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Ce Libanais vit dans l’angoisse depuis le départ vers Les Biélorusses l’ont poussé à traverser à cinq
Minsk de son cousin Anas, 22 ans, qui s’est envolé reprises et à chaque fois il a été renvoyé par les
depuis Beyrouth pour la Biélorussie mi-octobre. Polonais. »
Le jeune homme, ouvrier dans le bâtiment, ne trouvait
plus de travail dans un Liban en crise. « Il voulait
absolument vivre dans un pays stable », précise
Kareem. Anas est depuis piégé entre la Biélorussie et
la Pologne. «Il m’a dit qu’il était obligé de manger de
l’herbe pour survivre. »
Le 9 novembre, l’Agence des Nations unies pour les
réfugiés (UNHCR) a réclamé un « accès immédiat » à
la zone «afin d’y garantir l’aide humanitaire ». Quatre
jours plus tard, la police polonaise retrouvait le corps
d’un jeune Syrien sous un arbre, vraisemblablement
mort noyé. Selon l’agence de presse Reuters, les
autorités polonaises ont déjà découvert huit dépouilles
aux abords de la frontière. Aucun chiffre n’a été
communiqué par la Biélorussie.
Certains migrants ont réussi à sortir de ce piège. Un
groupe d’amis syriens est ainsi parvenu à faire marche
arrière après dix-huit jours d’errance dans la forêt. Une photo des blessures d’Ali. © DR
Tous voulaient fuir le recrutement forcé de l’armée du Lorsqu’il nous contacte, Ali, lui, nous envoie une
régime de Damas. photo. Sur le cliché, le jeune migrant soulève son tee-
Depuis Minsk où il se cache, Ali tient à nous raconter shirt, et montre le bas de son dos. Sa peau présente
son histoire, « pour que plus personne ne se retrouve des traces d’ecchymoses, des bleus d’une vingtaine de
dans cette situation horrible ». Ce Syrien de 27 ans centimètres.
est toujours gravement malade : « On a dû boire l’eau Lorsqu’il a été arrêté une première fois par les soldats
des marécages.» Après un soupir, il reprend : « Vous biélorusses, le 20 octobre, Ali a été frappé à coups
savez, avec mes amis, on a souhaité la mort. Une de matraque. « Ils nous ont emmenés dans un camp
véritable prison est plus facile que cette souffrance. » improvisé au milieu de la forêt. Tout au long du trajet,
La violence des deux côtés des barbelés ils nous ont battus sans relâche. »
Pris en étau entre la Biélorussie et la Pologne, les Au bout de quelques heures, ces soldats les forcent à
migrants doivent aussi faire face à une violence à grimper dans un camion. Faris, l’ami d’Ali, se souvient
laquelle ils ne s’attendaient pas. Kareem se souvient de son effroi lorsque le véhicule s’arrête au bord
d’une phrase de son cousin Anas lors de son dernier d’une rivière glacée. Il ne sait pas nager, mais comme
appel. « Il m’a dit qu’il se sentait comme un ballon l’ensemble du groupe, il doit traverser. « L’eau nous
entre deux équipes de football, explique le Libanais. arrivait aux genoux. Les soldats biélorusses nous ont
dit : “Vous allez dans cette direction, puis vous courez
vers la forêt et vous serez en Pologne.” », explique-
t-il.
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Une fois de l’autre côté, tout le monde se met à courir, paraissait incroyablement facile. L’agence de voyages
persuadé d’être bientôt à l’abri en Europe. « L’armée était pleine d’autres Kurdes qui faisaient comme nous.
polonaise nous a arrêtés, explique Faris. Ils nous ont Personne ne se doutait de ce qui nous attendait ici. »
demandé de nous coucher au sol, puis ils nous ont Dans une intervention télévisée, le porte-parole du
frappés.» Leur arrestation a été filmée. Sur les images ministère des affaires étrangères irakien Ahmed al-
diffusées par l’armée biélorusse, des hurlements, des Sahaf a annoncé dimanche qu’un premier vol de
cris perçants.«Ils nous ont dit en anglais : “No Poland, rapatriement décollerait jeudi de Minsk. Une opération
go to Bielorussia !” C’était un passage à tabac. de sauvetage, en collaboration avec les autorités de
Pour la Pologne, et la Biélorussie, nous sommes des la région autonome kurde, pour ramener au pays les
animaux, lâche le jeune syrien. Les deux armées nous citoyens « qui le souhaitent».
avaient tendu une embuscade. »
Sur les milliers de Kurdes irakiens bloqués à la
Toujours le même scénario au départ frontière, seuls 571 avaient répondu à l’appel en
Qu’ils soient Syriens, Irakiens, Libanais ou encore début de semaine, selon Bagdad. Hussein n’est pas
Yéménites, tous les témoignages décrivent le même l’un d’entre eux. « Nous ne rentrerons pas, à moins
système de trafic d’êtres humains : des passeurs leur d’y être forcés. Si nous étions heureux chez nous,
promettent un accès simple à l’Europe, souvent vers nous ne serions pas partis !,s’emporte-t-il. Notre
l’Allemagne. Le prix par personne oscille entre 4 000 gouvernement se fiche de la misère dans laquelle
et 6 000 dollars. nous vivons 365 jours par an. Et, maintenant que le
Hussein, le jeune Kurde irakien, a déboursé 15 monde entier nous regarde, il fait semblant d’en avoir
000 dollars pour toute sa famille. « J’y ai mis quelque chose à faire. »
toutes mes économies,raconte le trentenaire encore De leur côté, Ali et ses deux amis syriens ont
piégé entre la Biélorussie et la Pologne. Une vie finalement pu quitter la Biélorussie pour rejoindre
meilleure semblait enfin à portée de main. Et, cela Beyrouth, vendredi 12 novembre. S’ils rentrent en
Syrie, ils seront arrêtés pour avoir fait défection. Anas,
le migrant libanais, n’a plus donné de nouvelles à son
cousin depuis plusieurs jours.
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