Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
BO R D EAU X
le 2 2 novem bre, à 18 h 30 ,
au th é â tre frança is
avec Louis Pauw els et Je a n Charon
... 1
•
-
TO U LO U SE
le 2 5 novem bre,
à l'a m p h ith é â tre de la fa cu lté des le ttre s
avec Louis Pauw els et A im é M ich e l
PARIS
le 7 décem bre, à 1 7 h,
E D IT IO N S RET2
A D M IN ISTR ATIO N
42 RUE DE BERRI PARIS 8
SOMMAIRE
RÉDACTION ET RENSEIGNEMENTS
8 RUE DE BERRI PARIS 8
DIFFUSION 5 Éditorial
DENOEL - N.M.P.P. Qu'est-ce que Planète? par Louis Pauwels
ABONNEMENTS
VOIR PAGE 159.
15 Chronique de notre civilisation
La faim, la peur, la guerre et les idées de papa,
par Josué de Castro
39 La vie spirituelle
Mon Dieu n’est pas «là-haut», par John A.T.
Robinson, évêque de W oolw ich
Le point de vue d'un catholique, par Louis Salleron
51 Le monde futur
Comment je vois le monde futur, par Nikolaï
Semenov
DIRECTEUR
LO UIS P A UW E LS 59 Les ouvertures de la science
Vers la synthèse de la vie, par Jacques Bergier
COMITÉ DE DIRECTION
LO UIS PAUW E LS 69 L’amour en question
J A C Q U E S BERG IER Comment l’am our fu t inventé, par Louis Pauwels
F R A N Ç O IS R IC H A U D E A U
99 Le mouvement des connaissances
RÉDACTEUR EN CHEF Une médecine différente: l'acuponcture, par
JACQUES MOUSSEAU Roger W ybot
146 Inform ations et Critiques, Analyse des Œuvres, 156 Arthur Michael Ramsey, le 100' archevêque
des Idées, des Travaux et des Découvertes de Canterbury
146 La psychologie / Khrouchtchev contre Freud 157 George Soulié de Morant, il a introduit l’acu
(suite) / Une étude du professeur F.B. Bassine / poncture en Europe
Les Soviétiques et l'inconscient
P R É C ISIO N S P O U R UN D E U X IÈ M E A N N IV E R SA IR E
Deuxième anniversaire :
100 000 exemplaires. Éditorial
à inform er dans des dom aines où l’on n’inform e phoses de ce m onde, d ’une m anière libre, utile,
pas assez, et à aider le plus de gens possible à et p eu t-être nouvelle,
s’in terroger sur eux-m êm es et sur les m étam or-
Un certain resp ect cra in tif et décharné de la 1. V oir n o ta m m e n t d a n s le p ré c é d e n t n u m éro l’a rtic le : « Les scien tistes
c o n tr e la S c ien c e » s u r les re c h e rc h e s d u p ro fe sse u r R o c a rd (N o rm a le
science, qui nous vient de l’héritage, si pesant s u p é rie u re ) c o n c e rn a n t la rad ie sth é sie e t d u p ro fe sse u r B a ra n g er
en F ran ce, du scientism e positiviste, nous m asque (P o ly te c h n iq u e ) s u r les tra n sm u ta tio n s.
Éditorial
Il faut de la liberté pour retro u v er sa patrie. sans le poids du savoir et la force de l’im agination,
Planète s’efforce de réunir tous les m oyens n ’est que la liberté de choisir entre plusieurs
d ’acquérir une plus grande liberté d ’esprit, en positions de sommeil.
ten an t com pte de ceci: que la liberté de l’esprit,
3 La littérature différente
Planète n’est pas non plus une revue littéraire P our aussi grand q u ’il soit, F lau b e rt n’est pas le
et artistique, to u t au m oins au sens où l’on entend patro n . Seule la m ort est objective, et il s’agit
co u ram m ent la chose. N ous ne tenons pas to u t au co n traire de retrouver, p ar l’im agination,
com pte de ce qui, dans les arts et les lettres, la plénitude de l’esprit qui est « l’effort de l’être
s’adresse aux hom m es com m e si rien, dans les p o u r dresser une espérance contre le m onde
structures profondes, n ’avait changé. C ela ne ob jectif de la m o r t1 ».
signifie pas que nous m éprisions ce que nous ne
retenons pas. « Qui méprise se surestism e », disait A V EN T U R E , F A N T A ST IQ U E ,
B uchan. M ais ce qui nous to u ch e surtout, c’est ce S C IE N C E -F IC T IO N
qui propose une vision différente de l’hom m e et
de ses rapports avec l’extérieur, une vision qui N ous trouvons dans le grand rom an d’aventure
déborde le cadre de la psychologie classique. le sens des possibilités infinies de l’énergie et de
Nous nous intéressons à la littérature fantastique la volonté hum aines, un éloge de l’héroïsm e et
passée et présente, à la science-fiction, et même un culte de la réussite généreuse, qui font un
à la littérature dite d ’aven tu re: à ce qui est rejeté contrepoids nécessaire au rom an dit « littéraire »
p ar une critique qui ne considère com m e noble qui, tro p souvent, misérabilise l’être et sa
que le rom an réaliste et psychologique, issu du destinée.
X IX e siècle. N ous nous intéressons à ce qui Il y a dans la m eilleure science-fiction une
véhicule des notions de m odifications possibles hardiesse des thèm es qui jo u x te les hardiesses
de l’hom m e et du m onde. A notre sens, l’im a de la pensée avancée. L ’accen t mis sur l’existence
gination littéraire et artistique n’est rien, si elle possible d ’intelligences différentes dans le cosmos
ne définit, en s’exerçant, la liberté. Et la liberté et même au to u r de nous; d ’univers parallèles;
n’est rien si elle ne définit, en s’affirmant, de changem ents de condition de l’espace et du
l’évolution. tem ps; l’accen t mis sur l’éventualité d’une
N atu rellem ent, aucun artiste ne p eu t se déve m utation de l’espèce; sur l’avènem ent envi
lopper s’il n’augm ente sa connaissance de lui- sageable de nouvelles religions; sur le co n tact
même. M ais la rech erch e de soi-même exige atten d u avec des hum anités ex tra-terrestres; sur
qu’on soit préoccupé du sens de la vie hum aine une origine non hum aine du savoir, etc., tout cela,
et du destin de l’espèce. T o u te œ uvre pour nous en violant les consignes dogm atiques, participe
palpitante est liée à la liberté, à la religion (au d ’une prise de conscience aiguë des grandes
sens le plus large du m ot) et à l’évolution. angoisses hum aines, q u ’elles soient aussi vieilles
L’artiste, pour nous, est un hom m e qui songe que l’espèce ou particulières à la conjoncture
que le m onde p eu t changer, et q u ’il est lui-même p résente. C om m e le faisait rem arq u er Serge
quelque chose en m ouvem ent. L’idée souveraine H utin en fo rçan t un peu les choses: pour écrire
du « réalism e » veut que l’artiste soit un obser le plus extraordinaire traité de m étaphysique du
v ateu r statique, un sp e cta teu r pur d ’autrui et de X X e siècle, il suffirait de lire les 200 m eilleures
l’univers. C ’est pour nous une pernicieuse idée. 1. G ilb e rt D u ra n d : « L es stru c tu re s a n th ro p o lo g iq u e s d e l’im ag in aire ».
Éditorial
à la com préhension de notre époque: regarder Parallèle, ou encore l’É cole P erm anente. N ous
com m e pour la prem ière fois, palp er to u t cela n’en som m es encore q u ’aux balbutiem ents, avec
avec des m ains ouvrières, voir ce que cela signifie nos « cahiers de cours». M ais il s’agit de p rendre
vraim ent, com m ent cela se situe, à quoi cela sert date dans le m ouvem ent certain, naturel, qui
et co m m ent cela m arche. Bref, se débarrasser, p o rtera la civilisation des loisirs en train de naître,
sans com plexe, de l’attitu d e purem ent intellec vers la culturisation directe et un renouvellem ent
tualiste. C’est ce que nous appelons l’U niversité de l’hum anism e.
Éditorial
7 L'humanité, cette attente
Planète n’est pas une revue spiritualiste, et ne L’ID É E D E P L U R A L IT É DES M O N D ES
ten te pas de faire passer quelque m essage d ’ordre
religieux. O n est toujours ten té de définir une Enfin, si l’idée de solitude et de séparation
telle revue p ar ce qu’elle n’est pas, car b eaucoup s’évanouit chez un hom m e m oderne qui regarde
d’hom m es, et n otam m ent d ’intellectuels, vivent ses frères et la T erre, que se passe-t-il lorsqu’il
sur des catégories héritées du passé q u ’ils lève les yeux vers le ciel? Les illusions an th ro p o
ch erch en t encore à appliquer aux situations centriques cessent de se présen ter com m e d ’indé
nouvelles, p o u r se rassurer. L a nécessité propre racinables m aladies de la pensée, venues des
aux hom m es contem porains n’est pas d ’en tre r tem ps où chaque trib u erran te situait le centre
dans une de ces catégories, mais de se netto y er anim é de l’U nivers dans son totem en bois. Q ue
l’esprit afin d ’essayer de voir avec des yeux neufs la T erre to u rn e au to u r du Soleil, on proclam e que
des conjonctures nouvelles. Le principal objet de voici le cen tre. Q ue les étoiles soient aussi des
Planète est d ’ouvrir des fenêtres sur une pensée soleils, on assure que le nôtre est seul doté de
librem ent généralisatrice. planètes. Van de K am p, Schlœ singer, H ôlm berg
m o n tren t la présence de corps planétaires au to u r
L ’ID É E É V O L U T IO N N A IR E de la p lu p art des étoiles voisines du Soleil. Sans
d o u te, m ais la vie n’existe que sur T erre. W illiam
Ce qui nous apparaît com m e neuf, p ar exem ple, Sinton dém ontre qu’il y a une vie sur M ars.
c’est que l’hum anité prend conscience d ’être A ssurém ent, mais c’est une vie élém entaire et la
liée —et reliée —à autre chose qu’elle-même. D ans pensée est le privilège de l’hom m e. C ependant,
une certaine m esure, les m orales, les philo- tous les travaux convergent vers la haute p ro b a
sophies, les religions établies nous m asquent bilité d ’une vie, d ’une m atière, d ’un psychisme
l’étendue, l’im portance et les conséquences de ce semés dans les im m ensités sidérales, avec une
phénom ène. L a réflexion scientifique a définiti profusion com parable à celle des étoiles mêmes,
vem ent introduit dans la pensée le fait que qui sont deux cents m illiards dans notre galaxie,
l’histoire de l’hum anité s’inscrit dans l’histoire l’une des innom brables galaxies c é le ste s1. Je
de trois milliards d ’années de vie, et que cette parlais de cela avec un ém inent savant et père
hum anité est un élém ent à la fois dépendant et dom inicain: «Sans d o u te, sans doute, mais ne
responsable de l’év o lu tio n 1. La science de l’évo me faites pas faire de théologie-fiction. » C ’est
lution, dans ce m om ent où celle-ci s’accentue, un joli m ot, ju sq u ’au jo u r où de telles fictions
n’est pas seulem ent la science d’une époque: c’est devenues évidences risquent de défaire les
aussi la m entalité d ’une société nouvelle qui se th é o lo g ies4.
planétarise et dont l’histoire ap p araît com m e un
aspect particulier d ’un développem ent de la
N atu re, qui est transhistorique. A cette échelle,
les problèm es urgents d’aujourd’hui: ceux de la
faim, de la natalité, de la sauvegarde et de l’am é 1. Voir d a n s le p ré c é d e n t n u m éro l’e n tre tie n avec Ju lia n H uxley.
2. V oir les d é c la ratio n s d e Jo su é d e C a s tro , d a n s le p rése n t nu m éro .
lioration du capital génétique, de la paix, du loisir, 3. Cf. l’é tu d e d e J e a n C h a rro n d u N° 6, l’é tu d e d e C h arles-N o ël M a rtin
de la liberté individuelle et de la nécessité collec e t les d é c la ratio n s à P lan ète d es p ro fe sse u rs am é ric a in s C lau s e t N agy,
d a n s le N* 8.
tive ne se posent plus dans les term es prévus par 4. D ’a u tre s é v id en ces a ssaillen t d éjà l’édifice. V oir le te x te d e R o b in so n ,
les idéologies et les dogmes d’h ie r 2. a rc h e v ê q u e d e W o o lw ich , d an s le p rése n t n u m éro .
Éditorial
Nous avons fait une
révolution matérielle,
et nous reculons devant
la révolution mentale.
Josué de Castro.
La faim, la peur, la guerre et les idées de papa
Jo su é de Castro
E N T R E T IE N AVEC UN H O M M E -F O R C E
Ambassadeur du Brésil
à l'O .N .r . Le « dictionnaire des responsables» de notre d ern ier num éro pré
sentait Josué de C astro, am bassadeur, ch ef de délégation à l’O .N .U .,
Président de l'Association m édecin, professeur d ’anthropologie, philosophe, organisateur de la
mondiale contre la I- aim cam pagne contre la faim dans le m onde, p ro m o teu r de l’action
contre le sous-développem ent, universellem ent considéré com m e un
Président de la Conférence des hom m es-force de notre temps.
du désarmem ent du VV.P.A. Par la violente sincérité des propos, l’am pleur et la générosité des
options, les déclarations faites à Planète p ar Josué de C astro sont
Conférence Planète le appelées à un certain reten tissem en t après que se soit tenue à
7 décembre à l’O déon G enève, sous les auspices du «W orld P arliam ent A ssociation», la
C onférence sur le désarm em ent et la faim dans le m onde à l’ère
nucléaire.
L a soirée Planète, qui au ra lieu le 7 décem bre à l’O déon-T héâtre de
F rance, en présence de nom breuses personnalités internationales,
sera consacrée aux Faims. Faim intellectuelle, faim spirituelle, et
faim to u t court. Louis Pauw els y exposera l’attitu d e évolutionnaire
défendue par Planète. La plus grande partie de cette réunion
exceptionnelle sera consacrée à la conférence que viendra
p ro n o n cer notre ami Josué de C astro.
En juillet dernier s’est ten u à W ashington, devant 1 200 délégués
représentant 100 pays, un congrès m ondial de la nourriture. In ter
rom pant im m édiatem ent les ovations qui accueillaient son arrivée,
le président K ennedy s’avança avec solennité vers le public et dit:
« La guerre contre la faim est vraim ent la gu erre de l’hum anité pour
C O M M E N T Ê T R E «H O N N Ê T E AVEC D IE U » ?
D ans notre d ern ier num éro, à la suite de no tre en tretien avec Julian
L n d o c u m e n t e x c lu s if H uxley, nous rendions com pte du m ouvem ent considérable qui, en
A ngleterre, dans les milieux intellectuels, scientifiques et théolo
l ne te n t a t i v e de ré f o r m e giques, se fait au to u r de ten tativ es p o u r rep en ser le problèm e
religieux en fonction des changem ents de stru ctu re et d ’orientation
l n liv re -b o m b e à L o n d r e s de l’esprit m oderne. N ous signalions la publication du livre de
R obinson, archevêque de W oolw ich: Honest to God. U ne analyse
de G abriel V eraldi en dégageait les aspects im portants.
350 000 exem plaires
Ce p etit ouvrage révolutionnaire connaît un succès foudroyant et
sym ptom atique: 350 000 exem plaires en quelques sem aines, 14 tra
ductions en cours. Les N ouvelles Éditions L atines vont faire inces
sam m ent p araître « H o n est to G o d » , trad u it et préfacé p ar Louis
Salleron, sous le titre Dieu sans Dieu.
N ous publions ici, en exclusivité, des extraits du ch ap itre essentiel
intitulé: « L a Fin du Théism e? ». Il ne nous ap p artien t pas de p rendre
parti, m ais d’inform er sur de tels m ouvem ents profonds de renouvel
lem ent de la pensée. Le le cte u r catholique tro u v era, dans les pages
qui suivent, le point de vue de Louis Salleron, professeur honoraire
à l’in stitu t catholique. U ne note sur l’état actuel et l’esprit de l’Eglise
anglicane com plète cet ensem ble.
Voici m a in ten an t l’un des plus im portants passages de l’ouvrage de
l’évêque de W oolw ich. D ans un récent num éro de «T im e», on
pouvait lire cette déclaration d ’un au tre évêque anglican: « A u jo u r
d ’hui, q uand on annon ce un prêche sur « H o n est to G od », on est sûr
de rem plir l’église. »
John A . T. Robinson :
« L e christianisme
doit-il être religieux? »
(P h o to « T h e O b s e rv e r *►). La vie spirituelle
LE C H R IS T IA N IS M E D O IT -IL Ê T R E loin. Ce ne sont pas seulem ent les conceptions
« M Y T H O L O G IQ U E »? m ythologiques, com m e les m iracles, l’ascension
et les choses sem blables qui sont problém atiques,
La théologie traditionnelle chrétienne s’est édifiée mais les conceptions « religieuses » elles-mêmes.
sur les preuves de l’existence de D ieu. La présup Vous ne pouvez pas, com m e B ulm ann l’im agine,
position de ces preuves est que D ieu pourrait séparer D ieu et les m iracles, mais vous devez
exister ou ne pas exister. être à même d ’in terp réter les deux à la fo is dans un
Il vaut mieux pro céd er à l’inverse. D ieu est, par sens non religieux 2. »
définition, l’ultim e réalité. E t on ne p eu t débattre
de Yexistence de l’ultim e réalité. Au siècle dernier LE C H R IS T IA N IS M E
on fit un pas douloureux mais décisif, quand on D O IT -IL Ê T R E « R E L IG IE U X » ?
reco n n u t que la Bible c o n tien t du « m ythe». Il a
été admis progressivem ent p a r to u t le m onde, à Q u ’en ten d B onhoeffer p ar ce paradoxe saisissant
l’exception des extrém istes, que les récits de la d’une com préhension non religieuse de D ieu?
Genèse sur la C réation et la C hute étaient des « J ’essaierai de définir m a position, dit-il, sous
représentations de profondes vérités to u ch an t l’angle historique. Le m ouvem ent qui com m ence
l’hom m e et l’univers, en form e de m ythe p lutôt aux alentours du treizièm e siècle vers l’autonom ie
que d ’histoire. Il était essentiel à la défense de de l’hom m e (la d écouverte des lois p ar lesquelles
la vérité chrétienne de rec o n n aître et d ’affirm er le m onde vit et s’organise dans la science, dans
que ces histoires n’e n tra ien t pas en concurrence les affaires sociales et politiques, en art, en
avec les dém onstrations de l’anthropologie ou de m orale et en religion) est parvenu, à notre
la cosm ologie. époque, à un certain achèvem ent. L’hom m e a
C ’est le problèm e auquel B ulm ann s’est attaq u é '. appris à affronter toutes les questions im portantes
Et il répond h ard im en t: «Il n’y a rien de spéci sans reco u rir à D ieu com m e hypothèse de travail.
fiquem ent chrétien dans la vue m ythique du Il devient évident que to u t va sans D ieu, et aussi
m onde com m e telle. C ’est sim plem ent la cosm o bien q u ’avant. D ans le cham p scientifique
logie d ’un âge préscientifique.» Le N ouveau com m e dans les affaires hum aines, ce que nous
T estam ent, dit-il, présente la rédem ption dans le appelons « D ieu » est de plus en plus repoussé
C hrist com m e un événem ent supranaturel — à la frange de la vie. D es efforts sont faits pour
com m e l’incarnation d’un être céleste qui, venant p ro u v er à un m onde ainsi adulte q u ’il ne p eu t
de l’autre côté, entre sur la scène te rrestre par vivre sans la tu telle de « D ieu ». M êm e après capi
une naissance m iraculeuse, accom plit des signes tulation sur tous les problèm es séculiers, il reste
et des m erveilles com m e une indication de son ces questions censém ent ultim es — la m ort, la
origine, et après une résurrection égalem ent culpabilité —auxquelles « D ieu » seul p eu t fournir
m iraculeuse reto u rn e p a r ascension à la sphère une réponse et qui sont la raison du besoin de
céleste d ’où il venait. A la vérité, to u t ce langage D ieu, et de l’Eglise, et du pasteur. N ous vivons,
n’est pas, à p ro p rem en t parler, la description ju sq u ’à un certain point, de ces questions
d ’une opération supranaturelle d ’aucune sorte, ultim es de l’hum anité. M ais quoi? Si elles
mais une tentative po ur exprim er dans sa réalité n’existaient plus un jo u r com m e telles? si elles
la profondeur, la dim ension et la signification aussi tro u v aien t leur réponse sans « D ieu »?
de l’événem ent historique de Jésus-Christ. L ’une » L’attaq u e de l’apologétique chrétienne sur le
des prem ières et des plus pénétrantes critiques caractère ad ulte du m onde m ’ap p araît premiè-
qui aien t été faites de l’essai original de
1. P h ilo so p h e a lle m a n d , d iscip le d e l’e x iste n tia lism e d e H eid eg g er.
Bulm ann est celle de B onhoeffer: « Je ne dirais Son livre p rin c ip a l est : K erygm a a n d M yth.
pas q u ’il a été tro p loin, com m e beaucoup 2. D ie tric h B o n h o e ffe r, th éo lo g ien a llem an d . Il écriv it en p riso n ses
sem blent le penser, mais q u ’il n’a pas été assez o u v rag es s u r la réfo rm e d u c h ristia n ism e . Il fu t p e n d u p a r les SS en 1944.
La vie spirituelle
ce genre. Et Julian H uxley ne peut être blâmé « Je ne saurais assez souligner que l’accep tatio n
de voir « l’hum anité en général et l’hum anité de la foi chrétienne m ’a été ren d u e possible
religieuse en p articulier» com m e «habituées à uniquement p arce que j ’ai d écouvert que je n’avais
penser» D ieu «prin cip alem en t en term es d ’être pas à rev en ir sur le rejet global des croyances
extérieur, personnel, surnaturel, spirituel ». superstitieuses qui m ’avaient ju sq u ’alors entouré.
C 'est précisém ent l’identification du christianisme La foi que j ’en suis venu à a c c e p te r n’était pas
avec ce tte co nceptio n du théism e que nous sim plem ent différente de ce que j ’avais jusqu’alors
devons, me sem ble-t-il, être prêts à m ettre en cru être le christianism e, elle était à l’exact
question. L ’Évangile tient-il, tom be-t-il avec elle? opposé, et je continue de considérer cette sorte
Huxley se co n ten te de dire: « P o u r m a part, le de « religion » com m e un mal intégral, mille
sentim ent de soulagem ent spirituel que procure fois plus antichrétien que l’athéism e. Ceci est
le rejet de l’idée d ’un D ieu conçu com m e un une vérité à laquelle je ne trouve pas que les
être surnaturel est énorm e.» M ais, auparavant, apologistes religieux fassent assez attention.
des hom m es com m e F eu erb a ch et N ietzsche, Il y a chez b eau co u p de chrétiens un sens mal
que P roudhon décrivait co rrec tem en t com m e placé de la loyauté qui fait q u ’ils répugnent à
des « antithéistes » plutôt que com me des « athées », e n tre r en opposition ouverte avec quoi que ce
voyaient une telle Personne suprême au ciel soit qui p o rte le m ême nom ou qui utilise des m ots
com m e le grand ennem i de l’accession de com m e « D ieu » et «C hrist»; même des chrétiens
l’hom m e à sa m ajorité. C ’était là le D ieu qu’il qui, en p ratique, d étesten t la superstition au tan t
fallait « tu e r» si l’hom m e ne devait pas rester que moi co n tin u en t souvent de la tra ite r com m e
dépossédé et m aintenu dans les fers. Peu une ab erratio n m ineure sur laquelle il faut faire
nom breux étaient les chrétiens capables de silence p lu tô t que com m e une perversion radicale
com p rendre la violence de leur révolte, parce que q u ’il fau t dénoncer. P ar exem ple, des écrivains
pour eux D ieu n’était pas le tyran do n t ils chrétiens d ont les vues positives sont, au tan t que
faisaient le p o rtrait, appauvrissant, asservissant, j ’en puisse ju g er, très sem blables aux m iennes,
annihilant l’hom m e. A vrai dire, pour beaucoup même s’ils peu v en t les exprim er dans un langage
de non-chrétiens aussi il était p lutôt un grand- différent, se sen ten t encore tenus à pro d u ire des
père au ciel, un bon vieillard qu'on pouvait «réfutations» du procès fait p a r F reu d à la
m ettre dans un coin tandis q u ’on vaquait aux religion, quoique en fait une très large p roportion
affaires de la vie. M ais la nature de son personnage de ce qui passe p o u r religion dans notre société
est ici secondaire. L 'im p o rtan t est de savoir si un est ex actem en t la sorte de névrose que F reud
tel E tre représente une im age, même déform ée, décrit, et le p rem ier pas vers l’essentiel à faire
du D ieu chrétien. Peut-il être réhabilité, ou bien p o u r convaincre les gens que le christianism e
est-ce que la conception entière de cette sorte peut être vrai en dépit de F reu d est d ’affirm er
de D ieu — «là-haut», « au-delà», ou n ’im porte carrém en t que la croyance fondée sur les m éca
où — est une projection, une idole, q u ’on peut nismes de p rojection qu’il décrit est fausse, si
et qu’on doit déchirer puis je te r au panier? fort q u ’elle puisse dire: «Seigneur, Seigneur.»
11 ne suffit pas de déno n cer de telles croyances
LA F IN D U T H É IS M E ? com m e puériles ou prim itives, ca r cela impli
querait que la vérité, m êm e avec le plus de
P our répondre à cette question, j ’aim erais finir « raffinem ent » ou de « lum ières », est quelque chose
non sur une analyse théologique mais sur un qui leu r ressem ble, alors q u ’en réalité rien de ce
tém oignage personnel — celui de John W ren- qui ressemble au « D ieu» ou au « C hrist» que j ’ai
Lewis qui croit que c’est précisém ent d ’une été élevé à croire ne p eu t être vrai. Ce n’est pas
superstition de ce genre qu’il s’est délivré pour seulem ent que le Vieil H om m e dans le Ciel est le
devenir chrétien: simple sym bole de l’Esprit Infini derrière la scène,
Pendant des siècles, l’Empire britannique est xviii' siècle, que l’Eglise anglicane se rapprocha
monté à l’assaut du reste du monde com m e une des doctrines protestantes. Elle reconnaît, telle
gigantesque marée. Partout où il s’avançait, la Réforme, l’autorité suprême de la Bible dans le
l’Eglise anglicane s’installait. Son origine histo domaine de la foi, mais respecte deux des
rique était strictem ent anglaise, mais son fon sacrements institués par le Christ: le baptême et
dem ent religieux était suffisamment universel la communion. La Reine (ou le Roi) d ’Angleterre
pour s’adapter à tous les peuples. Avec les siècles, est le chef suprême de l’Eglise, les deux autorités
la marée impériale a reflué; l’Eglise est restée. religieuses essentielles étant l’archevêque de
Au mois d ’août dernier, 1300 évêques, pasteurs, Canterbury et l’archevêque de York (le premier
vicaires, se sont rassemblés à T oronto pour ayant pas sur le second). L’actuel archevêque de
dresser un bulletin de santé de l’Eglise anglicane. Canterbury est l’Honorable A rthur Michael
Paradoxalement, ils ont été amenés à conclure Ramsey qui est un œcuméniste c o n v a in c u 1. «Je
que celle-ci prospérait partout sauf en Grande- crois désirable, a-t-il reconnu, que la chrétienté
Bretagne: sur les 42 millions de fidèles, trois soit un jo u r réunifiée et je pense que notre fusion
seulem ent résident dans les Iles Britanniques. Les avec Rom e se fera, encore que, d ’ici-là, Rome
rites anglicans sont célébrés sur la terre en plus de aussi bien que nous-mêmes auront évolué. »
180 langues et, à T oronto, les délégués nigériens, Les positions intellectuelles de l’Eglise anglicane
japonais, américains, tanganyikais, étaient plus sont caractérisées par une grande ouverture et
nombreux que les anglais. liberté d ’esprit. Les prêtres eux-mêmes n’hésitent
Au cours de ce Congrès, le Révérend Roger pas à remettre en question des points du dogme.
Lloyd, chanoine à la cathédrale de Westminster, Cette attitude s’est affirmée au cours des siècles.
a déclaré: « L a définition historique de l’angli En 1911, le Révérend Jim Thompson publia un
canisme a besoin d ’être repensée.» La tâche ne livre intitulé les Miracles dans le Nouveau Tes
sera pas aisée car il s’agit de redéfinir ce qui n’a tam ent: il rejetait nettem ent leur existence. En
pas de définition véritable. L ’orgueil des anglicans 1912, une étude de Canon B.H. Streeter expliquait
est de se tenir à mi-chemin entre les positions la résurrection du Christ par la parapsychologie.
rigides du catholicisme et du protestantisme. Un En 1947, l'évêque de Birmingham remettait en
théologien disait de PÉglise anglicane qu ’« elle question dans un ouvrage signé les bases du
est la plus élastique de toutes les religions dogme. A ucune sanction ne fut prise. Le livre
chrétiennes». Les 39 articles de la charte ori récent de l’évêque de Woolwich, Honest to God,
ginelle de l’Eglise anglicane sont m entalem ent s’inscrit donc dans une longue tradition libérale,
rejetés, en totalité ou en partie, par la majorité sans précédent au sein de la chrétienté. Un phéno
de ses prêtres, encore qu ’ils les suivent dans mène est nouveau cependant: le tirage de
l’accomplissement des rites religieux. 350 000 exemplaires en un trimestre. Les dis
L’anglicanisme apparaît d ’abord com m e un cussions qui ne dépassaient pas jusqu’alors les
produit de l’Histoire. H enry VIII, lorsqu’il fonda cercles intellectuels de l’Eglise suscitent l’intérêt
l’Eglise d ’Angleterre en rom pant avec la papauté, du public le plus large, manifestant l’aspiration
préserva l’essentiel de la religion et de l’organi universelle à une nouvelle forme de religion.
sation romaines. C ’est à travers d ’innombrables
luttes et persécutions religieuses, du x v r au 1. V oir le d ic tio n n a ire des resp o n sa b le s de ce n u m éro .
La plus élastique
de toutes les religions chrétiennes :
42 millions de fidèles.
(P h o to E rw in F ieger). . La vie spirituelle
Le point de vue d'un catholique
Louis S alleron
C ’est tr è s a n g la i s Seuls les théologiens et les philosophes p o u rraien t p arler savam m ent
d'Honest to God. Je suis un intellectuel français; voici mes
R e liso n s s a i n t T h o m a s im pressions et, si l’on y tien t, m es idées.
Ce qui me frappe d’abord, c’est le caractère très b ritannique de
l’ouvrage. En lisant, je me disais to u t le tem ps: «C e que c’est
V o yez P a s c a l
anglais!» J ’entends p a r là que la «m ythologie», l’«im agerie» à
laquelle s’attaq u e Joh n A .T. R obinson est typiquem ent anglaise.
P o u r q u o i inu tile s? P rotestante, bien sûr, mais p ro testan te anglaise.
O n a pu voir, avant la guerre, un film qui s’appelait Green Postures
N o n c a th o l iq u e a u fon d — Les V erts P âturages. C ’était, en images, ce que sont, en paroles
et m usique, les negro spirituals: la p ro jectio n folklorique du
christianism e chez les N oirs am éricains. C ette p rojection sort en
droite ligne de la Bible, nourriture du protestantism e anglo-saxon.
Laissons de côté cet aspect de la question et prenons ce q u ’il y a,
si je peux dire, d ’universel dans l’étude consacrée à la fin du théisme.
Je confesse m a perplexité sur ce q u ’a voulu faire R obinson. C ar il
est évêque, grand expert en É criture sainte, p u r p ro d u it de
C am bridge. N i sa culture ni son intelligence ne peu v en t être mises
en doute. O r on est passablem ent déco n certé p ar ce q u ’il dit — du
m oins de la m anière do n t il le dit.
« La théologie traditionnelle chrétienne, dit-il au début de ce
chapitre, est fondée sur les preuves de l’existence de D ieu.» Je vois
bien q u ’il parle ainsi p o u r faire co u rt et aller droit à son sujet. M ais
enfin la théologie chrétienne, traditionnelle ou pas, p ro testan te ou
F A U T -IL T U E R LES IM A G E S ?
La vie spirituelle
Comment je vois le monde futur
N ik o la ï S em en o v, m e m bre de l'A c a d é m ie d e s S c ie n c e s de l'U .R .S .S ., prix N o b el
L ’équipe de construction
d ’un gratte-ciel aux États-Unis.
(Photo U.S.I.S.) Le monde futur
CE Q U E N O US SAU RO N S des noyaux se form ent, une q u antité fabuleuse
ET VIVRONS D A N S 40 ANS d’énergie se dégage des protons et des neutrons.
Selon l’équation form ulée p ar Einstein sur l’équi
A quoi ressem blera le m onde, vers la fin du valence de la m asse et de l’énergie, l’énergie
siècle? Q uels niveaux encore inim aginables la dégagée co rresp o n d à la p erte de masse. Je suis
science et la tech n iq u e auront-elles atteints? Et sûr que le jo u r n’est pas loin où nous pourrons
quels bouleversem ents en auro n t résulté dans réaliser une réaction therm onucléaire contrôlée,
l’économ ie du m onde? A une époque où la ce qui p ro m et d ’ouvrir des perspectives sans
science progresse à une vitesse aussi stupéfiante, précédent au développem ent de l’énergie dans le
il est im possible de prévoir les nouvelles décou m onde.
vertes scientifiques. M ais nous pouvons prévoir, N otre galaxie se com pose de substances d o n t les
avec un certain degré de probabilité, les très atom es o n t des noyaux formés de pro to n s et de
im portantes conséquences pratiques des te n n eutrons et des enveloppes form ées d ’électrons.
dances scientifiques qui se font jour. M ais il se p eu t que d ’autres galaxies soient
La com préhension de la structure interne de la form ées d ’« antisubstances» d ont les atom es
m atière a perm is de recréer expérim entalem ent au raien t des noyaux formés d ’antineutrons et
les caractéristiques de certains m atériaux. En d’an tip ro to n s et des enveloppes form ées d ’anti
chim ie, il en est résulté une nouvelle m éthode de électrons.
synthèse, g râce à laquelle nous pouvons créer des D ans ces univers, les antiparticules seraient
com posés nouveaux et am éliorer les techniques stables et nos particules seraient instables. T outes
de fabrication des substances déjà connues. En les qualités physiques et chim iques de l’atom e
physique, il en est résulté des découvertes dans seraient identiques dans les deux univers. D ans
le dom aine des corps solides. N ous n’en m ention ces au tres m ondes, nous trouverions les mêmes
nerons que quelques-unes: l’émission des électrons com binaisons chim iques, avec les mêmes stru c
sous l’effet de la chaleur et du rayonnem ent tures et les m êm es propriétés, et il est fort
lum ineux; la découverte des sem i-conducteurs et possible que la m atière vivante et même les êtres
de leurs étonnantes propriétés électriques; la hum ains puissent y exister. Imaginons la rencontre
découverte des phénom ènes de transm ission d ’un hom m e et d ’un « anti-hom m e » quelque p art
d ’énergie dans les corps solides et de la possibilité dans l’espace. Ils p o u rraien t s’étudier l’un l’autre
de form er des faisceaux étroits et cohérents de et m ême devenir amis intim es, mais ils ne
rayons lum ineux et d’ondes courtes radio- p o u rraien t pas se to u ch er. S’ils essayaient de le
électriques dans les « lasers » et les « m asers » '. faire, ils exploseraient tous deux avec une force
Ce savoir théorique a donné naissance à des bien plus grande que celle d’une bom be th erm o
applications variées. P ar exem ple, la découverte nucléaire.
des ondes radio-électriques, prévue par M axwell A u p o in t où en est la rech erch e, il est hors de
et faite p ar H ertz au X IX e siècle, n’a pris une doute que les proch ain es décennies v erront un
extension technique qu’à la suite des découvertes grand progrès des sciences physiques, lequel,
de la physique au XX' siècle. D e nouveaux com m e toujours, en traîn era des réalisations
dom aines de la science et de la technique, tels tech n iq u es très im portantes.
que la radiotechnique et l’électronique ont fait D eux problèm es principaux se posent à la science
alors leur apparition. m oderne. Le p rem ier est relatif à la théorie des
particules élém entaires en physique ou, en
BRÈVE REN CO N TRE AVEC L’A N TI-H O M M E d ’autres term es, au problèm e des particules élé
m entaires de la m atière. Le deuxièm e est relatif
L’étude du noyau des atom es a donné naissance I. U n la s e r am plifie d e la lu m ière, un m aser am plifie d es o n d es radio
à to u tes sortes d’hypothèses fantastiques. Q uand u ltra -c o u rte s.
Le monde futur
Projet d’un gigantesque dôme géodésique en aluminium et matière plastique
qui procurerait à Manhattan un climat stable et réglable à volonté.
LA C O N Q U Ê T E D U SO LEIL
Le monde futur 55
Il existe donc des sources d’énergie bien plus l’électrolyse de l’eau, nous pourrions accumuler
puissantes que le charbon, l’uranium et le la quantité d’oxygène voulue en quelques
thorium. Si nous en faisons un usage efficace, les dizaines d’années.
besoins d’énergie du monde entier seront lar Les problèmes pratiques posés par l’exploration
gement satisfaits, car ces sources nouvelles sont du système solaire nous font faire un pas de plus
pratiquem ent inépuisables. Mais elles ne peuvent dans l’imaginaire. La Lune ne peut-elle fournir
être utilisées que grâce à un effort puissant et de l’énergie à notre planète?
concerté des savants et des techniciens.
Je suis donc certain qu’à la fin du siècle ces trois RÉSEAU DE TRANSISTORS SUR LA LUNE
sources nouvelles d’énergie auront été mises en
service et que les premières centrales therm o La Lune est 16 fois plus petite que la Terre,
nucléaires, solaires et souterraines, auront été mais comme elle n’a pas d’atmosphère, elle reçoit
construites. trois fois plus de rayonnement solaire par unité de
Avec une surabondance d’énergie électrique à sa surface. Aussi absorbe-t-elle autant d’énergie
disposition, l’humanité pourrait entreprendre et solaire qu’un cinquième de la surface terrestre,
mener à bien des tâches plus ambitieuses encore. soit presque autant que tous les continents réunis.
Un prem ier exemple est la régulation du climat Si nous pouvions couvrir la Lune d’un réseau de
de la Terre. La maîtrise des tem pératures et des photo-éléments à transistors à haut rendement
pluies pourrait transform er notre planète en un et si nous trouvions les moyens de transm ettre
jardin florissant. cette énergie (disons par faisceaux d’ondes radio-
Les débuts de l’astronautique posent un autre électriques dirigées), la Lune pourrait donc
problème, qui paraît aujourd’hui irréel. Je fais devenir une gigantesque centrale d’énergie
allusion au rôle possible de l’énergie therm o desservant la Terre. Elle pourrait aussi servir à
nucléaire dans l’exploration de Mars et d’autres porter les centrales nucléaires et thermonucléaires
planètes du système solaire. et à débarrasser la Terre de toute radio-activité
Nous savons, bien sûr, que M ars a une atm o dangereuse.
sphère, mais d’abord elle est beaucoup plus L’utilisation des sources d’énergie que nous
raréfiée que celle de la Terre, et ensuite (et venons d’envisager: thermonucléaire, solaire et
surtout) elle contient très peu d ’oxygène. Il paraît souterraine entraînerait naturellem ent des chan
exister de l’eau sur Mars, mais en assez faible gements profonds dans l’industrie, l’agriculture,
quantité. Le climat est plus froid que celui de la et les travaux domestiques.
Terre, ce qui serait pour ces éventuels explo C’est ainsi que les engrais azotés seraient
rateurs, un inconvénient supplémentaire. fabriqués principalem ent à partir de l’air, par la
La science perm et d’envisager de créer sur Mars synthèse des oxydes d’azote. La chimie minérale,
en un temps relativement court (disons quelques la métallurgie et l’industrie des matériaux de
dizaines d’années) des conditions favorables à la construction utiliseraient principalement les
vie. La première condition serait d’obtenir plu réactions à haute température et les décharges
sieurs centaines de trillions de tonnes d’oxygène, d’arcs électriques. Tous les éléments du tableau
afin de rapprocher la teneur en oxygène de de M endeléev pourraient être obtenus soit par
l’atmosphère de M ars de celle de la nôtre. On l’électrolyse, soit par décomposition de minerais
peut obtenir de l’oxygène à partir de l’eau qui à l’aide des gaz résiduels des réacteurs therm o
existe sur Mars. Les calculs m ontrent que si nous nucléaires à haute température. La notion même
construisions sur Mars des centrales thermo- de minerai changerait, car toutes les combi
nucléaires capables de produire dix mille fois naisons, notamment celles qui n’ont pas encore
plus d’électricité qu’on en produit actuellem ent été utilisées à cause de leur inertie chimique,
sur Terre, et si nous utilisions cette énergie à pourraient servir de « minerai». Par ailleurs, l’uti
Le monde futur
Vers la synthèse de la vie
Ja cq u es B erg ier
A rt de l’accouchement
(« Manuel des Sages-Femmes dans l’A rt entièrement
nouveau d ’assister à l’accouchement », 1725.)
(D ictionnaire de la sexologie, Jean-Jacques Pauvert.) Les O u v e r tu r e s d e l s S C Îe n C e
C’est à l’intérieûr d’une telle atmosphère de d’hydrogène, d’eau et de méthane. L’appareillage
synthèse que les savants essaient en ce moment était très simple et l’expérience aurait pu être
de créer la vie. Ils espèrent obtenir des acides faite au X IX ' siècle. Seulement personne n’y avait
nucléiques semblables à ceux qui se trouvent dans pensé.
les cellules. Ces acides nucléiques ont la propriété Après passage de la décharge, le mélange s’était
de se multiplier et surtout d’organiser la matière transformé, dans une proportion allant de 3 à 15 %
autour d’eux. suivant les conditions expérimentales, en une
Pour aboutir à une telle synthèse, les chercheurs série de composés organiques compliqués dont
ont utilisé des décharges électriques, des radia nous allons recopier intégralement les noms car
tions, des catalyseurs chimiques. La part du ce sont autant de bulletins de victoire: Glycine,
tâtonnem ent, du hasard, de la chance, est grande. Alanine, Sarcosine, Béta-alanine, Acide alpha-
L’aventure scientifique n’a sans doute jamais aminobutyrique, N-Méthylalanine, Acide aspar-
atteint un tel degré de poésie. Jamais cela n’a tique, Acide glutamique, Acide aminodiacétique,
fait la part plus belle à l’imagination, à l’intuition, Acide amino-acéto-propionique, Acide formique,
à l’audace. Et dans le même temps les chercheurs Acide acétique, Acide propionique, Acide glyco-
en quête de l’inconnu des origines, ne doivent lique, Acide lactique, Acide alpha-hydroxybu-
jamais oublier les données du connu réel. Ils ne tyrique, Acide succinique, Urée, Méthylurée.
savent pas, en effet, exactem ent quels étaient Tous ces composés sont les produits de la vie.
les facteurs qui sont intervenus en réalité lors Certains d’entre eux étaient fabriqués par
de l’origine ou des origines de la vie sur la Terre. synthèse depuis longtemps, comme l’acide for
Ils ne le sauront probablement jamais. Le pro mique, l’acide acétique et l’urée, mais d’autres
fesseur N.W. Pirie, de la Station expérimentale de et surtout la Glycine et l’Alanine sont des produits
Rotham sted Harpenden, Angleterre, cite à ce complexes correspondant réellement à des méca
propos les vers du poète anglais Louis Mac Neice: nismes intimes de la vie. Toutes les objections
« Le monde est plus spontané que nous ne possibles et imaginables ont été faites à Miller
l’imaginons. par ses collègues, comme elles avaient été faites
Le monde est plus fou, et, bien plus que nous ne à Pasteur au siècle dernier. On a dit que la vie
le pensons, seule pouvant former du vivant ou certains
Incorrigiblement multiple. » éléments complexes dérivés du vivant, les
produits de l’expérience avaient été formés par
L’ATM OSPHÈRE TERRESTRE D ’AVANT des micro-organismes. Miller stérilisa son appareil
L’APPARITION DE LA VIE pendant 18 heures à 130° puis refit son expé
rience. Il obtint les mêmes résultats. Personne ne
Il suffirait en fait de trouver une seule piste pour doute plus m aintenant de la réalité de la grande
pouvoir rem onter des molécules inorganiques découverte: les acides aminés peuvent se former
extrêmement simples de l’eau, du méthane et de à partir de gaz élémentaires par bombardements
l’ammoniac, jusqu’aux grosses molécules orga électriques. D ’autres réactions, encore à prouver
niques en spirales des acides ADN et RNA. La mais dont l’exploration a déjà commencé ainsi
chimie organique ordinaire ne paraît pas pouvoir que nous allons le voir, perm ettent la conden
conduire à de telles synthèses. Aussi a-t-on essayé sation des acides aminés en acides nucléiques.
autre chose. Nous allons décrire quelques-unes
des expériences qui ont réussi. QUAND L’HYDROGÈNE S’ÉVADE
Alors qu’il était simple étudiant à l’Université de
Columbia, Stanley Miller eut l’idée géniale de Le docteur Cyril Ponnamperuma est natif de
faire passer une décharge électrique de 60 000 volts Ceylan. Il travaille à l’Université de Californie
et à haute fréquence dans un mélange d’ammoniac, au fameux laboratoire Lawrence. En juin 1963,
A U X IIP SIÈCLE, D A NS LE L A N G U E D O C
L'amour en question 71
CH ASTETÉ,
PREUVE D ’AMOUR
On représentait
les amants,
et parfois les époux,
soumis à l’épreuve
de l’amour pur:
ils reposaient
dans un lit,
séparés
soit par une épée,
soit par un agneau,
soit par un enfant,
symboles de chasteté.
(à g au ch e : T o b ie e t S arah , vitrail)
(à d ro ite :
g ravure allem an d e du XV' siècle.)
comme les Romains. Gardons-nous de la femelle, ou en confort domestique. Or, voici m aintenant
comme les Pères de l’Église. Cette révolte — où l’homme soumis devant la femme. Le voici en
d’ailleurs l’homosexualité tire du jeu son épingle — posture de suppliant. Le voici en « service
est un des aspects de la remise en question du d’amour», dans une position d’obéissance et de
sentiment amoureux dans notre monde présent. dépendance qui évoque le service que doit le
On ne comprendrait pas grand-chose à ce besoin vassal à son seigneur. Et voici la femme élevée
de remise en question si l’on ne s’avisait de ceci: au-dessus de l’homme dont elle devient l’idéal
l’amour fut en effet une invention. Cette invention nostalgique.
se produisit en un temps et un espace nettem ent C.S. Lewis, dans une étude inédite en français,
limités. D u Languedoc, à la fin du xi* siècle, surgit déclare avec justesse: «Les thèmes révolu
un sentiment qui n’avait jamais habité l’humanité tionnaires de la poésie courtoise ont formé la
cultivée d’Occident. littérature européenne pendant huit cents ans.
Les poètes français du x r et du xir siècle
UNE RÉVOLUTION POUR HUIT CENTS ANS inventèrent ou furent les premiers à exprimer un
sentiment et des émotions que traitent encore
Dans son ouvrage désormais classique VAmour et la majorité de nos romanciers. Le changement
l’Occident, Denis de Rougemont écrit: qu’ils effectuèrent n’a pas laissé intact le moindre
« Que toute la poésie européenne soit issue de la recoin de notre morale, de notre vie quotidienne.
poésie des troubadours au xii' siècle, c’est ce dont Ils érigèrent une muraille entre nous et le monde
personne ne peut plus douter. » Cette poésie est classique, dans le passé; entre nous et l’Orient,
aujourd’hui illisible, dans sa forme comme dans dans le présent. En comparaison, la Renaissance
sa rhétorique fervente, sophistiquée, énigmatique. ne fut qu’une vaguelette sur la surface de la
Elle a cependant laissé dans nos esprits une trace littérature. »
profonde. Non seulement toute la poésie, mais
aussi tout le roman en sont nés. C ’est d’elle que COM M ENT TOUT CELA S’EST-IL FAIT ?
jaillit, puis déferle à travers les siècles et jusqu’à
nous, une conception lyrique des rapports entre Les consciences enregistrent soudain qu’une
les sexes. sorte de magie réside dans les rapports amoureux,
De quoi s’agit-il? Brusquement apparaît une et que le désir sexuel s’en trouve transcendé. Une
notion exaltée de l’amour. Le monde antique ne culture entièrement différente envahit l’Occident:
conçoit de grand engagement sentimental et le bonheur y apparaît comme conditionné par la
moral que dans l’amitié virile. Pour le monde réussite de l’amour. G randeur et noblesse sont
médiéval, la chair féminine est le repos du accordées à la passion. On ne peut que rêver sur
guerrier. Or, « l’Amour courtois », soudain, un si étrange phénomène.
évoque et vante une passion perpétuellement Comment tout cela s’est-il fait? Ce n’est pas
insatisfaite, à la recherche d’une pureté et d’une l’œuvre de quelques moralistes de génie. C’est la
fusion complète des âmes. Bien entendu, rien à chanson, en l’espace de vingt ans, de quatre
voir avec le mariage. Le couple légal, c’est la cents troubadours de petite extraction.
simple conjugaison des corps (la femme étant Il y a, dans cette aventure, quelque chose de
objet soumis) et des intérêts. miraculeux. Depuis que les romanistes sont à
Les caractères de cet Amour courtois peuvent l’étude, aucune explication pleinement suffisante
se définir en termes totalem ent révolutionnaires: n’a été fournie. Nous sommes en présence d’un
humilité de l’homme, transposition de la sexualité, des plus profonds mystères de notre civilisation.
adultère idéalisé, religion de l’amour. Le mâle Si l’on songe aux formes et aux notions de
était jusqu’ici le conquérant, violent ou roué. Et l’am our alors en usage, les caractères de l’Amour
toute l’affaire se résumait en joyeuse sensualité courtois sont stupéfiants, et il n’y a pas la moindre
nv a ,
beaucoup d’hommes d’aujourd’hui se conduisent, compagnon prêter sa femme ou la sacrifier, selon
sans toujours se l’avouer, à l’antique. Dans la les devoirs sacrés de la fraternité. Et, sur le champ
guerre ou la prison, le sport ou le bureau, ils de bataille, ce n’est pas à la belle Aude que pense
trouvent une exaltation de leurs sentiments et de Roland, c’est à Olivier.
leurs facultés auprès de quoi les relations avec Aux x r et xii' siècles, dans la révolution de
leur épouse sont fades et, avec leur maîtresse, l’Amour courtois, la relation entre homme et
ennuyeuses. Mais huit cents ans d’influence de femme se met à imiter les démarches de l’amitié
l’Amour courtois les font biaiser avec la vérité. virile. Quelque chose de magique, quelque chose
d’éternel, quelque chose qui engage l’âme: tout
DE L’A M ITIÉ VIRILE A L’AM OUR ce qui présidait à l’amitié virile passe dans le
couple. Mais pas dans le couple légal, où il y
Dans le monde ancien, la célébration de l’amitié aurait du ridicule et de la honte à aimer d’amour
masculine a un caractère plus grave et des racines son épouse et où s’exerce la pression du clergé.
plus profondém ent enfoncées dans les origines C’est dans le couple adultère que le « génie »
que la célébration du mariage. Les sociétés s’introduit. Et quel adultère? Non pas celui de la
primitives, en Asie et en Afrique, pratiquent simple envie sexuelle. Celui qui se fonde sur une
encore l’échange rituel des sangs entre hommes exaltation quasi spirituelle et qui recherche une
qui veulent devenir à jamais des frères. Les communion au-delà de l’acte charnel.
barbares se livraient à ce rite, et les juristes René Nelli résume la question: «Le xir siècle
byzantins et romains interprètent l’échange des a vu l’amour se réinventer, se formuler, en em
sangs comme une véritable « adoption de fra pruntant à l’amitié ses rites constitutifs, ses
ternité». Le sang est le siège de la vie, et il est magies, et même les conceptions philosophiques
le véhicule du principe de chaque être. Mêler les qui la définissent. »
sangs, c’est créer une parenté nouvelle, magique,
dans une amitié sublimée. Les frères de sang sont CONTRE L’ÉGLISE,
liés plus étroitem ent que les frères véritables. CONTRE LE M ARIAGE
Liés jusqu’à la mort et au-delà, parce que ce
lien est fondé sur du magique et du religieux. Et le christianisme, dans toute cette affaire?
Dans un texte du ir siècle, on peut lire: « Quand L’am our pur et l’amour-passion, chantés par les
nous rencontrons un homme de bien, capable de troubadours, ne seraient-ils pas nés de l’influence
belles actions, nous allons vers lui, nous le chrétienne? Nous abordons le problème essentiel.
recherchons et le fréquentons. Et quand nous Tout nous invite à penser, au contraire, que cette
décidons de devenir amis, nous prêtons le plus révolution dans les mœurs, les sentiments et les
grand de tous les serments, celui de vivre pensées est née contre l’enseignement de l’Église \
ensemble et de mourir, si besoin est, l’un pour Dans tous les peuples anciens d’Occident, les
l’autre. Et voici comment nous faisons: entaillant hommes ont répugné à entrer en sympathie avec
ensemble notre doigt, nous laissons couler le sang la sensibilité féminine. Ils se sont toujours refusé
dans une coupe. Nous y trempons la pointe de à allier l’amitié à la sexualité. Le seul sentiment
notre glaive, en le tenant tous les deux. Puis d’am our non sexuel qui les attachait à la femme
nous buvons ensemble. Rien ne peut plus, dès était l’amour de leur mère.
lors, nous séparer. » Enfin, à travers toute l’Antiquité, on ne trouve
La femme est tenue pour incapable de vertus pas un seul cas masculin de « mort par amour »
nobles et de belles actions. On voit, dans ce idéalisée. Ce sont les troubadours qui, les
même texte, le frère qui n’hésite pas à sacrifier
1. Oui. M ais on pourrait dire, en ce propos, ce que Sacha Guitry
femme et enfants pour le salut du compagnon. répondait quand on lui dem andait s'il était contre les femmes:
On verra de même, dans le haut Moyen Age, le « T out contre. »
Étreintes:
Toulouse Lautrec
(P h o to M usées N a tio n a u x .)
Pahlo Picasso
(C ollection C o tte re a u .)
Giorgio de Chirico
(Coll. C um m ing, C hicago.)
la condition humaine. La religion de l’Amour, On voit, par cet exemple ambigu, l’enseignement
dans le domaine profane, devient la religion de la ésotérique cathare, en se déformant, descendre
folie des amants qui tentent, dans une étreinte dans les lits et frémir sur le luth des troubadours.
perpétuellem ent insatisfaite, dans une passion On voit aussi à quel point tout ce mouvement de
qui purifie tout, d ’échapper à la création. l’Am our courtois, qui va déterm iner les mythes
du cœ ur durant huit siècles, est né d’un lointain
L’ÉPREUVE DE L’AM ANT PARFAIT courant non chrétien. Les flammes du bûcher
de Montségur éclairent encore nos amants, nos
Un des aspects les plus importants de l’Amour poèmes, nos romans, nos chansons.
courtois, et qui va retentir longtemps sur les
sentiments, est l’épreuve, ou «asag». L’« amant TROUBADOURS, TOUJOURS ?
parfait», enfin admis, doit se coucher avec sa
dame, nu, et m anifester la valeur de son amour A la fin de son travail monumental, René Nelli
par sa chasteté même, à travers quoi naîtra la rassemble des idées sur la permanence de cet
joie la plus forte. «C ’est, dit René Nelli, de cette Amour courtois qui a transféré les valeurs de
singulière coutume, qui prétendait susciter chez l’amitié virile dans le couple, qui a inventé un
l’homme l’amour en l’em pêchant de se mani amour-passion purifiant, où le corps n’est ému
fester, qu’est issue toute la passion moderne. » que si le cœ ur l’est aussi; un amour fou qui se
La joie est autre chose que la jouissance, et le présente comme une possibilité de salut. La
cœ ur domine le sexe. perm anence est si manifeste, tout au moins
jusqu’en ces dernières années, qu’on ne peut
Il est difficile de ne pas rapprocher cette attirer l’attention que sur des détails.
« épreuve », qui donne la clé de l’Àmour courtois, Dans les provinces française, le Valentinage
des techniques érotico-magiques que l’on trouve demeure vivace jusqu’à la fin du xviii' siècle,
dans le tantrisme indien, notam m ent du rite de où l’Église le proscrit. C’est une fête qui favorise
maithuna, qui est une union sexuelle cérémonielle. l’adultère sentimental. La Saint-Valentin, encou
Le sage, après de longues préparations, rendant ragée par le com m erce, et si florissante
à la femme un culte qu’il dirige, au-delà d’elle, aujourd’hui en Amérique, célèbre, au fond, cet
vers l’Ame suprême, rappelle vers soi sa semence, amour sentimental hors mariage, inventé par les
interrom pt, ou plutôt inverse le flot du désir, troubadours et qui tua, à sept siècles de distance,
pour atteindre à l’illumination « par le haut». Mme Bovary. Toute femme porte dans son cœ ur
En équivalence, on trouve dans la symbolique un am ant idéal qui honorerait sa magie et ses
gnostique, l’idée que l’Homme Parfait qui pénètre grandeurs incomprises. Toute femme pense
la vraie femme, ne procrée pas: «il cesse d’être qu’elle peut sauver un homme et qu’elle mérite
esclave et revêt le m anteau de lumière». Au un servant.
plaisir se substitue la Joie et, dans la Joie, le L’épreuve de chasteté, à laquelle se soumettait
temps est aboli, la roue du destin cesse de tourner. le «parfait amant», nous le retrouvons dans
La « rosée de lumière » que la vraie femme le flirt des fiançailles, dans tous les rites, comme
déverse, quand son corps surnaturel est atteint, dit Nelli, « de courtisement prénuptial, tant que la
revirginise l’homme, fait de lui l’enfant qu’il virginité et la chasteté ont été tenues pour
lui manquait d’avoir été pour goûter les félicités estimables, c’est-à-dire jusqu’en 1930 environ».
du non-être. « N ’eût été cette rosée, dit Hippolyte Toute femme pense que l’homme n’est sincè
le Gnostique, elle aurait été complètement rement épris d’elle que dans la mesure où il y
engloutie par la matière. » N ’eût été cette rosée, a quelque chose de chaste dans son amour.
la vraie femme aurait été absente du monde et le Et tout homme s’est laissé dire qu’il y a de
salut de l’homme impossible. l’honneur à nourrir un sentiment «épuré».
L'amour en question
Une médecine différente: l'acuponcture
Roger Wybot
100 L'acuponcture
véritable pionnier en Europe, et par le D' Ferrey-
rolles en 1929.
D epuis, l’acu p o n ctu re est étudiée et pratiquée
p ar un certain nom bre de m édecins et dans
quelques hôpitaux parisiens; les adm irables
travaux de Soulié de M o ran t dont, hélas,
plusieurs ne sont pas encore publiés, font toujours
autorité en la m atière. La plupart des idées
exprim ées dans cette rapide étude sont nées de la
lecture de ses ouvrages et de l’enseignem ent
verbal que ce grand m aître a bien voulu me
dispenser.
A vant Soulié de M o ran t, de nom breux ouvrages
sur l’acu p o n ctu re existaient en C hine et au Japon,
mais aucun n’avait rassem blé avec autan t de
précision et de m éthode tous les éléments
p erm e tta n t d’ab o rd er l’étude de l’acuponcture
d ’une m anière rationnelle. Dès que l’on aborde
la question pour la prem ière fois avec un
O ccidental, il est nécessaire de lui faire cons
ta ter q u ’il existe à la surface de son corps un
certain nom bre de points particu lièrem en t
sensibles à la pression et quelquefois même
très douloureux. C ’est ainsi que chez presque
tous les individus les points tels que le Ro-K ou
(figure 1), le Sann-Li de bras (figure 2), le Sann-
Inn-T siao (figure 3) et le Iang-F ou (figure 4),
sont toujours sensibles et quelquefois très
d ouloureux ♦ . La zone de sensibilité est extrê
m em ent réduite et précise: si on s’éloigne du
point de quelques m illimètres, la sensibilité
s’atténue considérablem ent et disparaît même
com plètem ent. C ertains m édecins européens,
en particulier des m édecins allem ands, à la fin
du xixc siècle et au début du xx% avaient déjà
dressé un catalogue des points de la surface du
corps qui devenaient douloureux dans certaines
m aladies. Ces points serv aien t su rto u t au
diagnostic et c’est très rarem en t que l’on songeait
à utiliser leur action-réflexe pour guérir certains
troubles.
L’existence de ces points sensibles est im m édia
tem en t co nstatable; personne ne peut la nier.
C ependant, anatom iquem ent, l’O ccidental est
d éconcerté lorsqu’il découvre que, dans l’état
actuel de nos connaissances, aucun support
102 L'acuponcture
etc... et le Inn à ce qui est som bre, négatif,
hum ide, froid, au principe féminin, etc... Ces
deux aspects sont toujours inséparables et
com plém entaires.
C ette Énergie fondam entale sous ses deux
aspects doit circuler en p erm anence dans le corps
hum ain et c’est alors la santé ♦ . Dès que cette
circulation est perturbée, p o u r une raison
quelconque, c ’est la m aladie.
D ans la conception chinoise de la santé, même ♦ trois b attem en ts différents
en profo n d eu r
les m aladies infectieuses ne sont pas tant
provoquées p ar la virulence exceptionnelle de L ’explication de l’existence de ces différents
l’agent pathogène que p ar un trouble de la pouls est assez m ystérieuse; on p e u t a d m e ttre que
la différence e n tre le pouls superficiel et le pouls
circulation d ’énergie qui affaiblit telle ou telle profond c o rre sp o n d à la différence de p e rc ep tio n
partie de l’organism e. C’est la faiblesse du e n tre la tension artérielle m inim a et la tension
terrain qui appelle l’invasion. artérielle m axim a; il est difficile d ’expliquer,
R établir la circulation norm ale d ’énergie là où a u tre m e n t que p a r un écho au voisinage des
extrém ités, que les e m p lacem en ts de trois pouls
elle est troublée c’est, sinon guérir du prem ier différents soient aussi rapprochés. D ans une
coup, to u t au moins en tam er le processus de la certa in e m esure l’a rtè re radiale se c o m p o rte ra it
guérison. P ar la surveillance constante de la donc com m e un tu y au sonore avec des v e n tre s
et des nœ uds
circulation de cette énergie, la m édecine chinoise
prétend p ro cu rer une sorte d ’immunité. L’Énergie
fo ndam entale ne circule pas n’im porte com m ent ♦ c’est alors la santé
dans le corps hum ain, mais suivant des lignes
R em arq u o n s q ue si c e tte théorie de la circulation
qui ont été déterm inées expérim entalem ent et d ’une énergie d o n t nous ignorons la n a tu re exacte
d ont le nom chinois se trad u it le plus souvent sem ble insolite du point de vue de n o tre science
par vaisseau ou m éridien. Ces m éridiens cons o ccid en tale, elle n’en reste pas m oins une
hypothèse scientifique au sens le plus ordinaire
titu en t, en quelque sorte, les lignes de force du term e. T o u t ce que l’on dem an d e à une hypo
du cham p de l’Énergie fondam entale à travers thèse scientifique c ’est d ’exp liq u er un certain
le corps. nom bre de faits, c’est-à-dire de les re lie r les uns
aux a u tre s p a r un ensem ble logique. C ette
hypothèse scientifique qui p e rm e t de c o m p re n d re
U N E T O P O G R A P H IE N O U V ELLE e t d ’agir n ’a pas forcém ent de ra p p o rt avec la
D U CO R PS R éalité si ta n t est q u ’on puisse jam ais définir
c e tte d ernière. N ous savons m a in te n an t que
l’h ypothèse de l’é th e r ne c o rre sp o n d ait à rien;
La plupart des points d ’acu p o n ctu re sont situés elle a c e p e n d a n t été utile p e n d a n t un certain
sur les m éridiens, et l’on peu t très approxim a tem ps. E n optique élém entaire on arrive aux
tivem ent dire que pour l’ac u p o n cteu r le problèm e m êm es dém o n stratio n s en p a rta n t de l’hypothèse
se pose com m e p o u r un ingénieur des eaux, ou que la lum ière est p u re m e n t on d u la to ire ou de
l’hypothèse q u ’elle est corpusculaire. D ans l’un
un ingénieur électricien, en présence d ’un réseau: e t l’a u tre cas, ces hypothèses sont des hypothèses
il y a des lignes de distribution et sur celles-ci scientifiques valables dans un dom aine limité
des robinets que l’on peut ouvrir ou ferm er et com m e to u te s les hypothèses scientifiques e t c’est
bien le cas de la théorie de la circ u la tio n de
qui sont des points d ’acu poncture. O uvrir l’É nergie, qui p e rm e t d ’o rd o n n e r logiquem ent
certains robinets et en ferm er d ’autres pour c e tte m édecine expérim entale q u ’est l’a cu p o n c
rétablir une circulation norm ale de l’Énergie ture.
sous ses deux aspects, Inn et Iang, voilà en
principe tout le travail de l’acu p o n cteu r.
104 L'acuponcture
L’interprétation des pouls chinois est capitale
pour l’établissem ent du diagnostic et le choix du
traitem en t. Il s’agit d ’un des aspects les plus
im portants mais aussi les plus délicats de l’acu
poncture. C ’est en effet cette question de l’inter
prétation des pouls qui renco n tre le plus
d ’hostilité a priori chez les m édecins occidentaux
et cela p o u r plusieurs raisons, bien faciles à
co m p ren d re:
1° Si l’existence des différents pouls est indé ♦ com m e assez arbitraire
niable p o ur qui dispose d ’un doigté assez léger, Les m éridiens existent en double, sym étri
il n’en reste pas m oins que cette diversité de q u em en t, de p a rt et d ’a u tre du corps supposé
b attem en ts sur le tro n ço n d ’une même artère p artag é p a r un plan vertical. U n certa in nom bre
p o rte le nom d ’un org an e sur lequel ils on t une
est assez inexplicable. influence pa rtic u liè re ; ainsi il existe le m éridien
2° Les m édecins chinois affirm ent que chacun des poum ons, du gros intestin, de l’e stom ac, de
de ces pouls peu t être interprété com m e le reflet la ra te -p a n c réa s c a r p o u r les C hinois les
du fo n ctio nnem ent d ’un organe, mais ce ra tta p ropriétés de ces deux organes sont très voisines,
du c œ u r, de l’intestin grêle, de la vessie, des reins,
ch em en t du pouls à un organe, qui se vérifie de la vésicule biliaire e t d u foie, les C hinois
jo u rn ellem ent, est to ta le m en t inexplicable, ou faisant dans ce d e rn ie r cas une très grande
to u t au moins inexpliqué, et p araît absolum ent différence e n tre le foie e t la vésicule biliaire.
Il existe, en o u tre , deux m éridiens (c ’est-à-dire
arbitraire. q u a tre ) qui ne c o rre sp o n d e n t pas à des organes
3° Si la p erception des différents pouls est m ais à un ensem ble de fonctions qui p o u rraie n t
délicate, leur interprétation est horriblem ent se ra p p ro c h e r, d ans une c e rta in e m esure, de ce
com pliquée: les Chinois ne distinguent pas moins que l’on a ppelle en m édecine o c cid en ta le le
systèm e sym pathique e t le systèm e vague. C e
de 27 aspects différents que peut revêtir le sont le m éridien des T rois R échauffeurs que
b attem en t d ’un pouls, et ces aspects ont n atu l’on a p p elle aussi m éridien des T rois F oyers e t le
rellem ent tous leur signification propre. m éridien du M aître du c œ u r que l’on nom m e
4° Les m édecins occidentaux estim ent que même parfois m éridien des V aisseaux. Enfin, deux lignes
m édianes sem blent réunir tous les m éridiens, on
s’il y a une p art de vrai dans l’interprétation les appelle soit de le u r nom européen, V aisseau
des pouls chinois, les m éthodes de diagnostic de g o u v e rn e u r e t V aisseau de c o n ce p tio n , soit de
la m édecine m oderne sont bien plus précises; leu r nom chinois T o u -M o e t Jen n -M o . Selon
q u ’ils sont placés sur la face e x tern e du corps ou
ce en quoi ils ont raison car la p lupart des inves sur la face in te rn e , les m éridiens sont dits Iang
tigations m odernes p erm e tte n t de co n stater avec ou Inn.
précision, et sans contestation possible, le défaut
de fo n ctionnem ent de certains organes, et ♦ la m anière dont on agit sur eux
soulignent quelquefois les raisons m atérielles
de ce m auvais fonctionnem ent. M ais les Chinois Q uand l’actio n de dispersion p a r les points
ch erch en t bien autre chose et p ensent que la spéciaux de c h aq u e m éridien se révèle insuffi
sante, on a reco u rs à d ’a u tres points disperseurs,
m aladie, lorsqu’il n’y a pas de lésion fonction tels q ue les « assen tim en ts» qui sont presque
nelle grave et irréversible, est produite par un tous situés sur la b ra n c h e du m éridien de vessie,
trouble de l’organisation de l’énergie dans le plus p ro c h e de la colonne vertébrale. Si c ’est
l’actio n des to nificateurs qui se révèle insuffisante,
l’organe et c ’est ce qu ’ils peuvent déterm iner par on a re c o u rs aux points « héros » situés géné
l’exam en du pouls. F aire de l’acu p o n ctu re sans ralem ent sur d ’a u tre s m éridiens, un g rand nom bre
p rendre les pouls et em ployer des form ules de é ta n t situés sur le V aisseau de co n cep tio n .
points apprises p ar cœ u r p our certaines m aladies,
com m e on d o nnerait des m édicam ents, produit
É B A U C H E D ’UN D IA G N O S T IC
ET D ’UN T R A IT E M E N T
110 L'acuponcture
en cep en d an t quelques-unes dans lesquelles ses
effets paraissent plus certains et plus constants
que ceux de la m édecine occidentale, telles que:
l’asthm e, les m igraines, les troubles digestifs de
to u te n ature, to u tes les douleurs articulaires qui
sont vraim ent son dom aine d ’élection, les névrites,
les troubles du foie ou de la vésicule biliaire qui
répondent très bien à l’acu p o n ctu re, certains
troubles des reins qui, bien que théoriquem ent
plus difficiles à soigner, d o n n en t dans certains cas
des résultats extrao rd in aires: nous avons pu
assister à l’élim ination rapide et p ratiq u em en t
indolore de calculs rénaux p o u r lesquels une
opération était envisagée, to u tes les m aladies des
fem m es, certains troubles cérébraux, notam m ent
la m ém oire et la co n cen tratio n de pensée.
Il nous faut égalem ent signaler que l’acu p o n ctu re
donne parfois des résultats surprenants dans le
cas de m aladies infectieuses pourvu q u ’on les
prenne à leur début; pour n’en citer que
quelques-unes:
♦ lorsqu’on veut tonifier
— le rhum e de cerveau, l’angine, la grippe, qui.
A joutons q u e dan s certains cas on p e u t rem placer, traités dans les toutes prem ières heures, s’arrêteni
to u t au m oins p a rtie lle m e n t, les aiguilles ou les très souvent im m édiatem ent;
m oxas p a r des m assages sur les p o in ts d ’a c u p o n c
tu re . C ette p ra tiq u e est su rto u t utilisée p o u r les — les conjonctivites, les orgelets, les classiques
e n fan ts très je u n e s ou q u and on ne dispose pas et intraitables boutons de fièvre pris dès le départ.
d ’aiguilles ou de m oxas. Elle est, en ou tre, Enfin, la sinusite, même très ancienne, finit géné
réservée à certa in s points.
ralem ent par céder à un certain nom bre, souvent
très peu élevé, de séances d ’acup o n ctu re.
♦ un excès d ’énergie
L ’A V EN IR D E L’A C U PO N C T U R E
11 arrive que les pouls a y an t d o n n é u n e ind icatio n
nette, les m éridiens ne ré p o n d e n t p as aux points
EN F R A N C E
h abituels d e to n ificatio n ou de dispersion; dans
ce cas-là, on p e u t faire appel aux « H éros » ou aux On p eu t se d em ander pourquoi une m édecine,
« A ssentim en ts », ou e n co re à d ’a u tre s m éridiens profitable à plus du tiers de l’hum anité depuis
qui o n t une actio n c o n co m itan te su r celu i q u ’on
v eut tra ite r e t n o ta m m e n t aux m éridiens qui des millénaires, n’est pas plus largem ent répandue
p ré c èd e n t ou qui su iv en t celu i sur lequel on v eu t en E urope. On p o u rrait espérer que, m aintenant
agir, dans la circ u la tio n d ’énergie. C ’est q u ’en qu ’une p artie du corps m édical sait de quoi il
effet, p o u r les C hinois, l’énergie est c o n sta m m e n t
dans tou s les m éridiens, m ais elle passe p a r un s’agit, et a pu co n stater des résultats incon
m axim um p e n d a n t deu x h e u re s en v iro n , successi testables, l’acu p o n ctu re va se développer rapi
vem ent dans c h aq u e m éridien e t d an s un certa in dem ent en France. Nous sommes assez pessimistes
ordre. P e n d a n t ces deux h e u re s de m axim um le pour plusieurs raisons:
m éridien et l’org an e c o rre sp o n d an t so n t plus
faciles à « d isp erser » e t p e n d a n t les deux h eu res
qui suivent, il est plus aisé d e les « to n ifier ». 1° Le m édecin qui s’intéresse sérieusem ent à
cette m éthode découvre q u ’il doit apprendre une
som m e de connaissances presque aussi impor-
112 L'acuponcture
LIVRES A CONSULTER
ROGER W YBOT
Illustration
de Michel Ciry La litté ra ture différente 115
Il finissait toujours par me dire : Nous savions au départ ce qu’était la nébuleuse
- Voilà. Cela continue, éternellem ent, sans fin. Phœnix: un immense amas de mort. Dans notre
Quelque chose, peut-être, a construit cet univers galaxie seule, cent étoiles explosent par an,
formidable. Mais comment pouvez-vous croire doublant ou triplant brusquement d’éclat dans la
que ce quelque chose s’intéresse particulièrem ent flamme d’une nova.
à notre petite Terre? Mais, trois ou quatre fois par millénaire, c’est la
Derrière le hublot, étoiles et nébuleuses valsaient. flamme inconcevable d’une super-nova qui brille
Je répliquais en ne citant que mes publications dans l’espace infini, écrasant de sa lumière tous
dans la « Revue d’Astrophysique » et le « Bulletin les soleils d’une galaxie. Les Chinois en ont vu
mensuel de la Société royale d’Astronomie ». Je une, en 1054 de l’ère chrétienne, sans com
lui rappelais que la Compagnie de Jésus a prendre. Cinq siècles plus tard, en 1572, dans la
toujours été à la pointe du travail scientifique. constèllation de Cassiopée, une super-nova est
C’est vrai: notre contribution à l’astronomie et à devenue visible en plein jour. Mille années, et
la géophysique, si l’on songe que nous ne sommes trois super-novae depuis.
qu’un petit nombre d’hommes, est considérable. Notre mission était de visiter les débris de cette
Mais mon rapport sur la nébuleuse Phœnix va-t-il catastrophe destructrice de planètes, et, si
mettre fin à mille ans d’histoire de notre possible, d ’en dégager les causes.
Compagnie? J’ai peur qu’il ne mette fin à plus Nous arrivâmes à travers les couches concen
encore. triques de gaz. Elles étaient très chaudes et rayon
Je ne sais qui a donné ce nom à cette nébuleuse. naient d’une lumière violette. Au centre d’une
C’est un nom que je n’aime pas. Je veux croire coque ayant mille fois la dimension de notre
qu’il est prophétique. Mais combien de millions sytème solaire, il restait un objet fantastique qui
ou de milliards d’années nous faudra-t-il pour le avait été une étoile: une naine blanche, le
savoir? cadavre de cette étoile, plus petite que la Terre,
A l’échelle cosmique, la nébuleuse Phœnix est mais pesant beaucoup plus.
toute petite. C’est une coque de gaz incandescent. Nous avions arrêté notre propulseur interstellaire,
J’avais placé la gravure de Rubens, qui représente et nous dérivions à vitesse réduite vers la petite
Loyola, à côté du spectrophotom ètre. Mon Père, étoile. Personne ne s’attendait à trouver des
qu’auriez-vous fait de ce que je sais? Votre foi planètes. S’il y en avait eu avant l’explosion,
aurait-elle survécu, se serait-elle affermie, là où elles avaient dû être volatilisées. Mais nous avons
la mienne s’effondre? trouvé un tout petit monde, à une immense
Vers quel point dans le lointain fixer l’esprit, mon distance de cette étoile morte. La flamme de
Père? J’ai parcouru des distances que vous ne l’explosion avait calciné ses roches et détruit
pouviez concevoir lorsque, voici mille ans, vous toute vie. Nous nous sommes posés. Et nous
avez fondé notre ordre. Aucun astronef ne s’est avons trouvé le Réceptacle.
éloigné aussi profondément de la Terre. Nous Ceux qui l’avaient construit avaient pris leurs pré
sommes aux frontières de l’univers connu. Nous cautions pour qu’on le trouve un jour. Nos
étions partis pour atteindre les restes de la détecteurs repérèrent des flèches de radio-activité
nébuleuse Phœnix. Nous les avons atteints, mon grandes comme des continents et enterrées dans
Père, et je reviens écrasé. Il me faudrait de l’aide. les roches, pareilles aux lumières d’un phare
Mais j’appelle en vain, par-delà les siècles et les allumé pour l’éternité. N otre navire, suivant ces
années-lumière. flèches, atteignit la cible. Les pylônes, au-dessus
Sur le livre que vous tenez, tel que Rubens vous du Réceptacle, avaient eu trois kilomètres de
a représenté, on lit les mots: A d Majorent Dei haut. Ils ressemblaient m aintenant à des cierges
Gloriatn. J’ai mal. Je n’y crois plus. Y croiriez- fondus. Nous creusâmes pendant des semaines à
vous encore, mon Père? travers les roches calcinées. Il faudra des géné
Mon ami,
quel meurtre, hein?. La litté ra ture différente 119
la poigne, le petit homme; sa bouche était volon «Mr. James Annixter, l’auteur dramatique bien
taire: une ligne droite presque incolore. Il portait » connu, a été renversé par un taxi tard la nuit
des lunettes hexagonales, sans monture, un » dernière, alors qu'il quittait la « Cabane Cubaine ».
chapeau de feutre noir et un élégant complet gris. » Après avoir été traité à l’hôpital pour un choc
Il était pâle et bien mis à côté d’Annixter » cérébral et des blessures superficielles, il a pu
rubicond et tout fripé. » regagner son domicile. »
De son comptoir, la jeune fille du vestiaire les
regardait, indifférente. La salle de la « Cabane Cubaine » résonnait des
«Ne croyez-vous pas, dit le petit homme à rythmes de l’orchestre; deux marches plus bas, il
Annixter, que vous devriez rentrer chez vous y avait beaucoup de tables, beaucoup de gens,
maintenant? J’ai été très honoré que vous me beaucoup de bruit. La jeune fille du vestiaire
racontiez l’intrigue de votre pièce, mais... » regardait avec étonnem ent Annixter, son pan
- Il fallait absolument que je la raconte à sement au front et l’écharpe noire qui soutenait
quelqu’un, répondit Annixter, sans cela ma tête son bras.
éclatait... Ah! M on ami, quelle pièce! quel
m eurtre, hein? C ette gradation... » « Mon Dieu, dit la jeune fille, je ne m’attendais
certainem ent pas à vous revoir aussitôt!
L’entière, l’éblouissante perfection de la pièce le — Vous vous souvenez de moi alors? dit Annixter,
frappa encore. Il était debout, le sourcil froncé, souriant.
à réfléchir en oscillant un peu... Il inclina brus — Je pense bien ! je vous dois une nuit d’insomnie !
quement la tête, chercha à tâtons la main de J’ai entendu les freins crier juste après que vous
l’homme et la secoua chaleureusement. êtes sorti et puis ce choc! — Elle frémit: —Je l’ai
«Je suis navré de ne pouvoir m’attarder, dit entendu toute la nuit durant. Et je l’entends
Annixter, j ’ai du travail. » encore maintenant, une semaine après! C’est
Il enfonça son informe chapeau, se fraya un horrible !
chemin sinueux à travers la salle, ouvrit les deux — Vous êtes sensible, dit Annixter.
battants de la porte des deux mains, et s’élança — J’ai beaucoup trop d’imagination, admit la
dans la nuit. jeune fille. Ainsi je savais que c’était vous, avant
même de courir à la porte et de vous voir étendu.
UN AM I BIZARRE L’homme avec qui vous étiez était dehors. « Mon
Dieu, lui dis-je, c’est votre ami! »
L’obscurité, pour son imagination surexcitée, — Qu’a-t-il répondu, dem anda Annixter.
était pleine de lueurs vacillantes qui clignotaient — Il a dit: «Ce n’est pas mon ami, c’est juste
dans la nuit. quelqu’un que j ’ai rencontré!...» C’est bizarre,
«La Chambre Close», par James Annixter? Non! n’est-ce pas? »
«La Chambre Fermée. » Non! Non! «La Chambre Annixter se mouilla les lèvres:
Bleue...» «La Chambre Bleue», par James « Qu’entendez-vous par « bizarre? » dit-il pru
Annixter... demment. J'étais précisément quelqu’un qu’il
Inconscient, il quitta le trottoir et un taxi sur avait rencontré.
gissant de l’endroit qu’il venait de quitter, freina — Oui... mais tout de même, dit la jeune fille du
brutalem ent dans un bruit de roues bloquées qui vestiaire, un homme avec qui vous venez de
gémirent sur le pavé humide. boire, tué devant vos yeux! Car il avait sûrement
Quelque chose frappa violemment Annixter à la vu la scène; il était sorti juste derrière vous. On
poitrine et toutes les lumières qu’il voyait lui est en droit de penser qu’il aurait au moins pu
éclatèrent au visage. être intéressé. Eh bien, quand le conducteur sortit
Puis, il n’y eut plus du tout de lumières. du taxi en criant que ce n’était pas sa faute,
SES TEM PES BATTAIENT... Une curieuse idée prenait corps m aintenant dans
l’esprit d’Annixter: depuis ce soir, et depuis ce
Annixter resta sans bouger un instant, puis il se soir seulement, il constituait un danger pour le
versa un verre, un grand verre. petit homme. Un danger mortel, étant donné les
Il en avait besoin ! Il éprouvait une étrange sen conclusions que le petit homme ne m anquerait
sation, à la fois d’étonnem ent et de terreur. pas de tirer après la publication par la presse de
Treize nuits auparavant, lui et le petit homme la découverte du crime dans la chambre close.
s’étaient trouvés dans le même cas. Tous deux La nouvelle avait été annoncée ce soir et il avait
avaient souffert par une femme. Et à la suite de un journal sous le bras!...
cela, l’un d’eux avait conçu une pièce se ter L’imagination d’Annixter était féconde et pleine
minant par un m eurtre, l’autre avait fait de cette de ressources.
pièce une réalité! Il était évidemment tout à fait possible qu’après
« Et moi qui, ce soir même, lui avais offert une avoir perdu la trace du petit homme à la station
participation'! Je lui avais parlé d’or en barre! » de métro, celui-ci, renversant les rôles, se fû t mis
C’était ridicule! Tout l’or du monde n’aurait pas à le suivre... lui, Annixter.
fait avouer au petit homme qu’il connaissait Et Annixter avait renvoyé Joseph. Graduellement
QU'EST-CE QUE
■.'EVOLUTIONNISME ?
Ces cahiers de cours, é ta b lis spé cialem en t par une équipe de grands
professeurs, o n t pour bu t d 'a id e r à la com p réh ension des no tion s
Ce deuxièm e cours e sse ntie lles à no tre te m p s de m étam o rph ose. Le p re m ie r cours
de l'École Perm anente te n ta it de répondre à la q u e s tio n : « Q u 'e s t-c e que le M arxism e?».
est éta bli par C elui-ci est dédié à un ou vrie r p lo m b ie r qui é criva it le 2 4 ja n vie r
1 9 6 3 une le ttre à « l'E xp re ss» d o n t ce jo u rn a l re p ro d u isit le te x te :
A ndré de Cayeux « J e suis p lo m b ie r zingueur, j'a i 3 5 ans, je vou dra is écrire un livre
sur le M é ca n ism e de l’É volution, m ais je ne sais pas, je suis
Professeur à la Faculté des Sciences paralysé par m on m anque d 'é tu d e s » ... Les histo rien s, philo sop hes
Docteur ès sciences naturelles
Licencié ès sciences physiques et scie n tifiq u e s, choisis p o ur leur haute q u a lifica tio n , leur sens d 'un e
pédagogie généreuse et leur o u ve rtu re d'e sp rit, réa lise nt ces cahiers
dans un e sp rit d 'o b je c tiv ité et de service.
P AR APSYCHOLO GIE vaient lire dans la pensée, ou véritable est née peu à peu avec
envoyer une partie d'eux-mêmes ses méthodes propres : la para
NOS POUVOIRS INCONNUS, voyager dans l'espace ou le temps. psychologie. Elle expérimente; elle
par Pierre Duval Les anciennes civilisations avaient calcule; elle dresse des courbes
recours à différentes techniques : statistiques. Le livre de Pierre
Le joueur de poker peut-il par la les Assyriens faisaient tourner Duval est centré sur la plus im por
volonté influencer la chute des dés les tables, les Chinois pratiquaient tante des écoles de parapsycho
en sa faveur? Des inform ations la divination par les brindilles, etc. lo g ie : c e lle du p ro fe s s e u r
peuvent-elles circuler directement L'homme avait le sentiment indé J.B. Rhine, de l'Université de
de cerveau à cerveau? Certains de racinable qu'au fond de lui-même Duke. Ces travaux, comme ceux
nos rêves constituent-ils de véri existait quelque chose que son qui sont menés dans d'autres
tables voyages dans le futur? Ces esprit ou sa conscience n'arrivait pays, sont pratiquement ignorés
questions sont méprisables aux pas à saisir, mais dans le même en France. L'auteur nous fait
yeux de la plupart des repré temps il se m ontrait incapable de découvrir que les résultats obtenus,
sentants de la science officielle transformer cette intuition en véri les certitudes acquises sont déjà
dans notre pays. En acceptant de table connaissance. Au siècle importants. La quête qu'il nous
préfacer le livre de Pierre Duval dernier, avec le développement de décrit est la plus fascinante qui
sur les pouvoirs inconnus de l'esprit scientifique, des savants puisse être imaginée et elle pose
l'homme, le professeur Rémy authentiques ont voulu amener même un problème philosophique :
Chauvin fait preuve d'un réel dans le champ de l'observation le cerveau humain peut-il parvenir
courage. Il risque la désappro scientifique les témoignages qui à connaître ses propres structures
bation de la majorité de ses continuaient à abonder. Les pre fondamentales?
collègues de l'Université. «Oui, mières recherches systématiques
vous l'avouerai-je, chers collègues, ont eu lieu en Angleterre et en
j'ai donné dans la parapsychologie. France. Ces premiers chercheurs
Je n'ai point rougi de souiller ma honnêtes ont été souvent entraînés
blanche hermine scientifique dans les uns par leur naïveté, les autres
une aussi condamnable aventure. par leur sujet, quand ils n'ont pas La chance au je u n'est-elle
J ’avais été tellem ent intéressé été les dupes de tricheurs habiles. qu'une question de volonté?
par les expériences de l'Américain Ces déboires expliquent sans doute
J.B. Rhine et de son insolite école, en partie la méfiance de la science
que j'ai voulu les recommencer; française du XX' siècle à l'égard
et, le croiriez-vous? elles ont eu de la parapsychologie. Dans une
l'indécence de réussir... » Mais, première partie de ce nouveau
en même temps qu'il affirme son tom e de l'Encyclopédie Planète,
audace, le professeur Chauvin Jacques Bergier fait le bilan de
pose le problème de la parapsycho cent ans de recherches, les plus
logie sur le terrain où elle se place souvent malheureuses, sur le
aujourd'hui : celui de l'expérimen paranormal.
tation, c'est-à-dire de la méthode Depuis trente ans, les leçons ont
scientifique. été tirées des premiers échecs. La
De tout temps, l'humanité s'est recherche a fait table rase du
intéressée aux « pouvoirs» occultes passé. On avait voulu aller trop
de l'esprit. De to u t temps, elle a vite. En Angleterre, en Russie, en
cru que certains individus pou Hollande, en Amérique, une science
(Photo Dorka).
La pa ra p sych o lo g ie 145
Les informations, LA P S Y C H O L O G I E
études
et critiques K rouchtchev contre Freud
de ce numéro
ont été rassemblées
LA SCIENCE SOVIÉTIQUE
et rédigées ET L'INCONSCIENT
notam m ent par :
Jacques Bergier Les tenants du marxisme consi
Jean-Jacques Berreby dèrent le freudisme comme une
Rém y Chauvin hérésie antirévolutionnaire. Pour
Cécile Damien cette raison, une vaste entreprise
de démolition de la psychanalyse
Serge Hutin
a été déclenchée en U.R.S.S.
Robert Lafosse
Nous avons analysé les raisons
Jacques Lecomte de cette bataille « Krouchtchev
Charles-Noèl M artin contre Freud » dans Planète N” 6
A im é M ichel (page 138). Le texte que nous
Jacques Mousseau publions ci-dessous et qui définit
Louis Pauwels la nature de l'inconscient selon
M ichel Reboux la science russe, s'inscrit dans le
cadre de cette guerre scientifico-
Pierre Restany
idéologique, par son ton véhément
Jacques Sternberg
sinon par son fond dont le sérieux
est incontestable. La théorie mise
en avant est en effet l'œuvre du
De Freud à Khrouchtchev, professeur F.B. Bassine, directeur
l'inconscient et le conscient à l'in stitu t de Neurologie de la
se sont réconciliés. Faculté de médecine de Moscou.
Son texte a été publié dans la
revue Priroda. En voici la tra
duction :
La question du prétendu incon
scient a une longue histoire
psychologique. On appelle habi
tuellem ent «inconscient» une
activité psychique agissant sur des
formes complexes de com por
tement, mais qui se déroule de
telle façon que sa prise de con
science subjective manque tota
lement, ou se trouve insuffi
samment exprimée. Une telle
acception de l'inconscient n'est
pas tout à fait exacte, ainsi que
nous le verrons plus loin. Il est
plus juste de parler non pas d’une
activité psychique inconsciente
mais d'une activité nerveuse supé
rieure qui s'accompagne d'un
manque de conscience en ce qui
(Keystone).
La psychologie 147
activités cérébrales com portent un LA M É D E C I N E devons étudier, nous devons créer
degré plus ou moins grand de maintenant une véritable patho
détachement. logie de l'homme des tropiques... »
C'est en vain que l'on chercherait U ne m édecine nouvelle Depuis quelque temps déjà, les
dans le freudisme la moindre trace n aît en A frique médecins travaillant dans les pays
d'étude sur la collaboration entre tropicaux se heurtaient, lorsqu'ils
le conscient et l'inconscient. C'est LES TRAVAUX DU GROUPE avaient affaire à des affections
pourtant cette collaboration qui DE DAKAR classiques, à des difficultés très
apparaît dès qu'on essaye d'établir particulières et inexplicables. Tout
une activité motrice complexe: Il y a un peu plus d'un an, la se passait, parfois, comme si les
l’habitude de rouler à bicyclette, Faculté de médecine et de phar données les mieux établies avaient
l'art de se servir d'un instrument macie de Dakar s'enrichissait d'un perdu toute valeur. L'accumulation
musical, etc. Tout le monde sait Institut de médecine tropicale. Il d'observations de cet ordre devait
que, dans les premières étapes n'existait pas, jusqu'alors dans finalem ent conduire à une consta
d'un tel travail, il vaut mieux ne l'ensemble universitaire français, tation assez décevante : il fallut
pas s'y appliquer consciemment. d'établissem ent comparable aux admettre qu'on ignorait à peu près
Et ces fa its fo n d a m e n ta u x grands Instituts de pathologie tout du com portem ent du Noir
m ontrent que l'inconscient n'est exotique allemand, suisse, bré a frica in d e va n t les grandes
en aucune façon l'ennemi du silien, américain ou soviétique... maladies cosmopolites. Et il est
conscient. L'inconscient est un Le seul enseignement de cette probable qu'on puisse en dire
instrum ent de révolution, une sorte prodigué en France était autant, aux nuances près, du
façon de s'adapter au milieu. Mais post-universitaire, alors que les com portement de l'Asiatique, de
la fatigue, les émotions, la maladie médecins français, ceux du Ser l'Amérindien ou de l'Esquimau...
l'em pêchent de fonctionner nor vice de Santé d'outre-m er et des
REPARTIR DE ZÉRO
malement. L'inconscient devient Instituts Pasteur, peuvent être
alors polymorphe, ambivalent. considérés comme des pionniers, C’est ainsi que les observations
Les pensées, les réactions cir aussi bien dans la connaissance faites à Dakar sur les maladies
culent alors entre l'inconscient et des maladies tropicales que dans cardio-vasculaires chez le Noir
le conscient: elles vont et elles la lutte pour les juguler. Le amenaient à des conclusions qui
viennent, elles perdent la valeur nouvel Institut de Dakar comble ne cadraient pas toujours avec
consciente, déclenchent des phé donc une lacune. les théories généralement admises.
nomènes nerveux insensibles à la Il fa it mieux : le plan de travail Aux Deuxièmes Journées médi
conscience, puis reviennent au qui lui a été tracé pourrait bien cales d'Afrique noire, en décembre
conscient. La connaissance scien amener dans la médecine une 1960, les chercheurs dakarois
tifique de cette ambivalence de révolution comparable en am pli avaient déjà affirmé l'existence
l'inconscient, de ses causes et de tude à celle que Pasteur provoqua. d'une nouvelle médecine tropi
ses effets, détruit le poison qui Le nom qui lui a été donné n'a pas cale, qui est la médecine géné
est au coeur du freudisme, ce été choisi au hasard. Ses créateurs rale placée devant les variantes
poison qui rend le freudisme si entendent rompre avec les vieilles tropicales des affections cosmo
précieux pour les réactionnaires habitudes et se lancer dans une polites. Ils avaient, par exemple,
de tous poils, pour tous ceux qui voie de recherches entièrement constaté que les maladies cardio
aimeraient croire que l’instinct nouvelles. L'Institut de médecine vasculaires étaient relativement
dominera toujours la raison, que tropicale étudiera en effet, non aussi fréquentes en Afrique qu'en
l'animal triomphera toujours de pas seulement ce qu'on appelle Europe et aussi nombreuses en
l'homme, que la lutte pour la la pathologie tropicale ou exo brousse qu'en ville. Ils souli
liberté et la justice sont inutiles. tique, mais la médecine telle gnaient d'autre part l'influence
C'est pourquoi la lutte contre le qu'elle doit se définir dans les indéniable des troubles psycho
freudisme nous paraît indispen pays tropicaux. « Le temps de la somatiques, et l'un d'eux, le
sable. L'étude de l'inconscient, pathologie folklorique est dépassé, Dr Marc Sankalé, affirm ait : « On a
qui ne fa it que commencer, est un affirme non sans hum our le doyen proposé de ranger l'artériosclérose
élément essentiel de cette lutte. de la Faculté de médecine. Nous parmi « les maladies de civili-
148 La médecine
sation » et, dans cette hypothèse, DES PRÉCÉDENTS Il est vrai que les réactions de
il était admis que la constitution l'homm e aux conditions clim a
psychique du Noir tribalisé et son Il est assez curieux de constater tiques, par exemple, varient assez
environnement naturel le mettaient aujourd'hui, avec le recul du largement selon qu'il s'agit d'un
à l'abri des réactions psychoso temps, que les médecins de la autochtone ou d'un immigré. Le
m atiques brutales et d é so r première moitié du siècle auraient Centre d'Études des Problèmes
données. Rien ne nous semble pu arriver à cette constatation humains dans les Zones arides,
plus discutable. Le Noir de la lo rs q u 'ils o n t re n co n tré les ou PROHUZA, a mis en évidence,
brousse trouve dans ses rêves, maladies tropicales, s'ils avaient à la suite d'une remarquable série
ses pressentiments et ses supers pu être libérés des contraintes de recherches tant physiologiques
titions bien des causes de soucis, intellectuelles et psychologiques que psychologiques, de très nettes
d'inquiétudes et d'anxiété... » que leur imposaient les concep différences dans l'adaptation à la
Depuis cette époque, l'équipe de tions d'une médecine créée à chaleur entre l'autochtone saha
Dakar a continué à rassembler partir de l'homme occidental. Ils rien, l'im m igré européen et le
remarques et observations, et son ont bien remarqué, en effet, que Noir. D'autres recherches du
patron, le professeur Payet, peut l'Européen réagissait en général même organisme ont révélé, chez
affirmer; « Nous savons mal quelle aux affections exotiques autre une population du massif tcha-
est l'épidém iologie du cancer ou ment que l'autochtone. Mais au dien du Tibesti, les Toubous, des
des virus chez l'Africain, par lieu de penser que cela provenait caractéristiques physiologiques et
exemple. Nous ne savons pas non peut-être d'une différence de biologiques tou t à fait spécifiques,
plus très bien ce que sont les «terrain», ils ont cru pouvoir et qui ne sont pas dues seulement
maladies de la nutrition. » affirm er qu'elle était seulement à l'ambiance naturelle qui les envi
L'Institut de médecine tropicale une conséquence de la trans ronne. On peut encore rappeler
commence donc ses travaux en plantation d'un milieu naturel dans les très curieuses remarques faites
repartant presque de zéro; il un autre. Ils allèrent même jusqu'à à propos de certains aborigènes
entend faire d'abord une étude définir les maladies tropicales par australiens, dont il semble que le
complète de la biologie du Noir rapport à l'Européen vivant sous mécanisme de régulation ther
africain. les tropiques. mique soit à peu près l'inverse de
celui de tous les autres groupes
Dans l'antarctique commeen Afrique, la médecine doit à son tour se décoloniser. humains.
En observant que Blancs et Noirs
ont des comportements différents
devant les diverses attaques du
milieu, les chercheurs de l'École
de Dakar n'ont donc pas fait une
découverte rare et unique. Mais il
fallait avoir l'audace de tirer
les conclusions qui s'im posaient
c'est-à-dire, selon la plus clas
sique attitude scientifique, se
demander pourquoi et com ment il
en était ainsi.
INFLUENCE DU MILIEU
La m édecine 149
et celle du Blanc n'est pas un eux au moins ne sont pas particularités psychologiques de
phénomène racial. Les caractères valables. » cet homme. En particulier, on peut
biologiques particuliers de chaque Cela revient à dire, me semble-t-il, se demander si le caractère ori
groupe ne sont pas héréditaires, que la médecine doit à son tour se ginal des médecines et des phar
mais acquis. décoloniser. macopées non occidentales — ou
A la naissance, il n’y a aucune non aristotéliciennes, si on pré
différence biologique entre l'enfant AU-DELA DE DEMAIN... fère — n'est pas une conséquence
noir et l'enfant blanc. Jusqu'à de la biologie de l'Hom m e pour et
l'âge de deux ans environ, leurs Les perspectives immédiates de par lequel elles se sont cons
réactions biologiques à l'environ semblables recherches sont à peu tituées, plutôt qu'à la conception,
nement sont les mêmes. Mais, à près im prévisibles dans leurs que nous qualifions de magique et
partir de cet âge et sous l'influence détails. Il est néanmoins permis d'irrationnelle, que cet Homme
des m ultiples facteurs que cons de form uler quelques hypothèses avait de lui-mêm e et du monde. Il
titue cet environnement, une cer plus lo in ta in e s , d 'a p rè s les se pourrait bien, autrement dit,
taine divergence apparaît et elle tendances que l'initiative de Dakar qu'elles nous paraissent beaucoup
ne fa it que s'accentuer au moins prépare. plus logiques, quoique non carté
jusqu'à la puberté, qui est une Il semble, par exemple, indubi siennes et non expérimentales,
période beaucoup plus pénible à table que ce qu'on découvrira de quand nous connaîtrons le terrain
franchir pour le Noir que pour le la biologie du Noir — et de celle biologique sur lequel elles ont
Blanc. de l'Asiatique, de l'Amérindien, été étudiées et bâties. Evoquons
de l'Australien ou du Lapon — seulement, de peur d'être égaré
Le programme de l'in stitu t de permettra de définir avec plus par l'im agination, une autre ouver
médecine tropicale de Dakar tend d'exactitude la biologie générale ture de ces recherches: on sait
donc à découvrir pour quelles de l'espèce humaine, d'une part, de plus en plus à quel point le
raisons, sous quelles influences le et de déterm iner peut-être ce qui milieu façonne le psychisme de
terrain physiologique devient peu dans l'Hom m e est spécifique et ce l'individu, mais seule la psycho
à peu différent chez le Noir et qui a été déterminé par l'évolution logie comparée des divers groupes
chez le Blanc. Sans vouloir en de chaque groupe dans son milieu humains pourra sans doute nous
rien préjuger de ce que ces particulier. Chez le Blanc occi donner la clef des influences du
recherches devront être, on peut dental, vivant depuis des siècles milieu sur l'esprit. Peut-être qu'un
affirm er qu'elles seront extrê dans un milieu de plus en plus jour, ayant enfin reconnu le
mement complexes: les influences artificiel, certaines qualités « prim i commun et le particulier des bio-
qu'un hom m e sub it pendant tives» ou «prim aires» se sont logies humaines, découvrirons-
l'enfance et qui le façonnent probablement effacées. Aucune nous les liaisons naturelles exis
ressortissent à plusieurs domaines. recherche biologique ne peut plus tant entre la Nature, l'Hom m e et
L'environnement matériel, déjà les retrouver en lui et certaines son Esprit... Peut-être même
assez complexe, n'est peut-être énigmes du comportement humain l'H om m e africain nous aidera-t-il
pas le plus déterm inant et il ne trouveraient jamais de solu à comprendre quelques-uns des
faudra nécessairement, à ces tions si l'étude de l'Hom m e se aspects les plus étranges de la
recherches, associer des ethno lim itait à celle du Blanc. J ’ai fait parapsychologie, dont l'Afrique
logues, des psychologues et des a llu s io n p ré c é d e m m e n t aux tout entière paraît être un labora
sociologues (comme cela a été recherches du groupe PROHUZA toire expérimental de première
fait d'ailleurs à PROHUZA). On est chez lesToubous. « C'est peut-être importance...
parfaitement conscient, à Dakar, chez eux, me disait un des cher Tout cela va donc très loin :
de la complexité de la tâche à cheurs de l'équipe, que nous jusqu'aux espaces que l'Hom me
entreprendre, lorsqu'on y affirme découvrirons le secret du vieillis devra un jour conquérir. Quand il
par exemple : « On n'a plus le droit sement harmonieux de l'Homme. » voudra coloniser des planètes, il
d'appliquer à l’Homme noir des Refermant le cercle, les recherches ne sera pas inutile qu'il connaisse
critères établis (par la médecine ultérieures sur la biologie de dans le détail l'importance et le
occidentale) pour l'Hom m e blanc, l'hom m e tropical perm ettront en sens des innombrables influences
puisqu'on sait que certains d'entre partie d'expliquer certaines des qu'un milieu physique a sur lui.
150 La médecine
LA S O C I O L O G I E laisserait supposer l'évolution de par des préoccupations interna-
la structure démographique. Ils en tionalesetla rivalité avec l'U.R.S.S.
déduisent qu'un nombre gran Sur le plan intérieur, cette oppo
Vers la semaine dissant d'individus, devant les sition sera difficile à maintenir.
de 35 heures? difficultés qu'ils ont à trouver un Le président devra prendre une
emploi, y renoncent parce qu'ils décision sur ce point avant de
RÉFLEXIONS ET PROBLÈMES n'en ont pas absolument besoin commencer sa campagne de réé
DES SYNDICALISTES U.S. (femmes mariées, pensionnés lection, c'est-à-dire au printemps
divers, etc.). 1964 au plus tard.
En de nombreux domaines, il est Pour la masse des travailleurs Il s'agit d'un problème mondial
apparu au cours de ces dernières manuels, le doute n'existe plus. qui sera bientôt à l'ordre du jour en
années que l'Europe avait intérêt L'extension de l'autom ation en Europe occidentale. En France, la
à suivre de près l'évolution éco traînant une dim inution progres réduction du service m ilitaire et
nomique, financière et sociale sive de l'emploi, l'insécurité de les rapatriements d'Algérie vont
américaine. Les États-Unis pèsent celui-ci augmente. Ils estiment atténuer la pénurie de main-
de toute leur form idable puissance que la semaine de 35 heures dont d'œuvre. Le retour aux 40 heures
sur le monde occidental, et les profite déjà une partie des effectifs effectives se posera inévitablement.
problèmes qui se posent à eux à administratifs doit être généralisée. L'Europe occidentale se trouve sur
un m oment donné resurgissent en Le passage de 40 à 35 heures ce plan en porte à faux entre les
grande partie en Europe deux ou avec maintien du salaire total U.S.A. et l'U.R.S.S. Dans le
trois ans plus tard. Plus que nous, apporte une augmentation du premier pays, le niveau de vie
avant nous, l'Am érique semble salaire horaire de 1 4 ,3 % . Si la est supérieur au sien, dans le
aux prises avec les problèmes de productivité horaire restait la second il est inférieur. Mais, chez
la civilisation des loisirs posés par même, on pourrait théoriquem ent les deux, la durée moyenne du
le développement de l'autom ation résorber tou t le chômage et travail (de l'ordre de 40 heures
et les lim ites de la capacité au-delà. Il y aurait cependant actuellement) est sensiblement
d'absorption d'une masse consom baisse de production dans cer plus faible. Il faudrait ajouter que,
matrice suralim entée en tous taines branches dans lesquelles le dans le cas de l'U.R.S.S. tout au
produits. personnel qualifié est déjà insuf moins, l'intensité de ce travail
Les milieux syndicalistes amé fisant. est également bien moindre.
ricains se préparent à une bataille Si la productivité horaire s'élevait
assez longue et semblent décidés de 1 4 ,3 % , rien ne serait changé
à la gagner. Il s'agit de ramener ni dans la production ni dans les
la semaine de travail de 40 à prix de revient; mais le chômage
35 heures. Encouragée par la resterait identique.
persistance d'un im portant chô On peut admettre que la semaine
mage, la pression de la base est de 35 heures, dans les conditions
considérable. Sans parler du chô actuelles, amènerait une réduc
mage partiel qui reste appréciable, tion appréciable du chômage,
le chômage com plet n'est jamais mais en même temps une certaine
tombé depuis 1957 en dessous de hausse des prix de revient, de 5 à
5 %. Les économistes gouverne 8 % peut-être. Mais cette situation
mentaux prévoient 7 % pour le serait provisoire, car la tendance
milieu de l'hiver. Mais ce taux à l'élévation de la productivité est
lui-même n'est pas réaliste. Il permanente. La meilleure solution
est basé sur une force de travail serait probablement un passage
totale qui comprend tous les tra graduel aux 35 heures en deux,
vailleurs occupés ou cherchant à trois ou quatre ans.
travailler. Or les spécialistes ont Jusqu'ici, le gouvernement Kennedy
remarqué que ce chiffre augmente s'est opposé à cette réforme. Son Demain ils manifesteront peut-être
maintenant moins vite que ne le attitude est surtout commandée po ur réclamer du travail. (Keystone).
La s o c io lo g ie 151
LA S C U L P T U R E le point de départ d'inventions L ' H I S T O I R E
sans cesse perfectionnées et renou
velées: aux constructions im m o
En q uête d 'une synthèse biles du début, le sculpteur donna La résurrection
des arts le mouvement en faisant appel à du passé
LES LEÇONS DE L'EXPOSITION l'électronique moderne: il leur LES MONNAIES
RÉTROSPECTIVE DE SCHÔFFER incorpora la féerie des sons en RACONTENT L'HISTOIRE,
collaboration avec le compositeur par Jean Babelon (Fayard)
Le problème du m ouvement a Pierre Henry (dont le disque
toujours été une des obsessions «Spatiodynam ism e» accompagne Si le métal même d'une monnaie
essentielles de l'artiste. Comment l'album consacré à l’œuvre de nous renseigne sur l'état de l'in
rendre ce qui est le propre de la Nicolas Schôffer), puis la féerie dustrie à une certaine époque,
vie : la chose qui bouge? Rodin est des lumières et des couleurs. La il nous documente aussi sur la
parmi les sculpteurs de notre dernière invention du sculpteur, le question fiduciaire, sur l'art, sur
époque, celui qui s'est le plus « Luminoscope », se présente sous les personnages, sur l'histoire d'un
interrogé sur cette question et y a l'aspect d'un poste de télévision temps. Sans cesse convoitée,
apporté les réponses les plus lum i qui constitue un véritable labora accumulée, distribuée, changeante,
neuses. Après toutes les solutions toire d'images. L'artiste se tient à la monnaie, précieuse ou métal
trouvées au cours de l'histoire un clavier d'où il peut obtenir à vil, est depuis des milliers d'années
pour donner l'illusion du mou l'aide d'un système invisible de un des plus sûrs documents sur le
vement, il ne restait plus à l'oeuvre projecteurs, de filtres, d'éléments passé.
d'art qu'à se m ettre elle-même en interchangeables commandés élec Aussi n'est-il pas une pièce de
mouvement. triquement, une infinie variété monnaie ancienne ou moderne qui
Le cubisme et l'abstraction avaient d'images. Il devient l'imprésario ne livre son potentiel d'histoire
libéré l'œuvre plastique du souci d'une féerie lumineuse et sonore à qui sait l'interroger. A cette
de la forme. Après avoir exploré qui naît et meurt sous ses doigts. tâche s'est voué Jean Babelon,
les différentes voies abstraites Jamais personne n'avait osé aller conservateur du Cabinet des mé
ouvertes par ses prédécesseurs du aussi loin. S'il est exact que les dailles. Son sujet pouvait paraître
début du siècle, Nicolas Schôffer techniques séculaires avaient austère. Il en fait la matière d'un
trouva sa propre vision vers 1948. donné tou t leur possible, le génie livre où, depuis la plus haute A n ti
Selon ce qu'écrit son biographe, inventif de Nicolas Schôffer pro quité jusqu'à nos jours, se déroule
Guy Habasque dans le livre col pose à l'art de prodigieuses possi de façon vivante une histoire très
lectif qui vient de lui être consacré ', bilités de renouvellement. Non riche. L'art, la religion, la vie
« il acquit la conviction que l'art ne seulement l’album de la collection économique, l'histoire des évé
pouvait se contenter de dépeindre « La sculpture de notre temps », nements ou des hommes, les
des états d'âm e ou de combiner mais la grande rétrospective qui se progrès techniques s'inscrivent
des formes gratuites, et arriva à la tient jusqu'à la fin du mois prochain dans cette étude.
conclusion que les deux valeurs au pavillon de Marsan, permet de L'auteur nous révèle un monde
plastiques les plus importantes juger la qualité et l'im portance de fantastique. Un m otif choisi comme
étaient l'espace — matière première cette invention, et également le au hasard est répété en séries,
de la sculpture — et le dynamisme, chemin parcouru en moins de en rangs: un trait du visage,
conquête essentielle de notre civi 15 ans. Nous vivons bien le temps isolé, s'allonge, s'étire en boucle;
lisation technicienne. Les premières des accélérations. de la tête pendent des chaînes qui
sculptures « spatiodynamiques » de ont l'air de tentacules, terminées
Schôffer, d'abord frêle ossature par des fleurons qui s'achèvent en
délim itant l'espace, puis charpente faces humaines ou en masques de
rythmée par des plaques de métal 1. Nicolas Schôffer — collection « La sculpture de monstres. Le tout donne l'im
ou de plexiglas, étaient des tours ce siècle » — éditions du Griffon. Neuchâtel — pression d'excroissances végétales,
gigantesques de 50 à 1 50 mètres Textes de Jean Cassou, Guy Habasque et du de protubérances ou de strates
docteur Jacques M énétrier. Ce dernier a consacré
de haut. une longue étude à l'œ uvre de Schôffer dans géologiques; ce sont des concré
Ces premières créations furent Planète N° 4. tions, des coquillages ou des
152 La sculpture
zoophytes. Ainsi se transforme le
visage humain sous la main d'un LA FICH E DE PLANÈTE
artisan gaulois, à la fois absurde
et génial. Ou bien encore cet
artisan s'empare d'un seul élément T irage initial du N° 1, octo b re 1961 :
du visage, l'œil, pour en faire le 8 000 exem plaires.
sujet unique de son dessin. Cet Tirage du présent num éro: 100 000 exem plaires.
œil agrandi non seulement occupe N om bre d ’abonnés à ce jo u r: 30 000.
le champ entier de la monnaie,
L’Encyclopédie Planète p araît depuis avril
mais l'im agination du graveur
trouve encore à s'exercer sur ce 1963, à raison d ’un volum e tous les deux mois.
triangle dont les branches en Tirage m oyen: 40 000 exem plaires.
châssent le cercle de la pupille. N om bre d ’abonnés: 15 000.
L'œil d'Apollon devient un m otif Planète est la seule revue française n’insérant
géométrique, dont les com po pas de publicité.
santes sont des stries parallèles
encastrant une rouelle environnée La société éditrice, « R etz» , a été fondée par
d'étoiles. Ce type évoque si peu Louis Pauw els, Jacq u es Bergier, F rançois
l'image dont il dérive que les R ichaudeau et P ierre Chapelot, avec un capital
« monnaies à l'œil » ont provoqué de 1 million d ’anciens francs. Elle ne dépend
la curiosité des savants fort en d ’aucun organism e com m ercial ou financier.
peine d'en démêler l'hiéroglyphe.
Jean Babelon n'est pas seulement L a distribution en librairie est assurée par
un maître de la numismatique. Il D enoël et, chez les dépositaires de journaux,
sait ressusciter ce que le pro par les N .M .P.P.
fesseur Prat appelle Yaura du
passé. Son livre est passionnant et L’im pression, en caractères lum itype, est
les illustrations saisissantes. assurée p ar les presses des Petits-Fils de
L éonard D anel, m aîtres-im prim eurs.
L’exploitation est strictem en t m arginale, la
société R etz am éliorant régulièrem ent ses
m oyens rédactionnels et techniques.
Les récentes innovations de Planète ont été:
— les cahiers-couleur;
— les dossiers;
— les cahiers de cours de l’École P erm anente.
La revue publiera, dans ses colonnes, en début
d ’année, com m e l’année dernière, son bilan
financier.
D es éditions étrangères de Planète sont en
cours d ’étude, notam m ent en Italie, en A lle
m agne, en A ngleterre et dans les pays de
langue espagnole.
On tro u v era en page 158 une prem ière liste des
personnalités sur la com pétence desquelles
Planète fonde son travail.
il Oi' cÀoruiot./('ut
Il y a vin g t ans et même moins, la quem ent EN PROFONDEUR dans taient invinciblem ent l'esprit vers ce
m éthode de la géologie et de la l'une et l'autre science: les terrains qui est leur plus spectaculaire appli
paléontologie était encore exclusi les plus anciens s'observent en cation dans le champ général de la
vem ent celle des Sciences naturelles: creusant plus bas, exactem ent com me science : vers la prédiction. André
e s s e n tie lle m e n t d e s c rip tiv e , elle les étoiles nous apparaissent avec de Cayeux a pu ainsi tracer une sorte
procédait par analyse et classement. leur faciès le plus ancien à mesure de prospective de la vie terrestre,
On savait que tel phénomène était que leur distance est plus grande. avec son accélération constante et son
antérieur ou postérieur à tel autre, REPRENANT D'ANCIENS ESSAIS énigm atique discontinuité vers l'an
que telle espèce apparaissait à tel com me ceux de Lyell et de Candolle. 2 1 00. Cette partie de l'œ uvre d'André
niveau et disparaissait à tel autre. André de Cayeux posa alors les fo n de Cayeux est encore en partie inédite
Mais, dès cette époque, un jeune dem ents d'une analyse statistique du et fera l'o bjet d'une Encyclopédie
géologue qui avait étudié les m athé passé de la Terre et de sa biologie. Planète. L’évolution, telle qu'il la
matiques supérieures et l'astronom ie Jusqu'à lui, on avait analysé, décrit et décrit, ne se déroule plus sur un plan
concevait les fondem ents d'une révo classé les espèces fossiles. Il eut biologique mais sur un plan psycho
lution m éftipdologique destinée à l'idée — élém entaire mais d'une logique.
introduire dans les sciences du passé incalculable portée — DE LES
terrestre les voies toutes-puissantes COMPTER. Ce fu t la STRATIGRAPHIE
du calcul, déjà appliquées avec tant STATISTIQUE. Il ne fallut que cette
de succès dans les autres sciences. idée, mais exploitée avec une infinie
ALORS Q U 'IL SUIVAIT LES COURS patience et une constante rigueur,
D'ASTRONOMIE D'ANDRÉ DANJON pour faire surgir l'évidence de phéno
(le fu tu r directeur de l'Observatoire de mènes nouveaux tels que la vie Docteur ès sciences naturelles, licencié
Paris), André de Cayeux avait été moyenne des espèces vivantes, leur ès sciences physiques, licencié ès
frappé par la fécondité de l'analyse taux de m u ltiplication, le rapport lettres, professeur à la Sorbonne.
statistique appliquée à l'étude des de ces taux avec d'autres circons Ouvrages: La Géologie (Collection
fam illes d'étoiles. Pourquoi, se dit-il, tances (altitude, situation géogra «Q ue sa is-je » ); Les Roches (Col.
les procédés appliqués en astronomie phique, etc.). Aux essais en ce sens « Que sais-je »); La glace et les glaciers
ne le serait-ils pas en géologie? Dans du passé, André de Cayeux a apporté (Col. «Q ue sa is-je » ); Biogéographie
un petit m ém oire d'une saisissante la cohérence par la qualité de l'ana mondiale (Col. «Q ue sais-je »); Terre
ingéniosité, il dém ontrait le paral lyse. Pour la première fois, le passé arctique (en collaboration avec Paul-
lélisme épistémologique des problèmes terrestre donnait prise au calcul. Émile Victor, Ed. A rth a u d ); Trente
posés à l'astronom e et au géologue. L'évolution biologique, ce phénomène m illions de siècles de vie (Édition
Par exemple — par rapprochem ent si dont on a d it qu'il est le plus grandiose A ndré B onne); H istoire de la Géologie
simple que nul ne l'avait fa it — le de la nature, s’ordonnait en des lois (Col. « Que sais-je »).
cours du tem ps se rem onte iden ti m athém atiques. Et ces lois em por
La littérature de science-fiction passe confirm ée par de solides études uni « Profil du Futur», qui tente de
encore aux yeux de la m ajorité du versitaires devait valoir à A.C. Clarke prévoir avec hardiesse les prochains
public français pour le domaine réservé la présidence de la Société interpla développements de la science et de
d'écrivains doués mais attardés dans nétaire britannique, des postés im la technique en tenant com pte des
l’enfance. Une littérature de doux portants dans la recherche des radars lois connues de l’accélération du
dingues. En réalité, derrière les en Angleterre, un poste de direction savoir et des découvertes. Clarke est
auteurs de romans et de nouvelles qui à la revue Physical A bstracts, et le prix donc essentiellem ent un esprit scien
marquent dans le genre — le seul Kalinga de l'UNESCO en 1962. tifique. Pourtant il devrait surtout
genre littéraire qui soit à la fois LES PRINCIPAUX TRAVAUX SCIEN rester dans l'histoire com me le plus
nouveau et prospectif -, se cachent TIFIQUES DE CLARKE SON T: grand écrivain de science-fiction de
souvent des hommes de sciences — An Elem entary M a them atical notre époque. Ses romans, les Enfants
connus. Leurs extrapolations sont A pproach to A stronautics, publié dans d'Icare, la Cité et les astres, sont
étayées par leur savoir. Jules Verne le Journal de la Société interplanétaire parmi les livres les plus ém ouvants
a fa it école, dans le sens du sérieux. britannique en janvier 1 9 3 9 ; cette et les plus profonds de notre tem ps 2.
Ces remarques valent depuis long étude donne la théorie des vols Ses recueils de nouvelles supportent
tem ps pour la littérature am éricaine et spatiaux. parfaitem ent la comparaison avec
soviétique; elles deviennent vraies — The R ocket and the Future o f W ells et Conan Doyle. Ses romans
en France égalem ent où l’un des Warfare, publié dans la revue de la de science-fiction pour la jeunesse,
auteurs les plus connus de romans Royal A ir Force à la fin d.e la Seconde parus en France 3 : Prélude à /'Espace,
d'anticipation est un ém inent pro Guerre mondiale et qui définit, mieux les Sables de Mars, S.O.S. Lune, sont
fesseur d'archéologie. que to u t autre travail publié o fficiel com parables aux meilleurs Jules
ARTHUR C. CLARKE, QUI, A ÉGA lem ent à ce jour, la stratégie des Verne.
LITÉ PEUT-ÊTRE AVEC RAY BRAD- fusées. 1. Publié en France chez Denoêl après un
BURY, F*EUT ÊTRE- CONSIDÉRÉ — Extra-Terrestrial Relays, travail immense succès aux U.S.A.
COMME L'ÉCRIVAIN D 'AN TIC I fondam ental publié dans W ireless 2. Denoël. éditeur.
PATION ACTUELLEMENT LE PLUS 3. Le Fleuve Noir, éditeur.
W orld en octobre 1 9 4 5 ; il décrit les
CÉLÈBRE, COMM ENÇA PAR ÊTRE satellites de relais utilisables pour les
UN CHERCHEUR. Il est l'auteur du télécommunications du type «Telstar».
projet qui devait aboutir au lancement Clarke est égalem ent l'auteur de plu
du satellite «Telstar». Sa vocation sieurs livres fondam entaux sur l'astro
scientifique est née en 1927 (il avait nautique, no tam m ent Théories fo n Né le 16 décembre 1917 à M inehead
dix ans) lorsqu'il découvrit la revue dam entales de IA s tro n a u tiq u e et (Grande-Bretagne). Famille paysanne.
« Amazing Stories» qui fu t le prem ier l'Exploration de /'Espace Nous pu Licencié en m athém atiques et en
magazine de science-fiction de langue blierons prochainem ent le dernier physique.
anglaise. Cette vocation scientifique en date de ses ouvrages scientifiques.
le 1 0 0 e a rch e v êq u e de C anterbury
La reine d'A ngleterre est le chef considéré com me l'archevêque de son Église « dirige ses affaires avec
officiel de l'Église anglicane, mais Canterbury le plus adulé de to u t le une plus grande indépendance».
en fa it les buts, les positions et l'esprit xxe siècle. Ses semaines se passent à Lambeth
de cette dernière sont définis par L'ARCHEVÊQUE RAMSEY A DÉJÀ Palace, la demeure épiscopale située
l'archevêque de Canterbury. Il est MONTRÉ Q U 'IL NE SERAIT PAS à Londres en face du Parlement, sur
no m m é'p ar le Premier M inistre mais UN SIMPLE ADM INISTRATEUR DE l'autre rive de la Tamise. Les pre
le protocole le place avant lui dans L'ÉGLISE D'ANGLETERRE. mais mières heures de la matinée sont
les cérémonies publiques, au côté de un pasteur moins préoccupé de toujours consacrées à la prière et
la fam ille royale. changer la face des choses que d'agir aux offices dans sa chapelle privée.
L’actuel archevêque, Michael Ramsey, sur le cœ ur des hommes. Il prêche Son travail d'archevêque, qui occupe
appelé par Mr. M acm illan à la suite la spiritualité dans ce qu’elle a la majeure partie de la journée,
de la retraite volontaire de son prédé d'éternel. « Notre volonté d'être m o consiste surtout à recevoir beaucoup
cesseur Geoffrey Fisher, a été sur dernes à tou t prix, a-t-il un jour déclaré, de gens et à parler avec eux. C'est
nommé « le plus jeune octogénaire nous fa it mésestim er la puissance de par ces discussions sur des problèmes
du Royaume U ni». A 58 ans, son l'im agerie universelle de la Bible. » sociaux, politiques ou théologiques,
visage ridé, ses paupières lourdes, Comme son prédécesseur Geoffrey que sans cesse l'anglicanism e se
ses sourcils en bataille lui donnent Fisher, c'est un partisan convaincu trouve maintenu dans la direction
l’air d'un patriarche. Il s'inscrit dans et a ctif de la réunion de la chrétienté. souhaitée. Les soirées à Lambeth
la tradition britannique des prêtres L'année dernière, il s'est rendu à Palace sont consacrées à l'étude
excentriques: sa soutane écarlate est Moscou et à Istam boul pour y ren jusque fo rt tard dans la nuit.
toujours boutonnée de travers, et contrer les hauts dignitaires de
souvent maculée de petites taches de l'Eglise orthodoxe. L'archevêque de
boue. C'est que le nouvel archevêque Canterbury aurait égalem ent le désir
de Canterbury n'hésite pas à s'asseoir d'être reçu par Paul VI après les N é en 1905. Études universitaires à
à même la terre pour bavarder avec travaux du concile actuel. C am bridge; études théologiques à
ses ouailles. Il se veut le pasteur au SON TEMPÉRAMENT EST D 'AT Oxford. A été successivem ent vicaire
milieu de son troupeau. Il visite fré TEINDRE LES BUTS qu'il poursuit et pasteur à Liverpool, puis pasteur à
quemment les petites paroisses retirées inlassablem ent, par la persuasion et Lincoln, Boston, D urham e t Cam
des campagnes où il surprend par sa la diplom atie plus que par la bruta bridge. Évêque de Durham en 1952,
manière d'engager la conversation : lité, même verbale. La plupart des archevêque d'York en 1952, arche
« Je suis l'archevêque, d it-il aux prêtres anglicans sont partisans d'une vêque de Canterbury depuis 7 956. A
passants, qui êtes-vous?» Alors que séparation de l'Église et de l'État ; écrit plusieurs livres de théologie.
sa nom ination en 1956 avait été l'archevêque Ramsey s'accom m ode de A été égalem ent professeur à
accueillie avec certaines réticences, la confusion des pouvoirs tem porel Cambridge.
l'im pression aujourd'hui est qu'il sera et spirituel, mais il se bat pour que
Ce sont des missionnaires de retour et de juger objectivem ent, sans pré GEORGE SOULIÉ DE MORANT
de Chine qui firen t mention pour la vention scientifique, de ses résultats ÉTUDIE ALORS DE TRÈS PRÈS
première fois en Europe de l'acuponc c'est-à-dire de son intérêt. CETTE THÉRAPEUTIQUE NOUVELLE
ture. Le prem ier traité de cette méde Très jeune, il avait été au contact ainsi que l'H istoire. la Littérature et
cine différente est celui du Révérend de civilisations étrangères. Son père, l'A rt chinois. Son œuvre dans ces
Père Harvieu publié à Grenoble en ingénieur, avait participé à la cam derniers domaines est très im portante
1671. Depuis cette date, de nombreux pagne du Mexique et avait longtem ps mais, toutefois, c'est essentiellem ent
auteurs français, hollandais, allemands vécu aux États-Unis. Le hasard voulut l’A cuponcture qui l'a ttire et il se met
publièrent des articles et des ouvrages également, nous le verrons, que en devoir de traduire ceux des
sur les pouls et les points chinois: George Soulié de M orant apprit très docum ents tra ita nt de ce sujet qui lui
dix-huit auteurs traitèrent de l'acu jeune la langue chinoise avec un érudit sem blent de nature à intéresser p a rti
po n ctu re au xvnr siècle, cent chinois recueilli par Théophile Gautier, culièrem ent les médecins. Puis, ce
quarante-deux au xixc. Cependant ami de sa fam ille. Élevé chez les sont les premiers essais dont les
c'est à juste titre que George Soulié Jésuites de la rue de M adrid à Paris, résultats sont étonnants, suivis d'une
de M orant qui n'a écrit son prem ier son intention éta it de devenir médecin, étude sur l'A cuponcture publiée dans
traité qu’en 1930 peut être considéré mais la m ort prém aturée de son père « la Science Médicale pratique ».
com me le véritable introducteur de la l'em pêcha même de sim plem ent com L'ACUPONCTURE CONNAIT ALORS
médecine tra ditio nne lle! de la Chine mencer ses études médicales. Dès GRACE A LUI UN REMARQUABLE
ancienne en Occident. Cela tient à l'âge de dix-h uit ans, il se trouve ESSOR. Il en est jalousé. Il connaît
la profondeur de ses travaux, à la dans l'obligation de travailler. Sans l'h ostilité de certains cercles officiels,
précision de ses recherches, à la grande vocation, il choisit la carrière en souffre, et cela ne va pas sans
clarté de ses exposés et égalem ent à bancaire et entre à la banque Lehideux ébranler fo rtem e nt sa santé. Sa foi
la foi qu’ il a apportée à leur vulga qui le délègue en Chine alors qu'il dans l'A cuponcture lui donne cepen
risation. n'a pas vingt ans. Sa connaissance dant la force de mener à bien la tâche
GEORGE SOULIÉ DE M ORANT de - la langue encore plus rare à qu'il s'est assignée et il réussit à
POURTANT N’ ÉTAIT PAS MÉDECIN, l'époque qu'aujourd'hui lui vaut très mettre le point final au dernier volum e
et rien dans sa form ation appa vite d'être engagé par le M inistère de son traité d'« Acuponcture chinoise »
remment,. ne le destinait à être un des A ffaires étrangères. Nomm é avant d'être terrassé par une crise.
pionnier dans une des branches de la consul de France à Changhaï, puis
recherche médicale. On peut im aginer envoyé à Yunnan-Fou, il est amené à
que c’est cette disponibilité d ’esprit constater, à l'occasion d'une épidémie George Soulié de M orant est né à
à l’égard de toutes les form es de de choléra, que les malades guérissent Paris le 2 décembre 1878. I l est m ort
médecine qui lui perm it d'aborder sans mieux grâce au traitem ent des aiguilles le 10 m ai 1955. H a écrit au total
préjugé une thérapeutique décon que sous l'e ffet des m édicam ents dont une quarantaine de livres.
certante pour le praticien occidental on disposait à l'époque.
M . Adriani, professeur d'histoire des religions à l'U niversité Jean Cocteau, de l'Académ ie française
de Rome Gérard Cordonnier, délégué à l’O.E.C.E. pour les pays
M . Agrest, professeur d ’histoire à T iflis (U.R.S.S.). de l'Est
René Alleau, directeur du Centre culturel de France Jacques Couelle, président du Cercle d ’Études des S truc
Yves A llegret, cinéaste tures naturelles
Louis A rm and, de l’A cadém ie française
Robert Aron, écrivain Salvador Dali
Dr Assagioli, spécialiste de psycho-synthèse, Florence
U m berto Eco, professeur d'esthétique à l’ U niversité
François Baron, écrivain, ancien gouverneur des Indes de M ilan
Jean-Louis B arrault, directeur du Théâtre de France
Claude Bellanger, vice-président des Syndicats de la presse A. Faussurier, professeur d'électricité à l'École centrale
M . Berthouin, directeur pour la France de l’ Encyclopédie de Lyon
britannique Federico Fellini, cinéaste
Gérard Blitz, président du Club M éditerranée
Jorge-Luis Borges, écrivain, Buenos-Aires Dom inique Gaisseau, explorateur, cinéaste
J. de Bourbon-Busset, écrivain M . G alabert, fon dateur du Prix d'astronautique
Léone Bourdel, professeur à l'École d’O rganisation scienti M aurice Goldschm idt, président des Écrivains scientifiques
fique du Travail anglais
Gaston Bouthoul, professeur à l’Ecole des Hautes Études Robert Gouiran, attaché de recherches au C.E.R.N.
sociales Robert Graves, professeur de poésie à Oxford
Ray Bradbury, écrivain am éricain
Fredric Brow n. écrivain américain J.B .S . Haldane, biologiste, professeur de génétique à
Francis Brunei, président de la Société d ’ Études des l’U niversité de Bombay
Sciences de la Vie Gérard H eim , professeur d'histoire et de sciences à
M a rtin Buber, philosophe, historien des religions Cambridge
Bar H illel, professeur de cybernétique à l’U niversité de
Roger Caillois. directeur à l’UNESCO, directeur de la revue Jérusalem
« Diogène » Serge Hutin, docteur ès lettres, chargé de recherches
Henri C alef, cinéaste au C.N.R.S.
Josué de Castro, ambassadeur du Brésil à l'O NU , pré Arnold Hutschnecker, professeur de psychosomatique
sident de l'A ssociation mondiale contre la faim à N ew York
A ndré C ayatte. cinéaste Sir Julian Huxley, biologiste, ex-directeur général de
André de Cayeux, professeur à la Faculté des sciences l’UNESCO
de Paris Aldous Huxley, écrivain
Jean Charon, physicien Francis Huxley, éthnologue
Rém y Chauvin, biologiste, directeur de laboratoire aux
Hautes Études Robert Jungk, écrivain
André Chouragui, attaché au cabinet du prem ier m inistre
d'Israël Alexandre Kazantseff. directeur de l'in s titu t de Recherches
Arthur C. Clarke, président de la Société britannique astronautiques en U.R.S.S.
d'A stronautique Louis Kervran, m em bre du Conseil d ’ Hygiène de la Seine
René C lém ent, cinéaste Dam on Knight, écrivain
(Nous publierons dans notre prochain numéro la suite de cette liste alphabétique)
Si vous souhaitez vous abonner.
Mon adresse.......................................................................................
Veuillez tracer une croix Kl dans le carré correspondant au texte de votre choix.
a n o ta m m e n t p u b lié
Éditorial Éditorial
A nos lecteurs Bonjour, M onsieur l'institu teur, par Louis Pauwels
Chronique de notre civilisation
Le m ouvem ent des connaissances L'attente d'une nouvelle religion, par sir Julian Huxley
L'avenir du phénom ène humain, par Jean Charon
Naissance de l’ hum anism e évolutionnaire, par Gabriel
H istoire de gens « pas sérieux», par Michel Gauquelin
Veraldi
Chronique de notre civilisation Les civilisations disparues
Nous allons vers la pensée non asservie, par A im é M ichel Les ingénieurs de l'antiquité, par A im é M ichel
Le m ouvem ent des connaissances
Les civilisations disparues
La clé des changem ents, c’est la m émoire, par Gaston
Mes contacts avec des lamas thibétains, par Paul Arnold
Bouthoul
lmp. L. P.-F. L. Danel - Loos-lez-Lille • Nord. les gérants : Louis Pauwels/François Richaudeau.
-t " . ,/ :■ - •• . -
P a ra ît to u s les 2 m o is
T ro isiè m e ca h ie r de l'É co le p e rm a n e n te :
L 'h is to ire de l'id é e d 'é v o lu tio n
Q u a triè m e c a h ie r de l'É co le p e rm a n e n te :
La v isio n m o dern e de l'é v o lu tio n «
L 'a ve n ir de l'h o m m e
Le do ssie r de l'h o m é o p a th ie
P sychanalyse de l'a rtis te
L 'a rc h ite c te n 'e s t pas c o n te n t
Les do ssie rs s ecrets de la S cience
La p re m iè re e t la de u xiè m e R enaissance
D o c u m e n ts in é d its sur l'a lc h im ie
Les E trusques c o m m e n c e n t à pa rle r
E lé m e n ts p o u r une p o litiq u e gé né tiq u e
e t des a rtic le s , ré c its , étu des de
R o b e rt A ro n / J .B .S . H aldan e / H enri L a b o rit
Ja cq u e s L e c o m te / Z a charie M a y a n i / S ir J u lia n H uxley
C h a rle s-N o ë l M a rtin / J a c q u e s L a b o u rd e tte
Ja cq u e s M é n é trie r / P ierre R estany
A b o n n e m e n t 6 n u m é ro s 30 F. Le n u m é ro D F. (80 F .B ,)
[• ^ Mouvement des connaissances / A nalyse des* cèuyres rem arquables / Textes inconnus
'J. Littérature différente / A rt fantastique de tous ' les tem ps / Mystères du monde animal
L - ^ ------ ' • ' ' ----------- i- — ■ ' - '■ .............’ - ■■ «ir-
Imprimerie L. P.-F. L. Danel Loos-lez-Lille Nord & Diffusion Denoel / N.M.P.P.