière alors que j’étais bénévole pour le Marathon du P’tit Train du Nord. Étant l’un
des plus grands événements de 42,2 kilomètres dans la province, cette course d’endurance sait charmer ses quelque 2000 participants grâce à
son parcours traversant un tunnel interminable et flamboyant créé par les couleurs automnales québécoises. J’étais posté à environ 200 mètres
de la fin, soit là où les coureurs et coureuses aperçoivent la ligne d’arrivée tant attendue pour la première fois. À ce moment même, sous les
encouragements incroyables des spectateurs et des bénévoles, leurs visages s’illuminent et un sourire authentique apparaît sur leur visage.
Nous avons même, à quelques reprises, eu droit à des larmes de joie. En effet, ils voient la fin d’un accomplissement d’une vie approcher
devant leurs yeux. Les tempêtes d’émotions que ces personnes ont traversées pendant de nombreux et difficiles mois se traduisent, à ce
moment même de la course, par de la joie, de la satisfaction et du soulagement. Les émotions que ces héros laissent paraître sur leurs visages
sont réellement touchantes et vont jusqu’à donner des frissons à ceux qui y assistent.

À plusieurs reprises, nous pouvions voir les coureurs et coureuses remarquant leurs proches parmi les spectateurs, ce qui leur faisait réaliser
l’impact inégalable de leur soutien tout au long de leur préparation ardue. Des fois, ce reflux d’émotions positives permettait aux athlètes
d’accélérer à une vitesse incroyable, étant donné les 42,2 longs et pénibles kilomètres qu’ils venaient de parcourir. Cela laisse paraître que le
soutien des proches dans les moments les plus difficiles jusqu’aux moments de gloire peut donner des ailes aux personnes que nous
supportons.

Ce soutien, qui peut, des fois, sembler invisible, joue toujours un rôle très important dans le développement d’une personne. À un moment ou
un autre, ce support va se traduire par une victoire pour notre proche, qu’elle soit immense ou minime, et le fait d’avoir été à leurs côtés tout au
long du processus nous fait ressentir leurs émotions aussi.

Le plus surprenant dans tout ça est que ça ne doit pas nécessairement être un proche qui encourage les participants. En effet, les
encouragements venant de parfaits inconnus que tous les bénévoles et moi représentions pour eux leur redonnaient le sourire malgré ce point
avancé de la course. Ces sourires m’auront marqué à jamais en voyant le bonheur et l'épanouissement réels. Ceux-ci reflétaient leur fierté
d’avoir accompli cette épreuve sportive colossale.

Je ne peux parler de cet événement sans faire une mention honorable à mon grand ami, Arman Sarshoghi.

J’ai eu la chance de suivre sa progression, entraînement par entraînement, au courant


des quelque quatre derniers mois. Son but était simple et spécifique : courir ce
marathon en moins de 3 heures afin de se qualifier pour le Marathon de Boston, très
reconnu à l’échelle internationale à l’âge de seulement 18 ans. Au départ, la
réalisation de ce défi en représentait un de taille. Toutefois, sa persévérance, sa
consistance, sa détermination, sa discipline et l’écoute de son corps lui ont permis de
l’affronter avec brio.

Certains jours, il devait se lever à 5h pour courir avant ses cours. D’autres fois, il était
attentif aux signaux de son corps et prenait une journée de repos pour éviter de se
blesser et remplaçait son entraînement prévu par une sortie à vélo. S’il sautait un
entraînement, c’était d’un point de vue stratégique. Le jour J, il avait une certaine
douleur au pied avant le départ. Cela aurait pu le bloquer mentalement de courir à
l’allure prévue, mais il a couru la première moitié à une vitesse fulgurante, soit un
temps projeté bien au-deçà de la barrière des 3h. Malheureusement, au 32e kilomètre,
un « crac » s'est fait entendre. Son pied a subi une fracture. Quel malheur ! Les 10
kilomètres qui l’ont mené à la ligne d’arrivée ont été les plus douloureux de sa vie.

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Lorsque je l’ai vu s’approcher de mon poste, ses yeux étaient vides. Son esprit semblait s’être
dissocié de son corps. Je m’attendais à ce qu’il s’effondre à tout moment. J’ai eu la chance de
pouvoir parcourir les derniers mètres à ses côtés pour l’encourager. En approchant de la ligne
d’arrivée, le chronomètre indique 2 :59 : 40 et nous n’étions pas encore rendus. À l’instant où
son pied a traversé la ligne d’arrivée, le chronomètre indiquait 2 :59 :56. Voilà. Il l’a fait. Je
crois que j’exprimais nettement plus de bonheur que lui selon les photos : il était à l’agonie.
Toutefois, je connaissais, sans l’ombre d’un doute, les émotions intenses qu’il ressentait et c’est
ce qui a mené à mon excitation. J’étais tellement fier de lui, ayant suivi sa progression et parce
qu’il a accompli cet objectif qui lui était si cher.

Bref, je peux personnellement témoigner que se dévouer à une cause bénévolement qui a pour
but principal d’améliorer la situation de certaines personnes peut nous faire vivre des émotions
uniques et très fortes. Cette journée restera gravée dans ma mémoire à jamais et j’espère
sincèrement que vous serez inspirés par cette expérience et que vous commencerez seulement
par sourire aux gens que vous croisez, car cet outil impactera votre humeur et celle des autres
comme jamais. Anthony Dubé-Jaegly

Critique de la pièce de théâtre Manuel de la vie sauvage


Présentée au théâtre Jean-Duceppe depuis le 8 septembre 2021, Manuel de la vie sauvage, pièce
écrite par l’auteur québécois Jean-Philippe Baril-Guérard et mise en scène par Jean-Simon
Traversy, est un délice satirique qui met en lumière maintes préoccupations de notre époque.

Baril-Guérard plonge son public dans l’univers délétère des start-ups du domaine technologique
où la protagoniste, Cindy Bérard, crée une application avant-gardiste qu’elle commercialise par le
biais de son entreprise, Technologies Huldu inc. La pièce suit son progrès en tant
qu’entrepreneure, en passant par ses premiers échecs qui forgeront son caractère, ses rencontres
fructueuses, ses nombreuses trahisons, son succès médiatique et enfin la déchéance claire et nette
de ses principes éthiques.

Manuel de la vie sauvage surprend pour une myriade de raisons. Que ce soit pour les remarques précises et nuancées de chacun des personnages, qui
fuient à un rythme digne d’un circuit de Formule 1, pour le dialogue ancré dans la réalité et plutôt cru ou pour la richesse des thèmes abordés, la pièce
assemblée par Baril-Guérard et Traversy imprègne l’esprit de l’auditoire. Il serait cruel de ne pas mentionner la justesse de l’humour satirique, qui
parvient à faire rire tous et toutes, tout en maintenant un certain malaise tangible dans la salle de théâtre. Vous désirez connaître un avant-goût du style
de commentaires de Cindy ? Voici un extrait de son argumentaire soi-disant motivant : « J’ai appris que toutes les relations humaines impliquent une
transaction et qu’il faut toujours s’assurer de ne pas perdre au change. J’ai appris que la haine est le plus grand moteur d’innovation. J’ai appris que la
seule façon de se faire respecter par les autres est d’avoir une relation contractuelle avec eux. J’ai appris qu’il ne faut pas confondre la légalité avec la
moralité. J’ai appris que je suis une bonne personne, mais j’ai aussi appris qu’il est important de faire des compromis. » D’ailleurs, ceux qui ont déjà lu
des œuvres de Baril-Guérard, telles que Royal, Haute Démolition ou Tranche-cul, reconnaissent les répliques crues et simples balancées par les
personnages à droite et à gauche.

La mise en scène est particulièrement intelligente. Tout au long de la pièce, des projections accompagnent le jeu et ajoutent au réalisme effrayant de
l’univers toxique qui est mis de l’avant. En entrant dans l’auditorium, avant même que le bal théâtral soit lancé, le public a accès, par le biais de la
projection en noir et blanc, aux coulisses de la vie d’entrepreneure de Cindy, qui est présentée en pleine discussion avec ses collègues. Mais attendez-
vous à avoir la bouche bée, littéralement, à la fin de la pièce, quand vous comprendrez pourquoi le scénariste a choisi de projeter les trois femmes au
début. La structure circulaire, en boucle, ou « full circle », pour les intimes, est un coup de génie créatif !

Et que dire du décor ! Simple, certes, mais efficace, il évolue en parallèle à l’histoire et, surtout, en parallèle au chaos semé par la soif de pouvoir et de
succès insatiable de Cindy. Composé, initialement, de rideaux scintillants, le décor se métamorphose en scène de conférence, en passant, notamment,
par les bureaux de Huldu et la grosse cabane d’Outremont de l’investisseur égocentrique.

Cette satire brillamment exécutée par les acteurs touche à la compétition, à l’ambition, à la loyauté envers ses plus proches pairs, mais surtout aux
enjeux éthiques reliés à la technologie. Sans révéler la chute surprenante et légèrement dérangeante de Manuel de la vie sauvage, il est clair que tout
fanatique de la série Black Mirror serait en mesure d’apprécier le symbolisme de la pièce.

À voir, ou à lire, sans conteste. Juliette Walker-Hanley 6


Inégalités médicales Aichatou Dia
En quoi une quantité différente de mélanine dans le corps devrait-elle créer une différence dans
la façon dont on va s’occuper de ta santé ? Cette injustice existe depuis des siècles et nuit à
plusieurs individus encore aujourd’hui. Nous ne faisons que reproduire le passé d’une autre façon.

Une lutte Historique


Aux États-Unis, la loi sur les droits civils de 1964 a interdit la ségrégation et la discrimination
fondées sur la race, la religion, le sexe ou l'origine nationale. Une étape importante du
mouvement des droits civiques est survenue l'année suivante : la création de l'assurance maladie et la
fin des hôpitaux qui refusaient des patients en raison de la couleur de leur peau.

L'assurance maladie était le joyau de la Great Society du président Lyndon B. Johnson, un ensemble de programmes
visant à mettre fin à la pauvreté et à l'injustice raciale. Le secrétaire adjoint de Johnson, Philip Lee, MD, diplômé de la faculté de
médecine de l'université de Stanford, a défendu la cause en insistant sur le fait que les hôpitaux voulant recevoir un nouveau
financement de Medicare, l’assurance maladie aux États-Unis, pour les personnes âgées se devaient de respecter le Civil Rights
Act.

Son rôle en tant que promoteur de Medicare - et son message à quelque 7 000 hôpitaux : « Pas de patients noirs, pas de
financement de Medicare » - deviendrait son plus grand héritage. Lee trouvait qu’il s’agissait d’un outil puissant afin de lutter
contre les injustices sociales et économiques aux États-Unis. Selon Laurence Baker, PhD, professeur à l’école de médecine de
l’université Stanford, le docteur Lee deviendra l’un des plus grands meneurs de la politique médicale américaine. Bien que les
minorités raciales subissent encore des traitements inégaux aujourd’hui, il a joué un rôle influent dans la mise en œuvre du
programme Medicare et a permis l’accès aux soins de santé pour les Américains âgés et handicapés. Il est évident que le
problème n'a pas été résolu avec toutes ces luttes. L’injustice sociale dans le monde médical persiste de nos jours après maintes
années.

Traitements inégaux encore aujourd’hui


La classification raciale est profondément ancrée dans la pratique médicale, que ce soit dans la formation médicale, dans les
directives de soins cliniques ou dans les protocoles de recherche. L’Association médicale américaine (AMA) a même déclaré
que le racisme était une menace pour la santé publique et que la race ne devrait pas être utilisée comme substitut de la génétique
dans la recherche, l’éducation et les soins aux patients. Selon elle, les chercheurs en santé devraient plutôt canaliser leur énergie
sur les facteurs sociaux tels que le logement, l’environnement, l’emploi et l’éducation qui, eux, jouent un rôle plus déterminant
dans la santé de l’individu. Dénonçant le racisme que l’on retrouve dans le milieu médical, Willarda Edwards, MD, interniste de
Baltimore et membre du conseil d'administration de l'AMA, nous explique que « lorsque la race est décrite comme un facteur de
risque, il est plus probable qu'elle soit un indicateur des influences du racisme structurel que de la génétique ».

Par exemple, en pneumologie, les spécialistes mesurent la capacité pulmonaire avec le spiromètre, une machine qui est
programmée pour appliquer automatiquement un « facteur de correction » basé sur la race à la lecture, abaissant une lecture «
normale » pour une personne noire de 10% à 15%. Ainsi, un résultat qui serait considéré comme normal pour une personne
noire pourrait être considéré comme malsain pour une personne blanche. Ce patient peut donc subir un retard de prise en charge
et recevoir un traitement inégal face aux patients à la peau blanche. Selon Lundy Braun, PhD, un chercheur de l'Université
Brown dont le livre de 2014, Breathing Race into the Machine, relate l’histoire de cet appareil datant de l’esclavage, cette
pratique se basait sur l’hypothèse que les Noirs avaient une capacité pulmonaire inférieure. De nombreuses croyances médicales
fondées sur la race ne tiennent pas compte du contexte et des facteurs contributifs de la maladie, tels que les facteurs sociaux et
environnementaux. Prenons pour exemple Megan Mahoney, MD, ancienne étudiante en médecine qui se souvient avoir appris à
la faculté de médecine que les Pimas, peuple autochtone originaire du Mexique, avaient un risque génétique plus élevé de
diabète de type 2. Toutefois, les Pimas du Mexique ont des niveaux relativement faibles de la maladie. Les Pimas aux États-Unis
étaient plus sujets au diabète en raison de la perte de leur mode de vie, ce qui les a obligés à subsister pendant des années avec
des aliments riches en glucides et en graisses que l'armée américaine leur a fournis.
7
Dans une étude de 2016 publiée dans les Actes de l’Académie
nationale des sciences (NAS) , des chercheurs de l'Université de
Virginie ont découvert que la moitié des étudiants en médecine et des
résidents pensaient que les Blancs et les Noirs étaient biologiquement
différents et que ces derniers étaient plus tolérants à la douleur.
L'hypothèse a été avancée à l’époque de l'esclavage, alors que l’on
croyait que les Noirs avaient une peau plus épaisse et ressentaient
moins de douleur que les Blancs, ont déclaré les chercheurs. Il est triste
de voir que les propos mentionnés il y a 300 ans affectent négativement
le traitement médical des minorités encore aujourd’hui. Où est
l’évolution ?

Pas seulement chez nos voisins


Bien que de nombreux Canadiens puissent croire que le racisme n’est un problème qu’au sud de la frontière, les
Canadiens noirs sensibilisent le public au racisme anti-noir depuis des siècles. De multiples facteurs sociétaux perpétuent
les inégalités raciales en matière de santé pour les groupes raciaux non dominants dans le monde, y compris les
problèmes de santé mentale et des problèmes de santé physique tels que les maladies cardiovasculaires. Le domaine de la
médecine ne peut plus nier ou ignorer l'existence d'un racisme systémique au Canada et la façon dont il affecte la santé
des personnes membres des communautés minoritaires raciales.

Heureusement, peu à peu, les écoles de médecine tentent d’ajouter à leur curriculum des cours portant sur les injustices
sociales dans le monde médical et des programmes sont créés pour promouvoir un traitement médical équitable, peu
importe la couleur de la peau. Il s’agit de bonnes initiatives. Mais n’avez-vous pas l’impression que nous sommes encore
près de la case départ ? Comment avons-nous progressé technologiquement plus rapidement que nous avons appris à
traiter l’autre avec respect et équité ? Il me semble que l’invention du téléphone ou la construction
de trains s’avèrent plus complexes que d’agir de façon égale avec tout individu. Et
ces « fameuses » avancées technologies ne devraient-elles pas être un moyen
d’éduquer plus facilement les individus sur l’injustice sociale et les mythes
concernant les minorités raciales ? La lutte contre les injustices sociales dans le
milieu médical est trop lente et celles-ci continuent à affecter trop de personnes.
Combien de mois, combien d’années, combien de décennies et de siècles allons-nous
attendre pendant que le nombre de victimes se multiplie ? Nous pouvons dès
maintenant écrire les prochaines lignes de notre histoire. Pourquoi attendre ?

Les dessins, sur cette page, ont été réalisés par Felix Tymoshenko.

8
Réduire les inégalités pour réduire les émissions
De ceux qui sont d’avis que des actions concrètes pour mettre fin aux changements climatiques tardent à être posées,
plusieurs pensent que les considérations financières sont à blâmer pour ce manque de conscience. S’ils avaient raison,
mais que le problème ne résidait non pas dans le portefeuille des riches, mais plutôt dans celui des moins bien nantis?
En novembre 2020, l'Open Society European Policy Institute a réalisé une
étude auprès de huit pays européens pour connaître leur avis sur de
potentielles politiques environnementales. Alors que la majorité des
participants étaient prêts à diminuer leur consommation de plastique, rares
étaient ceux qui se disaient disposés à payer plus cher pour prendre la voiture
ou l’avion. Conclusion : tout projet impliquant une augmentation de prix
risque d’être mal reçu par la classe moyenne. Qu’en est-il des populations
plus pauvres ? Tout le monde sait qu’elles sont les plus grandes victimes de
la crise climatique, même si elles en sont les moins responsables. Pour ces
gens, les impacts du réchauffement climatique sont plus que simplement
environnementaux ; ils sont économiques. Malheureusement, il n’est pas rare
que les dirigeants oublient de considérer les impacts financiers des politiques
vertes qu’ils veulent mettre en place. En France, le mouvement des Gilets

jaunes a manifesté, en 2018, contre l’adoption d’une taxe sur le carbone.


D’un point de vue environnemental, cette décision est irréprochable, mais
elle néglige complètement les régions rurales plus modestes, qui doivent
s’ajuster aux prix ascendants de l’essence sans avoir l’alternative d’utiliser
les transports en commun. La dure vérité, c’est que ces changements verts
désavantagent systématiquement les populations à plus faibles revenus.
Ainsi, plusieurs politiques destinées à contrer les changements climatiques pourraient s’avérer néfastes pour les plus pauvres, comme les
taxes sur le carbone aux frontières, les standards d’efficacité énergétique des moteurs (qui peuvent demander l’achat d’un nouveau véhicule)
et l’utilisation de biocarburants (qui fait augmenter le prix des aliments). Cette dernière politique affecte particulièrement les régions de
l’Afrique subsaharienne et de l’Asie du Sud, où on dénote le plus grand nombre de « migrants climatiques », c’est-à-dire de populations
déplacées en raison du climat. Voilà bien la preuve que les émissions de gaz à effet de serre, en plus de détruire la planète, creusent les
inégalités sociales entre les pays. « Les solutions aux problèmes écologiques et à l’iniquité sociale passent par une réforme majeure du
système économique », affirme Karel Mayrand, directeur général pour le Québec de la Fondation David- Suzuki. Afin de s’assurer que les
actions climatiques aient l’effet escompté, il est donc primordial de prévoir (et surtout, de prévenir) les conséquences sociales de celles-ci sur
tous les membres de la société. De plus, la responsabilité de réformer notre système ne doit pas reposer également sur tous les pays, ce qui
défavoriserait les pays émergents, mais plutôt équitablement, selon le statut économique de chacun. Les pays peuvent également s’entraider,
les pays développés pouvant par exemple payer les taxes sur le carbone des pays plus pauvres et leur remettre une partie des revenus pour que
ceux-ci puissent financer un virage vert.

D’ailleurs, les candidats politiques qui craignent que leurs intentions vertes ruinent leurs prochaines élections seront contents d’apprendre
qu’en prenant en compte le contexte socio-économique de la population, leurs décisions favoriseront une majorité d’électeurs. En effet,
l’élaboration d’un plan d’action climatique demande plus que de prévoir des mesures efficaces ; avant tout, celui-ci doit faire en sorte que
l’ensemble de la population ait un avantage financier à préserver l’environnement. Une sorte de capitalisme au service de la planète.

Par Éloïse Pilon


9

Lac Simon
Chers lecteurs, fredonnez à nos côtés l’essence de notre histoire pour mieux saisir la portée de cette œuvre magnifique qu’est le camp de
vacances du Lac Simon. Nous prêtons à votre lecture ce poème qui se veut familier et rassembleur, à la façon d’un bon vieux feu de camp.

Au Camp du Lac Simon, 🎶 J’ai contemplé maintes fois Au Camp du Lac Simon, 🎶
Vous trouverez ce qu’il vous manque. Le courage d’une génération de futures femmes Les mots ne suffisent pas
Un mentor ou une sœur, Outillées d’une empathie Pour encapsuler tout notre amour.
De quoi effacer vos malheurs. Si sincère Les maux de votre cœur se verront apaisés.
Vous y trouverez une alacrité Et si authentique.
Dont vous ne pourrez jamais vous lasser. Leur bouclier est forgé du métal le plus pur. Rendons un dernier adieu.
L’or ne les mérite pas. Marquons la fin de notre séjour.
Au Camp du Lac Simon, 🎶
Il semblerait bien Au Camp du Lac Simon, 🎶 Au prochain été,
Que les soucis s’estompent ; Je me suis sentie comprise, Nous pourrons rallumer
Enfin je peux délaisser mes angoisses. Capable enfin d’admirer mes blessures, Ensemble cette flamme que nous avons
Je me sens libre de les laisser flotter Prête à prendre sous mon aile abîmée alimentée.
Par-dessus le vacarme de la ville. Un autre être ayant besoin d’être guidé. Ensemble nous tiendrons cette rose,
Tant chérie et protégée par Saint-Exupéry,
Tout est si loin. Sous l’aurore d’un ciel timide et pourtant si Sans qu’aucune épine
Tout est si simple ici. immense, Ne puisse nous érafler.
Rien n’est certain là-bas… Monitrices et campeuses se rassemblent, Sarah Dahman
Ayant en leur regard
Au Camp du Lac Simon, 🎶 Une lueur inspirant l’espoir même,
J’ai rencontré des jeunes filles Qui a le don de rajeunir les plus vieux.
Persévérantes et agiles, Assez robuste pour porter le chagrin de nos
Capables de dompter la houle de demain, enfants.
Des âmes coruscantes Étanche aux temps changeants.
Qui illuminent notre quotidien.

Au coeur de l’initiative par Alexis Noiseux et Sarah Dahman


Le Camp de Vacances du Lac Simon est un endroit fondé par le père Jacques Beaupré et les fils de la Charité de la pointe Saint-Charles. Visant à former
des jeunes citoyennes et citoyens altruistes et autonomes, le camp accueille des enfants issus de la région de Pointe St-Charles et, plus récemment, de
Saint-Henri, de la Petite-Bourgogne et de Verdun. Le camp se déroule sur une période de deux semaines au courant du mois de juillet et aucun frais n’est
imposé pour y participer. Chacun est libre de donner le montant qu’il souhaite puisque le camp se voit financé par un système de dons. Le but primaire :
donner la chance à des enfants de vivre une expérience en pleine nature humaine, valorisante et formatrice sans que le milieu duquel ils proviennent et
que les pressions de la vie urbaine n’aient une incidence sur leur séjour. Ce qui importe réellement repose autour des qualités qu’ils portent en leur
personne et de celles qu’ils découvriront durant la tenue du camp. Entre autres, Le Petit Prince représente un outil pédagogique essentiel à la
transmission de valeurs jésuites, soit : l’entraide, l’importance du don, le partage, le service à autrui, la fraternité et l’ouverture à l’autre. Les moniteurs et
monitrices sont des élèves bénévoles du Collège Jean-de-Brébeuf. Au Camp de Vacances du Lac Simon, ils y apprennent à investir une partie de leur
personne dans une jeunesse qui porte parfois un bagage lourd, mais digne d’une attention bienveillante. Cette réalité mène à des rencontres extrêmement
enrichissantes et marquantes autant pour les moniteurs.trices que pour les campeurs.euses.

Témoignage d’une campeuse Témoignage d'un moniteur


Daphné Cyr-Gagnon Alexis Noiseux
Le lac Simon a été pour moi une expérience Le camp est une place spéciale. Lorsqu’on arrive au
inoubliable. C’était la première fois que j'allais dans début du séjour, il y a une chose qui importe : donner
un camp ailleurs. J’étais stressée et j’avais peur de ne tout ce qu’on a pour les jeunes. Le sentiment que j’ai
pas aimer passer une semaine dans un monde ressenti pendant et après le camp est indescriptible.
complètement inconnu. Bien évidemment, tout s’est C’est un mélange de bonheur constant et de
bien passé. C’était une semaine sans écran et j’ai reconnaissance. Avant de m’impliquer comme
adoré. Je me suis vraiment rendu compte d’à quel moniteur et de vivre l’expérience du camp, je n’aurais
jamais pensé qu’il aurait eu un aussi gros impact sur
point on ne profitait pas de l’extérieur et des activités
mon développement personnel et la personne que je
qui s’offrent à nous à cause de nos écrans. Durant
suis. Les liens tissés avec les campeurs et les
mon séjour, j’ai fait connaissance avec des personnes
moniteurs ne sont pas trouvables ailleurs, ce sont des
formidables. Chacune des filles présentes était relations uniques et marquantes. Une des missions
merveilleuse, belle, gentille, attachante. Des premières du camp est de former des femmes et des
rencontres inoubliables. Je crois qu’une de mes hommes aux services des autres. J'essaie de vivre
choses préférées était la nourriture : c’était excellent. ainsi depuis que j’y suis impliqué. S’il y a bien une
J’ai vraiment aimé mon séjour au camp. Je me suis chose que le camp m’a fait réaliser, c’est que le plus
tellement attachée aux personnes et à l’environnement beau cadeau qu’on peut faire à quelqu’un c’est de
dans lequel j’étais qu’au départ j'ai versé quelques passer du temps avec lui. Les campeurs et le camp
larmes. Bref, je remercie chacune des personnes qui m’ont rendu, sans aucun doute, une meilleure
m’ont permis de vivre cette expérience que je referais personne et ce camp aura toujours une place
avec grand plaisir !!! ❤️ importante dans mon cœur.

10
L'identité autochtone
J’ai passé 18 ans de ma vie à rejeter tout ce qui avait
affaire avec le fait d’être autochtone. Pas par dégoût, J’ai, selon moi, le
mais par simple ignorance de ce que ça signifiait. droit d’être
Même aujourd’hui, si on me demandait ce que ça
frustrée. Je suis
voulait dire, je ne saurais donner une réponse qui me
satisferait. Je m’y connais trop peu. déçue, outrée, par
le fait que, en 2021,
Je suis Sioux Dakota de Standing Buffalo, en j’aie encore à parler
Saskatchewan. Ma mère est un des enfants de la rafle
des années soixante : lorsque le gouvernement
à des personnes qui
canadien a pris des enfants autochtones et les a trouvent cet enjeu
placés dans des familles blanches afin de les dépassé.
dépouiller de leur culture, de leur identité. Ma mère
n’a donc pas grandi comme elle aurait dû. Elle
n’était pas entourée de sa communauté et des valeurs
qui y sont rattachées, et, incidemment, moi non plus. Le gouvernement québécois n'est même pas
J’ai longtemps eu un malaise face à mon apparence, capable de reconnaître le racisme systémique.
car j’ai la peau blanche. Quand je dis que je suis à Pourquoi est-ce que quelqu’un saurait ce qu’il s’est
passé si on ne le lui a jamais enseigné ?

Le dernier pensionnat « La rafle des années soixante, c’est quand le


autochtone gouvernement canadien a volé des enfants
autochtones et les a mis dans des familles blanches
a été fermé en 1996, 7 ans avant
pour les assimiler. Il le fait depuis les années 60, et
ma naissance. ça se passe encore aujourd’hui. »
Plus de 150 000 enfants ont été
forcés d’y aller. Environ 6000 Les gens sont surpris quand je leur dis ça. Les
en sont morts, incluant mon événements tragiques, comme la rafle des années
60, semblent toujours lointains. Une partie du passé
grand-oncle. Ma grand-mère y
qu’il faut reconnaître, mais qui est loin derrière.
était également.
C’est la même conversation lorsque je parle de
moitié autochtone, les gens me regardent et disent : «
pensionnats autochtones. Certains enfants qui ont
Mais est-ce que tu te considères autochtone ? » Je
été volés et assimilés dans ces endroits sont encore
leur réponds toujours la même chose : « Oui, mais
vivants pour en parler. Ce n’est pas quelque chose
j’en connais peu sur mon identité. Ma mère a fait
qui s’est passé « il y a genre 1000 ans », pour citer
partie de la rafle des années 60 ». Ils me regardent
une personne que j’ai déjà rencontrée.
avec des yeux ronds : « Qu’est-ce que c’est ? ».
Le dernier pensionnat autochtone a été fermé en
Je ne jugerais jamais quelqu’un pour son ignorance 1996, sept ans avant ma naissance. Plus de 150 000
face à ce sujet. Le système d’éducation canadien est enfants ont été forcés d’y aller. Environ 6000 en
bourré de mensonges. sont morts, incluant mon grand-oncle. Ma grand-
mère y était également.
11
Il est impossible de réparer le traumatisme intergénérationnel qui résulte de ce génocide. C’est l’héritage indésiré de
l’impérialisme. Il est impossible d’oublier le passé quand, encore aujourd’hui, des femmes autochtones sont stérilisées sans leur
consentement dans des hôpitaux canadiens. Quand 38 communautés n’ont pas accès à l’eau potable. Quand il y a des personnes
autochtones comme Joyce Echaquan, une femme atikamekw, à qui on refuse de l’aide médicale et qu’on traite de noms
dégradants. Quand la police fait des starlight tours, terme qui décrit l’action des policiers de faire monter des personnes
autochtones dans leurs voitures et de les laisser seules en dehors des villes au milieu de la nuit pour qu’elles retrouvent leur
chemin vers leur maison. Certaines meurent de froid en chemin.

Il est impossible de fermer les yeux lorsqu’il y a environ 1017 femmes autochtones
disparues ou assassinées, un nombre 4,5 fois plus élevé que le nombre de femmes non-
autochtones disparues ou assassinées. Il y a si peu d’informations à ce sujet ; les enquêtes
sont bâclées et mal faites.

Les tragédies s’empilent et nous restons passifs, ignorants. Le 30 septembre, on porte un


chandail orange. Le premier octobre, on oublie tout. Fini la réconciliation. À l’année
prochaine.

Je n’ai plus de patience. J’ai beau me réapproprier mon identité, parler aux gens de ma
communauté, me renseigner sur mes ancêtres et enseigner mon savoir aux autres. Jamais
cela ne va régler un problème qui est maladroitement abordé dans mon cours d’histoire.
Un problème dont les gens sont ignorants, car personne ne les a renseignés sur ce sujet.

J’ai, selon moi, le droit d’être frustrée. Je suis déçue, outrée, par le fait
qu'en 2021, j’aie encore à parler à des personnes qui trouvent cet enjeu
dépassé.

« Ça s’est passé il y a genre 1000 ans ! »


Non, ça se passe aujourd’hui.

Still Dancing de Jonathan Labillois


L'œuvre présentée à droite a été réalisée par Jonathan Labillois,


un artiste micmac de Gaspé. Le nom de la peinture, Still Dancing,
donné par la sœur de l’artiste, rend hommage aux femmes
autochtones disparues ou assassinées. Elle met de l’avant le
portrait d’une femme autochtone qui porte sur elle l’identité de
celles qu’elles ont perdues, célébrant leur vie et leur héritage,
signifiant qu’elles danseront toujours à travers elle. L’artiste
montre donc la résilience de l’identité et de la culture autochtone,
qui, bien que maintes fois volée, est toujours aussi forte. Se
souvenir de son héritage, de ses ancêtres et de ses tragédies est ce
qui permet de célébrer la beauté de l’identité autochtone
aujourd’hui. Cette toile est une démonstration de force et de
fierté, en plus d’être un moyen de se souvenir du passé.

Still Dancing se trouve dans le foyer des femmes autochtones de


Montréal non seulement pour sensibiliser les gens au problème
des femmes autochtones disparues ou assassinées, mais aussi
pour leur donner une voix.
Éva Leblanc
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Une improvisation pour mes bien-aimés «…
Je ne viendrai pas
de Marc-Steven Jean-Louis mirer mon fol espoir
dans le cristal
de tes prunelles sauvages
car quel sens donner
à nos baisers
à nos étreintes
à ce soir brûlant de fièvres
si notre amour reste indifférent
aux appels désespérés de la souffrance humaine. »

Je ne viendrai pas, René Depestre, écrivain haïtien

Je réclame mes yeux, mes univers éteints, Sert à manipuler sa vie comme on manipule un objet sur lequel n’est pas jeté
Et ce droit-là de les fléchir, de les mettre à genoux, de les coucher L’éclat qu’on donne aux choses, la joliesse dont on habille les choses,
Sur le ciel étoilé qui soudain sera jonché de traces de vies perdues et Les doigts de soie et de velours, les oreilles pointues, et les yeux –
retrouvées, inoubliables –
Sur un matelas créé, œuvre d’art, par un amoncellement, beau ramassis, Les yeux soudain feutrés, voilés, polis.
De tissus, d’amours et de tristesses. « Je pense, pense le garde (qui
Je réclame mes yeux. Laissez-moi, dis-je, la génuflexion de mes yeux, comme Est homme comme l’autre qu’il brutalise,
celle devant Dieu. Qui est emprisonné de part et d’autre dans cette humanité partagée, aux
Laissez-moi au moins le brisement tel un verre de mon regard couleurs contradictoires
Face à mes bien-aimés. Aux miens. À mon cœur – oh ! Mon cœur ! Déchiré. On ne peut plus symbiotiques), je pense
… Voilà. N’est-ce pas une belle chose que de les voir ? Beaux comme ils le À l’agrippement comme arme pour oublier. Noyer dans l’oubli – oh ! – ma
sont, bassesse,
Et la belle communauté qu’ils forment, impromptue, difforme dans sa Et celui qui est devant moi. Le Simon de Cyrène devant moi. Et le chemin
composition, qu’il a fait,
Et populeuse, très, et recluse, sous un pont, à la jonction de deux pays. De pays en pays, de région en région, d’effroi en effroi, etc.,
Ils se comptent par centaines et l’on trouve tout en eux : le souffle. Strié Un bois sur le dos, jusqu’au mont du Calvaire, où il n’est pas déchargé du
d’épuisement et de peur, lourd fardeau
Qui se dissout dans un air déjà lourd, presque irrespirable. La Vie. Qui est la mort d’un autre, la succulente mort d’un autre ! De soi.
Fatiguée. Qui se souvient de ses morts. Qui a vécu, a côtoyé la Mort. Car je lui fais encore porter ce poids lourd. J’agite devant ses yeux confus, et
« Sa joliesse ! se sont-ils exclamés, sa joliesse ! » devant les siens,

La symétrie de son visage ! L’aspect élancé de ses doigts glacés ! Et devant tout le monde, et devant le Monde,
Cependant, non. Car la recherche effrontée et effrénée d’une vie meilleure Un lasso. »
rend laid *
Même le plus bel apparat du trépas. ... Sont stupéfaits les uns comme les autres. Est marqué sur leur visage le trait
* Ostentatoire de la frustration. Chute dans les oreilles le flot de paroles : les

critiques acerbes,
Il y a des pères et des mères de famille accompagnés de leurs enfants. Les vociférations, les accusations, les insultes. Les gens, campés chacun de
Ils sont entassés, tiraillés par la fatigue, la faim, la soif. leur côté,
Les enfants courent partout, ils s’amusent et ils geignent, et les parents S’affrontent. J’ai cependant une déclaration à faire. Elle se veut humble :
Tentent de les contenir. Oyez ! Oyez ! Louvri zorèy nou pou nou tande ![1] Il s’agit malgré tout
Il est tard. Il faut dormir. Et l’on ne sait pas ce que sera le lot du lendemain. Il De l’échec de l’humain.
faut dormir. Malgré tous les mots multipliés, répandus dans la bouche et sur le bitume,
Manger des vivres. Souper et dormir. Démêler et tresser les cheveux des filles. Malgré tout le courroux raisonnable des proches des bien-aimés,
Passer une débarbouillette humide sur le visage, sous les aisselles. Brosser ses Et tout le courroux – feint ou non, à vous de voir – du président au pouvoir, et
dents. Et dormir. toute sa douceur d’homme
Parce qu’on ne sait rien du lendemain. Le lendemain là, ce sont les autobus Ayant presque tout vu, qui a accepté de voir, de revoir, d’entrevoir
Qui viennent tôt le matin Les mêmes choses : la même déconfiture du visage,
Et le même entassement, la même fatigue, les enfants qui rient et qui geignent Le même sang, les mêmes pleurs infantiles,
encore et encore Le même racisme qui blesse.
Et les déportations. Et ce retour redouté à la terre d’origine. L’humanité a échoué, ses horreurs sont le miroir par lequel elle observe
À la belle terre habitée par la violence du fusil, par la violence du politicien Les profonds sillons de son visage. Les vestiges de sa campagne héroïque
désinvolte, d’autodestruction.
Par la violence de l’indigence, et pourtant. *
Elle ne peut qu’être aimée, la terre. Bien-aimée. Qu’être le diadème gorgé de
perles merveilleuses qui repose sur les têtes, Dans mon point de départ se trouve ma finalité,[2]
Le premier en son genre. Qu’être un chant et la majesté de ce chant, Et se trouve, nichée dans ce gouffre, une effrayante étude.
mélodieux, rythmé, Il y a de ces études qui servent au raffinement de la technique :
Les accords suspendus, aux échos à l’insidieuse barbarie-cadeau du monde au Elles permettent de travailler les arpèges, l’alternance entre la main droite et
monde et la gauche,
À l’indéfectible espoir et à la joie de vivre. Le contrepoint, le rubato, les accords complexes de neuvième et de treizième,
Qu’être. Et ils sont. Les accords diminués, la promptitude des trilles et des autres fioritures,
* Le passage du pianissimo au forte, certaines tonalités difficiles telles que le fa
dièse,
Sont-ils ? Le chromatisme,
Qui sont-ils ? Que sont-ils ? Les études dans leur quintessence :
Cet homme, qui est-il ? Un garde installé sur un cheval le brutalise. Mariage de la prouesse et du lyrisme, du travail technique et de l’éther
Il suffit au garde d’étendre sa main. D’avoir une poigne. D’être énergique, mélodique,
autoritaire. Et pourtant.
De pouvoir agripper. Agripper quoi ? Oh ! N’allons pas trop loin : Mon étude se tient seule dans un coin de la chambre, loin du raffinement,
On peut prendre le rebord de son chandail. L’empoignement sert à toucher son De tout ce qui est hautement musical et harmonieux.
humanité, Bien que seule, bien que laideur, elle est entourée de corps. De monuments.

13
In succession Dans un avant-goût de bonheur, puis dans le malheur même, dans sa
Houses rise and fall, crumble, are extended, cigüe.
Are removed, destroyed, restored[3] Là ! Voici le corps de la désespérance. Il semble lourd. Il est trempé.
… Commençons notre observation: Voici notre hypothèse :
Prêtons attention aux creux secs. Ils sont nombreux, dissimulés entre Dans sa douleur, il a aspiré au sommeil, à trouver un endroit où il
les doigts, pourrait fuir
Couverts de ce qui est feint Le racisme dont il était victime, qui embrouillait sa pensée et
Couverts de ce qui est faux. C’est l’épuisement refoulé. L’empêchait de se tailler une place dans son milieu. Car le racisme fait
Le badigeon de résilience que l’on applique sur soi. mal.
On sait cependant la fragilité de cette couverture. Car, la sécheresse
Le racisme et ses ramifications, pour la personne qui les subit, font très
de ces creux
Est bien là, elle est là! Et elle se révèle. Dans l’usure des mains par mal.
exemple. Ce sont des coups de poing tellement douloureux
Approchons-nous. Il y a bien des lignes blanchâtres tracées sur un Qu’ils paralysent tout en elle. Qu’ils ébranlent tout en elle.
fond noir. Parfois, le cruel racisme nous conduit devant ce corps de désespoir
Elles sont très fines, elles sont serpentines. Elles semblent courir sur Qui s’est trouvé un prétexte :
la peau. Qui a The calm,
Travaillé jusqu’à la mort. Jusqu’à l’irréversible usure.
La sécheresse s’est nichée dans les recoins de la peau labourée, Cool face of the river
Des mains labourées, de mondes labourés. Asked me for a kiss.[4]
La sécheresse est là ! Sur les lèvres qui encadrent une bouche. Ce baiser qui n’a rien de beau,
Penchons-nous sur les dents. Blanches. Les étoiles d’un ciel qui Qui deviendra, pour l’univers de ce corps et pour lui-même,
veille dans la nuit. Délétère poison.
Les dents, chez une autre bouche, trépassent. Se meurent. La plaque. La morsure sauvage de ce serpent venimeux que l’on croit toujours
La carie.
endormi,
L’éclat lésé et le nouveau jaune du teint, sale.
Bon… Ouf ! Attardons-nous aux yeux. Qui, après avoir rôdé autour de cercles humains, somnambule, s’éveille.
Partons de cette idée première : Et son regard, son regard rougeoyant et sa virulence,
Ce sont les yeux et l’infinité de ce qu’ils transmettent, de ce qu’ils Dissolvent le monde devant lui.
enseignent,
Et l’océan de leur vécu, Interlude
Qui enjolivent le visage. Ce sont les particules de pupille qu’ils sont
Qui colorent toute la solution du visage, lui donnent un certain
lustre, et ce, Mes bien-aimés ! Qui êtes !
Bien que les yeux tendent à se ternir, à se remplir de terre, Je vous aime ! Je vous aime mal, je vous aime !

Mon cœur s’ouvre à votre voix


Qu’ils tendent à s’étioler à cause de l’arrêt du regard et de la sieste
des pleurs Comme s’ouvrent les fleurs
À leur rebord. Au baiser de l’aurore[5]
Puis, oh ! Il y autre chose ! Cette plaie ouverte sur le bras ! Mon amour est faillible, mon amour est inculte, je vous aime.
Et la vivacité du rouge qu’on peut voir !
Il y a tellement de blessures comme celles-là ! On peut à peine les Parce que je suis des vôtres.
regarder. Je porte sur moi la couleur de votre peau.
Certaines sont plus légères, d’autres sont profondes, très profondes, Dans ma langue se trouve votre langue.
et aïe !
Quelle horreur ! L’horreur de la chair autour des plaies ! Mon chant s’est constitué de résidus du vôtre.
En lambeaux et en putréfaction ! Et je m’intéresse à vous. Je me soucie de vous. Cependant, je suis
Tendons donc nos bras, déployons nos poings fermés ! faillible.
Et notre sensibilité fermée ! Soignons les blessés et leurs blessures !
Mais nous constatons l’infini des lésions. Leur polysémie. Je suis inculte, j’ai tant à apprendre.
Et la présence de corps inertes. Dieu vous visitera !
Des dépouilles ! Dieu vous visitera ![6]
Celles qui ont goûté à l’étreinte du repos avant de goûter au baiser
de la mort, Personne ne sait quand.
Celles qui ont beaucoup souffert avant de s’endormir pour la durée Dieu vous visitera !
du temps, Dieu vous visitera !
Des maux ayant assailli toutes les dimensions d’elles-mêmes,
Et elles, dans toutes les sommes constituant leur personne, Et vous ferez remonter mes os loin d’ici.
ont tremblé Dieu vous visitera ![7]
Incessamment Amen, amen, amen
ont été bousculées
à gauche Shantih Shantih Shantih[8]
et à droite

œuvre de Jacob Lawrence, peintre Haïtien, intitulée Market Scene


[1] Traduction : “Ouvrez vos oreilles pour entendre!”
[2]Écho au poème ”East Coker” de T.S. Eliot (1888-1965) (Four Quartets). In my beginning is my end. http://philoctetes.org/documents/Eliot%20Poems.pdf
[3] Idem.
[4] Langston Hughes, poète afro-américain. Suicide’s Note. https://www.poetryfoundation.org/poems/147906/suicide39s-note
[5] Camille Saint-Saëns. Mon cœur s’ouvre à ta voix. https://fr.wikipedia.org/wiki/Mon_c%C5%93ur_s%27ouvre_%C3%A0_ta_voix
[6] Genèse 50, versets 24 et 26.
[7] Genèse 50, versets 24 et 26,
[8] La finale du poème The Waste Land de T.S. Eliot. https://www.poetryfoundation.org/poems/47311/the-waste-land
Ce mot signifie « paix, tranquillité » https://www.wildmind.org/mantras/figures/shanti
14
L'édition sur la justice sociale
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