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Dans la plupart des cas, rendre de l'argent aux actionnaires veut dire rendre à chaque action la
même somme. S'il en est différemment {par la technique de la réduction de capital ou du
rachat d'actions}, l'actionnariat de l'entreprise est modifié. L e contrôle sur l'entreprise des
actionnaires qui ne touchent pas de liquidités à cette occasion est renforcé ; celui des
actionnaires qui touchent des liquidités est lui réduit.
Résumé
Le bénéfice net n'a que deux affectations possibles : soit le réinvestissement, dans l’entreprise
sous forme d'autofinancement, soit sa distribution aux actionnaires sous forme de dividende
ou de rachat d'actions, voire de réduction de capital.
L'autofinancement bénéficie d’une excellente image : il réduit le risque du créancier, se
traduit par des plus-values et non des dividendes souvent plus lourdement imposés pour
l'actionnaire. Il constitue pour les gestionnaires une ressource mobilisable sans avoir à
solliciter des tiers, ressource qui diminue le risque de leur entreprise tout en accroissant la
valeur de leurs stock-options. C'est là cependant son danger. L'autofinancement n'a d'intérêt
d’un point de vue financier que s’il permet de financer des investissements qui rapporteront
au moins le taux de rentabilité exigé compte tenu de leur risque. Sinon il conduit à détruire de
la valeur avec d'autant plus de constance que la sanction intervient Souvent tard puisque
l'autofinancement à outrance coupe l’entreprise des marchés financiers. La sanction n'en est
que plus forte.
Le piège de l'autofinancement est son coût apparent qui est nul alors que son véritable coût,
qui est un coût d'opportunité, est bien réel. Il est égal au coût des capitaux propres.
L'autofinancement permet un taux de croissance interne de l'activité égal au taux de rentabilité
comptable des capitaux propres multiplié par le taux de rétention des bénéfices (1 — le taux
de distribution). À levier comptable et rentabilité économique constants, le taux de croissance
interne correspond au taux de croissance des capitaux propres et de l'actif économique. Enfin,
le taux de croissance du résultat net et du BPA est égal à la rentabilité marginale des capitaux
propres que multiplie le taux de rétention des bénéfices. Le dividende tout comme les rachats
d'actions ont pour objectif premier de rendre aux actionnaires des fonds qui ne trouvent plus à
s'investir dans l'entreprise à un taux de rentabilité qui correspond au moins au coût du capital,
évitant ainsi de détruire de la valeur. On réalloue ainsi des fonds d'entreprises ou de secteurs à
maturité devenus moins risqués, vers des entreprises ou des secteurs nouveaux, en plein
développement, qui ont besoin de capitaux propres. Des objectifs secondaires peuvent aussi
être poursuivis :
*réduire la marge de manœuvre des dirigeants en les privant d'une partie des flux de trésorerie
générés par l’entreprise [théorie de l'agence) ;
*signaler que l'entreprise qui renonce volontairement à des liquidités est en bonne santé et
qu'elle est confiante dans l'évolution de ses résultats (théorie du signal) ;
* répondre aux souhaits des actionnaires qui, dans certaines phases, sont prêts prises versant
des dividendes importants et qui, dans d’autres phases, sont prêts à surpayer des entreprises
versant peu de dividendes ;
*procurer des liquidités à l'actionnaire qui peut en avoir besoin ;
*modifier progressivement la structure de l'actionnariat en renforçant le poids de certains
actionnaires au détriment de celui d’autres actionnaires.
II) La mise en œuvre de la politique de
distribution : dividendes, rachats d'actions
et réductions de capital
La politique de distribution, au sens large du terme, inclut, outre les dividendes ordinaires ou
exceptionnels, les rachats d'actions au fil de l'eau et les réductions de capital.
Le dividende est fixé en assemblée générale ordinaire par les actionnaires qui décident de
l'affectation du résultat de l'exercice sur proposition du conseil d'administration ou de
surveillance.
En pratique, deux critères essentiels sont utilisés dans l’analyse de la politique de dividendes :
- le taux de croissance du dividende par action
- le taux de distribution! {d), représenté par le rapport:
Dividende
Résultat net (part du groupe)
Tout autre critère est non pertinent, souvent inexact, voire aberrant. Ainsi, il est absurde da
ramener le dividende au nominal d'une action, puisque ce dernier est déconnecté de la valeur
des capitaux propres. De la même façon, il est difficile d'assurer un objectif de taux de
rendement (dividende/ cours} aux actionnaires. C'est l'actionnaire qui, en évaluant
l’entreprise, et donc l’action, détermine le rendement souhaité, et non l'inverse.
Ainsi que l’a établi J. Lintner, les dirigeants ont donc plutôt un objectif exprimé en terme de
taux de distribution appliqué au niveau des bénéfices futurs. Ils s’assignent pour objectif de
distribuer un pourcentage fixe des bénéfices de l’entreprise. C’est le cas d’Engie qui a
annoncé en 2015 se donner comme objectif de verser 65 à 75 % de son résultat hors éléments
exceptionnels.
Une politique de distribution est jugée faible (en Europe) lorsque le taux de distribution
n'excède pas 20 %. Au-delà de 60 % la politique de distribution est jugée forte, la moyenne en
2017 étant de l'ordre de 50 %.
Une certaine régularité dans la distribution de dividendes est donc souhaitable, soit dans la
croissance, soit dans la stabilité des dividendes distribués. De là découle, pour l’entreprise, la
nécessité de choisir objectivement une politique de dividendes, qui peut s'appuyer sur l’un des
deux schémas suivants :
- si la croissance du bénéfice est régulière, la politique de dividendes perd de son
importance et l'entreprise peut, sans courir de risque, réduire son taux de distribution
{tout en augmentant marginalement le dividende en montant absolu) ;
- si les bénéfices ont, du fait du secteur d'activité, un caractère cyclique, il importe de
préserver la régularité du dividende en conservant une très forte marge de manœuvre, afin
d'assurer la succession de phases de stabilité et de phases de croissance dans la
distribution.
Un dividende variable n'apporte aucune information à l'investisseur financier et peut même lui
suggérer que la direction de la société mène une politique incohérente en matière de
développement dans son secteur d'activité. Un tel profil ne peut donc qu'avoir une influence
négative sur le cours boursier.
Une politique de dividendes doit être crédible, c'est-à-dire cohérente avec les bénéfices
dégagés par l'entreprise. Aucun profil de dividendes, quelle qu'en soit la régularité, ne peut
avoir d'effets favorables à long terme s'il ne peut être apparemment conservé, c'est-à-dire s'il y
a incohérence ou incompatibilité avec le profil des bénéfices et les besoins de financement de
l'entreprise.
Le choix d’un taux de distribution a des conséquences sur la volatilité de l'action et la
composition de son actionnariat : en Bourse, un fort taux de distribution implique, toutes
choses égales par ailleurs une faible volatilité du cours qui pourra presque s'assimiler à celui
d'une obligation.
On retrouve ici le concept de « duration ». L'action qui a la plus forte « duration » aura aussi
la plus forte volatilité. Par conséquent, un taux de distribution élevé tend à réduire la volatilité
de la valeur de l’action.
Bien sûr, le taux de distribution n'est pas le seul élément qui détermine la volatilité d’une
action: pour une entreprise, distribuer une part faible ou nulle des bénéfices va se traduire par
une croissance des capitaux propres, par une augmentation de la valeur et donc, in fine, par
des plus-values. Pour les concrétiser, il faudra vendre. Une politique de faible distribution est
donc un « pousse-au-crime », si toutefois la vente d'actions est un crime, ce que ne sont pas
loin de penser certains dirigeants ! Une entreprise familiale qui verse peu de dividendes
fragilise ainsi le contrôle de son capital.
En revanche, une politique de dividendes élevés et régulière est très certainement un moyen
pour fidéliser des actionnaires qui s’habituent au revenu, et oublient la valeur. Ceci est plus
particulièrement vrai pour les actionnaires non dirigeants de sociétés familiales.
2. Les modalités particulières de distribution des dividendes
Même avec une décote de 10%, l'entreprise n'est pas assurée du choix des actionnaires. En
effet, entre le moment où l'assemblée générale vote cette possibilité, le prix d'émission des
actions, nouvelles, et le moment où les actionnaires prennent leur décision, plusieurs semaines
s’écoulent Les fluctuations des cours dans cette période peuvent effacer la décote et rendre
plus intéressant pour les actionnaires le paiement en numéraire des dividendes.
Dans une étude de 2015, E. Ginglinger et D. Thomas ont constaté sur un large échantillon que
le paiement d’un dividende en actions n'était pas interprété négativement par les actionnaires
(contrairement à la réduction du dividende). Il est également intéressant de noter que les
investisseurs ne sont pas parfaitement rationnels lors de leur choix. Ainsi, lorsque la décote
par rapport au cours est toujours présente au moment du paiement, le taux d'option pour le
dividende en actions est loin des 100%. Et lorsque la décote n'existe plus ou est même
négative, environ encore un tiers des actionnaires accepte le paiement du dividende en
actions.
c) Le dividende majoré
Afin d'avantager les actionnaires fidèles qui détiennent leurs actions depuis plus de 2 ans, un
nombre croissant de grands groupes versent un dividende majoré, pratique strictement
encadrée par le législateur, ce qui retire beaucoup de sa portée à cette disposition.
En effet, le dividende majoré ne peut pas être créé si les statuts ne le prévoient pas et tant qu'il
existe des valeurs mobilières pouvant donner lieu à création de nouvelles actions (obligations
convertibles, bons...). Par ailleurs, le taux de majoration ne peut excéder 10% du montant du
dividende ordinaire, et ne peut être versé qu'à un actionnaire détenant depuis au moins 2 ans
ses actions sous la forme nominative. Pour les sociétés cotées, le nombre d'actions donnant
droit au dividende majoré ne peut excéder pour un même actionnaire 0,5% du capital social.