Vous êtes sur la page 1sur 201

JACQUES BÉNES TE

Histoire d'une désinformation séculai


]acques Bénesteau est psychologue el inicien, formé aux Universités de
Nice, Paris V et Aix-en-Provence. Apres víngt-six années de carriére en
pédopsychiatrie, H pratíque désormais au sein du Service de Neuro-
pédiatrie du C.H.U. de Toulouse et est, depuis 1974, Chargé d'ensei-
a
gnement l'lnstitut de Formation en Psychomotricité de la Faculté de
Médecine de Toulouse-Rargueil.

v
o
o
I
Jacques Bénesteau

Mensonges freudiens
Histoire d'une désinformation séculaire

Préface de Jacques Corraze

M 1\ 1 D 1\ <1 A
Préface
Jacques Corraze
Profcsseur Honoraire des Universités

L'homme est bien le seul etre vivant a posséder une dimension histori-
que puisque l'histoire est une construction humaine. Pour autant, l'his-
toire n'est pas artiticielle et sa rigoureuse complexité la rend dépendante
d'une révélation continue de documents . L'entreprise est done toujours a
reprendre paree que e' est le présent qui qualifie ses interrogations et la
critique impitoyable de ses sources. Au bout du compte, un jour, il arrive
que l'histoire héroi'que toume a l'infernale histoire. C'est justement ce
qui arrive a la psychanalyse et a son illustre créateur.
Jacques Bénesteau prend ainsi la suite logique de travaux qu' il connait
bien, avec une analyse enjouée personnelle et une précision de dissecteur
obstiné. Finalement, avec Sigmund Freud, nous sommes en présence
d'une énorme piperie, montée par un grand el authentique artiste, rédui-
sant le grand Barnum aun farceur de petites fetes intimes. Un imposteur
a la stature de géant, organisant, par un labeur acharné quotidien , toute
une longue vie durant, une géniale, grandiosc ct haroquc forgerie a
l'échelle planétaire et traversant, déja, plus d'un si<.:cll:, réussissanl, a
force d'autorité surprenante et d'étonnante couragcusc vit ;dit é, a fairc, de
© 2002 Pierre Mardaga éditeur la pJupart de SeS VÍCtimes, des COmp}ices qui, a icur (0111', VOII( fllr( j fi cr le
Hayen. 11 - B-4140 Sprimont (Be1giquc)
D. 2002-0024-21 travail , faire avancer la machine et camoufler, par de nou vr lks l'Scroquc-
ries, les escroqueries originelles et fondatrices. Rcné / .a11n, q111 vo nnai s-
MENSONCiES I·RI ·.lllli"NS IIIS'IIlll( l ·. 1>' 1IN" IJ(;S INFORMt\TION SI·.( 'l ll .t\ 110 · I'H 1•1 t\( '1•

sait pourtant bien le poids des idéologies et qui m'honorait de son dont il avait libéré l't.:split l'l, rontlll\' il l':tvutl prophétisé, accomplit la
amitié, me demanda, un jour, s'il fallait prendre au sérieux les critiques réincarnation ele lous les Wllt)lll'l anls de Mo'I.\C a Christophe Colomb, en
de van Rillaer qui l'avaient secoué. Que dirait-il aujourd'hui? passant par Alexandre el llnnnihal pour sorlir de la vie, glorieux,
toujours persécuté par la haint.: L:l la maladie mais debout, dans l'His-
Il y a deux fa~ons de porter la critique décisive au creur de la psycha- toire. Depuis, il a pris place au rang des dieux, a moins qu'il ne soit que
nalyse, si l'on fait abstraction de sa portée thérapeutique, ce qui n'est pas le dernier avatar de l' Unique.
évidemment négligeable et qu'on se limite al'aspect proprement théori-
que. On peut entreprendre une étude épistémologique et mettre a jour sa Gardons nous de substituer un songe enfantin a un reve féerique et
logique et la nature de l'administration de ses preuves. C'est ce que font, n'allons pas croire que ces arguments apparaítront comme décisifs atout
et ont fait, nombre d'auteurs de Grünbaum a Cioffi. On peut aussi faire un chacun et que les rongeurs de textes, aussi subtils soient-ils, suftiront
une approche d'historien, révélant les événements et leurs interpréta- a l' éveil. On n' abandonne pas, avec un serein détachement, un pouvoir
tions, servant a les dissimuler et a les voiler systématiquement sous de tutélaire et confortable sur les hommes, on ne se départit pas, en quel-
faux sens, c'est ce qu'ont fait Ellenberger, Sulloway et tant d'autres aux ques veilles studieuses, de l' arrogance de certitudes acquises a grand
résultals dcsquels on va se heurter. C'est pour la voie de l'historien que prix, sans trop d'intellectuelle besogne, on ne se dégage pas, sans
J¡¡cqu ·s B6ncslt.:au a opté. Remarquons que le bénéfice de cette derniere héro'isme, d'une possession spirituelle, on ne rejette pas toute une
tnélhod · csl palcnt car elle pennet de comprendre que la rhétorique de la culture, sans souffrance et sans se défendre des grossiers barbares
lanp,ul· el la logi qu c du discours sont des expressions fideles et indisso- d'abord, en niant leur existence, pour, ensuite, les ridiculiser et enfin
\ t:thk s du forKl ionncmenl mental de l' auteur. proclamer qu'on avait toujours su mais que de toute fa~on personne
n'aurait compris et que le silence servait a protéger les autres, tous les
1,u p ·rso11nalité tlt.: Freud surgit, magnifique, de cette histoire et autres, du létal désespoir, par la grace, toujours recommencée, d'une
nnp01lc la conviclion, une fois dissipés la stupeur, le malaise et l'outrage · vérité narrative.
qn' cngcntlrcra toujours la démolition sacrilege des idoles, par le travail
d'un obscur historien qui parait besogneux, irrévérencieux mais talen- Quand les effets de J'épistémologie demeurent discrets, l'histoire
tueux, et se voit «chargé de la vengeance des peuples». Car, comme préside aux catastrophes spirituelles massives. La psychanalyse fonc-
1' écrit encore Chateaubriand, «si le role de I'historien est beau, il est tionne comme les grands mythes qui jalonnent la vie de l'humanité, sa
souvent dangereux ». disparition, tout comme la leur, est de celles que le destin offre aux
Cet homme, il y a encare quelque temps, universellement célébré, croyances dont une culture se nourrit. Auguste Comte en avait éventé le
n'était pas fait pour se soumettre a une vérité, il était la Vérité, de la secret : « Personne, sans doute, n' a jamais démontré logiquement la non-
science comme de ce qui n'en est pas, celle qui se rit des misérables existence d' Apollon, de Minerve, etc., ni celle des fées orientales ou des
contradictions subalternes, dont il en définissait les regles qu'il s'em- diverses créations poétiques; ce qui n'a nullement empeché J'esprit
pressait de ne pas suivre, imposait son imagination féconde aux etres et humain d'abandonner irrévocablement les dogmes antiques, quand ils
aux choses puisqu'il les engendrait, comme essences de lui-meme, les ont en fin cessé de convenir a l' ensemble de sa situation » 1•
uns comme les autres, les manipulant par subtilités humaines et manreu-
vres magiques nécessairement effi.caces par leur équilibre de dés pipés,
les sortant du néant et les y replongeant. Toujours persécuté, incompris
et en lutte solitaire avec les forces du Malin, il rejetait, dans les catégo-
ries infamantes et les ténebres de leur propre inconscient pervertí, tous
ceux qui osaient murmurer la moindre critique, émettre le petit soupir de
réserve, suggérer la délicate invrai semblance d'un succes. On entassa
cadavres sur cadavres. Rien ni pcrsonnc ne purent arreter sa marche NOTE
triomphale. D'abord chef de bandt.:, puis chef d'école, il finit au rang des
phares de l'humanité el nu: rila l'~krnt.:ll c soumission des populations 1
Auguste Cornte, Discours sur l'E~prit Positif.
PREMIERE PARTIE

LA DÉSINFORMATION

<<Si rien n'est plus raftiné que la technique de la


propagande moderne, rien n'est plus grossier
que le contenu de ses assertions, qui révelent un
mépris absolu et total de la vérité. Et méme de
la simple vraisemblance. Mépris qui n'est égalé
que par celui- qu 'i l implique- des facultés
mentales de ceux a qui elle s'adresse. >>

Alexandre Koyré ( 1943) 1

Sélectionner les informations est une opération mentale permanente,


que toute communication sociale doit imposer a ses partenaires pour
l'intelligibilité des échanges. La sélection n'est pas une désinformation,
meme si chacun garde des informations inconnues de son interlocuteur
ou de son lecteur.
La désinformation est la manipulation délibé rée de l' information pour
contrefaire la vérité, qu'il faut ignorer. Elle est l' inslrument d'une falsifi-
cation intentionnelle de la perception et de la rcprcscntation qu' autrui se
fait de la réalité, dans un dessein qui profite soit ;, un individu, soit a une
collectivité. C' est une manipulation des conscicnccs ct des images
mentales. A cet égard, les champions des tcchniqucs sophistiquées de la
désinformation sont les militaires et les scrviccs s ·crets, les groupes
industriels ou politiques, car elles ont permis aux tnts l'l aux aulrcs de
gagner des guerres sans bataille ce qui, selon Sun '1\l- qu1 k s préconisait
plusieurs siecles avant Jésus Christ, constituc la ilHnH· ~ up1 l- llll' de l'art
de la guerre2 . Une guerre commerciale ful r 'llllllll lvt' pa1 lllll' n :khrc
marque de soda, qui laissa entendre dans un pays lllll ~lil ni ,J II d~· l:t p0nin
sule arabique que le produit concurrent était fahiHIIIt' .tvt·t dt· la fll 'fl.l' tllt'
1 111 1 111 '• ~ I A III • HI · S 11
111 MI • NSONIII · ~ 11<111111 1 N', lll 'oltlllll l l i iN I • IWSI N I·O I<M A II<lN 'ol 1 111 '1 11(1 '

de porc ... Voila uu protolypl' d e~ IL'c:hniqucs dont se servent, mutatis consulté la lillératurc, cllc-nu.:lllc rcsl'lvc · aux spécialistcs puisqu'une
mutandis, les stratcgcs des itkologies, a com mencer par les freudiens. petite partie seulemcnt a é1é lraduilc ...
Ou le Kominform, pour la memc fin : la domination totalitaire.
Une masse considérable de documents essentiels a la compréhension
Dans la désinformation, le procédé le plus commode, des plus· de la construction de la psychanalyse a d'abord été l'objet de la forme la
simples, consiste a soustraire l'information. Les singes cercopitheques plus primitive de mystification : la soustraction totale ou partielle des
sont déja capables de cette duperie pour s'assurer un avantage sur la inforrnations. Au premier chef, elle a serví a supprimer les preuves des
concurrence et promouvoir leur capital génétique, par l'appropriation autres falsifications. Cet embargo n'est rien d'autre que le prernier stade
égo'iste des ressources alimentaires et des partenaires de leur procréation. de la création sociale du mythe psychanalytique. La suppression active
Que di re des primates hominidés? de 1' histoire ménage alors la place indispensable a la bonne exécution de
la seconde étape, plus complexe, qui sera la fabrication d'un passé
conforme a l'idée que l'on veut insérer dans le présent. Le but est la
La prévarication de l'information exige moins d'effort que le
domination idéologique dans une illusion invulnérable aux objections.
mensonge. Le mensonge est une arme a double tranchant : il nécessite de
fournir une ínformation fausse pour en dissimuler une autre, vraie, ce qui /984?
comporte un risque que la vérité soit dévoilée par la distraction, l'inintel-
ligence de son auteur, ou les qualités contraires de sa victime. La
suppression des données a la source est un moyen libérant le menteur par
omission de 1'obligation de controle du faux. Aussi cette soustraction
est-elle moins consommatrice de son énergie et d'une intelligence
toujours limitée. Tant que la censure n'aura pas été découverte, le
truqueur n'est pasen danger: il n'y a rien a démentir car ni le vrai ni le
faux n'est vérifiable. L'important dans le secret étant qu'on ne sache pas
qu'il existe un secret, il conviendra simplement au préalable de dissimu-
ler la censure, « cette chienne au front bas qui suit tous les pouvoirs » que
reconnaissait Víctor Hugo dans Les Chants du Crépuscule.

La langue russe est aussi belle que riche pour manipuler les images
mentales et les contrefaire s'il convient de falsifier les communications.
Le Russe possede deux mots pour un seul concept: la vérité. La Pravda
est une petite vérité, immédiate et vulgaire, pragmatique et solide, quoti-
dienne et publique, définitive et sensorielle. La /stina, vérité profonde,
plus abstraite et réfléchie, lointaine et inachevée, exigeante, reste a
découvrir. La Pravda est révélée au commun par les sens; la lstina,
d' ailleurs essentielle a la liturgie orthodoxe, se mérite par 1' intelligence
de l'élite ou de l'aristocrate. La propagande freudienne a usé de la
premiere pour empecher la connaissance de la seconde, dans des caviar-
dages savants dont Sigmund Freud fut lui meme J'agent, et ses succes-
seurs les imitateurs fideles et scrupuleux. La contrefa~on, la prévarica-
NOTES
tion et le camouflage, l'invention et l'incrustation, et puis bien d'autres
méthodes plus subtiles de manipulation de l'information écrite ou oraJe 1Koyré, Réflexions sur le mensonge : 13-14.
ont été employées par les freudiens, dans des proportions qu'il est diffi- 2 Sun-Tsé, L'art de la Guerre (in G. Chaliand, 1990 : 2H 1 10 \) q ltuliJJu l liH J¡tllJJd ,
cile pour l'honnete homme d'imaginer, aussi longtemps qu'il n'a pas 1986, et Vladimir Volkoff, 1999.
Chapitre 1
L' etnbargo des archives

<<Le mensonge, ce reve pris sur le fait»


Louis Ferdinand Céline (1932) '

<<La réalité demeurera a jamais "inconnaissable">>


Sigmund Freud (1938)'

LES BONS EXEMPLES DU CRÉATEUR

Une lettre de Freud a sa fiancée Martha Bemays, datée d'avril 1884,


nous apprend que Sigmund songe a son destin héro!que. JI n'a que 27
ans. Et bien qu'il soit tenaillé depuis l'enfance par une énorrne aspiration
a la valeur, par la peur de l'anonymat et de la médiocrité, il affirme a sa
promise dans une formidable rhétorique du déni que <de ne suis guere
ambitieux. Je n'ai pas besoin d'etre reconnu pour savoír queje suís quel-
qu'un»3. Pourtant, celui qui avait peur qu'on oubliiit son nom puisqu'il
n'avait «ríen fait de remarquablejusqu'ici» 4 , annonce unan plus tarda
Martha que, n'ayant toujours ríen dans sa courte carriere pour justitier
ses présomptions a la reconnaissance universelle, il pense déja a ses
biographes. Venant de détruire ses notes, lettres, extraits scientifiques et
manuscrits des 14 années précédentes - soit, a 28 ans, la moitié de sa
jeune vie - , il Ieur a coupé l'herbe sous les pieds. De sorte que, lui
écrit-il encare, «Chacun d'eux pourra garder son opinion personnelle sur
le "développement du héros", je me réjouis déja des erreurs qu'íls
commettront» 5 . De fait, les biographes commettront une énorme quan-
tité de bévues, mais surtout contribueront en toute connaissance de cause
a la désínformation dont le héros Jégendaire donna les mcilleurs exem-
ples.
En 1897, Freud détruít ses tirés a part d'unc cont'C.: n;m:c litigieuse
datant de mars 1885 sur la cocalne, puís la retire de son ~ pn: uvc de titrc
destinée a appuyer Sa demande de nominatÍOil COillllll' piOf'lo SSl'lll' Ú la
faculté 6 . Mais l'article en question, nuisíble a l'inwgc g lOI iciiSL' qu ' il
cherchait a fabriquer, avait déja paru et !'affaire n' a pu l ' lll' ·ttavcc J c
l'histoire.
1 1 ~ 111 111 III V I '• 1\
14 M l:iNSONGES I'R EU OIEN S III S 1011<1' D 'U NE IJÉS INI 'OI<MATI O N SU..'ULAIRE 11' 111 111 '•

La publication posthume de « Entwurf einer Psychologie » 7 ne lem, Ncw York . Wa ~ lllll )' l o n , St.aiii (I HI , Y.dl' , Co lu111 bia, Londres,
comporte que les deux manuscrits envoyés a Wilhelm Fliess le 8 octobre Manchester, Colchcs iL'J, ViL' IIIIL', / ,tlll i 11 . 1\:II L·, <in tcvc, Munich, Tübin -
1895. Le troisieme et demier carnet, qui contenait la solution d' énigmes gen, ou aillcurs. Une pallll' app:utinll l'IH.:orc au Freud Museum de
et de controverses historiques, a disparu depuis plus d'un demi-siecle et Londres. Mais la plus imposa nl t :-,L' 11ouvc ;) la sccti on des m~nu scrits de
sans doute Freud l'a-t-il éliminé aussi 8 . Ses lettres a Charcot n'ont pas la Bibliotheque du Congrcs ('f'/1(' Ulnwy (~l Congress) des Etats-Unis a
survécu non plus. Mais une courte correspondance de Charcot a Freud, Washington, constituant la Fr('lu/ Collection, souche-mere de plus de
entre 1888 et 1892, a été retrouvée parmi les documents de ce dernier. quatre-vingt mille documcnts, dont environ quarante-cinq mille manus-
On y trouvera, entre autres choses, le démenti d'une affirmation du Vien- crits, et de vingt a trente-c inq mille lettres, sans compter l'iconographie
nois selon laquelle il avait des raisons de suspecter que Charcot, ulcéré ni les reliques 12 •
par son sans-gene, avait mal re~u ses nombreux commentaires person-
nels et notes critiques debas de page, qu'il ajouta dans sa traduction des Que ce qui est publié de Freud subisse un controle pour le reversement
Lerons du neurologue de la Salpetriere sans lui avoir demandé son avis. des droits d' auteur a ses légataires (ses petits enfants) ne doit gener
En réalité, ce courrier de Charcot, non publié paree qu'il ne fallait pas personne puisque ce n'est que l' application des dispositions testamentai-
contredire.les propos mensongers de Freud, est enthousiaste et le félicite res. Avec cette particularité que les Freud Copyright.\· (a Wivenhoe, pres
tres chaleureusement de ses initiatives9 . de Colchester en Angleterre) s'occupant de cette gestion peuvent aussi
exiger, avant d'accorder a un auteur les droits d'édition d' une iconogra-
En 1907 et mars 1908 disparurent encore dans les flammes une grosse phie, un controle du contenu du texte sur Freud devant l'accompagner.
quantité de papiers, dont le courrier de Wilhelm Fliess que Freud préten- Cette pratique singuliere contraint les éditeurs a prendre des précautions
dra plus tard avoir perdu ou ingénieusement dissimulé au point de ne en citant Freud.
plus le retrouver malgré ses recherches. En 1915, ayant tres peu de mala-
des, il eut le loisir de rédiger 12 articles tres denses, sans compter les Paul Roazen, qui note 13 cette étrangeté parmi d'autres, rappelle que
premieres conférences d' Introduction a la Psychanalyse qui paraltront Freud avait pourtant coutume d'offrir a ses patients et a des visiteurs des
l'année suivante 10 . Parmi les 12 articles, 6 seront bríHés en 1917, qui images de sa personne sans que ceux-ci le lui demandassent. Bizarre-
devaient faire partie de la «métapsychologie», et un septieme 11 ne sera ment, l' édition originale du meme livre de Roazen (1993) contient une
édité que 70 ans plus tard, apres avoir été retrouvé a Londres en 1983 riche, et rare, documentation photographique qui a di sparu de la traduc-
dans une vieille valise parmi les dossiers que Sandor Ferenczi avait tion fran~aise 14 laquelle ne le signale pas, alors qu'il est question de son
légués a Michael Balint. Enfin, peu de temps avant son départ de Vienne importance historique dans le texte, et particulierement du destin curieux
en 1938, il supprima encore de nombreux documents. d'un portrait de Freud. Il faut encore un reil exercé par l'habitude du
soup~on justifié pour se rendre compte que Roazen avait déja eu droit a
Ainsi, au moins sept fois - en 1885 (le 28 avril, puis le 31 aoGt en des traductions tronquées de ses livres. Ainsi, le « Comment Freud
quittant l'hópital général de Vienne), 1897, 1907, 1908, 1917, 1938, puis analysait » 15 ne représente que 54 des 600 pages du « Freud and his follo-
a différents moments - , Freud a éliminé ses notes, courriers, manus- wers » du meme auteur (1975), et sans son iconographie. Les trois vol u-
crits, et ses journaux cliniques, ce qu'on peut trouver légitime puisqu'il mes de J'imposante biographie de Freud par Ernest Jones ont aussi perdu
s'agissait de ses documents . Mais ce qui est intéressant dans cette entre- en France leurs photographies, ce qui n' est pas non plus signalé par
prise de destruction systématiquc ti enta la nature des informations écar- l'éditeur. L'iconographie originale de «la vie de Freud », romancée par
tées et des traces qu ' i1 a cherché ~~ effacer sans toujours y parvenir. Irving Stone en 1971, et celle du superbe livre de !'historien Frank Sullo-
way ( 1979), ont également disparu de leurs traclucti ons fran~ai se s, la
meme année, en 1998 16 •
LES INQUIÉTANTES Í<:TIMNGETÉS DES ARCHIVES FREUD
Mais les dispositions prises par les cerberes de l' orga ni sation psycha-
Un volume consid('rahl(· (k doc umcnts historiques, de la jeunesse du nalytique pour interdire l'acces a la documentation sont bcaucoup plus
héros a sa mort, cst L' lllrcpo ~l' dan s plus d'une vingtaine d'endroits au étonnantes. De tres nombreuses pieces essentiellcs ont ('té rcnd ucs inac-
monde, principal ' llll'lll dan s dt':o- llihliotheques universitaires a Jérusa- cessibles au regard des curieux, des historiens el dL:s (' rudi ts, parfois
11! MI•N,'>ON<ol '• 11<1 111111 N'• 111'.1 11111 lti iN I· lli •SINHH<MAIION SH'lii .AIHI ', 1 1~ 111 11.,111 11 , i!t III VI '• 11

jusqu 'au xxtt' sieclc' ! Les hi s loJJl'll ~ ll' 1rgrl'llcnt , puisque condamnés par mauvais élcve, sdo11 k JliOlkk d11 t ¡tlll ., . 1t·k v: 1111 k d ·fi par la seule
Jes freudiens a !' ignoran ·e, ils SL" IOIII IOUS lllOflS avant d 'avoir pu force de son ca racterl', sa 11 ~ l' 1111l'lll gt·lttt' qu1 ~~· 1a i1 apparuc scule ou
contempler leurs sources. Sans CO lllpln qu 'on peut vraiment se deman- malgré lui, plus tard. 11 fui Ull ll'i ll' lk. tT JIL" S, mais paree qu ' il était un
der quel sera l'intéret de la psychanalyse lorsque, par exemple, une lettre génie.
de Sigmund Freud a Josef Breucr sera libérée de cette interdiction en
2102, soit 177 ans apres le déces de son destinataire a qui elle apparte- A !'instar d' Anna Freud pour les archives de son pere, Heleo Dukas,
nait. Quels secrets peut bien contenir le lot de documents d'abord réputé fa secrétaire d'Einstein, fut de son vivant sa cerbere qui thésaurisa les
pendant des années inaccessible jusqu'en 2102, puis soudain déclassé et documents, étouffant la correspondance privée, écartant ses brouillons,
expressément interdit jusqu' en ... 2113 ?! 17 sauf ceux qu'elle avait discretement récupérés dans les poubelles du
savant, telle Marie Bonaparte dans celles de Sigmund Freud. Apres la
Les entretiens copieux d'Esti Freud (Emestine Drucker, disparue en mort d' Albert Einstein, en 1955, son ami et exécuteur testamentaire Otto
1980), enregistrés par Kurt Eissler, ne seront disponibles qu' en 2053, Nathan fonda les Archives Einstein, qui avaient pour but d'entener la
pour les yeux ou les oreilles seulement des survivants de l'élite freu- documentation biographique jusqu'au xx1e siecle, empechant les histo-
dienne, sans ·doute en raison des relations houleuses que celle-ci, le riens de révéler au public des aspects nuisibles de l'image du héros. Plus
mouton noir de la famille, entretenait avec son beau-pere Sigmund - de 400 livres ont été ainsi publiés sur Einstein, qui ne pouvaient livrer
qui la traitait ouvertement de «Messhugga», c'est-a-dire de dingue, en qu'une petite partie de la vérité. Jusqu'a ce que, quelques temps avant la
Yiddísh 1¡¡ - et avec Martín Freud, son Don Juan de mari décédé en mort d' Otto N athan en J987, des actions en j ustice retirassent de ses
1967. D' aílleurs, le courrier de Sigmund Freud a son fils ainé Martín est mains ces précieuses informations qu'il s'était abusivement réservées.
soustrait des regards des mortels jusqu'a 2013 pour une partie, 2032 Alors, des dizaines de milliers de documents, dont les originaux sont a
pour une autre. Des interviews d'un autre fils (Oliver, mort en 1969) sont Jérusalem , furent libres d'acces, trente ans apres la mort du savant,
consignées jusqu'en 2057 19. Les entretiens de septembre 1953 de Carl meme si certains matériaux restent encare prohibés pour des années.
Jung avec Eissler, concernant la correspondance Freud-Jung, sont
bloqués jusqu'en 201020 . Les entrevues de Kurt Eissler avec Albert Mais, s'il cst vrai qu'on a soustraits ou déformés les faits pour préser-
Hirst, le neveu de la tragique Emma Eckstein, ont subí le meme sort, et ver le montage héro'ique du personnage Albert, il reste la physique
sont enfermées avec 14 lettres de Sigmund Freud a Emma, a la bíbliothe- d'Einstein- c'est-a-dire un édifice scientifique objectif indépendant de
que du Congres dans le fameux Container Z, qui ne sera ouvert qu'en sa personne - et non une fable forgée par la manipulation. Chez les
2100. Ou encore, un entretien de Freud avec Julius Liebman ne sera freudiens, le personnage du Héros et ses produits sont des artífices, et la
consultable qu'en 2007. Le choix de ces dates est-il commandé par une désinformation est au service de cette double fabrication.
magie numérologique? Que faut-il done dissimuler?
Dans le domaine de l'histoire des sciences et des idéologies, les
Ces affaires sont de pures merveilles, proprement ridicules. Pour restrictions des Archives Freud sont en tout cas inou"ies et inconcevables.
autant queje sache, nulle part au monde, dans aucune nation civilisée, de Mais ce n'est pas tout.
telles restrictions, d' une teJie ampleur et d' une telle durée, n 'ont été En effet, cette censure absurde - intéressant des archives personnel-
imposées, en dehors des secrets d'État des staliniens, assez poreux, et les d'individus décédés - est une décision posthumc. Les dernieres
peut-etre de 1' Enfer du Vatican, dont les secrets ordínaires, vaporeux, ne volontés de Freud ne mentionnent nulle part cellc obligation pour les
sont gardés que pendant soixante années. siennes, du moins par écrit. Pour faire bonnc mesure, le tcstament de
Divers mythes ont été fabriqués sur le personnage d' Albert Einstein 21 Sigmund Freud est lui-meme verrouillé a la Bibliolhequc du Congres
et sur sa vie privée car, une fois teconnu comme un génie sympathique, jusqu'a l'an 2007, selon les ordres explicites d ' un ancirn responsahl~ des
il devait devenir héro"ique. Sa vie privée semble avoir été gommée, puis Archives Freud, Kurt Eissler, figurant sur le ealalogul' d · la Frcud
remplacée par celle d'un autre, fiction plus convenable et sans aucun Collection. Or, les dispositions testamentaires de Frcud. qui 11 ' inll'rdisenl
travers. L'enfance d' Albert a été révisée, et il y a lui-meme contribué. 11 ríen, sont réputées publiques depuis leur enregisln·ntenl :1 1.ondrcs en
1939, ce qui permit a Paul Roazen de les publier t·n 1111)0 ·'
1
est ainsi inexact qu'il ait souffert d'un retard de langage, ou qu'il fui un
1 1 ~111 )11 '" 111 '• 1\ 111 IIIVI ·:O. 1'1
IH MI N\ t IN! d '• 1 111 1111 11 N', IJ) ', )IIIIII l l I IN I' 1II•S INH lHM A IIO N S H ' ( 11 .AIHI 1

LES CERBERES ET LE I•'IL A t•LOMB aujourd ' hui encore CIIIC/111 iuitil' , lnHIIIt ~ Anna J o" ~·eud cllc-rnéme, n' a pu
Jire certains rnatériaux hrOiaut s, totail'nlt'llt prohrbés.
Depuis 1939, Ar1na Freud ·ontrCIIait de rnain de rnaltre une abondante
quantité d'archives privécs de fcu son pcre Sigrnund, dans sa derniere Dans les années 1960, a Londres, le C<tlladien Paul Roazen put néan-
derneure a Londres, une affaire farnilia1e qui deviendra le Freud . moins approcher des dossicrs cachés dont la .~ublication ~a ~cca.sionner
Museum, ouverte au public en juillct 1986. Avec 14.000 visiteurs l'an, le de gros scandales, eu égard a la nature des pteces. 11 ne s agtssatt pour-
Freud Museum, 20 Maresfield Gardens, London NW3, station Finchley ?'
tant que de !'affaire Tausk et de l'analyse Anna Freud par s?n pr~pre
Road, est aujourd'hui, dans le quartier Hampstead ou Anna Freud fonda pere. Aussitót, ceux qu' on appelle « les chtens de garde » de 1 organ~sa­
tion vont séverement aggraver la censure, déplacer encore des do~ster~
aussi sa «clinique», un lieu de pelerinage plus important que la Sigmund
des archives londoniennes vers les coffres de la Freud Collectton a
Freud-Gesellschaft 1090 Wien, Berggasse 19, 6sterreich, ou bien que le
Washington, par valises diplomatiques s'il vous plalt ! Mais certai~s
24
village natal de notre héros, a Freiberg - Pribor en Moravie dans l' ac-
morceaux choisis n'arriveront jamais a destination, et, selon toute vrat-
tuelle Tchéquie, au nord des Carpates - , dont la place principale porte
semblance, les informations les plus genantes ont été effacées physiq~e­
maintenant le nom (Freudova Namesti) apres avoir eu celui d'un autre, ment, puisque des personnes autorisées ne les retrouveront plus ensmte.
Staline (Stalinova Namesti)Z 3 . En septembre 1996, la statue de Lénine, a
Ce fut un verrouillage.
Prague, fut remplacée par celle, géante, de l'autre vedette factice du
monde virtuel, Mickael Jackson. Sic transit gloria mundi ... Un billet de Quelques passionnés de la vérité - et Peter Swales est un des P!us
banque autrichien a été amé du portrait de Freud, et J'effigie de Bertha célebres sinon le plus étrange --, partant du constat d'une soustractt?~
Pappenheim a figuré sur un timbre postal : mais ce n'était point pour de l'information et de la multiplication des mensonges, ont ete
honorer la rencontre de Bertha, alias Anna O., avec la psychanalyse. contraints dans ces conditions, de se transformer en détectives spéciali-
sés dans ia recherche historiographique pour tout vérifier, rétablir les
En 1951, a u moment de la premiere édition des lettres de Freud a données manquantes a partir des témoignages des surviva~ts ou des
Fliess et de 1' Esquisse de 1895, Kurt Eissler va fonder, aux États-Unis, documents hérités, et des traces retrouvées sur tous les contments, par
les Archives Sigmund Freud qui recevront de Londres des masses de exemple dans les archives municipales ou le~ registres _d:h.ótel~ de l'ex-
documents photocopiés, enrichis de nombreux dons et préts des corres- Empire Austro-Hongrois. Ce qui a val u a ces << revlSlonmstes » et
pondants et collaborateurs de Freud, puis des témoignages auxquels «fouille-merde»! d'étre dénigrés puis mis au pilori par le mouvement
25
s' ajouteront des films et des enregistrements magnétiques, dont 400 freudien a chaque parution de Jeurs troublantes nouvelles .
interviews par Eissler lui-méme. Curieusement, une grosse partie du Ni la disparition d' Anna Freud e~ oct?bre 1982, ~¡ le départ ?bligé ~:
financement originel de la fondation, vers Londres, venait du camp des Kurt Eissler dans la tourmente de l affaue Masson a la meme epoque ,
jungiens. Ces Archives devaient étre mises a l'entiere disposition des n'ont vraiment changé l'application rigoureuse de cette soustracti~n:
spécialistes, pour faciliter les études historiques sur le fondateur et les active depuis plus de quarante ans, car leurs successeurs ont pou.rsut~l
pionniers de la psychanalyse, selon les termes mémes des statuts de cette cette sombre besogne de prévaricateurs vigilants des documents htston-
association non lucrative. Mais, estimant que «les historiens ont assez de ques. Pour rencontrer Mademoiselle F~eud, il était bon: pour co~~en­
génies, tels Darwin ou Newton, a leur disposition pour Jaisser Freud cer, de présenter son passeport27 . Ensmte, elle se rendmt le cas ec~eant
tranquille», Kurt Eissler va s'empresser d'en restreindre la consultation. disponible «seulement cinquante minute~, le tem~s d' une séance d a,na-
Aussi, ce fond considérable sera-t-i! déposé a la Bibliotheque du lyse»28, mais refusait de Jivrer une seule mformatlon rcgardant son pere,
Congres de Washington, et ce statut officiel de donateur permettra a renvoyant le curieux a ce qui était déja pub lié. Car << le pcrc de_la ~sycha­
Eissler et a Anna Freud d'exiger d'emblée de l'administration de la nalyse et sa fille, qui avaient fait tous deux de l_a commun1callon des
bibliotheque cette restriction d'acces a des archives privées, entreposées renseignements les plus secrets la base de leur sclcnc~.: et ~k lcur thé~a­
en un lieu public financé par des fonds publics, a la fa90n des dossiers peutique, n'étaient eux-mémes, de Jeur vivant, nullcml·llt lhsposés a l;us-
américains « Secret Classé-Défense » qui S 'y trouvent aussi. La regle est ser jeter des regards sur Jeur personnalité» 29 . Malhetnl'II M'IIII'III , a;ec la
appliquée de fa9on draconienne, y compris a l'élite du mouvement, et personne d' Anna Freud, qui n'a jamais acccpt é qu ' llll l'llll')',ISiral son
20 1 1 ~ III A ill oll 111 •', Al{( 'III VI·.S 7. 1

témoignage sur qui que ce soit, s' cst effacée aussi une ressource capitale pérer ultéricuremcnl. 1\insi, quand Il clc nc Dcutsch voulut emprunter le~
de l'histoire de la psychanalyse. siens, en 1978, il lui fut mcmc impossi blc de les consulter au moment ou
son futur biographe Paul Roazc n, alors devenu persona non grata depuis
JI semble bien qu 'on assiste, depuis le début des années 1990, a une ses précédentes publications, cherchait a réunir sa docum:ntatio~. A:.nn~
levée partielle des limitations et a un début de libéralisation, tres relative Freud et Kurt Eissler firent tout leur poss1ble pour empecher l acces a
et sous contrainte : de nouveaux éléments sont certes rendus accessibles 1' information.
a la lecture, mais apres suppression de tres nombreux passages compro-
mettant30. Il faut reconnaltre en toute justice qu'apres avoir été évincé en Voyons quelques exemples.
1985 de la direction des Archives, le pur et dur orthodoxe Kurt Eissler
- qui, jusqu'a son déces a New York en février 1999, avait surtout le La correspondance abondante entre Freud et Otto Rank - dont Tola
défaut de respecter loyalement mais aveuglément son engagement vis-a- Rank (sa veuve, surnommée Beata) possédait l'intégralité avant son
vis du freudisme en général et d' Anna Freud en particu1ier- a créé la déces en 1967 - n' est toujours pas publiée32 . Celles avec Franz Alexan-
33
Freud Literary Heritage Foundation daos le but de réunir le financement der, ou avec Sandor Rado, plus breves, ne le sont pas davantage . En
de l' édition intégrale de la correspondance de Freud, que nous attendons, outre, les mémoires de ce dernier, entreposés a l'université Columbia
avec cinqu ante ans de retard. aux États-Unis, sont toujours inédits- car Rado fut «UO traitre» a la
cause. Des trente ans de courriers a Osear Pfister, de 1909 a 1939, les
( 'ar les corrcspondances ont été truquées et expurgées dans plus de plus intéressants ont disparu, suite a une sélection impitoyable d' Anna
H()l~, des cas, au point que la plupart sont, soit sans intéret, soit vides de Freud en 1962, et ceux de Pfister a Sigmund Freud ont été détruits. La
signilica tinn hi storique pour le spécialiste ne possédant pas des sources derniere édition fran9aise de cene correspondance, en 1991, est identi-
indcp ·nd<lllt cs de référence, ou qui ne ferait pas partie du gratin autorisé que a l'originale de 1963, et - comme le dit la note de couverture,
;\ consult cr la documentation réservée a l'élite du mouvement. Ceci signée humblement J.B.P. - «des l'instant ou la psychanalyse entend
n:viendrait done a dire que - tel le vampire seul capable d'initier un professer une morale ou une religion, fGt ce la sienne, elle entre a son
autre soi-rncmc - seuls les psychanalystes assermentés, ou bien seuls tour daos le champ de 1' illusion » 34 . En outre, 1' interruption entre fin
des individus jugés favorables a Ieur dogme par les censeurs de l'organi- 1913 et fin 1918, affirmée par les éditeurs, est démentie par Freud lui-
sation seraient qualitiés pour appréhender l'histoire du freudisme! Pour meme en 1915 ( « Pfister écrit encore de temps en temps, mais eh acune
avoir un avis autorisé sur le stalinisme : adressez-vous au premier secré- de ses lettres m'irrite ») dans une lettre a Binswanger, et dans une autre
taire du Partí communiste. Bizarre? adressée en 1916 a Ferenczi 35 . L'échange épistolaire avec Arnold Zweig
Plusieurs éléments sont a noter. Quinze a vingt mille lettres de la main de 1927 a 1939 est aussi séverement expurgé, avcc suppression totale de
25 lettres et des coupures non signalées. Par contrc, l'édition du courrier
de l'inventeur de la psychanalyse ont été répertoriées - voire 35.000,
selon la derniere évaluation de l'historiographe Paul Roazen 3 1 - , et on de Freud avec Stefan Zweig est complete, bi en qu'unc partie ait été
estime qu'entre einq mille et dix mille ont disparu, tout simplement. Sur perdue36 .
les 10.000 lettres qui restent, un peu plus de 4.000 ont été éditées,
partiellement, et 3.650 demeuraient encore interdites au début de l'an La premiere édition de la correspondance des 500 lcttn.:s de Sigmund
2000. Une intime partie de ces informations a été publiée, mais ce qui l'a Freud avec Karl Abraham, entre 1907 el 1926, pmntanl dnn:mcnl ampu-
été a subi des coupures et des extractions, considérables et non signalées. tée, choqua tant le traducteur anglais Eric Mosbachcr qu ' i1 se cacha sous
Les courriers re~us par Sigmund Freud ont été détruits par luí, de sorte le pseudonyme de « Bernard Marsch ».n ! La L' OIIl' ~ po11dam· 1 · « v1v~ ct
qu'on n'a pu reconstituer les messages des eorrespondants que par la volumineuse» 38 entre Freud et Eugen Bleulcr, ·ssl'lllll'lk L'll q;a rd a la
lecture de leurs brouillons. Bieri souvent, les correspondances ne sont stature et a la position scientifique du second, tre s l' lllllflll' v 1 ~ ;\vis <k l.a
pas vraiment des correspondances, mais des fragments de courriers de la psychanalyse- ear Bleuler, fondateur de la psyl'lu ;lllll' llllH il'lll\' , l' l.a_ll
main de Freud re9us par des destinataires qui les ont conservés et que COOVaÍOCU ajuste tÍtre que le freudisme était plus f)OfiiHfll l' lJIIl' \l ll'lildl
l'on a sélectionnés ensuite pour n'en révéler que des miettes. Ceux qui q ue - ' demeure prohibée en dehors de quelqucs l•a¡•. llli'lll '. , ~ ~ liwiiLJllr
\41
ont preté leurs documents aux Archives Freud ne peuvent plus les réc u- le lecteur ne eonnait que la version freudi e nnc dl' lnu "flfHI'oilll•ll
22 MENSONGES FREUDIENS: HISTOIRE D'UNE DÉSINI'ORMi\TION SI·:CtJI .AIRI : 1 1 ~ 11 1 111 '" 111 •, '\11 1 III VI •,

Les courriers échangés entre 1903 et 1915, puis de 1931 a 1932, entre ll faut dire que Frcud u'c t;ut pa ~ ll' :-.l'ul tks a11alystcs de la premiere
Freud et le Baron (Freiherr) Christian von Ehrenfels - un des créateurs génération a pratiquer la psyc ltaual ysl' « r:unilialc », cornp laisamment
de la «Gestalt-Theorie», défenseur de l'idée aujourd'hui incorrecte appliquée aux enfants, maris , t:pouscs, ruaí't res ses, amants, amis, o u
d'une sélection eugénique, et qui donna des conférences appréciées a la proches. Carl Jung, Erncst Jout:s, Sandor Ferenczi, Karl Abraham,
société psychanalytique du mercredi chez Freud - , semblent avoir été Wilhelm Reich, Erich Fromm, Melanie Klein ont tous pratiqué ces acro-
effacés. La veuve de von Ehrenfels écrivit a Freud le 12 mai 1935 pour baties. On songe aussi a Max Graf qui « analysa » son fils sous les ordres
récupérer les lettres de son mari, décédé en 1932, mais on ignore ce que tres persuasifs de son maltre Sigmund Freud, puis sa propre femme Oiga
ces courriers sont devenus 40 . Le psychanalyste maudit Wilhelm Reich Kónig (mere de leur enfant Herbert, alias «le petit Hans»), apres la
mourut e n 1957 dans un pénitencier américain ou, gravement perturbé premiere psychanalyse de celle-ci 19 Berggasse, juste avant d'en divor-
d ·puis des années, et ayant commercialisé des accumulateurs d'énergie cer48.
Sl'X tll'll · cnsmiquc, il purgeait une peine pour escroquerie. Kurt Eissler
nul'gist ra ses convcrsat ions avec luí en 1952. Mary Higgins éditera ces
Melani.e Klein, qui inventa le concept de « mauvai.se mere», analysa
1'111 ll'l tru s'11 en 11)67. mais se verra refuser d'y associer les lettres,
trois de ses enfants : Erich, alias « Fritz », Hans, alias « Felix », et Melitta,
t·dtl t:ulll's. dl' J."rcud a Reich, lesquelles seront aussitot interdites de
alias le cas «Lisa», dont elle fit des publications cliniques démonstrati-
lll l"ultottiou dans les contai ners des Archives. ves49. L' analyste Melitta Schmideberg, devenue médecin, ce que sa géni-
trice n'était pas, fut réanalysée quatre fois par d 'autres spécialistes, et
l .t· tl'lr ihk ./ournal Clinique de Sandor Ferenczi, de 1932, a été étouffé entretint avec sa mere, qui, semble-t-il, la persécutait, des relations
pl'udallt plus de 50 ans, ce qui se con<;oit bien en le lisant, ne serait-ce ouvertement hostiles pendant des années. En 1936, Melitta avait du
t¡fll: daus k portrait psychologique réaliste et sans concession que l'au-
informer les autorités britanniques de psychanalyse qu'un travail de M.
t~:ur fait de son maltre, manquant selon lui de la compassion et de !'hu-
Klein et collaborateurs ( « On the bringing up of Children ») était un
milité indispensables pour soigner des patients42 . Sa conférence histori- plagiat50 . Vieille habitude.
que du congres de psychanalyse a Wiesbaden en 1932 eut la chance de
n'etre écartée que pendant 17 ans 43 . La censure porta évidemment sur Anna Freud - ennemie héréditaire de Melanie Klein, et «la vraie
1'énorme correspondance entre Ferenczi et Freud, qu' Anna Freud tenta foi » de son analyste de pere - , avait fait, a 26 ans, en 1922, sa premiere
de sélectionner puis de bloquer quand ses neveux (héritiers des docu- intervention otlicielle a la société psychanalytique de Vienne sur le cas
ments) voulurent la publierM. L'édition de 1.236 lettres, sur les 2.500 d'une enfant soi-disant dotée de fantasmes masochiques et masturbatoi-
recensées par Michael Balint, a enfin commencé, soixante ans apres la res, sans signaler, bien entendu, qu'il était autobiographique : il s'agis-
mort de Sandor Ferenczi en 193345 . Anna Freud n'a ménagé aucun effort sait de ses propres fantaisies. Du moins pouvait-elle le croire. Un audi-
pour empecher que la totalité des échanges entre son pere et le Hongrois teur de sa conférence, un analyste de la société de Vienne apparemment
fussent édités, car, écrivit-elle, «si cela ne tenait qu'a moi, nous ne naif, remarqua en public que la malade évoquée par Anna était <<une
publierions tout simplement pas les lettres »46 . personne totalement anormale dont l'incapacité et l'infériorité se mani-
Anna Freud a aussi verrouillé en Angleterre le courrier de son pere a festeraient nécessairement dans la vie sociale» ! Sigmund le pere, qui
Edoardo Weiss, qui fonda la société psychanalytique d'Italie en 1925. analysait encore sa filie a l'époque et dont il était spécialement fier, se vit
Car le lecteur y aurait eu confirmation, du vivant d' Anna Freud, de ce obligé, devant le bouleversement émotionnel d' Anna, de la défendre
qu'elle avait toujours nié, a savoir qu'elle avait été longuement analysée avec vigueur sans ríen trahir devant ses fideles 51 • Haute voltige.
- avec bien sur toute la bienveillante neutralité nécessaire - par son Sigmund Freud, cependant, remettait de son coté en circulation, pour
géniteur des I'été 1918 jusqu'en 1922, puis du printemps 1924 a 1929, J'enseignement, le « matériel clinique » tiré de 1'analyse de sa filie Anna
c'est-a-dire durant au moins neuf années, a raison de cinq a six heures - « matériel » présenté, ainsi que ses propres fantasrnes , comme des
par semaine. « Son analyse progresse bien », écrivait son pere a Sandor preuves indépendantes - , alors qu'elle était déji\ cngagéc dans la
Ferenczi le 20 octobrc 1918. Les preuves sont nombreuses et indiscuta- profession et que ces détails intimes étaient d'une origine facilc a recon-
blcs, mal gré le rcfoulcrncnt ·t k déni ncrve ux des milieux analytiques naltre par les habitués qui l'écoutaient. Les secrets « sex ut:l s » d'Anna
r ·ndant prts de quatn: vingt~ ans'11 . avaient été décodés et publiés des 1919 par son pcre' 1 . On trouvc dans
1 1 11 1 1 ''" 1•1 , \111 lii VI 'o .'\

24 MENSONGES FREUDIENS : HISTOIR E O' UNE D(,S INI'ORMATI ON SÉCULAIRE

NOTES
les deux textes, celui de Sigmund en 1919 («un enfant est battu ») et
l' ex posé de sa fille en J922 ( «fantasmes et reveries di u mes d' une enfant 1 Céline ( 1932), Voya,11e 1111 hr111t ,¡,. /u "'"'
2 Abrégé de Psychanalyse. 71 .
battue » ), les memes fantasmes, dans de memes termes - sans compter 3 Cité par Schur, 1972 : 51.
des rapprochements singuliers avec le cas «Dora», rédigé par Freud en 4
/bid.
1901 quand Anna venait d'avoir cinq ans. Le til conducteur est Sigmund 1 Lettre du 28/411885, in Schur, 1972: 5\-55 (& in Co rrespondance 1873-1939). .
le pe re, lui seul, qui avait obten u de sa filie une « confession » complete 6 La conférence évacuée : Freud /885, 0 /Jer die Allgemeinwirkung des. Cocams.

sur le di van. Les fantaisies d' Anna, qu' elle attribue a une soi-disant L'épreuve de titre : Freud 1897, lnlwlt.mll,1111ben der Wissenschajilichen Arbellen.. . Sur
cette désinformation, voir ici le chapltre : La Potwn Magtque.
jeune filie de 15 ans, sont celles de son géniteur qui la manreuvre comme 1 ¡
11 s. Freud (1895), La naissance de la psychanalyse, PUF, 1969 : 307-396.
il avait précédemment manipulé Emma Eckstein, Ida Bauer (le cas Dora) ' Selon Frank Sulloway (1979): 114; & Lettre de Freud a Fliess du 8//0/1895.
!
et Herbert Graf (le cas du petit Hans). • Cf note de Masson, in Complete Letters Freud-Fliess : 19-20 n. & pour la correspon-
dance avec Charco! : Gelfand ( 1988). Les propos mensongers de Freud se trouvent dans 1

Des lors, on comprend mieux la réaction vive de Freud a 1'attaque /901, Zur Psychopathologie des Alltagslebens (Psychopathologie de la v1e quottdtenne : '11

dont Anna, sa créature et son double, fut victime lors de cette séance de 171-172, fin du chap. 7).
10 e¡ Jones, vol. 2: 197-199.
1922, qui ne figure évidemment pas dans le recueil des Minutes de la
' 1 /9/5, Übersicht der Übertragungsneurose.
1 i
Société Psychanalytique de Vienne. On comprend aussi pourquoi Freud 12 e¡ Jeffrey Masson (1984), The Assault on Tru~h: XXII; & « Freud, sa corresponda~ce
n'a laissé a aucun autre le soin de psychanalyser sa filie, en contradiction et ses correspondants >>, in Revue Jnternatwnale d Htst01re de la .Psychanalys~, 1989, n 2.
formelle avec toutes les regles édictées par lui-meme, pas plus qu'il n'a e¡ Library of Congress, 101 Independence Avenue. S.E. Washmgton D.C. _o 540, USA
accepté de se soumettre a une analyse qu'il exigeait de ses disciples (site Internet : www.loc.gov).
n Roazen (1993). Meeting Freud 's Family: 103 . , .
avant d'exercer la profession qu'il avait inventée. '' Roazen, ibid. (1993), Mes rencontres avec lafamille de Freud, Editions du Seutl, 1996.
Les quelques 300 courriers entre Anna Freud et son pere ne sont pas " Trad. fr. Navarin ( 1989). Une autre partie de Freud and his followers (Paui Roazen,
1975) fut éditée sous le titre <da saga freudienne» en 1986 aux Presses Umversttatres de
édités, pas plus que la correspondance d' Anna avec sa grande amie
France.
Dorothy Burlingham, ni les lettres qu'elle échangea sans discontinuer 16 lrving Stone (1971 , trad. fr. La Vie. de Fre~d, Pyg"!a~ion/Gérard Watelet, 1998) &
avec Ernest Jones 5 \ son soupirant d'un temps vite déc,:u et freiné par Sulloway ( 1979, trad. fr. Freud, Biolog/Ste de 1 Espnt, 2 éd1t10n, Fayard, 1998).
Sigmund, le pere. La correspondance entre Anna Freud et Eva Rosenfeld 17 Crews ( 1995) : 132.

- niece de la chanteuse Yvette Guilbert et amie d'un temps de la IR Roazen (1993): 163.
19 e¡ Roazen ( 1993), passim, et p. 71, 118, 136; voir également Sulloway ( 1991) : 248-
famille -,a également été expurgée dans l'édition54 . Et les échanges, de
1912 a 1936, entre Lou Andréas-Salomé et Sigmund Freud ne nous en 249.
20 Jntroduction de l'éditeur de la Correspondan.ce de Freud avec Jung (page
17)
·
diront pas plus, ni sur l'analyse d' Anna par Sigmund, dont Lou, égérie 21 e¡ Denis Brian ( 1996), Einstein.. A Lije. . ..
séductrice, eut comme plusieurs familiers la confidence, ni sur !'affaire 22 Cf Freud ( 1939), Last Will; et Roazen ( 1990) pour ses commentatres. Le testament de

Viktor Tausk dont celle-ci fut la maltresse, ni sur d'autres histoires puis- Freud ( 1939, Last Wi/1) cst réédité dans Roazen (2001 ), chap .. 65. . . .
2.1 On peut visiter aujourd'hui les << Freud Museum >> sur des sttes Internet, vers V1enne .
que toutes les lettres essentielles ont été exclues ou caviardées par Anna http : 1/freud.tO.or.aúfreud/index-e.htm; et vers Londres : http : //www.freud.org.uk/.
Freud en 1966. 24 Roazen (1993): 60. Cf aussi Janet Malcolm (1984).
2s e¡ John Forrester (1994) & Elisabeth Young-Bruehl (1994).
Quand Paul Roazen tenta, pour la rédaction de son «Freud and his 26 e¡ Masson (1984), The Assault on Truth; Janet Malcohn (1984) _& Yo~ng-Brueh.l
Followers » de 1975, d' interviewer un ancien analyste, en lui demandan! ( 1988) : 409 sq. Apres avoir été renvoyé des archtves, Jeffrey Masson 111 p10ces et gagna
simplement quand il avait rejoint la Société Psychanalytique de Vicnne, des dollars en quantité.
27 Berthelsen ( 1989) : 9.
celui-ci lui répondit sechement que ce n'était pas ses affaires, et ensuite
2
qu'il n'aurait certainement pas· « nos secrets» 55 . 29
" /bid.
/bid.
-' 0 Lynn & Vaillant (1998): 163.
C'est la ce que Frank Sulloway appelle «la grande réticence para- 31 Roazen (2001): 125.
no1aque» des freudiens 56 . Le parano"laque est un faible qui froncc les n Roazen (200 1) : 211.
sourcils. Et les secrets, dangcrcux pour ceux qui les perdent, devienncnl 3_, Roazen (1975): 510.
des instruments de pouvoir pour cclui qui les garde.
26 MEN SON<i ES I·HI ·.Iillii ' NS 111 '\T()II( I· I l'UN I ' lli ·. SIN IOI<M I\ IION SH 'III .I\ IKI '

34

Te!).
Freud, Correspondance avec le pasteur Pfister. 1909- 1939, Gallimard, 1991 (collection Chapitre 2
:: Lettre de Sigmund Freud a L. Binswanger. 101111915; Freud a Ferenczi, 29/4/1916.
, ~s. Zweig, Arnold (1887-1968) et Stefan (1881-1942), ne sont pas apparentés; ces L'histoire grotesque et sérieuse
ecnvams eurent des relations épistolaires avec Freud. Amolda été analysé a Berlin et fut a
la fin de ses jours une notoriété de 1' Allemagne de I'Est, et Stefan s'est suicidé avec son des lettres a Fliess
épouse en 1942.
37
Roazen (2001) : 157. Une nouvelle édition du courrier Freud-Abraham est présumée
complete.
38
S. Freud a L. Binswanger, 24110/1910. On compte 50 lettres de Bleuler et 7 de Freud.
39
Extraits du courrier in Alexander & Selesnick: Archives of General Psychiatry, January
1965 : 1-9. Cf Cioffi ( 1998) : 168.
40
Annotation de Molnar in Freud, 1939 Kürzeste Chronik : 131-132.
41 Reich parle de Freud; Paris, Éditions Payot, 1970.
:~ Ferenczi, Journal clinique; janvier-octobre /932 (1. Dupont, éd.), Payot, 1985.
C.f Masson ( 1984), The Assault on Truth : 145-188 (ce livre de Masson contient la
confércncc de Ferenczi, 1932: p. 291 sq.).
1
' " Roazcn ( 1993 ), chap. 3.

" lln au t1 c inédit parul la meme année, en 1992 : la Kürzeste Chronik de S. Freud. 11
,· agil d'un simple a idc-mémoire d'une vingtaine de feuillets établi de 1929 a 1939, laco-
llllllll' t' l '''viul. Son inintérct cst la raison principale de cette édition tardive. Par contre « As-tu jamais eu l'occasion de voir un journal
1,., :11111UI HIitm' au jour le jour de Michael Molnar et les références historiques nouvelle~ étranger censuré par les Russes au passage de la
nlllllll'' 1ks Archives 1-'rcud en font un ouvrage précieux. frontiere? Des mots, des phrases, des paragra-
"' <'•t t'L' P'" Ynung-Bruehl ( 1988) : 278; sur les manreuvres de rétention des informations phes entiers sont caviardés, de telle sorte que le
pm Ann a fo'lcud. 1'( aussi ibid. : 277 sq., 333 sq. et 409 sq. reste devient inintelligible. C'est une sorte de
" f'/., ~ urce prohlcmc, Young-Bruehl (1988), chap. 3; Grosskurth (1991): 68, 72-73; "censure russe" qui apparait dans les psychoses
Roat.t·n ( 1993 ), chap. 7; Webster (1995), chap. 20; et Lynn & Vaillant ( 1998). et qui donne lieu a des délires en apparence dé-
·IH ( ,e/IH' de Freud a }un~:. 2/2/19/0. Sur l'imposture Herbert/Hans, (! ici le chapitre Subs-
nués de seos.>>
((/l!('e Cfiniqu e.
1
' '' Grossk urth ( 1986) : chap. 5.
Sigmund Freud a Wilhelm Fliess'
50
Cf Rodrigué ( 1996), vol. 2 : 283.
51
Cf Young-Bruehl ( 1988) : 97 sq. et Webster ( 1995) : 41 O sq.
52
Freud ( 1919), E in Kind wird geschlagen.
53
Cf Lettre de Jones a Sigmund Freud, 27/211936, par exemple. Wilhelm Fliess et Sigmund Freud se rencontrerent a 1' automne 1887 a
54
Peter Heller, ancien patient d' Anna, a édité cette correspondance tronquée en 1992 Vienne ou, sur les conseils de Josef Breuer, le premier, médecin oto-rhi-
(Roazen (2001): 133-134). no-laryngologiste farfelu de Berlin, assista a une conférence du second.
55
Paul Roazen ( 1975) : p. XXXIII. Cf aussi Roazen (200 1) : 41.
56 Ce fut un coup de foudre réciproque, et le début d'une complicité intel-
Sulloway (1991) : 250.
Iectuelle intense qui devait durer plus de 15 ans. Les deux comperes, qui
se rencontraient régulierement et entretenaient une corrcspondance four-
nie, avaient les memes théories originales, le mcmc charisme et certaines
dispositions de leurs personnalités, avaient fait le mcme voyage initiati-
que a París chez Charcot (Fliess en 1886, quelqucs moi s aprcs Freud),
échangeaient des malades, avaient des amitics ·t d ·s cnnemis en
eommun, et étaient des adeptes de la coca'inc 1;n:ud précédant ici
Fliess de quelques années.
De l'aveu meme des freudiens et des spécialistl'S, k s qtlllll.l' dl'ntiercs
années du XIXe siecle sont cruciales pour appréh ·ndn la l'Uit'lllll'tio u des
idées de la psychanalyse. Or, ironiquement, la CL' IlSlllt' 1:1 plu~ ro lossah.:
28 MENSONGES FREUD!ENS . lllS'IOll<l· I) ' IJN I, llf'.:S!NFOI<MI\T!ON Sl ,('lll .l\mH 11 1 1 11111 '• 1 111 ·• ••

de l'histoire de l'édition freudienne, pour autant qu'on le sache, s'est documents d'unc tclk llllJHllta•HI' III' .IWIIJIH' ·,l)tl'nl dt'llllits . Ell e les
produite dans cette correspondance de Freud a Fliess, dont les propos ci- achete done, non pou1 les lt11 ll' lldll '. 111111.\ pou1 lt·s prot égcr dans une
dessus viennent d'etre extraits, ou Freud recourait a la fin de l'année bibliotheque offícicllc alin qtH' 111'11 m· .\ Oit publi ~ avant 80 ou 100 ans.
1897 a une image, le caviardage, qu'il remettra en circulation en De sorte que personnc uc sera ¡• lit' p tll drs iuformations éventuellement
plusieurs endroits, notamment dans la Traumdeutung, sa clef des songes compromettantes. Sigmund f.'rl'ud souli gne (10/1/1937) a nouveau forte-
publiée deux ans plus tard. ment le caractere inlime de leur coutenu ct l' idée que les premieres
étapes de la psychanalysc sont pPrsonnelles. Quelques semaines plus
tard, M. Bonaparte réunit enfín les documents, que Freud peut parcourir.
LETTRES PURIFIÉES Il I'incite alors a les éliminer - « Un jour, il m'a dit ''j'espere vous
convaincre de les détruire"» 4 - et insiste fermement pour qu'ils soient
bríllés, ce qu' elle refuse.
L'aventure rocambolesque des lettres de Sigmund Freud a Wilhelm
Fliess 2 commence le jeudi 6 décembre 1928, quand Ida Fliess demande a
Ensuite, le coffre de Marie Bonaparte a la Banque Rothschild de
Sigmund de lui ·restituer le courrier qu'il avait re~u de feu Wilhelm, son
Vienne rer;ut ce trésor historique jusqu'a l'Anschluss de mars 1938.
mari qui vient de disparaltre - sans que Freud ait rédigé une notice
d'éloge nécrologique, contrairement a ce qu'il fit pour ses autres compa- Au printemps 1938, lorsque la décision de quitter Vienne fut enfin
gnons. Et Freud n' aimait vraiment pas Ida, « intelligente mais stupide, prise, les événements s'accélérerent. Sigmund Freud dut trier ses docu-
venimeuse, une hystérique avérée; bref, perverse : non névrosée, mais ments, 19 Berggasse. La Princesse, qui avait une vision prophétique de
perverse», contre laquelle il avait gentiment mis en garde Karl l'histoire, récupérait un a un les papiers qu'il n'avait pas détruits, direc-
Abraham 3 . tement dans sa poubelle, et les glissait sous ses jupes. Puis, jour apres
jour, elle les Iivrait a la légation de Grece a Vienne, qui les adressait a
Le lundi 17 décembre 1928, il répond a la veuve Flíess qu'ayant
son ambassade de París par valise diplomatique 5 .
détruit apres 1904 la plus grande partie de leur correspondance - ce
qu'il avait fait durant l'hiver 1907-1908 - , il va s'efforcer d'en trouver Princesse de Grece et du Danemark, elle dut ensuite vider son coffre
les vestiges quelque part dans la maison, pour les lui donner tous sans de la banque Rothschild sous l'reil de la Gestapo, pour y récupérer le
restriction. Mais, de son coté, ajoute-t-il a Ida, il aimerait savoir si son précieux courrier de Freud a Fliess qu'elle emmena en secret dans ses
propre courrier est bien protégé contre un quelconque usage futur. Et le voyages a travers I'Europe. On le retrouve a Paris a la Légation du Dane-
30 décembre suivant, illui assure n'avoir ríen trouvé des lettres envoyées mark, puis traversant la Manche en 1941 protégé dans une solide caisse
par Wilhelm Fliess, ni d'autres qu'il sait avoir conservées. Cinquante ans insubmersible. Finalement, le paquet arriva a Londres, ou la Princesse
plus tard, Anna Freud et Jeffrey Masson ne les trouveront pas non plus. 1'offrit a Anna Freud a la fin des années quarante, laquelle le mit a la
disposition d'Ernest Jones, apres inspection, pour la rédaction de sa
Huit années passent, puis, le mercredi 30 décembre 1936, Marie biographié, fit des copies en vue d'une publication sélective, et enfin
Bonaparte informe Freud qu'un bibliophile et marchand d'art, Reinhold
envoya plus tard l' ensemble a la Bibliotheque du Con gres a Washington
Stahl, vient de lui faire une offre, au prix de 1.200 francs (480 dollars de
o u 1, intégralité de 1' inestimable écriture devait etre prohibée a u moins
l'époque), pour une masse de documents vendus par Ida Fliess. Ce sont
jusqu'ii l'an 2000.
les lettres de Freud a Fliess, celles de Josef Breuer a feu son époux, et
divers manuscrits. Freud est tres inquiet car, écrit-il a M. Bonaparte En 1950 paralt «Aus den Anfangen der Psychoanalyse», la premiere
(3/1/1937), cette «Correspondance était aussi intime que vous puissiez édition allemande de ces lettres de Sigmund Freud a Wilhelm Fliess
imaginer». JI serait tres cmbarrassant qu'elle tombe entre des mains associées a « Entwurf einer Psychologie », les deux carnets de mytholo-
étrangeres et il ne faut pas qu'cllc soit connue de « la soi-disant posté- gie cérébrale de 1895. La traduction anglaise « The Ori gins of Psycho-
rité», rajoutc Sigmund , rcprodui sant ici ses préoccupations de jeunesse. analysis» la suit en 1954, puis en 1956 «La Naissancc de la Psychana-
Maric Bonapartc lui rappdk (7/1/1937) que la condition tíxée pour cette lyse», traduction fran~aise de l'édition allemande. C'cs troi s publica-
vent e étail ()lit: J¡•s kllll'~ 1(')'111 '1'\ par Wilhdm a Ida Flicss ne fusscnl en tions sont identiques, dont Anna Freud de Londres, la Princcsse Marie 11

aucun c a ~ tTdn·" 11 1111 llll'llil>H ' tl1 · In l;11uilk 1:rc11d , par craintc q11<.: des Bonaparte de París et Ernst Kris de New York sont ks rcsponsahl es.
30 M ENSONGES FREUDII ,NS III STOIIW IYl iNE D(oSINFORMAI'ION S("'II LAIRE 11 1 1 1 1111 • 1 1 11 .,, 11

Il est essentiel de savoir, d'une part, que tous trois se connaissent inti- Franz Alexander) . IHI L'll( ()1( ' 1{11111 M.H k 1111111:-.w ick 4u1 analysa
mement, d'autre part, que des filiations biologiques et puis des attaches Robert Fliess, lils de Wilhclill 1' 1 hin
psychologiques profondes les relient au contenu du texte Jui-meme et a
leur auteur. Pour saisir ce qui suit, le Iecteur pourra s'aider d'un petit Ernst et Mariannc Kri s furenl ks collaborateurs directs d' Anna Freud
dessin des arborescences généalogiques. Ernst Kris, également auteur a la clinique Hampstcad de Londres. 1~rnst Kris, coéditeur des Gesam-
d'une longue introduction, était lié aux personnages du texte de plusieurs melte Werke, reuvres completes de Freud en allemand, était aussi le
fa9ons. Sa femme Marianne Rie avait pour mere Mélanie Bondy, la sreur spécialiste des intailles qu'il montait sur les anneaux rituels de la secte
d'Ida Fliess. Mélanie Bondy était mariée a Osear Ríe, grand ami de du Comité Secret et que Freud offrait a ses initiés préférés, dont un bon
S~gmu~d Freud, pédiatre de sa progéniture, confrere initié de la loge nombre vient d'etre évoqué. Ou encore, James Strachey, traducteur de la
vtennotse du B'na"i B'rith, compere de taroks (tarots autrichiens) les Standard Edition, fut analysé par Sigmund Freud.
samedis soirs, connu sous le pseudonyme d'Otto dans la Traumdeutung,
et familier des milieux psychanalytiques. Mélanie Bondy-Rie était, Et ainsi de suite, car la psychanalyse est une tres grande famille.
comme sa sreur Ida Bondy-Fliess, une patiente de Josef Breuer. La
deuxieme fille de Breuer, Margarethe dite Grete, s'était mariée en 1900 Il est clair que tous ces rapports affectifs entrelacés forment un puis-
avec le médecin Arthur Schiff, un tres proche parent de W. Fliess7 . De sant réseau d'influences réciproques, et de suggestions, dont Sigmund
son cóté, la sreur de Marianne Rie-Kris, une autre Margarethe, avait Freud est le centre rayonnant, tout a la fois pédagogue, pere étemel
~pousé Hermano Nunberg, haut responsable du mouvement psychanaly- protecteur et protégé par sa progéniture, et détenteur de tous les secrets
ttque. Et les Nunberg seront plus tard les éditeurs, avec Paul Federo, des de ses adeptes, meme apres sa mort.
Minutes de la Société Psychanalytique de Vienne, autre morceau de
bravoure dans la désinformation. Conséquemment, cette édition est une allégeance familiale et une
révérence a la généalogie idéologique. Elle va etre une des plus séveres
Mais des liens plus forts que les généalogies sont engendrés par la censures connues de l'histoire freudienne des publications posthumes, si
communauté persuasive du libidinal divan. Ernst Kris est le seul des trois l'on excepte les Minutes de la société psychanalytique de Vienne. A luí
protagonistes - les deux autres étant A. Freud et M. Bonaparte - a ne seul, l'avant-propos tres bref des trois éditeurs est un formidable
pas avoir été analysé directement par Freud-le-Pere, mais indirectement, morceau d'anthologie. On y apprend que, sur les 284 envois de Freud,
c'e.st-a-dirc par sa filie Anna, et par Helene Deutsch en 1927. Cependant, 168 seulement ont été publiés, dont une forte proportion a été censurée,
Kns cst cncore en analyse avec Anna Freud en 1946, au moment ou se car <d'auteur n'aurait pas consentí a les faire éditer»9• D'ou vient cette
~iscutcnt. aprement les conditions de l'édition de cette correspondance idée? Je rappelle que le testament de Freud n'interdit ríen, et aucune
1·reuci-Fhess. Ernst et Marianne Kris furent psychanalystes; leur fils trace écrite n'autorise cette affirmation. C'est une décision posthume.
Anton devint psychanalyste. Wilhelm et Ida Fliess eurent aussi un fils, Le caviardage porterait, continuent nos éditeurs, sur ce qui risquerait
Robert, qui devint psychanalyste. Annie Katan - née du mariage de la de « contrevenir a la discrétion médicale ou personnelle »' sur «les
sreur d'Oscar Rie avec Ludwig Rosenberg, lui-meme ancien patient de efforts que fit Freud pour saisir les théories scientitiques et les calculs
S. Freud qui l'utilisa sous le pseudonyme de Léopold dans le faux reve des périodes élaborées par Fliess», sur des détails sans importance, et
de l'injection a lrma de la Traumdeutung - fut une amie d'enfance « enfin, certaines circonstances familiales et certains incidents survenus
d 'Anna Freud, laquelle la psychanalysa; et Annie Katan fut psychana- dans le cercle de leurs amis » 10 • Tout cela a été abrégé ou éliminé.
lyste.
Mais, gdice a l'édition intégrale de ces lettres par Jeffrey Moussai'eff
Masson, d'abord en 1985 aux États-Unis, puis dans le texte origine) alle-
Herr Professor, apres s'et~e occupé quelques temps de Mélanie
mand l'année suivante, nous savons désormais que :
Bondy-Rie8 (la belle mere de Ernst Kris, et belle-sreur de Wilhelm
Fliess), avait analysé Anna sa propre filie, Marie Bonaparte, Helene - 1° la «Correspondance» s'étendit non pas du 24 novcmhre 1887 au lO
Deutsch (avant qu'elle le ffit par Karl Abraham), les deux filies d'Oscar septembre 1902, mais de 1887 jusqu'au 27 juillct 1904, soi t pcndant
Ríe - Margarethe Nunberg et Marianne Kris (apres qu'elle le ffit par environ dix-sept ans, ce qui fait, sans compter les dcux carn ·ts (sur les
11 11 1 11 11 ' 1111 .,., 11
32 M ENSO NGES I'I< I:U I>II \NS 111.\1 1111<1· II ' IINI: I>I ·S INI:O I<MA'I'ION S f.< 'l ll A ll<l '

11

- 4" les preuvcs ~ ah- ' a ll.11 11 ". I111111 Hk '>, ll PI: IIlllll l~ llt co nccrnant
trois de 1895) de 1' Entwuif einer Psychologie, 301 envois de Freud a lk

Fliess, et non 284; Emma Eckstein ;


- 5° la plupart des tra ce~ <k ~: 1 L' tl ii ~U IIIIIl <t t iu n r~g uli ere de cocai"ne,
- 2° toutes les censures ne sont pas signalées, et les traductions anglai-
pendant au moi11 s dou;.c an s ;
s;s,. ~ais surtout fraw;aises, ont _subi des disto~sions de sens par rapport a
1 ongmal. Par exemple, celle-CJ, une des momdres : «mes clients sont - 6° le démenti de l ' intc rpr~ l a ti o ll d' un rcvc - ['injection faite a Jrma ,
des gens malades », écrit Freud, «done spécialement irrationnels et le noyau dur de la Trawndclllttn g de 1900, l' argument crucial de sa théo-
suggestibles», qui devient, dans la traduction franc;aise, « tous sont mala- rie onirique - , car on a vrai mcnt du mal a croire que ce reve, fait en
des, done des etres particulierement imprévisibles» 11 . Dans cette toilette juillet 1895, incorpore un évé ncmcnt qui s'est produit deux ans plus tard,
éditoriale, la suppression de la su[?gestibilité fait une différence lourde de au mois de mars 1897 14 ;
signification, surtout dans cette lettre ou Freud est littéralement furieux - 7° les preuves, de la main de Freud, de l' impossibilité physique de
contre Fliess. Wilhelm Fliess vient en effet de comprendre que son l'analyse de dix-huit patients, qu'il n' avait pas pu tous voir et pour la
confrere manipule ses patients, «lit dans les pensées d'autrui et n'y plupart inventés, avec leurs symptómes et la spéculation étiologique ,
trouve qu~ ses propres pensées», ce qui, précisément, écrit Freud, « Óte dans sa conférence cruciale d ' avril 1896 ;
~oute valeur a mes recherches». Pendant l'été 1900, Fliess J'avait percé a - 8° l'aveu qu'il n'avait pas pu rencontrer non plus sa « collection de
JOUr, et sa remarque mortelle - comme quoi ses « observations clini- plus de deux cents cas » de neurasthénie, dont il se réclamera avec auto-
ques » ~ont des .interprétations irrémédiablement contaminées par la rité sinon arrogan ce dans un article de propagan de paru au début de 1' an-
pers uaswn, ce qut, au passage, fait apparaltre Wilhelm Fliess aujourd'hui née 1898;
comme un des précurseurs d' Adolf Grünbaum - mit fin a Ieurs rencon-
- 9° les circonstances de la rupture entre les deux hommes, dont l'ini-
tres, qu' ils appelaient des «con gres», mais non a leur correspondance; 15
tiative revient en fait a Fliess et non a Freud ;
- 3° plus de 50% des informations ont en fait été supprimées : 139
- 10° l'histoire d'une querelle tres violente entre les deux hommes,
courriers ont été caviardés (de la suppression de quelques mots
apres leur séparation, a propos de !'affaire Weininger-Swoboda (c'est la
jusqu'aux trois quarts), 133 ont été totalement évacués; 16
raíson de la suppression de l' année 1904 dans l'édition originelle) ;
- 4o 90 % des courriers sont censurés, car sur plus de 300 Iettres, 29
- 11 o les évidences des relations tendues entre Freud et différentes
seulement sont intactes et completes ! 12
personnes, singulierement Josef Breuer, plus tard disqualifié, comme
Je reviendrai dans ce livre sur les dossiers cachés les plus importants. Wílhelm Fliess .
Dans l'immédiat, contentons-nous de noter qu'avec la moiti é des infor-
La suppression des découvertes inou1es, que Freud prétend faire prati-
mations extraites des lettres a Fliess ont été principalement effacés :
quement chaque heure de chaque jour, fait évidemment douter de leur
- 1o 1'adhésion de Freud a la théorie irrationnelle de la névrose réflexe, valeur. Et comme ces lettres n'intéressent en príncipe que le spécialiste
suffisamment puissante pour qu'il fasse pratiquer plusieurs interve1~tions et quelques curieux, on peut présumer que la premiere cible de la dissi-
chirurgicales correspondan tes sur lui-meme ou des patients ; mulation est représentée par les analystes potentiels qui chercheraient a
- 2° la croyance irrationnelle aux périodes vitales de Fliess, qui impré- se renseigner sur 1' origine historique de leur doctrine.
gnera Freud des années apres leur séparation, dont il n' avait pas beso in
de se convaincre au départ - contrairement aux affirmations des
éditeurs cités plus haut, et a celles de Kris en patticulier dan s son intro- LA FABRICATION DU HÉROS
duction a la ¡re édition des Iettres 13 - , car Freud avait devaneé Flicss
daos ces erran ces; Le truquage des sources permet de faire croire que les idées de Freud
ne doivent rien aux croyances de son temps, qu 'cll es sont ori gin ales et
- 3° la conviction irrationnell e en la magie des nombres , cett e 1111//l l ' m -
sans précédent, que la théorie psychanalytique en tr<~ in de naltre sous les
logie kabbalistique que l'on retrouvera chez Freud pendant des dl'LT il
yeux du lecteur est un pur produit de son créateur indépc nd ant de l'his-
nies apres la rupture avec Fli ess l' arithmomancien, et qui précéda 1 ·ur
toire, seul au monde, contre tous, génie isolé el vi ctimc d ' un ostracisme
rencontre, comme son a ffecti o n pour la télépathie et l'occulti sna.:;
34 M ENSO NG ES I'R EU DII:NS . III STO JRI , ll ' lJ NI' I)(S INH lRM !\II ON Si',C ULAI RE 1 1 • 1 1 1 1111 • ¡\ 1 1 11 ',',

malveillant, et tout a coup illuminé, bien malgré lui, par la révélation des Par exempl c - 111a1s notl :-. l' ll rl· rH tlllll l' WIIt d' aut res de bien plus
découvertes révolutionnaires de son « auto-anal y se» qui l' aurait rendu grande envergurc - , dans une 1·tll l' :1 l,. l1 cs:-. de la li n de l' année 1896, il
~n~n p~rspicace. C'est l'élaboration du mythe du héros, analysée par lui assure avoir cornpri s 1 · lllécaHi snll.: de 1' agoraphobie chez les
1 h1stonen Frank Sulloway en 1979, ce qui vaudra a son livre d'etre femrnes: «C' est Je refoul ernc nl de la C0111puJ sion a aJJ er chercher dans la
qualifié de « prétentieux » par Peter Gay 17 . Sulloway a rétabli la position rue le prernier ven u, un senti mcnt de jalousie a 1'égard des prostituées et
réelle de Wilhelm Fliess, eu égard a la désinformation active et aux une identification a elles» . L'agoraphobc est une prostituée qui s' ignore,
exagérations des freudiens . Il a insisté sur la dette énorme de Freud vis- écrit-il, mais comme ses phrases suivantes précisent que pas un seul cas
a-vis de son ami et des myriades de prédécesseurs, dette que le mouve- de patient n 'est achevé ni éclairci, et qu ' il ne pos sede aucun argument
ment psychanalytique s'est ingénié a effacer par la contrefa9on rétroac- factuel, on peut logiquement conclure qu'il s'agit d'une spéculation
tive de cette histoire. C'est la construction de la mythologie freudienne. vide 19 . De meme, en février 1897, il accablait son pere Jakob, disparu
quelques mois plus tót. Sigmund le rendait responsable de l'hystérie de
Freud a pris la précaution d'éliminer les courriers que Fliess lui son propre frere et de deux de ses sreurs, en raison de fellations imposées
adressa, pui s d'effacer de son autobiographie publiée en 1925 (Selbst- dans leur petite enfance - la tete des petites victimes tenues en étau
rlarstellung ) quinze années d' amitié et d'échanges intellectuels, et d'ou- dans les mains de leur géniteur a tous étant la cause des céphalées ulté-
blicr les ernprunts qu'il lui fit. La contribution intellectuelle de son rieures ! Dans le courrier a Fliess ou il annonce cette découverte de
r orres po nd ant est écartée, et sa personne est dévaluée, diabolisée. Freud l'étiologie perverse des céphalées «hystériques>>, il ajoute qu'il n'a pas
1·st nl-rl·ssa ircment informé des modes de son époque. Mais, a moins le temps d'aller a « la nurserie » pour y faire des «Observations », en
qu ' ll ai t lui -memc aflirmé le contraire dans ses récits, tous les auteurs particulier du comportement d' Anna (qui a un an et demi), et que, de
qui .n ue nt les rncrnes idées - les plus extravagantes comme celles qu'il toutes fa9ons, les femmes (Martha et Minna) s' opposent a son intru-
r'l'lllcra plu s tun.l - ont été inspirés par lui, l'ont imité, ou bien, tel sion20. 11 n'avait alors a sa disposition aucune preuve, aucun malade,
Albe rt M ol! , l'ont plagié y compris quand ils les avaient publiées avant hormis lui-meme. Et ces fantasmes de Freud disparurent - pour etre
luí . remplacés par d' autres - en fait quand lui-meme commen9a, I'été
suivant, a se reconnaí'tre une « petite hystérie »21...
Stefan Zweig, écrivain érudit et talentueux admirateur du freudisme
jusqu ' a la fin, publia, en 1931 , un ouvrage, «La guérison par )'esprit», Comme ill'affirme dans sa préface rajoutée en mai 1920 aux «Trois
o u, rappelant 1' évolution des idées en psychothérapie, il trouvait naturel- essais sur la théorie de la sexualité », personne «al' exception des méde-
lement de nombreux et subtils précurseurs a Sigmund Freud. Lequel fut cins qui exercent la psychanalyse, n'a en vérité acces a ce domaine, et
tres mécontent de cette révélation opposée a ses slogans déja parus, et lui par conséquent ne peut former un jugement qui ne soit déterminé par ses
répondit aussitót avec courroux. Ce n'était quand meme pas une propres antipathies et ses préjugés. S'il était vrai, en général, que l' ob-
su~ri~e : l'in,con~cient n'a pas été découv~rt par Freud, et les psycho- servation directe des enfants suffit, nous aurions pu nous épargner
~h~rap1es ne 1 ava1ent pas attendu pour ex1ster 18 . 11 n'est pas possible d'écrire ce livre» 22 . Ce qui ne l'empechait pas de se réjouir des «obser-
ev1demment de reconnaí'tre des idées freudiennes, vraies ou fausses, vations directes» quand elles donnaient un faux-semblant de confirma-
avant Freud, et certainement pas sans la méthode qu'il était seul a tion de ses dogmes et de se réclamer meme des fabrication s rnensongeres
pouvoir imaginer. La psychanalyse est le seul moyen d'acces aux vérités des analystes- les siennes ou celles de Hermine von Hug-Hellmuth par
cachées de la «réalité psychique». Aucun controle externe n'est néces- exemple - , sous réserve qu'ils fussent détenteurs du privilege d'appar-
saire et l'idée d'une vérification indépendante, serait-ce par une docu- tenir a son obédience, et qu'il eíit déja publié lui-rnerne ces idées,
~entation historique ou biographique, est inimaginable, tout a fait dépla- gardant ainsi la priorité. Ces prédécesseurs sont soit ignorés, so it lui
cee. Car elle a le monopole définitif du vrai. Y compris en l'absence de servent de faire-va1oir, ou encore il leur prete ses idécs comme autant de
la personne du patient, comme le montreront les études de Freud sur confirmations extérieures.
Léonard de Vinci, le président Schreber, Dostoi'evski, et d'autres, qu ' il En 1905, lors de la fabrication des «Trois essais sur la théo ri c de la
ne rencontra jamais; et tres souvent, il se dispense de tout élément clini- sexualité », Freud utilise les études antérieures sur la qu ·stion, toul en
que. s' étonnant, apres avoir longtemps cherché dans la littératurc. dl' Hl' rien y
11 1 1 1 ll ll '• \ 11 11 'i\ 1/
36 MLNSONGI ,S I·RHII l ii ·NS 111:0. 1011<1 ·. IJ ' 1INI ' lli ·:SINI ·ORM/\TION SECli L/\11<1 ·.

trouver sur J'évolution psychosexuelle avant lui 23 . Pourtant, Freud s'ins- ses propres théorics. (' · ~l'la k l,l\ d11 " pr 111 llau ~ "· la JHcn>iac analyse
pire des autres, notamment d'un livre célebre, «Libido Sexualis », du d'un enfant dcs1inéc i'l validl'l :-.t·s lll1l'l ¡llt'1:111ons l!réés des sc uls adultes
psychiatre et sexologue Albert Moll, dont il avait lu et annoté soigneuse- et a faire vaJoir l' illllllCllS' Slljll'lltlllk tk 1;¡ lllé1hodc freudienne par
ment les 850 pages de la premiere édition, des 1897 24 . Freud y avait vu rapport aux observations vulgaill'S tks prédécésscurs. de tous les prédé-
ce qu'il croyait etre seul a pouvoir imaginer, ce qui lui déplut car, écrivit~ cesseurs. Ce cas, 4ui panll en 1nars 190l.J, va se révélcr, comme nous le
il a Fliess en le lisant, «entre nous, je ne céderais a personne la priori té verrons, un des plus formidables 1ours de prestidigitation rhétorique de
de cette idée » 25 . Sigmund Freud.

Puis, en 1908, paralt un autre livre d' Albert Mol!, «la vie sexuelle de Quelques temps apres la parution du « petit Hans», Albert Moll rendit
l'enfant», tres dense, qui contient en particulier une critique serrée des une visite de courtoisie a Freud, qui faillit se terminer en pugilat. Freud
travaux de Freud sur la sexualité et sur la psychanalyse. Le probleme dira a ses correspondants, Karl Abraham et Jung, avoir voulu rosser son
avec Moll est que ce psychiatre faisait état, depuis 1897, de notions visiteur, qui « est une vilaine be te, non pas un médecin en réalité, mais
originales sur la sexualité de 1' adulte et de l' enfant, normal e et patholo- doué de la constitution intellectuelle et morale d'un avocat marran».
gique, sans· la psychanalyse, que d'ailleurs il avait essayée sans aucun «Puis», rajoute Freud, «il s'est plaint quej'étais trop susceptible», et en
29
succcs et dont il réduit les prétentions thérapeutiques a la suggestion. De partant, «il m'avait empuanti la chambre comme le Satan ... » • C'était
plus, Albe1t Moll reproche a Sigmund Freud de preter aux auteurs, qu'il une infection satanique, étouffant la fumée permanente des cigares qui
drainc, des propos qu'ils n'ont jamais publiés, et de les avoir inventés. incommodait ses patients.
l'rcud attribue par exemple au pédiatre hongrois S. Lindner- qui s'ap-
puyait en 1879-1880 sur 500 observations personnelles- une confirma- Enfin, le compte de Moll sera réglé par le merveilleux montage du
1ion cx 1crne de la satisfaction sexuelle du nouveau-né, qui aurait «une « souvenir d'enfance de Léonard de Vinci », en décembre 1909, pour ses
30
cspccc d'orgasme» en tetant son pouce ou lorsqu'il devient rouge a troupes et au début de l'année suivante pour le public .
sati été26 . Or, Lindner, montre Mol! textes en mains, n'ajamais écrit cela;
ce ne sont que de lo urdes déformations, et le plaisir sexuel « orgas-
mique » du nourrisson est une fabrication de Freud qui n' a aucune obser- MAQUILLAGE, ET TOILETTE ÉDITORIALE
vation. Nulle part dans son travail, Lindner n'invoque une sensation de
nature sexuelle chez le nourrisson, ni dans les activités buccales ni dans Il fait peu de doute que Wilhelm Fliess fut une personnalité originale,
les autres, et la lubricité était dans 1' ~il du Viennois 27 ... irrationnelle. Mais Sigmund Freud n'avait ríen a luí envier sur aucun
point. Précisément, la suppression des informations a porté en priorité
Les répliques freudiennes vont etre vives. Lors d'une réunion homéri- sur un certain nombre de déviances et d'imperfections dont il fallait
que de la société psychanalytique de Vienne, le dernier livre de Moll blanchir Le Héros.
(1908) est d'abord éreinté, dans un exposé d'Oscar Rie qui a mystérieu- Quelles ablations? 11 ne s'agit pas des petites faiblesses communes,
sement disparu des «Minutes »28 • Ensuite, dans les débats, chacun des que l'on a aussi éliminées du texte afin que le lecteur ignore que
membres tour a tour accable la personne du sexologue : il est mesquin, Sigmund Freud était en privé un homme ordinaire, pouvant profiter des
hargneux et borné, fourbe. Son ouvrage est insuffisant, malhonnete. Moll séances pour rédiger son courrier - « J' ai en ce moment une dame en
est un plagiaire éhonté qui a pillé les «Trois essais ... » de Sigmund état d'hypnose devant moi et ainsi je puis me mettrc a éc rirc en paix » •
31

Freud. Mais tous les intervenants, y compris Freud, oublient de signaler La dame restera en transe jusqu'a la fin de sa rédaction a Flicss. Que Le
que ce dernier s'inspirait en 1905 du premier livre de Moll, « Libido Professeur se détende par une petite sieste réparatri cc «je dors
Sexualis» de 1897, Jeque! n'est évidemment pas mentionné lors de la J'apres-midi pendant mes analyses» 32 - devait c1rc une infonnation
réunion. terriblement dangereuse, car elle fut aussi effacéc. C'"é1ai1 sa ns doutc la,
L' autre réponse sera la création - accélérée au moment o u Frcud par la vertu de la psychologie des profondeurs, une invl'rsion dl' la 1ranse
savait imminente la publication de «La vie sexuelle de l'cnt'ant » par hypnotique, et - comme le fera remarquer Abram Kardinn aprcs son
Moll qu'il comptait «écraser»- d'une soi-disant «preuvc» cx1crnc de passage sur le divin divan /9 Berggasse au débu1 des anntTS Jl)'>()
JH MI (NSON(:i ·\ 1111111111 w, lll ', lfJIII I PIINI • IH •SINI ·ORMATION Sl '.( 'lJI.AJHI , 11 11 11 H 1 '• t\ 1 111 '•'> 1'1

1' attention flottante p ·ut f'ai11.: Slllllhl ·r 1' analyslc dans un insondable nées ne violaicnl pas d ·~ M'l'l1' l" lll('(lu ·.III X lfadi·III'S, le moins qu'on
sommeil 33 . Helene Deutsch avail cu droit a deux endormissements de puisse di re est que Frcud n' a pa ~ l'le d 1~t 1 ' l. Ai nsi. sur 43 de ses malades
Freud pendant son analysc en 1919 14 Mais lorsqu'en 1937 Smiley Blan- méthodiquemenl rcccns ·s t'l dnnnnenlcs les seuls sur lesquels on
ton rapporta au Viennois qu' un pa1 ient américain - auquel Herr Profes- possede des détails ulili sa hks en tre 1907 et 1939 - , nous avons des
sor aurait répondu : «Es macht nichts » (<;:a ne fait rien) - s' était étonné preuves comme quoi Sig1uund FreuJ , violant les regles élémentaires de
de l'avoir entendu ronfler pendant son analyse, Freud répliqua a Blanton l'éthique médicale, a rompu 1'anonymat dans 100% de ces cas, et
que jamais de toute sa vie il n'avait dormí pendant une séance35 ... communiqué a d'autres personncs des renseignements confidentiels issus
de la relation thérapeutique regardant plus de la moitíé d' entre eux !39 Il
Il convenait de maquiller les flétrissures dans 1' image flatteuse du suffit d'ailleurs de lire les correspondances, ou les récits des patients,
créateur de la psychanalyse. Comme le rappelle Elisabeth Young- pour se rendre compte a que! point la confiance des éleves ou des
BruehJ36, au moment de la préparation de la premiere version de l'édi- patients était inlassablement trahie par le grand médecin viennois. Carl
tion des lettres a Fliess, il fallait le protéger des attaques déja irrévéren- Jung n'ignora aucun secret, Ernest Jones saura les détails de l'analyse de
cieuses de plusieurs publications de l'immédiat apres-guerre. Ainsi, l'ou- sa maitresse Loe Kann, Sandor Ferenczi de la sienne, Elma Palos,
vrage d'Helen Puner en 1947 37 - livrant déja une opinion proche de Abraham Brill du pauvre Horace Frink, Ruth Mack de son futur époux
ceBe, mieux documentée, de l' iconoclaste Mariane Krüll en 197938 - Mark Brunswick40 . De méme, Freud rédigea le cas de Mark Brunswick,
avait eu le culot de supposer que Freud avait une haine pour son pere d'une fa<;:on déguisée mais reconnaissable41 . Les noms des malades
Jakob, pour sa médiocrité, et pour sa religion; puis, partant dans une pouvaient étre dévoilés en public. A la société psychanalytique de
guerre contre les croyances séculaires, Sigmund avait fabriqué la psycha- Vienne, par exemple, le nom d'un patient de Freud, dont le pere (Theo-
nalyse comme une religion de substitution et remplacé son pere par une dor Herzl, voisin du 19 Berggasse) était le célebre fondateur du
fiction . Helen Puner avait eu l'audace, et hélas! du succes en librairie, sionisme, sera révélé en réunion42 . 11 pouvait parler d'un patient a un
bien avant Carl Jung et Peter Swales, de supposer que l'inventeur de la autre malade, a des individus non concernés, a des proches ou des étran-
psychanalyse était en privé un homme commun qui pouvait avoir gers, et employait les confessions de ses disciples en analyse, ou les l¡
commis quelques écarts de fidélité conjugale. Tout cela était intolérable confidences de leurs maitresses et amants, qu'il divulguait pour les
au mouvement : comment peut-on oser penser contre le freudisme? manipuler ensuite. Quand ses anciens admirateurs, analysés par luí,
Comment, surtout, ces infideles peuvent-ils prétendre appliquer a la tombaient dans l'opposition ou la disgdice, alors les travers intimes et
personne du fondateur les instruments qu'il employa lui-méme contre les souffrances cachées des anciens alliés qui comptaient sur sa loyauté
contestataires, ces hérétiques, apostats, et autres renégats de 1' ortho- devenaient des armes contre les nouveaux ennemis. La fin des échanges
doxie ?! Alors, sans répondre au contenu de leurs critiques, ces auteurs avec Carl Jung, d'une violence inou·ie au moment de leur rupture, suffit
sont dévalorisés et avilis comme des malades, et puis toutes les informa- d ' ailleurs a l'édification du lecteur de leur énorme correspondance sur la
tions susceptibles de leur donner raison sont supprimées, tout en insis- profondeur de !'estime que Sigmund Freud éprouvait a l'égard de ses
tant sur l'idée qu'ils n'étaient pas ... bien informés. Ernest Jones jugera plus précieux collaborateurs.
ces publications sacrileges suffisamment périlleuses pour Jeur consacrer
quelques commentaires aigris dans sa biographie rectifiée du grand Plusieurs de ses cas publiés ont été reconnus de leur vivant, quelques-
homme. uns étaient proches de sa famille ou de ses amis et on pouvait discuter de
leurs secrets d'alcóve avec une étonnante liberté.
En caviardant les lettres a Wilhelm Fliess, il fallait répondre au présent
Par exemple, quand le cas Anna O. - cette imposture prodigieuse
et rectifier le passé pour édifier !'avenir, organiser une histoire appro-
qu'on présente encore comme le fondement hi storiquc du frcudisme - ,
priée, prestigieuse, puis consolider dans la conscience du public l'illu-
fut publié en 1895 dans les Études sur l 'Hystérie de Bn:ucr et 1-'reud, la
sion de la vérité psychanalytique en forgeant la statue immaculée de
famille et l'entourage de la malade reconnurent Bcrtha Pappenhe im dans
Freud.
Anna O. sans aucune hésitation, car « la chost t tail de notoriété
11 aura fallu attendre plus d'un tiers de siecle pour admettre, avec publique» 43 . De méme, ayant rédigé son cas Doru en quin1. · jours en
l'édition de cette correspondance en 1985, que les informations é limi - janvier 1901, Freud l'adressa le 5 juin suivant, so11s k litll' 'fi ·mml tmd
40 MEN SONGES I'I<I '.U illl ·.NS III S IIIIIO • l l ' IIN I· lli ·. S IN J·ORM I': I'IO N S t ·: ('IIJ.AIIH '. 1 ) ' 1 ) 1 11 1 ', \ 1 1 11 ' •, 11

Hysterie, au Journal Jür Psychologie und Neurologie. Mais Brodmann, NOTES


le rédacteur en chef de la revue, lui renvoya aussitót sa rédaction a cause 1 Lettre du 22 d6cc111bn: 1K')/ . 1'111' 1 'tlll/fllt•ft' !t •llt't' uf .\'¡gtllltllll Frt•lld ro Wilhelm Fliess
de la violation du secret médica!. Déja, le psychiatre Ziehen, auquel il 1887-1904, Jctfrey Ma sson ,·d .
l'avait préalablement adressée, avait émis de séveres réserves en raison 2 C.f Schur (1972): 574 sq.; Ma ~ ."HI ( I'IK·I).f!il.l'.l'illl & 2 16 notes 17 el 18; et Masson
des indiscrétions. L'auteur fut done obligé de revoir sa copie, qui parut (1985), introduction i\ Coiii¡Jft•ll' f .t'l/1'1'.1' Fn·tuf Flie.1·s: 5 sq., oü l'on trouvera l'échange
en deux parties, sous sa forme actuelle, a l'automne 1905 dans qui suit.
) Lettre de Freud a Abralwm, 1.1 fivrif'r 1Y//, citée par O ay (1988), vol. 1 : 30 l. Dans
Monatschrift für Psychiatrie und Neurologié4 . Le freudien Patrick
l'introduction a la 1" édition des uf/res á Fliess, cette lettre est tronquée par Ernst Kris
Mahony montre que l'anonymat de Dora n'en était pas un et que tous (in Naissance de la Psycharza/yse : 38 n2).
étaient au fait de son identité 45 . Ida Bauer, alias Dora, était si aisément 4
Camet de M. Bonaparte, cité par Masson ( 1985, lntrodu<.:tion a Complete Letters), p. 9;
identifiable, y compris dans la publication définitive, qu'on peut se et par Molnar (1992) in Freud, 1939 Kürzesre Chronik: 214.
5
demander avec Max Scharnberg si ce n 'était pas délibéré. Scharnberg Berthelsen ( 1989) : 83.
0 e¡: Jones, vol. 1, début du chapitre XIII.
défend 1' idée que Freud livra intentionnellement des détails précis, pour 7
Le mariage avait fait di re il Freud (Lettre a Fliess, 1 1/311900), narquois, que Fliess était
une fois, afin que Dora se reconnaisse puis soit identifiée, ce qui fut le
victime d'une « Breuerisation » (Verbreuerung).
cas, et ce polir la punir de l'offense qu'elle luí fit d'abord en se rebellant R Lettre á Fliess, 2216//894. Cette lettre est tres séverement purifiée. y compris de cette
con trc la manipulation et la contrainte qu'il avait exercées sur elle information.
pendan! le \<l raitement » - dépourvu de tout effet par la faute de Dora " e¡: Freud ( 1939) : Las/ Wi/l; et Roazen ( 1990) pour ses commentaires.
sdon 1;rcud - , cnsuite en mettant fin aJeurs relations, brutalement et de 1" Avant propos de « Naissance de la Psychanalyse, Lettres a Wilhelm Fliess, Notes et
son propn.: chef, le 31 décembre 190046 . Plans (1887-1902)», trad. fr. PUF, 1956, pages V-VI.
11
Lettre á Fliess 71811901 .
12 Mon décomptc selon Masson ( 1985) : Complete Lellers Freud-Fliess (Appcndix, p.
Conlraircmcnt a l'affi rmation des éditeurs de la premiere mouture
471-482). Quelques lettres de Fliess et de Freud ont été retrouvées a la bibliotheque de
truqu6.: des lettres a Fliess, que reproduisit le servíle Jones dans sa
l'université de Jérusalem (ibid. : 30 n) .
hiographic - « l'auteur du présent ouvrage a pu prendre connaissance ~., Ernst Kris, introduction a Naissance de la Psycharzalyse : 1-43.
des lcttres et des passages non publiés. Ils contiennent maints détails 14 q: Wilcocks (1991) : chap. 7, qui met fin au montage. Le reve en question est dans
sans importance ... », assurait-il 47 - , ce qui a été soustrait est le plus L'irzterprétation des reves : 98 sq., 254 sq., et 1895, Entwurf einer Psychologie : p. 357
important, au point que notre vision de l'histoire de la psychanalyse se (trad. fr.). Le reve de Freud, daté par lui du 2417/1895 (Lettre a Fliess, 1216/1900) ne peut
pas contenir des informations relatives a la maladie de sa tille Mathilde, une diphtérie, qui
trouve irrévocablement bouleversée depuis l'édition enfin complete de
aura lieu deux ans plus tard (cf sa Lettre c1 F/iess 171311897, bien sur éliminée de l'édition
ce courrier en 1985. Nous luí devons, outre des déchirements personnels, originale) .
une révision diriman te des altitudes des spécialistes a l, égard du freu- " Sulloway (1979): 214 sq. , et Masson, Complete Letters Freud-Fliess: 459.
disme, puis un véritable bombardement de travaux dévastant ses cons- 10 Malgré les tentatives de dissimulation des fideles (Jemes, vol. 1 : 345; Schur ( 1972) :
tructions et ses mensonges, en meme temps qu'un raidissement des 278; Gay, vol. 1 : 260), cette affaire de plagiat et de mensonges éhontés, ou Freud appa-
ralt en mauvaise posture face a Fliess, est accessible depuis longtemps : if Ellenberger
gesticulations des thuríféraires de La Cause freudienne. Le lecteur fran-
(1970): 788; Roazen (1975): 93 sq.; Szasz (1976): 144 sq.; Sulloway (1979): 223 sq.;
9ais, qui ne peut toujours pas Jire dans sa Jangue l'intégralité des reuvres Chauvelot (1992): 55; Kerr (1994): 80 sq.; et, bien sur. l'année 1904 dans Complete
de Sigmund Freud, est désinformé par l'absence de traduction des Letters Freud-Fliess de Masson, éliminée de l'édition fran~ai sc.
travaux historiques les plus importants, encore désinformé par la non-pa- 17 Gay ( 1988), vol. 1 : 633.
rution dans notre pays de ces Lettres Completes de Sigmund Freud ii '" C.f Whyte (1960); Veith ( 1965); Ellenberger ( 1970) ; Sulloway ( 1979). «La guérison
Wilhelm Fliess, et toujours désinformé par l'édition préhistorique qu'il par )'esprit>> de S. Zweig (1931) est traduit chez Belfond en 1982.
19 Lettre á Fliess, 17112!1896 (fortement purgée).
est obligé d'utiliser, celle de 1996 aujourd'hui, la septieme copie 20 Lettre á Fliess, 111211897 (dans la lettre datée du 8/2/1897). Ces propos onl été évacués
conforme de l'originale de 1956 ne comportant toujours pas les modifi - de l'édition fran.;;aise. Par contre, on y trouve (Naissance de la fi.I',Vt'luuwly.~<' : 170 n 1) une
cations décisives déja apportées en 1966 dans la Standard Edition, puis note de l'éditeur indiquant que Freud cst sur la voie de « la <.:1)/ lll" '" ll' ll""" de' phases
en 1975 dans la deuxieme édition allemande4R. évolutives de la libidO>>, et que le fondateur meten doute le rfllt: l ti o log1qll ·des trauma-
tismes sexuels su bis dans 1'enfance!
21 C.f, par exemple, Lettre á Fliess, 1418//897.
22 Freud (1905), Drei Abharzdlurzgerz zur Sexualtheorie, préra,·c 111) () (P•'I',l' 1}).

2.1 Freud (1905), Drei Abharzdlungerz ... : 65 sq., et note 39.


42 MENSON< ;¡ :S I·HI · llll ll N', lll 'oll li HI 11 1/N I· lli ·.S INH li<Mi\' II ON S I•(' I ILAIR I\

24
Sulloway (1979) : 303 (le litre cxac t uu li vn.: uc Moll était Untersuchunxen über die
Libido sexualis). Chapitre 3
25
Lettre a Fliess, 1411111897.
26
Freud ( 1905), Drei Abhandlungen ... : 72-73 . Dans le e as de l'homme aux loups, on
trouve aussi cette découverte du grand observateur de la psychologie de l'enfant : « Les
La cause frcudicnne ct son parrain
b~bés ne souillent de leurs excréments que les personnes qu'il s connaissent et qu'ils
aunent. lis ne trouvent pas que les étrangers méritent cette distinction >> (Cinq Psychanaly-
ses, page 386 ni). ·
27
Cf Macmillan (1991): 309.
2
~ Minutes de la société psychanalytique de Vienne, séance du 1111111908. Cf aussi
<< Mai s, dites-moi, votre Freud était névrosé jus-
Lettres de Freud a Jung des 8111 et 1211111908, et Sulloway (1979) : 472.
qu' a la moelle! ,,
Sur ces propos, cf. Lettre de Freud a Abraham, 231511909 (absente de leur correspon-
29

dance, citée par Gay (1988), vol. 1 : 318), et Lettre de Freud a Jung, 161511909.
Jean-Paul Sartre'
°
3
Cj. mon chapitre Léonard et les droles d 'oiseaux, et, sur le cas du « petit Hans >>, le
chapltre Suhstance Clinique.
" Caviardé dans la Lettre du 281511888.
11
Cavi ardé dans la Lettre du 151311898.
'' Kardi ner ( 1977) : 1 16.
CAPO DI TUTTI CAPI
" llclenc Dcu tsch, entretiens avec Roazen (1975): 461.
" Bl ant on ( 197 1), Joumal de mon analyse avec Freud (séance du 4/8/1937, p. 98-99). Sigmund Freud a toujours exercé un controle dictatorial sur le contenu
" Yo ung- Bruehl ( 1994), A Hist01y ~~r Freud Biographies : 159-160. de l' édition de son école. Les équipes éditoriales des revues psychanaly-
11
llcl ·n Walke r Puner, Freud: His Lije and Mind, Howell & Soskin, New York, 1947.
'" K1UJI ( 1979). Sigmund, fils de Jacoh.
tiques étaient constituées et surveillées par lui. De meme, la maison
''' Lynn & Vaill ant ( 1998). d'édition lnternationale psychoanalytischer Verlag, fondée a Vienne en
"'" Sur ces sujets, vo ir ici le chapitre : Coarte Chronique des Années de Plomb. 1919, demeura sous son autorité, financée par ses proches, puis gérée par
" En 1938 uans «Die lchspaltung im Abwehrvorgang >>. son fils Martín au début des années trente.
41
Mimllt'S, vol. 2, 9/1 2/1908.
41
Hirsc hmüll er (1 978): 213 ni. Sur le cas Anna 0 ., voir ici le chapitre: L'enfance de Des 1910, il exige d'avoir connaissance des articles avant publication
l'art . ·
44
dans Zentralblatt für Psychoanalyse, la revue du mouvement, et ce
Lettre de Freud a Ferenczi, 201111909. Cf Wilcocks (1991): 191-192; Jones, vol. 1 :
«pour que certaines propositions puissent etre éliminées d'avance»
397-398 & vol. 2 : 272-273; et Masson (Complete Letters Freud-Fliess : 457-458n). En
affirmant avoir suivi Dora en 1899, Freud brouille les pistes dans la publication du casen (Lettre de Freud a Jung, /3/1/1910). Il va effectivement supprimer des
1905 (Bruchstück einer Hysterieanalyse) et en 1914 (Zur Geschichte der psychoanalyti- articles compromettants, censurer des paragraphes et ordonner a Carl
schen Bewegung) ; c'était en fait a la fin de l'année 1900 comme l'indiquent, au jour le Jung de veiller au maintien de l'orthodoxie. On doit tui ménager avant
jour, ses courriers a Fl iess.
45 chaque parution une séance spéciale pour administrer son droit de « veto
Mahony (1996) : 224.
46
Scharnberg (1993), vol. 1 : chapitre 6. Sur Dora, voir ici le chapitre: Substance Clini-
absolu» (Lettre a Jung, 21511910)2. La «franchise psychanalytique»
que. consistant a « ne rien sacrifier aux fins de cacher la discorde aux adver-
47
Ernest Jones (1953), vol. 1 : 318-319. saires de I'extérieur», il estime que, grace asa politique, son « influence
·~ La <<Standard Edition » anglaise (*SE vol. 1, 1886-1899 : Pre-Psychoanalytic Publica- sur le nouveau Zentralblatt sera illimitée» (Lettre a Jung, 261511910). I1
ttons and Unpubhshed Drafts. Trad. James Strachey) contient une version remaniée en
rassure Carl Jung sur le fait qu'il peut, lui écrit-il, «exaucer tout ce que
1966, avec des ajouts, mais encore incomplete des courriers a Fliess.
vous demandez et supprimer ce qui ne vous plaí't pas. Mon controle
deviendra plus sévere avec le temps ... » (Leure a JunM , 3 1/10/1910).
Jung, de son coté, s'autorise a réécrire les manuscrils qu 'o n lui confíe
avant parution, ou les retient pendant des mois, fait obstaclc au x criti -
ques o u empeche autoritairement la publication des réponscs d' autcurs
éreintés par les joumaux du mouvement 3 .
Ayant repris des mains du dissident Alfred Adk1 la pi n. itkncc de
l' Association Psychanalytique de Vienne, Freud s<.: co11 s1dt' H· '' 1nain1 ·-
44 MENSONGES I'I<UII>II ·NS 111',1(111{1 · ll'IIN I· I>J ·.S INI:OI<Mt\'IION SI,('III .AII{" o 11 1 1111 1•11 Hl i 11 ,, N 1'· llll ¡\I N

nant comme I'exécuteur de la vengeance de la déesse offensée libido» et Souvent, le Profcssl'ul O( litll( ' d1··, IHIIII'>\''> a11x plus uét.:cssitcux -
veille «aussi plus séverement qu'auparavant dans le Zentralblatt a ce que Theodor Re ik ou Otto l{ank , par \'X1'111plv , rt pu1 s plusicurs patients, tous
l'hérésie ne prenne pas trap de place» (Lettre a Jung, 3/3/191 1). C'est assujettis a Freud - , founu t 1:r c hn1t1 k :1 se:- ému lcs. protege ses disci-
pourquoi il fut excommunié : «Freud - en tant que dirigeant d'une ples. Se facher avcc fui p1>u vai t srgnilicr la ruine. Abram Kardiner
église- renvoya Adler, ill'expulsa de l'église officielle» 4 , rappela Max · rapporte que toute la stluctun.: L:conomique du mouvement reposait
Graf, le pere du « petit Hans». Vingt-cinq ans plus tard, sa rancune depuis le début sur les épauks de Sigmund Freud, et que son clan était
tenace n' était pas retombée quand il honora la mémoire de 1' apostat rendu tributaire de ses clécisions. 11 « était le dispensateur de toutes les
Alfred Adler, qui venait de mourir brutalement en mai 1936 : « Je ne faveurs et des patients pour tout le groupe des psychanalystes a Vienne,
comprends pas, écrit-il a Arnold Zweig, votre sympathie pour Adler. et c'était la a la fois une source de loyauté et de corruption ( ... ) JI avait
Pour un gar<;:on juif d'un faubourg viennois, une. mort a Aberdeen est une une quantité énorme de controle sur 1' avancement du statut et de l' éco-
carriere inhabituelle en elle-meme et une preuve de son avancement. Le nomie»8. Son pouvoir s'accrut encare avec la célébrité et J'exportation
monde l'a réellement généreusement récompensé pour le service qu'il internationale de ses produits.
lui a rendu ~ n s'opposant a la psychanalyse» 5 .
De la meme maniere, Freud dispose d'un droit ele regard sur la parodie
d'élection du président de l'IPA - 1' Association Internationale de
Quand Freud se fachera a l'automne 1912 avec I'autre renégat,
Psychanalyse fondée au printemps 191 O - , promeut les responsables
Wilhl'lrn Stekcl - qui détenait depuis le départ d'Adler la responsabilité
des sociétés satellitaires, assure leur progression hiérarchique, prononce
editor iall' du Zl'lllmlbla!l - , sa faillite fut organisée sans état d'ame par
des destitutions, ou encare oblige ses adeptes (Rank, Ferenczi, Wittels, et
1k11 Profcssor. Estimant qu'un « rapide effondrement du Zentralblatt
d'autres) a lui lire en privé leurs sujets avant édition ou conférence. 11
IHHr s r(jouirait tous »6 , il incita ses fideles de l'époque (Rank, Sachs,
valait mieux ne pas avoir de pensée divergente, comme tous les hétéro-
.llHtl'S, L:IC.) a I'Clirer (OUS leS articles préVUS pOUf pubJicatÍOn dans Ce cloxes l'apprirent aux dépens de leur narcissisme lors de séances d'humi-
jPurnal paroissial, et a fonder aussitot une nouvelle revue officielle du liation publique mémorables, inimaginables dans les milieux scientifi-
rtto uvcm<..:n l. Ce qui fut fait : Zentralblatt für Psychoanalyse disparut ques, habituelles dans une secte et les régimes totalitaires. Et plusieurs
rapidcmcnt sous les pieds du pauvre Stekel, et l'orthodoxe Internatio- auteurs ont vu Jeurs travaux interdits de publication pendan! des années
na/e Zeitschr!fi für Psychoanalyse, bulletin consistorial controlé par par la terrible censure freudienne.
Jones, Rank et Ferenczi, créatures de Sigmund Freud, s'y substitua.
L'infortuné Sandor Ferenczi fut victime de tout cela, et de la calomnie,
En 1932, Sandor Rado était directeur éditorial d'Imago et de i'1nterna- pour des raisons qui n'étaient certainement pas scientifiques. Melanie
tionale Zeitschrift für Psychoanalyse, deux revues de propagande de Klein a subi le meme empechement, pour des motifs qui l'étaient encare
large diffusion. Rado, alors aux États-Unis depuis 1931, s'était fait moins : elle avait le tort de faire des propositions théoriques originales
remplacer provisoirement sur le vieux continent par Otto Fenichel, et ce - fort dissidentes alors qu'elle utilisait l'Unique Méthode Freudienne
demier, en partie du fait de ses sympathies bolcheviques, avait un diffé- foumissant la seule et supreme Vérité - , et surtout opposées a ceiJes
rend avec Freud. Sigmund Freud profita alors de son absence pour pren- d' Anna, la filie du Grand Timonier. Aussi, quand Max Eitingon suggéra
dre les affaires en main, car - écrivait-il a S. Rada toujours directeur d'interdire la parution d'un ouvrage de la rebclle a Sigmund Freud,
officiel, et sans lui demander son avis - ~<j'ai décidé de déplacer celui-ci répondit aussitot que «Si nous avons une bonne occasion de
l'équipe éditoriale a Vienne. Federo et Hartmann vont prendre en charge différer la publication du livre de Melanie Klein el finalcmenl de le reje-
la revue internationale, Kris et Waelder ( ... ) s'occuperont d'lmago»7. ter, nous devrions la saisir. Par égard pour Anna, jc suis obligé d'etre
Sandor Rada avait la réputatioil d'un honnete et tidele clinicien, et il partía!... »9 .
analysa de nombreuses célébrités aux USA (Mary McCarthy, Leonard
Bernstein, Benjamín Spock ... ). Les attitudes dictatoriales de Freud Jui Bref, !'embargo désinformatif avait été lancé par Sigu1uttd Jo'r·~,;ud. et le
déplurent et, 1' ayant fait savoir, il devint, en re tour, définitivement «un mouvement psychanalytique emboita son pas viL D' aillnrrs , les n~s pon­
traitre ». sables des Archives Freud prendront apres sa mort la pll'l':llltion d' intcr-
46 M ENSON(iES I ·RElii >JJ ·N S 111.\ II IIIH I I ' I IN I · I )J,SJN )'( )I{M i\ JI ON S(,( 'lJI .i\ IHI' 1 A 1 Al l'.t i 1111 11•11 N~ H 1 1 '. 1 11~ 1',\1!11 \I N ·11

dire l'acces a l' information, dont, en príncipe jusqu'a l'an 2000, cet dispensé comme lui -mcmc d c pui ~ k ddHII dl' \:t co ll altorati on a la cause.
échange épistolaire avec Max Eitingon qui vient d'etre cité. En quinze années d' intimité awc l ' :tl' l' ll ~l-. ¡;a nc Lui ava it pas un seul
instant traversé l'csprit , ct cu l:gard ü son parfait équilibre psychologi-
que, Otto Rank, un des meillcurs élémcnt s, ne nécessiterait jamais cette
normalisation 14 . Tous pouvaicnt néa nmo ins constater que Rank, secré-
LE SEIGNEUR DES ANNEAUX taire de 1' association psychanalytique de Vienne, ami personnel de
Sigmund, membre du Comité et psychanalyste non analysé, souffrait de
Des le début du xxe siecle, les comportements sectaires des milieux troubles de l'humeur et d'une phobie du contact l'obligeant a porter des
psychanalytiques étaient reconnus par plusieurs observateurs - Aschaf- gants en permanence pour se protéger des souillures et serrer les mains.
fenburg (1906), Friedlander (1909 et 1911 ), Hoche ( 1910), Boris Sidis Tous les membres du clan étaient psychologiquement des originaux.
(1910), et bien d'autres personnes que Freud déoigrera sans répondre au Mais l'essentiel étant pour Freud a ce moment le conformisme théorique
contenu - , avant d'etre brillamment analysés par George Weisz en et thérapeutique dans une soumission totalement aveugle, peu luí impor-
1975, puis en 1976 par Fran~ois Roustang quand il était encore psycha- taient les caracteres spéciaux ou perturbés qui 1' entouraient.
nalyste t<>. De meme, en 1919, «les médications psychologiques », une
énorme compilation en trois volumes par Pierre Janet sur les psychothé- Fin 1923, Rank avait offert et dédicacé affectueusement a son ma!tre
rapi s rcccnsant quin ze années d'études, n'avait pu s'empecher de faire
l'ouvrage de sa vie «Le traumatisme de la naissance », bien convaincu
k rapprochcmcnt avec le sectarisme de la Christian Science.
que 1'idée central e était de Freud. De fait, car depuis 191 O, apres avoir lu
Tout d ois, il faudra attendre Phyllis Grosskurth pour que l'on puisse le précédent livre de Rank «Le mythe de la naissance du héros » ( 1909),
en fi n. en 199 1, commencer a découvrir avec plus de détails les mceurs Sigmund Freud voyait dans I'horreur de la naissance le prototype de
sin guliucs du Comité Secret, dont J'existence n'avait été dévoilée qu'en toute peur 15 . Certains croient toujours a ce mythe ancien, bien que les
1')4 tl par llanns Sachs, un de ses membres. Sous l'autorité occulte de nouveau-nés auraient beaucoup de mal a mémoriser cet événement
Sig111und I:reud, ses élus réunissaient, de 1912 a 1927, dans «le secret le affirmé «traumatique» - la majorité étant dans le coma a leur nais-
plu s abso lu », une ·véritable conspiration convaincue, comme les psycha- sance, surtout les plus traumatisés d'entre eux, sans compter l'inévitable
nalystes modernes, d' appartenir a une élite. Ils étaient sept initiés : Max amnésie des trois premieres années apportée par l'immaturité do
Eitingon, Sandor Ferenczi, Karl Abraham, Otto Rank, Ernest Jones, cerveau, qui rend impossible la fixation des souvenirs dans la mémoire
Hanns Sachs, et puis S igmund Freud, instigateur du Comité « strictement événementielle. Mais les freudiens étaient dispensés d'enquete.
secret » 11 • Le maitre offrit a chacun une intaille antique, leur laissant le
soin de monter ce bijou, signe de reconnaissance rituelle, sur une bague. Freud soutenait Rank avec ardeur dans sa conviction et l' encourageait
Et, en 1920, quand Max Eitingon rempla~a dans le groupe Anton von publiquement dans cette voie depuis au moins 1922. A partir du moment
Freund, décédé, il hérita de l'anneau sacré de ce dernier, qui n'était pas ou le Professeur estimait que c'était la «le développement le plus impor-
analyste mais un riche brasseur. Les sociétaires échangeaient chaque tant depuis la découverte de l'inconscient » et une splendide confirma-
semaine des lettres circulaires secretes (Rundbriefe), dont Otto Rank tion de ses points de vue, tous les freudiens retrouvaient automatique-
s'appropria la majeure partie lors de son départ fracassant en plein ment les fantasmes rankiens du traumatisme de La naissance chez leurs
congres de Salzburg, le 22 avril 1924 12 • Ensuite, Anna Freud, évidem- propres patients, alors que cette évidence ne les éclairait pas aupara-
ment, occupa la place laissée vacante par Rank 13 . vant16.

Otto Rank, d'origine modeste et ayant connu une ascension fulgurante Mais hélas! comme Sandor Ferenczi, Otto Rank préconi sait en plus
grace a Freud, dut longtemps faire face aux critiques acrimonieuses et une thérapie active, efficace et surtout breve, en laqu cll c Frcud , apres
I'avoir vantée, vit bientot un danger pour son dogmc. Alors Frcud chan- ,,'
aux jalousies puériles de ses collegues, jugeant qu'il devait s'incliner
pour une rectification didactique sur le divan et ainsi rentrer dans l'ortho- gea d'avis, et ses fantasmes du traumatisme de La naissun ce s'évanoui -
doxie mentale, la leur - bien que ces contradicteurs ne fussent pas rent aussitot magiquement chez les memes patient s dcs lll( 111 ~s cmu les,
analysés eux-memes. Pour le détendre, Freud estimait au départ que son lesquels, n'attendant que ce revirement, attaqucrcnt illconlinclll , avcc
jeune aftidé n'avait aucun besoin d' une analyse, et qu'il s'en était férocité, Rank ... qui s'était trompé. Diable! Le che f nl· toll- mit qu ' unc
48 1 /1 1 /l ll .'d 1 111 111 •11 1~111 1 1 •. 11 n 1'•\IW 1\I N ·1'1

pensée, la sienne; et ses prosélytes, les harpies, ne pou vaient posséder Mais quelques lcmps apn:s sa H"dt"111pl11111 , l< :uil, 11sa quillcr détinitive-
qu'une idée, la sienne. ment le clan pour s' installcr :1ux 1~ tal ~ ll111 :-, daus une pratique visant une
efficacité thérapeutiquc qui 11c pouvail ·1rc.: le frcudismc, la seule vérité.
Karl Abraham - lui-meme non analysé ear, suivant la voix de son Malgré sa guérison opportune de 1924 par l'a nalyse freudienne- qui,
maí:tre, il n'en avait pas l'utilité -, verra aussitót que Rank, du fait d'un · telle un vaccin, empechc la survcnuc future de déboires névrotiques, et
eontlit non résolu avee son pere, était un grand malade régressant sur la assure la normalisation mentale - , il fut des lors considéré eomme irré-
voie morbide vers son stade « sadique anal» (une invention de K. médiablement fourvoyé, irrécupérable et aliéné a nouveau .
Abraham)- sans l'avoir psyehanalysé ear Abraham, fidele eonvergent,
avait néeessairement raison 17 . Done, Rank ne pouvait élaborer une idée La tradition répétera- et Sandor Ferenczi puis d'autres subiront les
divergente sans une pathologie mentale, sévere et nouvelle. memes avanies - , que le freudisme avait perdu Rank a cause de sa folie.
Une campagne de dénigrement fut entretenue par le gentil Ernest Jones
Du fait de eette opposition au Parrain, le redressement psyehanalyti- qui laissa d'abord courir le bruit que son meilleur ennemi faisait fortune
que de Rank, naguere supertlu, devint soudain un impératif eatégorique, aux terribles États-Unis depuis 1925 grace a des secrets de confession
puis fut exécuté dans l'urgenee par Sigmund Freud en séanees intensi- extorqués sur le divan a des patients, qui lui permettaient de gagner en
vcs, quotidiennes et aeeélérées sous eontrainte 19 Berggasse. Fin déeem- bourse 20 . Ensuite, Otto Rank, a la suite d'une cabale, fut honteusement
brc 1924, désormais guéri de sa dérive mentale «exaetement eomme s'il exécuté en public lors d' une réunion officielle le 1O mai 1930 : traité de
avail accompli une véritable analyse», selon Herr Professor, Otto Rank détraqué devant les plus hautes notoriétés du mouvement, il fut sur-le-
dut alors rédigcr des aveux foreés : sa dissension (émotionnelle) était le champ exclu de 1' Association Américaine de Psychanalyse et de 1' Asso-
f1ui1 de ses troubles névrotiques, d'une résistanee infantile eontre la ciation Internationale de Psychanalyse, puis tous ses éleves durent
veril(' (théoriquc) révélée du Pere. Rank adressa son incroyable lettre de retourner sur un divan orthodoxe pour la rectification mentale convena-
co ntrition a (OUS les freres du Comité Secret, demandant leur Grand ble21. Plus tard, on propagea la rumeur comme quoi Rank était mort fou
Pardon , un rcpentir ignoble visiblement dicté par Freud, semblable a la dans un asile. En réalité, il fut emporté par une septicémie a 55 ans, en
dépos ition humiliante de l'accusé d'un tribunal bolchevique. Soumis a la octobre 1939, quelques semaines apres Freud.
question de la psychanalyse, qui n'est qu'une pseudo-médicalisation de
1' Aveu, l'ange Rank déchut. Le hongrois Sandor Ferenczi eut droit a une mésaventure semblable.
« Astrologue de cour » élevé au rang de «paladio et grand vizir secret »
Des le lendemain de la repentance de Rank, le Grand Inquisiteur se par le calife Sigmund Freud 22 , il fut un des rares élus du groupe a avoir
réjouissait, aupres de Ferenczi, «de ne pas avoir accordé ma foi a quel- été analysé par Lui, du moins pendant quelques heures, et resta le plus
que personne saos valeur ces quinze dernieres années », et d' etre « totale- dépendant affectivement a son égard. Le grand vizir, comme d'autres,
ment dépourvu de culpabilité dans toute cette affaire» 18 . Freud ne cher- avait néanmoins bien des singularités. 11 préconisait dans 1' anal yse de ses
chait pas a améliorer la condition psychologique lamentable de son malades le recours a des procédés «actifs», que Freud appelait des
ancien disciple aimé. Il fallait que Rank, rendu malheureux et influenºa- « parties de pelotages »23 , avec contacts physiques, cajoleries et reman-
ble, servile, s'humiliat, puis avouat sa faute et la renvoyat a un trouble trances, punitions et petites fessées, caresses et gros baisers (la
psychiatrique certifié, par écrit, dans le langage freudien. La santé « Küsstechnik »), récompenses et cadeaux, et tres généralement de laisser
psychologique requiert d'etre en accord avec Sigmund Freud. La diffé- libre cours a l'expression des émotions, voire au relflchcment sonore
rence est le signe d'une anomalie mentale, ou la révélation de la néces- complet des sphincters si le stade anal était alors invoqué dans un retour
sité d'une analyse, par définition. Dans sa maladie, Rank «ne voulait du refoulé durant l'analyse réciproque des deux partcnaircs, l'un par
renoncer a aucune partie de la théorie dans laquelle se manifestait sa l'autre. La psychanalyse mene a tout, a condition d'cn sortir.
névrose » 19 . L'hérésie était cette névrose, dont son cerveau morbide fut Le disciple préféré avait la réputation d'un grand clinicic.:n, capablc
lavé en quelques jours, car la psychanalyse rectifie les consciences. Tels d'une profonde empathie a l'égard des malades, un de s plus honnctcs, et
sont ses buts : inquisition, conversion, manipulation. On appelle cela fidele a Freud. Mais, respectueux des patients qu ' il voulall giiL"fir i'l luut
«<'analyse didactique». Et ce n'est pas gratuit. prix, Ferenczi accordait plus d'importance aux événcllll'llt s 1 ú· l ~ qu 'a ux
1 Al l'd 1 1 1 111111 WH 1 1 '.1 IN I'A I!I<A IN ~ 1
50 MENS<>N(:i \S l·l(l •l lllii •N\ 111 '• 1111111 li ' I IN I 1 111 •\ IN I·I )I(M A: IHI N S f·<' lllt\1 1( "

fantasmes, et fut des lors, surtout a pmtir de 1932, accablé par Freud qui LE MYSTERE MAX, DE LA IIOI{UI•: SAliVAGE
vit dans cette dérive objective et rationaliste un des plus terribles dangers
encourus par son dogme, a juste titre. Alors, le mouvement le fit passer Le milliardaire de la bours · Ma x Eitingon, apres avoir financé J'ex-
pour fou. Apres sa disparition, en 1933, au décours d'une «anémie pansion de La Cause et en grande partie la Policlinique psychanalytique
pernicieuse» -une maladie de Biermer que Freud puis Jones présente- de Berlin 29 fut, émigranl en Palesline en 1933, le fondateur de la Hache-
rent comme une démence afin de réduire le contenu des propos héréti- vra Habpsychoanalitith B 'Erez Israel, la Société Psychanalytique d'Is-
ques du hongrois a une pathologie mentale qu'il n'avait pas - , Ferenczi, raeP0. Mort en 1943, il ne ful accusé d' avoir participé aux activités du
a !'instar de Rank, fut l'objet d'une campagne de calomnies orchestrée, NKVD-KGB qu'en 1988, par un ancien membre de laCIA, et son noma
été évoqué dans plusieurs affaires humides des services secrets soviéti-
encare une fois, par son analysé Ernest Jones, savamment renseigné par
ques31.
leur maitre a tous 24 .
Max a d'abord été cité dans l'assassinat de Trotski. En fait, l'élimina-
Mais enfin, que! est le rapport entre le freudisme et la connaissance?
tion de Lev Davidovitch Bronstein, alias Trotski, fut organisée en aout
1940 par Leonid Alexandrovitch Eitingon sur ordre de Béria pour le
On sait que Freud rédigea de nombreux textes non pas en raison de compte de Staline. Leonid Eitingon, alias Nahum, alias Colonel Nahu-
l' importance des trouvailles qu'ils contenaient, mais paree qu'ils étaient, mov, alias Général Kotov, qui suivait a la trace Trotski depuis 1928, était
tcll e une Fatwa lancée par un mouftl, au service de la destruction de un officier supérieur Oguépéou, ensuite guépéou puis NKVD, spécialiste
l' oppositi on et de la dissidence. Le catalogue des reglements de compte performant pendant vingt ans des « Affaires Humides », Mokryé Diéla en
ést cupi eux25 . Chaque nouvelle parution d' anciens ti deles - ceux qui, russe dans le jargon du NKVD, l'administration lenino-stalinienne orga-
apostats, avaient quitté le mouvement et faisaient valoir leur indépen- nisant la liquidation des personnes, une officine tres démocratique, dont
dance sa ns obligatoirement critiquer le freudisme- devait, sur ordre de l'équivalent hexagonal fut le service des «affaires horno». Les souvenirs
l;reud , ctre rédu ite en miettes par les rédacteurs de l' orthodoxie de 1' as- de Sandor Rada, inédits et entreposés a l'université Columbia, préten-
sociation viennoise, et plus tard du Comité Secret. Par anticipation, les dent que Max Eitingon était le demi-frere de Léonü:P 2 • Mais jusqu'a
objections ou dérives sont des attaques personnelles contre l'etre aimé démonstration du contraire, Leonid Alexandrovitch serait un homonyme
qui, comme telles, doivent etre examinées dans la perspective d'inten- et non un membre de la famille de Max Eitingon- l'homme de l'om-
tions malveillantes a éradiquer dans l'reuf. Plus on admire Freud et on se bre, le grand argentier du mouvement freudien.
soumet a lui, plus la cécité s'impose, plus il accorde des «droits propor-
tionnels a la perfection de l'obéissance» 26 et la mort était la ran~on de Quoiqu'il en soit, la prohibition de la correspondance entre Freud et
l'insoumission. Mais alors, le prétendu savoir freudien n'a aucune indé- Max Eitingon, au moins jusqu'a l'an 2000, a de quoi faire rever. Les
pendance par rapport a sa personne; il n' y a pas d' objecti vi té, et au sens informations qu'elle contient sont fort probablement politiques plutót
strict, il n' est que la névrose freudienne. que psychanalytiques, pour autant que cela fasse vraiment une diffé-
rence. Outre les coutumes étranges de la secte du Comité, une autre
affaire mouillée qui défraya la chronique judiciaire avant la guerre aurait
La liturgie, l'idéologie, les manipulations et les comportements totali-
sa solution dans le courrier secret des Rundbrief e.
taires des membres de cette secte restaient ignorés du fait de la rétention
des informations depuis 80 ans. A lire ce qui a paru des échanges épisto- Le 22 septembre 1937, le général russe Yevguéni Karl ovitch Miller,
laires, on est pris d'un vertige et, ainsi que l' écrivait Ernest Gellner, «on un chef des vétérans de l'armée blanche, allail rcndrc visite ü des atta-
est en droit de se demander si l'on étudie l'histoire d'une association chés militaires de l'ambassade d' Allemagne a Pari s quand il di sparut en
plein jour avec son associé Skoblin. L' enquéle r6v '- la quc la chantcuse ·¡
scientifique o u si l' on s' est égaré dans Le Parrain»27 . C' était, dira le
psychanalyste fran~ais Fran~ois Roustang, « au sens propre, une bande exotique Nadejda Plevitskai'a était complice de son m;u i Ni ko l;ú' Skoblin
de délinquants, o u un gang de tueurs » 28 , o u encare «une borde dans l'enlevement du Général Miller, et qu ' ils étai ent ck :-. agc nl s soviéti -
sauvage »,se Ion les termes de Freud , dont le but était J'élimination de la ques tous les deux. Nous sommes toujours san s nouw lk:-. 1k Skobl in ct
concurrence de sa pensée uniquc. du Général Miller.
52 MENSO N(i i ·.S I ·HI ·.I/1 HI ·N\ lll '.t C111!1 11 l lN l 1l i •'. IN I •( IICMA II ON S H ' 11 1 A ll(l ' 1 A 1 \ 11 ' .1 1 11 111 •ti NI 1 l , 11 1 l ' 11 \I N

Le nom de Max Eitingon fut évoqué lors du proces de décembre 1938, ment connue de Si gnlllnd hl'ud 11 Nu 11 -. di' VIIl ll ' done att c udn: la publi -
ce qui déclencha un scandale. Certes, Leonid Eitingon, l' officier supé- cation de cettc corrcspond anl'l' nll t' ldtli', dn. l<unti/Jrief e, ou a défaut
rieur du NKVD que j'évoquais plus haut, aurait pu etre concerné par celle des documents sovi ~ tiqii L'~ fHHII L' ll avoi r !t.: co.: ur ncl.
cette opération sanglante. Cependant, Max Eitingon et sa femme, qui
étaient en relations étroites avec Moscou, avaient bien fréquenté leurs On ignore aussi d'oü provcnaic nl les fonds qui servaient au Comité a
amis Plevitska'ia et Skoblin depuis les années vingt, leur avaient rendu financer des actions occultcs pmgrammées pour assurer en Europe la
visite a l' automne 1937, et notamment le 20 septembre, deux jours avant propagande, empecher les ri sques de sédition, aftilier et inféoder les
l'enlevement. La veille de son arrestation, la chanteuse était chez Léonid sections locales comme en une sorte de Komintern .
Raigorodsky, le beau-frere de Max Eitingon. Daos sa déposition, Raigo-
rodsky essaya de disculper Max, estimant qu'il y avait beaucoup d'Eitin- Psychanalyste de tragédie, d' abord jouet des relations entre Freud et
gon a París, sans trop s'arreter sur le fait qu'il était le beau-frere d'un Jung, puis personnage clef de la politique du mouvement et du Comité,
seul... Sabina Spielrein deviendra un « sous-marin » téléguidé par le Comité.

Le milliardaire Max Eitingon - qui, contrairement a ce qu'on a Avant la premiere guerre mondiale, il était clair que Carl Jung mentait
artirrné, n'avaiL pas é té lcssivé par le krach boursier de 1929 car il avait a Freud dans ses courriers sur ses relations insolites avec Sabina Spiel-
su pl acer ses o.:ufs dans différents paniers - apparut soit comme le tres rein, sa pathétique patiente, comme sur de nombreux autres faits
~: l' n ~ rc u x « mécenc » de la chanteuse lascive Plevitska'ia, qu'il habillait de d'ailleurs. Sabina Spielrein fut hospitalisée a dix-neuf ans dans le céle-
la tete au x pi cds, so it comme un agent recrutant pour le compte des bre établissement psychiatrique Burghólzli, en Suisse, ou Jung, alors
sovil' tiqu l'S, so il com me le financier de l'opération criminelle, ou bien médecin chef agé de trente ans, commenc;a son traitement. II en fit aussi-
tout n: la ~ la fo is. Lors de son arrestation, Nadejda Plevitskai'a refusa tot sa maitresse. Informée par une lettre anonyme de I'épouse de Jung, la
d 'cx pliqucr la prove nance des vetements et voitures de luxe, des milliers mere de Sabina s' efforc;a de convaincre celui-ci d ' y mettre fin avec
de fra ncs, li vrcs el doll ars qu ' elle avait en sa possession, d'une valeur dignité. Mais il refusa, en luí répondant que cette relation « thérapeu-
considé rable mcnt supérieure a ses cachets. Néanmoins, Max Eitingon ne tique » échappait aux regles morales ordinaires du rapport entre un
fui pas dircclement inquiété lors du proces, ou Marie Bonaparte et le médecin et sa malade, carla jeune femme ne luí versait pas d'honoraires
psychanalyste René Laforgue témoignerent en sa faveur. Plevitskai'a fut pour ses soins .. . Sigmund Freud prit alors l'influenc;able Sabina Spielrein
inculpée mais, dans les tirs croisés des services d'espionnage de l'Est et sous sa protection, l'admit a la société psychanalytique de Vienne en
de l'Ouest extremement nourris pendant la terreur stalinienne, et quel- 1911, puis en analyse (1913-1914). Enfin, la rupture entre Jung et Freud
ques mois apres I'Anschluss, sa condamnation dépendait d'informations étant consommée, elle devint une psychanalyste dévouée a sa cause et
militaires classées. Elle devait purger une peine de 20 années, lorsqu'elle participa a 1, exportation européenne du freudisme .
mourut en 1940, et elle emporta son secret, qui attend encore d'etre
éclairci dans les Archives du NKVD et dans les Archives Freud.
En 1921, la société psychanalytique de Geneve avait le tort de son
Peter Gay, !'historien fidele a la Cause freudienne, est visiblement indépendance par rapport a Vienne et a l' Association lnternationale de
gené par cette nouvelle affaire glauque, dont il dit n' avoir pris connais- Psychanalyse, qui avaient déja perdu le groupe de Zurich avcc la défec-
sance qu'au moment ou son livre était a la correction 33 . Ayant fait de tion de Carl Jung. Alors, Spielrein tenta sur commande une pri se de
nombreuses recherches minutieuses, il affirme ne pas avoir trouvé de controle en Suisse mais, perc;ue par les responsables loca ux commc un
preuve sur l'implication, qu'il juge invraisemblable mais possible, de «non ce apostolique prenant possession de son diocesc » sc lon Pi erre
Max Eitingon. Selon lui, les lettres d'Eitingon a Freud ne contiennent Bovet, qui tenait le petit groupe helvétique avec Edouanl C l a pa n~dc - ,
pas la moindre trace d' une collusi'on avec les bolcheviks a cette époque. elle aboutit a un désastre et le gro upe de Geneve dul se di ssoudrc Vi . Ell e
James Rice de son coté, qui livre un résumé beaucoup plus net de l'his- essaya, vainement aussi, de psychanalyser le psycho logul' .kan Pi agct,
toire, reste prudent mais pense qu ' une lcttre de Freud a Eitingon datée qui la quitta brutalement au bout de quelques séancl'.'> , p11i s g;¡rdcra ses
du 12 décembre 1938, en plein cce ur du proces de Nadejda Plevitska'ia, distances; mais il demeura membre de la Société Psyc han:dyt iqu e de
contiendrait la confirmation de cette impli cation de son associé, parfaite- Geneve jusqu' a sa mort en 198036 .
54 MENS()N(ii ·S I·HI ·IIIIII •N\ 111 \ I<IIIU lt ' II N I · lli ·S INH>HMt\:f 'ION Sl ·('liiAII(I , 1 A 1 All '; l " " llf tlll lli l 1 1 .to N 1' JI II ·\I N

Sabina Spielrein, fusillée par les Allemands en juillet 1942 avec ses de fréquentes et fortes coupurl·~ 0111 ~· k "l'"·lltT~ . l .c~ dm:uments sont
deux filies, avait déja perdu son mari, puis trois freres dans les camps de nécessairement accessiblcs, qui pn11lÍI!'Ill p:u l'X t:lnpk de publier De la
la mort de Staline durant les années trente 37 • Elle a Iaissé trois caisses de genese du fétichisme, une confércncl' de 1:reud :'\ la Société Psychanalyti-
documents secrets : la premiere fut découverte en 1977 a Geneve, dans que de Vienne le 24 février 1909, ahscnlc de cclle éditíon el pourtant
le Palais Wilson a l'Institut Rousseau ou elle enseigna la psychanalyse consignée44 . La disparition de 1' allaquc iconoclaste contre Anna Freud
en 1923 avant de partir a Moscou, la seconde dans les archives familiales en 1922 a déja été signalée, comme l'offensíve malhonnete du 11
de Claparecte, et la troisieme dans les archives personnelles du gendre de novembre 1908 contre Albert Moll. De meme, une discussion importante
Claparede, le professeur de neurologie Georges de Morsier. Une petite de Freud, le 29 janvier 1913, sur ses relations avec Wilhelm Fliess a été
partie seulement de ces documents a été rendue publique, avec moultes écartée45. Et il ne faut pas oublier les contrefa~ons des traductíons améri-
précautions 38 • Ce qui est accessible est déja constemant pour la psycha- caine et fran~aise, par exemple dans 1'ex posé de Freud le 1er décembre
nalyse et ses inventeurs, alors nous attendroris le reste, la aussi, pour 1909 sur Léonard de Vinci.
prononcer un jugement au regard de l'histoire.
Les mceurs et coutumes de la société psychana1ytique de Vienne, de
11 ne fait pas de doute que la portion la plus importante de !'iceberg du 1' Association Psychanalytique lnternationale et de ses différents satelli-
Comité Secret demeure encore a explorer, d'autant que les Rundbriefe tes, puis du Comité, demeureront hermétiques aussi longtemps que les
ultra-confidentielles, en dehors de courts extraits, n'ont jamais été dossiers resteront inaccessibles au commun des historiens. Nous ne
publiées, ni les círculaires antérieures a 1927, ni celles qui reprirent fin saurons ríen des vendetta, crepages de chignons, enquetes inquisitoriales,
1932 a l'initiatíve d'Ernest Jones et d'Anna Freud. Au moins cinq cent rapports secrets des procédures d'excommunication, manceuvres d'inti-
vingt courriers furent échangés de 1920 a 1935 entre les protagonistes de midation, de normalisation et de bannissement, des proces en épuration
l,a Cause - car, suivant Sigmund Freud et Emest Jones, on dit qui se sont succédés depuís leurs fondations. Et sur ce qui s'est réelle-
aujourd'hui cncore La Cause («die Sache»), parlant du freudisme ment passé, «un jour peut-etre en saurons nous davantage, quand I'IPA
comme autrefois du mao'isme -, ce qui représente plus de 2.000 pages voudra bien livrer ses archives » 46 .
cntreposées dans l'ombre 39 . Les autres courriers entre les sept mercenai-
res du Comité ont été généreusement expurgés, n'ont jamais paru, ou
sont interdits. Comme les autres historiens, Phyllis Grosskurth se voit
obligée de regretter toutes ces restrictions grotesques, dont la levée est
indispensable a une histoire « basée sur les faits plutot que la mythologie,
les commérages, et les rumeurs qui ont gaché tant d' écrits sur Freud » 40 . NOTES
Déja, en 1986, sa biographie de Melanie Klein était incomplete car elle 1 Propos de Sartre au psychanalyste Jean-Bertrand Pontalis (in Jean-Paul Sartre, Le
n' avait pu accéder a la correspondan ce de Sigmund Freud avec Karl scénario Freud, p. 16).
Abraham et avec Joan Riviere, sous embargo a la Bibliotheque du 2 Cf aussi Freud (1914), Zur Geschichte der psychoanalytischen Bewegung : 124.
3 Cf Correspondance Freud-Jung, par exemple, p. 684 n4.
Congres de Washington, suite a l'ínterdiction personnelle de K. Eissler4 1•
4 Max Graf. << Reminiscences of Professor Sigmund Freud », Psychoanal. Quarterly,

Je rappelle que des Minutes - transcriptions des enregistrements 1942, U : 267. Max Graf quittera la société psychanalytique dL: Vicnnc aussit6t apres la
historiques des débats de la Société Psychanalytique de Vienne, ancetre réunion du 11 novembre 1908, celle oit le clan s'attaqua a Albert Moll.
s Lettre de Freud a Arnold Zweig. 2216//936, exclue de lcur correspondance (non
du Comité - , seules les premieres années (1906-1915, puis des frag- signalé), citée par Jones, vol. 3 : 238.
ments de 1915 a 1918) nous sont parvenues, tres édulcorées par son 6 Lettre de Freud a Iones. 8/l//19/2.

secrétaire Rank, et qu'i1 manque les vingt demieres 42 . Dans le volume 4 7 Lettre a Sandor Rado, /015!/932, citée par M. Molnar in Frt·rul 1\1.1\J. Kilr~l'.l·t e Chm·

des Minutes, l'avant-derniere sé~mce retranscrite est du 19 novembre nik: 126.


• Kardiner ( 1977) : 121, cf aussi Sulloway ( 1991) : 270-271 , el Ro:tll' ll ( 1'1 7 ) · l!{ :IR :l.
1918, et on saute tout a coup a celle du 20 mars 1938 : il manque ici 9 Lettre de Freud a Eitingon. 3/81/931 (in Freud /939, Kii rzestt• Chwnil. · 102).
vingt ans. « Nous possédons également les Minutes des séances tenues to Cf Ellenberger (1970) : 793-794 & 802-803, 806; Sulloway ( 1<) / 1)) .¡(>() "1 & iiRO
de 1918 a 1933, mais elles sont sans grand intéret... », rapporte dans son sq.; Fried1ander (1911); Jurjevich, Ratibor-Ray M. (1915) : 'f'lw 1/rnn uf l·u •tu/1\'111 , o
íntroduction Hermann Nunberg, l'éditeur fídele a la cause 43 . Par ailleurs, study of Brainwashing (Crane pub!., 1985); Weisz (1975); Rouslun¡ ( 1'1/1•) llnlllttttqlll'
56 MENSONC;"s 1·1( 1'1111 11 N'~ 111 ', )!111(1 l l ' I IN I · 1>1 •\ I N I ·I li( M I': IIIJN Sl •,( ' lll / \110 •, t Al \ l lo l lllllfiJII fHH I I '<I IN I '\U I<A I N ~ 1

Frischer ( 1977), bien qu 'analysée, n ' hésilc pas a qualill c r de Mufia la norncnklatura frcu - OC), et, en Anglc1 errc : 1\ll'III V<'' n i 1lw l111lo Nh l'·.y< lu • 1\ ¡¡¡¡lyllc:al Society (London),
dienne de France. Sigmund Frc ud Copyri ght s Lid (W1 vnil11w)
11 40
Cf la Lettre de Freud ií Iones du ¡··· aoíi.z 1912 et les suivanles. Grosskurth ( 199 1) : 229.
12 Grosskurth ( 1991) : 172. 41 Grosskurth ( 1986), Melanie K/1•in . S1111 M111u/¡• ,.¡ son U'IIVre : 8.
42 Cf Minutes, Nunbcrg & Fcdcrn (hls) , ·1 vo luuu.:s.
" Rundbrief de Berlín, 26/1111924, rnentíonnée par Jones, vol. 3 : 84.
14 Rundbrief de Freud, 15/12/1922, citée par Grosskurth ( 1991) : 1 14. 43 Minutes, vol. 1, introducti on : 1O.
44
15 Freud (191 0), Beitriige zur Psychologie des Liebesleben 1 : Über einem besonderen Minutes, vol. 2: 163; la confércncc sera publiée 80 ans plus tard dans Revue lnterna-
Typus der Objektwahl beim Manne. tionale d 'Histoire de la Psychanalyse, 19!!9, n" 2 : 423-437.
45 C.f Sulloway ( 1979) : 219 et 219n.
'
6
q Roazen ( 1975) : 392 sq.; Sulloway ( 1979); Grosskurth ( 1991) : 143. 46
17 Roudinesco (1994), vol. 2 : 352-353.
Lettre d 'Abraham ií Freud, 2011011924.
'"Lettre de Freud ií Ferenczi, 21/1211924 (citée parGrosskurth (1991): 161). Cetépisode
est dans Grosskurth (1991) (chap. 10) et la lettre inou'ie de Rank (du 20/12/1924), ibid., p.
158 sq.
'" Freud ii Ferenczi, 24/411926.
211
Grosskurth ( 1991) : 184.
" Roudinesco & Plon (1997): 278.
22 Lettre á Ferenczi, 13/1211929.
" Ll'ltre de Freud ti Ferenc zi. 1311211931, citée par Jones, vol. 3: 188, et par Grosskurth
( 199 1) . 201.
'" Ct: Chauvc lot ( 1992); G rosskurth ( 1991); rnais surtout Masson ( 1984). La rnaladie de
llitnnl'r donnc souven t des désordres neurologiques, mais la dérnence n'est pas systéma-
lllfllt' . Ses écri ts el les lémoignages permettent de penser que Ferenczi conserva son juge-
lllt:lll jusqu'i\ la fin.
'' Su ll oway ( 1979), passim.
'" Roustang ( 1976) : 25.
27
Gellner (1985): 148.
'" Roustang ( 1976) : 14.
2
'' Policlinique et non polyclinique, car c'était la clinique du peuple, aux pratiques non
éclectiques. Cf On forme des Psychanalystes.
0
' Société Psychanalytique d'Israel, 74 membres IPA en 1992.
1
' Dziak, J.J. (1988), <<Chekisty: A history of the KGB», D. C. Heath & Co.; Schwartz,
S .. <dntellectuals and assassins-Annals of Stalin's killerati >>, The New York Times Book
Review, January 24, 1988 : 3; Robert Conquest, « Max Eitingon, Another view », The New
Yr1rk Times Book Review, July 3, 1988 : 22; Peter Gay : «Stalin 's killerati >>, The New York
Times Book Review, March 6, 1988 : 2 & 33, Max Eitingon : « Further views >>, The New
Yr1rk Tlmes Book Review, September ll. 1988 : 37; et The International Bulletin of Politi-
cal Psyclwlogy (IBPP), vol. 4, N" 22, 5/611998 (http : //www.pr.erau.edu/-secu-
rity/archive/no22vol4.html).
32
Selon Roudinesco & Plon (1997): 873, qui n'accréditent pas cette affirmation de Rado.
Sur l' assassinat de Trotski, (:f Andrew & Gordicvsky (1990), Le KGB dans le Monde:
161 et 173 sq.; Robert Conquest (1990), La Grande Terreur: 908-911.
31
Gay ( 1988), vol. l : 645-648 (essai bibliographique du chapitre 4).
34
Rice, James ( 1993) : 227 sq. et 231.
35
C.f Kerr (1994) : 493-494.
36
Kerr (1994): 495-496.
37
Kerr (1994): 478.
'" Cf A ldo Carotenuto ( 1981 ). El surtout Kerr ( 1994 ).
3
~ C.f Correspondance Freud-.lones · 467 n2. Ces Rundbriefe - dont la premiere, de
Ferenczi, est datée du 20/9/1920 - , S0111 l' lllrcposées a l'université de Columbia (But1er
Library, Columbia University, Ncw York) ; voir aussi : Library of Congress (Washington,
1

11

11
1

Chapitre 4
Une courte chronique
des années de plomb Ir

«Les patients c'est de la racaille» 1 , <<je leur tor-


drais bien le cou, a tous >> 2 ; <<sachez, en effet,
que, dans la vie, je suis terriblement intolérant
envers les fous, n'y découvre que ce qu'ils ont
de nuisible »\ et <<le mieux est de les mettre sur
un bateau et de les expédier, ils ne méritent pas
le temps que nous leur donnons >>4

Aménités de Sigmund Freud.

UNE CAUSE LÉGITIME DE DÉCES ?

Le mauvais sort accable l'entourage des freudiens.


En premier lieu, il y a des drames familiaux. Sigmund Freud perd sa
filie Sophie, emportée a 27 ans par la grippe espagnole en janvier 19205 ,
puis trois ans plus tard, le fils de celle-ci (Heinz Halberstadt, dit
«Heinerle», qu'il adorait) est foudroyé par la tuberculose dans sa se
année, quelques mois apres la premiere opération du cancer de la
machoire de son grand-pere.
Et puis viennent les disparitions brutales sur lesquelles regne un
silence souvent épais. Maria Freud, la sreur de Sigmund, sumommée
« Mitzi », était mariée a Moritz Freud, un parent éloigné. Elle avait un
gan;on, et trois filies que leur oncle Sigmund diagnostiqua viteó comme
toutes hystériques, surtout la derniere, Martha appelée «Thom », qu'il
décréta «séverement hystérique>> des l'age de 5 ans 1/2, plus lard talen-
tueuse dessinatrice mais «plus qu' a moitié folle ». Thcodor ( « Teddy »)
-le fils de «Mitzi»- se noiera en 1923 a 18 ans, dan s des circonslan-
ces tres obscures. Jankev Seidmann- le mari de Martha «Thom »- se
suicidera en 19297 , et sa veuve se laissera mourir l ' arua:r suivanll" , a 17
ans.
La niece de Freud, Caecilia- seule enfant qui n:slail :1sa st''''' Rosa
Graf, veuve qui avait déja perdu Hermann, son fils de 20 1nt s t·n 1111 1
s'empoisonnera avec du véronal a 23 ans, le 18 aoOI 111.>.>, J•ll'' d11 XI'"
60 MENSONC a:S HH 111111 N', 11[ /N J 111'\I NIOH MA'IION
lll 'dlllil l .\H ' IJI 1\ ll<l · I IN I · 1 'IH IH11 1 11111 l t ii!JI II 1o1 t t~ l 1 , 111 1'11 1~111 111

annive:sai.re de la mere de Sigmund, au domicilc de cclui-ci, 19 Bcrg- S'affíchant avec les maui crcs l'l la ll:uhr dtl p11tphl'lc tcl Thcodor
gasse a VJennes. Reik, qui rajoutait au stylc el au cos lultll' lt· g 1o ~ l'lgan.: dt: mcme marque
(«phallique » s'il n'est pas enln.: ks kvres dn l'ondatcur), ce qui lui valut
, Une part intime de la correspondance de Freud avec son meilleur ami le sobriquet de «S imili-Fre ud » , Paul Fl:Lkrn était devenu des 1903
d en~~nce E~uar~ Silberstein nous est parvenue9. Dans ce qui a été « l'Apótre Paul ». Apres la défcc lion de Rank en 1924, Sigmund Freud
pubhe, des h1stonens ont déploré une !acune entre 1881 et 1910 do t luí confía la responsabilité des Minutes de la Société psychanalytique de
Anna F~eud serait responsable. Ils le regrettent car au moins un évén~­ Vienne, puis de la clinique psychanalytique de Vienne, et il fut adjoint en
~ent d'1~portanc~ s'.est d~roulé pendant cette période. Pauline, la jeune 1926 a la direction de 1' lntemutionale Zeitschrifi für Psychoanalyse.
epouse ~ E?u~d, etatt attemte d'une dépression, et son mari l'adressa de Non analysé, Federo était réputé pour la fréquence élevée des suicides
Roumame a ~1gmund _Freud vers 1890 pour un traitement psychologi- parmi ses patients, dont la niece de Sigmund Freud, Caecilia Graf en
que .. La s~ule mf?rmat~on que nous ayons est que, lejeudi 14 mai 1891, 1922, ou la niece de Bertrand Russel, l'analyste Karen Stephen . L'his-
Paui.I_ne S1lberstem se Jeta du troisieme étage daos la cage de l'escalier toire prétend que ses collegues, y compris Freud, lui envoyaient les cas
de l In:meuble ou se .trouvait le cabinet de Freud a l'époque, 8 Maria- les plus rebelles. Paul Federo s'est tiré une baile dans la tete, en 1950. Et
The~esJenstr~sse a Y1enne .• d~ns la_ Sühnhaus (maison de l'expiation), en 1956, Eroest Jones affirma a Edoardo Weiss, analysé par Paul Federo,
m.ns1 nommee paree que 1 éd1fice etait construit sur les décombres du que ce dernier avait mitraillé le portrait de Freud avant de diriger !'arme
R1ngthcater, ravagé par un incendie qui avait fait 500 morts le 8 décem- contre lui-meme 14 .
brc IH81111 .
Entre 1902 et 1938, une dizaine des 149 membres de la société
A u suicide de Pauline Silberstein en 1891, a celui de Caecilia Graf psychanalytique de Yienne se sont suicidés, et sur les 307 adhérents de
s'aJoute un long cortege de morts violentes par autodestruction parmi le~ l'association interoationale de psychanalyse a l'époque, 25 au moins se
prcm1 ers analystes, dont la plupart avaient été choisis et formés avant la sont donnés la mort. Viktor Tausk, Wilhelm Stekel, Otto Gross, Max
seconde guerre mondiale par Freud et ses premiers éleves. Et iJ faut Kahane, Herbert Silberer, Johann Honegger, Karl Schrotter, Edward
encore compter leurs patients. Bibring, Karl Landauer, Monroe Meyer, Martín Peck, Tatiana Rosenthal,
Karen Stephen, Clara Happel, Eugenia Sokolnicka et son analysée
Sophie Morgerostero, Paul Federo et plusieurs de ses analysés, puis
La ~dele Helene Deutsch et plusieurs freudiens tiennent leur maí'tre
d'autres se sont suicidés a un moment ou a un autre, apres avoir été
pour dire~t~men~ resp.on~able de la tragédie d'un des cas les plus céle-
considérés comme de fideles et tres remarquables psychanalystes 15 .
b~es de SUICide d un disciple, celui de Yiktor Tausk bien que les cerberes
ru~nt tenté d'étouf!'er !'affaire sous le controle d'Anna Freud. Fin 1918·, La liste n'est pas close. On pourrait ajouter bien d' autres noms parmi
~Iktor Tausk avatt demandé une analyse a Freud, qui refusa puis les analysés, des patients d' Alfred Adler (par exemple son ami Adolf
l adressa a Helene Deutsch, plus jeune que lui et elle-me me en formation Joffe, proche collaborateur de Trotski), de Jung, de Melanie Klein, de
19 Berggasse. depuis troi~ m?is seulement. Freud renonva a cette analyse Donald Winnicott, de Lacan, et de leurs éleves. Bruno Bettelheim s'est
car Taus~, bnllant, trop mdependant, entrait en compétition avec luí sur bien suicidé, mais contrairement a ce qu'on croit, il n' était ni analysé ni
son terra~n de chasse et semblait lui voler ses idées. En outre, il en avait psychanalyste 16 . Et plusieurs notoriétés du mouveme nt se sont laissé
peur : « Il v~ me tuer_! », dira-t-il au psychanalyste Ludwig Jekels qui mourir (Geza Roheim par exemple).
voulut conna~t~e les r~1sons de son refus 11 . 11 est clair que les renseigne-
ments rapportes ensuJte sur le divan par Helene Deutsch a Freud six A la suite du suicide de Johann Honegger le 28 mars 11) 11 par lnJec-
h~ures par semai.ne, au sujet de Tausk qu 'elle analysait, égalemen~ six tion de morphine concentrée, Freud écrivit a Jung «jc sui s frappé de ce
qu'en fait nous consommons beaucoup de personnes » 17. HfTcclivl:menl.
se~nces p~r s.emame ~ ~artir de janvier 1919, jusqu'a ce que Freud l'obli-
geat autontairen:ent ~ mterromprc cc lt c analyse de Tausk, précipiterent Dans la population générale, le taux de suicidL'S vari · sdon les
la f~n de ce ?~rmer : .11 se pcn~f1t ct se tira simultanément une baile dans
1
la tete le 3 JUII!et su1vant 2. ht Paul Fcdern dira «que nous n'ayons pu
époques, les ages et les sexes. Mais les enquetes suicidologiqu ·s ·sti-
ment que, sur 100.000 adultes, 10 a 30 individus mcll c ul vo lonlaÍII'Ittl' nl
11

conserver Tausk est notrc hnnl ' » ' '. fin a leurs jours. Sachant que sur les 350 psychanal ys tl·~ olli\'1\'lknte llt 1

11
IIN I • ( 1 )1 11111 1 111 III HIII 1 !ti N -1 1 1 '• 111 1'1 IIMH
62 MHN SO N(a ;s I ·RHJIIII •N,, lll 'o lllllll III IN I III •SIN I ·()I(MAII()N SH' I II.AIRH

11

recrutés en Europe centrale avant la scc<mtlt: g ucrre mondiale, plus d'une sacré du Comité ; t:l 1·s ro llll ·~ M' ll ('l'. dt' l:t /,¡/1((11 )' t!f' Congress rece-
vingtaine se sont suicidés, on peut, en étant indulgcnt, considérer cette len t. encore pour longtclllps, une 111 : !1 k \'lllll' ll' de documcnts personnels
fréquence de 20 sur 350, contre disons 20 sur 100.000 dans la population qu'elle avait cédés a son :nni c M:u i;tlllll' Kri s, COilllllC les inter~ie:vs de
générale, comme une anomalie épidémiologique fort inquiétante. C'est David Mack - le frerc de Ruth , d ·vt.:l lll psychanalystc - enreg1stres par
21
en tout cas une énigme chez des gens supposés soigner des malades Eissler mais interdits de consultalion jusqu'cn 20 13 .••
mentaux, meme en ignorant les extravagances de caractere, les dérange-
ments psychologiques patents d'une étonnante fréquence, ou l'incidence Les échanges de patients étaient courants entre les analystes. Alors
des toxicomanies létales dans leurs rangs. Ce qui est moins surprenant aux États-Unis au milieu des années cinquante, Marianne Kris- encore
dans la Iogique du systeme politique freudien est la dissimulation des une niece d'Ida Fliess - , devint entre autre la psychanalyste de Norma
évidences, ou leur minimisation quand celles-ci sont évoquées. Jean Baker, née Mortenson en 1926, plus connue sous le nom de Marylin
Monroe. Marylin Monroe consomma autant de psychanalystes que de
L' anthropologue Abram Kardiner, anal y sé par Freud, raconte dans ses parte naires amoureux, et des meilleurs. Déja en 1947, 1~ !ecture d~ la
souvenirs que lors d'une discussion avec Monroe Meyer et avec Traumdeutung avait enchanté Marylin, car le reve de nudlte, du chap1tre
Sigmund Freucl a propos du suicide récent de deux psychanalystes de 4, lui avait révélé son désir de se dénuder, a son grand étonnement.
Vienne, Herr Professor les regarda avec malice et dit : «Eh bien, le jour Marianne Kris 1' analysait depuis un an, lorsqu' en aoút 1956 1' actrice dut
n'est pas loin ou l'on considérera la psychanalyse comme une cause honorer une invitation a Londres pour un toumage. Elle amen~ ses
lég itime de déces » 18 • Le jeune analyste Monroe Meyer, qui avait droit a problemes psychologiques en Angleterre, et Marianne Kris, des Etat~­
six séa nccs hebdomadaires avec Sigmund Freud, ne put faire connaitre Unis, passa la main a son amie Anna Freud, qui psyshanalysa Maryhn
son av is sur un tel cynisme : il se suicida a son tour. Monroe en jouant aux billes avec elle chaque jour. Etait-ce le «trans-
fert»? Toujours est-il que la descendante du Professeur, digne et raide fil
a plomb, détecta dans le mouvement de va et vient des bille~ de ve~e,
FREUD MUSEUM, 20 MARESFIELD GARDENS ces miniatures boules de cristal, «la peur des hommes», et pms un pms-
sant « désir de contact sexuel » 22 • Stupéfiantes interprétations! On ne sait
Ruth Mack-Brunswick bénéficia pendant 16 ans (1922-1938) avec si le désir s'adressait a un homme ou a une femme. Mais le traitement
Freud, a Vienne puis a Londres, a une des plus longues analyses réperto- « dynamique » fut expédié en une se maine grace a la_ révélation: La
riées, en dehors de leur célebre patient commun, l'Homme aux Loups, pulpeuse vedette allait beaucoup mieux et put enfin se presenter, tOUJOUrs
qui détient le record avec pres de 70 ans de psychanalyses aussi ineffica- en retard, devant les caméras et les hommes. Et ainsi fut tourné The
ces. Sans doute était-elle plus perturbée que son malade, «der Wolfs- Prince and the show-girl qui parut sans grand succes sur les écrans en
m a n n ». Pendant son anal y se personnelle, son frere David Mack et son 1958.
mari Mark Brunswick étaient sur le meme divan, pas au meme moment,
et le trio assurait alors 60% des honoraires de Freud. Apres Freud, Ruth Marylin Monroe revint aux USA et, ayant adressé a Anna Fre~d un
sera a nouveau analysée par Hermano Nunberg - le mari de Marga- gros cheque pour ses bonnes ceuvres, reprit ~on anal~se .a~ec Man~~ne
rethe, niece d'Ida Fliess, Jeque! psychanalysa aussi au passage la jeune Kris pendant trois mois, apres quoi elle fut hospttahsee en mtheu
sceur de Mark Brunswick, époux de Ruth. Mais, gravement alcoolique et psychiatrique. Ralph Greenson, psychanalyste formé a la vieille école de
toxicomane depuis le milieu des années trente, Ruth Mack-Brunswick Vienne, prit la releve, mais il fut l'un des derniers a avoir parlé a la
mourra prématurément en 1946 apres avoir abusé de toxiques, malgré malheureuse la nuit de sa mort a 36 ans, le 5 aoút 1962.
ses analyses interminables 19 .
Ruth Mack-Brunswick fut égalemcnt l'analyste du célebre psychiatre Anna Freud et Dorothy Burlingham, toutes dt.:ux analysées par
américain Karl Menninger, qui la voyait s'endormir pendant son Sigmund - cette derniere, issue de la richissimt.: familk des joai~liers
analyse20 , de Max Schur, le méd ·cin pcrsonnel de Freud, de Robert Tiffany, le fut pendant douze ans (apres l'avoir été par Thcndor Rc1k de
Fliess, fils de Wilhelm , de l'actric' Myrna Loy, de la critique littéraire 1921 a 1927), et s' était, sur les conseils de Freud, s(- p;u él· d • son man
Diana Trilling, de bien d'a utrcs ... La till e de Ruth hérita de l'anneau mélancolique qui se suicida en 1938 en sautant du 111'' ·t;w· . Vl ·urcnt
64 MENSONGES I'REUOII :NS . IIIS'IOII<I·. " 'IINI· I)I •SINI·OI(MA1 '1()N SI·.( 'III AIIU ·. 11N I· 1 '111 11111 1 111• H illl 1 1 •1 1 N ll 1 •1 1'1 11 ~ 111

ensemble, a partir de 1925, plus de cinquante ans, d'abord a Yiennc, de son créatcur dan s de bi en ~onrl\1, ••. 111 11111 ... ""' IH1)'111L':O. dt: la psyeha-
ensuite en Angleterre, et en Irlande les week-ends. nalyse31.

Anna psychanalysa avec ténacité les quatre enfants de Dorothy Burlin-


gham, luí demandant des honoraires de 20 dollars par séance pour LES ICONOCLASTES ET L'AMOlJI{ DE TnANSFERT
chacun. Cependant, bien des années plus tard, Robert, le fils aí'né de
Dorothy, qui avait depuis longtemps des problemes avec l'alcool, se L'ídée d'une liaison entre Sigmund ¡:rcud et sa belle-sreur, Minna
coucha daos le lit de son ancienne psychanalyste Anna Freud, en l'ab- Bernays, n'est toujours pas éc lairci c. La jeune femme, célibataire, s'est
sence de celle-ci, et puis s'empoisonna aux somniferes un dimanche de installée définitivement 19 Berggasse chez la famille Freud l'année
1970, au cours d'une crise d'asthme dit-on 23 • Sa sreur Mary (Mabbie, meme de la naissance de la psychanalyse, en 1896. Elle resta tres
mariée avec le psychanalyste Simon Schmiderer), que la descendante du proche, physiquement et intellectuellement, de son ami et confident
prophete présentait comme son cas le plus réussi bien que celle-ci eut Sigmund jusqu'a la fin, pendant quarante-trois ans 32 . Dans l'¡1ppartement
eles perturbations mentales toute sa vie, se suicidera a son tour en 1974 a de Vienne- sonore, parcouru par les courants d'air, et qui comportait
la rné mc adrcsse, 20 Maresfield Gardens, lieu hautement symbolique a un choix de 17 pieces - , elle devait par exemple traverser la chambre
1,ondres 2'1. contigue de sa sreur Martha et de Sigmund, unique passage pour aller
1\ us:-.i Paula Fichtl, domestique des Freud pendant 53 ans, pouvaít-elle daos la sienne ou daos la salle de bain. Elle voyagea, seule et souvent,
11 IHIV1'1 t'1111 ·ux « lJU C tant de patients de Mademoiselle et de Monsieur le avec Iui pendant leurs longues vacances d'été. Minna, que Sigmund son
l'lnk :o.\1' 111 se soil!nt sui cidés » 25 . Mais la modeste servante ne voyaít
beau-frere appelait «mon trésor», aurait fait une confidence précise sur
.. ,,l'n d ' ;n10IIllal ~1 ce que les enfants de Dorothy Burlingham soient une relation extra-conjugale a Carl Jung, Jeque! gardera le secret pendant
p~ yd 1an : d ys~s par Anna Freud, qui, en fin de compte, est !'amante de
cinquante ans, jusqu' a un entretien privé avec John Billinsky, en 1957,
kur 111l'f'c, qui , i\ son tour, est psychanalysée par Freud, Jeque! avait, de dont le conteo u ne fut rendu public qu' en 1969. La mythologie a fait de
:-.o n ·(.,te, psychanalysé sa propre filie » 26 . Anna Freud - «la vraie foi » Freud un homme tres prude et conventionnel, superstitieux et austere, et
qu 'on a aussi qualiliée de vierge sacrée ou de vestale - , n'aurait eu une aventure adultere est, a priori, peu probable. D'un autre coté, Jung
aucunc re lation amoureuse masculine. L'homme de sa vie était son pere. n'était pas plus fiable que Freud, et la famille du médecin suisse conti-
Toutefois, selon sa biographe qui n' exclut pas 1'homosexualité, son nue également d'empecher l'acces ases documents personnels 33 . Cepen-
rapport avec Dorothy Burlingham se réduisit a une indéfectible mais dant, des textes autobiographiques du Viennois semblent, confrontés a
platonique amitié 27 . Fort curieusement, les lettres d' Anna Freud a sa plusieurs témoignages, étayer l'affirmation de Carl Jung. Freud, ce
grande amie Dorothy sont écartées des regards, ce quí ne permet pas héros, fut -il bigame?
d'éteindre les rumeurs persistantes sur les rapports des deux femmes 28 . Les relations affectives entre ces etres pathétiques ne devraient fonda-
Bizarre. Et les souvenirs de Paula Fichtl sur Martha Bernays sont égale- mentalement intéresser personne, a part les amateurs de ragots et d'ex-
ment interdits a la Bibliotheque du Congres par mention spéciale de la ploits journalistiques. Le probleme n'est pas la vie privée de Sigmund
main d' Eissler, qui les avait enregistrés 29 . Vous a vez dit bizarre? Les Freud, saos pertinence et proprement futile pour autant qu'elle ne débou-
courriers entre Freud et sa filie sont toujours inaccessibles. Entin, la che pas sur de nouvelles inventions cosmétiques et ne se confonde pas,
correspondance de Freud commencée au début des années 1880 avec sa encore, avec ses productions intellectuelles. L' important est surtout
femme Martha (décédée en 1951) est réduite a 93 Iettres, daos 1' ensem- l'honneteté des successeurs dont il est permis de doutcr au rcgard du
ble anodines, et il en reste plus de neuf cents, toutes conservées sous passé des fondateurs. L'essentiel est d'abord la discordance entre leurs
clefs a la bibliotheque du Congres, qui ont paraí't-il une importance propos et leurs comportements, que l' on appelle le mcnsongc quand on
historique primordiale30 . Ce qui revient a constater que seulement 1O%, est aimable, double langage si l'on fait de la politiquc, ct puis la suppres-
a peu pres, de ces missives sont accessibles au manant. Comme c'est sion de l'informatíon destinée a dissimuler le mcnsongc, ce que l'on
étrange! On comprend mieux les intérets de cette dissimulation pour le nomme la désinformation quand on reste courtois, fal siti ca tion si l'on cst
freudisme en lisant Han Israels - qui put avoir acces a 300 des lettres de réaliste. La vraie question est ele savoir pourquoi la totalil l- dl' la corrcs-
fiancé (Brautbriefe), entre Freud et Martha- qui dévoile les mensonges pondance sur la période cruciale, apres le 27 avri 1 1H1J 1 jusqu ·a u 25
MENSON<ll ~ I•IH 111111 N•,
(l(¡
llld111111 111/ NI' Ill \INI ·OHMI\IHIN Sl\( '1111\11!1 ,
liNI : ( '<HIHII 1 111/IIN IIII II 111 , \NI' II '• 111 I'JOMII hl

jui.llet 1910, avait disparu l'll 11>1'< 1> hH:-.qu · l'abondant courrier entre
Mmna, Bemays et Sigmund a étl: IClldll disponible a la bibliotheque du pathes s'ils n'avaient été psy ·haualy:-.,~·~- '! <·TI 1 ·ur valut d'ailleurs de
Congr~s et pour consultation visudlc sculcmcnt ?·14 Qui !'a retirée du lot séveres sermons de lcur pcn.: a tnus , 11.: présumé vertueux Sigmund
access1ble au pub~ic cin~uar.ltc ans aprcs la mort de Freud? Pourquoi le Freud, bien plus terrible jugc pour les <.:onduitcs des autres que pour les
détournement a-t-11 porte umqucmcnl sur les courriers de cette période? siennes. Il administrait, en privé ou par <.:orrespondance, de cuisantes
démonstrations d'autorité a ceux qui s'abandonnaient a leurs penchants
, Selon .Albrecht Hirschmüller, d'habitude sérieux et bien renseigné, il dans « 1' amour de transfert » pour les malades et éleves en formation.
n ~ aurait ~as de lacune dans ce courrier et une affaire sentimentale entre Devant le public, Freud se jugeait bien placé pour remplacer «les décrets
M1~na et S1gmund est impossible 35 . Nous pouvons le croire sans hésiter. de la morale par les égards dus a la technique psychanalytique» car la
~a1s 1~ ::atalogue du Freud Museum de Londres fait bien état de cour- regle d'abstinence totale exige de ne jamais céder, y compris a l'amour
ners referencés durant cette période, et les Iettres auraient été subtilisées vrai, et le passage a l'acte est toujours un échec de la psychanalyse40 .
d'un coffre-fort familia!, puis séparées du lot, avant l'envoi de la corres-
p~ndance Minna-Sigm~nd vers le stock de Washington36. Pour quelles Nombreux furent ceux qui, pourtant, succomberent : ils se comptent,
r~1sons ces ~.ettres secretes so~t-elles encore prohibées dans le mysté- semble-t-il, par douzaines. Parmi les plus célebres, ceux pour lesquels
neux Contamer Z3 ~e la sectwn des manuscrits a la bibliotheque du nous possédons des preuves, Carl Jung, Otto Gross, le pasteur Osear
Con gres, dont Fredenck Crews 37 est obligé, en 1994, de signaler 1'exis- Pfister, Ernest Jones, Wilhelm Stekel, Otto Rank, Sandor Ferenczi,
ten ce et de rappeler son contenu tabou au directeur des archives S. Freud Viktor Tausk, bien d' au tres, étaient des analystes experts, mais aussi des
(!-farol~ P. Blum) et au secrétaire trésorier des archives et ex-président de virtuoses de la séduction des jeunes et beBes patientes. Sandor Rado était
'· Amencan Psychoanalytic Association (Bernard L. Pacella), Iesquels un prédateur, y compris pour sa propre analyste, qui remplacera sa
font scmblant de l'ignorer? premiere femme. Plus tard, August Aichhorn s'occupa asa fa<;on de la
formation de la psychanalyste Margaret Mahler, pendant trois années.
Pourquoi tout ce tapage nerveux? Si, comme I'affirment les proches
Erich Fromm, également connu pour avoir analysé la filie de sa
de Freud, ces le~tres n~, concernent en .rien l'intimité du héros, pourquoi
maítresse Karen Horney, eut des relations spéciales avec son analysée
n~ sont-e,lle~ ~as pubhees .pour en fimr avec les rumeurs sordides? Ou
Frieda Reichmann, dont il fera son épouse. Plus tard, les dames Horney
bten ne s agtt-Il pas, tout stmplement, de protéger la doctrine, et non des
et Reichmann furent analystes.
p~rson~es, contre ~es révélations mortelles de plus grande importan ce?
Smon, tl est perm1s de penser que ce qu'íl convenait d'effacer est une
nouvelle preuve que Freud fut bonnement un homme comme un autre, et Le palmares de Wilhelm Reich fut impressionnant41 . René Allendy,
non P,as le perso~nage héroi'que, pur et virginal, que la mythologie a cofondateur de la société psychanalytique de París en 1926, devint
essaye de constrmre. l'amant pervers d' Ana'is Nin pendant son analyse au début des années
trente, avant que celle-ci ne sombrat dans l'inceste avec son propre pere,
~ussi lo,ngt~mps que les documents ne seront pas accessibles, toutes puis dans tes bras d'Otto Rank lors de sa seconde analyse, et ensuite, a
les mterpretattons demeureront permises, la plus argumentée étant celle New York, dans la consommation de ses propres « patients » pendant que
de Pete~ ~~ales selon leq~el Fr~ud aurait accompagné Minna en Italie Rank soignait les síens dans le bureau mitoyen.
~urant ,1 ete 190? pour qu elle s y fasse avorter38 . Mais on ne doit pas
mterpreter sans etre analyste et sans autorisation freudienne. Horrifiée Masud Khan fut, jusqu'a sa mort en 1989, une tres richc notoriété de
par ce q~'el!e co,n<;oit com~e «un délire d'interprétation» de Swales, la British Psychoanalytic Society, qui l'avait placé au pinaclc. Extrava-
u?~ ~ubh.catton recente y vott «un fantasme majeur de l'historiographie gant, burlesque, antisémite et anti-américain, il nc fut ni un prince pakis-
revistonmste et antifreudienne »39.
tanais ni éleve de l'Oxford College, contrairemcnt a ce qu'il fit croire. Ce
Doit-on rappeler que les premiers analystes ne se sont pas distingués spécialiste ... des perversions - de nombreuses fois ,tnalysé, y compris
P~ des scrup~les dans la consommation sexuelle de leurs patients sur le par Winnicott de 1951 a 1966- faisaít étalage en public de ses conque-
dtvan, quan~ tls ne furent pas d'un cynisme, d'un manque d'empathie et tes sexuelles sur le divan, quand il ne battait pas vi<>lcuuneut sa compa-
de compasston tels qu'on n'aurait jamais hésité a les qualifier de socio- gne attitrée. Et la société britannique fit tout pour étoufTn k scandalc 42 .
Of course.
68
!/N I· ('!111(( 11 1 III<IIH<ll 1 111 1 IH 1', 111 1'1<IM II (>')
1 j

Les analystes du beau sexe ne sont pas en reste : Karen Horney, alors Fre ud contr61ait les iul orln:llHlll ', ,. , 1o11 ' k :-. pr otagoui stes q u' il tenait
vieillissante responsable de formation des inslituts de New York et de par... , di sons, la libido. ·¡ ~)li S , Vls1hkn w111 , -.L· n1 anipul aicnt , sur le divan et
Chieago, était une terreur pour les patients, pour les analystes supervisés par écrit. A quelqu es heu res d ' i111 (' 1va l h' . tou s. o u prcsque tou s, Jones et
et les candidats qui ne pouvaient refuser ses faveurs sexuelles érigées en . Loe Kann , Sandor Fercncz i él l ~ lnw P:il os, Sa bina Spielre in, auraient pu
sacrifice initiatique obligatoire43 . Jacques Lacan, quant a lui, inventera se croiser sur le pallicr de S iglllund . ( 'o mme le remarquent John Kerr et
<da Passe», en fait un rite de passage inquisitorial qui ne prostitue que le Phyllis Grosskurth, Sigmund Frcud , impitoyable juge du bien et du mal,
freudisme 44 . s'était emparé des femm es et 111altrcsscs de ses « fils adoptifs», principa-
lement Jung, Jones et Ferenczi, puis les dominait tous par la connais-
sance des secrets de leurs turpitudes et de leurs travers. On peut dire que,
Comme Carl Jung, Ernest Jones avait aussi la réputation de séduire,
non usurpée, mais s'il s'avéra plus fidele dans ses ehoix, il eut parfois sur chacun, en bon politique, il possédait des dossiers ...
des difficultés a éviter les embrouilles, et dut par exemple monnayer le
silence d'une aeeusatrice pour se soustraire a de graves ennuis a Toronto,
ou il s'était réfugié apres une aecusation pour attentat aux mreurs sur de
jeunes enfanis en Angleterre45 . La belle Loe Kann fut une de ses patien-
tes, et sa concubine pendant plus de huit ans. Elle subit ensuite une UNE AFFAIRE DE FRINK ET DE BUUR
analysc par Freud en 1912 et 1913, qui n'empécha pas Loe de s' adonner
a la morphine mais permit a Freud de la séparer d'Emest. Lina, la La lamentable histoire d'Horace Frink est encore l'objet d' une forclu-
meilleurc ami e de Loe, fut durant quelques années sa rempla~ante dans sion, pour parler lacanien, et exige d' assembler des éléments disjoints,
« 1' amour de transfert » du bon doeteur Jones. Plus tard, mariée en 1914 a d' acd:s bien difticile. Quand Paul Roazen l' évoqua pour la premiere fois
un autre Jones (Herbert, surnommé <dones II» par Jones n° 1), Loe Kann en 1975, il ne disposait pas des archives familiales du principal intéressé,
- qu e Freud admirait et qualifiait de « vrai bijou », un « trésor de retrouvées dans un grenier par sa tille Helen, puis dans des dossiers du
fcmme »46 - entretint une correspondance «intime et réguliere» 47 avec psychiatre américain Adolph Meyer, et publiées seulement, mais en
le Viennois, qui reste, elle aussi, inédite. partie, en 198849 . La encore, le lecteur fran~ais ne peut connaltre que des
versions épurées et incompletes. Mais, depuis ces publications, l'hypo-
A Budapest, Sandor Ferenczi était un ami de la famille Palos depuis crisie et la mauvaise foi ne sont plus possibles.
18 ans, quand il prit en 1908 Gizella Palos en analyse, et en fit sa
maitresse. Gizella, mariée, avait deux filies, Magda, épouse du frere L'affaire commen~a aux États-Unis, ou Abraham Brill avait fondé en
cadet de Sandor, et Elma. Ferenczi pla~a alors Elma, qu'il connaissait 1911 la société psychanalytique de New York, et Emest Jones (alors a
depuis l'enfance, sur son divan en 1911, puis également dans son lit Toronto apres l'accusation pour attentat aux mreurs) l' association améri-
quand le prétendant de celle-ci se suicida. Freud, informé de la liaison caine de psychanalyse, la méme année. A 1'époque, les deux hommes
triangulaire entre son grand vizir et les deux femmes, mere et filie, dut étaient en concurrence dans la politique expansionniste de Freud. Le
s'occuper en 1912 des problemes d'Elma pendant quelques mois, pour premier représentait l'idéal américain du réalisme pragmatique, celui de
une analyse dont il fournissait les détails au Hongrois, par correspon- l'efficacité thérapeutique- l'épreuve que Freud redoutait - , et pronait
dance, sans la télépathie par souci de discrétion. Freud conseilla a l'exercice strict de l'analyse uniquement par des médec ins. Jones, par
Ferenczi de choisir la mere, de 8 ans son alnée, plutot que la tille, qui contre, valorisait une implantation plus généreusc de l'orthodoxie de la
avait 14 ans de moins que luí ( «je pense que vous méritez la vieille maison mere sur le nouveau continent, a conquérir mcme au prix d' une
femme» , luí écrira+il), et, d'un autre coté, il incita fortement Gizella a dé-médicalisation de l'entreprise.
renoncer a son mariage pour épouscr Sandor. Ferenczi reprit Elma sur
son divan, puis, bien qu'il vouiOt garder les deux, s'inclina sous la Abraham Brill gouvernait avec autorité mai s sa ns lincssc sa rrcsti -
contrainte freudienne et choisit la mere Gizella. Enfin, la morale fut gieuse société; bien qu'accommodant, il était tres difli l· il e il lllan< t· uvrcr
sauvée : en mars 1919, le j our mi: mc du mari age de Sandor avec Gizella, a distance depuis Vienne. Des lors, si le controle de Vi ·nm· L' lail a i s~ sur
le précédent époux de celle-c i fut subil eme nt emporté, soit par une crise l'association fidele de Jones, le pouvoir luí échappait s111 la soc il' IL' de
cardiaque, soit par le suicidc4x. New York.
l iN I· l '() l /1 11 1 IJI IIItWll •l 111 , IHII I '• 1>1 1'1 OMII 11
70 M c NSONG ES I'RElJi l ii ·NS lll '. l l ll lt l I > I IN I 111•\ I N I ·I lll M A IION S(·( 'l/I .A IRI ·.

Fort opportunément, Horace Frink, alors secrélaire de la société de Freud pour exl orsi on de fonds . ct ~l· p1 l' jl!ll l' ~ puhlier une lettre ouverte
New York et déja analysé par Brill, va se présenter, 19 Berggasse, pour dans un granel journal de New York , attaquanl la conduite immorale du
une analyse. Humble, charmant et subtil, ce jeune psychiatre de 38 ans a docteur viennois, qu ' il qualific de charl atun au passage, et ses dérives
- du moins jusqu'a sa rencontre avec Freud en février 1921 - , une par rapport a l' éthique médicalc, pour avoir brisé deux familles sans se
excellente réputation quant a ses talents et son équilibre mental. Frink est préoccuper des avis ni des souffrances des principaux intéressés. Freud,
de bonne qualité, juge son maltre, «excellent, beaucoup plus sOr, dévoué informé du billet d'humeur, le juge fou , et répond que chaque etre
et sérieux que Brill »50 . Prometteur et malléable, il pourra done servir humain a droit a la gratification sexuelle et a l' amour tendre s'il ne les a
avantageusement la cause et etre intronisé légat a New York lors des pas trouvés avec son conjoint, rhétorique qui n'est pas un compliment
prochaines élections, apres son initiation. pour celui d' Angelika, ni pour l'épouse de Frink51 • En mai 1922,
Abraham Bijur meurt opportunément avant la publication de son libelle,
Pendant cette premiere analyse qui va durer plusieurs mois, Herr ce qui met fin a toute menace de proces.
Professor apprend vite de Frink qu'il avait fait de la multimillionnaire
américaine Angelika Bijur- sa propre patiente depuis 1912 - , égale- Angelika hérite, et le divorce n'a pas aetre prononcé.
ment sa maltresse. Bonne aubaine. Sans consulter l'épouse de Frink ni a Quelques semaines plus tard, Horace Frink, atteint d'une dépression
fo rtiori le mari d' Angelika, Sigmund Freud promet aussitót a Frink le majeure a forte charge de culpabilité, doit reprendre une dose d'analyse
honhcur s' il abandonne sa femme Doris Best et ses deux enfants pour se viennoise. Mais son état mental se dégrade encore chez Freud. Fin 1922,
remarier avcc Angelika. C' est le remede viennois. pendant cette nouvelle analyse, il présente une décompensation sévere,
avec délire, hallucinations, dépersonnalisation, de gros troubles de l'hu-
¡:rink , en proie a des doutes et scrupules moraux, hésite a prendre une
meur alternant détresse et agitation qui obligent Freud a le faire contenir
tell c déc ision ct sombre dans un conflit teinté de dépression. Il se
physiquement et surveiller. A Abram Kardiner- d'abord analysé par
lamente. En jui !Jet 1921, il est encore a Vienne sur le di van, bien tour-
Frink puis, a la meme époque que lui, 19 Berggasse - , Freud montrera
menté. Freud le convainc alors de faire venir sa patiente maitresse, afin
deux photographies, l'une prise avant l'analyse, l'autre apres. Sur la
d '.~claircir la situation et de luí annoncer la bonne nouvelle. Angelika
derniere Frink, défait, lamentable, avait perdu plus de 20 kilogrammes
BIJUf rencontre done Sigmund Freud- quila pla~a aussitót sur le divan. en quelques mois. Kardiner est stupéfait, mais pour le soulager Freud,
Le Yiennois lui suggere de divorcer du riche financier Abraham Bijur,
s'explique: « voila ce que fait l'analyse!» 52
pour avoir raison de son existence incomplete et paree que, selon lui, si
elle quittait Horace maintenant, Frink ne deviendrait jamais normal et... Mais les élections ala société de New York approchent et il faut préci-
succomberait a l'homosexualité. ll conseille aussi d'éclaircir la situation piter les événements. Des lors, le 23 décembre 1922, Sigmund Freud
avec Abraham Bijur, que les deux amants vont mettre brutalement déclare soudain a son malade que tout est terminé, qu'il est guéri, qu'il
devant le fait accompli. controle sa névrose - en dépit de toute évidence - , et done doit se
marier, maintenant que les conditions du bonheur sont réunies grace a
L' autorité et la bénédiction de Freud ont un poids énorme et, malgré sa
son analyse. De fait, quatre jours plus tard, la financi ere Angelika Bijur
honte, Frink, subjugué, se soumet : il informe son épouse Doris Best du
épouse enfin a París Horace Frink, lequel est dan s un état pitoyable de
bonheur familia! sur ordonnance. Puis, a l'automne 1921, comme le
stupeur et de prostration. En janvier 1923, Horacc Frink cst quand meme
sca~da~e gronde a New York ou les autorités sont informées, il oblige
élu président de la société, et l'entreprise politiquc cst ac hevéc. Brill
Dons ~ pr~.ndre .le large avec sa progéniture. Effondrée, désespérée, ayant été écarté grace a différentes pressions occ ultes, les coudées sont
celle-ct obett, pms erre, sans argent, d'hótels en pensions de famille,
franches et, des son retour d'une lune de miel en Égy pt e, Frink rcvoit de
avec les deux enfants d'Horace.
Vienne l'ordre de réorganiser une société psychan alytique qu ' il raut
En mars 1922, Doris et Angelika font chacune une demande de mettre au pas. Ce que Frink va servilement exécut ' r, du moins pt: nda nt
divorce. quelques temps.
Abraham Bijur, le mari bafoué qui cloit se faire aicler par un psychia- J'ouvre ici une parenthese pour un exemple. Quand , a11 tkhul tk ·ctt c
tre, est moins complaisant que Dori s Best. 11 envisage un proces contre année 1923, Clarence Oberndorf voulut participer au l'l llllll l' 1k ll'll l g;111i
72 MEN SON(iES l •l{l •llllii •N!-. III '.JIHill l l IIN I lli ·.\I NH)I(M/\IION S l·,('lll /\ IRI ' IIN I 1'1 H 11111 1 111•• lllllll 11 1•1' 1 11 11 '• 111 1'1 111\111 /1

sation de cette société psychanalytiquc de Ncw York, il s' entendit dire Angelika, de son c61é, cs l :l lll'lltl¡· d ' t"' l' l:tl dl·pn· ~~ ir et parten Scan-
qu'il n'était pas le bienvenu. Oberndorf protesta, mais Frink, homme lige dinavie avec les cnfants, tandi :- qtll' 1:1111J... l'll lll Íllii C sa uég radation, dans
de Freud dont il suivait les directives, resta campé fermement sur les un mélange de rcrnords ct de co ll'l c co nlrc Jo'rcud , nc comprenant pas
positions du chef et rejeta 1' indésirable, en lui répondant : « Freud ne qu ' il lui ait assuré fin 1922 qu ' il était guéri. Angelika demande le
veut pas de vous ici » 53 . Pour quelles raisons?
1

divorce en juillet 1924, puis Hora ce Fri nk ten te plusieurs fois de mettre
fin a ses jours par différents moyens, dont une grave section artérielle. 1

En octobre 1921, l'analyse didactique du psychiatre Clarence Obem- En 1925, le divorce est en(in prononcé. Frink reprend ses enfants, et
do~ par Freud ava!t bien mal commencé, car il ne connaissait pas les continue la pratique psychanalytique. Mais, d'hospitalisations psychiatri-
hab1tudes d~ la matson. Des la premiere séance, Oberndorf, un homme ques en rechutes graves, il fin ira par mourir dans un hospice a 53 ans, en
du sud des Etats-Unis élevé par une nourrice noire, fit état d ' un reve ou il avril 1936.
se voyait sur une charrette tirée par deux chevaux, l'un blanc, l'autre
noir. lnterprétation du maitre : il ne pourra jamais se marier, car il sera Un an avant sa mort, Horace Frink répondit malgré tout, a sa tille
incapable de choisir entre une femme blanche et une noire ... La premiere Helen qui luí demandait s'il avait un message a transmettre a Freud :
erreur d'Obei-ndorf fut de critiquer cette révélation, et done de mettre «dis-lui qu'il était un grand homme, meme s'il a inventé la psychana-
Freud, e n colere. lis vont ainsi chicaner aprement pendant des mois, lyse»56 ... Nous avons la comme un écho étrange du dernier message de
Ju sq u il ce que Freud, lassé, mette fin a l'analyse et le renvoie le 25 Viktor Tausk a son maitre Freud, rédigé quelques instants avant son
révricr 1922. lJ n'eut droit qu'au mépris du Professeur pend;nt son double suicide : «je vous remercie pour tout le bien que vous m'avez
anal~sc : « parmi les américains, le pire est Oberndorf [... ] il parait fait», écrivit-il, « votre reuvre est génia1e et grande, je prendrai congé de
SI U pide ct arrogant... >> , écrira-t-il a Jones 54 . On ne doit pas contester cette vie en sachant queje fus l'un de ceux qui assisterent au triomphe
l;rcud, a auc un moment. Mais surtout, l'autre eiTeur d'Oberndorf fut de de l'une des plus grandes idées de l'humanité »57 •
s'<~pposcr a l'analyse par des non-médecins, et de se placer du coté de
Bnll (avcc Jeque) il avait fondé la société de New York en 1911), done Le pouvoir était en jeu dans cette affaire, certes, mais aussi l' autre nerf
co ntre Freud dans la politique de controle a distance de la société par sa de la guerre.
créature Horace Frink.
En effet. Dans un courrier de 1916 a Sandor Ferenczi, Sigmund Freud,
. Abraham Bijur était décédé en mai 1922, avant le remariage d'Ange- rapportant avec amertume la situation financiere de son clan, avait déja
~Ika, ~t, en mai 1923, Doris Best meurt a son tour de désespoir et d'une fait un acces de colere et de jalousie a propos d'une donation substan-
mfectwn pulmonaire. Les deux enfants sont alors confiés a leur pere tielle (équivalant a plusieurs millions de dollars actuels) de la famille
~orace. L'équilibre ~ental de ce dernier se dégrade encare, notamment a Rockefeller a Carl Jung, Jeque! était parvenu «a instaurer le lien recher-
1_ a~tomne 1923. Fnnk «semble avoir succombé a quelque psychose», ché avec 1' argent américain » 58 .
ecnra Freud rétrospecti vement55 alors qu' ill' avait déclaré guéri tin 1922. Son Altesse Royale Marie Bonaparte, héritiere princiere et du casino
de Monte-Cario, Dorothy Burlingham de la famille des joailliers Tiffany,
Toute la société de New York est déja informée des conditions du la famille de Ruth Mack-Brunswick, dont le pcrc Julian fut un juge tres
~~iage arrangé p~r le Viennois pendant la querelle de pouvoir, et de généreux et ami personnel du président Rooscve lt , le milliarclaireMax
1 etat mental de Fnnk, car Freud, toujours aussi indiscret, faisait état du Eitingon, Muriel Gardiner, Masud Khan , soi-disant princc du Paktstan,
contenu de son analyse a Abraham Brill depuis 1921. Puis, en mars et puis cl'autres ont tous largement contribué par lcurs forlu11cs il l'cxpan-
19.24, Br~l.l doit Jire devant les sociétaires, en 1' absence du président sion du mouvement. Le riche brasseur industrie! J\nton vou Frcu11d fut
Fnnk qu JI. remplace, une lettre de Freud rapportant son incapacité un de ces nombreux mécenes que Freud avait plarés su1 :-on divan . 11
mentale. Fnnk apprenant sa bonnc fortunc, annoncée en public dans un légua 11.000 couronnes a Freud. Apres la disparition dl' vo 11 hc.11nd en
tellieu par son premier analyste informé par le plus grand de tous, s'ef- janvier 1920, Abraham Brill offrit a son tour 1 . ~(}0 dollou ~ l'u1 ~ Max
fondre alors et se fait admcttrc chcz Adolph Meyer, dans l' institution Eitingon - qui succéda a von Freund au Conlltl' MT il'l . h11 av;ut
psychiatrique de l'hopital John llopkins a Baltimore. remis un million de couronnes59 . Mais ce n'éta il 1ou¡o111 ., p.1 o.. o.. 11111 sa n1
IINI < '() 111111 1 111 " I H1111 1•1 NN II '• 111 l 'lttMII !\
74 MENSON(;I :S 1·1!1 111 l ll N '. III '.IIIIICI 11 I IN I lli •S INI •()I{Mi\TION S l ~('lJLi\ IHI ~

Dans cette lettre a Ern ·st .Iom· ' · k ton de hnult:st furicux, mais il n'a
P?~r Freud car, écrivait-il , « nos frai s vont augmenter, mais il n'y a pas aucun remords, son intcntion cta1t p1111' sa ns dout t: avait-il ici, comme
d atde, nous avons besoin d'argcnt : dt: l'argent - de l'argent»60. dans !'affaire Flcischl von M;u xow, « ks lllCillcures intentions du
monde »67 - , et il est en rcgl · avt:<.: sa consci cnce.
, 11 était depuis longtemps évident pour Angelika Bijur, comme ill'avait
eté pour feu son mari Abraham, que Freud avait poussé au mariage S'agissait-il d'une extorsion? En tout cas, deux familles- dont Freud
comm~ un m~yen de financer son mouvement et d'accroltre son emprise ne tint aucun compte- et l' équilibre mental de Frink avaient été ruinés,
da~s 1 expan~wn aux USA. Elle payait tout depuis le début : pour que puis les deux époux abandonnés étaient morts. De toutes favons, estimait
Fnnk poursm~e s~ns souci son travail quand il en était capable, sa Sigmund Freud, il n'y a pas de scrupule a avoir, car «l'affaire n'était pas
~syAchanalyse a Vtenne, ses déplacements, ses frais d'hébergement a
si mauvaise en un seos moral... »68 .
1 hotel, sa propre analyse par Freud avec des honoraires énormes suffi-
s~nts pour 1'entretenir deux années, et les factures des hospitali~ations Encore une fois, ce cynisme nous fait demander avec Frederick Crews
d Horace. Elle comprend enfin : «je n'ai pas encore rencontré un seul si «le discernement de Freud et l'analyse ont jamais fonctionné avec
a~alys_te qui ne _me paraisse manifestement névrosé, perdu daos sa théo- 69
suffisamment d'indépendance par rapport a ses désirs» .
ne et mcapable de composer avec la vi e »61 . Hormis saos do ute certains
aspects de la_ vie. Quand, au printemps 1924, Angelika informa Freud
que son manage avec Horace était en train de virer au chaos le télé- HERMINE VON HUG-HELLMUTH, ASSASSINÉE
gramme lu~ répondant de Vienne n'était plus susceptible de la' détrom-
per : ~<Vra!m~n~ na~''fé. C~ e? quoi VOUS avez échoué est J'argent»62. Frau Hermine Hug von Hugenstein fut au départ une simple institu-
Angeltka B. et~Jt, bien qu 1! 1 eut analysée, sans doute un obstacle pour trice, telle Anna Freud née un quart de siecle plus tard. Mais elle reste
Freud, car clrurvoyante, elle «était intraitable sur les questions d'ar- une faussaire parmi d'autres, qui doit apparaitre aujourd' hui encore dans
gent~63. De s~n coté, le Viennois était, au moins a cet égard, tres réaliste l'histoire du freudisme comme la pionniere de la psychanalyse des
et, des 1909, 1! avouait a son futur concurrent en la matiere, Carl Jung enfants, puisque Sigmund Freud l'a toujours valorisée comme telle, car
« surtou~ ne pa~ vouloir guérir, apprendre et gagner de 1' argent! Ce son~ elle lui était politiquement nécessaire.
les representatwns de buts conscients les plus utilisables »64.
Hermine fut analysée entre 1908 et 1910 par le pur et dur freudien
~n novemb~e 1921, ~reud s'était fait extremement pressant aupres de Isidor Sadger, qui appartenait au cercle des prophetes viennois. A ce
Fnn~ ~SSUJetti sur le d1van, dans des interprétations tres persuasives : moment, apres le cas du petit Hans, le maitre de la Berggasse a besoin de
«p_ms-Je v~us suggérer que votre idée selon laquelle Mrs B. [Angelika « preuves cliniques » ex temes, nouvelles et fraiches, pour renforcer sa
BtJur] aura1t perdu une partie de sa beauté peut etre interprétée comme position. Elle va les luí donner. Elle fait alors miroiter en 1911 son
un~ p_erte de son argent? Votre complainte comme quoi vous ne pouvez «analyse d'un reve d'un petit garyon de 5 ans l/2» dans la ligne de visée
m ~utn~er votre homosexualité implique que vous n 'e tes pas e neo re des alouettes du mouvement. 11 s'agit du cas de Rudolf, son neveu,
consctent de votre fantasme de faire de moi un homme riche. Si [es appelé Rolf, fils illégitime de sa demi-sreur, qui luí servait de cobaye
chose:~ se_ déro~lent convenablement, transformons ce don imaginaire en analytique depuis l'age de 4 ans, et auquel elle attribuait ses propres
contnbutwn reelle au financement de la psychanalyse»6s_ fantasmes parfaitement conformes a ce que Freud et son clan, Wilhelm
Stekel en tete, escomptaient. Rolf est donné par Hcrmine comme un
.Ce mariage était done prévu pour enrichir la cause. Mais en fin écrira- modele de petit pervers polymorphe, un infame bambin sadique fonda-
t-JI plus tard, «a quoi servent les Américains, s'ils n'apportent p~s d'ar- mentalement retors, haineux et doté de pulsions crimin ·lles congénitales,
gent? lis ne sont bons a rien d'au~re. Mon effmt pour leur donner un jusqu'a ce que l'analyse, ou bien l'éducation inspir6 ·par 1· frcudi sme, le
chef en la personne de Frink, qui a si tristement avorté, est la derniere libere de sa nature morbide. C'est une idée supcrb · pou• l;n:ud. d'autant
ch~se queje ferai j~mai~ pour eu~ [.. ._J Frink me semblait avoir un esprit que son propre fils adoptif, Carl Jung, vient u· hasr ukr dans la dissi-
clatr et une_ belle mtelhgence. J ava1s placé tous mes espoirs dans sa dence avec son clan. Freud confie aussitot a Frau 1k1111Ín(· une 1uhriquc
personne, b1en que ses réactions en cours d'analyse fussent de nature permanente daos sa revue !mago, qui fait paraltn: son tt'X IL' L'll 1() 1 ' sous
psychotique »66 .
76 MI ·: NSONC:I ·. S I•RI ' IIIlll N', lll 'df lllll 1! IIN I 1!1 •\INI OHM/\'IION S l'l ' lll AIIO c I IN I 1 <1111!11 f 111 '111~111 1 1 1•1 Nl~ ll • 1•1 1'1 OMII /1

le titre «Aus dem Seelenlcbcn de~ Kindcs ». 1:1, la memc annéc, elle est Malgré sa psyehanaly s · dq)lli s 1' :1¡•1· d · ·1 :tn s pa1 s: t tantc - la seule
intronisée sous le pseudonymc de llcnnínc von llug-Hcllmuth dans le spécialiste officiellc reconnu~: ~ l'{' ¡)()qtH' p:u SignlUIKI, ju~qu 'a 1~ f~rma­
cénacle du mercredi soir, en tant que prcmíerc cxperte, a 42 ans, de la tion de sa filie Anna - , le meurtri ·r tk IX :111s, « dévoye, bon a nen et
psychanalyse des enfants- Anna Freud, quí n'a alors que 17 ans, n'in- brebis galeuse », fut condamné a 12 ans de cachot, avcc obligation ~e se
terviendra pas sur ce terrain avant une dizaine d'années. plonger pendant 24 heurcs dan s l'obscurit é complete a chaqu~ anmve~­
saire du meurtre. Quand il fut libéré en 1930, 1l demanda l'a1de mate-
En 1915, Antonia, la demi-sreur de Herrnine von Hug-Hellmuth, rielle ou sympathique des analystes, de Sadger, son tuteur, de Helene
décede, et son testament interdit expressément qu'elle prenne l'orphelin Deutsch, qu'il harcela, puis de Paul Federn, a qui il '"?endia quelques
Rudolf asa charge. Hug-Hellmuth ordonne cependant a l'enfant- placé sous. Tous refuserent. Apres quoi Rudolf disparut parm1 les ombres des
sous la tutelle de Sadger, l'analyste d'Hermine -,de vendre toutes les victimes du freudisme.
possessions de sa mere pour régler les funérailles de celle-ci, et le
voyage en train pour venir, seul a huit ans, la rejoindre a Vienne. Puis En 1914, 1' experte Frau Hermine prétendit également avoir déniché un
elle le confie a une nourrice, avant de le récupérer a treize ans; et il aura mystérieux journal analytique, autobiographique, d'un~ jeune fill~. Ce
changé dix-huit fois d'adresse, dont une maison de correction. «Tagebush cines halbwüchsigen Madchens» est auss1to~ acclame par
Lou Andréas-Salomé, par Stefan Zweig et surtout par S1gmund Freud
Hermine von Hug-Hellmuth, protégée par la bénédiction officielle du qui écrira pour elle une lettre introductive tres élogieuse, voyant la «un
petit joyau », d'une « telle clarté et une telle véridicité ... » . Cette ~ettre
72
Professeur viennois, publie en 1924 un autre document sur son cas
( « Nouvelles voies pour comprendre la jeunesse» ), fruit de ses brillantes devait accompagner la préface de Frau von Hug-Hellmuth- mms en
analyses ou elle accable encore son neveu Rolf, qu'elle éduquait soi-di- réalité le journal est un faux grossier, fabriqué par elle, mélangé a quel-
sant selon les préceptes du freudisme. Elle le qualifie de crimine! dange- ques fournitures personnelles. Son livre, a peine édité fin 1919 apres la
reux, irrécupérable kleptomane, et représentation du sadisme. C'était guerre, va etre démonté, puisqu'il est une inventio.n délibérée po~r
pourtant la, selon. Freud, un exemple de la réussite de la prophylaxie complaire au mouvement : l'adolescente, «Grete Lamer» surnomm_e~
analytique. Mais Rudolf, qui était informé des propos malveillants, Ritta, prétendument analysée, n'a jamais existé. La syntaxe et la quahte
haineux et faux que sa tante écrivait et proférait en public sur sa jeune littéraire du document sont hors de portée d'une jeune filie, et le
personne depuis toutes ces années, va enfin lui donner raison. C'en est contenu, comme ses préoccupations, sont étrangers au monde de l'ado-
trop: une nuit de septembre 1924, apres avoir tenté de la voler, il met un lescence, mais en conformité avec 1' idéologie des freudiens. Certaines
terme a la carriere de la premiere analyste des enfants en l'étranglant. parties sont si longues qu'elles nécessitent chacune plus de cinq heures ,1

de rédaction d'un écrivain professionnel, ce qui laisse peu de temps pour '1 1

Lors de son proces, a 18 ans, Rudolf essaiera bien de se défendre et de vivre les événements a longueur de journée qu, elles décrivent. C' est
trouver des circonstances atténuantes dans les attitudes et les publica- :1
physiquement irnpossible73 . Alors Freud retire le livre de la circulation,
tions mensongeres de sa tante depuis sa plus tendre enfance. Mais il par une intervention directe chez son éditeur, Psychoanalytische Verla~,
avait a faire a forte partie, et le principal témoin a charge, l'exécuteur en 1922. Et Hug-Hellmuth jura jusqu'a la fin que son adolescente avait
testamentaire et analyste d'Hermine, son propre tuteur Isidor Sadger, existé, mais qu'elle était morte a 20 ans et que son manuscrit avait été 1

n'en trouvera aucune, car, dira celui-ci en assénant a la barre le coup de


détruit...
grace a la place du juge, «je suis d'avis que l'etre humain est achevé a 5
ans au plus tard et que, ensuite, on ne peut plus faire grand chose» 70 . Restent la lettre et les éloges bien nécessaires de Sigmund Freud, qui
Constat d'incompétence qui, seule vérité reconnue par un freudien dans continuera pendant des années a recourir aux «observa! ions » d' llcrmine
ccttc lamentable histoire, est dans la pure ligne du Léonard de Sigmund comme des ratifications indépendantes de ses idécs . Dans des ajouts a sa
Freud : « dans les trois ou quatre premieres années de la vie se fixent des «Traumdeutung», Freud se réclamait par excmpl · de ~ aualy scs de
ímpressions et s'établissent des modes de réaction au monde extérieur, Hermine von Hug-Hellmuth et, en 1917, les dcrni res pa¡•rs cl ' t•n articlc
qu ' aucun événement ultérieur ne peut plus dépouiller de leur force» 71 • sur un «souvenir d'enfance» de Goethe sont consac1l-l's ;, lk~ '<\ lhscrva -
Mais alors, a quoi bon la psychanalyse? Et pourquoi tant vanter les méri- tions » de «la doctoresse» - qui n'était pas do ·tc111 1'11 tlll'dlT im·
tcs de Hcrmine von Hug-Hellmuth? devenues magiqucment des vérifications extcrncs pou1 ll' ttl<u '1'r ~l's
IINI · ('(l\11 11 1 111111N ittl ll ltl '• W H ¡ ·, 111 l'ltiMII
MENSONOES I •HI ·l l l lll N'• 111 ', 1111111 11 l it <! 111 '•I N! <IHMA' IION SH ' lii.AII<E

· ' llel 1920 Fn.:ud 1 (·d t''l'lllllll'ltl' :11111 k , .lt•ll.\l'lls tles /.ustprinzips
5 Entre mars 19 19 e1Jll 1 • ,.. , . .. ·• vail
propres interprétations 74 . En 1Y24, il instl • un · note dans ses « trois 20 << Au -dela du príncipe de plaisint) ct 011 11 ttllllp, tll · q11<: son pc~stmtsme pou
19
essais sur la théorie de la sexualité », af'lilluant qu 'cn 1913, « la docto- ( ' ' agé·•· c pet·sonnelle mélnll" ·e aux consé qu cnccs allecllves de la guerre.
renvoyer <> ce 11e 1r u 1 · • "' · · • é f · S b' a
resse H.v. Hug-Hellmuth [... ] a mis en pkinc valeur le facteur sexuel En fait, le theme anti-biologiquc de <da pulsi on de moti » lut avatt et ourm par a m
négligé jusque Ill» 75 • Il estime que« J'utilisation de la psychanalyse pour Spielrein. .. · ·· f eorrtplete Letters
o Lettre de Freud ¿¡ Fliess, 2714/1898 (éliminée de l' éd ttton pnllltttve, e.
l'éducation préventive de l'enfant sain, de meme que pour l'éducation
Freud-Fliess). . · d F d
corrective de 1'enfant non encore névrosé ... » 76 doit etre favorisée. Et il . Sarrt 61/211929 in Lettres de famille de Stgmun reu ·
7
Lettre de S. Freut1 a • 0 ' , •o 319/1922· t
rejoint sa protégée dans la «pédanalyse» pour sauvegarder sa politique ' Lettre de S Freu d ii Sam, 20m
•' //922 ibid . Lettres de Freud a iones, 24/o et
• ·• .
'e
d ·1 · · ·
contre les protestations des vrais spécialistes de la pédagogie et des Grosskurth ( 1991) : 11 o. Freud se dit ébranlé, mais quel~ues JOUrs plus tar ,' t ecn~ a
F · que Rosa a toujours été << une virtuose du desespotr>> (Lettre a Ferenczt,
universitaires opposés a la psychanalyse des enfants normaux que défen- erenczt . , (1988) vol 2 . 445 n7). Quatre sreurs de Sigmund Freud sont
daient Hug-Hellmuth et quelques «novateurs». L'autobiographie 2418/1922, cttee par Gay . . R'osa. Mitzi (Maria) Dolfi (Adolfine) et Paula. Seule fut
mortes dans les camps nazts · • .' , . , · • ·é
complaisante rédigée par Freud en aoíit et ·septembre 1924 valorise · "
épargn é e 1a cmqUieme,
Anna ( 1858-1955) qui avatt emtgré aux USA apres avmr epous
,
toujours von Hug-Hellmuth, politiquement correcte malgré tout77 . Voila le frere de Martha Freud (née Bernays). h
en effet un nouvel exemple de réussite de l'analyse appliquée a la péda- .. · d les Lett•es de Jeunene pour une autre dans Stanescu ( 1971 ), Y: e
, Pour partle ans " · ' , · · d B hl' h
.. nnat 5 of Psychiatry & Related Disciplines, vol. IX, n" 3). L édtttOn e , oe IC .
gogie, assure+il au moment ou, dans la nuit du 8 au 9 septembre 1924, ~~;;: ,AThe Letters ;,¡ Sig,¡und Freud to Eduard Silberstein), plus complete, s'arrete ausst
Rudolf vient d'assassiner Frau Hermine ...
en 1881. · b. • y· 7
10 Grosskurth (1991): 17, et Lettres de Jeunesse: 255. Son premter ca meta. tenne,
Les tideles suivront la voix du maltre, meme apres les révélations des 4 avril 1886 avait été transféré 3 mots plus tard au Suhnhaus, 8
Rat f¡ausstrasse, ouvert le 2 ' . · K · /' ·h s
tromperies. Helene Deutsch estimera, a propos des impostores de Maria-Theresienstrasse. C'est apres la morl de Pauhne que Freud qUillera ce at.~e~ te ·=u
Hermine von Hug-Hellmuth, que « peu importent les faits! le livre est Stiftungshaus (le Sühnhaus) pour s'installer 19 Berggasse, du 12 septembre 1891 JUsqu
psychologiquement vrai, comme le démontre le fait qu'il soit devenu un 4 juin 1938. , • 1 s·n;; · d B rn'eld's
" Cité par Gay (1988), note \65 du chap. 8 (vol. 2: 440), d apres e_s. tlilne e ~·
classique des écrits psychanalytiques »78 . p, ( on publiés voir le Container 17, Ltbrary of Congress, Washmgton DC). .
, 2a~rso~utsch, cité~ par Roazen (1975) : 321. Sur !'affaire Tausk, ac~ablante, vot~
Il s'est bien vendu, a été beaucoup lu, done son contenu est vrai et Ro~en (!969)· Roazen (1975): 311 sq.; Roustang (1976), chap. S; Van R11laer (1:.80\¡
chacun sait que la terre est plate. Les faits n' ont aucune importan ce, sauf _ 83; Cha~velot ( 1992) : 15 sq. ; Rodrigué (\ 996). vol. 2, chap. 46; John arre
182 1
quand la duperie accede au fait médiatique, la multiplication d'une (1996) : 59 sq.
croyance ou d'un mensonge devenant démonstration de leur « véridicité » 13 Cité par Roazen (1969, trad. fr. 1971 , p. 176).

psychologique. Apparemment, saos se rendre compte que le freudisme 14 Roazen (1993), chap. 8.
ll Falzeder, cité par Crews (1998): 261; Paul Roazen (1992): 243.
est en soi la forge idéale des « vérités narra ti ves», l'hagiographe Emilio
'" Sur Bellelheim, voir ici le chapitre Déréliction.
Rodrigué se croit obligé, en rapportant cette affirmation de H. Deutsch,
17 Lettre ii Jung, 21411911.
de préciser qu'il «existe en psychanalyse la funeste tradition de trafiquer
'" Kardiner (1977) : 1OS.
la réalité >> 79 • 19 Roazen ( 1975) : 420, 435.

20 Fuller Torrey (1992): 160.


2 1 Roazen (2001): 42, 71 , 77.
22 Berthelsen (1989): 155-156; Young-Bruehl (1988): 391 -392. .
n Berthelsen (1989): 165 ; Young-Bruehl (1988): 378; Roa7.en (200 1). chap. 3 1. O
2• Roazen ( 1993 ) : 56; Young-Bruehl (1988) : 399-400. Dorothy tlécédu en 1978. 2
NOTES Maresfield Gardens.
25 Berthe\sen (\ 989) : 67.
1 <<Die Patienten sind ein Gesindcl >>, prnpos th.: Sigmund Freud (Ferenczi, Journal clini- 26 Berthelsen ( 1989) : 67. , ·
21 Youn -Bruehl (1988): \25- 126. Roazen (1993, c hap. l) ,.,, 1h1 1 ~1 ( 111r av".
que : 148). · Cf g S ¡ p 1 R azen (2001 · 133) tes coutlll'" d i\llll:t el DtHothy
2
Freud a Binswanger, qui tui dc1n:uHiail en qucls termes i1 était avec ses malades '' Roazen ( 1993) : 56 . e on au o · - · ·
sont au Freud Museum de Londres. ,
(Correspondance Freud-Bin.,wmlgl'r : 1~ ·1)
3
29 B helsen (1989): ISO. Detlef Berthelsen rencontra Pauta l'trlttl 1' 11 1'11>1• ,. ,, apt~s 111
Lettre de Freud ii Pfistet; 2 116/ J<J20 ertd 11 · ·1982 publ'ta ses souvenirs (1989 La Jwtu/1¡• ¡.,,.,ufuu 1'" ¡.. 1'" 11 ) .
11
4
Freud (au sujetdes pe rvers). cili' p111 RIHI/1'11 ( 1<.169). Animal monfrere, toi; l'histoire de mort e ce e-c1 en , · · · •
mais les enregistrements d'Eissler sont encore bloqués.
Freud et de Tausk, Payot, 1971 .l l O
¡,
!<O MI ·.NSON<:I ·S l •f{f •l ll>ll N', 111 '. 1111111 I>I IN I III ·SINI ·()I{MJ\I 'I()N Sl ·('lll.l\11{1 , t i NI 1 <1111111 , lllo> N io 1 1 111 INN II ' , 111 1'1 111\.tll Kl

30
Roazen (1975): 47.
1
'" Lellre de ¡:,.1•11 J 1¡ ¡.¡. 11 •11 , v. ,>'1/·11/'1/f• V<lll Nu ll ( 1'1 11/) .' 111, l:l ici k chapi tre Légende
-'Cf Mikkel Borch-Jacobsen, London /?¡•vit•w of /Jook.1·. vol. 22, n" 8, 13/4/2000. Cf ici le lwgiofiraphique .
chapitre La Potion Mag ique. 5<> Freud ¿¡ .Iones, 131511920.
32
Selon Martha Bernays, sa sreur cadette Minna, qui avait perdu son liancé en 1886, était "'' Freud a .Iones. 1617/1\120. l ~ n 1•>.!11, Sa rnul'i <:nldwyn , de la Metro-Goldwyn_-Meyer-
présente au domicile de la Berggasse des 1892 (in Roazen (1975) : 556 nl7), mais ofli-. qui avait commencé sa carricrc en vcndanl th:s couchcs cu lones - , prop?sa a S1gm~nd
ciellement, elle n'y était qu'en 1896. Minna disparut en 1941 a 76 ans, Martha en 1951 a Freud, <de plus grand spécialistc rnnndial de l 'am~>ur » . 100.000 dolla_r~ (1 eq~,v~lent d un
90 ans. bon million de dollars 1990) pour la rédac t1on d un scénano destme au ct~e.mato~raphe
13
· q Roazen (1993) : introduction; et surtout Noll ( 1997). sur les grands épisodes amoureux de l'histoi re , ou sinon pour <<V~mr en Amenque part1c1~
pera une campagne visant a toucher les creurs de la natwn » (elle par Gay ( 1988), vol. 2 ·
34
Roazen (1993): 149- 151; Esterson ( 1993): 98 n5; et Kerr (1994): 588.
35
Leure d'A. Hirschmüller du 13/911996 a E. Roudinesco, citée dans Roudinesco & Plon 143), ce que l'illustre Yiennois, malade. refusa. ,. , . _
(1997) : 106. o1 Angelika Bijur a Adolph Meyer, in Crews ( 1998) : 270 (Meyer é_ta1t un celebre psychm
36
Roazen (1 993) : fin du chap. 9. tre qui, apres avoir été son enseignant, s01gna Horace Fnnk aux Etats-Ums, et devtnt un
37
Crews ( 1995) : 134. familier d' Angelika).
38 "2 Crews ( 1998) : 270.
Swales ( 1982) : Freud, Minna Bemays and the Conquest of Rome : New Light on the
3 Leure de Freud a Jones, 251911924.
6
Origins of Psychoanalysis.
39
Roudinesco .& Plon ( 1997) : 106 et 107. Cf sur cette affaire 1' inciden! A tiquis autobio- "' Lettre de Freud a Jung. 251111909. . . .
65 Leure de Freud a Frink, novemhre 1921 (in Crews (1998): 270, l!ahques m1ennes).
gaphique et codé par Freud (1901) : Zur Psychopathologie des Alltagsleben (chap. 2);
Swales (1982); Gay (1988), vol. 1 : 637-638 (Essai bibliogr. du Chap. 1); Roazen
66
Freud a Jone.1, 25/911924. , . . . .
(1993): 149- 151; Esterson (1993): 97-99; Kerr (1994): 136-142 et 147-148; Webster
67 Gay, vol. 2 : 309n. L' affaire Fleischl von Marxow est exposee tct dans le chapttre . La

Potion Magique.
li
(1995): 592 n27. La derniere hagiographie (Rodrigué (1996), vol. 1, chap. 27) accorde,
6M Lettre de Freud a Jones, 6/1111921.
avec clélicatesse, du crédit aux propos de Jung et a l'interprétation de Swales. 69
111 Crews ( 1995), Memory wars : 39.
' l'reucl (1915) : Bemerkungen über die Übertragungsliebe (p. 121). Et aussi Freud 7
" Cité par Roland Jaccard: Le Monde, vendredi 24/1/1992. .·.
( 191 2) : Rarschldge Jür den Arzt bei der psychoanalytischen Behandlung.
11 " Freud ( 191 O), Eine Kindheitserinnerwzg des Leonardo da Vinu · 63.
' C.f Shara ( 1983) : Fury on Earth, a Biography of Wilhelm Reich. n Freud (1915), Briefan Frau Dr. Hermine von Hug-Hellmuth. Letlre du 271411915.
" C.f Roazen (200 1), chap. 36, et Judy Cooper ( 1993). Judy Cooper fut sa patiente. D e¡ Ellenberger ( 1970) : 841 et 881 n369. d
Masud Khan eut Jl1aille a partir avec Jeffrey Masson lorsque ce dernier fréquentait les 74 Freud ( 1900), Die Traumdeutung : p. 121 n 1, 130 n2, 22~ n 1 (trad. fr.); et Freu
archives Freud de Londres. Des courriers entre M. Khan et An na Freud sont encore entre- ( 1917) : Eine Kindheilserinnerung aus « Dichtung und Wahrhell "· .
posés i\ la Library of Congress de Washington (Roazen (200 1) : 299). 75 Freud (1905), Drei Abhandlungen zur Sexualtheorie . Note 39 de la 2' part1e: 177.
43
Paris (1994), Karen Horney (p. 142-143); Baird (1995), Anai:v Nin. Biographie; 7
" Freud ( 1925 ), Selbstdarstellung : 1 18.
Gabbard & Lester ( 1996), Boundaries and Boundary Violations in P.1ychoanalysis; 77
Freud ( 1925), Se/bstdarstellung : 118.
Frischer ( 1977), Les analysés parlent: Augerolles ( 1989), Mon analyste el moi. Cf le si te 7K H. Deutsch, citée par Rodrigué (1996), vol. 2: 195. .
Internet http : //www.advocateweb.org/hope/default.asp. 79 Rodrigué ( 1996), vol. 2 : 195. Sur cette affaire, voir Ellenberge~ ( 1970) _: 841 et 8~ 1 ,
44
Cf plus has, chapitre La Grande 1/lusion. Roazen ( J975) : 442 sq.; Bertin ( 1989) : 273 sq.; Jacques Le R1der . << Le dosster Hermt~e
45
Cf Corre.1pondance Freud-Jones, et Grosskurth ( 1991) : 46 sq. C.f aussi Brome ( 1982), von Hug-Hellmulh » (Magazine Litléraire, n" 271, novembre 1989: 48-50) ; Jacqu~s . e
Ernest Jones. Rider, préface a Hermine VOl! Hug-Hellmuth : Essais psychanalyt¡ques. Destm et ecnt;l
40
Lettres de Freud a Ferenczi, 13/5!1913; Lellre de Freud aJones, 816119 13; et cf Gross- d'une pionniere de la psychanalyse des e'!fants, Payot, 1991; Roland ,Jaccatd . Le Monde,
kurth ( 1991) : 52. vendredi 24/1/1992; Rodrigué ( 1996), vol. 2 : 190 sq.; Roudrncsco & Plon ( 1997) . 463
47
Molnar, in Freud, 1939. Kürzeste Chronik : 222. sq.; et MacLean & Rappen ( 1991 ), Hermine Hug -Hellmuth : 1/er Ll{e and Work.
•• Roazen ( 1975) : 358.
44
Roazen ( 1975): 378 sq. L'essentiel se trouve dans Edmunds (Lavinia) 1988 (article que
11
reprend Crews ( 1998) : Unauthorized Freud Doubters ... , p. 260-276, avec des commentai-
res). Cf aussi Esterson (1993): 121 sq., et Crews (1995, Memory wars ... ): 38 sq.
Leure de Freud a Jones, 11-12/511922.
50
1
5
' Crews ( 1998) : 264 et 268.
52
Roazen (1975) : 379.
5
.1 Kardiner ( 1977) : 121 ; cj: aussi Sulloway ( 1991) : 270-271.
Lettre de F'reud a Jones. 911211921.
54

Lettre de Freud a Jones, 121811924.


55

56
He/en Frink Kraft, citée par C'rcws (1991\): 26 1.
57
Tausk a Freud, 317!1919 (in Rod• igm: ( 1996}, vol. 2 : 207).
Chapitre 5
La légcndc hagiographique

<<Dissimuler ce qu'il est et, pour pouvoir le


faire, simuler ce qu'il n'est pas : voila done le
mode d'existence que, nécessairement, tout
groupement secret impose a ses membres ( ... )
La vérité est toujours ésotérique et cachée. Elle 1
n' est jamais accessible au commun, a u vulgaire,
au profane. Ni meme a celui qui n'est pas com- 1¡
pletement initié. >>

Alexandre Koyré ( 1943) 1

«L'exploration de l'inconscient découvre effec-


tivement et véritablement la voie de l'initiation
séculaire et étemelle. »

Carl G. Jung (1934) 2

MYTHOGRAPHIES

Ernest Jones, le premier biographe attitré du Grand Fondateur et de


son Mouvement, a légué a sa mort en 1958 une énorme quantité de
documents personnels (les Iones' Papers) a l'Institut Psychanalytique
Britannique qu'il avait fondé en octobre 1913. Leur acces est tres sévere-
ment gardé, surtout depuis que Paul Roazen y a mis le nez au début des
années 19603 . Faisant partie du cénacle, et du Comité Secret, Jones avait
pu utiliser des informations cachées, dont la quasi-totalité est toujours
interdite de consultation a !'historien qui n'appartiendrait pas a La
Cause.
11 eut le privilege immense de voir et d'employer d'abondantes corres-
pondances des divers protagonistes, inédites, réservées a son usage
exclusif, soigneusement triées pour la rédaction de sa célebre trilogie, et
dont il cita de nombreux extraits. Cependant, ces cxtr:~its de lcttres, tirés
de leurs contextes, sont pratiquement tous oricntés pour donner la
couleur convenable a la grande épopée freudicnnc ct aux portraits qu'il
dessine des uns et des autres. Évidemment, son prop•l· pnsonnagc -
qualifié par Phyllis Grosskurth de «petit hommc JK'll attrayant , ave · sa
1 1111 t H 11 11 111111 o1 \ l'ill<.il ll
84 M EN SO N< li \S 1·1{1 ·111111 ·N', 111 ' .1 111111 11 II NI III ·.SINI·<li<MA'f'ION S(\('1!1 AIRI'

Freud en langue an glaisl' . 1 ~1 k l>utlt'lll .loot·~•. q111 ad111i1ait che1. Frcud


face de furet implorant pressée contre la vitre »" ct que Preud n'aimait «son aisancc dans une langlll' l'lr:lll ¡\l' ll' " l'l « UrH: l'Xcdlente maltrise,
pas du tout mais qu'il conserva paree qu'il était un gentil utile a la plutót littéraire de l'anglais », l'tail au lail de son talcnl rhétorique .
8

conquéte des pays anglophones - est présenté sous un aspect favorable Dument chapitré par Anna Fr~ud , .hu1es t:n réréra alors, pour garder ses
que les évidences dévoilées trente ans plus tard ont sérieusement arrieres si l'on peut dirc, a James Stracht:y - traducteur des reuvres
dément~. ~s pe!n~ur~s de ses ennemis personnels, qui furent nombreux: completes de Freud, dans la Standard Edition - , lequel ironisa et s'op-
SOn~ nOirCI~S, denrgrees, dévalorisées, de méme les opposants a l'ortho-
posa a la moditication des tcxtes sacrés, ce qui ne l'empé~hait pas de le
doxte freud1enne. Les autres personnes et les événements sont conformés faire de son coté. Ernest Jones, choisissant la pente la mmns dangereuse
a l'idéologie psychanalytique en cours de fabrication. pour sa propre légende, suivit malgré tout la ligne dure du fil a plomb de
la descendante du Grand Homme, et non celle de la vérité. 1

Erne~t Jone~ eut r~cours a .une


c,orrespondance considérable pour
cons~rmre sa bwgraphte «La Vte et 1 reuvre de Sigmund Freud », mais 1

Le courrier de Jones avec Freud (671 lettres, une bonne trentaine ont
certams documents ont quand méme été détinitivement écartés de sa disparu)9 fut seulement édité en 1993, mais ceux de ses correspondants [1
vue 5 . Il est ~out. a fait inhabituel qu'un historien sérieux rédige ses doivent rester verrouillés, pour la plupart jusqu'au milieu du xxte siecle.
travau~, et ·selectwnne sa documentation en rejetant des informations
De plus, le précieux Journal de Jones sera sans doute aussi longtemps
essentlelles, tout en ayant sa main et ses idées contrólées de l'extérieur interdit que les correspondances originales de Marie Bonaparte,
par ceux qui sont l'objet de son étude. Jones est tout a la fois dramaturge bloquées a la bibliothCque du Congres jusqu'en 2020, et que méme
et acteur, JUge et partie. Jetfrey Masson, alors secrétaire des Archives Freud, ne put consulter 10
entre 1979 et 1981, apres avoir séduits Kurt Eissler et Anna Freud .
Ses troi.s fort~ v.olumes. étaient en fait guidés en continu par Anna
freud, .qu1 les hsmt, chap1tre apres chapitre, faisait des commentaires Ernest Jones, en 1954, avait également entre les mains, outre les docu-
cor.rectJfs, et opérait nombres de choix décisifs. Certains de ces choix ments secrets, un spécimen personnel du Journal de Marie Bonaparte
étment intelligil;>les compte tenu de la nécessaire protection morale de pour son travail. Or, l'exemplaire historique a ensuite été soustrait des
q~elques survivants. Par exemple, la version expurgée de la mort de
Jones' Papers, apres que Paul Roazen, toujours lui, l'ait compulsé au
Stgmund Freud élimine, a la fin du dernier volume de «La Vie et milieu des années 1960. Encore une fois : qui a retiré ce Journal, quand,
1're u v re», les documents mettant en cause Max Schur, le médecin de que\ droit, et pourquoi? A-t-il été détruit ou soutiré avec d'autres
personnel de Fre~d, car ?n
aurait pu l'accuser d'euthanasie, laquelle ne documents d'importance lors d'un transport diplomatique vers les
sera rendue pubhque qu en 1972 dans le livre posthume de Schur lui- oubliettes de Washington? Ce journal, tres indiscret et intime paralt-il,
méme. Mais ce~te d~scrétion, qu~lquefois légitime, est l'exception et non contiendrait des révélations sur l'analyse de la princesse par Sigmund
la ~egle de la selectwn. La formidable biographie de Jones est certes un Freud du 30 septembre 1925 jusqu'a la mi-novembre suivante, puis par
~éhcat et tr~~ ~ritann.ique «~nderstatement», une édulcoration diploma- « tranches » successives jusqu' en 1938. Ce .lournal constitue les
tique des ventes, mats auss1 une altération raffinée des faits historiques «Cahiers Noirs» a ne confondre ni avec les «Ci nq Cahiers» - ses
et une propagande idéologique sous l'étroite surveillance des censeurs. souvenirs de petite filie entre sept et dix ans - , ni avcc sa correspon-
~ Le 8 avri 1 1954, Anna Freud indiqua fermement la marche a suivre a dance inédite, ni avec les mémoires 11 que la princcs~c, disparue en 1962,
Em.est Jones : les lettres d~ son pere a Jones, en anglais, n' étaient pas rédigea a la quarantaine.
tOUJOurs correctes, ausst son courrier devait-il étre fortement Le New York Times du 12 novembre 1985 aflirma. dans unt: maniere
« amélioré », ce qui est une proposition révisionniste quand méme assez de scoop médiatique de Frank Hartmann, que le journal tk Mari· Bona -
trou?lan~e6. Sigmund Freud était, bien sur, parfaitement anglophone, parte était en fin rendu disponible pour la publicat ion . Mai ~ i1 n·.~si
pratiquaJt,d~s anal¡ses en anglilis, écrivait et lisait cette langue couram-
toujours pas publié aujourd'hui. Consigné dans les <ll chiw s dt• sa lannlk
ment, et etaJt pay~ e? do!lars le plus souvent possible. 11 était capable, en vertu des dispositions testamentaires, il est cncore llltndit d' a1·n 's.
o.ralement et par ecnt, d. une <~absolue maltrise dans l'anglais le plus Mikkel Borch-Jacobsen, recherchant ses sourccs t:t l'l' Jlllltl ttd. oh1111t l' ll
simple et le plus parfaJt», d1ra Joan Riviere 7 qui donna, avec les mai 1995 une fin de non-recevoir de la légatairc des ;udii Vl'" dl' Ma•w .
« Collected Papers », sans doute la traduction la plus fidele des reuvres de
~ II N', tt N I• I III IIIII I N 1111111111 lt iiN I Ili .~ I N HH<M i\' IIO NS H ' lii . A IRI ' 1 1• ol 11111 JI 1111 11111 \l 'll lt .l l ll H1

Tatiana Fruchó.lud . sa lll' IÍk ldlc kll1ey Masson 12 avait pu auparavant plumc cl 'outrc-to mbc. L'éditi c · dn: i1o1 s vnh1111 ·s de « la vie el I' re uvre
approchcr l'cxemplairc de la I'IIJJt' ·ss · 1\ug nic de Grece, la filie de M. de Sig mund Freud » devinl al ors une 111 ·rvci ll cusc réalité virtuelle: ~ette
Bonaparte, psychanalysée en nll.:mc tcmps que celle-ci par Freud daos bible rendue invérifiable penda nt troi s décenni es par les restnctwns
les années trente. Plusieurs spccimcns scraient en circulation et, manifes-
d ' ac;es a I'information, est encorc le fo nd de commeree documentaire
tement, Elisabeth Roudinesco dispose de sa propre copie. Selon Borch.:
de la vulgari sation psychanalytique.
Jacobsen 13, le fameux exemplaire disparu de Jones serait différent des
autres : mais en quoi, pourquoi, et comment le sait-on?
Tout historien sérieux, done impartía!, est contraint de vérifier ses
sources en permanence, s'il tienta l'objectivité, c ' est-a-dire a communi-
Il y a, daos les dialogues de 1' Homme aux Loups (HL) avec Karin
quer des faits indépendants des intentions de ceux qui les fou:nissent. 11
Obholzer (KO), de savoureux échanges a propos des autorités de l'orga-
ne peut se contenter des jugements, ni des interprétations, m des seuls
nisation, dont Emest Jones : «- (HL) : Comment peut-on écrire une
témoignages des acteurs de l'histoire. Jusqu'au début des années 1970,
biographie et fabuler pareillement? C 'est ce que je ne comprends pas. -
(KO) : Il y a trois gros volumes.- (HL) :Ce n'est pas une raison pour on ne disposait vraiment, pour connaitre l'évolution de la psy~hanal~se,
écrire des choses fausses. [ ... ] Mais ce qu'écrit cet individu; franche- que de ce que Freud lui-meme en avait dit, d.e 1~ biograph1e p~ml~
ment, je me demande s' il avait toute sa tete.» 14 Ce dialogue fait écho aux d'Ernest Jones, et de quelques commentaires 1soles sur ce qm s etait
impressions tirées par Freud lors de la premi<~re rencontre avec le passé. Dans !'ensemble, a de tres rares exceptions pres, de bon aloi, les
personnage Jones, lors du Congres de Salzbourg au printemps 1908. lile affirrnations des uns paraissaient confirmer celles des autres, et cette
jugea curieux, «comme d'une race étrangere», rajoutant : «c'est un construction fictive avait alors une vraisemblance satisfaisant la commu-
fanatique et il mange trop peu », a quoi son correspondan!, Carl Jung, nauté des fideles et des admirateurs. Bien peu, en dehors de quelques
surenchérit, trouvant le gallois Jones énigmatique, « incompréhensible de originaux, pouvaient remarquer que les similitu~es ~es points de. vue
fa¡¡:on angoissante ( ... ) ce n'est pas un homme simple, mais un menteur ramenaient a une identité idéologique, que les h1stonens du freud1sme
incorrigible ... » 1 ~. étaient tous des freudiens et que les publications des uns étaient toujours
conformes a celles des autres paree que tous s' imitaient ou se copiaient
En effet, il est clair qu'Ernest Jones introduisit de savantes coupures réciproquement. 11 était évidemment impensable ~u'un psychanal~ste,
daos les correspondances et les documents qu ' il publia, sans compter ses historien de sa religion, fasse état d'éléments contra1res a l'orthodox1e et
déformations de l'histoire. En cela, il avait suivi de bons exemples : ceux aux dogmes que Sigmund Freud avait définis comme convenant a s~
du créateur de la légende psychanalytique, dont les récits égo-historiques postérité. Bien peu d'auteurs, sans doute aucun, avaient noté que la quas1
(de 1914 et de 1925 pour faire court) sont a la me me enseigne. M eme la totalité des ressources historiques étaient inaccessibles, quand elles
célebre Selbstdarstellung de 1925, que l 'on savait inexacte, est de plus n'étaient pas détruites, et que ce qui avait été rendu public dans l'édition
incomplete, ayant subí les ciseaux daos 1' édition officielle si l' on en croit officielle avait été impitoyablement censuré.
16
l'hagiographie . Comme l'écrivit Sigmund Freud le 31 mai 1936 a
Arnold Zweig, lorsque celui-ci luí proposa d'écrire sa biographie, «celui En 1972, la biographie de Freud par son médec in personnel, le
qui devient biographe s'oblige au mensonge, aux secrets, a l'hypocrisie,
psychanalyste Max Schur, épousait de tels. conto urs, avec ses référenc~s
a 1' idéalisation et meme a la dissimulation de son incompréhension, car en majorité réservées ou interdites au pubhc, ou re nvoyées avec une tres
il est impossible d'avoir la vérité biographique, et meme si on l'avait,
grande fréquence a la trilogie de Jones. Une des plus ~écentes , cel!e du
e lle ne serait pas utilisable». Yoila des aveux tres singuliers, de la part
psychanalysé Peter Gay, est en 1988 une modc rn1 sat10n , ou plutot un
d' un soi-disant expert de «la vérité » infantile reconstituée e hez ses
patients adultes! ravalement, de la fa~ade de l'édifice de Joncs. 11 utdt sc une abo ndance
de citations extraites de la documentation réservét.: : l' usagc des adep-
Cependant, si l 'on peut faire des reproches au monumental travail du tes : mais, selon mon décompte, sur ses 2.730 norc s t'l rU ~ r ·uccs biblio-
Docteur Jones pour ses libertés avec les faits historiques, il reste fasci- graphiques, 1.018, soit 37%, n'étaient pas puhli ées a u llHHncnt ele la
nant dans ce qu'il nous enseigne tidelement des points de vue de Freud. parution de son livre, et surtout demeurent incontrf> lahlr s pour une large
Ernest Jones est le reflet de Sigmund Freud, lequel semble guider sa part.
111" ti! " 11 'ill "!1111 1'1111)1 11·. K')
X8 MENSON<a ,s 11<1 ·111111 N•, lll 'ol llllll 11 I IN I 111 '.I NHII( Mi\ IION Sl ·( 'lll.i\IRI ·.

en portugais des 19~6 . Mais la tradu ·tHHI tra1H,:aisc du livr~ de, Ro?rigu~
Aucun comité de lccture d'une puhlil':tllon sc icntifiquc n' accepte une
renvoie, pour ses référe nccs hihlio •raphiqu~s de ce courner a Fhes~, a
étude dont les sources seraicnt inm:t'l'SSihlcs et invérifiablcs. Et le meme
!' antique « Naissance de la Psychanalysc » o u qu~ntttés de docu~ents ne
Peter Gay se voit obligé de dé plorcr les rcslri c tions d'acces á l'informa-
figurent évidemment pas, qu~ le lc~tcur. fran¡;ms cherchera vame~~nt,
tion imposées aux Archives Frcud, y compris a lui -meme. Le meme Gay
puisque cette édition, fac-similé de 1 ongmale de 1956 enc?re recop1~ en
s'indigne encore de la propagation des rumeurs sur la personnalité sacrée
1996, est toujours censurée aujourd'hui dans !'un des dermers_t~rnt01res
de Freud sans faire le rapprochement avec l'interdiction de consultation
du freudisme ... Et la victime ne peut se rendre compte de la desmfonna-
dont la levée permettrait d'y mettre fin. Le meme Gay, toujours, rapporte
«une proportion étonnante de livres malveillants » sur le freudisme et tion, qui n'en finit plus.
«Un grand nombre purement polémiques» 17 , dont il ne livre d'ailleurs
pas la substance. Le meme Peter Gay, enfin, se sent autorisé a trouver le
volume de l'ouvrage de Henri Ellenberger «un peu démesuré » 18 , sans CARL GUSTAV JUNG, ANTÉCHRIST LÉONTOCÉPHALE
doute paree que celui-ci nécessite 930 pages pour couvrir une période de
l'histoire de la psychiatrie bien plus étendue que sa propre hagiographie En pratique, tous les premiers analystes et tous les contin~a~eurs ~e la
freudienne, de, .. 950 pages. croyance ont eu droit, a des degrés variables sel?n leurs_positlons, a ~es
reconstructions désinformatives, altérant leurs bwgraph1es pour en ~m~e
La parution du monument de Henri F. Ellenberger en 1970 - The des demi-dieux, et de leurs affabulati~ns des ~érités indiscut~?le~ s~I-d~­
Discovery of the Unconscious : The History and Evolution of Dynamic sant élaborées a partir de faits. Du m01ns auss1 longtemps qu JI s agissait
Psychiatry - fut en effet une désagréable révélation car la confrontation de fideles o u d' autorités médiatiques indispensables a la ca.use fret~­
de l'exégese officielle a des documents d'époque commen¡;ait a faire dienne et a son expansion - par exemple 1' imposture grandwse 1?a!s
apparaitre d'importantes, graves et troublantes contradictions, sur de utile de Bruno Bettelheim, que l'omerta de la nomenklatura a verrou1~lee
nombreux points cruciaux entre les affirrnations contenues dans la litté- pendant des décennies23 - , car les dissidents, de leu~ coté, tomb~¡ent
rature freudienne et ce qui s'était réellement passé. Mais les sources tour a tour sous les coups des démontages accablants, smon calommeux,
d'Ellenberger étaient, pour l'immense majorité d'entre elles, extérieures par les freudiens orthodoxes et Jeurs turpitudes étaient déja connues, en
au mouvement car la documentation interne, soumise a !'embargo des partí e.
«chiens de garde», était alors encore hors d'atteinte. Comme on pouvait L' histoire se répete, et tout ce que 1' on a pu dire des falsifica~ions
s'y attendre, !'historien connut les pires résistances quand il voulut historiques des freudiens s'applique parfaitement .a Carl h~ng et a ses
publier son travail 19 . L'excellent ouvrage historique de l'australien
partisans, comme le montre, apres. J?hn_ Kerr, le ~1vr~ d~ Richard ~oll, 2
Malcolm Macmillan rencontra aussi des obstacles pour sa publication, psychologue érudit et enseignant 1 h1st01re des sCiences a Harvard .
pendant cinq ans, puis fut édité en 1991 de fa<;on confidentielle a un prix
prohibitif sans aucune publicité éditoriale 20 . Réaliser une étude rigou- Les manreuvres des jungiens ont été vigoureuses - ma~s aussi vain.es
reuse sur l'histoire de la psychanalyse peut devenir un dangereux que les contorsions dérisoires des freudiens pour retemr leur~ pet1ts
parcours du combattant, voire mettre une carriere universitaire en péril, secrets - , pour empecher Noll. d'acc~der aux, doc~ments ~aches, p~u:
et les freudiens sélectionnent les auteurs autorisés a accéder a leurs l'interdire de publication, le taire t~1re et 1 ~·~pccher d ex poser .ses
archives, avant de leur accorder le sceau de 1' Imprimatur2 1• découvertes, sans compter leurs tentatives de dJffus1on de comme~ta1res
faux et diffamatoires sur sa personne. Ce qui « non scui ~I~Cnl en d1t long
La derniere hagiographie d'importance en date- par Emilio Rodri- sur leurs craintes de voir remise en cause leur autontc trad1ttonnelle,
gué22, psychanalyste argentin vivant au Brésil - , traduite en France au
mais illustre aussi leurs détestables manieres » ~ .
2

début de l'an 2000, omet les critiques essentielles du contenu de la


psychanalyse et, faisant silence sur les affaires importantes, se contente On retrouve d'abord dans la mystification jungieiHil' 1\· lllbargo désin-
de reprendre les dits et faits institutionnels pour la gloire du mouvement formatif des freudiens.
freudien, visiblement étemel et indestructible. 11 est intéressant de noter
On croit souvent que la correspondance de Freud ;1w c <':111 11111 )'•• sans
que l'auteur recourt quand meme, avec prudence et édulcoration , aux
doute une des plus riches, est complete, ce qui c ~ l "w x:lll l'll'
lettres de Freud a Fliess tirées de l'édition complete de Masson , traduite
90 MUN::>ONC:I'.S I ·HI ' I IIIII N', 111 ', 1111111 l r' I IN I • III ·.~ INIUilMA' II()N Sr'·:t'lii .AIIO \ 11' 1 NI 11 11 <11111 di \1'11 11)111· '11

comporte en effet des coupur·s . ('·JI· de Jung avec Ludwig Binswanger, Carl Gustav Jung était le lil s d ' un p : r\ 11 ' 111 qui se disait descendant de
de 1907 a 1911, jadis en posscssion de la famille Binswanger, a curieu- Goethe 35 . Le grand-pcrc 111at ·m ·1 dt' ( '.( i . .lung. le th éologien hébra'iste
26
sement disparu . De meme, la correspondance de Jung avec Ernest Samuel Preiswerk, recevait chaqur..: sclllainc la visite spirituelle de son
Jones s'est mystérieusement volatilisée apres la parution du second épouse défunte, sacritiant a ccllc lin exclusive un fauteuil de son bureau.
volu~e de <da vi e et l' reuvre de Sigmund Freud » en 1955 27 • On ignore Sa filie Emilie, la future mere J e Jung, Jcvait alors se placer dans le dos
auss1 ce qu'ont pu devenir les précieux courriers qu'entretinrent en de Samuel quand il travaillait, afin de protéger l'élaboration de ses
cachette Ferenczi et Jung durant des années, apres la rupture de ce sermons de !'esprit curieux des ectoplasmes présents dans la piece.
demier ~vec Freud en 1913 28 • Deux volumes des lettres de Jung, pendant Entouré d'Hélene et Luise Preiswerk (ses deux cousines médiums), de sa
30 ans JUsqu' a sa mort en 1961, ont été « copieusement amendés et mere Emilie, et de différents invités, le jeune Carl G. Jung pratiquait des
sélectionnés par ses héritiers pour donner de lui un portrait favorable »29. séances de communication avec les spectres ou des expériences « surna-
Les administrateurs de la succession Jung bloquent encore l'acces a de turelles » concluantes dont i 1 tirera une these publiée en 1902, et fut
nomb~eux ?ocuments réservés. Le petit «Livre Rouge» de Carl Jung pendant des années membre honoraire de !'American Society for Psychi-
reste mterd1t aux regards a la maniere des journaux de Jones, de Marie cal Research quise consacrait au «parapsychique». Des 1902, «il avait
Bonaparte, et d'autres notoriétés 30 . Le contenu de son célebre séminaire manifestement établi [des] rapports entre l'hypnose, l'hystérie et le spiri-
de Zurich en 1925, reporté dans des notes certifiées par Jung, fut long- tisme bien avant d'avoir ouvert le moindre manuel de psychiatrie» et
temps réservé aux seuls élus et initiés, car «jusqu'a la publication des d'avoir rencontré Sigmund Freud. Et il « prit ces expériences spirites
notes completes en 1989, il était exigé de ceux qui souhaitaient lire ce tellement au sérieux que les idées qu'il en retira conserverent leur
document remarquable au moins cent heures d'analyse «approuvée» et emprise sur lui plus longtemps que la plupart des notions apprises a la
l' autorisation de leur analyste »3 1•
faculté de médecine» 36 •

Les hagiographies du personnage se sont, outre les documentations Lors d'expériences ésotériques répétées, de transes dissociatives et
tronquées et tromp~uses, pratiquement toutes inspirées d'une fausse hallucinées, Jung le gourou charismatique devint la réincarnation d'un
autobiographie de Jung («Ma vie. Souvenirs, reves et pensées» de «Christ Aryen », une sorte d' Antéchrist polythéiste, pai'en et polygame.
1962), une mythographie présentée comme sincere, en fait un montage Sous les traits d'un Abraxas léontocéphale - avatar a tete de !ion,
bricolé par Aniéla Jaffé, demiere assistante du médecin suisse, et arrangé hermaphrodite a pattes en forme de serpents et armé d'un fouet - , il
~our_ forger de lui une image convenant a la légende et a l'idéologie rencontrait en personne dans ses visions les dieux des temples mithnü-
32 ques, et auto-déifié, il rédigea a leur intention ses << sept sermons aux
Jungienne . Tout ce qui ne flatte pas la fable a été écarté, puis la plupart
des survivants du culte jungien ont contribué a la désinformation et a la morts ». Dans son bureau, il dialoguait seul, mais a plusieurs voix, avec
contrefa9on d'une histoire hallucinante, et empeché la connaissance ces dieux pai'ens de J'antiquité. Puis il inventa un culte des mysteres pour
dangereuse des vérités cachées depuis le début du siecle dernier. initier ses élus aux vérités révélées, une église secrete ou il convoquait,
par 1'ébranlement télékinétique de la clochette du perron de sa maison au
Que fallait-il soustraire ici? bord du Jac, les divinités préchrétiennes dont il était le maitre 37 • La
demeure de Jung était une communauté névrotique d'illuminés dévoués
ll ~·all~it dissimuler les falsifications et truquages de Jung33, son a sa personne, un temple ou se pratiquaient le spiritisme, la psychana-
expl01tatwn des femmes, des névrosés crédules, ou des familles fortu- lyse, !'astrologie, décidément interchangeables. C'était une secte messia-
nées. 11 fallait effacer les expériences visionnaires de celui qui fut sa vie nique et d'initiation, inspirée du culte de Mithra, d' origine Perse et qui
durant un adepte de l'occultisme, spiritisme, alchimie, graphologie, contrecarra le christianisme jusqu'a la fin du Iv e sicclc. Le lourd symbo-
soucoupes volantes, poltergeist (ou esprit frappeur), divination astrologi- lisme de Mithra terrassant le taureau - la tauroctonir.: mithra·lque rcpré-
que et prémonition onirique, légerides du Saint Graal, entretiens avec les sentant la victoire de la vie sur les forces du mal fasc inait Freud et
ancetres ou les croisés morts en pelerinage, entiché de rose-croix et de Jung. «Mes soirées sont fort occupées par l'astrologic . J · calc ule des
franc-ma9onnerie 34 ... Et toutes les informations qui, le faisant passer horoscopes, pour mettre la main sur le contenu dr..: lla 1 Vl' ' itl- psycholo-
pour.f~u, élimineraient son idéologie irrationnelle et sectaire, qu'on a pu gique», écrivait Jung a Freud38 . Puis Carl Jung, a la SliÍil' d ' un. analysc
cons1derer comme simultanément antisémite et anticatholique. astrologique, conféra a Sigmund Freud, né le 6 mai 1 X.'1 <1. lt- •cdoulahlc
MENSON(:I ·.S 1•1(1 •111111 N'o ll l'o!lllll l 11 I IN I 111 '• IN II>t(MA II ON S t''('tll A IRI ·, llo ol ll l•l 11 loiiHIIIA I' III\ .) 111 • 11
1

'1
1

signe du taureau. Des lors, Jung devetllt Mithra clans ses proprcs fantas- suggestion du départ. L' intt.:IJlll'lalltHI l u~t· t·t· d ' ulll: signitication sexuelle
mes sacrifia Freud transformé en taur ·an chf1tn.: 1'1... pourvoira a la validation autonwtiqul' du dogttle initial, car, de toute
fa9on, le client qui ~e rcbclle k w nli ttncru par sa «résistance» et celui
Le jungisme était une nouvelle rcligion polythéistc, p<ú'enne et pres de qui l'accepte donnera éga lemcnt raison a 1' interprétation.
la nature, dont l'objectif avoué était d ' inliltrer culture el religions tradi-
tio~nelles, voire de s'y substituer"0 . Carl Jung, son Dieu principal, Depuis pres d'un siecle, on sait que la contamination par la suggestion
«~ec~ara ouvertement a plus d'un interlocuteur que lui-meme et ceux qui réciproque (de l'analysé par l'analysant et inversement) conrere au
smvment ses méthodes avaient été choisis pour devenir les rédernpteurs « matériel clinique », quand il existe, e' est-a-dire aux fantasmes des
de Dieu». Eugen Bohler, son intime, rajouta qu'il «se croyait chargé patients, une validité bien illusoire, et a ceux des psychanalystes une
d'aider Dieu a devenir conscient, et cela non pour nous les hommes, autorité totalement usurpée : c'est la, dans la communication médecin-
mais dans l'intéret de Dieu Lui-meme» 41 . Le clanjungien devait ouvrir a malade, une création d'informations factices et de fausses preuves dont
ses fideles les portes de l'humanité vers un nouvel état de conscience se repait le freudisme. L'absence d 'effet thérapeutique supérieur a ce que
plus élevé, a condition d'avoir affaire a un élu préalablement formé dans produit la seule suggestion (ou l'effet placebo) en est d'ailleurs une
les regles, par la psychanalyse, transformation initiatique de soi et confirmation et suffit a ruiner les prétentions des analystes 44 .
descente dans l'inconscient qui allait aussitót devenir un moyen d'acces
direct au royaume transcendant des dieux. Tous les analystes retrouvent ainsi chez leurs patients les fantasmes
qu'ils désirent. Pour Lacan, l'inconscient est structuré comme un
En 1911, quelques mois avant son exclusion, Wilhelm Stekel avait osé langage, pour Otto Rank, le traumatisme de la naissance !'agite, pour
affirmer que le patient reve dans le dialecte utilisé par son psychiatre Alfred Adler, l'infériorité !' habite, pour Melanie Klein, le sein morcelé
pour le traiter, ce qui déclencha une féroce riposte de son maí'tre Freud. de la mere 1' anime .. . Pour Freud, il est le réservoir des désirs sexuels
On sait depuis belle lurette que, quand une personne consulte un psycha- refoulés dans l'enfance et dans la préhistoire de l'humanité, et pour Jung,
nalyste freudien, elle fait des reves freudiens, rankiens chez l'analyste I'inconscient est un musée complet des antiquités pai'ennes, transmis de
rankien, kleiniens chez un kleinien, winnicottien chez le psychanalyste génération en génération par l'hérédité des caracteres acquis. Car les
correspondant, ou n'importe quoi chez celui qui escompte qu'on le nour- connaissances biologiques des analystes se sont arretées au lamarckisme,
risse au gré de ses propres fantaisies. Grace aux témoignages des et n'ont jamais intégré l'administration des preuves accumulées du
consommateurs - par exemple Blanton, Doolittle, Kardiner, Wortis - , contraire depuis un siecle.
nous savons que la soi-disant « technique » psychologique de Sigmund le
gourou n 'était qu' une persuasion active. « Simplement, il faut prendre en Des lors, la psychanalyse de Jung devait, par la force, retrouver cet
compte que 1'association libre n 'est pas vraiment libre» , écrivait-il, et inconscient collectif du paganisme réincarné en chacun. Malades et fide-
1'analyste, «par son expérience, est en général préparé a ce qui va venir, les étaient ainsi libérés des chaines de leurs névroses pour sombrer dans
et peut a présent mettre a profit le matériel que le patient met a jour... » 42. le fanatisme jungien.
Freud, maltre dans l'art de la manipulation textuelle et des analysés-
espérant une confirmation, illusoire, de son idéologie - , nous avait Au palmares des recrues du jungisme, on comptait plusieurs familles
tres fortunées.
avertis : « dans le traitement psychanalytique, il est tres important [pour
l'analyste freudien] de s'attendre a ce qu'un symptóme ait une sign~fica­ Medill MacCormick, propriétaire du Chicago Tribun e et bien placé
tion sexuelle», chez le client. Et de fournir a son patient l'interprétation dans !'arene politique, s'était fait soigner en 190H- 1909 par Jung, lequel
correspondan te par anticipation ( « Erwartungsvorstellung ») pour le !'incita fortement a user de la polygamie commc adj uvant thérapeutique.
convaincre. Ou bien alors, continuait-il, l'analyste doit s'attendre a «la «Ce riche Américain était une tres belle prise pour le lllouvcmcnt, et ce
signitication sexuellement opp.osée qui n'a peut-etre pas été soup- témoignage de leur succes international ne manqua pas d<.: ravir .Jung et
90nnée»43. L'interprétation persuasive émane bien du psychanalyste. Freud. Jung n'allait pas tarder a ferrer un troph t· l'nt·ore plus imprcs-
Mais l'astuce de Sigmund Freud consiste ensuite a faire croire qu'il sionnant pour la psychanalyse et pour lui-memc : la ltllr <k l'honunc qui
s'agit d ' une représentation (Yorstellung) que se forge le patient, sui passait généralement pour le plus riche du mondl· tll'l' itk-ntal , Edith
generis. Comme si le fantasme venait de lui, non du dehors par la Rockefeller MacCormick »45 . La famille MacC'o 11111 t' ~ t'lall ¡Hopriétairc
94 MEN SO NW :S H<l ·l/1 111 N', 111 '.111 11 11 11 I IN I 111 \ IN I·OHMI\'IION Sl :('lii.AIRI :

de 1' lntemational Harvester, 1' nnplll. des lilac hines agricoles. Le fils tres illuminations tran sccndantak:-. el M"lll"' n1cssianiqucs, ou bien
Harold MacCormick, tres pro ·h · des Rockcfcllcr, épousa Edith, elle- encore se retournaient vcrs un fr ·udt:-.IIIL" plus 01thodoxc et plus prolifi-
meme tille de John D. Rockcfc llcr, dont la fortune (la Standard Oil) était que. Mais ni plus ni moins irrationn ·1 , ni plus ni moins menteur, ni plus
estimée avant la premiere guerrc rnondialc a 2% du produit national brut ni moins honnete.
des États-Unis.

Au début 1913, au commencement du schisme avec Freud, Jung vint a


CODA
New York en personne chercher Edith Rockefeller MacCormick, dépri-
mée et agoraphobe, et entama derechef son analyse, qu' il continua sur le Ainsi, l'histoire de la psychanalyse a du se faire de I'extérieur, sans le
paquebot pendant la traversée du retour. Puis Edith s'installa avec
concours des ressources immenses de la documentation interne que le
enfants et domestiques a Zurich dans un hótel,jusqu'en 1921, pour para-
mouvement s'était réservée.
chever son initiation.
Cette rétention des informations est en soi une grave anomalie. Elle a
Chaque nouvel adepte se doit de convertir ses proches, ses voisins, de suscité bien des curiosités, et la vocation de spécialistes passionnés qui,
les amener vers la rédemption et de poursuivre l'évangélisation. Des par manreuvre habile ou séduction, _sont quelquefois pa_rv~nu_s a soutirer
lors, a l'automne 1914, Harold McCormick, le mari d'Edith, entama une une poignée de documents croustillants. Quelques revelat10ns sur la
analyse jungienne a son tour, puis leurs enfants, Fowler et Muriel. Plus désinformation freudienne ont pu etre ensuite l'objet de désinformations
tard, le financier Paul Mellon et sa femme vont s'incliner. «Les Rocke- a leur tour sortes de nouveaux montages de propagande emboltés dans
feller, les MacCormick et les Mellon comptaient parmi les familles les la propaga~de, ce qui tient du prodige e~ de la plus ~r~nde _cocass~ri~.
plus riches d'Amérique et l'on peut se demander si Jung serait encore Certaines de ces perles n'ont pas de pertmence pour l htstonen, mrus ti
aussi populaire aujourd'hui s'il n'avait pas gagné et convertí leurs est significatif de noter qu'elles sont, lors de leur divulgation dans la
femmes a ses mysteria>¡46 . Car Edith Rockefeller MacCormick finan~ait presse, pratiquement toutes a l'origiiie de scandales. Une tempete_ d'indi-
les publications et traductions des travaux de Jung, alors inconnus du gnation se déclenche, associée a de curieux phénomenes émot~onnels,
public, puis l'immeuble ou les jungiens installerent leur Club Psycholo- montrant a la fois l'intolérance sectaire du monde psychanalyttque au
gique en 1916, réglait les factures, avan~ait des prets ... « C' était presque jugement extérieur ou a la simple confrontation a l'évidence du contraire
deux millions de dollars d'aujourd'hui qu'il recevait. Et cela sans comp- de sa légende, et puis ce qui peut apparáitre comme une de ses plus gran-
ter la traduction des reuvres de Jung en Anglais »47 . Plus tard, Edith des faiblesses. «Apres tout», écrivait Fran~ois George, «Un congres de
psychanalyse est aujourd'hui a peu pres le seul lie~ ou puisse e~~~r~
s'observer la grande hystérie qui enchantait Charcot» 0 . Cette sensibihte
achetera un autre Club (Gemeindstrasse a Zurich, toujours en fonction)
rempla~ant le précédent trop dispendieux. John D. Rockefeller épongera
toutes les dettes de sa tille, laquelle restera déprimée et agoraphobe spéciale a l'intrusion étrangere sur son territoire secret, et cette autopro-
jusqu'a la fin de ses jours. Grace a la fortune des Rockefeller MacCor- tection par des regles différentes des lois communes, sont !'índice d'une
mick qui se dépensa ici par millions, Jung fut ainsi connu du monde grande fragilité psychologique dont on avait pu les cr~ire épargnés par
entier. 11 essaimait. leur spécialité. Outre les convoitises des experts, ces attttudes ont enge~­
dré des suspicions bien légitimes sur l'honneteté d'un cercle monopoh-
Il fallait attirer les névrosés influen~ables, et surtout des femmes, vers
son culte clientéliste a mystere. Jung se présentait a cet effet sous diffé- sant aussi nerveusement et jalousement l'information .
rents masques selon les besoins et, techniquement, il « trompait délibéré- Maintenant, la question est la suivante : quels sont done les renseigne-
ment ses ouailles »48 pour son insémination spirituelle, et lucrative. ments qu'il faudrait soustraire a la curiosité morbidc du monde exté-
Quant aux plus belles patientes, la polygamie leur était recommandée sur rieur?
ordonnance, avec applications pratiques sur le divan pour leur faire
gouter l'inconscience collective ... Quelques-uns allaient plus loin encore, 11 en découlera bien d'autres interrogations. D'al ord, pourquoi le
dans des culbutes groupales de la plus grande bouffonnerie49 . Certains mouvement psychanalytique a-t-il besoin d'échappa i\ lu vérification?
s'éloignaient du gourou décadent puis se réfugiaient dans les bras d'au- La réponse pourra appara1tre a la comparaison du coniL"IIII de e ·s sourccs
MI ~ NSON<:I .~ 11 1 111111 N'• 111,11111 1 1 o I IN I 111 ',I N ! 1!1<~1/\IIIIN ,\ 1 ( ' t 11 A IHI • 11 '" rHol 11 l.ltu,!li\1'1111,11 11· lJ7

SecreteS 3UX pubJicalÍOIIS j n·udÍl'llllO 1,('S 1111\lllll:tl ÍOIIS Olll élé, par NOTES
exemple, retirées du regard des honun{'S p:u n· q11 ' ·lk·s sonl dangcreuses 1
Koyré (1943) : 32-33.
a l'idéologie Officielle qu 'c]Jcs COlllrcdÍSl'lll l'ill gorÍ<.¡UCIJlCill, et paree 2 Cité par Noll (1997): 151.
qu'elles nuisent a la survie de ses éKil:plcs en tanl que psychanalystes. ' Roazen ( 1993) : 99 sq.
Lesquels absorbent avec voluplé les dogmcs rrcudiens sans jamais en 4 Grosskurth ( 1991) : 130.

douter mais répugnent a entendre les contestations, surtout factuelles. 5 Young-Bruehl (1994): 162.
6 Roazen (1975): 13; et Roazen (1993): 91 sq.

Ensuite, comment se fait-il que la psychanalyse soit la seule, de toutes 7 Joan Riviere (Lancet, 3019!1939), citée dans la préface a Lettres de Fami/le de Sigmund

les branches de la pensée a prétentions scientifiques, a traiter ses histo- Freud, p. xi.
8 Jones ( !959), cité dans la préface a Lettres de Famille de Sigmund Freud et des Freud de
riens, ses épistémologues, son public et l'honnete homme de cette
Manchester, p. x-xi.
maniere ? La réponse a cette question est ess.entielle car elle renvoie a 9 The Complete Correspondence of Sigmund Freud and Ernest Iones, /908-1939;
l'idée que le mouvement freudien n'ajamais obéi a des impératifs scien- Cambridge, Harvard University Press, 1993. Traduction aux Presses Universitaires de
tifiques- qui l'auraient ouvert a la communication et nécessairement au France en 1998.
1° Cf l'introduction de Masson a <<Complete Letters Freud-Fliess», 1985 : 6 n6. Des
partage de ses données - , mais se définit, au contraire et depuis ses
origines, par· l'ignorance de l'objectivité et par des comportements Jettres de Marie Bonaparte a René Laforgue furent éditées par Bourgeron en 1993.
11 M. Bonaparte, A la mémoire des disparus, 2 vol., PUF, 1958. Cf E. Roudinesco (1994),
sectaires qui l'isolent de la communauté des savants en une autarcie
Histoire de la Psychanalyse en France, vol. 1 : 320 sq.; et Roudinesco & Plon ( 1997) :
tremblante et agressive. Le mouvement freudien est l'archétype d'une article Bonaparte. Les <<Cinq Cahiers d'une petite filie» furent imprimés pour l'auteur en
secte cultivant e hez ses adhérents et les na'ifs «la psychologie du juste 1958 (4 volumes, lmago Publishing).
persécuté, du peuple élu entouré d'un monde d'ennemis qui lesent ses 12 Préface a Complete Letters Freud-Flies.~. op. cit., p. xi .

13 Borch-Jacobsen (1995) : 94 sq.


droits et le menacent dans son existence. Inversion caractéristique de la
14 Obholzer (1980) : 207 et 208 .
situation réelle, qui nourrit le sursaut d'infériorité des totalitaires » 51 •
15 Lettres de Freud a Jung du 3/511908 et Lettre de Jung a Freud du 12!711908 (ma

Enfin, comment se fait-il qu'on puisse, y compris en n'étant pas soi- traduction).
ló Selon Peter Gay (1988, vol. 1 : 621), l'édition intégrate qu ' il utilise se trouverait dans
meme un de ses convertís, trouver normales les dispositions prises par le
lise Grubrich-Simitis, 1971 : Freud « Selbstdarstellung ». Schriften zur Geschichte der
corps psychanalytique pour la protection de ses terribles secrets, mais Psyclwanalyse (pas d'éditeur).
résolument pathologiques, impudiques et honteuses, les révélations des 17 Gay (1988), vol. 1 : 619.

historiens et la curiosité du monde scientifigue a son égard? Les répon- '" Gay (1988), vol. 1 : 640.
ses incombent ici aux sociologues et historiens des civilisations. La '" Cf Micale (1994).
psychanalyse, religion sans dieu, sacrée dans nos sociétés, s'oppose aux 20 Macmillan (1991), Freud Evaluated The Completed Are. Cf Frederick Crews
( 1996) : note 4. Néanmoins, Macmillan a eu du succes el son livrc cut droit a une nouvelle
autres croyances séculaires qu'elle veut supplanter sans contradiction. Et
édition, avec un chapitre supplémentaire et plus accessiblc (Cambridge, the MIT Press,
le besoin des hommes d'adhérer a une foi qui leur ment justifie son 1997).
emprise. Disons-le : il s'agit la d'un assaut symptomatique de l'irration- 21 Yoir la préface de Max Schamberg (1993), vol. l.

nel contre la culture et la vérité. Et, dans notre civilisation, «la psychana- 22 Rodrigué ( 1996), 2 vol.

lyse essaie de s'infiltrer en revetant J'uniforme de la science, afin 21 Sur ce sujet, voir ici le chapitre Déréliction ...

24 Kerr (1994), A Most Dangerous Method; et Richard Noll ( I'J'Jl). }IIIIM. le Cilrist Aryen.
d'étrangler cette derniere de l' intéricur »52 .
25 Noll (1997) : 293 .
26 Cf Correspondance Freud-Binswanger, 1995 : 224 n 11.

27 Correspondance Freud-Jung : 516 n l .


28 Kerr (1994) : 454.

29 Noll (1997): 10.


30 Noll (1997): 10 et 150.
31
Noll ( 1997) : 131.
32 Noll ( 1997) : 300 n l.

" Les mensonges de Jung sont encombrants, sur Otto Gro~~. 1111 ·· '" 1" 1!""" 1111111 ' 1'1''' 1
(Noll, ibid. : 278 sq.) par exemple.
9!! MENS O NCiES H<l ·lll 111 N ', 111 '• 111 111 1 i t 1 11~ 1 lt l '.I N i t ii! Mi\ llt iN S H ' III 1\ 11<1 1

34
Voir Kerr (1994): 50 .1·q . , 70, cr ¡m.l',l'llll , Wr l" ln ( 1'1'1 ~ ) IK~ .l't¡.: el surt out Richard
Noll (1997). DEUXIEME PARTIE
35
Kerr (1994) : 45.
36
Noll ( 1997) : 46 (pour ces deux citalions).
37
Noll (1997): 147, 160, 170- 171 , 240-241.
JS Lettre de Jung a Freud, 1216/1911 .
39
e¡: l'analyse de Noll, pages 144 sq. , et la derniere partie de Freud (1912-1913 ) : Totem
et Tabou . MENTERIES ET DÉRAISON
40
Noll (1997) : 75 sq. et chapitre 4.
41
Noll (1997) : 12 (pour ces deux citations).
42
Freud (1925), Selbstdarstellung, pages 68 et 69 (c' est moi qui souligne).
43
Freud (1908), Hysterische Phantasien und ihre Beziehung zur Bisexualitiit : 155 (c'est
moi qui souligne).
44
Depuis Gaupp ( 1900) et Woodworth ( 1917), les travaux sur la suggestion abondent : cf
Van Rillaer (1980 : 191 sq.), Sebeok & Rosenthal (1981), Esterson (1993 : 236 sq.),
Macmillan ( 1991 : 213, 570 sq.), Erwin ( 1996 : 93 sq.) et bien sur le fatal Grünbaum
(198411 1996) ..
45
Noll (1997): 213-214.
46
Noll (1997): 223. <<In a time of universal deceit, telling the truth is
47
Noll (1997) : 236. a revolutionary act. »
48
Noll (1997) : 181.
49
Par exemple, le psychologue polygame Henry A. Murray et sa maitresse Christiana George Orwe!P
Morgan (Noll (1997) : 103 et 275.), tous deux ésotériques inventeurs, dans les années
trente, d' un soi-disant test psychologique, le Thematic Aperception Test, Jeque!, dans le <<Veritas vel silentio consupitur vel mendacio. »
meilleur des cas, n'apprend rien au psychologue qu'il ne sache déja et dont la validité est
médiocre. Christiana disparut en 1967 dans des conditions mystérieuses : ivre, elle se Ammien Marcellin 2
noya dans 50 cm d'eau, ,pres de Murray qui, a l'enquete, ne se souvint plus de rien
(Roazen (2001) : 257 sq.).
50
F. George (1979) : 134 n l.
51
Alexandre Koyré (1943), 34 n2: Cf Weisz (1975); et John Farrell (1996), Freud 's Para-
noid Quest.
52
Knight Dunlap (1920), Mysticism, Freudianism, and Scientific Psychology.

NOTES

1 En ce temps de mensonge universel, dire la vérité est un ar h· r v n ltrl htr tr Htr ll '
z La vérité est violée aussi bien par le silence que par 1· mt·n~ollf'l
Chapitre 6
Superstitions 1

"Entre une séance de psychanalyse et une


séance de spiritisme, la différence est la sui-
vante : d'apres les normes a l'honneur dans la
haute culture universitaire dominante de notre
temps, les esprits et les spectres que l'on convo-
que dans celle-ci ne sont plus respectables. »

Ernest Gellner

SIGNES DE CROIX

Dans les montagnes du Harz, au pays de Goethe en Basse-Saxe, les


paysans conjuraient les mauvais sorts. Ils s'y protégeaient des sabbats
des sorcieres en allumant des feux, clouaient des signes contre les maté-
tices, et les trois croix ttt dessinées a la craie sur les portes se char-
geaient d'éloigner le Malin et ses sortileges. Souvent, Sigmund Freud et
les siens y séjournaient, et le Comité Secret refaisant le monde a sa
mesure y devisait dans les chaleurs de l'été.
Le tracé rituel se retrouve en de multiples occasions daos les corres-
pondances de Freud, du moins dans celles que les censeurs nous ont
laissé Jire, jusqu'en 1938 quand lui parviennent les « nouvelles en prove-
nance d'ttt Allemagne ( ... ), les vagues d'immigrants qui déferlent sur
les rivages de ce pays, l'incertitude quant a ce que !'avenir proche nous
réserve, tout cela exclut un confort véritable »3 . Le signe de la croix était
un sacrifice a l'imprévisible, une conjuration magique du ·nt Chaos. « 11
faut done que la sorciere s'en mele », disait Goethe4 . Et Sigmund Freud
répondit a l'intolérable désordre que « nous savons qm: les premicrs pas
vers la maltrise intellectuelle du monde environnant, ou nou s vivons,
consiste a découvrir des généralités, des regles , des loi s. qui llll:lt cn l de
l'ordre dans le Chaos» 5 .
Le dimanche 5 novembre 1899- le lendemain dl' la p:uution <k la
Traumdeutung, sacrée mais antidatée en 1900 pour inaugult'l 1111 .\ ll't'h"
qui commencera en fait le lundi ¡er janvier 1901 - , l"reud :¡vot lt', 1·111''
ne pas savoir «encore quoi faire de la ttt féminin •... » . F11·ud ''l ' \l llll"
' .¡ 11'1 11'· 1111 1lN' 101
102 MENSON<ii'.S 1·101/llll N'> lll ~ lflllll lli i N I 111 ~ I N I OI<MA' II ON SI,('III.A IKI ·

jamais quoi faire de la "I'H mauditt· so ualité f'éminine, vaste «continent collection d' antiquités, représcntation dt: Y~:IHI S qu ' il lut: sur le champ.
noir» inexploré et dangereux . Ccttc inf'ormation n' csl pas caviardée par Mathilde est vite guérie .
l'édition fran~aise, bien que la lcltre soitt:xpurgéc d'une H'l phrase. Les
Ht y sont simplement remplacées par +++ fournies sans aucune expli- Devant les mauvais sorts, a la pertc d'une amitié ou plutot d'une
cation, ce qui est une maniere de dissimuler une soustraction derrieré alliance en péril, des couvercles d'encriers, des figurines égyptiennes,
trois additions 6. Mais les damnées Ht disparaissent totalement de cette différents objets vont y passer. En 1925 encore, ses précieuses lunettes et
édition dans un courrier du 8 mai 190 l. 11 y est question de la Psychopa- leur étui sont sacrifiés sur l'autel de son inquiétude, en attendant un train
thologie de la vie quotidienne, travail « tout a fait informe» ou il se qui ne voulait pas venir. Malgré son auto-analyse, Freud a toujours eu
«trouve des tas de ttt choses interdites», dit !'original. On les retrouve une phobie des transports ferroviaires, mais ce jour-la, le train contenait
14
ayssi en avril 1904, dans des propos dérisoires de Freud sur les ttt sa tille Anna et un accident s'était produit, dans un autre ttt train •
Etudes sur l'hystérie et la clef des songes7 . · Quand ils concernent des psychanalystes, ces comportements sont
cachés sous l' appellation « méprises et maladresses }} et autres « actes
15
manqués >} évidemment non symptomatiques d'une névrose •
Et les ttt reviennent encore dans la ttt correspondance avec Jung,
par exemplé le 1er janvier 1907 («vous savez, la ttt sexualité » ), ou le 27
aout 1907 («lorsqu'on se trouve en face de son ttt inconscient»). Carl
TRANSMISSIONS DE PENSÉES
Gustav Jung connait bien l'usage du signe des trois croix, qu'il pratique
quand il devine la terrible emprise qu'essaie d'exercer son maitre et le
Dans ses écrits publics, Freud refuse apparemment de croire a l'occul-
« ttt dangen} qu'il représente 8 . Quand il finit par comprendre, apres des
échanges d'une férocité inoui'e avec le Viennois, il rédige une lettre de tisme.
démission de la présidence de l'association ínternationale de psychana- 11 reprend une étrange distinction entre le « paranormal >} et la « télépa-
lyse, qui marque la fin des relations avec Sígmund Freud, et en adresse thie}} dont il n'arriverajamais ase défaire. Des 1901, il écrivait aFliess:
une copie a tous les responsables des sections locales de l'association. «je crois a la transmission de pensée et continue de douter de la
Sur l'exemplaire personnel de Freud, Jung prend la précaution de tracer 'magie'}}16. Apparemment, l'émission de Berlín a Vienne était brouillée:
ttt a son intention9 . Alors le médecin suisse se retrouvera seul, un Fliess pensait l'inverse, estimant la magie, méprisant la télépathie ... En
protestan! dans l'hérésie, divaguant vers le polythéisme paleo. 1937 encore, lors d'une discussion avec le Dr Smiley Blanton, son
patient qui lui demandait ce qu'il fallait penser du « paranormal>}, Freud
Carl Jung conservait sur luí la clef d'une cache secrete d'une alcove de affirma qu'il faudrait vérifier tout cela, mais que le jeu n'en vaudrait pas
son bureau 10 , ou se trouvaient différents objets de valeur, dont la corres- la chandelle, « excepté pour la télépathie dont 1' existence est possible et
pondance de Sigmund Freud, et puis les morceaux du couteau a pain qui mérite d'etre étudiée}> 17 •
brisé pendant une séance de «télékinésie». Lors d'une de ces séances de • 18 •
démonstration a Vienne, fin mars 1909, il aurait fait craquee adistance la Ernest Jones - qui se défend, dans un gros chap1tre tout entter
bibliotheque de Freud, grace a ce qu'il appelait «le phénomene d'exté- consacré a l'occultisme, d'avoir adhéré lui-meme a de telles balivernes
riorisation catalytique}}, ce qui, soi-disant, aurait saisi d'horreur son - prétendit que Freud différenciait aussi d' un coté la transmission de
interlocuteur 11 • En réalité, «Freud admit avoir été tres impressionné par pensées, d'un autre la télépathie. Selon Freud, les pensées se transportent
ses exploits et avoir tenté de l'imiter apres son déparb}12 mais, bien sur, en effet par une onde, inconnue mais matérielle, qui se reconvertit a l'ar-
l'homme de science aurait vite trouvé des explications physiques a la rivée comme dans le télégraphe; la télépathie, par contrt:, s<Htc d 'empa-
« télékinésie >} et conseilla a son homologue helvétique de garder la tete thie a distance, requiert une sensibilité spéciale fond ee sur un licn affec-
froide a ce sujet 13 . Car le psychanalyste est rationnel, ou bien il n'est pas tif entre l'émetteur et le récepteur, telle que si un événe1m' nt frkheu.x (et
19
psychanalyste. uniquement facheux) touche l'un des deux, l'autrc en !>er:l infonné ... ll
fut lui-meme le récepteur des deux formes de té lén HnllHJni ca lion .
. En 1905, sa filie ainée Mathilde Freud est malade. 11 faut la protéger, a
d1stance, efficacement mais sans la télékinésie. Sigmund sacrifie une Par exemple, dans la nuit du 8 au 9 juillet 191 5, ¡:ll.IHIIail un reve
pantoufle, et, visant soigneusement, atteint en pleine tete une statue de sa prémonitoire : son fils Martín, étant a plus de 250 km tk 1:'1 ' '" k front
104 MENSON(i"S 1·1<1 ·1JI lll N'• lll 'd ••110 1• I IN I 1•1 ', INII JllMI\IION SI·( 'III .AII{I ·
',1 11•1 1{\ llll!lNS 10.~

de guerre, va etre blessé OU pire t;ll ·ore . ()u ·lquts jours plus tard, il Se ment noté les détails de l' incidl'lll , L'l <k ·idl' ~ « mettrc fin a une supersti-
confirme que Martín n'a été que 1 gt:rl:mcnt alt ·int. Alors son pere luí tion », i 1 écrit aussit6t de Yicnn · a llamhourg-Wandsbek pour demander
demande toutes les précisions néccssaires a la v6rillcation de la valeur a sa fiancée si, a ce momcnt ratidiquc précis, «i'l onze heures le jeudi5
prédictive des reves 20 . Et Freud prétendra en 1922, grand Dieu, n' avoir passé» lorsqu'il brisa la bague, soudain elle l'avait moins aime .
jamais fait de reve prophétique, juste avanl de rappeler a la page suivante Soulagé, Sigmund put certitler qu'a ce moment exact... Martha mangeait
du meme texte son reve de Martín «qui se trouvait au front et y était un gateau.
tombé» 21 .
Souvenons nous qu'il faut tout vérifier, c'est le réflexe du chercheur
Les messages télépathiques atteignent plus aisément un corps endormi scientifique confronté a ces ~<Obscurs problemes a la frontiere de l'hyp-
qu'un cerveau a l'état de veille, et le matériel transmis daos l'atmosphere notisme (transfert de pensée, etc.)» 26 , finalement proches du mystérieux
d'un individu a l'autre est ensuite recyclé daos le reve sous forme de « rapport » des magnétiseurs et de la relation psychanalytique.
symboles décodés par la psychanalyse22 . Le jour, la télépathie est de
médiocre qualité et manque de la précision de la divination onirique En octobre 1912, inquiet, il s' appretait a écrire a Sandor Ferenczi pour
nocturne. Néanmoins, elle est parfaitement possible, malgré les déforma- demander au Hongrois pourquoi il ne lui avait plus envoyé de lettre
tions subies lors du transport des messages d'un cortex cérébral a un depuis plusieurs jours. Tout a coup, Freud s'arreta, car penser a rédiger
autre, meme si la coca'ine fait planer quelques doutes sur celui qui re<;oit ce courrier co'incidait avec le fait qu'un « message télépathique luí parve-
les vibrations ou les rayons ... nait vraisemblablement de Budapest» 27 . Sigmund tínt compte du rensei-
gnement subliminal, puis remit sa Jettre a plus tard pour éviter les inter-
Les premieres expériences diurnes de Sigmund Freud en la matiere
férences et que les courriers se croisassent. De fait, la Jettre tant attendue
remonteraient a 1880- c'est-a-dire quinze années avant Carl Jung qui
n'eut sa ligne directe de navigation avec les défunts qu'enjuin 1895-, de Ferenczi arriva, qui le réconforta 28 .
quand il réunissait quelques proches et des condisciples autour d'un
guéridon frétillant pour des exercices «paranormaux »23 . Puis, au milieu Le 1er octobre 1909, a leur retour des États-Unis, Ferenczi et Freud
des années 1880, seul dans un pays étranger, illui arrivait souvent d'en- vont a Berlín consulter Frau Seidler, une célebre diseuse de bonne aven-
tendre une voix connue et chere l'appeler par son nom. Des lors, il notait ture. Freud est convaincu qu'elle détient le pouvoir de lecture directe des
l'heure exacte de «l'hallucination » pour se renseigner a son retour24 . pensées, en particulier de celles de Ferenczi qui a le talent d'émetteur-ré-
cepteur. La voyante, a qui ils avaient montré une lettre, découvre en
A Vienne, deux mois apres ses fian<;ailles de juin 1882, il cassa par explorant 1'esprit de ses clients, 6 stupeur, qu ' elle venait de Vienne.
accident l'anneau de Martha Bernays, sa promise alors a Hambourg. Il Freud est fortement ébranlé par la divination extralucide de la prove-
n'existe pas de coi'ncidence et tout esl déterminé par des intentions nance du courrier. .. qui índiquait cette adresse en toutes lettres.
occultes, volontiers inconscientes. S'il s'était agi d'une autre personne,
1' inventeur de la psychanalyse aurait peut-etre interprété dans cet « acte Moins d'un an apres l'expérience Seidler a Berlin, Freud n'avait aucun
manqué», au demeurant réussi , un índice d'une intention refoulée de doute sur la réalité de ces événements extraordinaircs 29 . Aucunc vérifica-
rupture (c'est sur, puisque <;a lui résiste), ou pour le moins un signe tion n'était nécessaire, car il était d'embléc plus que disposé a y croire.
d'ambivalence redipienne vis-a-vis de sa fiancée, c'est-a-dire marquant Et par la suite, ríen ne pouvait plus le distrairc de sa ccrtitude.
sa préférence inconsciente pour sa propre mere, sinon la belle-mere Des 19ll, il était membre correspondan! de la Soci '- té de Rcc herches
putative, ou sa future bellc-socur Minna ... Psychiques de Londres, dont le psychanalysle T.W. Mit chcll sera
Pour l'instant, c'est un présa •e sini stre regardant l'attachement amou- d'ailleurs président en 1922. En 1912, il rédigea a l'lllll'llliun de ces
111
reux de Martha transmis a lun 'lll' di sl;llll'C, soit 750 km a vol d'oiseau, experts en occultisme une généreuse « not e sur l'in co nsr irnt » , en
ce qui est probablemcnt k chl'luin naturd des vibrations dans ce trans- anglais, traduite en allemand l'année suivantc. En 1!) 1'1 , 1:1nul l'lail fait
fert céleste des affects , car ni 1\·s pacc ni le temps ne sont ríen quand on membre honoraire de la surnaturelle Société An1\-1iv:tlll\' tk 1< ·rhe1 ·hc
aime, et aucun obstaclc m· duil In. ;u rCter dans l'éther. Sigmund a un Psychique, fondée en 1906- a laquelle Carl .Jnn¡• av:111 dq ., .tdhn l· L'll
mauvais pressentimcnt, pui s r ht'lt he a co mprendre. Ayant scrupuleuse- 1907 au moment ou il créait aussi la «Société F1L·ud .. d<· / 11111 h q1w . v1a
106 MENSO NGES FHI :l l l )JJ ·N,\ 111 \ lt llll l 11 IIN I 1>1 \ IN I·OI<MATION SE(' I 111\IH H ',1/ 1'1 ll'ollllliNS 107

une patiente suggestible, la famillc Rockcfellcr linancera a coup de soir se présen ta aussi en s~,;a n ' L' nocltllll · spl-ci ale dcvant les freudiens,
millions de dollars quelques temps plus tard 11 . pour J'exécution de quelqu cs passcs parapsychiq ues, le « Professeur »
Alexander Roth , grand maí'tre médiumnique. Mais ríen ne se produisit :
Durant 1' été 1921, trois périodiques spécialisés dans 1' occultisme !'esprit n'y était pas, a moins qu'il souffrí't d'une rude concurrence en ce
proposerent a Freud d'y contribuer, ce qu'il refusa. Néanmoins, a l'un lieu. Pour le curieux d ' histoire de la psychanalyse, la seule surprise sera
des éditeurs, Hereward Carrington de New York, il écrivit que s'il avait la disparition magique de toute la séance du 19 novembre des officielles
sa vie a refaire, illa réserverait <di la recherche psychique plutót qu'a la Minutes de la Société38 ...
psychanalyse», déclaration qu'ensuite Freud dénia, contre l'évidence32_
En décembre 1923 encore, il fut nommé membre honoraire de la Société Freud était mécontent de cette soirée, aussi invita-t-il Roth a son domi-
de Recherches Psychiques de Grece. Helene Deutsch, sa fidele éleve, cile pour une nouvelle démonstration en petit comité technique composé
écrira deux articles paranormaux, en 1926 et en 1932, pour la Société de de lui-meme, son frere, Anna Freud, Hanns Sachs, Otto Rank, Eduard
Recherche Psychique de Boston, Georges Devereux en 1953 un livre sur Hitschmann, et les épouses. Hélas ! encore une déception : 1' expérience
la _ psychanalys~ et l'occultisme, Wilhelm Stekel sur le reve et la télépa- fut « tout a fait lamentable )) 39 . Plus tard, les participants furent stupéfaits
thie, Otto Rank et Sandor Ferenczi différents articles sur ces graves d'apprendre qu'ils avaient eu affaire a un escroc ... Était-ce la raison de
qu~st!ons, e~ bien d'autres psycha?alystes _les suivront. Margaret Mead, a l'échec de ses prestations? Roth, qui n'était professeur de ríen, et
qm 1 on dmt une des plus formidables 1mpostures de l'anthropologie d'ailleurs illettré, avait surtout extorqué aFerenczi une lettre d'accrédita-
culturelle, était aussi dominée par l'irrationnel, la télépathie, l'horosco- tion des autorités psychanalytiques pour valoriser sa notoriété, document
pie, les objets volants (identifiés par elles), les communications avec les que Freud, uniquement furieux du détoumement de son pouvoir, ou si
morts et avec les végétaux, et fut tres longtemps adhérente, comme l'on veut d'un abus de confiance, le pressa de racheterA<>.
Freud et Carl Jung, a la Société Américaine de Recherches Psychiques 33.
Maryse Choisy, grande égérie fran~aise de la psychanalyse daos les 11 faudra attendre le mois de mars 1925 pour obtenir une spectaculaire
années quarante et cinquante, fonda également 1' AROT, Association confirmation de la transmission de pensée a trois, entre Sandor Ferenczi,
pour la Rénovation de l'Occultisme Traditionnel, entreprise irrationaliste Sigmund et Anna Freud. Freud, jouant cette fois le role du médium daos
devant promouvoir la réalité des mythes, de l'hermétisme, de l'ésoté- son costume de ville, analysa ses propres associations mentales influen-
risme, voyance, superstitions kabbalistiques, etc. Les esprits sont faits cées par les émetteurs amis pres de lui, et fut enfin tres satisfait de ses
pour se rencontrer. performances extrasensorielles d'auto-analyse télépathique. Des lors, la
Rundbrief du 15 mars 1925 put proclamer de Vienne, 19 Berggasse, la
, En 1912 ene ore, Sigmund Freud poussait Ferenczi a préparer «une victoire sur la télépathie 41 •
etude a fond » sur le sujet34, destinée a une publication d'importance, Les historiens des sciences doivent s'étonner et regretter que les expé-
puisqu'il s'agissait de sa revue de psychanalyse appliquée (Schriften zur riences ésotériques «Cruciales)) de 1925, car il y en eut plusieurs, n'aient
anxewandten Seelenkunde) ou avait paru deux ans plus tót son cher pas été divulguées ni décrites. Nous savons seulement qu' Anna- pythie
« souvenir d'enfance de Léonard de Vinci» 35 • Freud lui proposa meme qui possédait selon son pere «la sensibilité télépathique » 42 - répondit
un titre, « I'inconscient et la transmission de pensée», mais Sandor trente ans plus tarda Ernest Jones qu'elles avaient bien trait a « la trans-
Ferenczi, découragé par l'immensité de la tache, renon~a. Ce dernier mission de pensée» 43 saos plus de précision sur cette déli cate découverte
pouvait néanmoins s' affirmer «un formidable voyant, o u plutót, lecteur scientifique. Aussi ne connaitrons nous l'étenduc des com pétences de
de pensée! » et, rajoutait-il a Freud, «je lis (dans mes associations libres) l'équipe des spécialistes ghost-busters de Vienne qu'a la parution des
les pensées de mes patients. La future méthodologie [psychanalytique] Jones' Papers, et des Rundbriefe, ces lettres secretes qui cin.: ul aienl entre
devrait en profiter» 36 • Et Ernest Jones rapportera l'information de Freud les membres du Comité occulte.
comme quoi Ferenczi, daos une psychanalyse mutuelle avec une de ses
anciennes patientes, pratiquait également la télépathie transatlantique3 7 . En dehors des considérations sur les croya n -es, ~ upns liti ons et
processus mentaux irrationnels - qui réclamt:nl IIIH' psyc hanal ysc
La conférence de Ferenczi sur la télépathie le 19 novembre 1913 a la quand elles ne sont pas le fait de psychanalystes, saul des 1li ss idcn1 s
Société Psychanalytique de Vienne re~ut un excellent accueil. Le meme que l'on trouve en de nombreuses publ ications dl' Fll'ud . 111 1 111 1! 111 ~ sc pl
IOll MENSONCa;:; I 'RI ,tll)ll · N .~ lll ~ lllllll l l'IIN I · ll(·SINFORM ATION s(,('lJJ.AIKJ; ' d 11'1 JI '.IIIIC IN S 10'1

textes d'importance touchent directement au sujet du paranormal. congres psychanalytique <.k Sl'Jllnllhl · 1')25 á llambuurg; alors, ill'en
~eves prophétiques, pressentiments, présages, prémonitions, astrologie, empeche51 . Jones avoue son e!Troi d~:vanl 1'engagemcnt du mouvement
mfluences sumaturelles, Doppelganger, retour des morts, occultisme, dans l'occultisme, car il csl obligé de nutcr que Freud indique claire-
numérologie, divination, spiritisme, perception extrasensorielle ... , et, par ment, dans son article de 1925, son acceptation officielle de la télépa-
dessus tout, le transfert de pensée ou télépathie, en sont les mots clés 44 . · thie52.
Dans ses écrits officiels, Sigmund Freud reste sur une prudente réserve
utilitaire, du moins en apparence, car d'importantes contradictions
Pour Freud, !'affaire est déja entendue, et dans un courrier a Ernest
textuelles trahissent ses hésitations a livrer l'étendue de ses convictions Jones, il lui rafraichit la mémoire : «Vous vous souvenez que pendant
notamment a l'égard de la «télépathie». ,
notre voyage dans le Harz, j' avais émis un jugement favorable sur la
télépathie. Mais il n'y avait aucune nécessité a le faire publiquement; ma
Comment comprendre en effet !'avis de cet homme qui se qualifie
conviction n'était pas tres affermie et la nécessité des précautions diplo-
d'impartial, qui affirme ne pas avoir d'avis sur les phénomenes télépathi-
matiques destinées a protéger la psychanalyse d'un rapprochement avec
ques («je ne sais rien la dessus» 45 ), et qui simultanément cherche a nous
1' occultisme devait aisément 1' emporter sur les a u tres considérations.
persuader dans une rhétorique confuse qu'il existe un fait télépathique
Ceci dit, le travail sur la Traumdeutung pour l'édition complete a fourni
- par exemple «le fait incontestable que la télépathie est favorisée par
1' incitation a une reprise en compte du probleme de la télépathie, et,
l'état de sommeil» 46 - accessible a l'analyse, laquelle est une technique
entre-temps, mes propres expériences, a la suite d'essais faits avec
b1en plus objective que l'interprétation des occultistes?
Ferenczi et ma tille, ont acquis une telle force de conviction a mes yeux,
En réalité, Freud s'est depuis longtemps rallié a l'opinion «que la télé- que face a elles, les précautions diplomatiques n'avaient plus lieu
pathi · l.:xiste cffectivement et qu'elle constitue le noyau de vérité de d'etre}}5 3 . Sa conversion était done inévitable, meme si c'est la son
he;Jucoup d' a utres assertions qui, sans elle, seraient incroyables »47 . Des «affaire personnelle ».
lors , « l' analyse, qui n'a par ailJeurs rien a voir avec l'occultisme vient
1k Lu;on rcmarquable au secours de la télépathie» 48 . Mais, rajoute~t-il en De fait, en septembre 1921, dans les ttt montagnes du Harz,
1'J 25 a u sort ir de ses essais pratiqués dans le cercle de ses intimes, « on Sigmund Freud avait lu et commenté longuement un travail qu'il avait
aillll.:rail bien, a l'aide de la psychanalyse, augmenter ses connaissances rédigé du 2 au 6 aout précédent pendant ses vacances hygiéniques a Bad-
l.:ll matierc de télépathie et les assurer plus solidement» 49. Gastein. La, trois ans et demi avant la « preuve » de mars 1925, les
membres enchantés du Comité avaient déja entendu leur chef faire état,
Ces essais pratiqués dans le cercle des intimes sont les fameuses malgré sa prétendue répugnance, de sa conversion définitive, nette et
« expérimentations » de mars 1925, que Freud jugeait « étonnamment claire a cette altitude, au « transfert de pensée ». Oubliant tout a coup
réussies » dans la Rundbrief secrete destinée au Comité. 11 estimait alors dans l'enthousiasme que son adhésion a la télépathie doit comporter une
que «!'affaire devient urgente pour nous» 50, c'est-a-dire que la psycha- opposition a l'occultisme, Freud affirme que l'occultisme mérite la
nalyse, comme elle fit de la croyance religieuse une de ses provinces sympathie de son mouvement. N'existe-t-il pas en effet d'importantes
doit s'emparer de l'occultisme. Le « transfert de pensées » était deven~ similitudes entre 1' occultisme et la psychanalysc?
une a~aire politique, avant d'etre libidinal. Cependant, pour éviter que le
freud1sme fusse ridiculisé en devenant une branche de l'occultisme, il Nous so m mes ici en terrain connu. Car la psychanalysc et 1'occultisme
convenait de manreuvrer avec d'infinies précautions, responsables de ont tous deux souffert du meme préjudice, du « mente trailcmcnt dédai-
cette retenue et de cette confusion rhétorique dans les écrits publics de gneux, hautain, de la part de la science officiclle » ~'1 • En dTet, les contes-
Freud, habituellement plus habile. tations du freudisme «qui nous viennent du dchor~ nc nous apportent
rien que nous n' ayons déja entendu de la bouche de nos 111a lad~.:s » 55 ct le
Karl Abraham et Ernest Jones doivent aussi - c'est du moins ce rebelle se comporte «a l'égard de la psychanalysc L'xaclnltt:nl co mmc le
qu'affirme ce dernier- retenir Ieur maí'tre visionnaire dans son enthou- névrosé en traitement» 56 . Si le malade résiste, il conlilltH· l'ullnprétation
siasme débordant. Freud, de son coté, ne veut pas Iaisser Ferenczi, de l'analyste. Si VOUS résistez a la doctrine frcudil'lllll', V<)ll\ <kvoilc:t. vos
encare plus fougueux et hatif en ces matieres ésotériques, dévoiler d'un troubJes mentaUX, a que! point )a théorie eSI juSIÍ(i(T , 1"1 1 lllllilll'll VOUS
seul coup toutes ses cartes dans une conférenee qu'il prépare pour le nécessitez sa cure. Vous-vous abandonnez au fr ·udi'IIH', n11 l>w11 vous
110 MENSONCa ·:S HU •IIIIII N', lll 'olll llll l liiN I PI ·SINH)IlMA'I'ION S(CIII AIRI : •, 111'1 1<.\ 111 lllNS 111

etes fou . «Cet état de choscs esl i\ la fois dTrayant et rassurant. C'est une reproductibles. C' csl en 1aiso11 dv Mili rrll'0111pétcnce que ces informa-
lourde tache que d'avoir pour patienl le gcnrc humain tout entier»s7_ Ah! tions disparaissent apres 1HlJ6 el qu · 1<.: complcxc d 'CEdipe fut fabriqué.
et eu égard dt l'immense misere névrotique répandue sur la terre» il
n'existe hélas! qu'une petite poignée d'analystes freudiens pour sau~er Le jeu qui consiste a dépistcr les erreurs de calculs et les impossibili-
les damnés 58 .
tés, d'abord amusant, devient vite assommant. En voici une, que les
lecteurs avaient sous les yeux depuis sa publication au printemps 1896
Des lors, si vous dénigrez l'occultisme, il est a la fois justifié et sans s'en rendre compte jusqu'a Max Scharnberg qui les dessilla pres
renforcé. Ainsi, la ~ésistance a !'une ou bien a l'autre «Vérité» ne peut d'un siecle plus tard.
que conf~rter leur_ bien fondé respectif. Aussi, dans un monde pathologi-
que et mechant, reclamons une communauté de travail entre les psycha- Dans son article crucial sur 1' étiologie de 1' hystérie, Freud prétend
na_lystes et les occ_ultistes, ou plus précisément lit maí'trise légitime de la avoir trouvé « dans quelques dix-huit cas » de patients les sources sexuel-
sci~nce des premiers sur le savoir des seconds. Voila pourquoi «une les de cette névrose et avoir pu «en obtenir confirmation par le succes
alllance et une communauté de travail entre analystes et occultistes thérapeutique ». Mais, rajoute-t-il a ses auditeurs invisibles, on pourrait
a
paraítraient aussi faciles concevoir que riches en perspectives »59_ luí objecter que «la dix-neuvieme et vingtieme analyses » luí auraient
appris que les symptómes hystériques peuvent renvoyer a d' a u tres
Les auditeurs étaient prets a relever dans ces propos militants le défi facteurs, done que « l'étiologie sexuelle ne serait plus valable universel-
- en dehors de quelques réfractaires au progres de la science, lesquels lement, mais a quatre-vingts pour cent» 64 . Outre le fait qu'il était physi-
effrayés, inciterent Freud a davantage de prudence, et le pousserent A quement impossible que Freud aít analysé ces soi-disant 18 cas- parmi
enterrer son texte révolutionnaire. Ce qui fut respecté pendant vingt d' a utres incohérences et inventions majeures sur lesquelles je reviendrai
ans 60 . - , Max Scharnberg a attiré notre attention sur cette arithmétique excen-
trique qui assure, devant les meilleures autorités médicales et scientifi-
ques de Vienne, que 18 patients représentent 80% de 20 personnes! 65
NOMBRES Quant a la « confirmation par le succes thérapeutique », elle fut totale-
ment absente, de son propre ave u, ce qui le contraindra a 1' abandon de la
Méme ~¡ l'on soumet les récits occultistes a un examen critique scru- théorie en question 17 mois plus tard.
p.ul~ux, «II nous reste un matériel considérable que l'on ne peut négliger
61 Dix-huit est un nombre magique.
SI a1sément » . Tres bien. Meme si Freud prétend « ne rien savoir » a son
sujet, nous retiendrons qu 'il existe un matériel télépathique qui, telle la Freud a choísi d'invoquer 18 cas dans sa conférence d'avril 1896 que
subst~nce clinique de la psychanalyse, ramene infatigablement a des nous venons de rencontrer - et, bizarrement, son éleve Felix Gattell a
«cas mnombrables», a une «remarquable» quantité de faits, et a des aussi 18 cas d'hystérie l'année suivante apres avoir passé des vacances
mas ses « considérables » d ' observations «indubitables», « incontesta- avec lui 66 -,de rassembler 18 convives au repas d'une importante féte
bles»_ et tout a ~ait certifiées. Mais ni les faits, ni leur nombre, ni la fa~on familiale a Hambourg-Wandsbek le 24 aoGt 188667, et ainsi de suite.
dont ~ls s_o~tpretendument obtenus ne sont jamais foumis avec précision
et ObJectlvlte. Nous devrons nous contenter de croire, le cas échéant a Mais dix-sept est bénéfique aussi, bien qu'a un moindre degré. Jeune
leur invraisemblable existence. ' gan;on, Sigismund aimait jouer a la loterie le n" 17, el en avait tiré le trait
de caractere «constance» (Bestandigkeit). C'csl ainsi que la date des
Le créateur de la psychanalyse a toujours eu des problemes avec les fian~ailles de Martha et Sigmund, le 17 juin de 1HH2. fui d {cidée a cause
nombres. Malgré ses calculs périodiques extravagants, mais toujours de ses vertus numérologiques 68 . Tenaillé par la jalousie, Frcud sera
corrects, il avouait a Wilhelm Fliess ses insuffisances en la matiere62. quand meme obligé de la rejoindre brievemenl a Wandsbl'k Ull lllOÍS plus
«Mes capacités o u mes talents sont tres restreints. Zéro pour les sciences tard, le 17 juillet de 1882, pour une petite vérifiullio11. El, p ·ndant des
n~tu_re~les; zéro en mathématiques ; zéro pour tout ce qui est quantitatif », années, les époux Freud devaient commémorcr k s li : lll~· arlll-s /t, 17 de
d!Salt-ll encare avec clairvoyance a Marie Bonaparte en 192663. II évita chaque mois. Pour un tel engagement, gardé SCCJl'l, k 1K t'll sa ns doute
le plus souvent possible de publier des données quantifiables et des faits été préférable a u 17, mais le 17 juin de 1882 ava11 k ~.: u ni av:u11agc
11 2 MENSON(;"s l·l<l ·llllll N', 111 '.1111111 l• llrH lli ',INICJI\M AIION Sl ·.('lll 1\11<1 ' ', 111'1 K~ I'II'I!) NS 11 1

d'etre en plus un samedi . El il y a d ' aullé~'> llt'llféiiSL'S correspondances du L'hennéneutique kabbalistiquc fabrique aussi son langage, sa gram-
calendrier. La veille du 17 janvier 1HH , Jl¡nul L'llvoie a Martha ses maire, son systeme de regles proprcs ou la logique vulgaire n'a pas
«pensées affectueuses pour le 17. 1-:llln: parcnlhcscs, sais-tu que mon cours. Elle étudie les combinaisons de lettres (notarikon), les permuta-
cours a commencé, lui aussi, le 17? »<' 9 L' apparlclllcnt de la Berggasse tions des mots et des lettres (temoura), mais surtout la valeur numérique
comptera 17 pieces. Coi'ncidence magi<.¡uc ? des mots par le calcul des éléments constitutifs de l'écriture (gematria) 73 .

Dans les écrits autobiographiques et la correspondance de Freud, on Dans la langue hébrai'que, chiffrée, chacun des vingt-deux graphemes
trouvera encare de nombreuses indications sur ses préoccupations numé- a son équivalent numérique, et chaque symbole numérique possede une
rologiques depuis la plus tendre enfance. La signification symbolique signification secrete. A la fin du xme siecle, Gykatilla faisait remarquer
des nombres encambre sa littérature, particulierement daos la Traumdeu- «que la sommation des lettres du mot EHAD, unité, égale 13 et corres-
tung_e~ dans le chapitre rajouté en 1910 a la «psychopathologie de la vie pond a la sommation des lettres du mot AHAVA (amour), qui est égal
quottdtenne ». La liste en serait fastidieuse. aussi a 13 » 74 • Unité et amour, leur somme = 26, équivaut a l'addition des
lettres du tétragramme YHWH (Iahvé, qui signifie «je suis qui je suis » ),
Daos le trousseau de la Gematria Kabbalistique, les nombres 17 et 18 le nom de Dieu. Et du premier verset au demier, la Bible - ou la Torah
sont bénéfiques, et les clefs de nombreux secrets. chébiketav (loi écrite, par opposition a la Torah chébealpé, loi «daos la
bouche», de la tradition orate du Talmud)- est dépositaire des clés du
verbe créateur.
La Kabbale est, dans la tradition mystique juive, la transmission par
voie initiatique des mysteres du verbe et de l'écriture, seulement accessi- En hébreux, le 17 signifie «bien», et le 18 «la vie» (ou le cceur). Le
ble a l'élu ayant accédé a la maturité et a la sagesse. La connaissance du summum est 18 (' hai't- Youd) et ses multiples, notamment le 36 (qui
kabbaliste n' est pas produite par une anal y se Jogique de la réalité combine les lettres hébralques Lamed, sacrifice, et vov, liberté) car, selon
factuelle, mais sous les faits et au-dela de la raison, livrant une illumina- la légende hassidique, il y a 36 Justes sur Terre et si !'un meurt, un jeune
tion soudaine, la conviction d'une certitude : la compréhension absolue doit le remplacer. Le 18, source de Lamed-vov, est la vie et symbole de
du sens profond des choses du monde sous les apparences. C'est l'intel- régénération. 18 ans, 36 ans, sont d'heureux passages dans l'existence
ligence intuitive, fulgurante, des valeurs cachées, des vérités latentes, d'un homme. Et d'heureux présages aussi. Un événement correspondant
sous les artífices de leurs présentations manifestes -l'écriture sainte, le a u 18, parfois a u 17, est présumé heureux.
verbe, le reve - qui restent toutes a décoder. Derriere les apparences, il
y a d'autres apparences, dit le Talmud. L'univers entier est un réseau de L' opposé est le cinquante-deux, qui donne en hébreux « chien », et 52
symboles que le kabbaliste décrypte grike a une herméneutique, par l'in- est un nombre néfaste, surtout pour les hommes qui entrent dans leur 52e
terprétation des signes et la divination. La Kabbale a la réputation de année. Par anticipa/ion, le 51 devient un présage tres nocif
rendre fou, car tel le voyage de «l'auto-analyse», on ne se glisse pas Dans la Traumdeutung, analysant un revc accordant ele l'importance a
impunément daos son ésotérisme. 1' année 1851 (qui combine, en passant, le mcrvci llcu x 18 ct le précurseur
du maudit 52), Freud nous rappelle cette év idcncc : « S 1, e' cst 1'age o u
JI est clair que Sigmund Freud fut imprégné de certaines aspirations l'homme est le plus exposé, ou j'ai vu mourir suhilt'llll'lll dl's col legues,
mystiques, notamment daos la tradition hassidique paternelle, et des un, entre autres, qui, apres avoir longtemps allcndu, venail d'clrc nornmé
rapprochements inévitables entre la psychanalyse et ce systeme d'inter- professeur peu de jours avant» 75 .
prétation des signes ont plusieurs fois été faits 70. Sigmund Iisait l'hé-
breux daos la Bible de Philippson offerte par son pere Jakob, et il Parait-il, le 7 est tabou puisque la base du syslt 111t· 1111111("1 iqul· étant,
« COnnaissait a fond» le Livre des Jivres, qu'il étudiait depuis sa septieme se ion Freud, de 6, le premier de chaque séric Sllivallll' ( 1, 1 1, 1') . ) r \ "OÍI
année '. Le « fait queje me plongeai tres tót, a peine terminé l'apprentis-
7 une superstition défavorable. Dans son arith111 ·1iq11t" , il :-.' t·lollll illl qu ' il y
sage de la lecture, dans l'étude de l'histoire biblique, a déterminé d'une eut tant de nombres premiers a chaque début de :>l ' lil'
maniere durable, comme je m' en suis aper¡;u par la suite, l' orientation de Wilhelm Stekel voyait dans le chiffre 3 un Irían¡• k ll' diJlll ' ll , 1111 1': " :-.o
mes intérets », écrit-il dans son autobiographie 72 • ciation des 2 testicules a 1 pénis. L'essentiel; ., lllll' )'l illlll · dn IIII Vl"ll\'
114 MENSON<:i •S I •IU 111111 N ', lli 'tl llllll lo I IN I 111 \ IN I OI<MI\'I'ION Si:('lJI.I\IRE '.t 11 ' 1 1< \1 11 ION S

Karl Abraham, ~ui n'étail pas acquis a la suhrtl · logiquc mathématique noise, a )'instar de nombrcux .Jurls < l' l'poquc 1'>. Frcud le savait et c'était
de Freud, en ava1t proposé une aurrc : le 7 csl l'addition du 3 maJe et du la, dans cette herméneutiquc numérologiquc farfelue, une torpille talmu-
4 f~melle, et symbole d'abstinencc, car k scplicmc jour de la semaine dique a double détente adresséc dans le camp adlérien, en présence de
es~. JOUr de shabbat. Mais Freud dut le mcllrc en garde contre une telle Carl Jung et de Ludwig Binswanger, les deux seuls gentils (goyim) de
na~ veté, car ~< on peut faire les associalions les plus étranges avec les cette assemblée, lesquels durent adopter un profil bas ce soir-Ht pour lais-
ch1ffres, auss1 soyez prudent... » 76 . De faiL, les nombres peuvent etre tres ser passer le projectile sacré.
dangereux. Ah! «c'est le moment d'etre habile! Aux gens avisés de
calculer _Le chif.fre de la Bete! car c'est le chif.fre d'un homme, et ce chif- Depuis 1902, les apótres du mercredi soir pénétraient, a 21 heures en
fre est SIX cent soixante-six» 77 . 666? Et trois fois six ... catimini, les appartements du 19 Berggasse, pour assister dans la dévo-
tion a la « Psychologische Mittwochsgesellschaft » - société psycholo-
-~ 6 mars 1907, Alfred Adler crut avoir enfin trouvé des arguments gique du mercredi, qui devait devenir la « Wiener Psychoanalytische
c.l.m19~es_ assez co_nvaincants pour faire valoir sa théorie du complexe de Vereinigung», ou Société Psychanalytique de Vienne en 1908 - , et
~ mf~nonté orgamque devant la société psychanalytique du mercredi, ou ressortaient incognito dans les fumées de cigares par une porte dérobée.
1,! pr~sen~a _un cas illustratif au domicile de Freud. Son patient était un Pendant la premiere guerre mondiale, jaillissant d'un fiacre, Sigmund
etud~ant JU~f, russe, begue, a «ten dances anales-érotiques », affecté par pouvait s'y présenter habillé d'un frac, col de fourrure, haut de forme en
une obsesswn des nombres 3, 7 et 49, et puis préoccupé par la taille de soie, canne a pommeau et manche d'ivoire 80 • Il y avait la «comme une
sa verge, ce qui confortait, contre Freud, l'idée adlérienne d'une infério- atmosphere de fondation d'une religion », dira l'émule Max Graf (le pere
rité organique déterminant les névroses. Dans la discussion du cas, Otto de Herbert, alias le petit Hans), «le Professeur était notre prophete et
Rank va tendre la perche a son maitre, en présumant que le 7 (le nombre nous les disciples, ses apótres »81 •
s~cré d~s J~ifs, assure-_t-il) et le 49 (7 fois 7 = le jubilé des Juifs, rajoute-
t-JI), « sigmfient le petJt et le grand pénis ». A la fin de cette réunion ésotérique de mars 1907, la premiere cérémo-
nie a laquelle il assistait, le pur Ludwig Binswanger s'entendit dire par
Freud pense en effet depuis longtemps réduire cette grosse affaire a Freud qui le prit a part : «alors, maintenant, vous l'avez vue cette
s~n _«complexe. de castration», qu'il s'empresse alors d'opposer a la
bande ?!» 82 .
dJSSI?~n~e d~ ~1-devant .Adler dans une démonstration publique criante La joyeuse bande freudienne récidiva, effectivement, quelques temps
de vente. VoJCJ pourqu01, selon Freud, le malade est inquiet de l'aspect plus tard.
de son membre : le 3 est le symbole du pénis du Chrétien (ainsi soit-il
sans doute a cause de la Sainte Trinité), le 7 représente le petit pénis et 1~ Grace a sa revue satirique «le Flambeau » (Die Fackel), Karl Kraus,
49 le gros membre viril juif. La symptomatologie obsessionnelle est ici écrivain polémiste de grand talent, s'en prenait aux valeurs surfaites de
un com~r?mis entre le d~sir d't~tre baptisé et celui de garder le gros la société viennoise, spécialement au freudisme depuis !'affaire Weinin-
organe JUlf. Alors, le pat1ent russe est suspendu dans son hésitation ger, ce qui irritait car il s'était alors rangé du coté de Wilhelm Fliess
pathol~gique ~t le bégaiement entre le 3 et le 49, par... le complexe de contre Sigmund Freud. Ses formules cinglantes et bien ajustées - par
c~st~at1~n. « Fmalement », affirme Freud, «e' est comme si le patient exemple : «la psychanalyse est cette aliénation mcntale dont elle-meme
disait : Je veux etre bapt~sé - mais le pénis juif est tout de meme plus se prétend le traitement» 83 - sont restées dans les csprits, et déplurent
grand. (Je reste done Jutf.) ». Un moindre mal évite le moindre maJe aussi car son célebre périodique faisait brillammcnt mouchc a tout coup.
pour parler lacanien. C'est-a-dire qu'il est malade, certes, mais ii Die Fackel- une sorte d' Alan Sokal 84 avanl 1' hcurc , fut égalcment a
conserve le glorieux organe qu'il aurait perdu dans la conversion au !'origine de prodigieux canulars auxquels se fircnl prcndrc les insectes
christianisme78. . de l'intelligentsia de l'époque. On aura peut-ctrc du n•al ¡ k croirc, mais
Die Fackel, au faite de sa gloire a partir de 191 1, 11 'cut qu' un scnl rédac-
~es discu_ssions savantes sont encore plus piquantes quand on sait teur, Karl Kraus, travaillant jour et nuit, et fourni~sail 1'1.000 exemplai -
qu Adler qu.I- comme Freud et bien d'autres- n'avait re~u l'onction res, sans compter le bruit. Une de ses cibles, la Ni ' lll ' Fu •;,. l'u ·sst· k
~sychanalytique de personne, s'était par contre convertí au protestan- plus important joumal germanique, dont Moriz lkunlikl t·ruil propri ·-
tisme en 1904, lege artis, par souci d'intégration dans la société vien- taire et rédacteur en chef et considéré alors conunl' la 111hurw ~ ttllutl'llc
'oll l 'l lt\ 11111 l NS 11 1
116 MI\NS()N (I I ·~ l ·l<l ·i li>ll N'• lll '• lltll'i I• IIN I iii '.INI()I(Mi\I'ION S('( 'l /1./\ IIW

de la société juive de Vi ·une. v(·••tahk •n ~> lillllinn équivalant au Times prépuce puisse y parvcnir. 1.a p~yd•analy~e l'lanl irréfutable, en dépit de
aujourd'hui - , ne tirait qu'a 50.000 l'Xt·n•plaircs par livraison. la démographie el de la biologil', Fn:ud s'étai l ernpressé d'ajouter que la
eireoncision est l'équivalcnl i11 co11scient d'une castration. Adrnettons.
D'abord, le journalíste Karl Kraus osait critiquer la psychanalyse, et Mais il n'y a pas de castration du toul, ni daos la circoncision, ni daos le
ensuite, il attaquait la Neue r/·eie Presse pour laquelle il avait travaillé fantasrne . Évidemment, le Kaslralionskomplex pose un probleme redou-
préalablement. table a la compréhension. La castration, theme curieusement récurrent,
Voila de tres séveres sympt6mes qu'il convenait d'extirper par l'inter- est un grave préoccupation des analystes et de Sigmund Freud, apres la
prétation analytique. L' affaire fut vi te réglée. masturbation, avant le complexe d'redipe.
Le 12 janvier 191 O, la « bande » du mercredi eut tout lieu de se réjouir Daos les années 1920, on avait attribué a Sigmund Freud le numéro de
d'une prestation de Fritz Wittels- un prosélyte qui avait déja essayé de téléphone A 1817091 • Ce qui dut le combler d'aise car il réunissait ses
psychanalyser le turbulent touche-a-tout Kraus 85 . Wittels était alors un
deux nombres fétiches des meilleurs augures, le 18 et le 17, encadrés par
collaborateur régulier de Fackel, avec cette particularité qu'il devait Jire
le A et le O. Freud n'aurait pas mieux choisi lui-meme. Un numéro
ses textes devant Freud, puis les amender selon ses ordres avant parution,
précédent, 1 43 62, avait été pour lui une terrible menace, puisqu'il
alors que ceux-ci ne le concernaient pas 86 . Wittels était aussi un ami
intime de Kraus 87 , ce virtuose du trait empoisonné qu'il retrouvait lors signifiait l'imminence de son déces.
de virées nocturnes au café Frohner, dans l'immeuble de !'Hotel Impé-
rial. Mais cette relation avec Kraus n' encombrait pas les scrupules de Dans une célebre lettre a Jung, datée du 16 avril 190992 , Freud adopte
!'ami Fritz. JI va montrer a son ma1tre Freud que! bon éleve il est, utili- « formellement » le Suisse comme fils alné, et l' « oint » successeur et
sant la psychanalyse en tant qu'arme, visant bas, contre la personne de prince héritier «in partibus infidelium ». C' est-a-dire daos le pays des
son ami Kraus. Dans sa conférence, intitulée «la névrose de Fackel» - infideles, car Jung, protestant, avait pour charge de naviguer en territoire
qu' on peut traduire par «la névrose du flambeau » - , Wittels nous analytique, dans un diocese non chrétien. Puis Freud incite son corres-
apprend que Kraus avait perdu son pere et que sa revue contestataire pondant de Zurich a garder la tete froide au sujet de l'occultisme et des
aurait pu etre une réaction de révolte a ce deuil. On comprend tout. Mais craquements de bibliotheque dus aux esprits frappeurs. Sigmund Freud a
les dates ne correspondent pas a cette logique : Karl Kraus avait alors bient6t 53 ans, a done dépassé le terme fatidique indiqué par le 52,
commencé a éditer Die Fackel en 1899, bien avant la disparition de son valeur néfaste entre toutes, et semble autorisé par cette récente quiétude
pere, en mai 1908. Fritz Wittels insista malgré tout : «il se peut que le a donner paternellement au jeune Carl Jung, qui a 20 ans de moins, des
désir de mort ait gagné, dans l'inconscient de l'enfant, une intensité le~ons de sagesse, avant de «confirmer la nature spécifiquement juive de
suffisante par anticipation» 88 . Encore un voyage dans le temps, et dans [son] mysticisme». Puis, Sigmund Freud se lance daos la confidence et
I'irrationnel. Quoiqu'il en soit, la rhétorique freudienne assure qu'avec fait état de ses propres préoccupations, tres anciennes. Depuis long-
son « petit organe», Kraus s'était armé de son porte flambeau contre «le temps, il est harcelé par la peur de mourir entre l'age de 61 et 62 ans. I1 y
granel organe» de «Neue Freie Presse». Nous avons compris : c'était a peu, lors d'un voyage en Grece, il fut obnubilé par les nombres 60 et
encore la lutte du petit pénis contre le gros pénis, o u, si l' on veut, de 61, plus ou moins l, qu'il voyait partout autour de lui, clans les rues, le_s
David contre Goliath. transports, et qu 'il avait notés consciencieuscrncnl , a toutes fins utiles. A
Déja, daos une note au cas du petit Hans, Freud affirmait en 1909 que l'h6tel d'Athenes, le n° 31 lui fut alloué - « avcc une li cence fataliste,
«le complexe de castration est la plus profonde racine inconsciente de tout de memela moitié de 61-62» et le 31 voisinait souvCIII il cflté d'un 2
l'antisémitisme ... »89 . Dans «Le souvenir d'enfance de Léonard de multiplicateur nocif - , et jusqu'a des tcmps tn:~ ' ce nt s cncore ce
Vinci », dont la rédaction est coniemporaine de cette séance spirituelle de nombre l'a poursuivi, partout. Et Freud n.:pr·ndr :1 dan~ un articlc de
191 O, nous apprenons aussi, stupéfaits de cette découverte, que la circon- 1919, Das Unheimliche, cette préoccupation bi~.m•e d' uu IHIIIlllll' obsédé
cision est une cause importante de l'antisémitisme, du fait de l'idée de et harcelé par le nombre 62, exemple soi-disant lil·t!l q1w I' aull'lll sl' lllhlc
castration qu'implique ce rite90 . La castration étant l'opération par choisir par le plus grand des hasards saos signall'J qu ' d c:-- 1 au tPIHogra -
laquelle on empeche la reproduction, on imagine mal que l'ablation du phique93. Inquiétante étrangeté en vérité.
11 9
IIR MENSONCii ~S I · RI 1 111lii · N~ 111 ', 1\lllli l l i iiH lll ' .!l ~ llll l M i\ III)N S l ct'\/1 ,/\IRE

Comme il n'est «nullement supcrstiticux •. 1ajoutl' 1 il dans sa lettre a Jones, vol. 2 : 192, el vol. 3 : 4111 .
20

21 Freud ( 1922), Traum und 1(!/epatftit• : 2'i l ' l 2.1!.


Jung, il a tenté une analyse de ces convi ·tio,;s. Elks ramcneraient a n Cf Freud (1925), Einige Nachtrtíg e Z/1111 (;ll fi Zl'lt der Traumdeutung.
1899. Cette année-Ia, plusieurs événements impor!an!s se sont produits. 23 Fuller Torrey (1992) : 9- 1O; Roazen ( 1975) : 232 sq. ; et Noll ( 1997).

D'abord, la Traumdeutung a paru. Ensuite, on lui a altribué un nouveau 24 Ajout de 191 O a Freud ( 1901 ), Zur Psychopathologie des Al/tagslebens (chap. 12, trad.

numéro de téléphone : 1 43 62. Signitication : puisqu ' il est agé de 43 fr. p. 279). Se1on Jones (vol. 3 : 430), ces hallucinations se produisirent surtout a París en
ans, puisque l'reuvre de sa vie vient de paraltre, alors il peut mourir... a 1885-1886, c' est-a-dire a un moment de forte intoxication cocai'nique.
25 Lettre a Martha, 26/811882. Cf Jones, vol. 1 : 119, et vol. 3 : 430.
62 ans. Mais si l'arithmomancie a occupé ses vacances en Grece, courant 26 Freud ( 1889), Über Forel << Der Hypnotismus ».
septembre 1904, c'est que cette année-la aurait colncidé avec «l'at- 27 Jones, vol. 3 : 440.
taque» de Wilhelm Fliess. En fait, l'obsession de l'immortalité était bien '" Lettres de Freud a Ferenczi. 17110/1912 el de Ferenczi a Freud, 21/1011912.
antérieure a 1899, et a la rencontre avec Fliess. Elle le tenaillera encore 29 Lettre de Freud a Ferenczi, 20/8/1910.

jusqu'a son déces a Londres a 83 ans. 3° Freud ( 1912), A Note on the Unconscious in Psychoanalysis.

" Cf Noll (1997), chap. 10, et ici chapitre La légende hagiographique.


32 Jones, vol. 3 : 443-444.
" Cf Freeman ( 1983) ; Fuller Torrey ( 1992) ; Freeman ( 1999), The fateful Hoaxing of
Margaret Mead.
3' Lettre de Freud a Ferenczi, 6/6/1912.
35 Freud avait incité également Alfred Adler a élaborer son travail sur le marxisme et la

psychanalyse pour le publier dans cette revue. Cf Minutes de la société psychanalytique


NOTES
de Viefll!e, Nunberg & Federn (Eds), vol. 2, 10/3/1909.
:' 6 Lettre de Ferenczi a Freud. 2211111910 (italiques siennes).
1
Pour 5jmnl(fier. les lettres de Freud a Fliess éliminées de l'édition primitive (in Nais-
.n Cf Lettre de Freud a Jones. 2915!1933, et Jones, vol. 3 : 460. La patiente extralucide
sance de la Psychanalyse, de 1956 a aujourd'hui) seront dans ce qui suit symbolisées par
($E), et celles victimes d'une pelite ou d'une grosse purge par ($P). Ma référence reste seraÚ Mrs. Sevem, alias R.N dans le Joumal clinique de Ferenczi.
38 C.f Minutes , vol. 4: 248 (19/11/1913).
l'édition intégrale The Complete Letters of Sigmund Freud to Wilhelm Fliess, par Jeffrey
Masson en 1985. ' 9 Lettre de Freud a Ferenczi. le 23/1111913 .
2 40 Lettre de Freud a Ferenczi, 2711111913 .
Gellner (1985) : 20 l.
3
Lettre de Freud a Lampl de Groot, 20/1111938, citée par Molnar, in Freud 1939, 41 D'apres Jones, vol. 3 : 444. Rundbrief (circulaire) non publiée.

42 Lettre de Freud a Abraham, 91711925.


Kürzeste Chronik: 251. De meme que !'incendie du Reichstag en mars 1933, l'autodafé
de ses livres a Berlín en mai 1933 avait laissé Freud indifférent. " Anna Freud a Jones, 2411111955, in Jones' Papers, non publiés mais cités par Gay
4
Goethe, Faust : Part 1, Hexenküche (Cuisine de la sorciere, verset 2365). (1988), vol. 2 : 129. Gay rajoute, car ce n'était apparemment pas assez clair, qu'en
5
Freud ( 1937), Die endliche und die unendliche Analyse : 243. cachant la vérité, Anna cherche ici a défendre son pere «comme elle le faisait depuis
" Dans cette meme lettre (3/11/1899), Freud fait aussi allusion a un article - terminé le longtemps et ne cesserait jamais de le faire» (ibid. : 130).
44 Cf Freud (1899), Eine erfüllte Traumahnung; ( 1901 ), Zur Psychopathologie des
10/11/1899 (Eine erfüllte Traumahnung) mais bloqué jusqu 'en 1941- sur la <<prémoni-
tion onirique accomplie». 11 écrit «je comprends maintenant comment naissent les reves Alltagsleben (chap. 12, 1910); (1919), Das Unheimliche; (1921), Psychanalyse und Tele-
prémonitoires et ce qu'ils peuvent signifier». qui change de sens en devenant impersonnel pathie; (1922), Traum und Telepathie; (1925), Einige Na chtriige zum Ganzen der Traum-
(<da compréhension» des reves prémonitoires et leur signification) dans le texte fran¡¡:ais deutung; (1933), Neue Folge der Vorlesungen zur Einfühnmg in di e Psychoanalyse (2'
purifié des lettres a Fliess. conférence). Le Doppelgiinger (in article de 1919) est une sorlc de double spéculaire.
7
Lettre a Fliess, 2414/1904 ($E). 45 Fin de J'article de Freud (1922), Traum und Telepathie.

46 Freud (1922), Traum und Telepathie : 47 (italiques micnncs).


8
Lettre de Jung a Freud, 2/11/1907.
9 47 Freud (1925), Einige Nachtri:ige zum Ganzen der Traumde11tung : 150.
Le 20/4/1914; Kerr (1994) : 470.
10
Introduction a Correspondana Freud .lung : 15. 48 Freud ( 1922), Traum und Telepathie : 33. -

11 Kerr (1994): 212 sq.; Schur (1972) : 104 . 4 9 Freud ( 1925), Einige Nachtri:ige zum Ganzen der Traumdt·lllun¡.: : 1'i 1 ct 152.

12 50 Rundbrief, 15/3/1925 (Jones, vol. 3 : 444. Non publiéc).


Jones, vol. 3 : 434.
51 Lettre a Ferenczi, 30/311925 (citée par Jones, vol. 3 : 445).
u Lettre de Freud a Jung, /6/411909.
14 52 Jones, vol. 3 : 446; Lettre de Jones a Freud, 2512!1 926 ; ,., l'll'ud ( 1'1/'i). t;inif.(c
Jones, vol. 3 : 432-433.
" Par exemple, dans le chap . 8 de J'rn1d ( 1•10 1), / ur l'svcho¡wthologie des Alltagslebens. Nachtri:ige zum Ganzen .. .
53 Lettre de Freud a Jones, 71311926 (cf aussi Jones, vol. 3 : tlll /)
16
Lettre a Fliess, 8/511901 ($P).
17
Blanton (1971 ), séance du 5/!lii'J 1/, p '1'1 s• Freud ( 1921 ), Psychanalyse und Telepathie : 8.
1 55 Freud (1916-17), Vorlesungen zur Einführung in die Psyl'hounflll'" ' .' /0
~ Jones, vol. 3, chap. 14.
19 56 Freud ( 1925), Die Wiedersti:inde gegen die Psychoana/y.\·1· : 1 11
Jones, vol. 3 : 432.
120 MENS()N(;I\S l•l(l •l lllll N', lll '• l<tll/i III IN I i>l'oi NIIIIlM i\ IION SU' lll .i\IRE

57
Freud ( 1925), Die Wieder.l'tlilldt•... · 1 1 1
58

59
Freud ( 1918), Wege der p.,ychoollllll'fill'lit'/1 lll<'lllf•l<' 1•10 141 . Chapitre 7
Freud (1921), Psychanaly.\·e wtrl 'Jdt•tlatlll•'. H (c ' cs l 11101 ljliÍ souli gnc).
60
11 s'agit du manuscrit intitu lé Vor/J('Iit·ht (i.c. rapporl prélimina ire), qui prit plus tard le
titre de Psychanalyse und Te/epathie ( 192 1, publi é en 1941 ). Ce11ains éléments peu .
Délire a deux
compromettants seront remis en circulalion en 1932 (Neue Folge der Vorlesungen ... , 2'
conférence). Deux mois apres Vorbericht, Freud rédigera Traum und Telepathie ( 1922).
61
Freud (1925), Einige Nachtrdge zum Ganzen der Traumdeutung: 150.
62
Par exemple Lem·e du 19/911901 ($E).
63
Cité par Jones, vol. 2 : 422.
64 «La différence entre les psychiatres et les autres
Freud (1896), Zur Atiologie der Hysterie. *GW 1 : 435: *SE 3: 199-200; *NPP: 91 malades mentaux , c'est un peu la différence en-
(italiques miennes).
65 tre la folie convexe et la folie concave. »
Scharnberg ( 1993), vol. 1 : 46.
66
C.f Schamberg (1993). vol. 1 : 191 sq. et vol. 2 : 48 sq. Karl Kraus (1904) 1
67
Freud (1939), Kürzeste Chronik: 207. lis se marierent civilement le 13/911886, reli-
gieusement le 14/911886.
"" Jones, vol. 3 : 429.
69
Byck ( 1975) : 1 11. Dans son livre brillant sur la rhétorique du mensonge freudien, Robert
Wilcocks assimile les deux comperes, Freud et Fliess, a leurs précurseurs
70
C.f Bakan (1958); Marthe Roben (1974); D. Klein (1981); Emmanuel Rice (.1990);
Yerushalmi (1991). Bouvard et Pécuchet2 . Quand Flaubert mourut, le 8 mai 1880, illaissa un
71
Jones, vol. 3 : 397.
72 ouvrage inachevé, qui devait initialement s'intituler «les deux
Freud (1925), Se/bstdarstellunx : 15.
71
· Cf Schur ( 1972) : 44 sq.; et sul1out Bakan ( 1958), passim.
cloportes», et qui commen~a a paraltre en décembre de la meme année.
74
André Chouraki ( 1992), La pensée juive (PUF, 6' éd.) : 95. L'étudiant Freud venaít alors de couronner son 24e anniversaire, Fliess
75
(1900), Die Traumdeutung (L'interprétation des reves: 373, cf aussi p. 436-437). son 22e, ils ne connaissaient pas un mot de psychiatrie, ne s'étaient pas
Lettre a Abraham, 22/811924, citée par Jones, vol. 3 : 119.
76
rencontrés, n'étaient pas docteurs, et ignoraient tout de la cocai'ne. Et
77
Apocalypse, 13 : 18. pourtant, ils étaient déja la, dans le Bouvard et Pécuchet de Gustave
7
" Pour cet épisode, cf les Minutes, vol. 1, séance du 6/311907.
Flaubert, car ces caracteres délicieux, mais de précíeux ridicules pris au
" Un autre disciple de Freud, Otto Rank né Rosenfeld en 1884, renon~a au juda'lsme en
7

1903 pour devenir catholique, mais y revint en 1918 pour se marier. Karl Kraus, juif,
sérieux, sont éternels. lis sont parmi nous. Bouvard et Pécuchet devisent
s' était fait protestant en 19 1 1, tels Adler et Weininger. ainsí des tumulus antiques quí « contíennent des squelettes, ayant la posi-
80
Roazen ( 1975) : 178n. tíon du fretus dans le sein de sa mere. Cela veut dire que le tombeau était
"' Graf ( 1942) : 47.
2
pour eux comme une seconde gestation les préparant a une autre víe.
' Correspondance Freud-Binswanger : 48; et cf Kerr ( 1994) : 132-134. Done, le tumulus symbolise l'organe femelle , comme la pierre levée est
81
« Psychoanalyse ist jene Geisteskrankheit, für deren Therapie sie sich hli1t» (Karl
J'organe maJe. [... ] Anciennement, les tours, les pyramides, les cierges,
Kraus, Die Fackel, 30/5/1913). Sur Karl Kraus, voir Thomas Szasz (1976).
~ C.f Sokal & Bricmont ( 1997).
4 les bornes des routes et meme les arbres avaicnl la signification du phal-
"
5
Minutes, vol. 2, a la séance du 12/1/1910. lus- et pour Bouvard et Pécuchet, tout dcvicnl phallus. lis recueillirent
'" Wittels, Freud et la femme enfant : 71. des palonniers de voiture, des jambes de faulcuil , <.les vcrrous de cave,
1
"' Cf les mérnoires de Wittels (in : Wittels, ibid.). des pilons de pharmacien. [... jet si l'on se récriail , il s ll:vaicnl, de pitíé,
"" Fritz Wittels (12/1/1910), Minutes (Nunberg & Federo, Eds), vol. 2 : 375 (italiques les épaules »3 .
miennes). Die Fackel disparut en 1936 avec la rnort de Karl Kraus, et Neue Freie Presse
luí survécut jusqu'a J' Anschluss du printemps 1938. La seule particularité qui distinguaít les dt'IIX llll'lknn s. heud et
89
Freud (1909) , Analyse der Phobie eines fünjjdhrigen Knaben (der kleine Hans) : 109 Fliess, de la plupart des scientifiques contcmporain ~. l'l tHll!ltlllllcnl de
n 1 (trad. fr.). · ·
9
° Freud (1910), Le souvenir d'enfance de Léonard de Vinci (note 4 du chapitre 3).
!'honorable Josef Breuer - élevé des 52 an s, en IXIH , au ran g de
91
Berthelsen ( 1989) : 33. membre de !'Académie des Sciences, distinclion lll'S l ! lll ' ptHII 1111 nll-dc-
92
Dans leur correspondance, et qu'on trouvera aussi dans Schur ( 1972) : 281-284, a qui cin généraliste, ce qui provoqua des jalousi<.:~ dh·t ~~· .·, 1111 11-¡:uL·s. a u
elle paralt suftisamment importante pour la citer in extenso. moment meme ou Breuer se sépara de Freud , t''-l ! ' 111 illlnllnl'l l'ar
93
Freud (1919), L'inquiétante étrangeté: 190. dessus tout, nos deux épistoliers partageaicnt d · YH ' IIIII' ,, J\1 !1111 les
122 MENSON(:I ·.S l 'l(l •llllii •N', lll 'o i!JIII l ll lli'l l 1>1 'o i N itli<M A IION S(,CULAIRI' 111 IIUI A 111 11'<

meme~ ~enchant~ pour l'irr:~tionnd , el c·c~t li't, av ·e la conviction d'ap- sinon cautérisation intra na:-.:tlt·, 1111 Hhl.tiHHI cllilllrgicale des parties
partemr a une éhte mcornpnsc, probaokmcnt la raison de Jeur fascina- fautives. Les cibles d · prllli ktiiPII ('l:lll'lll les comets et les sinus.
tío~ mutuelle, immédiate et duraole. Parfois, 1:1icss devan<;ait Freud,
ma1s souvent, le neurologue-numérologue viennois précédait de loin le Le nez, le nez. vous dis-je! 11 nc manquait qu'un stade nasal.
rhinologiste-biorythmologue berlinois dans 1' in el ination vers des idées Et le Jecteur frissonne en apprenant que Fliess, « expert en tous
divergentes, marginales meme dans le contexte scientifique et les domaines », se lan<;a en 1895- 1896 dans des expériences avec des rayons
c~oyances de l'époque dont ils s'étaient éloignés, prétextant un ostra- X, sur lesquelles Freud demanda des informations que nous attendons
c!sme qu'ils s'étaient inventé, dans Jeque! ils se complurent tous les encore4 . Nous savons toutefois que ses tentatives de cocai'nisation nasale
deux. furent, a la meme époque, un cruel échec dans 1' accouchement saos
douleur.
L'alter ego Fliess avait développé plusieurs théories spéciales, s'inspi-
rant a sa fa~on de travaux antérieurs, et Freud fut touché par elles, Freud eut connaissance de la névrose réflexe plusieurs mois avant la
notamme.nt par deux qui répondaient en écho a ses préoccupations et qui parution du travail de son ami 5 . Ce fut la révélation. Ne nous arretons
eurent d'tmportantes ramifications ultérieures: la névrose réflexe (1893) pas, pour l'instant, sur le fait qu'il en avait lui-méme tous les symptomes,
et la périodicité vitale (1897). y compris 1' intolérance a 1' alcool.
Au début de 1' année 1893, il assimile le tableau a la « neurasthénie »
dont il vient d'identifier les manifestations protéiformes chez ses propres
LES SERRURIERS ET LA NÉVROSE RÉFLEXE malades, et pousse Fliess adévelopper davantage 1' étiologie sexuelle, en
particulier «les pratiques sexuelles nocives » solitaires qui y prédispo-
En 1893, 1' oto-rhino-laryngologiste berlinois établissait une liaison sent, dans les deux sexes. Il faut, rajoute Freud, avant toute recherche,
entre les tissus érectiles des fosses nasales et les muqueuses génitales, annoncer «par anticipation le résultat tel qu'il est vraiment, c'est-a-dire
~upp?sés embryologiquement équivalents. Voila deux corps spongieux, comme quelque chose de tout a fait nouveau» 6 . Car il est persuadé que
elastlques et cavemeux. La relation est déterminante, car l'état des tissus Fliess détient la clef universelle qui déverrouille les secrets des maladies,
du nez est corrélatif de celui de l'autre, et une altération de l'un conduit «le passe-partout, la formule étiologique» qui avait échappé a tous.
a celle de l'autre. C'est un rapport réjlexe naso-génital. Fliess estime
pouvoir confirmer l'interaction par 75% des 300 publications disponi- Les clefs ouvrant les serrures de tous les secrets sont en service depuis
bles sur la question. L'administration de cocai'ne, qu'il utilise depuis longtemps dans la boite a outils kabbalistiques de J'aruspice Sigmund
18~86, o u _la cautérisation électrique (Galvanokautische Behandlung) des Freud. Et, dans sa petite enfance, Sigismund, domicilié 117 rue des
memes tlssus du nez donne des modificatíons quasi ímmédiates des serruriers a Freiberg, aimait déja bricoler dans J'atelier d'un serrurier...
muqueuses génitales, et apporteraít les preuves définitives d'une telle La clef du mystere de la neurasthénie est 1'abusus sexualis, ici 1' abus de
i~te~a:tion. J?es affections diverses, et les troubles menstruels, pourraient masturbation, un vieux réflexe. Des lors, « espérons que bientót la
ams1 etre smgnés par voie nasale. Mais la trouvaille de Fliess, comme névrose nasale réflexe sera généralement connue sous le nom de maladie
toutes les découvertes de génies injustement méconnus ou rapidement de Fliess» 7 . L'ami Fliess, en qui Sigmund Freud a une confiance abso-
oubliés, mérite une généralisation plus vaste. Sans avoir ni la formation Jue, et dont la notoriété devrait s'imposer dans l' univers, est ainsi devenu
ni la clientele psychiatriques, il estime avoir démontré dans 130 cas le «le Messie» 8, a l'effigie duque! il conviendrait d'ériger une statue au
rapport entre le nez et des manifcstations de névrose . centre du Tiergarten, le célebre jardín public de Berlin 9 .

. La névrose réflexe donne de~ tensions musculaires, céphalées, sensa- Tres vite, Freud reconnait la névrose nasale parlout che/. ses paticnts,
tiOns de vertige, intolérance a l'alcool. cauchemars, problemes d'esto- qu'il s'empresse d'envoyer en nombres, comme plu ~ icurs mcmbrcs de
mac, sexuels, respiratoires ou du rythme cardiaque. La source de ces son entourage - sa tille aí'née Mathilde avcc M;ulha, sa s<rur Maria
maux est soit dans le nez, soi1 g ·nitale. La masturbation est particuliere- (alias Mitzi) avec ses trois filies soi-disant toutcs hys ll·ttqlws. l'l puis
ment redoutable car, en irritant la ntuqueuse, elle produira a distance des d'autres- pour la cure radicale chez Herm D1: Wi//w/111 /.'/w.\.1', lll'wlts-
troubles nasaux et des gaslralgi¡;s. Traitements : coca'ine dans le nez, trasse, Berlin 10 • Son étiologie réflexe se retrouvcr;t lll:t )' HIIIl'IIH'III dan s k
124 MI ' NSON(;Es l 'ltl ,l lllll ,N ', 111 '.11 11111 11 11 1 111 'di< IIII! M i\ IION S( C lii.AII<E
llill ll l A 111 11\ 1 2.~

cas Ida Bauer, alias Dora, « un cas q111 l'adl<' lnul ¡) f:ut avec la collection Les lettres de Freud i.\ 1;1 iess l"OIHTrunul tTII · hisloire, qui n' est certai-
déja existante de mes passe-partoul », Tri vil Frcud au moment ou il nement pas un des «détails sans impllltancc » de Joncs, ont été totale-
venait de la rencontrer 11 . La maladc, ·n raison ele perles blanches, s 'était ment supprimées jusqu 'cn 1985. Les Franc;ais ne peuvent pas les Jire
assurément masturbée, puisque «sur de tels índices t... J la preuve indubi- dans Ieur langue, bien sur. D'un autrc cóté, la correspondance d'Emma
table de la masturbation est faite ». Yoih\ pourquoi Dora a des pertes et Eckstein avec Freud, et les entrcticns de Kurt Eissler avec le neveu de
une gastralgie réflexe, car « on sail ave e que/le fréquence les gastralgies celle-ci - Albert Hirst, analysé par Freud au début des années 1910 et
se rencontrent justement chez les masturbateurs. D'apres une communi- qui laissa des souvenirs non publiés - , sont encore consignés dans le
cation personnelle de W. Fliess, ce sont précisément ces gastralgies qui container Z des Archives de la Library of Congress de Washington.
peuvent etre suspendues par des applications de coca"ine au "point gastri- Révélée d'abord en partie, mais gommée, par Max Schur (1966 et 1972),
que" du nez qu'il a trouvé. La guérison s'opere par la cautérisation de ce tres édulcorée ou bien masquée dans les hagiographies officielles, ]'af-
point» 12 . · faire Eckstein ne sera présentée de fa~on plus précise qu'en 1984 par
Mas son, puis a partir de 1' année suivante avec l' édition complete des
En 1905, Freud aftirmera également avoir été capable de «constaten> lettres de Freud a Fliess 17 •
que, chez les riévrosés graves, le pere avait souffert de syphilis dans plus
de la moitié des cas 13 . Notre grand inventeur, qui regrette amerement que Au moment ou !'affaire commence, Emma Eckstein, qui aura 30 ans
le monde médica! ne reconnaisse pas ces certitudes 14, sera malheureuse- en janvier 1895, est « analysée » par Freud depuis deux o u trois années
ment le seul a s'en apercevoir. pour des troubles hystériques de «conversion», des douleurs gastriques
et une dysménorrhée avec hémorragies génitales depuis l'adolescence.
Nous ne saurons jamais avec quelle fréquence les « masturbateurs » Elle ramene ces perturbations a des facteurs organiques, ce que Freud
sont gastralgiques - évidence flagrante qui disparaitra mystérieusement refuse d'admettre. Il ne demande aucun examen médica!, car, pour lui,
quelques temps plus tard, et information clinique que Freud possédait, leur cause indiscutable est la masturbation, refoulée et conflictuelle.
«avant toute recherche», mieux que ses lecteurs ou que les «fines arro-
gants » de la psychiatrie de son époque - , ni comment Fliess détermi- Freud voyait dans la masturbation la source de nombreux dégats, y
nait les cibles nasales destinées a la cocai·ne, mais ce que l'histoire a compris de la neurasthénie ou de l'hystérie, qu'il reconnaissait dans son
retenu est que deux psychanalystes de haut rang seront adressés de la entourage et dans son propre cas. C' était pour luí une « addiction primor-
sorte a Fliess : Sigmund Freud en personne a plusieurs reprises, et puis la diale », dont les autres dépendances (il citait ici 1' alcool, la morphine, le
malheureuse Emma Eckstein, une dramatique erreur parmi les autres. tabac, mais omettait la cocai·ne) ne sont que de pales substituts 18 • Dans
les entrées de l'index des Minutes de la société psychanalytique de
Vienne, la masturbation est au premier rang, et tous les cas connus de
LA SAIGNÉE D'EMMA Freud auront, selon lui, des problemes avec la masturbation.
Freud est persuadé, et cette conviction le poursuivra longtemps apres
Durant l'été 1979, Jeffrey Masson consultait le fameux courrier origi- la séparation d'avec Fliess, que tous les gastralgiques sont des masturba-
nal, apparemment complet, de Freud a Wilhelm Fliess qu' Anna Freud teurs («e' est un fait bien connu »), que la masturbation cst la source des
déposait chaque matin, piJe apres piJe, sur son bureau de Maresfield douleurs abdominales, qu'il y a un líen entre le nez et l' appareil génital
Gardens, a Londres, et dont il faisait la recension. Il s'étonnait d'y voir et entre les troubles génitaux et ceux du nez. 11 faut supprimer la mastur-
des paragraphes entiers biffés transversalement, largement, page apres bation. Le traitement des dysménorrhées et des gastral gics est done
page, par la main droite de la descendante de Sigmund, Anna, «le fil a nasal, pour toucher le point masturbatoire que l'otorhinologue Wilhelm
plomb de la psychanalyse» 15 • Déja, en 1953, une lettre d' Anna a Ernest Fliess a trouvé dans le nez.
Jones, lequel voúlait son avis sur les relations entre Emma Eckstein et
son pere, disait avoir écarté de la correspondance a Fliess ses nombreu- A la Noel 1894, Fliess vient de Berlín a Vicnm:, i\ la H ' <¡ll\'ll" de 1-'rcud
ses lettres en rapport avec cette affaire paree qu'elles seraient « plutot pour examiner la malade. Les deux compercs pn'- c<Hll ~ \' 111 allu s l'intcr-
ahurissantes pour le lecteur» («rather bewildering to the reader ») 16 . De vention chirurgicale, la premiere de ce genre pour J .' lil' s~. <'l tllll' prerni crc
fait! mondiale aussi : une trépanation doit guérir une ll< ' l 'm .,, ., . i/, · '" IIIII Stllr
126 MENSON(;J ,S I·RJ •t llliJI N.' , lll '. lll lltl 11 llt ll 111 'd N I 1 II{MA'J'JON Si'Ttii.AIRF 12/

bation. L'ablation de l'os coupabl·, ll' l'llllll'l uasal moycn gauche est la meme signitication scxuclk . E111111<1 l'lait la source des hémorragies
réalisée début février 1895, a Yit:nu ·. L · lllt:lllC jour, Freud, dont le, nez nasales l'année précédentc, ala suitt.: de l'opération et au sanatorium, car
est irrité et infecté par 1' abus de coc~únc, en profite pour se faire elles étaient le moyen infailliblc pour accaparer le médecin et attirer,
soigner... par application de cocainc el caulérisation électrique des fosses cette fois, l'amour de Freud qui lui rcndait visite. Finalement, c'est la
nasales, comme ille fera a plusieurs rcpriscs. Puis Fliess rentre aussitot a· réalisation d'un vieux désir érotique. Malgré la forte résistance d'Emma,
Berlín saos se préoccuper de l'opérée. il est arrivé a la convaincre de cette vérité. Freud n'a plus aucun doute
que les épisodes hémorragiques ultérieurs, « psychogenes >>, résultaient
Pres d'un mois s'écoule. d'un désir amoureux a son égard. De cette maniere, Fliess et Freud sont
disculpés et leur conduite catastrophique est dissociée de ses conséquen-
A Vienne, Emma Eckstein ne s'est toujours pas remise de l'opération. ces : le motif des saignements n'est ni l'opération aberrante, ni la
S~lon les lettres de Freud a Fliess, elle a un redeme facial, des hémorra- compresse oubliée plusieurs semaines par le grand chirurgien, mais bien
gtes nasales, des secrétions purulentes devenues fétides, des douleurs et le désir sexuel d'Emma, endogene et inconscient 19 •
un ~tat infectieux, sans compter les perturbations affectives qu'il
menhonne assez peu. Le 8 mars 1895, Freud se décide alors afaire inter- Nous apprenons quelques temps plus tard qu'Emma est devenue la
venir Rosanes - un médecin ORL dont il psychanalysera la femme plus prerniere femme analyste, ce qui en dit long sur le pouvoir de persuasion
tard - , lequel, apres inspection de la fosse nasale, retire lentement une de son maitre. Freud lui envoie des patients, et elle découvre dans ses
inter;ninable ?a~de de gaze <<d'au m~ins un demi-metre» oubliée depuis analyses, 6 stupeur, les fantasmes de séduction et de masturbation qu'il
le debut de fevner par le Docteur Fhess dans la cavité! C'est alors une lui attribuait 20 . Elle confirme si bien la vérité psychanalytique que Freud
scene sanglante (Verblutungsszene), une hémorragie foudroyante : peut, dans un article de 1907, se réclamer d' elle, comme il s' appuiera sur
Emma, les yeux exorbités, au bord de la syncope, est saignée a blanc. les « travaux » mensongers de Hermine von Hug-Hellmuth. M adame
Freud, qui ne supporte pas le sang, livide, se trouve mal. Emma Eckstein, « seule exception » dans toute la littérature consacrée
aux bons enseignements adonner aux enfants sur la sexualité, a, en effet,
~mma est aussitót hospitalisée et finira par s'en remettre quelques
se réjouit-il, rédigé a son fils de dix ans une lettre qui va tout a fait dans
mms plus tard, mais plusieurs opérations seront nécessaires - on
le sens des le<;ons de la psychanalyse21 . Or, Emma Eckstein n'a jamais
songea meme a une ligature de la carotide externe, car elle eut trois réci-
eu d'enfant...
dives d'hémorragies nasales qui vont durer douze jours - pour réparer
les dégats et qu'elle soit hors de danger. Freud lui rend visite réguliere-
ment ~ans un sanatorium et reprend l'analyse, entre les injections de A 40 ans, elle a encore des douleurs abdominales et des hémorragies
morphme, les soins et les insomnies. génitales ... Il refuse toujours de reconnaí'tre une cause organique et lui
propase a nouveau la psychanalyse, convaincu d'une rechute de la
Freud, au départ, se lamente; il est « rnisérable comme un chien » (15 névrose. Désespérée, elle fait intervenir a son insu une jeune femme
m~rs 1895) et i~ s' accable. Mais il est surtout inquiet pour la notoriété de médecin, qui retire aussitot un abces abdominal volumineux. Emma est
Fhess - dont tl ne met pas en doute la compétence car ce serait douter sortie d'affaire en un clin d'reil. Freud est furicux de ce qu ' il considere
de la sienne - et pour les risques encourus. Ensuite, son courrier a comme une ingérence déontologiquement inacccptahlc22 . JI est fiiché de
Fliess va faire le silence sur la patiente pendant une année. cette intervention professionnelle qu'il voit commc un aiTront personnel
alors qu'il ne s'était pas inquiété des gestes médi ca! ·mcnt peu ortho-
. En avri1 1896, il a trouvé la solution : «ces saignements étaient hysté-
nques». Elle avait eu des épisodes semblables dans l'enfance. A 15 ans doxes de Fliess, qu'il avait préconisés et qui n' élail'lll ni néccssaires ni
déja, elle accueillit, lors de ses menstruations, ses hémorragies génitales anodins.
avec joie, car celles-ci lui permettaient d'etre aimée dans sa maladie ·
puis elle eut le désir d' etre soignée par un jeune médecin, et des lors ell~ Quelques années plus tard encore, on doit rtlirn :) l·:uuna . toujours
com~en<;a a saigner du nez a cet effet. Freud vient de découvrir ce que victime de saignements génitaux, l'utéru~ en tolahlt· l>•n¡•.nosti c : un
plusteurs années d'analyse lui avait caché : elle avait des saignements de myome, une tumeur bénigne du tissu musculair · p1ohahknl\'lll ~~ ·~ ponsa
nez depuis 1' enfance. Hémorragies nasales et génitales sont réunies par ble des hémorragies cycliques depuis l'adolesc •nn·' 1• hn11111 l ·:c k~tt•in ,
1 )<)
12K

cloítrée, inactive et alitée en pcnnam.:nct: dt:p111 :-. 1905, détigurée par la PÉRIODJCrnt VlTALE
trépanation de 1895, mourra en 1924 d' un a<.: ·idcnt <.: érébral.
Ce qui devait surtout ravir Sig111und 1:rcud t'ut la périodicité vitale, la
Pour Freud, qui y revient en 1937, le eas de cette patiente est exem- spéculation vedette de Fliess, dont le Yiennois eut connaissance un an
plaire: c'est la premiere psychanalyse réussie! La psychanalyse achevée avant sa parution dans la prcsse 76 .
doit nonnalement protéger eontre la survenue ultérieure de troubles
névrotiques. Or, la malade avait rechuté!! Traitée d' abord « avec Les organismes sont en effet gouvernés par des périodes vitales, les
succes », elle devint par la suite une malade irrécupérable ... Pourquoi? unes, de 28 jours, sont féminines, les autres, de 23 jours, masculines. Les
L'opération, c'est-a-dire l'hystérectomie et non pas la trépanation de animaux a sang chaud et les humains sont bisexuels, a la fois males et
Fliess qu'il omet de signaler, fut cette fois le traumatisme responsable. femelles, dans des proportions variables; mais, selon le cycle vital trans-
Sans celle-ci, «on n'en serait pas venu a une nouvelle irruption de la mis avant la naissance par la mere, la masculinité ou la féminité s'impo-
névrose ». Done, elle avait été guérie par la psychanalyse, mais la chirur- sera a l'individu de fac;:on prédominante. Les périodes sont entrelacées
gie gynécologique avait entre-temps détruit ses bienfaits, et elle « ne avec les phénomenes astronomiques, et pas seulement avec le cycle de la
redevint jamais normale jusqu'a la fin de sa vie}} 24 • lune : les étoiles aussi sont en relation intime avec les processus organi-
ques, et nous avons la un rapport avec le cosmos. La théorie pennet de
Le fond de l'histoire a été évacué par les cerberes de la cause afinque réduire définitivement la complexité des etres vivants a quelques prínci-
le lecteur 1' ignore. ll ne peut se rendre compte que Freud renverse la pes simplificateurs qui les rendent toujours prévisibles, enfin, par le
logique des événements, et des responsabilités dans ce qu'il faut bien savant qui connaltrait les lois de Fliess.
appeler une faute médicale grave. Il n'a pas demandé un examen gyné-
cologique pour sa malade. A aucun moment, il ne met en doute le diag- On peut prédire la naissance, les événements marquants d'une vie, la
nostic initial, ni l'opération nasale, ni la valeur de sa psychanalyse, ni mort, les pathologies, a l'aide de calculs. L'addition, la soustraction, la
bien sur sa compétence ni celle de Fliess. 11 attribue a autrui la paternité division, les racines de 23 et de 28 vous suffisent, et vous avez tout
des erreurs, et fait d'Emma !'origine des hémorragies répondant a des compris. Vous aurez acces aux énigmes de l'univers. Yoyons cela. 28
désirs inconscients, ce qui lui avait perrnis de disculper les vrais auteurs divisé par 23? C'est le sex-ratio! Nous vérifions gdice a Wilhelm Fliess
de ses souffrances. qu'il y aura 121,7 maJes conc;:us pour 100 femelles chez les mammiferes.

En mars 1896, Wilhelm Fliess opéra une autre patiente, atteinte d'une Avant memela parution officielle du travail de Fliess, Freud prévoit et
dysménorrhée, par la trépanation du comet nasal moyen gauche, avec comprend tout des cycles sexuels de Mart11a, des poussées dentaires de
encore une fois des conséquences catastrophiques : hémorragies massi- sa progéniture, de ses propres acces de fatigue el de céphalées ; il prédit
ves et !armes de sang. ll recourut alors a une explication numérologique, ensuite ses troubles de santé, déduit les crises de poésie de son fils
par le calcul des périodes de 28 et 23 jours, plutót que de reconnaitre sa Martín, les premieres regles de Mathilde, les maladics des proches, les
responsabilité 25 . Au meme moment, début 1896, Freud en trouva une faits essentiels de son existence, de celle de son entouragc, des hommes
autre pour sa propre patiente : ce sont les désirs d'Emma, qui n'ont ríen illustres, et puis de ses patients27 • C'est imparahlc: il n'y a ricn qu ' on ne
a voir avec le monde réel. Dans les deux cas, par la numérologie ou par puisse prévoir entre la date de la fécondation el ccllt: d~.: la mort. L'inven-
l'inconscient, les réalités sont escamotées. tion ne produit pas d'erreur, du moins entre les 111ains d'nn honun · de
science expérimenté. Done, si un chiffre corrcspond i1 1111 t'ail 111l ~ ~ i ·ur, a
Emma n'avait pas pu etre guérie d'une maladie qu'elle n'avait pas, ni UOe date rattachée a UO événement déterminé, VOU S 0 1~· ~ :IS MIII' <flll' l' opt:
par l' anal yse, ni par la trépanation nasal e. Il aurait saos do ute mieux val u ration par Iaquelle vous avez obtenu ce nomhrl' 1dt'Yl' d ' 11111' 1111 1;pi s1l'
qu'elle ne rencontratjamais Sigmund Freud. Mais c'étaient trois premie- miquement fondée par sa valeur prédictive. L' arilllllll'll<flll' n i .. n m·h' .,
res mondiales : la premiere trépanation nasale d'une névrosée masturba- quand elle produit un nombre entier, semblc+il (il1· , 1 11111111111\ pw.•, illll'
trice, la premiere psychanalystc, et la premiere analyse réussie par d'arrondir les valeurs obtenues); et quand ce lll)lllhl r 1'11111'1 1''•' 11111 1'!.'1d
Sigmund Freud. Ensuite advint la quatrieme invention, le freudisme. de l'apparition d'un événement, alors l'opération Vl'lilw lia l11t q111 fli ' IIIH'I
IJO MENSON( ll :S 1·10 '1/llll N'. 111 '• 11 11111 i t I IN I ltl ' oi NII H( M i\'IION Sl ·.('lJ I.AIHL 1' 1

de le prévoir. Puisque le calcul n~.: pl'ut se tiiHttJK'I , si la rclalion nombre- sa mere et d'autres mcmbrcs de su lannllc, qu ' il lui donnait afin d'ali-
événement ne se confirme pas ... alors 1\:vl: IH.~ ntcnt cst f'aux ! menter ses calculs périodiqucs, nc scron t pas utilisables, du fait des
incertitudes du calendrier juif, ce qui nc lui interdisait pas d'en faire un
Applícatíon. usage tres personnel.

Dans une lettre bien sur élimínée de l'édition primitive, et datée du L'arithmomancie a toujours raison, et seuls les faits peuvent se trom-
samedi 30 juíllet 1898, Sigmund Freud demande a Fliess- qu'il consi- per.
dere comme «le Kepler de la biologie >>, capable de résoudre les grandes
énigmes de l'humanité -,de bien vouloir lui calculer la date prévue par En 1906, Fliess, ayant atteint le sommet dans son art et se réclamant
ses périodes pour la mort de Bismarck. Freud a manifestement quelque encore de Sigmund, vérifiera que Jakob Freud, ayant vécu 29.792 jours,
chose en tete. Mais il est étrange qu'il demande a son partenaíre de c'est-a-dire 38 cycles x 28 2 , il avait bien été dépassé par Bismarck de
prévoir un déces qui s'est déja produit, précisément ce jour-la... Mais 644 jours, soit 23 x 28 exactement, car le « + 1 », erreur du fils et non du
passons. pere, avait magiquement disparu 32 ...
Nous n'avons évidemment pas les formules de Fliess réclamées par «lch beuge mich vor Dir als Ehren-Astrolog» («le m'incline devant
Sígmund Freud. Mais, dans la lettre suivante, pleine de calculs savants, toi, astrologue émérite » ), écrivait humblement Sigmund Freud ~n. 189~,
Freud rappelle a son correspondant que son pere Jakob «a toujours avant la parution du livre de Fliess, pour honorer ses vertus divmatoi-
maintenu etre né le meme jour que Bismarck- le 1er avril 1815. Quand res33. Vingt-cinq ans plus tard, devant les ravis du Comité ~an~ les
il fallut convertir la date a partir du calendrier juif, je n'ai jamais accordé montagnes du Harz, préférant alors la télépathie a l'horoscopie, Il se
beaucoup de crédit a une telle affirmation. 11 [Jakob] est ainsi décédé au montra plus critique a l'égard des «occultistes d'obédience astrolo-
bout d'une vie dont la durée peut etre qualifiée d'assez longue, le 23-24 gique»- il s'était certes faché entre-temps avec Jung, autre astrologue
octobre 1896; B. [Bismarck est mort] le 30 juillet 1898. B. [Bismarck] émérite, mais pas encore avec Ferenczi, son «astrologue de cour» --::· et
lui a survécu pendant 645 jours = 23 x 28 + l. Le "1" est sans aucun remarqua que des milliers d'individus nés a la ~eme date, sous le ~eme
doute du a une erreur de mon pere. Des lors, la différence entre les deux signe, avaient en réalité des destins bien d1fférents 34 • Cette s1m~le
vies est de 23 x 28. Tu sais certainement ce que cela veut dire» 28 . Admi- évidence rationnelle n'a pas été appliquée, ni a la spéculation des péno-
rable raisonnement. Et admirable incohérence : pourquoi, s'il n'a des numérologiques, ni a la psychanalyse.
«jamais accordé beaucoup de crédit a une telle affirmation», se sert-il de
cette base pour aligner dans une arithmétique abracadabrante les Comme le notait, il y a un siecle, le subtil Richard von Krafft-Ebing,
« périodes » de son pere sur celles de Bismarck? Et quelle « erreur>> le
«le mode de calcul, donné par Fliess a l'appui des périodes de vingt-
+ 1 représente-t-il? trois et vingt-huit jours, permettrait tout aussi bien la démonstration d~s
périodes avec d' autres nombres »35 . ll n' es~ jamais. ap~~ru au géme
Grace aux lois Freud-Fliess, vous pouvez désormais vérifier de fac;on fondateur de la psychanalyse qu'on pouva1t obten1r n 1mporte quel
rétrospective les allégations de vos proches. Ici, Jakob Freud s'est égaré, nombre entier positif, n'importe quelle périodc, n' importc quelle prévi-
d'un jour, mais la science des périodes appliquée par son fils a changé sion a partir de la savante formule de Fliess : 2~x ± 23 y. C'est magique
tout cela : illui fallait mourir la veille et se rapprocher ainsi de }'admira- et automatiquement vérifié. Soient 28 et 23, lcur sommc (cncore le i'H
ble Bismarck. 51), leur différence 5, leur produit 644, leur divisi.on, 1·ur cub.c, l eu~s
racines carrées, alors la combinaison de tout ou parltc de <.:cite anthmétt-
Ernest Iones rappelle que son maitre était un fervent admirateur de que élémentaire d'illuminés vous donnera infailliblcntl'lll rai son dans vos
Bismarck, «a tel point que lorsqu'il dut modifier la date de naissance [de prédictions, puisqu 'il n 'y a aucun nombre enticrqrti 111 • f l lll .l',l' l ' t1tn• oi11si
son pere Jakob] pour l'accorder non plus au calendrier juif mais au obtenu. De plus, en choisissant deux nombres a11 has:11 d q11i 11 ' aurai ·nL
calendrier chrétien, il choisit ce11e de Bismarck» 29 . Iones rajoute, «en 11
pas de diviseur commun, vous aurez le memc rcsultat '
passant, que la coi'ncidence qui existait entre les dates de naissance de la
mere de Freud et de l'empereur Franc;ois-Joseph avait une origine Les éditeurs de la correspondance de Freud a l ' lir s~ •,¡· '.11111 l' Vl ' lllll'S a
semblable» 30 • Mais Freud écrivit a Fliess 31 que les dates de naissance de effacer de l'histoire de la psychanalyse les infwnlltttnn •, ltlctnt¡;utt la
111 1 1111 -\ 111 11 .\ l ll
132 MENSONGES I'I{Elll lii ·.N S 111 '.1 lliU 1 11 ' 1JN I 111 ·, JNI IIRM A' IION SI ,( 'IJLI\IKE

composante irrationnelle et les errancl's du héros, dans ce qu ' on ne peut des idées de Flicss par Fn:ud . Frl'ud y t'X PIIllll' sa rancu:ur contre Robert
appeler qu'une purge, sévere et combin~.: · aux nH.:nsonges. Je rappelle Binswanger qui « vient jusi e dl' pnhlin 1111 cpais manuel sur la neurasthé-
qu 'aucune des lettres de Freud a Fliess á cet égard n 'est complete, et nie dans lequel la théoric scxu •llc c' est -a-dire mon nom- n'est
que les censeurs en ont rejeté la majorité. Et puis, l'hagiographie a fait le meme pas mentionnée! J'aurai ma froidc vengeance sur luí des queje
reste, les auteurs s'imitant l'un l'autre dans la manipulation. · saurai comment interpréter la neurasthénie sur la base de ce qui sera
bientót, je ('espere, un amalgame de nos théories» 39 .
L'introduction de Kris a cette édition tronquée avait déja anticipé, a la
place de ses Iecteurs, I'heureux événement : vous allez voir que Freud va Malgré son prétendu mépris de 1'arithmomancie fliessienne, Freud
laisser tres vite a Fliess le non-sens, et garder la raison. Bien sur, sinon défendra son collegue avec bec et ongles contre les critiques. En 1898,
comment la psychanalyse aurait-elle pu etre inventée en se maintenant une revue du livre de Fliess osa formuler quelques points de vue contes-
daos la déraison ? tant ses arguties. C'est inimaginable, insensé! Voila bien «un exemple
de ce genre d'impertinence qui est caractéristique de l'absolue igno-
Dans une note ajoutée a la lettre du 16 mars 1896, laquelle est expur- rance», écrit Freud, qui va aussitót démissionner du joumal médica!
40
gée comme d'habitude, Kris affirme - a la suite d'une remarque de irrespectueux, le tres sérieux Wiener klinische Rundschau . Son nom
Freud a Fliess sur la prudence rhétorique que ce dernier devait s'imposer disparut de la liste des rédacteurs des le numéro suivant, et Osear Rie,
dans ses publications - que «la réaction de Fliess a la lettre de Freud familier de Freud et de Fliess, le suivra. Un an plus tard, Fliess est
prépare la voie a une future rupture de leurs relations. Fliess exigeait une toujours «le nouveau Kepler» de la biologie41 •
approbation inconditionnée [sic] de sa théorie des périodes» 37 . La note
ne dit pas comment fut connue «la réaction de Fliess», mais sous-entend Ainsi, quelques années apres la premiere édition incomplete des lettres
que Freud commence aprendre dores et déja ses distances par rapport a a Fliess, et bien qu'il ait eu acces a la totalité du courrier, Ernest Jones
son correspondan!, qui en faisait décidément trop. Des lors, les courriers pourra en toute sérénité affirn1er que Freud n 'avait apporté « aucune
ultérieurs vont devoir confirmer que Freud s'éloigne de Fliess, qu'il contribution aux hypotheses mathématiques de son ami», que les
abandonne a ses fantaisies pour se consacrer asa science. Effectivement, « convictions de Fliess avaient un fondement pathologique », que les
des les lettres suivantes, la censure et le caviardage se font plus vigou- critiques ont été amenés «a reléguer ses travaux dans le domaine de la
reux encore. Daos celle du 6 décembre 1896 - dont bien plus de la psychopathologie», que Freud, tres vite apres leur rupture, n'y pensa
moitié (qui contient une tres grosse quantité des calculs farfelus de plus et ridiculisait ces calculs arbitraires du médecin de Berlín qui lui
Freud) est passée a la trappe - , l'éditeur a laissé un tres bref passage sur faisaient prévoir n'importe quoi 42 .
les périodes de 23 et 28 jours, mais affirme que pour l'auteur, cela Wilhelm Fliess a été rendu coupable d' une mauvaisc innuence et d'un
« représente le maximum de ses efforts pour faire concorder les idées de dévoiement de la rigueur intellectuelle de son correspondan! , ce qui n' est
Fliess avec les siennes » 38 . La suite doit renforcer cette conviction, par pas une excuse mais plutót une tentative d'explicalion path ~ tique pla<;ant
1' élimination physique, hors des yeux des lecteurs, de toute preuve du Freud en position de victime passive ct na'lvc d'un agent extérieur,
contraire. comme toujours. En soi, ce n'est pas non plus un élogc des qualités
Par excmple, dix jours plus tard, la lettre suivante est fortement expur- morales ni de la force de caractere du Saint Fonda! ·ur.
gée, d'abord d'une bonne grosse moitié- soi-disant «non communi- En réalité, les convictions de l'un ne pcuvcnl clre di sl'L'IIIn's de celles
q u é e» mais qui contient évidemment « 1' arithmétique » kabbalistique de l'autre. Nous savons que l'adhésion de Frcud a l' inaiHlll!ll'l ~ lait bien
habituelle - et caviardée ensuite d'une préoccupation de Freud pour antérieure a sa rencontre avec le magicicn h ·rlinoi ~ . rl ~~·~ ¡m·mi crcs
qui, « clairement tous les 28 jours » (e' est le cycle féminin), se produit expériences personnelles furent d'ailleurs conlcntpoiHIIIl'" ti!- l:t parulion
une perte de désir sexuel et de sa puissance virile. Comment Kris peut-il du merveilleux Bouvard et Pécuchet de Gustaw l'l:tuht' l t
savoir que cette partie, si elle n'est pas communiquée, témoigne, comme
ill'écrit, d'une «nouvelle tcntativc de rapprochement»? En réalité, l'édi- Emest Jones, puis Max Schur, insistent sur ! ' id ~~· q111' htud ltlt 111:tui
teur empeche le Iecteur de comprendre qu'il est question, non d'un pulé, par exemple dans sa superstition de mouri1 a '11 : ••• ~ qu · d dn111i1
ultime et dérisoire essai ele rapprochement, mais bien d'une assimilation aux facéties absurdes de son correspondan! loufoqu~· 11 l·n \ tlll< . qu.uul
134 MENSONUES I'RI ·Iillii · N.\ lli ~ IIIIHI loi iN I 1•1 '• INI<li(M A'I'ION S (,( 'lll AIRE

SOLIPSISME
Freud en fit état pour la premicrc fois, du lll(lins dans ccttc correspon-
dance, Fliess n 'avait encare ríen écrit sur ces cycles (28 + 23). Plus
Au printemps 1884, Frcud ·tait J'humeur sombre, . car rien_ ne
d'une bonne année avant lui, Freud rapportait a Fliess sa propre préoccu-
marchait, et jalousement amoureux de la lointaine Mattha, 11 _souffratt d~
pation : ne va-t-il pas quitter brutalement ce monde entre 40 et 50 ans, ou
désordres « névrotiques », ceux qu'il attribuera a la masturbatwn quand tl
plus sfirement a 51 ans, comme le physicien Kundt qui venait de dispa-
s'agira de ses malades. I1 avait en tout cas, au choix, selon les mo~ents
raitre ?44 L'inquiétude était suffisante pour que Freud pressat son ami de et les analystes : une neurasthénie, la névrose réflexe ou «maladte de
trouver une explication scientifique «définitive» a ces obsessions récur- Fliess», une hystérie (petite), une névrose d'angoisse, des phobies
rentes. Ses superstitions furent nombreuses, dont celles regardant sa (sociales, des transports, du sang), un abus de ~abac,_ les acc_idents de _so_n
propre mort ne sont qu'une expression. Il craignait de disparaltre succes- auto-analyse, un trouble cardiaque, une mauvatse ahmentat10n mal dig:-
sivement a 41 ans, puis a 42, quelque part entre 40 et 50 ans, a 51 ans, rée, un défaut de sommeil, «une psychonévrose fort grave aux sympto-
plus tard vers 61 ou 62 ans, a 81 ans, l'age de son pere ou de son demi- mes normaux» (!), les tracas de J'argent, les fautes des vexations des
frere Emmanuel lors de leurs déces, ou enfin, quand cette demiere méchants, une hypocondrie, l' ex ces de poudre cocai'nique magique a
échéance de 81 ans fut passée, a 95 ans comme sa mere. Mais ce sont ses laquelle il s'adonne des cette époque, etc. Ces perturbations ne peuvent
nombres et sa superstition, non pas Fliess, qui le poursuivirent. en aucun cas etre soignées avant l' invention du remede par le malade.

Comme le note Frank Sulloway, dans ces croyances de Freud, la Le traitement de tout cela est d'abord ... la coca'ine, qui donnera des
numérologie se calculait en années, et n'avait aucune signification dans troubles guéris par un autre ... l'auto-analyse, chef d'ceuvre du solipsisme
les périodes biorythmiques que Fliess voyait en jours. Voila encare un autosuffisant qui ne profitera qu'a lui.
mythe « qui nous enseigne quelque chose sur Freud et ses biographes,
mais rien a pro pos de Fliess »45 . Le pauvre Wilhelm Fliess restera sur le quai, a Berlin, seul avec ses
fantaisies. Fliess s'enfon~a daos ses fantasmagories douteuses au
Enfin, des années apres leur séparation, Freud, déja adhérent a diffé- moment meme ou Freud s'envola dans l' auto-analyse. Et Freud aurait
rents clubs « paranormaux », était encare un fervent adepte des cycles créé la psychanalyse sui generis, grace a son périlleux voyage ~ui «pre~­
fliessiens, car, écrira-t-il en 1916 a Josef Popper-Lynkeus, «meme apres dra un jour une place éminente dans 1' histoire des i~ées; le simple _fmt
que notre amitié eut pris fin, j'ai conservé une certaine foi en cette que cela se soit produit restera, sans doute pour toujours, un probleme
idée »46 . confondant pour le psychologue» 50 . Confondant de nai·veté, effective-
ment.
Une fois la totalité du courrier a Fliess rendue enfin disponible en
1985, l'autre fidele Peter Gay sera nécessairement obligé de reconnaltre L'auto-analyse de Freud est une aventure inou·ie, sans précédent ni
les dérives et la complicité active du créateur de la psychanalyse, et de successeur, c'est un sacrifice épique (Kris , 1956), la décision la plus
garder ses distances, au moins a cet égard, avec Jones 47 . Cependant, audacieuse qu'un homme ait jamais prisc sur lui -mcme (Marthe ~obert),
comme le fait remarquer Elisabeth Young-Bruehl48 , le prudent Gay, dési- héro'ique, « véritablement herculéenne » (Joncs , Nunberg), « un1que e~
rant effacer les aspects polémiques, va consacrer a la longue période pré- incomparable», «le plus étonnant exploit de Frcud » (Max Schur), qUJ
analytique proportionnellement dcux fois moins de pages que son prédé- « fait partie des plus grandes découvertes de tous lc s .'cmps :> débo~1chant
cesseur, semblant alors voyagcr en train rapide devant un gigantesque sur des résultats a mettre en parallele avcc la thcnnc dt' 1 évolutJon de
paysage dont il ne tire que quclques instantanés photographiques a Darwin et du príncipe de la relativité d 'Einst c in (Finl') . /\vant cela, «Sa
faculté critique était émoussée», faisant de lui une p111i c la,·ik pour des
travers les vitres en évitant les ·spcctacks les moins ragoutants. L'histoire
esprits dérangés comme celui de Fliess, mais ap1 o u· ntn : ¡~· lt- . '' k dq;,•l:
ne dit pas si Ernest Jones , qui résc rva la totalité du premier de ses trois
d'objectivité auquel il était parvenu [ ... 1 aiguisait ~~~ ~~ l''> lll 11 l iiiHJlll' ~ur
épais volumes a cette périodc, avail . pour rcprendre l'expression acide de
les hypotheses de Fliess» (Schur), meme si «SOil analy-.t· 111' k lii H' Iól pa ~
Phyllis Grosskurth49 , sa « fa ·e d · furL'I implorant pressée contre la vitre»
completement de cette part d'irrationnel » (Gay) ~ 1 .
du train express de Pctcr Cay.
136 MENSONGES FREUI>II'NS III SI Cl iiH III IN I 111 '.JIIl IIII~ I A II ClN SI 'C'III .A II(F
11111111 A 111 11.\ 117

Les spécialistes ne sont pas d 'accord t;nlr· t;ux pour dércrmincr l' ins-
comportait pas ces révélalions, l'l ainsi don ner le heé.lll role a Sigmund
tant du déclenchement de la prodigieuse épopét;, ni sur sa c.Jurée : les uns
le situent des 1895, d'autres a différents momcnts de l'année 1897 · Freud ? Les lettres de Freud qui pcuvenl dévoiler sa participation aux
parait-il, Freud lui-meme se serait trompé dans la datation (Jones), mai~ plaintes de Fliess ont toutes été exclues. Wilhelm Fliess, surtout au cours
Schur est súr que l'entreprise commen~a ... inconsciemment (!)bien avant de 1' affaire Wei ninger-Swoboda , s' indigna justement des comportements
1897. Elle aurait duré, au choix, des semaines, des mois, des années ou de Freud - dont les dispositions parano·laques personnelles, fortement
bien jusqu'a sa,!llort en 1939. Il y a consensus par contre sur l'idée ~ue teintées de narcissisme, et celles de ses fideles, sont aujourd'hui bien
Freud, bten qu tl fut «un névrosé normal » 52 , est ressorti de sa plongée documentées et analysées 56 - , et eut des réactions, légitimes pour n'im-
dans ses re ves et de 1' association libre appliquée a soi-meme, définitive- porte qui, ensuite qualifiées de paranoi:aques par son ancien ami . Quand
ment lavé, des 1900, des impuretés de la contamination irrationnelle de Freud, quelques temps plus tard, évoqua en effet ce conflit, il n'eut de
Wilhelm Fliess, et débarrassé des vilains symptomes « névrotiques cesse de présenter son aneien allié comme un fou furieux. « Mon ami
nor~aux » d'u~e «ps~chonévrose fort grave» 53 . «Une vraie auto-analyse d'alors, Fliess, a développé une belle parano·ia apres s' etre débarrassé de
est reellement tmposstble, sans quoi il n'y aurait plus de maladie», affir- son penchant pour moi, qui n' était certes pas mince» , écrit-il a Carl
54
m~it Freud , m~is il émergea de sa superbe et infernale épreuve quand Jung57 , rapprochant la parano'ia de ... l'homosexualité.
meme transforme, enfin capable de distribuer ses bienfaits a ses sembla-
bles. Deux ans plus tard, Freud rapportera a Ferenczi que Fliess avait des
motivations pathologiques, accessibles a la psychanalyse. Il était devenu
Il avait déja la clef de toutes les serrures, désormais il leur ouvre les en effet médeein oto-rhino-laryngologiste paree que son pere, décédé
portes cachées du chemin de leur liberté. Wilhelm Fliess est demeuré d'une infection (érysipele) apres avoir souffert des années durant d'une
dans les ténebres, mais Moi'se est de retour parmi les hommes. suppuration nasale, aurait pu etre sauvé, et, deux ans plus tard, la mort
Cette correspondance «est vraiment un cas de "folie a deux", avec de sa seule sreur «luí a inspiré la théorie fataliste des dates prédestinées
F;eud d~ns le role inattendu de partenaire hystérique d'un parano'iaque», de sa mort- comme pour se consoler». En réalité, le pere de Wilhelm
r~pondmt James Strachey, pourtant anal y sé par le « partenaire hysté- Fliess n'était pas mort d'un érysipele, mais, a la suite d'une douloureuse
n~u~ » en question, a Emest Jones le 24 octobre 1951, quand celui-ci, faillite commerciale, s'était suicidé en se jetant sous un train quand son
gene par ce:_ qui n'avait pas été rendu public, lui demanda ce qu'il fallait fils avait vingt ans, ce que Freud ignorait. Et s'ill'avait su, gageons qu'il
en penser. A Jones- analysé par Sandor Ferenczi, !'amateur de psycha- aurait trouvé une explication pathologique tout aussi plausible pour acca-
nalyse par tél~pathie transatlantique - , ce bon Docteur Jones qui ne bler son ancien ami.
comprend tOUJOUrs pas, Strachey conseilla de publier les lettres dans
leur intégral~té, et non, comme on le lui a suggéré, de supprimer les Dans cette meme lettre a Ferenczi, Freud omet év idemment de signa-
pass~ges déhcats dans sa biographie du Maltre. Ainsi, les personnes ler, d'abord qu'il avait lui-meme souffert de suppurations nasales abon-
su_rv1v~ntes pourront-elles corriger les inexactitudes et les mensonges, dantes (empyeme) du fait de sa consommation de coca'fne pendant douze
«a moms qu 'Anna propase de brúler les originaux »ss. années et que Fliess l'avait soigné par des cau téri salions nasales, et
. Mais d'ou vient l'idée que Fliess était parano'l aque? Pour établir un ensuite qu'il avait lui-meme des préoecupations sur les dates prédesti-
JUgement autorisé sur son état mental el sa contribution aux relations nées de sa propre mort bien avant que Fliess lit état de sa théorie des
avec Sigmun~ Freud, ?n ~e di spose pas des courri ers de Fliess, puisque périodes, et qu'il les a QU moment préCÍS OÚ if rftfi)(l' 1'1' COI/rrier Q
Freud les avatt tous detrutts , el pu1 sq ue ses successeu rs ont fait le reste Ferenczi. Le Viennois s'interroge en effet sur l' insistanc · d · son corres-
?e I.a beso?ne. L~ présumé coupablc élail déji't mort, qui ne pouvait rien pondan! hongrois sur le nombre 1909, el se drmande :-, i c'csl la un
JUStlfier m exphquer quand les an :usa l ions furent proférées. Alors, compliment de Ferenczi pour l'année écoulée, ou hil'll 1:. p1 (1 1noui1ion eJe
comment a-t-on obtenu cene infon nal io n, el su r quoi se fonde-t-on? la disparition de ... Sigmund Freud. Interprétati on, qu ;11ul 111 n<HJ s li l' ns ...
Et puis, il continue a régler le sort de Wilhelm l'll l'SS '¡· hmlt d ';,na
o " (

Ne serait-ce pas encorc un e de ces rcvanches perfides, insérées de


lyse, contraire a son désir, fut le motif intérieur d. la 111pl111(' <f11 °" lli Í ( l'll
fa~on rétroactive dans une hi sloill' qu ' il f:tllail corriger paree qu 'elle ne
reuvre de fa~on si pathologique (paranoi·aque) » ~x .
1111 IHI A III · II X 11'>
138 MENSONGES I'REUDIENS . IIIS'IOIIU • II ' I JN I 111 '• INII IHM!\IION Sl;('lJI.i\IRI ;

Des lors, apres Freud, ses fideles gardiens du temple, Ernst Kris et sion tl 'unc validation aulom;lliqm· n(:Cl":-.saire aux intcrprétations causales
Kurt Eissler, prirent encare le relais sous la surveillance de son héritiere des co'lncidences fortuites . Un cak ul ;ubilrairc mais «exact» faisait
Anna, et les biographes perpétuerent un mensonge érigé en dogme que, office de preuve, car, pour Frcud, scicncc ct divination occulte sont
pendant des décennies, leurs lecteurs ne purent contróler. confondues, et il est toujours possiblc de s'accommoder avec les chiffres
si 1' arithmétique ne tombe pas «juste » dans la prévision. Fabriquer le
Frank Sulloway a essayé de reconstituer l'énigmatique personnage passé des personnes par la psychanalyse est la magie de Fliess, mais saos
Fliess a la lumiere de ses publications, et ne confirme pas les accusations les nombres, pour l'immuniser définitivement contre la vérification et
infamantes des freudiens. Le psychiatre et historien de la médecine lago 1' exempter de la critique de la raison.
Galdston 59 s'était déja indigné en 1956, textes a J'appui, du traitement
malhonnete et calomnieux réservé a Fliess par les milieux psychanalyti-
ques, qui le présentent comme un malade mental, un paranoiaque néces-
sitant la cure, de préférence celle inventée par son collegue.
Que manquait-il a la diabolisation de Wilhelm Fliess? Allait-on le NOTES
qualifier de crimine!, de pédophile par exemple? Eh bien, e' est déja fait,
1 Kraus, Die Fackel, 6/10/1904; in Szasz (1976): 127.
dans le jargon et les manieres des psychanalystes ! La seule interpréta-
' Wilcocks (1991 ), Maelzel's ehess Player (particulierement chap. 3).
tion d'un textc du psychanalyste Robert Fliess permit de suggérer, avec
' Flaubert ( 1880), Bouvard et Pécuchet (chap. 4 : 179-180).
une lourde insistancc - sans preuve et saos rectification possible puis- ' Lettre a Fliess, 13!2/1896 ($P).
qu'il était mort en 1970 -,que celui-ci aurait été victime de sévices 5 Lettre a Fliess, 411011892 ($P).

scxucls de la part de son pere Wilhelm, alors que cette information ne 1' Manuscrit e de 5/1893 ($P).
7 Manuscrit 8, 8/2/1893; et Manuscrit e de 5/1893 ($P). Cf aussi Lettre du 30/5/1893
ligure nulle part dans le document en question 60 .
($P).
X Lettre a Fliess, /Oíl//893 ($P) et Lettre a Fliess, 29/911893 ($E, purge complete car
Wilhelm Fliess a été violemment calomnié par les psychanalystes,
Breuer y est qualifié d'obstacle aux progres de la carriere de Freud a Vienne, alors que les
paree qu'il fallait purifier le premier d'entre eux. Leur héros est ressorti Études sur l'hystérie n'ont pas encore paru et qu'ils viennent de rédiger en collaboration,
magiquement blanchi des sanies de la déraison par l 'eau lustrale de leur fin 1892, la communication préliminaire qui en sera le 1"' chapitre).
séparation mélangée a de l'auto-analyse. A Fliess la lie et les scories, a " Lettre a Fliess, 11112-1893 ($E).
1" Lettre a Fliess, 141411898 ($P), 27141/898 ($E).
Freud la perfection. En fait, lorsqu'ils se séparerent en 1902, c'est-a-dire
" Lettre a Fliess, 1411011900 ($P). Carl Jung reprendra le trousseau plus tard : «Mainte-
quand Fliess, ayant compris a qui il avait affaire, quitta Freud, enfin
nant, tu as la clef de la mythologie et le pouvoir d'ouvrir toutes les portes>> (Jung (1925),
Professor Extraordinarius, ce dernier conserva toutes ses habitudes de cité par Noll ( 1997) : 122).
pensée. Il y a bien une rupture historique, dirimante, dans l'articulation 12 Freud (1905), Bruchstück einer Hysterieanalyse: 57-58 (italiques miennes).

du raisonnement de Freud avant et apres 1896-1897, et qu i ne doit rien a n Freud (1905), Trois e.uais sur la théorie de la sexualité (conclusion. p. 153).
14 Freud (1905), Fragment d'une analyse d'hystérie (Dora) : note p. 12. Et une des
Fliess ni a l'auto-analyse. Mais on cherchera vainement une modification
raisons de voir en <<Dora>> une hystérique était que son pcrc avail souffert de syphilis.
semblable apres son divorce avec Fliess. Bien au contraire, ses fa~ons 15
Berthelsen ( 1989) : 168.
spéciales de penser, qui étaient déja la bien avant leur rencontre, se sont 16 Lettre d'Anna Freud a Iones, 19111/1953. Non puhliéc (Jones' Archives, London lnsti-

exacerbées par cette libération qui leur accorda a la fois l' indépendance tute of Psycho-Analysis) mais citée par Masson ( 1984), Till' A,,·,,·tllllt 1111 'Ti'uth : 55.
17 e¡ principalement Masson (1984), The Assault on 71-tllh : S.'i .1'1¡. et Appendice A;
et la maturité. Il ne pouvait les répudier en meme temps que la personne
Esterson (1993), chap. 1; Scharnberg (1993), vol. 1; Wilcods ( 1'1')4 el 2<Xl0); Dolnick
de Fliess car, daos la mesure ou elles Jui étaient psychologiquement
( 1998) : 45 sq. Dans ce qui suit, ma source est : The Compil'li' l ,t•tll•r,,· Fri•lld-Fiiess
consubstantielles, illui aurait fallu se renier soi-meme, de sorte que l'ir- (Masson éd., 1985).
rationnel imprégna la psychanalyse, avec et sans Wilhelm Fliess, jusqu'a 18 Lettre a Wilhelm Fliess, 2211211897 (caviardée).

la fin. Car la psychanalyse est 1'art de spéculer sans fait. 10 Lettres (censurées) il Fliess, 26-28/4, 415 el 416/1896 .

2" Lettre a Fliess, 1211211897. Cf Masson (1984) : 114.

L'engouement immédiat de Freud rcposait sur de bonnes raisons : le 21 Freud (1907) : Zur sexuellen Aufkliirung der Kinder.
22 Masson (1984): 257-58 (d'apres le témoignage d'Aibc1t 11" ' ')
systeme de Fliess est une simplificalion irréfutable, c'est-a-dire qu'il ne
se trompe jamais, s'applique a tout, ct pcrmet par la numérologie I'illu-
23 Masson (1984) : 253.
111 1 1111 A 111 1IX 1•11
140 MENSONGI \S I'RI :lii)II ·.NS 111 ~ 1< llll l ll ' lltH 111 'o iNI < IIIMI\IION s (;( '111.AIRE

24 s• Lettre de Fi"eud ¡) F/ie.\'.1'. 14/ 11/ I H'i l


Freud (1 937), Die endliche und die unendliclu• Ana/y." ' : l.J7 \:l 23!!. 55 Lettre de Strachey a .Jone.l', 24/10/I V~ I . 11011 puhli <'l' 11 11 1" .:i tél.: par Masson (1984, The
25
Masson (1984) (The Assault on Truth) : 98-99. Assault on Truth. : Í l6 n7 , ilaliquc~ IIIÍttuws, <doli.: i\ dcux >> en fran.yats dans le texte).
26
I..ettre a Fliess, 23!211896 ($E) et suivantes.
«Anna>> est bien sur Anna Frcud.
27
Cf, entre autres, I..ettres a Fliess. En lE2!i : 1/3 ($P), 4/5 ($P), 30/5 ($E), 2919 ($E), 56 Cf John Farrell (1996) et Crews (1998): 2 15 sq. el 247 sq.
22/11 ($E), 6/12 ($P), 17112 ($P); en .l.ft21 : 29/3($E), 12/4 ($E), 16/5 ($P), 25/5 ($P), 57 Lettre de Freud a Jung, 17!211908 . Cf aussi la lettre de Freud a Jung du 16/4/.1909.
22/6 ($E), 3/10 ($P), 15111 ($E); en .1.828.: 10/3 ($P), 14/4 ($P), 30/7 ($E), 1/8 ($E); 58 Lettre de Freud a Ferenczi, 10/11/910 (({ aussi Jones, vol. 2 : 469-470, lettre mcom-
27/6/1899 ($P) et 21111/1900 ($E).
plete).
28
I..ettre a Fliess, 1181/898 ($E, italiques et compréhension miennes). Dans une lettre a 59 Cité par Sulloway (1979) : 146.
Fliess (2/11/1896), Freud affirme avoir fait un revela nuit qui a suivi les funérailles de son 60 Masson (1984), The Assault on Trurh : 138-142.
pere; mais, dans la Traumdeutung (1900, trad. fr.: 273-274), ce meme reve est daté de la
veille de l'enterrement pour devenir prémonitoire et révélateur d'un désir...
2
" Jones, vol. 1 : 211, qui veut apparemment parler du calendrier grégorien.
30
Jones, vol. 1 : 21 In (italiques siennes et incompréhension mienne).
31
l..ettre a Fliess, /51/1/1897 ($E). Sigismund Schlomo Freud était né le le' jour d'Iar de
l'an 5616, puis rattaché a I'Alliance des Élus 8 jours plus tard. L'an 2000 était, selon la
Thora, placé 5761 ans apres la création d'un monde sans paléontologie.
32
Sulloway (1979): 143; el Complete Letters Freud-Fliess: 201 ni.
'' I..ettre de Freud a Fliess, 91/011896 ($E).
34
( 1921 ), Psychoanalyse und Telepathie (Vorbericht) : 14.

'-' R. von Krafft-Ebing (1898), Psychopathia Sexualis, chap. 3 (tome 1 : 87).


1
" Remarques de Sulloway ( 1979 : 141 sq.) reprenant Martín Gardner ( 1966 ).
7
' Naissance de la psychanalyse : 142 n2.
'" /bid. , Naissance ... : 158 nl (italiques miennes).
'" Lettre a Fliess, 1711211896 ($P) (Complete l..etters comparées a Naissance de la
psychanalyse; italiques miennes).
40
Lettre a Fliess, 141411898 ($P), puis Lettre du 27/411898 ($E).
41
Lettre a Fliess, 271611899 ($P).
42
Jones, vol. 1, successivement : 334, 344 et 321 (italiques miennes).
43
Jones, vol. 1 : 341; Schur (1972) : 229.
44
Lettre du 22/61/894 ($E). Freud a alors 38 ans, et se persuade qu'il n'a plus que 13
années pour atteindre l'age fatal en fumant ses cigares, mais Kundt était mort en tait... il
62 ans.
45
Sulloway (1979) : 166.
46
l..ettre a Popper-Lynkeus, 41811916 (citée par Schur (1972): 374); Lj aussi l..ettres de
Freud a K. Abraham, 13!211911 et 251111915; Lettre de Freud a Jung, 17!211911; Freud
(1913), Die Disposition zur Zwangsneurose: 190 n 1; Freud (1920), Jenseits des Lustprin-
zips: 57. Dans la Traumdeutung (1900, trad. fr., p 150n-151), il dit, dans une note de
1910, avoir fait des <<recherches>> pour éprouver la périodicité des reves.
47
Gay ( 1988), vol. 1 : chap. 2.
48 Young-Bruehl (1994): 169.
49
Grosskurth (1991) : 130 (déja cité).
50
Kurt Eissler ( 1971) (cité par Sulloway ( 1979) : 44 7).
51
L'armoire aux épithetes est ouverte chez Kris, Nai.I'Sance de la psychanalyse: introduc-
tion, passim; Jones, vol. 1, chap. 14; Nunbcrg : introduction a Minutes de la Société
Psychanalytique de Vienne, p. 13; Fine (1963): 32 .1q. ; Schur (1972): 19, 99, 174,268
sq.; Sulloway ( 1979) : 207 sq. el 447 .1'q.: Gay ( 1988), vol. 1 : 124 et 178 sq. Pickworth
Farrow publiera en 1945 une méthodc pratiquc d 'a ulo-traitcment (A practica/ method of
self-analysis, ou Psychanalysez vous vous mPIIu' ), avcc la préface autorisée de Freud
(1926, Bemerkungen zu E. Pickworth l'i11uo w... ).
52
Fine (1963) : 32.
53
Jones, vol. 1 : 335.
Chapitre 8
La potion magique

<de serai sous l'effet de la coca"lne que j'absor-


berai pour maitriser ma terrible impatience. »

Sigmund Freud ( 1884) 1

<<"Je l'ai fait", dit ma mémoire. "lmpossible",


dit mon orgueil et il n'en démord pas. En fin de
compte - c'est la mémoire qui cede.>>

Friedrich Nietzsche ( 1886 )2

L'incursion de Freud dans la coca'ine mélange trois épisodes différents


diversement appréciés, de portées inégales, et qui ont subí plusieurs
degrés de désinformations : la découverte de l'anesthésie locale, son
prosélytisme et sa consommation personnelle.

COCAINUM MURIATICUM, SOLUTION Á. 5 %

La découverte de l'anesthésie locale par la solution «munatique»


(chlorhydrate) de cocai'ne durant l'été 1884 a été le fait d'un futur
ophtalmologiste alors agé de 27 ans : Karl Koller 3 . Et Freud n'y fut pour
ríen, contrairement a ce qu'il a fait croire. Comme le constatait avec déli-
catesse Hortense Koller-Becker, la filie du découvreur, fréquemment,
cette découverte a été attribuée a Leopold Konigstein, parfois a Freud,
mais l'histoire de l'anesthésique a été l'objet de nombreuses déforma-
tions, « presque toujours dans la littérature de vulgarisation et souvent
couplées avec le travail de son vieil ami Sigmund hcud »4 .
Dans les laboratoires d'Amérique du Nord et surlout ci'Europe, les
recherches allaient bon train durant la seconde moiti6 clu sicclc. Sur le
vieux continent, !'alcaloide avait été extrait de la divim: plante erythroxy-
lon coca par l'allemand Friedrich von Gaedekc en lX55, puis Albert
Niemann en fit l'analyse chimique et le cristallisa en 1 H5 1) ~ (liiltingen.
Dans leurs observations, Karl Damían Ritter Schrolt', vu IX(,/, pui s le
médecin russe Vassíli von Anrep, en 1880, avaient dq.'l prl·..,:-.t·nti les
144 MENSONGES FHEl)J)JI ,N S 111 \ 101111 lll lrH lli '. IN IIII<I\11\IIIIN Sl •l 'l ll.f\IRI ·

capacités analgésiques de la subslancc sur k s lllll(flll'IISCs : l'un nc Freud, rejetant d'un rcvcrs d · mallcilc 1 ·s 111iscs en garde - qui sont
s:?t~it ~lu~ ses levres ni sa langue, l'autre ignorail la piqurc de l'aiguille. pour lui des ragots, « des raconlars » contrc un produit déja réputé
L Idee etmt done suspendue daos 1'a ir el u tcrnps, n 'attenclant que sa dangereux, s'intéressait alon; aux dkts stimulants sur l'état général (par
capture. En Autríche, les revues spécialisées et manuels pharmacologi- voie orate) du «remede miracle», puis aux vertus euphorisantes (par
ques dont disposaient les étudiants en médecine faisaient mentían de ces voie nasa/e) d'une drogue dont il f"cra une panacée par expérience
tr~vaux empiriques. Comme d'autres, les trois amis Leopold Konigstein, personnelle et un produit de substitution (par injection) de l'addiction a
S1gn:und Freud et Karl Koller en avaient pris connaissance, mais seul le la morphine. L' anesthésie local e (instillation et injection) n 'était absolu-
dermer fera preuve d'audace et de méthode. ment pas son centre d'intéret, et il passera a coté de la gloire.

Freud rencontra la molécule au printemps 1884, commenya a la Quand Freud revint de vacances, son collegue Karl Koller avait fran-
gofiter, puis a la savourer, et fit son apologit~ des son premier article chi la demiere étape daos le laboratoire de Stricker. Précédée d'un
rédigé tres rapidement en juin. Il était alors, comme souvent, impatient, murissement rapide du savoir, la découverte de l'anesthésique avait
e~ pr~ssé de rejoind_re a Hambourg-Wandsbek Martha Bemays, qu'il demandé tout au plus une poignée de jours d'expérimentations habiles a
n ava1t pas vue depms un an. Pour l'heure, il s'y préparait avec entrain, la fin de 1' été 1884, en son absence. Le 15 septembre, Josef Brettauer lut
grike a ce qu'il appelait «la poudre magique», et débordait d'énergie. le texte de Koller au congres d'ophtalmologie d'Heidelberg, et obtint
1' ovation; le 17 octobre suivant, Koller fit un tabac devant la noble et
Notons que l'intoxication par la coca"ine distrait fortement l'attention célebre Société lmpériale de Médecine de Vienne; en quelques semaines,
et la mémoire, meme des meilleurs. Son souvenir des événements de sa réputation se répandit comme une traínée de poudre dans les milieux
1' époque sera encare bien embrouillé daos son autobiographie de 1924 : médicaux et paramédicaux au niveau mondial. Et puis, les stocks de
Freud y assurera qu'en juin 1884, il avait été séparé de Martha pendant cocai"ne furent vite dévalisés, alors que son prix passait au meilleur
deux a?nées,_ alors ~u'elle avait quitté Vienne un an plus tót, le 14 juin marché de 2,5 a 800 dollars le gramme!
1883 ; ¡] SOUtJendra egalement en 1923 au Professeur Meller puis a Fritz
Wiu;ls qu'il attendait alors ces retrouvailles depuis deux ans, peut-etre C'était fini, Karl Koller avait définitivement triomphé.
plus ...
Les suites sont curieuses.
11 annon9a alors a Martha qu'a ceue prochaine rencontre, 9a allait Des le 9 novembre jusqu'au 4 décembre 1884, Freud entreprit avec
barder, car, lui écrivait-il, «prends garde, ma Princesse! Quand je vien- ardeur une série d'expériences pour évaluer les effets de l'alcalo"ide dans
drai, je t'e_mbrasserai a t'en rendre toute rouge et te gaverai jusqu'a ce la force musculaire grace au dynamometre d'Exner, dont il fut lui-meme
qu~ tu dev1ennes toute dodue. Et si tu te montres indocile, tu verras bien le seul sujet absorbant de copieuses rasades de décoction coca"inique. Ses
qm de nous deux est le plus fort : la douce petite filie qui ne mange pas résultats, inutilisables car la confrontation avec d' a utres travaux était
suffisarnment ou le grand monsieur fougueux qui a de la cocaine dans le définitivement impossible, furent publiés le 31 janvier 1885. Les éructa-
corps. Lors de ma demiere grave crise de dépression, j'ai repris de la tions du sujet Freud sont notées en détail a chaque fois. Mais on cher-
coca et une faible dose m'a magnifiquement remonté. Je m'occupe chera vainement le rapport entre les doses de coca"lne ingérées (on en
actuellement de rassembler tout ce qui a été écrit sur ceue substance ignore l'unité) et les variations de la force, d'unc part, el, d'autre part, les
magique afin d'écrire un poeme a sa gloire» 6. Sigmund Freud était relations qu' il dit découvrir entre la force el la courbc des températures
distrait, et avait trois motifs pour son «excitation inoule» : l'amour, la (aucune mesure thermométrique) 8.
poudre et 1' ambition.
C'était le travail d'un amateur, baclé dans l'urgcnct: du bcsoin de se
~a?s cet article, « Über Coca », rédigé en quelques jours et publié le racheter et de rattraper le temps perdu. L'indigcncc de la lllcthode, éton-
1er JUillet 1884, seui ]e dernier paragraphe faisait brievement allusion a nante au regard des standards de la médecine expérinwulak <k l'~poquc, la
ce que disaient déja les publications du moment, dont étaient informés rendait totalement non reproductible, done invériliahk. «l .a ll'vhuiquc en
ses collegues autant que lui : « les applications qui reposent sur la était trop simple, l'exposé incertain et fait sans esprit t'lilltJlW. ( " elail l'ccu-
propriété anesthésiante clevrai '111 donner bien d'autres résultats vre d'un débutant ordinaire», reconnaí't son biographl' ulllllt·'' 1·:1 1111 uouvd
encore» 7 . échec aussi, dans l'unique «expérimentation» qu'il ail ¡·niH'Jlll'. :.¡·ul
1 i\ 1'0 IION Mi\(;I(.)IJ E 147
146 MENSONGI 'S I·IO ,III>II ·NS 111,\ lclilll I I I IN I ltl 'd N IIIIlfi.I AI II IN Sl •.( 'l/1 1\ II{ H

En premier lieu, il va attaquc1 la pcrsonnc de Wittels. D' abord, «Jupi-


Enfin, Freud rapporte que « Karl Kolkr conc;ut. illllfpnulamment de ter courroucé » suggéra lourdcmcnt a son prétendu détracteur de faire
mon effort personnel, J'heureuse idée de provoqucr une anesthésie et une acte de contrition, et de corri ger, lui écrit-il, « le péché commis par votre
analgésie complete de la comée et de la conjonctive au moyen de la biographie » 13 . Ses lettres privées a Wittels sont seches, méprisantes et
cocai'ne dont on connaissait depuis longtemps 1'effet neutralisant sur La sans concession 14 . 11 s'y emploie a dénier avoir eu le moindre souci dans
sensibilité de la muqueuse» 10 . Done, tout le monde le savait. L'auteur cette priorité, mais ajoute qu'en 1884, il pressentait l'emploi de la
rappelle également qu'il avait lui-meme attiré l'attention de ses lecteurs drogue en ophtalmologie et chargea Konigstein de le faire en son
sur l'intéret de la substance en anesthésie des son premier article paru en absence. Mais quand il revint a la fin de l'été, son collegue «avait fait du
juillet 1884, avant la découverte en question. Si l'on réfléchit bien aux mauvais travail et tout laissé tomber, et c'est un autre homme, Koller, qui
sous-entendus, Koller, en définitive, avait cueilli sans effort le fruit d'une avait fait la découverte» 15 • lci, le sous-entendu accable les qualités de
plante que d'autres firent pousser asa place, etFreud faisait partie de ces !'ami Konigstein, qui gacha !'esprit et l'reuvre.
jardiniers précurseurs. Admettons. Mais, avant Karl Koller, personne
n'avait signalé l'effet de la substance sur la comée. L'autre implication En 1933, Freud n' avait toujours pas décoléré, et il adressa a Wittels,
de sa rhétor!que est qu'il faisait a ce moment un «effort personnel» dans alors aux États-Unis depuis 1928, la lettre antipathique qu'il méritait
la meme direction que Koller, ce qui est simplement faux. Sigmund toujours : «en ce qui conceme vos ruminations et vos doutes sur votre
Freud n' avait ríen cherché et n'avait rien trouvé. méfait d'il y a dix ans, permettez-moi de vous faire remarquer que
défaire est une tache difficile en général et qu'il vaudrait mieux s'en
Une quarantaine d'années plus tard, en 1924, J'admirateur Fritz remettre a la magie» 16 • En effet. La magie vint aussitót, en 1933, dans un
Wittels s' appretait a publier la premiere biographie de son maí'tre, et lui humble repentir révisionniste de Fritz Wittels, rectifiant sa publication de
17
en adressa une copie. Dans cet ouvrage, Wittels dépeint Freud comme un fa<;on rétroactive « dans trois revues scientifiques de marque» • Et
héros doté du « complexe de Jéhovah», objet d'un culte fanatique, un « cette révision », ajoutera Wittels dans ses mémoires, « ne laissait rien a
despote intolérant, incapable de reconnaltre ses erreurs, coupable de désirer en termes de confession et de rétractation» 18 . La révision histori-
légereté avec la vérité historique, et responsable d'exécutions sommaires que déplut encare a Freud, Jupiter fulminant. Wittels dut a nouveau s'ex-
des opposants, nombreuses dans les rangs de la Société Psychanalytique pliquer, puis s'humilier, sur le contenu de son livre et des articles correc-
tifs. «J'en fus malade», écrira dans ses souvenirs le pitoyable biographe,
de Vienne, dont les Minutes ont étrangement perdu les traces. Comme
qui pratiqua aussitót une auto-analyse pour extirper les raisons morbides
d'autres, Wittels dut quitter la Société en 1911. On comprend pourquoi il
aura fallu attendre 70 ans pour que le lecteur fran<;ais puisse a nouveau de la faute.
accéder, en 1999, au livre de Wittels, précédé de ses souvenirs, lesquels Il n'y eut aucune réconciliation entre les deux hommes, contrairement
étaient enfouis depuis les années 40 dans la bibliotheque Brill a New a ce que laisserent croire lesautorités freudiennes pour édifier les nai'fs
York 11 • Car Freud y lut, entre autres choses, qu 'il avait été profondément sur la bonté et la mansuétude de leur héros.
affecté par la perte de la priorité dans la découverte de l'anesthésique, et
qu'il rumina pendant des années sa rancreur et les raisons de ses échecs. La réponse publique de Freud au livre de Wittels se trouve dans la
C'était la pour lui, apres toutes ces hérésies et ces défections dans ses célebre Selbstdarstellung, qu'il rédigea d'un seul jet en aout et septem-
rangs, et au moment de l'apostasie de son éleve Otto Rank, plus qu'il bre 1924, immédiatement apres sa derniere lettre du 15 aout a Wittels. Il
n'en pouvait supporter. Freud trouva la biographie extremement y reprend, au sujet de 1' incident anesthésie, les memes pro pos dilatoires,
désagréable, « mauvaise, douteuse et trompeuse », et ajouta que l'auteur mais y rajoute une touche familiale . 11 avail, affirme-L-il , demandé a
de l'intime brochure était d' un type immortel de fripouille ( « Laus- l'ophtalmologiste Konigstein de bien vouloir «cx amincr dans quelle
mesure les propriétés anesthésiantes de la cocaú1c J)(IUvai t·nt s'appliquer
bube » 12).
a l'reil malade». Ensuite, il partit en vacanccs . A son n:tou r de congé,
c' est Koller, concede-t-i! quarante ans apres, qui ava it l' IIIJ>or hl- la palme,
Sigmund Freud va fournir sur la découverte de l'anesthésie une et ajuste titre. Freud était prédisposé a faire ccttc ÍIIIIIIÍIIl'llt l' d ·couvcrlc,
réponse privée, puis aussitót une autrc, médiatique, destinée aux foules mais il dut asa fiancée d' avoir été retardé dans la lt'('hndll' jc dois
(<

et a l'histoire, pour la propaganuc .


148 MENSONGHS I·HI ·.lJIIWN\ 111.\l tlllll 111 1r41 lll 'd1111111M AIIIIN SI•('III.AIIO ·

ici, revenant en arriere, raconter que ce fut la fa11t · de 111a liancéc si je ne en novernbre 1953, puis confino ·ra dan s 1111 cntrcticn avec Paul Roazen
- , aVOÍf été a )'origine de la dC CO UVCII ' de l'a nesthésique !
22
suis pas devenu célebre des ces années de jcuncssc », insiste-t-i! - ,
meme s'íl ne lui a pas gardé rancune «de cette occasion manquée» 19 .
En 1934 encore, dans une lellre a u profcsseur J. Meller qui devait
En fait, entre la rédaction de Über Coca, o u sa parution le 1er juillet célébrer par un long article le cinquantieme anniversaire ?e
la ~é~ou­
1884, et puis le séjour a Wandsbek en septembre, il s'écoula de verte, Sigrnund Freud affirmera expli~itement avoir .transmis ~o~ Idee a
nombreuses semaines durant lesquelles il ne réalísa, bien qu'il fut Karl Koller, qui n'aurait done pu l'avmr seul, saos lm. Freud d1t a Meller
désreuvré, aucune recherche déterminée daos cette direction, car il n'y ?
avoir prescrit en 1884 une solution coca·inique a % pour soul~ger un
pensait pas. Et avant d'aller rejoindre Martha en aout 1884, Freud avait collegue souffrant de l'abdomen, et c'est alors, ti ~~ ~st certam: que
indiqué a Leopold Konigstein l'intéret d'employer la solution de coca'ine Koller, qui était présent, « prit connaissance des pr~pn.etes anes.t?éstques
pour les douleurs du globe oculaire en tant qu'analgésíque, par voie de la drogue» 23 . Nous avions pourtant lu, dans 1 arttcle ~ubhe 50 ans
ora/e, comme il l'utilisait lui-meme pour ses gastralgies, et non par plus tot par le meme Freud, que tout le monde, y co~pn_s son auteur
instillation, comme anesthésique de la cornée, ce qui eut pris une toute avant la trouvaille de Koller, était déja informé des propnétes de la subs-
autre importaHce daos la délicate chirurgie de l'reil. tance sur la muqueuse ...
«Mais tant d'incrédules de tous cotés me détournerent de la bonne
Leopold Konigstein, de son coté, se préoccupait des effets de la voie)>, reprochait Freud des 1884, au lendemain de la découverte de
cocai·ne (vasoconstrictrice) dans l'inflammation oculaire. Et quand Koller2 4 . Le destin, le mauvais sort, la femrne, et les hommes, tout
Koller affirma que l'alcalo'ide était un parfait anesthésique de contact, s'acharne contre lui. Freud était décidément le centre de l'invention : il
Konigstein répliqua a ce dernier qu'il se trompait20 . Par contre, il est vrai savait rnais soi-disant freiné par la faute de Martha, et bien qu'il dispo-
que Sigmund Freud n'émit aucune protestation officielle pour faire valoir sat de' plusieurs semaines pour la mettre en pratique, il n'en fit rien;
sa propre contribution. C'est Konigsteín qui, daos un conflit sordide, alors, il la souffla a Konigstein, lequel s'avéra incapable d'en profiter,
contesta a ce moment la priorité de la découverte de Koller. Mais, en puis c'est l'autre, Koller, qui, meme s'il «connaissait d~puis longte~~s
réalité, Leopold Konigstein avait essayé chez l'animal, apres J'exposé l'effet neutralisant sur la sensibilité de la muqueuse», lm vola cette Idee
d'Heidelberg, une solution alcoolique de la coca'ine, par instillation sur de pionnier et récupéra les lauriers. Admirons la rnagnanimité de l'i.n-
la cornée, qui échoua car cette préparation est irritante, a la différence du venteur de la psychanalyse pour avoir gardé au secret sa patermté
muriate de coca'ine. Freud, appelé comme arbitre de la querelle, se pendant des décennies et ainsi perrnis a Koller de bénéficier jusqu'a sa
rangea honnetement du coté de Koller sans hésitation 21 . Mais ni Freud ni rnort en 1944 d'une gloire partiellement usurpée.
Konigstein ne travaillait réellement vers cette cible. Des trois camarades
11 est indéniable que Karl Koller découvrit l'anesthésique. Il est possi-
qui possédaient au départ le meme niveau d'information, Karl Koller
ble que Freud y ait contribué, paree que les deux. je.unes médecins se
était bien le seul a avoir fait la recherche originale et le pas décisif.
fréquentaient, et en concentrant l'attention des spécwltstes sur la drogue
dans un article destiné a séduire, t1amboyant et fort remarqué daos la
Trois historiens et psychanalystes fideles - Siegfried Bernfeld en culture de l'époque. Mais meme en étant rnéticulcux el méthodique, «il
1953, Ernest Jones la meme année, bien que celui-ci atténue les dossiers n'est pas certain que Freud aurait inventé l' ancsthés ic loca le», car ses
du précédent dont il se sert, et Peter Gay en 1988, chacun fort respec- pensées « n' allaient pas a la chirurgie. Anatomi stc du .c~ rvca u ~ar .voca-
tueux de la vérité psychanalytique, possédant des cartes secretes et des tion, neurologue faute de mieux et médecin m<tl ~rc lu1 ~ rlwntl~ut trre.r le
matériaux prohibés dont ils se réclament ici sans tous les découvrir - maximum de la situation», comme le remarquall 1 • n·vén·nctcux Steg-
estiment pourtant avoir d'excellentes raisons pour abonder daos le sens
du pauvre Fritz Wittels. Les quelqucs documents du fonds des Jones' fried Bernfeld25 .
Papers que Paul Roazen put regardcr. avanl qu'ils fussent écartés des Ces querelles de priorité n'auraient pour le lcc1~:u1 lllll(IL'IIll' qu 'u ne
yeux des historiens indiscrets, vont dan s la lllcme direction. Par exemple, valeur mesquine si Freud n'était pas aussi disconlaul dan ~ ~n proprcs
Freud annon~a clairement en 1909 1910 i\ un neveu d'Emma Eckstein, écrits, et s'il n'y en avait eu bien d'autres. Nous cnavrous Vtlllll l'X{' lltp~ c
Albert Hirst- qui le rapportcra dan s 1111 l-c han ge de courrier avec Jones avec Albert Moll. Ernest Jones crut bon d'aflinttl'l l(llt' ~ on nt:utll· 11 a
150 MI!NSONGI (S l' lti"JI )II •.N .\ 111 '.1 l 11 1 1 11 IItH 1<1 '. IN I e <I! MA IIO N S(·. ( ' lii .AII<I · 1 ,\ I'IIIION M/\!:t(,lliE 15 1

jamais été préoccupé par la priorité, el jngcait iudigncs les qucstions de Martha Bernays apprencl de son liaucé Sigmund qu'il caresse, le lundi
propriété intellectuelle, sans s'appesantir sur les difTérentes signitications 21 avril 1884, le projet de faire l'essai thérapeutique d' une substance
de ces demiers termes 26• extraordinaire trouvée dans la littérature, et dont il attend le meilleur,
« particulierement dans les états si pitoyables, consécutifs au sevrage de
. En fait, les spécialistes ont identifié les preuves de la préoccupation de la morphine (comme chez le Dr Fleischl)». Il ajoute : «nous n'avons
S1gmund Freud par les questions de sa priorité dans plus de 150 occa- besoin que d'un peu de chance de cette sorte pour envisager de nous
sions27. Il lui arrivait d'en rever. Il est indiscutable qu'il a vivement installer» 28 . Je rappelle que Freud était un esprit peut-etre supérieur mais
regretté de ne pas avoir eu la primauté dans cette découverte majeure de certainement indigent durant ces années, aux abois, absolument fou de
la médecine et de la chirurgie, ou ailleurs. Et c'est pourquoi il fera tout Martha mais sans les revenus nécessaires a la fondation d'une famille . 11
pour rattraper le temps, et reprendre l'ayantage ensuite, d'abord en dut emprunter beaucoup, y compris a Josef Breuer et a Ernst Fleischl.
compagnie de la poudre magique. <de suis tres obstiné et tres téméraire et j'ai besoin de grands stimu-
lants», précisait-il 29 . Et la cocai'ne coGtait déja tres cher pour ses maigres
Mais ce. sera encore un discours sans la méthode, avec le mensonge. revenus.

Le mercredi 30 avril 1884, Sigmund essaya le cocai'num muriaticum


LE TROISIEME FLÉAU
sur lui-meme, a raison d'un 20e de gramme par dose, du moins au début.
Ce premier patient fut si satisfait de la magique potion - car lors de ses
Ernst Fleischl von Marxow, l'assistant du savant Brücke était un ami crises de dépression, elle le rendait joyeux- qu'il s'empressa, euphori-
de Sigmund Freud, qui l'admirait, et un talentueux physiologiste qu'on que, de l'administrer derechef au second, Fleischl von Marxow, qui s'y
considérait comme un etre d'exception. Une infection contractée a 25 accrocha aussitót, «comme quelqu'un qui se noie» 30 .
ans dans le laboratoire d'anatomie pathologique de von Rokitansky obli-
gea le célebre chirurgien Billroth a 1'amputer partiellement du pouce L'absorption de la drogue supprime la faim, les douleurs d 'estomac,
droit, en plusieurs opérations. Les opiacés étaient, a ce moment, la seule les nausées du seul sujet Sigmund Freud. Done, la substance miracle
réponse possible au névrome - une prolifération nerveuse terriblement pourrait éradiquer les embarras digestifs que/Le qu 'en soit la cause et
douloureuse dans son cas - qui bourgeonna dans le moignon. Le chez tous les patients11 . Il ressent J'allégresse, <d'excitation inou'ie»,
malheureux s'adonna alors a la morphine, qui fut son premier probleme. l'endurance, l'optimisme, l'illusion de la perspicacité, la maitrise des
Son autre ami, Josef Breuer, essaya sans succes de le soigner avec les inhibitions sociales, etc. Et surtout, n'oublions pas le retour de la
moyens du bord contre la morphinomanie. Sigmund Freud intervint, et flamme virile et de la libido car «le Dr Freud est ce rtain d' avoir observé
ce fut le second probleme : a l' addiction opiacée, il ajouta la dépendance une excitatíon sexuelle apres consommation de coca» 32 . Nous ne savons
a la cocai'ne, deuxieme drogue que le Viennois préconisait en injection pas comment le Dr Freud put s'en assurer. Mais c'est la grande secousse.
pour le soigner de la premiere. Des lors, puisque c'est bon pour luí, c'est bon pour vous, tous autant que
VOUS etes. Avec une lourde insistance, il recommande la drogue a Martha
Le troisieme probleme est celui de Freud qui prétendit, au moment
meme ou il savait son ami Fleischl plus gravement malade depuis pres et luí en envoie contim1ment, pour la langueur el ses joucs roses, a ses
d'un an du fait de ses reuvres, l'avoir guéri en quelques jours grace au sreurs, pour le mal des transports et les fati gues, a ses co ll cgues, pour
remede miracle en injection . Le quatrieme est encore le sien : Freud, leurs malades. Mais ~a ne suffit pas : il faut qn · k lliOIHk enticr so it
alors qu'ill'avait officiellement publié, certitia n'avoir jamais indiqué un éclairé de la révolutionnaire panacée.
tel traitement, puis, a l'instant précis oú la psychanalyse était Lancée, C'est a ce moment que Freud réunit quelqucs HIIIBigamés
dl)l' llllll'lll !-. ,
fera tout pour effacer la dramatiqu e crreur de sa vie et de l'histoire. Le a la va-vite pour la rédaction de son plaidoycr Clllh!HI:O.Ill\ll' d¡·
Jlllll 1XX4,
dernier probleme est qu'aux mensonges ele leur héros, qu'ils tenterent que nous connaissons : Über Coca. L'article cst rl'di¡·y a lu "·"'" d11 <1 a11
d'évacuer, les hagiographes rajoutucnt les leurs, une petite psychanalyse 18 juin 1884, empli de fautes d'orthographe, brouillon , " ' IHIIIIJI.•III dans
posthume du créateur pour assurcr sa rédcmption, et une diabolisation de la formule chimique de la coca'ine, mélangeanl ks d ,l(l" • t'l k·. 1111111 ~ ,
tout avis contraire pour éjeclcr la laull: hors du champ de leur idéologie. mais dithyrambique. L'auteur, «comme s'il étail .JIIHHIIIII~ de 'o"
152 MENSONGHS H<l ·. t l llii · N.~ lll 'dlll/11 lli iN I lli '.I N I<il l l>l i\ IHI N S I·CIII All<l ' 1 '\ 1'• liii iN 1\t .\! !11,11 11 1~ 1

sujet» , ne s' encombre d' aucunc cnqucl · sér iL'II~ ·. d ' aucunc réflexion
33
tres fortes eloses 37 . Freud, cncorc, lt'iil , t.'ll aolll 1XX5, un bilao des vertus
méthodologique, afortiori d'aucune statistiquc, IH.: relient dans la littéra- comparées des préparations coc:ú'niqu ·s des dcux firmes concurrentes,
t~re hétéroclite que ce qui conforte son proprc jugcmcnl absolument Merck d'un coté, et ele l' autrc Parkc, Davis & Co, entreprise de Detroit
dtgne de confiance, et s'emporte contre les calomnies dont le divin dans le Michigan qui le réu·ibua par une somme rondelette. Résultat :
poison a été victime avant lui. Serait-ce un dépliant publicitaire de Iabo- match nul quant aux effets de la drogue, mais les produits américains
ratoire pharmaceutique? Über Coca est assurément de la propagande, sont... moins chers, et l'expert promet un bel avenir a la divine subs-
?'un auteur sous l'influence de son sujet. Au moment ou Freud le rédige, tance. Freud essaiera aussi la molécule chez des malades diabétiques,
1l consomme la cocai'ne et «en nous référant a nos connaissances actuel- puis contre le mal de mer, d'abord grace asa sceur Rosa, et encore sur
les [sic], nous dirions qu'il était en train de devenir un malfaiteur lui-méme en se donnant le vertige sur les balanr;oires du Prater, le pare
public » 34 . d'attraction de Vienne. Mais nous ne connaitrons pas les résultats.

La Coca? C'est formidable, affirme l'expert. Elle est un stimulant bien Et c'est un article du généreux E. Merck qui, qualifiant Ernst Fleischl
plus puissant que l' alcool et moins dangereux. Ses résultats aphrodisia- de «chercheur» en matiere de désintoxication, révele, en octobre-no-
q~~s sont_ 'variables (!) mais la faiblesse du soldat en campagne n'y vembre 1884, le procédé exact utilisé par son expert Freud : cocai'num
resiste pomt. Ses effets sont remarquables dans les troubles digestifs et muriaticum de 0,05 a 0,15 g, jusqu'a 0,5 g par jour en injections hypo-
de 1'estomac, contre vomissements, asthme, dyspnées, mal des monta- dermiques. «Pour arriver plus vite a l'abstinence [de morphine], on
gnes, mélancolie, cachexie, alcoolisme, divers désordres psychiques et injecte des doses de 0,1 g de cocai'ne chaque fois que le patient a envíe
physiques, et sa décoction a donné entiere satisfaction a un médecin daos de morphine. [ ... ] Selon le Dr Freud qui, parmi d'autres, put constater,
un cas d 'opiomanie. Selon certains travaux américains, «le coté positif dans un tel cas, une guérison apres dix jours de traitement a la cocai'ne
de la coca est qu'elle n'est pas dangereuse pour l'organisme, contraire- (trois fois par jour, on administrait le produit par dos es de O, 1 g en injec-
ment ~ l'usage ch,ronique de_ la morphine» 35 . L'action de la coca s'op- tions sous-cutanées), il y a antagonisme direct entre la cocai'ne et la
pose dtrectement a la morphme, et ne transforme pas le morphinomane morphine » 38 .
en cocai'rzomane. 11 faut arréter brutalement la morphine et aussitot Iui
substituer la coca'ine. Lui-méme a eu, grace au remede, «l'occasion Un mois plus tard, un état des travaux publié dans une célebre revue
d'observer la désintoxication entreprise soudainement chez un morphi- américaine reprend la cure radica/e de la morphinomanie en dix jours
no~ane» qui, au cours d'une cure antérieure, «avait subi les pires maux
par injection de cocai'ne, qui permet de «se passer d'asiles pour les
qm peuvent accompagner l'abstinence». Le patient, Fleischl évidem- intoxiqués» 39 . Alors, sur les deux continents, de nombreux articles de
ment, s' en est relevé, m eme si, pendant les premiers jours, « il lui fallut confiantes revues médicales embouchent tour a tour les trompettes de la
~rois décigr[ammes] de cocaiiwm muriaticum; mais apres dix jours déja, renommée viennoise.
1l put se passer du produit »36_

Dans son article, Freud ne spécifie pas le mode d'administration de la Le jeudi 5 mars 1885, fort de cetle rcconnaissance internationale,
drogue : il se réclame simplement d'un témoignage anecdotique de Sigmund Freud entre en scene devant les élitcs de la Société Psychiatri-
Joseph Pollak, qui préconisait des injections dans un cas de migraine que de Vienne (Psychiatrischen Verein). fl f'ail puhliqucmcnt le point sur
soignée par de la morphine, qui fut d ' ailleurs un échec de la coca'ine ses expériences personnelles, ses sensations inouú:s, ses puhlications,
contre la migraine et la morphinc. lnmsformé la en référence externe. étend largement le champ d'application de la droguL' :1 des pcrturbations
que personne n' avait réellement explorécs (dt- pll'ssion, mélancolie,
Pour les entreprises pharmacculiqucs. toutes ces bonnes nouvelles sur hystérie, hypocondrie, etc.), et puis édific la socil'll· ~ av:utiL' du Procédé-
leurs produits (dérivés coc.:úniqucs, hygrine, ecgonine), tirés de Freud contre la morphinomanie. La coca'lnc csl 1111 ll'llll'dt· ~ an~ équiva-
1' erythroxylon coca, sont une p11hlici1é ct une excellente aubaine. La lent dans l'addiction a la morphine. Et Frcud SCI:J ~ Jll'll.tll ' lll¡' lll IIL'I d ' un
compétition était lancée. Des le ll'ndcmain ele l'annonce de la découverte résumé de sa prestation qui paraitra dans la ¡•,lalull· II'VIIt" llll"di l' alc
de l'anesth~sique, Merck, son follmisst'tlr allcmand de poudre magique, anglaise, The Lancet, d'autant qu'a ce moml'nt. 11 av: 11t t' lll lllll\' ks
fera parvemr une grosse quan1i1(- d'ecgnninc il Freud quien absorbera de démarches officielles en vue de sa promotion Colllllll' t'll '.t'll'""lll (1 )o : ¡·,
154 MENSONGES I·RI ·. llllii •NS 111 ', lo 11111 lo 1 INI 1•1 ' .! NI 1 11!~1 1\IION S I·( 'III .AII<I · I'()IION MAUI()lJI ~ 1~5

tur) et qu'illui importait de garnir son épn;uvc de 1i1rcs du maximum de Coca, puis en octobre 1884, Sigmund rapporte encore a Martha que son
travaux de qualité. malade continue son intoxication 41 .

Le lecteur doit bien s'imprégner de ce qui suit. Ensuite, des courriers non publiés de Sigmund Freud, dont prit
connaissance Bernfeld grace a Jones qui les lui confia44 , permettent de
Dans cette conférence, il n'a toujours qu'un seul cas, le meme, pour dater l'aggravation du calvaire d'Ernst von Marxow au commencement
lequel il u ti lisa « environ 0,20 g de coca'ine par jour et le traitement dura de l'hiver 1884-1885, avant sa conférence de mars 1885.
20 jours». Il n'y eut pas d'accoutumance. Et, continue l'orateur, «en me
basant sur les connaissances que j'ai acquises au cours de mes expérien- Sigmund Freud sait ainsi parfaitement, en rnars 1885 - au m~~ent
ces sur l'action de la coca'íne, je conseillerais sans hésiter pour ce type ou il prétend publiquement son seul cas Ernst von Marxow guen en
de désintoxication d'administrer la cocai'ne en injections sous-cutanées quelques jours de la drogue, par une autre drogue a laquelle il S' adonne
et par doses de 0,03 g a 0,05 g sans craindre d'augmenter les doses» 40 . lui-meme depuis un an - , que Fleischl lutte toujours, au bord du
suicide, a la fois contre l' assaut intolérable de la douleur, contre la
Passons sur l'ajout progressif, d'un article a un autre, de nouveaux
morphine, et contre la cocaine qu'il préconisa pour ~·en so~lager onz~
exploits admirables de la drogue dans des directions qui n' ont jamais été
mois plus t6t. Il rapporte depuis le début un effet therapeuttque en fa1t
examinées sérieusement. Passons sur les variations des posologies des
absent, en sachant qu'il n'existe pas, chez son ami toujours gravement
injections (de 1 a 3 fois), passons sur la modification de durée de la cure
malade et qu'il visite fréquemment. Et malgré tout, il métamorphose le
radicale (de JO a 20 jours), d'une publication de Freud a une autre, car
fiasco d'une unique tentative en triomphe pour le plus grand nombre des
nous sommes indulgents avec l'impatience et les difficultés de calcul du
Docteur viennois. Mais il y a des limites a ce que meme la morale laxiste morphinomanes.
de ce début de siecle peut supporter, quand elle est informée.
Fleischl souffrait d'une morphinomanie avant Freud, d'une coca'ino-
Les archives Bernfeld sont inédites, les iones' Papers interdits, et la rnanie apres Freud, et puis du cocairzisme, résultat connu d'une intoxica-
majeure partie des énormes correspondances de cette époque avec les tion chronique par cet alcaloide dont il consommait d'~normes qua~tités.
confidentes Martha et Minna Bernays reste prohibée. Freud et Fleischl Voici le coca'inisme dont Fleischl était atteint depms des semames :
entretinrent un courrier également inaccessible4 1, et des éléments restent syncopes et convulsions, agitation et excentricité incontr61~ble, inso~­
a éclaircir entre 1884 et 1887. Siegfried Bernfeld et Ernest Jones demeu- nies completes, alternance d'abatternents profonds et de cnses de deh-
rent discrets, soudain pudiques et vagues dans le récit des événements. rium tremens, hallucinations visuelles et cutanées au cours desquelles le
Pourtant, ils possedent tous les documents nécessaires a la compréhen- malade tentait d'arracher avec ses ongles des inscctcs («cocaine bugs»),
sion des lecteurs. Et on est bien obligé d'affirmer que Sigmund Freud a d'autres moments de la vermine blanche grouillant entre la chair et la
ment publiquement sur cette affaire depuis le début, puis que les freu- peau ...
diens masquent une fraude séculaire sous la désinformation.
Un mois apres l'exposé, Fleischl «avait aucint les limilcs du plus
Avant la rédaction d' Über Coca (été 1884), Fleischl était déja dans un extreme désespoir», disait Freud en privé 45 . En c1Tc1, quand il n' élait pas
lamentable état, du fait du cocktail morphine plus cocai'ne. Les extraits dans des états confuso-oniriques, de détressc, ou d · syncopc, il consom-
de lettres de Freud qui nous sont parvenus de cette époque le qualifient mait alors, outre la morphine dont il ne s'étail pas dl-tm·hr, au mínimum
de «pitoyable», gisant par momcn1s inanirné a force de souffrir, au bout un gramme de coca'ine par jour, ce qui représcn1l;rai1 "n' ll1 l:ois >•. la dose
d'une semaine de traitement, des les prcmiers jours de rnai 1884. Freucl habituelle que Freud s'administrait gentiment, sclon Jonr., , l•. n Jlllll 1XH5,
ne pouvait se faire aucune illusion sur le poison , car, écrit-il a Martha le Sigmund, qui continuait a adresser a Martha sa p~·ovi:-.1()11 Jll' I\OIIIII'Ik , la
12 mai, « avec Fleischl, les eh oses von1 si mal queje ne puis me réjouir mettait en garde contre ... l'accoutumance, ct lu1 dn'II V: II1 k:-. 1\'lllhll:s
d'aucun succes» 42 • Freud, Kollcr, Brcucr, Obcrsteiner, Exner, et d'autres épreuves de son malheureux «patient» qu'il pcnsail vo 11 IIHHIIII •. 1x 111111 ~
amis rnédecins durent se relaycr ¡mur visi1cr le malade et le veiller régu- plus tard.
lierement. S a dégradation fui rapidl' ¡11·ndant la rédaction de 1' article
apologétique. Le 12 juillc1 , qudq11l· s jours apres la parution de Über Mais !'affaire n'est pas close, et de loin.
156 M E N S ON(iES I ·'RI ~ llllii · N S 111 \ 1111 11 1 11 I IN I ! ti '.J rl l i ti <I\I A I 1< >N S H ' l ii .A IKI '
1'<11 11 IN MAl ill ) l/1 ·.
1

11 Y avait des récalcitrants, et quelqucs prolcssionnels prudents étouf- 11 importe de se souvcnir qu 'c ntrc t 'lllps. Frcud avait été nommé
fés par le déferlement médiatique. Des le début, mais surtout en 1885 et enseignant en neuropatholog ic (!)rival Dozent, le 5 septembre 1885),
1886, des spécialistes plus raisonnables s'étaicnt en eiTet élevés contre sa avait effectué un voyage d'étudcs chcz Charcot a París (du 13 octobre
c~oisade en faveur de la coca'ine, qui faisait des adeptes chez les méde- 1885 au 28 février 1886), s 'était installé médecin a Vienne (Paques
cms et des ravages chez les toxicomanes. -
1886), puis marié (septembre), el avait essuyé une mémorable humilia-
tion publique le 15 octobre 188648. Des lors, il ne pouvait déchoir. Et le
_Le prussien Louis Lewin, médecin et pharmacologue, qui essaya sur voila done vivement attaqué pour propagande funeste et irresponsable en
lu1-meme la plupart des drogues disponibles, y compris le peyotl et la faveur d'un poison. Il est moralement condamné. Mais rassurons-nous :
mescaline qu'il fut le premier européen a explorer, avait émis aussitót de il va se ressaisir.
vives protestations et critiqué nommément Freud. En 1885, écrira-t-il
plus. tard, on «exprima 1' idée funeste qu' on pouvait guérir la morphino- 11 fallut quand meme attendre un an et demi pour obtenir enfin de
mame par la coca'ine. D'emblée, je fis des objections et je prédis que Sigmund Freud une réponse, dans une grande revue médicale de Vienne
I'unique résultat serait I'usage simultané des deux produits, ce que j'ai le 9 juillet 188749 . Et ce qui va se passer est absolument stupéfiant.
appelé la "passion géminée". C'est ce qui arriva. Et pire encore»46.
11 commence par accabler Albrecht Erlenmeyer en lui attribuant sa
Notons que, telle la cocai'ne, l'héroi'ne fut initialement employée propre faute, puis s' enferre a nouveau dans l'affirmation de son « succes
comme remede contre le morphinisme, avec le succes que Iui reconnalt étonnant de la premiere cure de désintoxication d'un morphinomane
aujourd'hui l'histoire des toxicomanies... D'un autre coté, William qu'on avait entreprise sur le continent», et nie avoir recommandé des
Halsted - un des plus grands promoteurs de la chirurgie nord-améri- injections de coca'ine! L' appréciation d' Erlenmeyer reposerait, en effet,
~aine et qui créa en 1885 le blocage de la conduction nerveuse par injec- selon Freud, sur une erreur grave : elle renvoie aux cas traités par injec-
twn de cocai'ne dans le nerf -, abusa de la cocai'ne, et c'est par La tion. Car, écrit le fondateur de la psychanalyse, « au lieu d ' administrer
morphine qu 'il essaya ensuite de se débarrasser de la cocai'ne, tentative des doses efficaces (plusieurs centigrammes) par voie ora/e, comme je
qui fut un douloureux échec, puisqu'il se rendit dépendant des deux. l'avais propasé, [Erlenmeyer] avait donné le produit en quantítés mini-
mes par injection sous-cutanée » et, ajoute-t-il, « les auteurs qui se sont
Enjuillet 1885, l'éminent spécialiste Albrecht Erlenmeyer, apres avoir opposés aux conclusions d'Erlenmeyer ont confirmé les miennes». Et
essayé la méthode Freud sur quelques patients, critiqua I'efficacité du Sigmund Freud n'avait bien súr jamais préconisé ces injections: il n' au-
produit comme thérapeutique et tira la sonnette d'alarme sur les troubles rait pu commettre une telle infamie. Chacun sait, ce que le Dr
?rga~iques et mentaux occasionnés par la cocai'ne en injections. En Erlenmeyer semble ignorer, que la coca'¡'ne injectée ~~ présente un danger
Janvier 1886, Heinrich Obersteiner rappelait que, depuis la diffusion de beaucoup plus grand que la morphine »50 .
la drogue en Europe, de nombreux cas d' intoxication grave semblable au
delirium tremens alcoolique, avec ici des hallucinations de petits insectes Et c;:a continue. Freud décrit les horreurs (hallucinations. parano'ia,
ou de vermisseaux grouillant sous la peau, avaient été décrits dans la dégradation rapide, etc.) du cocai'nisme consécutives a l'administration
pr~ss~ spécialisée. Ce médecin - un des amis de Fleischl qui le de la substance injectée, sans évidemment signaler - puisqu 'il l'a
veJIIaJent durant ses acces, et qui vantait six mois plus tót, lors d'un prétendu guéri trois ans plus tot- qu'il s'agit des perturbations dont
congres a Copenhague, les mérites du procédé de Freud, qu'il connais- était encare affecté son ami Fleischl et, du moins pcut-on l'espérer, seul
sait aussi - insista a son tour sur les terribles dangers de l'alcaloi'de. patient auquel il prodigua ce traitement. Ces anomali es l:l déc héa nces
sont «les tristes résultats qu'on a obtenus en voul ant rain: sortir le di able
En fin, Er!enmeyer encare, qui s' cs l imait « heureux de ne pas avoir a l'aide de Belzébuth. De nombreux morphinomanes qui ju squ 'alors
jugé possible de recommandcr' la coca'fn c pour les cures de désintoxica- s'étaient maintenus en vie, succomberent désonnais i\ la coraúu.' ». Mais
tion», stigmatisa les dangcrs des injec li ons préconisées sans hésitation tous ces troubles ne peuvent survenir chez un houuut· llOilllak lllent
par_Freud en mars 1885 avcc lou ~ les cl tS iail s posologiques, et I'accusa constitué, celui qui absorbe l'alcalo'ide mai s n' utili se pus la .-.n in¡•,tll' el
md1rectement d'avoir ajouté ;'¡ l'all'ool el ~~ la morphine « la cocai'ne, ce n'est pas morphinomane. Lui-meme, n'est-cc pas. av: ul l:t >¡' t' llll' lll
troisieme fléau de l ' humanil ~ »'11.
consommé la poudre pendant des mois sans probk nw. l'o u~tpull do 11r k
158 MEN SONG ES I'IWI IIIII ·N,\ 111 \ 1111111 ll l iN I l ti '.J N I 1111~-11\ JION S(·( '(JI .A IRI ·, 1 \ l't t lltiN Mi\( óH) III · IW

mortel ordinaire s'y abandonnerait-il '! Vous savc-. d ji\ qu e la coca ne contre sa personne mais conlrc des alliludcs 4ue guerroyait la ligue des
prov~que pas l'accoutumance, et ne transforme pas le morphinomane en moralistes. Néanmoins, qu cltjucs annécs avant la fabrication de la
cocamoman~. ~a respon~abilité du maladc, de son tempérament, est psychanalyse, il fut le plus célebre des deux continents et sans doute le
alors engagee : ~1 faut vratment avoir une constilution débile pour s'abí'- seul a avoir mentí a ce point. Les autres, plus humbles ou plus honnetes,
mer dans ce venm. Enfin, « toutes les observations sur la coca'inomanie ~t se sont tus.
sur la dé~ério~ati?n :ausée par la cocai'ne se rapportent a des morphino-
manes, e est-a-dtre a des personnes qui étaient déja sous les griffes du C'est en plein creur de l'aventure cocai'nique que Freud entreprit les
démon »51 . Tout a coup, voila Fleischl exclu de cette regle. premieres grandes manreuvres de destruction de ses documents, quel-
ques semaines apres sa conférence de mars, au moment ou Fleischl était
«Maintenant ~a suffit!», clame Freud,_«je pense qu'il convient de bien ma1ade, tres exactement le 28 avril 188555 . ll recommencera le 31
cesser le plus vite possible de soigner les maladies internes et nerveuses aout suivant en quittant l'hópital général de Vienne.
P~ des injections s~~s-cutanées de c?cai'ne» 52 . Ce qui revienta dire que
Stgmun?, par u~e ptetre auto-absolut10n ad hoc, donne raison a Lewin, a Dans sa réponse aux critiques, assurant effrontément n' avoir jamais
Ober~temer•. e.t a Erlenmeyer, lesquels donnaient tort a Freud. Et puis, a préconisé des injections, il se réclame de deux publications antérieures
tous, .ti adr~um~tre des ~~~~~s sur les dangers de l'injection d'une drogue - Über Coca, de 1884, et son travail sur la force musculaire, publié en
do~t. tl, ava1t ~att .la, pubhctte arden te, alors que leurs inquiétudes étaient janvier 1885 56 - , ou effectivement rien de te! n' est évoqué. Mais il est
prects,ement JUSttfiees par un péril qu'ils avaient évité apres l'avoir cru. tres étrange qu'en 1887, dans sa riposte, il cache l'essentiel, c'est-a-dire
Le createur de la psychanalyse se disculpe lui-meme par l'attribution de l'exposé devant la Société des Psychiatres puis l' article correspondant,
sa :aute a des. critiqu~s qui ne l'avaient pas commise, puis aux médecins accessible a tous depuis sa parution deux ans auparavant57 , ou il indi-
et a leurs pattents qm eurent le tort d'avoir suivi ses conseils. quait sans l'ombre d'un doute, sans craindre d'augmenter les doses, et
sans risque de voir le malade dépendre de la nouvelle drogue, que les
Plusieurs patients et psychanalystes importants ont sombré dans les injections sous-cutanées de cocai'num muriaticum sont sans équivalent
bras ténébreux de Belzébuth, la drogue. Avant Loe Kann Ruth Mack- contre la morphinomanie, ainsi que l'avait démontré la guérison de son
Brunswick, et d'~~tres, O~to Gross, brillant éleve et patien~ de Jung, s'y patient.
~~onn~. P~ expe~tence, Stgmund Freud reconnut tres vite les signes de
1 mtoxtcatton, pms que Gross était « pris dans la cocai'ne et devait se Dix ans plus tard, il éliminera une nouvelle foi s le texte litigieux de la
t~ouver. au début d~ 1~ paranoi'a cocai'nique toxique». Carl Jung lui conférence de mars 1885 : «daos la collection de ses tirés a part qu'il
repon?t,t que Gross etatt également adepte de 1' opium, absorbé en forte avait conservée, on ne découvre aucun exemplaire personnel de cet arti-
qua~ttte (6 grammes par jour !). Puis Jung tenta de le psychanalyser pour cle qui semble avoir été entierement détruit »5x. 11 ne gardera pas non
le debarrasser de. cett~ nouvelle «passion géminée». Carl Jung mentait a plus les rééditions de son article-conférence. Ensuile, en 1897, il l'effa-
Freud sur les ~tenfatts de son traitement acharné, en présentant son cera aussi magiquement de la liste de ses travaux dans son épreuve de
mala.d~ ex~~plmre co,mme bien amélio~é, alors que la dégradation s'im- titres 59 , destinée a appuyer sa demande de nomin ati on comme professeur
posmt a lm . Cependant, Otto Gross IUI échappa, vers «le crépuscule de a la faculté, pour tenter de SOUStraire la fautc Ct k JTH; nsongc du regard
s~n. dest!n»: a cause ~·une présumée schizophrénie qui s'opposait a la des autorités médicales, comme s'il n'était pas poss iblc de le confondre
desmtoxtcatwn analyttque de Jung. Mais Freud ne pouvait considérer en relisant cette conférence déja parue.
Gross autr~ment que comme « loul il fait parano'ide », puisque celui-ci La derniere grande lessive aura lieu en 1900 dan s la 'Ji ·o umdeutunf{
co~sommatt la c~cai'ne «qui, comme jc le sais, produit une parano'ia
(l'interprétation des reves), ou il indiqua qu ' en (( ll'l'llllllll:llldanl , des
tox1q~e ». Effecttveme?l, quclqucs jours plus tard, Carl Jung était
1885, la coca'ine», il s'était «attiré de sévercs 1\' Jllovht·.., J·: nliu , un tres
co~vamcu des :onclus10ns de l'ex p Tt vicnnois. Otto Gross, toujours
cher ami, mort des avant 1895, avait héité sa }111 f ll ll 1'n hu.1· ,¡,. 1'1'
tox1comane, mats analysé, mourra dan s la mi sere a 41 ans54.
remede» 60 . Le patient s'était lui-meme [!] injccl ~ k IHII W II , 11 1: 11 \ .. f 'u /1 ,\'('
Dans c~tte affaire, Frcud n'éla il pas k sc ul a plaider la cause de la rappelle que }ene lui a vais pas du tout consei/li: rf¡ • jo tu · ,¡,., fll t¡tl t r .l .. 1" .
drogue, m le seul a l'utiliscr d:111!'. In 111orphinomanie. Et ce n'était pas Fleischl, dont le nom n' est évidemment pas cite , app.11 11 11 th uu ¡·¡•. lit·
160 MENSONGES I ·I<HI IIlii •NS 111\11 IIICI 1o 11111 1ol ' oi i~ IIII IMA II() N SI •( ' I II.AII<I : 1'1 oiiiiN ~~ '\1 dl)lll • 11>1

ment responsable, alors que Freud avait fait de son scul c.:as le modele de une fois Fleischl cst rcsponsahk l'l 1-'ll'lld , non cmrpabk, aurait été dupé
sa cure radicale par les injections. par son ~mi, par force exagérant k s IK·n ·tices de la coc<úne. to~t en négli-
geant ses méfaits. Mais les documcnts cités plus haut md1quent que
Les fideles hagiographes ont trouvé de bonnes excuses au créateur Freud était d'emblée éclairé sur la morbidité du cas, et cet aveuglement
pour rendre compte de cette falsification qu'ils assimilerent a un qu'on lui attribue est tres étrangc quand, dans le meme temps, on lui
« oubli». reconnaí't, des trente ans, de grands mérites psychiatriques. Enfin, c'est
oublier que, pendant son intoxication «géminée», Fleischl chercha,
«L' omission » de 1' article incriminé - quand meme multiple, et certes, a dissimuler a Freud qu'il continuait de s'empoisonner a la
accompagnée de tentatives d'effacement des preuves - , devient ainsi morphine, mais celui-ci n'était pas dupe, car, écrivait-il des le début de
pour Ernest Jones «Un tour que lui jouait son inconscient» 62 . Quand un !'affaire a Martha, « ... on ne peut pas faire confiance a un morphino-
psychanalyste ment, contrefait la réalité, déforme la vérité, c'est un mane»66.
refoulement inconscient ou, au pire, un « reniement de soi ». Si un criti-
que de la psychanalyse refuse d'admettre cela, il est de mauvaise foi, ou Apres avoir enduré d'horribles souffrances pendant des années, Ernst
bien un malade mental. Fleischl von Marxow mourut misérablement le 22 octobre 1891, a 45
ans. Son portrait orna le mur du cabinet de Freud jusqu'a la fin. Mais
Pour Siegfried Bernfeld, le comportement de Freud est techniquement
dans le seul courrier intime de Freud qui nous soit parvenu complet de
explicable par la psychanalyse des actes manqués : c'est une «para-
cette époque, eelui adressé a Fliess, on ne trouvera. pas un mot de. sa
praxie», «une malhonneteté inconsciente»63 . Il n'est pas délibérément
main apres la perte de son tragique ami, et il ne réd1gea aucune not1ce
malhonnete, mais inconsciemment. Le voila responsable mais non
nécrologique ni de simple hommage, malgré l'imp?rtance du pe~son­
coupable. L' anal yse, qui sert a tout, nous enseigne que la véritable signi-
nage, alors qu'il avait l'habitude d'honorer la mém01re des chers dlspa-
fication du désir est opposée a la nature de l'acte qui !'exprime. Quand
on est psychanalyste, et surtout celui-la, toutes les intentions ne peuvent rus croisés dans sa vié 7 .
etre que bonnes. Des lors, l'intention de Freud était bonne mais involon-
tairement gachée par un acte contraire, a la maniere de la découverte de LE MONSIEUR FOUGUEUX QUI A DE LA COCAINE
l'anesthésique, dont l'idée prete a jaillir fut empechée par quelques
DANS LE CORPS
facheux.
Mais qu'est-ce qui pouvait troubler !'esprit du génie au point de lui IJ n'est plus possible de faire confiance aux exégetes, tant leur
faire manquer un acte aussi bien intentionné? Eh bien, voyez vous, la mauvaise foi est flagrante, et tant la dissimulation des évidences par la
seringue de l'injection cocai'nique était, a cette époque, dotée dans les purge et le mensonge fut érigée en systeme. Tm1te allusion a la cocai'_n~
milieux médicaux d'une connotation phallique - Bouvard et Pécuchet impliquant sa consommation par Le Fondateur de la psychanalyse a ete
sont décidément immortels - , et, des lors, 1'oubli de Freud était censé éliminée de l'édition originale des lettres a Fliess. L'esscntiel des traces a
servir au refoulement du désir d'agresser avec cet instrument pointu son été effacé des autres correspondances, ou bien se réduit a de courts
ami Fleischl! Interprétatíon pénétrante : mai s de quoi? C'était, assure extraits sélectionnés sous le controle d' Anna Frcud pour la trilogie de
Bernfeld dans sa curieuse réification, « une défense contre la signitica- Jones, et a quelques discretes mentions dans les tcxtcs historiques réunis
tion symbolique d'une méthoclc que l'on assimile a une agression par Robert Byck dans les années sombres des Archives Freud .
sexuelle masculine» 64 . Nous savons maintcnant, grace a une petite
La timidité de Siegfried Bernfeld, d'Ernest Joncs l'l des lidc lcs parti -
analyse de sauvegarde post-mortcm. qut:llc élait la bonne intention de
sans les mieux documentés, est intéressante. L' art i ·le dl' 1krn fc:ld est
Freud.
d'une extreme pudeur et ne fait pas mieux que l 'é pai ~ r hapilr l' d' Erncst
Dans Ieurs pathétiques coutorsions pour rctomber sur leurs pattes et Jones. Ce dernier commet d' ailleurs un lapsus c(l /(llni ri'Vl'iall'llr. 11
disculper leur objet d' amour m y~ t iqm·. it's laudateu rs du mouvement65 annonce en effet que Fleischl von Marxow pou va it (jiHJiidi~· fllll' lll l' lll
crurent utile d'accabler a nouw:nr la Vlc tirlH: qui, comme beaucoup de s'injecter au mínimum un gramme de cocai'nc, Cl' 11'" · -.C'Ioll l111 , :nrrait
toxicomanes, aurait dissimul é ~o n l'lat au jn111c Docteur Freud. Encore représenté cent fois la dose habituelle (1/20" dl' g1 :11111111' , d11 11) q11l'
I'II III IN I>I AI d<)lll • 1(ll
162 MENSONGI 'S I'Rl \ l/I)II ~ N S lii'.IIIIUI ll I IN I lll ',J NI< li<M A IION S(Cl ii.AII<"

Freud s' administrait68 . Or, bizarrc, bizarn; : 100 fois 1120c de gramme ne coca·ine de ses nombrcuscs pagl·s su1 l'l11 stni' e médica le de son patient,
font pas l gramme, mais 5 grammes ... La dose de //20'' de gramme alors méme que les symptomes que cclui ci prcscntait, connus par les
prétendument absorbée par Freud au début, indiquée par Jones, repré- spécialistes pour étre provoqués par la substance, étaient bien contempo-
sente 0,05 gramme. Si Fleischl consommait vraiment 1 gramme de rains de sa consommation de la potion magique.
cocaine par jour, alors Freud en employait 20 fois moins que lui a cette
époque, pour son plaisir ou ses expériences farfelues. Décidément, les On a tenté de faire croire que Wilhelm Fliess procurait la cocalne a
analystes ne sont pas a 1' aise avec le calcul élémentaire. C' est la une Freud. II est effectivement possible qu'íl y eut des distributions de
fa~on de réduire, par un jeu d'écriture de Jones, l'importance de ce qui Berlin, plaque tournante du négoce du produit en Europe a ce moment,
aurait pu apparaitre chez le héros comme une tache, ou une toxicomanie, vers Vienne. Cependant, si Fliess avait la poudre sous la main a titre
c'est-a-dire une tare. L'autre fa¡¡;on consista a empécher l'acces aux sour- professíonnel, et sur la maín pour son usage personnel, il ne I'utilisait
ces. que depuis 1886, alors que le Viennois absorbait des quantités importan~
tes de drogue au moins depuis le mois d'avril 1884, soit trois ans et dem1
avant de rencontrer le Berlinois, cocaine que Freud achetait ou bien que
Les informations regardant les problemes de santé de Freud sont sous
le controlé des fideles du Mouvement. C'est encore une affaire de les laboratoires 1ui fournissaient gracieusement parmi d' a u tres cadeaux.
Par ailleurs, la derniere publication de Freud sur la substance remontait a
famille. Des révélations médicales importantes sur Sigmund Freud,
notamment sur son cancer, dont le diagnostic est toujours discuté, sont juillet 1887, alors que son premier contact avec Fliess n'eut lieu qu'en
entreposées dans les archives fermées de la bibliotheque du congres de novembre de la méme année.
Washington a la demande expresse de Felix Deutsch, son premier méde- Au départ, Sigmund Freud cherchait 1' euphorie, a calmer sa «terrible
cin69. Freud aurait souffert, selon les spécialistes, non pas du mortel impatience» et ses préoccupations matérielles du moment par l'illusion
épithélioma, mais d'une forme moins redoutable de tumeur de la du bien-etre, puis l'excitatíon intellectuelle valorísant sa productivité
machoire - une papillomatose verruqueuse d' Ackerman en l'occur- pour, grace au nuage de poussiere coca'inique, enfin vivre dans le labeur
rence - , laquelle, apres avoir été favorisée par l'irritation cocai'nique, solitaire le mirage de son invincibilité face a 1' opposition et aux frustra-
mélée a un tabagisme de quarante ans, aurait dégénéré du fait des traite- tions de son besoin de reconnaissance sociale. Apres le temps des décep-
ments inappropriés et excessifs par radiations. Le premier papillome fut tions de ses premiers travaux biologiques, tous infructueux, vint celui
opéré daos des conditions épouvantables en avril 1923, par Hajek, un des obligations mondaines. Puis la catastrophe de 1' affaire Fleischl rendit
ancien patient70 • urgente la reconquéte de la considération parmi les célébrités médicales,
car les nouvelles de son échec circulaient daos les couloirs depuís le
Jusqu'a sa mort, entre avril 1923 et l'automne 1939, Freud eut droit a printemps 1885. 11 fallait séduire.
environ soixante-dix interventions, dont seize majeures. Anna Freud
s'occupait personnellement des curetages mineurs, daos un cabinet C'est a París, chez Jean-Martín Charcot, que se dévoila des l'automne
spécial attenant a celui de son pere. Le psychanalyste Felix Deutsch, suivant ce caractere diplomatique de son inloxication. ll avail d'abord
médecin de Freud a l'époque du premier diagnostic, se brouilla avec son approché le maltre de la Salpétriere en faisant miroiter 1' intérét d'une
maltre et fut remplacé, sur recommandation de Marie Bonaparte, par traduction germanique de ses reuvres. Puis Frcud ne résista plus aux
Max Schur, lui-méme analysé par Ruth Mack-Brunswick, laquelle invitations de son idole. Mais il ne possédait pas les talents sociaux. de
mourra polytoxicomane. ses aspirations narcissiques. <de voulais t'cx.pliqucr », écrivait -il alors a
sa fiancée, « d' o u vient queje suis si inabordable avcc les 61 rangcrs, ainsi
Le gros livre posthume de Max Schur est supposé traiter en détails des que tu le dis. La seule cause en est la méfiancc, car j' ai trop souvcnt fait
problemes de santé de son paticnt SignlUnd Freud 71 • Ayant acces a des l'expérience que des gens communs ou méchants llll' traill'lll 11tal ct cctle
renseignements directs Cl a des dm: tllll 'll(S sccrets, J'auteur n'hésite pasa méfiance dispara1tra dans la mesure ou je n'aurai ricn i\ cr:undn.' d' cux. ct
livrer des informations intimes. puis <ks dcscriptions cliniques terrifian- ou je deviendrai indépendant» 72 .
tes, et les comptes rendus opnatont·s des interventions chirurgicales
importantes. Mais Schur, un fi<kk unafystc, bien qu'il était le mieux En janvier et février 1886, il y eut quatre ou bien l'IIH( di' (T S 111vita
placé pour en parler en tant quc llt (·dtTIII pcrsonnel de Freud, élimine la tions de Charcot. Alors, ce grand maladroit, un étraugn 1k YII' IIIH' , 11111 ~
165
164 MENSONG1 'S I'RH I1>11 1NS 111 \ 1()1111 1o 11N1 1•1 '.I N1111(MA 110N SH 'lll A1RH

que et arrogant parrní les notables auxqucls il <kvait se meter pour leur mais surtout cardiaques tachyc:udil· , hypcrtcnsion, troubles du rythme
ressembler, recourut encore aux artífices de 1'alcalo'ldc pour devenir affa- - sont de regle, comme les cri scs de céphalées; la sécheresse et l'in-
ble, et se «délier la langue» 73 afio de glaner les faveurs de Jean-Martin tlammation des muqueuses conduisent aux infections, aux saignements
Charcot. Ainsi, lors de la deuxieme invitation chez son héros, avec son de nez (épístaxis), aux suppurations (empyeme), et aux perforations de la
timide collegue Riccheti - «luí, terriblement nerveux, moi tres calme cloison nasale.
grace a une petite dose de coca'ine » 74 - , il put affronter les esprits du
temps qui se pressaient pour y briller. Et Freud, le nez repoudré, délivré Les déreglements psychologiques n'ont pas de rapport avec la quantité
de ses inhibitions, pouvait se glorifier de ses prestations en société, d'au- absorbée. Les effets de l'absorption de la substance par le nez, presque
tant qu'il s'affirrnait, daos des confidences a Martha rendues exagéré- instantanée daos le cerveau, sont initialement une sensation d'euphorie,
ment bavardes, onctueuses et complaisantes, par la délicieuse substance d'excitation physique sans borne et infatigable, la conviction d'une intel-
magique, le centre de l'intéret général daos les petits salons de !'hotel ligence inépuisable, et une surestimation de soi ignorant tous les obsta-
particulier du Napoléon de la Salpetriere75 • eles. L' attention se disperse, et la mémoire, devenant incertaine, mélange
les informations et introduit des lacunes. Avec les modifications du
A 1' époque, les publications médica les avaient déja décrit avec préci- sommeil, la vie onirique est exacerbée, qui peut faire intrusion dans les
sion la nocivité de l'intoxication cocaYnique pour la santé, et les modifi- perceptions diurnes et se mélanger aux événements réels. Les altérations
cations du caractere observées chez ses adeptes, que les travaux ulté- du caractere amplifient les dispositions personnelles antérieures, mais la
rieurs ont confirmées76 . confiance en soi est exagérée par la dissipation des inhibitions sociales et
sexuel\es. Alors, les idées s'embrouillent, confondant le vrai et le faux;
La majorité des coca'inomanes absorbent leur produit par voie nasale, la mémoire entremete les reperes, 1' attention fusionne l' accessoire et
et les dangereuses injections sont exceptionnelles. La drogue n'a pas la l'essentiel; puis naissent des erreurs d'interprétation. On note des sautes
réputation d'engendrer daos ce cas une dépendance physique telle d'humeur, un jugement dégradé par l'irritation, la suspicion, l'amertume
qu'elle produise, lors de sa suppression, les gros désordres rencontrés et la jalousie morbide, d'autant qu'au bout d'un certain temps, le coca'i-
daos l'addiction de longue durée a l'alcool, aux opiacés ou aux barbituri- nomane n'a plus la vigueur de ses illusions.
ques. Mais, pour combattre la fatigue consécutive a la phase d'accéléra-
tion de la vigilance, et l'effondrement de l'humeur apres l'exaltation, le Les lettres de Sigmund Freud a Wilhelm Fliess font inlassablement
toxicomane doit consommer de nouvelles doses. C'est ainsi qu'on référence a la drogue et a ses résultats sur leur rédacteur. On ignore la
assiste a des oscillations de l'humeur et de l'état général, en fonction du dose et la fréquence avec laquelle Freud l'ingérait ou bien se l'introdui-
cycle de l'absorption. Néanmoins, il y a une accoutumance, c'est-a-dire sait dans le conduit nasal a l'aide d'une brosse. On sait seulement qu'a
l'obligation d'augmenter progressívement ces doses pour obtenir des certains moments, il s'en badigeonnait le nez a longueur de journée,
77
effets équivalents. Le véritable syndrome coca·inique, celui dont souffrait alors que ses courriers devenaient logorrhéiques ct incohérents .
Ernst Fleischl von Marxow, est rare, apparaissant surtout a la faveur
d'une sévere íntoxication prolongée, ou des ínjectíons, et non a l'arret de Bien qu'il dGt recourir plusieurs fois aux soins de son collcgue berli-
J'empoisonnement, quoiqu'on aít observé des acces graves apres une nois, oto-rhino-laryngologiste, pour se soulagcr par la cautérisation et
prise unique, o u bien la « parano'ia coca'lníque » surprenant le malade et par... la cocaYne (!), des dégats causés par la cocaú1c sur ses sinus, les
son entourage des semaines aprcs l'íntcrruptíon de sa drogue («flash- cornets et les muqueuses nasales, on ne disposc pas ck prcuve d'une
back»). Daos le meilleur des cas. la suppression de la eoca'ine occa- perforation de la cloison nasale. Le cocaú1ism · p10prc1lll'llt dil cst peu
sionne apathie, insomnies, irritahilité, nausécs et confusion pendant une probable. Mais Sigmund Freud eut toute.1· /('.\' tlutn •,,· 11ta11il'cslations
semaine. Ensuite, les choses rentrl'nt dans l' ordre. Mais les rechutes sont physiques et psychiques de l'intoxication cocarniqlll' t'llllllllllll · y
extremement fréquentes. compris l'hypersensibilité paranoYaque en quoi il t'1:nl ¡unli ~ posl­
Les principaux risqucs en ·o111 us p:u k coca·lnomane sont d'abord les particulierement lors de la fabrication de la psychanal y'.•''H 1'1 l'cltlllll'S
troubles somatiques. Souvcnt , 1111 nn vt1si .~n1c fébrile s'installe, avec des cence de 1' onirisme, avec surproduction de rGw., 11111'11 ',,.,, vo lt 1111 ins
tics faciaux et des tremblcnll'nl~ dr ' cxlll'1ttit0s. Les symptomes digestifs déplaisants, est un des signes caractéristiques du ~~·v l.t )''' d, 1.1 ' 'H ,lllll'.
166 MENSONGES I·REl}I)II ·N S 111.\ 1111111 I I I IN I I•I ', INIIIII M A IHIN SH 'lliAIRE 1 ·\ 1'11 1ll lN I\.IAI .II)III · l h/

Le moment ou il interrompit vraiment son iutoxic:.ttion n'cst pas déter- unique étaitle sujet Sigmund Jo' rcud lui llll'llle. ()ui p<.:ul déja, avant toute
miné. La derniere mention de l'usage de la coca'il1c par Freud dans le recherche et sans avoir rcncontré un scul pati~.:nt , annoncer « par anticipa- 11

courrier a Fliess qui n'a pas été expurgé- elle est bien entendu absente tion le résultat tel qu'il est vraimcnt , c'cst-a-dirc cornme quelque chose
de l'édition frans;aise- se situe daos la lettre du 26 octobre 1896, oü le de tout a fait nouveau »85 . 1'

Viennois rapporte la mort de son pere, et dit saisir cette occasion pour-
abandonner la brosse. La premiere prise connue datant d'avril 1884, la
Freud est sOr de posséder une excellente qualité. 11 a confiance en son
consommation de cocai'ne par le créateur de la doctrine psychanalytique
propre jugement 86 , certitude qui devient absolue quand sa clairvoyance
dura done au moins douze années. Mais, si l'on se fonde sur des signes
est altérée par la drogue, laquelle favorise une tendance antérieure a sa
indirects, d'abord ses symptomes physiques distinctifs- ceux que Max
consommation, et que sa valorisation sociale ultérieure va encourager
Schur met trop rapidement sur le compte de 1'autre addiction, a la nico-
meme apres 1' aban don de la cocai'ne. Cette disposition psychologique
tine- que l'on remarque encore en 189979 , ensuite sur les phénomenes
permanente consiste a confondre ses pensées avec celles d'autrui, puis a
psychologiques que la drogue engendre et que 1' on suit a la trace jusqu 'a
généraliser saos délai sa conviction particuliere de l'unique a l'universel,
cette époque, il est vraisemblable qu'il ait poursuivi cette habitude
du provisoire, fragile et subjectif, au définitif et indiscutable. Ce raison-
jusqu'a la parution de la Traumdeutung, en 1900, voire plus tard.
nement, qui fait des bonds quelquefois renversants, va directement de
l'interprétation d'un individu a la révélation cosmique, et se dispense de
Thornton a estimé que, quand il formula ses spéculations, le raisonne- vérification. Quant a la démonstration, elle va de soi. Josef Breuer disait
ment distordu de Freud était indéniablement faussé par la drogue, qui lui en 1907 de son confrere, « Freud est un homme aux formulations abso-
faisait confondre les faits et ses fantaisies, le rendant inapte a distinguer lues et exclusives. C'est un besoin psychologique qui, pour moi, conduit
le vrai du faux, la subjectivité de 1' objectivité, et son jugement était infil- a des généralisations excessives » 87 •
tré par l'onirisme. L'invention de la psychanalyse a été, selon elle, le
produit d'un cerveau irrité par l'alcaloi'de au moins jusqu'en 19128°. La Séduisante quand elle rencontre des esprits organisés semblablement,
publication du réquisitoire de Thornton, en 1983, provoqua une vive fascinante pour l'épistémologue et ]'historien spécialiste des croyances,
polémique, et les admirateurs du prophete ne purent répondre autrement cette logique colore tout l'édifice théorique et clinique de la psychana-
que par !'insulte et l'invective. Évitant d'étudier des répliques raisonnées lyse, qui ignore les conditions minimales de l'objectivité scientifique.
a son contenu, ils s'efforcerent, offensés, de détruire la personne de l'au- Indissociable de la personnalité de Sigmund Freud, elle va lui faire
teur. lls virent, dans ce qui n' était qu' une opinion savante, «un exemple commettre d'épouvantables bévues, sera la source profonde de I'opposi-
type de littérature diffamatoire » et un « supreme sacrilege »8 1, un blas- tion scientifique - qualifiée par luí, tel le refus de sa persuasion par ses
pheme, une these monomaniaque, anachronique, détestable, dogmatique, patients, de «résistance» pathologique- et la raison derniere des homé-
mal cons;ue, emplie de fautes d'orthographe, mais surtout antisémite. riques facheries du créateur avec nombres de ses collegues et amis.
Thornton put faire rectitier cette derniere qualification indigne, mais se
vit refuser tout droit de réponse daos les journaux ayant fait la revue de Dans la soi -disant expérimentation sur la force musculaire, Sigmund
son travail, et des libraires crurent nécessaire d'écarter son livre de la Freud fut Iui-meme son unique sujet. La généralisation a un seul essai
vente 82 • ll ne manqua que l'autodafé. avait commencé par son propre cas, suivi par sa tragiquc crrcur médicale
transformée en succes thérapeutique daos le cas uniquc d'Ern st Fleischl
La violence des réactions des frcudi~.:ns n' a fait qu 'attiser la curiosité von Marxow, puis finit dans la contrefas;on, s~.:s 1 'lllalivcs dcrisoircs de
des chercheurs sur ce qui s'était vraim~.:nt passé durant cette période. suppression des preuves, et le mensonge. Aillcurs , plus tanl , s~.:s fantas-
Ensuite, avec ou sans modération. ks spécialistes se rallierent au point mes fabriqueront la théorie de la séduction ct la n puclialion irnmédiatc
de vue de l'historienne et a son -attitude c ritique vis-a-vis de Freud et de de cette meme théorie, J'universel «COmpJexc d ' (J \dipt'», l' angoi ss' dt:
ses partisans83 . Enfin, il y cut toul le n·sk' . « castration », inventeront des malades, leurs symp1 llll' ~>, h'tll ~> cau ses el
leur traitement unique et sans rival, et puis la ctlnSIIII\' IHHI dt ·~> 111·n1t· ou
Le héros du Docteur .Iones avail IIIH' g r:tndc force : «le respect tout a quarante mythes de la psychanalyse88 . La psyc haual y-.t· ,.,,, l' ll<llllllle
fait extraordinaire que lui inspirait k l:u1 ..,ok . 11 s ' agit la d'une tres rare Freud. Le freudisme est une mythologie uniqul' 1·1 l'u·uv11· d' u11 ~ ~·111 .
qualité». C'est «la fas;on donl I1 11Vatlk k L'L'IV<.: au d'un génie» 84 . Le fait Mais le vocabulaire modeme utiliserait un tcrn1 · ph" lotl , plu ·. (11 1'<"
168 MENSONGES I' Riélii>IENS 111.\ 10 1111 1111 ~1 1 I11 ', 1 N I11I I~I ¡\JI<IN SU'III.AIR I·: 11 J'l 11 ll IN 1\l t\1 oH)l 11 ·

que l'euphémique « mythe» : exacLenH.:nt k produi1 d'un myLhomane. Roi , eLle registre luí ful amcul- pa1 ks au1(H ít~ s en son premíer domicile
Comme l'écrivait Mikkel Borch-Jacobsen , « i1 n' cst pas surprenant que Iondonien, alors sís a Sainl .lohn 's W(\od . Ce jcudi 23 juin 1938, en
Freud soit devenu le théoricien du fantasme, de la sa1ísfaclion du désir et présence de sa filie Anna qualili6¡; de « Doctcur » pour J'occasion, et de
du narcissisme primaire : il avait lui-meme une remarquable propension Madame Bonaparte - Son Alt¡;sse la Princesse Marie Georges de
a halluciner ses théories, a fabuler ses données clíniques » 89 . . Grece, qui enregistra la scene pour le cinématographe - , Sigmund
Freud signa enfin le livre de la Société Royale. Il y reconnut, quelques
Robert Wilcocks, daos son livre étincelant et rafraichissant sur la pages plus haut, l'écriture de Sir Charles Darwin, ce qui, dit-on, J'aurait
rhétorique du mensonge freudien, attira notre attention vers des courriers ravi. C'était une consécration pour cet homme qui reva longtemps du
absurdes de Freud a Fliess, encore incohérents en 1897-1899, et sur prix Nobel.
l'idée que le Berlinois était probablement obligé de se bourrer les nari-
nes de poudre pour les Jire et se mettre sur la meme longueur d'onde que Mais ce que l'histoire daos son ironie ne dit pas est qu'un cadeau royal
son correspondant de Vienne90 • Mais, avant Richard Webster, Wilcocks fut offert a Sigmund Freud lors de cette cérémonie. C' était une ti ole
dut corriger quelques exagérations de Thornton, et ajouter que, meme contenant les délicieux produits coca"iniques des Laboratoires Merk92 .
s'il avait céssé ses relations avec Wilhelm Fliess, son semblable, et puis
de s'intoxiquer, Sigmund Freud garda sa logique irrationnelle, insépara-
ble de son édifice. La coca"ine ne luí était pas indispensable. Car meme
sans sa drogue et privé de son Bouvard, Pécuchet restera Pécuchet.

NOTES
LE FIN MOT DE L'HISTOIRE ?
1 Lettre de S. Freud a Martha. di manche 29 juin 1884 (in Byck ( 1975) : 71 ).
Friedrich Nietzsche ( 1886) : Par-de/a Bien et Mal, 4' partie, § 68. Cité aussi par Freud
Erythroxylon coca aura marqué a la fois la naissance et l'apothéose de
2

dans une note a (190 1), Zur Psychopathologie des Alltagslebens (chap. 7, trad. fr.. p. 157),
la carriere médicale de Sigmund Freud. et dans le cas Rattemnann (1909, Bemerkungen üher einem Fall von Zwangsneurose :
218).
John Pemberton, apothicaire d' Atlanta en Géorgie, vétéran blessé de 3 On trouvera un recueil de textes historiques et les publications de Freud dans Byck
la guerre de sécession, s'étaít comme d'autres rendu dépendant de la ( 1975) : tf surtout Bernfeld ( 1953) et Koller-Becker ( 1963 ). Cf aussi Van Dyke & Byck
morphine pour soigner ses douleurs. Pour se débarrasser de 1' opiacé, il (1982). Ernest Jones (vol. 1 : chap. 6) se sert généreusement du travail de Bernfeld, mais
fabriqua un élixir, savant mélange de coca"lne, de noix de kola (pour la contient des documents inédits, incomplets et soigneuscment choisis. On lira des analyses
partielles chez Ellenberger (1970) : 423 et 431-435: Roaze n ( 1975) : 67 sq.; Sulloway
caféine), et d'un soup~on d'alcool sucré. Pemberton aurait-il été inspiré (1979): 25-28 et 149- 152; ou encore Gay (1988), vol. t : 10:1 sq., ct cssa i bibliographiquc
par Freud daos la propagan de de 1'époque? En tout cas, il garda sa du chap. 1, p. 632.
dépendance, mais nous lui devons le Coca -Cola, commercialisé au prin- 4 Kollcr-Bcckcr (1963): 272.

5 Successivcment : Freud ( 1925), Selbstdarstellung : 25: Jnn~.:s, vol. 1 : 87; Lettre de


temps 1886 au moment ou Freud s'ínstallaít dans son premier cabinet, 7
Rathausstrasse91 • rreud au Prof Meller, 8/1111923, in Gay (1988), vol. 1 : 101 : Lt•llri' de Freud a Wittels,
1211211923, in Jones, vol. 1 : 87.
6 Lettre a Martha, 2/611884 (italiques de Freud). Cité~: par Jon~.:s . vol. 1 : 9:1.
Le noble registre officiel de la Roya l Socíety nc quittait son siege de
7 Freud (1884), Über Coca : 98.
Londres, Burlington Road, qu 'en unl' uníquc occasion : lorsque ses • Freud (1885), Beitrag zur Kenntnis der Cocawirkunx : 11 K.
dignitaires mandatéS apportaÍCllt Cll grand apparat ce Jivre historique a 9 Ernest Jones, vol. 1 : 60-61. Cf aussi Bernfeld ( 1953) : 2'>)

Buckingham Palace, pour l'applí l'atíon rítucllc de l'auguste sceau du 10 Freud (1885), Beitrag zur Kenntnis der Cocawirktm!i: 11 11 (ltilllqu•·, nti.:ttn.:,).

11 La premiere édition frano¡;aise de la biographie de rr ·ud p:t1 W•JI•· I, ( 1'l .>t1 , S•guuuul
Roi, alors George VI depuís ·19\7 , ~u u ve 1aín protecteur de cette haute
Freud : Der Mann, die Lehre, die Schule) parut en 1925. ('/ W111rh ( 1')') 1)). l· ~t ·t u/¡ • f la
institution honorant les plus gr; 1nd ~ sav; nlh de la Couronne d' Angleterre
femme enfant, qui contient cette biographie et les mémoi1cs.
depuis Isaac Newton. 11 fut tkvítk qnc Sig1nund Freud devait appartenir " Lettre de Freud a iones, 23/1011924.
a l'immortelle Royal SociL·ty. Mlii S l,(\1 1 l'- 1at de santé empechant un 13 Lettre de Freud a Wittels. 81111929, in Wittels, Freud rt lo /t "llltllt' t'lt/tltll ¡·,.¡ "1 ( 1t nl•
déplacement pour la signatt11t· du II V I(" , u11 luí accorda le privilege du ques miennes).
1 \ l'C IIICIN Mi\(OJ()ll l· 171
170 MENS()N(ii 'S l · l { l ~ lii)JI · NS 111\ICIIIll ltl ltll 111 ' ol t~ II IHI\. I i\ IICI N S H 'III.i\11{1 ,

14 Lettres de Freud a Fritz Wittels, 181121192.1 el I V8/ IVN tf'/ l'n: ud (11)2.1 et 1924), Review of Books, vol. 22, n" H (c1 1anl ll an l•.tn\'1 ' ( I'J'J 1). f)t •J Ni// Freud: Die Geburt der
Psyclwwwlyse wts der Lii/il' , EulllJlíi"l'l"· Vt·ll:ig,an,lalt, 1999). Je rappelle que, sur plus
Brief an Wittels). Wittels (Freud et la f emme enfrmt ) t'llc plus1.:urs w urriers. Mais des
de 900 leures de Freud il. Martha lkrnays. scu lcmcnt 93 sont publiées.
correspondances entre les deux hommes sont consig uécs daus les archives de la Library of
4 3 Borch-Jacobsen (2000), citanl llan lsracls ( 19Y3), Der Fall Freud (ibid.) .
Congress de Washington («dans le fond secret jusqu 'en 2000 >>, écrivait l'éditeur de
Wittels, Freud et lafemme enfant: 149n), et de nombreuses Jettres de Wittels a Freud ont
44 Bernfeld ( 1953) : 297 n51.
été détruites a Vienne en 1938 (ibid. : 120n). . 45 Jones, vol. 1 : 100 (sans référence).
46 Lewin (1924): 216. Son article contestataire de 1885, alors qu'il est présent en 1931
15
Lettre a Wittels, 1518/1924.
16 Lettre a Wittels, 1911111933, eitée par Molnar in Freud (1939), Kürzeste Chronik: 153 dans l'édition américaine de son fameux recueil de 1924, Phantastica, ne figure pas dans
(italiques miennes). l'édition franc;aise ni dans la publication de Byck qui n'en donne qu'un bref extrait (p. 25-
17
Par ex., Fritz Wittels (1933), «Revision of a biography», The Psychoanalytic Review, 26). On doit regretter aussi que les autres études de l'époque s'opposant a l'apologie de la
20: 361-374. drogue ne soient pas représentées dans l'excellente anthologie de Robert Byck collectée
" Wittels, Freud et lafemme enfant: 159. dans l' ombre d' Anna Freud en 1975.
19 47 Erlenmeyer, janvier 1886; cité par Bernfeld ( 1953) : 297.
(1925), Sigmund Freud présenté par lui-meme: 25-26. Cette Selbstdarstellung n'était
4 ' Cf ici le chapitre : Occultation d 'une bévue. . .
pas seulement une réponse a Wittels, mais aussi a d'autres menaces politiques et a des
49 Freud ( 1887), Bemerkungen über Cocainsucht und Cocai"n;furcht (art1cle repns dans
critiques tres dures, teJ le recueil de Louis Lewin qui venait de paraitre sur la cocai'ne.
2° Karl Koller (1934), cité par sa tille Koller-Becker (1963) : 254. Byck, avec une introduction précautionneuse d' Anna Freud ... ).
21 Leure de Freud a Wittels, 151811924 (in Byck, édit. (1975) : 224-225), ce que confir- so Freud (1887), ibid., Bemerkungen ... , p. 170 pour les quatre dernieres citations (italiques
mera Karl Koller en 1934 (in H. Koller-Becker (1963): 254). Cf aussi Bernfeld (1953): miennes).
51 Freud ( 1887), Bemerkungen ... , p. 171 (pour ces deux citations).
288-289. Apres s'etre allié a Konigstein dans cette affaire, Julius Wagner-Jaurreg rejoi-
gnit son camarade Freud du cóté de Koller. 52 Freud (1887), Bemerkungen .. . , p. 173.
22 Iones ' Papers, non publiés mais cités par Roazen (1975) : 70 n. Le témoignage de 51 Noll ( 1997) : 92.
Hirst, enregistré par Kurt Eissler, est consigné a la Bibliotheque du Congres de Washing- 54 Sur ces échanges, cf Lew·e de Freud a Jung, /914/1908; Lettres de Jung a Freud.

ton, avec les courriers secrets entre Freud et Emma Eckstein. 2214/1908 et / 91611908; Lettre de Freud a Jung, 21161/908; et Lettre de Jung a Freud,
2J Lettre de Freud au Professeur Melle1; 8//111934, non publiée, mais citée par Gay 2616!1908.
(1988), vol. 1 : 102. 55 Cf sa Lettre a Martha. 28/4/1885, déja citée, dans laquelle il déclare détruire 14 années
24 Cité sans référence par Jones, vol. 1 : 98. de documents.
25 Bernfeld ( 1953) : 290 (italiques miennes). 56 Beitrag zur Kenntnis der Cocawirkung.
20 Jones, vol. 3 : 105. 57 << Über die Allgemeinwirkung des Cocains » (la conférence de mars) parut le 7 aofit
27
Merton ( 1976), cité par Sulloway (1979): 467, et par Mahony (1984), Les Hurlements 1885, et « Bemerkungen über Coca·insucht und Coca'infurcht » (sa réplique aux attaques)
de l'Homme au.x Loups : 125. Cf, sur ces questions, Weisz (1975) : 363, et Sulloway le 8 juillet 1887.
(1979) : 467 sq. 5x Jones (vol. 1 : 106), qui reprend Bernfeld (1953) : 302.
20 Lettre a Martha, 211411884 (in Byck (1975): 68). Martha était déja informée en 1883 5° Freud ( 1897), Jnhaltsangaben der Wissenschajilichen Arbeiten des Privatdozenten Dr

des souffrances d'Ernst v. Marxow : cf note de Masson, in Complete Letters Freud- Sigm. Freud, /877-1897. Cette épreuve de titres (visan! la nomination au rang de Profes-
Fliess : 71 n2. sur Extraordinarias, qu'il obtint en 1902) ne doit pas etre confondue avcc le Currículum
29
Leure a Martha, 191611884, in Byck (1975) : 70. Vitae rédigé le 21 janvier 1885 pour sa candidature a la Dozentur (nommé Privat-~ozent
10
· Lettre de Freud á Martha, 71511884 (in Jones. vol. 1 : 89). en septembre 1885), Jeque! résume son palmares universitaire et non ses pubhcatwns.
" Lettre a Martha, 3/511884 (in Jones, vol. 1 : 89). "" Freud (1900), L'interprétation des reves: 103 (italiques miennes).
2
J Merck (1884), La cocai'rze et ses seis (in Byck (1975): 102 ; italiques miennes). 01 !bid. : 109 (italiques miennes).
~ 3 Remarque opportune de Jones, vol. 1 : 90. 62 Jones, vol. 1 : 106.
4
J Jones publie ceci en 1953 (vol. 1 : 89); or, les «connaissances actuelles>> étaient bien 61 Bernfeld (1953) : 303.
documentées et disponibles en 1884- 1885 ((f ir~/i"a)' 64 Bernfeld (1953): 303.
5 65 Par exemple, Haas ( 1983), cité par Hirschmüller ( 191JK). / .t•.1· f tw/,,s de Freud sur la
J Freud ( 1884), Über Coca : 90.
36
/bid. : 96. cocai'ne : 94.
37
Jones, vol. 1 : 97. "" Lellre a Martha, 1215/1884, prohibée dans les Brauthrit:/~' (t/ ll cHc h Jacohscn (2000),
J• Merck (1884), La cocai·ne el ses sl'i.r (111 Byd. (1975): 102). C'est moi qui souligne.
19
citant Han Israels ( 1993)).
The Saint-Louis Medica/ and S111 li im/ JrJ/1111111 . 1211 KH4 : 502-505 (repri~ in Byck 67 Otto Fleischl von Marxow, le frere du défunt, édilcra se' 1\'II VIt'' ' '""'Jikll'' ({;esam-
(1975): 108). melte Abhandlungen. J.A. Barth, Leipzig, 1893), ou SignH11HI l·xnn . <"¡•,.tlrlll<'"' assislant
40
Freud (1885), Über die Allgemeinw11klfng tf,.,. C'nmins: 129 (italiques miennes). de Brücke, ajouta une biographie de feu son ami.
41 Cf note de Masson, in Complt•lt' l .t•trn' ' '" ''"' follf' ss : 7 1 n2.
42 Lettre de Freud a Martha , 12/5/188·1, l""luh\T dan' le lot des Brautbriefe (lettres de "" Jones, vol. 1 : 100 (cf plus haut).
69 Rodrigué (1996), vol. 2 : 292.
fiancé), dont Han lsraels dénicha \()() n¡· uipl .lll\''. ,·¡. H1>rch-Jacobsen (2000), London
172 M ENSONGES H{l :tiiHI ·NS III SIIIII<I l l! IN I lll ' d N I <II I ~I I\ IIIl N SI ·C'lii .A IRI ·,

° Freu d avmt. une confiance


- ·
7

~~relei'ev;
aveugle en ce chlrurg1cn dt·votl 111111 ' p · 11 ..:urnpétent. Quand
l_e maitre de l'aéronautique soviétiquc, cut th.:s pwhlclliCS can.Jiaqucs. il exigea
Chapitre 9
d ~tre opere par le metlleur: le mtmstre de la sanlé ! Korele'icv m•>urut sur la table d'opé-
ratton et la Russte perdit son génie.
71
Occultation d'une bévue
Schur ( 1972), La mort dans la vie de Freud.
72
Lettre a Martha, 2í2!1886 (in Byck (1975) : 162, et Correspondance 1873- 1939).
:: Lettre a Martha, 18/111886 (in Byck (1975): 157, et Correspondance).
Lettre a Martha, 20/l/1886 (in Byck (1975) : 159, et Correspondance).
75
Lettre a Martha, 201111886 (ibid.) et du /Oí2//886 (in Byck (1975) : 162- 164, et
Correspondance). « Nous ne devons pas oublier que la relation
:: Cf Lewin (1924); Van Dyke & Byck ( 1982); Washton & Stone ( 1984); Jaffe (2000). analytique est fondée sur l'amour de la vérité-
Cf, par exemple, ses Lettres a Fliess des 241111895 ($E), 121611895 ($P), ou encore du c'est-a-dire sur la reconnaissance de la réalité -
12/l/1897 ($E). Cf aussi Wilcocks (1991) : 87 sq. - . et que cela exclut toute imposture et toute trom-
7
" Cf, notamment, les 30/5/1893 ($P), 24/1/1895 ($P), 4/311895 ($P), 20/4/1895 ($E), perie.»
26/411895 ($E), 25/5/1895 ($P), 12/6/1895 ($P), 2417/1895 ($E), 26/10/1896 ($P),
12/111897 ($E). 1?/12/18?7 ($P), ~7/9/1899 ($E) .. ., pour n'en citer que quelques-unes. Sigmund Freud (1937) 1
Pour le res~e de ·1 ed¡ficatlon, votr 1 mdex de The Complete Letters of Sigmund Freud to
Wtlh~f~t Fltess 1887-1904 (Masson, 1985) aux entrées : cocaine, heart condition, nose
condlllon, nose operations et Eckstein Emma. L'événement historique qui va nous occuper maintenant n' était en soi,
79
Cf, par exemple, la Lettre a Fliess, 271911899 ($E).
"" Thomton, The Freudian Fallacy : Freud and Cocaine (2' éd. révisée, 1986).
du moins pouvait-on l'espérer a !'origine, en 1886, qu'une erreur d'ap-
"' Gay ( 1988), vol. 1 : 632. préciation de jeunesse donnant lieu a une blessure narcissique complete-
" Webster (1995): 559 nl4. ment imprévue par Sigmund Freud, une personnalité bouillant d'ambi-
"' Cf Swales P. ( 1983), Freud, cocaine, and sexual chemistry : the role of cocaine in tion. Si cette humiliation publique était restée ísolée, Freud n' auraít vraí-
Freu~'.1· conception of the libido. Privately printed by the author, reprinted 1989 in L.
semblablement pas eu recours a son effacement, ni a la falsification de
Spurhng (ed.), S1gmund Freud : Critica/ Assessments, vol. 1, London/New York :
Routledge ; Wtlcocks (1991) : 66 sq.; Fuller Torrey (1992) : 10 sq.; Esterson (1993) : 119 1' histoire qu' il exécuta plus tard, rétroactívement. Mais 1' affaire prit son
sq.; Webster ( 1995) : chap. l. importance sur le moment paree qu'elle avait été précédée d'autres,
84 Jones, vol. 1 : 106-107.
semblables, notamment des cuisantes désillusions de la coca'ine. Et puis,
X.l Lettres a Fliess, Manuscrit e de 5/1893 ($P). elle se répétera a l'identique, en 1896, lors de la bifurcation constitutive
"" Selon ses termes, in Lettre a Martha, /9/6/1884 (Byck (1975): 70).
'
7
Cité par Dolnick (1998) : 36. de la naissance de la psychanalyse.
"' Frank Sulloway (1979) en dénombra 26, avant les découvertes des archives. En 1924-1925, il luí faudra désinformer sur cette affaire car, le
9
' Borch-Jacobsen (2000).
<JO Robert Wilcocks ( 1991) : 106 n32.
contexte et sa position ayant changé, son passé sera soigneusement recti-
91
L'a~cool fut supprimé en 1885 de la 1" formule du Coca-Cola, puis la coca'ine sera fié pour ne pas altérer l'image publique de sa nouvelle célébrité, et de sa
mterdtte en 1903. chere postérité. Alors, il ne s'agira plus d'unc errcur de na'lf ou d'imma-
92
Cf le Times de Londres, la Kürzeste Chronik (Freud , 1939) et les Notes and Record of ture, mais de toute autre chose : la rhétoriquc rétroactivc du mensonge.
the Royal Soc~ety a cette date. Le reste cst acccssib lc sur Internet, au siege du Freud
Museum de Vtennc : http : //freud.tO.or.atlfn:ud/ind ex -e. htm .

LE CONTEXTE

Son probleme est, dira-t-il a Wilhelm Fliess, qu ' il 11 't·st « t'll réa lité pas
du tout un homme de science, pas un observateur, pas 1111 l'X P ·rilllenta-
teur, pas un penseur. Je ne suis par tempéralllt'lll tit·n d' autrl' qu'un
conquistador- un aventurier, si tu préreres avt·c ttHIIt' la t'tll iosi 1é,
l'audace, et la ténacité caractéristiques d'un homnw de n ·tt t· tl\ ' lnpr D ·
tels individus ne sont habituellement estimés qu t· :-. ' d ~ 11111 ll't" !'> ' , ont
découvert quelque chose, sinon ils sont abandnntll''- ' 111 k luud du
174 Ml i N SON ( :I cS I·I<i'.I/1)/I ·NS 111\ltlllll ltl lr u l'l 'tll l l l li! Mi\ II!)N SI ·!'III .i\ IIW 1 11 1 11 1 1 \11! IN 11 IIN I · III ·VIIE 175

en éliminer le tiers - , on y vil au ss i un ~.: « aulre cc uvre géniale >> , bien


11
chemin [ .. .] pour le moment, la chance nr ' a quillc clj ~.: n~.: découvre rien
qui vaille »2 • En entreprenant ses rechcrchcs en hiolog i~.: el neuropatholo- que toutes les aftirmations qu ' e lle conticnt soient fausses,. com_m e le
gie, il voulait se distinguer du commun, mai s, écril -il a Martha, « il ne rappelle en 1988, apres d' autres, All an Hobson, neurophystologtste et
me semble nullement facile d'attirer sur moi l'altention du monde, car psychiatre formé a la psychanalyse, qu ' il quitta 12 • Cette «Entwurf», ou
celui-ci a l'épiderme peu sensible et l'oreille dure »3 . «Esquisse d' une psychologie scientifique>> - l'épithete rajouté aux
titres franc;;ais et anglais est déja l'usurpation d'une prétention scientifi- ,¡

D'abord, il s'était penché sur une grave question non résolue depuis que - , était une « Hirn-Mythologie >>, une mythologie cérébrale comme
Aristote : les testicules de l'anguille. «Personne n'a jamais vu, malgré on en fabriquait depuis 1'ésotérique Fechner ( 1873) avec beaucoup 111

les efforts innombrables accomplis au cours des siecles, les testicules de d'imagination. Imitation stérile de la psychophysique, échafaudée sur
l'anguille», écrit-il dans son rapport final a 1' Académie des Sciences de des connaissances parcellaires dépassées au moment de la rédaction, et
Vienne, le 15 avril 18774 . Grace a une bourse universitaire, il avait pu réduction hautement spéculative, elle marquera la pensée dualiste de 1

disséquer, a Trieste, environ 400 spécimens de la béte, mais - signe du Freud du début jusqu'a sa fin .
destin?- ne trouva rien. Daos le laboratoire d'anatomie expérimentale
de Stricker, 'Six mois d'expériences acharnées de Freud sur des glandes Freud revint au laboratoire de Stricker en 1884, puis essaya avec des
donnerent un résultat nul en 1878. Solomon Stricker recommen~a et collegues - dont Julius W. von Jauregg, que nous rencontrerons bientot
réussit aussitot5 . En 1879, sa préparation chimique destinée a isoler les - de reproduire l'expérimentation sur les glandes, et échoua anouveau.
tissus nerveux pour la microscopie- un mélange d'acide nitrique et de La meme année, il décrit dans les moindres détails sa nouvelle créa-
glycérine, invention explosive connue a de justes concentrations - , tion, la coloration au chlorure d'or des cellules et fibres nerveuses, car 11 '

n' eut aucun succes a l'extérieur du laboratoire6 . avant lui, « les histologistes ont imaginé d'innombrables procédés qui ne
13
se sont montrés efficaces qu'entre les mains de leurs inventeurs >> .
Puis, il crut approcher la théorie des neurones en 1882, qui lui échappa
L'idée n'était pas originale. Le chlorure d'or était, et demeure, une
également?. Waldeyer fera la démarche scientifique enfin nécessaire,
préparation employée en photographie pour la conservation et le virage
publiée sous sa forme modeme en 1891, dont Freud tirera une improba-
des épreuves noir et blanc. Et son utilisation en histologie lui avait été
ble extrapolation personnelle dans son « Entwurf einer Psychologie » de
suggérée par son ami Ernst Fleischl von Marxow. Cependant, Freud est
1895. alors si fier de son résultat, « merveilleusement clair et précis >> , dit-il,
Contester Freud au regard de la science risquant de saper les bases de sous l'objectif de son microscope, qu ' il traduit aussitot son article en
leur légitimité, done de leur dignité, les admirateurs du freudisme ont cru anglais pour Brain, revue mondialement réputéc. U.1 encore, les effets
reconnaitre chez lui, des cette époque, un grand précurseur de la neuro- obtenus par d'autres experts sont insatisfaisants , vari ant d'excellents a
anatomie contemporaine, de la neuropsychologie et, passant par la tout a fait nuls 14 • En 1884, une soi-disant «expérimcntation >> 15 sur l'in-
coca'ine, de la psychopharmacologie .. . Il devait étre un grand chercheur, fluence de la coca'ine dans la force musculaire a l'a idc du dynamometre
et un découvreur, d'emblée. Ainsi, l'ouvrage sur l'aphasie, publié en de Exner, pourtant simple mais mal conduile, éc ho uc complete ment. Et,
1891, est assurément « génial », afiirment les exégetes, car la liste des quoi qu'il ait pu en dire, la découverte de l' ancslhcsie localc pa r cct alca-
notions modemes y « est presque infinie»; c'est un tournant vers les lo"ide lui avait définitivement échappé durant 1' ét ' de la lllcmc année.
neurosciences actuelles, van té par les hi stori ens de la neurologie «les
Bref, c'est une accumulation de défaites. Mal gr des lravau x « méri -
meilleurs du monde» 8 . En fait, son lravail sur l' aphasie 9 , fondé sur des
toires » en physiologie, aucune invention n' esl 'll l'Oic s 111 W llllL~ . Des lors,
spéculations discutables, n'apportail ri en de neuf : la publication est
Freud prendra congé de la biologie paree que ses t'l iiiii H' Il'lllTS sc ic ntiti -
explicitement 10 une offensive r g ltx conlrc les autorités du moment
ques n'étaient pasa la hauteur de ses ambitiOII S, l' l plt1 ~ l:lld , il '> l' lih -
(Lichtheim, Meynert et WcrniCk · surl out), dont Freud, cherchant sa
rera de la neurologie, puis de la psychiatrie de son ln11p.~. p:11 l'l' qu ' l'lles
place, ne faisait pas parti e. D' aillcurs, il m: dispose pas de cas clinique, a
n' étaient pas dignes de lui.
la différence des vrais spéc iali sll'S qu ' il conteste. C'était son premier
livre. Quant a 1' « Entwurf CÍill.' l' J>syc hol og ic >>, de 1895 - un brouillon Outre son tempérament de conquérant déc;;u, FI\' IHI, ·~ I '"' dall' '""f' 'll'
dont Freud était suffisamm •n1 IIH"\'o llll'lll pour ne pas le publier et pour tenaillé par un besoin d'affirmation de soi tol ·ranl n11d l.1 ' ' ll lqt w ,., 1:1
176 MENSONOI ;S l•l<l :lii!II ·N.\ 111 '• lf 11111 11IIIH 111 'o iNIIIIII..ti\ IION ~H'lll . i\11<1 ' 1111 1111 /\ IIIIN 111/NI: III :Vl/1 : 17 7

c,~ncurre?~e·.,J?a~s une ~ettre de cctte t:poquc :1 M:ulha , il écrit qu'«a sanee en déce mbre llN5, lors dl' la pass ion de Frcud pour Fliess. Car,
1 ecole ~eJa, J eta1s parm1 les opposants les ph1s hardis, j 'ét.ais toujours la écrivit-il a Fliess, « s'il s'était agi d'un fils, je te l'aurai s annoncé par
pour défendre quelque idée extrerne » 16 . Au moment de la préparation de télégramme puisqu'il aurait porté ton prénom. Mais comme c'est une
la Traumdeutung - dont le titre est une provocation délibérée, autant filie appelée Anna, je te l'apprends plus tardivement» 25 .
q~e s~m vocabulaire inconvenant aux yeux des contemporains17 - , il sé
reJOUit du scandale, des impudences et des indiscrétions qu'il est en train Notre conquistador pourra aussi se rapprocher de glorieux décou-
de ~on~octer_ . Plus tard, sa Psychopathologie de la vie quotidienne lui
18
vreurs, et s'identifier a des modeles plus achevés d'explorateurs et de
« deplatt ternblement et déplaira, je l'espere, encare plus aux autres » 19. grands guerriers, de conquérants de nouveaux mondes et de messies :
Iconoclaste, son but avoué est de «Choquer le bourgeois», son destin est Alexandre le Granel, Hanniba1, Xerxes, Léonard de Vinci, Stanley,
de « troubler la paix en ce monde »20. 11 est fermement disposé aentamer Nansen, Napoléon, Bismarck, Newton, Garibaldi, Kepler, Darwin,
«une lutte avec Vienne »21 , et puis, en cas de· contradiction, il affectionne Copernic, Cromwell, Guillaume le Conquérant, Danton, Joseph - celui
l'insolence, souvent l'arrogance, parfois l'agressivité. Par exemple : de la Bible, !'interprete juif des reves prémonitoires du Pharaon, qui le
«J'a_i récemm~nt "commis" trois conférences sur l'hystérie dans Iesquel- récompensa par le pouvoir et les richesses - , voire ... Zeus, mais au-dela
les Je me sms montré tres insolen t. J' aurai plaisir maintenant a me de tous, Moi·se 26 . Quand Stanley Hall !'invita a une cérémonie pour le
montrer arrogant, surtout si tu continues a etre aussi satisfait de moi »22. jubilé de la Clark University a Worcester, USA, il se trouva aussitot «Une
ressemblance extraordinaire avec Christophe Colomb» 27 .
Le j~un_e psychia~e Joseph Wortis avait bien vu dans cet esprit de
contradictwn une fatblesse de caractere de Freud, dont il était loisible Nous so m mes a 1' automne 1886 et Sigmund Freud a trente ans.
d'user pour le manipuler. Dans les années trente, il entama une analyse
personnelle_ pour sa formation, qui se transforma vite en joute, dont Apres un diplome tardif de Docteur en médecine obtenu en mars
Freud pe~dit 1~ cont:ole, car ~ortis, malin, entrevit le truc. IJ fit par 1881, il est, par rapport a ceux de sa génération, en retard de trois années
dans ses études médicales commencées treize ans plus tot. Et sa carriere
~xemple etat? ~n «reve s~xuel simple» lors d'une séance, et entreprit de
!an~lyser. « J ai essayé, d une fa9on peut-etre tendancieuse bien que tout est en panne.
a fatt psychanalytique - écrira Wortis dans ses mémoires- de l'inter- Apres des travaux biologiques et zoologiques avec Claus, puis,
préter en lui donnant un contenu homosexuel. Freud n'admit pas cette jusqu'en juin 1882, comme assistant dans le laboratoire d' histologie de
i~te~rétation et la contradiction qu ' il m'apporta survint si rapidement et Brücke - qui !'incita a chercher sa voie dans une autre direction - , et
SI facllement queje me rendís compte que la se ule maniere de 1'amener a deux semestres en chimie chez Ludwig, il avait passé trois mois en
dire quelque chose était de dire le conu·aire. Je pensais qu'il y avait chez chirurgie chez Billroth, six mois en médecine interne (Nothnagel, d'oc-
Freu_d ~lus qu'~ne tendance a la contradiction, plus qu'un SOUP90n de tobre 1882 a avril 1883), quelques moi s chcz Mcynert entre 1883 et
pessimist~e et Je commen~ais a croire que ces caractéristiques person- 1886 (service des maladies nerveuses, puis laboratoire d'anatomie céré-
nelles avaient trouvé leur expression dans la théorie psychanalytique »23. brale), trois en dermatologie (Zeissl), quatorze en ncurologie (Scholz),
Déja~ a dix ans, Si~ismund - qui s'appela ainsi jusqu'en 1878, en cinq en ophtalmologie, et trois semaines en pédiatri c (1\do lf Baginski) a
souvemr de la dynastie des rois de Pologne protecteurs des Juifs - Berlín, a son retour de París en 18862g.
décida lui-meme du prénom de son frere qui venait de naí'tre en 1866, et Depuis quelques mois, il est chargé de cours {!'' il'llldo::.l·nt. 1885 ) a la
opta pour Alexander en l' honneur d' Alex andre le Grand de Macédoine. faculté, exécute quelques travaUX a J'instÍilll dl'S l'III:III( S lltaladcs de
So~ ~ls ainé prendra celui du céli'; brc ncurologue parisien, Jean-Martin, Kassowitz, et, depuis le dimanche de Pagues 188(,, iln nuvnt, ln.:s tardi -
mais Il ne sera plus que Martin quand son pere aura pris ses distances vement encare, son premier cabinet. 11 esl fortt·ntt'lll t" lld ·ttr , la dientclc
avec Charcot. Son deuxieme gan;:on, 0/iver, aura celui de Cromwell, son ne vient pas, et ces trois activités ne sont pa ~ "'''"'' vt·1> 1 1· IHHi vc au
a~tre ~ér~s; enfi~, Ernst Fr~ud pr ·ndra le prénom de son premier objet camouflet queje vais évoquer se déroule un nto1 s ap11 ~ ·.o11 """ 1a¡•,t· awc
d adm1ratwn, Brucke. Les ldles M(fthilrll' , Sophie et Anna auront Jeurs Martha, qu'il attendait depuis quatre annécs dt• 1 !'Id'"' l"p i·.l• tl.tllt", t·t
prénoms choisis banalemenl , par alkct ion pour des proches. Mais la quinze jours apres son voyage de noces au bonl dr l.t ll .dtu¡tw < \·tll'
derniere faillit s' appeler Wilhl'!m .' -''', prl' nom déterminé avant sa nais- union avait été également repoussée de deux ans 1Hllll dt ·. ,,,, .,,,, ., '"'""
111 1 111 L IIII N 1I' I IN I lli •VIJI· 1 /')
178 M ENSONGES FRI ·: IJOII ·.N S 111 ~ 1011<1 11 IJN I i 11 ',ft·H 111li\.1A II ON S I · (' \JL A I R I ~

d' autre que 1' appropriatio n par lui tlu « rappo rt » magnétique des hypno-
cieres, sur les conseils de quelques amis - Joscf Ur ·u -r, ou Hcischl von
tiseurs, c' est-a-dire la suggeslio n34. Et, comme disait Julius Wagner von
Ma_rxow par exemple - , dont il dépendait pour des prcts ct pour les
J auregg, « avec 1' hypnoti.sme, on ne sait jamais lequel des deux met l' au-
patlents qu'ils luí adressaient. Les jeunes époux vivent alors «une
affreuse pauvreté» 29 et ce ne sont pas de vains mots. tre dedans » 35 .

Jean-Martin Charcot va devenir quelques temps le nouvel archétype


. Le ~ucces n'est toujours pas la et notre homme, impatient et fougueux,
idéal de Freud. Les courriers adressés en janvier et février 1886 a sa fian-
dtstrmt par ces raisons familiales, n'a pourtant pas perdu le fil conduc-
cée pendant son stage dévoilent l' étendue de sa vénération, et de la révé-
teur de son besoin de gloire. 11 est a la recherche de sa niche écologique
lation : dans des conditions favorables, dit-il, il pourrait égaler !'admira-
pour asseoir son narcissisme sur le piédestal de la reconnaissance publi-
ble neurologue, qu'il s'efforce d'imiter tout en se lamentant de son
que. Mais il n'a pas trouvé son chemin pour sortir de l'orniere. «Mes
manque personnel de génie et d'assurance, et dont il décrit le bureau en
études insuffisantes ne me Iaissent pas la possibilité de faire de la méde- 36
détails, escomptant s'en servir comme modele décoratif pour le sien .
cine générale; il existe, dans mon instruction médica! e une !acune diffi-
Ce ne fut pas non plus une mince fierté pour Freud quand sa premiere
cile a comble~. Je n'ai appris strictement que ce qu'il f~llait pour devenir
traduction germanique précéda, le 18 juillet 1886, de plusieurs mois
neurologue», _é crira-t-il deux ans plus tard a W. Fliess 30 . Pendant Iong-
l' édition fran<;aise original e des travaux de Charco t. Le maltre de la
temps, les pattents de Freud ont été des cas neurologiques, et, lors de sa
Salpetriere eut toutes les raisons de se réjouir du travail « parfait» . tle
collaboration avec Breuer, celui-ci pouvait assurer les psychothérapies,
Sigmund Freud sur ses Lef¡ons, et de l'en féliciter dans so n courncr,
Freud les soins neurologiques. Freud ne pratiquera essentiellement, a sa 37
fa<;on, la _vsychothérapie qu'a partir de 1895. Mais il a peu de goüt pour toujours inédit depuis plus d'un siecle •
la médecme - le sang luí répugnait - et il ajoutera : « Je suis devenu Richard Webster fait remarquer que Freud avait subí a París une
thérapeute malgré moi »3 1. «Conversion initiatique», accompagnée d'une adulation totalement aveu-
gle38. Il était revenu de son voyage a París subjugué par son nouvcau
Le_s talents de Freud dans «la méthode anatomo-clinique », !aquel!e
maltre, avec une surévaluation de la stature de Charcot, une image idéali -
consiste a deviner la Iésion organique derriere les symptómes, luí avaient
sée sans se rendre compte, par défaut d'information, de la position réelle
fait mériter une bourse de stage et de voyage chez Charcot, a «la
de celui-ci parmi les savants germaniques, ni surtout de la nature du
Mecque des neurologues», afín de parachever, durant l'hiver 1885-1886,
débat. Assistant a quelques prestations magistrales dans une langue qu'il
ses études de neuropathologie. Toutefois, l'essentiel de ses performances
ne maítrisait pas tout a fait, Freud avait été profondément marqué par
consista a manipuler de la matiere cérébrale avec Liberius Osipovitch
l' ampleur du spectacle parisien, par l' aura du rhéteur et du clinicien
Darkshevitch32 dans les laboratoires d'anatomie pathologique de la
exceptionnel que fut Charcot, au point qu' a son retour a Vienne, il
Salpetriere.
décida que son propre destin, entin trouvé, était dans l'étude des proble-
A Pm·is, Sigmund Freud avait été me lé a un grand débat médico-scien- mes de l'hystérie et de l'hypnose. Mais, en raison de ses centres d'inté-
tifique de l'époque en Europe : la culture hy stérique. Le grand Charcot rets tres spécialisés, de son inexpérience et, il faut bien le dire, de son
faisait ses présentations cliniques grace a une douzaine de malades, habi- orgueil, il restait tres mal docume\}té sur l'envers du décor, sur les
tant les Iocaux de la Salpetrierc, souvcnt appo intés pour ses démonstra- travaux scientifiques concernant l' affection a la mode. ll admettra
t_i~ns pédagogique~ par ses collaboratcurs o u savamment préparés par ses d'ailleurs honnetement qu'a l'époque, il ignorait la psychiatrie, et
39
eleves, dans un clunat de suggcstiou r c iproquc tout a fait artistique et qu' « aux névroses, je n'entendais ríen » •
spectaculaire33 . 11 n'y eut qu e cinq , p ·ut- ·trc six , «grandes hystériques» 40
Ce « médecin malgré lui », comme disait Siegfried Bernfeld , n' était
- dont la célebre Blanche Whillul:tll , la fii "ÍIIIo Donna dite «la Reine des 41
pas informé de la littérature psychiatrique de son temps , n' avait a s on
hystéri_q ues » , abonn ~e au x p1 cs 1a11ons llil"all a les de ses convulsions, y
palmares qu'un stage en psychiatrie de cinq moi s chez. MeyncrL en 1883,
c?mpns dans le_:; ca tes dts ai ~· IIIOIII S . S i Cha rcot n'était pas dupe des
et possédait alors bien plus d'expérience daos la clisscc tion du p~trcn ­
Sl_mulacres, Je rol e deS t'OIIIIIIIIII II' IIIiOII.\ SIH'Ia) cs a lOUjOUrS échappé a
chyme nerveux que dans le maniement des problcmes macroscop1qucs
~1gmund_ Frcud , surt out s' ilctlit h11 11 1! 111 ~· 1111pliqué dans les manipula-
des malades mentaux. Il n'était pas psychiatre sc lon les staud ard s de
llons r6c1proqu es 1n·d~T i11 llt ul.uk d 11 1'. k « tl ;lu sfcrt », lequel n'est ríen
I H1
180 MENSONGES l · l<l , llllii ·N .~ lll 'o l ll lllf lt llrll 1•1 'olrH ltiiMAII(IN S l ·.( 'lil All<l '

l'é~oque, ~e ser~ pas ~onsidéré COilliiiC tcl par st•s col legues; mais il germaniqueS s'estimaient alorS, Ú /orl 011 i.J raiS0/1 , les ChampÍOnS SUf le
asptra toujours a ferratller avec les psychiatrcs oflicicls, surtout les vieux continent. 11 n'avait a fairc connaí'trc aucune avancée, et ne dispo-
meilleurs. sait pas de patient ni de découverte clinique a soumettre a l'appréciation
des autorités psychiatriques en octobre 1886. Freud est déplacé et ne le
Une conjuration de raisons personnelles va le précipiter dans la faute. comprend pas.

Or, il présente les theses de Charcot comme originales et révolution-


LA BÉVUE naires, alors que l'auditoire d'experts est plus informé que l'orateur sur
tous les points abordés concernant l'hystérie en général, masculine en
C'es,t sous I'empire ~·u~ état d'esprit tres contrasté, poussé par sa particulier. L'existence de «l'hystérie masculine classique» est alors
volonte de conquete, atgmllonné par des vexations antérieures - et enseignée depuis vingt ans et admise par les psychiatres, grftce a des
probablem.ent ~ar une ?ose de coca'ine, dont il avait besoin a l' époque études dont plusieurs promoteurs sont dans la salle, Jesquels, pour la
~ans le_s ~ttuatwns. soctales difficiles - , qu'il se présente au siege de plupart, ont été les professeurs de Sigmund Freud. Et Freud ne fit état
1 .Academ1~ .de~ Sc1ences, devant les hautes autorités de la Société Jmpé- que de Charcot, ce que ses auditeurs ne pouvaient admettre.
r!ale de Medecme de Vienne, le vendredi 15 octobre 1886, sans douter de
nen et surtout pas de soi-meme. Si 1' on veut bien y réfléchir un court instant, en se pla9ant froidement
du point de vue de J'auditoire et non du sien ni de ses imitateurs, il fait
Depuis s~ fondation, en 1800, cette Kaiserliche Gesellschaft der Arzte preuve d'un manque de tact vis-a-vis d'autorités médicales plus savan-
zu Wzen étalt une des sociétés savantes les plus prestigieuses au monde, tes, et d'un défaut de clairvoyance eu égard aux circonstances, au savoir
et les orateurs qui y défendaient leurs travaux devaient obéir a des stan-
disponible, et a l'histoire.
d~d.s ~levés d_' exigence scientifique, etre a la pointe des progres de leur
dtscJ~hne, mats surto~t avancer des innovations d'importance. Nombres Charcot est mondialement connu dans tous les milieux spécialisés,
~e deco~~ertes du stecle y ont été exposées, par exemple celles de pour son reuvre ou a titre personnel. Theodor Meynert, considéré alors
1 anesthes1e locale par la cocalne, par Karl Koller en octobre 1884 ou de en Europe comme une sommité en anatomie du cerveau, est en excel-
Se~melweis (qui travailla a l'institut gynécologique de Vienne) s~r l'in- lents termes avec Charcot. Moriz Benedikt lui rend visite régulierement
fectwn puerpérale, le 15 mai 1885. a París, et le soutient depuis vingt ans. Benedikt avait d'ailleurs
commandité le stage de Freud et luí avait donné une Jettre d'introduction
Sig~und Freud, a moins d'etre un extraterrestre isolé et ignorant les dont Charcot avait reconnu 1' écriture avant meme de 1'ouvrir. Freud ne
c~n.natssa?.cescontemporaines, est informé de l'enjeu, des regles d'un peut pas ignorer que Moriz Benedikt avait publié sur ces problemes en
mtheu qu Il connait pour l'avoir fréquenté, et desrisques. 11 faut, la se 1864, et sur l'hystérie masculine en 1868. 11 nc pcut pas méconnáitre
soumettre aux impératifs d'une exposition rigoureuse de travaux inédits qu'en 1885, avant son séjour a París, pres de ccnt travaux sur la seule
d~vant ~~~ plus grands savants européens de 1'époque, et a un interroga-
hystérie masculine étaient accessibles, et que sculc une poignée d' irré-
~mr~ cnttque serré, toujours digne mais impartía], confraterne) mais
ductibles prenaient encore au sérieux la théoric utérinc . Pour tous, c'était
tmpttoyable, car c'était une consécration sociale rituelle daos des discus- une antiquité ridicule, et J'hystérie masculinc était un l'ait avéré avant
sions académiques séveres, sans conccssion au sentiment, lequel n'avait Charcot. Charcot, contrairement aux croyanccs de F. cud, 11 ' avait pas pu
pas sa place eu égard a la portéc des inventions dans le monde exigeant réfuter la théorie utérine, puisque le fran9ais Picrre B1 iqlll:t, parmi d'au -
de la médecine. tres, l'avait déja fait en 1859- alors que Sigismun11 S. l;1eud n' avait
~n ig~ore pourquoi Sigmund Frcud y fi gura ce jour-la. Sa présence en que trois ans- dans un tres célebre traité résumanl d1 x l iiiiHT S d' l"ludcs
ce heu, a ce.mo~e~t, est tou.t a r:ail im:ongrue: a trente ans, il n'est pas sur une population de plus de 400 cas, ou il avait trouw 1111 IHllllllll" pour
un savant, n avatt nen produll h11 IIH llll' de notoirc, hormis ses errances vingt femmes affecté par ce qu'on appelai1 l' hl'·'·tnu· .1 1\' poqlll·.
dans. la cocaln~, et son conlrat pour i;1 hoursc de voyage a París n'avait Briquet, au passage, avait signalé premieremcnt qut· 1' h ~ ~~ · ~w 11 • .1 111'11 :\
pas mclus qu'tl exposat. ni par t:n it ni LTrtaincment en cet endroit les voir avec un probleme utérin, deuxiemement qu ' i1 11 • t"\1 P •~"• pu·.·.. hk
points de vue de Jean-Martin ( 'h:ucul sur l' hystérie masculine ~~ la d'admettre que les hystériques souffrent de « rcfouknH'III \ · •,¡ rwl •, 1.11
névrose traumatique, dans la co n11ai ~s au ·¡; dcsquelles les médecins les prostituées sont bien plus souvent touchées qUt: k .., lltlltlll •,
182 MENSON<>ES H{ l \ llllii ~ NS 111 \ 11111!1 111 11<1 111 '.f NI<IHM A IION SJ.,('lll .AIIO: 111 I A II ()N I )' IJNI\ III :Vlll\
lit t l !l.l

Charcot, enfin, dans ses fameuses ~~ lc¡,;ons sur ks nJaladics du systeme doute a-t-il a été détruit. Néanmoins , dilférents documents historiques
nerveux », rapportait les theses et travaux sur l'hystéric masculine réali- ont permis aux historiens de reconstituer la séance. Seule nous est parve-
sées par des spécialistes fran<¡:ais (Klein, sur 80 cas, Batault, sur 218 cas), nue, publiée sous son nom, sa présentation ultérieure d'un cas clinique
anglais, américains et germaniques. Certes, le neurologue de la Salpe- qu'il s'est sentí obligé de produire, le 26 novembre 1886, affirmant en
triere exprimait son désaccord sur la «névrose traumatique» qu'il assi~ avoir été « sommé » par Meynert pour appuyer sa démonstration 45 . En
milait a une forme particuliere d'hystérie masculine, post-traumatique. fait, Meynert !'invita a étudier un patient hystérique de son service, ce
Cette assimilation nosologique était alors l'objet d'une vive controverse qui n'est pas la meme chose, et Freud était allé le trouver ailleurs; mais
intemationale, de haut niveau; et les savants allemands, de leur cóté, il affirmera, en 1925, que les médecins-chefs chez lesquels il découvrit
voyaient dans la névrose traumatique une affectíon spécifique, distincte de tels cas luí « refuserent 1' autorisation de les observer et de les
de «l'hystérie masculine classique». 11 y avait, certes, un débat sur l'in- traiter» 46 , ce qui est done démenti par l'invitation de Meynert en 1886,
dépendance de la névrose traumatique. Maís Sigmund Freud devait bien laquelle n'est évidemment pas mentionnée dans l'autobiographie. Le cas ,¡
savoír. que « l'hystérie masculine classique » était acceptée par tous, y en question s' avere pour le moins ambigu, non pertinent aux points criti-
compns dans son pays, et que la discussion était éteinte depuis long- qués le 15 octobre, et Freud commet une erreur d'appréciation, car il est
temps a ce· sujet. Freud avait deux bonnes raisons pour etre informé : un mélange d'hystérie masculine et de névrose traumatique47 • Malgré
d' abord, il avait en mains sa propre traduction des « le<¡:ons sur les mala- cela, il prétend avoir été applaudi48 , mais semble le seul a s'en etre rendu
dies du systeme nerveux» de Jean-Martin Charcot, avec ses notes et sa compte, sans do ute paree que son auditoire «a 1' épiderme peu sensible et
préface. Cette traduction venait de paraitre a Vienne en juillet 1886, ou l'oreille dure».
ces éléments figuraient noir sur blanc. Et puis, Freud était présent a la fin
de l'année 1885 a la Salpetriere, au moment ou Charcot exposait, ex-ca-
Son autobiographie publiée en 1925 contient, en deux pages, au moins
thedra, ces cas d'hystérie masculine en situant parfaitement le probleme
et le niveau de réflexion des auteurs allemands 42. une affirmation fausse par phrase concernant cette réunion, son contexte
et ses suites 49 •
Pour l'histoire, qui se répete, notons que dans les tres officiels, mais Freud nous dit qu'il y aurait été victime d'un accueil hostile. Or, ce
expurgés, enregístrements des débats de la Société Psychanalytique de qui étonne est l'indulgence des autorités médicales de la Société Impé-
Vienne, lors de la séance homérique d'éreintement mensonger de la pub- riale, compte tenu de son absence de discernement, de sa méconnais-
lication d' Albert Moll, le 11 novembre 1908, il est quand meme assez sance et, d' une certaine maniere, de 1' affront qu ' i1 leur fit en les faisant
extraordínaire d'apprendre que « Freud a été le premier a voir que l'hys- passer pour des ignares. Que 1' accueil fut « froid » et austere n' avait ríen
térie se produít e hez les hommes et les enfants ... » et qu' « avant Freud, on de surprenant en ce lieu; toutefois, Freud nc fut ni mieux ni moins bien
croyait que l'hystéríe était une affection qui ne se produisait que chez les serví que les autres intervenants du meme jour, ct n'eut droit a aucun
femmes ... »43 . Sígmund Freud ne recti fia rien ce jour-la. Pourtant, la ostracisme, bien au contraire. Le président de la séance, Heinrich von
encore, íl était bien placé pour corriger les erreurs de ses fideles : comme Bamberger, reconnait les mérites de Charcot, mais s'avoue « incapable
l'hystérie masculine classique, l'hystérie chez les enfants était un objet de trouver quoi que ce soit de neuf dans le rapporl du Doct c ur Frcud, car
d'études courant a l'époque. Charcot , par exemple, avait exposé ses cas tout ce qui a été dit est déja connu depuis lon gtcnlps » ~ 0 . Et e' cst tres
personnels, en 1887, et Freud avait traduit ses «le<¡:ons du mardi» en exactement la le probleme que Freud cst incapahh: de comprcndre.
1892-93, ou ceux-ci figuraient, commc les conférences sur l'hystérie Moritz Rosenthal, Theodor Meynert, Maximilian Leidcsdort , tour iltour,
masculine de 1885 qui se trouvcnt dans ks « le<¡:ons sur les maladies du luí rafraichissent la mémoire sur leurs propn.:s ohsn vations l't publica-
systeme nerveux » parues en 18864 '1. tions regardant l'hystérie masculine, que Frcud l'St l'l'IISt' IHrn connaí'trc,
et paree qu'il a travaíllé avec Meynert durant troi ~> :utnLT~ . 1' / 1'¡•t, • flrécé-
dent son exposé. Il devait savoir qu'un cas d' hystnu· u11"1lllllll' 1ss u du
LA SOUSTRACTION service de Meynert venait d'etre publié sous la n·s pou:-:illllllt• dt· 1TI111 ~· i .
en septembre 1886, un mois avant son intervt:nt1o11 111.1 1'. d r~l v1ai
Remarquons, pour commenn·1, (]11\' k tt·x t~: de l'exposé de Freud d'oc- qu'a ce moment, l'attention de Sigmund était di :- I•Hiit' p111 ~· ~ wu1w
tobre 1886 a disparu, ce qui L'~> t c11 ~>~ 11 uut· c uriosité intéressante, et sans épouse. Et par bien d'autres sources de dispcrsion
184 MENSONGES I·RU/Ilii , N .~ 111 ,\ 1! 111<1 11 I IN I 111 'd NI 1 11 1 ~ 1 1\lll IN ~ H 'lii .AII<I ' 111 1 111 IA II() N ll ' IIN" ll(VliE I XS

Freud est seul fautif en cette affaire banale dont il <tllribucra la cause a avait toujours niée. (ll cst tout a fait clair que Meynert acceptait, comme
autrui. Si 1' on peut, a la rigueur, luí trouver son age commc circonstance les autres spécialistes, l'hystérie masculine classique.) Selon son propre
atténuante au moment de l'incident, bien qu ' il ait déja trente ans et aveu, continue Freud, Meynert « avait l'habitude de se griser au chloro-
qu'on le considere précoce et doué, illa perd quand il rédige a soixante- forme» qui lui avait val u «un séjour en maison de santé». Et la confes-
huit ans, en 1924, son autobiographie. Car, pour bien appuyer son trait, il sion ne manqua pas de susciter son «grand étonnement» 55 .
y ajoute l'ingratitude et la déloyauté, et ce sont des euphémismes.
Le cher biographe officiel du pere de la psychanalyse finira le travail
Heinrich von Bamberger- présenté par Freud comme un de ces réac- en 1953, avec une poignée de clous. 11 nous révele en effet que Theodor
tionnaires attardés qui se sont offusqués de son exposé novateur - le Meynert était un ivrogne. Jones ne cite pas la source de cette aftírmation,
soutenait suffisamment pour avoir été parmi ceux qui lui accorderent une mais puisqu'il ne rencontra pas Meynert, on peut présumer que ce juge-
préférence lors de l'octroi de sa bourse et de son stage a Paris. Meynert ment lui fut donné par Freud. Et, rajoute+il, «l'ivrognerie, nous le
avait «chaleureusement» ouvert a Freud les portes de son laboratoire de savons, se trouve souvent associée a la jalousie, a la méfiance et a l' hos-
neuropatholo~ie, et poussé a plusieurs reprises pour qu'il devienne tilité. Des lors, etjusqu'a la fin de sa vie, Meynert, qui mourut en 1892,
médecin attaché des hópitaux. Puis, avec Brücke et Nothnagel, Meynert eut quelques peines a garder la maí'trise de soi-meme» 56 . Du coup,
1'avait proposé a la nomination au Privatdozent en juillet 1885, ce que le Ernest Jones en oublie l'intoxication cocai'nique de son maltre a l' épo-
ministere entérina en septembre, malgré tout. que.

Les raisons qui firent de Theodor Meynert la bete noire de Sigmund Theodor Meynert reste done pour la postérité, gríke aux fondatcurs de
Freud sont mal connues, paree qu'elles sont affectives, demeurent secre- la psychanalyse, un double toxicomane, abruti par les vapeurs d'alcool el
tes, et paree que le seul point de vue offert au public est celui de Freud5 1• de chloroforme, menteur sa vie durant, et qui, par son opportune hysté-
Freud admirait encore son maí'tre Meynert au moment des événements. rie, montre aquel point le monde médica! fut malveillant et de mauvaisc
Meynert l'attaquera, il est vrai, mais plus tard, en raison de son caractere foi a l'égard de Freud des 1886. Le compte est-il réglé? Pas tout a fait.
dogmatique, catégorique, et non scientifique 52 . Theodor Meynert décrira
alors chez Freud des défauts que sa propre réputation lui attribuait Freud prétend, dans un meme paragraphe sur les suites de !'affaire de
53
aussi , ayant débusqué les travers du personnage que la majorité des 1886, d' abord qu' « on » (Meynert évidemment) lui ferma le laboratoire
polémiques ultérieures (avec Breuer, Fliess, Bleuler, Adler, Jung, Fritz d'anatomie cérébrale, ensuite qu'il n'eut pas de local pour assurer ses
Wittels, pour ne citer que les plus importants) confirmeront par le meme cours pendant plusieurs semestres, qu'il se retira de la vie académique et
diagnostic. Sigmund Freud ne pardonnera jamais a qui que ce soit, a associative, et en fin, que «cela fait une éternité que je n' ai pas mis les
fortiori a I'un de ses mentors, de l'avoir démasqué avec une telle acuité. pieds a la "société des médecins"» 57 . Telles seraient les vérités officiel-
les, propagées par lui, puis par ses adeptes qui ressassent « inlassable-
En 1925, la personne de Meynert sera dépréciée de fa~on doublement ment les memes erreurs, lesquelles, a force d' etre répétées saos autre
rétroactive, en l'affirmant hostile a son égard d'emblée, bien avant la examen, ont acquis une trompeuse apparence de vérité» 58 . Car tout cela
rencontre humiliante d'octobre 1886, et en dépit du fait que leur vérita- est faux. Ses fideles ne peuvent l'ignorer puisque tout est vérifiable sans
ble brouille eut lieu trois ans plus tare!, en 1889. Ainsi, écrira+il, quand effort. Mais a la vérité factuelle, les psychanalystes préferent la vérité
Meynert, quelques années avant la f:lchcusc réu nion, l'avait honoré en narrative. Malgré la mise en évidence d'une contrefa~on cte l'histoire,
luí promettant de luí céder sa chairc d'an atom ic cérébrale, Freud avait l'hagiographie par ses plus dignes représentants la reproduit a l'infini.
déja eu la puce a l'oreille, n'esl-cc pas. 11 avait «déja deviné que cet Peter Gay, par exemple, dévalue consciencieusement les auteurs icono-
homme génial n'était pas du toul. favorablcmcnl disposé a mon égard »54. clastes sous des prétextes futiles qui sont autant d'insultes a l'intelli-
Done, il aurait refusé cette chairc, pour aulant qu'elle lui ait été réel1e- gence du Iecteur, alors qu'il integre dans sa trame lcurs informations
ment promise. Freud lui avait au ss i fail tlt()J'dn: la poussiere en 1900 dans quand eJies lui conviennent. Ernest Jones est ainsi pour Gay un « disciple
une autre vengeance posthumc t'll ;tfli llllanl que Meynert, in articulo nullement servil e» et « extremement bien informé», 1ou1 c foi s il faut lui
mortis, lui aurait confessé avoir \'al'lw loult' sa vie qu'il était lui-meme reprocher «Sa malveillance a l'égard des autres disciplcs de Frcud » et
atteint d'un des plus beata ('(/.\' dt · 1' /n •sft 'l'll' 111asculine classique qu' il « apparemment une jalousie invincible »59 . El puis. Pclcr Gay fait
1111 1 11 llli N lt I IN I 111 VI II •. l XI
186 MENSONGES FREUDIENS III S 11 liHI ' 11 II N I 111 ',I NI t lllMA IIII N S l·. l 'lll .AIRE

soudain sur cette aventure le silence complet, renvoyant a nouveau servi- Fsl ce bien le meme personnage lJl" alllrmc a Sandor Ferenczi : « La
lement a la biographie de Freud par Jones, bien qu'il ait rappelé qu'elle W l il ~ cs l pour moi le but ultime de la science », puis a Albert Einstein :
est inexacte sur de nombreux points, tout en oubliant que son prédéces- ., .Jc nc co mpte plus panni mes mérites de dire toujours la vérité; c'est
seur; auquel il ne renvoie pasen l'occurrence sur cette appréciation, avait d ·wnu mon métier» ?65
déja pris quelques distances avec la fable6°. ·
¡[1

Au moment de son exposé controversé d'octobre 1886, Freud n'était ENVIES ET GRATITUDE
pas encore membre de la Kaiserliche Gesellschaft der Arzte zu Wien. 11
proposa lui-meme sa candidature a ses mentors apres la séance, le 16 Non seulement il ne se retira pas de la vie académique, mais de
février 1887, et fut inscrit définitivement le 18 mars suivant. Personne ne surcroí't, il en convoita tous les honneurs, fut ulcéré de n'avoir sa promo-
lui fit grief de ses attitudes. Pendant des. ánnées, il participera aux tion au rang de Professor Extraordinarius qu'en 1902 et non des sa
sessions, payera régulierement ses cotisations, offrira a la société des prcrnicre candidature en 1897, et, toujours asa demande, obtint enfin le
spécimens de ses livres, et puis, membre d' honneur a partir de 1931, il titrc de Professor Ordinarius en octobre 191966 •
ne quittera en fait la « société des médecins » qu' en 1938 a son départ de
«J'ai un grand talent pour me plaindre», dit-il 67 , avouant aussi sa
Vienne. JI est clair qu' en aoílt et septembre 1924, au moment ou il rédige
<< so i f de martyre » 68 . Il a une propension punitive et d' expiation, estime
sa « Selbstdarstellung», il y est encore et écrit pourtant qu'ill' a abandon-
Pcter Gay6~, et «comme d'habitude, il gémit un tout petit peu plus que
née presque quarante ans plus tót! Néanmoins, « il n' était pas homme a
esqui ver la proclamation de la vérité, aussi impopulaire fut-elle »61 • nécessaire »70 .
Mais il a surtout un ternpérament sensitif qui l'entoure de malveillan-
Bref, comme disaient nos grand-meres, «tout c;a, c'est des menteries»! ces, le persuade des perceptions, inexactes, de rejets réitérés, et d'un
Mais ce n'est pas fini. ostracisme perpétuel. Quand le clan de Melanie Klein attaquera son pur
produit charnel, Anna Freud, il se demandera si ces ,agressions infames
A 1' automne de cette année-la, Sigmund Freud don na en réalité des n'étaient pas, en réalité, dirigées contre lui-meme71 • A l'occasion de son
cours daos ces locaux prétendument fermés pour lui seul, et ses auditeurs ti asco du 15 octobre 1886, «les grandes autorités avaient rejeté mes
72
furent nombreux 62 • Ses enseignements a l'université se poursuivirent nouveautés », alors <<je me trouvai rejeté dans 1' opposition », écrit-11 ,
deux fois par semaine jusqu'en 1917- auxquels assisterent ses apótres bien qu'il témoigna manifestement Iors de la réunion de son ignorance
fervents, y compris sa filie Anna et Max Schur. D'ailleurs, les fameuses des problemes, qu'il attribuera aux grandes autorités, lesquelles, apres la
Conférences d'introduction a la Psychanalyse firent partie des dernieres séance, l' accepteront charitablement dans leur Société lmpériale, malgré
Iec;ons d'avant-guerre, et leur publication est généralement matérialisée a ses impardonnables bévues.
quelques centimetres de son autobiographie sur les rayonnages de librai-
rie. Et on le retrouve encore enseignant, entouré d'admirateurs fanati- Mais de quelle opposition s' agit-il? O u est done 1' ostracisme? Est-ce
ques, a I'institut de psychiatrie de l'hopital général de Vienne en 1923, le « splendide isolement» qu 'il s 'est imposé el lui-merne suivant les
jusqu'a la veille de sa premiere opén.ttion de la machoire6 3. conseils de son ami Wilhelm Fliess, et dont il aura, s'y étant installé
11
complaisamment, toutes les raisons de se réjouir ?'
«Je n'ai jamais abandonné mes activités professorales, mais j'ai sage-
ment continué a enseigner penclant trcntc-dcux ans et n'ai mis fin a mes Les memes plaintes se reproduiront dix ans plus tanl dans les suites
conférences libres qu'en 19l!h, éc rit i1 a u pasteur Ptister le 9 juin 1924. de la conférence cruciale du 21 avril 1896 sur l'étiolop. ic de l' hystérie -
Mais alors, est-ce bien le mGmc 1k'' l'rofcssor Sigmund Freud qui lors d'une série d'événements d'une toute autrc cnvl·rgllll', el qui joue-
affirme quelques semaines plú~ 1:11 d. dau s son autobiographie rédigée rent un role cié dans l'histoire de la psychanalySl' : lt\ t·ncon· , il aurait été
durant l'été 1924, «jeme rctirai s dl' la vw univcrsitaire» dans les suites victime d'un «accueil glacial», de l'incornpr ~ hl'll S HHI dl' ~ :im:s arro-
de !'affaire de 1886? Dans k h'XIl', Il ~·: 1 ¡• i1 hicn de son activité acadé- gants74, la encore, il prétendit se retirer d'une Socit•tt• ¡/, • Nt •tuologi¡· ct de
mique a I'université. MCIIIC Hrn ·~ t IPill'S l'SI llhli gé de s'arreter sur cette Psychiatrie réfractaire a son invention révolutionn :llll', (,) l'lll' llll' , Oll l'y
extravagance de Freud 64 . retrouve malgré tout, assidu des années duranl aux l'"'"l:illl lll " 1k Sl'S
188 111.~ 1< 111<1 11 l IN I lll '. IN IIII<I"A I 1< IN
M ENSO NOES I'IWI JI>li ·.NS S H '1/l.AIRE <H i 111 11\ IIII N 11 IIN I III ·Vlll' 1~'1

collegues ignorants 75 . Freud dira pis que pendrc du Baron (F'reiherr) von a son Excellence, le ministre de l'éduc.:ation Wilhelm Freiherr von
Krafft-Ebing qui avait entendu clairement le 21 avril 1896 un conte de Harte!. Car c'est ainsi que les affaircs marchent : <d'ai appris que notre
fées ( « Ein Wissenschaftliches Marchen»), quand Freud lui-meme vieux monde est régi par 1' Autorité, comme le nouveau par le Dallar.
n'avait sobrement prévu qu'un Conte de Noel, mais c'est la, comme J' ai fait mes premieres courbettes devant 1' Autorité et puis done en espé-
disait Rudyard Kipling, une autre histoire, prochaine et autrement plus rer une récompense » 79 •
grave.
En fait, le tableau en question, d' Arnold Bócklin, était resté chez ses
Pourtant, un document manuscrit de von Krafft-Ebing daté du 10 mai propriétaires.
1897, e~ signé par ~inq autorités magistrales de la Faculté pour appuyer
la candtdature de Stgmund Freud au titre de_Professor Extraordinarius, Une autre bonne raison invoquée par Freud aux embúches dressées sur
confirme l'indulgence et la tolérance du pouvoir médica! de l'époque a son chemin vers la célébrité mondiale est l'antisémitisme endémique.
l'égard d'originaux comme lui : «la nouveauté de ces recherches et la
Depuis que Sigmund Freud a évoqué les sources de l'opposition a la
difficulté de leur vérification n'autorisent pas de jugement sur leur
psychanalyse, con~ues comme une pathologie mentale, et surtout dans
importan ce i:lans 1' immédiat. ll est possible que Freud surévalue et géné-
un célebre article rédigé en septembre 192480 immédiatement dans la
ralise exagérément ses découvertes. Quoiqu'il en soit, ses travaux en ce
foulée de sa mensongere Selbstdarstellung, les historiens se sont
domaine sont la manifestation d'un talent inhabituel et d'une capacité a
penchés, mais surtout apres la seconde guerre mondiale, sur la question
conduire des investigations scientifiques daos de nouvelles directions » 76_
de savoir si, comme il l'écrivait lui-meme, sa «qualité de Juif (... ) n'a 1"
Lors de la réunion officielle du Professorenkollegium, qui eut lieu le 12
pas été pour une part dans 1'antipathie générale contre la psychana-
juin 1897, sa candidature fut acceptée a 22 voix pour, et 10 contre77. Le
lyse » 81 , et ces problemes sont abondamment documentés.
décorum était un conservatisme autoritaire et ritualisé, le fond un libéra-
lisme charitable et progressiste. Nous avons inversé tout cela Pour ceux qui nous occupent précisément, une réception antisémite de
aujourd'hui. son allocution du mois d' octobre 1886 est difficile a admettre : trois de
ses quatre contradicteurs (von Bamberger, Rosenthal, Meynert,
L'élévation au rang de Professor fut une éclatante victoire. Freud I'an- Leidesdorf) étaient juifs eux-memes. En 1888, Freud voulut démission-
non~a quelques jours plus tard a Wilhelm Fliess comme la reconnais- ner de la« société des médecins » car cette '<honorable Chrétienté est tres
sance universelle de son infaillibilité, et puis comme une bonne Je~on indécente » : elle voulait en effet inciter ses membres a souscrire pour la
pour tous ses détracteurs. Sa Majesté I'Empereur Fran~ois-Joseph Soi- revue Wiener klinische Wochenschr!ft, laquelle devait soi-disant soutenir
meme est confondue par la vérité de la théorie de la sexualité; la certi- les vues élevées, chrétiennes et purifiées, d'un cortege de pontifes ayant
tude aveuglante de la signification des reves pétrifie le Conseil des «depuis Iongtemps oublié le sens du mot travail »H 2. Le bureau éditorial
Ministres; la nécessité du traitement psychanalytique de l'hystérie est de ce journal, dirigé par Heinrich von Bamherger, était en réalité
validée par un vote démocratique des deux tiers du parlement... C' est la compasé de nombreux Juifs, y compris Ernst Flcischl von Marxow,
renommée, l'approbation du peuple lui est acquise, les envois de fleurs !'ami de Freud, et n'avait pas beaucoup d'honorahlcs Chréticns «tres
pleuvent, et, rajoute Freud pour finir, «les admirateurs intimidés me indécents» asa disposition 83 . Freud était en fait tr s susceptible sur ces
saluent de loin dans les rues» 78 . Cette lettre se trouve etre la derniere de questions.
1'édition fran~aise. Une carte posta le du 1O septembre 1902 la suit qui
signe l'apothéose: «Amitiés du point culminant de mon voyage». D'autre part, une persécution antisémitc rt·tmdaut sa nomination
comme Professor Extraordinarius est égall:m •nt IIIIJllllhahk dans son
L'~xpli~ation d'un tel délai -:- de janvier 1897, quand Nothnagel et cas particulier a ce moment-la. L'Empercur av;11t lu ll"IHIIatlon ntl'ri téc
Krafft-Ebmg le proposerent a la promnt ion, jusqu' a la signature de l 'Em- d'etre le protecteur des Juifs, qui venaicnt s'L• tallln :1 YH ' IIIH" dcpui s
pereur le 5 mars 1902- lui paraí't n:lt:wr des méchantes pressions exer- 1860, et surtout depuis la loi d'émancipation <k IHI1/ ,1\\lll<l.tnl lilwlt('
cées pendant cinq ans contrc lui au plus haut niveau des responsabilités de logement, de circulation, et l'égalité des droits . l • l.fll ~ol'. lu.., <·ph l<'lu
ministérielles. Finalement, une pat ientc, la Baronne Mari e von Ferstel, sera quatre fois la nomination du maire élu de Vinllll', lt• '·"' 1.11 < l11 clll'll
femme de diplomate, aurait pri!-- l' initiatiw d 'ollrir un tableau de valeur Karl Lueger, du fait de la réputation antisémite e)¡·,,.¡"' <1 1 ' 1'111¡1<11'111
1\10 M EN SO N(j i ;S I'Ri clJI )II \NS . 111 \ 11!11!1 II I IN I l•l ' d N I II I I~ I !111 N ~1 · ( ' 1 11 A ll{ l i 1'11
' " ' 111 t \tlllN III IN I • II I·VIII·.

ne pouvait supporter les querelles antisémitcs ct l'Xprilllait son rnécon- conditi ons aclverscs bien trouhll' c~, (,.~ •y,, d e~ avoca ts ct 47% des méde-
tentement, au point de quitter avec un ostentatoirc fracas sa loge impé- cins étaient juifs9 1.
riale du théátre lorsque des spectateurs oserent scander des slogans hosti-
les aux Juifs. Le ministre responsable des affaires universitaires, Son Le baron (Freiherr) Richard von Kralfl-Ebing mourut en 1902, année
Excellence !'incorruptible Wilhelm Freiherr von Harte!, avait condamné de la premiere nomination. Juliu s Wagncr von Jauregg avait pris en 1899
l'antisémitisme devant le parlement, et puis était attaqué a cause de son sa succession a la direction de la clinique psychiatrique de l'hópital
zele prosémite car soixante-dix pour cent des candidats gratifiés ces général de Vienne au moment ou Freud finissait la rédaction de la
années-la par la Dozentur et promus a des postes élevés de l'enseigne- Traumdeutung .
ment étaient juifs, ce qu'on considérait comme une injustice eu égard a
la démographie. Car, selon David Klein, on dénombrait a Vienne, un an Von Jauregg avait fait une partie de ses études avec son collegue
avant la naissance de Freud, environ 6.000 Juifs, soit 1 % de la popula- Freud, qu'il tutoyait. 11 était certes opposé a la psychanalyse, mais non a
tion de la capitale, puis, en 1900, 147.000, soit un peu moins de 9% . A la personne de Freud, lequel était informé de l'état d'esprit de son colle-
la fin du xrxe siecle, 1,5% de la population de tout l'empire Austro-Hon- gue, d'abord par un disciple, l'analyste Viktor Tausk, qui appartenait a
grois et moins de neuf pour cent des Viennois étaient juifs84 . l'équipe médicale de von Jauregg depuis 1912, ensuite par Helene
Deutsch, qui y figurait également et lui faisait des confidences sur le
On peut se résoudre a affirmer, avec Elisabeth Roudinesco, que le di van, 19 Berggasse depuis la fin l918n.
prosémite est aussi antisémite, car «dans les deux cas de figure se cache
un discours antisémite. Il est avoué et évident dans 1' attitude dénigrante, En 1919, J'autorité universitaire de Wagner-Jauregg lui permet d'épau-
il est voilé et refoulé dans le comportement philosémite. Décrier !'esprit ler son ancien camarade. Élevé au rang de Chevalier (Ritter), Conseiller
juif ou l'inférioriser, cela revient au meme que de l'étiqueter supé- a la Cour, il rédigera a cet effet une lettre le recommandant pour le titre
rieur»85. Quoi que vous fassiez, vous etes antisémite. En poursuivant ce convoité de Professor Ordinarius qui, cette fois , honora Sigmund Freud
raisonnement, si Freud avait été honoré plus tót, il aurait dfi ce privilege aussitót93 .
a l'antisémitisme, s'ill'obtínt si tard c'est encore a cause de l'antisémi-
tisme, la « métaphore de tous les racismes » 86• L' antisémitisme est done Au début de l'année suivante, pourtant, Freud rédige a son tour un
responsable du fait qu'a la fin du xrxe siecle, a Vienne, plus de la moitié étrange rapport d'expert a la demande d' une commission d'enquete
des médecins et des avocats étaient juifs, et que la plupart des banques et parlementaire du fait de plaintes de malades dé~us pendant la guerre par
la quasi totalité de la presse étaient contrólées par des Juifs8 7 • des neuropsychiatres, et en particulier contre le Prof von Jauregg.
Découvert dans les Archives Militaires de Vienne, le texte, avec les
En fait, ils « furent de plus en plus nombreux a parvenir a des fonc- débats, ne fut accessible qu'en 195694 . Dans une rhétorique sophistiquée,
tions de maitre de conférences et de professeur dans les facultés profanes qui semble défendre Wagner-Jauregg, en fait, l'expert y oppose les
de l'Université, de médecins-chefs dans les hópitaux, ainsi qu'a des « succes extremement favorables dans eles e as graves de névrose de
postes de hauts et de tres hauts fonctionnaires »88 car, «dans l'élite intel- guerre grace a la méthode psychothérapique indiquée par moi ». _a
lectuelle, les attitudes antisémites ne jouaient pour ainsi dire aucun « l' échec définitif de la thérapie électrique des névroses de guerre » utih-
89 sée par le précédent95 .
role » . Les autorités s' obligeaient a assurer un relatif équilibre dans la
promotion et la circulation des compétences, et Freud ne fut certaine- Lors des audiences qui eurent lieu quelques mois plus tarcl, Freud s'est
ment pas le seul dé~u dans ces norninati ons : d'honorables Chrétiens conduit d'une maniere déshonorante et hostile sans raison valable contre
furent négligés aussi.
son protecteur qu'il chargea et accabla, transfonnanl k s auditions en
joutes oratoires féroces et insultantes. Wagner-.l aurcgg es t pour lui un
Bien sur, au printemps 1933, aprcs l'act:cssion d'Hitler au pouvoir, médiocre psychologue, il incline a voir des simulat ·urs part out , il s'cst
Sigmund Freud n'aura guerc de rai snn de changer son jugement «en ce trompé car il n'a pas utilisé La méthode psychanal ylique dont les clfcts
qui concerne la nature humain ·. sp~c ialernc nt l' aryano-chrétienne»9o. sont extraordinaires, et s'il avait été capable de k l'aii L', l'l'S pl aint cs
Mais, en 1936, a Vienne, dcux an s avant 1'A nschluss nazi, dans des n' auraient jamais eu lieu, etc.
1'12 MENSON(iES 1·1<1'.1/IIII •NS IIJ.', Iilll<l 11 11/H 111 '. I NIIJI!MA II()N SH 'IJI AIRE 1H 1 111 1¡\ IION 1 l'IIN I· JI(' VIJE 1'13

Von Jauregg, catholique, a le memc ag~ qu~ l,.r~ud a un an pres mais, non pas ce qu 'il était, mais ce qu 'il avait fait qui fut responsable du délai
seul des deux a etre psychiatre, il s'était porté volontaire pour servir dans l'attribution du titre de Professeur. Son prosélytisme en faveur de la
pendant toute la durée du conflit mondial, sans grade, ni uniforme, ni coca·lne (meme s'ill'avait supprimée en 1897 de son épreuve de titre, la
solde. II avait soigné un nombre considérable de névrosés de guerre et de publication était faite depuis plus de dix ans et les autorités étaient
simulateurs, et pouvait objectivement se prévaloir d'une expérience que nécessairement informées), son soutien fanatique des idées de Charcot
le psychanalyste de ville n'avait pas. Des lors, un autre expert, Raimann, rontre les spécialistes reconnus de son temps en 1886, ses vues tres
fut contraint de sortir de son role, et d'observer qu'il fallait quand meme contestées en avril 1896 sur l'étiologie de l'hystérie (extravagantes,
a Freud «un certain courage pour délivrer un rapport d'expertise sur ces soutenues sans preuve et qu'il répudia d'ailleurs lui-meme unan et demi
sujets en ne sachant ríen a Ieur propos» puisqu'il n'avait pas ces patients plus tard), son ingratitude, son arrogance et son aveuglement, tout cela
dans sa clientele. Raimann rajouta que les disciples de Freud avaient du en fait l'avait desservi en haut lieu. Trop c'est trop.
admettre, dans un congres en 1918, que sa méthode est inapplicable a
ces cas, et que si la psychanalyse était aussi performante entre ses mains, Sigmund Freud a toujours eu de bonnes raisons extérieure,s a sa
on devait regretter que son inventeur n'ait pas jugé utile de venir lui- personne pour justifier ses échecs, ses erreurs et ses faut~s, les pretend.us
meme plac.er ses brillantes compétences au service des malheureux sur retards dans la progression de sa carriere et a la propagatwn de Sa Vénté
les champs de bataille. Enfin, l'expert Fuchs rappela que tous les névro- Psychanalytique Définitive a travers le monde. Comn:e les enfants :rus-
sés de guerre adressés par lui-meme ou des com~gues a des psychanalys- trés, il procede par attribution externe, pour se punfier d'une oflcnsc
tes ont été des échecs de la psychanalyse96 . faite en réalité par lui a autrui. D' abord, il geint; il e~t, commc i.l le d•sa11
dans !'affaire Eckstein, «misérable comme un chten ». EnsUJle, JI csl
Julius von Jauregg fut lavé des accusations qui pesaient sur lui, mais entouré de persécuteurs. Enfin, il ment pour s'extraire des res ponsabili-
on peut présumer que la contribution de son poulain aux débats ne lui fut tés. Mais il est tel un chasseur hagard qui, le fusil fumant, vient de se
pas d'un grand secours. tirer une baile dans le pied et cherche furieusement autour de tui d'ou a
bien pu venir ce sale coup.
Wagner von Jauregg esta ce jour le seul psychiatre a avoir re~u le prix
Nobel de Médecine, en 1927, pour des travaux sur le traitement de la
syphilis (malaria-thérapie). En 1924, peu rancunier- alors qu'on le dit
de caractere ombrageux et infatué lui aussi - , i1 avait amicalement
accueilli Anna Freud, institutrice sans diplóme de fin d'études secondai-
res et qui n'était pas étudiante en médecine, pour un stage dans son NOTES
service de l'hópital de Vienne. Dans ses souvenirs publiés apres sa mort, 1 Die endliche und die unendliche Analyse : 239.
en 1940, von Jauregg estima que Freud avait choisi l'enquete de 1920 z Lettre ¿¡ Fliess, 11211900 (éliminée, elle oe se trouve que daos l'éditioo complete de
comme une occasion de déverser toute sa haine contre lui 97 . Mais d'ou Massoo). Daos cette lettre, Freud se plaiot de oe pas etre reconnu a Vienoe, mais son
venait cette agressivité? Von Jaurcgg, qui n'attendait certes pas de Freud narcissisme lui signifie aussitot que sa grandeur apparaí'tra plus tard au grand jour.
qu'illui fit dans ces graves circonstances l'honneur de sa gratitude, mais ·' Lettre a Martha, 91911883, citée par Ernest Jooes, vol. 1 : 214-215.
4 Freud (1877), Beobachtungen über Gesta/ten und feineren Bau der als Haden beschri-
simplement de son honneteté, n'cut droit ni a l'une ni a l'autre. benen Lappenorgane des Aals.
' Ernest Jooes, vol. 1 : 60.
Malgré l' originalité du conquistador el son agressivité a leur égard, 6 Freud (1879), Notiz über eine Methode zur anatomischen Priiparation des Nervensys-
les deux tiers des responsables de la Facull é lmpériale de Médecine- a tems. Alfred Nobel, stabilisant la o itroglycérioe, avait inventé la dynamite en 1867.
commencer par Herren Pn!l Not!IIUIW'I, Pnif. Richard Freiherr van ' Freud (1884), Die Struktur der Elemente des Nervensystem (texte établi en 1882).
Krafft-Ebing, puis Praf .Julia.\ W11 g nN Niltcr van ./auregg, les plus R Solms ( 1998) : 39-40.
9 Freud (1891), Zur Auffassung der Aphasien. Eine kritische Studil'.
hautes sommités de la hiérarchil· 111\'dil·;dc du moment a Vienne - ont 1° Cf la Lettre de Freud a Fliess, 21511891.
vivement soutenu Prof Sig111111111 Fu ·111l ~ an s dél'aillir du début jusqu'a la 11 Solms ( 1998) : 40. .
fin, ce qui n'est pas un moind1L· p :uadtl'<l'. ( ' L' n'cst ni I'Homme Freud, ni n Hobsoo (1988): 88 (voir aussi Jouvet (1992), chap. 7). << Entwurf cincr Psyt.:hologie »
son appartenance religicusl' , q111 (·t;llt l" ll IL"II . ( "6tait, comme d'habitude, de Freud empruntait son titre a un travail d'exploration physiologiquc d'Exncr, paru en
194 MENSON(;I (S 1'1{ 1\lii>II ' N .~ 111 '.1111111 lliiW 111 .!111 1111 1\ t ~ IIO N S I·. C'tii .I\IRE i 11 t 11 1 11\ !I ON l> ' lJNE BEY UE 195

4
' rreud ( 1925), Selh.vtdar.l'lellun¡: (Si¡:mrmd heud présenté par lui-mhne : 26). Le casen
1892. Sur sa genese, cf Ellenberger (1970) : 4/H .w¡ , 1'11lll lllll ,'V ( :tll (1')/6): Sulloway
(1979), chap. 4; et Macmillan (1991), dl!lp. 7. qucstion est : Freud ( 1886), Beohachtung einer lwchgradigen Hemiandsthesie bei einem
13 Freud (1884), Eine neue Methode zwn Studium der l'fl.l't' ll 't' rim~jt ·.,· ím ü 'ntralnerven- hy.vterichen Manne.
system. "' Freud ( 1925), Selbstdarstellung : 26.
14 Ernest Jones, vol. 1 : 224. '
17
Ellenberger ( 1968) : 220.
15 Freud (1885), Beitrag zur Kenntnis der Cocawirkung. " ( 1925), Sigmund Freud présenté par lui-méme : 27.
16 Lettre a Martha, 212//886 (in Cormpondance 1873-/939, et in Byck (1975): 162). ' " ( 1925), Selbstdarstellung, rédigée en 1924 (Sigmund Freud présenté par lui-méme : 26-
17
Cf Ellenberger (1970) : 452. 27). Pour etre édifié, i1 faut comparer terme a terme ce que Freud affirme et 1' information
18
a
Lettre F/iess, 9121/898. historique sérieuse de Ellenberger (1968): 207-225; Ellenberger (1970): 437-442; et
19
Lettre a Fliess, 8/5//901. Sulloway (1979) : 36-42.
50
20
Lettre a Binswanger, 10/911911. En fait, il s'agit de «troubler le sommeil du monde>>, Sulloway (1979) : 39 (selon les minutes des débats).
expression empruntée a Hebbel (<<Gyges et son anneau>>, 1854) et replacée en 1914 (Zur " Des informations importantes sur leurs relations sont encore consignées dans le fond
Geschichte der psychoana/ytischen Bewegung : 89). · des documents Siegfried Bernfeld a la Bibliotheque du Congres a Washington (Masson,
21 Lettre a Martha, 131511886 (in Correspondance 1873-1939: 229-230, et Gay, vol. 1 Complete Letters Freud-Fliess : 32 n4), avec une partie des dossiers personnels des mala-
117). des vus par Freud quand il était l'assistant de Meynert (une autre partiese trouve a I'Insti-
22
Lettre a Fli¡:ss, 31110/1895. tut Psychanalytique de Chicago, cf Hirschmüller (1998)).
23 Wortis (1954), Psychana/yse a Vienne, 1934. Notes sur mon analyse avec Freud: 107 52
Ellenberger ( 1970) : 442.
51
(séance du 10/12/1934). · Sulloway (1979) : 45 et 45nl.

Lettre a Fliess, 2011011895.


54
24 (1925), Sigmund Freud présenté par lui-méme : 20.
55 (1900), L'interprétation des réves: 372 (et *SE 5: 438; italiques de Freud). Sulloway
a
25 Lettre Fliess, 311211895.
26 Cf Bakan (1958); Marthe Robert (1974); Klein (1981); Rice, Emmanuel (1990); ( 1979) : 45, avait attiré l'attention sur cette perfidie.
56 Jones, vol. 1 : 263.
Farrell , John (1996), Freud's paranoid quest. Le Joseph de la Bible est dans la Genese,
41: 11-12. 57 (1925), Sigmund Freud présenté par lui-méme: 27.
27
Lettre a Binswanger, 13/611909. sH Ellenberger (1968) : 225.
28 5
Cf Ellenberger ( 1970) : 430 sq. " Gay, vol. 1 : 623.
29
Ernest Jones, vol. 1 : 170. Sur cette période d'indigence, voir les chap. 7 a 9 (vol. 1) du "" Gay (1988), vol. 1 : 117. Cf Jones, vol. 1 : 253-256.
meme auteur. 61 Jones, vol. 3 : 438.
30 Lettre a Fliess, 29/8/1888. 62 Jones, vol. 1 : 259.
31 Lettre a Fliess, 21411896. 63
Wittels, Freud et la femme enfant : 33.
32 Freud (1886), Über die Beziehung des Strickkorpers zum Hinterstrang und Hinter- 64
Jones, vol. 1 : 256.
strangskern nebst Bemerkungen über zwei Felder der Oblongata (en col!. avec L. Dark- 65 Lettre a Ferenczi, /011/1910. Lettre ii Einstein, 811211932.
shevitch). Cf Rice, James ( 1993) : 26-31. 66
Prof Extraordinarius (professeur sans chaire) était un droit, et non une obligation,
33 Ellenberger (1970) : 98 et 435 sq.; Macmillan (1991) : 49 sq. et chap. 2; et Kerr
d'enseigner un programme libre; Prof Ordinarius (i.e. attitré) était le grade le plus élevé,
(1994): 26 sq. avec charge d'enseignement obligée, mais sans rémunération, qui permit surtout a Freud
34
Cf Freud (1890), Psychische Behandlung (Seelenbehandlung) . d'augmenter substantiellement ses honoraires de consultation privée. Sur les circonstan-
35 Cité par Wittels (1924), Freud et lafemme enfant: 204.
ces tres controversées de ces distinctions, cf Ellenberger (1970) : 452 sq.; Sulloway
36 Cf Lettres ii Martha, 20/1 et 21211886 (in Correspondance 1873-1939, et in Byck
(1979): 464 sq.; et Webster (1995): 279-280.
(1975): 158, 162). 67 Cité par Ernest Jones, vol. 1 : 188.
37 Lettre de Charcot ii Freud, 30/611892 (citée par Masson, Complete Letters Freud-
"" Lettre a Fliess, 111311902.
Fliess : 20n), a comparer avec la fin du chap. 7 de Freud (190 1), Zur Psychopathologie 69
Gay (1988), vol. 1 : 24 J.
des Alltagslebens, oii il prétend le contrairc. 70 Gay ( 1988), vol. 2 : 16 J.
" Webster ( 1995) : 1OO. 71 Gay (1988), vol. 2: 166. Voir l'excellente analyse de cet aspect essentiel du personnage
39
Selbstdarstellung, 1925 (Freud présnrté par lui-mf.me : 21 ).
40 Freud par John Farrell ( 1996), Freud's Paranoid Quest.
Bernfeld ( 1953) : 290. 72
41 Hirschmüller (1998), Inapte ii etre psydriotrt'? : 53. (1925), Sigmund Freud présenté par lui-méme : 27.
42
Jean-Martin Charcot, <<A propos de
six cus d' hysté ric masculine, ler;ons sur les mala-
73
Lettre a Fliess, 161411896. Lettre éliminée de la correspondance oftlcielle, elle précede
dies du systeme nerveux 1885 >> (in Chan:ot , l.'lly.vth·íe, textes choisis, 1971 : 155 sq.). de cinq jours l'imposture de sa conférence sur l'étiologie de l'hystérie. Sur la fable de
Sur ces questions, voir Ellenbergcr ( 191!H) : 1 ~ 1 knhcrger ( 1970) : 437-442; Corraze ( 1983). l'ostracisme, cf Ellenberger (1970): 448 sq.; et Sulloway (1979), chap. 13.
43 Minutes de la Soc. Psychan . dt' v;,.,,,l', M'rt ncc du 11/11/1908 (Nunberg & Federn 74
Lettre a Fliess, 261411896 (éliminée aussi, elle se trouve dan s Complete Letters Freud-
(Eds), vol. 2 : 50 et 50n). Fliess).
44 75 Note de Masson in Complete Letters Freud-Fliess, 1985 : IH4 n.
Charcot, Lefons du mardi (in o¡>. l'it , C' l ll ll l 'PI , /,'1/v.vtérie: 191 sq.).
IY6 MEN SONGFS I · RI •, !IIIII · N ,~ 111\I!HHI 1•1 1~1 1 111 '.IN I11IIM AIIIIN S I·.<'IIIAIRE

76
Archives officielles dénichécs par Gicklhorn & Gi<.:klluun <' 11 1%0 ,., ..: i1écs par Sullo-
way (1979): 466 (italiques miennes). Cf aussi Masson, Complt·t• · / ,r llt-r.\' Freud-Fiiess:
228 n3, et 231 n3 . Chapitre 10
77
Complete Leuers Freud-Fiiess : 231 n3.
78
Lettre a Fliess, 111311902. Léonard et les dróles d' oiseaux
79
Leure a Fliess, l 11311902.
w Freud (1925), Die Wiederstiinde gegen die Psychoanalyse.
"' /bid., Freud (1925), Résistances a la psychanalyse : 133.
Pour ces demieres citations: Lettre a Fliess, 41211888 (caviardée, en particulier de ces
82

propos).
83
Cf note de Masson, Complete Letters Freud-Fliess : 20 n3. Au printemps 1898, Freud <<Les enfants non allaités par leurs meres ris-
démissionnera d'une autre revue, Wiener klinische Rundschau, qui osa critiquer le travail quent mille fois plus que les autres de devenir
de son ami Fliess. homosexuels. »
M Klein (1981), Jewish origins of the Psychoanalytic Movement.
"' Roudinesco (1994), vol. 1 : 139. Ayatollah Montazzeri, Homélie de Téhéran,
•• Sic, Roudinesco (1994}, vol. 1 : 139. mars 1985.
87
Roazen (1975) : 28; et Forrester (1994): 177.
'" Hirschmüller (1978): 27.
89
Hirschmüller ( 1978) : 49.
90
Leure au pasteur Pfister; 281511933. Cf également Freud (1939}, Kürzeste Chronik; «Un souvenir d' enfance de Léonard de Vinci » est un pur joyau 1• Un
152. mot, un seul, délibérément inventé et non pas traduit par son auteur, y
91
Selon le recensement de Steven Beller (1990), Vienna and the Jews 1867-1938, sert de clef de vofite a une fantasmagorie de cent cinquante pages jaillis-
Cambridge UP, p. 37, cité par Richard Pollak, ( 1997) : 41. Cf sur la psychanalyse et 1' an-
tisémitisme: Ellenberger (1970) : 422 sq., 452 sq., 463 sq.; Hirschmüller (1978) : 26-29; sant a gros bouillons du royaume des morts.
Sulloway (1979) : 465; Klein (1981); Forrester (1994); Webster (1995) ; 279-280; et
Le « Léonard » est une de ces nombreuses pieces d ' anal y se forgées
Oxaal, Pollak & Botz (Eds, 1987), Jew.1', Antisemitism and Culture in Vienna.
n Cf Roazen (1975): 460. post mortem, et sine materia, dont Sigmund Freud a l'habitude. On
9
' Annotation de Mo1nar in Freud ( 1939), Kürzeste Chronik : 216. considere ces « pathographies » 2 pédagogiques comme des archétypes
justifiant les prétentions du freudisme a étre une science qui, par sa
9
• ( 1920}, Gutachten über elektrische Behandlung der Kriegsneurotiker. Le texte a paru
en anglats en 1956, en allemand en 1972, et en fran¡¡:ais en 1984. méthode unique, découvre ce qu'aucun procédé concurrent ne pourrait
"' !bid., (1920), Rapport d'expert sur le traitement électrique des névrosés de guerre;
253 . donner. Sa psychothérapie, irréductible a aucune autre, supplanterait déja
96
Sur cette affaire, cf l'irrempla¡¡:able Ellenberger ( 1970) : 837-839. La présentation de tout ce que la psychiatrie a pu générer avant elle. Mais cela ne luí suf:fit
Jones, vol. 3 : 24-27, est hostile a Von Jauregg, incomplete et sans scrupule. pas, et ces reconstructions pathographiques prouveraient la supériorité
7
" Ellenberger ( 1970) : 839. du freudien sur l'archéologue et !'historien.
L'édifice interprétatif se veut une preuve du formidable pouvoir de la
technique freudienne d'accéder a la vérité histori4ue - ici l'enfance
d'un artiste, la celle d'un patient, ailleurs la préhistoirc de l' humanité-
a partir d' artefactS lointaÍnS obtenus des année. , des siec(cs OU des mi lié-
naires plus tard. Et, Saxa Loquuntur, elle fait mcnt ' parlcr la pi erre 3 . Un
mot, un reve, une association mentale, un sympt6111c.:, un e <cuvrc litté-
raire ou d'art, un vestige archéologique, un 111ythr (- , igl- l'll ~vé n c m e nt
authentique ou une légende prise au pied de la 1·ttre, ttan ~por t ·nt une
information cachée sur le passé de l'individu ou <k 1\·:--pln·, c.:ncore
emboí'tée dans le présent qu'elle gouverne.
La psychanalyse a fabriqué la machine a voy:t).?.l'r d tn <. it' lt' ntp<. Non
seulement, elle dévoilerait des vérités historiqlll':--, t tlllt~IP¡·. •q•tl· l'l
paléontologiques inconnues des meilleurs spéciulist<''-· 111.11 ', : "' "~" la
MEN SO N(ii •.S 1•1(1•111111 N', 111 '<111 1111 lo 1111 111'd N I! III~ I A II ()N St·.(' I IL A IR E
11O NA IUJ 1 1 II ·.S l lR6L ES I) ' OISEAI IX 19?

raison des faits, c'est-a-dire 1·s 1Hotd s 111' niiM H'llh de l' ho1nn1c préhisto-
Ensuite, J' auteur ajoutera bien des notes, modifiera le vocabulaire, ?u
rique imbriqué daos 1'cnfant iiH:ru st(· dan ~ 1' adull l' . Bonnc nouvelle :
bien éclairera le lecteur de nouvelles trouvailles, mais le texte ne sub1ra
l'homme préhistorique avait un iucou s<.: ll'lll , lm.sil · vivaut, el réservoir
aucune retouche substantielle malgré plusieurs éditions. II n' y aura pas
de mythes transmis de génération en gen~:rafiou par l' hcrédité des carac-
a~res acquis. Seule la psychanaly sc des si gnes actucls d ' un immémorial
de refonte répondant a des objections capitales que Freud conn~issait des
les origines de son étude et qui la réduisaient déja a néa~t. Bten plus :
passé peut leur accorder leur vrai sens, ct aboutir a lo compréhension.
Elle détient la clé unique, mai s universe lle, de tous les secrets : l 'inter- chaque nouvelle édition va l'enferrer, en au.gmentant le po~ds de~ err~urs
initiales par l'adjonction de notes allant toujours dans la meme d1rectton.
prétation lui livre en effet la connaissance ultime de la signification
inconsciente, done I'intelligence des moteurs véritables des phénomenes
humains, puisque, selon son postulat, la signification détermine les Nous savons depuis longtemps que le Léonard, une des ceuvres favo~­
comportements. Nul n'entre dans la significa:tion s'il n'est psychanalyste tes de Freud, voire «la seule belle chose »8 qu ' il eílt jamais écrite (~a~s
(freudien bien sur, pour un freudien), et nul autre que luí, serait-il chaque publication importante est son tr~vail préféré, et chaq~e cas c_hm-
jungien, ne peut comprendre que cette signification est toujours sexuelle. que est son meilleur cas), est une myst1ficatwn. I1 a constru~t u~e fable
destinée a améliorer Ja pénétration SOCiale des précédentes IJIUSIOnS -
Enfin, elle informe les mécréants des motivations névrotiques des principalement les cas du Petit Hans et de Rattenmann pub~iés quelq~ es
historiens qui ne seraient pas psychanalysés, et leur enseigne la nature mois plus tót - et elles-memes des montag~s de sédu~twn narrative
profonde des affaires du monde dont ils étaient tenus ignorants depuis devant faire croire que la théorie psychanalyttque. pouva1t recevo1r des
l'origine de l'humanité jusqu'a l'invention de la seule psychologie des preuves thérapeutiques. Il fallait également verrolllller les vames dtspu-
profondeurs, la psychanalyse. A ce titre, le Léonard est une ler;on, mais tes, comme celle qui venait d'avoir lieu avec Albert Moll , et les rcndn:
d'un auteur qui n'en recevra de personne, carla psychanalyse ne retient impossibles.
pas celle de l'histoire. Et la psychanalyse ne s'applique pas aux psycha-
nalystes. Peter Gay fait remarquer a propos qu'il « ~oyait dans son tra;~il q~e l ­
que chose comme une opérati?n d~ recon.~atss~nce ~n vue de 1 mvaswn
Quod licet Jovi, non licet Bovi, ce qui est permis aux Dieux ne l'est massive du domaine culture], mvaswn qu Ii preparalt, les armes psy~ha­
pas aux Bceufs. D'ailleurs, Carl Jung notait, a propos du merveilleux nalytiques a la main» 9 • Cette année-la, 1' Association Psyc~an~l~t~que
Léonard, «c'est une cruelle jouissance que d'etre en avance de Dieu sait Intemationale (IPA) fut fondée au congres de Nüremberg. Mms, mttlale-
combien de décennies sur le bétail a comes» 4 . De fait, le pouvoir de ment l'intention de Freud était moins de construire son propre groupe
persuasion de Sigmund Freud force le respect beaucoup plus pour les indé~endant que d'utiliser des organisations d'influence ~olitique déja
talents de l'écrivain que pour la sagacité de ses lecteurs. exístantesiO. A cette fin, il avait demandé a Alfred Adler, tres proche des
activistes de gauche, de préparer un mémoire pour déterminer si les
psychanalystes devaient s'enróler dans le p~i so~ial-démocrate. ~t c'.est
ABRACADABRA, LE VAUTOUR PASSA ... au moment de la rédaction du Léonard qu 11 env1sagea une orgamsatwn
spécifique (l'IPA), tout en pensa~~ ~ue .sa ~i_scip~\ne ~nteme devaJt. etre
Sigmund Freud a I'attention attirée par la vie de Léonard de Vinci, en plus rigoureuse que dans une SOCiet~ SCient~.fique . C' es.t Un~. pohtl~U~.
1906, a la lecture de sa biographie romancée en 1902 par Dimitri Et l'allocution de Freud a ce congres de Nuremberg etatt m1htante . 11
Merejkovskj5. En octobre 1909, apres son retour des États-Unis 6 , il s'agissait indiscutablement de péné~rer les cultures par la psychana-
réunit quelques documents et, le 1er décembre suivant, offre a la Société lyse12. Léonard était destiné a colomser la culture par la ps?'chana~~se,
Psychanalytique de Vienne le bilan de ses spéculations enchanteresses7 . Freud ayant la ferme conviction que «la mythol ogte devratt. etre .entiere-
Cependant, l'exposé réservé · ce mercredi-la aux fideles comporte, ment conquise par nous » et que le « domaine de la biographte d01t égale-
comme nous le verrons, une singularité révélatrice quand on compare ment devenir nótre » 13 .
1' original a la vulgate que nou s conn aissons. Le modele officiel, de
C'est le fait d'un homme seul qui, face a ses feuill cs géa nl es de papier
trame identique mais destiné au public, est ensuite rédigé en quelques
semaines au début de 1' annéc 191 O et paraltra a la fin mai. et la plume a la main, ne possede aucune informal ion cl inique justifiant
son récit. 11 s 'en dispense.
200 M ENSO NGES I' RU JI >II •NS III S 1< 111!1 11 IIN I 111 ' oi NI 1 ti!~IA I 11 JN :-oH '111 .1\11(1 ; 11 IHI Hll l 1 11 ', 11111111'• I J'I HSh\ ! IX 201

Le paléontologue déduit certes le dinosaun: Clllin a parlir d ' une griffe '11COfC d ' un mylhe : Oll ap¡Hl'Jid \'1 0 11 e h ;lllgt: iJ IOUl age, Sauf Chez )es
fossile. Mais la griffe existe. Or, Léonard de Vinci esl bien en mal de psychanalystcs.
eonfirmer ou d'infirmer par la technique de « I'association libre», ou de
guider 1' auteur dans ses savantes déductions par la « relation transféren- Malgré l'indigence des informations, Freud possede ainsi des convic-
tielle»: il est mort 400 ans avant son «analyse». JI n'y a aucun malade. tions inébran lables - rendant d'ailleurs parfaitement superflu le reste de
Ou sont done les faits? Comment Freud les a-t-il obtenus? son interprétation - , et des solutions bien antérieures a la documenta-
lion : « le matériel sur Léonard est si maigre que je désespere d' exposer
Outre le roman de Merejkovski et une biographie italienne de J550 de maniere saisissable aux autres ce dont je suis a bon escient
par Vasari, alors réputée, Freud s'était procuré deux sources principales : convai ncu » 19 . Sa rhétorique va devoir prouver les a priori, sans fait, et
une étude de Smiraglia Scognamiglio datant de 1900, et surtout un servir aussi de démonstration des capacités de l'analyse a déchiffrer les
travail de Marie Herzfeld de 1906. 11 possecte ainsi deux versions, en premieres années de la vie d'un individu, doté d'une inversion «en
italien et en allemand, des carnets autobiographiques (ou Codex Atlanti- pensée» que Freud a toujours jugée pathologique, en comblant les
cus) que L~onard rédigea de la main gauche en écriture spéculaire, avec !acunes biographiques par la seule force de son interprétation. Pour ses
d'extraordinaires dessins visionnaires 14• lecteurs, il renverse l'ordre Jogique, qui va chez Jui des présupposés
théoriques aux interprétations, et commence par l'interprétation, 400 ans
Au début du vingtieme siecle, on ne savait presque rien de la premiere plus tard, d'un seul fantasme tiré d'un seul souvenir de l'enfance de
enfance de l'artiste, comme le rappelle Freud dans son texte 15. Léonard dont il se serait rappelé en 1505 a la cinquantaine.

Leonardo da Vinci ( 1452-1519) est 1' enfant naturel de Caterina, et de De Vinci se serait souvenu que, alors nourrisson dans son berceau, un
Ser Piero da Vinci, lequel s'est marié J'année de sa naissance avec une vautour passa et le heurta a plusieurs reprises entre les levres avec sa
autrc femme que sa mere (Donna Albiera Amadori). En 1457, Léonard queue. C'est ce que Freud dit avoir !u dans le carnet, qui est une affirma-
est enregistré officiellement comme membre de la famille de son pere. Et tion de sa part et non un fait. Ce carnet dit ceci : «Questo scriver si
c'est a peu pres tout, en dehors des rumeurs. Ce qui était une conjecture distintamente del nibbio par <;he sia mio destino, perche nella mia prima
a l'époque, sans preuve, se présente a Freud comme une certitude histo- ricordatione della mia infantia e' mi parea che essendo io in culla, che un
rique indiscutable: Léonard était homosexuel. Meme s'il «semble exclu nibbio venissi a me e mi aprissi la bocea colla sua coda e molte volte mi
qu'il ait été sexuellement actif», on doit «le considérer comme un percuotesse con tal coda dentro alle labbra» . La citation est extraite de
homosexuel inhibé ou comme quelqu'un qui n'est homosexuel qu'en Scognamiglio par Freud 20 , traduisant nibbio par Geier en allemand,
pensée» P6 Vingt-cinq ans plus tard, il verra encore dans Léonard de c'est-a-dire, en fran9ais, un vautour.
Vinci «un homosexuel idéal, c'est-a-dire qu'ill'était vraisemblablement
par nature, mais pasen acte» 17 • L'interprétation freudienne commence et traite un soi-disant souvenir
comme le « contenu manifeste» d'un reve, dissimulant son «contenu
En vertu de sa doctrine conjecturale, deviendra par définition homo- latent». Le fragment de souvenir révele en fait des fantasmes et désirs
sexuel un gar~on élevé par une mere castratrice et un pere déchu de sa inconscients survenus plus tard dans la vie de Léonard, et rejetés a
virilité, ou bien sans pere, par sa seule mere a laquelle il «s'identifie» rebours dans la premiere enfance, lui apparai ssanl alors a I'age adulte
pendant une période jugée cruciale a son orientation sexuelle. Par postu- sous forme de mémoire.
Jat, Léonard est pédéraste. JI s'en suit done que Léonard doit avoir été
élevé par sa seule génitrice avant d'etre retrouvé ehez son pere en 1457. Le fantasme est chargé : la queue du vautour est un appcndice corpo-
Et tout se joue avant cinq ou si.x ans, tel est le dogme : « dans les trois o u rel qui évoque- puisque e' est une queue (« mi aprissi la bocea colla su a
quatre premieres années de la vie se tixent des impressions et s'établis- coda»)! -un membre viril, indiquant don e che1. d ~ Vinci un fantasme
sent des modes de réaction au monde extérieur, qu'aucun événement de fellation qui se rapproche des fantasmcs des ft' llllllt'S el des homo-
ultérieur ne peut plus dépouiller de leur force» 18 • C' est la 1' irréversibilité sexuels passifs, et réminiscence de la succion du sei u IH:tl l'l lld donl il
des influences précoces, qui rend difficilement intelligibles les tentatives garde inconsciemment la nostalgie 21 • Encore un e cxn· lknl<: ll\l!IV<:Ilc :
de psychothérapie chez l'adulte. Outre le paradoxe, notons qu'il s'agit les fernmes ont des fantasmes de fellation. l .l·s h<llno ~t·x lwl s f i(Js.\·!¡:,.
202 MENSONtiES I 'HHliDII ·NS IIISIOIIH P I IN I lll ' oi NI I IIl M I\ IIIIN Sl •( 'lii.AIRE 11 llN 11111 1 11 '• IIIH lll ~ I )' OI SI·ALI X 203

aussi. Mais que font done les males hétéroscxucls el les homosexuels twnnL' . Des lors, « nous tom.bons sur un renseignement qui éleve jusqu 'a
25
actifs? /11 ¡·t•rtitudc lo probabilité que Léonard ait connu /afable du vautour>> •

Le vautour, assure-t-il, est « identifié» (par qui ?) a la mere et, quand il 1-~.~ st:ul t'ait historique certain, dit Freud oubliant tout a coup la soi-di-
frappe le nourrisson entre les levres, l'image traduit le désir de l'enfant """1 << homosexualité » refoulée de l'artiste, est qu'il a été enregistré en

d'etre «écrasé sur la bouche d'innombrables baisers passionnés» 22 , done 1,1"í 7 dans la maison paternelle. Sur ce qui s' est passé avant, nous n' en
témoigne de l'intensité du rapport érotique de Léonard de Vinci avec sa . . aurions ríen sans la psychanalyse. Grace a elle - sans compter un
mere célibataire. ptlllrail psychologique complet du personnage sur legue! il n'avait a
!' origine aucun élément solide-, nous savons désormais qu'il était chez
:-a mere solitaire pendant « trois années au moins, peut-etre cinq »26 .
Or,.le vautour est un animal symbolique femelle. Pourquoi? Eh bien,
les Égyptiens avaient une divinité a tete de vautour, appelée Mout, de J_a logique était la suivante : 1o Léonard était homosexuel, done il
nature femelle, fécondée par le vent 23 , et done, tous les vautours étant ;¡ifllait la fellation, 2° son fantasme montre une queue-pénis de vautour
femelles, qui n 'a pas de pere. Dans l'antiquité égyptienne, M out était :tgit éc entre ses levres, 3" les anciens voyaient dans le vautour un animal
l'embleme de la maternité, qu'on retrouverait d'ailleurs dans la sonorité sans pcrc et toujours femelle, 4" «si nous essayons d'insérer cela dans le
de l'allemand die Mutter, la mere, affirme Freud - associant ici des {i1111osme», le souvenir « signifierait que sa mere s'est penchée sur luí, lui
consonances qui ne pouvaient etre que les siennes, et non celles de " mis son pénis dans la bouche et l'y a remué plusieurs fois de-ci de-
Léonard, pour s'approprier la crédulité des lecteurs. la»27. Done, c'était bien le symbole de sa mere. Alors, on saute du
:-ymbole a la réalité historique de la mere, qui l'éleva. La psychanalyse
Mais comment une créature femelle peut-elle s'offrir, du bout de la dt:s fantasmes incrustés dans un souvenir d'enfance démontre done que
plume, a la fellation? Eh bien, dit Le Professeur qui répond a tout, les Léonard n'avait pas de pere aupres de lui pour compenser le déficit en
Égyptiens figuraient Mout souvent avec des seins et un pénis en érection, masculinité a un age aussi sensible, et voila pourquoi il devint homo-
tels les enfants qui s'imagineraient- du moins dans I'esprit de Freud- scxuel. Son fantasme du vautour signijie une identification inconsciente
que tout individu, male ou femelle, est doté d'un phallus. á un individu Jeme/Le, par un enfant élevé sa.ns pere.

Et « Léonard peut tres bien avoir connu la fable scientifique (sic) a Done, son pere Ser Piero l'a recueilli vers cinq ans.
laquelle le vautour doit d'avoir été choisi par les Égyptiens comme nota-
Mais les jeux étaient faits et Leonardo Da Vinci, identifié a sa seule
tion de la mere» 24 . Freud ne nous dit pas au départ de son raisonnement
mere a laquelle il ne pouna plus etre infidele, clemcura homosexuel
qu'il faut que Léonard ait réalisé ce rapprochement, mais qu'il a pu le
jusqu'a la fin de ses jours, se consacrant a l'étude des machines volantes
faire. Ce qui revient logiquement a dire qu'il a pune pas le faire paree
et, entouré d'éphebes, a la peinture des madoncs aux si hcaux sourires.
qu'il pouvait- méconnaissant une égyptologie créée trois siecles plus
Ce qui n'était au départ que pure spéculation vide dcvicnl des lors un
tard - ignorer que les anciens Égyptiens avaient une déesse femelle a
«fait que corrobore le fantasme au vautour »2x.
tete de vautour.
Tous les disciples sont brutalement confondus par 1:~ révélation. Le
Mais un tour de passe-passe rhétorique transforme une simple possibi-
fascinant Léonard reconstitue la vie de 1' rutistc llli ·ux qut: les spécialis-
lité discursive en conviction total c. L' auteur, dans sa syntaxe, saute
tes et, claironnent les admirateurs, contienl la gr:~ndc L·xplic:~tion finale
d'ailleurs du conditionnel a l'impératit' catégorique. En effet, iJ prétend
d'abord que Léonard aurait pu s'informcr par ses lectures du mythe chez des origines de l'homosexualité.
les Peres de I'Église, qui y rccoururcnl pour cxpliquer comment Jésus Les reuvres du peintre sont l'objet de la plus psyl'll:ul:ilytiqut· allcn -
était né d'une vierge, et ensuirc· <.¡u ' i1 1'a assurément fait. Alors, Freud, tion, et on y découvre ce qui avait échappé a tou:- k ~ l '''"llll's d'art.
ayant subrepticement glissé d'un · supputation narrative vers une Soudain, le pasteur suisse Osear Pfister a tour cotnp11 s 1>:ul\ lt· t:1hkau
évidence factuelle, est magiqiiCIIl~'lll autnrisé a écrire que Léonard Sainte-Anne, la Vierge et l'enfant Jésus, de Léon:ud ( 1•, 1Ol , k t1·vl- n:nd
con~oit certainement le vaut0111 cwnnH' un animal femelle né sans pere, voit, en 1910, la sur le giron de la madone, les l'<llllillll '• 1wl :11t :- d ' un
quand bien meme aurait-il 1néconnu k :- croyanccs de J'antiquité égyp- vautour. Cela creve les yeux depuis quatre siccks 1'l Jll'l '• "''''l' n'y avail
.204 MI •. NS()N!II ·.\ 1111111111 N'. lll 'olooflll loi iNI 111 ' d NIIII( Mi\IION Sl;('lll.i\IRI:
11e •N \1 11• 1 1 11•, 11111 11 1•, 11' <li SI ·.i\I IX 20S

songé! En 1913, Os ·a• Pl1~1l'1 dllfltM't ,l 1111 IJ:tvatl consacré a cette Freud, elle est une absolue certitud~:, bien avant 191 O. O' ou lui vient
superbe contirmation du gC'llll' <k w11 llllllfll' el , dira -t-il, «presque cette idéc? Sigmund Freud - dévoilant ici sa méconnaissance des
aucune de~ pe~so.nn~s a qui j':ri fait I~UJI de 111a .p~:litc découverte n'a pu comportements homosexuels - devait faire de Léonard un homosexuel
se soustra1re a 1 év1dencc d~: cclf~: llnag~: -devrrlcltc » 29. Bien entendu, uniquement passif, d'un type féminin, car c'était le postulat pour la suite
Ca:I J~ng, autre prot.cstant informé par k précédent sur ce qu'il corive- du raisonnement.
n~It d ?bserver, en frouve Ul/ OU.\'SÍ, mais ail/eurs 30 ... , ce a quoi Freud
repond1t que son vautour n 'étail pas tout a fait aussi net que celui du La deuxieme anomalie sérieuse, est qu'au moment ou Freud prépare
pasteur. P~ster~ . Sandor Ferenczi, de son coté, le devine «au premier
1
son récit pour la société psychanalytique de Vienne, puis en 191 O, quand
coup d rell - Il est vraiment époustouflant»32. il le rédige pour le public, affirmant dans les deux casque l'enfant était,
par définition, élevé par sa mere seule, il ne tient aucun compte d'une
. L'auteur valorise ses ouailles, qu'il citegénéreusement daos ses réédi- étude d'un auteur franc;:ais, qu'il a lue et consciencieusement annotée,
t~ons telles des vérifications externes, dans le but de renforcer la persua- laquelle signalait pourtant que Léonard n'a vécu chez sa mere Caterina
Sion de son magique Léonard. que jusqu'au mariage de Ser Piero, J'année meme de sa naissance en
145235 • Ainsi, Leonardo a été élevé par son pere. De toutes fac;:ons, Cate-
Et pourtant, Sigmund Freud sait parfaitement que son vautour, que rina n' est pas restée seule : elle épousa Antonio B~ti, dit Le Querelleur
tout le monde est persuadé de contempler daos tous les détails intimes (Accattabriga), des 1453, ou 1454 au plus tard. A cinq ans, en 1457,
n 'a jamais existé. ' quand Leonardo da Vinci fut inscrit sur les registres de déclaration
fiscale, il vivait depuis son sevrage dans une famille norrnalement consti-
tuée. Son pere, le notaire Ser Piero, de tempérament solide et fort viril,
LE VOL DU MILAN
connut au moins cinq femmes, se maria avec quatre, et mourut en 1504
dans sa 78e année, laissant douze enfants vivants. Le deuxieme enfant
L~o?ard est intéressant car, hormis ses «cas cliniques», il concentre la n'est né qu'en 1476, de sorte que Léonard est resté fils unique élevé par
t?tahte des talents de Sigmund Freud dans la manipulation de l'informa- Ser Piero et ses deux premieres femmes - choyé dans le confort, et non
tJon. Par ses suites, il nous renseigne aussi sur la crédulité enfantine de comme le batard inventé par Freud - jusqu'a son indépendance.
ses admirateurs jusqu'a nos jours. Les milieux psychanalytiques, a l'évi-
dence tres genés par ses incohérences - et pour sauver le héros avec La troisieme anomalie grave comporte des rebondissements nombreux
leur idéologie favorite quand on a commencé a les rendre publiques et inquiétants.
malgré.eux- o?t pris I'habitude de les réduire a une unique «erreur de En janvier 1923, l'année de la troisieme édition, l'érudit et historien de
traductwn ». Mms le facheux contresens serait déja suffisant a lui seul 1' art Eric Maclagan attira 1' attention - dans le Hurlin~wm Magazine for
pour anéantir la construction freudienne, et ce n 'est absolument pas une Connoisseurs qui avait publié dans sa précédcnlc livraison un long
erreur.
compte-rendu du Léonard de Freud - sur le fait que Léonard de Vinci a
Commen~ons par remarquer le respect tres approximatif de la docu- en réalité écrit nibbio, qui signifie milan, ct c~:rlain •ntcnt pas vautour,
ment~tion_ h!storique par Freud. Déja, en 1892, I'essai biographique de quise dit avoltoio 36 • Or, dans le texte italicn utilis ·par Sigmund Freud,
33 du souvenir cité plus haut, on lit bien nibhio qu'il lraduit par Geier
Gabnel Seadles , que connaissait le Viennois, avait ferrnement mis en
doute l'homosexualité de Léonard de Vinci, jugeant «monstrueuse» (vautour) et non par Hühnergeier (milan).
cette affirmation fondée sur des ragots. Le 8 avril 1476, Leonardo da Certes, comme le rappelle Han Israels 37 , k n1sst· dt· Mcn:jkovski ne
Vinci a été impliqué a Florence dans un proces, avec d'autres personnes, peut distinguer milan de vautour puisqu'il nc po~~uk qu ' un scul mol
P?Ur «sodomie active)>, a la suite d'une accusation anonyme et calom- (korchun) pour les deux oiseaux, ce qui fait que sa l•ndu\'fll>ll all ·mande
nteuse en fait destinée a atteindre un autre individu, de l'illustre famille -par Carl von Gütschow en 1903-, n'étanl pa.'> Jt'IIJCillll' 11ux suun.: ·s,
des Médicis. De Vinci fut disculpé la meme année, le 16 juin 34 . C'est le a rendu korchun par Geier, un vautour. Mais F•r1•d d11 "" ntt'llll' que
seul élément historique que l'on possede. Le reste est pure spéculation et Merejkovski est «emporté par son imagination >> 1H, t'l ~o .111 dl ~ ltn¡o, ut·• son
l'homosexualité de l'artiste est toujours discutée aujourd'hui. Mais, pour roman d'un document historique, dispose des dcux , ,., f! ,uh111 1111 JIH 'IIIt'
206 MI :NSONI II ·S 1•1(1 111111 N'• 111 ', 1111111 lt l tli l ltl ', IIH 1IUMA I ION S(C lll.l\11 1! lit lr l 1111 11 11 '• 111<1 11 I·. S I> 'OISEAIIX 207

l'italien. Les sourccs du souwu" ,.,,,~ JH" 1'l!'ll d ~ out Scognamiglio en 111c nt le mot Hühru:l'!{eier, c\:sl :1 di1 · mifan, el qu'il a fortement souli-
't 1' 39 . . '
1 a ten , et sa lraductron affrlll:llrde p:11 M:11 ~~· 1Jcrzfcld et non gné avec un crayon rouge les passages correspondants dans son exem-
Merejkovski. Aucun dicrionuain: iraficn nfh:uralld nc pcrrnel d~ traduire pfaire personne1 42 . Mais il y a plus.
nibbio par Geier. Notons que 1lcrr Profcssnr Signrund Freud maí'trisait
l'allemand, l'anglais, l'ilafien , fisail le grcc, le latin , J'espagnol, le fnin- Han [sraels a débusqué une autre bizarrerie dans l'édition allemande
c;;ais, un peu l'hébreux, et, aprcs avoir eu le Lchcque comme seconde des Minutes de la Société Psychanalytique de Vienne, qui retranscrit
lan?ue jusqu'a trois ans, connaissait bien fe yiddish, que sa mere, fi delement les enregistrements de la séance du 1er décembre 1909. En
touJours présente, utilisait quotidiennement. JI dominait suffisamment cffet, quand Freud prononce son allocution sur Léonard de Vinci devant
l'italien .conversationn~l pour l'utiliser durant ses fréquents voyages en ses sociétaires éb1ouis ce mercredi-la, il emploie le mot milan (Hühner-
pays Iatm. Des 1898, rl pouvait écrire qu'a Raguse, en Sicile, il avait geier), aussi longtemps qu'il traduit le souvenir d'enfance lui-meme,
«Constamment parlé Ítalien, c'est-a-dire qÚe je m'étais habitué a traduire mais utilise « vautour » ( Geier) pendant 1' ex posé de son interprétation!
~ans ma tete d~ l'alle~and en italien» 40 . Dans son opuscule, il emploie Et sa traduetion du souvenir est alors indiscutablement la reproduction
egalement la b10graph1e en italien par Giorgio Vasari (Vita di Leonardo textuelle de celle de Marie Herzfeld. Han Israels publie cóte a c6te 43 les
da Vinci, ·1550)41 , et cite, avec le latín et le grec, de nombreux extraits de fac-similés de la traduction de Herzfeld (1906) et de celle de Freud
différents textes, dont le Codex Atlanticus, en italien. (1909), et cette derniere est de 1' ordre de la copie. Les deux textes
emploient Hühnergeier (milan).
En d'~utres endr?its ~u Codex Atlanticus figurant en grande partie
dans le hvre de Smtragha Scognamiglio que Sigmund Freud a sous les Quelques semaines plus tard, le vautour recouvre de ses grandes ailes
yeux, Léonard de Vinci parle effectivement du vautour (avoltoio) comme le berceau de Léonard dans la totalité de l'ouvrage destiné aux foules et
d'un charog~ard vorace qui suit !'armé~ dans ses campagnes, mais qu'il le rnilan s'est envolé. L'inventeur de la psychanalyse avait connaissance
ne confond a aucun moment avec le milan (nibbio) du soi-disant souve- des impossibilités et discordances historiques des le début, lors des
nir. L'artiste, fasciné par les oiseaux, est tres bien informé des différences préparatifs de l'automne 1909, lors de son exposé en décembre, lors de
radicales entre les deux rapaces et Freud, qui a malgré tout des rudi- la publication de mai 1910, lors des rééditions de 1919 ou de 1923, lors-
ments de zoologie, n 'a aucune raison de faire une erreur de traduction qu'on les lui rappelait, et n'a absolument rien changé, bien au contraire:
d'une telle envergure. 1' appareil de notes s' est épaissi par couches successives dans un dogma-
tisme intransigeant, ignorant toujours les oppositions de l'histoire,
On ne trouvait pas de vautour en Toscane, et il est hautement improba- méprisant les spécialistes et leur documentation quand ils n'étaient pas
ble que le petit Leonardo ait pu etre touché par ce volatile en Italie du en accord avec la théorie.
nord. Par con~re, les milans sont aussi communs en Italie que les
vauto~rs en Egr.pte. Néanmoins, les Égyptiens de l'antiquité ne Sigmund Freud connaissait la revue Burlington Magazine for
croyment Pf}S qu 1ls fussent des femelles fécondées par le vent. Et les Connoisseurs, dans laquelle Eric Maclagan critiqua son travail. Ernest
P~res d_e l'Eglise n 'utilisaient pas le mythe d'un milan toujours femelle Jones luí avait envoyé l'exemplaire d'avril 1921, ou un article de
fecondee par le vent pour se sortir d'affaire avec le Petit Jésus et l'Imma- Mitchelllui donnait des fournitures et des trouvailles accroissant la vrai-
culé~ Conception de la Vierge. Eu égard a ses compétences dans le semblance d'une autre interprétation pathographique-fantasmatique, et
mamement des langues, du langage, de la rhétorique, et au role cardinal suffisamment valables pour mériter, en 1927, un appendice a son Moise
qu'il confere au fragment du souvenir dans sa théorie, le Professeur de Michel-Ange de 191444 • Mais son Léonard n'eut pas droit a un traite-
Freud est inexcusable. ment aussi équitable.

, Han. Isr~~ls a ~lai.reme~t m~ntré, en 1993, documents historiques a Des juillet 1910, «un bienveillant compte-rcndu » de son livre par
1 appm, qu Il ne s ag1t en nen d une erreur de Freud mais d'une duperie: Havelock Ellis dans Journal of Mental Science signalait déja que 1'oi-
l'auteur sait. bien ~e qu'il fait en traduisant délibérément nibbio par seau de Léonard « pourrait bien ne pas avoir été nn vautour>) ( « kein
vautour (Gewr), des 1909. Jl est d'autant mieux au fait de la bonne Geier gewesen zu se in»), a quoi Freud répliqua dan s unl' uot ~ d' 1' éd i-
traduction allemande de nibbio qu'il dispose de l'ouvrage de Marie tion 1919 que De Vinci avait bien «promu» («niiOIIII/1'11 " ) l'a nirnal au
Herzfeld de 1906 qui, quand elle reproduit le souvenir, utilise correcte- rang de vautour4 5 ...
20H MI :NSONC:"s I · RI·IIIlii · N .~ 111.'> 1111111 1> I IN J 1>1 , ¡r ; ¡>ll l~ l\IIII N \1 •1'111 ./\ 11<1 ' ll>lt l 11•1 1 11 ', 11111111 '• 11111\1 · /\I IX

LES DÉVOTS SONT EMBARRASSI~S allernands oü nibbio cslnonnall'llll'lll ltaduit. Mais pcu importe l'intelli-
gence du lecleur, tant qu 'o n k lai sse dan s l'ig norance des informations
Le systeme interprétatif de Freud est dévast6 : L onard de Vinci a été utiles a sa cornpréhension. llerzfeld cst done rendue seule responsable,
élevé par son pere, il n'y ajamais eu de vautour, el Herr Prqfessor le sait encore une fois en toutc connaissance de cause. La malhonneteté de
depuis le début. Et pourtant, des fideles ont assisté a son apparition, Jones est claire, vis-a-vis de Marie Herzfeld et des lecteurs. Mais il ne
estampillée de flagrante vérité visuelle dans l'éther, puis Freud a s'arrete pas la. D'abord, le probleme de traduction est une «partie non
toujours refusé, jusqu'a la mort, d' altérer son Léonard. Quant a l'homo- essentielle de l'argumentation de Freud» ! Ensuite, pour bien distinguer
sexualité de l' artiste, point de départ de sa réflexion, elle est une pure le Héros, jamais coupable, qui ne peut se tromper ni fa1sifier, de tous les
spéculation. na'lfs, Jones s'obstine et trouve des victimes expiatoires commodes : les
deux suisses, Osear Ptister et Carl Jung. En effet, «l'aspect des deux
Le lundi 26 mai 1952, James Strachey, · traducteur en anglais des oiseaux Ue précise asa place : le vautour et le milan] est assez différent
reuvres completes de Sigmund Freud, écrit a Emest Jones - qui réunis- pour diminuer l'importance des observations suisses» 48 . Voila du bétail a
sait de son coté les éléments de sa biographie du grand homme, alors en comes devenu bouc émissaire. Self excepting fallacy, ce qui est vrai pour
cours de fabrication- qu'il s'étonne d'une affaire tres genante. En effet, eux ne 1'est pas pour Freud, et ces deux nigauds ont pensé tout seuls a
nibbio, transformé par Freud en vautour, c;:a alors! n'est qu'un vulgaire voir le vautour sur le giron de la madone.
milan ! Et, dans la source que Freud possede - insiste Strachey - ,
Marie Herzfeld traduit bien nibbio par le mot allemand Hühnergeier (un
James Strachey a entendu le message, et dans le volume de la Stan-
milan), souligné en rouge, et non Geier (un vautour), comme il J'a écrit
dard Edition contenant le Saint Léonard, qui para1t en 1957, il attribue
dans son livre. Jones, ennuyé, répond aussitót a son correspondant qu'il
comme Jones, en dépit de ce qu'il Jui écrivait précédemment, la faute a
faut corriger : «Je ne vois pas comment on peut altérer l'Écriture Sainte,
Marie Herzfeld. Et puis, il rajoute qu'on ne s'en serait rendu compte que
ni meme l'image-devinette, mais il faut bien sur une note» 46.
«tres récemment» 49 . « Récemment», car Strachey se dissimule alors
Un an et demi de réflexions sont nécessaires a Jones pour trouver la derriere la parution, J'année précédente, d'une autre critique dévastatrice
solution, qu'illivre dans un courrier a Strachey, le 11 janvier 1954. Voila du Léonard par Meyer Shapiro50 . Cet auteur, encore un érudit, faisait a
comment traiter le cas dans la biographie : Sigmund Freud a dO Jire dans nouveau état du probleme de traduction de nibbio, et aussi du fait que le
Herzfeld seulement la deuxieme partie du mot Hühnergeier, faisant « souvenir » de Léonard n 'était tout simplement pas un souvenir, mais
Geier, ce qui donne assurément vautour (vulture en anglais). bien, comme on le faisait dans le folklore a l'époque de Léonard, un
présage présenté sous forme de réminiscence. Mais, en avril 1956,
L'idée laisserait croire au Iecteur que Freud s'est trompé a la lecture Shapiro citait tres Ionguement Eric Maclagan, que les psychanalystes
des « Hühnergeier» contenus dans le souvenir bien traduit par Herzfeld, font semblant d' ignorer depuis janvier 1923. Par ailleurs, le doute était
et Jones fait semblant d'ignorer le texte italien, de Scognamiglio, que évoqué des 1910 (dans l'article « bienveillant » d' E !lis cité par Freud lui-
son maltre est censé traduire lui-meme. 11 faut trouver autre chose : c;:a ne meme), et il est clair, d'apres son courrier a Jones évoqué plus haut, que
tient pas. L' affaire est vi te expédiée, en J 955, dans le deuxieme volume Strachey a eu acces aux sources de Freud prouvant une traduction volon-
du Grand-ffiuvre du Docteur Jones qui sort une nouvelle astuce de sa tairement faussée d 'emblée.
manche. Alors voila, écrit Jones : dans « les textes allemands de ce Iivre
sur Léonard, l'oiseau est correctemcnl appelé Hühnergeier (milan), Ernest Jones et James Strachey, comme lcur maí'trc, trompent les
mais, dans la traduction allemancle de llcrzfelcl, celle qu 'utilisait Freud, lecteurs, tout simplement : les deux compercs savcnt bien que leurs justi-
il n'est question que de Geier (vautour) »47 . fications sont inexactes, mais illeur faut protégc r 1' ·criturc sainte, Ieur
C'est la un chapelet de mensongcs pathétiques évidents, devant cacher prophete, sa théorie de l'homosexualité, et lcur propn: idcntit é.
le montage de Freud, que Joncs f'ait passcr pour une erreur de Marie En 1967, l'édition de langue anglaise des Mi/lltf<'·'· d ~ la Société
Herzfeld. Et il s'ajoute encore la sotti sl· i't la mauvaise foi car, enfin, si ce Psychanalytique de Vienne poursuit l'épopéc. La séa nn· du 1"' déccmbre
que Jones écrit était vrai : 1° Fn·ud 111· sai t pas lire l'italien qu'il cite et 1909 ou Freud uti1isa d'abord milan dans sa trad11 r tion d11 ~ouven ir,
traduit, 2° il n'a tenu cornpte qu · dl' 1kr1.ldd el cl'aucun de ces textes ensuite vautour pour son interprétation, est co•• ig1T . ( h1 lit en cfTct
2 10 Ml oNSO N( :J !S 1·1<1 ·111 HI' N'> IIJ ', Jt tlll l 11 I II H 111 .J IU t iiiMi\ 1 ION SI'< ' lJ J./\JI{ E 2 11

I'orateur employer vu!ttm• (vaulour) d.111 ~ ID dt·u x c •s, ct non kite un intéressant lapsus, qu'on peut qualilier de cosmétique, faisant encore
(Hühnergeier = milan) puis vu!ttm· (( ;d,., v lllllllll ), conlraircment au d'un des Hühnergeier de Marie Herzfeld !'indispensable «vautour»,
texte origine! allemand. Dans une llOil:, la lraductri ce Margarethe dans un paragraphe ou il corrige les erreurs d'interprétation de celle-ci 55 •
Nunberg et les éditeurs Hermann Nunh~.: r • el b nsl Fcdern - fideles
psychanalystes de la premiere hcure~ ' . d' origin c aulri chicnne, et qui oht
«Le souvenir d'enfance» est, rajoute+il, pour Freud a la fois la
pourtant le texte allemand en mains - , apr~.:s avoir évoqué l'objection so urce unique et la « validation » complete de sa théorie « étiologique »
rendant définitivement absurde l' interprétation de Freud, estiment que le
de l'homosexualité, comme quoi le líen excessif a la mere est responsa-
vautour et le milan étant de toute maniere des oiseaux, cela n'a pas
ble de I'inversion. Et Ma'idani Gérard insiste sur l'opinion que la théorie
grande importance.
axiologique de I'homosexualité est entierement inscrite par Freud dans
son Léonard: «elle n'a pu etre formulée clairement et articulée ferme-
Mais ce n 'est pas tout. Car il y a 1'édition franc;aise des Minutes vien-
noises! ment que grace a l'étude du "cas Léonard"» 56 . A juste titre, puisqu'il
n'eut jamais rien d'autre qu'unfantasme.
Celle-ci utilise les deux textes précédents. L' avertissement de l'éditeur
nous indique que son produit est une traduction de !'original allemand, Bref, le Léonard est obligatoirement fécond et «la psychanalyse n'y
mais «bien entendu » ajustée pour « bénéficier du travail déja accompli perd rien» 57 • On peut toujours s'arranger avec le verbe, comme avec les
par la traductrice américaine » 52 en 1967. On S' attend done a ce que nombres. Voila une falsification changée en égarement inconscient, el a
I'honnete édition fran~aise respecte les enregistrements scrupuleux des nouveau un fiasco métamorphosé en victoire. A l'instar de Bouva rd t'f
minutes de la société savante de Freud, et s'aligne fidelement sur les Pécuchet, et des précurseurs Pfister et Jung, Ma'idani Gérard voit dans le
termes de la transcription allemande, puis insere une note expliquant, doigt fréquemment érigé vers le ciel des peintures-devinettes de
disons un euphémique égarement, ou une «erreur d'interprétation » du Léonard, un phallus, «ce phallus que personne n' «a », hormis peut-etre
texte américain. Ce n'est pourtant pas ce quise passe: le texte de langue le Pere, qui est "aux cieux" invisible; ce phallus que personne ne devrait
anglaise (vautour dans tous les cas, et non pas milan puis vautour) est craindre de perdre, s'imaginant l'avoir... », etc.58 Freud n'avait pas fait
jugé politiquement préférable a !'original, y compris sa note affirmant cette pénétrante découverte.
que milan et vautour étant deux oiseaux, utiliser !'un pour l'autre ne
ferait pas grande différence 53 .. . Effectivement. Pourquoi pas, des Iors, un Il y a toujours matiere, pour le psychanalyste, a modifier les interpré-
perroquet, un héron, ou un pinson? Une autruche? Ou bien, pourquoi tations du fondateur pour y ajouter de «la signification» . Ainsi, Jacques
pas un aigle, comme le fit Erwin Christensen en 1944 dans Psychoanaly- Lacan s'était-il Iivré a une nouvelle analyse herméneutique, de second
tic Review, en Iieu et place de l'embarrassant vautour? 54 ordre, du cas du « petit Hans» dans son « séminaire » de 1956-1957 (Les
Autrement dit, meme les sources historiques internes du mouvement relations d' objet et les structures freudiennes) et avait «révélé » du sens
sont rectifiées pour se conformer non pasa la vérité, mais au contenu de Iacanien dans le texte et non chez un patient. Qui psychanalysera le texte
sa propagande destinée au public, lequel comporte les patients poten- de Lacan? De meme, il fallut cinq années de labeur acharné a Ni colas
tiels, des nai'fs, des « lai'ques », et des futurs psychanalystes. Abraham et Maria Torok pour aboutir a une réinterprétation «cryptony-
mique» du cas de <<l'homme aux 1oups» de Freud 59 . Ce qu'on peut trou-
En 1994 paraíssait encore un ouvrage fran~ais, «Léonard de Vinci. ver accessoirement délicieux est qu'une analyse pathographique donne
Mythologie ou théologie?», adapté d'une docte these de Jean-Pierre Iieu a une seconde analyse, puis a une troisieme, etc., selon un procédé
Ma'ldani Gérard, reprenant les poncifs de la tradition freudienne la plus inépuisable que j' appellerai la méthode Ripolin.
fidele, y compris I'idée que la transfiguration du milan en vautour n'était
qu'une banale erreur de traduction qui n'altere pas le concept central-
en dépit de l'article définitif de Han Israels paru l'année d'avant, Jeque! LE VAUTOUR DANS LE NID DU COUCOU
n'en avait Iaissé qu'un tas de ruines. 11 est cocasse qu'ayant consacré de
nombreuses pages a la soi-disant faute de traduction, et assuré que le Le vautour n'ajamais existé et Freud injecte délibérément cctl c pensée
« contresens » ne peut pas détruire 1' édifice, 1' auteur commette a son tour dans une réalité textuelle qui ne la contient pas, de la 111.Gllll' manit.:rc que
2 12 MJ:NSON(ii ·S Jol<l •l/1 111 N', IIJ ', J!I JII I J II IIH 1•1 II<IIJU~ I A JII IN S (' ('IJJ 1\llll! 11• lt l'\ 11111 1 1 1•\ ll l(( I I'S J)'O IS I' Ali X 2 11

Pfister et Jung projcucnt une pt'Jl't'pllou uh~clltt· du tahkau de Léonard pas permanent , alors qu 'ellc cst touj ours restée dans la mythologie
de Vinci. l 'épouse hétérosexuelle du Dieu Amon. Amon, dans une de ses incama-
tions, fut Min, une divinité tres virile et érectile. Amon, Dieu-pere natío-
Bref, le texte et l'reuvrc d'art s' appan: nll'ul ~ ces soi -disant «tests na], symbole masculin, et Mout, la Déesse-mere nationale et symbole de
projectifs » qui ne sont pas des tests, u' 0111 auculll: valcur dans la plupart maternité, vécurent heureux tres longtemps, et eurent un fils qui n'était
des cas, et nous renseignent beaucoup micux sur les manies des interpre- pas né du vent : Khonsou, le Dieu-enfant.
tes que sur les caractéristiques psychologiqucs de la personne qui a
foumi ces productions imaginaires 60 . Aucun, parmi les admirateurs de Plusieurs divinités étaient pourvues d'une forme ou d'une tete de
Fr~ud, ne s'était bien sur préoccupé de savoir si on ne pouvait pas perce- faucon : Khonsou lui-meme (souvent surmonté d'une lune), Montou
votr les formes d'un vautour dans n'importe quel drapé de n'importe (Dieu-Faucon, Dieu de la guerre, province de Thebes), Ash (Dieu du
que! artiste, ou bien dans un nuage, ou bien celles d'une chauve-souris désert), Harakhtes et Aton (Dieux solaires), Nemty (Dieu errant), Soka-
étendue, alanguie sur les genoux de la madone. Avant que leur maitre ris (Die u de 1' artisanat), et puis surtout Horus, le Dieu-national, le
Ieur signaH!t ce qu'il fallait voir et la clef du mystere tirée d'une interpré- conglomérat de différents Dieux-faucons. C'est de surcroit sous la forme
tation d'un faux souvenir sorti du berceau du peintre de Mona Lisa, d'un milan qu'lsis, la mere d'Horus, planant au-dessus du cadavre de
aucun d'entre eux pourtant n'avait imaginé qu'on puisse - plus de son époux Osiris, l'enfanta.
quatre cent cinquante ans plus tard, quand meme! - , distinguer l'anato-
mie d'un _te! rapace a cet endroit précis (ou un autre, si l'on est jungien). Pourquoi Freud n'a-t-il pas préféré ces chefs hiérakocéphales morpho-
Quand bten meme le vautour aurait-il matériellement figuré dans le logiquement plus proches du milan que du vautour ? Et pourquoi a- t-il
Codex Atlanticus, Léonard n'aurait pas pu etre imprégné de la conviction choisi Mout plutót que Nekhbet, précisément le Dieu inléR ralem.elll
d'un animal femelle née sans pere, puisque c'est un fantasme freudien et vautour? Ou encore, puisqu'il y tient, pourquoi ne pas s' etre emparé
non des anciens. fermement du priapisme de Min, le seul Dieu véritablement ithyphalli-
que, le Seigneur de la Procréation?
. Comme il ne disposait d'aucun fait, ni historique ni clinique, Freud a
mventé un fantasme, ou plutót en a récupéré un daos sa propre panoplie D' o u lui viennent ces idées qui ne sont pas de Léonard, qui ne
P_~ur l'insérer en contrebande dans un « souvenir» reconstitué quatre pouvaient l' etre? L' image du va utour n' est pas de Leonardo da Vinci.
stecles auparavant par un adulte de 50 ans, et puis a fabriqué son inter-
prétation, qui cacha le passager clandestin en chassant le milan. On est évidemment tenté d' appréhender le récit comme les fantasmes
de Sigmund Freud et ríen d'autre - certains, te! Eysenck en 1985,
_Comment se fait-il que Sigmund Freud ait décidé de renvoyer a pouvaient considérer son reuvre entiere comme autobiographique. Diffé-
l'Egypte antique et non aux croyances populaires plus proches des rents commentateurs, par exemple Ernest Jones, ou Peter Gay (qui n'a
Toscans du xvc siecle, si ce n'est que ces dernieres ne pouvaient apporter « nul doute qu'il fait corps avec son sujet» 62 ), ont noté l'identification
aucune foumiture crédible a son systeme de pensée? Comment se fait-il héroi'que de Freud a Léonard, ce qui est une fa\on de dire qu'il affecte-
aussi qu'il ait choisi la seule Mout dans l'éventail des multiples créatures rait son personnage de ses propres tendances, qu'il décrit ensuite comme
du panthéon égyptien ? des faits étrangers sans se rendre compte - regardant a travers une fene-
tre pour se voir passer dans la rue- qu'il contemplait en fait un miroir.
Les Dieux composites de 1'Ancienne Égypte - hybrides mélangeant
D'ailleurs, son Léonard est historiquement la premiere apparition, en
des a~imaux, des végétaux, et différents matériaux- étaient des repré-
1'absence de tout patient, du concept freudien de narci ssisme.
sentatwns anthropomorphiques, variant selon les provinces, les époques,
ou leurs transformations 61 • Mout était figurée, le plus souvent, comme L'interprétation du Viennois est une concaténation des associations
une créature femelle armée de griffes de lionne, et quelquefois affublée mentales de Sigmund Freud, toutes gouvernécs par le raisonnement
de la couronne impériale, un « pschent » a coiffe de vautour. Mais elle analogique ou agglutinant. Une consonance lointaine (Mout-Mutter) -
n'avait pas de pénis en guise de queue ou de plumage. S'il lui arrivait rapprochement phonétique arbitraire entre deux langucs étrangeres par
parfois - dans SeS avatars périodiques, a certaines époques OU daos Freud et luí seul 63 -,une contigui'té spatiale approx im ati ve et une vague
quelques provinces- d'etre dotée d'un membre érigé, cet aspect n'était ressemblance des formes d' appendices corporcls d'cspcccs zoologiques
2 14 MENSON(;¡:s l·l<l ·. llllii ·N.', 111'.1111111 1• IIN I 1•1 ol r HIII I ~ I \ll •lN \ 1·('111.1\ IRE 11II N 1111 1 11 ', llld lii·S I>'OISI·:AUX 215

distinctes (coda = queue de l' oiseau p(; III S dl' l' htHIIIllt') , une co'iflci- homoscx uel amateur de fellation s ntais « quelqu ' un qui n'est homo-
dence forcée de fonctions (tétéc-fcllation). ou t'lll'Oil' une corrcspon- scxucl qu'cn pensée » - , ct que sculc sa psychanalyse pouvait rendre
dance historique objectivement fortuilc (rapa ·e <.k 1,6Hlard = créature compte de sa platonique « inversion », Freud remettait encore le cauche-
mythologique de I'ancienne Égypte), font oflicc dc démonstration puis mar de 1865 en circulation, changeait les tetes, évacuait 1' épervier,
sont imposées aux lecteurs, dans la manipulation rhétorique, comme des méprisait le faucon, plat;ait le simulacre du vautour ithyphallique
relations causales déterminantes, alors que ni ces informations ni ces cmmanché d'un long cou et fabriqué pour la circonstance dans le nid du
analogies ne sont présentes dans le prétendu « souvenir». milan. puis le coucou de ses propres fantaisies analogiques dans le
berceau du grand artiste.
Ce qu'il y a d'égyptien est la pyramide, mais inversée, pointe au sol,
qui ne tient pas. Tels les sacs qui s'effondrent quand ils sont vides, l'ex-
ploitation de Freud s'affaisse sur elle-meme. · APOSTILLE : L' ABLATION DE GRANOS SECRETS
Le fantasme du souvenir d'enfance de Léonard est bien de Sigmund
Freud lui-meme. En octobre 1865, agé de neuf ans, peu de temps apres Carl Gustav Jung, ce médecin suisse qui rencontrait des soucoupes
1~ mort de .son. g~and-pere matemel Jacob Nathansohn qu'il a vu a l'ago- volantes aussi souvent que les volatiles décidés par son maltre,
me, le pettt Stgtsmund Freud fit un cauchemar intense qui le réveilla, commenc;:a sa descente rédemptrice quelques temps apres le merveilleux
hurlant. Il dit s'en souvenir plus de trente ans plus tard, dans sa chere Léonard, avant un essor plus ésotérique encore. Rétrospectivement, il
Traumdeutung, largement autobiographique. «<l était extremement net et verra dans sa « maudite correspondance » avec Freud a cette époque «la
me montrait ma mere chérie avec une expression de visage particuliere- trace malheureusement ineffac;:able de l'incroyable folie qui emplissait
ment tranquille et endormie, portée dans sa chambre et étendue sur le lit les jours de ma jeunesse. Le retour du pays des fantaisies nébuleuses a la
par deux (ou trois) personnages munis de becs d'oiseaux. Jeme réveillai réalité a duré longtemps. Dans mon cas, la Marche du Pelerin a consisté
pleurant et criant, et troublai le sommeil de mes parents. Les personna- a descendre mille échelles, avant que je puisse étendre la main vers la
ges tres allongés, bizarrement drapés, a becs d'oiseaux, je les avais petite poignée de terre queje suis» 67 •
empruntés ala bible de Philippson. Je crois que c'étaient des dieux a tete
«Un souvenir d' enfance de Léonard de Vinci », poupée gigogne sans
d' épervier appartenant a un bas-relief funéraire égyptien »64 .
queue ni tete, était une histoire fantastique exemplaire, et une construc-
. A ma c.onnai~sance, il n'y a pas d'épervier dans le panthéon égyp- tion volontairement mensongere des ses origines. La version du « souve-
tlen65. Ma1s, cuneusement, l'interprétation que Freud donne a son «reve nir d'enfance ... » de Freud que peuvent aujourd'hui contempler les Fran-
d'angoisse» n'est pas de la meme eau que celle du souvenir de Léonard. c;:ais, excellente au demeurant quant au texte, a été établie par Marie
Celle-ci, qui le concerne, est plus normative, tres accessoirement Bonaparte en 1927, aidée d'une universitaire italienne spécialiste de
sexuelle: ici, l'oiseau (Vogel) évoque a Freud, qui réfere a un jeu de mot Léonard de Vinci, et revue pour l'occasion par Sigmund Freud en
(vogeln, vulgairement: un rapport sexuel), un commerce rigoureusement personne. Elle ne comporte pourtant aucun appcndicc, aucune rectifica-
standard, et le 1ecteur doit ignorer 1'objet de sa concupiscence. 11 ne tion ni de mise en garde de l'auteur ni de sa traductricc, en dépit d'un
saura pas non plus si Amalia Nathansohn -Freud, sa Déesse-mere, avait le appareil de notes confortable de l'un et de l' autrc . C'c que l'on comprend
sourire de la Joconde; mais les personnages ont déja, sous sa plume, bien car alors, 1' ouvrage aurait dfi, ce faisant, qu ill er la collcction pour
d'impossibles tetes d'épervier [Sperherj, non pas de faucon, ni de Ioger, disons pour etre aimable, dans la séric contcs ct légcndes, au
vautour, ni de milan. mieux dans le secteur mythologies, ou bien a cfllé des curiosités, te! Le
Président Thomas Woodrow Wilson, récit présumé conjoinl de Frcud et
Dix ans apres sa clef des so.ngcs, Frcud sait que « les reves de vol de l'ambassadeur Bullitt68 .
signifient originellement toujours : jc pcux fairc 1' amour ( vogeln], je suis
un oiseau ... » 66 , etc., vieux refrain d · so11 propre souvenir d'enfance de La vénération de leur messie par les fidcles po111 vu c111 s dn Saint-
1865 interprété en 1899 et ré-injcct6 dan s sa causerie du ¡er décembre Chreme en dit long sur leur conversion religicu st· t'l :-.111 k JHHivoir de
1909, un. _ga~op d'essai testant ses id(-cs (' hloui ssantes sur ses suggesti- conviction de Sigmund Freud. Nous apprenons dan ~ n· tlc l : uct:c ~ llla goric
bles societatres. En 1910, enlin, ;1ya n1 dl- ·idé que Léonard était un beaucoup plus sur le respect de la vérité par Frcud cl Jl"l ~¡·~ \llnTss¡·nrs,
2 16 MI ·NSONCI I ·.S 1•10 •111111 N', 111 ' 1t 111 1 1• IItH 111'.I NI ! liiMAI ION Sl'(' l i i.A IRI \
1 1 11 1 \ llil 1 1 1 1 •, 111<1 JI 1 S IJ 'O ISI·AIJX 2 17

et sur leur honneLeLé, que su1 la VH' d ' tllt .uf l\ lt }'l'lll ,tll'f ~ ur la nature de
l'homosexualité. Paree que Si gmund l.'1cud n' .1 v: uf lllll'llll l'ail en faveur Qu and il réJi gea it Totem er 7iilmu, Frcud se doc umenta, certes, mais il
de sa théorie, le reste suivit natun.: ll ·nlt:lll , pour lah1iqucr l' illusion d ' une dut lire « de gros bouquins qui nc m' intércsscnt vraiment pas puisqueje
validation externe a sa spéculation vid·. 11 ll !.' lui !(lait plus possible de .mis déja ce qui en sortira, mon insrinct me le dit»72 • De meme, il déclara
revenir par la suite sur les rouagcs de son inv<.: ntion , car la manufacture avoir ~etardé la parution de la Traumdeutung de quatre ou cinq années
des illusions se serait arretée de fonct ionncr. EL alors, nous ne connal- pour attendre contirmation de ses découvertes et vérifier leur validité 73 .
trions pas aujourd'hui les délices du frcudi srnc. Ce qui serait le signe de sa grande prudence scientifique. En réalité, il
avait entamé sa rédaction en février 1898 et l'ouvrage fut terminé en
septembre 189974 . JI n' avait besoin d ' aucune confirmation empirique. En
L'extraordinaire Léonard est une imposture représentative d'un outre, ce Jivre sur l' interprétation des reves était pratiquement achevé
systeme de pensée unique, la psychanalyse, que défendent avec ardeur quand, fin juillet 1899, il commen~a enfin a réunir les études d~s autres
tous ses thuriféraires fanatiques. Les déforniations de l'histoire du freu- auteurs, nombreuses mais dont il ne sélectionna que celles qut conve-
disme par l'hagiographie, la désinforrnation par les fideles du mouve- naient a ses idées, pour batir la prerniere partie de son travail, rédigée en
ment et le caviardage des documents par les exégetes, sont, depuis un dernier et consacrée a la revue des connaissances antérieures, car il
siecle, des -archives aux divans, une se u le « méthode » de mystification. savait ce qu'il fallait en conclure avant d'avoir ouvert un seullivre75 .
Le créateur manipule inlassablement ses patients comme les données
historiques et biographiques, et invente en quantité de fausses confirma-
Quelles sont, ici dans son Moise, les sources historiques qu'il possede
tions ou s'empare de celles de ses éleves, car il ne possecte pas de preu-
pour annoncer ses découvertes archéologiques? 11 avoue n' en avoir
ves. Nombres de ses publications, de la cocaí·ne a son Moise - en
aucune. Alors, voila la solution viennoise, l'aveu d' une techniquc ct
passant par ses cas cliniques et une collection impressionnante de d' une attitude : « Nous savons » , écrit-il apres avoir admis sa « total e
reconstructions «pathographiques » fictives, mensongeres ou malhonne-
incompétence dans ce domaine», «qu'en traitant de fa~on si désinvolte
tes, sur Dosto!evski, sur le président Schreber, sur la Gradiva de Jensen,
et si arbitraire la tradition biblique, en utilisant seulement ceux de ses
sur la préhistoire ou la conquete du feu ... - sont de cet ordre 69 . Dans le
textes qui corroborent nos vues tandis que nous rejetons sans hésiter
catalogue des 400 titres de 1' reuvre de Sigmund Freud, le choix est ceux qui infirment ces dernieres, nous nous exposons a voir séverement
imposant; malgré les efforts des historiens ces demieres décennies, il critiquée notre méthode (sic) et nous diminuons la force convaincante de
reste encare du travail, et une vie entiere de chercheur pourrait etre nos arguments. C'est la, cependant, la seule fa~on possible de traiter un
consacrée a leur démontage.
matériel dont l' authentici té, comme on sait, a été sérieusement endom-
magée du fait de déformations tendancieuses. Espérons qu'une f?is ces
Le Moi'se et le monothéisme, ouvrage testamentaire de fin de carriere, motifs secrets découverts, justice sera rendue a nos efforts. Il est tmpos-
rédigé entre 1934 et 1938, telle une suite au Totem et Tabou de 1913- sible de parvenir a une certitude et nous prétendons d'ailleurs que d'au-
1914, déplut autant aux Juifs qu'aux spécialistes, qui virent la, malgré la tres auteurs ont agi comme nous» 76 • Quand l'information historique fait
protection de la célébrité, un «magnifique chateau construit sur le défaut, la psychanalyse fabrique sa « vérité narrative », prétendument
vide» , car Freud livrait une série d'interprétations sans fait per~ues
70
débusquée dans l'inconscient millénaire transmis, selon Freud, de géné-
comme une provocation et une spéculation hardie contrefaisant les ration en génération par la magie de l'hérédité des caracteres acquis. La
éléments connus de l'histoire. Des savants y détecterent meme de l'anti- méthode est meilleure que l'historiographie, que la sociologie, que l'ar-
sémitisme, «la voix d'un des plus fanatiques chrétiens exprimant sa chéologie, que la paléo-anthropologie. 11 rajoutera, dans une lettre a
haine d'Israel» 71 • La religion mosai'que, affirme l'auteur, était certaine- l' égérie Lou Andréas-Salomé a propos de son Moi'se - dont il avait déja
ment une religion d'origine égyptienne, celle d'Aton, dieu solaire du psychanalysé la statue en 1914 - , une formule qui condense ainsi son
panthéon, fondée par Amenhotep IV, pharaon qui se fit appeler Akhen- credo sur sa vérité : «Ce qui rend la religion forte, ce n 'est pas sa vérité
Aton. Moí'se, qui n'était pas juif mais un aristocrate et haut dignitaire réelle mais sa vérité historique» 77 . Étrange et révélateur distinguo.
égyptien, transmit a une tribu sémitique élue non seulement la nouvelle
religion, mais encore la coutume égyptienne de la circoncision. Le En 1920, « Les trois maitres », reuvre de Stefan Zweig consacrée a
monothéisme est une invention égyptienne et non juive. Honoré de Balzac, Charles Dickens et Fiodor Dosto'icvs ki , irrita grave-
ment le Professeur, et surtout J'opinion de l'auteur sur le dc rnier écri-
218 MENSONGES FRI!UIHI ~NS III S I<lll( l · II ' I INI · lli ~S INI'ORM/\TION S(~(' 1./\IRE 11 !lNA Hi l 1 l II ·.S IJI{(')I .I ·:S I)'()ISE/\UX 2 19

78
vain • Zweig valorise les talents et la subtilité psychologique du Russe, . 11'tgent et pro t''on d 1.···' elle rl'est d'aucune aide a un bousilleur
pas mte
dont les personnages sont mus par des forces obscures, inconscientes. d'ames» 83 .
Dostoi'evski, mort en 1881, apparalt en effet a Zweig plus profond que
les psychiatres et les criminologues; il est le psychologue des psycholo- L'idée de «l'hystérie» de Dostoi'evski est de Freud, que ne j_u~tifie
gues sans la psychanalyse, et sans Sigmund Freud, que l'auteur ne cite aucun argument médica! objectif. La réduction de la plupru: des eptl~p­
meme pas! Pour Freud, cet avis, et cet oubli de son nom, sont insuppor- sies a I'hystérie, selon une conviction qu'il possede deputs au moms
tables, et il s'empresse de s'en plaindre a Stefan Zweig, avec des argu- trente ans au moment ou il écrit son article, est d'ailleurs étrange ch~z un
84 E ' l1te,' le
ments qu'il reprendra dans un article de 1928 79 . neurologue qui s'affirmait tres exigeant dans ces matler~s.
., . n rea
diagnostic indiscutable d'une épilepsi~ fut po~é en Jmllet 1847, des
Fiador Dostoi'evski n'était pas épileptique, selon Freud, mais névrosé convulsions accablant l'écrivain une fms par mots en moyenne pendant
hystérique. Les «grands hommes dont on raconte qu'ils étaient épilepti- les trente-quatre demieres années de sa vie 85 • Les perturb~tions é~~tion­
ques n'étaient ríen d'autre que des hystériques. [ ... ] Je crois que tout le nelles de Dostoi·evski étaient liées a 1' épouvant~ des cns~s comitJales,,
Dostoi'evski [de Zweig] aurait pu etre construit sur son hystérie» 80 . La qu'il craignait, puis a la culpabilité, qui les suivatt, et certam~ment pas a
profondeur de Dostoi'evski qui confond ses lecteurs provient ainsi d'une des troubles névrotiques, inventés par Freud longtemps apre.s sa t~ort.
névrose, et c'est sous I'afflux des fantasmes inconscients de sa patholo- Nulle part dans la biographie de l'écrivain, ~n ne ~rouv~ de stgne d. une
gie mentale que l'écrivain russe accede a une compréhension des motifs «hystérie», ni apres l'assassinat de son pere, nt apres une pun111on
secrets des drames humains sans la psychanalyse. Done, Dostoi'evski fut cruelle infligée, pour subversion, par le tsar - une exécullon tn1 st.: en
un antisémite, un barbare décadent, un esprit faible ( « geringere scene et longuement simulée par un peloton en 1849 - , 111 apr s son
Geister >> ), masochiste et homosexuel Iatent, « névrosé, moraliste et bannissement pendant dix ans et en Sibérie durant quatrc annécs. 1-reud,
péc ht.:ur>>, témoignant d'une sympathie «saos limite» pour les criminels. qui assimile l'auteur aux personnages de ses romans, se ltvrc il une
Et ses soi-disant crises comitiales, symptomes de l'hystérie, ne peuvent psychanalyse sauvage, sans malade et _sans preuve, de l' écn va111 rus.~t.:,
ctrc comprises que par la science freudienne, pure et civilisée. II ajoutera mort depuis pres de quarante ans, en reJetant tous les arguments con ttdl -
encore six ans plus tard, car il y tient, que le Russe était <<un névrosé res a l'élaboration du portrait antipathique d'un talentueux c?ncurrent,
d'une grande perversité» 81 . pour mieux stigmatiser des défauts fabriqués par ses interprétat10ns ac~a­
blantes. Freud avait disposé d'un temps amplemen~ suffisant--::- au ~mns
entre sa réponse a Stefan Zweig en 1920 et son art1cle « Dostmevskt et le
Pour comprendre un géant, un créateur, un génie, il faut le rabaisser,
parricide», paru en décembre 1928- pour se ~ocum~nt~r dans les ~00
1' avilir, le considérer comme un malade, et le réduire a 1' état de patient.
ti tres disponibles a 1'époque sur l' auteur, dont 11 pos~~da~t une certame
Alors, la psychanalyse peut reuvrer a sa hauteur. Karl Kraus avait bien
quantité, etil aurait pu au.ssi rappo~er que. le Rus~e n etatt pa~ non _plus
vu chez le freudien un faible, car « il aime et déteste son patient, il envíe antisémite bien au contrmre, ce qu ¡/ savmt parfaltement car zl avmt les
document; nécessaires a portée de mains86 • Mais il igno_:e la ?ocume~ta~
sa liberté et son pouvoir, et son affaire est de ramener ses forces au
niveau de sa propre faiblesse. 11 affirme que I'artiste sublime un défaut tion, car Dosto'ievski le possédé devait etre un grand nevrose pour amst
paree qu'il se sent incapable. La psychanalyse est, en réalité, un acte de comprendre les fantasmes inconscients avant Freud.
revanche par Jeque! l'infériorité du psychanalyste est transformée en
supériorité. Le patient tend naturellement a se soumettre au médecin. Deux ans plus tard, dans une allocution que lut s~ filie a F~a~cfort, lors
C'est pourquoi, aujourd'hui, n'importe que! idiot veut traiter son génie. de la remise du prix Goethe, Freud estimera «que 1 on devratt etre recon-
Peu importe comment le médecin s'efforce d'expliquer le génie, tout ce naissant a la psychanalyse quand, appliquée a un grand h?mme, elle
qu'il arrive a faire est de montrer qu'il en est dépourvu. [... ] Il n'y a contri bu e a faire comprendre la grandeur de son reuvre ». « St la psycha-
qu'une justification a l'existence de la psychanalyse : elle serta démas- nalyse, continue-t-il, se met au service de la biographie, elle a na.t~rell~­
quer la psychanalyse »82 . ment le droit de ne pas etre traitée plus durement que cette demiere » '
sauf apparemment si la biographie touche un .gr?nd p;ychanaly.~te,
Comme le dira Max Graf dans une intervention remarquée a la société surtout Le créateur. Car, quand Fritz Wittels avatt elabore la prem1ere
psychanalytique de Vienne, «la technique de Freud a elle seule ne rend biographie de Freud, auquel ill'adressa, celui-ci lui avait répondu seche-
220 1·1{1 •1/Jlll -N\ lll 'o l!IJH I )ol ltl l JIHitll~l
MI!NSON( :I ·.S JIJ III IN Sf •( '\ JIAJJ<E 11llrli\ 1111 1 1 11·'\ 111{ II ·. S IJ'OISEAUX 22 1

ment qu'illui semblait «que le puhlic n' a 1ll' ll :) l:u1t· <k 111a personnalité sonl dispensés d'en tenir complc, ct aucune étude sérieuse n'est vraiment
et qu'en lire une étude ne pcut ríen luí app011n 111111 que mon poínt de nécessaire. Elle leur est d 'a illcurs dangereuse, sinon fatale.
vue est différent (pour de multiples raísons) »HH_ /\u ¡Híntcmps 1928,
quelques mois avant la parution de J'artíclc sur DosloYcvskí, une étude Quand une homélie d'un grand Ayatollah scande que «les enfants non
sur ~igmund Freud, par Michaelis, avail paru, que Bínswanger jugeá allaités par Jeurs meres risquent mille fois plus que les autres de devenir
admtrable. Freud prétendit ne pas l' avoir lu, car « analyser un homme homosexuels», le procédé est le meme; l'incantation des foules aussi.
vivant est a peine admissible et certainement impoli ». Et il poursuit, a
propos de Michaelis: «Ün laissera en suspens la question de savoir s'il Quels moyens Freud possede-t-il pour vérifier J'universalité d'une
s'agit d'une aggravation ou d'une diminution de l'impolitesse quand on théorie par ailleurs él astí que? O usont done les études (longitudinales o u
n'envoie pas le résultat de la vivisection asa victime [... ] Nos analyses prospectives, dirions-nous aujourd'hui) qui l'ont assuré que les enfants
cliniques présupposent une plus grande familiarité avec leur objet»S9_ élevés sans pere- ou bien sans mere, puisque nous venons d'apprendre
Pourtant, ceci ne s'applique pas aux psycho-biographies dont il fut l'au- que ces roles sont indífférents - deviennent «en général » homo-
te~r. ~e psychanalyste échappe a la psychanalyse, et le respect, qu'il sexuels? Au regard de la fiabilité et de l'honneteté de ses publications,
exigea.tt des autres a son égard, doit s'adresser seulement a la personne on est en droit de se poser des questions sur la valeur des informations
des freudiens fideles. cliniques invoquées, jamais décrites.
Les enquetes nécessaires ont été faites ínlassablement, mais sans les
Il faut avant toute recherche annoncer «par anticipation le résultat te/ analystes, qui s'y refusent. Les enfants, de !'un ou J'autre sexe, élevés
qu 'il est vraiment, c'est-a-dire comme quelque chose de tout a fait par un seul parent, de l'un ou l'autre sexe, sont aussí masculins ou fémi -
nouveau », avait recommandé Sigmund Freud a Wilhelm Fliess en 1893. nins que les gan;ons et filies élevés par les deux parents ensemble. 1,es
C'est la méthode que nous connaissons. Dostoi·evski était hystérique par gar9ons et tilles élevés par des parents adoptifs ou biologiques dont les
définition. Et Léonard de Vinci était condamné a l'inversion avant !'exa- roles sexuels sont typiquement déviants (ouvertement homosexuels par
men de son dossier. Car Sigmund Freud savait déja depuis longtemps, exemple, d'un genre ou de l'autre), ne sont ni plus ni moins masculins
avant d'avoir rencontré quiconque, sans avoir récolté quelques faits, ni ou féminins que les enfants élevés dans une famille conventionnelle, et
réalisé quelque étude que ce soit, par anticipation, que «le fait qu' un n'ont d'ailleurs pas plus de problemes psychologiques qu~ des individus
enfant grandisse parmi les personnes d'un seul sexe est, nous le savons du meme age tirés au hasard dans la population générale. A terme, a leur
maintenant, !'une des causes qui contribuent le plus a la formation de maturité, ríen ne distingue ces groupes entre eux. Et les populatíons
l'homosexualité »9o. homosexuelles sont issues de n'ímporte quels types de familles. La cons-
títution des roles sexue]s doit peu a la fayon dont )es enfants sont éJevés,
Au cours de son analyse, Joseph Wortis, alors jeune psychiatre sur le et beaucoup aux facteurs antérieurs a leur naissance. Le soi-disant
divan, demanda un jour de 1934 a Sigmund Freud ce qu'il pensait de complexe d'ffidipe, au cours duquell'enfant «s'identifierait», on ne sait
cette derniere possibilité: supposons qu'un enfant ait perdu sa mere asa trop comment, de fa9on privilégiée a un parent d'un sexe ou bien de
naissance et que «seul, le pere éleve son fils, qu'arriverait-il dans ces l'autre, est dépourvu de tout support objectif, et au moment supposé y
conditions»?
correspondre dans J'évolution psychologique- disons entre trois et dix
«En général », lui répondit le Professeur, «le gan;on deviendra homo- ans pour etre tres généreux - , rien de particulier n'affecte le développe-
sexuel». Wortis, pragmatique, ajouta qu · il « serait intéressant de faire ment des roles sexuels masculin et féminin, lesquels sont antérieurs a
~ne enquete sur ces e as», a quoi 1' illuslre savant, qui trouvait cette ques- 1' age de trois ans.
tton « abstraite », répliqua que «ce n 'e.1·t pas nécessaire. Nous savons Les faits dont Freud s'était dispensé sont disponibles dans la littérature
sans avoir besoin d'en faire co'mment ces situations évoluent»9 1• Quand spécialisée, pour la plupart depuis longtemps 92 . Jls sont considérables,
bien meme un enfant serait-il é lcvé rar so n seul pere, sans mere, l'issue par leur quantité, par leur convergence, et par leur rigueur. Mais les
ne serait pas différente. Le ph1•. ott /u mhe. tout cela n 'a finalement analystes modernes n'en veulent toujours pas, et répugncnt a les admet-
aucune importance. Pas plus qu' k s r ~ alités, ni qu'un vautour, ni qu'un tre, quand ils condescendent a en prendre connaissance. Dans le cas
milan. Les faits sont interchangea hks aulanl que de besoin, les freudiens contraire, ils ne seraient plus des freudiens ni des analystes, alors qu'ils
11 " " li JO 1 1 11 ·, lll <!lii ·S ll '( IISI ·. AIIX )} \
122 MI ' NSONI:J ' \ 1•1(1111111 N', lll'ollllll 1•11 H tol diHIIIII\ 11\ IIfi N ,\ H 'I II. A IIll ·

tolerent les incohérences elles IIIY~'>1i1H · t1ttuts d<· l<·u1 linos, quand ils ne Et nous attcndons 1oujours, dcpni s le début Ju xxe siecle, les effets du
SUperposent pas )eS Jeurs a Ja fubricat 1011 Vlllllri k 111 j le i) notrc culture. traitcmcnt analytique de 1' anoma/ie homosexuelle. Pour autant qu 'on
sache, les psychanalystes n'ont jamais fait d'un homosexuel un hétéro-
Le m?ins que !'?n pui~se dire est q.ue leurs points de vue d'analystes scx uel. Ne serait-ce pas ce qui pousse les freudiens a assurer, aujourd'hui
cncore, que la « thérapie » doit durer « probablement toute une vi e»? !'~
8
de terram sur le SUJet de 1 homosexuahté resten1 extrcrnement contrastés
sino~ contradic~oir~s 93 . Quant a l'homosexualité (( latente », que 1' 011 pe u~ Ce en quoi ces derniers sont en accord parfait avec Jeur maitre a tous ,
quahfier de «peche muet», en pensée ou par intention (inconsciente bien Sigmund Freud, qui, dix ans apres son divin Léonard ou il avait tout
entendu); les plus. autorisés des analystes estiment ne J'avoir jamais co mpris de l'homosexualité, donna la sanction finale de son échec dans
r~ncontree sur le ~tvan .consa~ré a cet effet. En dépit de Ieur grande expé- le seul cas clinique qu'il ait évoqué : «transformer un homosexuel plci-
nence de .1~ questwn, Ils «O ont pas pu valider J'omniprésence de l'ho- nement développé en un hétérosexuel est une entreprise qui n' a gucrc
mosexu~hte latente. Nous avons psychanalysé de nombreux individus de plus de chances d'aboutir que l'opération inverse» et « la psychanalys ·
sexe male en étant dans !'incapacité d'observer chez eux la moindre 19
n' est pas appelée a résoudre le probleme de l'homosexuali16> !'
trace de ce "complexe"»94.
Comme le remarque Simon Le Vay, un spécialiste de la nL'urohiolur.u·
L' o~hodoxi~ !reudienne, dogme encore imprégné des idéologies du des dífférences sexuelles qui ne cache pas son homoscxualitl·, .. dan ~
XIXe stec~e et t~f!ltrant les nótres, a considéré «l'inversion» comme une !'esprit de l'optimisme médica) qui a caractérisé le xx" sil:ck, 1naludw
pathologte, p~tsqu'elle n'est pas au service de la procréation, but de implique guérison possible, et des millíers d'homosex ucl s ont (·t(· :-.< HIIttl >
toute sexuahte normal~. «Les perversions sont biologiquemeot inférieu- a la psychanaJyse, a la castratÍOO, a des greffes de testi culcs , a (kS 11 :tltl·
res car elles ne condmsent pas a la procréation», assurait Freud, rajou- ments hormonaux, a des électrochocs et a la chirurgie cérébrak dan s dr \
taot q_ue. l'homose~ualité, évidemment, «ne comporte aucun danger de tentatives de les "guérir" de leur triste état. Autant que jc pui ssL· k
procreatwn» et pms qu'elle «ne peut pas, elle non plus, etre acceptée savoír, aucun de ces traitements n'a jamais produit le résultat attcndu ,
com_m~ no:znale» 95 . Le Comité Secret proclama en décembre 1921 J'in- mais les dégats physiques et psychologiques qu 'i ls ont provoqués
terdtctwn a to~t h?mo~exuel d'exercer la psychanalyse. La prohibition doivent etre comptés parmi les crimes les plus graves jamais commis par
est encore apphquee, bten que de nombreuses notoriétés du mouvement la profession médicale. De surcroí't, les parents des hommes et des
malgré leur analyse par Sigmund Freud ou ses catéchumenes, fussen~ femmes homosexuels doivent aussi etre inclus dans les victimes du freu -
h?mosexuels, par exe~ple le_ pur .orthodoxe James Strachey. A propos disme : le fait d'attribuer l'homosexualité au comportement parental,
d un homose~uel 9m ,v?ulatt smvre une formation psychanalytique, dans le contexte d'une société généralement hostile a celle-ci, revenait a
~nna F~eud repondtt d atlleurs «par expérience» qu'il n'était pas ques- leur faíre porter une responsabilité et une culpabilité totalement imméri-
tt?n «d accepter des gens présentant des anomalies sexuelles »96. En tées » 100 .
decembre 1973, les experts mondiaux de la psychiatrie déciderent enfin
d'écarter l'homosexualité de la nomenclature officielle des maladies Le montage Léonard de Vinci était la psychanalyse meme, une rhétori-
m_entales: contr~ les freudiens 97 . Mais, actuellement, en raison de la que formidable devant dissimuler le grand secret. Le voici: elle n'a stric-
desaf~ectwn crmssante des hétérosexuels « normaux » daos la formation
tement ríen a dire, rigoureusement rien démontré, ici daos I'homosexua-
freudte~ne, une proposition d'embauche se fait, ouvertement destinée
lité, la daos la vie psychologique normale et pathologique, et, par
aux asp1rants homosexuels. ailleurs, n'a absolument rien fait de ses prétentions thaumaturgiques. Le
nuage de sainte fumée rhétorique du Léonard était chargé- par l'inter-
, _Dn peu de l?gique et une simp!e enqu?te, comme on les faisait déja a prétation du vent du battement de l'aile d'un eharognard qui n'exista
l epoque, auratent pourtant permts aux frcudiens de vérifier qu'il n'y a pas, inséré daos un faux souvenir d'un génie qui n'était ni malade ni un
~as pl~s ~e troubles mentaux chcz 1'S homosexuels que dans la popula- patient - de dissimuler l'absence de preuve, et puis de convertir
tton ge~erale. Les ho~osexuels do1 ~s de pcrturbations psychologiques, patients, prosélytes et lecteurs a son ignorance agissante. Son succes fut
ceux qm, pou~ cet~e ratson, vont occasionncllement consulter un psycha- done éclatant, et il n'est pas terminé.
n~Iyst~, so~t m~?tment r:noms 11n1n.h n.: ux que ceux qui n' en ont pas et
n,ont]amms affatre aux fr?udtcll s 111 :111x psychiatres. Des lors, combien
d ho~osexuels Freud ~-t-tl co~uHI S, dl' l'un et l'autre sexe? Combien,
parm1 eux, et elles, étaten1 vralllll'lll l(' pr~sc n1atifs de leur condition?
1 1 1 IN 1(11 1 1 1 1 ~ IH(()I.I ·.S I)'()ISEAlJ X 225
224 MI ·.NSON(II ·. S l•l!l •llllll N'o lll 'd"IJII lo 111 11 lol dNI<liii\.IAIIII N SI•( 'IJIAIRF

NOTES
1' I.Rmwrd : 59 (c'est moi qui souli g rw ).
"' Léona rd : 61.
1 11 Freud (1/12/1909), Soc. Psychan. Yienne, Minutes, vol. 2: 336 (italiques miennes).
Freud (1910), Eine Kindheitserinnerun K di•,,· I A'OIIIIIf i o da V1111 't (li<rc queje réduirai
désonnais a Léonard). '' Léonard : 63 (italiques miennes).
2
Le terme est utilisé par Freud lui-memc, précisément da11s 1-lmlflrd. Sur le Léonard de ''' O. Pfister (1913). cité par Freud dans l'édition 1919 de Léonard (chap. 4, note 18).
Freud, voir principalement Jones, vol. 2: 367-370; Elle11bergcr ( 1970) : 530-531; et Gay, '" Jung ii Freud, 1716/1910.
vol. 1 : 422-431. Stannard ( 1980), in Crews ( 1998) : 200-211, et Eysenck ( 1985), chap. 7, " Freud ii Jung, 19/6//910.
font un bonne revue. Mais la meilleure étude esl celle du hollandais Han Israels ( 1993), " Lettre de Ferenczi ii Freud, 121611910.
Freud and the Vulture. 11 Séailles, G. ( 1892), Léonard de Vínci, 1'artiste et le savant. Essai de biographie
3 psyclwlogique, Paris, Perrin.
D'une statue de Miche_l-Ange en 1914, par exemple. L'expression Sa.xa Loquunlur est
dans Freud (1896), Zur Atiologie der Hysterie (trad. fr., p. 84). ''' Cf Bromly (1988) : 139 sq.
4
Lettre ii Freud, 1118/1910. '' Jack Spector (1972), The Aesthetics of Freud : a Study in the Psychoanalysis of Art,
5
En 1906, lors d'une enquete sur les meilleurs livrés (1907, Antwort auf eine Rundfrage mentionné sans référence par Gay, vol. 1 : 431 , que reproduit sans référence Rodrigué
« Vom Lesen und von guten Büchem » ), il pla~a le roman de Merejkovski parmi ses dix ( 1996), vol. l. : 532.
préférés. '" Eric Maclagan (1923), <<Leonardo in the consulting room>>, Burlington Magazin e Jor
6 Connoisseurs, vol. 42 : 54-57.
Lettre ii Jung, 17110/1909.
7
Cf Nunbérg & Federn, Minutes de la Société Psychanalytique de Víenne (voL 2) a cette ·17 Israels ( 1993), Freud and the Vulture : 580.

date. '' Minutes, vol. 2 : 338.


8 -"' Léonard, chap. 2, note 1 (voir plus haut).
Lettre de Freud ii Ferenczi, 13/2/1919 (in Jones, vol. 2: 369) ou bien de Freud ¿¡ Lou
Andreas-Salomé, 9/2/19/9 (in Gay, vol. 1 : 424). 4° Freud ( 1898), Zum psychischen Mechanismus der Vergesslichkeit : 103.

9 41 G. Vasari ( 1550), La vie des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes.


Gay, vol 1 : 422-423. Et Peter Gay place étrangement le Léonard dans son chapitre
Thérapie et Technique . 42 lsraels ( 1993), Freud and the Vulture : 583.
111
Comme le signale John Kerr ( 1994) : 280-281. 4 .\ Israels (1993), ibid. : 581, fig. 4.
11
Cf sa Lettre ii Ferenczi, 111/19/0. Cf Minutes, vol. 2: 10/3/1909, pour l'intervention 44 Freud (1914), Der M oses des Michelangelo ; et Freud ( 1927), Nachtrag zur Ar!Jeit über

d' Adler sur le marxisme devant la Société Psychanalytique de Vienne. den Moses des Michelangelo. Cf Lettres de Iones ii Freud, 1115!1921, et de Freud rl
12
Freud (1910), Die zukünftigen Chancen der psychoanalytischen Therapie. Iones, 3/3/1927.
13
Lettre de Freud ii Jung, 1711011909. " << Der grosse Vogel brauchte ja gerade kein Geier gewesen zu sein. » Et << wie es von
14
Ce Codex est accessible sur CD-ROM. L'original du Codex Leicester fut acquis en Leonardo mit dem zum Geier emannten Vogel ... >> (Léonard, chap. 2, n2).
46 L'échange se trouve dans lsraels (1993), Freud and the Vulture (p. 583-584). L'Écriture
1997 par Bill Gates pour la modique somme de 30 millions de dollars.
15
Fin du chap. 1 de Léonard. Sainte (Holy Scripture) est évidemment celle de Freud, et l' image-devinette (Vexierbild)
16
Freud (1112/1909), Soc. Psychan. Vienne, Minutes, vol. 2: 334 (italiques miennes). est le tableau reconnu par Pfister et J ung comme contenant le va utour.
Freud a Joseph Wortis le 18/1/1935 (Wortis (1954), Psychana/yse ii Vienne, 1934.
47
17 Jones, vol. 2 : 370.
4
Notes sur mon analyse avec Freud: 164). ~ Jones, vol. 2 : 370.
18 '" Introduction a Souvenir d'enfance deL de Vinci (*SE 11 : 59-62, principalement p. 60-
Léonard: 63.
19
Lettre ii Jung, 17110/1909. 61).
50 .loumal of the History of Ideas, 1956, vol. 17, n" 2: 147-148.
20
Léonard, chap. 2, note 1 (Freud citant le Codex Atlantlanticus F.65 v., tiré du texte de
s' Paul Federn, qui assista a cette séance du 1'" décembre 1909, eut longtemps la charge
Scognamiglio. 1900). A l'époque, nibbio s'écrivait encore nibio.
21 des Minutes de la Société Psychanalytique de Vienne apres Otto Rank. 11 s'est suicidé en
Léonard : 54.
22 1950, mais son fils Ernst lui succéda. Margarethe (la tille alnée d'Oscar Rie) fut analysée
/bid. : 97.
23 par Freud soi-meme, son mari Hermann Nunberg par Paul Federn, et Emst Federn par. ..
Lors de la discussion de l'exposé de Frcud sur Léonard, le 1" décembre 1909, Viktor
Tausk enseigna aux fideles que les croates croient aussi que les enfants illégitimes sont Hermann Nunberg! Encore une affaire de famille!
52 J.B . Pontalis, avertissement a Nunberg & Federn (Eds), Minutes, vol. 1 : 6.
nés d' une fécondation par le vent, car ils onl une cx press ion pour eux, disant: « illui a fait
53 Le texte de l'exposé de Freud du 1112/1909 est dans Minutes, vol. 2 : 333 sq., et la note
un enfant d'un pet >> (Minutes, vol. 2 : )44). Les admirateurs furent comblés. S. Freud
don na plus tard son avis d'expcrt : « .l'ai rt•marr¡u f, en analysant plusieurs musiciens, un p. 335.
intéret particulier; et qui remonte jusqu 'ti ¡,.,,
i't!/tlllce. pour les bruits que l'on produit
54 Cité par lsraels (1993), Freud and the Vulture: 579.
55 Ma'idani Gérard (1994) : 36.
avec les intestins. {... ./ Une fon e c'om¡m.HIItl(' onitle dans cette passion pour le monde
56 /bid. : 223.
sonare? le laisse la question en stt,\'fll'll' "· ( "l''l hio;n lo; fondateur de la psychanalyse qui
57 !bid. : 12.
écrit (Lettre ii Stefan Zweig. 2516/ /IJ.I / )
24 58 !bid. : 256 (syntaxe d'ori gine).
Léonard : 58. La <<fable sc ienliliqu r>• (/)o.\ Wi,,,,r•nst ·hajiliche Miirchen) est ici une
59 N. Abraham & M. Torok (1976), Cryptonymie : le verbier di· 1'1/omml' aux loup.l',
répétition textuelle de la terrible c<.itiqur de, ..,, f·:tt</11 /~'hing lors de la conférence truquée
Paris, Aubier (cf aussi Mahony, Les hurlements de l 'homme i llf\ lollfiS : 4H .w¡ . ).
de Freud du 21 avril 1896 (Zur lltiulu¡¡ ll' d, ., 11 \'.\ t<'tic) . C{. ici le chapitre 12.
11 1 iN 1111 1 1 11 •, 111« íl 1 ·, 11 (1 1\ I •Al IX 121
226

60 Un point final sur ces procédés cst donnc dun , l'¡ 1nd1· d¡· 1,d,¡·nlt:ld 1'1 al. (2000). On lOIIIitialité une hystéric, sclu 11 deN 1d n qu '"n ""'~' 11l'j i\ dan s sa corrcspondance avec
peut l'obtenir sur interne! : http : //www. psychologil'.tl ~,· u·ll< ,. <~~ g/ u,·w, rcsca rc h/publi ca­ l'li css.
tions/journals/pspi/pspi 1_2.pdf. "' e¡: Geschwind ( 1984), Dostoievsky's l :f1ilt•fi.I'Y·
61
Cf Hornung (1971), et le site interne! : http : //www.di c ux cgypt icns.com/index.html. "' .J ;nncs Rice (1998}, chap. 8 et 9, el 2 11 -2 15.
62 "' Frcud ( 1930), Goethe-Preis 1930. Ansprache im Frankfurter Goethe-Haus: 185.
Oay, vol. 1 : 430.
63 '" 1:rcud (1923), Briefan Fritz Wittels (Lettre de Freud a Wittels, 1811211923).
On trouve aussi dans <<Mout>> la sonorité du mol allemand Mut, qui a plusieurs sens,
,., 1.-ellre de Freud a L. Binswanger, 21411928.
dont le courage, mais Freud est de toutes fas:ons décidé pour la mere (die Mutter). L' ana-
'" r:rcud , << Conférence sur Léonard>>, Société psychanalytique de Vienne, 1" décembre
lyse fait dire aux nombres, comme aux sons, ce qu ' elle veut.
64 (1900), L'lnterprétation des Reves : 495 (italiques de Freud, qui connaissait la Bible en 1909 (Minutes, vol. 2 : 336).
'" Wortis (1954): 103 (séance du 6/12/1934, italiques miennes).
détails depuis sa septieme année). ' 11 Cf des revues des travaux dans : Oreen (1985); Ellis & Ames ( 1987); Frie~man
65 Cf Hornung ( 1971 ).
( 19 8 8); Zucker & Oreen ( 1991); Le Vay (1993); Oreen (1994) ; Corraze (1994); Pa1koff
66
Minutes, vol. 2 : 335. . & Brooks-Ounn (1994); et tout le chapitre 19 de Kaplan & Sadock (Eds), « Comprehen-
67
Lettre de Jung du 10/4/1959 (citée dans Correspondance Freud-Jung, introduction : sive Textbook of Psychiatry>> (Lippincott, Williams and Wilkins, 7th ed. 2000) est consa-
26). Car!Jung est décédé le 6 juin 1961. cré a ces problemes.
6ll Freud & Bullitt, Le président Thomas Woodrow Wilson. Portrait psychologique. Rédigé '" Cf Corraze (1994) : 34-41.
entre 1930 et 1939, il serait apocryphe, selon ses familiers et Anna Freud; du moins, seule '" Bieber et al. : 274.
l'introduction pourrait etre de S. Freud, encore qu'elle ne fílt pas de sa main. Le reste '" Freud aJoseph Wortis le 27/12/1934 et le 18/1/1935 (Wortis (1954), Psychanalyse a
serait de Bullitt seul. Selon Roazen (1993), la collaboration de S. Freud est claire, mais le Vienne, 1934... : 137 et 163) .
résultat, publié seulemenl en 1967, tellement mauvais que son entourage l'a répudié. .., Lettre d'Anna Freud a Gomperts, 2811011948, citée par Young-Bruehl (1988) : 466
L'ouvrage n'a jamais été mis en doute par E. Jones, qui proposa a J. Strachey de le faire n25.
figurer dans la Standard Edition au meme titre que le collectif Études sur l'Hystérie de '11 DSM IJ, 2nd ed. 1968 (Special Note, 7th Printing 1974: vi).
1895 (iones a Bullitt, 7/6/1956, cité par Roazen ( 1975) : 344). Roudinesco ( 1994), vol. 2 : '" Dixit le psychanalyste américain Nicolosi, en réponse a une enquete de joumalistes
142, y voit une reuvre majeure de S. Freud, et le place a la hauteur du Prince de Machía- (Gelman et al. (1992), Newsweek, February 24 : 38-44).
ve! (!) Le Président Wilson reste une énigme que les nombreuses pages de Peter Oay "" Freud (1920), Über die Psychogenese eines Falles von weiblicher Homosexualitiit : 249
[(1988), chap. 11 et étude bibliographique du meme chapitre], n'ont pas épuisée. Yoilil el 270.
encore un magnifique objet pour un historien impartía!. '"' Le Vay (1993) : 163.
ffl Freud (1907), Der Wahn und die Traüme in W Jensens <<Gradiva»; (1913), Totem und
Tabu; (1932), Zur Gewinnung des Feuers ...
70
Wittmayer Baron (1939), cité par Jones, vol. 3: 419.
71
Abraham Shalom Yahuda (1946), cité par Jones, vol. 3: 419. Oay prétere indiquer que
Freud radote et que la construction désordonnée de son Moi'se est <<Un trait de sénilité>>
(1988, vol. 2: 366). Sur le Moi'se de S. Freud, voir l'analyse de Yerushalmi (1991).
72
Lettre de Freud a Ferenczi, 30//J/191 1 (c'est moi qui souligne), citée par Oay (1988),
vol. 1 : 505.
73
Freud (1925), Einige psychischen Folgen des anatomischen Geschlechtsunterschieds :
124.
74
Lettres a Fliess, 9í2!/898 et 111911899.
75
Cf, par exemple, sa Lettre a Fliess du 2217/1899.
76
Freud ( 1939), Der Mann Moses und die monotlu•istische Re/igion (chap. 2, § 3, note p.
37). Sa << totale incompétence >> figure dcux pagcs plus ha u t.
77
Lettre de Freud a Lou Andréas Salomé, 611/ 1935 (c 'est moi qui souligne).
7
~ Les trois maltres de S. Zweig ( 1920) csl trauuit chez Belfond en 1988.
79
Lettre de Freud a Stefan Zweig , 19/ 10!1920. el Freud ( 1928}, Dostojewski und die
Vatertotung.
80 Lettre de Freud a S. Zweig, 19/ f()/ /IJ'J()

XI Lettre de Freud a S. Zweig, 419/1 926.


"2 Karl Kraus, Die Fackel, 30/51191 J ( 111 S11"' ( 1<¡ /{>) : 106).
83
Minutes, vol. 1, séance du 11/1 2/ 190 /
"" Cf Minutes de la société psyc han11l ytiqu l' <k Vwnne. le 2 1/10/1908 par exemple, ou
Freud avait fait cette appropriation <k l'r pd r p"r p11r 111 psychanalyse, en faisant de la
TROISIEME PARTIE

LA BIFURCATION

<< ••• il a perfectionné la méthode de raisonner par


imagination, par réverbération, par allitération,
par assonance, par antithese ; ce tres-granel et
tres-aimable rhétoricien et théologien, si mcr-
veilleusement spirituel, a rendu la logique du
sumaturel la plus spécieuse du monde; il l'a
proprement constituée; il a réponse a tout, cxpli -
cation pour tout; dans les défilés d'ou la raison
pure el simple, d'ou le bon sens pédestre ne se
tirerait jamais, il passe par-dessus en méta-
phore : ses écrits sont un arsenal ou, depuis, tous
les orateurs et les raisonneurs sacrés sont venus
puiser et se fournir. - Avec un tel auteur, si on
s'y enfenne, la mine, on le croira, est inépuisa-
ble.»

Sainte-Beuve'

NOTE
1 Port-Royal, Livre troisieme, chap. 1 (Gallimard, La Pléiadc, 1952, vol. 1, pagc 815n).

Le personnage ici évoqué par Sainte-Beuve, au milieu du XIX' sicc k , cst Saint Augu stin ,
mais on reconnaít dans le trait ses reliques modemes de moindrl' wknt.
Chapitre 11
L' enfance de 1' art

<<Freud [... ] est un prophete, un chef de secte, un


réformateur "religieux". 11 a constamment con-
fondu sa mission avec la vérité, au grand préju-
dice de celle-ci. On ne se figure pas esprit moins
objectif, parmi les hommes de science bien en-
tendu. 11 y avait en lui du fanatique, de l'homme
de l' ancienne Alliance. »

Emil Ciaran ( 1969) 1

Il est désormais admis qu'aucun malade n'a été guéri par Sigmund
Freud, et on ne dispose d'aucune preuve qu'un seul ait été récllcmcnt
amélioré par sa «méthode». De nombreux historiens, quelquefois issus
du comité dévoué a sa cause, ont fait valoir les !acunes et les incohércn-
ces des données cliniques, les fabrications et inventions manifestes des
« observations » de patients qu' on a pu identifier dans ses publications,
pour autant que ceux-ci aient tous vraiment existé. Nous disposons
actuellement de nombreux arguments montrant une contrefa¡;on délibé-
rée, et pour tout autre que Freud, on n'hésiterait pasa invoquer la fraude.

L'INDIGENCE

En 1970, Benjamín Brody recensa dans la littérature de l'inventeur de


la doctrine 145 cas cliniques, dont la moitié durant les dix premieres des
cinquante-trois années de sa carriere2 .
Qui sont-ils?
Une juste appréciation des faits est rendue extremement difficile par
l'indigence des renseignements objectifs publiés par Freud. Une part
intime de ses travaux est consacrée aux données factuelles, ou simple-
ment vraisemblables : on peut l'estimer a bien moins de 5% dans les
publications « cliniques » les plus spécialisées3, alors que ses malades lui
fourniraient des informations innombrables, <<irréfutables» et précises.
Dans la plupart des cas, nous devons ignorer leur élal civil (la situation
matrimoniale n'est mentionnée qu'une fois sur dcux par cxemple), la
232 MENSO NG I'S I·RU /Ilii ·NS 111.\ le 1111 1 11 eIN I 111 '·INI ••H I\I A II ON '\ 1·( '1II A IIH · i 1 N I AN('I · 1>1: 1 'A RT 2.\J

description meme résumée de la biographic e l dl'S sy rnpt ÜilJCS, la clurée avec les préocc upation s corrcs pondant cs, bien récll es, et, rec ou~a~t a une
et les détails du « traitement », les prétendus cffcts, ct 1'é volution ulté- « méthode d' enquete » identique, sa théorie fut radical ement d1fterente.
rieure. Nous sommes parfois informés de lcurs agcs et de leurs sexes.
Deux malades sur trois étaient des femmes, apparcmment ele jeunes Par l'interprétation de quelques cas pathologiques non représenta~ifs
adultes, mais c'est a peu pres tout ce que nous savons. Le reste est affaire d'cux-rnerncs, Sigmund Freud prétend acc~der a une Acornpr~?ensJ?n
de confiance et de nai'veté, ou d'un abus des deux. universelle des faits hurnains, normaux et dév1ants. De rnerne qu 11 cro1ra
reconstruire l' enfance ordinaire a partir de quelques malades mentaux
Il est clair, bien que Freud ne le dise pas, que les trois-quarts de ses adultes, rnanipulés par ses soins.
patients appartenaient aux niveaux socio-économiques supérieurs, disons
La gravité des affections mentales, dont les diagnostics ~ont encare
surtout issus de la haute bourgeoisie, un pe u pe 1' aristocratie.
aujourd'hui discutés - quand les spécialistes peuvent d1~pose~ d~s
informations - , varíe de fa~on élastique en fonction des besoms rheton-
En dehors des mornes heures de la premiere guerre - quand te client
ques ou publicitaires. Pour valoriser sa technique révolutionnaire:
ou l'éleve pouvait régler en nature, avec une boí'te de cigares et un poulet
Sigrnund Freud prétend hériter des .cas les plus s~ve~~s et .rebelles, qm
par exemple - , ils payaient d'ailleurs des honoraires fort élevés pour
ont résisté aux plus érninents psych1atres avant lm. S JI .dmt les rappr?-
l'époque. Ainsi, entre 1910 et 1914, chaque jour pendant quatre ans et
cher de la population norrnale, les memes malades devJennent sou?am
demi, l'illustre « Homme aux Loups » versait a Freud - sans compter
sous sa plurne des cas rnineurs. Car il estime, a défaut de pouvo1r le
ses frai s d' hótellerie et les dépenses de personnel - 40 couronnes par
prouver, avoir «le droit de considérer comme exacts les rés~ltats de [ses]
séance, ce qui représentait, pour une heure d'analyse, trois a quatre fois
recherches, puisqu'elles n'ont pas été pratiquées sur des SUJets tres anor-
le prix de journée d'un sanatorium de premiere classe4 • Au début des
rnaux »6 .
années 1920, pendant l' intlation, Freud se contentait de 10 dollars, soit
33.000 couronnes, la valeur de 450 repasa Vienne pour une heure de son Sur les 145 rnalades retenus par Brody, plus de 130 sont simplement
travail. Puis, le Professeur demanda 25 dollars la séance, ce qui équiva- évoqués, et seuls quelques-uns ont été décrits par Freud.
lait alors, avant la dévaluation de 1936, a la moitié du salaire mensuel
d'un enseignant débutant dépensée en cinquante-cinq minutes. Ensuite, La collaboration avec Josef Breuer aux « Études sur l'hystérie »,
il exigea 40 dollars, sur les conseils de sa tille Anna, elle-meme ancienne éditées en rnai 1895, nous vaut l'évocation de 12 patientes, rnais se~le­
institutrice, qui se contentait de 20 dollars, y compris pour chaque rnent cinq sont abordées avec quelques détails, dans le second ch~p1tr~ ,
rencontre analytique avec chacun des quatre enfants de sa grande et les autres étant sirnplernent mentionnées. Il s'agit du farneux cas hJston-
fortunée amie Dorothy Burlingham, avec les bénéfices thérapeutiques que de Breuer (Anna 0.), suivi de ceux de, ~igrnund :reud, qui rés~rnent
que 1'on sait. sept a huit ans d'expérience, durant la penode <:pre-psychan~lytique».
Or tous ces cas sont des fiascos notoires, formules de fa~on tnomphale.
Seulement trois pour cent des patients de Freud étaient économique- ce's patientes ne purent se satisfaire d'aucun bienfait. Merne les plus
ment défavorisés, et 74% relevaient des couches sociales les plus fervents adrnirateurs du freudisrne doivent adrnettre qu' « aucune d' entre
5
aisées . Et, dans sa consultation, il ne faut pas négliger, surtout a partir elles n' avait été "guérie", ni vraiment de ses symptornes, ni surtout de sa
de 1919, une forte prédominance de jeunes psychiatres destinés a repro- névrose »7 .
duire les boutures, car la premiere indication de la psychanalyse est la
conversion des freudiens. Ces personnes ne sont pas représentatives des
malades de l'époque, ni de ceux fréquentant les asiles ou les milieux ANNA O.: L'ENCHÁSSEMENT
hospitaliers, et, bien plus encore, cette petite population d'élites névro-
sées ne reflete pas, loin s'en faut, la composition démographique de la En 1972, Henri Ellenberger dut recourir a l'expcrti sc d' unc photogra-
société, serait-elle autrichienne avant l' invasion. C'est la une erreur de phie de Bertha Pappenheirn pour découvrir que ccttc n~alad~ , ~ connu_e
recruternent, rnéthodologiquement suspecte, qui ferait sourire un épidé- sous le pseudonyrne d'Anna O. jusqu'a ce que Joncs 1 en. lrhc ra ~ publr -
miologiste débutant ou s'agiter les nerfs d' un spécialiste des sondages. quement en 1953 8 - fut hospitalisée, au ~o~ent oi'r son rrnage rmpr~s ­
Les rnalades d' Alfred Adler étaient dans des situations sociales inverses, sionna la pellicule, dans la clinique psych1atnquc Bclll' vue : Kr l' UI.Irn
1 ' I•NI·ANCE lll \ 1,' /\RT 2J5
234 MENSON<li '. S 1•1(1 •111111 N\ lll 'o1f 11111 1' 11 11 1•1 '.l t lll tlfMA IIO N S H ' lii .AIRI ·.

gen, a la frontiere suissc, prcs de Cousta ll( '(', 1.' l 'X! IIIIl' ll micrnscopique de délivrée de ses souffrances. 11 dit qu'elle ne se remettra jamais, qu 'elle
la photographie, par les laboratoires de !11 fwlicf' scit•fltijique de Mont- cst completement détruite » 12 . De son coté, Martha Freud racontait
réal- bigre! - , permit de localiscr cct cStahlissclllcnt sanitaire, puis de cncore en 1887 a sa mere que Bettha Pappenheim était venue la voir
retrouver son rapport clinique manuscrit par Joscf Brcuer, qui l'y adressa plusieurs fois et qu'elle était bien perturbée 13 . Elle était en effet suffi-
a plusieurs reprises et longuement. Les historiens purent alors assembler samment détraquée pour etre a nouveau adressée a la clinique de
des documents disjoints, qui démentent formellement les publications Kreuzlingen quelques mois plus tard. A1ors, comment Freud pouvait-il
officielles et la propagande des freudiens sur son cas. prétendre, en 1888, l'année suivante, que la méthode de Josef Breuer
(( amene des succes thérapeutiques impossibles a obten ir autrement» ?!
14

Sigmund Freud connaissait bien la clinique de Kreuzlingen, posses-


sion de la famille Binswanger depuis des générations : il y enverra Les sédatifs et narcotiques que Breuer utilisait en 1882, provoquant
souvent ses propres patients et entretenalt des relations fréquentes et des dégats et une dépendance dont il faudra a la malade des années pour
étroites avec Ludwig Binswanger. Bertha Pappenheim, alias Anna 0., se défaire, ne sont évidemment pas non plus mentionnés dans le cas offi-
était une famiW!re de la fiancée de Freud. Le pere de Bertha était en effet ciel de 1895. Ce que les Études sur l'hystérie ne signalent pas davantage
le tuteur de Martha depuis la mort de Berman Bemays, le pere de cette est que la patiente Anna von Lieben (alias Mme Cécilie M. dans les
derniere, en 1879. Les deux femmes se voyaient fréquemment et Martha Études) fut - telles Bertha Pappenheim et plus tard Emma Eckstein -
était informée de l'avancement des problemes d' Anna O. pendant et rendue dépendante de la morphine pendant des années 15 • D'autre part,
apres sa «cure», dont elle communiquait tous les détails asa mere et a Freud omet étrangement de rapporter qu'il pouvait préconiser ce
Sigmund, lequel rencontrait régulierement Josef Breuer au moment de « moyen artificiel », la morphine, pour calmer les attaques hystériques.
cette «cure historique ». La suppression de ces informations d'importance devait-elle se confor-
mer a !'avis autorisé de Sigmund Freud, contraire asa pratique mais déja
Le mercredi 7 juin 1882 marque soi-disant, selon les Études sur l'Hys- paru en 1888, comme quoi «la prescription de narcotiques dans une
16
térie de 1895, «la fin définitive [sic] de la maladie ». Apres qu 'elle fut hystérie aigue n'est rien moins qu'une grave erreur technique» ?
passée pendant plus de mille heures 9 dans les bras d'une prétendue
« thérapie cathartique » par Breuer, entre novembre 1880 et juin 1882, Le dossier clinique de Josef Breuer- que l'on peut Jire avec d'autres
Anna O. quitta Vienne débarrassée de tous ses symptomes pour se repo- documents dans la superbe biographie de Breuer par Albrecht
ser et, «depuis, elle jouit d'une parfaite santé» 1o. Hirschmüller 17 - décrit sans équivoque Anna O. comme séverement
perturbée, en contradiction avec son cas publié 13 années plus tard, en
Mais, en réalité, le samedi 18 novembre 1882, au moment ou Sigmund 1895, et avec les allégations de Sigmund Freud lui-meme, qui, jusqu'a sa
Freud discutait pour la premiere fois 11 de Bertha Pappenheim en détails propre mort, la déclara officiellement guérie, alors qu'il était informé
avec Josef Breuer, la patiente venait a peine de quitter la clinique, ou elle
depuis 1882 de 1' échec du trai temen t.
avait été admise le 12 juillet, apres sa chimérique guérison du 7 juin. Et
on désespérait encore de la soigner des hallucinations, convulsions, Quand, en mai 1895, nos deux auteurs - le prudent Breuer, écrivant
perturbations névrotiques, troubles du langage, névralgie faciale, puis de avec réticence sous la pression persuasive de ~igmund Freud jusqu'a
séveres problemes compliqués par l'intoxication iatrogene au chloral et leur facherie de 1894 18 - firent paraitre les Etudes sur l'hystérie ou
surtout d'une grave addiction a la morphine. Anna O. était affirmée guérie depuis juin 1882, en réalité la malheureuse
Bertha luttait encore contre la maladie menta1e, et ils le savaient bien.
Et elle sera a nouveau hospitaliséc de 1883 a 1884, en 1885 et en Comment s'étonner alors que les Viennois, reconnaissant Bertha
1887. Pappenheim dans Anna O. - car son identité était «de notoriété
Freud ne pouvait rien igno·n:r de la sévérité de l'état de la patiente de publique» 19 - , aient mis en doute l'honneteté de la publication, puis-
Breuer, car il était clirectemcnt inst1uit par Martha Bernays et par Josef. qu'il s'agissait d'une fabrication? D'autant que Freud, en avril 1896, un
Breuer. Tous étaient informcSs du dt3 sas trc depuis le début. Sigmund an apres la parution des Études, annon¡;a dans une conférence a la
annon¡;a le 5 aofit 1883 a Martlw quL' « Brcuc r parle d' elle constamment, Société de Psychiatrie de Vienne, qu'en « suivant la méthodc de Breuer»,
et dit qu'il souhaiterait qu'clk so it IIIOII C afinque la pauvre femme soit «le malade conserve ses symptómes inchangés» !20
1 ' I ·.N I ·ANCE DE L ' AHT 237
2.16 MI ·NSON< :t ·S l ·l<l •llllll N', 111 '• 1111111 lt l tt ll 111 oi N i t 111M A !I ON Sl ·.l 'I II ,AII(I \

naire - repoussant la techniquc hypnotique puis introduisant « l'associa-


Et ce n'était pas non plus une « C tlhat ~ t s » l'\' dl'loulcment d'émo-
tion libre »28 - , inventera la miraculeuse psychanalyse, détinitive et plus
tions pathogenes qu' il convcnail de « d \ :oincn •• pour la bonne raison
originale encore. Mais la « catharsis » était une idée vulgarisée bien avant
que Breuer n 'avait pas utilisé cette m étlwdt• ú /' épor¡ue. 11 ne le pouvait
que Freud commen~at a s'intéresser a la psychopathologie. Par e_xem~le,
pas. Comment aurait-il pu négliger de fairc, en 18H2, la publicité d'une
entre 1857, date de la parution d' un ouvrage a succes sur la «punficatwn
thérapie aussi efficace? « L' abréaction cathartique » ne figure d' ailleurs
des passions», rédigé par un spécialiste d' Aristote, Jacob Bemays -
pas dans son rapport confidentiel déniché par Ellenberger : elle fut injec-
1' oncle de Martha, la future épouse de Sigmund Freud - , et sa
tée de fa~on parasitaire 13 ans plus tard dans l'histoire officielle du cas.
deuxieme édition en 1880, pas moins de 70 publications sur ce theme
Son traitement était en réalité parfaitement conforme aux thérapeutiques
du moment et n' avait pas d' originalité 21 • avaient paru en langue allemande.

Voila done «le prototype d'une guérison cathartique», qui «ne fut ni
De quoi fallait-il alors persuader les lecteurs? D'abord, il fallait les
convaincre que La Méthode ~< supprime souvent et a jamais [les symptó- une guérison ni une catharsis. Anna O. était devenue une morphinon:tane
mes et les acces] paree qu'elle est radicale et nous semble dépasser de grave qui avait conservé une partie de ses symptómes les plus mamfes-
tres lo in r efficacité du procédé par suggestion di recte, tel que le prati- tes ... » 29 •
quent aujourd'hui les psychothérapeutes» 22 . Ensuite, que la fondation de
la psychanalyse, qui allait jaillir de la catharsis, ne devait ríen a ses Ce montage historique nécessaire a l'édification de la légende psycha-
prédécesseurs, et en particulier au fran~ais Pierre Janet qui, parmi d'au- nalytique et pour renforcer l' originalité doctrinale du freudisme sera
tres, utilisait une cure cathartique des 1888, avant Sigmund Freud. Entre aussi a la source d'une autre série de mensonges, qui toucheront l' hon-
1882 et 1888, Janet avait effectué des études cliniques au Havre, nete Josef Breuer, au moment de sa mort quand il ne pouvait plus s'cx -
publiées en 1888 ( « L' automatisme psychologique » ), insistant sur le role pliquer, pour opposer cette fois Breuer le conservateur a notre soi-disant
des souvenirs traumatiques oubliés, dissociés de la conscience mais révolutionnaire Héros, seul découvreur des ténebres de la sexualité
encore actifs dans le «subconscient». Sa thérapie consistait déja a rendre humaine. Sulloway pourra considérer que Josef Breuer fut la premiere
30
conscients ces événements responsables 23 . De meme, des 1868, le grande victime de la reconstruction historique de la psychanalyse .
psychiatre Moriz Benedikt avait ramené l'hystérie a la sexualité infan-
tile, a des souvenirs secrets de traumatismes. Dénigré par le freudisme En 1914, avec Contribution ii l 'histoire du mouvement psychanalyti-
comme un hypnotiseur, Benedikt utilisait en fait une psychothérapie que - qui regle des comptes avec les dissidents, et surtout destiné a
verbale sans l'hypnose pour débusquer ces souvenirs des 1889, avant bombarder le camp jungien et adlerien - , Freud prétendit d'abord que
Freud, lequel, pour le traitement symptomatique, recourait encore a la Breuer s' était opposé a sa conception originale du «role essentiel que la
suggestion hypnotique directe jusqu'en 1892-1893 24 . D'ailleurs, Freud, sexualité joue dans le déterminisme des névroses » et s' etre heurté de sa
qui n' est plus a une contradiction pres, va se trahir en rappelant, en 1905, part «aux premieres réactions de cette mauvaise humeur et de cette
réprobation qui, dans la suite, me sont devenues si fa~ilie~es )) • _E:n fait,
31
dans ses «Trois Essais sur la Théorie de la Sexualité», que Le traitement
cathartique fut «la méthode pratiquée pour la premiere fois par Breuer et Freud trouvait chez son courageux collegue un soutlen mcondltiOnnel
par moi-meme en 1893 »2-'. Et la premiere mention publique de la sur 1'hystérie et ses rapports a la vi e sexuelle lors des discussions savan-
32
«catharsis» fut faite par Breuer el Freud dans leur «Communication tes devant, et contre, les autorités médicales de Vienne . Des le début
préliminaire» de 189326_ des années 1880, Breuer était convertí a la doctrine de la sexualité,
conviction tres ancienne et répandue dix ans avant la naissance du fonda-
Anna O. devait etre guérie de tou s ses maux des 1882, «a une époque 33
teur de la psychanalyse (Romberg, 1846, puis Benedikt, 1868) .
ou les travaux de Janet étaicnt cncon: a venir» 27 . Des lors, la «catharsis»
sera insérée rétroactivemenl dan s son cas, surgissant soudain, des 1880- L' adhésion de Josef Breuer a la théorie sexuelle fi gurait no ir sur blanc
1882, pour que le passé corres ponde a u bcsoin présent des Études de ,
a l'époque dans les courriers_privés de Sigmund Freud , et sans équiv~­
14
1895, et asseoir le caractcn: inno valeur d ' une technique prétendue
que dans un chapitre des Etudes sur l'Hystérie signé par Breuer 1UJ-
nouvelle au regard de la cornpt-lition . Ainsi sera valorisé le génie de
Freud qui, par des améliorations suhslantirllcs de cette méthode prélimi- meme35.
2J8 MEN SON< a :s l ·l{ l •,l/llii •NS lll 'o i<HII I I I I IIJ I III '·H~ I<IIt ~ I A II ()N S(·('\11./\ 11{1, 1 ' 1 N I ·AN ( '1· IH ·. 1' /\HT 2.1\1

Cependant, Breuer ne pouvait acccpl ·r l' i11sislaocc lanutiquc de Freud, IL'i, Freud nous enscigne une découvcrlc rctrospective inédite: Breuer, en
qui croyait au role exclusif des facteurs scxucls dans tous les cas et dans 1 Hl{2, se serait en fui « avec effarement » il. 1' instant de la fin du traite-
toutes les névroses 36 . Josef Breuer excluait !'origine sexuelle unique lncnt, montrant par cette opportune frayeur son refus de l'évidence de
dans le cas particulier d'Anna 0., a la fois dans son dossier clinique de l'é rotisme de cet «amour de transfert», nouvelle preuve de !'origine
1882 et dans la publication officielle de 1895 37 , et a ce moment, Freud · ~cx u e llc de la maladie selon Freud. Dix pages plus tót, dans ce meme
était en total accord avec lui sur ce point. Mais Freud, catégorique et lascicule autobiographique arrangé, l'auteur insistait honnetement sur le
définitif, dont la théorie sexuelle ne saura supporter aucune exception, lait que sur le dénouement du traitement d'Anna O. «régnait une obscu-
changera d'avis en 1914 et incrustera a posteriori- «en relisant l'ob- lil é que Breuer ne dissipajamais» 43 . Sigmund Freud avait pourtant tout
servation de Breuer a la lumiere des expériences acquíses au cours de ces compris, plus de 40 années apres le dénouement et quelques mois avant
vingt dernieres années ... », précisait-iJ38 - l'interprétation rétrospectíve le déces de Breuer (le 20 juin 1925). Et cette «obscurité» n'empecha pas
d'une étiologie sexuelle chez une patiente· qu'il ne connaissait pas Freud de révéler a Carl Jung - qui le rapportera publiquement au prin-
personnellement, alors meme qu'a l'époque, Josef Breuer excluait avec lcmps 1925 dans son célebre séminaire de psychanalyse a Zurich44 -
son aval cette affirmation hautement spéculative. que la fameuse guérison de Bertha Pappenheim n'en avait pas été du tout
une, en totale contradiction avec ses propres publications ... 11 écrira aussi
En 1914, le meme pamphlet de Freud («contribution a l'histoire du en privé, il. Stefan Zweig, en 1932, que «le soir du jour ou tous les symp-
mouvement. .. ») présente Breuer comme inapte a saisir ce qui s' imposera tomes avaient été surmontés [par Breuer], on l'appel a de nouveau; il la
a l'inventeur de la psychanalyse longtemps plus tard, et incapable d'ín- lrouva délirante, se tordant avec des crampes dubas ventre r...J il pril la
terpréter correctement les signes de la sexualité dans les symptómes fuite et abandonna la malade a un collegue. Elle lutta encore pendan! des
d' Anna O. et dans la relation médecin-malade. Alors Breuer, refusant mois dans un sanatorium pour sa guérison» 45 . Que pouvait done penscr
d'admettre dans «I'amour de transfert» la «preuve irréfutable» du róle le subtil Stefan Zweig en lisant «tous les symptómes avai cnt 6t ·
des motivations sexuelles dans l'étiologie des névroses, aurait arreté la surmontés » suivi de «elle lutta encare pendant des mois ... pour sa guéri-
tout net le traitement. son»?

Notons que ce n'est qu'en 1912, dans un article 39 sur la «dynamique L'aventure continue, en 1953, avec Emest Jones qm t1ent de son
du transfert», que Freud fera la relation entre le transfert- par lequelle maítre la solution du mystere Breuer-Anna O. Breuer, pudique et timaré,
patient reproduirait dans le rapport avec l'analyste ses désirs sexuels voyait sa patiente comme une «aséxuée», a l'encontre de l'évidence
infantiles - et 1' étiologie des névroses, voyant dans celui-ci la vérifica- ultérieure de la psychanalyse bien sur. Or, le demier jour du traitement,
tion de celle-la, et qu'il ne peut loyalement reprocher au Breuer de 1882 voila Bertha Pappenheim victime d'une grossesse nerveuse, conclusion
ou de 1895 une ignorance qui était aussi la sienne a l' époque. Remar- heureuse de leur relation, et démonstration de la cécité de Breuer devant
quons de me me que, paradoxalement, malgré 1' aveuglement de Breuer, le désir sexuel réprouvé. Bouleversé, Breuer aurait pris la poudre d'es-
malgré l' indigence des interprétations qui ne sont pas La Bonne campette, et rejoint aussitót Mathilde, sa femme jalouse. Des le lende-
Méthode que Freud n'avait pas encare fabriquée, et malgré I'interruption main, les époux Breuer s'enfuirent a Venise, ou fut con~ue leur filie
prématurée de la thérapie (en réalité du fait d' Anna O. et non de Breuer), Dora, dans la réconciliation d'une seconde !une de miel 46 .
ce fut un de ces « succes thérapeutiques impossibles a obtenir autre-
40
ment » , un « grand succes thérapeutique» !41 Voila un curieux leitmotiv :
Il y a ici des invraisemblances historiques.
dans les écrits freudiens, Bertha Pappcnheim, comme toutes les hystéri-
ques, est toujours guérie, meme san s la psychanalyse réputée sans égale.
D'abord, Breuer dut s'occuper de sa malade - qui n'avait pas de
En février 1925 paraissaitl 'aulrc palllphkt historique, la Selbstdarstel- grossesse nerveuse - au moins jusqu'au 19 juin 1882, puis il l'adressa a
lung, qui répete presque mol pour mol ce qu 'affirmaient les « Études » la clinique psychiatrique Bellevue de Kreuzlingen un mois plus tard pour
trente ans auparavant : gdice a son procédé, « Breuer réussit, au prix d'un ses multiples perturbations. Ensuite, Breuer prit cet été-la ses vacances a
long et pénible travail, a libérer sa n1aladc de tous ses symptómes. La Gmunden, au bord du lac Traunsee, il.l'est de Salzbourg, et non a Venise.
malade était guérie, et elle cst n:sl('(· dcpuis en bonne santé ... »42 Mais Enfin, il est hautement improbable que sa filie Dora Breuer, née le 11
2<1()
24 1

mars 1882, ait été con~ u e apres k 7 jui11 de lu llll' llll" :111116 .: ... La biologie a utres? 11 ne nous apprend ri cn sur les problemes réels de Bertha
est plus tetue que le freudi sme. Pappenheim, mais beaucoup sur le respect de la vérité, le respect des
patients, et le respect des admirateurs, par les analystes des les origines
Or, Emest Jones n'a ríen inventé. 11 se contcntai t de rapporter aveuglé- de la psychanalyse. Depuis un siecle, cette histoire est un enchássement
ment les dires de Freud, qui avait déja informé de cette fabl e Marie de falsifications avalées par les fanatiques, malgré les preuves. Mais,
Bonaparte - a qui il avait affirmé, pour faire bonne mesure, que comme l'écrivit Lou Andréas-Salomé, «ce n'est pas un mélange affadi
Mathílde Breuer avait tenté de se suicider, montrant ainsi, dans sa jalou- de science et de sectarisme qui rend la psychanalyse si vivante, mais le
sie, }'acuité qui manquait a son mari Josef. Sígmund Freud mit égale- fait qu ' elle érige en príncipe vital le príncipe supreme de !'esprit scienti-
ment dans la confidence son analysé et traducteur James Strachey, puis, fique : l'honneteté» !51
plus clairement encore, Stefan Zweig dans sa lettre du 2 juin 193247. Et
Jones ne corrigera jamais les montages de son maí'tre, qu 'il jugea préfé- La désinforrnation continue. Récemment encore, un Jourd et savant
rables aux demandes écrites de rectification des proches de Josef dictionnaire de psychanalyse - publié dans notre territoire considéré
Breuer48 . comme «le pays le plus freudien du monde» - n'hésitait pas a appli-
Pauvre Josef Breuer! Comme les mensonges gigognes ne suffisaient quer l' étiquette collante et calamiteuse d 'historiens révisionnistes aux
pas, la nouvelle édition des Studien über Hysterie, contemporaine de la auteurs qui eurent l'impudence de ne pas se contenter de la propagandc
publication de la Selbsdarstellung de Freud et de sa mort en 1925, et d'aller aux sources52 . Les «révisionnistes» en question ne so nt pas
excluait ses contributions personnelles. cités, sauf une petite poignée. Sans doute s'agit-il de Paul Roazcn, Pctcr
Swales, Frederick Crews, Malcolm Macmillan, Mikkel Borch-Jacobsc n,
Bizarre, bizarre. Les correspondances essentielles entre Freud et Han Israels, Max Scharnberg, Allen Esterson, Robert Wilcocks, Richard
Breuer, du moins ce qu'il en reste, sont toujours consignées dans les Webster, John Kerr, Ernest Gellner, Edward Erwin, James Rice, Edward
coffres, et une lettre en particulier ne sera ouverte qu'en 2102, soit 177 Dolnick, Patrick Mahony, et bien d'autres apres les coups de semonce de
ans apres la mort de son destinataire, sauf si les documents appartiennent Frank Cioffi, Henri Ellenberger, Frank Sulloway, Jeffrey Masson ou
au lot expressément prohibé jusqu'en 2113, c'est-a-dire 188 ans apres le Adolf Grünbaum.
déces de Breuer! Les lettres de Josef Breuer a Sigmund Freud ont été
détruites en majeure partie par ce dernier, et seuls quelques fragments En France, le label «révisionniste» est aujourd'hui calomnieux, ou
épars ont été conservés, mais interdits. Celles de Breuer a Wilhelm pour le moins ambigu, depuis son assimilation aux opinions des « néga-
Fliess, achetées en meme temps que le courrier de Freud a Fliess par tionnistes » des chambres a gaz 53 . Le mot « révisionniste » est en fait
Marie Bonaparte, et qui furent nombreuses, particulierement de 1894 a indifférent quant a l'usage de la révision : apres !'aventure du boulan-
1898, sont également entreposées dans les Archives Freud a Washington. gisme, il fut originellement utilisé par ceux - Bernard Lazare, Emile
Paradoxe dans le paradoxe, bien qu ' elles n'étaient ni de la main de Zola, Georges Clemenceau - qui désiraient la révision du proces du
Freud, ni destinées a lui mais a Fliess, elles restent encore bloquées49. capitaine Alfred Dreyfus, et ensuite par les communistes contre leurs
Enfin, les propos de Freud a l' encontre de Breuer, tres discourtois et dissidents.
injustes, ont été éliminés pendant trente-cinq ans dans les premieres Dans I'historiographie de la psychanalyse, le premier «révisionniste»
éditions du courrier a Fliess, et demeurent escamotés dans l'édition fran- fut, si J'on excepte les déforrnations de Sigmund Freud, Fritz Wittels, en
~aise. Connaissant la désinformati on tres active du mouvement sur les 1924, qui déplut énormément au précédent54 .
rapports qu' entretenait Freud avec FJicss et avec Breuer, on est, la aussi
et a nouveau, obligé de s'interrogcr sur les motifs de l'interdiction. A la fin de son entrée «Pappenheim Bertha», ce dictionnaire affirme
qu'aux « États-Unis a partir de 1985 [date de parution des Lettres
Le cas Anna O.- qu'on eonsitF' r ', depuis que Freud, et luí seul au completes de Freud a Fliess, un an apres la bombe de Grünbaum] et
départ, l' a affirrné puis répété, co n11 nc le fondement historique de la sous l'impulsion de l'historiographie révisionniste, plusieurs chercheurs
théorie et du traitement psychanal ytiqu cs - était en fait une lamentable s'attacherent a démontrer que Freud était un mystifi.cateur. [... ] A force
erreur de diagnostic 50 et un éc h ·e 1hl-1apc ul ique complet. Ce cas était de de méconnaí'tre l'histoire de la conscience subjective [?] des savants, de
loin le plus long et le plus d'- tailh-: tks « ~:tudes» : alors que penser des réduire les mythes fond ateurs a des mystifications et de passer du culte
1 ' I ·N I ·i\NCI '. I>E 1' /\KT 243
242 MI ' NSON(; I ·S l ·l<l · liiiii •N\ 111 \ 111!111 loi iNI iii '.IN I I IIII\1•\II<I N '> I ·C'lll i\ I RI'

positiVÍSte de J' archive a (a déiiOilCÍ<IIIOII UllliiiL'llllil'lllll', (' historiogra- La discussion porte sur des faits, non sur des opinions «amorales», ou
phie révisionniste américaine aura uonc ti ni cn 11) 1)) llo .l'l'tde référence par la Loi réputées criminelles, qu'on attríbue a ceux que l'on veut
a cette date est ici Borch-Jacohsenl par auoplcr a propos d' Anna O. la rendre méprisables. Et il est toujours permis, le cas échéant, a un fou,
méthode interprétative dénoncée chez Ernesl Joncs et par épouser, au disposant d'évidences factuelles, d'avoir raison sur les faits ou de vous
nom de la différence des sexes, les theses les plus rétrogrades des méde- donner l'heure exacte, a défaut d'etre respecté par les promoteurs des
cins de la fin du XIXe siecle qui regardaient l'hystérie comme une simula- boniments qu'il conteste.
tion »55 .
Quant aux « theses les plus rétrogrades des médecins de la fin du xrxe
La piece la plus riche du répertoire théatral est le Tartufe, car le siecle», on néglige pudiquement celles de Freud regardant «la différence
personnage principal est partout dans la salle- pour paraphraser l'heu- des sexes ». Savez-vous que, selon les découvertes freudiennes, la femme
reuse formule d' Alfred Sauvy. Et il est difficile, meme a des cuistres, de n' a jamais pu inventer que le tissage, pour dissimuler son absence de
«réduire les mythes fondateurs a des mystifications», puisqu'il s'agit pénis? Et n'oublions pas que «les femmes n'ont que faiblement contri-
déja de falsifications ab ovo que temperent des fabrications posthumes bué aux découvertes et aux inventions de l'histoire de la civilisation »6<>.
ad hoc. En effet, «un homme agé de trente ans environ est un etre jeune,
inachevé, susceptible d'évoluer encore [... ] Une femmc du meme ágc,
L'idée rebattue comme quoi les contestations de la psychanalyse sont
par contre, nous effraie par ce que nous trouvons chez elle de fixc, d'im -
pat~ologiques en soi et relevent par définition de 1' antisémitisme reprend
muable; sa libido ayant adopté des positions définitivcs scmhlc incapa
la ntoumelle de Freud56 • Elle avait déja été affirmée en 1996 par un des
ble d'en changer. La, aucun espoir de voir se réaliscr une évolulion que!
auteurs du dictionnaire 57 • Comme l'écrit a son propos Frederick Crews 58 ,
conque; tout se passe comme si le processus était achcvé, a 1' ahri de
ce rapprochement hasardeux avec l'antisémitisme prétendu des oppo-
toute influence, comme si la pénible évolution vers la féminité avail sufli
sants a la psychanalyse, dépeints comme des nazis attardés faisant
a épuiser les possibilités de l'individu» 61 . Sigmund Freud, rort de son
campagne contre les Juifs freudiens, peut au moins surprendre, sinon
expérience répétée de la féminité normale, ajoutait que «la femmc, il
émouvoir ces contestataires, dans la mesure ou nombres d'entre eux
juifs, ont été naguere victimes des nazis antisémites. Des Juifs ont été d~
faut bien l'avouer, ne possede pasa un haut degré le sens de la justicc, ce
qui doit tenir, on s'en doute, a la prédominance de l'envie dans son
savants critiques du freudisme : Karl Kraus, pour ne citer que lui, fut un
psychisme» 62 . Depuis que les statistiques existent, et Freud pouvait avoir
des premiers et des plus virulents.
connaissance de quelques données élémentaires, les femmes n'ont
«Mais n'oublions pas ceci! », disait Joseph de Maistre, «on n'a ríen jamais, nulle part au monde, dépassé le seuil de 4 a 5 % de la population
fait contre les opinions tant qu' on n' a pas attaqué les personnes »59 . Dans incriminée par la justice. Au moins quatre-vingt-quinze pour cent des
l'antiquité, les messagers porteurs de mauvaises nouvelles étaient exécu- coupables sont des hommes, soit vingt fois plus, et plus les crimes ou
tés, mais il restait leurs mauvaises nouvelles. La calomnie moderne est délits sont graves moins il y a de femmes. Mais soyons rassurés car,
bien plus efficace : par réification, elle détruit le message et l'homme. « individuellement, la femme peut etre considérée comme une créature
Prenons un simple exemple, inspiré d'une technique Kominform. Si vous humaine» 63 . Mulier taceat in ecclesia : que la femme se taise en
affirmez que Sigmund Freud chantait faux, vous etes antisémite. Si vous l'église!
persistez et foumissez des preuves acoustiques a la clef d'une oreille
absolue, vous etes révisionniste. lci, 1, insulte fait du contestataire, par Ayant déja affirmé que «le complexe de castration est la plus profonde
!'amalgame, un etre objectivemenl vil dans toute sa personne et sa racine inconsciente de l' antisémitisme ... », Freud se plait également a
pensée. Le mal est fait contre le propagateur de cette tres mauvaise faire de son « complexe » la source de la misogynie, car « il n' est pas de
nouvelle. Cependant, le freudien continuc de chanter faux. 64
racine plus profonde au sentiment de supériorité sur les femmes » . Sur
Anna O. est un montage comlllL' ks autrcs. meme si les preuves sont quoi reposaient les convictions de Freud, si celles-ci ne retrouvent des
données par votre pire ennemi , qul.'l que soil votre amour pour Freud. préjugés personnels et ccux de sa culture, a son époque et avant? Parle+
Les arguments des critiques ralll~ncnl ici aux événements historiques, il d'expérience, et d'oi:J lui viendrait-elle? D'une auto-analyse? S'agit-il
non a des interprétations SOliS ll'lldun, par lcur SUpposée malvei!lance. d'un souvenir de son traitement d'Ida Bauer, le cas Dora?
24 4 MliNSON ( ;i \S 1·1<1 \I IIJII •N,\ lll 'tlll ll' l l tli l ll 111 ,IJI IIIIII\1 \ IION '\ l •( 'l l l AIRL
245

Comme. le fait remarqucr Makol111 Mannillan , lt's " lail s » invoqu és ne d , aflinnant les avoir renco nlrés, place dans leurs bouches des propos
sont certamement pas des faits cliniques, atn ai enl c1 ~ di fli cikment des qu ' ils ne pouvaient tenir, qu ' il s n' avaientjamais tenus. Freud invente au
faits tout courts, et la psychologie fémininc sclon le frcudismc « est non rur et a mesure, puis fabrique ses généralisations empiriques illusoires,
seulemen.t f~u~se mai.s aussi totalement inutilc »65 Les « cas cliniques » ad libitum, sur 1' étiologie et les effets thérapeutiques, sans se rendre
ne sont m chmques m des cas. Sigmund Freud est beaucoup moins inté- · co mpte que ces spéculations se contredisent réciproquement dans ses
ressé p~ l'amélioration de l'état des malades que par sa propagande et la publications officielles, au point de devenir absurdes, et sans craindre
persuaswn du lecteur ou de ses patients. Mais il est, du début a la fin évidemment que les lecteurs - privés de tous les documents que les
parfaite.ment conscient de l'inefficacité thérapeutique de son procédé: lldeles successeurs ont caviardés ou interdits de consultation - pourront
<de dms me souvenir, écrivit Sandor Ferenczi a la fin de sa vie de accéder daos le futur aux démentis de ses aftirmations publiques. C' est
certaines rem~ques de Freud, qu'il a laissé tomber en ma prése~ce, une vieille habitude, que nous lui connaissons depuis ses lettres a sa
comptant mamfestement sur ma discrétion :-"Les patients, c'est de la dulcinée Martha, les mirages cocai'niques et les enchassements menson-
racaille". Les patients ne sont qu'a nous faire vivre, et ils sont du maté- gers d' Anna O. Daos une note rajoutée en 1907 asa « Psychopathologie
riel ~o~~ appren?re. N~us ne pouvons pas les aider, de toute fa~on. C'est de la vie quotidienne», Freud signala gentiment qu'a chaque fois qu'il
du mh1hsme. therapeutlque, et malgré cela, par la dissimulation de ces essayait de mentir, il était trahi par un lapsus o u un acte « manqué » révé-
doutes et l'éveil d'espoirs, des patients se laissent prendre»66. lateur. Quand, de temps en temps, il paraí't s'apercevoir in extremis des
incohérences, ce grand détective de l'inconscient - que Frcdcri ck
Les ~vidences historiques ou démographiques ici ou la, les faits clini- Crews 69 assimile a «cet empaté d'inspecteur Clouseau » de la Pa nlh ~.;rc
ques aJ~I~urs, « mais qui s'en soucie, au fond, dans cet univers propre- Rose! - rend les choses pires encore en niant les avoir formul écs, ou en
ment dereel qu'est la psychanalyse, ou l'interprétation vaut pour réalité tentant de réparer a posteriori les contradictions par l'ajout de nouvc lks
et la fiction pour vérité? »67 . absurdités. Ou alors en fabriquant la fable du complexe d'CEdipc afln d ·
sauver 1' édifice rhétorique, le faisant basculer daos un délire irréfulahl c,
OCCULTATIONS par la magie d'une bifurcation métaphysique supposée immunisc r dé fl ni .
tivement le systeme contre la venimeuse vérification. Car le pire enncm1
du freudisme est la réalité.
La psychanalyse possede des procédures défensives destinées a faire
obstruction aux vérifications et aux questions élémentaires. Done a Pour commencer, prenons le cas des articles de 1895 relatifs a la
protéger sa doctrine et son pouvoir en péril. D'abord, il y a la démarche névrose d'angoisse. Le premier, rédigé en 189470 , contient une masse
pat?ologique, qui consiste a avilir la contestation : le contestataire, ou le considérable de généralisations, daos nombres de catégories pathologi-
cuneux, est un malade qui n'est pas analysé, ou l'a mal été, ou pas assez ques, que bien peu de médecins confirmés peuvent rassembler en toute
longtemps, done n' est pas autorisé a la discussion ni au doute. Compren- une vie professionnelle. Toutes ces catégories originales sont de
d~e la psychanalyse requiert d'etre soi-meme analysé. Ce qui revient a Sigmund Freud. Or, Freud a 38 ans, et n'exerce que depuis quelques
dire que pour apprécier Mozart, il faut etre compositeur, et que, pour années : les cas neurologiques prédominaient au début dans sa consulta-
déguster u~e omelette, le gourmand doit étre capable de pondre des tion, et les patients invoqués, loin de représenter toute sa clientele, sont
C:~fs. Ensu~t~, daos les. publications des freudiens, la suppression des en quantité tres exagérée a cette époque. TI ne peut pas les avoir. Ce
elements CI!Oiques préCJS permet, par l'illusion rhétorique, de justifier a travail, n'ayant pu convaincre faute de preuves, vaut a son auteur une
to_ut .coup le~ interprétations spéculativcs ele données absentes, ou jamais contestation immédiate, séverement argumentée, de Lowenfeld, un
de~~Jtes ~t simplement inventées. Un fid cle de La Cause pouvait certitier savant qui s'appuie sur une série de malades personnels, dont environ la
qu 11 «existe en psychanalyse la funcs1e lraditi on de défigurer les sources moitié contredisent les theses de Freud, Jeque!, doit-il regretter, ne peut
du matériel clinique» 68 . Pourquói s'cn élonner ? se réclamer que de tres peu de cas. Daos sa riposte a Leopold Lowen-
feld71, Freud feint d'avoir déja fourni les détails indispensables daos son
~~m.me l'a bien montré, parmi d ' aulrcs, le suédois Max Scharnberg, précédent article, sans réell ement répondre et, en guise de faits cliniques
s~ec1ahste de la psychologic du ll ll' 11so ngc et de l'analyse textuelle, démonstratifs, va fabriqu cr des exemples additionnels pour encare
S1gmund Freud fournit ses théories ad hoc (/ vant d'avoir vu ses patients, appuyer la force de conviction ; mais il se perd alors daos de malheureu-
247
246 MEN SONGES Joi(I ·. IJilii ·NS 111 \ llllln 11 I IN I 111 \ INHII<MAIION S(CIII .AIRI :

ses et révélatrices contradictions textuclll:s . Ainsi, lisanl son texte, nous que ses eourriers a Wilhelm ~liess démentent a ce moment meme. En
apprenons d'abord que, dans la névrosc d'angoisse, la prédisposition nutre, il affirme retrouver une «étiologie sexuelle dans tous les cas de
héréditaire ne manque jamais; ensuite, que la névrose d'angoisse ne peut névrose », y compris dans la soi-disant neurasthénie, et simultanément
naltre sans cette prédisposition mais qu 'on trouve rarement un patient avouc n'avoir expérimenté sa technique psychanalytique que «Sur des
77
affecté chez lequel on ne puisse détecter cette influence. Puis, un péu e as graves d' hystérie et de névrose obsessionnelle » .
plus loin dans le meme article, il faut admettre que la prédisposition
héréditaire n 'est pas une condition indispensable a l' émergence de cette Sigmund Freud n 'avait pas ces deux cents cas de neurasthénie.
névrose, que tout individu peut développer avec ou sans la prédisposi-
tion 72 . Invraisemblable? Non ! e' est le freudisme. Bien entendu, ces A juste titre confondue avec la névrose de Fliess, la neurasthénie de
incohérences textuelles deviennent pour Freud des évidences, claires 1' américain George Beard était depuis 1881 une invention fourre-tout de
comme de l'eau de rache, qui auraient échappé a son détracteur. 1'époque; elle disparaitra 70 ans plus tard de la nomenclature officielle
des diagnostics avec l'hystérie et toutes les « névroses ». Notons. au
Bien qu'il ne puisse, en 1970, disposer de l'intégralité des lettres a passage que les neurasthéniques sont des patients pour lesquels le trmte-
Fliess, Benjamín Brody, vigilant, avait été contraint d'éliminer de son ment psychanalytique est, selon Freud, contre-indiqué, sans qu'il nous
recensement des écrits freudiens une soi-disant «collection de plus de dise par quoi le remplacer, ce qui n'empecha pas.ses successeur.s de leur
deux cents cas »73 de neurasthénie, car Freud ne foumissait alors, daos imposer la psychanalyse malgré tout, y compns qua~d ce dwgnosltc
son article de 1898 consacré a «la sexualité daos 1'étiologie des tambera en désuétude. Mais il faut commencer par dtagnosttqucr un ~
névroses », aucune information utilisable au sujet de ces 200 malades maladie inexistante pour ensuite prétendre magiquemcnt l' avoir gu ·ril'
dont sa théorie se réclame, et pour cause. 11 est hautement improbable en - ce que savaient tous les charlatans avant Moliere, el bien avanl l'a p
effet qu' il possédat une telle quantité de « neurasthéniques » dans sa parition du Docteur Knock sur la scene du triomphe. de la mé~lccin · . l'll
consultation de l'époque. Cette profusion est tout a fait inoui'e : Pierre 1923. « L'insomnie peut etre due a un trouble essentJel de la C lfCU iall(lll
Briquet ( 1859) avait e u beso in de dix années au moins, en ne faisant que intracérébrale, particulierement a une altération des vaisseaux dile ''en
¡;a, pour réunir ses 400 cas d'hystérie, I'affection en vogue alors infini- tuyau de pipe". Vous avez peut-etre, madame, les arteres du cerveau l' ll
ment plus commune. tuyau de pipe», assurait Knock (et non Freud ni Fliess) a sa patientc.
Laquelle se reconnut dans la précision clinique : « Ciel ! En tuyau .de
A cette époque, Freud ne peut rencontrer que 6 ou 7 patients par jour pi pe! L'usage du tabac, docteur, y serait-il pour quelque e hose? .le pnse
ouvrable; mais il ne possede que tres peu de nouveaux cas, et quelques- un peu ... ~>78. Et ce n'était point une poudre magique.
uns sont encare des malades neurologiques ou de médecine générale.
Alors qu'il se consacre a l'hystérie depuis des années et que les« neuras-
théniques » sont tres minoritaires daos sa clientele, au point de disparai-
tre mystérieusement de ses publications ultérieures, avec leur étiologie
(encare la masturbation, décidément) spéculative et absurde 74 , voila
soudain, en janvier 1898, une formidable «collection de plus de deux NOTES
cents cas », qui ne peut jaillir que par 1' enchantement de son imagina- ' Emil Cioran, Carnet.1· 1957-1972 [11 février 1969], NRF, Gallimard, 1997, p. 688.
tion. D'ailleurs, le jour méme ou il vient d'achever la rédaction de cet 2 Brody (1970), Freud's Case Load. Pour la période 1907-1939, cf aussi Lynn & Vaillant
article- «suffisamment bon pour le public, mais qui ne mérite pas d'en (1998).
parier entre nOUS», puis «lOUt a fait impertinent et fondamentaJement ' Selon le décompte de Scharnberg (1993), vol. 1 : 137 sq., dans l'article princeps de
destiné a offenser» - , Freud se plaint a Fliess de manquer cruellement Freud (1896), Zur Atiologie der Hysterie, par exemple.
4 Obholzer ( 1980), Entretiens ave e /' homme au.x loups : 68.
de patients depuis quelques remps déja, en particulier de ne pouvoir ' lzydor Wasserman (1958), American Joumal of Psychotherapy, 12 : 623-627, cité par
mener a son terme l'étude d'un seul cas d'hystérie, et craint d'etre Sulloway ( 1979) : 362.
dépourvu de tout matériel clinique pour 1' année a venir !1 5 Mais il assure, • Freud ( 1933), Neue Folge der Vor/esungen zur Einführung in die Psychoanalyse : 159
pour le public, avoir élaboré un procédé thérapeutique, qu'il propase [c'est moi qui souligne].
d'appeler «psychanalytique », auqucl i1 doit «de nombreux succes » 76, 7 Roudinesco & Plon (1997) : 275.
24R 1 ' I ·NI ·i\NCI·: DE I .' ART 249

8
«Nous savons que la découvene de la rnéthod\: vatluulrqtw lur ,.,¡ du c. ( "cst pourquoi
" Hrcuer ( 1895), Considératimu tlréo riques : 200.
son nom mérite d'etre révélé. Elle s'appelait lkrtltc l'appcuhL' "" (27 r vricr 1859-28 mai
1936)» (Jones, vol. 1 : 246 n5). "' e¡: Sulloway (1979): 85, 89.
11 Ó: Hirschmüller (1978): 360 (dossier clinique de 1882) et Breuer (in Freud & Breuer
9
Selon les calculs de Fritz Schweighofer, cité par Borch-Jacobscn ( 1995) : 50.
10
Breuer ( 1895) (in Freud & Breuer ( 1895), Études sur l' Hystérie, chap. 2 : Histoires de ( 1895 ), Études sur 1'Hystérie) : 14.
malades): 24 et 30; cf aussi Freud (1925), Selbstdarstellung: 36, ou l'auteur répete ces
" Frcud (1914), Zur Geschichte der psychoanalytischen Bewegung: 75.
' 9 Freud ( 1912) : Zur Dynamik der Übertragung.
pro pos.
" Jones, vol. 1 : 249 (qui renvoie a une lettre de Freud a Martha du 19/1 1/1882). Selon ·"' Frcud (1888), Hystérie: 166 (déja cité).
Gay ( 1988), vol. 1 : 131 , e' est durant 1' été 1883 que la discussion eut lieu, ce qui ne chan- " Freud (1923 ), Psychanalyse : 51.
gerait rien meme si c'étaít vrai. <2 Freud (1925), Selbstdarstellung : 36.
12
Lettre de Freud a Martha, 51811883, citée par Hirschmüller (1978): 159. Selon Borch- ·" Freud ( 1925), Selbstdarstellung : 36 el 46.
·14 Ellenberger ( 1972) : 337. Ce séminaire est celui dont le contenu restera interdit
Jacobsen qui la cite aussi (1995 : 34), cette lettre a été étouffée pendant des décennies,
puis retrouvée par Jeffrey Masson qui la déposa áux Sigmund Freud Copyrights de jusqu'en 1989 au lecteur non psychanalysé (cf plus haut et Noll ( 1997) : 131 ), mais
Wivenhoe. Ellcnberger avait été initié au jungisme.
45 Lettre de Freud ii Stefan Zweig, 21611932.
' 3 Hirschmüller (1978) : 160.
14
Freud ( 1888), Hystérie : 166. 40
Jones, vol. 1 : 247-248.
15 47 Cj la Correspondance Freud-Stefan Zweig; Borch-Jacobsen ( 1995) : 53: Roudincsco
Cécilie M: est évoquée dans le chap. 2 des Études. Quotidien pendant trois années, le
traitement tres lucratif de cette patiente par Freud, en qui la famille n'avait aucune & Plon (1997): 761; et Hirschmüller (1978): 177.
confiance, ne mena nulle part et fut encore un échec. Cf Peter Swales ( 1986), in Crews -•s C.f. Borch-Jacobsen (1995) : 38 et Appendice 2.
(1998): 22 sq. 49 Hirschmüller (1978) : 344.
16
Freud ( 1888), Hystérie : 166. so On a fourni sur Anna O. des diagnostics multiples et contradictoircs (1}: Elknhl' rgl' r
17
Hirschmüller ( 1978), Josef Breuer : 359 sq. (1972): 336-337; Macmillan (1991): 17 sq.; Webster (1995): 116 s1¡.) : .:!k )IO\r v:ul
" Selon Ellenberger (1970): 483. Cf aussi Lettre de Freud ii Fliess, 1811211896. Freud souffrir de plusieurs alfections, dont a u moins une épilepsie temporale ga ud1 ·. 1..:, :rul r,.,
s'est éloigné de Breuer au moment ou celui-ci fut nommé a 1' Académie des Sciences. cas posent la meme question.
19
Hirschmüller ( 1978) : 213. 5r Andréas-Salomé: joumal d'une année 1912-1913 (in Andréas-Sa lomé, Com•s¡1o11
211
Freud (1896), Zur Atiologie der Hysterie : 87. dance).
21 52 Roudinesco & Plon ( 1997) : passim.
Ellenberger ( 1970) : 484.
22
Freud & Breuer (1893), Les mécanismes psychiques des phénomenes hystériques 5·1 E. Roudinesco, dans une note en bas de page de son dernier livre ( 1999 · 114 n26),

communication pré/iminaire (chap. 1 des «Études sur l'hystérie» de 1895): 13. distingue fort opportunément le révisionnisme du <<négationnisme>>.
21 54 Cf ici le chapitre : La potion magique. . . , .
· Cj les analyses historiques solidement documentées et étayées de Malcolm Macmillan
(1991 ), chap. 4, et de Jacques Corraze ( 1976 et 1983). 55 Roudinesco & Plon (1997): 763 [incrustations m1ennes]. Borch-Jacobsen, auJourd hui
24
Sur Moriz Benedikt, c.f Ellenberger ( 1973), qui lui rend hommage. professeur de littérature comparée a l'université de Washington, docteur en philosophie de
25
Freud ( 1~05), Drei Abhandlungen zur Sexua/theorie : 50. leí, Freud contredit, entre l'université de Strasbourg, fut longtemps un excellent traducteur des reuvres de Freud en
autres, les Etudes de 1895, ou il insistait sur l'affinnation (p. 212, par ex .) que le cas Anna franr;ais. L'historiographie, celle qui déplait, n'est pas seulem~nt «améric~ine>>, mms
O. de Breuer était bien la premiere cure cathartique. Ernest Jones ne s'arrete pas sur cette internationale, scandinave. allemande, anglaise, australienne, 1tahenne, canad1enne ...
incohérence et participe au mensonge indispensable a son maí'tre : Anna O. doit avoir été 5" C.f, entre autres, Freud (1925): Die Wiederstiinde gegen die Psychoanalyse. Les publi-

traitée par la catharsis puisque «la découverte de la méthode cathartique luí est due, (vol. cations de Freud rédigées durant l'été 1924 («Die WiedersUinde ... >> et auss1 <<Selbst-
1 : 246 n5). darstellung >>) sont largement destinées a répondre aux critiques e_t aux dissidences.
26
Über den psychischen Mechanismus hysteri.rcher Phiinomene (cf chap. 1 des Études), 57 E. Roudinesco, «Le révisionnisme antifreudien gagne aux Etats-Unis>>, Libération

rédigé en décembre 1892 par les deux auteurs en vue d'une conférence (Wiener medizi- 261111996, p. 7.
nischen Klub, 11/1/1893) portant le meme titrc. " Crews (1998) : xxi.
27
Freud ( 1925), Se/bstdarstellung : 34. Freud aflinne aussi que le nom de Janet ne fut 5" Joseph de Maistre, cité par Sainte-Beuve, Port-Royal : Livre troisieme, note du chap.
pas prononcé pendant son séjour a la Salpetrierc, ce qui est impossible. 15 (Pléiade, Gallimard, 1954, vol. 2, p. 232).
28
C.f Freud (1914), Zur psychonalytisclrm /Jewegun fi : 70. 60 Freud (1933), Neue Folge der Vor/esungen ... (5' conférence, <<La féminité>>: 174).
29
Ellenberger (1972) : 352. 01 (1933), ibid., Nouvelles conférence.•· : 177.
0
' Sulloway (1979): 100. 6 2 ( 1933), Nouvelles con{érences : 131.
" Freud (1914), Zur Geschichte da fl.•')'chowral\1/is('hcn Bewegung: 76. 61 (1933), Nouvelles conférence.•· : 178.
'
2
C.f Sulloway (1979) : Appenclicc A. p. ~07 .w¡.: e l Masson ( 1985), Complete Letters 64 Freud (1909), Analyse der Phohie einesfünfjiihrigen Knaben (der kleine Hans): 109
Freud-Fliess : 151 n l.
n 1 (trad. fr.).
JJ Hirschmüller (1978) : 236 sq.; Sullow11 y ( 1<J !')) : 76. 79-80.
65 Macmillan ( 1991) : 520.
14
Cj, par exemple, Lettre de Freud ,) 1-'lw.ll "" 2'í!5!1895.
"'' Ferenczi, Journal clinic¡111' : 14!1.
250 M ENSONCii \S 1·1{1 \I JI>II ·.N:'> 111 \ 11 111! 1 lti iN I 111 'dN I IIHMAI I<IN SECl ll .i\IRE

67
Borch-Jacobsen ( 1995) : 54. Sur Anna 0 ., oulll' l'c·xcdknl llon.: h Jacobsen ( 1995)
(Souvemrs d'Anna O. Une myst(fication CPIIIt' llrJirt· ). t f . And ·r•son ( 1962- 1965), chap. 3 Chapitre 12
et 4; Ellenberger (1970) : 480 sq.; Ellenberger (1 972) ; Sullo way (1 979): 54 sq.; Thorn-
ton (1986); Macm!llan (1991 ), 1" partie; Webster ( 1995) : chap. 4.
68
Rodrigué (1996), vol. 2 : 195.
La substance clinique
:: Crews ( 1998), [Jnaut~orized Freud Doubters confrom a Legend : introduction, p. x.
Freud ( 1895) : Uber d1e Berechtrgung von der Neurasthenie einem bestimmten Sympto-
menkomplex als « Angstneurose » abzutrennen.
71
Freud (1895) : Zur Kritik der Angstneurose.
72
Cf Scharnberg (1993), vol. 1 : 220 sq.
73 << Commenc¡;ons done par écarter tous les faits ,
Freud ([898), Die Se.xualitiit in der Atiologie der Neurosen : 85.
74
Cf Scharnberg (1993), vol. 1 : 261. car ils ne touchent point a la question. ))
Cf, par ex., Lettre de Freud a Flíess, 41111898 (*$P), 221111898 (*$E), et 91211898
75

(*$P : nombreux caviardages, en particulier sur ces informations). Freud est alors en train Jean-Jacques Rousseau ( 1755) 1
de concocter sa Traumdeutung .
76
Freud (1 8.98), Die Sexualitiit in der iitiologie der Neurosen : 93.
:: Freud ( 189~), Die Sexualitiit in der Atio/ogie der Neurosen : 80 et 95.
Jules Romams (1923), Knock ou le triomphe de la médecine: Acte Il, scene V.
L' honnéteté de Sigmund Freud avait été séverement mise en cause des
1973 par Frank Cioffi au nom d' arguments solides et de tex tcs déja
accessibles a tous les lecteurs 2 . Max Scharnberg, Han lsraels ct Morton
Sc hatzman pourront en administrer la preuve fínal e, par difTén.:nl s
chemins mais la méme année, en 19933 . S'appuyant sur les nouvea ux
documents historiques, ils ont dévoilé une autre falsificaLion ccnt cnairc,
sans doute la plus importante dans l'histoire au regard de ses i111pli ca
tio ns. Cette mystifícation est constitutive de la fabrication clu complcxe
d' CEdipe, la bonne a tout faire du freudisme.
En tout cas, ]'affaire qui va nous occuper devrait mettre un termc ü
toutes les prétentions freudiennes, et justifie ces propos de Frederick
Crews : Sigmund Freud «était un charlatan» et «Si un scientifique se
comportait de cette fa<;on aujourd'hui, il serait bien entendu renvoyé de
son travail, perdrait ses fonds de recherche, et serait déshonoré pour le
restant de ses jours» 4 .
A u printemps 1896, un an apres la publication des Études sur 1'hysté-
rie, Freud va avoir 40 ans et vient d'inventer la psychanalyse5 . La
nouvelle méthode «révolutionnaire» est simultanément un traitement et
un moyen de connaissance des origines inconscientes des psychonévro-
ses. L' effícacité du premier est la vérification de la valeur des secondes,
et la psychanalyse garantit des résultats sans équivalent dans ces deux
directions.
Ces résultats, quels sont-ils ? Au moment ou il s'appréte arésoudre les
Iégers problemes de la saignée d'Emma Eckstein, nous pouvons craindre
le pire.
Depuis longtemps, Sigmund Freud est convaincu que toutes les
«névroses» sont touj ours d'origine sexuelle, et qu'il n'y a aucune excep-
252 MENSON(; I,S I·RI ·III 111 N'• 111 '• 1••1111 11 I INI 111 '.! N I e IHMA IION S(,C'ULA IR E 1 A \ IIII S i AN< '1·. ( 'I .INIQliE 2:'i3

tion a ~a doctrine de la scxualilél'. Mais il y a <kux ~:al égories de névro- souvenirs inconscients de scencs infantiles» [p. 103]. Les malades ne
ses. D abord, les « névroses actuelles », la ncuraslhénic et la névrose peuvcnt en avoir conscience, ils nc le savent pas, ne l'avouent pas, sauf
d'ang~isse, ont leurs sources dans le présenl : la mas turbation (abusus avec résistance et la plus extreme répugnance. «Les malades ne savent
sexu~hs) engendre la neurasthénie selon le modele de la névrose réflexe rien de ces scenes avant l'application de l'analyse. Il est de regle qu'ils
d~ F_hess, alors que le coi'tus interruptus ou reservatus, c'est-a-dire I'ex- s' indignent lorsqu'on leur annonce que de telles scenes risquent de faire
cltatwn sexuelle frustrée, amene la névrose d'angoisse. Les névroses surface. C' est seulement sous la puissante contrainte du traitement
actuelles ne sont pas du ressort de 1' anal yse standard. qu'ils sont amenés a s'engager dans le processus de reproduction. En
rappelant a leur conscience ces expériences infantiles, ils endurent les
Par co?~re, les « psychonévroses » trouvent leurs causes daos le passé : sensations les plus violentes, dont ils ont honte et qu'ils cherchent a
des expenences sexuelles pré-pubertaires en sont responsables. Elles cachen> [p. 96]. Il rajoute : «Les malades doivent avoir véritablement
sont un terrain de choix pour l'analyse. vécu les scenes d'enfance qu'ils reproduisent sous la contrainte de
l'analyse» [p. 97]. Pour les déterrer, il faut exercer un puissant travail de
Quelle est done l'étiologie de l'hystérie, une des psychonévroses? sape dans 1' armature des résistances, lesquelles sont pour 1' expert
Le. mardi 21 avril 1896, le grand explorateur se présente devant les chevronné les empreintes du vrai; des lors, ce qui rejaillit daos la
autontés de la Société de Psychiatrie et de Neurologie de Vienne pour conscience, ce sont des souvenirs d'événements réels, non pas de.
expos~r sa découverte des « sources du Ni!» (caput Nili) de la psychopa- fantasmes ni des mensonges. L'analyse débouche invariablement sur ces
t~olo~Ie, les ~rigines de l'hystérie7 . Nous connaissons déja ce type de scenes d'abus réel refoulées. Et dans 18 cas d'hy stérie, par un exam~n
SltuatiOn. TOUJOUfS a la recherche de sa niche écologique, sous l'in- individuellaborieux exigeant un minimum de cent hetues d'rmalyst' fHI IIr
!a
fl~ence de s_ubstance magique qu'il dira n'abandonner qu'en fin de la chacun, il est arrivé a reconstituer ces expériences infantiles jp. <JI.J. 1111 .
meme annee, ti va renouveler son exploit d'octobre 1886 a la Société Certes, on pourrait lui objecter qu'il n'a traité que dix-huit paticnl s, el
Impéria~e de Médecine. D'ailleurs, des auditeurs, les éminences de la non vingt, et que les deux autres, qu'il n'a pas vus, auraient pu évenlucl
sexo~o~te, de la neurologie et de la psychiatrie, qui n'étaient ni sourds ni lement diminuer la valeur de sa proposition universelle a 100 %, qui nc
amnes1q?es, purent assister aux deux prestations a dix ans d'intervalle. serait alors vraie qu'a 80% [p. 91]. Mais les choses sont ainsi : il a pu
~~tte fOis, nous disposons des textes publics et privés qui vont dévoiler prouver, dans chacun des dix-huit cas, les connexions entre chaquc
1 Imposture. Ces textes sont les lettres de Freud a Fliess entre 1895 et symptóme et ces événements par le succes thérapeutique de la psychana-
1_898- mais l'édition originelle est bien entendu purgée de ces informa- lyse. Ayant supprimé les causes, les symptómes ont disparu un a un
tt?ns - , et les articles parus au début 1896, principalement « Zur Atiolo- jusqu'au dernier. La psychanalyse complete signifie une guérison radi-
gte der Hysterie» qui reprend cette conférence du 21 avril. C'est cet arti- cale d'une hystérie, et l'efficacité thérapeutique démontre la valeur de la
cle crucial, sur l'étiologie de l'hystérie, queje vais maintenant examiner. théorie étiologique comme de l'authenticité des abus réels [p. 97] . Les
preuves sont amplement suffisantes pour éteindre la contestation, et pour
. F~eud annonc~ a son auditoire que, dans ses «recherches» sur l'hysté- ne pas confondre ses déclarations avec des spéculations a bon marché.
ne, _Il trouve tOUJOurs, dans chaque cas, au moins un traumatisme sexuel
subt dans la petite enfance. Les actes sexuels se sont produits invariable- Voila quels sont les résultats de «la méthode breuerienne modifiée »,
~ent avant 8 ans, et au-dela de }a poussée des dents définitives, la mala- la psychanalyse, qui est a la psychiatrie traditionnelle ce que la micro-
die ne peut plus etre causée ... [Etiologie... , p. 104]. Ces scenes, évidentes scopie esta l'anatomie macroscopique [p. 111 ]. TI termine en refusant de
~hez l'adulte, «sont reproductibles grace au travail analytique malgré des croire que «la psychiatrie veuille différer encore longtemps l'utilisation
mtervalles de temps de plusicurs déce nnies » [p. 95]. Les événements de ce nouveau moyen de connaissance » [p. 112]. C'était la présentation
~raumatiques, indiscutablcs-, apparticnnent aux premieres années de la de sa profession de foi que la tradition appellera «la théorie de la séduc-
~eu~e.sse, so~t toujours refoulés el dcmcurent toujours inconscients. Un tion ».
md1~1du qm se souviendrail d · ces abus ne serait pas hystérique.
D'allleurs, s'en souvenir c'es l guérir, ct seu le sa psychanalyse le permet. Mais, quelques jours apres cette conférence du 21 avril 1896, Freud ne
«C_h~z nos malades, ces so uwnirs nc sont jamais conscients. Nous les dissimule pas son amcrtumc. Une lettre a Fliess qualifie de «glaciale» la
guenssons de leur hy stéri · t·n lr:t nsf"onnant en souvenirs conscients Ieurs réception de son ex posé par « les anes » de la société de psychiatrie, qui
254
I.A S l iBS' I/\NCE C UNI QUE 255

peuvent tous «alJe¡.· en enfer ». TI a ·té parlwuiH.: renrcnl outragé par une abus. Il ne le fera pourtant pas, mais se contente d'exemples succíncts et
remarque du psych1atre Krafft-Ebing, qui aurait di1 : « ~'a ressemble a un .fictifs qui ne sont pas tirés de son expérience : «Je les ai inventés »,
co~te de fées sci.~ntifiq.ue » (Es klingt wie cin wissenschaftliches avoue-t-il, en ajoutant que sont de bien pietres inventions [p. 88]. Pour-
Marchen), alors qu 11 ava~t apporté a l'excellente assemblée la solution quoi done, s'il a 18 cas réels analysés a fond sous la main, ne présente-t-
d'un probleme plus que millénaire, une caput Nili 8• Freud est ulcÚé et il pas le résumé représentatif mais crédible d'un seul? Meme les «ánes
ne comprend pas cet accueil. arrogants » de la psychiatrie qui 1' écoutaient, en fait des experts acquis
aux progres véritables de la connaissance médicale, ne pouvaient que
S~s a.u~iteurs attenda!e?t toutefois autre chose d'un exposé clinique douter d'allégations invérifiables. Aucun cas n'est décrit; les traumatis-
ausst ongmal. La sexuahte des enfants et les abus sexuels, leur existence mes passés sont a peine évoqués alors qu'il les dit essentiels; aucune
l~urs effets,. étaient étudíés et díscutés par les psychiatres et la médecin~ information pertinente n'est disponible sur la majorité des malades (le
l~.gal~ de~ms des d~c~n~ies en _Europe, et ne pouvaient pas provoquer sexe est le seul renseignement connu pour tous); les faits cliniques, les
l md1gnatwn des spec~ahstes presents. Mais, de tous les facteurs étíolo- symptomes, sont absents, confus, contradictoires et seulle style de l'ora-
giq~es envisagés dans l'hystérie a l'époque (Krafft-Ebing, 1877; Krae- teur est talentueux, mais tortueux. 11 ne fallait pas chercher bien loin les
pelm, 1882; Albert Moll, par exemple), Freud n'en conserve qu'un seul explications de la remarque du Baron von Krafft-Ebing : c'est extrava-
?uquel il octroie un role exclusif, nécessaire et suffisant, qu'il généralise gant, <;a manque de sérieux selon les standards de la psychopathologie de
a to~s les cas, sans l'ombre d'un doute, ni preuve objective ni argument la fin du x¡xe siecle, et sa pseudologie ressemble vraiment a un conte
crédtble. ~~ fin de s!ecle,, il ?'Y avait, pas d'étude permettant d'accepter fantastique.
cela, et d adleurs aujourd hm, nous n en avons toujours pas allant en ce
sens apres un siecle de travaux. La charpente creuse de son édifice Mais il y a beaucoup plus. Qui sont en effet ses dix-huit patienls?
rendait impossible la vérification. La différence entre Freud et ses audí-
teu~s ~ésidait da~s la prudence, car leur univers mental n'était pas le Faut-il inclure dans ce groupe les douze malades des Études sur 1'hys
terntotre des cert1tudes définitives, et ils avaient de l'administration des térie parues en mai 1895? C' est difficile a croire pour plusieurs rai sons.
preuves une autre conception. Enfin, ses nombreuses incohérences ne D' abord, la spéculation de la séduction ne commen<;a a émerger qu ' a
pouvaient qu'éveiller leur scepticisme9. l'automne 1895, apres le bouclage des Études 10 • Ensuite, il rappelle que
la méthode de Breuer était décevante car «le malade conserve ses symp-
~ar exemple, Freud se réclame de 18 patients completement psychana- tomes inchangés, malgré le premier résultat que nous a livré 1' anal yse>>
lyses, chez lesquels tous les symptómes disparaissent nécessairement
[p. 87]. C'est la, au passage, une nouveauté qui fait douter de cette publi-
quand on a extirpé le traumatisme originaire, présent en mémoire dans
cation ou le contraire était avancé, notamment que le réveil des souve-
tous l~s cas; mais quelqu~s-~ns ~e ces malades ne perdent pas leurs nirs, méme triviaux, faisait disparaítre les symptómes par leur méthode.
symptomes. Il affirme av01r mvanablement prouvé la réalité des abus
Freud, qui proclame la naissance de la nouvelle analys~ sur les ruines de
~exu~ls par le succes thérapeutique chez ses névrosés, puis étre arrivé a
1' ancien procédé cathartique, exclut les malades des Etudes.
1denhfier les expériences sexuelles «dans la totalité des dix-huit cas»
mais íl annonce n'avoir eu confirmation directe de ces scenes que dan~ Qui sont alors ces nouveaux patients?
deux cas seulement [p. 98-99]. Parrni les arguments en faveur de la
réalité des scenes d'agressions sexuellcs, il notait l'uniformité des détails Quand on examine ses lettres adressées a Wilhelm Fliess, on tombe
soi:disant rapportés, qui étaienl de meme nature, a moins qu 'il y ait e u sur des indications surprenantes. Le 27 avril 1895, un an avant la confé-
prealablement une entente secrete en/re les patients [p. 97] sans avoir a rence, Sigmund Freud a bien quelques P'!tients, mais les cas de névrose
!'esprit qu'il est le seul dénominalcur cornrnun dans cette hdmogénéité et sont devenus tres rares asa consultation. A l'automne de la meme année,
que ses auditeurs n 'étaient · pas d e.~ naYfs en matiere de suggestion ... au moment ou il devrait avoir commencé les dix-huit analyses, il se
Quelle arithmétique élémenlairc ;~cccple que 18 patients représentent plaint plusieurs fois de n' avoir a sa consultation que deux névrosés, qui
80% de vingt personnes ?! Frcud prornct de livrer une démonstration ne progressent pas 11 .
cl_ini.qo_e de sa th~~rie, ~ar il lui apparaí'l qu ' une analyse complete et Et puis, quatre mois et demi plus tard, il se réclamera de 18 cas ache-
detatllee est la venficatron du tnodt ll' étiologique et de la réalité des vés, affirmant avoir consacré a chacun une centaine d'heures d'analyse
256 MENSON(j t,S I 'HI !I IJ>IJ •N,\ 1ll ',f l l lf fi 1• I IN I l tl '.I NI 1 111M A 1J( IN S" ('III. AIIH ·: ' ol l ll'o i AN! ' 1· ! '1 I N I()I JI ' 2.~7

intensive et souvent davantage 1t 'tiolo¡.: i<' .... p. 1 1 11 . Lt: ca lendrie r est prcter a u traiteme nt, les rechutcs bi en trop fréquentes, et surtout 1' ab-
cruel : il n'avait que quelques scrnaint:s, cnlrt: novembre 1895 (deux se nce de succes thérapeutique. Et il écrit ceci : « Des déceptions conti-
névrosés qui n'avancent guere) et fin avril 1896 (dix -huitmalades diffici- nuelles m' ont empeché de mener une seule analyse a bon terme » 17 •
les o.nt été analysés a fond) . Pour Max Scharnberg, c 'est impossible, en
170 JOUrs, et les lettres a Fliess le prouvent 12• Comrne Freud l'écrit lui- Nous y sommes. Dix-sept mois plus tót, il avait présenté sa théorie
meme, travaiUant au mieux de sa forme, avec achamement durant 9 a 13 sans fait ni malade. Encore une fois, il était sur de posséder la vérité saos
heures, il ne pouvait assurer a ce moment-la que 6 a 8 séances quotidien- avoir rencontré quiconque et avant une seule analyse. Ensuite, il dut
n~s ., Les patients « névrosés » ne constituaient pas la majorité de sa
13
certes en croiser quelques-uns, les pressant de se soumettre a ses atten-
ch.en~ele, : 18% seulement étaient des « hystér!ques» et nous savons qu'il tes, en pure perte. Maintenant, reconnaissant son échec, mais en privé
smvatt d autres types de malades a l'époque. A moins de voir tous ces 16 seulement, il rejoint ses critiques, et justifie la contestation de ses détrac-
ou 18 patients quotidiennement, 6 jours par sernaine, en leur consacrant teurs d'alors, dont il paralt soudain découvrir tout seul la pertinence,
au mínimum 12 heures chaque jour jusqu'au matin de la conférence, il saos les nommer. En 1896, la théorie de la séduction reposait sur l'ana-
ne le peut pas. D'autant qu'il aurait dO exclure tous les autres malades en lyse complete de dix-huit patients. Dix-sept mois plus tard, il avoue que
se li~rant ·a des acrobaties daos son carnet de rendez-vous, et qu'il faut pas une seule analyse n'avait été menée a bien, et ne revendique plus
auss1 compter avec les jours fériés, avec le temps nécessaire a ses publi- aucun succes sur des hystériques qu'on recherche vainement. Dans le cas
cations, a ses courriers, a quelques lectures. Tout ceci est invraisembla- Fleischl von Marxow, la victoire totale fut déclarée alors qu ' il conn ais-
ble.
sait depuis un an l'état pitoyable de son ami , du fait de ses cc uvrcs. Le
cas Anna O. est certifié a partir de 1895, mais en publi c scul c mc nl , une
~n février 1896, dans deux articles 14 postés simultanément, il dit déja éclatante guérison, bien qu'il sache la vérité depuis 1882, qu ' il révé kra
avmr psychanalysé completement 13 des 18 malades de la conférence en secret. Emma Eckstein est aussi la premiere psychanalyse réuss ic ...
d'avril, ce qui est un exploit en si peu de temps : il avait eu besoin de
sept ans pour réunir les 12 hystériques illustrant les Études, et s'estimera Pendant une année, Freud n'avait plus donné de nouve lles d ' Emm a
au~orisé a n_e pas_ tenir compte de ces patientes traités saos succes par la Eckstein a Wilhelm Fliess. C'est étrangement daos la lettre d' avril 1896.
methode depassee de Breuer. Quelques jours avant la conférence, il ou il fait état de sa désagréable aventure a la société des anes de lu
espere encore guérir l'hystérie et la névrose obsessionnelle 15. Puis, le 4 psychiatrie, qu'il rompt le silence a son sujet. Les nouvelles sont bonncs.
mai 1896, quelques jours apres sa conférence, il écrit a Fliess que son Freud a résolu le probleme : les hémorragies d'Emma étaient hystéri -
cabinet est vide depuis des semaines, qu'il n'a vu aucun nouveau visage, ques, elles résultent d'un désir érotique inconscient, et non de la double
et que parmi ceu.x qui sont en cours, aucun n 'est achevé. Le 17 décem- faute médicale 18 • L'affaire Emma Eckstein venait de lui fournir l'astuce,
bre 1896, il ~e plaindra encore qu'aucun traitement n'est terminé, qu'il la recette : la source des troubles névrotiques est le malade lui-meme,
rencontre touJours les memes difficultés, et qu'il n'a pas fini un seul cas.
qui est responsable. Alors Freud, dans la fabrication d'une nouvelle étio-
logie, va commencer a fuir les réalités, et progressivement se réfugier
En réalité, comme le montre son courrier a Fliess, de la fin de l' année
dans le fantasme et les mythes . Plusieurs mois de réflexion intense
1895 a u début 1898, pas un se u! eas n 'est mené a son terme. L' anal yse
seront encore nécessaire a l'élaboration du complexe d'CEdipe. D'abord,
textuelle de Max Scharnberg est claire : lors de sa conférence du mardi
« tout rétrograde vers les trois premieres années de la vi e» (3 janvier
21 avril 1896, Freud ne pouvait s'appuyer que sur trois, peut-etre quatre
1897), puis le souvenir du traumatisme se rapproche de plus en plus de
malades hystériques, qui n' étaient ni améliorés ni guéris 16. II est
la naissance, et le 6 avril 1897, Freud situe 1' événement vers 6 a 7 mois.
d'ailleurs possible qu'Emma Eckste in li't partie des miraculés ...
Va-t-i! atteindre la fécondation , sinon remonter le chemin de l'hérédité
De toutes fac;:ons, peu nou .~ imporl e : le mardi 21 septembre 1897, des caracteres acquis vers la préhistoi re? Non! Du moins pas encore. En
dans une tres célebre Iettre (caviardéc) i\ Wilhelm Fliess, Sigmund Freud quelques mois, les idées de séduction réelle s'estompent, puis il y
annonce solennellement dcvo ir ahandonn er la théorie de la séduction renonce (21 septembre). Enfin , en quinze jours, les réalités implosent
réelle. Ses raisons sont no mhl l' uscs. Par111i les motifs importants de son dans les limbes fanta smatiques du complexe d'CEdipe (3 et 15 octobre
reniement, il invoque : la fuile de~ pnsonncs qui semblaient le mieux se 1897).
251! MI ~ NSON<ii ·.S I·J(J •IIIIII ·N..; lll '• lllllll 111 11 11 lll ' drJIIIJ(MAI ION .W ('lJLAIRE '•l l ii\IAN<'I ~ (' 1 INIQLIE 259

Pour éliminer sa propre hystérie. Freud M' livrc 11 son aulo-analyse. Un 1t:lc aussi se présente sur le divan convai ncue du dogme, et nourrit le
reve décrypté luí permet de reconslruin.: un ~ pi so<.le qui aurait dfi se systeme de ses propres croyances.
pro~uire a 2 ans et demi, lorsqu'il fit un voyage avec sa mere de Leipzig
a V1enne, au cours duque! il aurait vu cclle-ci nue 19 . La clientele lui A ce propos, une Jettre de Marie Bonaparte a Freud ne manque pas de
laisse b~aucoup de temps libre pour rétléchir a ccttc affaire et le patient saveur. En octobre 1932, elle fit la connaíssance du physicien Níels Bohr
le plus. 1mp?rtant de Freud est Sigmund. D'abord, il fait un rapproche- ;, Copenhague, et eut quelques difficultés a suivre ce qu'elle appelait une
ment smguher avec une observation de Wilhelm Fliess : son fils Robert, métaphysique. Elle ne put accepter un point des « spéculations atomí-
le futur analyste qui n' avait que quelques mois, eut une érection en q u es» du Jauréat du príx Nobel, sans signaler le niveau d'information
présence de sa. mere Ida. lgnorant le caractere spontané de ce phénomene qu' elle possédait pour en díscuter. Alors, la Princesse quitta Bohr avec
chez les nournssons, Freud voit aussitót dans l'érection devant Ida Fliess 1' impression que cette métaphysique « qui s 'est développée si magnifi-
non pas une coincidence, mais l'effet de l'excitation sexuelle du petit quement a partir de la physique des anciens Grecs, ferme ainsí la boucle.
Robert a l'égard de sa mere. C'est un désir. Matrem Nudam, CEdipus Les physiciens modemes sont en meme temps d'éternels métaphysi-
Rex! <;a suffit, Sigmund Freud a tout compris a son cas personnel : son ciens. Le complexe d'(Edipe est moins hypothétique»22 •
reve lui .révele qu'il éprouva lui-meme dans la petite enfance un désir
érotique pour sa mere Amalia, a 2 ans et demi, quand illa vit nue dans le Pour bien comprendre Sophocle, dít l'helléniste Jean-Pierre Vernant,
train. (Du moins le croit-il : en fait le voyage eut lieu quand il avait 4 «je dois m'astreíndre a mesurer le poids et la portée des mots qu'il
ans, mais les réalités n'ont plus d'importance.) cmploíe, des contextes dans lesquels illes utilíse. Si nous imaginons que
tout se passe dans « CEdipe roi » comme e hez nous, nous tombons dans le
La généralisation de sa spéculation est immédiate. 11 n'a qu'un seul travers des mauvaís freudiens pour qui tout est simple, puisquc chacun
cas et une interprétation herméneutique, par lui-meme, de son reve de de nous est un CEdipe, a évidemment revé de tuer son pere et de couchcr
confirmation, mais e' est la un désir uni verse! et vrai. Quelques jours plus avec sa mere. [... ] Cette notion de complexe d'CEdipe me paraí't une purc
tard, le 15 octobre, grace a l'auto-illumination, la construction est construction de !'esprit. [... ] J'attends toujours qu'on me cite les vcrs de
accomplie : «Une idée unique de portée générale a vu le jour en moi. Sophocle faisant apparaitre un élément de sexualité dans les rapports
J'ai découvert, dans mon propre cas aussi, un amour porté ama mere et entre CEdipe et Jocaste. Rien ne me met plus en rage que d'entendrc
de la jalousie envers mon pere. Je considere, a présent, qu'il s'agit d'un décréter, avant meme d'avoir lula tragédie, J'interprétation qui s'impose,
événement universel, au cours de la petite enfance ... »zo. simplement paree que M. Freud, qui avait quelque teinture d' Antiquité
classíque, a donné a quelque chose le nom d'CEdipe. Cette attitude
La théorie de la séduction était également une proposition définitive et rejoint celle des marxistes des années 1960, qui savaíent ce que nous
de valeur universelle. devions trouver dans les sociétés que nous étudiíons. Tous ceux qui
Quelle est alors la nouvelle théorie? croíent qu'il existe une clé universelle ouvrant toutes les portes du savoir
sont des demeurés! »23 Vemant, généreux, présume que « Monsieur
La résolution de )'affaire Eckstein lui avaít fait comprendre l'impor- Freud» avait quand meme «quelque chose» a habiller sous !'uniforme
tance .des désirs érotiques inconscients, dont la malade est 1' origine, et de l'CEdipe. Mais la encore, le Yiennois n'avait aucun fait a sa disposi-
prodmsant les symptómes. Maintenant, nous savons que les hystériques, tion. Il n'en a plus besoin. D'ailleurs, le 15 mars 1898, il apprend a
et non Freud, avaient pris leurs désirs d'inceste pour des réalités. Les Fliess qu'il ne s'est toujours pas documenté sur la légende d'CEdipe.
abus ré~ls dans l'enfance ne sont plus nécessaires : les désírs cedipíens y
Quelques années plus tard, il va réviser rétrospectivement ses écrits de
pourv01ent. C'est un désir incestueux, endogene et inconscíent, ou la
la période « pré-cedípienne » de sa carriere, afin que les erreurs du passé
réalité n'a plus de poids. Yoila le complexe d'CEdipe, fantaisíe person-
soient conformées aux nouvelles « vérités » du présent.
nelle prés.entée d'abord conime un fantasme inconscíent, une «psycho-
mythologie» et un « mythe cn<.lopsychique» 21 , mais qu'il fera bien víte D'abord, et ce n'est qu'une expressíon de son éternel combat contre
apparaltre comme un fait xénéml déja certifié, que ses brigades vont l'idée qu'íl suggere a ses mal ades des pensées qui ne sont pas les leurs
confirmer. Aujourd'hui, le complcxc d'CEdipe est un acquis culture! occi- mais les síennes, il va éc rire a maintes reprises qu'a l'époque, les
dental, un totem dont la mise en doutc est taboue, d'autant que la clien- patients luí avouaient spontanément avoír été séduíts.
260
', 1/11'• 1¡\ NI '1· 1 'I.I N II) I JI : 26 1

En 1914, par exemple, il rcvit:nt sur ce:-. tJnvau x de llN6 et insi. te sur En 1905, dans ses Trois t 'ssais, Frt:ud pense qu ' il n' a certainement pas
une conception erronée qui aurait failli l:trc latak ;) la jcune science. 11 cx agéré la fréqucnce ou l'imporlance des cas de séduction 28• Mais i1
é!ait al?rs injlue~~é par le récit des malades qui ra11u; n;.;icnt leurs symp- rédige en meme temps que les Trois Essais une réponse a Lowenfeld, ou
tomes a des expenences sexuelles subi es dans les premieres années de la il écrit exactement l'inverse : en 1896, il avait fortement surestimé la
vie. Il avait été trompé par ces propos inventés ou imaginés, et ce n'est fréquence de ces abus, par accident. Le recrutement luí avait amené, par
qu' ensuite, par un travail clinique épuisant, qu' il s' est extrait de cette un malencontreux hasard, une quantité démesurée de patients chez
influence néfaste et qu'il a tini par comprendre que le traumatisme lesquels la séduction jouait un role capital, unique29 • On a vraiment du
n'avait pas eu lieu 24 . A l'époque, dit-il ailleurs, il n'était pasen mesure mal a croire que tous les hystériques abusés de Vienne S' étaient donnés
de différencier les souvenirs illusoires des traces d'événements réels, rendez-vous pour leurrer Sigmund Freud dans son cabinet de consulta-
comme il a appris a le faire ensuite 25 . On a l'impression que Freud n'a tion, et qu'il n'était pas responsable de l'exagération.
pas lu ses articles de 1896, ou qu'il méprise la compréhension de ses
lecteurs. En réalité, comme on le voit dans les articles en question, il En 1895-1896, c' était l'inlassable défilé de malades qui validaient
s'affi_rmait capable de faire cette distinction en toute certitude, puis accu- automatiquement sa these « irréfutable » de la séduction réelle : tou s
mulaJt les· arguments rhétoriques pour rejeter fermement les affabula- avaient été traumatisés. Apres 1897, il répudie cette théorie révolution-
tions et les inventions mensongeres. Les patients, insistait-il en 1896 ne naire, et en invente une autre, la théorie « irréfutable » du fantas mc
pouvaient pas faire le récit de ces événements. Dans le cas contraire' ils universel. C' est alors un autre cortege d'innombrabl es pati ents qui lui
~ 'auraient pas ~té névrosés, par définition. lis refusaient ses interpréta- donnent encore raison: rares sont ceux qui admettent avoir été victim cs
twns, ne pouvment ni «rapporter» des séductions incestueuses, ni s'en d'abus, les agressions sexuelles s'effacent et les fantas mes de d ·s irs
souvenir, précisément a cause du «refoulement», la condition obligatoire conflictuels les remplacen! dans ses analyses. On nc pcut év it cr de
de leur pathologie. L'expert n'avait aucun doute sur la véracité des conclure que ce prodige est le fait de la suggestion active des 111aladl's
scenes dont ils ne savaient rien en venant a l'analyse. L'analyste, luí, par Freud, avec et sans l'hypnose, avant et apres 1897 . Le seul élcllll" lll
savait, puis venait a bout de leur énorme résistance sous la pression la constant et uniticateur dans cette histoire est Sigmund Freud , qui s'e l'l'or
plus énergique « pour leur arracher le souvenir morceau par morceau, et cera sa vie durant de persuader ses lecteurs qu ' il n'a pas manipulé ses
pendant qu'il s'éveille dans leur conscience, ils deviennent la proie patients.
d'une émotion difficile a contrefaire» 26 . Freud était épuisé et aphone, a
force d' interventions directives et autoritaires pendant ses analyses : il Les impossibilités et les incohérences sont telles qu'on peut avoir le
devait briser la résistance afin que les scenes traumatiques devinssent des sentiment que Freud, au moment ou il invente la psychanalyse, perd la
souvenirs conscients. Ce ne sont pas la, chez les malades, des récits tres connexion avec les réalités, entre ses postulats et le monde empirique.
spontanés. En fait, il ne l' ajamais eue. 11 n'a aucune conscience du caractere irréel
et irrationnel de ses aftirmations péremptoires. Comme le remarque
En 1899, Leopold Lowenfeld commenta les articles de 1896 et la Allen Esterson, «il est difticile d'échapper a la conclusion que se mentir
théorie de la séduction qu'il refusa de retenir, car il y voyait des p~tients a soi-meme (self deception) et la malhonneteté jouent simultanément un
assujettis a la persuasion de l'analyste, et, dans leur résistance, une aver- role dans cette histoire, bien qu'a certains moments, il soit presque
sion légitime a la suggestion du faux . Dans son expérience, ces abus impossible de distinguer 1'un de l' autre » 30 .
subís dans l'enfance sont rares, el la relation causale avec la symptoma- Cependant, une erreur doit etre évitée. Sigmund Freud n' a jamais tota-
tologie hystérique inconcevable e n l' état de la science. Ce médecin lement rompu, comme on le prétend, avec la réalité des événements,
psychiatre eut l'occasion de suivre, aprcs Freud, un de ses propres mala- qu' ils soient traumatiques ou a u tres. Il y revient sans cesse jusqu 'a la fin,
des, qui lui affirma incidemmc nl qu e tout cela, la séduction dans l'en- quand ils lui servent, pour les quitter aussitót et retrouver les fantasmes
fance, n'était que pure élucubralion et que rien de te! ne s'était produit. si la théorie est en péril , ou fabriquer de nouvelles issues dans les situa-
Lowenfeld avoua ne pas arri ver ¡, comprendre comment Freud pouvait tions autrement insolubl es. Q uand la contestation porte sur les réalités,
co~tinuer de déclarer que ces f'anla smcs, qui ne sont pas le fait des du développement des c nfants ou bien des effets de la thérapie, par
patlents, sont des souvcnirs d' v ~ n ·mcnt s authentiques27. exemple, alors des fantas mes sont avancés pour se soustraire aux interro-
'ol l ll \ 1ANI '1· ( 'I.I NI<)lll ; 2(>.1
21>2 MI ,NSONI ii •.S I ·HI ·. 111\11 N', lll 't 1' 11111 1• l l l ~ i 111 'oiN I 1III MAII!lN SI •( 'l ii.A IR"

gations. Si on fait remarqucr que « k s l!·lutHlll \ d' uhjl·ts o.;dipicnnes», en . b ·t que la destruction des tcxtcs ou leur dissimulation. ll infiltre et
<1 ro us e ,. · d lexe
tant que fantasmes inconscients, cchappcnt ; toute ohjccti vation, il est protege la substance meme du freudisme. L mventwn ,. u comp,
toujours possible de dénicher une indication donnant l' impression du d'CEdipe est un cosmétique permettant d'abord de cach~r 1 mcapa~tte de
contraire (l'enfant aime sa mere, craint son pcre); mais si l' on note des 1;rcu• d d'accéder aux problemes réels des patients, ensmte de dtsstmuler
. 1', · 1 · rrespon
1•¡nvention des patients avec leurs symptom_e~, et . et10 ~gte. co
A

contradictions dans les faits ou leurs cxplications, alors le complexe -


d'CEdipe est brandi telle une entité fantasmatique invérifiable. C'est une dant a ses illusions, enfin d'interdire toute venficatwn objecttve, ~ar une
valse-hésitation de !'un a l'autre, comme on le verra dans les «cas clini- bifurcation dans un monde virtuel inaccessible, étanche ou auto-Immu-
ques» ou les deux langages s'entremeJent en fonction des nécessités. 11isé contre le monde réel. D'ailleurs, la réfutat!?n. de la p~ycha~alyse p~r
l.:Jle-meme ne luí a jamais fait aucun mal. L edt~ce sp~culatlf pouvatt
A la fin de sa vie, dans un article pessimiste sur sa thérapeutique, il se tout supporter, bien avant, mais surtout apres la btfurcatwn de 1897.
retourne encore vers ses anciennes positions, et affirme que dans les
séquelles des traumatismes précoces, authentiques, l'analyse va s'avérer
magistrale et «c'est seulement en pareil cas qu'on peut parler d'une SEULEMENT SIX CAS
analyse terrninée» 31 . Mais si l'on objecte qu'une analyse n'est jamais
achevée, méme dans ces cas (et il est bien placé pour le savoir), les A partir de J'invention de La Méthode psychanalyti.que, en 1896- 1897,
fantasmes sont tirés du carquois : il n'y a pas d'expérience réellement seulement six cas cliniques ont ensuite été un peu, mats tres conlr~ldl~to~-
vécue, mais des fantasmes de désirs, et la réalité psychique inconsciente 1 ' Ce qui est bien modeste pour de tclles prétcntulns . l .t
importe plus que la réalité matérielle 32 . PiJe je gagne, face tu perds. rem,e~t, etxp orees.des e'checs thérapeutique~ exposés commc des illustra
tous son encor . . , f · . . '- .· ~ . · ·
La répudiation de la théorie de la séduction a laquelle l'exégese fait lions triomphales de son procédé révolutwnn~tre. Ces ~~ a1tc~ c.'.'.g.c~s. t:l.l
remonter l'invention de la psychanalyse, dans ce qu'elle aurait eu de devenues la nourriture pédagogtque favo11te des lleud1~ 11 s.
preuves son t . , d · 'ét , · w ··
profondément original, n'a jamais été complete. Apres 1897, ríen ne lis sont si douteux et si peu démon~tr,attfs qu o~ ott _s onnc•. ~ t:. .
change fondamentalement, c'est-a-dire que la «réalité psychique», celle Sulloway33 que le Viennois ait pense a les pubher, puts t10u~e1 . ·•_v~c
des désirs inconscients et des fantasmes, présentée comme plus impor- ·
Ftsher et G reen berg «a' 1a fot·s curieux et surprenant que Freud cho!Sisse.
tante que la réalité matérielle des événements et des communications, de démontrer l'utilité de la psychanalyse par la description de cas auss1
34
n'est pas une rétractation, mais la conservation d'une ancienne théorie a lourdement infructueux » ·
cóté d'une nouvelle. C'est une duplicité bien commode, car ainsi la théo- Je passe rapidement sur le dernier en date, un cas d'h~m?~ex~al~té
rie bicéphale est immunisée, !'une retournée en parade a la critique de féminine en 1920 qui, comme il l'écrit, ne fut pas en reahte. 1 objet
l'autre, et les deux ensemble pouvant tout expliquer sans jamais trouver d'une ps~chanalys~ et ne présenta aucune amélioration. _Il c~muent _d~s
de réfutation. Ríen ne change non plus au fait que la substance clinique, informations tres pauvres, contradictoires avec ses p~bhcat1ons ?rece-
antérieure ou postérieure a 1897, est toujours aussi vide, ou contrefaite. dentes, et s'acheve dans la constatation, en toute logtque, opposee aux
Le probleme de Sigmund Freud est toujours Sigmund Freud. certitudes éternelles de son Léonard : «La P~~c~~nalyse n est pas appe-
La véritable raison de sa volte-face est son incapacité a accéder a l'ob- lée a résoudre le probleme de l'homosexuahte» .
jectivité. Quelles que soient ses prétentions scientifiques répétées, il ne Restent done les cinq cas historiques les plus célebres : Dora, le Petit
peut tenir compte des faits, les décrire, en les dissociant des interpréta- Hans, l'Homme aux Rats, le Président Schreber et l'Homme aux
tions. Il ne peut les vérifier, produire des résulats tangibles, communi-
quer des informations reproductibles pour les faire partager au monde Loups 36 .
scientifique. Cette faiblesse était présente longtemps avant 1897. Eut-il
avancé une évidence vérifiabfc, ct sa théorie n'aurait jamais posé de 1900, le cas Dora37
probleme ni suscité de si justes critiques. On ne peut etre surpris qu'il choisisse, comme ill'écrit des les premie-
La fabrication de l'analysc était incomplete sans l'onirisme invérifia- res lignes de sa publication , de présenter ce ca~ pou~ c~rroborer, ses
ble de l'CEdipe, un dispositif de vcrrouillage des réalités bien plus habile assertions de 1895-1896 dans la mesure ou il ne dtsposatt d aucun resul-
264
MI ·NSON<:J •..\ 1•10 •!11111 N•, 1/1 '.11 111 11 lo l lt~ l 101 'dN I I U! Mfiii()N S I·('!IL!IIHE
1 /1 ' ollll', 1!IN <'I · < '1 INJ<)liE

tata l'époque. Mais il CSI paradoxal t¡ll ' llll~· llw()fil' sur !'origine des fréquence les gastralgiqucs sonl des masturbatcurs. Les pertes blanches
symptómes hystériqucs, Jite lhéoric d~: la ~ul11ciHHI , alkguéc sans preu- ne peuvent résulter d' une infcclion génitale, décide le grand docteur,
v~s e~ _18?6: puisse recevoir une cu.nfinnalion en 1905, alors qu'ill'avail mais de sa masturbation. Dora a-l-elle eu un épisode d'énurésie? «Cette
repud1ee a 1 automne 1897! Ce qu1 surprend moins cst l'inefticacité du incontinence n'a, a ce queje crois, aucune cause plus vraisemblable que
traitement.
la masturbation »40 . Joue-t-elle machinalement avec son petit porte-mon-
naie, l'ouvrant, le fermant, puis introduisant le doigt dans ce joli
A 1?-18 ans, Ida Bauer alias «Dora», fut adressée 19 Berggasse sous sy mbole « bifolié » de sa vulve? <:ette activité stéréotypée est l'équi_va-
cont:amte ~ou~ une a~alyse forcée et payée par son pere, qui ne croyait
lent de sa masturbation. Et non, bten sur, les marques de son exaspera-
pas a son h1St01re. La Jeune filie s' était en effet rebellée a 16 ans contre
tion et de son désir de quitter les lieux en ouvrant et claquant la porte .. .
I'assaut sexuel d'un homme mur de I'age de son per;. Les ptaintes et
Freud «considere, sur de tels índices, que la preuve indubitable de la
trouble.s émotionnels consécutifs a cet attentat feront d'elle, pour Freud
masturbation infantile est faite» 41 .
quand ti la rer;ut a l'automne 1900, une malade, car une adolescente qui
s'indigne dans ces conditions, et qui éprouve du dégout et non le désir
Ses difficultés respiratoires répetent la respiration haletante du rapport
est hyst~rique par dé.finition! Avant cet assaut, Dora s'était révoltée Ior~
d~une. précédente tentative, a 14 ans. Ayant manifesté une profonde sexuel de ses parents, sa toux spasmodique sign!fie un désir de fellation
revulston, alors qu' elle devait etre traversée par «une sensation nette sur la personne de son pere, et différents autres troubles seront des sJgna-
~'excitation sexuelle», son comportement était déja «tout a fait hysté- tures des désirs incestueux de Dora. Elle aura meme des tendanccs
nque »,. selon le .maítre viennois de la psychologie. 11 rajoute cette Jer;on homosexuelles, a l'égard de la maitresse de son pere, laquellc esl
l'épouse de celui qui tenta d'abuser d'elle a 16 ans 42 .
de sa Jeune sc1ence : «le tiens sans hésiter pour hystérique toute
personne chez laque/le une occasion d'excitation sexuelle provoque Sa boiterie a un sens inconscient, et l'analyste ne peut pas imagincr
surtout ou exclusivement du dégoüt, que cette personne présente ou non qu'une chute dans un escalier puisse dans les réalités en etre la cause.
des symptómes somatiques » 38 . Une jeune tille de 14 ou 16 ans qui se Dora en raison d'une fievre, de douleurs abdominales, d'une constipa-
r~fuse aux faveurs d'un agresseur de 40 ou 50 ans est une parfaite hysté- tion ::rune difficulté a marcher et d'une douleur du pied droit, s'inquictc
nque.
d'u~e appendicite43. Mais le Docteur Freud voit daos sa boit.erie la
Pendant quelques semaines, Freud va la traiter d'une maniere direc- marque d'unfaux-pas, conversion de son désir sexu~l, e~ semble tgnorer
tive, «comme une adversaire », la presser autoritairement, attendant son que cette association symptomatique connue des medect~s. se rencontre
aveu final pour valider, par la persuasion, des convictions qu'il possédait daos des appendicites authentiques, meme chez les hystenques. Freud,
des 1895 avant de la rencontrer. outre son indifférence vis-a-vis des souffrances réelles liées a un trauma-
tisme psychologique réel et non a des désirs, refuse de preter attention
Les rapprochements entre !'aventure d'Emma Eckstein et I'histoire de aux inquiétudes de sa patiente sur sa santé, et ?'effec~uer ~n exame~
Dora sont plus que singuliers, au point que des événements biographi- médical de routine. 11 peut etre aveuglé. n est tmposslble a un espnt
ques, et les fantasmes freudiens, qui auraient touché la premiere aussi vif de faire coexister une hystérie et une maladie organique authen-
semblent v~ni~ s 'incruster dans la vi e reconstituée o u fabriquée de la tique. Freud avait d'ailleurs soigné la t~nte préférée d'I?a. Bauer,
seconde. Amst, elles sont toutes deux des masturbatrices, ont de ce fait Mal vine Friedmann, pour une prétendue « nevrose » : elle en etatt morte
des gastralgies, ont des troubles locomoteurs, ont soi-disant été victimes tres rapidement. Daos «La psychopathologie de la vi e q~otid:~nne »,
de tentatives de séduction par un commerr;ant daos une boutique: Emma rédigée début 1901 en meme temps que le cas Dora, Freud ?tt qu ti. a e~,
par deux fois (a 8 ans et a 13- 14 ans), et Dora a 14 ans39. Mais Ida Bauer en psychana1yse, une autre jeune tille, agée de 14 ans, q~1 ~e platgnmt
n'eut pas droit a la trépanation . d'une douleur abdominale et qu'il diagnostiqua sans hésttation comme
une hystérique avérée. Déclarée guérie mais toujours porteuse de la
Ici encore, la masturbalion occupc avec l'inceste une place prépondé-
meme douleur abdominale ... , elle devait mourir deux mois plus tard d'un
r~nte. Les cramp~s d 'cstomac de Dora nous renvoient aux grandes sarcome des ganglions abdominaux. Freud affirme alors que l'hystérie, a
decouvertes de Fltess, Cl ces lllani rcstations doivent etre interprétées
laquelle elle était malgré tout « prédisposée», l'avait empeché de voir la
comme les preuves de sa maslurhalion , car Freud sait déja avec quelle
maladie44 .
266 MI · N S ON< :J •S I•HI ·{ JI III •N\ lll 'olllll'i l t I IN I 111 o l tJ IIll l~ l l\ ll <lN SH ' t /I A IHE 1 /1 S III ISTANCE C LINIQUE 267

Les craintes de Dora étaicnt pourt;111t l{'¡• 111111n. du la1t de la nature des l .as! Dora en aura assez, el mcttra fin a leurs relations au bout de quei-
symptomes (aphonie, toux spasrnodiquc, cte.). ulors tltctnc qu'il était <¡IIL' Sscmaines. Freud admet l'échec thérapeutique, dont il attribue les
informé d'une contamination par la tubcrculosc:, ·t par la syphilis, chez vau scs a sa malade, mais ni son aveuglement, ni ses erreurs de diagnos-
des proches qu'il avait soignés auparavant. Ida Baucr attcndait de Freud t1c. ni sa responsabilité, ni la contribution active de ses attitudes coerciti-
un geste médica!, éventuellement cornpassionnel. Mais ses plaintes ne ves, inquisitoriales, a la rébellion de celle-ci.
pouvaient etre pour Jui que l'indice d'une «COmplaisance somatique»
accompagnant la conversion hystérique, ce « saut du mental daos le De nombreux auteurs - 1' analyste Mahony, le psychologue Scharn-
physiologique ». hng. des féministes, par exemple - estiment que le Viennois a aggravé
la situation médico-psychologique, puis que sa publication fut une
Co'incidence? Des années plus tard, en 1923, le Docteur Felix Deutsch rnanicre de revanche destinée a laver les affronts de son propre revers et
rencontra une malade qui souffrait alors des insupportables vertiges de d · la révolte d'une malade qui luí fit brievement confiance. Sans comp-
Méniere : il reconnut en elle le cas Dora, toujours boitant et dotée selon tc: r qu'il ne semble avoir rien fait pour éviter qu'elle fusse reconnue dans
lui d'un caractere épouvantable. Deutsch, psychanalyste et ancien méde- sa rédaction du cas. Quand, un an et demi apres son fiasco, Ida Bauer
cin de Freud, restera tres allusif en rapportant publiquement en 1957 vinta nouveau lui réclamer de l'aide, cette fois pour une violente névral-
cette entrevue avec Ida Bauer, mais insistera sur «la nécessité de rééva- gic faciale qui la tourmentait jour et nuit, Freud fit encore preuve de sa
luer la théorie freudienne de la conversion», car des troubles digestifs profonde sympathie, de sa compréhension et de sa compétence médicale.
chroniques trop longtemps négligés avaient abouti a un cancer du colon, llcrr Professor vit «au premier coup d'a!il » sur sa physionomie tour-
diagnostiqué trop tard et qui emporta Dora en 1945 45 • A juste raison. mentée que sa demande ne pouvait etre sérieuse. C'était en effet,
Nous savons en effet depuis plus de quarante ans que des troubles orga- anirme-t-il au lecteur sans lui dire par que! examen neurologique il s'en
niques, notamment neurologiques, les ma1adies métaboliques et de était assuré, une «pseudo-névralgie» signalant sur son visage une auto-
systeme, sont beaucoup trop souvent diagnostiqués a tort comme « hysté- flunition, en remords tardif de la gifle administrée a l'homme qui tenta
riques » par les psychiatres. Au moins 60% des qualifications de la soi- d'abuser d'elle47 . Dora s'était révoltée contre deux attentats sexuels, elle
disant « conversion » hystérique s' averent erronées, ce qui justifie l' aban- était done doublement hystérique; ensuite, elle résista a 1' analyse, et la
don d'un diagnostic réputé inutile et dangereux. voi la punie par une névralgie hystérique qui donne encore raison aux
interprétations de l'infaillible médecin viennois. Sigmund Freud ne la
La « conversion » n' est d' ailleurs pas de 1' ordre du diagnostic - qui revit plus jamais.
est une organisation reconnaissable et objective de symptomes - , mais
de l'interprétation spéculative d'une psychopathogénese. Les troubles La conclusion terrible et courageuse de Patrick Mahony, faisant le
somatoformes (i. e. la prétendue « conversion ») se rencontrent bien plus point historique sur cette exhibition rhétorique men songere, y reconnalt :
souvent (dans 90% des cas) sans l'hystérie qu'avec elle. La majorité des la preuve du rejet de la patiente par son thérapeute; un cas éminent d'as-
hystériques n'ont pas la «conversion». Et on comprend tres mal qu'une sociations sous contrainte et de reves forcés; une légitimation écrite, et
« conversion » puisse servir a se défendre contre un conflit - a réduire publiée par son propre analyste, des sévices sexuels subis par une jeune
l'angoisse jusqu' a «la belle indifférence des hystériques » - , dans la filie, et enfin, dans son achamement hostile, la continuation de l'abus qui
mesure ou plus les troubles somatoformes sont importants, plus les justifiait la révolte de !'adolescente. «Dora avail été traumatiséc», écrit
perturbations affectives sonl séveres 46 . Enfin, de tres fervents analystes Mahony, «et Freud !'a traumatisée une seconde fois . Et pcndanl ü pcu
peuvent considérer que l'hystérie cst une contre-indication a la psycha- pres un demi-siecle, la communauté psychanalytiquc a. so it gardé un
nalyse puisque des années de cette thérapie ne modifient pas la person- silence complice sur ces brutalités, soit ignoré ccllcs ci par adotat ion
nalité hystérique ni les symptomcs dits de « conversion ». aveugle» .
Plus Dora s'oppose aux inlcrprl-tations, plus sa résistance, signe d'une Sauf erreur de ma part, c'est la premiere fois dans l' hi :-.loll e cks t·ludcs
lutte contre la vérité freudicnm: qu ' c: ll c: rcfusc en elle, conforte les certi- freudiennes qu'un fidele adepte profere de telles accusat iun ~ '> 111 l.r 111111 :1
tudes du maitre des lieux , cur 1'11111' l·á ,ud lo résistance ne peut jaillir lité de Sigmund Freud et condamne aussi duremc11t :-. 1· ~ t'OIIIJH'It'IH Ts
contre une affirmation faus.\'t' . cliniques.
'.llll'o lt\NI 1 1 II NH) l l l ·.
MI · NS O N!I I ·. ~ I·HIIII l ii ,N'. 111'.111 111 I•I IN I 1•1 lt~ I •I I I~ I '\ II IIN .'\1'1'11 1 A ll{ l ·.

i ') 1\, ¡1 y rcvi ent aussitót : « (" est ent re les mains d' une éducation
Enfin, conclut Mahony, c' cs1 la n: nt:uquahk dl' lllllll ~ lratlon «d' un des
plus grands désastres psychothérap ·utiquL· ~ ,·'K
. p~yc hanal y tiquement éclairée que repose ce que nous pouvons attendre
d' unc pro phylaxie individuelle des névroses » 50 . Mais hélas! Outre
Aux yeux de l'orthodoxie traditionncllc, la cataslrophc du cas Dora J' ignorancc de la psychanalyse, il y a l'ennemi,_« dans les p~ys ou l'édu-
reste toujours un modele de réussite dans la confirmatí o n de la théorie. r: tl io n cst e ntiereme nt ou partiellement aux mams du clerge, on ne peut
hÍ L' I1 sur prétendre a de telles exigences. » Et il faudrait « transformer les
51
1907 et 1909, le double cas du Petit Hans lo udements du systeme entier» •

Ce petit gan;on est d'abord évoqué dans un article de 1907 ou Freud Ce que Freud ne dit pas est qu'il y a d'autres ennemis. Par exem?le, le
fait la promotion d'une éducation des enfants selon les directives de la 1
L·doutable Albert Moll, ce psychiatre et sexologue que nous connatssons
psychanalyse49 . C'est la méthode préventive, sans égale, contre l'instal- dé.ia. Comme !'indique sa correspondance du p~intemps 1908, Si?mund
lation ultérieure des déboires névrotiques si difficiles a soigner. Ceux qui 1:rcud était informé de l'imminence de la parutwn du nouveau hvre de
ignorent le savoir freudien ne peuvent s'attendre qu'a des désagréments, Moll , «La vi e sexuelle de 1' enfant ». Illui faut vi te préparer une lec;on, et
comme le démontrent quelques malheureuses négligences. Par contre, une deuxieme propagande.
l'évolution· d'Herbert, cet enfant qu'il prend en guise d'illustration,
La rédaction du cas du « petit Hans» , achevée en aout 1908, publiée
devrait vaincre les dernieres résistances contre les bienfaits pédagogi-
en mars 1909s2, sera la parade contre Moll, et aussi une tentati~e de vali-
ques du freudisme .
dati on de la psychanalyse de l' adulte pour l' édification des mcrédules
Le musicologue Max Graf rencontre Freud en 1900 au moment ou sa rcstant. Car, évidemment, ces «découvertes surprenantes » sur 1~ sexua-
femme Oiga Konig, comédienne, est en ana1yse 19 Berggasse. Des 1902, lité de l'enfant et les stades libidinaux « ont été d' abord acqmses par
Max Graf appartient a la société psychanalytique du mercredi et le 1' analyse d' adultes, mais elles ont pu etre ensuite, apartí~ de 1908 envi-
couple devient familier du maí'tre viennois. Herbert Graf nait en 1903, et ron, confirmées par des observations directes d'enfants, JUSque dans les
53
se développe sous les yeux de ces parents freudiens, tres attentifs aux moindres détails et avec toute la profusion désirable » .
affaires sexuelles de leur gar~on, qu'ils surveillent, convaincus des
Des lors Herbert Graf va soudain sombrer dans une maladie, contre
valeurs du freudisme et de l'éducation dirigée selon ses préceptes. L'in-
laquelle il 'bénéficiait d'une sainte immunité freudienne quelques t_nois
téret des parents est centré sur son sexe, la mere se dénude et se lave
plus tot, et en etre guéri par la psychanalyse en quelques semames.
devant le petit gan;on, et tous prennent leurs bains ensemble. Au fur et a
Herbert Graf ce modele d'équilibre de 1907, est devenu le cas Hans, un
mesure du déroulement des « stades libidinaux », l'un et l'autre vont l'en-
« modele de' perversité », en 1908. Étrangement, le petit gar~on ~st
doctriner et, des qu'il parle, répondre a ses questions sexuelles polymor-
nommé Herbert dans le premier article, Hans dans le second, du moms
phes, qu' ils provoquent, livrant « les vérités » puisées dans les publica-
dans les éditions anglaise et allemande. Mai s il s' agit bien du meme
tions et les propos du professeur, en utilisant les ressources encyclopédi-
enfant, décrit par le meme Sigmund Freud, qui , pour do nne r ra ison ~ ses
ques des «Trois essais sur la théorie de la sexualité » parus en 1905.
« Trois essais ... » et « écraser Moll», donne tort a son précéde nt arllcle.
Des lors, Freud peut affirmer victori e usement, en 1907, que grlke a
Hans a maintenant une « hystérie d' angoisse » (A n¡;slllysleri c ), e' est-a-
cette éducation par des parents prédi sposés a etre les meilleurs instru-
dire une névrose phobique, comme on dira plus tan.l . La peur de \.a
ments de la prophylaxie analytique, Herhcrt est, a 4 ans, protégé comme
morsure d'un cheval révele 1' angoisse de castrati o n. Han s cs l « un pct1t
par un vaccin contre la survenue ruturc de troubles névrotiques.
CEdipe» qui veut évincer son pere et le remplacer au¡m s d · sa mere:
Freud, dans cet article militant ou il se réc lame également d'une Puis la résolution du complexe va faire disparaí'tre la llL'VroSL' ce qut
lettre instructive d'Emma Ecksh:in adr ·ssé\; i'l un fil s qui n'existe pas - , est d'autant plus plausible que ce complexe incesluc•• x n'nisll' pas. 1 ,e
conclut que les réformateurs el les pL~ da gog u es devraient imiter, sans 19 mai 1908, dans une Jettre a Jung, Freud déclara llan ~ gtl l'l i.
aucun doute et partout dans le 11\0II <Ir , ·es prínc ipes d' hygiene mentale
Freud - qui n'aura rencontré Herbert que quc lquc~ 111 ~1 : utl ~. k ' ()
dans l'éducation de la jeuncssr . l'lu ~ 1a rd. grace aux fondamentales
mars 1908 quand il avait 5 ans- dirige sa psycha nal y~~· pa• l' utt L'IJII '-
découvertes que Frau Henniue Vlllt llu g 1kllmuth venait de faíre en
l /0 1
M1 NSONI:J •S 1·1!1'1 1/HI ' N\ lll 'dflllli III IN I l tl '• IN I!lllf\1AIION SFCIII.A IRE 1 A SU IJ S'li\NCE CLIN IQU E 271

diaire de son pere docile, qui tienl un journal dt·l:ulk des opéralions. Le 1ks années plus tard , a 19 ans, en 1922, Herbert <?raf ne se reconnal-
recueil des informations présente les in1erprda11ons du pere (ou de 11a pas clans le récit de son cas, et pour cause. Mais Freud_ verr~ dans
Freud) comme des faits, incruste ses propres fanlaisies dans le discours \TIIe arnnésie une nouvelle preuve, encore irréfutable, de la resolutwn de
du petit gar9on, et des sentiments qui ne sont pas les siens comme si la névrose infantile 57 .
l'enfant en était l'auteur. Ensuite, Freud sélectionne dans ce joumal .ce
qui correspond aux impératifs de sa démonstration, et élimine des notes 11 ne s'agissait pas d'une phobie, mais d'une peur a~quise du che~al,
du pere ce qui le contredit. d 1ez un gar9onnet rendu anxieux et dépendant de sa mere par le~ attit~­
<ks de l'entourage. Lors d'une promenade, le 7 janvier 1?08, 1l avmt
Mais la manipulation réciproque et la suggestion des partenaires sont assisté a l'effondrement brutal d'un énorme cheval de tralt, su~ le_ sol
exclues selon Freud : «<I est vrai qu'au cours de I'analyse, bien des dcvant ses pieds. JI faudra trois mois au p~tit .He~bert. pour en fmre e~a~.
choses doivent etre dites a Hans qu'il ne sait pas dire lui-meme, que des ce type de traumatisme affectif commun n a nen a vmr avee la sexuahte,
idées doivent lui etre présentées dont rien encore n'a révélé en lui la el disparalt spontanément en quelques ~emai_nes_ s.a~s traitement dans l_a
présence, que son attention doit etre dirigée du coté d'ou son pere attend majorité des eas. Si 1' enfant épou~ante ~vmt VISite, Lo urdes.' on ~ur~I~
que quelcjue chose surgisse. Voila qui affaiblit la force de conviction invoqué un miracle, mais comme Il a~ait renco_ntre F~eud, I1 avmt et~
émanant de cette analyse, mais dans toute analyse on agit ainsi» 54 . Pour guéri , par l'analyse, d'une névrose inexistante. Cmq mms se seront, ~onc
Peter Gay, « Freud était convaincu que 1' anal y se ne devait ríen a 1' action écoulés entre le choc psychologique de janvier et la préte~due guenson
suggestive de son pere : le tableau clinique était parfaitement cohérent; de mai 1908. Herbert Graf utilisa ses craintes _comme mstr~me~t de
le malade n'avait fait siennes les interprétations que lorsqu'elles conve- communication pour capter l'attention de sa mere et se mamtemr au
naient»55. Mais a qui convenaient-elles? Comme le dira un autre admira- domicile avec succes. Mais on peut présumer sans trop s' avancer que sa
teur, Fritz Wittels, «Freud était arrivé a ses conclusions avant d'avoir peur du ~heval se serait éteinte plus rapidement_si de_tels ~f!o~~s, c~n.c~n­
analysé le petit gar9on ... »56. trés sur sa petite personne par des adultes cuneux JUsqu a 1 mqmsitlon
perverse, et a vides de sa névrose, ne 1' avaient pas e~ peché de parler plus
tót de son effroi, seule érnotion normale et bien reelle dans cette narra-
Dans I'article précédent, Hans était sous I'influence des pressions tion58.
éducatives grace auxquelles ses parents l'avaient vacciné contre la
névrose! Quelques mois plus tard, le meme enfant échappe aux sugges- Pour la petite histoire, je rajouterai que Sigmund Freud avait offert a
tions des memes adultes, de son pere, de sa mere, et de Freud. En tout Herbert, pour son troisieme anniversaire, un gateau au chocolat et... un
cas, Sigmund Freud sous-estime lourdement le caractere suggestible et cheval a bascule59 .
impressionnable d'un enfant de 4 ou 5 ans, qui répond a ce qu'il croit
que l'adulte, son pere ou le Professeur barbu attend pour ne pas luí Enfin, toutes les tentatives d'éducation préventive selon _les précept~s
freudiens ont été des échecs de la «prophylaxie analyt1que» depms
déplaire, y compris aux communications non verbales et a des questions
1907. Les conclusions des expertises des soixa_nle dernier~s a~nées
qu'il ne comprend pas. En réalité, le petit gar9on se conforme aux
montrent un rapport inverse entre la durée des trmtemcnts prevent1fs et
valeurs attendues par Freud autant clans son texte de 1907 que dans sa
les effets obtenus60 •
narration de 1909. 11 se soumet a la rhétorique freudienne successive-
ment dans deux articles qui se contreclisent : avant son opportune
«névrose» chargée de démontrer le cornplcxe ci'CEdipe, contre Moll, il 1907-1908: l'Homme aux Rats
était influen9able, et puis le voili\ , en 1909, magiquement libéré du joug
Les 26 et 27 avril 1908 devait se tenir a Salzbourg le premicr conp,n.:s
de la suggestion pour etre guóri! La seul e réalité du double personnage
intemational de psychanalyse. Sigmund Freud prit . la ~hose tres au
est virtuelle, ou narrative. Han s 1krbcrt 11 'est qu 'un texte soumis a la
sérieux et dut préparer une conférence de caractere h1stonque, un c~>Lip
volonté de son rédacteur, melkur l'll sccne manceuvrant ses acteurs,
médiatique démontrant a la face du ~onde et contre_ 1~s cont~stat_~~. r~s
comme ses lecteurs pris dans k ldc1 du rh<Sicur. Le déni de la suggestion son efficacité thérapeutique, dans un tnomphe sans precede~t m possibl -
était en soi une technique de Pl' l ~ u:t :o. IOII. lité de réplique. Depuis Dora, qu'il reconnalt comme un echec, aucun
212
lll 'ollllflj 11 I IN I 1•1 111 1 11 1 1~ 1 1\ II ON '\ H 'l ll./1 110 ' 1 11 SIIBSTANCi o Cl INI()LIE

cas n'étaít présentable. Le 19 avril 1')0/{, r1 ('t'rr v1r ';rrf Jung qu'a ce
11 ( données cruciales, des invcrsions d'événements, puis des incrustations
mo~e.nt, aucun ca_s ~¡ 'est aclu:vé. Lr..: pr..:111 ll:r 11 s 'í-lail loujours pas
11 d' informalions absentes du journal et dont on sait désormais qu 'elles ont
« guen » da,ns les dela1~ e~ ce n '~sl 9u 'a pres cr..: congrr..:s, le 19 mai, qu' il été délibérément inventées. Ces distorsions manifestes font du cas offi-
annoncera.~ Ju~g-sa.so•-d•sant v•ctoJre sur la phobic dt: l'enfant On peut ciel une confabulation intentionnelle et une transfiguration mythologique
penser qu JI p~efera1~ exp?ser, devant 40 invités venus de 6 pays díffé- savamment orchestrée65 .
rents, u~ succes plutot qu un cas inachevé. Des lors, une semaine avant
le :~n~res, Freud S~ décída a présenter le cas de l'homme aux rats. Freud Prenons quelques exemples.
~< n etalt qu~nd ~e~ e pas assez masochiste pour ne Iivrer que ses
61
echecs » · Fm avnl, a Salzbourg, Freud maintint son auditoire hypnotisé Des les premieres lignes du modele officiel, Freud affirme a ses
et susp~ndu a ses levres cínq heures d'affilée. Mais il se refusa a rédíger lecteurs que «le traitement de ce cas dura environ une année et aboutit
sa .~onference sur le moment, et il fallut attendre encore une année pour au rétablissement complet de la personnalité et a la disparition des inhi-
qu Il le fasse. bitions du patient »66 .
La durée du traitement d' Ernst Lanzer se heurte a des impossibilités.
Sur ce ~atient,. Ernst Lanzer, deux documents de Freud sont disponi- Le journal clinique commence a la premiere consultation, le ¡er octobre
bles : le cas offiCJel publié en juillet 1909, et les notes cliniques transcri- 1907, puis s'interrompt brutalement le 20 janvier 1908, soit un total ele
tes pendant son analyse. trois mois et vingt jours, et non onze mois ou un an eomme Freud le
prétend. La reconstitution de Mahony, d'apres les documents et ks
Le _lecteur a d~ la chance : le journal clinique de f'Homme aux Rats, correspondances de dates, permet d' imaginer qu' au printemps 1C)OH.
rele~e par la ma~n de ,Sigmund ~reud, n'aura été retenu que pendant 66 quelques séances tres sporadiques, non relevées dans le journal, aurail!nt
annees, et non Jusqu au XXIIe Siecle dans les archives secretes. C'est pu éventuellement venir s'y ajouter. Mahony pense, en comptant ces
malheureuseme~t ~e,s~u~ r~levé «clinique» de cas qui nous soit parvenu, supposées consultations, que Freud l'a suivi pendant 9 mois el demi ,
l~,s autres ayant ete eh~~nes. Car Freud avait l'habitude de détruire régu- simplement paree que Freud ayant quitté Vienne pendant de longucs
l~erement ses ?otes .chmques et les manuscrits ayant serví a leur rédac- semaines cet été-1a, il ne put le rencontrer au-dela de début juillet 1908.
hon, avec les mtentwns les plus pures bien entendu.
Mais si Freud évoque a quelques reprises son patient, a la société
Jusqu' en 1974, le lecteur ne disposait que du modele officiel du cas psychanalytique de Vienne ou dans ses courriers, nulle part il ne dit
Ratt~nmann, et puis, luí faisant suite dans la Standard Edition d'une l'avoir revu apres janvier 190867 . James Strachey affirme de son coté, et
~ers~~n (l'Addendum) sévere~ent. expurgée du journal clinique e~ ques- c'est probablement ce qui s'est passé, que l'analyse de J'homme aux rats
t~on · C:o~p~e tenu des fabncatwns et des dérives considérables que fut terminée pe u de temps avant la parution d' un article de mars 190868 .
1 on a de~mlees dans tous les autres cas, on comprend qu'il était indis- Ernest Jones précise aussi que Freud donna une présentation complete
p~n.sable a ,l~ur auteur, pour assurer I'immunité de ses fictions contre la du cas au congres de Salzbourg d'avril 1908, apres l'arret du traite-
cnt~que, d e~acuer ses différents manuscrits, et aux successeurs de ment69. Le traitement ne put s'étendre que sur cinq mois, peut-etre six au
cav1arder ce Journal afin de ne pas malmener la tradition. maximum, régulierement pendant le premier trimestre, tres épisodique-
ment ensuite.
Freud prétend rédiger son cas d'aprcs son journal clinique, et en se
rapp~ochant «autant que poss1ble des paroles memes du malade»63. Les Apres l'échec du cas Dora- mais sans doute songeait-il également
ad~mrat~ur~ affi:~ent aussi, en le répétalll bien qu'ils disposent au fiasco des soi-disant dix-huit cas de 1896 - , Freud avait insisté sur le
a~J~urd ~~ des. ev1de?ces du contnmc, lJU e Freud suit de pres ses notes fait qu'on ne pouvait ríen attendre d'une analyse qui durerait moins de 6
climques . Ma1s ce n est pas du 1ou1 ce qui s'est passé. mois, et qu'il fallait parfois compter plusieurs années, surtout daos les
cas séveres 70 . Alors, avec Rattenmann, dans un cas aussi grave de
11 Y a une i~discutable el sérir..:usc divcrgc nce entre les notes cliniques névrose obsessionnelle, Freud procede a une dilatation temporelle, lais-
et le cas offictel. La comp~ra1son ll'l'llll' ;) Lerme du journal clinique de sant entendre que la clurée nécessaire au «transfert» est considérable, et
1907-1 ~O~ avec le. cas publ•c dl' 11)0 1) lail apparaí'tre dans ce dernier des que les difficultés teehniques de l'analyse sont immenses. Le cas est
contradiCtlons maJeures , des· irrro hcrt' rr l'l'S. g•.....··ves, , des suppress10ns
· de grave, le probleme intiniment sérieux, il est complexe, la tache est
1 " •,11 11 ' IANC'I · Cl INiülJI'. 275
MI ·NSO NI;¡ ·.S l•l<l ll llii •N,'o lll 'o l ll li ll l o l oi H l ol oiTHiliiMA IIti N S H '\ 11 All<l ;

lourde, sa compréhension exige lllll' htn¡•,lw \'X J)nlt s\' , tr~,;s diflicilc el ¡ 1, 11111111 1l' homoscxucl» !71> Ah' C'cn était fait : comme dans le faux
douloureuse, inaccessible a un l'l()ll-lllllll y., ll' Mal.' d VIl n.: ussir l'cxploit ., v ·n 11 de Léonard de Vinci, il avail tout saisi en un mot et la suite
11 1
de tout débrouiller, d'autant que ce maladc av:ttl el· soi gné préalable- ,t, \ 1·11 ;11 1 inulilc.
Depuis ses « identifications redipiennes », l'homme aux
ment sans succes par l'éminent psychialre .Julius Wa g n ~,; r-.Jauregg. Le 1,11 •, 1·wil doté de tendances anales, homosexuelles. L'homme aux loups,
tournant thérapeutique fut atroce, interminable, i\ cau se de « cette école •111 ollllll! malade, dira a la fin de ses jours, «Qu'est-ce qui entre de neuf
77
de souffrance que fut le transfert pour ce pat icnt.. . » 11 . En réalité, le jour- .1 , 11 1\ la psyc hé? Pour Freud, tout s ' y trouve d'es 1' en f ance » .

nal clinique montre que !'affaire fut expédiée en sept séances pour que le
suggestible Ernst Lanzer, déja convaincu du freudisme avant de s'instal- 1 1• rl.'slc de l' analyse de Rattenmann est alors un pur exercice de style
ler sur le divan, fusse persuadé des bonnes interprétations de son cas : d t 'l' ttlun~, apparaissant au lecteur comme un ~uzzle complexe a~
I'homosexualité, la haine de son pere et la signification de son obsession ~ 11 -. pl' ll SC haletant, s'il arrive a suivre la d~monstrat!O? (Sandor ~~renc~l
des rats. De meme, Freud déroule lentement- sur une semaine entiere ce , 111 bien des difficultés, malgré ses pouv01rs astrolog1ques et medmmn•-
qui n' aura en fait demandé qu' une se ule séance, le 8 décembre 190772. q11 1·~) . Et l' expansion de la durée soi-disant indispensable pour ~en~ r ce
¡unhlc me a son terme est une illusion, un tour de passe~passe rhetonque.
Pendant l¡i consu1tation du 3 octobre 1907, Ernst Lanzer rapporte une 11 lallail emporter la conviction du lecteur, ce qUI reqUiert du te mps .. La
histoire horrible qu'il a entendu dans une caserne. C'est une torture ¡ 11 , 1)(; l' analy se, la résolution de l' énigme freudienne comm.e qu o1 k
orientale, ou des rats sont placés vivants dans un pot attaché au fonde- 11 · l · 1t du supplice des rongeurs a évoqué l' érotisme anal clu pat1cnl L'l les
ment nu du supplicié, pour ensuite, s'ils survivent, le dévorer de l'inté- 1aulasmes sexuels associés, était connue de son rédacteur des le dl'p:ul.
rieur. Au début, comme on le voit dans le journal, Freud ne comprend sn 11 malade ne lui apprend rien ensuite qu ' il ne sache cléj a. Tc l Atthur
pas de quoi parle son ma1ade, et croit qu'il évoque un empalement : «Je ( '011 an Doyle écrivant ses enquetes de Sherlock Holmes ~ la .lllctlll'
ferai tout ce qu' il· me sera possible pour deviner exactement ce a quoi il I' JHlqu c, ¡¡ avait la clef du mystere avant d'y entrer, .et pUi s, .d lrHtlltlll'lll

fera allusion. Veut-il, par hasard, parler de l'empalement (Pfiihlung) ?» 73. )' amateur en haleine jusqu'au happy end: « La solutJon une fo •s trouve~:.
78
L'idée du pal symbolise le pénis, done les rats doivent symboliser aussi 1' ohsess ion aux rats a disparu » .
le pénis. Voila des fantasmes homosexuels. En vérité, Freud est le seul a
évoquer l'empalement et le pénis. Rattenmann n'en parle pas et Dans Rattenmann, Freud ne se contente pas de dilater la durée. 11
d'ailleurs refuse ces idées. Mais l'année suivante, la présentation reman- combine également entre elles des informations qu'il a pro;o9uées ou
tique du cas officiel fait que la pénétration rectale par les rats devient un rccueillies en des séances séparées, de sorte que les evenements
fantasme anal, homosexuel, dont Lanzer est la source, et qui s'impose auxquels elles se réferent apparaissent par agglutination. sur le meme
ensuit.e ~son analyste telle une évidence non suggérée74 . Comme le jour- pl an ou se fusionnent en un seul. Et pour appuy~r sa log1qu~, le temps
nal chmque est caché au lecteur, celui-ci ignore que cette interprétation des verbes est adapté : l'événement passé se conjugue au presen~, ou le
analogique, qui le conduit d'une fa~on lourdement persuasive a l'homo- fait actuel se conjugue au passé. Parfois, l'ordre de la succession est
sexualité, dérive, non pas des propos factuels du patient qui ne la inversé : ce qui vient apres dans le journal peut arriver avant dans le cas
contiennent pas, mais d'un mécanisme psychologique de Freud. officiel. Ce qui occasionne des phénomenes quantiques tres étranges :
1' effet peut précéder la cause!
11 possédait cette solution avant de rencontrer Ernst Lanzer. En tout
cas, ill'avait des la premiere séance. « N'avais-je pas reconnu la compo- Par exemple, dans le cas public 79 , Freud nous .dit que ,Lanzer ~vait
sante homosexuelle des les déclarations de la premiere séance? », écrit-il 1' habitude de travailler la nuit, mais une compulswn se declencha1t, le
dans son journal 75 . Que se passa-t-il réellement lors de cette séance, qui contraignant, entre minuit et une heure du matin, a ouv~ir .la port~ d' en-
aurait permis a Freud de deviner la composante homosexuelle? Lanzer trée, puis a rentrer et a contempler sa verge dans .un ~IrOif. Apres cela,
parla uniquement de ses inclinations hétérosexuelles. Mais J'analyste au paragraphe suivant de la meme pag~. ~reud dJt qu .en .~e basa,nt ~ur
reconnut l'homosexualité des ses prcmicres paroles car, dans les souve- ces renseignements qu'il vient d' obtentr, Il peut foum•.r 1. mterpretation
nirs de jeunesse de Rattenmann , une tres jolie jeune femme de ses tous du comportement compulsif. Tout se passe comme SI , mspectant son
premiers émois amoureux s'appdail « Mademoiselle Robert», patronyme organe dans le miro ir, i1 attendait la visit~ el~ son mécha~t. pere défunt,
de consonance masculine. Freud dél.: lan: al ors sans hésiter : <de l'identi- « a l'heure ou sortent les fantomes ». Car, a s1x ans, un chat11nent de son
1 /1 ·, 1111', 1/IN(' I ' ( 'II N I()III o 277
276 MI:NS()N(ii ·S l · l(l · llllii · N~ lll 'o iiii HI l ll tr ll lo l 'd t ll o ii(I\.IA II<I N S l·( ' lJ I /1 110 ·.

Aussi, quelques rnoi s apres son « merveilleux Léonard » , Sigmund


pere aurait
. mis fin a sa mas 1. · , <: l: qui auralt. laissé en luí une
. .1UDdliOII Freud, qui n' était pas psychiatre, voit dans sa nouvelle pathographie le
~.
rancune meffas;able contre .son pele, . <.JUI,· ucpuls
ce . , g¡.:nc sa vic sexuelle. « merveilleux Schreber », «le coup le plus audacieux contre la psychia-
trie .. . » et particulierernent contre Bleuler84 . A la Iecture des tirés a part,
En réalité. , les renseig nements. sur la cornpul swn. (supposée effet Carl Jung, éleve et ancien associé de Bleuler avec lequel il avait un diffé-
~{mptoma~1que) sont obtenus apres l'interprétation de la cause présurnée rend personnel, trouva aussitót le e as « délicieux, désopilant » .
85

a correctl~n paternelle) dont ¡¡ se réclame : l'exhibition halli ue


~~vant ~~ m.Irmr est rapportée daos le journal clinique le 27 o%tobreq et
Il est tres étrange que la rédaction de l'article, comrnencée a I'automne
mterpretatJOn
· t 't · d'est donnée le 12 octobre'· On a pei·ne a' crmre . qu ',une
191 O et achevée début mars 1911, fftt prete a paraltre avant la mort de
~~ e.rpre at~on une compulsion soit fondée sur une confession évoquée
Daniel Paul Schreber, le 14 avril 1911. « Analyser un hornme vivant est a
. JOurs. p us tard: D~ns le cas public, les séquences et les re eres sont
mterverti~,. ~OnJUgatson
la des verbes ajustée, !'ensemble du eme ~rata peine admissible et certainernent impoli », dira J'auteur, qui n'envisagea
donna~t 1 Illuswn que Freud possecte vraiment des ingrédients obj~ctifs pas un seul instant d' adresser «le résultat de la vivisection asa victime »,
pour employer ses propres expressions quand la vivisection le concer-
apportes par Lanzer pour construire ses interprétations.
naitR6. On peut aussi s'étonner que Freud n'ait pas rencontré le malade ni
meme songé a entretenir une correspondance avec lui, par simple cour
En fin, le triomphe ~n~on~é arrive : il aboutit « au rétablissement
toisie ou pour vérifier ses interprétations, dont certaines pouvai ent ctrc
~om~let.de la personnahte et a la disparition des inhibitions du patient»
reu_ aJOUt~ra rétrospectivement, en 1923, que « 1' anal y se restitua 1~ jugées insultantes. Il était sur de son fait. Meme si les analy ses cliniqucs
présupposent une « grande farniliarité avec leur objet », Sigrnund Frc ud
~~~~~ p~~~hique» d~ l'h~mme. aux ratsso. Mais ses propres courriers,
n'a jarnais psychanalysé Schreber, et n'a done aucun controle de son
de 19d8 ;:ues dsemames a, plusJeu~s. ~ois apres cette prétendue victoire
, . , ont ou.ter de 1 authenttcite de sa satisfaction. En réalité la sujet par la longue, pénible, analyse des associations libres et du « trans-
g~enson, de ce patient, mort en 191 4 saos avoir « résolu le complexe' du fert», exigence stricte qui régit son art interprétatif. 11 ne s'agit pas d'une
p r~», n a pas eu lieu. Et, comme le dira l'analyste Patrick M h psychanalyse au sens exact défmi par son fondateur, qui se prive des
tOUJO';{s admiratif de. la rhétorique freudienne, « voyons ce qu' il e: r~~~ garanties du divan requises de n'importe que! amateur qui se lancerait
pour onner un verdJct : de la magnificence dans la faillite »81. dans cet exere ice pour se réclamer de l' autorité du freudisme. C' était
encore une fois une reconstruction mythographique, un document litté-
raire, un exercice de style non clinique. Ce qui est analysé n'est qu'un
récit, les « mémoires de névropathe >> 87 de Daniel Paul Schreber, un
1911 : le Président Schreber82
ancien président de cour d'appel qui a sombré dans la folie. Mais,
de E~~en B.le~ler, .un des ~ondateurs d~ la psychiatrie moderne, adhérent comme Freud l'écrit dans une lettre a Carl Jung du 1er octobre 1910, il
1910 associati.on .mte~at.wnale freudtenne qui venait d'etre créée en n'a pas lula moitié de ce journal qu'il connait déja les solutions, car ils
: e? avalt vite d~missionné, paree qu'il désapprouvait la maniere les possédait avant de l'ouvrir. ¡il
au~ontair~, <~ mon~chiste ~> et intransigeante dont Freud gérait son entre-
~nse, e.t 1 ?nenta~!on antisc!en~,ifiq~¡ e de ses travaux. Bleuler se justifia : On sait depuis une cinquantaine d'années que, daos la fabrication de \lj
Le pnncipe du tout ou nen qut exige que "celui qui n'est pas avec son cas, Freud a délibérément rejeté les documents biographiques ou
nous. est contre
.. nous" est m
· d tspensable
· uans les sectes religieuses et les médicaux qu'on lui avait confiés, qui montraient le contraire de son jt
partss p~htiques. Je cornprends une tellc attitude mais dans le d . systeme de pensée unique. 11 éjecte de son récit une quantité considéra-
de la sc 1en · 1' · . . ' omame
n' a ce, J~ estsme .mnssbl.c. 11 n' y a pas de vérité absolue. [... ] 11 ble d'éléments et ignore volontairement ce qui ne convient pas a ses
cl¿ses _P?Ur, mm en matserc sc lcnl iliqu c ni portes ouvertes ni portes postulats. Merne Zvi Lothane, membre officiel de l'association interna-
F d, Il ~y a pas de portes du lnut , pas el e frontieres»83. Sigmund tionale de psychanalyse, cst obligé de conclure que Freud a «manipulé
r~~. venmt .de perdre, avcc Eu gl'll Blculcr, un soutien universitaire et les événements décrits par Schreber et les a changés pour qu' ils convien-
~o ttique capital. 11 tenta d'ah<Hd de seduirc le psych'at .. .
echoua. · 1 re smsse, mms nent a ses affirmations >>xx.
nx 1 1\ \ 1/IIS 11\NCI ·. C! .INI()l/1 ·: 21')

Sc~re?er devait etre un homoscxud d 1111 (l:ll lllllli !U(IIl' pour conlirmer Au plus fort du désordrc, Schrcbcr se voyait changé en femme par son
Sa theone : la parano'(a eSt Ulle défcns<.: l'Ofllll' k:-. ll"llditiiCl!S a 1' flOnlO- psychiatre et par Dieu, pensée contre Iaquelle il devait lutter. « L'impor-
SeXuaJité. Freud voyait dans le délirc d · Sdt~eh ·r une réaction de lance colossale de l'homosexualité pour la paranoia est eonfinnée par le
défense, une tentative de guérison, bien qu 'on comprcnnc mal comment fantasme central de 1'émaseulation ... », assure alors Freud93 . Certes, dans
un désordre mental aussi sévere puisse servir de défense contre une ce qui apparait comme une schizophrénie parano'ide, et non pas une
«dévianee» aussi anodine que l'homosexualité~ 9 . Or, les diagnosties de parano'la'J4, Schreber manifesta un délire de transformation eorporelle.
Freud. sont faux, car le malade, qu'il ne connaí't pas, n'était ni paranoia- Mais il est superflu d'invoquer des craintes déréelles d'émasculation, un
que ?I ,homosexuel. Iatent, estime encore le psychanalyste Lothane, qui fantasme de castration ramenant a l'enfance, puisque les idées de Schre-
eonstdere cette affaue eomme un « assassinat moral» des deux Schreber ber, du moins a eet égard, étaient solidement ancrées dans les réalités et
pere et fils 90 • '
le présent. En effet, le directeur médica! de !'asile, Paul Flechsig, neuro-
anatomiste et médeein psyehiatre de Schreber, pratiquait vraiment ce
. Le président Sehreber, eertes peu eapable d'assurer sa eharge profes- traitement barbare, la castration qui le terrorisait. Freud le savait : il avait
swnnelle, n'est qu'un doux dingue inoffensif. Il est pourtant abandonné sur son bureau les publications correspondantes de Flechsig ( 1884 ), qui
par son médecin psyehiatre qui 1' envoie de force dans un asile de fous les luí avait envoyées avant sa rédaction 95 . La encore, il ne tient aucun
~neurables. Légitimement furieux de cette trahison et de I'enfermement compte du danger réel de castration car son dogme nécessitait un
ti se révol.te ~t le voila done, par ses réclamations, désigné paranoi·aque: «fantasme central d'émasculation» pour transformer un soi-disant para-
Comme dtsatt Karl Kraus, «le psychiatre reeonnalt infailliblement le fou noi·aque en un faux homosexuel. 11 fallait que Daniel Paul Schrchn fussc
a s?n agit~tion au moment de I'internement» 91 • Bien que stabilisé et les deux : parano'iaque paree qu'homosexuel.
paet~que, 11 va croupir dans cet établissement pendant des années.
Magtstrat et expert en droit, il poursuit alors en justiee la direction de «Toutefois, l'histoire du eas du président Schreber el les clud<.:s cu llt·u
l'asil~ d'~li~n~s pour ob~en~r sa I~bération, d'autant qu'il peut se plaindre mi tan tes de Freud sur la parano'ia », écrit Pe ter Gay, « nc rclcve111 pas dí.'
des «mdtgmtes» que lm fatt subtr le personnel soignant de !'asile et des la biographie mais de la science»96 . Ce n'était ni l' une ni l'a ulrc. ( \·
m~naces réelles planant sur son intégrité personnelle. Cette attitude, n'était pas non plus une psychanalyse: iln'avait ni patientni lrailcrnc nl.
ratwnnelle. et adaptée, n 'est pas ce qui ne fait pas de Iui un paranoYaque; Freud estimait que des observations empiriques, qui n'avaicnt pas été
et ~uand bten, meme serait-il doté de troubles paranoi:des, un patient a le faites, viendraient, plus tard, eonfirmer ses affirmations. Mais la théoric
drOJt de ~e ~e~endre contre une authentique injustice. Pour appuyer son freudienne de la parano'ia a été démentie aussi bien par les études
recours, JI redtge ses fameux souvenirs de névropathe, sans nier ni dissi- psyehopathologiques réalisées depuis 1910, que par l'inefficaeité de sa
muler ~es proble~es, et se soumet a des expertises indépendantes qui thérapie pratiquée sur des etres de chair et de sang et non artifieiellement
v?nt lm donner ~atson. Il gagne son proees, malgré les protestations du dans des mots.
dtrecteur de ['asile contre ... une paranoia aussi procéduriere.
D'apres Freud, Schreber doit avoir un attaehement homosexuel refoulé 1914 : I'Homme aux Loups97
~ son <~excellent pere»; c'est une homosexualité «transparente» mais
De tous les patients de Sigmund Freud, der Wolfsmann, considéré
mconsctente, qu'~xp~imen,t. les projections de la prétendue paranoi"a.
comme exemplaire sinon le plus démonstratif de tous, est le seul sur
Cependant, dans 1 arttcle, 1 tmage du pere de Daniel Paul Sehreber et les
Iequel on possede un recul suffisant. L'homme aux loups détient le
relations entre le pere et le fils, ne correspondent pas aux renseign~ments
record absolu. II fut suivi pendant 70 ans, par dix psychanalystes qui se
que Freud possede. Dans sa publication, il écarte des données essentiel-
sont relayés jusqu' a sa mort en 1979 a 1' age canonique de 92 ans. Et,
~es pou; remplace~. le~ faits par unefiction, a.lors qu'il est parfaitement
bien qu' ils aient prétendu l' avoir guéri plusieurs fois successivement de
mforme, eo~me l mdtque son courner. En pnvé, il reconnait par exem-
ple dans le pere un des pote, un « tyran domestique »92; mais il en fait un plusieurs maladies mentales, il ne fut jamais amélioré ni guéri.
«exc~llent pere» dans le eas publié pour renforcer ses interprétations. Au départ, Serguh Constantinovitch Pankejeff, aristoerate russe tres
Par atlleurs, Schreber est resté loulc sa vie hétérosexuel exclusif et aueun fortuné souffrant de troubles dépressifs compliqués, consulta sans succes
élément objectif ne peut argurm:nlcr ces spéculations doctrinaires. différents psychiatres renomrnés du eontinent : Anton a Berlín en 1905,
2XO Ml :NSON(ii ·.S l ·lll :l l llii NS 111\lllllll i i ' I IN I 1•1 'tll n 111/ ~ I A IIII N ~ l ' i ' l i ii\IRI : 1 A \ I III S I ANCE CI.INI()UE 281

puís, en 1908, Bechterev a Saint Pctcrsbuut •, Ktaepl'lin ~ Munich, et Sur ce qui s'est passé réellement, on a bien tenté de dissimuler I'ínfor-
Zíehen a Berlín. Apres avoir vainement tcnt~ tk 1' analyscr en 1909, mation, comme d'habitude, et par différents procédés.
Leonid Drosnes, médecin d'Odessa, convoya l' illustrc d malheureux
patíent a Vienne, 19 Berggasse, en février 191 ü9 X. De tous les cas clíniques de Freud, der Wolfsmann est de loin le plus
t~ tudié dans le monde et celui sur Jeque! on a le plus publié . Mais les
103

Les enjeux étaient considérables et Sigmund Freud, songeant au statut 01éments qu'il reste a éditer dépassent tres nettement cequia paru _sur ce
du malade et a 1'avenir de la psychanalyse en Russie, devait absolument malade. II manque 104 : le deuxieme rapport de Ruth Mack-Brunswtck (le
faire mieux que ses célebres prédécesseurs. La guéríson de cette grave premier a été édité en 1929, puis par Gardiner en 1971 ), un examen
« névrose obsessionnelle » étaít obligatoire. psychologique réalisé en deux jours par ~rede_Dck Weil en ao_fit 1955, ~es
1XO bandes magnétiques de ses entrettens etendus sur qumze annees
La premiere analyse se déroula de février 19 I O a juillet 1914, six jours avec son analyste Kurt Eissler, sa correspondance avec Sigmund Freud,
par semaine, pendant quatre ans et demi, soit durant plus de 700 heures. Muriel Gardiner, Eissler, Marie Bonaparte, Ernst Kris, Richard Sterba, et
Quelques jours apres l'attentat de Sarajevo, Freud le déclara guéri. Maís peut-etre Ernest Jones 105 . Sans do ute les trouvera-t-on dans les tren~c
deux rechutes- successives nécessiteront une autre « tranche >> pendant containers scellés - interdits de consultation dans la sect10n réservce
I'hiver 1919-1920, atin · de «liquider un morceau de transfert». Pour aux manuscríts de la bibliotheque du Congres a Washington - , lesqu els,
11
reprendre l'homme aux loups sur le divan, Freud, qui manquait de place, se Ion son catalogue, ne pourront etre explorés qu ' entre 2000 ct 20 14 K'.
mit brutalement fin a l'analyse de Helene Deutsch, la renvoya, et celle-ci De son coté, la psychanalyste Muriel Gardiner publia, en 1971 , avcc le
présenta alors une dépression pour la premiere foís de sa vie99 • premier récít partíel de Mack-Brunswick, les mémoires de Wolfsnuu1n.
Freud put heureusement guérir a nouveau son malade. Mais quelques dont elle censura plusieurs parties essentielles. Car l'homme aux loups
temps plus tard, l'état psychologique de Pankejeff se retrouva pire qu'au devait apparaitre, dans un recueil définitif des vé_rités abs~lu~s, _comrne
départ. Le Professeur confia alors son patient difficile a Ruth Mack- un vieíllard heureux sauvé par la psychanalyse. Rten ne d01t dtmmuer la
Brunswíck, plus jeune, plus perturbée que lui et encore en analyse a ce conviction que les résultats positifs de l'analyse de I'homme aux loups
moment avec Freud. L'homme aux Joups avait été guéri deux fois de sa «sont véritablement impressionnants» 107 . «Telle est, comme vous savez,
névrose, mais il avait maintenant, décida Mack-Brunswick, une autre la théorie: Freud m'avait guéri a cent pour cent», et il fallait, dit encore
maladie : il était devenu psychotique, parano'iaque, ce que Freud aurait Pankejeff, « montrer au monde comment Freud a guéri un homme grave-
done ignoré! La troisieme analyse intensive va l'en guérir en plusíeurs ment malade» 108 .
mois, de 1926 a 1927. Comme le dira Pankejeff Iui-meme : «Vous le Outre le contrOle des ressources documentaires, on utilísa d' autres
voyez, Mme Mack a fait un diagnostic erroné, et par ce diagnostic moyens. L' homme aux loups, ruiné par la révolution bolch:viq~e, f~t
erroné, elle m'a guéri » 100 . Hélas! De nouvelles rechutes réclameront de subventionné de 1920 a 1926 par le mouvement. Freud, apres lUI avmr
Ruth Mack-Brunswick des retouches en plusieurs époques jusqu'en offert des Livres anglaises en quantité, organisait a cet etTet une collecte
1938, pour assurer de nouveaux succes. Apres la seconde guerre chaque année a Paques. Puis, a partir des années 1960, Kurt E~ssle:
mondíale, plusieurs analystes vont encore se succéder sans relikhe. L'un décida de luí octroyer sur les fonds des Archives Freud une penswn a
d'entre eux, Kust Eissler, psychanalysa der Wo(fsmann pendant plusieurs vie. En plus de ses analyses gratuites, Pankejeff, retraité du freudisme,
semaines, quotídiennement, chaque été de 1956 jusqu'a la mort du recevait l'équivalent de 1.000 dollars par mois sous réserve qu'íl ne s'ex-
malade en 1979, et enregistra conscicncicuscment son témoignage. Car primat pasen public sans l'accord des analystes officíels. C'étaít la, pour
Eissler, díra Pankejeff, « pense qu ' il faut suivrc le patient jusqu' a son l' obéissant et scrupuleux homrne aux Joups, un engagement, «un contrat
derníer soupír... quand on en attrapc utt comtnc moi ... il faut I'examiner moral». Cette personnalité soumi se appartenait a la cause. II était captif.
jusqu'au bout». Mais «avec lui , jl.· ttl" progrcssc pas ... a son avis, je ne
me conforme pas a ce que rrcud ¡¡ dit , IIH . 11 trouvera cependant Kurt Gardiner et Eissler feront également tout Ieur possible pour empecher
Eissler «assez intelligent » rnai s, l" tl rl"fl l'r lli ssanl bien, il ajoutera que, que des personnes non asscnnentées approchent le patient ; _il~ le dissua-
finalement, «non; c'est un psycllau : d y~ t~ · nttltodoxe, et la I'intelligence derent d'émigrer aux États-Unis pour éviter toute pubhCité sur ses
ne serta rien, ceux-la sont ohtu~ " 111 ' propos, puis I'incitcrent a dcmeurer a Vienne dans l'anonymat, la dépen-
2X2
MI:NSON<a ·.S l ·l<l ·lliiii •N', 111 '. 1111111 l t l lr~ t lti '. IN I<II<MA IIIIN Sl '('lJI.A II<t : 1 A \IIIIS I AN!' I· ( 'II NI()UI ·. 2XJ

dance .financiere ~ l'égard du .mouvenr ·nt el sous surveillance. Enfin, u aire » des rapports sex uels entre ses parents a 17 he ures, un apres-midi
Ku~ E1ssler, le mmtre des Archtvcs I<'reud , el Muri c l Gardiner, la conser- d · été pendant la si este. ll avait alors 18 mois. Il a vu son pere et sa mere,
vatnce de la mémoire tigée de « l'éternel patient de frcud », ne ménage- occupés dans un coi"tus a tergo more .ferarum, une copulation sauvage en
~ent au~un effort pour convaincre Pankejeff de ne pas collaborer avec la position quadrupede comme les loups, trois fois de suite dans la demi-
Joumahste autrichienne Karin Obholzer. · li eure. IJ a tout observé avec attention, son cerveau immature a mémorisé
~ 18 mois tous les détails des organes sexuels, l'absence de pénis chez sa
, Karin ~bh~lzer retrouva un vieil homme aux loups encare tres Iucide mere, et les expressions faciales des émotions. Découverte des différen-
~ 87 ans, a V1enne, en 1974. Elle dut faire preuve d'une solide obstina- ccs anatomiques entre les sexes, désir d'etre sexuellement possédé de
tton pour enregistr~r ses souvenirs, mais finit par contoumer l'opposition cctte fas:on par le pere, désir aussitót refoulé du fait de l'angoisse de
~es cerber~s et ob~mt s?n accord au bout de six mois de pénibles tracta- castration. Et puis, a 4 ans, lorsque le cauchemar des Ioups lui rappela la
twn~ par l e!1tremtse .d un avocat. Pankejeff, de son coté, dut mentir a scene en un retour du refoulé, il a sombré dans une attitude de dépen-
M~nel Gardmer, mamfestement inquiete, et nier qu'il rencontrait lajour- dance et de soumission passive a l'égard des hommes, de type homo-
nahste109.
sexuel, et dans la névrose obsessionnelle jusqu'a sa rencontre avec
, Dans ·son .fascinant témoignage, paru apres sa mort, Wolfsmann Freud. Voila !'origine de sa morbidité, décryptée dans un reve fait a
dem~nt ce ~u1 a p~u le co~cern~nt sur un tres grand nombre de points quatre ans que l'homme aux loups rapporterait 22 ans plus tard e n 191 3
CfUCJaU\ D ~bord, ti ne futjamaJs guéri. «En réalité», dit-il a Obholzer, sur le divan.
« toute 1 affatre me fait l'effet d'une catastrophe. Je me trouve dans le
~en;e étC:t ~u·~vant. d'entrer e~ traitement chez Freud... ». 11 rajoute : La reconstruction prodigieuse de Sigmund Freud - qui n'cst pas sans
~ C est amst qu au lteu de me fatre du bien, les psychanalystes m'ont fait rappeler les acrobaties de son Léonard - , apres avoir été considéréc
du mal» 11 0. comme véridique, admirable et indiscutable, fut démentie par le témoi -
gnage de Pankejeff, qui la trouve «improbable », et par la logiqu c
Venons en maintenant a ce qui valut a Serguei· Pankejeff son surnom. élémentaire 112 . Les animaux du cauchemar étaient des chiens blancs, des
Nous sommes en 1913, sur le divan de la Berggasse. Le malade a 26 spitz, et non des loups, mais peu importe. Pankejeff trouve impossible de
ans. II se rappelle ~v~ir fait, ~ntre 3 et 5 ans, un cauchemar dans lequel 6 concilier le récit de Freud avec le fait que, pendant les premieres années
ou 7 loups blancs eta1ent ass1s, tous perchés dans un arbre devant la fene- de sa vie, il dormait, non pas dans la chambre de ses parents, mais dans
tre. Pankejeff d~ssinera la scene, mais avec seulement 5 animaux. Le celle de sa nourrice, y compris lors de ses acces paludéens. Comment le
cauchemar conhent un message de l'inconscient que I'interprétation petit Serguei', hyperthermique, léthargique, voire convulsif ou comateux
freudienne va décoder 111 . du fait de la malaria, pouvait-il etre assez attentif aux détails de la scene
a 1 an et demi, au point de s'en souvenir 25 ans plus tard? Comment est-
Selon les déductions analogiques de Freud, le reve eut Jieu a 4 ans : il possible qu'un cerveau de 18 mois puisse, quand bien meme serait-il
e~actement le 23 décembre 1890! Ensuite, Pankejeff sombra dans Ja éveillé, s'imprégner de tels souvenirs? Comment le petit Sergue'i, sur le
n~vrose, car .le reve d'angoisse était alié réveiller des grappes de souve- dos ou sur le ventre, put-il inspecter les organes génitaux de ses parents,
?Irs tra~matlques .beaucoup plus anciens, et en particulier les désirs alors que Ieur position quadrupede est la plus impropre a cette observa-
mconsc1ents assoc1és a «la scene pri mi ti ve ». ti on? A moins d'etre placé entre les quatre jambes des partenaires exci-
tés, physiquement, c'est quand meme un peu difficile ... Comment un
Les loups sont blancs, done ils évoqu cnt les sous-vetements blancs des
homme nonnalement constitué peut-il avoir « trois rapports sexuels
parents. Les Ioups sont alors les parcnts, et lcurs grandes queues sont des
complets en une demi-heure»? La performance du spectacle lubrique
sy~boles phalhques; e' est le rctour de 1'angoisse de castration. Les
n' ébranle pas 1' entendement du grand sexologue viennois.
~m~aux ,du re.ve sont statiqucs sur lcurs branches? Alors les parents
etment tres actifs; la scenc el u ca udH.:rnar es t nocturne? Done J'événe- Les «investigations de Freud et Brunswick ont un air d'irréalité telle
ment se produisit dans la journc."c. 1~~~ hi ver'! Done 1' événement était esti- que nous finissons par nous poser des questions sur le caractere tendan-
~al. ~1 Y ~v~it cinq ca?idés '! Done la src nc se déroula a cinq heures de cieux du discours scientifique des deux analystes, voire meme sur leurs
l apres-m1dt. Conclus10 n : k p<·t rt S¡·r¡· rrc'r' a assisté a «la scene origi- propres reves et cauchcmars diurnes», écrira fort justement l'analyste
l i\ ~ I I II S' Ii\ N CI '. CI.INIQLJI, 2!\5
!H~ MI ·.NSON<ii·. S IIU 111111 N\ 111 '>1 <11111 1< II NI 1•1 l rH III<~ I \ IHI N SI·\ '111/\IHI'.

Thomas Szasz estime que toutes ces histoíres de c~s s?nt des forgeries
Patrick Mahony'u. Ainsi , l' analyK· dt11t VI' 1111111l11' qu ':\ IX mois , Wolfs- ( « hke case histories ») : les étiologies sont fabnqu~es, s~uv~nt le.~
mann aurait déféqué devant le spccladc d ·~e~ patnll s agités. mettant un at:ents sont ínventés, la «cure» est une charlatanene et, mstste-~-1
terme a leurs occupations charncllcs (sans doule y aurai1 -il cu. sinon, un ~neo re « les affirmations de Sigmund Freud sont frauduleus.es », au. pm~t
quatrieme rapport sexuel !). Freud affirrnc alors le lihércr, grace a cette qu'on 'peut aujourd'huí « rapprocher son montage du satnt suatre e
révélation, des problemes intestinaux qui 1' cmbarrassaient depuis · la T ri n »1 1s Meme les plus conservateurs admettent que la substance
premiere enfance : la constipation opiniatrc est réglée en quelques u ~ nt 1' important étant
clinique est· truquée, ou vide. MaiS
· ce n •est pas gen~ , . 1
semaines. Le malade récupere avec l'analyse, par ce dernier retour du la démonstration narrative, et il est toujours posstble de corrzger es
refoulé, une fonction digestive normale si longtemps endommagée. En
fait, les troubles du transit réapparurent aussitót, et Pankejeff dut se cas ...
résoudre a s'administrer a nouveau des lavements, en moyenne deux fois
Cependant _ assure Wallersteín, qui fut deux fois président ~e ~·ass~:
par semaine, le reste de son existence, comme auparavant. Par contre, 11 0 1
Freud, au moment ou il prétend cela, fut lui-meme incommodé pendant ciation internationale de psychanalyse -----:-·. « no~re confi~nce ~ct.n~ '.~.:
plusieurs mois par ces memes désordres intestinaux, et dut subir des travail doit reposer [ ... ) sur de solides .tarts d ?bserv~~IOI>_ r.t~s·e·1~blé~"
méticuleusement dans la situation analyttque et eva lu,és ~tvcc obj~.:c lt V.IIL.'
examens .médicaux désagréables 114 .
r c'est sur ce type de procédure qu'est fondée 1 allmnatron .q"L 1.1
De m eme, le coi'tus a tergo semble bien incruster le con ten u du «re ve c~ycha~alyse se situe parmi les scienc~s empiri~ucs » 11<>. On t~llll ~~~~.~~~·
;. attendre a ce que les successeurs de Srgt~~n~ l ~rcud , thll a1~l. ll ~ dl 1•1 •
11
du Chateau de Prague» de Freud, qu'il insera dans la deuxieme édition
(1909) de la Traumdeutung, avant de rencontrer Pankejeff. Freud fait · 1
i suívírent sa disparition, aient ta1t mfm11ncnt .ltt L. " X 11 111
¡,
mes qu . . . . nrtt cuiiL'I da11 ' 11'
également état d' une autre fantaisie, qu' il interprete en détails. 11 s' agit maladroit précurseur pour temr ses promesscs, c11 1 ·
de la jeune servante Grousha, vue de dos a genoux sur le sol et dont les . , .
domame therapeuttque, qut n
. e fut qu'un fi·¡sco répété du lolldatt'lll
'· . . . . .
fortes fesses auraient excité le jeune Wolfsmann. Pankejeff n'est pas Malheureusement le progres empirique ne s'cst pas rcalis ·. 1·. 1, L 011111 11
capable de se souvenir de la personne de Grousha, ni de la fantaisie, disait enfin der Wolfsmann a Karin Obholzer, «Cil ce qul ~() IICl' lll\' h·~
alors que Freud aurait du luí en parler longuement pendant l'analyse car sychanalystes, on . peut di re que la situation n, est ~as 1:uncusc.' 1b
c'était un argument nodal de sa construction. Le fait que Pankejeff ne ~'avancent pas. lis devraient pourtant avance_r au morns d~ un .p.ts.' '.'·s
s'en souvienne absolument pas a sans doute une explication fort simple. operent continuellement avec ce que Freud a dtt. Avec les memcs p1111Ct -
La scene en réalité répete un agglomérat de souvenirs de l'enfance de pes et les memes symboles, et íls n'avancent pas >>I20
Freud, notamment un célebre fragment autobiographique qu'il publia en
1899, en le pretant déja a quelqu'un d'autre 115 .
Comme tous les autres cas, der Wolfsmann était un montage flam-
boyant. Le ti dele freudien Patrick Mahony trouve m eme ridicule ( « ludi-
crous » 116 ) la fabrication de Sigmund Freud. Pour lui, 1' immortelle
NOTES
histoíre de ce légendaire patíent témoigne d'une «impressionnante série
d'incohérences» et «nous réalisons rétrospectivement qu'on ne nous a , .. fi d d ¡· · 'galité parmi les hommes: introduction,
' Discours sur 1 ongzne, et les on ~menes e .me 1' A • d , . . <<Quelle est !' origine
offert un terrain changeant que pour mieux poursuivre une argumenta- 169 Cette réponse de Rousseau a une questton de ca emte · .
~~ l'inégalité parmi les hommes, et si elle est autorisée par la lm naturelle ?>>, commen¡;att
tion amibo'ide avec son mouvement pseudopodal » 117 .
fort mal. . .
2 Cioffi ( 197,3), Was Freud a Liar? (arttcle repns dans
e rews (1998) .· 34-42
· •
et dans
Quoíqu'il en soít, l'homme aux loups, soi-disant guéri plusieurs fois
Cioffi ( 1969-1998) : chap. 7). ( 1993) t
par une escouade d'analystes de re nom, détenant le record mondial de ' Jsraéls & Schatzman (1993); Scharnberg (1993), vol. l. Cf aussi Esterson - e
durée de la psychanalyse, garda des troubles psychologiques toute sa vie. Esterson (1998). K · 1 ' 1' n'versité de
• F d · k Crews le 14/8/1999 dans une entrevue avec Harry re1s er a u I
B ~ l:nc accessib,le sur 1ntern~l (http : //globetrotter.berkeley.edu/pe?ple/Crews/crews-
c:~O~ht~l). La.~ualification de charlatan (quack) avait été déja prononcee dans unel~~sr
gieuse revue de médecine par Raymond Talli s : <<le verdtct est constamment n ga 1 ·
2k6 MI:N SON<li ·.S I•HI ·! IIlii ·NS IIJ ', /111111 11 / lt iJ 11/ ', Jrjlll/l~ ! A IIIl N Sl •( 'l/1 ./\IRH
1 A .\1 IJJ ST/\NC'I\ C I.INI QlJE 2!l7

comme scientitique, métapsychologuc el dutgttoNtu ll' tl " " 111 "" u'lt'. ¡:1cud dcmeure un " J.'rcud ( 1905), JJruchstück einer Hysterieanalyse. Fragment d'une analyse cl'hystérie
charlatan >> (Tallis, << Burying Freud >>, 711e IA.mn·r. "'"" 1t 1'l'lft ()IJ'I) . (l)ora).
La psychonalyse et les pJyclronévm st's su11! lltcttltttrtrH'•·~ pour la prcrnicrc foi s dans
5
" l:rt:ud (1905), Fragment d 'une analyse d'hystérie: 18.
<< L'hérédité et l'étiologie des névroses >> publié en lran~·ai ., k 1011/1 X96.
6 ''' 1:attcntat sexuel contre Emma se trouve dans Freud (1895), Entwutf einer Psycholo-
7
Cf, par ex., Freud (1898), Die Sexualitar in der Ariolo!lit• dt•r Nt'llfiJ.\'1'11 : 80. ¡: u· : 364.
Freud (1896), Zur Atiologie der Hysterie : 95. 111
Frcud ( 1905), Fragm.ent d'une analyse d'hystérie: 54.
" Lettre a Fliess du 26-281411896 (exclue de l'édition originclle). " Frcud ( 1905), Fragment d'une analyse... : 57 .
9
Ces incohérences sont exposées en détails par Scharnberg ( 1993); lsraels & Schatzman '' hagment d 'une analyse... (p. 90, note rajoutée rétrospectivement en 1923).
(1993); et par Esterson (1993, 1998).
10 " l'reud (1905), Fragment d'une analyse... : 75.
Lettres a Fliess, 8 et 1511011 895; c.f Sulloway ( 1979) : 128.
" Freud ( 1901 ), Zur Psychopathologie des Alltagslebens (trad. fr., chap. 7, 156n). Le
" Lettres a Fliess des 31 octobre, 2 et 29 novembre 1895.
12 ' ar~: ome est une forme de cancer.
Scharnberg ( 1993) : vol. l.
·" Deutsch ( 1957), Apostille au « Fragment de l'analyse d 'un cas d'hystérie » de Freud.
I J Lettres a Fliess, 29/11-/895, 29/311896.
14 '" Les enquétes épidémiologiques sérieuses ont débuté dans les années 1930. C.f Corraze
Freud ( 1896), Weitere Bemerkungen über die Abwehr-Neuropsychosen, et Freud ( 1983), La question de l'hystérie; M.M. Jones (1980); Marsden (1986); et Corraze
( 1896), L'hérédité et l'étiologie des névroses. Envoyés aux éditeurs le méme jour, le ( 1999): 32 sq.
5/211896. 11
Freud ( 1905), Fragment d'une analy se... : 90-91.
Lettres a Fliess, 2 et 161411896.
15

16 " Mahony (1996) : 234. Mahony, analyste pro-freudien qui s'était déja occupé d ' autre'
Sharnberg (1993), vol. J : 234.
17 cas. rejoint sur Dora les séveres commentaires des spécialistes : Eyscnck ( 1985) ; Thorn
<<Die fortgesetzten Enttiiuschungen bei den Versuchen, eine Analyse zum wirklichen Ion (1986); Sulloway (1991); Wilcocks (1991); Macmillan ( 199 1) : 249 .w¡.: Sc h:unhl'l g
Abschluss zu brin gen» (Lettre a Fliess du 211911897, caviardée). Masson traduit correcte- ( 1993), vol. 1; Esterson (1993): 33 sq.; Kerr (1994): 96 sq. Cf au,, i La~oll & ( 'oy n•·
ment << eine Ana/yse» par <<a single analysis », c'est-a-dire «une seu/e analyse » ((f ( 1993), Father Knows Best; The Use and Abuse of Power in Fr¡•ud ·., Ca.1·,· n/ 1>11111
Complete Letters Freud-Fliess : 222 n3). 1
' ' ' Freud (1907), Zur sexuellen Aufklarung der Kínder.
1
g Lettres a Fliess des 26/4 et 41511896; voir plus haut. 1
19 " Freud (1913), Das lnteresse an der Psychoanalyse: 2 13.
Lettres a F/iess, 3 et 1511011897. " Freud (1907), Zur sexuellen Aujklarung der Kinder : 13.
Lettre il Fliess, 1511011897. C'est moi qui souligne. La traduction fran~¡aise de cette
20
'' Freud (1909), Analyse der Phobíe eines Jünjjiihrigen Knaben (dcr l.lt·in¡• lltull )
lettre écrémée par les éditeurs n 'est pas fidele .
21 " Freud (1925), Selbstdarstel/ung : 65. C.f aussi Freud ( 1905), l>rci 111>/uulfllun¡:rn -'"'
Lettre il Fliess, 1211211897. La 1" mention publique du "complexe" est faite, en 1899, Sexualtheorie (note 58, rajoutée en 191 O) et ( 1914), Zur Ceschichte dcr 1'·' "' hnunult•f¡
dans la Traumdeutung, (1900, chap. V, p. 216 sq., «Le réve de personnes cheres>>).
22 schen Bewegung : 85.
Lettre de Bonaparte il Freud, 20/1011932 (c'est moi qui souligne), citée par Schur ~-• Freud (1909), Analyse der Phobie... (Cinq Psychanalyses, p. 167 ).
(1972): 519. 5
23 ' Gay (1988), vol. 1 : 412.
24
Jean-Pierre Vernant, Le Point, 22 juin 200 l. C.f Vernant ( 1988), (Edipe et ses mythes. 56
Witte1s, Freud et la .femme en.fant : 1OO.
(1914), Zur Geschichte der psychoanalytischen Bewegung, chap. l. C.f aussi (1925), 57
Freud (1922), Nachschrift zur Analyse des kleinen Hans (épilogue au cas, in Cinq
Selbstdarstellung : 57-58. Psychanalyses : 198).
25
Freud (1906), Meine Ansichten über die Rolle der Sexualitat in der Atiologie der 56 Sur cecas, cf Wolpe & Rachman (1960); Bowlby (1973), Attachment and Loss, vol.
Neurosen: 116-117. 2 : 284 sq.; Ellenberger ( 1970) : 508 sq.; Van Rillaer ( 1980) : 141 ; Eysenck ( 1985), chap.
26
( 1896), L'hérédité et l'étiologie des névroses : 56. 4; Esterson (1993) : 56 sq.; Kerr (1994): 253 sq.; et Crews (1998): 162 sq. reprend, avec
27
C.f Masson (1984), Assault on truth : 119 sq. et note de Masson, Complete Letters des commentaires, l' article de Wolpe & Rachman (1960). Jones (vol. 2 : 275 sq.) et Gay
Freud-Fliess : 413n. ( 1988, vol. 1 : 405), comme tous les hagiographes, donnent le seul point de vue freudien.
2
" (1905), Drei Abhandlungen zur Sexualtheorie: 86. 59
Max Graf ( 1942), Remíniscences...
29 60
Freud ( 1906), Meine Ansichten über die Rolle der Sexualitat in der Atiologie der C.f le dossier des enquétes, présenté par Fuller Torrey (1992), Freudian Fraud ...
61
Neurosen : 116-117 (rédigé en juin 1905). Gay ( 1988), vol. 1 : 422. La rédaction du cas fut terminée début juillet 1909.
Jo Esterson (1993), 31. Cf. Cioffi (1973), pas.1·im, et Scharnberg (1993) : 160. •2 Le cas ofticie1 : Freud (1909), Bemerkungen über einem Fall von Zwangsneurose

J I Freud ( 1937), Die endliche und die unendliche Analyse : 235-236. (Rattenmann). Le journal caviardé : Freud (1907-1908), Addendum: Original record of
32
C.f, par ex., Freud (1925), Se/bstdar.vtellung : 58. the case (il ne fut pub1ié qu'en 1955, *SE JO: 251-318). Le journal clinique non censuré:
3 Freud (1907-1908), L'Homme aux rats. Joumal d'une analyse (PUF, 1974, édition bilin-
J Sulloway ( 1991 ), Freud's Cases Hi.\'tories : the social Construction of Psyclroanalysis :
251. gue).
63
34
Fisher & Greenberg (1977): 285. (1909), Rattenmann, Cinq Psychanalyses: 202 ni.
35 "" Par ex., Gay (1988), vol. 1 : 44 (dans sa bibliographie, Gay cite Mahony ( 1986), qui
Freud (1920), Über die Psycho[!.enese eines Falles vmz weiblicher Homosexualitiit :
270. montre exactement le contraire).
65
<<M y book pointed out Freud's intentional confabulation and documented the serio~s
En France, ces cinq cas constitu~: nt <d :rcucl : cinq Psychanalyses >> (PUF, 1970).
36

discrepancies between Freud's day-to-day process notes of the treatment and h1s
1 1\ Sil li STAN( '1\ (.' UNIQliE 2H9
MI · NSONIJI ·.S l ·l<l ·. l lllii ' NS lli 'dl l llll 11 I II H lol 'o ll i i111 !~1 1\ JIIIN ~ l · l ' lll . AII<I '

dr J'association psychanalytique internationale était russ~. L'affaire était conclue, jusqu'a


published case history of it », écrira Mah<IIIY (AII"'"""' ./"'''"'" uf ! ',, \1('/tiatry , 147 : 8,
¡11 condamnation de la psychanalyse par l'ukase de Stalmc en 1933.
August 1990, p. 111 0), a propos de son livre d<.: 1'>!i(J (/'ir •11d rtl '1/ommr • 1111 t Rat.l'), Jeque!
contenait déja le nécessairc pour le jugcmcnl. Cf, su1 L ·~a' t:galt'lllL'III, K<.:rr ( 1994) : 183 "' Mahony (1984): 132.
sq.; Grünbaum (1984): 251 sq.; Sulloway (1991) : 255 .w¡.; Cirl111baum (1993): 121 sq.; "" Obholzer ( 1980) : 94.
1111 Obholzer (1980): 214.
Scharnberg ( 1993), vol. 1 ; Grünbaum ( 1996) : 371 sq.
66
Freud ( 1909), Bemerkungen über einem Fa/l ... (Rauermumn. in Cinq Psychana/yse.1· : '"' Obholzer ( 1980) : 211 .
"" Cf Mahony (1984); Fish (1986); Sulloway (1991) : 258 sq.; Esterson (1993): 67-93;
199).
67
Cf Correspondnnce avec Jung entre /907 et /909; Minutes, 30/10/1907 et 8/4/1908. Ri ce (J ., 1993) : 93 sq.
68 Strachey, introduction a Freud (1908), Charakter und Analerotik (*SE, vol. 9: 168). "" Selon Mahony ( 1984) : 21. .
101 Jones l'affirme en 1955 (<de continue a correspondre avec IUJ>>, vol.~: 291 ), ce que
69
Jones, vol. 2 : 280-281. Wolfsmann dément («Jamais je n'ai correspondu avec 1ui») dans ses entrettens avec Kann
7
° Freud (1904), Die Freudsche psyclwanalytische Methode : 8. Ohho/zer ( 1980 : 207).
71
(1909), Rattenmann, Cinq Psychanalyses : 235. '"" Rice, James (1993): 95.
72
(1909), Rattenmann, Cinq Psychanalyses : 226 sq. "'7 Gardiner ( 1971) : 365.
7'1 Freud (1907-1908), L'Homme aux rats. Journal d'une analyse: 35.
108 Obholzer (1980) : 149.
74
(1909), Rattenmann, Cinq Psychanalyses: 206 sq. 1"'1 Obholzer (1980): 123.
75
(1907-1908), Journal d'une analyse: 45. 110 Obholzer (1980) : 211, 149. . . .
76
(1907-1908), Joumal d'une analyse : 39. Mademoiselle Robert, de son vrai nom 111 L'analyse se trouve in Freud (1918), Aus der Geschichte einer rr~frurtt!en Nc111W't'

Fraülein Rudolf, devient Mlle Pierre dans le cas public (Cinq Psychanalyses : p. 202). (Cinq Psychanalyses, p. 342 sq.). Elle est déja abordée dans Freud ( 191 3 ). Mll1dw" ,·toffi'
77
Obholzer (1 980) : 177. in Traumen .
78
( 1909), Rattenmann, Cinq Psychanalyses : 242. 11 2 Obho1zer (1980); Mahony (1984); et Scharnberg (1996), vol. 2: 3 1 st¡.
79
( 1909), Rattenmann, Cinq Psychanalyses : 232. 111 Mahony (1984) : 149.
80 114 Lettres de Freud a Abraham, 2513 et 13/511914.
(1909), Rattenmann, Cinq Psychanalyses : 261, note de 1923.
81 11 ' Freud (1899), Über Deckerinnerungen. Cf Esterson (1993). chap. 5.
Mahony (1986) : 243.
2 11 6 Mahony, American Joumal of Psychiatry, 147: 8, August 1990, p. 1110.
" Freud (1911 ), Psychoanalytischen Bemerkungen über einen autobiographisch
11 7 Mahony (1984) : 8 et 63. ...
beschriebenen Fall van Paranoia (Dementia Paranoides).
11 ' Szasz (1976), Anti-Freud (préface, 1990, p. xm).
83
Lettre de Bleuler a Maier; /J mars 19/J (citée par Alexander & Selesnick ( 1966) : 231-
119 Wallerstein (1988), cité par Grünbaum (1993) : 162.
232).
120 Obholzer (1980) : 174.
x. Lettre de Freud a Jung, 18112/1910. L'antipathie de Freud a l'égard de Bleuler est lisi-
ble dans : Freud ( 1914), Zur Geschichte des psyclwanalytischen Bewegung (fin du eha p.
2).
85
Lettre de Jung a Freud, 19/311911.
' 1,ettre de Freud a Binswanger; 21411928 (déja citée).
6

87
Schreber (1903), Mémoires d'un névropathe (tr. fr., Seuil, Points, 1975).
8
" Zvi Lothane (Psychoanalytic Review, 1989, 76 : 221 ), cité par Sulloway ( 1991) : 254.
89
Freud (1911), Psychoanalytischen Bemerkungen ... (Cinq Psychanalyses, p. 315).
90
Zvi Lothane ( 1992), in Defence of Schreher. q aussi lsraels (1981 ), Schreber Pere et
fils.
91
Karl Kraus, Die Fackel, 217/1907 , in Szasz (1976): 127.
"' Lettre de Freud a Ferenczi, 6/1011910 .
91
Lettre de Freud a Jung, 31/10/1910.
94
Bien que son titre comporte << Dementia paranoides ». Freud n'a jamais accepté ni
cornpris la schizophrénie de Bleuler ( 191 1).
'" Janet Maleo 1m ( 1984) : 145; et Wil cocks ( 1994) : 2 19 n24 (citant Roy Porter. a social
history of madness, Weidenfeld & Ni colson ( 19X7), p. 156).
96
Gay ( 1988), vol. 1 : 442.
97
Freud ( 1918), Aus der Geschiclrtt• ,.¡"''' rii/Íifllli c n Nl'llmse (der Wolfsmann). Rédigé fin
1914, il ne fut publié qu'en 191X.
98 La société psychanalytique tk Vt\'lllll' ll'l r ul ;r 1)rm, ni!s le 18 janvier 1911 (Minutes).

Gráce a lui et a Moshe WuiiT, tllédl'L' lll ' "' l.ullilk dL' l'ankcjcff, une association psychana-
lytique s'organisa en Russie la nruur IIIIIH'<' l ·t, r 11 1923, avec 30 membres officiels, 1/8
Chapitre 13
Thaumaturgie

« Gardons-nous de laisser faussement croire a


certains que la complexité du monde est telle
que toute explication doit nécessairement comp-
ter une parcelle de vérité. Non, notre esprit a
conservé la liberté d' inventer des rapports, des
relations qui n' ont aucun équi valent dans la réa-
lité et il attache un grand prix a cette faculté en
en faisant, dans la science et ailleurs encorc, un
important usage. »

Sigmund Freud (1939) 1

Sigmund Freud a maintes fois affirmé que son traitement sans ri val , :
nul autre pareil, «saos contredit le plus puissant »2 et « plus efficace que
tout autre traitement», obtenait «des améliorations considérables ct
meme des guérisons »3 dans d'innombrables cas et de multiples indica-
tions. Il est indiscutable que sa méthode unique procure, assurait-il, «des
succes thérapeutiques qui ne le cedent en ríen aux plus beaux résultats
qu'on obtient daos le domaine de la médecine interne, et je puis ajouter
que les succes dus a la psychanalyse ne peuvent etre obtenus par aucun
autre procédé de traitement» 4 . 11 prévoyait bien des effets objectifs tangi-
bles et quasi automatiques car l' « élimination des symptómes de souf-
france n'est pas recherchée comme but particulier, mais, a la condition
d'une conduite rigoureuse de l'analyse, elle se donne pour ainsi dire
comme bénéfice annexe» 5 . Tout cela eut été aisément vérifiable, dans le
monde vivant, par l'administration de la preuve de tels effets, mais
demeura une pure rhétoríque de propagande. La thaumaturgie actuelle
reproduit cette tradition : l'amélioration de la condition de souffrance
n'est pas, du moins pour l' analyste, la cible visée, mais peut survenir par
surcroit comme effet spontané et inopiné d'une « narration dépurative »
(Wegerziihlung des Études sur l 'Hystérie) qui y pourvoít par la force des
bonnes vibrations psychanalytiques. Mais, des Études sur l'hystérie de
1893-95 ou de l'invention de La Méthode, il y a un siecle jusqu'aux
psychanalystes moderncs, en passant par toutes les étapes intermédiaires,
aucune preuve n' a été administrée quant a l'efficacité de la méthode,
dans le traitement de troubles qu ' elle assure soigner mieux que d' autres,
Tlli\ UM/\1'\JR( i iE 2\IJ
MI :NSON< :t ·. S 1·1<1 ·111lii ·NS 111\ 11 IIHI 11 11111 111 • lllltl l ~~ \1 11 lN SI< '111 i\ IRI '

quand bien meme UO tcf bén é fic~ Slll viendr:ul d :IIII<UII:t(iqucmcnt par ulilisés en psychiatrie visent en général les memes souffrances et l~s
surcrolt. Les patients sont bien récls, lcurs soul fmnn.::-. aulhcntiques, 111l: mes troubles que ceux auxquels on destine les soins « psychothérapi-
leurs especes sonnantes et trébuchantcs, ct les d6nonslrations navrantes qucs ». Cependant, les psychothérapies modernes s'imposent des
de l'inefficacité de la technique amplement répct cs . contraintes d'efficacité depuis plus de 50 ans. Il s'avere que les formes
de psychothérapies qui ont le plus activement contribué a~x re~~er~hes
Dans la Grece antique, plus de LOO centres psychothérapiques exis- ~llf les effets des traitements - indispensables a leur exerc1ce dmge par
taient, lesquels, les Temples d'Esculape sous le regne d' Alexandre le des résultats objectifs - sont précisément celles que la psychanalyse
Grand, promettaient les memes bénéfices que les psychanalystes moder- tourne systématiquement en dérision depuis des lustres, daos des campa-
nes, y compris la guérison inopinée et l' anal y se des reves. Parmi les g ncs de calomnies et de désinformation bien orchestrées, en vertu de
approches contradictoires, toutes issues du freudisme et pourtant incon- príncipes qu'elle n'est pas capable de s'appliquer, et malgré ,les tares
ciliables, quels sont des lors les faits objecÚfs qui, du point de vue des dont elle est elle-meme entachée. La psychanalyse s'est reellement
patients, font juger préférable la psychanalyse lacanienne a l'orthodoxie montrée efficace dans la persuasion collective mais jamais dans 1' admi-
freudienne, ou adlérienne, ou rankienne, ou jungienne, ou ferenczienne, nistration des preuves de ses bienfaits intrinseques ou de son innocuité,
ou kleinienne, ou annafreudienne, ou winnicottienne, ou bien toute ct on comprend tres bien des lors l'impérieuse nécessité de dissimuler la
« technique » psychanalytique unique et indivisible... a un procédé vérité et de dévaluer ses terribles adversaires.
prétendant obtenir les memes résultats 330 ans avant Jésus-Christ?
11 était impératif de mentir. Si la psychanalyse avait quelque ef1icacilé
<de sais», écrivait Freud, «queje ne suis pas tres ouvert a des pensées supérieure aux autres psychothérapies, lesquelles se sont éprouvécs sans
étrangeres qui ne vont pas exactement dans ma direction, et queje trouve qu'on le leur demande vraiment, on peut faire conftance aux soldats de
difficile de les assimiler» 6 . «L'analyse est comme le Dieu de l' Ancien Freud : ils se seraient empressés de faire valoir la supériorité de lcurs
Testament, il ne peut tolérer qu'il y ait d'autres dieux», rajoutait-il 7 . brillants résultats, et la discussion serait el ose car 1' adversaire eut été
Quand on demanda au psychanalyste Charles Brisset - coauteur, en dans l'obligation morale d'y souscrire quand bien meme serait-il oppo-
1967, avec Paul Bernard, du Traité de Psychiatrie de Henri Ey- ce qui sant a l'idéologie psychanalytique, c'est-a-dire névrosé puisque ~on
faisait juger préférable la psychanalyse freudienne a celle de Jung ou analysé. On ne peut résister a la force des faits : on s'y soumet ou bten
d' Adler, ou a toute autre, l'auditoire l'entendit répondre: <<11 vaut mieux on disparait. Or, il n'y a pas de fait et c'est la !acune fondamentale q~'es­
choisir Dieu a ses prophetes » 8 . Longtemps plus tard, l'auteur de ces saient de dissimuler la rhétorique et la désinformation psychanalyt1ques
lignes posa la meme question (quels sont les faits qui permettent, dans le depuis lOO ans pour empecher l'élimination du freudisme.
choix d'une psychothérapie, de préférer Anna Freud a Melanie Klein, ou
a Winnicott?) a un psychanalyste pour enfants (tarif de la séance : 600 Les prétentions a la guérison affirmées avec suffisance par Freud il Y a
francs les 20 minutes hebdomadaires, soit 1.800 francs l'heure a la fin un siecle sont des incantations dans leur forme, et des mensonges quant
des années 1980). L' analyste répondit : « Quand nous avons la conviction a leur contenu. ll prétend apres avoir tenté, ensemble ou séparément, les
que la psychanalyse est le seul traitement possible, alors, dans ce cas, massages, la suralimentation de Weir-Mitc?ell~, la cur.e _de repos, ~a
elle est préférable ... ». Mais nous attendons toujours les faits justifiant la gymnastique, l'électrothérapie et la balnéotherap1e, obtemr achaque ~ms
préférence. des guérisons, et, «dans le cas de l'hystérie, le succes est souvent m1ra:
On ne peut nulle part faire obligation au médecin de guérir, mais culeux et durable»IO. Mais il les abandonne tour a tour pourtant malgre
partout dans le monde civilisé, il a le dcvoir de soigner en recourant, par leur «inestimable» efficacité. Alors, il recourt d'abord a l'adjonction de
príncipe éthique général, aux mcill c urs moycns connus pour aboutir aux l'hypnose (1887), ensuite a la méthode catharti~ue <.1893), enfin, de
meilleurs résultats possibles dúns son arl, ~u égard aux progres de la 1895-1896 a 1939, a « 1' association libre)) saos Jamms abandonner la
suggestion (car « 1' association libre n' est pas vr~ment li?re,» ) pour
11
science supposés connus. En Francc , ct aillcurs, les psychothérapies ne
sont pas tenues de faire la prcuw de leur ·fficacité, ni de leur innocuité, persuader et manipuler ses patients. Quelles que s?J.ent les dtffer~nces de
exigences auxquelles doit pourlanl :-.'aslrci ndre n'importe quel remede techniques qu'il emploic successivement, la guenson automat1que est
avant son autorisation de mi se s1u le lllarché, alors que les médicaments toujours pourvue. Comment comprendre alors l'abandon d'une méthode
14
} 1
MI ·NSONC/1 ~ I'HII IIl ll N', lll 'ollllll 1• 111'1 1 1•1 1 11 11111~1 !\ llil N '> 1•('1/ 1i\IHE THAUMATURGIE 295

aussi redoutabl<.: que la prenul\11., (1111.\ plll \ 1.11d .\il Jl•l·kn: nct.: soudaine l' ll' débarrassée d'une aristocratique frigidité par ses psychanalyses, el
pour la troisieme a la sccondr '!
l' lli stoire ne dit pas ou le clítoris bonapartien termina son voyage.
Snguc·i Pankejeff, l'Homme aux Loups, dira apres l'avoir rencontrée
Alors qu'il n'était pas psychiatrt.:, l'on g uwl Wilhclm Fliess faisait .. qu' elle n' était pas tout a fait normal e » 16 . Mais elle devint psychana-
aussi état a la meme époquc, en 1~93 l!ll>/, tks ÍlliiOillbrabJes succes ly.\le1 7.
thérapeutiques de ses opérations des fosscs nasales dans la « névrose
ré~exe » o u la t~rrible masturbation. Pourquoi done ses collegues oto- Dans des cas d'hystérie, on pouvait utiliser aussi l'ovariectomie et la
r~mo-laryngolo~tstes n'ont ils pas tenu compte de cette prodigieuse l'l1toridectomie 18 , différentes amputations gynécologiques, la compres-
deeouverte, d' allleurs admirée et sincerement jalousée par son ami
\lo n des ovaires, la suspension par la tete, la chaise rotative pour évacuer
Freud? Etaient-ils tous des ignorants ou des malades mentaux faute
k s mauvaises humeurs et vapeurs, des seis aromatiques, l'électricité, la
d'a~oir eux-memes été opérés selon cette technique, que Sigmund fit coca'lne, la morphine, le chloral, les bains d'eau glaeée, ou tout ce la
pratiquer sur sa propre anatomie et a plusieurs reprises par son ami
Wilhelm? .\ IICCessivement a la grande satisfaction des Docteurs. Le psychm¡Jium·
consistait en un sondage profond de la verge par des tiges mélalliqul's
Le ~ouvement eut deux princesses psychanalystes : Alessandra rcfrigérées par circulation d'eau. Il était préconisé, aprcs Wilhdn1
Tomas1, épouse du Prince Giuseppe di Lampedusa, l'auteur du Wintemitz en 1890, daos l' épouvantable onanisme par Rohkdl'l . 1 11
« Gu.épard », et puis la descendante de Lucien Bonaparte. La princesse 1902, qui y voyait une cure «relativement satisfaisante » de la 111a\lauhH
Mane Bonaparte fut longtemps analysée par Freud, a partir de 1925 et 1ion, laquelle fut un gros probleme psychologique pour heud " ''
pl~sieurs fois ensuite, par « tranches » successives, jusqu 'en 1938. Elle m' e mpeche de penser - écrit un dernier admirateur du frelllli .\ltll'
lut amena également sa filie Eugenie dans les années trente 12 . Mettant que le plus grand sexologue de tous les temps ne fut qu ' un lllllHk 11
une fortune qu'elle tenait de son grand-pere fondateur du casino de furtif "branleur"» 19 . Peut-etre. Mais une chose est claire : S•¡•1111111d
M~nte-C:arlo au service de la cause freudienne, la princesse resta son Freud recourut au barbare psychrophore pour ses propres paiÍl'lll ~. 1 n 1
aime fidele, sa traductrice de grande classe, contribua a l'implantation et larga milnu et longtemps 20 .
au rayonnement de la psychanalyse, a la protection de ses dirigeants
c?ntr~ les na~is, et a la conservation de documents d'une importance Alors, que fallait-il choisir? Le déplacement du clítoris, les massagc s.
htstonque capttale. Plus tard, elle sera a nouveau analysée, ainsi que son l' hypnose, la douche froide, la cocai'ne, la castration, qui menac;a réc ll t.:
~1~, par R~do~f ~oew~nstein, dont elle devint la maltresse, apres avoir ment le Président Schreber? Comment done le malade de 1895 pouvait
ete c~lle d Anstide Bnand, le ministre multiple et double président du il choisir entre le psychrophore, la cautérisation ou la trépanation de
~ons~tl, car el~e fut toute sa vie ala recherche de sensations qu'elle n'eut Fliess, la catharsis de Janet ou de Breuer, ou les passes hypnotiques de
Ja~ats . malgre ses psychanalyses et les qualités des partenaires. Le Freud, tous promettant les memes résultats pour les memes perturba-
ch1rurgten Halban, de Vienne, avait inventé la panacée concurrente : le tions? Albert Moll, Moriz Benedikt, Paul-Charles Dubois, August Forcl,
déplac~m~nt du clitoris, dont elle vanta les mérites sous le pseudonyme Pierre Janet, Hippolyte Bernheim, et d'autres encore, auraient pu reven-
de .Naf]am dans un article de 1924, préconisant le rapprochement du diquer des résultats spectaculaires gráce a des psychothérapies verbales a
pettt. organe et du vagin, trop éloignés selon lui chez la femme frigideu. la meme époque et pour les memes perturbations névrotiques.
~ane Bonaparte avait déja dévoilé ses seins esthétiquement améliorés a
Stgmund Freud, au cours d'une séance impudique 14, mais ce n'est sans Quand la méthode psychanalytique, s'élevant d' un bond au d ·ssus de
doute pas ce qui poussa le Viennois a écrire qu'elle était, a 43 ans, «Une la cure miracle d'Anna 0., fut originellement proposéc, l' inlp(-lalil call'
fem~e remarquable, homme pour plus de la moitié» 15 . Et puis, elle fit gorique était d'en affirmer d'embl éc la suprématie éc ra ~: Hllt · l'l indi~c111a
prattquer trois fois sur S a .Personne 1'opération chirurgicale de Halban - ble par rapport a toutes les apprm:hcs rivales des PH'IkCt'SSl' lll ,\ l'l de s
Jeque! lui retira l'utérus dans la foulée - pour essayer a nouveau de contemporains, dont les techniqucs furcnt alors dcnl('t·~ t' l 1nluth'' .1 111
trouve~ ~~. sensa~ion. Ce fut encore un échec, comme ses psychanalyses. suggestion par les freudiens . Mai.\ ·ell e affi1nl:IIHIII 1111 Jllllll<llll tT ua •t ttll
Malgre l msucces total, elle continua jusqu'a la fin de recommander et d'en avoir recueilli la moindn· conli1nl:llion , l.' l 111111111, 11111' 1 ' 11 '<~1111 lli ,d¡'l l'
de croire en la valeur de ces traitements combinés. La princesse n'a pas l'incapacité permanente a fOliiiiÍI llllt' Sl'llil- Jlii'II VI'
296 MFNSON<:I ·S l · l<l • llllii · N~ lll 'dtlllll 111 11 11 101 d tJ IIII I\ t · IIII N .~ H ' III i\11<1 : '111 /\I IM/\TUIHj iE 297

!a~ais la psychanalysc n'a prouv · lu super tottll' d · son procédé JI raut savoir qu , a 1' époquc, i1 avait déja affaire a la forte concurrence
spectal par rapport a la suggcstion. Ses fiddes IUI'l'lll Cll grande difficulté <k psychothérapies répandues partout en Europe, et a des instítutíons
pour répondre aux contradicteurs ou aux qucstions sur fes effets sans spécialement destinées a leur évaluation. Une des premíeres fut fondée
précédents de la technique révolutionnairc, ct il était nécessaire d'éva- dix ans avant l'invention de la psychanalyse, a Amsterdam, en 1887, par
cuer toute l'information. Van Renterghem et Van Eeden, qui, quelques années plus tard, purent
prétendre obtenir 75% de « guérisons » e hez 1.800 patients 1' an, par un
A la fin des années 1930, une expertise sérieuse de I'efficacité de I'ho- savant mélange de psychothérapies verbales et de suggestion 25 . Meme si
méopathie fut diligentée par les autorités aHemandes. Fritz Donner, l'L:S chiffres sont exagérés par l'enthousiasme des hollandais, on doit
~xpert: homéopa~he réputé, épaulé par un pharmacologue et un médecin constater que les valeurs fournies par Otto Fenichel 26, célébrant les dix
I_nterruste, co~trola séverement une opération de controle a tres grande an s de l'Institut Psychanalytique de Berlin en 1930, sont évidemment,
e?~elle. ~es_ resultats furent négatifs, a!'instar des enquetes précédentes. avec 52,3% de sujets « améliorés a guéris » pour 1.955 patients, une
L echec etatt complet, et Donner rajouta dans ses conclusions : <d' ai grande déception carla suggestion simple, voire l'absence de tout traite-
~vité au maxin~m~ de ~entio~n~r dans mon rapport tout ce qui aurait pu ment chez l'adulte jeune, peut obtenir plus vite un meilleur effet. C'est
etre trop fatal a 1 homeopathte »- 1• Alors, le dossier fut écrasé et jamais d'autant plus navrant qu'en réalité, sur dix ans, parmi ces 1.955 patients,
publié. C'est ce que Jung, luí aussi, fut contraint de faire avec l'analyse 700 avaient été orientés vers des analystes et 111 seulement furent jugés
car, écrit-il a Freud, «j'ai considéré comme plus prudent de ne pas trop « guéris », soit moins de 16% de ceux qui avaient été réellement soign és
m'appuyer sur le succes thérapeutique, sinon on aura vite rassemblé un par eux. Auparavant, Max Eitingon avait déja publié 27 les résultats, qui
maté~el a~te a y montrer que le résultat thérapeutique est tres mauvais, n ' ont de « statistiques » que le no m, sur plus de 200 malades de la poi i-
ce qm feraJt du mal a la théorie également» 22. clinique psychanalytique de Berlín. 92 de ces patients ont alors intcr-
rompu la «cure» et, parmi eux, 18 sont déclarés «guéris », soit seulc-
On ne peut s'empecher de faire des rapprochements entre les proces- ment 20%.
sus mentaux communs aux deux croyances, et le bilan de l'homéopathie,
ou de la psycha~alyse,_ est toujours le meme aujourd'hui. Cependant, le )
Sans trop s'arreter sur les curiosités méthodologiques de ce travail,
co?e. de_ la sante pubhq_ue a été modifié en France pour dispenser les
Sigmund Freud avait rédigé, en 1922, une jolie préface pour son ami
med1catwns homeopath1ques «de produire tout o u partie des résultats
begue, s'estimant tres satisfait de travaux si prometteurs 28 ... Du fait de
d~s essais phar~~cologique~, toxicologiques et cliniques lorsqu'il peut
ces insuffisances, les milieux psychanalytiques se sont bien gardés d'en
demontrer par reference détaillée a la littérature publiée et reconnue dans
faire étalage et ont réservé l'information a leur usage restreint. Daos le
la tradition de la médecine homéopathique pratiquée en France que
cas contraire, la vérité universelle eút été révélée au grand jour et en
l'usage homéopathique du médicament ou des souches homéopathiques
le composant est bien établi et présente toutes garanties d'innocuité»23. fanfare pour sa réclame.
Les substances homéopathiques sont done autorisées a etre mises sur la
En 1927, Huddelson avait déja fourni les résultats de 200 cas suivis
mar~hé_ e_n ~!'guant d'_u~e tradition assise sur des travaux ... qui montrerent
pendant 5 ans, puis le psychologue Hans J. Eysenck publia en 1952 la
en reahte 1 mefficactte de ces produits. De meme Freud, et ses succes-
revue de 24 études portant sur environ 7.300 individus traités de diffé-
seu:s, renvoient aux, publications antérieures - c'est toujours avant,
rentes fa~ons, ou non soignés; les conclusions, tres défavorables a la
tOUJours ~Illeurs - , a d'innombrables cas du passé légitimant la propa-
psychanalyse, déclencherent un tollé 29 .
gande presente, alors que tous furcnt des échecs de la méthode. Freud
assure de fa~on répétée que l'on s'opposc irrationnellement aux succes Les compilations des publications ultérieures et les bilans négatifs de
éclatants de la psychanalysc, et qu . la rlus grande partie «des psychia- l' état des lieux faits sans discontinuer n' ont pu qu' entériner le constat de
tres et des neurologues a une atliludl· dl' rcfus cnvers le nouveau procédé I'échec de la psychanalyse : il est clairement reconnu aujourd'hui que
d~ guérison et récuse les présupposes L'l les résultats de celui-ci »24 . Mais cette « thérapie » n' a pas été capable d'infléchir le cours des troubles
St~mund Fr~ud ne pub! ia jatn:ti ~ ll-s 1l'sullats objectifs que tous atten- qu'elle prétend, dcpuis un siecle, soigner mieux que toutes les autres
daJent, et bien que le mouvL·ntt·nt p:--ychanalytique eut un siecle pour psychothérapies 30 . La méthode psychanalytique, quelles qu ' en soient la
accumuler quelques prcuves r ·prodllt'lthks. nous les attendons toujours. spécificité et l'étcnduc, dcmeure intrinsequement inefficace. Meme des
l 'IX MI 'NSON< II•\ 1•1(1•111!11 N'• 111 ', 1•111 1 l1l 1lll 111 I N I•>I<~I\IItiN ~ 1 · 1 '1 1 1 1\ 11(1 · lll i\IIMI\ I'URG II '. 2')1)

auteurs a priori favorahlcs ~ la P' Yl ¡, , 111.il y~l\ d11 "'''"1s l' élaient-ils 11oubléc par l'absence de rcchcrchc par sa discipline et par l'indigence
encore a f'époque, furCil( COIIIiOiiiiiS <k ll'lOIIII.IIIi!' <j!ll' .~i des patientS lllt'lhodologique des travaux de ses membres , se décidat enfin a promou -
«font une psychanalyse, ils s ' en sorlenl lllulldt'S it'llil'lll plus mal qu'avec voir une fondation pour la recherche psychanalytique en psychothérapie.
une autre forme spécifique de psychol haap1e , o u sans aucun traite- Mais, en 1986, daos la troísieme édition du meme traité, les éditeurs, peu
31
ment » . Quant a la prétendue « Suhsl ilul ion dl'S sy 111pl011ICS » ..._: que \ ll.~pccts d'antipathie a l'égard du freudisme, décident de ne pas publicr
foumiraient par définition les thérapies qui n ' iraient pas détruire le soi- un chapitre spécitique car, comme le signale l'avant-propos, ils ne dispo-
disant conflit inconscient provoquant la morbidi lé « névrotique » - , :O.l'lll toujours pas de nouveaux matériaux suffisants pour le faire, el puis
voila un nouveau mythe, car il n'y a pas d'évidence qu'elle se soit paree que les reeherches en matiere de psychanalyse standard ... ont
produite une seu/e fois dans les psychothérapies non analytiques, alors disparu de la scene internationale36 .
que les preuves abondent de longue date que la psychanalyse est respon-
sable de substitutions de symptomes (chez 18% a 20% des patients,
Enfin, dans la quatrieme, en 1994, un chapitre réapparaí't qui, d'abord.
d'apres le freudien Cremerius en 1962) et de rechutes ou d'aggravation
doit admettre que la pratique psychanalytique du moment n'est toujours
des problemes dans une proportíon bien plus importante et inquiétante
3 pas guidée par une recherche empirique plus solide que 15 ans plus tól,
de ca_s ~. Nous savons qu'il lui arrive d'etre nocive. Et meme pour des
ct e nsuite est forcé de faire totalement !'impasse sur la cure classique, de
freudwns, elle «peut causer et cause etfectivement du torta une partie de
longue durée. L'examen des travaux s'y consacre alors a des traitements
la populatíon qu'elle est censée aíder>) 3 .
d' inspiration approximativement analytique, encore non concluants,
mais brefs, pour faire face a la concurrence d'autres méthodes obtenant
Certes, parmi les patíents, quelques-uns affirment parfois éprouver une de bien meilleurs effets en un laps de temps plus court, ce que l'on savait
satisfaction subjective a l'íssue de leur analyse, mais qu'un directeur de déja depuis les évaluations du début des années 196037 . Les conclusions
conscience, un rabbin, un marabout, un gourou, aurait pu leur prodiguer de Piper (1996) sont analogues, malgré sa sympathie pour le freudisme :
plus víte a bien moindre coút. Dans ces conditions, mais sous réserve de la quantité des travaux méthodologiquement sérieux consacrés aux
posséder la convictíon préalable, le confessionnal peut etre jugé préféra- psychanalyses breves (time-limited psychodynamic psychotherapy) est,
ble au di van . Alors restent les bienfaíts, supposés aspécífiques, de «la selon luí, bien faible, et les thérapeutes sont enclins a modérer leur
relation» entre le patient et le psychothérapeute. Néanmoins, íl n'est pas enthousiasme au regard des faits. Et le tres pondéré bilan des dix dernic-
du tout évident qu'une analyse personnelle, quelle que soít sa durée, res années de recherches pour la revue de l'avancement des sciences ne
améliore les qualités relationnelles des psychanalystes - en particulier fait simplement plus mention de la psychanalyse en 199938 .
leurs capacités empathiques - , leurs compétences professíonnelles, ou
leur propre santé mentale, ni les protege contre le suicide, puisqu'elle JI est navrant aussi, dans ces publications qui integrent les performan -
s'avere aussi inefficace pour eux. Celle-ci leur octroie par contre l'onc- ces de centaines de chercheurs et de cliniciens de ditTé rents pays , de
tuosíté ecclésiastique, l'arrogance dogmatique de la conversion, et la constater que la prestation des psychanalystes t'ran~ais soit si restreinte,
valorisation narcíssique. et c'est un euphémisme, alors qu'ils seraient s i nolllhrc ux el si cfticicnls
chez nous, daos la nation la plus freudicnne du IIIOiltk .
Le fameux « Handbook of Psychotherapy and Behavior Change » est
une de ces énormes compilations, éclectiques sinon cecuméniques, et une La méta-analyse statistique de 475 é 111des, p:u Sn1ilh t'l ¡·olluhora
synthese périodíque sur les recherches en psychothérapie que l'on remet teurs 39 , fut déja eontrainte, en 19XO. i'l ll' ll'lt' l ra lt'J',lHilJ!Il'IIH'Ill k :-.
régulierement a jour en fonction de 1' avancement des connaissances travaux deS psychanalysteS a C3USC lil' k111 ÍII!'IIJl:lt 111' 1 '•1' '.tlllllll' ltll' :III X
objectíves. Il a eu quatre éditíons justement réputées 34 . Les deux premie- exigences minimales de la rigu '"r Hl'l 'l':0.\1IIIl' 1 l:1 ll 'l ht' lt lw 1 l11111111t'
res, de 1971 et 1978, comportent chacune un chapitre consacré au bilao leurs carences méthodologiques le:- lt'lldt·"' 1111p1t >p1t ' 11 h .. ,, , ' " "'I HI III I
des traitements analytiques·, qu'on est obligé de considérer comme son. De meme, en 1986, k rt'l'l'II M' IIH'III Jll ll 1 n ill • Id ' ' 11, ~ ~.. ,, .t. ,
navrants compte ten u de leurs prétentions et de 1' état de la concurrence. travaux mettant en relation la 111' '11~~''" 1 .¡, · 11111 111ft11"11 • t ¡, ¡,. 111 1•
ces du traitement, en ulili s; tlll dt··· t'VII I11 11111 •11 •tiiJtl 11 1 " 1 1"111 >11 ¡d••
On apprend daos la seconde 35 qu'il avait fallu attendre le mois de comporter d'étude sur dt' \ .ulllll• ·~ • "' ' •tllutt d1" ltol ''" 1'"' ¡•u
décembre 1975 pour que 1' Associatíon Américaine de Psychanalyse, semaine, et pendant plu s dt' '" 111111 1 ' '01111 11 111111111 th 11" h
\(X) MI ,NSON(ii ·S l ·l(l •. l l llii ' N\ 111 '. 1111111 1>1 11" loi '. II<I>•HM'\IION SH 'III AIIO '

•k plus de 400 types différents, et un peu plus de 200 destinées aux


travaux disponibles n'a pas été ca pabl · d' argulllt'lller l'atTirmation d'une 42
supériorité des thérapies verbales au long cours (au-dclil d' un an) dont la r 1ti ants .
psychanalyse n'est qu'une expression.
Rares sont les freudiens qui eurent le courage de faire ~ta~ des évi~en­
Bien qu'il n'existe aucune corrélation entre la durée de l'analyse et ' ,·s, ou de les accepter. 11 est vrai qu'ils sont dans ce c~s vtctlm~s de 1 os-
11 acisme, si non des insultes venues de le~r camp, pm.s contramts de se
son efficacité, la durée moyenne était réputée supérieure a 40 mois dans
les années 196040 . Une analyse terminée pouvait cofiter, en France, vers 1
k mettre. En outre, des années de formatton, de sacnfi.ces, de besogne
le milieu des années 1970, l'équivalent d'une petite maison de campagne lahorieuse pour se renier et endosser le costume f~eudten, P?ur P~~ser
au patient, et un psychanalyste pouvait alors vivre tres confortablement n 1111 me un analyste, font que 1' adepte résiste a. modtfier des d.1spostt1~ns
avec quatre patients réguliers. Et la psychanalyse peut etre interminable. 111
l·ntales qui lui ont de surcroit assuré le presttge et !e po~vmr, ~t qu e~
hifurquant, l'hérétique n' aurait vraisemblablement nen d autre a mett1.e
Selon les autorités de 1' Association de Psychiatrie Académique et les a la place, faute de s'etre inform,é ~~r 1~ res~e du mo?de pe~d~nt sa
directeurs de formation hospitalo-universitaire des États-Unis, la situa- carriere auto-protégée dans la Thebmde t~eud,Je~ne. QUittant 1 analysc,
tion était en train de changer dans les années 1990. La durée des traite- ks plus honnetes peuvent d'ailleurs revemr. .. a 1 hypnose.
ments psychologiques a substantiellement diminué en 25 ans, de sorte
que la psychanalyse disparait, avec ses variantes et d'autres psychothéra- 11 fallut attendre 1966 pour qu'un pur analyste com~e Anthnny Sto1.r
pies de longue durée. La durée optimale alors fixée par la Société de osat écrire que «les preuves que la psychana~yse .guénl qul que, e. so~l
Recherche en Psychothérapie est de 20 a 24 semaines a raison d'une sont si fragiles qu' elles en sont pratiq.ue~e.nt mex1sta~1tes. 1... ~ 1.~ A ·~1e1 ~ .
consultation par semaine, eu égard au fait qu'il n'est pas possible de can Psychoanalytic Association, a pnorz bien dtsposee en~ers ~·' pwp1c
garantir de meilleurs effets en dépassant ce seuil. Le combat centenaire . , ·.!'te
specta 1 ' , entreprit de dresser un bilan pour, tester I'etficac1té
, ll de la'
de la thaumaturgie freudienne est perdu : sa forme historique standard a psychanalyse. Les résultats obtenus furent si decev~nts qu e ~ ren~n<;a a
disparo de la réalité et ríen n'est venu la remplacer du fait des analystes. lcur publication»43. Et «il faut oser l'affirmer : m Freud, ~· ~acan, n1
aucun psychanalyste n' a réussi a guérir grand monde ... >>, ecnra trente
L'étude méthodique par K. Altshuler de 163 programmes ofticiels de
ans plus tard le psychanalyste Roland Brunner«.
formation des psychiatres montre, en 1990, une disparition de la psycho-
thérapie de longue durée, intensive et fréquente, dans les milieux acadé- Un des coups les plus cruels fut infligé par une auto~ité histor~que de
miques les plus qualifiés des États-Unis, conformément aux données la psychanalyse, et dans une revue prestigieuse. Mehtta Schmt?eberg
annuelles de la Société de Recherche en Psychothérapie. Son recense- r en 1970 un article terrible sur les échecs de la cure. Elle evoqua
pu b Ia, ' 1 , 15 20 30 a s de
ment des recherches des quinze années précédentes indique qu'aucun les graves détériorations de l'état de patients, ma gre . , ~u n
travail satisfaisant n' a été pub lié qui soit favorable a la psychanalyse ou psychanalyse ininterrompue : « Plusieurs analy~tes ?e p~en:t~r plan ont
aux « psychothérapies analytiquement orientées », en contraste avec ouvertement critiqué la psychanalyse, mais ils n ont Jamms ~~re to,utes.les
l'abondance des études sur les thérapies cognitives et interpersonnelles conclusions de ces observations, probablement paree qu ~ls n avment
non «psychodynamiques». Il peut d'ailleurs arriver que des spécialistes rien a mettre a la place de la ps}'chanalyse. Pour ma part, JC me trouve
clairvoyants, sentant le danger pour le freudisme, s'efforcent de récupé- dans une situation inhabituelle. Etant la tille d'une psychanalyste (Mela-
rer les succes des traitements psychologiques modernes. On assure ainsi nie Klein), j'ai été élevée avec la psycha~~lys,e, ~t, ~enda.nt longtemps:
que« la thérapie cognitive et la thérapie interpersonnelle sont toutes deux ·•· · considéré toute critique comme un prejuge reactwnnatre. Mon man
J al f '11 . ' . , t, ,e a
dérivées de la thérapie psychodynamique, qui reste la plus générale et la était un ami personnel de Freud et de sa amt e, et J a1 e e amene
plus hétérogene des thérapies »41. connaitre personnellement tous les grands analystes d'Europe et des
États-Unis. J'ai pub lié de nornbreux articles dans de~, r~vue~ de psycha-
Parmi les raisons tres prosaú.¡ues de sa décadence, il se trouve que la
nalyse et j'ai été analyste-didacticienne d~ la Soctete B~t~anmq~~ de
psychanalyse est incapable de rés islcr a la concurrence d'autres traite-
Psychanalyse jusqu'au moment de mon depart pour les Etats-~rus. Je
ments, qui ne sont pas que des psyc hothérapies. Et puis, la clientele est
suis cependant devenuc de plus en ylu~ critique envers. ~a, théone et la
aspirée de son coté vers d'autrcs goumu s, ou bien par des formes plus
pratique psychanalytiques et en part1cuher envers les soctetes de psycha-
efficaces et moins cofiteuscs de psyc hothérapi cs parmi un choix.reconnu
J 02 MI:NSON< :! ·.S l • l{l • l l llii · N~ 111 \ 1111111 11 11 .¡ ¡ 1 11 '.1 111 1 111MAIION S I·( 'lJIAII<E 'III AliMATli JWW 303

nalyse, oú la libre discussion s'aven.: in1poss ihk. 111 y a plusicurs annéesl •' 11 pmces avec l'administration, surtout dans des affaires regardant la
j'ai don.né ma démission de membrc de 1' 1\ssoc iation Psychanalytique ... ,nl t- . Le risque d'etre poursuivi est de 40% pour un médecin, et des
Intematwnale et de la Société Britanniquc de Psychanalyse. l ... ] 11 m'a '''lllipcs enti eres d'avocats se sont spécialisées dans ces problemes car le
fallu de nombreuses années pour comprendre que nombres de patients '""rché, la aussi, est juteux : une simple fracture du fait d'un trou dans
qui m'étaient envoyés par Jeur analyste étaient en fait des échecs de la 1111 11\lltoir peut rapporter 75.000 dollars a !'accidenté, une petite brfilure
psychanalyse, et que le traitement antérieur les rendaient plus difficiles a P·" n.: nversement d'une tasse de café des centaines de milliers de dollars.
traiter; aussi, bien queje me considere encore comme une analyste, sans l'l11 sit:urs compagnies d'assurances font faillite, en particulier celles des
doute quelque peu hétérodoxe, j'en suis venue depuis Iongternps déja a llll'lkcins, lesquels hésitent aujourd'hui a pratiquer certaines taches
ne plus pratiquer la psychanalyse» 45 . De son coté, Alice Miller finit par IPIIIinieres. En France, ce mouvement est d'ores et déja en marche.
comprendre que Freud avait batí une méthode parfaite pour se mentir a
soi-meme et fuir les réalités, et que «si l'on ne veut pas savoir la vérité Un de ces proces retentissants fut exposé par Gerald Klerman en avril
sur sa propre vie, on peut trouver de l'aide aupres de la psychanalyse » 46. 1'190 dans une grande revue de psychiatrie48 . L'affaire «Üsheroff versus
Alors, apres vingt ans d'exercice de l'analyse, elle luí refusa toute valeur < 'llesnut Lodge » avait eu lieu quelques années auparavant, et était déja
thérapeutique et la quitta.
, (' putée, dans le monde judiciaire et psychiatrique, représentative de ces
problemes susceptibles de heurter la morale publique mais qui ne
Quand la libre concurrence s'exerce, la ou le totalitarisme démagogi- ~~.:m blent pas avoir beaucoup tourmenté la conscience des milieux
que ne peut plus forcer son emprise sur les consciences informées, alors 1Js ychanalytiques.
les pressions des groupes de consommateurs, des associations de
familles et de patients, des assurances privées ou encore des avocats, Début 1979, le médecin Osheroff, du Maryland, présente un épisode
sont telles que sa pénétration est en péril. dépressif majeur invalidant. 11 est hospitalisé dans la clinique psychiatri-
que Chesnut Lodge - une institution privée de la banlieue de Washing-
Lorsque des réformes des assurances devant s' appliquer a tout le lon, considérée alors depuis quarante ans comme un phare de la psycha-
champ de la san té furent proposées aux États-U nis par 1'administration nalyse, oú de nombreuses notoriétés du freudisme se sont succédées.
Clinton, il était hors de question que la psychanalyse fOt désonnais C hesnut Lodge avait la réputation de fonder son traitement sur la soi-di-
remboursée, en raison de son inefficacité ofticiellement reconnue en sant modification de la personnalité des malades, dont les conflits incon-
vertu des enquetes, par Frederick Goodwin, directeur du National I~sti­ sc ients, abrasés par l'analyse du transfert et une fois réaménagés,
tute of Mental Health 47 • L'obligation de résultats n'étant pas, et de loin, devaient automatiquement faire tomber les symptomes devenus inutiles
honorée par les soins psychanalytiques individuels, ou collectifs en insti- au nouvel équilibre, Aussi, une psychanalyse individuelle est-elle admi-
tution spécialisée, leurs exces et leurs dangers n, étant plus délibérément nistrée au Dr Osheroff a raison de quatre séances par semaine sans qu'on
masqués par l 'omerta de la famille psychanalytique, alors elle se trouve se préoccupe de savoir s'il était en mesure d'y contribuer du fait de son
confrontée a une répugnante réalité qui lui résiste solidement : les lois du état et en excluant tout autre traitement ou médi cation . Des lors, les trou-
marché, apres celles de la nature, se vengent toujours. bles s'aggravent : le malade souffre d ' unc insomnic sévere, d'acces
11 y a des contraintes sociologiques et économiques d'une force consi- d'agitation au cours desquels il se blessc ; il pcrd 20 kilos.
dérable dont sont obligés de tenir compte les psychothérapeutes. Durant La famille s'inquiete et doit faire intervenir un médcc in cx térieur pour
ces demieres années, des proces fracassants ont été intentés aux États- obtenir des informations et qu'une décision soil p1 ise. Une commission
Unis contre les professionnels de la psychothérapie qui n'ont pas été se réunit a Chesnut Lodge qui décide qu, il COIIViélll dt: IIC ricn changer
épargnés daos l'inflation des poursuilcs judiciaires contre les milieux car la psychanalyse aura assurément raison d ·s 1roubks, plus !arel. La
médicaux, et dont les débours - ca r la plupart ont été gagnés par les condition psychopathologique et physiquc c111pin· : lt' palH'lll csl prostré,
plaignants éventuellement aprcs appcl - , étaient tels qu'une loi oblige il a des escarres, sa survie est menacée. Au boul de ~e pt 111oi s de ces
désormais au respect d'une limit ' dans la réclamation des réparations, bons et loyaux services, la famille, excédéc, in•pos<· flllidt ·nl!·lll k lrans-
qui ne peut etre dépassée qu, aprcs t: ntcnte préalable sous controle du fert du Dr Osheroff dans un servíce psychiatriqul· ,,u la IIH'< Ii cn iH lll slan
département de la justicc. /\u prinl ·mps 1996, un américain sur dix est dard par antidépresseurs et sédatifs, puis J' ad¡tllll 111 111 d 'l' llltdit·ns
304 MI ~NSON(;( 'S l ·l{ (' lillii •N'i 11 1\11111!1 III INI l ! l '• lrHII I I~ I \ I IIIN ' 1 1•1 '111 t\110 : 'IIIAliM/\1'1 11<( ;11 :

psychologiques, auront raison de l'css ·ntit'l <k:-. l)luhli lllcs cn trois d' ernpcchement a la combinaison d'une psychothérapie moderne avec
semaines. La rémission lui permet ele quitt ·r 1\·tahiiSSL'IItl'lll quelques 11nc médication moderne, l' une et 1' autre potentialisant réciproquement
semaines apres, puis des consultarions externes authcntilicnl une conso- 1·urs effets par des mécanismes connus 53 . Les programmes thérapeuti-
lidation autorisant une reprise rapide des activités professiunnelles et qucs actuels exigent cet éclectisme éprouvé et des approches multimoda-
familiales, ce que 1' absence de rechute ultérieure confinnera. ll's simultanées, et il est rare qu'on puisse se contenter d'un seul traite-
mcnt54.
Son proces contre Chesnut Lodge sera intenté deux ans et demi plus
tard, et gagné apres arbitrages d'experts, avec accord final entre les Dans la toute puissance de ses idées- ou plutót de sa pensée mono-
parties pour la somme de 250.000 dollars. Le chef d'accusation principal théisle et totalitaire -,la psychanalyse n'a pas de doute. Elle doit traiter
était la non-administration d'un traitement éprouvé, et le plaignant wutes les perturbations, réduites a une seule source, toute exploration est
exigea réparation des dommages financiers, dé la perte de sa clientele, superflue ou inimaginable car «la cause» unique est déja connue avant
des dégats familiaux et physiques dont la faute médicale était directe- de rencontrer le patient. Aucune alternative thérapeutique n'est envisa-
ment responsable, et du pretium doloris 49. gcable puisqu'il n'y a qu'une seule attitude avec tous les patients, et le
« consentement éclairé » est inutile, en contravention avec les regles
Il était pourtant notoire, a la fin des années soixante-dix, que des soins élémentaires de l'éthíque. Mais comment comprendre qu'on se limite,
efficaces existaient et que ceux appliqués daos cette institution n'en dans le cas des incapacités de lecture et de dyslexie de 1' enfance, a une
faisait pas partie. Plusieurs études avaient d'ailleurs été réalisées par des psychothérapie excluant pendant des années tout autre perspective?
spécialistes de Chesnut Lodge (Alfred Stanton, en 1954, par exempleso), Quels sont les moyens par lesquels la psychanalyse apprendra a un
qui avaient eux-memes documenté l'inintéret de cette psychothérapie. cnfant a Jire, quand bien meme profiterait-il de cette relation? Comment
Les traitements éprouvés et validés, qui lui étaient dús, ont été rejetés se fait-il qu'on exclut les traitements modernes programmés pouvant
saos aucun respect du code de déontologie médicale, uniquement pour assurer 75% de réussites en 5 a 12 semaines daos le cas de l'énurésie
des raisons idéologiques : ils n'ont jamais été tentés, ni envisagés, ni des enfants et qu'on préfere encare la psychanalyse pourtant réputée,
exposés objectivement a I'entourage comme altemative thérapeutique. depuis 1938, une des méthodes les moins efficaces de tous les traite-
Une psychanalyse a été imposée bien que le malade fut hors d'état de la ments jamais inventés ?55 . Faut-il croire, comme le remarquait ironique-
recevoir, et n'a jamais été interrompue ni modifiée malgré l'absence de ment Daniel Lagache, que l'enfant toujours énurétique apres 8 ans, 10
bénéfice, malgré la dégradation évidente de sa santé pendant plusieurs ans ou plus de psychanalyse est maintenant .fler de pisser au lit, malgré
mois, malgré les risques encourus, malgré les inquiétudes de la famille. les dégats causés par son probleme daos sa vi e socia le et affective?
Il n'y a aucune justification rationnelle qui permette de soutenír un seul Comment les psychanalystes peuvent-ils apporter les compétences socia-
instant les incohérences de ces conduites- qu'un des experts qualifia les qui font si cruellement défaut aux sociophobes? Comment concevoir
de « négligences criminelles » lors du proces - , et il n'y en a pas plus que nombres d'institutions médico-psychologiques spécialisées n'aient
pour accepter le rejet, par les psychanalystes, de l'administration simul- souvent ríen d'autre a proposer que la psychanalyse pendan! des années
tanée d'un autre traitement que le leur. a leurs patients, quels que soient leurs troublcs ? Imagine-t-on qu'un
hópital recoure a un seul et unique traitement pour tous ses mal acles?
En 1' occurrence, la question n' est pas « psychothérapie ou bien théra-
Enfin, comment comprendre que la psychanalyse, qui mépri sc tant les
pie biologique, mais plutót l'opinion ou bien l'évidence», insistait Kler-
réalités - qui n'auraient aucune importance - , pui ssc prctcndrc lraiter
man5 1• Comme le remarquait Gas ton Bachelarcl, «la science, daos son
les souffrances authentiques alimentées par des événcmnat s r~c l s, ct de
besoin d'achevement comme daos son príncipe, s'oppose absolument a
quelle maniere?
l'opinion [... ] l'opinion a, en droit, toujours tort. [ ... ] On ne peut ríen
fonder sur l'opinion; il faut d'abord la détruire. Elle est le premier obsta- L'affaire Osheroff était exemplaire et Klerman la jugc: t sulli s: lltlltWill
ele a surmonter» 52 . Et l'évidence n'cst pas une question d'opinion: il y a représentative pour en tirer les ler;ons éthiqucs puis po:-.n de ju:-. lt·s t: t
des traitements réellement efficaccs ·t on 1u.: voit pas de raison d'en faire graves questions sur la responsabilité du monde psyc hialllijllt' d a " ~ 11os
l'économie. Il n'y a aucune raison de nc pas cmployer simultanément sociétés désinformées en dépit de 1' accroissentclll l'IH tsHin.ahk dt·:-
plusieurs méthodes ou plusieurs pnspt:cl ivcs psychothérapiques, ni moyens d'informations instantanés. Autant sa charge qut• 't'' ' l:uad.ud ,
306 MENSON(JI·.S I·IU ·IIIlii ·NS 111 \ ll lllll lll lf~ l III '• I N IIIII~IAIIIIN S(·('III .AIIW 111 ¡\ IIMAI III(( :JI · 1()/

déontologiques sont parfaitemenl applicahlcs da11s 11011 · pays. Car il faul '' (¡: Frcud ( 18R7), Rezension von : S. Wt•ll M1tr h..tl. /)tt · llt-hmodlwtg gewi.uer 1-imnen
l 'flll Neurasthenie und Hysterie.
se rappeler que, selon l'article 30 du codt: dt: d ·onlologic médicale de 111 freud ( 1888), Hystérie : 166.
1979, les « médecins ne peuvent proposcr aux maladcs ou a leur entou- " frcud ( 1925), Selbstdarstelfung : 68.
rage, comme salutaire et sans danger, un remede ou un procédé illusoire " Annotalion de Molnar, in Freud (1939), Kürzeste Chronik : 224.
ou insuffisamment éprouvé. Toute pratique de charlatanisme Ieur est 11 Natjani, A.E., Considérations sur les causes anatomiques de lafrigidité ehez la femmt·,

interdite » 56 • Bruxclles Médica!, Avril 1924.


" Berthelsen ( 1989) : 68.
" Lettre de Freud ii Ma.x Eitingon, 30/1011925 (non publiée, citée par Gay (1988). vol. 2 :
Au bout de cent ans de freudisme, le bilan final d'une méthode révolu-
274).
tionnaire de traitement psychologique - qu 'elle soit utilisée par 1" Obholzer ( 1980) : 98.

Sigmund Freud, par ses catéchumenes, ou par les successeurs - est 17 Elle avait trois patients réguliers au début des années trente - conduits en sa dt:ntl:utr

négatif, alors que son efficacité devait servir de garant, de rempart, et de Saint-Cloud en limousine de maitre, ayant droit a des séances dans le jardín les joUJ \
d'ultime validation directe du contenu de ses dogmes, ce qui prive de sa de beau temps- dont Sigmund Freud faisait la supervision par correspondance ... Sur k
triple déplacement de l'organe, cf les annotations de Molnar, in Freud (1939), Kiir::.l'.\'lt•
substance le con ten u de la psychanalyse. Comme le note Eysenck, l 'in-
Chronik : 66 et 98.
capacité de la psychanalyse a démontrer une seule supériorité de sa " Cf Veith ( 1965), Hysteria, the History of a Disease (passim) et Kerr (1994) : 22.
thérapie est un échec de la théorie et des postulats de son fondateur 57 . Et ro Rodrigué (1996), vol. 1 : 177.
)'examen terminal minutieux de tous les travaux scientifiques depuis 60 20 Cf, par ex., sa Lettre ii Ludwig Binswanger du 9/4/1910.

ans sur ces questions par l'épistémologue Edward Erwin, pourtant tres 2r Abgrall ( 1998), Les charlatans de la santé: 45 sq.
02 Lettre de Jung ii Freud, 4/12/1906.
prudent, peut s'achever ainsi : «Alors que le siecle s 'acheve, un siecle
23 Journal officiel n" 25 du 301111998.
que certains ont nommé "le siecle de Freud", l'évidence autorise les 24 Freud (1913), L'intéret de la psychanalyse : 188.
verdicts suivants. L'ejficacité de la thérapie de Freud a-t-elle été 25 Van Rillaer (1980) : 330.
établie ? Non. Que/le part de sa théorie a-t-elle été confirmée ? Pratique- · 2o Fenichel (1930), Rapport statistique sur l 'activité thérapeutique en tre 1920- 1930.

ment aucune. Ces verdicts sont probablement les derniers » 58 • C'est la ce 27 Eitingon, fnternational Zeitschriftfür Psychoanalyse, 1922 (Vlii: 506) et 1924 (X:

que Frederick Crews peut appeler l'épitaphe, rajoutant la sienne: «<l n'y 229).
a littéralement rien a dire de l'intéret scientifique et thérapeutique de 2• Freud ( 1923), Vorwort zu M. Eitingon « Bericht über die Berliner psychoanalytischt•
Poliklinik». Max Eitingon, que Freud analysa a la volée sur les trott oirs de Yiennc, rcs1cru
)'ensemble du systeme freudien, et de chacun des dogmes qui le compo- begue jusqu' a la fin de ses jours. - .
sent » 59 . '" Huddelson (1957), cité par Bergin & Lambert ( 1978); et Eysenck ( 1952), << fhc c ll cl:ts
of psychotherapy : An evaluation », Journal of Consulting PsycholoRy. 16 : 3 19 ·.124.
Et malgré tout, 1'opinion demeure, contre les évidences, que la 3o Cf, sur J'inefficacité de la psychanalyse : Eysenck ( 1952). Rachman ( 197 1). K lonc
psychanalyse «reste la plus efficace, sur la longue durée, pour le traite- (1972), Eysenck & Wilson (1973), Spitzer & Klein (1976), LarnhtJI ( 19/6), l.uhot s ~y.
ment de toutes les atfections psychiques» !60 Singer & Luborsky (1976), Fisher & Greenberg (1977), Bcrgi n & l.:unherl ( 1'17ll),
Kazdin (1982, 1991), Eysenck (1985), Macmillan (1991 : 542 .w¡.), Sh trk & Ru \sr l
(1992), Freedheim (1992), Lambert & Bergin (1994), Erwi n ( 19'11>, d111p 1>). <idloohtllllll
(1 993 & 1996), etc.
" Farrell, B.A. (1981), The Standing of Psychoanalysis, Oxfonl, p 1/K (t' rh· 1'·" ( il'llr~n
(1985) : 168).
3 2 e¡ Yates (1958); Cahoon (1968); Kazdin (1982); Erwin ( 19%) )K I lK.l
NOTES D Bergin (1978). Cf Strupp et al. (1977) el Elli s ( I'JM ) (<'1 lt• '' "' 1111 1111< 1
www.irebt.org/pamphlet.html#P252).
1
Der Mann M oses und die monothei.l"lische Religion : 145 n l. 34 Bergin & Garfield (1971); Garfield & Bergin (1978); (i:ullt·ld ,<:,¡ lit 1¡'111 ( l'llit•) ,
2
Freud (1933), Neue Folge der Vorleswogen ... (Nouvelle.l' conférence.\· : 201 ). Bergin & Garfield (1994 ).
3
Freud (1926 ), Psychoanalysi.t : 154. 35 Luborsky & Spence ( 1978) : 360.
4
Freud (1916-1917), Vorlesungen z¡¡r l:'i,~fiihnmg in die Psychoanalyse: 435. 36 Garfield & Bergin ( 1986) : p. ix et x.
5 37 Henry et al. ( 1994).
Freud ( 1923), Psychanalyse et JiiJidot/u fot it• : 69.
6 38 Kopta et al. ( 1999).
Lettre de Freud ii Ferenczi, 4121192·1 (o.:i lt e par Joncs , vol. 3 : 64), traduction revue.
7
Theodor Reik (1956) : 37. 39 Citée par Altshuler ( 1990) : 429.
40 Rachman (1971) : 55.
8
Jacques Corraze, communication p ·r ~o roll t' ll t·
.IOK MI ,NSON(JI ·.S l ·i<l ' llllii •NS 111 \ ICIIIO 111 1~ 1 1•1 I N IIIII~f IHI NS H '\11 .1\IIH '

41
[sic] << Abstract Psychiatrie >> (n" 216, juin 2000, p. l,j) ( '¡ dol lllttrnt fait état en 2
pages du << 2000 American Psychiatric Association 1\nuttal Mn·J•n¡; "· et le petil articlc
dont _ces propos sont extraits, intitulé << Quelle est la pla~.:c de~ dovt•t sr~ psychothérapies
Chapitre 14
aux_ Etats-Ums ?>>, résulte d'un entretien avec Robert Michcls, psydJiatrc-psychanalyste,
anc1en Doyen de la Faculté de Médecine Cornell de New York. La grande illusion
42
Cf Kazdin (1991); Kopta et al. ( 1999) : 445.
43
Cité par Gellner ( 1985) : 169-170.
44
Brunner, Le Joumal des Psychologues, novembre 1996.
45
Schmideberg (1970), <<Psychotherapy with Failures of Psychoanalysis>>, British J. of
Psychíatry, 116: 199.
46
A. Miller (1988): 224 (italiques siennes). << J'ai toujours pensé que ce seraient les porcs et
47
P. Gray, <<The Assault on Freud>>, Time, 29/11/1993 : 39. les spéculateurs qui se jetteraient en premier sur
4
" Klerrnan (1990), The Psychíatríc Patient's Ríght to Effective Treatment. Cf aussi
ma doctrine. »
Dolnick (1998), chap. 18.
49
On trouvera bien d'autres affaires semblables dans le livre de Dolnick (1998). Sigmund Freud'
511
Cité par Klerrnan (1990): 413.
51
Klerman .(1990) : 415.
52
Bachelard (1938), La Formation de /'Esprit Scientifique : 14.
53
Cf Spitzer & Klein (1976); Klerman et al. (1994).
54
Cf un exemp1e caractéristique, celui du syndrome déficitaire d'attention, dans Corraze
& Albaret (1996). D'UN DOGME Á UN AUTRE
55
Cf Walker et al. ( 1988); Mikkelsen ( 1991); Shaffer (1994).
56
Le dernier code de déontologie médicale accessible sur Internet dans le site du Conseil L'infiltration du freudisme, comme celle de l'horoscopic, n'cst
National de l'Ordre des Médecins reprend cet article a la lettre : http : //www.conseil-na-
tional. medecin. fr. évidemment pas universelle. La psychanalyse est en soi un produit cultu-
57
Eysenck (1985) : 44. rellocal et provisoire qui n'affecte ni la Chine ni 1' Afrique, ni les socic-
58
Erwin ( 1996), A final Accounting : 296. tés musulmanes, ni l'extréme Orient, a l'exception marginale du Japon .
Quant a son intrusion au pays des soviets, elle fut bien éphémere, griice a
59
Crews ( 1996), The Verdict on Freud : 63.
w Roudinesco & Plon (1997) : 1149 (italiques miennes). Deux ans plus tard, Elisabeth l'entregent de Trotski, entre 1911 jusqu'a l'ukase de Staline en 1933 2 .
Roudinesco (1999 : 109) écrira que les enquetes ne permettent pas d'aftirrner que la
psychanalyse est supérieure aux autres psychothérapies, tout en se réclamant, d'apres une En France, 1' imprégnation de la culture aura demandé tout a u plus une
enquete d'opinion, du merveilleux chiffre de 80% de réussite soi-disant procurée par cette
thérapie ... vingtaine d'années, principalement entre les deux guerres.
Le sociologue Serge Moscovici avait réalisé une enquéte réputée dans
la population et la presse du milieu des années cinquante, et identifié
déja une forte banalisation du langage, des croyances et des automatis-
mes freudiens daos la littérature populaire (1.500 articles daos plus de
200 journaux et périodiques de forte diffusion, avec un article dans
chaque livraison de «Elle»), et a tous les échelons socio-économiques
des familles fran<¡:aises, malgré la concurrence de cultes plus anciens.
Quelques magazines s'étaient spécialisés, des la fin de la seconde guerre,
daos la promotion et la diffusion de masse de l'idéologie psychanalyti-
que.
La tres médiatique Maryse Choisy avait ainsi fondé, en janvier 1946,
la revue « Psyché », qui allait vi te devenir, jusqu 'en 1959, un groupe
d'influence ou se retrouvaient des notables de l'intelligentsia, dramatur-
ges, artistes de renom, écrivains, savants, acteurs, journalistes, responsa-
bles politiques, ecclésiastiques, médecins, et... leurs psychanalystes
MI ,NSON( OI ·. S 1·1<1 ·111JII ·NS 111 ', 1llllll 11 I/ NI 1 o1 oi N i til l~ l lit IN ', 1•( 'l ll i\ 11<1 ·. I.A (oRANI>E ILLUS ION 3 11
.110

respectifs, chacun s' effonyant avec son tah:nt 1k v:IIOIIM'I' 1' idéal freu- IIIOuvcmcnt et de ses cercles d'intluences croissantes était une aubaine,
dien, en dehors du cadre freudien. Mais a t il vraintcnl d 's limites? l't la psychanalyse un tout petit monde.
Psyché, sous-titrée « Revue Internationalc de Psychanalys · ct des Scien-
ces de I'Homme », devait concurrencer la « Revue Franf,:aise de Psycha- 1,a conquete freudienne du catholieisme et des milieux ecclésiastiques
nalyse» de La Cause orthodoxe. L'impact de « Psyché » fut considérable, l'St en bonne partie due a l'activisme de Maryse Choisy.
au point que les « cousins » communistes y virent un danger, car ce
magazine faisait partie de ces « organes » qui « mettent la psychanalyse En raison de son contenu ouvertement antireligieux, mais surtout anti-
au service du capitalisme »3. c llholique et contre-eulturel, le freudisme était de longue date mis a l'In-
dl'x , notamment sous Pie XII, qui avait lancé une campagne de discipline
Maryse Choisy était une de ces égéries intrigantes, narcissiques et effi- dans un clergé se laissant trop aisément séduire par les sirenes du
caces, se trouvant toujours au bon moment, au bon endroit, pour tisser nouveau dogme séculaire. Comme M. Choisy !'indique dans ses mémoi-
des liens avec les bonnes personnes. En l'occurrence, comme souvent, le IL' S de 1925-1939 - dont le sous-titre était «Sur le chemin de Die u, on
monde était tres petit. Simple journaliste parlementaire a L'intransi- 1 ·ncontre d'abord le diable» - , elle faillit d'abord basculer vers le

geant, elle put approcher le pouvoir et les célébrités, fut l'amie d'hom- cn mmunisme, puis se convertit au catholicisme, en 1936, lors de son
mes d'état, dont Edouard Herriot, de savants et religieux, dont Pierre rapprochement avec Pierre Teilhard de Chardin. S'entourant de religieux
Teilhard de Chardin, de gens du speetacle, de tous ceux dont on parle autant que de psychanalystes de renom, elle diffusait, par sa revue
pour que le peuple entende. !'s vché, l'idée d'une Sainte Alliance, et créa d'ailleurs « l'Alliance
M~mdiale des Religions » pour ne négliger aucune obédiencc et brasser
Elle était la rivale de Marie Bonaparte. large. Maryse Choisy organisa done un congres de psychothérapcutes
catholiques a Ro me, en avril 1953, puis profita de 1'oceasion pour obte-
Sa rencontre avec Sigmund Freud, en 1922, a 19 ans, dit-elle, fut tres nir une audience privée avec le Saint Pere, en compagnie de l'analystc
breve et l'analyse d'un reve l'épouvanta tant qu'elle rentra aussitót en lacanien Serge Leclaire, et de Jacques Lacan lui-meme, le nouvcau
France. Marie Bonaparte fut étrangement, des son premier contact en scigneur qui baisa enfin 1' anneau pontifical.
1925 avec Freud, surprise par une expérience existentielle identique, et
dílt dare-dare revenir a París pour une vérification des interprétations Mais il faudra attendre Jean XXIII, le successeur de Pie Xll, pour
rétrospectives de sa biographie par le gourou viennois. Le fameux reve assister a une authentique baisse de la garde de l'autorité catholique.
du chat de Maryse Choisy, soi-disant analysé par Freud - pour autant C'est a cette époque que de nombreux jésuites allaient vers le freudisme
que l'événement ait réellement eu lieu (en 1922, selon les uns, ou bien apres etre entrés en religion, et que les deux dogmes se confondirent.
en 1924, selon d'autres), carla description varíe selon les auteurs et elle- Certains, sautant derechef du confessionnal a la sacristie, pouvaient faire
meme reste la seule source du témoignage4 - , ne fut rapporté que par leurs «cures» en soutane entre deux messes et, en moins de temps qu'il
elle et en 1963; c'est-a-dire apres que Marie Bonaparte eílt fait état de sa en fallait pour consaerer l'eau bénite, glisser dans les fumées d'encens
propre révélation et un an apres la disparition de cette derniere. Maryse d'un Pater noster a l'envie du pénis. Au début des années 1960, le pere
Choisy se déclara completement analysée par le Grand Homme, ce qui Grégoire Lemercier réunissait soixante moines bénédietins pour une
n' était finalement que la répétition de l'histoire, puisqu'une minorité des psychanalyse de groupe eontrolée par deux analystes officiels (IPA) dans
premiers analystes ont été « psychanalysés » plus de quelques instants. un monastere mexicain, pres de Cuemavaea. Deux ans plus tard,
Mais cela lui permit de s'affirmer dans le clan freudien de France l'égale « Lemercier Iui-meme et quarante moines se défroquerent, soit pour se
de Marie Bonaparte- sinon sa supérieure du fait de l'antériorité affir- marier, soit pour avoir des relations sexuelles »S. ce qui est bien plus
mée de ce divin contact avec Le Professeur. De la meme maniere, elle fut confortable. D'autres abandonnaient l'église pour livrer leurs ames inte-
aviatrice et dompteuse. Elle ·se fera embaucher comme femme de gres au divin freudisme, par exemple Fran~ois Roustang, originellement
ménage dans un borde! pour écrire, en 1928, un best-seller intitulé «Un Pere jésuite jusqu'a sa rencontre avec Serge Leclaire, auquel il dut sa
mois chez les filies», tiré a 200.000 exemplaires, puis chez les moines défection de la Compagnie de Jésus, puis son mariage, et ses épousailles
orthodoxes du Mont Athos pour publier « Un mois chez les hommes», d'un temps avec le lacanisme, dont il divorcera pour renouer avec l'hyp-
son météore qui eut moins de succes. La connaissance des notoriétés du nose apres avoir été également dé~u par 1' analyse.
1 A ( l RAN[)E I LLUS IO N .113
.1 12 MEN SON( ;I ,S I'RU JI>I ENS III S 1() llt l 11l lt<l 111'.! t H 1111 ~ ~ ·\ I IIIN SH 'II L A II<E

Au milieu des années cinquantc, sclon la prc1111cr · cnqm:te de Mosco- DANS LA MOUVANCE HEXAGONALE
vici, 75% des publications catholiques adopten! alors une attitude tres
positive vis-a-vis du freudisme, au point que les fa mi ll cs pratiquantes Les communistes ont condamné la psychanalyse aussi longtemps que
apparaissent plus favorables (60 % d' entre elles) que les familles non 1'ordre du partí leur indiquait cette pensée originale comme politique-
pratiquantes ou indifférentes a l'égard de la religion (44 %). Vingt ans mcnt convenable, jusqu'a la mort de Staline en 1953. En France, les atta-
plus tard, Serge Moscovici reproduit la méme étude sociologique sur les 4ues les plus rudes furent d'abord celles de Georges Politzer.
populations et les publications, et montre une intrusion bien plus subs-
tantielle de l'idée freudienne dans la communauté et la culture, qui ne Politzer avait fréquenté la société psychanalytique viennoise a la fin de
devra qu'une part de sa position dominante au revirement opportuniste la premiere guerre mondiale, puis adhéré au Partí Communiste en 1929.
des communistes apres la mort de Staline. 11 critiqua alors le freudisme. Dix ans plus tard, en novembre 1939,
honorant Sigmund Freud qui venait de trépasser, il avan~a que la
Pourtant, Sigmund Freud voyait dans les rites et les pensées du Chris- doctrine « en fait appartenait déja au passé. L' intérét pour les conceptions
tianisme les índices d'une pathologie mentale a rapprocher de la névrose ct les méthodes de Freud n' a cessé de diminuer durant les dix dernieres
obsessionoelle. Ce qui gene la psychanalyse est une croyance qui n'est années. 11 a méme disparo dans les milieux scientifiques réellement
pas la psychanalyse. Les croyances religieuses et les idéologies, y avancés ( ... ) 11 est vraisemblable que la psychanalyse subira un sort
compris le marxisme, irrationnelles quand elles ne sont pas imprégnées analogue a celui de la phrénologie et de I'hypnotisme » 9 . Politzer cst un
de freudisme, méritent done l'interprétation analytique a défaut de son visionnaire reconnu.
traitement. De leur coté, les opposants russes au régime communiste ont
été assimilés a des malades mentaux (des «schizophrenes asymptomati- L' hostilité jaillit surtout a la libération lorsque les militants communis
ques») et ont re~u la rééducation qu'ils méritaient. Sigmund Freud n' ai- tes firent, avant les antipsychiatres qu' ils rejoignircnt plus tard, de la
mait pas le marxisme, « religion révélée » rempla~ant Bible et Coran, car psychanalyse une « idéologie réactionnaire ». Le modele a suivrc avait
«do uter de son bien fondé est un crime passible de chatiment comme été donné par le journal «L'Humanité», d'abord le 27 janvier 1949, oi:1
autrefois l'hérésie aux yeux de l'église catholique» et «tout comme la Guy Leclerc traitait la psychanalyse d' « idéologie de basse poi ice et
religion, le bolchevisme foumit a ses croyants, pour les dédommager de d' espionnage », puis, le 17 février 1949, d' « arme de propagande crapu-
leurs souffrances, de leurs privations actuelles, les promesses d' un au- leuse », dans les mains de ceux qui « tentent d' abrutir les peuples a coup
dela meilleur ou nul besoin ne restera insatisfait »6 . Mais ces deux de complexes». Pour que ce soit plus clair, Sven Follin nous apprend
superstitions ont bien promis un paradis sur terre, aux malades pour deux ans plus tard que «la psychanalyse rejoint la famille des idéologies
)'une et a la société pour l' autre, ainsi qu'une rédemption prochaine fondées sur l'irrationnel, jusque et y compris l'idéologie nazie. Hitler ne
exigeant une longue patience et de forts .sacrifices immédiats, promesses faisait pas autre chose en cultivant les mythes de la race et du sang,
qui se sont révélées vaines dans les deux cas. Toutes les prévisions de forme nazie de l'irrationnel des instincts» 10 • Ce rapprochement entre le
Ieurs théories se sont avérées fausses au ssi. Quand Le Capital parut, les nazisme et le freudisme, sous la plume d'un auteur réputé «sous-marin »
deux auteurs - Engels, pour les deux tiers, et Karl Marx pour le tiers des soviets, est quand méme offensant, quand on sait que la quasi totalité
restant de la publication - , savaient pertinemment qu'ils y décrivaient des notables de la psychanalyse étaient des Juifs a l' époque. Enfin, un
un capitalisme avec des données économiques antérieures au capitalisme collectif de camarades rédacteurs - c'est-a-dire le méme Sven Follin
industriel, et Marx s'est toujours opposé vi olemment a toute contestation associé a Serge Lebovici, Lucien Bonnafé, Evelyne et Jean Kestemberg,
factuelle, fut-elle issue de ses propres rangs fanatiques 7 . Les soubasse- Louis Le Guillant, Jules Monnerot, et Salem Shentoub - estima que la
ments factuels des deux édifices idéologiques étaient aussi fallacieux, psychanalyse était un « instrument politique )) destiné a transformer « le
fabriqués et dépassés au momcnt ou ils furent publiés, bien que !'un et révolté en névrosé >> , car « la psychanalyse vient renforcer la psychotech-
1' autre se soient toujours réclamés de la « recherche scientifique ». Ces nique ordinaire dans un travail policier qui fonctionne au service du
deux dogmes se sont malgré l<mt épaulés dans leurs tentatives de patronat et de l'occupant américain en vue de l'élimination des indociles
conquéte. Et, comme le dit Yose f lla yin1 Ycru shalmi, le bolchevisme et et des résistants » 11 . Cet assaut de violence ne manque pas de saveur non
le freudisme avaient « la nll:lllc idl-e en tete, la destruction de la plus, eu égard d'abord au scns des mots, notam~ent du demier,. ensuite
famille »8 . au fait que parmi les hui t signataires commumstes se trouvmt Serge
3 14 M IJNSO NO HS I·I<Hlillii'N S III SIIIII!I I I I ITJI I • I ', HH••Ii~ i A II< IN Sl ·( 'l ll A II<H 1./\ (; RAN DE II.L LIS ION 315

Lebovicí, legue], ínscrít au « partí des travaillcurs )) :l tr ·nt · an s en 1945, 1:ranc,:ai s 14 • Roudinesco rappe lle que de nombreux familiers de Jacques
deviendra un haut dígnítaire de la psychanalyst:. Al()( s. tout ~ coup silen- l.acan furent, a 1' époque, les « compagnons de ro ute» de « la gauche
~ieux contre elle, íl pourra van ter apres sa convcrsion la « valeur adapta- proléLarienne » o u d' autres « groupuscules ». Leur ambítion avouée était
tiVe» de la cure freudienne qu'íl insultaít Jors ele sa croi sade commu- de « détruire 1' université » 1S, et de remplacer la culture dominante par
niste, en dénigrant tout ce qui n'était pas la psychanalyse. Serge Lebo- 1' icléologie lacaníenne. L' argent passaít alors directement des poches des
vici, étiqueté « méehant lapin » par Lacan 12, clevint a deux reprises, de patients dans eelles des contestataires, et Jacques Lacan leur « annon¡;a
juillet 1973 a 1977, le premíer présiclent fran~aís de l' Association Inter- que le pavé et la bombe lacrymogene remplissaient la fonction de l'objet
nationale de Psychanalyse ... C'est sous sa présidence, au 30e congres a » 16• Fallait-il Jire «l'objet petit a» ou bien «l'objet petit tas»?
IPA a Jérusalem en juillet 1977, qu'Anna Freud adressa un texte décla-
rant que la qualifieation de « scienee juíve » étaít un titre de gloire pour la Jacques Laean, prétendu maurrassien dans sa jeunesse, était a l'épo-
psychanalyse. Ce que son pere n'aurait eertainement pas apprécié, car, que lié a une intelligentsia communiste plus conservatrice et devait
avait-il écrit, «i'existenee d'une scienee aryenne et d'une seienee juive garder opportunément une distance de réserve avec l'agítatíon, ce que
est ineoneevable. Les résultats seientifiques doivent etre identiques, ses fideles lui reprocherent, maís íl dut concevoir a leur endroít quelques
quelle que puisse etre la fa~on de les présenter. Si des différenees se craintes du fait de la concurrence. «La révolution, e' est moí », dira-t-il a u
refletent dans l'appréhension des parametres seientifiques objeetifs, c'est gauchíste Alaín Geísmar, rajoutant : «Vous rendez ma révolutí on impos-
qu'il y a quelque ehose qui ne va pas » 13 • Mais Serge Lebovieí s'oppo- sible, et vous m'enlevez mes dísciples» 17 •
sera a la psychíatrie mondiale - di te péjorativement « anglo-saxonne »
paree que, dans le monde scientifique, 1'outil de communication est Quelques années plus tard, apres l'épísode 68, quand la houl c s' apai -
depuis longtemps l'anglais, y compris pour les japonais, quoique le sera dans le liquide révolutionnaíre de circonstance, chacun occupcra des
«saxon» soit aujourd'hui rarement employé ... - , e'est-a-dire a sa positíons jugées dignes de sa pointure, qu'íl estimait lui reveni r dans la
nomenclat~re nosographique internationale, jugée trap «adaptative». 6 hiérarchie de la société, puis s'étant appropríé un pouvoir qu ' il n' aurait
tempora! O mores! pas eu aussí facilement sans le marxisme ou sans la psychanalysc,
rentrera dans les rangs du nouvel ordre social qu ' il s'était fabriqu é.
La ligne du partí changea done ala mort de son maitre Staline et dans Les élites de la vieílle garde freudienne, qui avaient exclu Lacan en
la foulée de la dénoncíation prudente de ses crimes par Krouchtehev en 1963, occupaient déja des places honorifiques cherement gagnées daos
1956. Les marxistes, prenant les psychanalystes tels les « idiots utiles >> 1' université fran¡;aise. lis étaient inamovibles. Des lors, les nouvelles
désignés a leur attention par Lénine, s'en rapprocherent et, témoignant génératíons et les dissídents du freudisme durent, attendant une heure
d'une excellente acuité diagnostique, assimilerent le freudisme a une plus propice, s'installer ailleurs, a l'uníversité nouvelle de Víncennes par
contre-culture nécessaire a leur stratégie, notamment dans la mouvance exemple, ou investir des ilots protégés, gráce au communiste Louís
de mai 1968. Althusser, quí obtint de Fernand Braud~l une charge de conférence et put
Les rapprochements entre les agítateurs et les psychanalystes ont été ouvrir a l'Ecole Pratíque des Hautes Etudes un sémínaire lacaniery des
soulignés par plusieurs commentateurs. On pouvait d'ailleurs passer sans 1964 (la ¡re interventíon fut «1' excommunícation »). Ainsí, l'Ecole
trop s'en rendre compte d'un campa l' autre, voire appartenir aux deux. Normale Supérieure devínt un creuset freudo-marxiste tres prisé des
Elísabeth Roudinesco occupe une place de choíx a la croísée des intellectuels activistes.
chemíns de l'histoire. Sa mere Jenny Weíss (épouse Roudinesco puís Le marxisme et le lacanísme s'épaulaient, mais l'entraíde pouvait
Aubry), fidele entre les fidel es de Lacan , étaít aussi la sceur eadette de déplaire a quelques-uns. La colere des justes 18 et les condamnations
Louíse Weiss, la célebre militante fémini ste du mouvement des suffra- morales souvent issues des rangs de 1' anal yse, se révoltant cette fois
gettes. Puís, Fran~oise Dolto psychanalysa durant quelques mois l'enfant contre le nouveau totalitarísme et l'adulation freudo-lacanienne, n' y
Elísabeth pétrissant de la páte ~~ modclcr, ce qui fixa le destin de l'histo- feront ríen. L'oppositíon contre l'idéologie sectaíre, a la fois ferment et
rienne du lacanisme. Elisabeth Roudincseo adhéra en 1969 au groupe produit de la décompositíon du monde occidental, qui - par Louis
lacanien et, de 1971 a 1979 - c'cs 1 ~ dirc entre l'ínvasion de la Tchéco- Althusser, Michel Foucault, ou Roland Barthes - a « infesté la scene
slovaquie et ceBe de 1' Afghani stan , cga lement au Parti Communíste parisienne » en effectuant « des opérations de diversion pour le compte
1 16 M ENSON( :J \S l•l{ UJI liFN .\ 111.\ 1( 111! 1 I >' I INI 1 11 ' o! N I 1 11 11\1 IIIIN \ J·<'I II /\ 11{1 ' 1 1\ ( ;1(/\N III ·. II .I.US ION 117

du Partí Communiste » et se scrvant du «s i •nil 1:1111 » pour 111asquer les Sa seul e innovation technique, jamais justifiée par un gain objectif de
monstruosités du stalinisme et du maoú;m · 1'1, ou c.: ncorc l'offensive hi cnfaits thérapeutiques, consista a écourter les séances, done a augmen-
contre Gilles Deleuze et Felix Guattari, ces « bravcs et imperturbables 1 ·r le nombre des patients par unité de temps, ce qui luí valut, en 1963,
professeurs de philosophie, devenus soudain prophetcs ele la schizophré- aprcs enquete officielle des autorités, « 1' excommunication majeure ». 11
nie des ci-clevant marxistes orthodoxes tentant cl ' asperger l'univers, e-n rut exclu , non de I'IPA, mais de la liste des didacticiens de la Société
dépit de toute économie, de leur flux libiclinal »20 , toutes ces gesticula- Franc;aise de Psychanalyse, au nom d'une durée minimale a respecter qui
tions ne pourront rien changer. Les attaques terribles des philosophes, 11 '6tait pas plus fondée sur la démonstration d'une efficacité supérieure
des spécialistes de l'érudition et de la linguistique 21 , les défections des de « la cure » standard. Cette radiation, qui ne lui interdit jamais d' offi-,
anciens défenseurs tout a coup clairvoyants et déc;us 22 , resteront sans l' icr ni de former ses semblables, emporta avec lui quelques alliés, dont
écho véritable. Car la coquille était vide. ¡:ranc;oise Dolto -le «dragon de Lacan», comme elle-méme se désigna
au congres de Rome en 1953 -,ce qui n'empécha pas non plus celle-ci
d , accéder a la gloire médiatique.
LACAN, ~YATOLLAH-KHAN
Dans les années 1970, un jeune médecin spécialisé en psychosomati-
Les révélations sur «Die u le Pere, J' Ayatollah-Khan », comme on se que, « héritier d'une cinquantaine de millions et en analyse chez Lacan,
plut a le qualifier, n'ont pas provoqué d'état d'ame chez ses dévots, avoue payer 400 francs des séances de dix minutes. 11 y retourne ( ... )
parfaitement informés. j usqu'a dix fois par semaine, ce qui représente une somme pouvant
atteindre deux millions anciens par mois d ' analyse», une dépcnsc
La psychanalyse de Jacques Lacan, de juin 1932 a décembre 1938, se énorme a l'époque. Mais « il considere une analyse avec Lacan co mmc
déroula daos des conditions chaotiques, du fait de particularités psycho- un investissement a plus ou moins court terme », car elle « lui pcrmctt ra
logiques telles que son analyste Rudolf Loewenstein l'avait considéré d 'emblée de pratiquer des tarifs plus élevés que ses confreres ... » 2 ~.
« inanalysable » et suffisamment détraqué depuis des années pour lui
refuser la titularisation. Lacan 1' obtint pourtant le 20 décembre 1938, Durant les dix dernieres années, de 1970 a 1980, Lacan continua ainsi
une semaine apres sa rupture avec Loewenstein et contre !'avis de celui- de soigner des malades et empocha effectivement, le plus souvcnt en
ci, grace a l'intervention d'Edouard Pichon -le gendre de Pierre Janet, especes, plus de quatre cents millions des centimes de l'époque gdlce a
l'ennemi de Freud. Lacan n'escomptait qu'un seul profit de son analyse: e ux, a raison de quelques mots, si le patient avait le temps de les pronon-
étre titularisé a tout prix. cer, par séance de quelques minutes en moyenne. Ses « analyses » se
Ce prodigieux génie- qui affirma avoir découvert la psychanalyse en déroulaient en voiture- sa femme trouvait qu'il exagérait lorsqu'il en
1932 avant d' avoir pris connaissance des publications freudiennes, sui expédiait trois le temps qu'elle garat la sienne - , dans un ascenseur, un
generis en somme, bien qu'il eut déja traduit Freud 23 , et que les milieux couloir, un bistrot, parfois sur un divan, quand il n' en introduisait pas
psychiatriques franc;ais fussent informés du freudisme depuis plus de simultanément deux par mégarde daos son cabinet, ou encore le long
vingt-cinq ans - pratiquait, comme les autres, J'analyse avant d'avoir d'un trottoir renouant avec la tradition péripatéticienne des années de
été analysé. Des 1931, Lacan avait proposé l' onction analytique a plomb du fondateur de l' église. Cette pratique était juteuse et trouvait
Marguerite Pantaine, atteinte d ' un état parano'lde, qui venait d'étre arre- évidemment d'ardents défenseurs 26, estimant dans leur plaidoyer que ces
tée en plein théatre lors d'une tentative de meurtre a !'arme blanche sur acrobaties eurent !'excuse d'avoir été étalées au grand jour et d'etre le
la personne de la comédienne Hu guette Duflos. Mais Marguerite fait de la plupart des psychanalystes, imitant fidelement ce «génie
Pantaine, dont Lacan fera son célebre e as « Aimée », 1' avait refusée. Elle méconnu et méprisé » et « hors du commun » 27 . Bref, « tout est permis. 11
trouvait en effet «Lacan trop séductcur et trop pitre pour luí faire est 1' anal yse » 28 .
confiance», selon les termes du lils de cctte derniere, le psychologue Jacques Lacan, inventeur de la «forclusion du nom du pere» pour des
Didier Anzieu, lequel a son tour entra en analyse avec Lacan en janvier raisons apparemment autobiographiques, pouvait étre !impide s' il était
1949, sans savoir que sa mere étair « Aiméc», un montage méconnaissa- opportun d' étre bien entendu. En 1956, un article tres violent de lui
ble24.
contre la bureaucratie de l'IPA faisait comprendre, ad horninem, que « Ce
JIR MENSONGI \S H(l : lJilii ·.N .~ 111\ llllll l 1t 1 1 1~ 1 1ti './ NI 1tllMA IION ~ ( · ( 'l i iAIRI : 1 1\ 1.1(1\NI )I 11 1 I IS ION .1 1'1

cadavre sous hypnose el en hibcrnation » l-ta11 nunhk de « .Suflisances, nalytique n'a été public p¡¡r Jaeques Lacan. La bibliographie des
de Petits-Souliers, de Bien Nécessaires, et de Héatitudes »2'>. En 1961, la •< Écrits » est égalemenl vide, car les références extérieures sont inutiles
direction de l'IPA est tres intelligiblement un << imhalayable fumier>>, au psychanalyste «qui ne s' autorise que de lui-meme» 32 .
Hartmann (notoriété du Mouvement et collaborateur de Rudolf Loewen-
stein) «un crabe avide de considération », Erncsl Jones « un petit galiois Des 1963, meme le communiste Louis Althusser avait confié a ses
revanchard » ( évidemment : voir plus bas, en 1936, a u con gres de ele ves que «si vous allez au séminaire, vous y verrez toutes sortes de
Marienbad), les hommes de 1' orthodoxie «des froussards fuyant devant gens en priere devant un discours inintelligible pour eux. C'est la
les femmes», c'esHt-dire Melanie Klein, Lampl de Groot, Anna Freud méthode du terrorisme intellectuel» 33 . Dix ans plus tard, le psychana- ,
( « raidie, précautionneuse et traquée ») et Mari e Bonaparte («un cadavre lyste René-R Held avait une vision nette de la manipulation des foules
ioneskien »). Ces propos sont tous de Lacan, et ces personnages sont tous par les preches Iacaniens, «par les vertus magiques d'un verbe prenant
intervenus dans 1' enquete qui le condarruiera. systématiquement a rebrousse-poil les regles syntaxiques et sémiologi-
ques d'une langue qui pourrait etre intelligible, ce qui ne saurait etre
Mais la littérature lacanienne a prétention « scientifique » o u d' ensei- toléré a aucun prix, la se produisent d'intenses échanges affectifs croisés
gnement était d'un ordre différent. L'illisibilité était une tactique, qui qui n'osent dire leur nom. Ut, sous le regard fascinant chargé de "mana"
obligea néanmoins a plusieurs reprises au retrait de ses articles de la de leur prophete ... ou de leur gourou, les nouveaux catéchumenes du
publication. Des 1938, un article pour l'Encyclopédie Fran~aise est Séminaire lacanien, dans l'attente d'une grande révélation, tenus a l'abri
retiré, puis un autre en 1955- devant justifier les raccourcissements de d' émotions insupportables par les vertus protectrices d' une langue
la cure, et destiné a l'Encyclopédie Médico-Chirurgicale a la demande incompréhensible, aux distorsions incantatoires tres calculées, imaginent
d'Henri Ey ---:-, puis un 3e encore, «Kant avec Sade», ou il fait de Sade que leurs espoirs, toujours dé~us et toujours renouvelés, seront, a la fin
un exégete de Kant, est écarté par Jean Paulhan en 1962, mais il sera des "Temps séminaristes", enfin comblés! C'est l'attente tiévreuse de
quand meme repris en 1963, apres correction. cette "communion transférentielle de groupe", d'une exégese totale et
définitive des "Évangiles lacaniens", qui fait courír, vers cette atmo-
~éputé inintelligible et amphigourique meme pour Heidegger - qui sphere a la fois charismatique et un tantinet luciférienne, les innombra-
estima, avant Noam Chomsky, que «ce psychiatre a besoin d'un bles auditeurs et admirateurs de Jacques Lacan »34 .
. 30
psych tatre» - , Jacques Lacan affectait une extravagance comporte-
L'inintelligibilité est l'instrument d'une persuasion collective, ou
mentale et de style qu'on a considéré comme une coquetterie de gourou,
d'une transe hypnotique de masse. Ce qui fit mériter a ses idólatres -
mais qui dévoila sa nature avec 1' age, malgré la protection de la célé-
« regardez-les, ils ne comprennent ríen, il y a un tel vide dans leurs
brité. La biographie de Roudinesco (1993) contient tous les ingrédients
yeux : je suis absolument sur qu'ils ne comprennent ríen» -la qualifi-
nécessaires aux diagnostics. Mais, en 1987, Raymond Tallis avait déja
cation tres accessible de « petits minuscules » par leur maitre, lequel
co~sa~ré un article a l'état mental de Lacan, qu'il résumera de fa~on
ajoutera, a Roman Jakobson, la constatation finale : «Tous mes éleves
lap1dmre en mars 1996, dans la grande revue médicale The Lancet :
sont des cons ». Lacan est pourtant en censé par les ténors de l'intelligent-
« Peu de psychanalystes sont aussi ouvertement psychopathes que Lacan,
sia faisant semblant de 1' entendre.
le plus éminent disciple fran~ais de Freud » 31 .
L'anthropologue Claude Lévi-Strauss fut plus vigilant et, ayant assisté
L'hermétisme lacanien était une méthode de manipulation des adora-
a une de ses homélies, il ne remettra plus les pieds au séminaire. « J' ai vu
teurs captifs, maintenus dans l'attente d'une illumination, ou de la solu-
fonctionner», dit-il, «pas mal de chamans dans des sociétés exotiques et
tion future d'un profond mystere. C'est ce que Fran~ois George, dans
je retrouvais U\ une sorte d'équivalent de la puissance chamanistique.
son brillant pamphlet de 1979, appcla L'Effet'Yau de poele de Lacan et
J'avoue franchement que, moi-meme l'écoutant, au fond je ne le
des Lacaniens. Le mystere est qu ' il n'y a pas de mystere, et aucune révé-
comprenais pas. Et je me trouvais au milieu d'un public qui semblait le
lation n'advint car il n'y avait rien a révéler. C'était la, dans l'amphi-
comprendre »35 .
gourí, le jeu de mots, et les contrcpeteries refusées par 1' Almanach
Vermot ou le Canard Enchaí'né, une technique masquant également la Et Lacan avait prévenu les étudiants qui le conspuerent, a l'université
vacuité total e des « études » lacaniennes : aucun cas de clinique psycha- de Vincennes en 1969 : «Ce a quoi vous aspirez comme révolution-
320 M ENSONG ES H<El ii>II ·.NS III S IIliHI l l l ltH 111 .J rHII IIMI\I IIl N SI·CI II .I\ IRI ' 1.1\ <; ItA NDE II .I.US ION 12 1

naires», tonnait-il, «C'est a un Maftrc. Vou s l' ulli'l'i'.>l 111 • lk fail , ils I'eu - en peignoir défait, en présence de son coiffeur et de sa manucure. Ses
rent et ne furent pas dé~us : « le texte sacré voulant di re que les puissan- n ises de fureur, ses coups de poing, ses bruits corporels, sont autant de
ces d'en bas résonnent a l'invocation de la parolc. C'cst la( ... ) ce que la subtiles interventions thérapeutiques qui « donnent longtemps a penser,
voix divine fait entendre dans le tonnerre : Soumission, don , griice. Da ct que ~a fasse son chemin ». 11 ne les reconnalt plus, les confond, peut se
da da. Car Prajapati a tous répond : "vous m'avez entendu"»37_ - préc ipiter sur une personne et se moucher sur ses vctements, tirer la
chevelure d' une autre («vous allez parler, oui ! ») laquelle, née a Sétif en
A partir de 1974, la logomachie va transformer «le discours lacanien 1\ lgérie, entendra en !armes l'interprétation d'un fidele (« Lacan t'a tiré
en une bolte a miracle pour sectes messianiques » 38 , et devenir une schi- ces tifs») qui !'a certainernent réconciliée avec la psychanalyse dont elle
zophasie asyntaxique jaillissant des ténebres de l'inconscient, du vc nait de rencontrer le dernier et le plus représentatif héros de sa mytho-
royaume d'en bas. Lacan est l'inconscient. Car, dit-il en 1978, «c'est log ie apres Sigmund Freud.
que n~us sommes z'hommes. LOM : en fran~ais ~a dit bien ce que ~a
veut dtre. 11 suffit de l' écrire phonétiquement: 9a le faunétique (faun ..), a Comme le fait plaisamment remarquer Jacques Corraze, dans un arti-
sa mesu~e : l'eaubscene ... Hissecroibeau a écrire comme l'hessecabeau clc dévastateur sur la mystique du Moi-peau de Didier Anzieu, « le délire
sans lequel hihanappat qui soit ding! d'nom dhom. LOM se lomelise a demeure la seule activité mentale d'un esprit qui, ayant évacué sa subs-
qui-mieux-mieux. Mouille, lui dit-on, faut le faire : car sans mouiller pas tance et les príncipes de la logique, s'accroche a une seule idée, comme
d'hessecabeau »39. les dernieres molécules d'un gaz sont soudées a la paroi d ' une enceinte
ou l'on a fait le vide »43 . Continuant de faire l'objet d ' un véritable culte,
L' aveuglement des zélotes a la démence qui S, aggrave au mili e u des Jacques Lacan ne pouvait pas etre un homrne comme un autre et aucunc
années 1970 n'eut d'égales que la dissimulation par ses proches et fa iblesse organique ne devait avoir de prise sur lui , qui continua jusqu 'a
l'ignorance du Conseil de l'Ordre. Les médecins de ses relations - la la fin, parlant au papier peint ( « Papillon! », lui dit-il ), éni gmatique, trcs-
mere d'Elisabeth Roudinesco, Jenny Weiss-Aubry, par exemple - , qui sant avec des bouts de ficelle entrelacés ses nceuds borroméc ns, dont
oserent so~p~onner qu'il perdait la tete, furent victimes d'une campagne toute la chalne se défait quand on en tire un seul, sans entendre des mala-
de calommes suffisante pour étouffer cet autre «grand secret». Noam des qui ne l'avaient jamais compris.
(_;:homsky avait déja fait le diagnostic, lors d'un voyage de Lacan aux Mais Prajapéiti a tous répond : vous m 'a vez entendu ?
Etats-Unis en décembre 1975 40 ou, incapable de se faire comprendre des
autorités du MIT et de l'université de Yale, il se montra également inapte Le mercredi 9 septembre 1981, quand la nouvelle de sa mort tomba
a répondre a des questions autrement que par association illogique de sur les téléscripteurs, la stupeur du peuple fut suivie de 1' incrédulité des
mots par consonances, ce qui l'eut fait considérer comme un grand adorateurs, puis de réactions de détresse irrationnelle semblables acelles
malade dans n'importe quel milieu neuro-psychiatrique, s'il n'avait été observées lors de la disparition de Staline. Sigmund Freud et Jacques
Lac_an, continuateur de la légende et d'une politique du mensonge qui Lacan eurent leurs souffrances abrégées, le premier a sa demande (et
avatt encore grand besoin de son idole vivante. avec l' aval d' Anna) avec une forte dose de morphine par son médecin
Max Schur; le second avec du potassium. Mais les ti deles refuserent
Car Lacan perd sa salive, et la parole par éclipses. Confus et d'admettre que les forces biologiques puissent avoir raison a 80 ans du
désorienté, négligé, sujet a des automatismes moteurs et a des acces de corps de Lacan, croyant a une nouvelle perfidie de ses ennemis, lache-
rage, a des suspensions de la conscie nce et de la mémoire, il n' écrit plus ment glissée sur les anteones de télédiffusion, par ceux-la meme, les vils,
et n'entend plus. Il est un simulacre désarticulé, pathétique, qu'on qui avaient osé rendre publiques des informations méchantes sur la
déplace dans les cocktails ou, inerte et aphasique, il ne reconnalt plus fréquence élevée des suicides sortis des divans de l'école lacanienne.
personne. Tout cela «Sans jpmais pcrclr·e la totalité de sa lucidité», nous
rassure une admiratrice 4 1! Car « on di sait que le maltre faisait expres de Colette Chiland avait, parmi d' a u tres, noté que « les suicides sont
se taire, pour mieux écouter. qnc sa lucidité était toujours intacte et son fréquents dans l'École Freudienne de Paris» 44 et Balmary, en 1979,
oreille sublime» 42 . La foulc de s paticnts continue de se presser pour qu' « il faut un réel courage pour simplement énoncer dans certains
bénéficier, avant l' échéancc. de l' anal ysc du grand homme. Oreille milieux psychanalytiques les noms des victimes qui circulent ». Juliette
sublime mais demi-sourdc, il k s 11\·o it , au ré veil, braguette ouverte, ou Labin, jeune analyste « symbole de ce que la psychanaly se avait produit
322 MEN SON(ii 'S I·RI ·.l lllii ·NS 111 \ 1111111 11 IIN I 111 • l tH 1 1 1 1~ 1 ·\ 1 1< IN \1 •( 'l 11 A JI{! ·, I.A c;RAN IW II.I. USION .12.1

de meilleur» 45 et qui avait sur son divan lllll' llllllll'IIM' dil'utclc rcscapée " Roudinesco (1994), Généalogies: 37 et 49.
des barricades de 1968, se voit re fu ser 1' agr nwut , appt'll- « la passe » - " Roudinesco ( 1993) : 439.
"' Roudinesco ( 1993) : 438.
sorte de tribunal inquisitorial destiné a honorcr ou ; n:jclcr le candidat au " Roudinesco (1993) : 430.
titre de psychanalyste- et met fin a ses jours c11 mars 1977. Quelques " Le tres honnete Fran¡;;ois Roustang (1976), par exemple.
jours plus tard, Jeanne Favret, membre du cénaclc lacanien, démis~ ,., Propos de Cornelius Casloriadis, cités par Roudinesco (1993) : 497.
sionne, car dit-elle, celle dont elle avait « depuis toujours, aimé la vita- "' Cornelius Castoriadis, ibid.
11 J.F. Revel (1957, 1968); R. Pommier (1978); F. George (1979); etc.
lité, le rire et l'insolence, s'était tuée peu de temps apres avoir été prise, 11 q: l'indulgence tres sélective de la lacanienne communiste Catherine Clément (1978),

comme bien d'autres, dans cette machine a mouliner les sujets qui se par exemple.
nomme la passe ( ... ). La passe ne peut produire que des éleves, des morts 11 JI s'agissait de << Über einige neurotische Mechanismen bei Eifersucht, Paranoia, und

ou des fous »46 . lf o mosexualitat>> de Freud (1922), cf Roudinesco (1993) : 101.


~·· Roudinesco ( 1993) : 79, el sur le cas Aimée-Marguerite, ibid. : 57 sq. Anzieu arreta
uurant l'été 1953, puis eut droit a une 2• «tranche>> didactique avec Georges Favez.
Bref, comme le disait Fran9ois George, « Lacan, semblable a cet 1' Dominique Frischer (1977) : 246.

épicier de Maree/ Pagnol qui écoule sous l'étiquette de produits exoti- "' Roudinesco (1993): 499.
ques des anchois avariés, du désastre se fait une spécialité » 47 • " /bid. Roudinesco ajoute d'ailleurs : << Dolto et Lacan avaient du géni e, alors que lcurs
homologues n'avaient que du talent>> (1993 : 323).
1' Cité par Turkle (1978) : 276.
1'1 Lacan, Situation de la psychanalyse et formation du p.l'ycfwrw!y.l'tl' 1' 11 1 9~6 .

~~ Roudinesco (1993) : 306.


11 Tallis (1 996), Burying Freud: 270. Cf Tallis ( 1987), The Stmrtw· Co , .,. o/ ./111 t¡tll'' 1

' 2 J. Lacan, <<Proposition du 9 oclobre 1967 sur le psychanal ysh: dr l'n olt· ... .\',tltu•t,
NOTES 1968 : 14-30 (et Analytica 8. Supplément a Omicar'1, 197K : 1.~) .
11
Cité par Roudinesco (1993) : 397.
1
Freud a Ludwig Binswanger, qui lui demandait pourquoi les analystes étaient si extrava- 14 René-R Held, Le Monde, 5 avril 1973, p. 21. Le memc jmu , d:" " la .,,..,,.. 1'•11'' "' 11

gants (Correspondance Freud-Binswanger: 188). quotidien, le spécialiste Georges Mounin écartait toutc prétcrllion dr t urun •.1· 1 1 1111111 1
2
Le Japon, ou une société de psychanalyse fut fondée par Yabe et Otsuki a Tokyo en de la linguistique. Plus tard, on l'éliminera des prétentions •ualh 1111111qn n
1928, possédait une trentaine de membres IPA en 1992, de meme 1' Australie. Sur la " Entretien de 1985 cité par Roudinesco (1994 ), vol. 2 : 37 1.
16 «L'impromplu de Vincennes>>, Magazine Littéraire, 2/1977, 11 " 12 1, p .'•1
Russie, voir James Rice (1993), Freud's Russia; Ellenberger (1970) : 820 sq.; Turkle
(1978); Fuller Torrey ( 1992); Roudinesco ( 1993 et 1994), vol. 1 el 2; Ohayon ( 1999) ; 37 J. Lacan, dernieres lignes (p. 207-208) de «Fonction el ·h:nnp dr lu p 1n11l1 · 1 1 d11

Miller, M. A., Freud and the Bolsheviks. Sur 1' Amérique : Roudinesco (1994) : 178 sq., langage en psychanalyse>>, texle du congres de Rome de scp1~1nh• c 1'1 ', \ n11 h 111 ~"1"·
puis l'analyse vigoureuse de FullerTorrey (1992) et surtout les deux imposantes études de Dolto apparut en petit dragon.
Nalhan G. Hale (1971 et 1995). 38 Roudinesco (1993) : 439.

' La Nouvelle Critique, 7: 6/1949, dans l'article signé par Lebovici cité plus bas. 39 Lacan, cité fidelement par Roudinesco (1993) : 483 (orthograph d'o• ig 1n · !).

" e¡: l'épilogue de Turkle (1978).


4 4
Flem (1986): 91; Bertin (1989): 281-282. Sur le reve du chat de Choisy, cf le redoula-
41
ble Scharnberg (1996), vol. 1 : 139 sq. Maryse Choisy est décédée en 1979. Roudinesco (1993) : 516.
5
Roudinesco & Plon (1997) : 241. 42 Roudinesco (1993): 515.
6
Freud ( 1932), Neue Folge der Vorlesungen ... : 238, 239. 43 Corraze (1998) : 59 n l.
7
Cf Paul Johnson (1988) : chapitre 3. 44
Le Monde, 9/2/1980.
• Yerushalmi (1991) : 28. 4 ' Roudinesco (1993) : 494, et Roudinesco (1994), vol. 2 : 636 sq.
9 46 Jeanne Favret-Saada, Temps Modemes Uuin 1977), citée par Van Rillaer: 206. Sur ce
<<Fin de la psychanalyse>>, La Pensée, 3. Politzer signa son pamphlet anti-freudien sous
le pseudonyme de Th.W. Morris, un médiocre anagramme de Maurice Thorez, sans doute terrorisme intellectuel de la passe, cf Turkle : 162 sq., et Roudinesco (1994), vol. 2 : 450
pour saluer le secrétaire général du partí communiste fran¡;;ais . Car, le 4 octobre 1939, sq.
47 George (1979), L'Effet' Yau de poéle : 71.
apres le pacte Gerrnano-Soviétique du 23 aoOt , M. Thorez venait de déserter, en suivant la
ligne du Komintern, pour se réfugier en Bclgique, puis a Moscou en mai 1940.
10
Sven Follin, «Bilan de la psychanalyse>>, La Nouvelle Critique, 27, juin 1951 : 43.
11
« Autocritique. La psychanalyse, idéologic réactionnaire >>, in La Nouvelle Critique, 7,
juin 1949 : 52-73. Cf S. Turkle ( 1978) : 11 9 ct 126 note 34; Roudinesco (1994), vol. 2 :
196 et 261 ; et Ohayon ( 1999) : 338 .l'q.
12
Cité par Roudinesco ( 1994), vol. 2 : 250.
13
Lettre de Freud a Ferenczi, 8!71191.1 .
Chapitre 15
La déréliction du freudien
dans son monde virtuel

<<La science ancienne refusait de reconnaltre


l'instinct sexuel chez des adultes. La science
nouvelle admet que le nourrisson éprouve déja
de la volupté sur le pot. La conception ancienne
était meilleure. Car la contredisaient au moins
certains di res des intéressés. »

Karl Kraus'

Á TRAVERS LE MIROIR

Jacques Lacan est, je crois, l'un de ceux qui ont le mieux compris l'cs-
sence et l'intéret du montage psychanalytique. L'inconscient est organisc
par lui comme un langage, mais un langage qui commencerait par répu -
dier les lois de la linguistique, puis celles de la logique, et ignorant la vic
réelle. Rappelons l'acrobatie pseudo-mathématique qui l'autorise, devant
son parterre émerveillé, a définir «la significatiOn», «Selon l'algebre
dont nous faisons usage », dit-il, par la racine carrée de moins un!, la
« signification » devenant des lors une valeur imaginaire et proprement
farfelue qu'il s'empresse d'assimiler a un organe érectile, sans doute
paree que la vérité du psychanalyste est aussi élastique que ce mol acces-
soire anatomique 2.
Son fameux «stade du miroir» est également une invention locale se
dispensant de toute évidence initiale, qui a résisté ensuite a toutes les
démonstrations du contraire, et que l'on continue malgré tout d'ensei-
gner dans les universités fran~aises comme la grande découverte. Le
stade du miroir est «un fait de psychologie comparée» révélé «daos
l 'expérience psychanalytique » de Lacan, mais de lui seul, qui n' a jamais
tenu compte de la psychologie comparée 3 • Il est surtout une fiction
narrative, et n'a pas plus de substance que le Monstre du Loch Ness.
L'incantation psalmodiée lui a peut-etre conféré l'existence dans la
conscience des naifs mais il n'apparalt toujours pas dans la réalité
psychologiq ue.
326 MENSON C;ES I ·REt i i>II ·NS 111 ~ 10110 111 11 11 111 '.! l~ l< >lli\. 1 1\ II ON S (·: C I II.AIIO ·. 11 1

Il y a quelques années, une notori 1 • de la p .~yc hwtr il: 111~diatique fran - « Jacques Lacan, dont il faudra un jour montrer le génie en maticrc
<;aise vint de Provence enseigner aux jcuncs g ~ncrat ious hospitalo-uni - d'éthologie» 6 , ignorait l'éthologie qu'il avait falsifiée et n'avait bien
versitaires de la région toulousaine les rapports intimes qu'entretien- e11tendu psychanalysé aucun enfant a l'époque qui lui aurait permis le
draient la psychanalyse et l'éthologie4. Le public ébahi s'absorba dans Ia eas échéant de fournir quelques « observations » dignes de recevoir sa
révélation audiovisuelle (avec diapositives) d' une éthologie devenue <·onstruction du miroir : aucun fait extrait du monde réel n'était vrai -
source scientifique d'inspiration majeure pour la psychanalyse, qui ne l'a mcnt utile. Quand, plus tard, les faits ont été rendus accessibles par la
jamais ignorée. Puis l'orateur affirma que Jacques Lacan avaít fondé sa psychologie du développement, démentant le «stade du miroir » d ·
fabrication du stade du miroir sur les travaux de Gallup. 1.acan, le montage merveilleux poursuivit inexorablement sa carrien:.
indifférent aux évidences les plus communes, car il s'en est dispensé
De la salle, un auditeur informé fit remarquer qu'il aurait été tres diffi- depuis le début. La logomachie du Sacha Guitry de la psychanalyse7
cile a Laean de tenir compte, en 1936, d'expériences réalisées par mais Guitry avait de !'esprit- nous rassure : «Les non-dupes errent ».
Gordon G. Gallup sur le chimpanzé dans les années 19705. /\u nom du Pere a tous, les affabulations de Jacques Lacan eurent en
cffet de grands successeurs.
. Au silence pesant de l'auditoire succéda son indignation brisant la
paralysie du respect aveugle dú al'autorité de la chose sacrée, comme si,
tout a coup, cet énergumene dérangeait le recueillement d'une mosquée LA TRANSFIGURATION DE BRUNO BETTELHEIM
par la promotion de la charcuterie. L' information était un inimaginable
blaspheme. L' orateur proven<;al, en habitué roué du transport de la
Le tragique destin de Bruno Bettelheim est une autre illustration du
« vérité narrative » et disposant d'un culot de cuir, ne se démonta pas : le
pouvoir dissociatif du freudisme. Sa virtualisation narrative et emphati-
Gallup dont se serait inspiré Lacan était, en effet, répliqua-t-il, le pere de
que dans la presse populaire, par d'innombrables ouvrages et articles
celui qui réalisera les expériences pres de trente-cinq ans plus tard!
élogieux, en tirent d'abord une gloire tres prisée de l'édition. Par exem-
Dans un livre de Nikos Kazantzakis, le pere Yannaros se voit présenter ple, la traduction fran<;aise de «La forteresse vide», en 1969, assura a
dans un monastere le crane de Saint Kyrikos. 11 s'étonne : mais enfin, elle seule un chiffre de vente impressionnant pour ce genre de littérature
dit-il au moine, je ne comprends pas, l'autre jour, on m'a montré le crane puisque plus de cent mille exemplaires furent vendus en un temps tres
d'un enfant et l'on m' a affirmé que c'était celui de Saint Kyrikos! Oh, bref, alors que sur la méme durée, l'édition originale ne dépassa pas
répond le moine, alors ce devait erre le crane du saint quand il était quinze mille unités aux États-Unis ou les lecteurs potentiels sont cim1
petit... fois plus nombreux. Ensuite, il devint une vedette tres bien vendue dans
la diffusion électronique de masse a laquelle on consacra des émissions
Pour autant que le pere de Gordon Gallup n'ait pas été bonnement régulieres sur notre territoire, bien qu'il fut plutót marginal dans son
quincaillier daos le Bronx, ou bien le créateur du célebre institut de pays. L'homme Bettelheim adhéra a cette valorisation cathodique et
sondage, il reste que, dans notre pauvre monde réel, il est hautement graphique : tous avaient a y gagner, et se justifiaient réciproquemcnt
improbable qu' il eút connaissance d' expériences exécutées un tiers de dans la communauté virtuelle.
siecle plus tard par son fils putatif, et qu' il instruisit alors Lacan en 1936
de publications faites a partir des années 1970. Manipulation dans le Il faudra attendre le suicide, en mars 1990, de Bruno Bettelheim, qui
fantasme, cette nouvelle invention narrative, tout simplement un brico- s'asphyxia dans un sac en plastique, pour que l'on osat rendre publique
lage mensonger d'un psychanalyste proven<;al, permet de sauver ce qu'il un autre message. De nombreux journaux et périodiques publierent des
restait de la premiere galéjade. Gallup passa a travers le miroir apres lettres sur celui qui avait pu, tout en prétendant proscrire ces comporte-
1970, et rejoignit Jacques Lacan le lundi 3 aout 1936 au congres de ments, recourir a la violence physique dans son activité thérapeutique
Marienbad pour le conseiller utilcmcnt aux fins d'édification de la crédu- sur la personne des malades, et terroriser ses collaborateurs pendant les
lité future, juste avant que cclui-ci ayant dépassé son temps de parole trente années de son regne sur l'école orthogénique de Chicago. Un
et naturellement interrompu par Erncst Jones, ce qui rendit Lacan assez long article de Charl es Pekow (Washington Post, 26 aout 1990)
furieux pendant trente ans. faisant de .Iones « un petit gallois revanchard » rapporta de nombreux témoignages d'anciens patients et de membres de
- ne quittat l'audience pour ass isll.'r aux jeux olympiques de Berlín. son personnel faisanl état de brutalités et de mauvais traitements dont ils
328 MEN SONGES I·RH II>II ·NS III S 11 Hl<l 11 11111 111 ', lflltlii~ I ·\I I O N \ 1 < 'I II .A IRI · I.A Di;R í·:U ("''ION llli i·RI· I IIl ll N l lANS '-:ON MOND I: VIR'I'UEL 329

furent victimes de la part de Bettclhcim . ll cl:ul " "" vrar salaud . un des De la meme fa~on , il alléguera, en 1969, dans un texte ( « The Children
pires individus que la psychanalyse ait jarnai s produit "· sd on le psycha- of the Oream ») consacré aux enfants des kibboutzim, avoir fait en Israel
nalyste Kenneth Colby 8 . Darnton (Newsweek. 1O scpl cmbrc 1990) le dcs relevés soigneux pendant sept semaines (en fait un mois tout au plus)
qualifia également de « Beno Brutalhe im ». JI dcvicndra « Borrowheim » grflce .a des en~retien~ avec plusieurs ce?taines d'indivi~~s (au ~a~im~~
(l'emprunteur, si l'on veut) sous la plome d ' AJ an Dundes (Newsweek, 18 une cmquantame), hvrant des conclus1ons fausses qu ti possedmt deJa
février 1991) qui rapporta, ce qu 'on savait depui s 1978, le plagiat éhonté avant toute étude et ne reniera jamais ma1gré le démenti des savants.
et indiscutable d'un livre de Julius Heuscher par Bettelheim dans sa Oulre ses affabulations sur les conditions de ses détentions, il prétendra
« Psychanalyse des con tes de fées » de 1976, ce qui n' e mpecha pas ce aussi devoir sa libération de Buchenwald a l' intercession personnelle
dernier ouvrage de recevoir de nombreux prix littéraires, dont le fameux d'Eieanor Roosevelt, l'épouse du président, et a l'intervention d ' Herbert
National Book Award, et de tres bien se vendre, notamment en France9 . Lchman , le gouverneur de New York. ll savait que ceux-ci n'y étaient
pour ríen, mais oubliera de remercier les véritables responsables.
ll était un tyran, mais aussi , comme vont le révéler les enquetes
biographiques de Paul Roazen en 1992 et de Richard Pollak en 1997, un Toutefois, les plus formidables morceaux de bravoure dans l'impos-
mythomane et un mystificateur, une sorte de Baron Münchausen, « une lu re et l'escroquerie vont etre en premier lieu ses currículum vitae, et en
invention flamboyante de soi-meme» 10 . seeond lieu la tiction, nécessaire a son idolatrie, d' une réussite thérapeu -
tique dans le domaine original de J'autisme.
D' abord, il se fabriqua un role de Juif résistant, modele de correction
politique qui donnera des le~ons de courage a ses coreligionnaires présu- Un doss ier de candidature 13 a l'université de Chicago forgea, du ra n!
més passifs sous la terreur nazie, déclenchant alors de violentes polémi- J'été 1942, i'illUSÍOfl d'un passé grandÍOSe s'ajoutant a J' inVClliÍOil d ' UJH.:
ques quand illes accusera d'avoir été complices de leurs bourreaux, tels résistance antinazie, dans un palmares destiné a dupcr les nrú'fs, don! i1
« des lemmings marchant par millions a u devant de la mort » 11 • Dans modifiera les éléments a plusieurs reprises en foncli on des bcsoins.
l' immédiat avant-guerre, Bettelheim aurait, de-cide-la, distribué en effet
de dangereuses conférences antinazies en Autriche et en Allemagne puis, Bettelheim se proclame membre de la Société de Musique Modcrnc dl'
apres I'Anschluss, été capturé lors d'une tentative d'évasion, dans un Vienne, personnellement conduit par Arnold Schonberg, el assoc i ~ de
avion moteurs en marche, et enfin été torturé pendant trois jours. En recherche en histoire du théatre pendant de nombreuses années. 11 ass urc
réalité, il n'avait pas été impliqué dans la résistance, ni été directement avoir pratiqué la peinture et la sculpture sous la direction des mei llcurs
concerné par les événements, n'avait pas quitté le territoire autrichien, et artistes du moment. Attaché au Bureau d ' Architecture de Vienne, profcs-
était davantage occupé a décrocher un diplóme indispensable a une seur de philosophie et d'histoire de l' art a l'uníversité, et assi stant de
carriere académique a laquelle il songeait depuis 1926. 11 fut arreté en recherche en antiquités romaines du musée de la capitale, il aurait
mai 1938 parmi 2.000 personnes paree qu'il était juif- « schutzhaftling voyagé en Europe et en Asie míneure pour effectuer des fouilles arehéo-
Jude » selon les termes de l'administration hitlérienne, cyniquement : logiques.
Juif détenu pour sa protection - et non du fait de sa résistance intellec-
tuelle contre 1' occupant. Quand Bettelheim affirme avoir été étudiant a l'université de Vienne
pendant quatorze années, il n'exagere que de dix ans pour couvrir la
De juin a septembre 1938, a 35 ans, il fut prisonnier au camp de période durant laquelle, sans discontinuer, il rempla~a en f~it son pen~,
concentration de Dachau, puis ju squ' en avril 1939, a Buchenwald, et décédé en 1926, dans une entreprise de commerce de bots. Il se d1t
s'installa sur le continent américain un moi s plus tard. Une soi-disant détenteur de doctorats en philosophie, en histoire de l'art, et en psycho-
enquete tirée de son expériencc cor1ccntrationnaire, que Bettelheim logie, avec mentions supremes « summa cum laude », maís n'~ut, ~n- mai
publia en 1943, le fera consÍdércr sa vic durant comme un expert en 1937, qu' un diplóme en esthétique du paysage (prétendument msp1re par
psychologie des conditions ex trerm:s. e n dépil des protestations vigou- le freudisme) sans aucune mentíon. Le doctorat de philosophie était
reuses des vrais spécialistes el des res ·apés des camps. Il y proclame a1ors, en février 1938, attribué sans these pour couronner des études
avoir interrogé plus de 1.500 priso nnins pcndant ces dix mois et demi générales a la faculté. ll s'ajouta quelques enseígnements de psycholo-
d'incarcération, ce qui étail nwl l' r idlnncnl imposs ible 12 • gie, vite interrompus par l'invasion.
1.1\ IJ ( R( I.I C"'' ION IHI 1·1( 11 11 111 N 111\NS SON MONI>E VIRTUEL 33 1
JJO MllN SON( iES I·IU •l /1HI ·NS 111.\ 1t IIU 1 l l I INI 111 '.!N I 11 1 1~ 1 1\ 111 IN S H 'l ll i\ 11( 1·.

Bettelheim avait, comme d'aulrcs, détruit ses d\)l.' llllll'Ht s el correspon- q11 ' rl admcura lui-meme lors d'une entrevue de 1988, pub1iée apres sa
: au moment de l' Anschluss, il aurait a peine commencé une
da~ce.s14 •. et _répugnait a fournir quelques détails bi(lgraphiques précis, l ltt ll l

mats JOutssatt de la contiance illimitée de ses admirat curs complaisants, p·.yl'l1analyse didactique 18 . Paul Roazen rappellera, en 1992, que Bette1-
lit ' llll n' a jamais été reconnu comme psychanalyste par les milieux offi-
a déf~ut de celle de son entourage. Ces assemblagcs mensongers, qui lui
' 11 b , k squels ont toujours gardé, publiquement du moins, une réserve
per.rrurent d'abord d'accéder au monde académique (Rockford Col{ege,
Chtcago ), longtemps non vérifiés et indiscutables, sont ensuite devenus ¡u t~ c knt e a son égard. L' lnstitut Psychana1ytique de Chicago l'avait enre-
officiels. ¡· r·.ll l- en tant que «membre non thérapeute», et le 1aissa malgré tout
1 Xt' l lT I' la psychana1yse, COOtrairement a SeS propreS regleS Car il n'étaÍt

Mais ce montage n'était pas suffisant : il luí faudra l'épaissir en p . t ~ non plus médecin.
couches successives, car l'école orthogénique de Chicago va s'offrir a
luí, a l'automne 1944. La proie est facile.Il certifie aiors aux autorités 1: att itude de la nomenklatura irrita vivement Bettelheim, qui attendait
qu'il possede également des compétences en psychologie sociale et en rrm· rt:connaissance, universelle et sans discussion, de son statut et de sa
éducation spécialisée dans 1' enfance inadaptée, et avoír enseigné ces ll'llonHnée. On lui reprochait ses exces, son irrespect de la théorie, ses
?isciplines puis dirigé des recherches en Autriche pendant douze ans, riiL' Ilsonges, son arrogance et ses sarcasmes vis-a-vis des notoriétés du
1111 Hlvement, y compris Gerhard Piers, qui avait pris une part détermi-
JUSqu'a l'Anschluss. Puis il se fabrique le passé, politíquement correcta
l'époque et avec le romantisme convenable, d'un psychanalyste formé a ll.l lll t: dans sa Jibération de Buchenwald sans jamais avoir été remercié.
l'école de Vienne. < ;('1hard Piers connaissait bien son passé, son mépris, ses affabul ations,
rl k savait intellectuellement malhonnete. Du fait de 1' omeruz des autori-
Le jeune étudiant Sigmund Freud aurait fréquenté un oncle de Bruno ln. du mouvement, aucune accusation publique ne fut lancéc. Mais, a
Bettelheim, puis ces deux camarades, voyez-vous, auraient fait leur p:1rt ir de 1961, les revues officielles refuserent de publier des articlcs de
service mílitaire ensemble, au moment ou les premieres générations de lk llclheim, car, en réponse aux demandes des comités de lecturc, il s'op-
psychanalystes étaient en culottes courtes ... Des parents de Bettelheim posail violemment ajustifier le contenu de ses exagérations. Le D1: 13. ne
étaient, bien entendu, des habitués de la famille de Sigmund Freud. ~ · autorisait que de lui-meme.
Bettelheim lisait Freud en cachette des l'áge de 13 ou 14 ans (sa
mémoire est infidele, mais il fut parmi les premiers) et fut aussitot L' école orthogénique de Chicago, dont il s' était emparé en 1944,
convertí au freudisme. Puís il avait posé sa candidature a l'Institut :1ccueillait, bon an mal an, une quarantaine d'enfants affectés de troubles
Psychanalytique de Vienne au milieu des années trente. Lors d'une t:t retards de natures tres hétérogenes. Malgré la diversité et la sévérité
séance de controle de ses qualités, en présence d' Anna Freud et de Paul des problemes initiaux, Bettelheim affirme a deux reprises, en 1950 dans
« Love is not Enough» et en 1955 dans «Truants for Life», avoir amélio-
Federn qui hésitaient, la porte de la salle s'ouvrit soudain pour faire
apparaítre le maltre des lieux. Freud le pere s'exclama alors : « Voila rés ou guéris plus de 80% de ses patients, son nombre magique, tout ~n
exactement l'homme qu'il nous faut.. . ! » 15 .11 n'y a aucune trace de cette assurant qu'aucune statistique n'était possible dans ces cas .. . De fmt,
candidature. aucune étude sérieuse ne sera réalisée pendant plus de 40 ans, a1ors que
les moyens et le recull'eussent permis, puisque les informations étaient
On soutient qu'il aurait entamé une analyse avec Richard Sterba 16. déja disponibles au début des années cinquante. Patrick Zimmerman,
L'événement se serait produil quelque parl entre 1926 et 1936, a l'épo- apres avoir compilé tous les dossiers des anciens résidents de l'institu-
que ou il était entierement absorhé par son entreprise de bois. Bruno tion entre 1944 et 1953, c'est-a-dire durant la période concemée par les
Bettelheim assure qu'il subit une analyse intensive pendant plusieurs propos de Bettelheim, montrera en 1991 que 1' immense majorité des
an.née~. Mais selon sa premi cre cpousc Regina Altstadt - qui connais- patients présentaient encore des perturbations évaluées par des crite.res
smt b1en les deux Sterba, Richard d Editha - , si une analyse person- objectifs au moment de la sortie de l' établissement, et que leur évolutwn
nelle a réellement eu lieu, a son insu, ell e n'aurait pu se dérouler que , . d d' 19
ultérieure ne justifia absolument pas les a11egatwns e son 1recteur .
pendant quelques moi s au mili ·u des années trente 17 • En fait, comme le
réve1e Annie Reich (la vcuvc dl.' Wilhclm ) dans un entretien avec Ces prétentions mensongeres, et sa mirifique biographie encore
Roazen, Bettelheim n' a pas h~ nl'l i~· i ~ d ' une formation analytique, ce améliorée, vont agrémenter en 1955 le dossier d'une demande d' alloca-
J 12 MI ,NSON(;f 'S I·I<I ·. IIIHI ·N.'i 111 \ 11111(1 lll lti l l ol ', l t HIIIII-1 IH lN Sl·('lll/\11<1: 1.1\ D,.:REI.I<'IION 111 1 IHi 111>11 N 1• \N', \1 IN MONI>I ' VIIUUI !l. 1\1

tion d'une bourse («Grant ») de la hmdat1011 Ford JHIIII 1111c rccherche 11JJH une jeune tille handicapée, Patricia Lyne, venue des États-Unis se
thérapeutique sur l'autisme. L'équivalcnt d ' un ruillrou el demi de dollars l:111e so igner, faute de mieux, par les milieux psychanalytiques viennois,
actuels, ce qui est énorme pour un si pctit nornhn: de paticnts, lui sera 22
t' ll l' occ urrence le couple Sterba . Bruno Bettelheim fut le seul, et beau-
attribué saos hésitation. L'octroi des fonds était subordonné a la rédac- mup plus tard, a qualifier d'autiste cette enfant. Il omit de mentionner
ti_on annuelle d'un rapport détaillé el circonslancié sur les dépenses et les l' rntcrvention de la psychanalyste Editha Sterba, et de sa propre femmc
re~ultats obtenus. Du début a la fin du Grant, tous les rapports seront au qui s'était profondément attachée asa protégée. Bettelheim ne s'occupa
m1eux approximatifs, au pire truqués et trompeurs 20 . Le premier est ¡arnais personnellement de l'enfant, mais assurera pourtant J'avoir fait ct
contredit par les courriers privés de Bettelheim (a David Rappaport, par a
que, gráce ses soins, elle acquit le Iangage, alors qu ' elle le possédait
exemple), ou il dit ne ríen avoir a montrer pour mériter le mécénat. La dl- ji\ en arrivant a Vienne a 7 ans. Pour faire bonne mesure, il ajoutera a
seconde année, il fait état des progres de douze patients, qui n'existent ~Pn palmares un autre enfant autiste, ensuite plusieurs autres 23 tous
pas. De 1956 a 1963, pendant toute lá durée du Grant, 6 patients et pré tcndument améliorés par son intervention des les années trente, alors
seulement 6 seront en effet qualifiés d'autistes sur un total de 48 admis- que Patricia Lyne fut la seule accueillie par les Bettelheim, et n'a jamais
sions dans I'institution de Bettelheim. Les comptes rendus s'amenuisent \' té diagnostiquée « autiste» par les spécialistes ni reconnue comme tellc
progressivement et le dernier, de quelques Iignes, renvoie sechement les par ceux qui l'ont rencontrée.
généreux donateurs a son travaíl, qui paraltra quatre ans plus tard ...
The Empty Fortress, la forteresse vide, publicatio n de 1967 qui le
Le 19 février de 1963, l'année du dernier rapport, Bettelheim est rcnclra célebre en Europe, fait la synthese de ses réflexions sur l'au ti sme .
accueilli en grandes pompes en une réunion académique protocolaire, et
honoré pour sa contribution « sans équívalent » au monde de 1' enfance 11 s'aventure dans J'étiologie de la maladie, et reprend les pm di gi1· 11 x
inadaptée. Les notables de haut rang et 17 journalistes bien placés assis- succes thérapeutiques de sa méthode qui garantit des réussitcs dan s XO%
tent «a la canonisatíon d'un Saint »21 , qui rappelle a nouveau publique- des cas, ce qui évidemment mérite toutes les félicitation s dithyra rllhl<flll''
ment que 80% de ses pensíonnaires continuaient de quitter 1'école ortho- car aucun traitement rééducatif au monde n'a encore aujourd ' hui to .\1'
génique sans probleme partículier.
prétendre a un te! triomphe 24 . « L' extraordinaire de 1'cxpé ri ' ll l ' C de
1:3ettelheim n'est pas seulement qu'il obtient ainsi des succcs ct lll('llll'
Gráce a u financement de la fondation Ford, a 1' admiration des foules des guérisons, mais aussi ce qu'il découvre et révele sur la genes· tk !:1
désínformées et des médias, il devint, en quelques années, le Pape de la maladie de ces enfants», put écrire Madeleine Chapsal dans sa prolllt >
psychanalyse des enfants, en partículier de ceux atteints du syndrome de Lion du Jivre en France25 .
Kanner, ou autisme infantile. 11 savaít tout, «bien avant que Kanner
~onne la premiere description de _l'autisme infantile précoce», selon Les résultats de l'école orthogénique sont inou'is, meilleurs que ccux
1 avant-propos du traducteur franr;ats de «La Forteresse vide», vraisem- de la concurrence de l'époque, en particulier d'Eisenberg el de Leo
blablement paree que, selon un procédé connu, Bruno Bettelheim Kanner. Bettelheim se réclame d'un total de 46 autistes traités, mai s n' en
informa en 1943 Leo Kanner de ses propres « résultats» prétendument retient que les 40 pour lesquels il a suffisamment de recul 26 . Sur ces 40
obtenus apres 1955. 11 est possible toutefois, mais les témoins hésítent, patients, 8, qui ne possédaient pas le langage a u départ, n' ont pas
que Bettelheim fílt passé derriere le miroir temporel au moment de la progressé favorablement, « malgré une amélioration » initiale. Les 32
rédaction de son expérience en 1967; on assure qu' il rencontra dans sa autres (soit 80% du groupe suivi) ont évolué de far;on tres satisfaisante,
forteresse vide Sigmund Freud chc rchant Albert Moll et Wilhelm Fliess et plus de la moitié d' entre eux (17) peuvent etre considérés comme
puis Jacques Lacan avec Gallup le pere accompagné de son guid~ « pratiquement guéris ».
provenr;al.
Quelques mois apres avoir pris sa retraite, Bettelheim résume - en
ll fit croire, en effet, qu ' il s'était occupé d'autistes des le début des 1974, dans « A Home for the Heart» - les 25 demieres années de
années 1930, avant tout le monde et avant mc me la définition du désor- l' école et assure avoir obtenu 85% de réussite. En octobre de la meme
dre « autisme infantile » par Kannl'l' en 1943. En réalité, sa femme année, dans une émission de la télévision franr;aise consacrée, comme
Regina, éducatrice d'enfant s. \'1 l11i rnl'mc. ava ient hébergé de 1931 a d'habitude, a l' é logc de Bruno Bettelheim, celui-ci atteste une victoire
JJ4 MEN S()NC:I :S I • HI ~U I lii':N S 1II S' I 011<1 111JN I 1o¡ •.trll<lll~ l " ''' 1N ~ H '1111\110 : 1.1\ l>(cld :l.l(' I'I ON 111 1 llti •I III II ·N 111\NS SON M ONDE Y IRTUEI. 3J5

dans 50% des cas d ' autisme, et dans H5 ~~, <ks cus pour 1' ·nscmblc des 1:all ait -il leur appliquer la meme regle? Un des cas les plus célebres
pensionnaires de l'école orthogéniquc de Chicagon. d' auti stes, fil s d'un membre officiel de la société britannique de psycha-
n:dysc - le cas « Dick» de Melanie Klein, qui con~ut le concept de
Tous ces chiffres sont tres étranges, commc le montrc I' enquete de .. 1nauvaise mere» - , fut encore en 1929 un des exemples des échecs de
Patrick Zimmerman en 1991. Entre 1944 et 1973, sur les 220 résidents 1,, psychanalyse. Nous n' avons toujours aucune preuve au début du XXle
que compta en tout l'école orthogénique de Chicago pendant les trente \ H'c lc qu'un seul patient souffrant d'autisme ait été seulement amélioré
années du regne de Bruno Bettelheim, seulement 13 pensionnaires (dont pnr la méthode freudienne.
6 pendant le Grant) purent recevoir le diagnostic d'autisme infantile en
recourant a une acception tres large dans sa définition. Et pourtant, 11 y avait quand meme la, outre l'imposture et la misogynie, un
Bettelheim, qui faisait le diagnostic précis et restrictif « sans hésitation », Jn anque cruel d' empathie et de compréhension a l'égard de ces familles,
prétend en trouver 46, puis que 80% des 40 patients suivis avec attention va r il est tout a fait extraordinaire qu'a aucun moment, on n'envisagea
ont été « améliorés a guéris » par ses soins ... D' ou viennent-ils? Qui qu e les parents puissent etre affectivement perturbés par les souffrances
sont-ils? lk leur enfant malade, ou par la culpabilité dont on les accablera pendant
des années. Richard Hunter, psychiatre et historien de la psychiatrie,
Parmi les cas évoqués et un peu décrits dans «La forteresse vide» -
:1va it noté en 1972 qu'il n'y pas d'autre spécialité que la psychanalyse
mais que les collaborateurs du Dr B. eurent beaucoup de mal a reconnai-
qui ait autant blllmé les patients pour leurs maladies, et pour sa propre
tre -,un seul avait re~u le diagnostic d'autisme a I'entrée de I'établisse-
111compétence thérapeutique 29 . Fuller Torrey, professeur de psychi atrie et
ment, et fait partie de ceux que Bettelheim élimine de son étude car la
longtemps haut responsable au National Institute of Mental Health ,
patiente n'était pas restée suffisamment longtemps. Et comment peut-il
1appelle aussi que dans 125 articles de la littérature spéc iali séc en
prétendre, a u milieu des années soixante, avoir traité «des centaines de
psychiatrie infanto-juvénile, inspirés par le dogme freudien de 1970 a
schizophrenes», alors qu'il n'eut qu'une minorité de schizophrenes
1982, les meres sont rendues responsables de 72 sortes de désordrcs
parmi les 220 malades de cette institution ?28
111cntaux chez leurs enfants ; aucune mere n'est déclarée émoti onncll c-
Comme ses prédécesseurs analystes, Bruno Bettelheim, « invention mcnt intacte, alors que la plupart des peres le sont 30 . Il est remarquablc
flamboyante de soi-meme», s'était créé des patients, une méthode théra- que les mouvements féministes, d'habitude plus vigilants et agress ifs,
peutique sans égale, et les effets correspondants. 11 restait a fabriquer les n 'aient pas jugé uti le de dresser 1' étendard de 1'indignation contre cette
causes originales ad hoc. idéologie. C'est pourtant a eux que l'on devait déja en grande partie la
répudiation, au milieu des années soixante, du modele freudien de la
Apres avoir donné aux parents d'autistes un formidable espoir de psychologie féminine, et non a une prise en compte, par la psychanalyse,
guérison, il les accable et les anéantit. Pour Bettelheim, les enfants sont des évidences scientifiques disponibles de longue date dans les enquetes
normaux mais rendus autistiques par un défaut d'amour dont les parents de la psychopathologie.
sont responsables, surtout la mere. L' expert aux compétences universel-
les, que tous ses lecteurs avaient des raisons de croire, n'hésite pas a La contradiction entre, d'une part, les travaux méthodiques sur l'au-
assimiler aimablement la condition de ces enfants a celle des prisonniers ti sme, consciencieux, plus modestes dans leurs prétentions, réalisés par
des camps de concentration. Et les parents sont rapprochés des gardiens différentes équipes dans le monde et aisément accessibles dans la publi-
nazis, car le désir destructeur est le meme dans les deux cas. Ce n'est pas cation intematíonale depuis de nombreuses années, et puis, d'autre part,
une bactérie, ce n'est pas un virus, mais la mere « mortifere» qui est la la légende indispensable a la politique psychanalytique, n'a pas encam-
source de cette destruction mentalc. 11 conviendra done de séparer les bré 1' esprit critique. 11 faut bien reconnaitre que les campagnes de déni-
autistes de leurs redoutables men:s rathogenes (c 'est I'opération de la grement diffamatoire, de ce qui était contraire aux certitudes officielles,
«parentectomie» !) et compenscr le dé fi cit d' amour par la thaumaturgie furent efficaces dans la majorité des cas. La soustraction active ou
analytique adéquate, toujours sa11 s ri vak. cc ll c de Bruno Bettelheim. passive de l'information, qui est avec le mensonge une arme de désinfor-
mation et de persuasion courante dans l'histoire du freudisme, permit
Malgré leurs immenses qu alit és, plu sil·urs analystes eurent I'infortune également de maintenir les non-spécialistes dans l'ignorance, done de les
d'etre eux-memes parents d'cnfanl s aut istcs, ou d' enfants a problemes. dominer, et consistait par exemple a retenir les traductions. Il est ainsi
.\ 1(>
l.t\ J)(CJ< f~ II< " II ON 111 1 110 1/f)II ·N Di\NS SON MON IH : VIRTIJEL 3J7

connu, qu'un psych.analyste franc,:ais tk hm11 , ung dans 1' 1PI\ a longtemps ,, •v u~· académique American Journal of Psychiatry - qu'etre analyste
bloqu~ la traductwn d'un ouvragc d'un dl"s rueilkurs spécialistes c· t.cil cncore, dans les années soixante, une condition nécessaire pour
mond1aux de l'autisme, en s'attribuant aupru de.: l'éditcur américain ,¡·,s un.:r des responsabilités élevées au sein de la psychiatrie en Amérique
1' exc 1usivtte
.. ' d d . 31
es rotts . Et le lecteur fran<,:ais risque d 'attendre long- d11 Nord, en particulier la ou l'enseignant forme ses semblables, et daos
temps encore la parution du terrible réqui sitoirc de Richard Pollak- ·au ¡ , . ~ 111ilieux hospitaliers, mais que, trente ans plus tard, la psychanalyse
début de l'été 2000, plus de douze éditeurs fran¡;:ais avaient refusé sa !"1.1ÍI dcvenue désormais Un Obstacle rédhibitoire a tOutes CeS fonctions 34 .
traduction- sur celui qu'on considéra a juste titre comme un véritable J·:nli n, Edward Shorter, dans une récente histoire de la psychiatrie
héritier de Sigmund Freud.
111odcrne, peut affirmer que les idées freudiennes << sont aujourd'hui en
11 11Í11 de disparaitre comme les dernieres neiges de l'hiver» 35 . Parler
.llljourd'hui de la psychanalyse en l'appariant a d'autres perspectives
IMPLOSION ET DÉRÉLICTION p ~yc hologiques scientifiques modernes, voire se poser la question de ses
1 :c ppo rts avec la biologie, ou avec la neuropsychologie et les sciences

Sous 1' emprise terrible de la psychanalyse, les lois, biologiques , ogn itives, n'est plus possible. Ce serait comme si on discutait a la
comme celles de la raison, semblent modestement s'effacer entralnant N/\S A, avant de lancer une navette, de l'astrologie sous le signe du
dans leur sillage l'humble et malheureuse condition humain~. Meme au ,ag ittaire ascendant vierge, a la hauteur de l'astronomie et de la physique
falte de leur gloire aux USA, les psychanalystes n 'ont jamais représenté nHllc mporaines, ou comme si le néphrologue, ignorant la seringue
plus de 1O% des effectifs de tous les psychiatres; mais 1' influence du ('J llplie de produit de contraste radiologique a coté d'un scanner, se
freudisme dans la culture américaine fut considérable, disproportion- eontentait de gouter l'urine de son malade pour faire son diagnostic.
née32 .. Et ce qu'est le freudisme en France, daos ce qu'il a de plus repré-
11 est difficile de déterminer quand le reflux a débuté, d'autant 4u'il ne
sentatlf par le nombre de ses adhérents, c'est-a-dire le lacanisme, mais hit pas simultané dans tous les pays, ni homogene a l'intéric ur d'unc
aus~i partout ou ils sont confortablement installés, tient au seos propre de 111C.me nation. Et d' ailleurs, la France désinformée semble éparg néc,
la dtscordance, entre d'un coté sa valeur objective intrinseque, et puis de
¡usqu'a présent, par l'impitoyable déclin. Il appartiendra aux histori cns
l'autre sa fantastique puissance de conviction et de pénétration massive
de se prononcer sur ce dépérissement et surtout sur ses motifs. Mais il
da~~ les r~J:?résentation~ mentales et les collectivités démocratiques. apparaít rétrospectivement que la décadence débuta insidieusement au
Vmla un ventable explmt que peuvent lui envier des religions.
début des années soixante dans la plupart des cas, intéressant en premier
Du fait de la désinformation tres active des freudiens, on a peu d'idée licu les pays de Iangue anglaise, la ou le freudisme s'était implanté avec
en France de l'effondrement de la psychanalyse dans sa propre vacuité. le plus d'aisance et de vitesse. Ainsi, le nombre des patients suivis par la
Dans les départe~ents universitaires de psychiatrie de Grande-Bretagne, clinique psychanalytique de l'Université de Columbia, représentative
du C~nada, des Etats-Unis, d' Australie, de Nouvelle Zélande, des pays aux USA de ce qui pouvait se faire de mieux, est passé de 803 en 1964, a
s~and~nave~ o~ de. Bel.gi~ue, les freudiens autrefois dominants sont répu- 500 en 1967, puis a 162 en 1971, soit une perte de 80% de ses effectifs
tes auJourd hm mmontatres ou en voie de l'etre. Leurs contrats d'ensei- en sept ans, et corrélativement une chute équivalente de la candidature a
gneme?t, q~a-nd ils étaient honorés par ceux qui émargeaient aux budgets la formation 36. Ata génération précédente, 120 candidats a la formation
des umversites, ne sont plus renouvelés. s'y bousculaient encore pour mériter les 9 places disponibles pour l'ana-
lyse didactique, mais ils n'étaient plus que 12 au milieu des années
En 1976, Bertram Brown, ex -directeur du prestigieux National Jnsti- soixante-dix, soit dix fois moins pour le meme nombre de places. Une
tute of Mental Health (NIMH), not.ait qu 'en 1945-1955, il était inimagi- enquete officielle de l'Institut National de la Santé Mentale (NIMH) des
nable, en tout cas difficile, de devenir responsable ou professeur d'un États-Unis montra, a la meme époque, que l'analyse n'était plus préconi-
département de psychiatrie aux États-Unis saos etre analyste. En 1955, sée que pour 2% des malades, et, d'autre part, que le nombre des spécia-
les 14 programmes officiels de formation des psychiatres s'inspiraient listes formés a la psychanalyse était passé, en trente ans, de 1945 a 1975,
to_us des ,dogmes freudiens, .et sur h.:s S9 départements de psychiatrie de un sur sept a un sur vingt37 . Meme en France, la plupart des analystes
denombres en 1962, 52 ét:11 c nt t.:lllre les mains des freudiens33. Paul de renom se disent lassés du combat contre les critiques et pensent qu'il
Roazen avait confirmé - dans iL' numé ro d 'octobre 1994 de la meme ne faut en aucun cas débattre avec les adversaires de Freud, «et surtout
JJ¡j
M ENSONG ES I ·I{Jo.l i i>II •NS lll ', llll ll l I I I II H 111 oi N I•JI I" I A IIIINS H ' III . A II{ I ~
1./\ D ( RI ·I 11' 11 1IN 1l l l 110 111 >II .N 1li\NS SON M ON DE V IRTUEL 339

pas avec les hommes de scicncc ». I.L· fJ('Udlt'n .ft 'l lll lkllrund Pontalis pn:mi er d'entre eux. Et, comme l'histoire l'a montré, aucune résistance
remarque tristement que la psychaualysc • n' 1nt l' n.:sscra bicntót plus t·x léri eure ne pouvait vraiment les gener, bien au contraire : elle justifiait
qu'une frange de plus en plus rcsrrcint c d · la popufation . N' y aura-t-il leurs plaintes.
plus que des psychanalystes sur les divans des psychanalystcs ? »38
Minoritaires avant la premiere guerre mondiale, les analystes inscrits
La cand~d~ture a. la_ formation dans les insrituts psychanalytiques les aux registres officiels de 1' Association Psychanalytique Intemationale
plus presttgteux dm~mue. Leurs élites sont maintenant obligées de (I PA, seule source fiable depuis sa création en 1910) sont au nombre de
regretter que les espnts les plus brillants des jeunes générations se diri- \07 en 1931, 762 en 1952, croissent de 900% de 1960 a 1980, passent
ge~t de plus, en pl_us vers les neurosciences, la neuropsychologie, o u les d ~ 6.210 en 1985 a 7.000 en 1987, puis a 8.253 en 1992. Les prévisions
tralt_ements ec_lecttques modemes les plus a la pointe des progres, sur pour le début de ce troisieme millénaire sont de l'ordre de 20.000 sur le
quOI les freudtens n'ont rien a dire. . globe terrestre. Ces valeurs doivent etre au moins doublées si l'on comp-
lab ilise les satellites et diverticules du mouvement, les groupes dissidents
~omme le nota dans son bilan Drew Westen, psychologue et psycho- se réclamant exclusivement de la psychanalyse, y compris les hérétiques
therapeute «psychodynamiquement orienté», aucune recherche modeme c1 excommuniés (car ils se qualifient ainsi) par le groupe orthodoxe
s~r les proc~ssus cognitifs inconscients, et ces travaux sont copieux, ne central, tels les lacaniens. Aussi, dans notre pays, fallait-il ajouter, aux
Cite ~lus auJourd'hui ~es publications psychanalytiques. Les concepts 570 réguliers IPA de 1992, une bonne trentaine de sociétés, dont la vie
fre~~te?s, sont de moms en moins représentés dans les périodiques parfois éphémere, au nom baroque, est compensée aussitót par le boutu-
spec~ahses, ou dans les milieux cultivés. Depuis plus de soixante ans, rage et la naissance de plusieurs autres, tout a coup fédérées puis en
c?ntmue Westen, la communauté psychanalytique s'est toujours effor- proie a des convulsions schismatiques, a des fragm entations cellulaires
cee, co~me un mouvement religieux, de protéger ses dogmes plutot que frénétiques, bourgeonnant encare, enfin s'étiolant comme une plante
de contnbuer a leur vérification. JI découle de cette attitude un désintéret sauvage, anarchique et sans jardinier. A tout cela, il convienl d 'adj o indr~
croissant, chez les psychologues informés, pour le freudisme tout les innombrables cohortes de psychologues, éducateurs, psyc hi alrcs,
entier . Et, _dep~i~ un quart de siecle, on peut tranquillement enseigner
39
membres de corps de san té, travailleurs sociaux, qui, meme s' i ls n' o ni
dans les umversites la psychologie modeme en ignorant tout du freu- pas la formation correspondante, ne connaissent que la psychan alysc
disme.
qu'ils pensent pratiquer dans leurs activités professionnelles, mais qui ne
11 faut pourtant constater que la croissance démographique des sont pas officiellement référencés.
ps~c~analystes d~s le monde est exponentielle depuis cent ans, et ne L'efflorescence des psychanalystes tient du prodige et peut etre spec-
dOJt nen au~ qu~htés de la doctrine, ni a la valeur de son traitement. II y taculaire, comme en Argentine par exemple, « ou la psychanalyse est
a une relatwn mverse entre l'irrésistible déferlement du mouvement devenue a la fois une composante majeure de la vie intellectuelle et une
psychanalytique et son statut scientifique : l'incrémentation de l'un est réelle thérapeutique de masse»43 . Et il n'est pas indifférent de voir «que
corrélative de la ruine de l'autre. De fait, l'indépendance est totale. les pays qui connaissent une forte poussée de la démographie analytique
<;ontr~irem~nt a la propa~ande de ses partisans, il n'y eut pas d'opposi- sont ceux ou la pensée de Lacan trouve de nombreux adeptes» 44 •
tlon reelle a cette explos10n. Freud, en 1914, dut reconnaí'tre d' ailleurs,
«contre toute attente», que l'expansion fut rapide, des 190740. Comme le Des 1985, avec pres de 480 membres officiels (IPA), la France pouvait
faisait remarquer Eysenck en 1973, le dogme freudien s'est initialement déja revendiquer le quatrieme rang mondial pour le nombre des psych~­
répandu «avec beaucoup moins de critique qu'aucune idée révolution- nalystes, et le premier quant a leur concentration au kilometre carré! A
naire du meme genre ne le fut jamais» 41 • Et Alasdair Maclntyre ne la fin du xxe siecle, on pouvait dénombrer une cohorte d'environ 5.000
connaí't pas d'autre exemple d' un systcme de croyances sans fondement personnes proclamées analystes en France, pays qui détient le record
quise soit propagé avec un lel succcs 42. L'ostracisme dont elle aurait été mondial du taux de psychanalystes par nombre d' habitants, et devenu la
v}ctime est u~ slogan, et l'hostilit · du reste du monde a son égard une terre promise la plus freudienne avant l' Argentine 45 •
legende orgamquement nécessain.: i'i l'cdification du mythe: l'isolement C'est d'abord par la maí'trise des moyens de distribution et de controle
des psychanalystes est l'ocuvr · des psyc hanalystes, a commencer par le de l'information , y compris dans l'attribution des postes d'enseignement
.1110 MENSON(;j 1S JIIO ·III)fi ·NS 111 \ 1!11111 1111111 ltl olfH tiiii\11\ II IIN \1 ( '111 1\IRI · 1.1\ DI '. I((,I.I('TION 1H 1 1 10 111111 N lli\N~ SON MONDE VIRTlll ' l.

et la formation des enscignants, ¡;nsuill' p:u l'tnlltu·IH{' personncllc de ¡mur autant que celle-ci respecte _l'intégra_li~é du te:te origine! •. car
quelques-uns de ses membrcs bien place ~ :) dd léll"llls 11iveaux du pltl \ ieurs cxemples d'éditions tronq~ees ont ~te r~censee.s_ - , et St les
pouvoir, que cette vulgarisation évangéliqu~· u pu S{' faill' . puis l'infusion \<' luil'urs politiquement corrects ne 1 ont pas ecartee de 1 etal et cachéc
démocratique s'étendre ici comme aillcurs. ,
11
luml de tiroir, alors le lecteur curieux de s'informer perdra probable-
1111 . 111 ll: courage de parcourir l'ouvrage incriminé: ~t s'il ose enfin l'ou -

Daos le domaine de l'édition et la distribution des produits audiovi- \


11
1· hon nete homme se sen tira vraiment tres solttmre, car «en augmcn
suels, la psychanalyse, avec ses gloires et ses miracles qui ont peu a ~.: 11 ,· la sagesse, 011 augmente le chagrín, et qui accrolt sa science accroí'l
craindre de la concurrence de Lourdes, est devenue une affaire comme •.. 1 douleur», dit l'Ecclésiaste (1 : 18).

une autre. «Pour l'édition fran~aise, la psychanalyse devenait une affaire


rentable», notait déja en 1978 la sociologue Sherry Turkle, car «la l'ourtant, 011 peut, si on a encore du temps a perdre, compulser les
demande précede l'offre», et il suffit, affirme l'éditeur, de placer le mot 111 1 n~s bibliométriques47 ou bien se les constituer soi-méme, p~ur obJeC-
d
magique («Freud», ou «Psychanalyse») sur la jaquette d'un livre pour 11 vr r la place réelle de la publication proprement psyc~analyttque daos

garantir sa vente automatique. De toutes fa~ons, « il est toujours possible 1· n ltl ion scientifique mondiale spécialisée dans le d.o mame de .la. psycho-
d'ajo.uter quelque chose sur Freud au texte» 46 . Au début des années lt~¡'ll' ct de la psychopathologie. Cette besogne tnste et fa~tt~teu.se est
1970, Turkle avait dénombré plus de 50 collections réservées a la 1 11
nstcrnante : minuscule hier, elle est totalement mstgntfiante
psychanalyse. Et il n'est, aujourd'hui comme hier, certainement pas plus , qourd'hui. Le psychologue Jacques Van Rillaer.- qui fut_~nalyste
11
de bonne politique commerciale pour l'éditeur qu'il n'est avantageux , va nt de critiquer le freudisme dans un ouvrage JUStement c~lebre -
1
pour le mouvement freudien, ou le compte en banque de ses pratiquants, • vait déja comptabilisé, sur les 20.000 et 25.000 travau~ recenses P~ les
1
de publier des travaux susceptibles de contrecarrer les profits, ni de faci- .. l'sychological Abstracts » de 1968 et 1978, respecuvement l ,5 Yo et
48
liter le transfert d'un savoir mettant en péril leur statut social et l'exer- 1,(1% de publications spécifiquement psychanalytiques . Dans le monde
cice du pouvoir. Aussi, seule une intime partie des publications interna-· 11
·L'I des sciences psychologiques, bien moins de 1% des travaux sont
tionales faisant état des faits contraires accumulés depuis des décennies, , jourd'hui en rapport avec le freudisme: et il s'ag~t le plus souven.t eles
111
et ils le sont pratiquement tous, a-t-elle été traduite. Le risque encouru n 11iques de la psychanalyse. « Psychologtcal Bulletm », u.ne des metlle~ -
est maintenant faible, car la conviction du bien-fondé et des bienfaits de 1 L'S rcvues au monde dans ces disciplines et de tres haut mveau_, ne publtc

ce dogme impregne aussi bien la conscience de la plupart des libraires, pas d' article concernant directe~ent la psychanalyse _depms plus .·~9e
des vendeurs, que celle des acheteurs potentiels. vingt-cinq ans et, si cela se prodmt, tout so~ contenu dement cel~e-c• .
" American Journal of Psychiatry » et « Archtves of General Psychtatry »,
Des lors, les devantures, les rayonnages et les catalogues des grandes mondialement renommées, sont a la meme enseigne depuis longtemps.
maisons de presse refletent matériellement le déluge de l'idéologie Au XXVIC congres international de psychologie qui s'est tenu a ~ont­
dominante, et non pas l'évolution du savoir. Le chaland oisif peut aisé- r~al du 16 au 21 Aoíit 1996, et qui rassemblait les plus hautes competen-
ment contempler les effets de l'impérialisme et tenter cette expérience : ces contemporaines, aucune place n'a été accordée a la psychanaly~e par
compter simplement dans ce tlot de fournitures d'une masse égale a les organisateurs. Ou encore un survol d~s ~inquante dernieres annees de
celle des rayons « ésotérisme » et « astrologie » - la ou on les trouve ,, Annual Review of Psychology » devratt mformer les psychologues de
généralement - , les publications s'y référant, relativement a la quantité l' avancement de leur science indépendante du freudisme.
d'ouvrages saos rapport avec la psychanalyse, dans les départements
« psy » des librairies les plus représentati ves de la cité. Quand les traduc- Mais tenter de publier actuellement en France un articlc contrairc a la
tions sont faites, ce qui est exceptionncl, des précautions ont été prises : mythologie analytique dans une des revues . destin.6L·~ aux p~ycholo~~c:"
le dénigrement préalable de la personnalité de l'auteur (par exemple o u aux psychiatres tient de l' exploit, quand ti r~c s a '1 t pas d u nc pctl Ol -
« révisionniste», « antisémite » .. .), o u bien des contestations a coté des mance suicidaire. Une forte proportion de comtl ·s 1k kl'lllll' l'SI occupéc
arguments sans signaler qu' i1 y a déja répondu, o u encore des attaques par des membres de )'establishment lacano-fr ·udlt'll <HI hi L' II par kur~
sur des notions qu'il n'a jamais d(-l'enducs. Daos ces conditions, le alliés occultes inamovibles depuis des ann 'I:S. 1k 1 1' 111' 1:1\' llll , ·~~:ll grc
terrain étant opportunément préparé par une savante désinformation, s'il l' évidence du déclin de la psychanalyse dau s ll- 1111111dt· ' ' 'IL'IIIIIiqu '.
paralt vraiment nécessaire de diffusl'r ensuilc la traduction en question « l' influence qu'elle exerce en France tanl s 111 1.1 P'Y' lii.IIIH' IJIII' sut la
342 M EN SON< ;1 ·. S I •HI ·IIIJII ·N ,\ lll 'd 1 >ll l i 1' 1/Ni 1ol './ N I< IUMA II!lN SI ·.<'111 .A II{J , J.A [)(:Jd:JJ <TJON lll l l ·l{l •ll l l ll N IIAN .\ SON M ON D E VIRT U EI. 343

philosophie et la litlératurc nc Cl'Ssc de l' llllll! ' "• couuuc le remarquait C'est surtout l'arrivée en masse des étudiants dans les universités
déja Rolland Jaccard dans le journal f .t' Mnndl' du J novembre 1977, «démocratiques », a partir de 1965, qui apporta d' une part le contingent
apres H.J. Eysenck et d'autres spéc iali stcs dans diffcrcnts pays. de postes convoités et nécessaires aux freudiens, d'autre part une vérita-
hl c armée de jeunes partisans avides, d'adeptes moins érudits, plus
L~ prop~gande avait édifié un modele ment al, créé le besoin, préparé ~t~ a ll éa bles, qui garniront les troupes idoHitres, permettant tout a la fois la
son mcurswn dans l'éducatjon, puis attiré la c li entele sur le divan, vers va lori sation narcissique des petits maitres, l'éloignement de la doctrine
les comptes en banque. Ecrivains et journalistes, ecclésiastiques et des contraintes scientifiques, la rupture avec la tradition médicale, le
hommes poli tiques, acteurs et cinéastes, 1' artiste et J'universitaire se sont lri omphe de 1' anal yse «profane», l'illusion d'accéder en fin a la culture,
c?nformés sans discussion aux nouvelles valeurs et s'allongerent, ou l'l puis la certitude pour tous les démiurges et thaumaturges de posséder
bten trouverent dans ce culte clientéliste une source de revenus dans le un pouvoir sur les hommes.
nouveau marché, car les idées freudiennes sont bonnes pour le
commerce et la valorisation de soi . En France, I'invasion de la culture, L' essentiel pour les psychanalystes institutionnels a bien été l'utilisa-
de l'éducation, de la presse, de l'édition, du cinéma, de la télévision, des tion d' un instrument démagogique efficace dans l'ascension sociale,
groupes·d'influence politique et de manipulation de l'opinion ... tout cet contre la psychiatrie officielle dont il fallait conquérir les domaines et les
univers brassant I'information et organisant activement notre conception postes clés de la hiérarchie hospitalo-universitaire, s' emparer des syste-
?es ~éali~és et nos valeurs est investí par la conviction en un dogme mcs de controle de l'information et de la presse, se saisir des organes
Jamats mis en question : la psychanalyse est La vérité meme et en discu- Jéc isoires de distribution de l'enseignement et de la recherche. Bref, le
ter, simplement en douter, est encare du domaine de !'inimaginable ou hut était l'appropriation d'un pouvoir, puis son exercice dans la société et
du blaspheme. Université, édition, journalisme, sont propagateurs de la la culture, quelquefois au plus haut niveau de la vie politique, ou bien sur
bo~ne nouvelle : la psychanalyse est un savoir infaillible et une sagesse la vie et la conscience d'individus allongés sur un divan, assujettis par la
umverselle tels qu'on est stupéfait d'avoir pu vivre sans elle jusqu'a manipulation de leur régression, liés par un fort investissement financier,
présent, aussi est-elle bonne pour vous, a moins que vous ne soyez pas cngagés dans l'attente d'un impossible soulagement. Tel a été aussi le
assez bon pour elle, et elle vous aidera a réussir dans votre vie. puissant moteur de l'ascension du mouvement psychanalytique, et cette
Des générations d'étudiants en psychologie, pléthoriques dans notre partie du contrat fut bien remplie.
pays - ils sont de Join les plus nombreux des inscrits, dans des études
sans débouchés réels et attendant leur chómage - , peuvent fort bien, en L'intéret n'est évidemment pas d'introduire un contre-pouvoir, pour
5 ou 6 années d'études universitaires coíiteuses, n'avoir jamais eu l'ex- cux politiquement incorrect. lis sont d'ailleurs, avec Jeurs anciens éleves,
périence d'un seul enseignement faisant objection au freudisme. Dans les pourvoyeurs des emplois et il est impératif aux futurs diplómés de se
les spécialités « psychologie clinique » ou « psychopathologie », une conformer au profil attendu en s'allongeant, ou bien de disparaí'tre. Toute
recherche doctorale qui ignorerait les dogmes, les psaumes, les évangiles connaissance divergente serait de bien peu d'utilité, sinon une gene,
et la liturgie du freudisme serait condamnée au mépris puis a I'excom- voire un danger dans la mesure ou les centres spécialisés et institutions
munication par le clergé universitaire. Leurs enseignants, qui vivent de médico-psychologiques de France ont des équipes intégralement
ces étudiants en surnombre, sont choisis en fonction de leur apparte- convaincues, du médecin responsable a la secrétaire, et ou il importe de
nance idéologique par la grande confraternité des psychanalystes déja en faire preuve avant l'embauche d'une conversion convenable. La pensée
place aux postes décisifs de la hiérarchi e universitaire depuis des années. conformiste s'accompagne partout d'une élimination des brebis galeuses
Ainsi, dans une des universités fran yai ses les plus représentatives par le et d'une homogénéisation des esprits dans la pure tradition freudienne.
nombre des étudiants en psychol ogie, 1' uni té « sciences humaines clini- La situation dans les facultés de médecine est semblable. Les princi-
ques»- jargon qu'on doit en <.:elle occ urrence qualifier d'oxymoron- paux organisateurs de la formation des psychiatres appartiennent au
comptait, en 1983-84, 2.500 élcvcs inscrits, 160 chargés de cours, 30 corps professoral hospitalo-universitaire nommé a vic - ct non , comme
assistants et maltres-assistants, 11 profcsseurs attitrés. Mais sur ces 201 cela se fait dans d'autres pays, sous contrat éventucllcment rcnouvelé en
enseignants, quatre seulemenl n · avaienl pas rer;u 1' onction ecclésiastique fonction des compétences réelles - , quoiqu'ils fassc nl par la suit c. La
sur le divan 50.
nomination dépend du ministere, mais se fait sur propos iti on co ll ég ialc
344 Ml ·:NSON<a .:s 1 • 1< 1 ~ ( / IHI · NS IIIS IOIIO 11 I INI lt i ' IW<II' ~ I llíiN SH 'I Il/\ 11{ 1: 1./\ 1>1 ,1<1·1 H IION I H I I •IU •I II)II ·.N D/\NS SON MON DE V IRTUEL 345

par leurs pairs, c'est-a-dire encorc par app1111!' 11111 n· :l 1111c Jll e rnc f'amill e Aujourd ' hui, un psychiatre est formé quand il peut choí~ir entre la
idéologique. Le mandarin idéal ne fail pas d 'ontlll(' el done présente des psychan alyse et le médicament. Des lors, pas plus que les patlent~ ~u les
talents selon un calibre qui ne resplenúit p:1s de liunicrc non plus. De la ramilles, les médecins généralistes et les pédiatres n'ont de ventable
sorte, psychologues «cliniciens » et psychiatrcs p ' uvcnl f'ort bien obtenir choix. Convaincus de longue date de la vanité du monde <<psy», et
leurs dipl6mes en ignorant tout de ce qui n' cst pas la psychanalyse, et 11 ' ayant pas de formation bien ordonnée eux-~em.es puis~ue ce sont l~s
puis soudain s'introniser psychothérapeutes sans avoir une idée de ce psychiatres précédents qui les forment, les medecms de vtlle confrontes
qu 'est réellement une psychothérapie. ü eles difficultés psychologiques réelles chez leurs malades, recourent de
préférence a ces médícaments de 1'esprit dont la France .est un des
En 1936, Sigmund Freud avait appris qu'on étudiait les théories d' Ad- premiers consommateurs au monde, e~ q~i leur vaudra ensmte I,es att~­
ler - un ennemi personnel qui mourra un an plus tard - a l'institut ques disqualifiantes et indignées des pnnctpaux responsables de 1 mcune
psychothérapique allemand, ce qui ne 1' étonna guere : «Ses idées et sa générale.
technique peuvent facilement s'apprendre en deux semaines paree qu'a-
vec Adler, il y a si peu a savoir» 51 , alors que la vraie technique freu- Dans cette conquete homérique, il fallait a tout prix empéc?er la
dienne est beaucoup plus exigeante. Vraiment? connaissance des faits et gestes historiques du mouvement freudten -
Pendant la premiere guerre mondiale, les autorités militaires demande- re mplacés par des mirages, des mensonges .et ~es ~ythes -,. et p~r t?us
rent a Albert Mol!, alors psychiatre renommé, concurrent de Freud, son les moyens interdire aux éleves et au pubhc 1 acces au savo~r 9m n est
avis d' expert pour la préparation rapide d'un membre des services de pas la psychanalyse. Le danger est l'informa~ion , et le m~mt1 e n. dans
renseignement, intelligent et imaginatif, dont la couverture était d'exer- l' ignorance est l'outil du pouvoir. Le bon f~eudt~n est amnés1que: d d01t
cer la médecine dans les colonies allemandes. Moll avait quatre jours ignorer l'histoire du freudisme. Le bon freud1en est a~e u g l ~ : 11 doll
répudier les sciences psychologiques. Dans les cas contra1res, JI nc scr<lll
pour opérer et rendre 1' émule méconnaissable dans son role. La seule
spécialité d'allure médicale que l'on puisse intégrer en un laps de temps plus psychanalyste. La fin d' une analyse est ~ssurée pa1~ l'_abanú on. des
si court pour passer inaper~u fut, pour Mol!, ... la psychanalyse. La résistances úu patient; elle est parfaite quand 11 est possede par le 1r.c u-
disme. Enfin, le psychanalyste est accompli quand il possedc des ccrttlu -
proposition fut acceptée, et durant ces quatre jours, 1' éJeve se forma a u
jargon, aux clefs de l'interprétation des songes, aux attitudes freudiennes des et dans sa trousse a outils les trois ou quatre clefs passe -partout du
freudisme. 11 se dispense du reste, car il sait définitivement tout. Et le
et a quelques astuces du métier pour se sortir d'affaire en cas de diffi-
savoir est son ennemi .
culté. Un examen sévere des compétences de la recrue donna toute satis-
faction et, sous ses habits couleur de muraille, il psychanalysa de fa~on
tres honorable des bataillons de la mere patrie pendant tout le reste du
52
conflit . Aujourd'hui encore, de nombreux amateurs restent invisibles
parmi les analystes chevronnés, car quelques recettes rapides de la
cuisine familiale trompent tous les experts des métiers de bouche. Pour
NOTES
la petite histoire, le cas d'Ernst Halberstadt est un peu spécial. Ce petit-
tils de Sigmund Freud- qui en fit l'enfant a la bobine du «Fort-Da» 1
Karl Kraus (Die Fackel, 5/6/1908), in Szasz ( 1976) : 103-104. .
dans « Au-dela du principe de plaisir»53 - devint psychanalyste stan- ' Lacan ( 1960) : 181 et 185. Cf aussi Sokal & Bricmont ( 1997), <dmpostures mtellec-
dard. Puis, gráce a !'aval de sa tante Anna Freud- qui J'avait psychana- tuelles>>, dont le chap. 1 est consacré a Lacan. . .
' La conférence originelle du 16 juin 1936 par Lacan sur son mventJOn du << stade du
lysé pour une part, Willi Hoffer pour une autre - , il abandonna le nom miroir>> devant la Société Psychanalytique de París n'a pas été publiée. Celle de Manen-
de son pere, le photographe Max Halbcrstadt, préférant celui d'Emest W. bad, le 3 aout 1936, n'a pas été co nservée a moins d'avoir été écartée, ma1s fu t re~nse en
Freud pour attirer la clientelc .. ll s'install a pres de Cologne dans un cabi- 1938 dans un article de I'E ncyc1opédie Fran.,:aise sur la famill e (tome VIII), pms etendue
net de consultation destiné aux clran gc rs, et comprit aussi aisément l'in- au Congres internationallPA de Zurich le 17 juillet 1949 d ' ou ces profos s~nt,extrmts.
• Le seul rapport qui auraít pu étre fructueux fut, en 1958, le c~mcept ele de 1 attachement
téret d'un traitement accéléré, 1' 11 20 lleures tout compris 54 . Jacques
du psychanalyste John Bowlby (cf Bowlby, 1969), mms la reVI SIOn dmmante ne pu~se
Lacan, qui n'était pas de la ml' me f'amill c, fu! excommunié pour moins faíre et la psychana ly'c n'í nt égra par défínition aucune conna1ssance moderne. Alors, 1 at-
que ~a. tachement progrcssa sans e ll e, avec les psycho logues du déve loppement.
1./\ lli'·.R(\1 1< II(J N 111 1 110 •1lllti ·N t>i\NS SON MONI>E Vll{l'lJI" . .147
346 MENSONCIES I 'HI (UI)II ·NS 111.\ 1<1110 IJI IN I 1•1 '.1141 11111\1 IIIJN Sl•t 'l ll 1\11{1·

u1 hdlcr "lbrrcy (1992): 250; et voir surtout Dolnick (199~). Fuller Torrey dira du Iivre
5
Cf Gordon G. Gallup (1970), Chimpall <,t•t•.v · s,.¡¡,,.,., H '"''"" 1''"" 1111c: n.: vuc de ces tl ' l·dward Dolnick, terrible condamnation morale du freudtsme, que tout psychanalyste
travaux, qui ne peuvent faire aucun cas de L~ <:u n. rj. (''"""l' ( I'IXO) ct lloysc n & Himes ,¡ 1-v1 ait le lire << trois fois en pénitence>> ... (Dolnick (1998) : note de couverture).
(1999).
" l.a ml:me mésaventure est arrivée a la traduction du livre de_ H.J_. Eysenc~ (1985),
6
Sic, Elisabeth Roudinesco, introduction a Ellenhcrgc:' ( 195t1 19\) 1) : 22. ¡ 1, ., linr and Fall..., « bloquée sous douane huit ans », dit de favon stbylhn~ la prétace fran-
7 Comme le qualifiait Jean-Franvois Revel (1957) : 13.\. 1ééd i1iun 1997 : p. 97.
1 .,c: du << Déclin et Chute de l'Empire Freudien» (F.X. de Gutbert, Pans, 1994, p. 11).
111
• Col by, cité par Dolnick ( 1998) : 211. Les termes <<son of a bitch , (fils de pute ou
; 1lol ni ck ( 1998) : 56. . .
salauá) s'associent quelquefois a <<sadique» dans ce11ains jugemcnts, par cxemple celui " 1\ S. Brown, American Joumal of Psychiatry, 5/1976 (133 no 5 : 489-495) [ctte par
de Leon Eisenberg (ibid.).
llulnick ( 1998) : 57].
9
Cf Pollak (1997) : 343 sq., qui publie des extraits des deux textes, !'original de " Hoa 1.en, American Journal of Psychiatry, 10/1994; et Roazen (2001): 7.
Heuscher (1963), A Psychiatric Study of Fairy Tales, et celui de Bettelheim (1976), The
" Shorter ( 1996) : vii.
Uses of Enchantment. "' Rachman & Wilson (1980), cités par Schamberg (1993), vol. 1 : 131-132.
10 Selon les termes d'Eric Schopler, cité par Pollak (1997): 216.
11 << What was new, unique, terrifying, was that millions, like lemmings, marched themsel- " lime Magazine, 2/411979. .
" <'ité par Roudinesco, dans un article consacré a l'avemr de la psychana1yse, Le Monde,
ves to their own death », Bettelheim, in Préface a Miklos Nyiszli, << Auschwitz >> (Fawcett v.· udrcdi 8 janvier 1999.
Publications, Inc., New York, 1961). ,., Wcstcn (1998), Psychological Bulletin, 1998, vol. 124, no 3 : 333-371.
12 Bettelheim_, B., <<Individual and Mass Behavior in Extreme Situations», Journal of 111 ITcud (1914), Zur Geschichte der psychoanalytischen Bewegung.

Abnomwl and Social Psychology, 1943, 38 : 417-452. Cf Pollak ( 1997) : 80. " Eyscnck ( 1973), Le déclin et la chute ... : 59.
13 Cf Pollak ( 1997) : 1 10 (avec fac-similés des archives du Rockford College).
•· Maclntyre (1976), cité par Cioffi (1998): 288. Cf auss~ Sulloway (1979), Ellenberg~r
" Pollak (1997): 17. t l'/70): 450-455, ou Cioffi (1973), <<The Myth of Freud s Host!le Receptton» (repr. m
15 Plusieurs versions disponibles, voir Pollak : SO.
( ' 111rJi (1998): 161-181). . . .
16 Roudinesco & Plon ( 1997) : 112. 11 Roudinesco, L'Humanité, 18/4/1997 (ttahques mtennes).

17 Pollak (1997) : 35 et 231. 11


Rcné Major (1990) : 197. . . .
1' l'our ces chiffres, cf. Roudinesco (1993): 412 sq.; Ro~~mesco & ~Ion (1997) ·. 325,
" Roazen ( 1992) : 240.
19 Zimmerman (1991). Cf Pollack (1997): !81 sq. l<oudinesco (1999): 182. Pour équilibrer les forces, la prestdenc~ de _1 AIP ta1t une IUI<~-
20 Pollak ( 1997) : 253 sq. 111111 , tous les deux ans, entre!' Amérique du Nord, l'Europe et l Amenque du Sud.

21 Pollak (1997) : 224. 11 ' Turkle (1978) : 243 et 244. . .


22 Cf. Pollak ( 1997) : 127 sq. 11 La bibliométrie est l'ana1yse quantitative des pubhcatwns.

23
Dans « La forteresse vide» (p. 25), il en réclame deux; dans d'autres cas, il en verra " Van Rillaer (1980) : 23.
1' 1 q: Westen ( 1998), The Scientific Legacy of Sigmund Freud.
davantage ...
24
Le célebre analyste américain Harry Stack Sullivan prétendit aussi que 80% des mala- " l{oudinesco (1994), vol. 2 : 556.
des schizophrenes étaient améliorés par ses soins (Dolnick ( 1998) : 93). John Rosen, de " Freud (1939), Kürzeste Chronik : 219.
son coté, alla jusqu'a 100%, mais, en 1983, il fut poursuivi par l'État de Pennsylvanie '·' Cf Sulloway (1979) : 473-474. . .
Freud (1920), Jenseits des Lustprinzips (chap. 2). Emest Ha1berstadt étatt le fils de
pour plus de 100 violations des regles médicales, dut rendre sa licence et abandonner la
médecine (Dolnick ( 1998) : 107 et 116). Sophie Freud, disparue a 27 ans en janvier 1920.
25 L'Express, du 15 au 21/12/1969 (p. 120). M. Chapsal, depuis plus de vingt ans membre " Berthelsen (1989) : 153.
du jury du prix Goncourt, était une familiere de Lacan, lequel, lors de leur premiere
rencontre, !'invita a danser en s'affublant d'une merveilleuse perruque, hirsute et rouge
flamboyant. Une forte proportion de J'équipe rédactionnelle de L'Express, tenu par J.J.
Servan-Schreiber, était passée sur les divans lacaniens, tels Fran~oise Giroud et deux
enfants de celle-ci (dont Caroline Eliacheff, qui deviendra d'ailleurs psychanalyste; et
Lacan fut, avec Althusser, témoin du mari age de cette ucrniere en 1971 avec le psychana-
lyste Jacques Nassif). Plus tard, F. Giroud fut quelques temps Secrétaire d'Etat a la condi-
tion féminine, a partir de juillet 1974, et Scrvan-Schreiber fut aussi un ministre éclair.
26
Son analyse se trouve pages 507-508 de la traduction franvaise (1969) de Laforteresse
vide.
27 « Un autre regard sur la folie », clu journali stc l:ommunistc Daniel Karlin, documentaire
en quatre épisodes a grand soeces, clonl son mll cgue Tony Lainé vantera les mérites dans
<<L'Humanité>> du 14 octobre 1974. Mais. dan., une: puhlication posthume, parue en 1993,
Bettelheim dira que «personnc ne sait t1ait c1 n·, l'nf:ull s» (c ité par Dolnick (1998): 213).
20
Cf Pollak (1997) : 187.
29
Hunter (1972), cité par Dolniek (llJ9K) }K·I .
Chapitre 16
Des verdicts

« Seul Freud, aussi obstiné, rusé, et cynique,


qu' il était ambitieux, était susceptible de trans-
former une faill ite en victoire au service de sa
promotion personnelle sur une échelle d'une
telle grandeur. >>

Frederick Crews (1998) 1

Ayant estimé, «en pesant mes mots », dit-il, que « Freud a fait reculer
la psychiatrie de plus de cinquante ans » 2 , Hans J. Eysenck avoue trouver
une situation assez étrange «en ce sens que la psychanalyse est large-
IIICnt acceptée par les profanes et ceux qui n'ont aucune notion de ce
qu'est la psychologie, tandis qu'elle est rejetée par ceux qui posscdcnt
dans ce domaine des connaissances sérieuses» 3 . En effet, la dérive totalc
rntre la situation du freudisme dans la culture, d'un coté, et l'évolution
du savoir, de l'autre, est bien curieuse.
Les critiques factuelles et sur 1' organisation épistémique de la psycha-
nalyse ne sont pas récentes. Elles ont toujours existé, et furent d'emblée
pertinentes pour la plupart. Mais, depuis toujours aussi, les psychanalys-
les les ont ignorées et, faisant ti de tout sauf d'eux-memes, se sont défi-
nitivement figés en un dogmatisme glacé, fermé au monde extérieur.
Cinquante ans avant Eysenck, celle de Adolf Wohlgemuth4 fut radicale,
mais ne re<;ut aucune réponse d'un mouvement freudien sourd et aveu-
gle. Comme tous ceux qui l' ont précédé ou suivi, Wohlgemuth n' eut
aucune incidence sur une idéologie hermétique, stérile, qui n'a tenu
compte d'aucune réfutation mineure ou d'envergure en un siecle, et
vivant pour elle-meme dans l'autarcie virtuelle et puérile de l'illusion
collective. Une publication de Colby et Stoller, en 1988, est encore une
démonstration étonnante de cette dissociation 5. Colby peut estimer, eu
égard aux preuves, que la psychanalyse est vide de tout fait, en dehors de
1' inconscient dont elle n' est ni 1' inventeur ni un explorateur fiable : aussi
est-elle une perte de temps pour la psychologie moderne qui doit s'en
dispenser définitivement. Mais Stoller, de son coté, ayant admis les argu-
ments du premier et considéré qu'ils sont vrais, affirme imperturbable-
ment continuer d'y croire et de pratiquer un traitement, qu'a bon droit on
350 DES VERDICTS 35 1

ne peut done plus disccrner d' un :.tete de 1!11 , s' d n' t·t:ut londamentale- Apres avoir examiné, en 500 pages, les déformations historiques et les
ment, du point de vue du consommatnu. tJIK' l'sc mquc•ic . •ncohérences internes grossieres du systeme freudien, et avant d'aborder
les réfutations externes de celui-ci, l'australien Malcolm Macmillan
Il n 'y a pas de raison d 'accorder a cette doc lri n~.:, qui 11 '~.:st pas un objet r onclut que ses ~< soi-disant découvertes dépendent de méthodes d'en-
sacré, une protection spéciale dans !' examen critique, pas plus qu'a qu étc et d'interprétation si défectueuses que meme des praticiens entral-
n'importe quelle branche de l'histoire des idéologies. Les jugements des nés a leur usage sont incapables de fournir des conclusions vaguement
savants inforrnés sont négatifs. convergentes », puis qu'apres un siecle, «les psychanalystes doivent tout
n.:commencer », mais malheureusement, «la méthode psychanalytique
Peter Medawar, prix Nobel en 1960, écrivait en 1975 que «les psycha- n' cst pas capable de découvrir des faits cliniques sur lesquels on puisse
nalystes continueront a perpétrer les plus épouvantables des bévues tant s' accorder ». Des lors, «la psychanalyse est non pas une mauvaise théo-
qu'ils persévéreront dans leur conviction impudente et intellectuellement •i ~.:, mai s plutót une théorie a la recherche de quelques faits » 11 •
débilitante qu'ils jouissent d'un "acces privilégié a la vérité". L'opinion
gagne du_terrain que la psychanalyse doctrinaire est le plus formidable La théorie et la méthode thérapeutique de la psychanalyse sont un
abus de confiance intellectuelle du xxe siecle; et un produit terminal .fiasco (Grünbaum, 1984 a 1996; Erwin, 1996), une banqueroute intellec-
également, quelque chose d'apparenté a un dinosaure ou a un zeppelin tuelle frauduleuse si non dangereuse (Wilcocks, 1991 ; Frederick Crews,
daos l'histoire des idées, une vaste structure d'un modele radicalement 1993 a 1999; Max Scharnberg, 1993 et 1996; Esterson, 1993 et 1998).
mal con~u et sans postérité » 6• Friedrich August Von Hayek, prix Nobel El, alors que le freudisme entame son deuxieme siecle, nous en sommes
en 1974, rajoutera qu'a «!'avenir, les hommes se retournant sur le passé toujours au meme point : au départ.
verront dans notre époque une ere de superstition, essentiellement asso-
ciée au nom de Karl Marx et de Sigmund Freud» 7 . Soyons clairs, au début de ce siecle, car, depuis cent ans, aucun travail
n' a pu apporter une preuve acceptable du role étiopathogénique d'un
conflit sexuel refoulé daos l'enfance et susceptible de rendre compte
11 y a plus de vingt ans, Hans J. Eysenck disposait déja d'éléments
d' une morbidité rencontrée ensuite a quelque moment que ce soit dans le
suffisamment solides sur ses carences épistémiques pour rejeter sévere-
reste de l'existence. Aucune étude a ce jour n'a pu montrer que le traite-
ment la psychanalyse, tant pour son appareil théorique que pour ses
ment psychanalytique standard est plus efficace que la simple sugges-
insuffisances thérapeutiques dont 1' évaluation systématique l' avait
tion. Aucune recherche ne perrnet d'accepter les prétentions de la
occupé depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Son verdict était
psychanalyse a décrire et expliquer dans son édifice théorique le déve-
dur : les énoncés les plus fondés du freudisme, et qui sont les plus rares,
loppement normal ou pathologique. Pas une seule des prévisions intrin-
sont empruntés a ses prédécesseurs ou bien relevent du sens commun;
sequement psychanalytiques n'a été confirrnée dans quelque dimension
les énoncés les plus originaux, proprement psychanalytiques, sont sans
que ce soit car toutes ont été démenties. Enfin, Sigmund Freud, préten-
fondement et relevent de l'absurdité8 . Quand Eysenck, ayant déja pesé
dant a l'originalité et a l' innovation révolutionnaire, se réclama de
ses mots en 1973 pour annoncer que « Freud a fait reculer la psychiatrie
fondements biologiques déja dépassés et rejetés par la science de son
de plus de cinquante ans», s'interroge a nouveau en 1985 sur la place de
époque, au moment meme ou il publia ses réflexions, et n'a jamais inté-
Freud dans l'histoire, il peut affirmer sans l'ombre d'un doute qu'il est
gré une nouvelle connaissance indépendante de la psychanalyse 12•
«un génie, non de la science mais de la propagande, non de la preuve
rigoureuse mais de la persuasion, non dans l'organisation d'expériences Toutes ces évidences sont publiques et accessibles au lecteur attentif
mais de l'art littéraire. Sa place n'cst pas, comme ille réclame, aux cótés dans la littérature mondiale volontairement étouffée et méprisée par les
de Copemic et de Darwin, mai s avec Hans Christian Andersen et les freudiens. La psychanalyse a ceci de singulier qu'elle n'a ríen d ' original
freres Grimm, narrateurs de ·contcs de fées » 9 . Un bilan plus récent des dans ce qu'elle a de vrai - l' inconscient, quoique la science lui accorde
déformations freudiennes par All~.:n Estnson peut s'achever avec la aujourd'hui une place tres différente de celle octroyée par de nombreux
constatation que « l'accession de la psyc hanalyse a sa position domi- auteurs bien avant la naissance de Sigismund S. Freud en 1856, ou bien
nante au vingtieme siecle sera probahlcment regardée comme une des des processus psycholog iques décrits 150 ou 200 ans avant lui - , et ceci
plus extraordinaires aberration s de 1' hi stoirc de la pensée occidentale »10. d'original qu 'ellc n'a rí en de particulier qui soit vrai.
352 M I: N SO Ni ii(S 1·10 ' 1/IJII · NS tll 'd !l l ll l 11 l ttl l ' ' ' '• 111111111\ II\I II)N S I•('{ II /\ II{E DFS V ERDI CTS 353

La critique de Karl Popper, en 11) \ 1, n' nt lul l!nalnncnt pas une ''· •,¡·s légcndes et ses héros. Les travaux de J'expertise textuelle rationaliste
Dire que la psychanalysc cst irréfutahk , au d<"i i) <k la li goc de démarca- ( 11. lsraels, M. Scharnberg, etc.), textes en mains que tout le monde
tion épistémologique et hors du domainc de la sc i ~.: n cc, done sur le ,¡y;¡j¡ sous les yeux depuis leurs publications, confrontés a d'autres
terrain des croyances, n' a fait au cun mal ;. son cxpansion, bien au !I!'CI.:SS ÍbJes a n'importe queJ homme SérÍeUX, montrent que les écrits
contraire, comme la suite de l'histoirc l' a montré. La psychanalyse a été psychanalytiques, a commencer par ceux de Freud, sont sujets a des
confortée, et elle s'est immunisée contre une tclle contestation. Avant dt slorsions et des contrefa<;ons délibérées, et a des inventions manifestes.
Popper, Karl Kraus, en 1910, puis Albert MoJI, en 1912, Havelock Ellis, 'lillls les cas connus de Freud furent des échecs thérapeutiques érigés en
en 1919, avaient d'ai!leurs déja vu, en pure perte, dans le freudisme la '' iomphe universel. Dans n'importe que! autre domaine de l'histoire des
faille épistémologique de l'irréfutabilité : l'interprétation freudienne a 1d ~es, il s'agirait d'une imposture; et pour n'importe quelle autre thau-
toujours raison, car i1 est impossible de démontrer qu'une seule de ses tnaturgie, il s'agirait d'une escroquerie.
allégations est fausse 14 • Une croyance est sans doute une proposition
qu'on ne peut ni confirmer ni infirmer. Cependant, outre l'idée qu'il Ainsi, « pas a pas, nous apprenons que Freud a été le personnage le
convenait d'abord de prouver que le freudisme est irréfutable... , ce que plus surévalué de toute l'histoire des sciences et de la médecine- celui
Popper ne- put réaliser ni imaginer, Adolf Grünbaum ( 1984, 1996) avait qui a causé d'immenses dégats par la propagation de fausses étiologies,
fait remarquer que l'astrologie, le marxisme, et la psychanalyse, sont ti~.; diagnostics erronés, et de méthodes d' étude stériles » 16 •
testables mais réfutés par l'expérience et par l'histoire. Ce ne sont pas
des croyances, mais des paradigmes faux . Depuis un siecle, le freudisme est une fantastique machine destinée
prcmierement a conforter les fantasmes des psychanalystes; deuxieme-
JIIent a extraire les malades de leurs réaJitéS, et a )eur suggérer qu'iJs
Les assauts de la philosophie des sciences et de J'épistémologie
appartiennent a une autre; troisiemement a persuader les psychothéra-
contemporaines, surtout depuis 1984 avec Adolf Grünbaum, n' ont pas
peutes en formation et le public que l'interprétation freudiennc est
- pas plus que la démonstration, répétée ces dernieres décennies, des
1oujours plus vraie que les faits. La psychanalyse est enfin une fonnida -
fabrications mensongeres de Sigmund Freud et de ses catéchumenes -
hle rhétorique du mensonge destinée aux lecteurs et une altération
atteint l'édifice alors qu'ils eussent été fatals a n'importe quel autre
permanente des évidences communes a l'intérieur de la relation théra-
candidata la science. D'ailleurs, les psychanalystes les ignorent et n'ont
pcutique, tout en assurant qu'il ne s'agit pas d'une manipulation de l'in-
pas répondu a un seul argument crucial. En réalité, la question ne se pose
formation.
plus actuellement de savoir si la psychanalyse est une science, meme tres
molle, car elle n'ajamais eu nifait ni méthode. Elle s'est soustraite aux C'est la sans doute que le freudisme arrogant a été réellement efficace
réalités et n'a fondamentalement rien a voir avec une science : fantasme ct a déployé son vrai talent : dans la dissimulation de son indigence
qui prétend que la science n'est qu'un fantasme 15 , elle est une chimere factuelle, clinique et thérapeutique 17 • La rhétorique freudienne a contre-
ayant bifurqué il y a un siecle et pris son indépendance évolutive irrémé- fait la récolte et la description des données cliniques initiales, a falsitié
diablement étrangere aux faits. Au regard de la science, dont s'est les justifications de ses interprétations généralisées a toute l'humanité y
toujours réclamé Freud, la psychanalyse n'est pas moite : elle n'est tout compris a ses vestiges préhistoriques, a trompé sur 1' efficacité de son
simplement jamais née. traitement, a mentí sur les sources étiologiques, et enfin a déformé sa
propre histoire dans une extraordinaire propagande de masse, qui se
L'ouverture des dossiers d'archives par les spécialistes, les enquetes
poursuit, visant a faire croire qu'elle ne désinforme pas, qu'elle détient le
des historiens (Ellenberger, Sulloway, Macmillan, Hirschmüller, etc.)
secret du péché origine!, et qu' elle est immunisée contre toute critique
sur les documents que les autorités clu mouvement ont activement sous-
du monde normal. Plus le mouvement a été valorisé dans les médias et
traits, verrouillés, et caviardés sclon des procédés dignes du KGB, puis
les cultures, plus la persuasion était aisée, moins on eut recours aux
les recoupements de preuves, fonl apparaí'lrc une discordance telle que la
évidences.
réalité de l'histoire du freudis111 ' c-t de ses célébrités est réputée
aujourd'hui tres éloignée de la li ct ion drc ss6c par les hagiographes et les Dans un demier avatar, croyant comme toujours se soustraire aux criti-
exégetes (Jones, Fine, Schur, Cay, R11drigué, etc.). La psychanalyse a ques et aux exigences de la raison, vis-a-vis desquels elle s'imaginait par
fabriqué son histoire qui n'cst pas liiiL' vl- ril c mais une mystification avec nature et privilegc excl usif protégée, la psychanalyse s'est enfin baptisée
154 MENSON(II ,S 1•1<1 •1/llii ·N .', lll'•lllllll 1• 11 111 111 '.II H <IIIM I\ IICIN SH '111 All{l ' DES VERDICTS 355

« vérité narrative». Le détCIIIIÍIIISIIIl' d1·, 1OlllplHinllcnts humains subterfuge n' est pas introduit pour sauver la théorie : e' est la th~orie
normaux ou pathologiques échap¡w aima :) IP\Itl· appl(;ci:Jtion pragmati- 1111
:·1lle »'9· Freud voulait que sa progéniture, définitive et imperfectible,
que car la réalité concrete des év 'llt:lnt:nl~ IHographiqucs n'aurait pas ll'S ÍSÜit a J'épreuve du temps et, telle une Statue SUfVÍVant a l'~iste,
d'importance dans l'organisation de la pe1sonnali!~,; ni dans ses troubles, , 1ttci gne 1'éternité daos toute sa pure.té immac~~ée. ,Des lors, le .fre~d1sme

pas plus qu'elle n'aurait de poids dans les psychothérapies. Le freudisme t.,, un systeme entierement constrUit de mamere a se soustrmre a toute
auto-proclame son territoire défini par des r glcs privées qui le rédui- 1
rfutation, et accéder a l'universalité. Mais ce reve d'immortalité a
raient a une sorte de matiere verbale, une vibration de l'atmosphere t·c houé.
prenant du sens par sa répétition, persuadant simultanément 1' analysant
et l'analysé soudés l'un a l'autre par une vérité intersubjective, mais i\ujourd'hui, cerné de toutes parts ~ans un mond~ qu'il a imprégné de
étrangere aux lois de 1' objectivité scientifique et de la connaissance , 011 idéologie dominatrice, le freud1sme se proteg~ enco~e daos, s~
sensible. 111
ythologie. « Vérité narrative » insérée dansAles con.sciences, tl a pénetre
k s démocraties en s'assurant une conquete fichve dans un monde
Ainsi, pendant l'analyse, au fur et a mesure «que les associations et v1r1uel mais finit en France la ou tout a commencé : daos le surréalisme.
les interprétations sont insérées dans le récit en train de se développer, 1ks te~itoires ont bien été conquis ou annexés sans grande résistance.
elles deviennent vraies en devenant familieres et donnent un sens aux Mais ce colossal investissement de la culture et le déferlement irrésisti-
parties disjointes de la biographie du patient» 18 • En fait, peu importe que hlc des soldats de l' Armée du Phallus sont une grande illusion dans une
les interprétations soient vraies, fausses, ou délibérément fabriquées. lurteresse vide.
Elles sont « insérées » par la manipulation de 1' analyste et « deviennent « L'Immuable École du Rien» 20 , quise voulait science du fantasme et
vraies» ... si elles ne l'étaient pas. Telle est la magie du verbe qui pétrit la science de l'ame, est bien un fantasme, non une science ct n' a pas
réalité comme une terre meuble. Mais quels sont done les faits décrits d' ame. Elle avait certes de nombreux éleves, qui ne pouvaienl assurer
par la « vérité narrative»? Ou est done 1' administration des preuves de aucune victoire avec du Ríen daos le monde vivant. La vérité ne se divise
son existence en dehors des péroraisons des psychanalystes? Quelles pas, et ne se multiplie pas. La fidélité des soldats a leurs dogmcs el ~
sont, enfin, les évidences des effets thérapeutiques qu'on en obtiendrait kurs rites ne fait pas leur validité. Les croisés pouvaient aussi se r~sselll ­
et qui seraient inaccessibles a l'objectivité? hler dans l'adhésion a la doctrine de la résurrection du Christ, mats lcur
Il fallait se persuader que la psychanalyse existe. Or, l'évacuation des accord démocratique n'augmenta pas significativement les chances de
faits est aux origines memes de la psychanalyse. La virtualisation de sa résurrection du Sauveur, empechée par des lois bien naturelles, auxquel-
pensée narrative luí est consubstantielle et congénitale, car !'incapacité a lcs les combattants de la juste mission, quels que fussent leurs nombres
tenir compte des réalités est apparue ab initio chez Sigmund Freud, que ct la force de leur conviction vociférée, ne purent échapper.
les fideles successeurs ont entérinée dans un regroupement en une secte
d'adorateurs du vide, et que les hagiographes ont sacralisée. Cette inca-
pacité d'acces a l'objectivité est en effet la définition de leur identité, et
ce qui par tropisme les absorbe dans le mouvement. Dans l'univers
factuel, la psychanalyse n'existe pas, ni dans le nótre, ni dans le vótre, ni
dans celui des malades : elle n'a aucune substance et n'en a jamais eu. NOTES
Rompant avec la clinique d'abord, avec la biologie de son époque 1 Crews (1998), Unauthorized Freud Doubters confronta Legend: xxxi.
ensuite, avec sa propre histoire en fin qu 'elle va falsifier, elle ne pourra 2 Eysenck (1973), Le déclin et la chute.. . : 71.
réintégrer une évolution scientifique dont elle s'était détachée ab ovo. ' Eysenck ( t 973), ibid. : 59. . . .,
• Wohlgemuth, A. ( 1923), A critica[ Examination of Psychoanalys1s, Allen &_ Unwm (c1te
L'inconscient est un escroc rnt.érieur dont Freud s'est emparé il y a un par Wolpe & Rachman. 1960); (f aussi Wohlgemuth, A., <<The Refutatwn of Psychoana-
siecle. Et sa ruse machiavélique, remarque Ernest Gellner, « l'habitude lysis »,J. Mental Science, july 1924, et Robert Woodworth, <<Sorne Cnt1c1sms of Freudmn
de tripatouiller les faits, n'est pas une chose que l'on ajoute plus ou Psychology», J. Abnormal Psychol., 1917: 174-194. .
moins subrepticement a la théoric lorsqu'clle cafouille ou qu'elle se ' Col by & Stollcr ( 1988), Cognitive Science and Psychoanalys1s.
heurte a des difficultés. J::lle o toujours h é La, en toute bonne foi. Le 6 Medawar (1975) : 17.
'156 MENSON<a ·S l ·K I· I IIlii ·N'• lll 'dll llt l 1' llt ~ l ltl 'd N I I!JIMAII!IN S(ClJI .AIRE

7
8
Von Hayek ( 1978), cité par Cicllnc:t ( I'IH ') .' 10
Eysenck & Wilson ( 1973).
Références bibliographiques
9
Eysenck (1985) : 208.
10
Esterson ( 1993) : 254. Cf aussi Wchsrct ( 11)'/ 'i) ti 11! .
" Malcolm Macmillan (1991) : 505 506 el 5'11!.
12
Sulloway (1979); Macmillan ( 1991 ) .
.., <<La Science : Conjectures et Réfutations » , confércnc<: donnée par Popper a Cambridge
en 1953 a partir d'idées qu'il formula des les années trente. éditée dans le recueil de
Popper ( 1962), Conjectures et réfutations (chap. 1).
14
K Kraus, Die Fackel, 15/1/1908 : 31, in Szasz (1976) : 29. Albert Moll (1912), in AVERTISSEMENT
Sulloway (1979): 470-471. Havelock Ellis avait repris cette contestation en 1919 (<<pile
je gagne, face tu perds»), et Freud avait tenté d'y répondre dans un article (1920), Zur Je me suis efforcé de référencer toutes les citations du textc, qut
Vorgeschichte der analytischen Technik, publié sous le couvert de l'anonymat.
" «L'important est que la science n'est qu'un fantasme>> (J. Lacan, Omicar, 1977,
rcnvoient aux notes.
Ouverture de la session clinique, p. 9). Afín que le lecteur se retrouve facilement dans une bibliographie asscz
16
Crews (1995): 295.
copieuse, car je donne ici la bibliographie intégrale des reuvres de
17
Cf ·Wilcocks ( 1991); Sulloway (1979 et 1991); Esterson (1993); et Webster (1995).
18
Donald Spence (1982, italiques miennes). cité par Borch-Jacobsen (1995) : 19. Voir Sigmund Freud, les références citées dans les notes ~omm~n~ent par le
également le numéro spécial du 7SC anniversaire de << Intemational Journal of Psychoana- nom de l'auteur, suivi de l'année d'éditíon, puis du tltre ongmel.
lysis», 1994. ·
19
Gellner (1985): 172 (italiques siennes). Les pages citées sont précédées de deux points. Ma~s il y ~ ~o,uvent
20
Pour reprendre une formule de Jules Michelet, Histoire de France, introduction au plusieurs éditions d'un meme titre. Des lors, sauf exceptwns preCisees en
Tome IX. note, et par commodité, la source de la citation est toujours la dernú:re
dans l'ordre de la référence bibliographique.
Par exemple, la référence notée :
Freud (1910), Eine Kindheitserinnerung des Leonardo da Vinci: 63.
se trouve dans la bibliographie a:
Freud 1910. Eine Kindheitserinnerung des Leonardo da Vinci. *GW 8: 127-2 11 ; 'SI ·:
'11 : 59-137. Un souvenir d' enfance de Léonard de Vinci, Galhmard, cnll. ltltT~
1977 (trad. M. Bonaparte). . .
Ici, le Iecteur pourra trouver la citation, non pas dans le texte onguH.: l
de Freud (GW), ni dans l'édition anglaise (SE), mais bien p. 63 de ccttc
traduction frall(;aise.
J5X
R(;t ·(,R I:NCES UII:ILIOGRAPIIIQUES 15':1

BIBLIO'GRAPHIE COMI'Lkn: UE SH;MlJNU FIUWI> (2002) 1H7 1. Zerstreute Gedanken, in K. R. Eisler et al. (1974), Aus Freuds Sprachwelt und
wulere Beitriige. Jahrbuch der Psychoanalyse, suppl. 2 : 10 l.
Abréviations conventionnelles : 1H76. Zwei Stiependiengesuche für zoologische Studien [Deux travaux pour un~
hourse de recherche en biologie]. In Josef Gicklhorn (1955), Wissenschaftsgescht-
chtliche Notizen zu den Studien von S. Syrski (1874) und S. Freud (1877) über
*GW = Gesammelte Werke chronologische geonlnl't. FrankJurl : Fischer, mlinnliche Flussaa/e, Sitzb. Ósterr. Akad. Wissensch., 164, l. Abteilung : 1-24.
et London, Imago. 1940-1975 [18 volumesj. 1H77. Beobachtungen über Gestaltung und feineren Bau der als Haden beschrie-
henen Lappenorgane des Aals. Sitzungsber. Akad. Wissensch. Wien (Math.-Natu-
*GWN = Gesammelte Werke Nachtragsband : Texte aus den Jahren rwiss. Kl.), 1 Abteilung, Bd. 75: 419-431.
1885-1938. Frankfurt : Fischer, 1987. •l. 1H77. Über den Ursprung der hinteren Nervenwurzeln im Rückenmarke von Ammo-
coetes ( Petromyzon Planeri). Sitzungsber. Akad. Wiss. Wien (Math.-Naturwiss.
*SE = Standard Edition of the Complete Psychological Works of K l.), 3. Abt., Bd. 75 (1 877), S. 15-27.
Sigmund Freud. London, The Hogarth Press. 1953-1974 [24 volumes, ~. 1878. Über Spinalganglien und Rückenmark des Petromyzon. Sitzungsber. Akad.
paginations variables selon les éditions]. Wissensch. Wien (Math.-Naturwiss. KL), lli Abteilung, Bd. 78: 81-167.
ü. 1879. Notiz über eine Methode zur anaromischen Priiparation des Nervensystems.
*CP = Collected Papers. The Hogarth Press & The Institute of Psycho- Zentralbl. f. med. Wissensch. n" 26, 17 : 468-469.
Analysis. London, 1924-1950 [5 volumes]. 7. 1H80. Übersetzungen von: J. St. Mill, Enfranchisement ofWomen (1851 ); Review of
Grote 's Plato and the Other Companions of Sokrates (1 866); Thornton.__ on Labour
*OC = rEuvres Completes de Sigmund Freud. Paris, Presses Universitai- and its Claims ( 1869); Chapters on Socialism ( 1879), unter den Titeln Uber Fraue-
res de France [quelques volumes, en 2002]. l!emnnzipation ; Plato; Die Arbeiterfrage ; Der Sozialismus. Mili, J. S., Gesammelte
Werke, hrsg. von Th. Gomperz, Bd. 12, Leipzig: 1880 [diverses traductions pour le
*RIP 1 = Résultats, ldées, Problemes. Vol. l; Paris, Presses Universitai- tome 12 des reuvres completes de John Stuart Mili en allemand, éditées par Theodor
res de France, 1984. Gomperz] .
H. 1882. Über den Bau der Nervenfasem und Nervenzellen beim Flusskrebs. 11 88 11
*RIP 2 = Résultats, ldées, Problemes. Vol. 2; PUF, 1985. Sitzungsber. K. Akad.Wissensch. Wien (Math.-Naturwiss. KL) , 111 Abtc ilun g,
*NPP = Névrose, Psychose et Perversion. PUF, 1973. Bd.85, : 9-46.
9. 1883. [Amold] Spina's Studies on the Bacillus ofTuberculosis. JCompte rendun o n
*TP =La Technique psychanalytique. PUF, 1970. signé, en anglais] Medica! News, Philadelphia, 7/4/1883, voL 42 : 401 -402 . Jo urnal
of the American Psychoanalytic Association, 1971, 19 n" 2 : 243-246.
*5P = Cinq Psychanalyses. PUF, 1970. 1O. 1883. Krankenbericht über einen an chronischem Alcoholismus mit Delirium
tremens leidenden Tagelühner. J.A. Stargardt Katalog, 1969, 591 n" 389 [cx traiiJ .
*EPA = Essais de Psychanalyse Appliquée. Paris, Gallimard, 1933
1 1. 1883. Krankengeschichte Karolin Sz. Sigmund Freud House Bulletin, 1983. voL 7 n''
(réédité sous le titre : L'inquiétante étrangeté et autres essais. Gallimard, 2: 1-5.
1985, non utilisé). 12. 1883. Fünfundvierzig Krankengeschichten. In A. Hirschmüller, 1989 : Die Wiener
Psychiatrie der Meyner-Zeit. Med. Habil.schr., Tübingen : 262-380.
*VS = La Vie Sexuelle. PUF, 1969. 13. 1884. Die Struktur der Elemente des Nervensystems. [ 1882] Jahrbücher für Psychia-
*META= Métapsychologie. Gallimard, Collection Idées, 1968. trie und Neurologie ( 1884) 5, n" 3 : 221-229.
14. 1884. Eine neue Methode zum Studium der Faserverlaufes im Zentralnervensystem.
*Essais = Essais de psychanalyse. Paris, Payot, 1968. [15/3/1884] Archiv. Anat. PhysioL; Abteilung: 453-460 [détaillé]. [Résumé, meme
titre: ZentralbL f. med. Wissensch. 22, no 11: 161-163. & Résumé en anglms: A
[Entre crochets~ les dates des rédactions originelles de Sigmund Freud, new histological Method for the Study of Nerve-Tracts in the Brain and Spinal
ou mes annotat10ns. Chord. Brain, voL 7 : 86-88].
1S. 1884. Ein Fall von Hírnblutung mit indirekten basalen Herdsymptomen bei Scorbut.
Wiener med. Wochensch. 34, n" 9 : 244-246, & n° JO : 276-279.
16. 1884. Über Coca. [7/1884 pour une revue puis no,uveau tirage en édition séparée en
1885] De la Coca. in S. Freud : De la cocai'ne. Editions Complexe 1976 : 75-98.
17. 1884. Cocaíne. Medica! News, Philadelphia, 1/11-1884 voL 45: 502. [en anglais,
non signé] Journal of the American Psychoanalytic Association, 1971, 19 n" 2: 252-
253.
18. 1884. The Bacillus of Syphilis. [en anglais, non signé] Medica! News_. Philadelp~ia,
1411211884, vol. 45: 673-674. Journal of the American Psychoanalytic Assoctatton,
1971, 19 n" 2: 257-258.
19. 1885. Currículum Vitae . [Lettre candidature Dozentur, 21/l/1885] *GWN: 46-47;
fac-similé, & trad. partielle dans : Le Pichon & Harari (Eds) : Le Musée retrouvé
de Sigmund Freud. Paris, Stock. 1991 : 68.
JU ·I·I·RI ·N('ES BlllLI OGRAPIIIQ UES J61
.160 MENSON<:I :S H<l ·llllll N', lll 'olllllll 11 11 111 ¡o¡ ol tJ IIIIIM A IIO N S H ' l iiAII{I ·

IK 1KK6 Bericht über meine mit Universitiit-Jübi/iiums-Reisestipendium untemom-


20. 1885. Habilitationsge.\'Uclt ; 1"''"''/1111 , J,', .¡,,.,,IJ"'""'"I/1 1 g''"" !t . 1pub lié en 19601 111e11 ~ Reise rrach Paris und Berlin. [publié 1956] *GWN .: 34-44; *SE 1 : 3-/5.
*GWN : 45-49. Rapport sur mes étudys a París et Berlin . Revue Franr;;~1se Psychanalyse 20, 3,
21. 1885. Beitrag zur Kenntnis.1· dt•r Co• 'lll\'11 A1111g 1 1111/1 HH51 Contribution a la 1<)56 : 299-306. & L' Ecrit du Temps, 3, pnntemps 1983 . 5-16.
connaissance de l'action de la cocal'ne . 111 S . h end lk lu coc¡únc. Edit. Complexe 1•1 IK87 . Rezension von: J. H. Averbeck, Die akute Neurasthenie (1886). *GWN: 65-
1976: 113-121.
(¡(¡; *SE 1 : 35-36.
22. 1885. Gutachten über das Parke Comin . Wll'lll"l nu·d . l'll'SSC, Bd . 26 ( 1885'), Sp.
1036. La panacée de Parke. in S. Freud : 1) ' la l'<X'aúlc. (di t. Complexe 1976 : 131- 111 ¡ K87. Rezension von : S. Weir Mitchell, Die Behandlung gewisser Formen von
136 (trad. partielle). Neurasthenie und Hysterie (1887). *GWN: 67-68; *SE 1: 37-38.
23. 1885. Nachtriige zur « über Coca ». 1211885.1 Addenda a S. Freud, 1884 : De la ·11 1K87 . Diskussionsbemerkung zu einem Vortrag vonAdolf Lorenz, Die. Entsteh~ng
Coca. in S. Freud : De la coca'ine. Édit. Complexe 1976 : 122-124. rler Gelenhcontracturen nach der spinalen Kmderlahmung. [Interventwn ~ur 1 ex-
24. 1885. Über die Allgemeinwirkung des Cocains. [conférence Soc. Psychiat. Vienne, posé d ' Ad~1f Lor~nz: Gesellsschaft der Arzte, Vienne 13/5/1887]. Anzetger der
5/311885, pub lié 7/811885 in Zschr. Therap., vol. 3 : 49-51] A propos de 1' action Gesellschaft der Arzte in Wten, 1887 : 107 sq. ..
générale de la coca'ine. in S. Freud : De la coca'ine. Edit. Complexe 1976 : 125-130. ·12. 1887. Diskussionsbemerkung zu einem Vortrag von Víctor Urbantschitsch, Vber den
25. 1885. Zur Kenntniss der 0/ivenzwissenschicht. Neurol. Zentralblatt, 17/5/1885; 4, n" Einjluss einer Sinneserregung auf die übrigen ~mnesernp.findu~gen. [Interventwn
12 : 268-270. sur l'exposé de V. Urbanschitsch : Geseiisschaft der Arzte, V1enne 21/10/1887].
26. 1885. Ein Fall von Muskelatrophie mit ausgebreiteten Sensibilitiitsstorungen (Syrin- Anzeiger der Geseiischaft der Arzte in W1en, 1~87 : 174. . .. .. . _
gomyelie). Wiener med. Wochensch., vol. 35, 3 & 4/1885; n" 13 col. 389-392; n° 14 ·1 1. 1887. Bemerkungen über Cocai'nsucht und Cocamfurcht. (Bettrage uber dte Anwen
col. 425-429. dung des Cocain. Zweite Serie.) !917/1887] Coca'inomame et cocamophobte. 111 S.
27. 1885. Rezension von : Ollivier, Hauteruptionen neben Chorea und Rheumatismus Freud : De la coca'ine. Ed. Complexe 1976 : 169-174. . .
(Gaz. des Hópitaux, Nr. 63, 1884). Vjschr. Dennatol. Syphil., Bd. 12 (1885) p. 307. ·1·1. 1887. Rezension von : Otto Buss. « Zur Lehre von der Dystrophta musculan.v
28. 1885. Rezension von : Pozze, Trophische Storungen bei traumatischer, peripherer progressiva». Zentralb1att für Kinderheilkunde, vol. 1 : 15-.16. . .
Neuritis (Gaz. médic. de Paris, 14. Oct. 1883). Vjschr. Dennatol. Syphil., Bd. 12 45 . 1887. Rezension von : Richard Friedliinder, In welchem Zettpunkt 1st es ~ng~zetgt ..
(1885), p. 315. mit der elektrischen Behandlung acut entzündltcher Krankhetten de.1 Nervt 11.1_\.\tem.\
29. 1885. Rezension von : Pitres, Vaillard, Beitriige zur Kenntniss der peripheren, nicht zu beginnen? Zentralblatt für Kinderheilkunde, 1887 vol. 1 : 16: . .
traumatischen Neuritiden (Arch. de Neurologie, Nr. 14, 15 und 17, 1883). Vjschr. 46 1887. Rezension von : Henry Dwight Chapin, "Penpheral Ne,unlt.l~ andtlte pwnf~d
Dennatol. ·Syphil., Bd. 12 ( 1885), p. 317. · para 1ysts · o.¡ early lifie» . (Medica/
· Record·· Nr. 3, 1887). Zent•<~lhl.lll ltll
30. 1885. Rezension von: Joseph-Jules Déjerine, Acure centra/e Myelitis in der Frühe- Kinderheilkunde, 1887 vol. 1 : 37. .
poche der Syphilis (Revue de médecine, Nr. 1, 1884). Vjschr. Dermatol. Syphil., vol. 47 1887. Rezension von : Oswald Berkhan, « Versuche, die Tauhstummlwtt zu lil'.l'.l'l''"
12 ( 1885), p. 382. . und die Erfolge dieser Versuche». *GWN.: 103-104. . .
1
31. 1886. Akute multiple Neuritis der Spinalen- und Hirnnerven. Wiener med. 48 1887 Rezension von : Moritz Freyer, « Zur Tabes im jungendltchen Alter ». ( /Jt •tlllll ' .
Wochensch. , 211886; 36, n" 6 : col. 168-172. · klin. ·wochenschr. Nr. 6, /887, S. 91 ). Zentralblatt für Kmderhellkundc. 1HR7 vol 1
32. 1886. Über die Beziehung des Strickkorpers zum Hinterstrang und Hinterstrangs-
kern, nebst Bemerkungen über zwei Felder der Oblongata. [Paris 21/3/1886, en coll. 49 ~~Ín Rezension von : W G. Winner. «A case of basilar meningitis». ( Detroit Tltt•m
avec L. O. Darkschevitsch]. Neurol.Zentralbl. 5. n° 6: 121-129. ' peutlc Gazette, 15. Januar ¡ 887, p. 24 ). Zentralblatt für Kmderhellkunde, 1887 vol.
33. 1886. Über den Ursprung des Nervus acusticus. Monatschr. für Ohrenheilkunde, 1 : 39. . l . (8 1 k/
neue Folge, 20 n" 8 : 245-251; & n" 9 : 277-282. 50. 1887. Rezension v011 : Heinrich Hochhaus, « Meningitische Hem¡p.egte ». er · ·
34. 1886,_ Über miinnliche Hysterie. Zweiteiliger Vortrag, gehalten in der Gesellschaft Woch. Nr. [, /887). Zentralblatt für KmderhetlkuJ1de, 1887 vol. 1 · 3?,. .
der Arzte in Wien am 15. Oktober und 26. November 1886 [Referate von fremder 5 1887. Rezension von : Paul Julius Mo.bius, « Uber austetgende Liihmung nach
Hand]. In : Anz. K.K. Ges. Arzte Wien, (1886), Nr. 25, S. 149-152, Nr. 3/; Allg. 1. Keuchhusten ». Zentralblatt für Kinderhetlkunde, vol. 1 : 62-63.
Wiener med. Ztg., Bd. 3/ (1886), S. 505-507, 579 ; Münch. med. Wschr., Bd. 33 1887 Rezension von : George Andreas Berry & Byrom Bramwell, «Case of Ophtal-
(1886), S. 768, 885f; Wiener med. Wschr., Bd. 36 (1886), Sp. 1445-1447 {nur über 52' mopiegia externa acuta probably due to a scrofulous lesion of the Pons Varolu.:
die Sitzung vom 15.10.1886]; Wiener med. Presse, Bd. 27 (1886), Sp. 1407-1409, Recovery. » (Edinburgh Med. Journal, "hl. XXXII. Nr. 9, p. 817). Zentralblatt fur
/597; Wiener med. Bliitter, Bd. 9 (1886). Sp. 1292-1294 [nur über die Sitzung vom Kinderheilkunde, 1887 vol. 1 : 63 sq. .. .
/5.1 0./886]. [ compte-rendus des interventions de Freud a la Société Impériale de
Médecine de Vienne les 15 octobre et 26 novembre 1886 sur l'hystérie masculine] 53 1887. Rezension von : Stephen Mackenzie, « Report o": Chorea.>> ( Bnttsh M~dtcal
· Journal, 261211887, p. 425). Zentralblatt für Kmderhetlkunde, 1887 vol. 1 . 122-
35. 1886. Beobachtung einer hochgradigen Hemianiisthesie bei einem hysterichen
Manne. (Beitriige zur Kasuistik der Hysterie /). [le cas du 26-XI-1886, Société 126· .. l . d K b
54. 1887. Rezension von : R. Laufenauer, « Vber Hysteroept epste . er na et~ »
Impériale de Médecine de Viennej . *G WN : 54-64; *SE l: 24-31. (Centralbl. ¡ Nervenheilk. Nr. 6, S. /61, 1887). Zentralblatt lur Kmderhe!lkun e,
36. 1886. « Über einen Fall von hy.1Nrischer Coxalgie aus traumatischer Ursache bei
einem Manne». [traduction d'un cas de Jcan -Martin Charcot «Sur un cas de coxal- vol. 1 : 247. .. . (M" h d
55 1887 Rezension von : Roderich Stintzing, « Uber hereditiire Ataxte. » une . me :
gie hystérique de cause trauinatiquc chcz l'homme »l Wiener med. Wschr., Bd. 36 · Woch. N;. 21, S. 389-392, 1887). Zentralblatt für Kmderhe1lkunde, 1887 vol. 1 .
(1886), Sp. 711-715, 756-759.
247-248.
37. 1886. Übersetzung mil Vorwort dt•.,· 0/Jer.l'l'tzers und zusiitzlichen Fussnoten von :
Jean-Martin Charcot, 1.-t'¡'OIIS s11rlt'.1 1/Uiltldil',\' du systeme nerveux. [Préface et notes' 56. 1887. Rezension von Ludwig Unger « Über multiple inselformige Sklerose des
Centralnervensystems im Kindesalter. » Zentralblatt für Kinderhetlkunde, vol. 1 :
a la traduction du tome lll des <<1 ol'\'Oil ' ' ur les maladies du systeme nerveux >> de 248-249.
J.M. Charco! (1887)]. *Sf; 1 : l 'l .'1. '<;WN : 50-53.
1(¡2
MI ·NSON t ii '. S 1•1(1 · 111>11 N', 111 '.1 t 11111 1' II NI PI '. lr ll lliiMAIION SH 'I II.AJRH l{l ;I·I"<I ;NCES BIIILIOGRAPHIQUES 363

57. 1887. Rezension wm : Mt~ ,,,ufu111 llc•t ., • 1/i., ., //, mlllll"f'llltt jal'ia/is progressiva ll1 . 1888. Rezension von : Friedrich A. Niederz , « Ein Fall von Lesescheu, Dyslexie
nebst Mllthetlung etne.1· rltt•sht•711¡¡ftc ¡,,.,, /u/1,•, • /c·u11alhla11 1111 Kindcrheilkunde ( Dysanagnosie) mit Sectionbefund. » (Archiv f Augenheilk. XVII, 2). Zentralblatt für
vol. 1 : 249. '
Physiologie, 1888 vol. 1 : 51 sq.
58. 1887. Rezension von : Colllto/d Sl'lud;, • /)¡,., .llilll'l' tt' tliplttl'l'iti.!'Che Liihmungen 11. 1888. Rezension von : E. S. Reynolds, << On changes in nervous system after amputa-
und deren balneotherapewi.l'('/w ll<'i!tm¡¡. " / .e tlll alhlall fllr Kintlcrheilkunde vol 1 · tion of limbs, with bibliography anda recent case» (Brain, Jan. 1887, XXXV!, p.
249-250. • . .
494). Zentralblatt für Physiologie, 1888 vol. 1 : 76.
59. 1887. Rezension van : Ephmim Flerclter lnf(a/.,·, • 'fiwunati c Tetanus. » Zentralblatt / H. 1888. Rez;ension von : William Thorburn, «Cases of injury to the cervical region of
für Kinderheilkunde, 1887 vol. 1 : 250.
rhe spinal cord. » (Brain XXXVI, /887). Zentralb1att für Physiologie, 1888 vol. 1 :
60. 1887. Reze?sian van: John Abercrombie, « C/inicallecrure on Hemiplegia in Chil- 10 l.
dren. » (Bru. med. Journ. 18; 01/1887, p. /323). Zentralblatt für Kinderheilkunde /(). 1888. Rezension von : Leonard Landois, Über die Erregung typischer
1887 vol. 1 : 415 sq. '
Krampfanfi:ille nach Behandlung des centra/en Nerv_ensy~tems mit chemischen Subs-
61. 1887. Rezension von; E~ouard,Bugn~on, «Chute sur la tete, enfoncement de l'os tanz;en, mit besonderer Berücksichtigung der Uri:imte (Wtener med. Presse, Nr. 7, 8,
fronta_l. troub/es consecutifs de lmtell!gence et de la mobilité. » (Revue médica/e de 9, 1887). Zentralblatt für Physiologie, 1888 vol. 1 : 127 sq.
~a:S%{~e romande No 4, 1887, p. 210). Zentralblatt für Kinderheilkunde, 1887 vol. HO. 1888. Rezension von : Philipp Knol/, « Über die Augenbewegungen bei Reizung
einzelner Theile des Grosshirns. » (Wiener akad. Sitzb. XCIV. /!l. Abth., Octoberheft,
62. 1887. Rezension von: Karl Gerling, «Über Athetasis» (lnaug.-Diss. Kie/ 1887)
/886 ). Zentralblatt für Physiologie, 1888 vol. 1 : 189 sq.
Zentralblatt für Kinderheilkunde, vol. 1 : 420. ' ·
63. 188~. Rezensian von : Che ver Bevi/1 & H. D. Fry, << Neurasthenia or Chlorosis. » (S t. Hl . 1888. Rezension von : Philipp Knoll, << Über die nach Verschluss der Hirnarterien
auftretenden Augenbewegungen. » (Wiener akad. Sitzb. XCIV. ll/. Abtlz., Octo-
0uts Co_uner of medicine, XVII, Nr. 3, March 1887, p. 229). Zentralblatt für berheft, /886). Zentralblatt für Physiologie, 1888 vol. 1 : 190.
Kmderhe1lkunde, 1887 vol. 1 : 422.
64. 1887. Rezension von: Carlos Arthur Moncarvo, «De l'étiologie de la sclérose en !!2. 1888. Rezension von : Edmond Beraneck, « Histogénese des nerfs céphaliques. »
plaque chez les enfants » (Revue mensuelle des maladies de l'enfance, Juni 1887, p. (Archives des sciences plzysiques et nature/les XV/1.3, p. 240). Zentralblatt für
242; aa_l. m Arch. d. pathol. infant., 1887, Fase. 3). Zentralblatt für Physiologie, 1888 vol. 1 : 209.
Kmderhe!lkunde, 1887 vol. 1 : 423. n 1888. Rezension von : Charles Julin, «Le systbne nerveux grand sympatltique de
65. 1887. Communications a la Société des Médecins de V!enne. in Le Bulletin Médica] J'Ammocoetes (Petromyzon Planeri). » (Anatom . Anzeiger 11, 7, 1887). Zcntralblatt
vol. 1 : Séance du 1/04-1887, p. 186 sq.; 29/04-1887, p. 301; 6/05-1887, p. 331: für Physiologie, 1888 vol. 1 : 236.
13/05-1887, p. 365; 20/05-1887, p. 394; 27/05-1887, p. 426; 10/06-1887, p. 492 sq. 84. 1888. Rezension von : W. Leube, « Über Herderkrankungen im Cehim.,·clwnkl'i 111
66. 1887:. Rezension von : He inrieh Obersteiner; Anleitung beim Studium des Baues der
der Gegend des hinteren V!erhüge/paares. » (Deutsches Arch. f k/. Med. XL. 2. S
nervosen Centralorgane im gesunden und kranken Zustande, Leipzig und Wien 217). Zentralblatt für Physiologie, 1888 vol. 1 : 252 .
1888. W1ener med. Wochenschr. 1887 Vol 37, no 50, col. 1642-1644. 85. 1888. Rezension von : Carl Rabi, « Über das Gebiet des Nervus faciali.l·. » ( An11t
67. 1887. Rezension von : J. Pal, Ein Beitrag zur Nervenfi:irbetechnik (Wiener med
Anzeiger l/, 8, S. 212). Zentralblatt für Physiologie, 1888 vol. 1 : 262.
Jahrb. 1886). Neurol. Zentralbl. 1887 Vol. 6, no 6 : 53f. .
68. 1887. Rezens~·on von: Alessandro Borgherini, Beitri:ige zur Kenntniss der Leitungs- 86. 1888. Rezension von : Max Friedmann, « Einiges über Degenerationspm(·t•.m• 1111
Hemisphlirenmark.» (Neurologisches Centralblatt /887, Nr. 4 und 5, S. 7.1)
bahnen 1m Ruckenmarke (Mllthetlungen aus dem lnstitute für allgemeine und expe- Zentralblatt für Physiologie, 1888 vol. 1 : 263.
nmentelle Pathologie in Wierz, 1886, !). Neurol. Zentralbl. 1887 Vol. 6, n° 4: 79. 87. 1888. Rezension von : C-A. Phisalix, <<Sur les nerfs craniens d 'un embryon huma in
69. 18S,7. Rezensian von: Albert Adamkiewicz, Monoplegia ani:isthetica (Wiener med.
de trente-deux jours » (Coinpt. rend. CIV. 4, p. 241). Zentralblatt für Physiologie.
Blatter, Nr. 4 und 5, 1887). Neurol. Zentralbl. 1887 Vol. 6, n" 6: 131-133. 1888 vol. 1 : 268.
70. 1887. Rezension von : Julius Nussbaum, Über die wechselseitigen Beziehungen
88. 1888. Rezension von : V!ctor Urbanschitsch, << Über den Einfluss von Trigemi -
zwtschen den centra/en Ursprungsgebieten der Augenmuskelnerven (Wiener med. nusreizen auf den Tast- und Temperatursinn der Gesichtshaut » (Pflüger's Arch.
Jahrb., 1!, 1887). Neurol. Zentralbl. Vol. 6, no 23 : 543f. XLI, 1887, S. 46). Zentralblatt für Physiologie, 1888 vol. 1 : 507 .
71. 1887. Das Nervensystem. in : Eduard von Buchheim, (Edit.) Arztliche Versi-
89. 1888. Rezension von : Giovanni Mingazzini, Nota sopra tre cervelli di fe ti trigemini
cherungsd~agnostik, (Abschnitt V). Wien, Alfred Holder: 188-207. umani (Bulletino delta Reale Academia Medica di Roma Xl/1, p. 1 12). Zentralblatt
72. 1888. Über Hemianopsie im frühesten Kindesalter. Wiener med. Wochenschr. Vol für Physiologie, 1888 vol. 1 : 596. .. . .
38, no 32: 1081-1082, & n" 33: 1116-1121. 90. 1888. Rezension von : W. Bechterew, Uber die hinteren Nervenwurzeln, thre Endt-
73. 1888. _Aphas~e, Gehirn /. Anatomie des Gehirns, Hysterie, Hysteroepilepsie. [articles gung in der grauen Substanz des Rückenmarkes und ihre centra/e !'ortsetz_ung !m
non s1gnés] m Vlllaret (Ed1t.) : Handwürlerbuch der gesamten Medizin, Stuttgart, F. letzteren (His-Braune's Arch. 1887, Nr. 2 u. 3, S. 126). Zentralblatt fur Physwlog1e,
~nke Verlag, Vol. 1 : 88-90(Aphas•c) .. 684-697 (Gehirn). *GWN: 69-90 (Hysterie), 1888 vol. 1 : 598-600.
GWN: 91-92 (Hyster~plleps1c): *SE 1: 41-57 (Hysteria), 58-59 (Hystero-Epi- 91. 1888. Rezension von : H. Obersteiner; << Der Hypnotismus mit besonderer
lepsy). «Hysténe» m: Caluers Confrontations n" 7, printemps 1982: 153-169. Berücksichtigung seiner klinischen und forensischen Bedeutung » (Klinische Zeit-
74. 1888. Corpus. [para&raphes (¡, r, 1: non signés ] in V!llaret (Edit.): Handwürterbuch und Streitfragen, l. Band, 2. Heft, S. 49-80), Wien /887. *GWN: 105-106.
der gesamten Med•zm, Stut1gnr1. F. l:nkc Vcrlag (vol. 1, p. 354-355). Jahrbuch der 92. 1888. Rezension von : Nussbaum, Über die wechselseitigen Beziehungen zwischen
Psychoanalyse, 1974 vol. 7: 117 125 . den centra/en Ursprungsgebieten der Augenmuskelnerven (Wiener med. Jahrbücher
75. 188_8._ Rezension von : Bernlum/ Sndt.\', « Kurze Mittheilung über einen Fall von l/, /887) . Zentralblatt für Physiologie, 1988 vol. 1 : 628 sq.
soluarem Tuberkel des Hal.l'liil'kt•nmllrkt·,,· » (Neurol. Centralblatt Nr. 1 1887) 93. 1888. Hypnose durch Suggestion. Wiener med. Wochenschr. Vol 38, col. 898-900.
Zentralblatt für Physiologie. 1!!!<!! vo l . 1 : ] 1 sq. ' ·
94. 1888-89. Papers on Hypnotism and Suggestion. *SE 1: 6/-72.
lM Ml:NSON<a ~s l · l{l ~ l i iiii · N , lll 'o lfllll l I• IINI lrl , f N I••I I~ I I\ II!IN Sl·('lll All<f·
RI" 'ERENCI:'S BIBLIOURAPIIIQUES .165

95. 1888-89. ÜbersetzunK mir Vt,,,.tf,.,¡,., ¡)¡,,., " '1 ,., , ,¡


1 1 11 1111u. I 11 J11 •11 Fun 11 oren von .
Htppolyte,
Bemhein1
.
l" ' s· 1 1 1 ..
« Al' • "111/l'.l'tum 11111 1,,. Ir ti" •"J."" X ·• li\vaul propo. , el
. 11.., 1X<n . Rezension von : L. Sala, Sull 'origine del nervo acustico (Monítore zoología>
11
o_tes a la traduct10n de 11. 13cnlht·"'' . llr t,, ' "f'.f11'''"'" ,., de ses applicalions a la italiano No. 11, /891). Zentralblatt für Physiologie, 1892 vol. 5: 860.
therapeullque. P~1s 1886. 1'' par11· (loud . ) ' puoloc o. vn 11 Spriuger. Wien. 1 1(, 1!\92. Rezension von : M. Stemberg, Hemmung, Ermüdung und Bahnung der
~eut1cke 1888!1 G~N: 107-122. l'u!j(,·' 'l' oqHÍ!.l' ,, · l/y1motism and .\'Uggestion. Sehnenrejlexe im Rückenmark (Wiener Akad. Sitzber. 01-1891). Zentralblatt für
1~L ~· · ~~9~~· & *SE 1: 73-87. ffypii0/1 .\'1111' l't .lllg/(f'.l'tinn . i11 : L' l~cril du temp~ 6,
8 Physiologie, 1892 vol. 5 : 859.
1 1 1 1!\92. Diskussiansbemerkung zu einem Vortrag von Hermann Schlesinger, Fall van
96. 1~89. Rez.ension ~on : W Becluere11; Über dit• IJt'.l'ft.lllrlsheile des vorderen Klein- Augenmuskelldhmung nach Herpes z.oste1: [Intervention a l'exposé de Hermano
htrns.chenkels (Hts-Braune's Archiv 188R. N1: 2 hi.1· 4, S. 124). Zentralblatt für Schlesinger sur !'herpes zoster, Wiener medizinischer Klub, 12110-1892]. Neurolo-
Phys10logte, 1889 vol. 2 : 456 sq. g isc he Zentralblatt, vol. 11 : 761 sq.
97. 1889 · Rezension van.: J. EJ_elloni, Über die centra le Endigung des Nervus opticus bei
11H 1!!92. Brief an Jasef Breuer. [29/06-1892, pub lié 1941] *GW 17: 5-6; *CP 5 : 25-
den Vertebraten (Zettschrift f Zoalagie XLV/l.!, S. 1). Zentralblatt für Physiologie 2 6; *SE 1 : 147-148.
1889 vol. 2 : 554 sq. '
11 <J 1892. Über Hypnose und Suggestian. [ex posé Wiener medizinischen Klub, ~7/04 &
98. 1889. Rezensian von: August Farel, Der Hypnatismus. *GWN: 125-139; *SE 1:
4/05-1892] *GWN: 165·178 De l'hypnose et de la suggestion. in: L'Ecrit du
89-102. c.ompt~_rendu du hvre de ForeJ «L'hypnotisme, sa signification et son Temps, J, /983: 219-230.
emplot>>. m : L Ecnt du temps, 3, 1983 : 203-218.
1 .' lJ. 1892. Übersetzung von : Bemheim, Hippolyte, Hypnotisme, suggestion el psycho-
99. 1889. ~inweisungsschreiben « Mathilde S.» in A. Hirschmüller, 1989 : Freuds
thérapie, études nouvelles, Paris 1891. [traduction de H. Bernheim : Hypnotisme,
<< MathJde S.». E m we1terer Tagesrest zum Irmatraum. Jahrbuch der Psychoanalyse, suggestion, et psychothérapie, études nouvelles. París 1891. Sous le litre Neue
vol. 24. Studien über Hypnotismus, Suggestion und Psychotherapie. Leipzig & Wien,
1OO. 1890. Rezensian van : L. O. Darkshevitch, Über den oberen Kern des Nervus ocula- Deuticke 1892].
motanus (A. f Anat. u. Physiol., Anat. Abth. 1889). Zentralblatt für Physiologie 1.) 1. 1892. Natiz 11/. [publié en 1941] *GW 17: 15-18; *CP 5: 31-32; *SE 1 : 149-150.
1890 vol. 3: 84 sq. ' Notice << Ill» *RlP l : 29-30.
101. 1890. Rezensian van : Kückenthal, M. und Theador Ziehen, Das Centralnervensys-
1.' 2. 1892. Zur Theorie des hysterischen An.fal/.1·. [avec Josef Breuer, 1'' publication 19401
tem der Ce!aceen (Aus den Denkschriften d. med.- naturwissensch. Ges. zu Jena/11. *GW 17: 7-13; *CP 5: 27-30; *SE 1: 151-154. Pour une théori e de l'allaqu e
B., 1889). Zentralblatt für Physiologie, 1890 vol. 3 : 626-631. hystérique. *RIP 1 : 25-28.
102. 1890. Psychische Be~andlung (See!enbehandlung). *GW 5: 287-315; *SE 7: 281-
1 .> 1. 1892-93. Ein Fall von hypnotischer Heilung nebst Bemerkungen über dit• l·.'nr.,
302 (daté 1905). TraJtement psych1que (traitement d ' iime). *RIP 1: J-23. tehung hysterischer Symptame durch den « Gegenwillen ». [1 '' pa11i c puhlié · en
103. 1891. Klinische Stu_di~ über die halbs~itige Cerebralliihmung der Kin der. [en coll. décembre 1892, 2' enjanvier 1893] *GW 1: 3-17; CP 5: 33-46; *SI:.' 1 : 11 5 12H.

0 3
~~ ~~car R1e] Be1trage zur Kmderhellkunde; Ed. Kassowitz (Wien) Perles; vol. 3 Un cas de guérison hypnotique avec des remarques sur l'apparition ele 'y mpli\ rlll:'
hystériques par la contre-volonté. *RIP 1 : 31·43.
104. 1891. Hypnase. Bum, Anton, Therapeutisches Lexikon, Wien: 1891. *GW 140-150.
124. 1892-93. Vorwort und Anmerkungen zur Übersetzung von J. M. Charcot ( << Pnlykli
105. 1891. C,erebrale Kinderldhmung und Palíomyelitis infantilis. [en col!. avec Osear nische Vortrage»), Wien und Liepzig. ipréface, et notes a la traduction des<<Lc,·ous
R1e] W1en. khn. Wochenschr. Vol41, n" 5: 193-196, no 7:244-246, no 8:292-294. du Mardi, 1887-1888», Vol 1, de J. M. Charcot]. *GWN: 153-178; *SE 1 : 131
106. 1891 · Zur Auffa~·sung der Aphasien. Eine kritische Studie. On Aphasia : A Critica! 143. Préface: in L'Écrit du temps, 7, automne 19R4: 55-88.
Study: (Intemallonal Umversities Press, 1950) Contribution a la conception des 125. 1893. Beitrag zu: Ludwig Rosenberg. Casuistische Beitrdge zur Kenntniss der cere -
aphastes. Pans, PUF 1983.
107. 18_91. Kinderldhmung, und Liihmung. [articles non signés] in Albert Villaret : Hand- bralen Kinderldhmungen und der Epilepsie. Wien : 1893. Beitrage zur
Kinderheilkunde, neue Folge n" 4 : 92-111.
worterbu.ch der gesamten MedJZJn. Stuttgart, Enke. 1891 Vol 2 : 91-93 & 169-171.
108. 1891. Mute1lung über eine Sulfana/vergiftung. In A. F. Jo/les : Über das chemische 126. 1893. Über hysterische Liihmungen. (Referat von Hermann Schlesinger). [confé-
rence Wiener medizinischen Klub 24/05-1893]. Neurol. Zentralblatt 12 : 709.
Verhalten der Harne nach Sulfanal-lntaxikatian. International klinische Rundschau
1891 vol. 6, col. 1913-1916 & 1953-1959. ' 127. 1893. Rez.ension von : M. Stemberg, Über die Beziehungen der Sehnenreflexe zum
109. 1891. Anamnese «Nina R.». [publié en 1978] *GWN: 313-3/5. Muskeltanus (Wiener Akad. Sitzber. Juni 1891). Zentralblatt fúr Physiologie, 1893
110. 1891. Hypnose. *GWN: 141-150; *SE 1: 103-1/4. Hypnose in· L'Écrit du temps vol. 6: 24.
3, 1983: 101-/09. . .:_ . ' 128. 1893. Rezension von : Ouo Sne/1, Die Abhdngigkeit des Himgewichtes van dem
111. 189~. Beitrag zu ,: Rasenthal, Emil, Contrilmtion al'étude des diplégies cérébrales Korpergewicht und den geistigen Fdhigkeíten (Arch. .f. Psych. XXIII, 2). Zentralblatt
de l enfance [These]. Lyon : 1892. für Physiologie, 1893 vol. 6 : 86.
112. l892.Rezension von : Schajfe1; R., VerKieichend-anatomische Untersuchungen über 129. 1893. Rezension von : B. Lange, lnwieweit sind die Symptame, welche nach
Ruckenmarhfaserung (Archiv f mikr. Ana t. XXXVI/l. 1891 ). Zentralblatt für Physio- Zerstorung des Kleinhirns beobachtet werden, auf Verletzungen des Acusticus
logJe, 1892 vol. 5 : 656. zurückzu.führen? (Pjliiger's Archiv, L, 1891 ). Zentralblatt für Physiologie, 1893 vol.
113. 1892. Rezensian von : Joseph F. F. 1/(lhinski. /'(lrapléRie jlasque par compressian de 6 : 159 sq.
la maelle (Archiv de Méd. expérim. N1: 2. UN/) . Zentralblatt für Physiologie 1892 130. 1893.Rezension van : /si dar Steiner, << Sinnessphdren und Bewegungen. » ( Pfliiger's
vol. 5 : 677 sq. ' Archiv L, /891). Zentralblatt für Physiologie, 1893 vol. 6: 187 sq.
114. 1892. Rezension van : Bemlwimn: li1>1'1 die Sehnervenwurzeln des Menschen 131. J893 .Rezension von : Danilewsky, « Zur Physialogie des Centralnervensystems von
( Wtesbaden 189 /). Zcntralblatl frl1 l'li y"o log rl·, 1X92 vol. 5 : 767 sq. Amphiaxus. » (Pf7iiKer's Archiv 1892). Zentralblatt für Physiologie, 1893 vol. 6: 454
sq.
366 MFNSON(;¡ ,s I · I<I · IJI)II · N~. 111 '.1111111 1> llrll 111 'dN I lliiMi\ II ON SH'lll .i\IRE UU ·r'' RENCES BIBLIOGRAPHIQUES 367

132. 1893. Über den psychisl'iwn Mt•r h11111 1111111 ln•,tr11" ¡,., l'hllnmlll'/le. Vorliiufige 1~ 1 1895. Rezension van : L. Edinger, « Eine neue Theorie über die Ursachen einiger
Mittei/ung. ftin 1892 avcc Joscf Br·u<'>l •(,'WN 18 1 /IJ ,, •(;W 1 : 8 1-98; *CP 1 : Nervenkrankheiten, insbesondere der Neuritis und der Tabes.» (Volkm.ann's
24-41; *SE 2 : 3- 17. Les méca ni s nw ~ P'Yl lnque,, d<'' ph nomcncs hystériques : Vortrdge Nr. /06, 1894). Wiener klinische Rundschau, vol. 9, n" 2 : 27-28.
communication préliminaire. Cha¡1. 1 dt'.\' .d~tlul<'' "" 1: hy,léric >>, PUF 1971 : 1- 1~2. 1895. Rezension von Alfred Hegar « Der Geschlechtstrieb Eine social-medicinische
13. Studie. Stuttgart 1894. ». *GWN: 489-490. La pulsion sexuée de A. Hegar. *OC. vol
133. 1893. Über den psychischen Mechani.1·mus h vsrt•till ·iwr l'hlinomene. [conférence 3: 92-96.
Wiener medizinischen Klub, 11/01 - 1893 1. *(;'WN : 181 /95; *SE 3: 25-39. Le 1895. Rezension von P. J. Mobius «Die Mi grane». [03/03-1895]. *GWN : 360-369.
mécanisme psychique des manifestalions hyslériqucs. in Esqui.l'ses Psychana/yti- La migraine de Mobius. *OC, vol 3 : 99-103.
ques, /9; 1993.
1 ~4. 1895. Obsessions et phobies, /eur mécanisme psychique et leur étiologie. [ 1894 en
134. 1893. Krankengeschichte «Nina R.». [cas clinique publié en 1983) *GWN: 316- Franr,;ais pour Revue Neurologique] *GW 1: 345-353; *CP 1: 128-137; *SE 3:
319. 7 /-82 (& appendix /895: 83-89); *NPP: 39-45.
135. 1893. Über familiiire Formen van cerebra/en Dipleg ien . Neurol. Zentralbl. 12, n" 1'í5. 1895. Mechanismus der Zwangsvorstellungen und Phobien . (conférences 12-1894 &
15: 512-515 & n" 16:542-547. 15/01-1895, Vereins für Psychiatrie und Neurologie in V.:ien) *GWN : 352-359.
136. 1893. Charcot. *GW 1: 21-35; *CP 1: 9-23; *SE 3: 9-23. Charcot. *RIP 1:61 - Mécanismes des représentations de contrainte et des phob1es. *OC, vol 3 : 79-91.
73. l 'i6. 1895. Diskussionsbemerkung zur Vorstellung eines Falls von tabisher Polyarthropa-
137. 1893. Zur Kenntniss der cerebralen Diplegien des Kindersalters (im Anschluss an thie durch Dr. Hirsch/. [28/05-1895, Vereins für Psychiatrie und Neurologie in
die .Little'sche Krankheit). Beitriige zur Kinderheilkunde. Neue Folge 3 : 1-158, Wien) Wiener klinische Wochenschrift, vol. 8 : 742; Neurologische Zentralbllatt,
Leipzig und Wien : Deuticke. (abstraer in *SE 3 : 245). vol. 14 : 1149.
138. 1893. Beitrag zu : Rosenthal, Emil, Les diplégies cérébra/es de l'enfance. Paris :
1893. 157. 1895. Diskussionsbemerkung zur Vorste/lung dreier Kranker mit Chorea chronica
durch Dr. Von So/der. [28/05-1895, Vereins für Psychiatrie und Neurologie in Wien)
139. 1893. Les diplégies cérébrales infantiles. [en Fran¡,;ais] Revue Neurologique Tome T, Wiener klinische Wochenschrift, vol. 8 : 743 sq.; Neuro1ogische Zentralbllatt, vol.
n" 8: 177-183. 14: 1149.
140. 1893. Über ein Symptom, das hiiufig die Enuresis nocturna der Kinder begleitet. 158. 1895. Rezension van : Koch (1 L A), Das Nervenleiden des Mensche.n. Zur
Neurol. Zentralblatt, vol 12, n" 21 : 735-737. Belehrung, zu Rat und Trost. Verlag von Otto Maier, Ravensburg. 1895. D1e Ze1t,
141. 1893. Quelques considérmions pour une étude comparative des paralysies motrices 2/03-1895, n" 22: 142.
organiques et hystériques. [en Fran¡,;ais pour Archives Neuro!.] *GW 1 : 39-55;
*CP 1 : 42-58; *SE 1 : 157-172 ; *RIP 1 : 45-59. 159. 1895. Studien über Hysterie. [avec JosefBreuer] *GW 1: 75-312 (sans les contribu-
142. 1893. Freud, Sigmund [art. autobiographique]. In: Eisenberg, Ludwig, Das geistige tions de Breuer) *GWN: 217-310 (avec préfaces & contributions de Breuer) ; *SE
Wien. Künstler- und Schriftsteller-Lexikon, Bd. 2 : Medicinisch- naturwis- 2. Études sur l'hystérie. PUF 1971.
senschaftlicher Theil, Wien : 1893, S. 132f. 160. 1895. Zur Psvchotherapie der Hysterie. *GW 1 : 252-312; *SE 2 : 255-305. La
143. 1893-94. Accessoriuskrampf; Accessoriusliihmung; Agraphie; Alalie; Alexie; psychothéraple de l'hystérie. in Etudes sur l'hystérie PUF 1971 : 205-247.
Amnesie; Anarthrie; Anosm.ie; Aphasie; Aphrasie; Bradylalie; Bradyphrasie; 161. 1895. Über Hvsterie. [Trois conférences : Wiener medizinischen Doktorenkolle-
Dysgraphie; Dyslalie; Dyslex.ie; Dysphrasie; Echolalie; Paraphrasie. Diagnosti- gium, les 14, :ÍI & 28/10-1895] *GWN: 328-35/.
sches Lexikon für praktische Arzte, hrsg. Moritz von Anton Bumund & T. Schnirer, 162. 1895. Entwuif einer Psychologie. [publié 1950] *GWN: 387-477; *SE 1 : 281-397.
Bd. 1 (1893) und Bd. 3 (1894), Wien und Leipzig. [18 articles pour un dictionnaire Esquisse d'une psychologie scientifique. in S. Freud : La naissance de la psychana-
de neurologie] Articles Amnésie, & Aphasie repris in: Psyche, 1987 no 6: 508-528. lyse. PUF 1969: 307-396.
144. 1894. Rezension von : Jahrbuch der praktischen Medicin, begr. von Paul Borne1; 163. 1895. Über die Berechtigung, von der Neurasthenie einem bestimmten Sympto-
hrsg. von J[ulius] Schwalbe, Jahrgang 1894. Stuttgart 1894. [Gezeichnet: F.]. Inter- menkomplex a/s «Angst-Neurose» abzutrennen. [1894] *GW 1 : 315-342; *CP 1:
nationale klinische Rundschau , vol. 8, col. 1492 sq. 76-106; *SE 3 : 87-117; *OC, vol 3 : 29-58. Qu'il est justifié de séparer de la
145. 1894.Rezension von: E. Flatau, «Atlas des menschlichen Gehirns und des Faser- neurasthénie un certain complexe symptomatique sous le nom de «névrose d'an-
verlaufes. » Internationale klinische Rundschau, vol. 8, col.54 Sp. 1131f. goisse>>. *NPP : 15-38.
146. 1894.Rezension van : Platonnow, « Zur Frage über die allgemeine progressive Para- 164. 1895. Zur Kritik der «Angstneurose». *GW 1: 357-376; *CP 1: 107-127; *SE 3:
lyse der lrren und ihre Behandlung bei den Syphilikern. » Internationale klinische /19-140. Sur la critique de la <<névrose d'angoisse». *OC, vol 3: 59-78.
Rundschau, vol. 8, col. 54. 165. 1895. Über die Bemhardt 'sche Sensibilitdtsstorungen am Oberschenkel.
147. 1894.Rezension van : Emil Hougberg, « Beitriige zur Kenntniss der Atiologie der Neuroi.Zentralblatt, Bd.l4 n" 11 : 491-492.
progressiven Paralyse mil be.1·orulerer Berücksichtigung der Syphilis. » Internatio- 166. 1896. Diskussionsbemerkung zu einem Vortrag van Docent Dr. Hermann Schlessin-
nale klinische Rundschau , vol. 8, col. 32 1. ger über die acut entzünd/ichen Ff!rmen 4er Bufbiirliihm~ngen. [10/03-1896:
148. 1894. Rezension von: Justin Karli11ski, « Zur Hydrologie des Bezirkes Konjica in der Vereins für Psych1atne und Neuro1og1e m W1en] W1ener khmsche Wschr, Bd.9 .
Hercegovina. » Sarajevo 18.93. lnlcrn atio nal e klinische Rundschau, vol. 8, col.772. 282.
149. 1894. Rezension von: Vogel & lJit•dl'f'f, «/..(•hrbuch der Kinderkrankheiten. » Inter- 167. 1896. L'hérédité el /'étiologie des névroses. [original en Franr,;ais : Revue Neurol.
nationale klinische Rundschau, vol. H. L'ol. 1526. 30/03-1896: 161 - 169!. *GW 1 : 407-422; *CP 1 : 138- /54; *SE 3: 141-157;
150. 1894. Die Abwehr-Neump.,·vr·/111.1'1'" · V.•r.w l'h t•iner psycho/ogischen Theorie der *NPP : 47-59.
acquirierten Hysterie, vil'ler 1'/whll'll 1111d Z wa11¡:svorstellungen und gewisser ha/lu- 168. 1896. Weitere Bemerkungen über die Abwehr-Neuropsychosen. lpublié 15/05-1896]
cinatorischer Psychosen. *G W 1 : ~ ~J 14; ~CI' 1 : 59-75; *SE 3: 43-68; *OC, vol *GW 1 : 379-403; *CP 1 : 155-182; *SE 3: 159-186; *OC. vol 3: 121 -146.
3: 1-18. Les psychon évro~~' dr clt kmt· 'NPI': 1- 14. Nouvelles remarq ues su r les psychonévroses de défense. *N PP : 61 -81.
368 Ri'' J·tRENCI'S BIULIOGRAPHI QUES 369

169. 1896. ZurAtiologie daUv.,·t, ·t ir +¡ ;w 1 1.'1 4 \'J . +( '/ • 1 I H.t 2 / IJ; *SE3: 187- IH9. 1904. Notiz über Magnetische Menschen. [Neue Freie Presse 6/11-1904]. Three
222 ; *OC, vo / 3 : 147- l t/0. lconl ll"lll<' / 1/01 IX'III, So,· l',yr hiatri c & Neurolog ic Contributions to the <<Neue Freie Press>>. *SE 9 : 253 sq.
Vienne] L' étiolog ie de l' hys tcric: . •NI ' ! ' · 8 1 // ,' '
1110. 1904. Die Freudsche psychoanalytische Methode. [1903] *GW 5: 3-10 ; *CP 1 264-
170. 1896. Vorwort zur zweiten deut.rrht'll A l~/111!(1' 1von : Hcrnhcim, Hippolyte, Die 271 ; *SE 7 : 249-254 La méthode psychanalytique de Freud . *TP : 1-8.
Su_ggestlon und 1hre He ilwirkung, uut c: r ( 1XXK K'l) 1. íl hc: rarb. von Max Kahane, 1'1 1 1904. Über Psychotherapie . [conférence 12112-1904, College des Médecins de
W1en : 1896]. *GWN : 12 1- 122. Prcfa cc lo thc: Sc:c.:ond German Edition of Vi enne, publié 1905] *GW 5 : 13-26; *CP 1 : 249-263; *SE 7: 257-268. De la
Berheim's <<Suggestion ». *S E 1 : 86-87.
psychothérapíe. *TP : 9-22.
171. 1896._ Der Begriff des Unbewussten in der Psyrholof{ie. (ed. J.F. Lehman 1897). I•J2. 1904. Professor S. Hammerschlag l ll/11-1904] . *GWN: 733 sq. Obituary of
[conference 3• Congres Interna!. Psycholog ie du 4 au 7/08-1896, Munich] Samuel Hammerschlag. *SE 9 : 255-256.
172. 1897. Die inf_antile Cerebralliihmu~1g . in Nothnagel , Edit.: << Handbuch der Speziel- 1•n. 1904. Rezension von : Ujwenfeld, Die psychischen Zwangerscheinungen. *GWN :
len Patholog¡e und Therap1e». W1en , Holder, (vol. 9, pt. 2, sec. 2). Extrdits in S. 4 96-499.
Freud, 1891 : Contnbut10n a la conception des aphasies. PUF 1983 : 35-49. 1')4. 1905 . Der Witz und seine Beziehung zum Unbewussten. *GW 6; *SE 8. Le mot d'es-
173. 1897. lnhaltsangaben der wissenschaftlichen Arbeiten des Privatdozenten Dr Sigm prit et ses rapports avec l' inconscient. Gallimard, coll. Idées 1969.
Freud, 1877-1~97: [publié 05-1897] *GW 1 : 461-488; *SE 3: 225-257. Résumé 195. 1905 . Bruchstück einer Hysterieanalyse. [1 901 puis révisé] *GW 5: 161-286; *CP
~~~-travaux sc1ent•fiques du Docteur Sigmund Freud, 1877-1897. *OC, vo/3: /83- 3 : 13-146; *SE 7 : 3-122. Fragment d'une analyse d'hystérie (Dora). *5P: 1-91.
11J6. 1905 . Drei Abhandlungen zur Sexualrheorie . [plusieurs édítíons avec ajouts] *GW
174. 1897. _C~rebrale Ki":der/ii}lmung l. [32 revues bibliographiques sur les paralysies
5 : 27-145: *SE 7 : 125-245. Trois essais sur la théorie de la sexualité. [édition
mfanttlesj Jahresbencht uber d1e Le1stungen und Fortschritte auf dem Gebiete der 19241 Gallimard, coll. ldées 1967.
Neurologie und Psychiatríe 1 : 613-632. 1')7. 1905. Stellungnahme zur Eherechtsenquete. In : Protokolle der Enquete betreffend
die Reform des üsterreichischen Eherechts (Fred Falker, Mitteilungen der Kulturpo-
175. !898. Cere~rale Kir~derliihmun{S 11. _[29 revues bibliographiques sur les paralysies
litischen Gesellschaft [3], Wien 8/02-1905). Réponses ii une enquete sur les loi.1· du
mfantlles] Jahresbencht uber dte Le1stungen und Fortschritte auf dem Gebiete der ma riage. In : Le Bloc Notes de la Psychanalyse; n" 8 : 267-270. (B uc het C hastel,
Neurologie und Psychiatrie 2 : 632-642. 1988).
176. 1898. Die Sexualitiit in der Atiologie der Neurosen. [01 & 02-1898] *GW 1: 491- 198. 1905. Stellungnahme zum Fall Prof Dr. Beer. Die Ze it (Wi en) 27/ 10- 1905.
~ ~ 6; *C,P 1 : 2~0-248; *SE 3 : 261 -285; *OC, vol 3 : 217-240. La sexualíté dans 199. 1905. Rezension von : Wichmann, Lebensregelnfür Neurastheniker (1901 ). Morgcn-
1 etJOlogJC des nevroses. *R1P 1 : 75-97. blatt, Neue frei Press 03/08-1905 : 21.
177. 1898. Zum psychischen Mechanismus der Vergesslichkeit. *GW 1: 519-528; *SE 3: 200. 1905 . Freud, Sigm. Jautobiographischer Artikel] . in Degener, Hcrma nn /\ . 1... Wer
288-297; *OC, vol 3: 24/-251. Sur le mécanísme psychíque de l'oubli *RIP 1 · ist's ') Unsere Zeitgenossen, Zeitgenossenlexikon [ ... ], l. Ausga be . Lc ip1.ig 190 '\
99-107. . . 229f.
178. 1899. Cereb.rale Kin_derlQ_hmun!J 1/l. [22 revues bibliographiques sur les paralysies 20 l. 1905-1906. Psychopatische Personen a uf der Bühne. (pub lié 1942) *SI:· 7 : ./!J./ .11¡ .
mfanttles] Jahresbencht uber d1e Le1stungen und Fortschritte auf dem Gebiete der Personnages psychopathiques a la scene. *RIP 1 : 123-129.
Neurologie und Psychiatrie 3 : 611-618. 202. 1906. Zwei Briefe an Magnus Hirschfeld. Monatsbericht des wi ssenscha ftlid1 ltulll ll
179. 1899. Über Deckerinnerungen. [25/05-1899] *GW 1 : 531-554; *CP 5: 47-69; *SE nitáren Komitees, Bd.5 : 30.
3: 301-322; *OC, vo/3: 254-276. Sur les souvenirs-écrans. *NPP: 113-132. 203. 1906. \-hrwort zu Freud : Sammlung kleiner Schriften zur Neumsenlehre m1s " ' '"
180. 1899. Eine ~rfyllte Traumahnung. [10/11-1899, publ ié 1941] *GW 17: 21-23; *CP Jahren /893-/906. *GW 1 : 557-558; *SE 3: 5-6.
f
//0-73; *SE 5 : 623-625. Une prémonition onirique accomplie. *RIP ¡ : 109- 204. 1906. Tatbestandsdiagnostik und Psychoanalyse . *GW 7 : 3-15 ; *CP 2 : 13 -24;
*SE 9: 99-114. La psychanalyse et l'établ issement des preuves en matiere judic iairc
181. 1900. Die Traumdeutung . *GW 2/3; *SE 4 & 5. L' interprétation des reves [édition par une méthode diagnostique. *EPA : 43-57.
1929] PUF 1967. . 205. 1906. Meine Ansichten über die Rolle der Sexualitiit in der Atiologie de r Neurosen.
182. 190!. Freud, Sigm., /90/.[1899] *GWN : 370-371; *SE 3:324. Notice autobiogra- [06-1905] *GW 5: 149-159; *CP 1: 272-283; *SE 7: 269-280. Mes vues sur le
phtque. *OC, vol 3 : 278-279. róle de la sexualíté dans l'étiologie des névroses. *RJP 1 : 1/3-122.
183. 190 l. Zur Psychopathologie des Alltagslebens. *GW 4; *SE 6 : /-279. [nombreux 206. 1906. Antwort auf eine Rundfrage « vom Lesen und von guten Büchem ». *GWN :
aJOUtS <Je 1905 a 1920). Psychopathologie de la vie quotídíenne. Payot 1968. 662-664. Contribution toa Questionnaire on Reading. *SE 9: 245-247 (daté 1907).
184. 1901. Uber den Traum . [10-1900] *G W 213: 643-700: *SE 5:63/ -686. Le reve et 207. 1907. Zur sexuellen Aufkliirung der Kinder. *GW 7 : /9 -27; *CP 2 : 36-44; *SE 9:
son ínterprétation. Gallimard, coli. ldécs 1969. 130-139. Les explications sexuelles données aux enfants. *VS: 7-13.
185. 1903. Diskussionsbeitriige zu Gespriich über das Rauchen ín : Wílhe1m Steke1 208. 1907. Der Wahn und die Traüme in W Jensens «Gradiva» . ]1907 et postface 1912]
Gesprách über das Rauchen. Prager Tagb lau , 28. Jan. 1903. [original 1902]. ' *GW 7 : 29-122; *GWN 696 (note); *SE 9 : 3-97. Délire et reves dans la
186. 1903. Rezension von : Biedenkapp, Gem"fi. !m Kampfe gegen Hirnbacillen (Berlín <<Gradiva>> de Jensen. Gallimard, coll. ldées 1971.
1902). [Neue FreiC Presse 8/02- 19W i. *G WN : 49 1-492. Three Contributíons to the 209. 1907. Zwangshandlungen und Religionsübungen . *GW 7: /29-139; *CP 2: 36-44;
<<Neue Freie Press». *SE 9 : 253 .1'1¡. *SE 9: 116-127. (1' ' édit. in S. Freud, <<L'avenir d ' une illusion», PUF 1973: 81
187. 19~. Rezension von : Bigelow, .lo/111 . The Mystery of Sleep (London /903). (Neue sq.). Actions compulsionnelles et exercices relígieux. *NPP: /33-142.
Fre1e Presse 4/02-1904] . *( ;WN : 41.)/. 2 1O. 1907. Werheschriji zu « Schriften zur angewandten Seelenkunde ». *SE 9: 248-249.
188. 1904.Rez~n~ion von : Baum f<tllt':" · Al/n•t!. Ne urasthenie. Wesen, Heilung, '1-hrbeu- 2 1 l. 1907- 1908. Addendum : Original Record of the Case. [Manuscrit partiel du e as
gung (Wrm.lht!fen 1903) 1 Ncue h ' l l' 1'1 esse 4/02- 1904]. Three Contributions to the Rattenmann de 1909, publié en 1955] *SE JO: 251-320. Revue Fran¡:aise Psycha-
« Neue Freie Press». *SE () : 2~ 1 ·'''1 nalytique 197 1, 35 n" 4 : 475-526.
370 MEN SON<:I 1S 1·1<1•111)11 NS lll 'dtlllll 11 i J 11 111 '• I N IIlll l\l i\ IION SH 'I II/\11<1' RÚFÉRENCES BlRLIOGRI\PHIQUES 37 1

212. 1907-1908. L'homme au.x rut.v. .lottlll1li r/ '11111' m111il' " ' hill""' ''""'fllclc, & bilingue, .' \ 1. 191 O. Zur Einleitung der Selbstmord-Diskussion. [Soc. Psychanalytique Vienne 04-
par Hawelka, PUF 1974. 19101. *GW 8 : 62-63; *SE I1 : 231-232. Pour introduire la discussion sur le
su icide. *R1P 1 : 131-132.
213. 1908. Die « kulturelle » Sexua/morolllrul "''' """'''""' N''" '"·''rtllt. *(iW 7: 143-167;
*CP 2: 76-99; *SE 9: 179-204. La moral· M'XIwlk nvil• s e el lu maladie nerveuse 1 1,1. 19 10. Die psychogene Sehstiirung in psychoanalytischer Auffassung. [04-1910]
des temps modernes. * VS : 28-46. *G W 8: 94-/02; *CP 2 : 105-IJ2; *SE 11 : 209-218. Le trouble psychogene de la
214. 1908. Über infantile Sexualtheo rien. ·•Gw 7 : 171 IHH ; •('p 2: 59-75; *SE 9. : vision dans la conception psychana1ytique. *NPP: 167-173.
207-226. Les théories sexuelles infan1ilcs. •vs : 14 27. 1 \ ~ . 1() 10. Eine Kindheitserinnerung des Leonardo da Vinci. *GW 8: 127-211; *SE J 1 :

215. 1908. Der Dichter und das Phantasieren. [confércncc 6/12- 19071 *G W 7: 213-223 ; 59-137. Un souvenir d'enfance de Léonard de Vinci. Gallimard, co11. Idées 1977
*CP 4: J73-J83; *SE 9: 142-153. La création littérairc elle reve éveillé. *EPA: (trad. M. Bonaparte)
69-81. ' 16. 1910. Die zukünftigen Chancen der psychoanalytischen Therapie. [conférence 2'
216. 1908. Charakter und Analerotik. *GW 7 : 203-209; *CP 2 : 45-50; *SE 9 : 167- Congres Psychanalytique Nuremberg, 30 et 31/03-1910] . *GW 8: J04-115; *CP
176. Caractere et érotisme anal. *NPP : 143-148. 2 : 285-296; *SE 11 : 139-J5/. Perspectives d'avenir de la thérapeutique analyti-
que. *TP : 23-34.
2 17. 1908. Hysterische Phantasien und ihre Bezieh~ng zur Bisexualitiit. *GW 7: 191-
1 99; *CP 2: 51-58; *SE 9: 157-166. Les fantasmes hystériques et leur relation a .' 17. 191 O. Beispiele des Verrats pathogener Phantasien bei Neurotikern. *GW 8 : 228.
la bisexualité. *NPP: J49-155. } \!l. 1910. Über «wilde» Psychoanalyse. [31/10-1910] *GW 8: 118-125; *CP 2: 297-
304; *SE JI : 220-230. A propos de la psychanalyse sauvage. *TP : 35-42.
218. 1908. Vorwort zu W.Stekel « Nerviise Angstzustiinde und ihre Behandlung ». *GW 7 :
467-468; *SE 9: 250-25J. ! 19. 191 O. Beispiel des Verrats pathogener Phantasien bei Neurotike. *GW 8; *SE JI :
236-237. Exemples révélateurs de fantasmes pathogenes chez les névrosés. *R/P 1 :
219. 1908. Visitenkarte an Karl Kraus. [2/10-1904]. in Die Fackel, Bd. JO (1908), Nr. 133-134.
2571258 : 40. .''10. 1910. Rezension von: Neutra, Wilhelm, Briefe an nerviise Frauen ( 1909). *GWN :
220. 1909. De la genese dufétichisme. [conférence Soc. Psychanalytique Vienne 24/02- 500. Review of Wilhelm Neutra 's « Letters to neurotic Women ». *SE 11 : 238.
1909, absente des Minutes] Revue Intemationale d'Histoire de la Psychanalyse Compte rendu de lettres a des femmes nerveuses du Dr W. Neutra. *OC, y..,¡ 10 :
(PUF) 1989, n" 2 : 423-437. 221-223.
221 . 1909. W"Jrwort zu S. Ferenczi. *GW 7; *SE 9: 252. Préface a Ferenczi. [ouvrage en .~41. 19\0. Typisches Beispiel eines verkappten Odipustraumes. lpour Zentralblatt n• 1,
Hongrois]. in ·: Correspondance Freud-Ferenczi. Vol 1, Calmann-Levy 1992 : 117- puis inséré dans la Traumdeutung] *GW 314 : 404. Un exemple typique de reve
118. Oedipien déguisé. in L'interprétation des reves. (édition 1929) PUF 1967: 132 &
222. 1909. Vorwort zur zweiten Auflage [der Studien über Hysterie (1895)]. Leipzig und 342.
Wien : 1909 (gemeinsam mit ; Breuer, Joset). *GW 1 : 79 sq. & *GWN : 219 sq. 242. 1910- 11. Mehr Kinder. [Antwort auf eine Rundfrage über einen Gesetzentwurf zum
223. 1909. lnterview with Aldebert Albrecht. [11/09-1909, Boston Evening Transcript] in Verbot von Empfangnisverhütungsmitte1n.] . In : Der Sturm, Bd. 1 (191 0/11 ), p. 444.
H. M. Ruitenbeek (ed.) Freud as we knew him. Detroit Michigan. Wayne State 243. 1911. Traüme in Folklore. [30/03-1911, avec D.E. Oppenheim, publié 1957] *SE
University Press, 1973 : 22-27. 12 : J77-203. Reves dans le folklore. *RIP 1 : 145-168.
224. 1909. Über Psychoanalyse. [conférences Clark University 31/08 au 4/09/1909, 244. 1911. Ein Beitrag zum Vergessen von Eigennamen. *GW 4: 37.
pub lié 1910] *GW 8 : J-60; *SE JI : 3-56. Cinq 1eo;ons sur la psychanalyse. Payot 245. 1911. Die Bedeutung der Y..Jka!folge . *GW 8: 348; *SE 12: 341. La signification
1968. de l'ordre des voyelles. *RIP 1 : J69.
225. 1909. Allgemeines über den hysterischen Anfall. [ 1908] *GW 7: 235-240; *CP 2 : 246. 1911. Askese [Beitrag von Sigmund Freud]. Verein zur Unterstützung mittelloser
100-104; *SE 9 : 228-234. Considérations générales sur l'attaque hystérique. israelitischer Studierender in Wien/1, Seidenstettengasse 2. Denkschrift mit [... ]
*NPP: J61-J65. Beitragen hervorragender Manner und Frauen unserer Zeit, hrsg. vom Vereinsvor-
226. 1909. Der Familienroman der Neumtiker. *GW 7: 227-231; *CP 5: 74-78; *SE 9: stande, eingel. und redigiert von Guido Fuchsgelb, Wien : 1911.
236-244. Le roman familia! des névrosés. *NPP: 157-160. 247. 1911. Psychoanalytischen Bemerkungen über einen autobiographisch beschrie-
227. 1909. Analyse der Phobie eines Jünfjiihrigen Knaben ( « der kleine Hans»). [rédigé benen Fall von Paranoia (Dementia Paranoides). [1910]. *GW 8: 239-3J6; *CP
été 1908, publié 03-1909] *GW 7: 241-377; *CP 3: 149-287; *SE JO: 3-149. 3: 387-370; *SE 12 : 3-79. Remarques psychana1ytiques sur l'autobiographie d'un
Analyse d'une phobie chez un petit garo;on de cinq ans (le petit Hans). *5P: 93-198. cas de paranoia (Dementia Paranoides) : le Président Schreber. *5P: 263-321.
228. 1909. Brief an Josef Breuer. [08/10-\9091 *GW 17: vii. 248. 191 l. Formulierungen über die zwei Prinzipien des psychischen geschehens. [ 1910]
229. 1909. Bemerkungen über einem Fa// von Zwangsneurose (der « Rattenmann » ). *GW *GW 8: 230-238; *CP 4: 13-21; *SE 12: 2J5-226. Formulations sur les deux
7 : 379-463; *CP 3: 293-283; *SE JO : 151 -249. Remarques sur un cas de névrose príncipes du cours des événements psychiques. *RlP 1 : 135-143.
obsessionnelle (l'homme aux rats) . *5P: 199-261. 249. 1911. Nachtrdge zur Traumdeutung. [02-191 1 pour Zentralblatt, puis inséré dans la
230. 1910. Brief an Friedrich S. Krauss ühl'l' die Anthropophyteia. [26/06-1910] *GW 8: Traumdeutung] *GW 213 : 365-370, 4J2 sq.;* GWN 604-611 ;*SE 5 : 360-366 &
224-225; *SE ll: 233-235. Lellrc au Dr Friedrich S. Krauss. *OC. Vol 10: 215- 408-409. in S; Freud, L'interprétation des reves. (édition 1929) PUF 1967:309-314.
2J9. 250. 1911. « Über A.tiologie und Behandlung der Psychoneurose. » Zentralblatt Psycho-
231. 1910. << Über den Gegensinn der Unvort1'. » *GW 8 : 214-221; *CP 4 : /84-191 ; anal. vol. 1 ; 137- 154. [Traduction de J. J. Putnam « On the Etiology and Treatment
*SE JI : 154-161. Des sens opposés dans les mots primitifs. *EPA : 59-67. of the Psychoneumses. » 1910, Bo.1·ton Med. Journal, vol. 163 1 & note in *GWN:
232. 1910. Beitrdge zur PsychologÍf' des l .it•/¡¡•,,·ii'IJells 1 : Über einem besonderen Typus 766.
der Objektwahl beim Manne. 11\/0'!J • (;W H: 66 -77; *CP 4: 192-202 ; *SE 9: 25 1. 1911 . Die Handhabung der Traumdeutung in der Psychoanalyse. *GW 8: 350-357 ;
J64-J75. Contributions a la psyc hll ln¡•• L· de la vic amoureuse 1 ; Un type particulier *CP 2 : 305-311; *SE 12 : 9J-96. Le maniement de l' interprélation des reves en
de choix d'objet chez l'honum·. •vs · ·11 ~~. psychanalyse. *TP : 43-49.
l/1
J72 MEN SON<a ·. S 1·1( 1•111!11 N'• lll 'ololllll 111 11 1 III '• HII<li{Mi\ II!IN Sl ~('lll.i\ IIH :

252. 1911 . Nachtrag ZLI de m mao/Jio¡; III¡J/11 1t /¡ ¡,, 11 ¡,,¡,.¡,.,.,.,. / •(¡// 1'1111 l'aranoia ( Demen- .>7'5. 19 13. Etfahrungen und Beispiele aus der analytischen Praxis. *GW 213 : 238, 359
tia paranoides). IConfércmx \' ( ' o n¡:~< " 1111nu.11 l'•.yd lulln lylu.¡uc Weimar, 2 1 ct 36 1; & *GW JO : 40-42; *SE /3 : 192 sq. Expériences et exemples tirés de la pra11
22/09-19111. *G W 8: 3 17 3211 ; *SH 12 , /'1() 8.1 i\p ¡ wn di L' ~ 1111 cas Schreber *5P : que analytique. *R1P 1 : 223-225.
321-324. .' !(> . 1913. Üher fausse reconnaissance ( « déjii raconté ») wiihrend der psychoan_alyti-
253. 1911. Rezension von : Greve. C .. Sol~~< · l'·•·i, ·nlll¡;llt 1' ¡Jsicot¡•mpia de ciertos estados schen Arbeit. *GW JO: 116-123; *CP 2: 334-341 : *SE 13: 200 sq. De la fau ssc
angustiosos. *GWN: 501 -502. reconnaissance (déja raconté) au cours du traitement analytique. *TP : 72-79.
254. 1911. Notiz zu W Stekel « zur Psychologie dt•s l·.:thil!itioni.l'llltls ». Zentralblatt, n" 1 : 1913. Geleitwort zu « Der Unrat in Sil/e, Brauch, Glauhen und Gewohnheitsrec!l t
495. der Volken>, von Jolm Gregory Bourke. *GW 10 : 453-455 : *CP 5 : 88-91; *Sh:
12 : 334-337. Préface a J. G. Bourke: Rites scatologiques de tous les peuples. PlJI ·
255. 1911. Diskussionsbeitriige zu « Der kleine Kohn », in : Stekel , Wilhelm, Nervose
Leute, Wien 1911, p. 129-137. 1981.
.>78. 1913. Geleitwort zu «Die psychanalytische Methode » von O. Pfister: *GW lO : 44tl
256. 1912. « Cjross ist dJe Diana der Epheser.» *GW 8: 360 sq.; *SE 12 : 342 sq. Grande 450; *SE 12:328-331. lntroduction a Ptister O. : La méthode psychanalytiquc. in :
est la Dtane des Ephésiens. *RIP 1 : 171-173. Ornicar, 1975 no 2: 67-69. (Navarin).
257. 1912. Über neurotische Erkrankurigstypen. *GW 8: 322-330; *CP 2: 113-12/ ;
*SE 12: 229-238. Sur les types d'entrée dans la névrose. *NPP: 175-182. 279. 1913. On Psycho-Analysis. [05-1911 en anglais, pour un congres médica! australicn 1
*G WN: 723-729; *SE 12: 205-211.
258. 1912. Zur Einleitung der Onanie-Diskussion, und Schlusswort der Onanie-Diskus-
sion. *GW 8: 332-345 ; *SE 12:241-254. Pour introduire la discussion sur l'ona- 2XO 1914. Freud, Sigmund. [article non signé]. Meyers Kleines Konversations-Lexikon.
Bd. 7 : Erganzungen und Nachtrage, Leipzig, Wien : 1914.
nisme. *RIP 1 : 175-186.
259. 1912. Zur Dynamik der Ubertragung. *GW 8: 364-374; *CP 2: 312-322; *SE /2: 1914. Darstellung der « grossen Leistung » im Traum. *GW 213 : 416f (unvollstiin -
97-108. La dynamique du transfert. *TP: 50-60. dig); *GWN: 620f (vol/stiindig).
260. 1912. Ratschliige für den Arzt bei der psychoanalytischen Behandlung. *GW 8 : 2H2 . 1914. Zur Psychologie der Gymnasiasten. *GW JO: 204-207; *SE 13 : 240 sq. Sur
376-387; *CP 2: 323-333; *SE 12: /09-120. Conseils aux médecins sur le traite- la psychologie du lycéen. *RIP 1 : 227-231.
ment analytique. *TP: 61-71. 2K3. 1914. Zur Geschichte der psychoanalytischen Bewegung. 102-1914] *GW 10: 44 -
261. 1912. Beitriige zu r Psychologie des Liebeslebens 2 : Vber die Allgemeinste Emie- 1 13; *CP 1 : 287-359; *SE /4: 3-66. Contribution a l'histoire du mouvement
drigung des Liebensleben. [12-1911] *GW 8: 78-91; *CP 4: 203-216; *SE 11: psychanalytique. in S. Freud : Cinq le¡;:ons sur la psychanalyse. Payot 1968 : 67-155.
178-190. Contribution a la psychologie de la vie amoureuse 2: Sur le plus général 2ll4. 1914. Zur einführung des Narzíssm11S. [03-1914] *GW 10: 137-170 ; *CP 4: 30-
des rabaissements de la vie amoureuse. *VS : 55-65. 59; *SE 14: 69-102. Pour introduire le narcissisme. *VS: 8/-105.
262. 1912. A Note on the Unconscious in Psychoanalysis. [en anglais pour la Soc. for 285. 1914. Erinnem, Wiederholen und Durcharbeiten. *GW JO: 126- 136; *CP 2: 366-
Psychical Research, *SE 12 : 257-266. *CP 4 : 22-29, & ídem : 1913, Einige 376; *SE 12: /45-156. Remémoration, répétition et élaboration. *TP: 105-115.
Bemerkungen über den Begriff des Unbewussten in der Psychoanalyse. *GW 8 : 286. 1914. Der M oses des Michelangelo. [02-1914, l'e publication anonyme in : 1~ago]
430-439] Note sur l' inconscient en psychana1yse. *META: 175-187. *GW JO: 172-201 ; *CP 4 : 257-287; *SE 13: 210-236. Le Moise de Mlchei-
263. 1912. Nachfrage über Kindheitstriiume. *GWN 612. Ange. *EPA : 9-42.
264. 1912-13. Einleitungspassagen zu : Über einige Vbereinstimmungen im Seelenleben 287. 1914. Briefan Frederick van Eeden. [18/12-1914] *SE 14:301. Lettre a Frederick
der Wilden und der Neurotiker: *GWN: 743-745. van Eeden. *OC, vol 13 : !19- 123 .
265. 1913. Kindheitstriiume mil spezieller Bedeutung . *GWN: 613. 288. 1915. Mitteilung eines der psychoanalytischen Theorie widersprechenden Falles von
266. 1913. Zur Einleitung der Behandlung. *GW 8: 454-478; *CP 2: 342-365; *SE 12: Paranoia. *GW JO: 234-246; *CP 2: /50-/61: *SE 14:261-272. Commumcatwn
122-144. Le début du traitement. *TP: 80-104. d'un cas de parano'ia en contradiction avec la théorie. *NPP: 209-218.
267. 1913. \4¡rwort zu «Die psychischen Storungen der miinnlichen Potenz» von Dr 289. 1915. Brief an Frau Dr. Hermine von Hug -Hellmuth . [27/04-1915] *GW JO: 456 :
Maxim Steiner. *GW JO: 451 sq.; *SE 12 : 345-346. *SE 14: 341. Lettre a Madame le Dr. Hermine von Hug-Hellmuth. *OC, vol 13:
268. 1913. Zwei Kinderlügen . [conférence 18/01-1913] *GW 8: 422-427; *CP 2: 144- 302-303.
149; *SE 12: 304-309. Deux mensonges d'enfants. *NPP: 183-187. 290. 1915. Bemerkungen iiber die Übertragungsliebe. [01-1915] *GW JO: 306-321;
269. 1913. Totem und Tabu. [1912-1913, l'e parution anonyme in /mago] *GW 9; *SE *CP 2 : 377-391; *SE 12 : 158- 171. Observations sur l'amour de transfert. *TP:
13 : 1-162. Totem et tabou. Payot 1967. 116-/30.
270. 1913. Die Disposition zur Zwangsneurose. Ein Beitrag zum Problem der Neurosen- 29 \. 1915. Triehe und Triebschicksale. *G W lO: 210-232 ; *CP4: 60-83; *SE 14: 109-
wahl. [Conférence 4e Congres internat. Psychanalyse, Munich 7 et 8/09-1913] *GW 140; *OC. vol / 3: 163- / XS. Pulsions et destin des pulsions. *META: /J -44.
8: 442-452; *CP 2: 334-341; *SE 12 : 3 /l-326. La disposition a la névrose obses- 292. 1915. Die VerdriinRUII f.: . *GW 10 : 248-26 1; *CP 4: 84-97; *SE 14: 141-158. Le
sionnelle. *NPP: 189-197. refou1ement. *META : 45 63.
271. 1913. Ein Traum als Beweismillr•/. *GW 10: 12 -22; *CP 2: 133-143; *SE 12: 293. 1915. Das Unbewus.,·u·. *(;W /0 : 264-303; *CP 4 98-136; *SE 14: 159-215;
267-278. Un reve utilisé commc prcuve. *NPP : 199-207. *OC, vol. /3: 203 -242. L' im:onscicnt. *META: 65-/23.
272. 1913. Das Motiv der Klistcll!'ll wahl. *G W 10: 24-37; *CP 4: 244-256; *SE 12: 294. 1915. Übersicht dl'l' 1/ht•tlw¡.: ull f.:.me urose. [28/07-1915, 1" publication 1985]
290-301. Le theme des trois coffrcts. *EPA : 87- 103. *GWN: 634-651 . « YIIl' d \· nM:mhlc des névroses de transfert : un essai métapsy-
273. 1913. Das lnteresse an dt•r P.1-ydwunal v.vc . 110/03-1913, in Scientia] *GW 8: 389- chologique. » (1'\dition hliiiii(IIL') . Gallimard 1986. Vue d'ensemble des névroses de
420; *SE 13 : 163-190. L'int<.'1 ·1 tk la psychanalyse. *RIP 1: 187-213. transfert. *OC. Vt 11 1 1. !•188 : 2X.I-300.
274. 1913. Miirchenstoffe in Triltl//1<'11 . "(iW /() : 2-9; *CP 4: 236-243; *SE 12 : 280- 295. 1915. Wir tmd t!n 'liul ¡cu ul t' ll·ncc B' na·i B'rith 16/02-1915] Nous et la Mort. in :
287. Matériaux des co ntcs dan s k' ' ·vt·,. *1?/P 1 : 215-221. Revue du SL'L'Iél:u urt IU' .t' Sll asbourg. Palea, 03-199/n" 12: 8-13.
374 MI ~ NSONI:I'S I •IW I/1>11 N'. lll 'd11 illl JI 11111 ltl 'oiN IOII M i\ IION SI!CIILA IRI ·:

296. 1915. Zeilgemiisse.1· üht•, A'nrg ¡""' /orl 111 1 .~ 0-1 1'11 'l J •(;W 10 : 324-355: *CJJ 11 5. 1919. «Ein Kind wird geschlagen». Beitrag zur Kenntnis der Entstehung sexueller
4:288-317: *SE 14 :27 1-302: * ()(' •·u/11 ( 'c>ll ~ ld<' r l illous a(;luclles sur la guerrc Perversionen. *GW /2; *CP 2: 172-201 ; *SE 17:177-204. <<Un enfantest baltu ».
et la mort. *Essai.v : 235 267. *NPP: 219-243.
297. 1916. Vergdnglíchkeir . lll - 191 5 1 "UW 111 . I) X ./(¡/ ; •n• 15: 79-82; *SE 14: 304- 116. 1919. Vorrede zu Reik, « Probleme der Religionspsychologie ». *GW 12 : 325-32'.1;
308. Une éphémere deslinéc. *NIP 1 : 2.11 211'1 . *CP 5: 92-97; *SE 17: 258-263.
298. 1916. Einige Charaktertypen aus der f'sychoanalytisclwn Arbeit.' *GW JO : 364- 117. 1919. Viktor Tausk. [nécrologie signée <<die Redaktion>>] *GW 12: 316-318; *SI:
391; *CP 4 : 318-344; *SE 14 : JI 0 -JJ3. Quclqucs 1y pes de caractere dégagés par 17; 273-275.
la psychanalyse. *EPA : 105- 136.
liS. 1919. Internationaler psychoanalytischer Verlag und Preiszuteilungen für p.l'yl'iw
299. 1916. Mythologische Para/le/e zu eiller plastischen Zwangsvorstellung. *GW JO: analytische Arbeiten. *GW 12 : 333-336; *SE 17: 267. .
398-400; *CP 4 : 345-346; *SE 14 : 337-338. Paralleles mythologiques a une 119 . 1919. E. T. A. Hoffmann über die Bewusstsein.l'funktion. 1nternat. Zschr. A111l
représentation obsessionnelle plastique. *EPA : 83-85. Psychoanal. Bd. 5 (1919), S. 308.
300. 1916. Eine Beziehung zwischen einem Symbol und einem Symptom. *GW JO: 394- .120. 1920. Gutachten über elektrische Behandlung der Kriegsneurotiker. [rédigé 2 110.'
395; *CP 2 : /62-163; *SE 14 : 339-340. Une relation entre un symbole et un 1920, lu 14/10-1920, publié 1956] *SE 17:211-215. Rapport d'expert sur le lla•t•·
symptóme. *RIP 1 : 237-238. ment électrique des névrosés de guerre. *RIP 1 : 249-253.
301. 1916-17. Anmerkung des Herausgebers [der Intemationalen Zeitschrift fü r arztliche :12 1. 1920. Zur Vorgeschichte der analytischen Technik. *GW 12: *CP 5 : 1O1-104 : ~.\F
Psychoanalyse] zu : Iones, Emest, Professor Janet über Psychoanalyse. *GWN : 18: 263-265. [anonyme, signé <<F.>> en réponse a une critique de H. Ellis 191 9
201, Anm. 768. Footnote to Ernest Jones « Professor Janet über Psychoanalyse. » contre la psychanalyse] Sur la préhistoire de la technique psychanalytique. *RIP 1 :
*SE 2 : xii-xiii. 255-258.
:122 . 1920. Dr. Anton von Freund. *GW 13: 435; *SE 18: 267.
302. 1916-17. Vorlesungen zur Einführung in die Psychoanalyse. *GW JI; *SE 15 &
16 : 3-496. Introduction ala Psychanalyse. Payot 1968. ~23 . 1920. Gedankenassoziation eines vierjdhrigen Kindes. *GW 12 ; *SE 18 : 266 .w¡.
Association d'idées d'une enfant de quatre ans. *RIP 1 : 259-260.
303. 1917. Über Triebumsetzungen, insbesondere der Analerotik. *GW JO : 402-410; 324 . 1920. Über die Psychogenese eines Falles von weiblicher Homosexualitdt. *GW 12:
*CP 2: 164-171; *SE 17: 125-134. Sur les transpositions des pulsions plus parti- *CP 2: 202-231: *SE 18: 146-172. Sur la psychogenese d'un cas d'homosexualité
culierement dans l'érotisme anal. *VS: 106-112. ' féminine. *NPP : 245-270.
304 .. 1917. Eine Schwierigkeitder Psychoanalyse. *GW 12: 3-12; *CP4: 347-356; *SE 325 . 1920. Jenseits des Lustprinzips. [03-1919 a 07-1920) *GW 13: 1-70; *SE 18: 3-64;
17: 136-144 Une d1fficulté de la psychanalyse. *EPA : 137-147. . *OC vol 15: 273-339. Au-dela du príncipe de plaisir. *Essais : 7-81.
305. 1917. Eine Kindheitserinnerung aus «Dichtung und Wahrheit». [conférences Soc. :126. 1920. Erganzungen zur Traumlehre. [conférence 6< con gres AIP, La Hay e 8-12/09-
Psychanalytique Vienne 13/12-1916 & 18/04-1917, puis rédigé 1917] *GW 12: 15- 1920]. *SE 18 : 4-5.
26; *CP 4 : 357-367; *SE 17 : 146 sq. Un souvenir d'enfance dans <<fiction et 327. 1921. Preface to JJ Putnam's <<Addresses on Psycho-Analysi.P>. [en Anglais] *GW
vérité>> de Goethe. *EPA: 149-162. /3: 437; *SE 18 : 269-270. Préface a J.J. Putnam <<Addresses on Psycho-A na-
lysis>>. *OC, vol 16 : 147-148.
306. 1917. Metapsychologische Ergi:inzung zur Traumlehre. *GW JO: 412-426; *CP 4:
137-151; *SE 14: 219-235. Complément métapsychologique ala théorie du réve. 328. 1921. Massenpsychologie und /ch-Analyse. *GW 13; *SE 18: 67-143. Psycholog ic
*META : 125-146. collective et analyse du moi. *Essais: 83-175.
329. 1921. /ntroduction to Varendonck's << Psychology of Day-Dream ». [en Anglais] *GW
307. 1917. Trauer und Melancholie. *GW JO: 428-446; *CP 4: 152-170; *SE 14 : 239- /3: 439-440; *SE 18: 271-272. lntroduction a Varendonck. *OC, vol 16: 151 -
260. Deuil et mélancolie. *META: 147-174.
152.
308. 1918. Beitri:ige zur Psychologie des Liebeslebens 3: Das Tabu der Virginitdt. *GW 330. 1921. Psychanalyse und Telepathie. [manuscrit << Vorbericht», rédigé 2 au 6/08-1921,
12; *CP 4: 217-235; *SE 11 : 192-208. Contributions ala psychologie de la vie !u au Comité 09-1921, publié 19411 *GW 17; *SE /8: 175-193; *OC vol/6: 99-
amoureuse 3 : Le tabou de la virginité. *VS : 66-80. 119. Psychanalyse et télépathie. *R/P 2 : 7-23.
309. 1918. Aus der Geschichte einer infantilen Neurose (der Wolfsmann). [rédigé 2c 331. 1922. Traum und Telepathie. [12-1921] *GW 13; *CP 4: 408-435; *SE 18: 196-
semestre 1914]. *GW 12: 29-159; *CP 3: 473-605; *SE 17: 3-123; *OC vo/13: 220; *OC vol 16 : 119- 145. Reve et télépathie. *R1P 2: 25-48.
~/J.9. Extrait de L' histoire d'une névrose infantile (l'homme aux loups). *5P: 325- 332. 1922. Über einige neurotische Mechanismen bei Eifersucht, Paranoia und Homo -
sexualitdt. [ 1921 pour le Comité] *GW 13; *CP 2 : 232-243; *SE 18: 222-232. Sur
310. 1918. Wege der psychoanalytischen Therapie. *GW 12: 183-194; *CP 2: 392-402; quelques mécanismes név rotiques dans la jalousie, la paranoia et l'homosexuahté.
*SE/7 : 158-168 [~onférence 5' Congres Psychanalytique Budapest, 28/09-1918, *NPP: 271-281.
pubhe 1919] Les vo1es nouvelles de la thérapeutique psychanalytique. *TP: /31- 333. 1922. Das Medusenhaupt. lpublié 1940] *GW 17; *CP 5: 105-106; *SE /8: 273
141.
sq. La téte de Méd use. */UP 2 : 49-50.
311. 1919. James J. Putnam. *GW 12: 315: *SE 17:271-272.
334. 1922. Nachs chrifi zur Ana/y.1·e des kleinen Hans. *GW 13; *CP 3 : 288-289; *SE
312. 1919. Soll man psyclzoanalyse a11 die Universitdt lehre? [original hongrois] *SE 10 : 148. Épilogue (au cas.du petit Hans, 1909). *5P : 198.
18: 170-173. D01t-on ense1gncr la psychanaly se a l'université? *RIP 1:239-242. 335 . 1922. Preface to Raymoml de Saussure's «The psychoanalytic Method» . *SE 19 :
313. 1919. Einleitung zu « Zur Psychotllltily.\·(• der Kriegsneurosen ». [09-1918]. *GW 12: 283. Préfacc ii Raymoml de Saussure <<La méthode psychanalytique>>. *OC, vo/16 :
3~9-324; *CP 5: 87-89; *SI:' 17: 206 -2 15. lntroduction a la psychanalyse des 157-160.
nevroses de guerre. *RIP 1 : 24.1 24 7.
336. 1923. « P.l')'t'/Uiml(l/ y,,.,. » und « l.ihidotheorie ». [deux articles d'encyclopédie rédigés
314. 1919. Das Unheimliche. *CW 12 · 22V 26fi; *CP 4: 368-407· *SE 17:219-256 en 1922 1 *G W /1 ; *C/' S: 107- 135 ; *SE 18:234-259. <<Psychanalyse>> et <<Théo-
L'inquiétante étrangeté. */:PI\ · /(r/ 2 11. ' · rie de la libido >•. • NI!' 2: 51-77.
RÉf'ÉIU2NCES BIBLIOGRAPHIQUES 377
176 MI\NS()N( :I ·.S I•HI ' IIIoii •N•, lll 'd oll l'i 11 I IN I ¡o¡ '• I ~ H 1 111 M A l ION S H ' l ii.AII(h

337. 1923. Bnnerkun.gen zur 11t'''" u· wul /'111 111 ,¡,., 1,,,,,,¡,.1111111/1 llu Con1i1é 09- 1921 \loO . 1925. Notiz überden « Wunderblock» . [1924] *GW 14: 3-8 ; *CP 5 : 175-180; *SE
puis rédigé 19221 *GW 1.1: • ('!' .\ 1 1(, 1 I'J . +,\ '/ /'J JIJCJ J.> 1 Remarques sur la /9 : 226-232. Note sur le <<bloc-notes magique >>. *RIP 2: 1/9-124.
théorie et la pratiquc de l' inl erp• """"' du 11 vr •uJI ' .' ¡ e) ()J . ltol . 1925. Einige psychischen Folgen des anatomischen Geschlechtsunterschieds.
338. 1923. Josef Popper-Lynkeu.1· 1111(/ dit• l1t m 111' tli '.l' lillltll" '·' · +(;W 13 ; *SE 19: 260- lconférence 9< Congres psychanalytique Bad-Homburg, 03f09-1925] *GW 14.:20-
263. Josef Popper-Lynkeus et la lh éori~ du 1 ·w. +f<JI' 2 . 1) 1 ()5. 32; *CP 5 : /86-197 ; *SE 19 : 243-258. Quelques consequences psychologiques
de la différence anatomique entre les sexes. *VS : 123-132.
339. 1923. Das /eh und das Es. [1922 1 •c;w /.1 ; •st~· 19 · .1 (¡(¡ , l.e moi et le ya. *Es.;ais :
177-234. 11, z. 1925. Selbstdarstellung. [08 a 09-1924, puis ajouts jusqu'en 1935] *GW 14: 3/ -96;
*SE 20 : 3-70. (Ma vie et la psychanalyse. Gallimard 1950) Sigmund Freud
340. 1923. Die infantile Genitalorganisation (l\"irlf' Hin.l"chaltllllfl in die Sexualtheorie). présenté par lui-meme. Gallimard 1984.
*GW 13; *CP 2 : 244-249 ; *SE /9 : 140- 145. L'organi sation génitale infantile.
*VS: 113-1/6. tltl . 1925. Die Wiederstiinde gegen die Psychoanalyse. *GW 14: 99-110; *CP 5: 163-
174 ; *SE 19: 2/2-222. [original en fran9ais , rédigé 09-1924 pour R. Cohen, pub lié
341. 1923. Eine Teufelsneurose im siebzelmten Jahrhundert. [ 1922] *GW 13; *CP 4 : in : " Revue Juive » de Gene ve, 15/03-19251 Résistances a la psychanalyse. *R1P 2 :
436-472; *SE 19 : 69-105. Une névrose démoniaque au xvn' siecle. *EPA : 213-
125- 134.
254.
\(¡.J. 1925. Josef Breuer. [06-1925 J *GW 14 : 562-563; *SE 19: 278-280. Joseph Breuer.
342. 1923. Dr. Ferenczi Sandor (zum 50. Geburstag). *GW 13; *SE /9: 266. Docteur *OC. vol 17: 149-151.
Ferenczi Sandor. *OC, vol 16 : 325-330.
\ (o). 1925. Geleitwort zu Aichhom, « Verwahrloste Jugend ». [6/07-1925] *GW 14 ; *CP
343. 1923. Brief an Luis Lopez-Ballesteros y de Torres. [7/05-1923 en espagnolj *GW 5: 98-100; *SE 19: 272. Préface a <deunesse a l'abandon>>. *OC 1992, vol 17:
13; "*SE 19: 289. Lettre sur l'édition espagnole au traducteur Luis Lopez-Balles-
161-163.
teros y de Torres. *OC, vol 16: 311-333.
\116. 1925. Einige Nachtriige zum Gan zen der Traumdeutung. *GW 3 : 559-574: ~CP 5 :
344. 1923. Etwas vom Unbewussten. [résumé conférence au 7' congres Berlín 09-1922)
Que/que chose de l'inconscient. *OC, vol 16: 208-209. 150-162; *SE 19: 125-138. Quelques additifs a !'ensemble de l'mterprétauon des
345. 1923. ynwort zu Max Eitingon, « Bericht über die Berliner psychoanalytische reves. *RIP 2 : 141-152.
Poilklmtk». [lu par Max Eltingon au 7< congres Berlin, 26/09-1922] *GW /3; *SE 1926. Ansprache an die Mitglieder des Vereins B 'nai B'rith._ [pub lié 1941] *GW 17;
19 : 285. Avant propos au compte rendu de M. Eitingon sur la Policlinique de *SE 20: 271. in Freud, Correspondance 1873-1939. Galhmard 1966: 397-399.
Berlin. *OC vol 16 : 322-324. 1926. Brief an Romain Rol/and zum 60. Geburstag. *SE 20 : 279.
346. 1923. Brief an Fritz Wittels. [18/12-1923] *SE 19: 286-289. Lettre a Fritz Wittels.
*OC, vol 16: 355-363. 169. 1926. Psycho-Ana/ysis : Freudian School. [original en anglais, Encyclopaedia
Britannica] *GW 14; *SE 20: 261-270. Psycho-Analysis. *RIP 2: 153- 160.
347. 1924. Briefa!l Fritz Wittels. [15/08-1924] in Byck, /975 (Edit.) Sigmund Freud. De
la Cocai'ne. Editions Complexe 1976 : 224-225. no. 1926. Hemmung, Symptome undAngst. [07-1925, révisé 1935] *GW 14:113-205:
348. 1924. Der Untergang des Odipuskomplexes. *GW 13; *CP 2 : 269-276; *SE 19 : *SE 20: 77-175. Inhibition, Symptome et Angoisse. PUF 1968
172-179. La disparition du complexe d'redipe. *VS: 117-122. 17 1. 1926. Letter to M. E. Eder: in J.B. Hobman « David Eder>>. Gollancz, 1945:20-21.
349. 1924. Neurose und Psychose.II923] *GW 13; *CP 2: 250-254; *SE /9: /48-153. 172. 1926. Karl Abraham. *GW 14 : 564; *SE 20: 277-278; *OC. vo/18: 101 - 103.
Névrose et psychose. *NPP : 283-286. 1926. Bemerkungen zu E. Pickworth Farrow, « Eine Kindheitserinnerung aus dem 6 .
350. 1924. Der Rea/itiitsverlust bei Neurose und Psychose. [04-1924] *GW /3; *CP 2: Lebensmonat>>. *GW 14; *SE 20: 280; *OC, vol /8: 105-107.
277-282; *SE 19: 182 sq. La perte de la réalité dans la névrose et la psychose. 174. 1926. Note sur ,, The Unconscious» d'Israel Levine, 1923. (trad. par Anna Freud :
*NPP : 299-303. das Unbewusste). *SE 14 : 205.
351. 1924. Das okonomische Problem des Masochismus. [01 - 1924] *GW /3; *CP 2: 175. 1926. Dr. Reik und die Kurpfuschereifrage. [Brief an Neue Freie Press 18/07-1926].
255-268; *SE 19: 157-170. Le probleme économique du masochisme. *NPP: 287- *SE 21: 247.
297. 176. 1926. Die Frage der Laienanalyse. [07-1926] *GW 14: 209-286; *SE 20: 179-250.
352. 1?24. K~rzerAbriss der Psychoanalyse. [ 1O & 11-1923, pour Encyclopaedia Britan- (repris dans S. Freud: La question de 1:analyse profane. Gallimar?, 1985). Psycha-
mca] *GW 13: 403-427; *SE 19: 190-209. Petit abrégé de psychanalyse. *RIP 2: nalyse et médecine. in S. Freud : Ma v1e et la psychanalyse. Galhmard, coll. Idées
97-117. 1968 : 95-184.
353. 1924. Lettre au «Disque Vert ». 126/02-1924, en fran9ais] *GW /3; *SE /9 : 290. l77. 1927. Nachwort zur « Frage de r Laieanalyse ". *GW /4: 287-296; *CP 5: 205-
354. 1924. Rundbrie.f, 15/02-1924. Lettre circulaire aux membres du Comité. in Corres- 214: *SE 20 : 251-258. Postface (a S. Freud, 1926 : La question de l'analyse
pondance avec K. Abraham, Gallimard 1969: 350-353. profane. Gallimard, 1985 : 141-154).
355. 1924. Editorial changes in the << l.eitschrift>>. *SE /9: 293. 378. 1927. Nachtrag zar Arbeit üher den Moses des Michelangelo. *GW 14; *SE 13:
356. 1924. Letter (in : Jewish Observer rmd Middle East Review, n° 3; 23/06-1924). 237-238. Appendice (a S. Frellll, 1914 : Le Mo"ise de Michel-Ange). *EPA : 41-42.
357. 1925 .. On the occasion of the opc11nin¡: of rhe Hebrew University. (03-1925, en 379. 1927. Der Humor . llu par Anna Freud, 10' congres internat. psychanalytique 09-
anglms] *GW 14; *SE 19 : 292. Mcssagc a l' occasion de l'inauguration de I'Uni- 1927, Innsbruckl *G W /4 : *CP 5 : 215-221 :,*SE 21 : 160 sq: L' humour. in, S.
versité hébra"ique. *OC. vol 17: 14() 15 1. Freud : Le mot d' csprit e1 ses rapports avec 1 mconsc1ent. Galhmard, coll. Idees
358. 1925. Brief anden Hera11sg1'hl'l' dt•t • .liít!i.l"ch¡•n Presszentrale Zürich>>. *GW /4: 1969, Appendice : .167 .176 .
566; *SE 19: 291. Lettrc a l 't dill't" dr •diidischcn Presszentrale Zürich >>. *OC, 380. 1927. Fetichi.mw.1·. *(;W 14 ; *CP 5: /98-204; *SE 21: 149-157. Le fétichisme .
vol 17 : 147. *VS: /33 - 138.
359. 1925. Die Verneinung. *G W 14 : 11 l 'i; '('/' 5: 181 - 185 ; *SE /9:235-240. La 38 1. 1928. Die Zukwt(t ,.i,,., 1/lusion. 109-1927] *GW 14; *SE 21: 3-56; *OC vol. 18.
négation. *RIP 2 : 135- /3V. L'avenir d' unr tlhi S illll . PUl : 197 1.
RI~FÉ REN CES BIBLIOGRAPHJQUICS 379
J?H MI ·.NSON<II •. S 1•1<1111111 N', lll 'd! oliO 11 i l H 1•1 ' .! N I !li!M A IION S(1.( '\ll AIRE

382. 1928. Ein religili.\'1'.1' f:'tldmt ,\ , 11'1.'/ 1 •1.\V 11 , • r /' \ N 1 246 : •st: 21: 168 sq. ·IOX. 1934. Geleitwort zu « Edgar Poe, eine psychoanalytische Studie », wm Marie Bona_-
Un événemenl de la vic n:ligu·,., r 111 ,\ ¡., .,,¡ 1 ' u v t' !l!l d ' tllt\" ill11sion . PUF 1971 : parte. *GW 16; *SE 22 : 254. Avant Propos il Marie. Bonaparte : <<Edgar Poe.
97-100. Étude psychanalytique » Denoel & Steele 1933, 2 vols.
383. 1928. Dostojewski und die Vall' ttlitllll~ IOVI'IJ(, ' ll)271 •c;w 14; *CP 5: 222- •109. 1934. Vorrede zur hebraischen Ausgabe der « Vorlesungen zur Einführung in die
242; *SE 21: 175. Dosto'icvski el 1t: p11111 "llk" • ¡m• 2 : 161 - 179. Psychoanalyse ». *GW 16 : 274-275.
384. 1929. Brief an Theodor Reik. *SH 2 1 : /CJ5 I'J6 . ·110. 1935. Thamus Mann zum 60. Geburtstag. [lettre d'avril 1935].*GW 16; *SE 22 :
255. Lettre a Thomas Mann pour son 60" anniversaire. in Freud S. : Correspondance
385. 1929. Ernest iones zum 50. Geburstag. *(jW 14 : *SI:" 2 1 : 249-250; *OC, vo/18 : 1873-1939. Gallimard, 1966: 464.
241-244.
•11 1. !935. Die Feinheit einer Fehlhandlung. *GW 16; *CP 5 : 3/3-315; *SE 22 : 232
386. 1929. Lettre a Maxime Leroy sur que/ques reves de Descartes. [en fran¡¡;ais) *GW sq. La tinesse d'un acte manqué. *RIP 2: 217-219.
/4; *SE 21: 199 sq. Revue Fran¡¡;aise de Psychanalyse, 1981 , XLV, n" 1 : 2 sq.
·11 2. 1935. A letter toan American Mother. [9/04-1935, en anglais a <<N.N. >>] in Freud,
387. 1930. Das Unbehagen in der Kultur. [07-1929] *GW 14; *SE 21: 59-145; *OC vol Correspondance 1873-1939. Gallimard, 1966 : 461-462.
18 : 245-333. Malaise dans la civilisation. PUF 1971.
4 13 . 1935. Nachschrift. *GW /6 : 28-34; *SE 20 : 71-74. Post scriptum (a S. Freud,
388. 1930. Brief an Dr Alfons Paquet. *SE 21 : 206. /925: Selbstdarstellung, Trad. fr.: /21-126). .
389. 1930. Lettre a Ju/iette Boutonnier. [11/04-1930) Bull. Soc. Fran¡¡;. Philo. 1955, vol 4 14. 1936. Brief un Romain Ro/land : Eine Erinnerungsstorung auf der Akmpolls. [O l-
49, n" 1 : 3-4. 1936] *GW 16; *CP 5: 302-312; *SE 22: 238 sq. Un trouble de memmre sur
390. 1930. Goethe-Preis 1930. Ansprache im Frankfurter Goethe-Haus. *GW 14; *SE 1' Acropole. *RIP 2 : 221-230.
21 : 206-212. Prix Goethe 1930. Allocution prononcée a la maison de Goethe a 4 15. 1936. Lettre a C. Hermann. Revue lnternationale d'Histoire de la Psychanalyse, 2,
Francfort. *R1P 2: /81-185. 1989: 261-262.
391 . 1930. 1ntroduction to the special psychopatho/ogy number of the Medica/ Review of 416. !936. Preface to Richard Sterba « Dictionary of Psychoanalysis ». *SE 22 :_253.
Reviews, Vol. 36. [en anglais] *GW 14; *SE 21 : 254-255. 417. 1936. Letter to Barbara Low. in: J.B. Hobman's «David Eder: Memmrs of a
392. 1930. Vorrede zur hebriiischen Ausgabe von << Totem und Tabu ». [pub lié 1934] *GW Modern Pioneen>. London, Victor Gollanz 1945.
14: 569; *SE 13: 15. 4 18. 1936. Kopfe und Tropfe, Projile aus einem Vierteljahrhundert. (Brief an Kurt
393. 1930. Vorworr zu « Zehn Jahre Berliner psychoanalytisches 1nstitut ». *GW 14; *SE Hiller) . Hamburg-Stuttgart, Rowhorl. 1950: 308.
21 : 257. Préface a <<Ün forme des psychanalystes. Rapport original sur les JO ans 4 19. 1937 . Lou Andreas•Salomé. *GW 16 : 270; *SE 23 : 297.
de I'Institut Psychanalytique de Berlin, 1920-1930. >> Denoe1, 1985. 420. 1937 Die endliche und die unendliche Analyse. [30/04-1937] *GW 16: 59-99; *CP
394. 1931. Geleitwort zu «Elementi di Psicoanalisi» von Eduardo Weiss. *GW 14; *SE 5 : j 16-357; *SE 23 : 209-254. L'analyse avec fin et l'analyse sans fin. *RIP 2 :
21: 256. 231-268.
395. 1931. Brief an Víctor Bauer. in V. Bauer, Journal de la maison. Lausanne, Veillon. 421. 1937. Konstruktionen in der Analyse. *GW 16 : 43-56; *CP 5 : 358-371: *SE 23 :
1952. 255-270. Constructions dans l'analyse. *RIP 2 : 269-281.
396. 1931. Brief an Georg Fuchs. *SE 22 : 251. 422. 1938. Die fchspaltung im Abwehrvorgang. [inachevé 01-1938, publié 1940] *GW
397. 1931. Über die weibliche Sexualitiit. *GW 14; *CP 5 : 252-272; *SE 21 : 223-243. 17 : 59-62; *CP 5 : 372-375; *SE 23 : 273-278. Le chvage du mm dans le proces-
Sur la sexualité féminine. *VS : 139-155. sus de défense. *RIP 2 : 283-287.
398. 1931. Über libidinose Typen. *GW 14; *CP 5: 247-251; *SE 21 : 216-220. Des 423. 1938. Ergebnisse, Ideen, Probleme. [frag~~nts 16/0~ au 22/08-1938, publié 1941].
types libidinaux. *VS : 156-159. *GW 17; *SE 23 : 299-300. Résultats, 1dees, problemes. *RIP 2 : 287-288
399. 1931. Das Fakultiitsgutachten im Prozess Ha/smann. [pub lié 1948] *GW 14; *SE 424. 1938. Abriss der Psychoanalyse . [publié 1940] *GW 17: 67- 138; *SE 23: 14/-207.
21 : 251 sq. L'expertise de la faculté au proces Halsmann. *RIP 2: 187-189. Abrégé de psychanalyse. PUF 1967 . . .
400. 1931. Letter ro the Burgomaster of PribOr. *SE 21: 259. Lettre au maire de Pribór. 425. 1938. Some elementary /essons in psychoanalysis. [texte allemand, litre angla1~,
in Correspondance 1873-1939. PUF 1960 : 444-445. publié 1940] *GW 17: 141-147; *CP 5: 376-382; *SE 23: 280-286. Trad. fr.
401. 1932. Warum Krieg? Pourquoi la guerre? Why war? [0911932, Institut Intematio- (merne titre) *R1P 2 : 289-295.
nal de Coopération Intellectuelle, publié Paris 1933] *GW 16; *CP 5 : 273-287; 426. 1938. Ein Wort zum Antisemitism. *GWN: 777; *SE 23 : 287-293.
*SE 22 : 197-215. Pourquoi la guerre? Lettre a Albert Einstein. *RIP 2 : 203-215. 427. 1938. Antisemitism in Eng/and. *SE 23: 301 sq. , .
402. 1932. Zur Gewinnung des Feuers. *GW 16; *CP 5: 288-294; *SE 22: 185-193. 428a. 1938. Der Fortschritt in der Geistigkeit. [lu par A~na Freud au 1_5e <:ongres mter-
Sur la prise de possession par le feu. *RIP 2 : 191-196. national de Psychanalyse, París, 2/8/1938]/ntematwnale Zeaschrift fur Psychoana-
403. 1932. Meine Berührung mit Josef Poppe,..Lynkeus. *GW 16; *CP 5: 295-301; *SE lyse und /mago, 1939, 24 : 6-9. . . .
22 : 218-224. Ma rencontre avcc Josef Popper•Lynkeus. *R1P 2: 197-202. 428b 1939. Der Mann Moses und die monotheistische Reltgwn: Dre1 Abhandlungen. [de
404. 1932. Geleitwort zu « Allgemein e Nt•urounlehre auf psychoanalytischer Grund- ·08-1934 a 07-1938, publié 1939] *GW 16; *SE 23: 3-137. Mo'ise et le mono-
lage » von Hermann Nunberg. *GW 16: *SE 21 : 258 sq. Préface. a H. Nunberg, théisme. GallimanJ, Coll. ldées 1967.
Príncipes de Psychanalyse; leur appli CaiJOil aux névroses. PUF 1957. 429. 1939. Der Goldenlwuri!ie Chow. [avec Anna Freu~ de, 05-1935 a_.04-1938) Traduc-
405. 1933. Neue Folge der Vorlesun¡.rt'll ;:w ¡:;¡nfiihrung in die Psychoanalyse. [02 a 08- tion de M. Borw¡){trtt•: ,( l()psy, Chow-Chow au pml d or>>. Denoel & Steel~. 1937.
1932] *GW 15 : 1-208; *SE 22 : 1 1/i5. Nouvelles conférences sur la psychanalyse. 430. 1939. Forword to J. B. 1/o/nnan 's « David Eder : Memoirs of a Modem Pwneer ».
Gallimard, Col!. ldées 1971 . London Yi clor Gollan1., 1945 : 9.
406. 1933. Sandor Ferenczi. 14/06 1') 111 * ( ;w /(>; *SE 22 : 226-229. 431. 1939. B~ief l/11 Char/1•.1· IIN!i . in Charles Berg : War in the Mind. The case Book of a
407. 1933. Brief an Siegfried llt•ssing l'lt ltwt~magc a Spinoza, p. 222. medica! Psycholog1st. Londres, 1941, p. 6.
RÚFÉREN CES 13113UOG RAPHIQUES 38 1
1HO MI ·. NSON!il · ~ l•lll \ 11111 N'• lll ' lttllll lt 11 41 ltl 'd NitiHM i\ II<I N S(( 'lll AIIO :

456. FREUD & Ernest JONES : Correspondance complete, /908-1939. (Pakauska, édit.
432. 1939. Kürzeste Chro111k . 11 " puhlt <ll lltltt 1'1'1 '1 1 'lu"II H¡tu· In plu ~ breve . Ca rnels inli 1993) ; Presses Universitaires de France, Pans 1998.
rnes 1929•1939 (annolé el pr t'M' tll 1"" Mll'h.w l M'''" '" · (,hl) i\lbin Mi chcl , 1992.
457. FREUD & C.G. JUNG : Correspondance /906-1914. Gallimard 1992
433. 1939. Last Will, (Pmhrllt' ('"f' l') .ltlllllllll uftJ,. i\1/11 ' 1/l'll ll Amdr•my of Psychoanaly·
sis, 1990 ; 18 (3) : 386-391. 458. FREUD & René LAFORGUE : La correspondance entre Freud et Laforgue. 1923-
1937. Nouvelie Revue de Psychanalyse, XV. 1977 : 236-314
434. FREUD (S.). BULLITI" (W.C.) . ¡ ,. i'"'·"tl''"' 'lhomll.l' Woodmw Wilmn . Portrait
psycho/ogique. [1 930-1939 apocryph · ·¡ 1' puhl~<:allt>tl 19671 Albín Michel, Coll . 459. FREUD & 0. PFrSTER : Correspondance /909-1939. Gallimard 1991 (collection
10/18, 1974. Te!). , .
460. FREUD & J.J. PUTNAM : in L'introduction de la psychanalyse aux Etats-Ums :
autour de J.J. Putnam. Gallimard 1978
461. FREUD & Romain ROLLANJ? : in Sigmund Freud e t Romain Roiland, Correspon-
CORRESPONDANCES DE SIGMUND FREUD dance 1923- /936. (Vermorel Edit.) Presses Umverstta1res de France. 1993
462. FREUD & Theodor REIK (1911-1938): in RE/K (Th.) /956. Trente ans avec Freud.
435. FREUD Lettres de jeunesse. Gallimard 1990 Complexe 1975 . . .
436. FREUD 1872-1874, Lettres de Freud adolescent. (Gallimard) Nouvel/e revue de 463. FREUD & Arthur SCHNITZLER: in S. FREUD, Bnefe an Arthur Schmtzler. Neue
Psychanalyse n" 1, 1970 p. 167-184 Rundschau, LXVI (1955) . .
437. FREUD Correspondance 1873-1939. Gallimard 1966 464. FREUD & SILBERSTEIN : in The Letters of Sigmund Freud toEduard Stlberstem,
438. Léttres de Famil/e de Sigmund Freud er des Freud de Manchesrer; 1911-1938. Pres- 1871-1881. (Boehlich edit.) Cambtidge Mass. Harvard UmversJty Press. 19~1.
ses Universitaires de France 1996. 465. FREUD & SIMMEL; in : Journal of Amer. Psychoanal. Assn.; vol. 12, n" 1 (january
439. FREUD & Karl ABRAHAM : Correspondance 1907-1926. Gallimard 1992. 1964): 103- 106 . . .
440. FREUD & Lou ANDRÉAS•SALOMÉ 1965 : Correspondance avec Sigmund Freud 466. FREUD & S. SPIELREIN, in Aldo CAROTENUTO : <<SabmC! Spze/rezn, entre Freud
1912-1936, suivie du Journal d'une année 19/2-19 / 3. Gallimard 1980. et Jung » précédé de « Journal d 'une .1ymétrie secrete». Au~1er Montatgne, 1981
441. FREUQ & Ludwig BINSWANGER : Correspondance /908-1938. Calmann-Levy 467. FREUD & STRACHEY: in Bloomsbury!Freud. Jam es et Allx Srrachey, Correspon-
1995 (Edition revue) dance 1924-1925. Presses Universitaires de France. 1990. .
442. FREUD & E. BLEULER : (extraits) in ALEXANDER (F), SELESN/CK (S.T.) : 468. FREUD & E. WElSS (1919-1936): in FREUD (S.) WE!SS (E.), Lettres sur la pratz -
Freud-Bieuler Correspondance. Archives ofGeneral Psychiatry, 12 (January 1965): . que psychanalytique. Prival 1975 . .
1-9. 469. FREUD & Arnold ZWEIG: Correspondance 1927-1939. Galhmard 1973.
443. FREUD & Marie BONAPARTE : in BERTIN (C), La derniere Bonaparte. Perrin 470. FREUD & Stefan ZWEIG: Correspondance. Payot & Rivages 1995.. , .
1982 47 1. << Freud, sa correspondance et ses correspondants >>, 111 Revue /nrernatwnale d Hzs-
444. FREUD & André BRETON : in DAVIS (F.B.), Three letters from Sigmund Freud to toire de la Psychanalyse, /989 n" 2.
André Breton. J. Amer. Psychoanal. A.un., 1973, XXI: 127-134
445. FREUD & Abe! de CASTRO: in Four letters from Freud to Abe! de Castro (417/24,
22/9/27, 28/9/28, 26/9/29). lnternat. Rev. Psychoanal. vol 6, 1979 : 437-440.
446. FREUD & lean-Martín CHARCOT, in Gelfand T. «Mon cher Docteur Freud» : BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE
Charcot's unpublished correspondence to Freud, 1888-1893. Bull. Hist. Med.,
( 1988) 62 : 563-588. 472. ABGRALL (J-M.) 1998. Les Charlatans de la Santé. Documents Pay.ot. . ,
447. FREUD & H. DOOLITTLE: in DOOLITTLE (H.), Vtsage de Freud. Denoel 1977 473. ALEXANDER (F.G.) SELESNICK (S.T.) 1966. Histoire dela psychwtrze. Pensee
448. FREUD & S. FERENCZI : Correspondance Vol. l. /908-19/4. Calmann-Levy 1992 et pratique psychiatriques de la préhistoire a nos jours. L1bra1re Armand Cohn,
449. FREUD & S. FERENCZI: Correspondance Vol. 2. /9/4-/919. Calmann-Levy 1996 ~~1m . . ? ·
450. FREUD & W. FLIESS: Lertres a W Fiiess /887-1902, Notes et Plans; in: La nais- 474. ALTSHULER (K.Z.) 1990. Whatever happened to lntenSIVe Psychotherapy. Amen-
sance de la psychanalyse. PUF 1969 : 45-306. can Journal of Psychiatry. n" 147 : 4 : 428-430. , . .
451. FREUD & W. FLIESS : The Complete Letters of Sigmund Freud to Wilhelm Fiiess 475. ANDERSSON (0.) 1962- 1965. Freud avant Freud. La prehzstmre de la psychana-
1887-1904. (Masson edil.) Belknap Press of Harvard Univers ity Press. 1985 . lyse. Synthélabo (Coll. Les Empecheurs de penser en rond) 1997.
452. Sigmund FREUD, Briefe an Wilhelm Fliess 1887-1904. Vollstandige Ausgabe. 476. ANDREW (C.) GORDIEVSKY (0.) 1990. Le KGfl dans le. Monde. Fayard, 1990.
Herausgegeben von Je.ffrey Moussaieff Masson; Bearbeirung der deutschen Fassung 477. AUGEROLLES (J.) 1989. Mun analyste et moi. Edition L1eu commun. .
von Michael Schriiter ; Transkription von Gerhard Fichtner. S. Fischer Verlag in 478. BACHELARD (G .) 1938. La Forrnation de /'Esprit Scientifique. Pans, Vnn 1972.
Frankfurt am Main 1986. 479. BAIRD (0.) 1995 . i\naú Nin . Biographie. Stock 1996.
453. FREUD & GRODDECK (1917- 1934): in GRODDECK (G.), fa et moi. Lettres a 480. BAKAN (D.) 195!t Freud et la tradition mystique juive. Payot 1977 ..
Freud, Ferenczi et quelques aurre.v. Gnllimard 1977 481. BERGIN (A .E.) Li\MBERT (M.J.) 1978. The Eva1uation ot Therapeut1c Outcomes.
454. FREUD & Stanley HALL, in ROSENZWEIG (S.) The historie expedition to America In GARFIWD & 11/:R(;JN, 1978 : 139-/89.
( /909) : Freud, Jung, and Hall the ki11R -maker, with G. Stan/ey Hall as host and 482. BERGIN (i\ .E.) Cii\R I :li ~L D (S.L.) Eds . 1971. f!andbook r~f Psychotherapy and
Wiiliam James as guest. Sl. Loui s, Rana ll ou,;e. 1994. Behavior ('/""'X'' A11 fmpirical Analysis. (1st Ed1t10n) Joh n Wdey & Sons.
455. FREUD & S. E. JELLIFFE, in ./u/111 /11/RN/IAM : Jeliiffe. American psychoanalyst 483. BERGIN (A .E.) (;i\RFIEL D (S.L.) Eds 1994. Handbook of Psychotherapy and
and physician; His correspmulmll'e with Frl'lld and C. G. Jung. University of Beha viot ('/u' " X''· i\11 /:'mpirical Analysis. (4th EdtUon) John Wdey & Sons.
Chicago Press 1983.
382 MflN S()N(OI \S I ·'I<I ~ I I IIII ' N .~ 111 '• 1••1111 Joi ii H l'l '• it~loolt~ 1 1\ IIO N S i'~( ' l i i.AIRE RÉI'ÉRENCES BIBUOGRAPHJQUES 310

484. BERNFELD (S.) 1953. Les hudt•.,· d<' ,.,,.,,,¡ ''" ¡,, , "' ,¡,,. 111 11!' ( 'K, 1975: 278- ~ 15. CORRAZE (J.) 1980. La psychol9gie de l'image spéculaire du corps, ou les ruses
306. de Narcisse. In : CORRAZE (J.), Edit. : lmage spéculaire du corps. Privat, 1980: 7-
106.
485. BERTHELSEN (D.) 1989. La famillt• ,,., ,,uf '"' j11111 ¡,. /"'"· Smnll'nirs de Paula
Fichtl. Presses Universilaires de Francc . 1'J'J 1 ~ ló . CORRAZE (J.) 1983. La question de l'hystérie. In: POSTEL (J.) QUETEL (C.)
Eds: Nouvelle Histoire de la Psychiatrie. Privat, 1983: 401-411.
486. BERTIN (C.) 1989. La femme il Vienn e m1 l< ' lllfl.l' dt• l·it·•ul. S1ock.
~ 17. CORRAZE (J.) 1994. L'homosexualité. (4' Édition) Presses Universitaires de
487. BETTELHEIM (B.) 1967. LafortereS.H' vide. vallinw1tl . 1969. France.
488. BIEBER (1.) & al. 1962. Homosexua/ity. New York, Ba sic Books. .1 18. CORRAZE (J.) 1998. Le Moi-peau ou le merveilleux psychanalytique. Évolutions
489. BLANTON (S.) 1971. Journal de mon ana/yse avec heud. Presses Universitaires de Psychomotrices, vol. JO no 40: 59-87.
France. 1973. ~ 19. CORRAZE (J.) 1999. Les troubles psychomoteurs. Marseille, Sola!.
490. BLEULER (E.) 1911. Dementia Praecox, ou Groupe des Schizophrénies. Éditions 520. CORRAZE (J.) ALBARET (J.M.) 1996. L'enfant agité et distrait. Expansion Scien-
du G.R.E.C & E.P.E.L. Paris 1993. tifique Fran¡¡:aise.
491. BORCH-JACOBSEN (M.) 1995. Souvenirs d'Anna O. Une mystification centenaire. 52 1. CREWS (F.) 1995. The Memory Wars. Freud's Legacy in Dispute. A New York
Aubier. Review Book.
492. BORCH-JACOBSEN (M.) 2000. How a Fabrication Differs from a Lie. The London 522. CREWS (F.) 1996. The Verdict on Freud. Psychological Science. 7 : 63-67.
Review .of Books, vol. 22 n" 8 : 13/04-2000. 523. CREWS (F.) 1998. Unauthorized Freud Doubters confronta Legend. New York,
Viking.
493. BOURGERON (J.P.) 1993. Marie Bonaparte et la psychanalyse, a travers ses lettres 524. DENNET (D.C.) 1991. La Conscience Expliquée. Éditions Odile Jacob.l993.
ii René Laforgue et les images de son temps. Geneve, Champion-Siatkine.
525. DEUTSCH (F.) 1957. Apostille au <<Fragment de l'analyse d'un cas d'hystérie» de
494. BOUVERESSE (J.) 1996. Philosophie, mythologie et pseudo-science. Wittgenstein Freud. Revue Franf·aise de Psychanalyse 05/1973, vol. 37 no 3 : 407-414.
lecteur de Freud. Éditions de L'Éclat (2de édition). 526. DOLNICK (E.) 1998. Madness on the Couch: Blaming the Victim in the Heyday of
495. BOWLBY (J.) 1969. Attachment and Loss. Volume 1 : Attachment. N.Y. Basic Psychoanalysis. Simon & Schuster.
Books. 527. DSM 11 : Diagnostic & Statistical Manual o.f Mental Disorders. American Psychia-
496. BOWLBY (J.) 1973. Attachment and Loss. Volume 2 : Separation , Anxiety and tric Association, 2d edition 1968.
Anger. N.Y. Basic Books. 528. DSM IV : Diagnostic & Statistical Manual ofMental Disorders. American Psychia-
497. BOYSEN (S.T.) HIMES (G.T.) 1999. Current Issues and Emerging Theories in tric Association, 4th edition 1994.
Animal Cognition. Annual Review Psychol. 1999, 50: 683-705. 529. EDMUNDS (L.) 1988. His Master's Choice. Johns Hopkins Magazine, 40, n" 2,
498. BREUER (J.) 1895. Considérations Théoriques. in Freud & Breuer : Études sur April 1988 : 40-49 (rep. in Crews, 1998: p. 260-276).
l'Hystérie, PUF 197J : 146-204 530. ELLENBERGER (H.F.) 1968. La conférence de Freud sur l'hystérie masculine
499. BRIAN (D.) 1996. Einstein. A Life. John Wiley & Sons. (Vienne, le 15 Octobre 1886). in ELLENBERGER, J954-1991: 207-225.
500. BRODY (B.) 1970. Freud's Case Load. Psychotherapy : Theory, Research, & Prac- 531 . ELLENBERGER (H,F.) 1970. The Discovery of the Unconscious : The History and
tice, 7: 8-12. Evolution of Dynamic Psychiatry . Basic Books.
501. BROME (V.) 1982. Ernest iones: Freud's alter Ego. Caliban. 532. ELLENBERGER (H.F.) 1972. Histoire d' Anna O. Étude critique avec documents
502. BROMLY (S.) 1988. Léonard de Vinci; une Biographie. Jean-Ciaude Lattes. nouveaux. in ELLENBERGER, J954-J991 : 329-352.
503 . BYCK (R.) Edit. 1975. Sigmund Freud. De la Cocai'ne . Éditions Complexe 1976. 533. ELLENBERGER (H.F.) 1973. Moriz Benedikt, ou le destin tragique d'un pionnier
504. CAHOON (D.D.) 1968, Symptom substitution and the behavior therapies. Psycho- de l'inconscient (1835-1920). in ELLENBERGER, 1954-J991: J23-142.
/ogical Bulletin 69, 3 : 149-J56. 534. ELLENBERGER (H.F.) 1977. Histoire d'Emmy von R. Étude critique avec docu-
505 . CHALIAND (G.) Édit. 1990. Anthologie Mondiale de la Stratégie. Robert Laffont ments nouveaux. in ELLENBERGER, 1954-199J : 353-374.
(coll. Bouquins) 535. ELLENBERGER (H.F.) 1954-1991. Médecines de l'áme. Essais d'histoire de la
506. CHARCOT (J.M.) L'hystérie. Textes choisis et présentés par E. Trillat. Toulouse, folie et des guérisons psychiques. Fayard.I99S.
Privat 1971. 536. ELLIS (A.) 1968. Is Psychoanalysis Harmful? Psychiatric Opinion, vol 5 n" 1,
507. CHAUVELOT (D.) 1992. Pour l'Amour de Freud, ou l'autre ronde. Denoel. January 1968 : 16-25.
508. CHOURAKI (A.) 1992. La pensée juive. Presses Universitaires de France (6' 537. ERWIN (E.) 1996. A jinal Accounting. Philosophica/ and empiricallssues in Freu-
édition). dian Psychology. Bradford Book, the MIT Press.
509. CIOFFI (F.) 1969-1998. Freud and the Question of Pseudoscience. Open Court, 538. ESTERSON (A.) 1993. Seductive Mirage : an Exploration of the Work of Sigmund
Chicago and La Salle lll. 1998 Freud. Chicago, Open-Court.
51 O. CLEMENT (C.) 1978. Les fils de Freud .wnt fatigués. Grasset. 539. ESTERSON (A.) 1998. Jeffrey Masson and Freud's seduction theory : a new fable
511. COLBY (K.M.) STOLLER (R.J .) 198R. Cowlitive Science and Psychoanalysis. The based on old myths. History ofthe Human Sciences, vol. JI, no./ , pp. 1-21.
Analytic Press. 540. EYSENCK (I·I.J.) 1952. The effects of psychotherapy : An evaluation. Journal of
512. CONQUEST (R.) 1988. La Grande 7iorreur (nouvclle édition; précédée de Sanglan- Consuiling P.1ychology, 16 : 319-324.
tes Moissons, 1986). Robert Laflont (wll. Bouquins), 1990. 541. EYSENCK (H.J.) WILSON (G.D.) Eds, 1973. The experimental Srudy f!( Freut!ian
513. COOPER (J.) 1993. Speak of MI' os 1 0111 , rlw Life and Work of Masud Khan. Theories . London : Methuen
Karnak. 542. EYSENCK (H.J.) 1973. Le déclin et la chute de J'empire Freudien. Nmoll'llt• f::m lt•.
514. CORRAZE (J.) 1976. De l 'Hysth it• 11111 l'11thomimies. Dunod. n" 23 : 57-73.
lH4 MI\N S()N(l i·.S I•J<I •IIlii i!N'• 111 '.1 llllli 11 1~~ ~~ 11 1 'olfH lli<Mi\ IIO N S I.,.( '\ 11.1\IIW Jd;¡ ·'EJ<ENCES IJIOLIOGRi\PIIIQUES

543. EYSENCK (H.J.) 19X5. !)¡·di'" ' tllld 1 o// , ¡ tltt• 1 , .tt.ltt/11 ~~·,,¡ ,in•. l'cnguin Books. '1 \. GREEN (R.) 1994. Atypical Sexual DevelopmenL in: RUTTER (M.) TAYLOR (E.)
HERSOV (L.) Eds. Child and Adolescent Psychiatry. Modem Appmaches.(3d EdiL)
544. FARRELL (J.) 1996. Fn•ru/'.,· 1'' """""' ()tt•' ll /' " '' lt~•wlail' .l'i.,· l//u/ Modnn Suspi-
cion. New York University p, ·ss. Blackwell Science. : 749-758.
'1· 1. GROSS KURTH (P.) 1986. Melanie Klein. Son Monde et son IEuvre. PUF (Coll.
545. FENICHEL (0.) 1930. Rapporl slalisllqtol' " " l 'i ll'IJ V!i l' 1hérapcu1iquc entre 1920- Quadrige 2001)
1930. in : On form e des psychano/y.,·tc.l', J<i8\ . 1.1 / / .
\ 1'i. GROSSKURTH (P.) 1991. Freud, /'Anneau Secret. Presses Universitaires de France.
546. FERENCZI (S.). Journal clinique; jm111icr t)('folne 19.12. Payo1 1985.
1995
547. FINE (R.) 1963. Freud: a critica/ re-t' valuation of hi.1· theories. Allen & Unwin. ~ /6. GRÜ NBAUM (A.) 1984. The Foundations of Psychoanalysis : a philosophical criti-
548. ~SH (S) 1986. Withholding the missing porti on : Power, meaning and persuasion que. University of California Press.
m Freud s <<the Wo1f-Man». /London} Tíme Literary Supplement August 29, /986: '\ 17. GRÜNBAUM (A.) 1986. Précis of The Foundations of Psychoanalysis : a philoso-
935-938. (rep. in Crews, 1998, chap./5). ·
phical critique. The Behavioral and brain Sciences. n" 9 : 217-284.
549. FISHER (S.) GREENBERG (R .P.) 1977. The Scientific credibility of Freud's Theory '17 8. GRÜ NBAUM (A.) 1993. Validation in the Clinical Theory of Psychoanalysis : a
and Therapy. Basic Books. ·
Study in the Philosophy of Psychoanalysis . International University Press.
550. FLAUBERT Gustave, 1880. Bouvard et Pécuchet. Gallimard 1979.
'i79 . GRÜNBAUM (A.) [sd]. La Psychanalyse ii l'épreuve. Éditions de I'ÉclaL 1993
551. FLEM (L.) 1986. La vie quotidienne de Freud et ses patients. Hachette. 'iXO. GRÜNBAUM (A.) 1996. Les Fondements de la Psychanalyse. París, Presses Univer-
552. FLE)\1 (L.) 1991. L'homme Freud: une biographie intellectuelle. Seuil. sitaires de France. (Traduction de Grünbaum. 1984 The Foundations ... , édition
553. FORRESTER (J) ~ 994. <<A whole C1imate of Opinion » : Rewrighting the History rcvue et augmentée par 1' auteur).
ofPsychoanalysts. 111 MICALE (M.S.) & PORTER (R.), eds. Discovering the History 'iX l . HALE (N.G.) 1971. Freud and the Americans: the Beginnings of Psychoanalysis in
of Psychiatry. Oxford University Press. (p. 174-190) the United States, 1876-1917. New York, Oxford University Press.
554. FREE.DHEIM (D.K.) Edil. J992. History of Psychotherapy : a Century of Change. 'iX2. HALE (N.G.) 1995. The Rise and Crisis of Psychoanalysis in the Uníted Sta/es,
Aroencan Psychologica1 Association, Washington 1917-1985. New York, Oxford University Press.
555. FREEMAN (D.) 1983. Margaret Mead and Samoa. Harvard University Press. 5X3 . HENRY (W.P.) STRUPP (H.H.) SCHACHT (T.E.) GASTON (L.) 1994. Psychody-
556. FREEMAN (D.) 1999. The fateful Hoaxing of Margaret Mead. A historical Analysis namic Approaches. in BERGIN & GARFJELD. Eds/994: 467-508.
of Her Sf!:moan Research. Westview Press (Perseus Group). 584. HIGGINS (M.) 1967. Reich parle de Freud. París, Éditions Payot, 1970.
557. FRIEDLANDER (A.A.) 1911. Hysteria and Modero Psychoanalysis. Joumal of 585. HIRSCHMÜLLER (A.) 1978. Josef Breuer. Presses Universitaires de Francc. 1991
Abnormal Psychology, vol 5: 297-319. 5R6. HlRSCHMÜLLER (A.) 1998. <dnapte a etre psychiatre? », la rencon trc de Frcud
558. FRIEDMAN (R.C.) 1988. Mate Homosexuality : a contemporary psychoanalytic avec la psychiatrie clinique. in GEERARDYN (F.) & VAN DE VIJVER (G .), Eds
perspective. Ya1e University Press. Aux .w urces de la psychanalyse. Une analyse des premiers écrit~· de Freud ( 1/: il/
559. FRISCHER (D.) 1977. Les analysés parlent. Stock. 1900). Paris, éditions de L'Harroattan, 1998: 43-54.
560. ~ULLER TORREY (E.) 1992. Freudian Fraud: The Malignan! Effect of Freud's 587. HIRSCHMÜLLER (A.) 1998. Les études de Freud sur la cocai'ne. in GEER /\RDYN
Theory on Amencan Thought and Culture. Harper Collins. (F.) & VAN DE VIJVER (G.), Eds Aux sources de la psychanalyse. Une analyse "''·'·
561. GABBARD (G.O.) LESTER (E.O.) 1996. Boundaries and Boundary Violatíons in premiers écrits de Freud ( 1877-1900). París, éditions de L'Harmattan, 1998. 89-I.NI.
Psychoanalysis. Basic Books. 588. HOBSON (A.J.) 1988. Le cerveau révant. Galliroard. 1992
562. GALLUP (G.G.) 1970. Chimpanzees : Self-recognition. Scíence, 1970, 167 : 86 589. HORNUNG (E.) 1971. Les Dieux de 1'Égypte. L'un et le multiple. Flaromari on.
(repris dans Corraze. 1980: /31-137). 1992.
563. GARDINER (M.) 1971, EdiL The Wolf-Man By the Wolf-Man. Basic Books. 590. INTERNATIONAL JOURNAL OF PSYCHOANALYSIS. december /994 vol. 75 :
564. GARFIELD (S.L.) BERGIN (A .E.) Eds, 1978; Handbook of Psychotherapy and 866-1265. Specia/75th Anniversary Jssue: The Conceptualisation and Communica-
Behavwr Change. An Empírica! Analysis. (2d Edition) Wiley. tion of Clinical facts in Psychoanalysis.
565 . GARFIELD (S.L.) BERGIN (A.E.) Eds, 1986; Handbook of Psychotherapy and 59 l. ISRAELS (H .) 1981. Schreber, pere et fils. Éditions du Seuil 1986.
Behavwr Change. An Empírica/ Analysis. (3d Edition) Wiley. 592. ISRAELS (H .) 1993. Freud and the Vulture. History of Psychiatry, iv: 577-586.
566. GAY (P.) 1988. Freud, une vie . Hachette 1991 (Collection Pluriel, 2 Vol. 1995). 593. ISRAELS (H.) SCHATZMAN (M.) 1993. The Seduction Theory. History of
567. GELMAN (D.) FOOTE (D.) BARRET (T.) TALBOT (M.) 1992. Born or Bred. Psychiatry, iv : 23-59.
Newsweek. ( February 24) : 38-44. 594. JACQUARD (R.) 1986. La Guerre du Mensonge. Histoíre secrete de la désinforma-
568. GELLNER (E.) 1985. La Rase de la déraison : le mouvement Psychanalytíque. tion. Plon.
Presses Universitaires de France. 1990. 595. JAFFE (J.H.) 2000. Cocaine-Related Disorders. In: Kaplan & Sadock (Eds): chap.
569. GEORGE (F.) l 979. L' Effet' Ya u de poele de Lacan et des lacaniens. Hachette. 11 .6.
570. GESCHWIND (N.) 1984. Dostoievsky ·.,. t!1ilepsy. in : D. Blumer (Edit), Psychiatric 596. JOHNSON (P.) 1988. Le grand mensonge des intellectuels. Laffont. 1993
Aspects of Eptlepsy. American Psyl'hiatric Press : 325-224. 597. JONES (Ernest) 1953-1957. La vie et l'll'uvre de Sigmund Freud. Presses Universi-
571. GRAF (M.) 1942. Reminisccnccs or Prolcsso r Siground Freud. Psvchoanal. Quar- taires de France. 1958 (vol. 1) 1961 (voL 2) 1969 (vol. 3).
ter/y, 1942, 1/ : 267. · 598. JONES (M.M.) 1980. Conversion Reaction: Anachronism or Evolutionary Forro?
572. GREEN (R.) 1985. Atypical Psyc ho,cx ual DeveloproenL in : RUTTER (M.) A review of the Neurologic, Behavioral, and Psychoanalytic Literature. Psychologi-
HERSOV (L.) Eds Child and Aduit'.l'('t'nt l'svchiatry. Modem Approaches. Blackwell cal Bulle/in . n" 3 : 427-441.
Sctentific Pubhcallons (2d bJ.) : (¡ 18 (¡.f9 . 599. JOUVET (M.) 1992. Le sommei/ et le réve. Editions Odile Jacob.
386 MENSON<OI ·~ 1•101111111 N'• lll'ollllll ltl i tll 111 'dtiiiiHMAIION SH 'lii .AIRI : RÉFÉRENCES BII.ILIOGRAPHIQUES 1ll7

600. JURJEVICH (Ratibor-Ruy M.) 1'1 1~ f/¡, • " "'' ' " 1 ¡., .,u/""'· " .•tw/y of Brainwa- 627. LOTHANE (Z.) 1992. In defence of Schreber. Hillsdale, N .J. The Analytic Press.
shing. Crane publ. 1985. 628. LUBORSKY (L.) SlNGER (B.) LUBORSKY (L.) 1976. Comparative studies of
601. KANNER (L.) 1943. Autistic Di, tulllllll( ,., ni ''"''' II V<' ( 'nntact. Nt•rv. Child, 2 : psychotherapies; is it true that << Everybody has won and all must ha ve prizes»? in :
217-250. SP/7ZER & KLEIN Eds, 1976 : 3-22.
602. KAPLAN (B.J.) & SADOCK (V. A) bJs 2000 ( 'om1m·lwn.•·i"l' 'li•rtbook of Psychia - 629. LUBORSKY (L.) SPENCE (O.P.) 1978. Quantitative research on Psychoanalytic
try. (7th Edition) Lippincott, Willi:uns & Wilklll S. Therapy. in GARFIELD & BERGIN Eds, 1978: 331-368.
603. KARDINER (A.) 1977. Mon anoly.•·¡• ""'''' h~·ud. lklfoud 197H 630. LYNN (D.J.) VAILLANT (G.E.) 1998. Anonymity, Neutrality, and Contidentiality
604. KAZDIN (A.E.) 1982. Symptom Substitution, Gcncralization and Response Cova- in the Actual Methods of Sigmund Freud : a Review of 43 Cases, 1907-1939.
riation : Implications for Psychotherapy Outcome . Psychological Bulletin. n° 2 : American Journal of Psychiatry. (February /998) 155: 2, 163-171.
349-365. 631. MACLAGAN (E.) 1923. Leonardo in the consulting room. Burlington Magazinefor
605. KAZDIN (A.E.) 199 1. Learning theory and behavioral Approaches. in: LEWIS (M.) Connoisseurs, 1923 vol. 42 : 54-57.
Edit. Child and Adolescent Psychiatry : A comprehensive Textbook. Williams & 632. MACLEAN (G) RAPPEN (U.) 1991. Hermine Hug-Hel/muth : Her Lije and Work.
Wilkins 1991 : 87-99. New York : Routledge.
606. KERR (J.) 1994. A Most Dangerous Method. The Story of Jung, Freud, and Sabina 633. MACMILLAN (M.) 1991. Freud evaluated: The Completed Are. Elsevier, Amster-
Spielrein. Sinclair-Stevenson. dam. North Holland.
607. KLEIN (D.B.) 1981. Jewish origins of the Psychoanalytic Movement. Praeger. 634. MAHONY (PJ.) 1984. Les Hurlements de l'Homme aux Loups. (Édit. remaniée par
608. KLERMAN (G.L.) 1990. The Psychiatric Patient's Right to Effective Treatment : l'auteur) PUF 1995.
Impllcations of Osheroff Vs . Chesnut Lodge. American J. Psychiatry. !1° 4 : 409- 635. MAHONY (P.J.) 1986. Freud et l'Homme aux Rats. PUF 1991.
418. 636. MAHONY (P.J.) 1996. Dora s'en va. Violence dans la psychanalyse. Les empe-
609. KLERMAN (G.L.) WEISSMAN (M.M.) MARKOWITZ (J.) GLICK (l.) WfLNER cheurs de penser en rond/Le Seuil, 2001.
(P.J.) MASON (B.) SHEAR (M.K.) 1994. Medication and Psychotherapy. in : 637. MAIDANI GERARD (J. P.) 1994. Léonard de Vinci. Mythologie ou théologie ?
BERGIN & GARFIELD, Eds 1994: 734-782. Presses Universitaires de France.
6!0. KLINE (P.) 1972. Fact and Fantasy in Freudian Theory. Methuen. 638. MAJOR (R.) 1990. Situation contemporaine de la psychanalyse. Encyclopaedia
611. KOLLER BECKER (H.) 1963. Carl Koller et la cocai'ne. in BYCK, 1975 : 227-277 Universalis (supplément 1 : 190-198).
(<<Coca Koller»). 639. MALCOLM (J.) 1984. Tempete aux archives Freud. Presscs Univcrsitairc' de
612. KOPTA (S.M.) & al. 1999. Individual Psychotherapy Outcome and Process France. 1986
Research : Challenges Leading to Greater Turmoil ora Positive Transition? Annual 640. MARMOR (J.D.) 1970. Limitations of free associations. Archii'l'.\' 4 Gt·m·wl
Review of Psychology, vol. 50: 441-469. Psychiatry n" 22 : 160-165
613. KOYRÉ (A.) 1943. Réflexions sur le Mensonge. Éditions Allia, 1996. 641. MARMOR (J.D.) 1979. Psychoanalytic Training : Problems and PcrspL'CII VL''·
614. KRAFFf-EBING (R. von) 1898 sq. Psychopathia Sexualis. (édition revue et Archives of General Psychiatry n" 36 : 486-489.
augmentée en 1923 par Albert Moll; Préface de Pierre Janet). París, Agora Pockett, 642. MARMOR (J.D.) 1980. Recents Trends in Psychotherapy. American J. P.l'\'chiatl 1'
3 Tomes, 1999. n" 4: 409-416.
615. KRÜLL (M.) 1979. Sigmund, fils de Jacob. Gallimard. 1983. 643. MARSDEN (C.D.) 1986. Hysteria • a Neurologist's View. Psychological Merlici111',
616. LACAN (J.) 1949. Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je. in 16: 277-288
Écrits, volume 1; Éditions du Seuil, col l. Points 1970 : 89-97. 644. MASSON (J.) 1984. The Assault on Truth : Freud's suppression of the seductirm
617. I.:ACAN (J.) 1953. Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse. in theory. Penguin Books (2d Ed. 1985).
Ecrits, volume 1; Éditions du Seuil, col l. Points 1970 : 111-208. 645. MEDAWAR (P. B.) 1975. Victims of Psychiatry. New York Review ofBooks; January
618. LACAN (!.) 1956. SituatiOI) de la psychanalyse et formation du psychanalyste en 23, page 17.
1956. in Ecrits, volume 2; Editions du Seuil, coll. Points 1971 : 9-40. 646. MICALE (M.S.) 1994. Henri F. Ellenberger : The History of Psychiatry as thc
619. LACAN (J.) )960. Subversion, du sujet et dialectique du désir dans J' inconscient History of the Unconscious. in MICALE (M.S.) & PORTER (R.), Eds. Discovering
freudien. in Ecrits, volume 2; Editions du Seuil, coll. Points 1971 : 151-191. the History of Psychiatry. Oxford University Press. 1994 : 112-134.
620. LACAN (J.) 1963. Kant avec Sade. in Écrits, volume 2; Éditions du Seuil, coll. 647. MIKKELSEN (E.J.) 1991. Modern Approaches to Enuresis and Encopresis. In
Points 1971 : 119-148. LEWIS (M.) Edit Child and Adolescent Psychiatry; a Comprehensive Texbook.
621. LAKOFF (R.T.) COYNE (J .C.) 1993. Father Knows Best: The Use and Abuse of Williams & Wilkins 1991 : 583-591.
Power in Freud's Case of Dora. Teacher College Press. 648. MILLER (A.) 1988. w connaissance interdite. Aubier, 1990.
622. LAMBERT (M.J.) 1976. Spontaneous Remission in Adult Neurotic Disorders : a 649. MILLER (M.A.) 1998. Freud and the Bolsheviks : Psychoanalysis in imperial
Revision and Summary. Psychological Bulletin. n° 4: 107-119. Russia and the Soviet Union. Yate University Press.
623. LAMBERT (M.J.) BERGIN (A.E.) 1994. Thc Effectiveness of Psychotherapy. in: 650. MINUTES de la Société Psychanalytique de Vienne (1906-1918). Nunberg (H.)
BERGIN & GARFIELD, Erls/9<J4 : 14.1 189. Federn (P.) Eds, 1962-1975 : Les Premiers Psychanalystes (vol 1 : 1906-1908, vol
624. LE VAY (S.) 1993. Le Cf'I'VI' IIIt a 1 ,¡ 1111 .11' 11''! Flannnarion. 1994. 2: 1908-1910, vol3: 1910-1911, vol 4: 1912-1918). Gallimard, 1976-1983.
625. LEWIN (L.) 1924. Le coca'ini ~ n~t· "' /IYCK. 1975: 21/-223. (Extrait de Phantas- 651. MOSCOVt <;I (S.) 1961. La psyc~analyse, son image et son public. Presses Univer-
tica) sitaires de hancc.l986 (2de Ed!tJOn).
626. LILIENFELD (S.O.) WOOD (1M l c;i\RI\ (II .N .) 2000. The scientific Status of 652. NOLL (R.) 1997 . .lung, « le Christ Aryen ». Les secrets d'une vie. Plon 1999.
projective Tcchniqu ·s. l ' ll'd"""il" .,¡ s, 11'11< '<' 111 the Pub/k· Interest. Vol. 1 N" 2, 653. OBHOLZER (K.) 1980. Entretiens avec l'homme aux loups. Une psychanalyse et
Novembcr 2000 : ~ 7 6h ses suite.1·. Gallimard, 1981 .
38K MHN SON< li ,S H <J·II IIII N', 111 ollllll 1• IIN I l ol .J NI IIJ I ~fi\ II ON SH 'IJI .I\ IJ<I ' J<I ·I·J·: RJ :N< 'ICS Hl lli .IO(oRAI'I II QLJI'S .WJ

654. OHAYON (A.) 1999. /.'""!'"'""''' , ., w1t1• /' 1,., ¡,,¡,_.,,. r·t psvchanalyse en c.Xo.l . ROUSSEAU Jean-Jacques. 1755. Discours sur /'origine el les fondemenls de
France, 1919- 1969. Pari s, l ~th\1111\ N d•· In 1' ', <~IIVrll• ' /'inégalité parmi les hommes. Gamier Flammarion, 1992
655. ON FORME DES PSYCIIANI\I.YSTI ·. S N"t'l'"' ' ""!!'""' "" lt•s dix tuls de /'lnsti - f> X'i. ROUSTANG (F.) 1976. Un destin si funeste . Éditions de Minuit.
tut de psychanalyse de Balín. / 9ZO / t) 10 1lrnol' l, liiX ~ IIX6. SACHS (H.) 1945. Freud. mon maítre et ami. Denoel 1977.
656. OXAAL, POLLA K, BafZ (E<.Is) 11JX 1 ./t'" '·''· i\1111\t'llllti.l llt m1d Culture in Vienna. I>X7 . SARTRE (J-P.) Le scénario Frt•ud. Gallimard 1984.
Routledge & Kegan Paul.
¡,xx. SCHARNB ERG (M.) 1993. The Non-Authentic Nature of Freud's Observations.
657. PAIKOFF (R.L.) BROOKS-GUNN (J .) 1994. l''ycl ul,t·x ual Dcvelopment across the Volume 1 : The Seduclion Theory. Volume 2 : Felix Gattel 's Earl~ Freudian c_;ases,
Life-Span. In: RU1TER (M.) HAY (IJ.F ) ¡,·tf.,· /)¡•v¡•/o¡mwntthrough LiJe. Blackwell and the Astrological Origin of the Anal Theory . Acta Umvers1tatts Upsahens1s,
Scientific Publications : 558-582.
Uppsala.
658. PARIS (B.) 1994. Karen Homey. A Psychoanalyst 's Search .fór Self Understanding. IIX'i. SCHARNBERG (M.) 1996. Textual Analysis: A Scientific Approachfor Assessing.
Yale University Press. Cases of Sexual Abuse. Volume 1 : The Theoretical Framework, the P.sychology o.f
659. PIPER (W.E.) 1996. Psychodynamic Psychothcrapy. In DICKSTEIN, RIBA, Lying, and Cases of Older Children. Volume 2 : Cases of Young~r Chtldren, lnclu-
OLDHAM, (Eds) Review of Psychiaoy, vol. 15 : 109-128. American Psychiatric ding a Case of Alleged Necmphilia, and the Shortcommgs o.f Judtcwl. Acta Umver-
Press, Washington. sitatis Upsaliensis, Uppsala _
<>YO. SCHMIDEBERG (M.) 1970. Psychotherapy with Failures of Psychoanalysts.
660. POLLAK (R.) 1997. The Creation of DR. B. :A Biography of Bruno Bettelheim.
New York, Simon & Schuster (Touchstone Book Edition, 1998). British J. of Psychialry. n" 116 : 195-200.
(l9f. SCHUR (M.) 1972. La mort dans la vie de Freud. Gallimard 1975 (collection TEL.
661. POMMIER (R.) 1978. Assez décodé. Roblot.
1982)
662. POPPER (K. R.) 1962. Conjectures et réfutations: la croissance du savoir scientifi-
ú92. SEBEOK (T.A.) ROSENTHAL (R.) Eds 1981. The Clever Hans Phenomenom :
que. Payot 1985.
Communication with Horses , Whales, Apes and Peop/e. Annals of the New York
663. PRIBRAM (K. H .) GILL (M. M.) 1976. Freud's Project reassessed. Hutchinson of Academy of Sciences. no 364.
London
693. SHAFFER (D.) 1994. Enuresis. in RUTTER (M.) TAYLOR (E.) HERSOV (L.) Eds
664. RACHMAN (S.) 1971. The effects of Psychotherapy. Pergamon Press. Child and Adolescent Psychiatry; Modern Approaches. Blackwell. (3d Ed), 1994 :
665. REIK (Th.) 1956. Trente ans avec Freud. Complexes. 1975 505-519.
666. REVEL (J. F.) 1957. Pourquoi des philosophes? J. J. Pauvert. 1968. (2d éd). [réédi- 694. SHARA (M.) 1983. Fury on Earlh, a Biography of Wilhe/m Reich. Andre Deutsch.
tion 1997, Robert Laffont, Coll . Bouquins: 3-121] 695 . SHIRK (S.R.) RUSSEL (R. L.) 1992. A Reevaluation of Estimates of Child Therapy
667. RICE (Emmanuel) 1990. Freud afl(l Mases: The Long Joumey Home . State Univer- Effectiveness. J. Amer. Acad. Child Adolesc. Psychiatry 31; 4 (july) : 703-709
sity of New York Press. 696. SHORTER (E.) 1996. History of Psychiatry : From the Era of the Asylum lo the Age
668. RICE (James) 1993. Freud 's Russia. Nationalldentity in the Evolution of Psycho- of Prozac. New York, John Wiley. . .. .
analysis. Transaction Publishers. 697. SOKAL (A.) BRICMONT (J.) 1997. Jmpostures intellectuelles. Ed1t10ns Odile
669. ROAZEN (P.) 1969. Brother Animal: The Story of Freud and Tausk. Brunswick N .J. Jacob.
Transaction Books 1990 (revised Edit.) 698. SOLMS (M .) 1998. Une introduction aux travaux neuroscientitiques de Sigmund
670. ROAZEN (P.) 1975. Comment Freud analysait. Navarin \989 (trad. partielle de Freud. in GEERARDIN (F.) & VAN DE VIJVER (G .), Eds Aux .wurce~ d~ la
<< Freud and his fo/lowers» ). psychanalyse. Une analyse des premiers écrits de Freud ( 1877-1900). Pans, edJtJons
671. ROAZEN (P.) 1975. La Saga freudienne . Presses Universitaires de France. 1986 de L'Harmattan, 1998 : 23-42.
(trad. partiel\e de << Freud and hisfollowers>>). 699. SPITZER (R.L.) KLEIN (D.F.) Eds 1976. Evaluation of Psych~>logical Therapies.
672. ROAZEN (P.) 1975. Freud and hisfollowers. (2d Edition) N.Y. Da Capo Press 1990. Psychotherapies, Behavior Therapies, Drug Therapies, and lhetr lnteractwns. The
673 . ROAZEN (P.) 1990. lntroduction to « Freud's Last Will ». Journal of the American Johns Hopkins University Press.
Academy of Psychoanalysis, /8 (3) : 383-385. 700. STONE (1.) 1971. La vie de Freud. Trad. Fr. Pygmalion/Gérard Watelet, 1998.
674. ROAZEN (P.) 1992. The Rise and Fall of Bruno Bettelheim. Psychohistory Review, 701. STRUPP (H.H.) HADLEY (S.W.), GOMES-SCHWARTZ (B .) 1977. Psycholherapy
(Spring) : 221-250. for better or worse : che problem of negative effects. Aronson. .
675. ROAZEN (P.) 1993. Meeting Freud's Family. University of Massachusetts Press, 702. SULLOWAY (F.J.) 1979. Freud : Biologist ofthe Mind. Beyond the psychoanalyttc
Amherst. Legend. Harvard University Press, 1992 (2d Edit.)
676. ROAZEN (P.) 200 l. The Historiography of Psychoana/ysis. Transaction Publisher. 703. SULLOWAY (F.J.) 1991. Freud's Cases Histories : the social Construction of
677. ROBERT (M.) 1974. D'redipe a MoiSe. Freud el la consctencejuive. Callman-Lévy. Psychoanalysis. lsis. n" 82 : 245-275. .
678. RODRIGUÉ (E.) 1996. Freud. Le siecle de la psychanalyse. Payot 2000 (2 volu- 704. SWALES (P.) 1982. Freud, Minna Bernays and the Conquest of Rome: New Ltght
mes). on the Origins of Psychoanalysis. New American Review, 1 : 1-23.
679. ROUDTNESCO (E.) 1993. Jacqu e.1· Lacan. Esquisse d'une vie, hisloire d'un systeme 705. SZASZ (T.) 1976. Anli-Freud : Karl Kraus's Criticism of Psychoanalysis and
de pensée. Fayard. Psychiatry. Syracuse University Press, 1990 (2d Edition).
680. ROUDINESCO (E.) 1994. Hi.l'toire de la Psychanalyse en France. Vo/ume 1: 1885- 706. TALLTS (R.C.) 1987. The Strange Case of Jacques L. P N. Review, 14: 23-26.
1939. Volume 2 : 1925-1985. (Nouvelle édition). Fayard. 707. TALLTS (R.C.) 1996. Burying Freud. Lancet, (march 9) Vol. 347: 669-671 .
681. ROUDINESCO (E.) 1994. GénéaloRies. Fayard. 708. THORNTON (E.M.) 1986. The Freudian Fallacy : Freud and Cocaine. Paladín
682. ROUDINESCO (E.) PLON (M.) 1997. Dictionnaire de Psychanalyse. Fayard. (Revised Edition).
683. ROUDINESCO (E.) 1999. Pourquoi la psychanalyse 7 Fayard. 709. TURKLE (S.) 1978. La France Jm1dienne. Grasset 1982.
390 Ml:NSON(OI 'S l·l<l · l li)ll N'• lll 'dllllli 1• IIW 111 '. JNIOI! MAIION Sf·.! 'lii .A IIO ,

710. VAN DYKE (C.) B YCK (R ) 1'IH.l t ' 11¡ ' '''" ' ' 11'1111/1• Anu'll <'flll , 0311982 : 108
ll9. Index des personnages
711. VAN RILLAER (J.) 1980. /..;•.1· 1/lolliolll ,¡,. lo / '.IY< lu11ut!v.ll'. Bruxelles, Mardaga .
712. VASARI (G.) 1550. La vie di!.\' nwilll'oll ,\ ¡u·illflr',l, .l'l'lll¡>fl'ltr.\· el arr:hilectes. (vol. 5)
Paris, Berger-Levrault 1983.
713 . VEITH (1.) 1965. Hysteria, tire llistory oj 11 ni.lf'll.\1'. Thc University of Chicagu
Press. (Phoenix Books 1970).
714. VERNANT (J-P.) 1988. (Edipe el .~e.1· mythe.1· (en coll . avec Pierre Yidai-Naquet).
Bruxelles, Éd. Complexe.
715. VOLKOFf (V.) 1999. Petite histoire de la désinformalion. Du cheval de Troie el
Internet. Editions du Rocher. Abraham, Karl, 21, 23, 28, 30, 37, 46, 48, 144, 149, 151, 154, 155, 164, 174, 176,
716. WALKER (C.E.) MILLING (L.S.) BONNER (B.L.) 1988. Incontinence Disorders : 54, 108, 114 177, 234, 235, 245
Enuresis and Encopresis. in D.K. ROUTH, Edit. : Handbook of Pediatric Psycho- Abraham, Nicolas, 211 Bernays, Minna, belle-sreu.r de S. Freud,
logy. The Guilford Press, 1988 : 363-397 Adler, Alfred, 43, 44, 61, 93 , 184, 199, 35, 104, relations avec S. Freud, 65, 66
232, 292, 344, et le patient obsédé : Bernfeld, Siegfried, 148, 149, 154, 155,
717. WASHTON (A.M.) STONE (N.S.) 1984. The Human Cost ofChronic Cocaine Use. 160, 179
Medica/ Aspect of Human Sexuality, 1984; vol. /8, 1! 0 11 : 122-130. 114, 115
Aichhom, August, 67 Bernheim, Hippolyte, 295
718. WEBSTER (R.) 1995. Why Freud was wrong : Sin, Science, and Psychoanalysis . Akhen-Aton, Amenhotep IV, Pharaon, 216 Bernstein, Leonard, 44
Harper Collins. Alexander, Franz, 21, 30 Best, Doris, 70 sq.
719. WESTEN (D.) 1998. The Scientitic Legacy of Sigmund Freud : Toward a Psychody- Alexandre le Grand, 7, 176, 177, 292 Bettelheim, Bruno, 61, 89, imposture, 327-
namically Informed Psychological Science. Psychological Bulletin; vol. 124, n" 3 : Allendy, René, 67 336
333-371. Althusser, Louis, 315,319 Bibring, Edward, 61
Altshuler, K., 300 Bijur, Abraham, 70 sq.
720. WEISZ (G.) 1975. Scientists and sectarians : The case of Psychoanalysis. Journa/ of
the History of Behavioral Sciences, 11 : 350-364. Allstadt, Regina, 330, 333 Bijur, Angelika, 70 sq.
Amadori, Donna Albiera, 200 Bijur et Frink, /'affaire, 69-75
721. WHYTE (L.) 1960. L'inconscient avant Freud. Payot, 1971. Billinsky, John, 65
Andersen, Hans Christian, 350
722. WILCOCKS (R.) 1991. Maelzel 's Chess Player: Sigmund Freud and the Rhetoric Andréas-Salomé, Lou, 24, 77, 217, 241 Billroth, 150, 177
of Deceit. Rowman & Littlefield. Anna O. (Bertha Pappenheim), 39, 245, Binswanger, Ludwig, 21 , 90, 115, 234
723. WILCOCKS (R.) 2000. Mousetraps and the Moon. The Strange Ride of Sigmund 257, le cas : 233 sq. Binswanger, Robert, 133
Freud and the Early Years of Psychoanalysis. Lexington Books. Anrep, Vassili von, 143 Bismarck, Otto von, Prince, 130, 131
724. WITTEJ.,S (F.) Freud et la femme-enfant. Mémoires de Fritz Wittels. (posthume : Anton, G., 279 Blanton, Smiley, 38, 92, 103
Timms Edil. 1995) Suivi de Wittels, 1924: Sigmund Freud, l'homme, la doctrine, Anzieu, Didier, 316, 321 Bleuler, Eugen, 21 , 184, 276, 277
l'école. Paris, PUF 1999. Aristote, 174, 237 Blum, Harold P., 66
725. WOLPE (J.) RACHMAN (S.) 1960. Psychoanalytic «Evidence»: a Critique Based Aschaffenburg, Gustav, 46 Bocklin, Arnold, 189
on Freud's Case of Little Hans. Joumal of Nervous and Mental Diseases, 131 : Aubry, Jenny, 314, 320 Bohler, Eugen, 92
135-148. (rep. in CREWS 1998 chap./3) Bohr, Niels, 259
726. WOODWORTH (R.S.) 1917. Sorne Criticisms of the Freudian Psychology. Joumal Bachelard, Gaston, 304 Bonaparte, Marie, 17, 73, 90, 110, 162,
of Abnormal Psychology, 12 : 174-194. Baginski, Adolf, 177 169,215,240,259,281,294, 295, 318,
Balint, Michael, 14, 22 et les lettres a Fliess, 28 sq., Journal,
727. WORTIS (J.) 1954. Psychanalyse a Vienne, 1934. Notes sur mon analyse avec
Freud. Denoel, 1974. Balzac, Honoré de, 217 85, 86, et M. Choisy, 309-311
Bamberger, Heinrich von, 183, 184, 189 Bondy, Mélanie, épouse d'Oscar Rie et
728. YATES (A.J.) 1958. Symptoms and symptom substitution. Psychological Review 65, Barnum, Phineas Taylor, 5 sreur d'Ida Fliess, 30
6: 371-374. Bonnafé, Lucien, 313
Barthes, Roland, 315
729. YERUSHALMJ (Y. H.) 1991. Freud's M oses. Judaism Terminable and lntemlinable. Bauer, Ida, cf Dora Borch-Jacobsen, Mikkel, 85, 86, 168, 241,
Yale University Press. Beard, George, 247 242
730. YOUNG-BRUEHL (E.) 1988. Anna Freud. París, Payot, 1991. Bechterev, Vladimir, 280 Bouvard et Pécuchet, 121, 133, 160, 168,
731. YOUNG-BRUEHL (E.) 1994. A llistory of Freud Biographies. in MICALE (M.S.) Belzébuth, 157, 158 211
& PORTER (R.), eds. Discovering the History f~{ Psychiatry. Oxford University Benedikt, Moriz, 115, 181, 236,237, 295 Bovet, Pierre, 53
Press. 1994 : 157-173. Béria, Lavrenti Pavlovitch, 51 Braudel, Fernand, 315
732. ZIMMERMAN (P.) 1991 . Thc CliuiL·al Thought of Bruno Bettelheim : A Critica! Bernard, Paul, 292 Brettauer, Josef, 145
Historical Review. Psychoanalysi.1· wul Conlnn¡mrary Thought, 1991 (vol. 14) no 4: Bernays, Berman, pere de Martha , 234 Breuer, Dora, tille de Mathilde et Josef,
685-721. Bernays, Jacob, oncle paternel de Martha, 239, 240
733. ZUCKER (K.J.) OREEN (R .) 1991. (lcud ·r ldcn lit y Disorders. In: LEWIS (M.) Ed. 237 Breuer, Josef, 16, 27, 28, 30, 39, 121 , 150,
Child and adolescent psy('/rimr v · " muo¡m·/t('ll.l'ive Textbook. Williams & Wilkins, Bemays, Martha, épouse de S. Freud, 13, 151, 154, 167, 178, 184, 233, 295, cf
1991 : 604-613. 35, 64, 65 , 104, 105, 111 , 11 2, 123, 129, Anna O. (le cas)
392 MHN SON<I I·. S 1·1<11 11! 11 N', 111 ~ 111111 1•111 1! l• l 'oi NI!li!Mi\IION S(:Clii.A IKE INDEX DES PERSONNAGES 393

Breuer, Margarethe, fi ll.: <k .1 ltm11 1, ll1111 •n li , h •lu . llo .l, (J(¡ Fine, R., 135, 352
épouse d ' Arthur Schiff, :10 1l. 111 ~ , 11 , 1 kit' u,. , .' l . JO, 38. 60, 77, 78, Jo'i sher (Seymour) et Greenberg (Roger P.), Gaedeke, Friedrich von, 143
Breuer, Mathilde, épous.: de Jo~ <:f, 1 ll) IOC. . 1'1 1. .'HO 263 Galdston, lago, 138
Briand, Aristide, 294 l k vn• ux, (i,·wgo. 106 Flaubert, Gustave, cf Bouvard et Pécuchet Gallup, Gordon G., 326, 327
Brill, Abraham, 39, 69 sq. 1l¡, kl' ll' , ( ' 1 1111 11 ·~ . 2 17 Flcchsig, Paul, 279 Gardiner, Muriel, 73, 281, 282
Briquet, Pierre, 181, 246 1lll•t• x dt· 1' nucicunc Egypte, 202, 212; 213 l'lcischl von Marxow, Erost, 75, 175, 178, Garfield et Bergin, 299 sq.
Brisset, Charles, 292 l)olu wk . l ~dward. 24 1 189, le 3' fléau, 150-162, 164, 167,257 Garibaldi, Giuseppe, 177
Brodmann, 40 Duliu, 1'1111 u;oi~.: . 314, 3 17 Fliess, 1da, née Bondy, épouse de Gattell, Felix, 111
Brody, Benjamín, 231, 233, 246 Douucr, Frilz, 296 Wilhelm, 28 sq., 30, 63, 258 Gay, Peter, 34, 52, 87, 134, 135, 148, 184,
Brown, Bertram, 336 Dooliulc, llilda, 92 1-'liess, Robert, fils de Wilhelm et Ida, 30, 187, 199, 213, 279, 352
Brücke, Ernst, 150, 176, 177. 184 Dora, ( Ida Bauer), 24, 39, 40, 124, 243 31 ' 62, 138, 258 Geismar, Alain, 315
Brunner, Ro1and, 301 11' cas Dora, 263 sq. Fliess, Wilhelm, 14, 27 sq., 55, 89, 115, Gellner, Eroest, 50, 101 , 241, 354
Brunswick, Mark, époux de Ruth Mack- Dosto'ievski, Fiodor Mikhai1ovitch, 34, 163, 165, 166, 168, 173, 176-178, 188, George, Fran.¡:ois, 95, 318, 322
Brunswick, 39, 62 216-220 240, 246, 247, 255 sq. , 294, 295, 332 George VI, 168
Bullitt, William C., 215 Doyle, Sir Arthur Conan, 275 Fliess W. et S. Freud, cf chap. 2, 6 et 7 Grethe, Johann Wolfgang von, 77, 91, 1O1,
Burlingham, Dorothy, 24, 63, 64, 73, 232 Dreyfus, Alfred, 241 Follin, Sven, 313 219
Burlingham, Mary, fille de Dorothy, Drosnes, Leonid, 280 Forel, August, 295 Goodwin, Frederick, 302
épouse.de Simon Schmiderer, 64 Drucker, Emestine, Esti Freud, 16 Foucault, Michel, 315 Gradiva (de Jensen), 216
Burlingham, Robert, fils de Dorothy, 64 Dubois, Paui-Charles, 295 Fran.;:ois-Joseph 1", Empereur, 130, 188, Graf, Caecilia, niece de Freud, 59-61
Buti, Antonio, 205 Dutlos, Huguette, 316 189 Graf, Herbert, cf Petit Hans
Byck, Robert, 161 Dukas, Helen, 17 Freud et W. Fliess, cf chap. 2, 6 et 7 Graf, Hermann, neveu de Freud, 59
Dundes, AJan, 328 Freud, Alexander, frere de S. Freud, 176 Graf, Max, 23, 44, 115, 218, 268 sq.
Carrington, Hereward, 106 Freud, Anna, 17 sq., 35, 45, 46, 54, 60, 63, Graf, Rosa, sreur de Freud, cf Freud, Rosa
Caterina, mere de Léonard de Vinci, 200 Eckstein, Emma, 16, 33, 148, 193, 235, 64, 75, 84, 107, 161, 162, 169, 176, 177, Greenson, Ralph , 63
sq., 205 251, 256-258, 264, 268, trépanation et 186, 187, 192,222,232, 292, 314,318, Grimm, les freres, 350
Céline, Louis Ferdinand, 13 saignée, 124- 128 330, 344, analysée par son pere, 22-24, Gross, Otto, 61, 67, 158
Chapsal, Made1eine, 333 Ehrenfels, Christian von, 22 lettres a Fliess, 29 sq. , 124, 136, 138 Grosskurth, Phyllis, 46, 54, 69, 83, 134
Charcot, Jean-Martin, 14, 27, 95, 157, 163, Einstein, Albert, 16, 17, 135, 187 Freud, Emmanuel, demi-frere de S. Freud, Grünbaum, Adolf, 6, 32, 241, 351, 352
164, 176, 178 sq., 193 Eisenberg, Leon, 333 134 Guattari, Felix, 316
Chateaubriand, Fran.¡:ois René de, 6 Eissler, Kurt, 16 sq., 54, 63, 125, 138, 280- Freud, Eroest W., cf Halberstadt, Erost W. Guilbert, Yvette, 24
Chiland, Colette, 321 282 Freud, Erost, fils de S. Freud, 176 Guillaume le Conquérant, 177
Choisy, Maryse, 106, 309-311 Eitingon, Leonid Alexandrovitch, 51, 52 Freud, Jakob, pere de S. Freud, 34, 38, Guitry, Sacha, 327
Chomsky, Noam, 318, 320 Eitingon, Max, 45, 46, 73, 297, mystere, 112, 130, 131, 166 Gütschow, Carl von, 205
Christensen, Erwin, 210 51-53 Freud, Maria, <<Mitzi», sreur de S. Freud, Gykatilla, 113
Christophe Colomb, 7, 177 Ellenberger, Henri, 7, 88, 233, 241, 352 59, 123
Cioffi, Frank, 6, 241, 251 Ellis, Havelock, 207, 209, 352 Freud, Martha, <<Thom», niece de S. Hajek, Marcus. 162
Cioran, Emil, 231 Engels, Friedrich, 312 Freud, épouse de Jankev Seidmann, 59 Halban, Josef, 294
Claparede, Edouard, 53, 54 Erlenmeyer, Albrecht, 156-158 Freud, Martha, épouse de S. Freud, (f Halberstadt, Erost Wolfgang, petit fils de
Claus, Carl, 177 Erwin, Edward, 241, 306, 351 Bernays, Martha S. Freud, 344
Clinton (administration), 302 Esterson, Allen, 241, 261, 350, 351 Freud, Martín, fils de S. Freud, 16, 43, Halberstadt, Heinz, <<Heinerle>>, 59
Clemenceau, Georges, 241 Eugénie de Grece, Princesse, filie de M. 103, 104, 176 Hall, Stanley, 177
Clouseau, l'inspecteur empoté, 245 Bonaparte, 86, 294 Freud, Mathilde, filie de S. Freud, 102, Halsted, William, 156
Colby, Kenneth, 328 Exner, Sigmund, 145, 154 103, 123, 129, 176 Hannibal, 7, 177
Colby et Stoller, 349 Ey, Henri, 292, 318 Freud, Moritz, Beau-frere de S. Freud Hans (Herbert Graf), éf Petit Hans
Comte, Auguste, 7 Eysenck, Hans Jurgen, 213, 297, 306, 338, Freud, Oliver, fils de S. Freud, 16, 176 Happel, Clara, 61
Coperoic, Ni colas, 177, 350 342, 349, 350 Freud, Rosa, sreur de S. Freud, 59, 153 Harte!. Wilhelm von, 189, 190
Corraze, Jacques, 321 Freud, Sophie, filie de S. Freud, 59, 176 Hartmann, Frank, 85
Cremerius, 298 Favret, Jeann7, 322 Freud, Theodor, <<Teddy>>, neveu de S. Hartmann, Heinz, 44, 318
Crews, Frederick, 66, 75, 241, 242, 245, Fechner, Gustav Theodor, 175 Freud, 59 Hayek, Friedrich August von, 350
306, 349, 351 Federo, Erost, fils de Paul, 210 Freund, Anton von, 46, 73 Heidegger, Martín, 318
Cromwell, Oliver, 177 Federo, Paul, 30, 44, 60, 61, 330 Friedlli.nder, A.A., 46 Held, René-R., 319
Fenichel, Otto, 44, 297 Friedmann, Malvine, 265 Herriot, Edouard, 31 O
Danton, Georges Jacques, 177 Ferenczi, Sandor, 14, 22, 23, 39, 44-48, Frink, Horace, 39 Herzfeld, Marie, 200, 206-209, 211
Darkshevitch, Liberius Osipovitch, 178 67, 73, 90, 136, 187, 204, 244, 275, Frink et Bijur, /'affaire , 69-75 Herzl, Theodor, 39
Daroton, 328 dissidence, 49, 50, et la famille Palos, Fromm, Erich, 23, 67 Heuscher, Julius, 328
Darwin, Sir Charles, 169, 177, 350 68, 69, occultisme, 105 sq., 131 Fruchaud, Tatiana, 89 Higgins, Mary, 22
David et Goliath, 116 Ferstel, Baronne Marie von, 188 Fuchs, 192 Hirschmüller, Albrecht, 66, 235, 352
Deleuze, Gilles, 316 Fichtl, Paula, 64 Fuller Torrcy, Emnwnuc l, :l:l.'í Hirst, Albert, 16, 125, 148
394 MI:NS ONUI \S 1•1(1 •\ 1\111 N', 111 ol t tllll 1 o 11 11 1 o .11-11 IIIIMA I )(IN SH 'lii ,AIRI\ INDEX DES PERSONNAGES 395

Hitschmann, Eduard, 107 • ol•llll•o 1¡• 1 vo ly111' ,., kan , 3 13 1 , ·bman, Julius, 16 Mosbacher, Eric, alias <<Bemard Marsch»,
Hobson, Allan, 176 "-l tJIII , Mll '<ilol , lo/ , 11 1 utdner, S., 36 21
Hoche, Alfred, 46 "- '1''"'11· I<Pd)'uod , 1HH l.u:wenstein, Rudolf, 294, 316, 318 Moscovici, Serge, 309, 312
Hoffer, Willi, 344 Kl r 111 , llu v ul . f t)() l.o th ane, Zvi, 277 Mozart, W.A., 244
Holmes, Sherlock, 275 K h•ni , Mrluulr . ,1 l. tJ5. 54, 61 , 93, 187, 1.Owe nfeld, Leopold, 245, 260, 261
Homme au.x Loups, (Sc•gud .")). 10 l . 11 H, 115 1.o y. Mima, 62 Nansen, Fridtjof, 177
Constantinovitch Pankejeff. dcr Kh-11111111, ( in;old , 10.'1 -305 1.udwig, Emil, 177 Narjani, A.E., alias Marie Bonaparte, 294
Wolfsmann), 62, 86, 232, 275, 295, ft• K11 0\.'k, l>o<-tn u , 247 l.ucger, Karl, 189 Nathan, Otto, 17
cas, 279 sq. Kolk r, Knll, 141 150, 154, 180 l.ync, Patricia, 333 Nathansohn, Amalia, mere de S. Freud,
Homme aux Rats (Ernst Lanzcr, Kolln-lkd '1', llortense, 143 206, 214
Rattenmann), 199, le cas, 271 sq. Küuig. Oiga, mere de Herbert Graf, alias MacCarthy, Mary, 44 Nathansohn, Jacob, grand-pere maternel
Honegger, Johann, 61 ft' pnit 1/rm.r, 23, 268 MacCormick, famille, 93, 94 de S. Freud, 214
Horney, Karen, 67, 68 Ktinigstei n, Leopold, 143-150 Maclntyre, Alasdair, 338 Newton, Isaac, 168
Huddelson, J.H., 297 Koyré, Alcxandre, 9, 83 Mack, David, frere de Ruth Mack- Niemann, Albert, 143
Hug-Hellmuth (Hermine Hug von Kraepelin, Emil, 254, 280 Brunswick, 62, 63 Nietzsche, Friedrich, 143
Hugenstein), 35, 75 sq., 127, 268 Krafft-Ebing, Richard von, 131 , 188, 191, Mack, Julian, 73 Nin, Anai's, 67
Hugo, Víctor, 10 192, 254 Mack-Brunswick, Ruth, 31, 39, 62, 63, 73, Noll, Richard, 89 sq.
Hunter, Rid¡ard, 335 Kraus, Karl, 1 15, 116, 121, 218, 242, 278, 158, 162, 280 sq. Nothnagel, Hermann, 177, 184, 188, 192
325, 352 Maclagan, Eric, 205, 207, 209 Nunberg, Hermann, 30, 54, 62, 135, 21 O
lrma (I'injonction faite a), 33 Kris, Anton, fils d'Emst et Mariane Kris, Ma cmillan, Malcolm, 88, 241, 244, 351, Nunberg, Margarethe, filie d'Oscar Rie,
fsraels, Han, 64, 205-207, 210, 251, 353 30 352 niece d'lda Fliess, épouse de H.
Kris, Emst, 29 sq., 44, 132, 135, 138, 281 Mahler, Margare!, 67 Nunberg, 30, 62, 21 O
Jaccard, Rolland, 342 Kris, Mariane, épouse d'Ernst Kris, filie Mahony, Patrick, 40, 241, 267, 273, 283,
Jackson, Mickael, 18 d'Oscar Rie et niece d'fda Fliess, 30 sq., 284 Oberndorf, Clarence, 71, 72
Jaffé, Aniéla, 90 63 Ma'idani Gérard, Jean-Pierre, 210, 211 Obersteiner, Heinrich, 154, 156, 158
Jakobson, Roman, 319 Krouchtchev, Nikita, 314 Maistre, Joseph de, 242 Obholzer, Karin, 86, 282-285, <f Homme
Janet, Pierre, 46, 236, 295, 316 Krüll, Mariane, 38 Marcellin Ammien, 99 aux loups
Jauregg (Julius Wagner von), cf Wagner Kundt, August, 134 Marx, Karl, 312, 350 (Edipe (complexe), 111, 117, 167, 221,
von Jauregg Masson, Jeffrey Moussaieff, 28 sq., 3 1, 85, 245, 269 ,fabrication, 251-263
lean XXIH (Angelo Giuseppe Roncalli, Labin, Juliette, 321 88, 124, 241 Orwell, Eric Arthur Blair, <<George
Pape), 311 Lacan, Jacques, 6 1, 68, 93,211, 301, 311, Mead, Margaret, 106 Orwell>>, 99
Jekels, Ludwig, 60 314-322, 332, 344, 345, stade du miroir, Medawar, Peter, 350 Osheroff versus Chesnut Lodge, 303-305
Jéhovah, 146 326, 327 Médicis, famille, 204
Joffe, Adolf, 61 Laforgue, René, 52 Meller, J., 144, 149 Pacella, Bernard L., 66
Jones, Emest, 23, 24, 29, 38-40, 44, 49, Lagache, Daniel, 305 Mellon, famille, 94 Palos, Gizella, Elma et Magda, 39, 68, 69
54, 61,67-69,72-75, 124, 130, 133-136, Lainer, Grete, <<Ritta>>, 77 Menninger, Karl, 62 Pankejeff, Serguel Constantinovitch, cf
148, 149, 154, 155, 160-162, 166, 185, Lampedusa, Prince, Giuseppe di , 294 Merck, E., 152, 153, 169 Homme au.x Loups
186,213,233,239,240,242,273,281, Lampl de Groot, Jeanne, 318 Merejkovski, Dimitri, 198, 200, 205, 206 Pantaine, Marguerite, 316
318, 326, 352, l'hagiographe, 83 sq., Landauer, Karl, 61 Meyer, Adolph, 69, 72 Pappenheim, Bertha, 18, cf Anna O.
90, 208, 209, l'occultisme, 103 sq. Lanzer, Emst, cf Homme aux Rats Meyer, Monroe, 61,62 Parke, Davis & Co., 153
Jones, Herbert, «Joseph fi», 68 Lazare, Bernard, 241 Meynert, Theodor, 174, 177, 179, 181, Paulhan, Jean, 318
Joseph (de la Genese), 177 Le Guillan!, Louis, 313 189, et Freud, 183-186 Peck, Martín, 61
Ju ng, Carl Gustav, 16, 23, 37-39, 43, 44, Le Yay, Simon, 223 Michaelis, Edgard, 220 Pekow, Charles, 327
53, 61' 65, 67-69, 73-75, 83, 86, 102, Lebovici, Serge, 313, 314 Miller, Alice, 302 Pemberton, John, 168
104, 105, 115, 117, 131, 137, 158, 184, Leclaire, Serge, 311 Miller, Yevguéni Karlovitch, Général, 51- Petit Hans (Herbert Graf), 23, 37, 44, 75,
198,204, 209,212,215,239,272,277, Leclerc, Guy, 313 53 115, 116, 199, 211, le cas, 268 sq.
292, 296, Abraxas Léontocéphale, 89 Lehman, Herbert, 329 Mitchell, T.W., 105, 207 Pfister, Osear, 21, 67, 186, 203, 204, 209,
sq. Leidesdorf, MaxiJ.llilian, 183, 189 Mithra, 91, 92 212
Jupiter, 147 Lemercier, Grégoire, 311 Molse, 7, 136, 177, 207 Piaget, Jean, 53
Lénine, Vladimir Ilitch Oulianov, alias Moi:fe et le monothéisme, 216, 217 Pichon, Edouard, 316
Kahane, Max, 61 Lénine, 18, 314 Moliere, 247 Pie Xfl, Eugenio Pacelli, Pape, 311
Kann, La:, 39, 68, 69, 158 Léonard de Yinci, 34, 37, 55, 116, 177, Moll, Albert, 34, 36 sq., 55. 149, 182, 199, Piers, Gerhard, 331
Kanner, Leo, 332 263, 275, cf chap. 10 254, 269, 270, 295, 332, 344, 352 Piper, W.E., 299
Kardiner, Abram, 37, 45, 62, 71, 92 Lévi-Strauss, Claude, 319 Monnerot, Jules, 313 Plevitskai·a, Nadejda, 51, 52
Katan, Annie, niece d'Oscar Rie, 30 Lewin, Louis, 156, 158 Monroe, Marylin, 63 Politzer, Georges, 313
Kazantzakis, Nikos, 326 Lichtheim, Rudolf, 174 Montazzeri, Ayatollah, 197, 22 1 Pollak, Joseph, 152
Kepler, Johannes, 130, 133, 177 Lieben, Anna von, alias <<Mme Cécilie», Morgernstern, Sophic, 61 Pollak, Richard, 328 sq., 336
Kerr, John, 69, 89, 241 235 Morsier, Georgcs de, 54 Pontalis, Jean-Bertrand, 338
\ 1)(, MI ·.NSON\:t •.'i l ·l! l l l llii N', 111 I>>IH I>I IF I 1>1 ¡I N I <I III\.11\ III)N;-. H 'lll/\11<1 ' JNDEX DES PERSONNAGES 397

Popper, Karl. 352 '"'"y, illl·d , '·11 'l;¡ llis, Raymond, 318
Tuusk, Viktor, 24, 61, 67, 191, suicide, 60,
Weiss, Louise, 314
Weisz, George, 46
Popper-Lynkeus, Joscf, 1J4 So l11u11lw¡ ¡1 , M u~. ·10, 1 11, 244, 25 1, 256.
Preiswerk, Samuel . Emilic, llélllll' ,., 'h/ , \'>1 . " ' 73 Wemicke, Carl, 174
Luise, 91 St hulll>ll<ll , Mntlnll, 2'i 1 Teilhard de Chardin, Pierre, 310, 311 Westen, Drew, 338
Président Schreber (Daniel Paul Schrl'lx:r) , Sd1ill , A11huo, 10 Thornton, Elisabeth M., 166, 168 Whittman, Blanche, 178
34, 216, 295, le cas, 276 sq. Tiffany, famille, cf Bur1ingham, Dorothy Wilcocks, Robert, 121, 168, 241, 351
Srluuukhnf\. Mdill;~, till e de . Melanic
Puner, Helen, 38 Kkin , .1, 101. J02 Tomasi, Alessandra, 294 Wilson, Thomas Woodrow, Président, 215
·¡á ro k, Maria, 211 Winnicott, Donald, 61, 67, 292
Schonith:oco. Somon, 64
Trilling, Diana, 62 Winternitz, Wilhelm, 295
Rado, Sandor, 21, 44, 51, 67 Schol:r., l'ri ctlrich, 177 Wittels, Fritz, 45, 144, 219, et Kraus, 115,
Trotski , Lev Davidovitch Bronstein, alias
Raigorodsky, Léonid, 52 Schünberg, Arnold, 329 et Freud, 146-148, 184, 241
Trotski, 51, 61, 309
Raimann, Emil, 192 Schreber, Daniel Paul, cf Président Woh1gemuth, Adolf, 349
Turkle, Sherry, 340
Rank, Otto, 21, 44-46, 54, 61, 67, 93, 106, Schreber Wolfsmann (der), cf Homme aux Loups
107, 114, apostasie, 47-49, 146 Schroff, Karl Damian, 143 Wortis, Joseph, 92, 176, 220
Van Emden, Frederick, 297
Rank, Tola, 21 Schrotter, Karl, 61
Van Renterghem, A.W., 297
Rappaport, David, 332 Schur, Max, 62, 84, 87, 88, 125, 133, 135, Xerxes, 177
Van Rillaer, Jacques, 34 .1
Rattenmann, Ernst Lanzer, (j Homme aux 136, 162, 166, 186, 321, 352 Vasari, Giorgio, 200, 206
Rals Scognamiglio, Smiraglia, 200, 201, 206, Yerushalmi, Yosef Hayim, 312
Vernant, Jean-Pierre, 259
Reich, Annie, 330 208 Vinci, Ser Piero da, pere de Leonardo, 200 Young-Bruehl, Elisabeth, 38, 134
Reich, Wilhelm, 22, 23, 67 Séailles, Gabriel, 204
Reichmann, Frieda, 67
sq., 205
Seidler, Frau, 105 Vinci, Leonardo da, cf Léonard de Vinci Zazzo, René, 5
Reik, Theodor, 45, 61, 63 Seidmann, Jankev, époux de Martha, niece Zeiss1, Hermann von, 177
Riccheti, 164 de Freud, 59 Zeus, 177
Waelder, Robert, 44
Rice, James, 52, 241 Semmelweis, Ignaz, 180 Ziehen, Theodor, 40, 280
Wagner von Jauregg, Ju1ius, 175, 179,274,
Rie, Margarethe, cf Nunberg, Margarethe Shapiro, Meyer, 209 Zimmerman, Patrick, 331, 334
et Freud, 191, 192
Rie, Mariane, (f Kris, Marianne Shentoub, Salem, 313 Zola, Emi1e, 241
Waldeyer, Wilhe1m, 174
Rie, Osear, 30, 36, 133 Shorter, Edward, 337 Zweig, Arnold, 21, 44, 86
Wallerstein, R. , 285
Riviere, Joan, 54, 84 Sidis, Boris, 46 Zweig, Stefan, 21, 34, 77, 217-219, 239,
Webster, Richard, 168, 179, 241
Roazen, Paul, 15, 17 sq., 69, 83, 85, 148, Silberer, Herbert, 61 240
Weil, Frederick, 281
149, 241,328, 331, 336 Silberstein, Eduard, 60
Weininger, Otto, 33, 115, 137
Robert, Marthe, 135 Silberstein, Pauline, 60 Weir-Mitchell, S., 293
Rockefeller, famille, 73, 93, 94, 106 Skoblin, Nikola:i, 51, 52
Weiss, Edoardo, 22, 61
Rodrigué, Emilio, 78, 88, 89, 352 Smith et al., 299
Roheim, Geza, 61 Sokal, AJan, 115
Roh1eder, Hermann, 295 Sokolnicka, Eugenia, 61
Rokitansky, Carl, 150 Spielrein, Sabina, 53, 54, 69
Romberg, Moritz Heinrich, 237 Spock, Benjamín, 44
Roosevelt, Eleanor, 329 Stahl, Reinhold, 28
Roosevelt, Président, 73 Staline, Joseph Vissarionovitch
Rosanes, Ignaz, 126 Djougatchvi1i, alias Staline, 18, 309,
Rosenberg, Ludwig, pere d' Annie Katan, 312-314,321
30 Stanley, Sir Henry Morton, 177
Rosenfeld, Eva, 24 Stanton, Alfred, 304
Rosenthal, Moritz, 183, 189 Stekel, Wilhelm, 44, 61, 67, 75, 92, 106,
Rosenthal, Tatiana, 61 113
Roth, A1exander, <<le Professeur>>, 107 Stephen, Karen, niece de Bertrand Russel,
Rothschild, Banque, 28 61
Roudinesco, Elisabeth, 86, 190, 314, 315, Sterba, Editha, 330, 333
318 Sterba, Richard, 281, 330, 333
Rousseau, Jean-Jacques, 251 Stone, lrving, 15
Roustang, Fran<;:ois, 46, 50, 31 1 Storr, Anthony, 301
Rudolf, << Rolf >>, 75 sq. Strachey, James, 31, 85, 136, 208, 209,
Russel, Bertrand, 61 240, 273
Strickcr, Solomon, 145, 174, 175
Sachs, Hanns, 44, 46, 107 Sulloway, Frank, 7, 15, 24, 34, 134, 138,
Sade, Marquis de, 318 237, 24 1, 263, 352
Sadger, lsidor, 75, 76 Sun Tsé, 9
Sainte-Beuve, Charles Auguslin, 229 Swalcs. Peter, 19, 38, 66, 241
Sartre, Jean-Paul, 43 Stas;., Thomas, 285
TABLE DES MATIERES \<J\1

DEUXIEME PARTIE
'J;thle des matieres MENTERIES ET DÉRAISON

Chapitre 6
Superstitions .................................................................... ........... .. ............... . 101
Signes de croix ................. ......... ....... ............... .... ........................................ .. 101
Transmissions de pensées ... ..... .......................................................... ..... ..... . 103
Nombres ............................................. .......................................................... . 110

Chapitre 7
Délire a deux ............................................................................................... . 121
Les serruriers et la névrose réflexe ............................................................ .. 122

~:rf:~f~¡~: ~¡~~~-~.::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::
124
129
Solipsisme ............. ......................................... ... ........................................... . 135
PREMIERE PARTIE
LA DÉSINFORMA TION Chapitre 8
La potion magique ..... .... ....... ......... .... ..... ...... ......... ............ ........ ........... .... .. 143
Chapitre J
Cocalnum Muriaticum, solution a 5 %......................................................... 143
L'embargo des archives ............................... .................. ... ......................... . 13 Le troisieme fléau .. .. ... .. .. .... .. .. .. .. .. .. ... .. ... .. .. .. .. ... .... .. .. .... .. ... .. .. ..... ...... .... ... .. .. 150
Les ?ons_ exemples du créateur .................................... .......... ..................... . 13 Le monsieur fougueux qui a de la cocalne dans le corps........................... 161
tes mqu!étantes étrangetés des Archives Freud ... ...................................... . 14 Le fin mot de 1' histoire? .... ... .. .... .. ... .. .. .. .. .... .. .. .. .. .. .. .... .. .. .. .. ... .... .. ... .... .. ... ... 168
es cerberes et le fil a plomb ..... ................................................................. . 1-8
Chapitre 9
Chapitre 2 L'occultation d'une bévue .......................................................................... 173
L'Histoire grotesque et sérieuse des Lettres a Fliess .......... ....... ............ . 28 Le Contexte ... ................... ................................ ...... ....... ......................... ....... 173
L . "fi'
L:~r:;rfc~~:~~e~~·¡:¡¿;··~··:·:·· ··· ·· · ····· ····· ········· · · ·· ····························· ··· ······ · ·· ···· 28 La Bévue ............... .. ... ..... ..... .... ....... .. ..... ... ........ .... .......... ........ ........... .... .......
La Soustraction ... .. ........... ... ....... .... ............. ..... ................. ..... ........... ..... ... ....
180
182
toilette édit~ri~i~:::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::
0
33
Maquillage, et 37 Envíes et Gratitude... ..................................................................................... 187
Chapitre 3 Chapitre lO
La cause freudienne et son parrain ................................................... ....... 43 Léonard et les droles d 'oiseaux...................................................... ... .. ... .. . 197
f:P~e~in~~~i ~:r~~~~~~;:······ · ··········· · ········ ·········· ·················· ·· ····· ·············· 43 Abracadabra, le vautour passa... .............. .... .... ....... ...... ................... ............. 198
Le vol du milan ............................................................................................. 204
Le my~tere Max, de la hord·~--~~~;;g·~·::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::: 46
51 Les dévots sont embarrassés......................................................................... 208
Le vautour dans le nid du coucou .............................................. .................. 211
Chapitre 4 Apostille : 1' ablation de grands secrets ...... .. .. ... .. .............. ... ........................ 215
Une courte chronique des années de plomb .... ....................................... . 59
~r~~~~~s~~~~i~3 ~:eés~:l~-G~~d~~~::::::::::::::········································· 59
62
t~~ i~~~~~l~~e~rf~~,=~~~~1~UJ~ransfcrt ............ .:::::;::::::::::::::::::::::::::::::::::: 65
\\ H Hll ] . ... ............. .......... .. ......................... ....... ...... . 69 TROISIEME PARTIE
on ug- e muth, assassinée ... .. ........... ... ................................................. . 75 LA BU'URCATION
Chapitre 5 Chapitre 11
La légende hagiographique ...... ..... ..................... ............ ... ...... ........... ...... .. 83 L'enfance de l'art ............................................ ......... ................................... 231
Mythographies .................... ................................. ... 83 L' indigence ... . .. ..... . .. .. ..... ...... ..... ...... ... .. .. ... .. .. .. .. .. .. .. .. .. ... .. .. .. .. .. ... . ... .. ... .. .. .. .. . 231
Carl Gustav Jung, Antéchri st 1.conton· phalc ................. .... ................. .
89 Anna O. : l'enchassemcnt.......... .............. ............ .............. ........................... 233
Coda ..................... .. .. .. .... .. ......... ................. .::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::: 95 Occultations .......... ... ................... .... ........ ....... .. ... ...... ... ........ ........ .................. 244
400 MI ,NSON(:J ·.S H<l ·llllll N'• lll'.il l il l l ltl l 11 I H .ltH III I~ l i\ IIIIN ~ f · l ' lll /\IItH

Chapitre 12
La substance clinique ....................... ........ . .... ...... . ... . . .............. .. ..... .... 251
Seulement six cas.................. ............. ......... ...... ...... ...................... .... ......... 263
1900, le cas Dora....................... ... ......... ... .. .. . .. .. .. .... ... .. .... .. .. .... .. ..... ... .. .. .. . 263
1907 et 1909, le double cas du Pclil llans ............................... .. ............. ... . 268
1907-1908: I'Homme aux Rats..... ... ............ ......... ...................... ...... ... ....... 271
1911 : le Président Schreber ...... .. .... ..... .. .. ......... ..... ........... .. ... ... .................. 276
1914 : I'Homme aux Loups ................... ... .. ... ....... ......... ........ ...................... 279
Chapitre 13
La thaumaturgie.......... ........................................ ......... ... .... ........................ 291
Chapitre 14
La grande iiJusion .. .. .......... ... ...... .. .. .. .. ..... ... .. ... .. .. ... ...... ... .. .. ....... ... .... .. .. .... . 309
D'un dogme a un autre........................................... ...................................... 309
Dans la mouvance hexagonale ..................................................................... 313
Lacan; Ayatollah-Khan.................................................................................. 316
Chapitre 15
La déréliction du freudien daos son monde virtuel....... .... .... .......... ...... 325
A travers le miroir ........................................................................................ 325
La transfiguration de Bruno Bettelheim....................................................... 327
Implosion et déréliction ................................................................................ 336
Chapitre 16
Des verdicts... ... ..... .... ........... ..... ............ ...... .... ........ ...... ........ ............ ........... 349

Références bibliographiques ... ..... .. ............. ......... ... ........................ ..... .. .... 357
Bibliographie complete de Sigmund Freud ................................................. 358
Correspondances de Sigmund Freud ..... ...... .. ... ... ........ .............. ... ................ 380
Bibliographie Générale ........... ............ .......................................................... 381

Index des Personnages................................................................................ 391

Vous aimerez peut-être aussi