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DU

MÊME AUTEUR, CHEZ LE MÊME ÉDITEUR

La Preuve du Paradis, 2013.


L’Évidence de l’après-vie (avec Raymond Moody), 2014.

Titre original : The Map of Heaven


Copyright©EAIII by Eben Alexander,M.D.
Publié par Simon & Schuster, New York
TRADUIT DE L’AMÉRICAIN PAR JOCELIN MORISSON
© 2015, Guy Trédaniel Éditeur pour l’édition française
ISBN 978-2-8132-1182-8
www.editions-tredaniel.com
info@guytredaniel.fr
Table des matières

Introduction

1. Le Don de la Connaissance

2. Le Don du Sens

3. Le Don de la Vision

4. Le Don de la Force

5. Le Don de l’Appartenance

6. Le Don de la Joie

7. Le Don de l’Espérance

Appendice : La réponse réside en nous tous

Bibliographie
Introduction
« Je suis fils de la Terre et du Ciel étoilé, mais ma race est céleste. »
Fragment d’un texfige grec antique, donnant des instructions à l’âme qui vient de mourir sur la
façon de naviguer dans l’après-vie.

Imaginez un jeune couple le jour de son mariage. La cérémonie est


terminée et tous les invités se rassemblent autour des marches de l’église pour
une photo. Mais le couple, à ce moment particulier, ne les remarque pas. Trop
préoccupé, chacun regarde profondément dans les yeux de l’autre – « les
fenêtres de l’âme », comme les appelait Shakespeare.
Profondément. Un drôle de mot pour décrire une action qui, nous le savons,
ne peut pas être profonde. La vision suit en effet un processus strictement
physique. Les photons de lumière frappent la paroi rétinienne au fond de l’œil,
à environ 2,5 centimètres derrière la pupille, et l’information qu’ils délivrent
est alors transformée en impulsions électrochimiques qui voyagent le long du
nerf optique jusqu’au centre de traitement de la vision à l’arrière du cerveau.
C’est un procédé purement mécanique.

Cependant chacun sait ce que nous voulons dire quand nous disons que
nous « regardons profondément dans les yeux de quelqu’un ». Nous voyons
l’âme de cette personne, cette partie de l’être humain que le philosophe grec
Héraclite évoquait voici environ 2500 ans ainsi : « Tu ne trouverais pas les
limites de l’âme, même en parcourant toutes les routes, tant la connaissance
qu’elle possède est profonde. » Illusion ou non, c’est une expérience puissante
que d’entrevoir cette profondeur.

Nous pouvons la percevoir dans ses deux manifestations les plus fortes :
lorsque nous tombons amoureux et lorsque nous voyons quelqu’un mourir. La
plupart des gens a connu la première expérience, alors qu’un petit nombre,
dans notre société où la mort est taboue, ont vécu la seconde. Mais les
professionnels de santé et les travailleurs en maisons de soins qui sont
régulièrement confrontés à la mort sauront immédiatement de quoi je parle.
Soudain, là où il y avait de la profondeur, il n’y a plus qu’une surface. Le
regard de la vie – même si la personne était très âgée et que ce regard était
vacillant – devient sans relief.

Nous le constatons également lorsqu’un animal meurt. La voie directe vers
ce que l’universitaire des religions du XXe siècle Titus Burckhardt a appelé « le
domaine interne de l’âme » s’éteint, et le corps s’apparente, par essence, à un
appareil débranché.
Imaginez donc les mariés se regardant dans les yeux et voyant cette
profondeur sans limite. L’obturateur se déclenche. L’image est capturée. La
prise parfaite d’un couple parfait de jeunes mariés.
Projetez-vous maintenant quelques décennies en avant. Imaginez que ce
couple a eu des enfants et que ces enfants ont à leur tour eu des enfants.
L’homme sur la photo est aujourd’hui décédé et la femme vit désormais seule
dans une résidence pour personnes âgées. Ses enfants lui rendent visite et elle
a des amis dans cette résidence, mais parfois, comme à présent, elle se sent
seule.
C’est une après-midi pluvieuse, et la femme, assise près de la fenêtre, a
saisi la photo encadrée qui se trouvait sur un guéridon. Dans la lumière grise
qui filtre dans la pièce, elle la regarde.
La photo, tout comme cette femme, a fait un long trajet pour arriver là. Elle
se trouvait d’abord dans un album photo qui a été donné à l’un des enfants,
puis elle a été placée dans un cadre et l’a accompagnée lorsqu’elle a
emménagé dans ce foyer-logement. Bien que fragile, un peu jaunie et écornée,
elle a survécu. Elle y voit la jeune femme qu’elle était, qui regarde son mari
dans les yeux, et elle se souvient à quel point ce moment lui a semblé plus réel
que n’importe quelle autre chose au monde.
Où est-il maintenant ? Existe-t-il toujours ?
Certains jours, cette femme sait que c’est bien le cas. C’est sûr, l’homme
qu’elle a tant aimé pendant toutes ces années ne peut pas s’être simplement
évanoui lorsque son corps a cessé de vivre. Elle sait – vaguement – ce que dit
la religion à ce sujet. Son mari se trouve au paradis : un paradis auquel, à
travers des années de fréquentation plus ou moins régulière de l’église, elle a
déclaré croire. Bien qu’au plus profond d’elle-même elle n’en ait jamais été
sûre.
Ainsi, les autres jours – des jours comme aujourd’hui –, elle doute. Car elle
sait également ce que dit la science à ce sujet. Oui, elle aimait son mari. Mais
l’amour est une émotion, une réaction électrochimique qui se produit dans les
profondeurs du cerveau et qui diffuse des hormones dans le corps, contrôlant
nos humeurs, nous disant d’être heureux ou tristes, joyeux ou affligés.
En résumé, l’amour est irréel.

Qu’est-ce qui est réel ? Eh bien, c’est évident. Les molécules d’acier, de
chrome, d’aluminium et de plastique de la chaise sur laquelle elle est assise ;
les atomes de carbone qui forment le papier de la photographie qu’elle tient
dans les mains ; le verre et le bois du cadre qui la protège. Et, bien sûr, le
diamant de sa bague de fiançailles et l’or dont celle-ci et son alliance sont
faites : cela aussi est réel.
Mais le lien d’amour parfait, total et permanent entre deux âmes
immortelles que ces bagues symbolisent ? Eh bien, tout cela n’est qu’un joli
enrobage. La matière solide, tangible : voilà ce qui est réel. C’est la science
qui le dit.
« L’intérieur est votre véritable nature. »
Al Ghazali, mystique musulman du XIe siècle.

La racine du mot « réalité » est le mot latin res – qui signifie « chose ». Les
choses dans nos vies comme les pneus de voiture, les poêles à frire, les ballons
de football et les balançoires de jardin sont réelles pour nous car elles
possèdent une consistance. Nous pouvons les toucher, les soupeser dans nos
mains, les poser, puis revenir plus tard et les trouver inchangées, là où nous les
avons laissées.
Bien sûr, nous sommes également faits de matière. Nos corps sont
composés d’éléments tels que l’hydrogène – le premier et le plus simple des
éléments – et d’autres plus complexes tels que l’azote, le carbone, le fer et le
magnésium. Tous ont été fabriqués – créés – sous des conditions de pression
et de chaleur inconcevables, dans le cœur d’étoiles anciennes depuis
longtemps disparues. Les noyaux de carbone ont six protons et six neutrons.
Parmi les huit positions de sa couche externe où les électrons orbitent, quatre
sont occupés par des électrons et quatre sont libres, de sorte que les électrons
d’autres atomes ou éléments peuvent s’assembler avec l’atome de carbone en
liant leurs propres électrons à ces positions vacantes. Cette symétrie
particulière permet aux atomes de carbone de se lier à d’autres atomes de
carbone ou à d’autres types d’atomes et de molécules avec une efficacité
remarquable. La chimie organique tout comme la biochimie – des disciplines
majeures qui éclipsent les autres sous-ensembles de la chimie – est
exclusivement dédiée à l’étude des interactions chimiques impliquant le
carbone. La structure chimique de la vie sur Terre dans son ensemble est basée
sur le carbone et ses attributs uniques. C’est la langue véhiculaire du monde
de la chimie organique. Grâce à cette même symétrie, les atomes de carbone,
lorsqu’ils sont soumis à une énorme pression, se lient entre eux selon une
attraction nouvelle, transformant la substance noire et terreuse à laquelle nous
les associons en un symbole naturel de pérennité puissant, le diamant.
Mais bien que les atomes de carbone et la poignée d’autres éléments qui
fabriquent l’essentiel de nos corps soient tous immortels par essence, nos
corps eux-mêmes sont éphémères. De nouvelles cellules naissent et
d’anciennes meurent. À chaque instant, nos corps prennent de la matière et en
rendent à l’environnement physique autour de nous. En peu de temps – un
clignement d’œil à l’échelle cosmique –, nos corps retourneront dans le cycle.
Ils rejoindront le flux de carbone, d’hydrogène, d’oxygène, de calcium et des
autres substances primordiales qui se forment et se désintègrent, encore et
encore, ici, sur Terre.
Naturellement, cette connaissance n’est pas nouvelle. Le mot « humain »
lui-même provient de la même racine qu’humus, la terre, de même
qu’« humble », ce qui est logique puisque la meilleure façon de rester humble
consiste à savoir de quoi nous sommes faits. Bien avant que la science ne
vienne expliquer en détail la façon dont cela s’est passé, les cultures autour du
globe savaient que nos corps sont faits à partir de la terre et qu’ils y retournent
lorsque nous mourons. Ainsi que Dieu l’a dit à Adam – un nom dérivé du mot
hébreu adamah, « la terre », dans la Genèse : « Tu es poussière et à la
poussière tu retourneras. »
Cependant, nous autres, humains, n’avons jamais été complètement
satisfaits de cette situation. Toute l’histoire de l’humanité peut être vue
comme notre réponse à cet aspect « terre à terre » de notre condition, et aux
sentiments de douleur et d’imperfection qu’il engendre. Nous devinons qu’il y
a quelque chose de plus derrière tout cela.

La science moderne – la plus récente et de loin la plus puissante de nos
réponses à cette fébrilité ancienne vis-à-vis de notre mortalité – s’est
largement développée à partir d’une technique antique de manipulation des
éléments qu’on appelait l’alchimie. Ses origines se perdent dans l’histoire.
Certains disent qu’elle est née en Grèce antique. D’autres affirment que les
premiers alchimistes ont vécu bien plus tôt, peut-être en Égypte, et le nom lui-
même dérive de l’ancien égyptien al kemi ou « terre noire » –
vraisemblablement une référence au sol noir et fertile des berges du Nil.
Il y a eu des alchimistes chrétiens, des alchimistes juifs, des alchimistes
musulmans et des alchimistes taoïstes ou confucéens. Elle était véritablement
partout. Quels que soient le lieu et l’époque auxquels elle est apparue,
l’alchimie s’est développée en un ensemble de pratiques extraordinairement
répandues et complexes. La plupart d’entre elles consistaient à transformer
des métaux « de base » comme le cuivre et le plomb en or. Mais le but
principal de l’alchimie était de retrouver l’état d’immortalité que possédait
l’humanité à l’origine, selon les alchimistes, et qu’elle avait perdu depuis fort
longtemps.
Un grand nombre des outils et des méthodes de la chimie moderne ont été
inventés par les alchimistes, souvent au prix d’énormes risques. Manipuler la
matière physique peut en effet s’avérer très dangereux, et outre les risques
d’empoisonnement ou d’explosion, les alchimistes s’exposaient à l’opposition
des pouvoirs religieux locaux. En effet, tout comme la science à laquelle elle a
donné naissance, l’alchimie était, en particulier en Europe au cours des années
qui ont conduit à la révolution scientifique, une hérésie.
L’une des découvertes majeures des alchimistes dans leur quête
d’immortalité fut que lorsque l’on soumet un matériau ou un élément
chimique à ce qu’ils appelaient un procédé « laborieux » – en le chauffant ou
en le combinant avec un autre élément chimique avec lequel il est réactif –, il
va subir une transformation. Comme tant d’autres présents hérités du passé, ce
savoir nous semble évident aujourd’hui, parce nous n’avons pas fait le travail
pour le découvrir par nous-mêmes.

« Le premier âge fut l’âge d’or. »


Ovide, Les Métamorphoses.

Pourquoi les alchimistes étaient-ils si intéressés par l’or ? L’une des raisons
est évidente : les petits alchimistes – ceux qui ne comprenaient pas l’élément
spirituel sous-jacent qui était à l’œuvre – cherchaient simplement à devenir
riches. Mais les véritables alchimistes s’intéressaient à l’or pour une autre
raison.
L’or, comme le carbone, est un élément inhabituel, car le noyau de l’atome
d’or est très grand. Avec ses soixante dix-neuf protons, il est le cinquième
élément stable le plus lourd. Cette forte charge électrique positive fait circuler
les électrons autour du noyau à une vitesse exceptionnelle – environ la moitié
de la vitesse de la lumière. Si un photon arrive jusqu’à la Terre depuis le
soleil – ce corps céleste associé à l’or dans les textes alchimiques – et rebondit
sur un atome d’or, puis que ce photon pénètre ensuite l’un de nos yeux pour en
frapper la paroi rétinienne, le message délivré au cerveau procure une
sensation agréable à notre conscience. Nous, les humains, réagissons
fortement à l’or, et il en a toujours été ainsi.
L’or alimente une grande partie de l’activité économique sur notre planète.
Beau et relativement rare, il n’a pourtant pas une grande valeur utilitaire – en
tout cas pas autant qu’on lui en accorde. Nous avons, en tant qu’espèce,
décidé qu’il a de la valeur ; c’est tout. C’est pourquoi les alchimistes, à la fois
à travers leurs expérimentations matérielles et les pratiques méditatives qui les
accompagnaient souvent, le recherchaient si désespérément. L’or, à leurs yeux,
était une représentation solidifiée, tangible, de la part céleste de l’être humain
– l’âme immortelle. Ils cherchaient à retrouver cet autre aspect de l’être
humain – la face dorée qui s’assemble à la face terrestre pour faire de nous les
personnes que nous sommes.
Nous sommes pour une part terrestres, et pour une part célestes, et les
alchimistes savaient cela.
Nous devons le savoir, nous aussi.
Les qualités, comme la « beauté » de l’or et même sa couleur, ne sont pas
réelles, ainsi qu’on nous l’a appris. Les émotions, nous a-t-on également
appris, sont encore moins réelles. Elles ne sont que des motifs de réactions
générées dans nos cerveaux en réponse à des messages hormonaux envoyés
par notre corps et déclenchés par des situations de danger ou de désir.
L’amour, la beauté, la bonté, l’amitié : dans la vision du monde de la
science matérialiste, il n’y a aucune place pour traiter ces choses en tant que
réalités. En croyant cela, tout comme nous pouvons croire que le sens que
nous attribuons aux choses n’est pas réel, nous perdons notre lien avec le ciel
– ce que les auteurs du monde antique ont parfois appelé le « fil d’or ».
Nous nous égarons.
L’amour, la bonté et l’amitié sont réels. Ils sont aussi réels que la pluie. Ils
sont aussi réels que le beurre, aussi réels que le bois, la pierre, le plutonium,
les anneaux de Saturne ou le nitrate de sodium. Au niveau terrestre de
l’existence, il est facile de perdre cela de vue.
Mais ce que l’on perd, on peut le retrouver.
« Les personnes illettrées sont ignorantes de beaucoup de choses, mais elles ne sont pas stupides
car, devant se reposer sur leurs souvenirs, elles ont plus de chance de se rappeler ce qui est
important. Les personnes lettrées, au contraire, sont susceptibles de se perdre dans les vastes
bibliothèques de l’information enregistrée. »
Huston Smith, historien des religions, La façon dont les choses sont.

Les êtres humains vivent sous leur forme moderne depuis environ cent
mille ans. Au cours de cette longue période, trois questions sont restées
essentielles pour nous :
Qui sommes-nous ?
D’où venons-nous ?
Où allons-nous ?
Durant la majeure partie de leur existence sur cette planète, les êtres
humains n’ont pas douté un instant de la réalité du monde spirituel. Ils ont cru
que c’était l’endroit d’où chacun de nous venait avant sa naissance et que
c’était l’endroit où nous retournions après la mort.
De nombreux scientifiques aujourd’hui pensent également que nous
sommes proches de savoir tout ce qu’il y a à connaître sur l’Univers. Et
certains de ces scientifiques discutent d’une « théorie de tout », qui rendrait
compte de chaque donnée de l’Univers actuellement en notre possession : une
théorie qui, comme son nom le suggère, expliquerait tout.
Mais une chose est assez curieuse. Cette théorie en effet ne contient de
réponse à aucune des trois questions que nous avons citées plus haut : des
questions qui, pendant l’essentiel de notre présence sur terre, ont été les plus
importantes auxquelles nous devions répondre. Cette théorie de tout ne dit rien
du paradis.
À l’origine, le mot « paradis » signifie simplement « ciel ». C’est ce que
veut dire le mot « paradis » dans le Nouveau Testament. Le mot espagnol qui
désigne le paradis, cielo, signifie également « ciel » et il vient de la même
racine que le mot anglais utilisé pour « plafond » (cieling). Bien que nous
sachions désormais que le paradis n’est pas littéralement là-haut, beaucoup
d’entre nous continuent de ressentir qu’il existe une dimension ou des
dimensions qui sont « au-dessus » du monde terrestre, dans le sens où elles
sont « plus haut » d’un point de vue spirituel. Lorsque j’utilise le mot
« paradis » dans ce livre, en disant qu’il se trouve « au-dessus » de nous, je le
fais en sachant que personne aujourd’hui ne pense que le paradis se trouve
simplement là-haut dans le ciel, ou qu’il s’agit bêtement d’un endroit constitué
de doux nuages et baigné d’un éternel soleil. Je parle d’un autre genre de
géographie : une géographie très réelle mais également très différente de celle
avec laquelle nous sommes familiers sur Terre, et en comparaison de laquelle
toute la dimension physique observable est comme un grain de sable sur une
plage.

Il existe un autre groupe de personnes aujourd’hui – un groupe qui inclut de
nombreux scientifiques – qui croit que nous sommes peut-être en effet tout
près de la découverte d’une théorie de tout. Mais la théorie dont parle ce
groupe est bien différente de celle que la science matérialiste pense être sur le
point de découvrir.
Cette autre théorie sera différente sur deux points essentiels.
Le premier est qu’elle posera que nous ne pourrons jamais vraiment avoir
de théorie de tout, si nous entendons par là une théorie agressive, matérialiste
et reposant exclusivement sur des données.
Le second est que, dans cette autre théorie de tout, les trois questions
primordiales originelles et si importantes concernant la condition humaine
seront prises en compte. Le paradis en fera partie.

« Je considère la conscience comme fondamentale. Je considère la matière comme dérivant de la


conscience. Nous ne pouvons aller au-delà de la conscience. Tout ce dont nous parlons, tout ce
que nous considérons comme existant suppose la conscience. »
Max Planck (1858-1947), physicien quantique.

Au XXe siècle, après trois siècles incroyablement fructueux, la science – en


particulier le domaine scientifique qu’on appelle la physique – a eu une
surprise. Au plus profond, au cœur même de la matière, elle a découvert
quelque chose qu’elle ne pouvait pas expliquer. Il est apparu que la
« matière », cette substance que la science pensait si bien comprendre, n’était
pas du tout ce qu’elle pensait. Les atomes – ces petits objets incassables,
solidifiés, qui étaient selon la science les briques ultimes du monde – se sont
finalement révélés ni solides ni incassables. La matière est apparue comme
une matrice éblouissante et complexe de forces surpuissantes mais non
matérielles. Il n’y avait rien de matériel en elle.
Puis les choses sont devenues encore plus étranges. S’il y avait une chose
que la science pensait connaître aussi bien que la matière, c’était l’espace – le
domaine dans lequel la matière se déplaçait, tout simplement. Mais l’espace
n’était pas vraiment « là », lui non plus. En tout cas pas de la façon simple,
directe et facile à comprendre envisagée par les scientifiques. Il se courbait. Il
s’étirait. Il était inextricablement lié au temps. Il était tout sauf simple.
Puis, comme si cela ne suffisait pas, un autre facteur est entré en ligne de
compte : un facteur que la science connaissait depuis longtemps, mais auquel
elle n’avait jusqu’alors accordé aucune importance. En fait, la science n’avait
apposé un mot sur ce phénomène qu’au XVIIe siècle, même si les peuples de
l’ensemble de la Terre l’avaient tous placé au centre de leur vision du monde
et avaient eu des dizaines de mots pour le décrire.
Ce nouveau facteur était la conscience – le fait simple et pourtant
suprêmement complexe d’être conscient, de se connaître soi-même ainsi que
le monde autour de soi.
Personne dans la communauté scientifique n’avait la moindre idée de ce
qu’était la conscience, mais cela n’avait pas posé de problème jusqu’alors. Les
scientifiques l’avaient simplement laissée de côté – car, disaient-ils,
puisqu’elle était non mesurable, la conscience n’était pas réelle. Mais dans les
années 1920, les expériences de mécanique quantique ont révélé non
seulement que l’on pouvait détecter la conscience, mais encore que, au niveau
subatomique, il n’y avait pas moyen de faire autrement puisqu’en réalité la
conscience de l’observateur le reliait à tout ce qu’il observait. Elle était une
part immuable de toute expérience scientifique.
Ce fut une révélation stupéfiante – bien que la plupart des scientifiques
choisissent encore le plus souvent de l’ignorer. Au grand dam de tous les
chercheurs qui se croyaient sur le point de tout expliquer dans l’Univers selon
une perspective entièrement matérialiste, la conscience se retrouvait alors au
centre de la scène, refusant d’être mise de côté. Au fil des années et à mesure
que l’expérimentation scientifique au niveau subatomique – un domaine que
l’on appelle de façon générale la mécanique quantique – est devenue de plus
en plus sophistiquée, le rôle clé joué par la conscience dans chaque expérience
est devenu de plus en plus évident, même s’il reste impossible à expliquer.
Comme l’a écrit le physicien théoricien américano-hongrois Eugene Wigner :
« Il n’a pas été possible de formuler les lois de la mécanique quantique d’une
façon complète sans faire référence à la conscience. » Le physicien et
mathématicien espagnol Ernst Pascual Jordan a exprimé l’idée avec encore
plus de force : « Les observations, a-t-il écrit, non seulement perturbent ce qui
doit être mesuré, mais elles le produisent. » Cela ne veut pas forcément dire
que nous fabriquons la réalité avec notre imagination ; mais cela veut dire que
la conscience est à ce point liée à la réalité qu’il n’y a aucune façon de
concevoir la réalité sans elle.
La conscience est le véritable fondement de l’existence.
La communauté des physiciens n’en a pas fini avec l’interprétation de ce
que les résultats de la mécanique quantique révèlent des rouages de l’Univers.
Les brillants pères fondateurs de ce domaine, dont Werner Heisenberg, Louis
de Broglie, Sir James Jeans, Erwin Schrödinger, Wolfgang Pauli et Max
Planck, ont été conduits au mysticisme par leurs tentatives de comprendre
pleinement les résultats de leurs expériences sur les mécanismes du monde
subatomique. D’après le « problème de la mesure », la conscience joue un rôle
crucial dans le fait de déterminer la façon dont la réalité se déploie. Il n’y a
aucun moyen de séparer l’observateur de ce qui est observé. La réalité décrite
par les expériences de mécanique quantique est totalement contre-intuitive par
rapport au contenu de notre expérience quotidienne dans le domaine terrestre.
Une compréhension et une interprétation plus profonde nécessiteront une
refonte minutieuse de nos concepts de conscience, de causalité, d’espace et de
temps. En fait, un progrès important de la physique, intégrant pleinement la
réalité de la conscience – l’âme ou l’esprit – en tant que base de tout ce qui
existe, sera indispensable pour résoudre l’énigme profonde qui se trouve au
cœur de la physique quantique.

« Je soutiens que le mystère humain est incroyablement avili par le réductionnisme scientifique,
qui prétend qu’un matérialisme de promesse pourrait un jour rendre compte de l’ensemble du
monde spirituel en termes de motifs d’activités neuronales. Cette croyance doit être classée parmi
les superstitions. Nous devons reconnaître que nous sommes des êtres spirituels dotés d’âmes
existant dans un monde spirituel, tout autant que des êtres matériels, dotés de corps et de
cerveaux et existant dans un monde matériel. »
Sir John C. Eccles (1903-1997), neurophysiologiste.

Aucune description de la nature de la réalité ne peut même commencer


avant que nous ayons une compréhension bien claire de la véritable nature de
la conscience et de ses relations avec la réalité émergente dans le domaine
physique. Nous pourrions faire de grands progrès si les chercheurs en
physique se consacraient aussi pleinement à l’étude de ce que certains
scientifiques ont appelé le « problème difficile de la conscience ». L’essence
de ce problème est que les neurosciences contemporaines supposent que le
cerveau crée la conscience à partir de sa seule complexité. Il n’y a cependant
aucune explication suggérant le moindre mécanisme de la façon dont cela se
produit. En fait, plus nous menons de recherches sur le cerveau, et plus nous
nous rendons compte que la conscience existe indépendamment de celui-ci.
Roger Penrose, Henry Stapp, Amit Goswami et Brian Josephson sont des
exemples notables de physiciens qui ont cherché à inclure la conscience dans
les modèles de la physique, mais la majorité de la communauté des physiciens
reste imperméable aux niveaux plus ésotériques de questionnement qui sont
requis.

« Le jour où la science commencera à étudier les phénomènes non physiques, elle fera plus de
progrès en une décennie qu’au cours de tous les siècles précédents de son existence. »
Nikola Tesla (1856-1943).

La nouvelle théorie – la nouvelle « Carte de Tout » que je défends avec tant


de vigueur – inclura toutes les découvertes révolutionnaires que la science a
faites au siècle dernier, en particulier les nouvelles découvertes sur la nature
de la matière et de l’espace, ainsi que les découvertes novatrices sur la notion
de centralité de la conscience qui a plongé la science matérialiste dans un tel
chaos au début du XXe siècle. Elle intégrera des découvertes telles que celle
effectuée par le physicien Werner Heisenberg, qui montre que les particules ne
sont jamais vraiment en un seul endroit, mais occupent un état constant de
probabilité statistique – de sorte qu’elles peuvent être ici ou là, mais qu’elles
ne peuvent jamais être parfaitement localisées en seul point de façon certaine.
Ou bien qu’un photon – l’unité de lumière – apparaîtra comme une onde si
nous le mesurons d’une certaine façon, ou comme une particule si nous le
mesurons d’une autre façon, bien qu’il soit toujours exactement le même
photon. Ou encore des découvertes comme celle d’Erwin Schrödinger, qui
montrent que le résultat de certaines expériences au niveau subatomique est
déterminé par la conscience de l’observateur qui les enregistre de telle façon
qu’elles peuvent en fait « inverser » le cours du temps, de sorte qu’une
réaction atomique mise en place dans une boîte scellée trois jours plus tôt ne
se produira pas tant que la boîte n’est pas ouverte pour que les résultats de
l’action soient notés par un observateur conscient. La réaction atomique reste
dans un état suspendu entre « réagi » et « non réagi » tant que la conscience
n’intervient pas pour la figer dans la réalité.
Cette nouvelle Carte de Tout inclura également les grandes quantités de
données qui proviennent d’un tout autre domaine de recherche, auquel la
science matérialiste a prêté encore moins d’attention dans le passé qu’elle ne
l’a fait pour la conscience, et outre lequel la religion dogmatique passe tout
aussi résolument : les expériences de mort imminente ; les visions des
mourants ; les contacts apparents avec des défunts. Tout cet ensemble de
rencontres étranges mais parfaitement réelles avec le monde spirituel dont des
personnes font l’expérience en permanence, mais dont ni la science
dogmatique, ni la religion dogmatique ne nous ont autorisés à parler.
Le genre d’événement dont les gens me parlent tout le temps.

Cher Dr Alexander,

J’ai adoré lire votre expérience. Elle m’a rappelé l’expérience de
mort imminente de mon père quatre ans avant qu’il ne nous quitte.
Mon père avait un doctorat en astrophysique et avait absolument
l’esprit scientifique à cent pour cent avant son expérience.
Il était très affaibli, en soins intensifs. Il avait suivi un chemin
émotionnellement difficile dans la vie et avait sombré dans
l’alcoolisme, jusqu’à ce que plusieurs de ses organes lâchent et qu’il
déclenche une double pneumonie. Il se trouvait en soins intensifs
depuis trois mois. Au cours de cette période, il a passé du temps dans
un coma provoqué. Quand il a commencé à récupérer, il s’est mis à
raconter une expérience au cours de laquelle il se trouvait avec des
êtres angéliques qui lui disaient de ne pas s’inquiéter et que tout se
passerait bien. Ils lui ont dit qu’il irait mieux et que sa vie
continuerait. Il a dit qu’ils l’aidaient et qu’il n’avait plus peur de
mourir. Il me disait, après avoir été mieux, de ne pas m’inquiéter
lorsqu’il mourrait et qu’il savait que tout irait bien.
[…] Il a changé de façon radicale après cette expérience. Il ne
buvait plus mais… en parler était très difficile pour lui… C’était un
homme très privé… Il est mort d’une rupture de l’aorte très
brutalement à la maison, dans son sommeil, quatre ans après son
séjour à l’hôpital. Nous avons retrouvé de nombreux Post-it dans la
maison après son départ – « GaHF ». Nous en sommes venus à
déduire que cela signifiait « Anges gardiens. Ayez la foi » (Guardian
angels. Have faith). Peut-être que cela l’avait aidé dans son
abstinence. Cela l’avait peut-être aidé à se rappeler le réconfort qu’il
avait ressenti quand il se trouvait hors de son corps.
Peu de temps avant qu’il meure, je me souviens lui avoir demandé
ce qu’il pensait qui arrivait au moment de mourir. Il m’a dit qu’il ne
savait pas vraiment, et que c’était quelque chose que nous, en tant
qu’êtres humains, n’avons pas encore découvert, mais que nous le
saurions un jour. Je pense qu’il avait fait l’expérience de l’endroit où
la science et la spiritualité se rencontrent. Lire votre expérience a été
un grand réconfort et cela a également conforté à mes yeux
l’expérience de mon père.
Merci infiniment,

Pascale

Pourquoi les gens me racontent-ils des histoires comme celle-là ? La


réponse est simple. Je suis un médecin qui a vécu une expérience de mort
imminente – un membre actif qui se tient du côté de la « science
dogmatique » –, qui a vécu une expérience qui l’a envoyé de l’autre côté. Non
pas du côté de la « religion dogmatique », mais vers un troisième côté si l’on
veut : un côté qui pense que la science et la religion ont toutes deux des choses
à nous apprendre, mais dont aucune n’a, ni n’aura jamais, toutes les réponses.
Ce côté pense que nous sommes au bord de quelque chose d’authentiquement
nouveau : un mariage de la spiritualité et de la science qui changera pour
toujours la façon dont nous comprenons et faisons l’expérience de nous-
mêmes.
Dans La Preuve du Paradis, j’ai décrit comment la survenue brutale d’une
méningite causée par une rare souche bactérienne m’a envoyé à l’hôpital et
plongé dans le coma pendant sept jours. Au cours de cette période, j’ai connu
une expérience que je suis encore en train d’assimiler et de comprendre. J’ai
voyagé dans une série de mondes supra-physiques, chacun plus extraordinaire
que le précédent.
Dans le premier, que j’ai appelé le Monde vu du ver-de-terre, j’étais
immergé dans un état primitif, primordial de conscience, qui donnait la
sensation, alors que je m’y trouvais, d’être comme enfoui sous terre.
Cependant ce n’était pas comme de la terre ordinaire, car je ressentais tout
autour de moi – et j’ai parfois entendu et vu – d’autres formes, d’autres
entités. C’était en partie horrible et en partie réconfortant – j’avais la sensation
de faire partie, et d’avoir toujours fait partie de cette boue primitive. On me
demande souvent : « Était-ce l’enfer ? » Je pense que l’enfer doit être au
moins un peu interactif, or ce n’était pas le cas. Alors que je ne me souvenais
pas de la Terre, ni même de ce qu’était un être humain, j’avais en tout cas une
forme de curiosité. Je me demandais : « Qui ? Quoi ? Où ? » mais n’obtenais
jamais le début d’une réponse.
Finalement un être de lumière – une entité circulaire d’où émanait une
musique superbe, céleste, que j’ai appelée la Mélodie tournoyante – est
lentement descendu vers moi, accompagné de merveilleux filaments de
lumière argentée et dorée. La lumière a ouvert comme une déchirure dans la
structure de ce monde grossier, et je me suis senti traverser cette ouverture,
comme un portail, et m’élever en direction d’une vallée extraordinairement
belle, remplie d’une verdure luxuriante et fertile, où des chutes d’eau
tombaient dans des vasques de cristal. Je me suis retrouvé comme un point de
conscience sur l’aile d’un papillon, parmi des nuées palpitantes composées de
millions d’autres papillons. J’ai observé des cieux veloutés bleu noir
stupéfiants, remplis de sphères de lumière dorée qui plongeaient – et que j’ai
appelées par la suite des chœurs angéliques – en laissant des traînées
étincelantes le long de nuages joufflus et colorés. Ces chœurs produisaient des
hymnes et des chants bien au-delà de tout ce que j’ai entendu sur Terre. Se
trouvait là également un ensemble d’univers plus vastes qui prenait la forme
de ce que j’ai appelé ensuite une « hypersphère », destinée à m’aider à
apprendre les leçons qui m’attendaient. Les chœurs angéliques constituaient
encore un autre portail en direction des mondes supérieurs. Je me suis élevé
encore jusqu’à atteindre le Cœur, cet insondable saint des saints du divin – une
noirceur d’encre infinie, débordant d’un indescriptible et inconditionnel
amour divin. J’ai rencontré là une déité infiniment puissante et omnisciente,
que j’ai appelée plus tard Om, en référence au son que j’ai ressenti si
intensément en cet endroit. J’ai appris des leçons d’une profondeur et d’une
beauté totalement au-delà de mes capacités d’explication. Au cours de ce
temps passé dans le Cœur, j’avais constamment cette sensation très forte que
nous étions trois – le divin infini, la sphère de lumière et une pure attention
consciente.
Au cours de ce voyage, j’ai eu un guide. C’était une femme
extraordinairement belle qui m’est d’abord apparue alors que je me trouvais,
en tant que point de conscience, sur l’aile du papillon dans cette vallée que j’ai
appelée le domaine du Passage. Je n’avais jamais vu cette femme auparavant.
Je ne savais pas qui elle était. Et cependant sa présence a suffi à guérir mon
cœur, à me permettre de me sentir entier d’une façon que je n’aurais jamais
crue possible. Sans parler, elle m’a fait savoir que j’étais aimé et chéri au-delà
de toute mesure et que l’Univers était un endroit bien plus vaste, plus juste et
plus beau que je n’aurais jamais pu le rêver. J’étais une irremplaçable partie
du tout – comme chacun de nous –, et toute la tristesse et la peur que j’avais
pu ressentir par le passé étaient en quelque sorte le fruit de mon oubli de ce
fait absolument primordial.

Cher Dr Alexander,

J’ai vécu une EMI il y a trente-quatre ans – mais ce n’était pas moi
qui étais en train de mourir. C’était ma mère. Elle était traitée pour
un cancer à l’hôpital et les médecins nous avaient dit qu’elle avait au
mieux six mois à vivre. C’était un samedi, et je m’apprêtais à prendre
un vol pour le New Jersey depuis l’Ohio le lundi. J’étais dans mon
jardin quand soudain cette sensation m’a traversée. C’était
irrésistible. C’était le sentiment d’une incroyable abondance
d’amour. C’était le trip le plus fort que l’on puisse imaginer. Je me
suis redressée, en me demandant : Mais qu’est-ce que c’était ? Puis
cela m’a traversée de nouveau. J’ai su que ma mère venait de mourir.
C’était comme si elle me serrait dans ses bras mais en me traversant.
Et à chaque fois qu’elle le faisait, je ressentais cette quantité
surnaturelle, incroyable, incommensurable, d’amour.
Je suis rentrée dans la maison, encore ébranlée par ce qui s’était
passé. Je me suis assise près du téléphone et j’ai attendu l’appel de
ma sœur. Au bout de dix minutes, le téléphone a sonné. C’était ma
sœur. « Maman est partie », a-t-elle dit.
Même trente ans plus tard, je ne peux pas raconter cette histoire
sans pleurer – mais pas tant de tristesse que de joie. Ces trois instants
dans le jardin ont changé ma vie pour de bon. Depuis lors, je n’ai
plus peur de la mort. Je suis en fait jalouse de ceux qui sont partis (je
sais que c’est étrange mais c’est la vérité).
Quand c’est arrivé à l’époque, nous n’avions pas toutes ces
émissions de télévision et tous ces livres sur les EMI. Elles n’étaient
pas le phénomène public qu’elles sont aujourd’hui. Ainsi, je ne savais
pas quoi en penser. Mais je savais que c’était réel.

Jean Hering

Quand je suis revenu de mon voyage – un miracle en soi, raconté en détail


dans La Preuve du Paradis –, j’étais à bien des égards comme un nouveau-né.
Je n’avais pas de souvenirs de ma vie terrestre, mais je savais parfaitement
bien où j’étais allé. J’ai dû réapprendre qui, ce que et où j’étais. Au fil des
jours puis des semaines, comme une neige tombant doucement, mes anciennes
connaissances terrestres sont revenues. Avec l’amour et les exhortations
bienveillantes de ma famille et de mes amis, d’autres souvenirs sont réapparu.
Je suis revenu dans la communauté des hommes. En huit semaines, mes
connaissances scientifiques antérieures, y compris les expériences et les
apprentissages issus de plus de deux décennies passées en tant que
neurochirurgien dans des hôpitaux universitaires, étaient de nouveau là,
entièrement. Cette récupération intégrale reste un miracle inexpliqué par la
médecine moderne.
Mais j’étais une personne différente de celle que j’avais été. Les choses que
j’avais vues et éprouvées alors que j’avais quitté mon corps ne se sont pas
dissipées, comme le font les rêves et les hallucinations. Elles sont restées. Et
plus elles restaient, plus je comprenais que ce qui m’était arrivé au cours de la
semaine passée au-delà de mon corps physique avait réécrit tout ce que je
pensais savoir sur l’existence. L’image de la femme sur l’aile du papillon est
restée également, me hantant, de même que toutes les autres choses
extraordinaires que j’ai rencontrées dans ces mondes lointains.
Quatre mois après être sorti du coma, j’ai reçu une photographie dans un
courrier. Une photo de ma sœur biologique Betsy – une sœur que je n’avais
pas connue car j’avais été adopté très jeune et Betsy était décédée avant que je
recherche et retrouve ma famille biologique. C’était une photo de Betsy. Mais
c’était aussi la photo de quelqu’un d’autre. C’était la femme sur l’aile du
papillon.
Au moment où j’ai compris cela, quelque chose s’est cristallisé en moi. Car
depuis mon retour, mon esprit et mon âme étaient un peu comme le contenu
amorphe d’une chrysalide de papillon : je ne pouvais pas revenir vers ce que
j’avais été auparavant, mais je ne pouvais pas non plus avancer. J’étais comme
englué.
La photo – et le choc que j’ai ressenti en reconnaissant ma sœur – était la
confirmation dont j’avais besoin. À compter de ce moment, je suis revenu
dans l’ancien monde terrestre que j’avais quitté lorsque mon coma est advenu,
mais en tant que personne authentiquement nouvelle.
J’étais comme né de nouveau.
Mais le véritable voyage ne faisait que commencer. J’en apprends
davantage chaque jour (à travers la méditation, à travers mon travail avec de
nouvelles technologies dont j’espère qu’elles faciliteront à d’autres l’accès au
domaine spirituel – voir l’appendice –, et en parlant avec des personnes que je
rencontre au cours de mes déplacements). Beaucoup, beaucoup d’entre elles
ont aperçu ce que j’ai aperçu et éprouvé ce que j’ai éprouvé. Ces personnes
adorent partager leurs histoires avec moi et j’adore les entendre. Elles trouvent
formidable qu’un membre de longue date de la communauté scientifique
matérialiste puisse avoir été transformé autant que je l’ai été. Et je suis
d’accord avec elles.
En tant que médecin qui a eu une longue carrière au sein d’institutions
médicales prestigieuses telles que Duke et Harvard, j’avais tout du parfait
sceptique. J’étais la personne qui, si vous me racontiez votre EMI ou la visite
que vous aviez reçue de votre tante décédée vous disant que tout allait bien
pour elle, vous aurait regardé et vous aurait dit, avec compassion mais
fermeté, que ce n’était qu’un fantasme.
De très nombreuses personnes vivent des expériences de ce type. J’en
rencontre chaque jour. Pas seulement lors des conférences que je donne, mais
aussi dans une boutique, ou dans l’avion. Je suis devenu, à travers l’audience
qu’a eue La Preuve du Paradis, quelqu’un à qui les gens sentent qu’ils
peuvent raconter ce genre de choses. Lorsqu’ils le font, je suis toujours
stupéfait par l’unité remarquable et la cohérence de ce qu’ils ont à dire. Je
découvre de plus en plus de similarités entre ce que ces personnes me
racontent et ce en quoi les hommes du passé croyaient. Je découvre ce que les
anciens savaient fort bien : le paradis nous rend humains. Nous l’oublions à
notre propre péril. Sans connaissance de la plus vaste géographie de l’endroit
d’où nous venons et où nous retournons quand nos corps physiques meurent,
nous sommes perdus. Ce « fil d’or » est le lien avec ce qui est en haut et qui
rend la vie ici-bas non seulement tolérable mais joyeuse. Nous sommes perdus
sans lui.
Mon histoire est une pièce de ce puzzle – une allusion supplémentaire
venant de l’Univers et du Dieu aimant qui est à l’œuvre en son sein au fait que
le temps d’une science et d’une religion autoritaires est révolu, et qu’un
nouveau mariage des meilleurs et des plus profonds aspects des sensibilités
scientifiques et spirituelles va enfin advenir.
Dans ce livre, je partage ce que j’ai appris des autres – des philosophes et
des mystiques antiques, des scientifiques modernes et de très nombreuses
personnes ordinaires telles que moi – sur ce que j’appelle les Dons du Paradis.
Ces présents sont les bienfaits qui adviennent lorsque nous nous ouvrons à la
simple et grandiose vérité que ceux qui nous ont précédés connaissaient : il
existe un monde plus vaste derrière celui que nous voyons autour de nous
chaque jour. Ce monde plus vaste nous aime plus que nous ne pouvons
l’imaginer et il nous observe à chaque instant, espérant que nous
remarquerons autour de nous ses incitations à relever sa présence.

« Pendant quelques secondes seulement, je suppose, tout le compartiment
fut empli de lumière. C’est la seule façon dont je sache décrire ce moment, car
il n’y avait rien d’autre à voir. Je me suis senti pris par une formidable
sensation de faire partie d’un dessein aimant, triomphant et brillant. Je ne me
suis jamais senti plus humble. Je ne me suis jamais senti plus exalté. Une
sensation si étrange mais irrésistible me possédait et me remplissait d’extase.
Je ressentais que tout était bien pour l’humanité – aussi pauvre que semble le
monde ! Le mot « bien » est si misérable. Tous les hommes étaient des êtres
brillants et glorieux qui entreraient finalement dans une joie profonde.
Beauté, musique, joie, amour incommensurable et indicible gloire, de tout
cela ils hériteraient. De cela ils étaient les héritiers.
Tout cela s’est passé il y a plus de cinquante ans, mais même maintenant je
peux me voir dans le coin de ce compartiment miteux de troisième classe, cette
faible lumière descendant des manchons à incandescence… En quelques
instants, la gloire s’est évanouie – laissant un étrange et persistant sentiment.
J’aimais tout le monde dans ce compartiment. Cela semble stupide
maintenant, et de fait je rougis en l’écrivant, mais à cet instant je pensais que
j’aurais pu mourir pour chacune des personnes qui se trouvaient dans ce
compartiment1. »
Toute ma vie a été une quête d’appartenance. En tant que fils d’un
chirurgien du cerveau hautement respecté, j’ai toujours été conscient de
l’admiration proche de la vénération qu’ont les gens pour les chirurgiens. Les
gens idolâtraient mon père. Non pas qu’il ait encouragé ces sentiments. C’était
un homme humble, doté d’une solide foi chrétienne, et il concevait sa
responsabilité de soignant avec bien trop de gravité pour se complaire dans
l’auto-glorification. J’admirais son humilité et son sens du devoir personnel.
Je souhaitais ardemment être comme lui ; être à sa hauteur ; devenir un
membre de la fraternité médicale qui, à mes yeux, avait un attrait sacré.
Après des années de dur labeur, j’ai gagné ma place au sein de cette
fraternité et sororité séculière des chirurgiens. Cependant, la foi spirituelle qui
était venue si facilement et naturellement à mon père m’avait échappé.
Comme beaucoup d’autres chirurgiens dans le monde moderne, je maîtrisais
le côté physique de l’être humain et j’ignorais pleinement son aspect spirituel.
Je croyais tout simplement qu’il n’existait pas.
Puis mon EMI s’est produite en 2008. Ce qui m’est arrivé est une
illustration de ce qui fait partie intégrante de notre culture au sens large,
comme toutes les histoires individuelles que j’ai entendues auprès des gens
que je rencontre. Chacun de nous porte un souvenir du paradis, enfoui
profondément en lui. Ramener ce souvenir à la surface – vous aider à trouver
votre propre carte de cet endroit très réel – est l’objectif de ce livre.

1 Unité de recherche sur l’expérience religieuse, cité dans Alister Hardy, The Spiritual Nature of
Man (« La nature spirituelle de l’homme », non traduit en français).
1

Le Don de la Connaissance

« Tout homme est né aristotélicien ou platonicien. »


Samuel Taylor Coleridge (1772-1834), poète.

Platon et Aristote sont les deux pères de notre monde. Platon (vers 427-vers
348 av. J.-C.) est le père de la religion et de la philosophie, et Aristote (384-
322 av. J.-C.), le père de la science. Platon était le professeur d’Aristote, mais
ce dernier a fini par être en désaccord avec l’essentiel du discours du maître.
En particulier, Aristote réfutait l’affirmation de Platon selon laquelle il existe
un monde spirituel au-delà du monde terrestre : un monde infiniment plus
vrai, sur lequel repose tout ce dont nous faisons l’expérience sur Terre.
Platon a fait plus que simplement croire en un monde plus vaste ; il pouvait
également le ressentir. Platon était un mystique, et comme d’innombrables
mystiques avant et après lui, il a compris que sa conscience – son être
intérieur – était intimement reliée à ce monde plus vaste de l’esprit. Pour
utiliser une expression moderne, il y était « accro ». La sève du paradis coulait
en lui.
Aristote envisageait les choses différemment. Il ne ressentait pas comme
Platon cette connexion directe au monde spirituel. Selon Aristote, le monde
des Formes de Platon – les structures trans-terrestres et supra-physiques dont
Platon considérait que tous les objets de notre monde n’étaient que de pâles
reflets – était un fantasme. Où étaient les preuves de ces entités magiques et
du monde spirituel auquel Platon disait qu’elles appartenaient ? Pour Aristote
comme pour Platon, le monde était un endroit profondément et
merveilleusement intelligent.
Mais la racine de cette intelligence et de cet ordre ne se trouvait pas dans
quelque vaste au-delà. Elle était entièrement là, devant nous.
Bien qu’ils fussent souvent en désaccord, Platon et Aristote s’accordaient
sur un grand nombre de points. L’un de leurs plus profonds axes de consensus
était le concept de ce que l’on pourrait appeler l’intelligibilité du monde – le
fait que la vie puisse être comprise. Derrière le mot moderne « logique » se
trouve le logos grec – un vocable que nous connaissons aujourd’hui largement
à travers le christianisme, qui l’utilise comme l’un des termes désignant le
Christ en tant que Parole de Dieu manifestée. Au temps de Platon et Aristote,
il désignait l’intelligence vivante à l’œuvre dans le monde physique et dans
l’esprit humain. C’était le logos qui permettait aux humains de comprendre
l’ordre du monde puisque – comme Platon et Aristote le pensaient tous deux –
nous pouvons comprendre le monde parce que nous en faisons partie. La
géométrie, les nombres, la logique, la rhétorique, la médecine – toutes ces
disciplines, et les autres que Platon et Aristote ont contribué à développer –
sont possibles parce que les êtres humains sont conçus pour comprendre le
monde dans lequel ils vivent.

« Ce que nous appelons apprendre est un processus de réminiscence. »


Platon.

Aristote fut le premier penseur connu à cartographier l’ordre terrestre. Ses


écrits politiques célèbrent l’idée que les êtres humains n’ont pas besoin d’une
inspiration transterrestre pour découvrir la meilleure façon de vivre et de
gouverner. Nous pouvons le faire par nous-mêmes. Les réponses aux grandes
questions, ainsi qu’aux plus petites, sont ici même, sur Terre, attendant d’être
découvertes.
Platon pensait différemment. Parmi ses autres distinctions, Platon est le
père du récit occidental sur l’approche de la mort. Dans La République, il
raconte l’histoire d’un soldat arménien nommé Er. Blessé lors d’une bataille et
laissé pour mort, Er fut placé sur un bûcher funéraire. Il revint à la vie juste
avant que le feu n’eut été allumé et raconta qu’il était allé dans un monde au-
delà de la Terre – un endroit merveilleux où les âmes étaient jugées pour le
bien ou le mal qu’elles avaient fait au cours de leur vie.
C’est une histoire que Platon trouvait profondément signifiante. Il pensait
que nous venions sur Terre depuis cet endroit supérieur – l’endroit qu’avait
visité Er au cours de son EMI – et que si nous regardions profondément en
nous, nous pouvions retrouver les souvenirs de notre existence là-haut. Ces
souvenirs, si nous leur accordons crédit et en tirons parti, peuvent orienter
notre vie de façon inébranlable. Ils peuvent nous garder ancrés, pendant que
nous sommes sur Terre, dans le monde céleste supérieur d’où nous venons.
Pour utiliser un mot grec merveilleux, nous devons effectuer un acte
d’anamnesis – qui signifie « rappel de mémoire ». La clé pour comprendre ce
monde et bien vivre sur cette Terre est de se rappeler cet endroit au-dessus et
au-delà, qui est l’endroit d’où nous venons vraiment.
Platon vivait à une époque où l’on pensait que la Terre était un disque plat,
dont la Grèce était le centre et autour duquel les cieux tournaient de façon
ordonnée. Nous vivons aujourd’hui dans un univers grand de 93 milliards
d’années-lumière, vieux de 13,7 milliards d’années, sur une planète orbitant
autour d’une étoile moyenne de type G2, à environ 150 millions de kilomètres
de distance, dans une galaxie spirale barrée contenant quelque 300 milliards
d’autres étoiles – une planète qui a environ 4,54 milliards d’années, sur
laquelle la vie est apparue il y a 3,8 milliards d’années et les premières
créatures hominidées il y a environ un million d’années.
Nous en savons beaucoup, beaucoup plus sur l’Univers que Platon et
Aristote.
Cependant, d’un autre point de vue, nous en savons beaucoup moins.
L’un des textes les plus célèbres de Platon évoque un groupe de personnes
qui se trouvent dans une caverne sombre. Ces personnes sont enchaînées de
telle façon qu’elles peuvent seulement voir la paroi en face d’elles. Un feu est
situé derrière elles et elles peuvent voir des ombres qui jouent sur la paroi,
celles provoquées par la lumière du feu sur des formes que leurs geôliers
manipulent et agitent derrière elles.
Ces ombres vacillantes constituent la globalité du monde de ces prisonniers.
Même s’ils étaient libérés et amenés à la lumière du jour, celle-ci les
aveuglerait tant, déclare Platon, qu’ils ne sauraient quoi faire de ce qu’ils
verraient.
Il est facile de comprendre de qui parle Platon dans ce mythe marquant et
élaboré. De nous-mêmes.
Quiconque a lu Platon ou Aristote sait que leurs arguments sont difficiles à
exposer ainsi par des allusions qui ne rendent pas justice à leur subtilité et leur
complexité. Mais les idées distinctes de ces deux philosophes ont un effet
profond et direct sur la façon dont vous et moi faisons l’expérience du monde
chaque jour. Platon et Aristote ont fait de nous qui nous sommes. Si vous
vivez dans le monde moderne, vous absorbez leurs leçons avant même d’avoir
l’âge de vous en rendre compte. Car le fait est que nous sommes tous
métaphysiciens. Même la personne la plus terre à terre dans ce monde possède
un vaste ensemble de suppositions métaphysiques sur la façon dont le monde
fonctionne à chaque seconde. Notre choix ne consiste pas à nous intéresser ou
non aux questions philosophiques, mais à être conscients ou non du fait qu’en
tant qu’êtres humains nous ne pouvons pas faire autrement.
Pour comprendre le monde d’où venaient Platon et Aristote – et par
conséquent le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui –, nous devons en
savoir un peu plus sur les religions ou les cultes à mystères, qui ont joué un
rôle considérable dans le monde méditerranéen antique pendant un millier
d’années avant que Platon, Aristote et les autres créateurs de la pensée
moderne n’apparaissent. Platon était initié à au moins une de ces religions, et
ce qu’il y a appris a nourri tout ses écrits. L’initiation d’Aristote est moins
certaine, mais il fut profondément influencé par elles également, ainsi que
nombre de ses textes – en particulier ceux sur le théâtre – en témoignent.
De nombreux débats portent sur le degré auquel les religions à mystères ont
influencé Jésus et les premiers chrétiens. Le rite du baptême est commun aux
mystères, de même que le concept de dieu – ou de déesse – qui meurt et revit,
sauvant ainsi le monde. Les mystères, tout comme le christianisme,
accordaient une grande importance à l’initiation – à la transformation de leurs
membres en tant qu’êtres de la Terre en êtres de la Terre et des Cieux étoilés.
Ce type de rites a existé partout dans le passé, pas seulement en Grèce. Ils
constituaient un aspect central de ce que signifiait être humain. Ils
intervenaient le plus souvent autour de l’adolescence, lorsqu’un jeune homme
ou une jeune femme atteignait la maturité physique, ou plus tard, lorsqu’un
individu se lançait dans le métier ou la compétence qui allaient l’occuper et
définir l’essentiel de sa vie. Tous visaient un objectif principal : réveiller la
mémoire spirituelle de ce que nous sommes, de l’endroit d’où nous venons et
de celui où nous allons.
Dans les religions à mystères, tout comme dans les initiations les plus
anciennes, la personne initiée mourait en tant que personne terrestre qu’il ou
elle avait été, et renaissait en tant que personne nouvelle, spirituelle. Non pas
de façon vague et théorique, mais réellement. Le concept central des mystères,
de même que les pratiques initiatiques antiques, voulait que les humains
possèdent un double héritage : un héritage terrestre et un héritage céleste. Ne
connaître que son héritage terrestre revient à ne connaître que la moitié de soi-
même. Les initiations aux mystères permettaient aux personnes de retrouver
une connaissance directe de ce que nous pourrions appeler leur filiation
« céleste ». En un sens, l’initié n’était pas transformé tant qu’il lui était
rappelé, de façon puissante et immédiate, qui il était et ce qu’il avait été avant
de venir sur Terre, ce qu’il ou elle avait toujours été.
Les mystères d’Éleusis – du nom de la ville grecque – étaient les plus
renommés de ces rites. Ils étaient basés sur le mythe de Perséphone, une jeune
fille qui avait été enlevée par Hadès, le souverain des enfers, et conduite en
son royaume. La mère de Perséphone, Déméter, le cœur brisé d’avoir perdu sa
fille, avait conclu un accord avec Hadès, qui prévoyait que Perséphone
passerait la moitié de l’année dans le monde des enfers et l’autre moitié à la
surface de la Terre. La moitié de l’année que Perséphone passait dans les
enfers était l’hiver. En conséquence, la vie des rivières et des champs partait
avec elle en automne et revenait au printemps, éclatant sous la forme d’une
nouvelle vie végétale et animale.
Perséphone est reliée à une déesse beaucoup plus ancienne appelée Inanna,
qui était vénérée par les Sumériens – un peuple ayant vécu plusieurs milliers
d’années avant les Grecs, dans le Croissant fertile, l’endroit qui donnerait plus
tard naissance aux Israélites. Inanna était la souveraine du Ciel (le Grand
Royaume d’en haut), et le mythe central que les Sumériens racontaient à son
propos concernait sa descente dans le territoire des morts. Le mythe nous
raconte qu’en chemin elle traversa sept niveaux des enfers, retirant un
vêtement à chaque étape jusqu’à ce qu’elle se retrouve nue devant le seigneur
de la Mort. Le seigneur la tua alors et suspendit son corps à un crochet contre
un mur pendant sept jours, qui correspondent aux sept niveaux des enfers.
Finalement, grâce notamment à l’intervention de ses proches à la surface de la
Terre, Inanna ressuscita et s’en retourna, traversant de nouveau, un niveau
après l’autre, le monde des enfers, dotée des pouvoirs qu’elle avait acquis
quand elle s’y trouvait.
De manière étonnante, puisque ces cultes à mystères ont duré plus de mille
ans, nous ne connaissons toujours pas leur manifestation exacte. Nous savons
qu’ils pouvaient être très spectaculaires et qu’ils atteignaient parfois leur
apogée lorsque l’initié se voyait présenter un objet, qui pouvait être aussi
banal qu’une tige de blé. L’initié était préparé à ce moment-là par une mise en
scène lente et continue qui pouvait être rythmée par de la musique et des
danses et, dans les dernières parties du rite, il était conduit, les yeux bandés,
dans un sanctuaire interne où les secrets ultimes lui étaient révélés. Grâce à
cette préparation soigneusement orchestrée, cette vision culminante n’avait
pas seulement un effet symbolique sur l’initié mais également un impact
psychique et émotionnel tangible. L’initié voyait l’objet symbolique qui lui
était révélé non plus comme un objet ordinaire, terrestre, mais comme une
véritable fenêtre vivante sur le monde de l’au-delà. Si par exemple une tige de
blé était tendue à l’initié, elle ne symbolisait pas seulement le fait que les
cultures meurent et revivent chaque année, elle était aussi une démonstration
effective de la vérité profonde contenue dans ces mystères : la mort est suivie
de la renaissance. En la considérant depuis son état d’anticipation exacerbé,
l’initié la voyait comme un emblème éblouissant qui confirmait le fait qu’il ou
elle avait désormais été initié à la vie éternelle. Au fait que nous ne mourons
pas au moment de la mort.
La personne qui avait été initiée aux mystères était, disait-on, comme un
nouveau-né, et c’est pourquoi les initiés étaient parfois appelés les « deux fois
nés ». Ils avaient vu une réalité qui était plus réelle que la réalité terrestre et
qui engendrait en eux l’inébranlable certitude que la vie se poursuivait au-delà
de la mort. Cette certitude était si profonde qu’à compter de ce moment,
quelles que soient la joie ou la tristesse apportées par la vie, une partie de
l’initié n’était tout simplement jamais triste. Elle ne pouvait pas l’être, car
l’initié avait retrouvé par l’expérience directe la connaissance de ce que nous
sommes, de là d’où nous venons et de là où nous allons. Dès lors, l’initié était
un double citoyen : quelqu’un qui, bien que toujours dans ce monde, avait
déjà un pied dans l’au-delà glorieux et baigné de lumière.
Peut-être commencez-vous à entrevoir l’autre raison pour laquelle je parle
de ces mythes antiques dans ce livre. Si vous avez lu La Preuve du Paradis,
vous avez certainement déjà relevé dans ces mythes quelques échos familiers
de mon histoire. Pourquoi ces similarités ? Que signifient-elles ? Je pense que
nous aspirons à retrouver ces vérités qu’enseignaient les mystères et les autres
traditions initiatiques du monde antique et que le christianisme, peut-être
surtout à ses débuts, enseignait également – un fait que peuvent apprécier, me
semble-t-il, à la fois chrétiens et non-chrétiens, car ces vérités transcendent
tous les dogmes et différences qui divisent tant le monde aujourd’hui. Je crois
que le paradis nous rend humains, et que sans une connaissance du fait que
c’est de là que nous venons et là où nous allons – que c’est notre véritable
patrie –, la vie n’a aucun sens. Et je crois que les expériences que tant de
personnes ont partagées avec moi sont des rappels du fait que nous avons
besoin de connaître ces vérités tout autant aujourd’hui que nous en avions
besoin dans le passé.

Cher Dr Alexander,

La chose qui me trouble est votre période « ver-de-terre », que je
trouve terrifiante. Je ne peux pas m’empêcher de me demander
pourquoi vous avez fait l’expérience de ce domaine et si vous avez
trouvé d’autres personnes qui l’ont faite également. Je ne parviens
pas à faire entrer cela dans ma « vision du monde ». J’espère que
vous aborderez ce point dans une future publication.
J’ai décidé de me former pour travailler comme volontaire en
maison de retraite afin de pouvoir, en plus peut-être d’apporter du
réconfort aux personnes en fin de vie, en apprendre davantage sur ce
que nous pourrions appeler cet horizon événementiel.
La mort : c’est la plus grande aventure. Il est stupéfiant que nous
la niions à ce point dans la civilisation occidentale. Peut-être que
cela explique grandement nos dysfonctionnements sociétaux.
Les Grecs de l’Antiquité aimaient la vie. L’Iliade et l’Odyssée vibrent
toutes deux des joies et des peines de l’existence physique. Mais les Grecs du
temps d’Homère, quelque cinq cents ans avant Platon et Aristote, ne croyaient
pas au paradis. Quand ils pensaient à l’après-vie, ils envisageaient un monde
pâle et fantomatique d’êtres désincarnés : un endroit bien pire et bien inférieur
à ce monde-ci. Mieux vaut être un esclave dans ce monde, dit le personnage
d’Achille dans l’Odyssée d’Homère, qu’un roi dans l’outre-monde.
Bien des peuples de l’Antiquité pensaient à l’après-vie en ces termes, et il
semble que les rites tels que les mystères aient évolué comme une réponse à
cette peur universelle d’une après-vie terne et sinistre. La mort a toujours été
terrifiante, et les peuples antiques la considéraient plus que nous aujourd’hui
car ils côtoyaient la mort de près chaque jour. Les traditions à mystères sont
un bon exemple de la façon dont de nombreux peuples autour du monde ont
tenté d’aborder la question de la mort. On pouvait lutter avec elle, voir clair en
elle, puis la craindre ensuite. Elle pouvait aussi être joyeusement acceptée.
Mais elle ne pouvait pas être simplement ignorée.
« Heureux celui qui a vu cela, dit le texte d’un culte à mystères à propos de
l’initié qui a vu à travers les terreurs de la mort jusqu’aux merveilles qui se
trouvent au-delà. Celui qui n’est pas initié n’aura pas le même lot après la
mort dans l’obscurité lugubre1. » Ce monde gris et sinistre comporte plus
qu’une vague similarité avec l’endroit où j’ai commencé mon voyage : cet
« endroit » primal et semblable à de la boue, que j’ai appelé le Monde vu du
ver-de-terre dans La Preuve du Paradis.
Il n’est pas toujours facile de naviguer entre les différents mondes qui
existent au-delà du corps. Le Monde vu du ver-de-terre, tel que j’en ai fait
l’expérience, n’était pas un endroit de peur ou de punition : ce n’était pas un
endroit où l’on est « envoyé » parce qu’on s’est mal comporté. Mais j’ai
désormais compris qu’il ressemble grandement aux infra-zones ternes et
marécageuses de l’après-vie telles qu’elles sont décrites dans de nombreuses
sociétés antiques.
Le domaine de l’âme est comme un océan. Il est vaste. Lorsque le corps
physique et le cerveau, qui agissent comme des amortisseurs vis-à-vis de ce
monde tant que l’on est vivant, se dissipent, nous risquons de tomber dans les
couches inférieures du monde spirituel : des couches qui correspondent
directement aux parties basses de notre psyché et sont, en tant que telles,
extrêmement sombres. Je pense que c’est de cela que parlaient les Anciens
lorsqu’ils évoquaient des domaines de l’après-vie qui étaient sinistres,
sombres, misérables. Et c’est pourquoi l’initiation était si importante, à la fois
en Grèce et dans tant d’autres cultures de l’Antiquité. À travers les initiations,
les personnes retrouvaient par l’expérience leur véritable identité en tant
qu’êtres cosmiques dont la structure interne reflétait directement la structure
des mondes spirituels qui les attendaient après la mort. L’idée que l’âme
humaine est modelée selon les mondes spirituels signifiait qu’en suivant
l’injonction des Grecs anciens « connais-toi toi-même », chacun apprenait à
connaître également le cosmos qui lui avait donné naissance. Les initiations
étaient souvent effrayantes, en partie parce que le monde spirituel comprend
des zones d’ombre, tout comme la psyché humaine. Mais pour l’essentiel, il
semble que ces rites aient été profondément réconfortants. Les initiés savaient
que les rites qu’ils avaient traversés les avaient préparés à la fois à supporter
les fardeaux de la vie terrestre et à trouver le chemin de leur demeure dans les
régions supérieures du monde de l’au-delà lorsqu’ils les réintégraient après la
mort. Tout cela constituait des réalités pour ces peuples antiques. Ce qu’ils
avaient à dire à leur propos reposait au moins en partie sur l’expérience, et
c’est la raison pour laquelle leurs écrits sur ces sujets peuvent être
impressionnants, voire terrifiants pour certaines personnes.
Mais il est inutile d’avoir peur. Une fois libres du système d’amortissement
que fournissent notre cerveau et notre corps physique, nous irons là où nous
devons aller. Même si nous ne sommes pas parfaits – et j’en sais quelque
chose car je ne le suis certainement pas –, nous nous rendrons dans ce monde
de lumière, d’amour et d’acceptation. Il ne s’agit pas d’être un saint, ni d’être
parfait – ce que nous sommes déjà, sur un plan spirituel profond. Mais il
s’agit, je le crois, d’être ouvert. De s’ouvrir suffisamment pour être détourné
des régions sombres de l’après-vie, qui correspondent à la mer de nos propres
régions les plus noires et les plus ternes, et amené jusqu’à ces régions
supérieures de lumière dans lesquelles nous sommes capables d’entrer si nous
le souhaitons.
Je pense que j’ai été secouru parce qu’une fois hors de mon corps physique,
j’étais assez ouvert pour être prêt à dire « oui » à cette Mélodie tournoyante et
à la lumière qui émanait d’elle, lorsqu’elle est venue vers moi et a ouvert ce
portail vers les domaines supérieurs. Elle m’a offert d’être mon guide et il ne
m’a pas fallu longtemps pour répondre, sans un mot, « oui » à cette invitation
à la suivre dans le monde de la lumière. Cette partie de moi a réagi avec joie,
soulagement et reconnaissance lorsque, avec ses filaments d’or radieux, elle
est venue me « prendre ». Mais certaines personnes ne sont pas ouvertes à
cette bonté, lorsqu’elle se présente. Lorsque cette lumière descend, rien en
elles ne répond « oui ». Alors elles restent là où elles sont – dans l’obscurité –
jusqu’à ce qu’elles soient prêtes à en être enlevées. Savoir cela à l’avance est
inestimable. C’est pourquoi, pour les Anciens, la connaissance de l’existence
des mondes de l’au-delà et de ce à quoi ils ressemblaient étaient l’un des plus
beaux dons du paradis.

1 D’après les Hymnes homériques.


2

Le Don du Sens

« Plus que tout autre chose, le futur de la civilisation dépend de la façon dont les deux forces les
plus puissantes de l’histoire, la science et la religion, s’accordent dans leurs relations entre
elles. »
Alfred North Whitehead (1861-1947), philosophe.

Dans l’esprit des religions à mystères dont il était lui-même un initié, Platon
a renversé la philosophie homérique de l’après-vie, qui considérait de façon
générale que ce monde sinistre et gris était tout ce que les hommes pouvaient
espérer. Loin d’être un amoindrissement, une dissipation de l’éclat, de la
brillance et de la joie de la vie terrestre, le monde de l’au-delà, lorsque nous
atteignons ses rives supérieures, est au contraire bien plus réel, plus éclatant et
plus vivant que celui-là. Ce qui nous attend après la mort, affirmait Platon, est
le monde réel, et toute la vie dans ce monde-ci n’est qu’une préparation à cela.
Sa célèbre maxime qui propose que toute vraie philosophie est une
« préparation à la mort » est issue de cette idée.
Platon nous parle directement en disant cela. Contrairement à son
professeur Socrate, qui tout comme Jésus n’a pas laissé de traces manuscrites
derrière lui, Platon croyait en la valeur de l’écriture : il s’agissait de préserver
les idées sous la forme de mots écrits, et pas seulement dans la mémoire, de
sorte que les peuples oublieux des temps futurs puissent réapprendre ce qu’ils
avaient vraiment besoin de connaître. Les vérités des religions à mystères
requéraient de nouvelles formes d’expression. Platon a vu, ou pensé avoir vu,
quel était le devenir des choses. Comme tous les grands maîtres spirituels, il
pensait que la vérité était faite pour être partagée, et tout comme Jésus et bien
d’autres maîtres spirituels, il avait des doutes sur la capacité des gens à
entendre. À travers ses écrits, Platon nous a apporté des réponses aux trois
grandes questions que nous avons exposées au début de ce livre. Il en a laissé
des traces de façon parfaitement délibérée, de sorte que ceux qui viendraient
après lui ne les perdent pas. Il n’est peut-être pas exagéré de dire qu’il a voulu
les préserver pour nous.
Mais – et c’est une raison importante pour laquelle, en tant que scientifique,
je trouve son histoire si fascinante – Platon avait besoin d’Aristote pour
compléter son message. En disant en effet que la mort est meilleure que la vie,
Platon a ouvert la voie à toutes les idéologies qui ont dénigré l’existence
physique – des philosophes existentialistes nihilistes, qui déclarent que la vie
n’a pas de sens, aux prêcheurs apocalyptiques qui considèrent la vie sur Terre
comme le mal absolu. Aristote a apporté un correctif à cela. En attirant
l’attention sur les merveilles du monde physique et en cartographiant avec un
regard juste l’ordre qu’elles manifestaient, il a créé une tradition d’observation
rigoureuse et d’appréciation fine du monde matériel, qui a joué un rôle
considérable dans la formation de l’esprit scientifique moderne.
Nous avons aujourd’hui besoin d’une combinaison du meilleur de l’esprit
platonicien et de l’esprit aristotélicien. C’est la nouvelle vision que le monde
attend et que certaines personnes commencent à adopter suite à ce qu’elles
découvrent à partir de leurs expériences personnelles. La distinction Platon-
Aristote a été reconnue par beaucoup comme étant à la racine même de ce que
nous sommes1. Il est vital que cette connaissance ne reste pas confinée dans
d’obscurs livres d’histoire. C’est le savoir dont nous avons besoin maintenant.
Je suis convaincu que l’ère qui vient comporte des défis terribles ainsi que
tout le monde commence à s’en rendre compte, mais elle pourrait également
voir le paradis et tout ce qu’il contient à nouveau considéré avec sérieux. Si
cela se produit – si un nombre suffisant de personnes s’avancent et
commencent à parler du type d’expériences décrites dans ce livre –, le cours
des croyances pourra véritablement changer. Les esprits platonicien et
aristotélicien seront réunis comme jamais ils ne l’ont été auparavant et une
profonde transformation en termes de vision de l’histoire du monde se
produira.
Il ne s’agit pas de dire que, lorsque cela arrivera, les secrets des mondes
incroyablement vastes de l’esprit qui se trouvent au-delà du monde physique
seront placés sous un microscope et examinés. L’Univers – et en particulier
cette partie de l’Univers si mystérieuse, personnelle et difficile à définir que
l’on appelle la conscience – ne peut tout simplement pas être abordé de cette
façon. Pour étudier la conscience et les choses du ciel – les domaines non
matériels –, nous devons frapper à la porte humblement et, pleins d’espoir,
ainsi que Jésus l’a suggéré, demander, plutôt qu’exiger, à entrer. En ce sens,
on pourrait dire que la science devra devenir une sorte de religion à mystères
moderne. Elle devra approcher la vérité humblement et avec abnégation. Elle
devra réapprendre la façon de demander des choses à l’Univers, au lieu de les
réclamer. En d’autres termes, elle devra se soumettre à ce que l’Univers
montre de lui-même. Et le fait est que l’Univers a donné à la science moderne
des preuves du fait qu’il est d’abord spirituel, et matériel en second lieu,
depuis plus de cent ans. Le problème ne vient pas des preuves, mais du fait
que tant de scientifiques s’obstinent à passer outre.
La science – et peut-être tout particulièrement la médecine – a toujours
comporté un aspect initiatique. Elle a toujours été une sorte de club qui
comporte des règles d’appartenance et un langage incompris de ceux qui sont
à l’extérieur, ainsi que des épreuves et des tests à réussir avant d’entrer dans le
saint des saints et de pouvoir vraiment se considérer comme un de ses
membres. Je suis bien placé pour le savoir. Je me souviens très clairement du
jour où j’ai obtenu mon diplôme de médecine, du jour où j’ai effectué ma
première opération en solo, du jour où j’ai pu sauver la vie de quelqu’un. La
vie moderne est peuplée de groupes qui revêtent un aspect initiatique : les
fraternités et sororités universitaires, les clubs culturels et sportifs… Toutes
ces organisations tirent leurs cérémonies initiatiques – et les épreuves pénibles
et parfois controversées qui les accompagnent encore souvent – des rites
d’initiation qui définissaient et orientaient la vie des gens dans de nombreuses
civilisations primordiales et antiques. Ma pratique du parachutisme en chute
libre à l’université relevait d’un club initiatique vraiment formidable. Je
n’oublierai jamais les trois mots que mon instructeur – on pourrait dire mon
initiateur – m’a dit ce jour de septembre 1972 alors que le Cessna 195,
monomoteur dans lequel nous nous trouvions, s’inclinait et se redressait, puis
que la porte s’ouvrait pour mon tout premier saut : « Es-tu prêt ? »

Cher Dr Alexander,

Je suis professeur de yoga et enseignant spirituel ; alors que mon
père se trouvait sur son lit de mort, j’ai vu que ma mère souffrait
beaucoup. Il exprimait sa rage contre elle car il avait perdu le
contrôle de sa vie. Elle a continué à l’aimer sans condition et se
sentait cependant dépourvue. Sa vie était tressée à la sienne. Elle
m’avait même dit un jour qu’une fois qu’il serait parti, elle cesserait
de manger.
Au cours des trois mois qui ont précédé cet instant, j’ai demandé
trois choses à l’Esprit-Saint. D’abord, que mon père « ressente »
l’amour. En tant qu’homme exigeant et dur, il avait toujours cherché
le bonheur dans l’augmentation suivante, la promotion suivante, la
partie de golf suivante. Frustré et en colère, j’ai demandé à ce qu’il
connaisse cet amour à travers son être. En second lieu, j’ai demandé
que ma mère puisse savoir, d’une façon ou d’une autre, qu’il serait
toujours vivant une fois qu’il aurait quitté son corps.
[…] Un jour, […] il a pris la main de ma mère et la mienne, et des
larmes coulaient sur son visage. En la regardant, il a dit : « Je t’ai
cherchée toute ma vie. Tu es l’amour de ma vie. » Il a continué en
disant à quel point il nous aimait, ma sœur et moi, et combien nous
comptions pour lui. Nous étions tous en train de pleurer et de parler
avec notre cœur. Il s’est endormi. Quand il s’est réveillé, il ne se
souvenait pas de tout cela. Cependant, cela nous avait réconfortés,
ma mère et moi-même, et j’ai remercié le divin les jours qui ont suivi.
Après que mon père fut décédé, ma mère m’a demandé de revenir
trois semaines plus tard et de l’aider à cesser de manger… Puis deux
semaines après, elle a appelé pour dire qu’elle venait dans le Maine
depuis la Floride pour passer Noël avec nous. Elle avait des
nouvelles importantes – qui devaient être rapportées de vive voix.
Une fois arrivée chez ma sœur, elle s’est assise avec nous sur son lit.
Je lui ai demandé ce qui l’avait changée à ce point. « C’est difficile à
croire, a-t-elle dit, mais il y a trois nuits, je me suis réveillée et ton
père était assis au bout de mon lit. » « Était-ce un rêve, maman ? »
ai-je demandé. « Non. Il était plus réel que toi maintenant. Il avait
l’air d’avoir 45 ans. Il m’a regardée avec tant d’amour, un amour si
intense, que j’ai su qu’il m’attendait. » J’étais frappé par le
changement qui l’avait touchée ; plus de souffrance, elle était dans la
paix.
Après cela, elle a décidé de se faire opérer d’un anévrisme… Les
infirmières ont dit qu’elle ne s’était jamais plainte et qu’elle semblait
entourée d’une lumière. Je l’ai remarqué également. Grâce à la
physiothérapie, elle a tenté de reprendre des forces. Mais l’opération
n’a pas été couronnée de succès. Sereine, elle a demandé à être
débranchée du respirateur et je me suis assis avec elle alors qu’elle
se laissait partir. Nous avons eu du temps pour parler et rire
ensemble, et vraiment mieux nous connaître avant qu’elle parte. Elle
savait qu’elle était un pur esprit qui faisait une expérience humaine et
qu’elle était éternelle et aimée. Merci au divin suprême et à tous les
enseignants qui sont là pour nous aider à connaître notre véritable
nature.

J’en suis venu à penser que le voyage que j’ai raconté dans La Preuve du
Paradis était une sorte d’initiation moderne aux mystères : une initiation au
cours de laquelle, tel un impétrant des cultes antiques, je suis mort à mon
ancienne vision du monde et né à une nouvelle. Tant de personnes traversent
différentes versions de ce que j’ai traversé, des expériences spirituelles qui les
changent profondément. On peut se demander si nous-mêmes, par le biais de
notre culture, sommes en train de vivre tous ensemble une initiation de masse.
Voici ce qu’en pense l’historien des idées contemporain Richard Tarnas :

« Je pense que l’humanité a atteint les étapes les plus cruciales du mystère
de la mort-renaissance. Tout le chemin de la civilisation occidentale a conduit
l’humanité et la planète sur la trajectoire d’une transformation initiatique,
d’abord avec la crise nucléaire, suivie par la crise écologique – une rencontre
avec la mortalité qui n’est plus individuelle et personnelle, mais plutôt
transpersonnelle, collective, planétaire2. »

Il ne s’agit pas de quelque chose qui se situe dans le futur. Cela se produit
maintenant. Une nouvelle vision de la réalité se bâtit lentement mais
sûrement : pas seulement dans l’esprit de penseurs contemporains tels que
Tarnas, mais chez des personnes ordinaires. Des personnes qui ont eu un
aperçu de ce que nous sommes vraiment, d’où nous venons vraiment et de là
où nous allons vraiment, et qui cherchent, comme moi, un nouveau
vocabulaire et une nouvelle vision du monde pour en rendre compte.
Cela ne se fait pas facilement. Comment remplacer son ancienne vision du
monde par une nouvelle sans sombrer dans le chaos intégral ? Comment
franchit-on ce pas d’un ordre du monde à un autre, sans risquer de glisser et de
choir entre les deux ? Cela demande du courage. Un courage qui, je le crois,
nous sera donné si nous le demandons.

« C’est la responsabilité des scientifiques de ne jamais réprimer la connaissance, aussi gênante


soit-elle, et quel que soit le degré auquel elle puisse gêner ceux qui ont le pouvoir. Nous ne
sommes pas assez intelligents pour décider quelles sont les parties de la connaissance qui sont
admissibles et celles qui ne le sont pas. »
Carl Sagan (1934-1996).


Dans son livre Farther Shore3 écrit en 1987, Yvonne Kason raconte une
EMI qu’elle a vécue quand, médecin en formation et voyageant avec un
patient malade, elle se trouvait dans le petit avion qui est tombé dans un lac
gelé du Canada. Alors que l’eau entrait dans la cabine, Yvonne a lutté pour
tenter d’aider son patient, sanglé sur un brancard encombrant, à sortir par la
porte avant. Avant qu’elle ne se rende compte que le brancard était trop large
pour franchir la porte, ses mains étaient gelées et presque inutilisables. Elle a
rampé à travers le passage inondé et a tenté de nager jusqu’à la rive.
Toussant violemment, le corps complètement engourdi, parvenant à peine à
maintenir la tête hors de l’eau, Yvonne s’est soudain retrouvée flottant
tranquillement et sans effort dans l’air, plusieurs dizaines de mètres au-dessus
du lac. Elle pouvait se voir, nageant maladroitement, ainsi que l’avion à demi
submergé qu’elle venait de quitter, avec une parfaite clarté. Elle savait que le
patient toujours sanglé au brancard dans l’avion était probablement condamné
et que, compte tenu du courant et de la température de l’eau, elle l’était
également. Cependant, elle se sentait parfaitement en paix. Elle savait que,
quoi qu’il arrive, elle était profondément aimée et que l’on prenait soin d’elle.
Rien ne pouvait lui arriver de mal.
Kason a lutté pour parvenir à la rive gelée avec deux autres personnes qui
avaient réussi à sortir de l’avion, et a attendu les secours. Un hélicoptère a fini
par arriver et, « flottant entre une conscience paranormale et une conscience
normale », écrit-elle dans son livre, Yvonne a survécu jusqu’à l’hôpital, où des
infirmières l’ont conduite en salle d’hydrothérapie et l’ont immergée dans un
bain à remous :
« Alors que j’étais submergée par l’eau chaude et tourbillonnante, écrit-
elle, j’ai senti ma conscience se contracter à partir de son état élargi et être
tirée à travers le sommet de mon crâne jusque dans mon corps. La sensation
était semblable à ce que devrait sûrement ressentir un génie aspiré de force
dans sa petite bouteille. J’ai entendu un “wooush !”, et j’ai eu la sensation
d’être tirée vers le bas, puis j’ai été soudain de nouveau consciente d’être
pleinement dans mon corps. »

C’est une histoire incroyable, mais le plus extraordinaire est ce qui est
arrivé à Kason par la suite :

« Au cours des mois de transformation qui ont suivi mon expérience de
mort imminente, écrit-elle, je me sentais psychologiquement forte, claire et
centrée. Je ressentais une force intérieure énorme et le courage de parler
honnêtement. L’expérience reste encore une source d’inspiration colossale
quelque quinze ans plus tard. Mais par-dessus tout, cela a déclenché un
processus de transformation spirituelle qui s’est poursuivi jusqu’à ce jour. »
Cependant, cette transformation ne s’est pas produite d’un seul coup, et elle
n’a pas été sans secouer l’ancienne vision de la réalité de Kason. Elle écrit
encore :

« Quand je suis finalement retournée au travail, j’avais retrouvé l’essentiel
de ma sensibilité dans les doigts et je me sentais bien physiquement et
émotionnellement – mais je ne savais toujours pas que j’avais eu une
expérience de mort imminente, et j’ignorais certainement qu’une EMI pouvait
laisser l’esprit d’une personne ouvert à des entrées psychiques. Imaginez ma
surprise quand, environ deux mois après cet accident d’avion, j’ai eu ma
première expérience psychique.
Un soir après le travail, je conduisais pour rendre visite à mon amie Susan.
En m’arrêtant à un feu rouge, une image claire, éclatante et presque
rayonnante est apparue dans mon esprit : un cerveau baignant dans le pus.
L’image était si claire que j’en étais stupéfaite.
J’étais certaine que l’image que je voyais représentait une méningite – une
infection de l’enveloppe du cerveau. J’étais également certaine qu’il
s’agissait du cerveau de Susan. Au début, déroutée par l’expérience, j’avais
décidé de n’en parler à personne. Mais en arrivant chez Susan, je lui ai
demandé comment elle se sentait. Elle m’a dit qu’elle souffrait de maux de
tête intenses et inhabituels – un symptôme classique de la méningite – depuis
plusieurs heures. Je ne voulais pas l’inquiéter, mais pour être sûre, je lui ai
posé des questions afin de savoir si elle avait d’autres symptômes. Bien
qu’elle n’ait eu aucun autre symptôme de méningite, l’image affreuse du
cerveau couvert de pus continuait de me hanter, et j’ai senti que je devais en
parler. Avec hésitation, j’ai évoqué ma vision et ce que je pensais que cela
voulait dire. Elle a réfléchi un instant et m’a demandé comment elle saurait si
son mal de tête était la preuve d’une méningite au stade précoce. »

Yvonne a expliqué les symptômes à Susan et lui a fait promettre que s’ils
apparaissaient, elle se rendrait aux urgences. Et c’est ce qui s’est produit.
« Lorsqu’elle est arrivée aux urgences, écrit Yvonne, les médecins ont fait une
rachicentèse (ponction du liquide céphalo-rachidien) et confirmé qu’elle était
atteinte d’un cas rare et souvent fatal de méningite. Le diagnostic précoce a
permis aux médecins de la traiter efficacement et elle a pu rentrer chez elle au
bout de deux semaines. »
Dans un premier temps, Yvonne ne savait pas quoi faire de cette capacité
nouvelle. Ce n’est que lorsqu’elle a rencontré quelques années plus tard mon
collègue spécialiste des expériences de mort imminente, Kenneth Ring,
qu’elle a appris qu’une perception plus éveillée du monde est une
conséquence fréquente des EMI.
Jospeh Campbell, dans son livre désormais classique de 1949, Le Héros aux
mille et un visages, a avancé que tous les mythes et légendes sont
essentiellement une seule et même histoire, qui peut être résumée ainsi : un
individu vaque à ses occupations – nous dirons « lui », même si des héroïnes
de cette nature sont très nombreuses également –, puis il est soudain soustrait
à cette vie et transporté dans un environnement étrange et nouveau. Là, il subit
des épreuves et des traumas, qui atteignent leur apogée lors de la rencontre
avec un dieu ou une déesse. Si le héros est un homme, cette rencontre prend
classiquement la forme d’un face-à-face avec une femme d’une beauté et
d’une sagesse extraordinaires – une sorte d’ange – qui guide le héros vers des
domaines encore plus élevés ; peut-être jusqu’au divin.
Cet être angélique est à la fois totalement différent du héros et en même
temps – selon l’étrange logique propre aux mythes et aux rêves –, il est son
être profond. Un autre élément propre à ces histoires universelles est que le
héros souffre d’une blessure : il est atteint d’une faiblesse qui le met à
l’épreuve et le tourmente, l’empêchant d’accomplir son destin. Cette rencontre
dans le monde de l’au-delà guérit sa blessure. Quand le héros revient au
monde qu’il a quitté, il est une personne transformée. Il a été initié et, comme
tous les initiés, il est désormais l’habitant de deux mondes.
On trouve souvent dans ces histoires un épisode au cours duquel le héros,
une fois revenu dans ce monde, lutte pour comprendre la signification de ce
qui lui est arrivé. C’était certes très réel au moment où il l’a vécu, mais se
pourrait-il que tout cela n’ait été qu’un rêve ?
Puis, à l’occasion d’un événement anodin, voire insignifiant, son aventure
et les leçons qu’il a apprises dans le monde supérieur lui sont confirmées. Il
obtient des preuves que son voyage était réel. Il se rend compte, une fois pour
toutes, que l’endroit où il est allé n’est pas un rêve et que le trésor qu’il en a
rapporté est également tangible et réel.
Cela vous rappelle-t-il quelque chose ?
Les initiés/héros sont souvent enterrés dans des cryptes, des tombeaux ou
d’autres structures de ce type, où leur corps demeure pendant que leur âme
voyage vers d’autres mondes. Dans mon histoire, la « crypte » était le lit no 10
de l’unité de soins intensifs où je suis resté, immobile, entouré de mes amis et
de ma famille, pendant que mon moi véritable voyageait dans le Passage et le
Cœur. Les chamans sont souvent entourés de leur famille et de leurs amis
lorsqu’ils entrent en transe – quand leur âme quitte leur corps pour voyager
dans les mondes supérieurs et inférieurs. De la même façon, j’avais moi aussi
mes fils, Bond et Eben IV, mon ex-femme, Holley, ma mère, Betty, et mes
sœurs Jean, Betsy et Phyllis, rassemblés autour de moi, assurant une veille
constante jusqu’à ce que mon voyage prenne fin.
Ma blessure, quant à elle, était la lutte inconsciente de toute une vie contre
le sentiment de ne pas mériter d’être aimé, qui résultait de mon abandon puis
de mon adoption en tant que nourrisson. Lors de mon EMI, mon ange gardien
m’a donné l’amour inconditionnel suprême que tant d’autres voyageurs hors
du corps ont été amenés à connaître. C’est ainsi qu’a commencé ma guérison
profonde.
Mon histoire a été particulièrement spectaculaire. Mais depuis que je suis
revenu, j’ai appris que cette histoire arrive, avec des variantes, en permanence
à toutes sortes de gens. C’est pourquoi Campbell a donné ce titre à son livre.
Nous sommes tous des héros, souligne-t-il. Et nous entreprenons tous un tel
voyage. Je me rends compte aujourd’hui que c’est sans doute une des raisons
pour lesquelles je ne me lasse jamais de parcourir le monde pour raconter mon
histoire – chose que je n’ai quasiment pas cessé de faire depuis la parution de
La Preuve du Paradis –, et pour lesquelles les gens ne se lassent jamais de
l’entendre. Plus je raconte mon aventure et plus elle me donne de la force ; et
plus je la vois résonner dans les yeux de ceux à qui je la raconte, plus ma joie
et ma gratitude grandissent.
De nombreux scénarios initiatiques mettent en scène un héros face à un
monstre vorace, dont il triomphe. La méningite bactérienne – la maladie qui
m’a frappé – et la maladie qui a averti Yvonne de ses nouvelles capacités
psychiques ont été l’équivalent moderne de l’un de ces fougueux dragons ou
monstres mangeurs d’hommes que les héros initiatiques des mythes et
légendes ont dû affronter. La méningite bactérienne tente littéralement de vous
dévorer. L’épreuve d’Yvonne dans les eaux du lac gelé m’a également rappelé
que de nombreux scénarios initiatiques commencent par une immersion dans
l’eau. Mon propre récit a en fait aussi débuté par une immersion – bien que
d’une nature très différente. Au début de La Preuve du Paradis, je raconte que
je suis sorti de mon lit très tôt un lundi matin avec une douleur terrible au dos,
et que j’ai pris un bain pour tenter de la faire disparaître.
L’eau est le premier symbole de la renaissance, et les rituels des cultes à
mystères antiques comportaient fréquemment une immersion dans l’eau. Le
mot baptême vient du grec baptismos, qui désigne une immersion ou un
lavage cérémoniel. Le baptême était et reste une façon de laver la « saleté »
qui s’est accumulée au cours de notre voyage terrestre, afin que nous
recouvrions notre nature originelle, céleste. Bien sûr, je ne pensais pas à ce
genre de choses à ce moment-là. J’avais alors une douleur terrible au dos, je
commençais à me mettre en retard pour mon travail et je voulais seulement
accomplir ma journée.
Une fois que j’ai réussi à sortir de la baignoire, j’ai enfilé mon peignoir de
bain rouge – les vêtements rouges, comme me l’a appris un lecteur, avaient
une signification rituelle dans les premières cérémonies de baptêmes
chrétiens – et je suis retourné dans mon lit en marchant « comme un bébé »,
ainsi que je l’ai décrit. Lorsque nous étions en train de retravailler ce passage,
Ptolemy Tompkins, mon collaborateur sur ce livre et sur La Preuve du
Paradis, retirait systématiquement l’expression « comme un bébé ». Mais je
l’ajoutais à nouveau. Plus tard, Ptolemy m’a dit que j’avais eu raison de
vouloir garder cette formulation. Comme bien d’autres initiés avant moi, je
devais d’abord redevenir « comme un petit enfant » avant de pouvoir revenir
sur ma terre natale. Et je savais cela à un certain degré – même si je n’en avais
absolument pas conscience.
Ici, comme dans bien d’autres aspects de ce récit, les détails mythico-rituels
étaient simplement… là. Ce symbolisme n’était absolument pas planifié. Il est
présent au sein de mon récit, comme partout ailleurs dans nos vies, car tout
fait sens dans l’existence. Si nous recherchons ce sens, nous le trouverons.
Nous n’avons pas besoin de l’y placer nous-mêmes.

Cher Dr Alexander,

Le 10 novembre 2007, j’ai été mordu par un serpent venimeux à La
Grange, au Texas. J’ai reçu six unités de sang et dix-huit unités
d’antivenin après un vol de plus de 100 kilomètres en hélicoptère, et
les médecins des urgences d’Austin étaient convaincus que je ne
survivrais pas. Je ne suis resté en soins intensifs que deux jours, mais
j’étais inconscient pendant les douze premières heures environ. Bien
que je ne me souvienne pas des détails comme vous, je suis convaincu
que j’ai communiqué avec mon père, qui était en stade terminal de la
maladie d’Alzheimer à ce moment-là. Il est décédé deux mois plus
tard, mais deux jours avant son décès, alors que je lui rendais visite,
quelque chose de très révélateur s’est produit. Alors que nous étions
prêts à partir, et bien qu’il fût sans réaction et ne reconnût plus
personne depuis des mois, il a attrapé mes mains… Les yeux grands
ouverts, il m’a regardé comme s’il disait : « Ça va aller, tu peux
continuer maintenant. »
Je n’ai jamais vraiment parlé à personne de cet épisode, même
après son décès, à part à ma femme, qui était à mes côtés à cette
époque. J’ai toujours senti que d’une certaine façon nous avions
communiqué sans le savoir, et maintenant que j’ai lu votre livre, je
suis convaincu que c’était bien le cas. Aussi, depuis cette expérience,
j’ai changé mon regard sur la mort (la mienne en tout cas), dans le
sens où je n’ai aucune crainte de mourir et où je me sens presque
invincible. Non pas d’une façon suicidaire, mais d’une façon
confortable, qui signifie que je n’en ai pas peur et que je suis prêt à
l’accueillir.
J’ai toujours cru en Dieu, comme toute ma famille, mais j’ai
l’impression que j’ai été en contact avec Dieu d’une façon que je ne
comprends toujours pas. Je veux juste que vous sachiez que, bien que
je ne comprenne pas complètement ce qui m’est vraiment arrivé
pendant ma période d’inconscience, je ressens de plus en plus que ce
n’était pas un rêve. Merci pour votre livre formidable ; je vous
souhaite un succès continu dans votre effort pour diffuser ce message
aussi largement que possible.

Thomas Mueller

Le peuple Dogon d’Afrique a une expression intéressante pour


« symbole » : « mot de ce monde inférieur ». Le monde matériel est
symbolique de bout en bout. Il nous parle sans cesse, essayant de nous
rappeler ce qui se trouve derrière et au-delà de lui. Lorsque nous lisons des
livres ou regardons des films, nous nous attendons à des nuances symboliques.
Mais la vie elle-même est symbolique. Le sens n’est pas quelque chose que
nous ajoutons à notre vie, il est déjà là.
C’est pourquoi je m’intéresse de plus en plus à ce que le psychologue Carl
Jung appelait la « synchronicité » : cette étrange façon dont des événements
apparemment aléatoires et sans signification dans notre monde agissent
parfois de façon distinctement non aléatoire. Nous faisons tous l’expérience
de synchronicités. Il ne s’agit pas seulement de coïncidences, mais de
véritables conjonctions qui clament pratiquement du sens. Jung estimait que
ces événements étaient si clairement réels qu’ils réclamaient une attention
scientifique. C’était une remarquable intuition, compte tenu de la mentalité
lourdement matérialiste de la moitié du XXe siècle au cours de laquelle il a
effectué l’essentiel de son travail.
Et cette idée était parfaitement scandaleuse. Le « sens », selon ses collègues
scientifiques, n’était pas seulement un mot non scientifique – c’était
résolument antiscientifique. La science dit que le sens est une illusion, une
projection. Nous fabriquons du sens dans nos têtes, puis le projetons sur le
monde, en espérant qu’il correspondra. Considérer le sens comme réel
revenait à nous rejeter dans un puits sans fond d’ignorance et de superstition
d’où les scientifiques avaient mis si longtemps à nous sortir. Les philosophes
et les poètes peuvent demander quel est le sens des choses. Les scientifiques,
et Jung le savait fort bien, ne le pouvaient pas. Il a cependant poursuivi dans
cette voie.
La synchronicité la plus célèbre dans la vie de Jung s’est produite au cours
d’une session avec l’une de ses patientes qui lui décrivait le rêve qu’elle avait
fait à propos d’un scarabée d’or égyptien sculpté.
« Tandis qu’elle me racontait son rêve, écrit Jung, j’étais assis le dos tourné
à la fenêtre fermée. Soudain, j’entendis derrière moi un bruit, comme si
quelque chose frappait légèrement à la fenêtre. Me retournant, je vis qu’un
insecte volant à l’extérieur heurtait la vitre. J’ouvris la fenêtre et attrapai
l’insecte en vol4. »
Fin observateur du monde de la nature, Jung identifia rapidement l’insecte :
« Il offrait avec un scarabée d’or l’analogie la plus proche qu’il soit
possible de trouver sous nos latitudes : c’était un scarabéidé de la famille des
lamellicornes, hôte ordinaire des rosiers : une cétoine dorée (Cetonia aurata),
qui s’était apparemment sentie poussée, à l’encontre de ses habitudes
normales, à pénétrer juste à cet instant dans une pièce obscure5. »
Partout dans le monde aujourd’hui, des personnes vivent des expériences,
de la plus spectaculaire à la plus insignifiante en apparence, qui délivrent un
simple message : le monde a du sens. Les mondes supérieurs nous parlent, où
que nous soyons. Tout ce que nous avons à faire est d’écouter. Tout comme
moi, ces nouveaux initiés ont vu leurs yeux s’ouvrir à un mystère qui
transcende toutes les distinctions entre une religion et une autre, entre la
religion et la science, entre la croyance et l’incroyance. Nous sommes devenus
des personnes dont une fracture préjudiciable au plus profond de nos psychés
– et dont nous ignorions l’existence même – a été réduite. L’esprit de Platon et
d’Aristote se rejoignent en nous. En conséquence, nous nous retrouvons à
vivre dans un nouveau monde.

Cher Dr Alexander,

Laissez-moi commencer en vous disant que je n’ai JAMAIS écrit à
un auteur avant cela. Le 21 octobre 2013, notre fils de 25 ans est
entré à l’hôpital avec ce que nous pensions être une grippe intestinale
ou une intoxication alimentaire. Son état s’est rapidement dégradé et
il a été transféré en soins intensifs. Nous l’avons vu perdre la plupart
des fonctions de ses organes, l’une après l’autre. Son foie a cessé de
réagir normalement aux antibiotiques… sa fonction rénale s’est
considérablement ralentie… puis son pancréas ne fonctionnait plus
correctement. Il a fait une insuffisance cardiaque congestive. Enfin,
son cœur est entré en fibrillation auriculaire. On ne pouvait pas lui
donner du glucose en intraveineuse car on craignait d’induire un
coma diabétique. Il était raccordé à onze poches de perfusion
intraveineuse différentes. Il ne répondait correctement à aucune
d’elles. Nous pensions qu’il dormait beaucoup. On ne nous a jamais
dit qu’il était dans le coma, bien que ses poignets et ses chevilles se
fussent recroquevillés, comme vous l’expliquez dans votre livre.
L’hôpital a appelé l’aumônier, le spécialiste de la douleur, le
spécialiste des soins palliatifs ; on nous a donné des brochures
funéraires et nous a dit qu’on ne pouvait rien faire de plus. On nous a
dit qu’on n’allait pas remplacer les poches de perfusion vides. Nous
avons regardé et prié alors qu’on retirait chacune d’elles l’une après
l’autre, jusqu’à la solution saline. À chaque poche qui était enlevée,
son corps a commencé à reprendre la fonction de l’organe
correspondant… Les médecins n’en revenaient pas ; l’un d’eux m’a
dit qu’il se passait quelque chose de plus que ce qu’ils avaient fait.
Nous nous étions relayés et ne l’avions jamais laissé seul au cours
des neuf jours en soins intensifs ou des vingt jours suivants à
l’hôpital. Mon fils a été placé en chambre normale, puis au centre de
réadaptation de l’hôpital. Le 4 novembre, son cœur a repris de lui-
même un rythme sinusal normal.
Il était charmant et lumineux… Son anniversaire est tombé pendant
son séjour en réadaptation. Une des infirmières lui a apporté un
exemplaire de votre livre La Preuve du Paradis. Quelques jours plus
tard, pendant un moment calme, je lui ai demandé s’il voulait que je
lui lise un chapitre. Il a dit « d’accord ». Après avoir lu pendant un
moment, je l’ai regardé, et mon solide fils d’1 mètre 95 avait de
grosses larmes qui coulaient le long de ses joues. J’ai demandé si le
livre lui déplaisait et s’il voulait que j’arrête de lire. Il a dit non, et
m’a demandé de continuer. Il voulait que je lui lise encore quelques
chapitres.
Ce soir-là, alors qu’il se préparait à s’endormir, il m’a dit
calmement : « J’ai parlé à Dieu dans l’unité de soins intensifs. Il m’a
demandé si je voulais rester ou rentrer à la maison. Je Lui ai dit que
je voulais rentrer. Je ne savais pas que d’autres personnes pensaient
être allées au ciel. Nous étions à côté des portes du paradis. Il y avait
beaucoup de vert au-delà. Je t’en dirai davantage plus tard. »
Curieusement, quelques jours plus tard, j’ai demandé à l’infirmière
quand elle avait lu le livre. Elle m’a répondu qu’elle ne l’avait pas lu.
Elle m’a dit que quelqu’un lui avait recommandé de nous faire passer
ce livre, alors elle l’avait commandé spécialement.
Mon fils a quitté l’hôpital le 19 novembre 2013. Votre livre l’a aidé
à faire face à ce qui lui est arrivé…
Nous avons continué à lire les chapitres jusqu’à ce que nous
arrivions au passage où vous êtes rentré à la maison, vous aussi.
Alors il a dit que nous le terminerions plus tard – quelques semaines
plus tard. Il voulait d’abord intégrer tout ça. Mais nous ne l’avons
jamais terminé ensemble. Nous ne l’avons eu que six semaines à la
maison ; il ne nous en a jamais vraiment dit plus sur son expérience.
Il est décédé le 4 janvier 2014 du virus H1N1 : le virus de la grippe
porcine de 2009.
Merci infiniment d’avoir écrit votre livre. Il nous a tous
énormément aidés. Quand mon fils est parti, je pense qu’il est
retourné aux portes du paradis et qu’il a de nouveau parlé à Dieu.
Bien sincèrement,

Claire

En décembre 1991, une psychanalyste bien connue de San Francisco,


Elisabeth Lloyd Mayer, a été confrontée à un problème. La précieuse harpe de
sa fille avait été volée lors d’un concert. Mayer a passé deux mois à faire tout
ce qu’elle pouvait pour retrouver la harpe. Finalement, a-t-elle écrit dans son
livre Extraordinary Knowing6, un ami lui a dit que si elle était vraiment prête
à tout essayer pour retrouver cette harpe, elle devait consulter un
radiesthésiste. « Tout ce que je savais des radiesthésistes, écrit Mayer, est
qu’ils appartenaient à cette espèce de gens bizarres qui trouvent de l’eau sous
terre à l’aide d’un bâton fourchu. » Pour Mayer, professeur de psychologie à
l’université de Californie à Berkeley, il s’agissait d’un territoire inconnu.
Mayer considérait que l’idée qu’un objet perdu lui appartenant puisse être
localisé psychiquement par un parfait étranger relevait du pur fantasme. Cela
violait toutes les règles logiques du monde dans lequel elle avait évolué et
pratiqué son métier de psychiatre avec succès depuis des décennies.
Cependant, elle voulait vraiment récupérer cette harpe.
Faisant de son mieux pour garder à distance son sens critique, Mayer a
composé le numéro d’un éminent radiesthésiste de l’Arkansas que son ami lui
avait donné.
« Donnez-moi une seconde, a dit le radiesthésiste. Je vais vous dire si
l’objet est toujours à Oakland. » Oui, a-t-il poursuivi, c’était bien le cas. En
utilisant un plan de la ville, il a indiqué la maison précise où se trouvait selon
lui la harpe. Mayer se demandait que faire de cette information. Elle ne
pouvait pas aller frapper à la porte de cette maison, munie de la seule
information selon laquelle un radiesthésiste lui avait dit que la harpe de sa fille
s’y trouvait. Elle eut alors une inspiration. Elle imprima quelques affichettes
mentionnant la harpe perdue et les colla dans un rayon d’une dizaine de
mètres autour de la maison.
Trois jours plus tard, elle reçut un appel téléphonique. La personne au bout
du fil lui disait qu’elle avait vu l’affiche et que c’était son voisin qui avait la
harpe. Après quelques appels, une rencontre fut organisée et la harpe restituée.
En rentrant chez elle avec la harpe de sa fille sur le siège arrière de sa
voiture, Mayer a eu une révélation en trois mots : « Cela change tout. »
Cette histoire décrit la façon dont beaucoup de membres de la communauté
scientifique en sont venus à changer de perspective sur ce qu’est vraiment le
monde. Nous nous sommes retrouvés dans une situation où nous avons tenté
d’utiliser toutes les anciennes explications pour comprendre un nouveau type
de phénomène. Voyant que cela ne fonctionnait plus, nous avons été contraints
de prendre en compte la possibilité que le monde tel que nous le comprenions
n’était pas le monde tel qu’il est réellement. Ce qui nous a ensuite conduits à
explorer de nouvelles façons de comprendre le monde – des façons qui
offraient de meilleures réponses que ne le faisaient nos anciennes méthodes.
Peut-être savions-nous auparavant que ces façons de voir le monde
existaient, mais nous les trouvions stupides. Nous avons peut-être continué à
les trouver stupides.
Mais… nous voulions récupérer notre harpe.
Alors nous avons pris le risque. Nous avons rassemblé notre courage et
nous sommes ouverts à la possibilité d’un ensemble d’idées nouvelles et
radicalement différentes sur le genre d’endroit que le monde pourrait
véritablement être.
Dans des cas comme celui du Dr Mayer, nous avons obtenu une rétribution
bien plus grande, bien plus importante que n’importe quelle harpe. Nous nous
sommes retrouvés nous-mêmes. Nous avons appris que, s’agissant des trois
grandes questions que les cultures qui ont précédé la nôtre nous ont posées, il
pourrait y avoir des réponses entièrement différentes de celles auxquelles nous
n’aurions même jamais osé rêver.
L’histoire de Mayer montre également que l’on n’a pas besoin de vivre une
expérience bouleversante comme une EMI pour en venir à ce changement de
perspective. Mais je suis convaincu que, pour ceux d’entre nous qui ont vécu
ce genre d’expériences bouleversantes, c’est notre devoir de faire passer le
message – de parler de l’endroit où nous sommes allés et de ce que nous
avons vu, et d’utiliser tout moyen à notre disposition pour ramener ce message
à la vie et le traduire dans le langage de ce monde.
Tout comme moi, Kason et Mayer étaient toutes deux médecins, et elles ont
toutes deux été entraînées, à leur corps défendant, dans ce nouveau monde où
le sens est réel. Toutes deux y sont parvenues. Elles sont devenues des
médecins – de hautes initiées dans le club de la science – qui n’ont pas eu peur
de comprendre que le sens, le langage du monde spirituel, est réel. Qu’un
autre monde essaie de nous parler et que plus nous écouterons, plus nous
comprendrons. Les courants jumeaux de la science et de l’esprit ne se
combattent plus mais sont entrelacés chez mes deux consœurs médecins, tels
les deux serpents du caducée s’enroulant autour du bâton d’Esculape que l’on
peut voir encore de nos jours à l’entrée des cabinets médicaux.

Cher Dr Alexander,

Ma femme Lorraine est décédée le 24 juin 2013, après vingt et un
ans de mariage. Au long de sa vie, Lorraine était très spirituelle et a
pratiqué les soins Reiki en tant que membre de l’Église métaphysique
d’Arlington en Virginie. Lorraine avait aussi des « guides »
amérindiens vers lesquels elle se tournait lors des moments difficiles.
Après son départ et alors que j’étais confronté à la difficulté de
ranger la maison en prévision de mon déménagement dans une
nouvelle demeure, j’allai m’asseoir sur ma terrasse pour essayer de
me détendre, et voilà qu’un papillon monarque est apparu et a volé à
moins de trois mètres de moi. Cela m’a semblé étrange car il n’y
avait aucun autre papillon ailleurs. Vivant sur cette propriété depuis
plus de quatorze ans, je savais que les papillons s’observaient
d’habitude en petits groupes. Pourtant ce papillon-là n’avait pas de
compagnon. Puis, à chaque fois que je sortais ou que j’ouvrais ma
porte de garage, le même papillon apparaissait. Je ne savais pas quoi
en penser. En tout cas, je faisais attention en sortant la voiture de ne
pas faire de ce papillon une victime de la route.
J’ai pensé que Lorraine était peut-être revenue sur Terre en tant
que papillon, mais j’avais besoin d’être davantage convaincu…
J’étais sceptique à propos de tout ce qui touchait à la spiritualité…
C’est là qu’a commencé ma quête de foi et de paix de l’esprit.
Lors du décès de Lorraine, j’avais décidé de donner son corps à
une organisation pour la recherche médicale. Après une certaine
période, il était prévu que son corps soit incinéré et que ses cendres
me soient remises. La dernière volonté de Lorraine était d’être
enterrée près d’un arbre, afin que son esprit puisse avoir accès à ses
« guides ». Je vais y revenir.
Alors que je rangeais la maison en vue de mon déménagement, je
devais trier les effets personnels de Lorraine, y compris ses bijoux et
des accessoires divers. En ouvrant les tiroirs de sa boîte à bijoux, je
tombai sur des objets qui figuraient un papillon. Je savais que
Lorraine aimait les papillons, mais elle aimait également d’autres
pièces de collection comme les lutins, les personnages et les
bâtiments de villages miniatures de Noël, les vaches en céramique, et
par-dessus tout environ cent poupées qu’elle collectionnait et avait
disposées partout dans la maison. Gardez à l’esprit que pendant toute
la période de ce rangement, le papillon monarque était là,
m’attendant dès que je sortais.
Après m’être installé dans ma maison de ville, j’ai reçu les cendres
de Lorraine. J’ai ouvert le carton et sorti un coffret de
12 x 18 centimètres avec un joli cordon noué autour. Il ne pesait
presque rien et, ironiquement, une chanson m’est venue à l’esprit
alors que je prenais le coffret contenant les cendres de Lorraine :
c’était la chanson de Peggy Lee qui disait : « Est-ce tout ce qu’il y
a ? » J’ai posé le coffret sur la bibliothèque et je l’ai regardé en me
demandant comment j’allais respecter sa dernière volonté. Après
avoir conservé les restes de Lorraine pendant deux semaines, j’ai eu
une idée. J’allais demander à mon ami Norman s’il était d’accord
pour que je trouve un endroit où Lorraine reposerait sur les cinq
hectares de forêt que possédait sa fille du côté de la South Mountain
dans le Maryland… Ainsi, je me suis mis d’accord avec Norman pour
amener Lorraine dans ce petit coin de paradis et trouver un grand et
bel arbre au pied duquel elle pourrait reposer en paix.
Quand nous sommes arrivés dans la propriété et que nous avons
commencé à chercher le « bon » arbre, un papillon monarque est
apparu et a volé près de l’endroit où nous étions. Comme auparavant
lorsque j’avais vu un papillon apparaître sur la terrasse de notre
ancienne maison… Un seul papillon s’est montré… Après avoir
trouvé le bon endroit, Norman m’a aidé à creuser un trou assez
profond pour accueillir les cendres de Lorraine. J’ai alors défait le
cordon autour du coffret et je l’ai ouvert. À l’intérieur se trouvait un
petit sac en plastique qui contenait les restes de mon épouse et âme
sœur bien-aimée. J’ai ouvert le sachet et déposé les cendres à
l’endroit de son repos éternel. Pendant tout ce temps, le papillon
monarque est resté dans la même zone où nous l’avions vu. J’avais
maintenant le sentiment très fort que Lorraine se trouvait là, sous la
forme de ce papillon monarque.
Pour renforcer ma conviction, voici la cerise sur le gâteau. Hier,
j’ai appelé Norman et lui ai dit que j’aimerais venir au chalet pour le
voir et rencontrer sa fille pour la première fois. Cela faisait dix jours
que nous avions enterré Lorraine. Quand je suis arrivé et alors que
nous marchions autour de la propriété, devinez qui était là, en train
de voler, tout seul ? Eh oui ! Vous vous en doutez. C’était le même
papillon monarque qui était entré dans ma vie environ un mois
auparavant. Après avoir lu mon histoire, vous pouvez choisir d’y
croire ou non. Vous pouvez dire que les papillons monarques sont
fréquents dans cette zone, mais souvenez-vous qu’il n’y avait toujours
qu’un seul papillon.

Don Entlich

Si votre mari est décédé, qu’il aimait les papillons cardinal, et que, le jour
de l’anniversaire de sa mort, vous êtes devant sa tombe et qu’un papillon
cardinal s’y trouve posé, vous pouvez le prendre comme un signe. Ne laissez
pas la voix dans votre tête vous dire que la présence de ce cardinal n’est
qu’une coïncidence. À moins que vous ne compreniez le mot coïncidence, qui
signifie « deux choses occupant la même place », au sens plus profond et plus
juste du terme synchronicité.
« Si tu me souris, dit une chanson de Crosby, Stills and Nash qui était
populaire quand j’étais à l’université, je comprendrai, parce que c’est quelque
chose que tout le monde fait partout dans la même langue. » L’Univers parle
un seul langage et c’est le langage du sens. Le sens est inscrit dans chaque
niveau de l’Univers – y compris le niveau où nous vivons, où il est le plus
difficile à voir. C’est pourquoi la principale plainte que les gens expriment
face à la vie moderne est qu’elle est insensée, vide de sens. Mais sous la
surface, elle est tout sauf cela.

1 Arthur Herman, dans son livre récent The Cave and the Light (« La caverne et la lumière », non
traduit en français), raconte l’histoire de la culture occidentale en utilisant la différence essentielle
entre Platon et Aristote comme cadre de référence.
2 Cité par Thomas Singer, dans The Vision Thing, Routledge, 1999.
3 Farther Shore, puis Farther Shores (« Rives lointaines », non traduit en français).
4 Carl Jung, Synchronicité et Paracelsica.
5 Id.
6 Elisabeth Lloyd Mayer, Extraordinary Knowing (« Connaissance extraordinaire », non traduit en
français).
3

Le Don de la Vision

« Quand il n’y a point de vision, le peuple est sans frein. »


Proverbes, 29 : 18.

Platon n’a pas utilisé ce mot, mais je soupçonne qu’il aurait apprécié notre
terme anglais moderne murky (« obscur », « sombre ») pour décrire notre
situation. Le mot vient de myrk, un ancien mot anglais désignant
l’« obscurité ». Mais il évoque aussi fortement, lorsque nous l’entendons, la
terre, la boue. Et cela est cohérent, car l’obscurité contre laquelle nous luttons
pendant que nous sommes ici, sur Terre, est précisément ce genre d’obscurité.
Saint Paul présente la version la plus connue de cette idée lorsque, dans la
Première Épître aux Corinthiens, il parle de nous voyant notre monde
« comme à travers un verre obscur ». La Terre, ainsi que le suggère la sagesse
traditionnelle, est un endroit où voir est difficile.
Mais la vision que la vie terrestre obscurcit si radicalement n’est pas la
vision physique. C’est la vision spirituelle, celle qui nous permet de voir où
nous sommes dans l’univers spirituel, tout comme la vision physique nous
permet de voir où nous sommes dans le monde physique. Il y a deux cents
ans, alors que la vision scientifique du monde était encore dans l’enfance, le
poète William Blake a proposé un terme pour désigner le refus d’une partie de
la communauté scientifique de voir et d’accepter le versant spirituel du
monde. Il a appelé ce refus, et la philosophie qui en est née, la « vision
simple ».

« Maintenant je contemple une vision quadruple […]


Dieu nous garde
De la vision simple et du sommeil de Newton. »
William Blake, Les Écrits prophétiques.

Le Newton que Blake mentionne ici est Sir Isaac Newton : mathématicien,
physicien et énonciateur des lois de la gravitation. Newton est l’un des plus
grands scientifiques de l’histoire – peut-être même le plus grand. Mais au-delà
de ses découvertes, il a aussi développé une erreur. En ligne avec René
Descartes, il a divisé le monde entre un « intérieur » et un « extérieur » et a dit
que seul le second était pleinement réel :

« J’ai observé que rien n’appartenait à la nature de l’essence du corps
mais seulement en ce qu’il est une substance étendue en longueur, largeur et
profondeur, adoptant différentes formes et différents mouvements. J’ai observé
également que ses formes et mouvements n’étaient que des modes, qu’aucun
pouvoir ne pouvait faire exister en dehors d’eux ; et par ailleurs que les
couleurs, odeurs, saveurs et le reste de ces sortes de choses étaient seulement
des sensations existant dans ma pensée et ne différant pas moins des corps
que la douleur diffère de la forme et du mouvement de l’instrument qui
l’inflige. »

Une fois que la science a tout mesuré dans le monde matériel « extérieur »,
Newton et les autres scientifiques de son temps ont estimé qu’ils savaient tout
ce qu’il y avait à savoir. Ils ont laissé la conscience en dehors. Pourquoi
l’inclure ? On ne pouvait la trouver. On ne pouvait la débusquer et la mesurer.
On ne pouvait pas la peser. Cela devait vouloir dire qu’elle n’était pas réelle.
Notre monde est toujours bâti sur cette ancienne distinction entre la matière
– le monde « à l’extérieur » – et l’esprit – le monde « à l’intérieur » – établie
par Descartes. « Pour le meilleur ou pour le pire, écrit le psychologue
Lawrence LeShan dans son livre paru en 2013, A New Science of the
Paranormal1, c’est une culture scientifique. Nous écoutons des leaders
religieux, des gourous et des politiciens, mais nous pensons que les gens qui
disent vraiment la vérité sont les scientifiques. »
LeShan demande alors ce qui se passerait si – ce qui est à mon avis
inévitable – la science commençait à prendre le monde spirituel au sérieux :
« En quelques mots, il serait bien connu – comme on dit “tout le monde
sait” – que l’être humain est davantage que ce qui est perçu par les sens et
que nous ne sommes pas confinés de façon permanente à l’intérieur de notre
propre peau. Mais ces faits ne nous ont pas vraiment touchés. Ils ne
constituent pas une menace pour le monde quotidien révélé par nos sens. Les
murs de nos vies ne viennent pas à s’effondrer. Je poursuis mon existence
comme avant même après avoir appris que le bureau apparemment solide sur
lequel je m’appuie n’est qu’un espace vide avec des zones de masse, de
charge et de vélocité qui se déplacent à l’intérieur – qu’il est composé, selon
la formule de Werner Heisenberg, d’un “espace vide hanté par des
singularités”2. »
Nous allons nous réveiller du sommeil de Newton.

Cher Dr Alexander,

Le 19 août 1999, mon père se trouvait dans le service gériatrie de
notre hôpital local depuis treize jours. Il avait eu une série d’attaques
qui l’avait laissé dans un état végétatif. Après de nombreuses
discussions avec ses médecins, la décision revenait à la famille de
« le laisser partir ».
Mon frère, mes deux sœurs et moi-même étions à son chevet en
permanence depuis ces derniers jours. Quelqu’un se trouvait toujours
avec lui dans la chambre. Autour de 4 heures du matin, il a
commencé à respirer de cette façon particulière qui annonce que la
fin est proche. Nous pensions que cela se produirait plus tôt, mais
papa était solide et il n’était pas pressé de partir.
La chambre était dans le noir complet, excepté une veilleuse
encastrée dans le mur et qui éclairait une petite zone au sol. Nous
étions au sixième ou septième étage, donc aucune lumière de la rue
ne filtrait à travers les fenêtres de la chambre. Papa a poussé son
dernier soupir. Ses pieds et ses mains étaient déjà froids. J’étais assis
à trente centimètres du lit, ma tête dans mes mains et mes coudes sur
mes genoux. Il était tourné vers moi, sa tête à quelques dizaines de
centimètres de la mienne. Alors que je m’apprêtais à me lever pour
m’étirer et parler à mon frère et mes sœurs, quelque chose a attiré
mon regard. C’était comme si un peu de poussière se trouvait sur la
tempe de mon père. J’ai alors pensé : Comment puis-je voir cette
« poussière » ? La chambre est pratiquement noire et pourtant je vois
cela ! Comment est-ce éclairé ? J’ai regardé autour pour chercher
une source lumineuse qui pouvait éclairer la tête de mon père – mais
il n’y en avait aucune.
J’ai fermé les yeux pour les reposer un instant, les ai frottés avec
mes doigts puis les ai rouverts – et la poussière était toujours là,
toujours visible. Je me suis approché doucement, pensant qu’elle
allait s’envoler. Mais ça n’a pas été le cas. Puis, alors que je
regardais, quelque chose a commencé à s’extraire du côté de la tête
de mon père ! Mes yeux étaient grand ouverts et je respirais très
lentement, essayant de comprendre ce que je voyais…
Une petite sphère, de moins d’un centimètre de diamètre, s’est
formée très lentement au niveau de la tempe de mon père. Elle était
de la couleur bleue intense que l’on voit à la base d’une flamme de
bougie. Elle irradiait des rayons blancs. Cela m’a rappelé les cierges
magiques de la fête du 4 juillet, mais les étincelles irradiaient au
ralenti. Après environ une minute, la sphère complète avait émergé et
restait posée sur la tempe de papa. Un petit globe bleu irradiant des
rayons blancs étincelants.
Au bout de quelques secondes, la sphère a lentement lévité à
environ 60 centimètres au-dessus du corps de papa et elle a plané
pendant quelques instants. Puis elle a lentement dérivé plus haut en
direction du côté ouest de la chambre (en fait, plutôt que dériver, elle
semblait vouloir aller dans une direction particulière), et elle est
encore montée, puis est entrée dans le plafond et a disparu.
J’étais toujours assis sur ma chaise, tourné vers l’endroit où la
sphère partait. Je me suis retourné, m’attendant à ce que quelqu’un
dise quelque chose, mais personne n’a rien dit. Je ne voulais pas
poser de questions qui orientent la réponse de mon frère et de mes
sœurs, alors j’ai juste demandé : « Est-ce que quelque chose vient de
se passer ? »
Ma sœur a dit : « Tu veux parler de cette lumière qui vient juste de
sortir de la tête de papa ? »
Je pense que Shakespeare avait raison quand il disait : « Il y a plus
de choses sur la terre et dans le ciel qu’il n’en est rêvé dans votre
philosophie. »

David Palmer, Higganum, Connecticut

« Est-ce que quelque chose vient de se passer ? »


« Est-ce que vous avez vu ça ? »
« Avez-vous senti ce que je viens de sentir ? »
Les gens se posent systématiquement ce genre de questions dans des
situations comme celle de David : des situations dans lesquelles, alors qu’un
proche est en train de mourir, quelque chose d’inexplicable – quelque chose
de plus qu’un phénomène simplement physique – accompagne l’événement.
La méthode scientifique demande qu’un phénomène soit visible par plus
d’une personne. Elle exige aussi qu’il soit reproductible. C’est là que les
histoires comme celles de David – et elles sont incroyablement fréquentes –
deviennent des proies faciles pour les critiques.
C’est en tout cas ce que la plupart des gens pensent.
Au cours de mes années d’études au centre médical de l’université Duke à
Durham, en Caroline du Nord, je passais souvent à côté d’un petit immeuble
sans prétention près du campus appelé l’Institut de parapsychologie –
désormais le Centre de recherche Rhine. Je n’y ai jamais vraiment prêté
attention. Nul doute que des gens bien intentionnés travaillaient dur à
l’intérieur, faisant deviner à des sujets quelles cartes allaient être tirées au sort
dans un jeu ou ce genre de choses.
De telles expériences étaient en effet menées dans l’enceinte du centre
Rhine. Ce que j’ignorais, c’est que ces expériences, ainsi que d’autres du
même genre réalisées dans des institutions modestes mais réputées à
l’intérieur d’universités aux États-Unis, au Canada, au Royaume-Uni et
ailleurs ont établi au-delà du moindre doute statistique que la télépathie, la
précognition et d’autres manifestations similaires d’une conscience non locale
sont réelles.
Mais qu’est-il advenu de cette découverte ? Fort peu, comme le souligne
LeShan. Le problème n’est pas de savoir s’il existe des phénomènes au-delà
des capacités d’explication de la science matérialiste – c’est bien le cas. Le
problème est d’intégrer cette information au plus profond de nous. Le
problème est de nous changer nous-mêmes pour que nous devenions différents
de ce que nous étions avant.
Le problème est en fait de se transformer.
Nous avons toujours su qui nous étions. Ce savoir a émergé, a plongé puis
refait surface plus de fois et en plus d’endroits que l’on pourrait en compter. Il
est aussi ancien que le paléolithique – l’âge de pierre, quelque trente mille ans
en arrière –, lorsque nos ancêtres enterraient déjà leurs morts en position
fœtale, les parant de fleurs et de coquillages, suggérant que bien que leurs
corps fussent enfouis sous terre, ils allaient renaître dans un autre monde. Et il
est aussi récent que la dernière confirmation expérimentale en 2014 du
théorème du physicien John Bell de 1964, qui dit que deux particules
appariées séparées par des millions d’années-lumière réagiront instantanément
de concert, car le temps et la distance sont eux-mêmes des illusions.
Nous avons toujours vécu dans l’univers réel. Cela n’a jamais changé. C’est
nous qui avons changé, encore et encore. C’est nous qui nous sommes
éloignés de cet univers réel, y sommes revenus, puis avons dérivé de nouveau.
Mais nous n’en avons jamais été autant éloignés, ni depuis aussi longtemps,
que nous le sommes aujourd’hui. Tout le monde a désormais connaissance des
conséquences de la façon dont nous avons traité la nature comme un objet –
une chose inerte que nous pouvions manipuler à notre guise. Nous savons –
au plan physique – que notre planète se trouve en grande difficulté. Mais tout
le monde ne sait pas que la solution à ce problème devra être spirituelle autant
que matérielle – que nous devons changer non seulement notre façon de vivre,
mais aussi ce que nous pensons face aux trois grandes questions que les
peuples qui nous ont précédés étaient assez intelligents pour ne jamais perdre
de vue. Pourquoi ? Parce que la seule façon de vivre heureux sur la Terre est à
la lumière du ciel. Vivre sans le paradis, c’est être l’esclave de son désir
censuré par la compréhension qu’apporte la connaissance de son existence. Il
n’est pas difficile de voir combien ce désir a conduit aux excès qui ont fait de
la planète cet endroit profondément détérioré et menacé d’extinction qu’il est
aujourd’hui.

Avez-vous déjà vu un renard dans la nature ? En tant que natif de Caroline
du Nord, j’en ai vu beaucoup et c’est toujours une observation merveilleuse.
Le fait d’admirer cet animal permet de comprendre ce qui nous a été donné
par Newton, Galilée, Descartes et les autres architectes de la nouvelle vision
scientifique du monde qui est née au XVIe siècle, et aussi ce qu’ils nous ont
enlevé.
Imaginez ce qu’un paysan du Moyen Âge voyait quand il regardait un
renard. L’animal lui-même était là, ainsi qu’une quantité d’associations
bibliques, mythologiques et folkloriques qui n’avaient peut-être rien à voir
avec lui. Le renard était rusé, sensuel, malhonnête, immoral… toutes sortes
d’attributs humains qu’il n’avait manifestement pas, mais qu’un individu de
cette époque, incité pour une grande part à voir la nature à travers la Bible, ne
pouvait s’empêcher de voir ainsi.
Quand la science a pris le dessus au XVIe siècle, elle a provoqué une rupture
avec ces anciennes associations. Les renards, comme l’ont découvert les
pionniers de l’âge scientifique, ne sont pas des êtres malins, sensuels et
immoraux. Ce sont des animaux – des membres de l’espèce canine et de la
classe des mammifères, avec un territoire de telle ou telle étendue et une
période gestation de tant de semaines. Ils n’étaient plus des vauriens
débauchés anthropomorphiques.
Aristote a utilisé la logique pour penser le monde, mais il n’a pas utilisé la
méthode scientifique. Il n’est pas allé sur le terrain pour faire des expériences.
Comme nous l’avons dit plus haut, c’est aux alchimistes que nous devons les
rudiments des modalités expérimentales de la méthode scientifique que la
science moderne a finalement adoptées. Par le passé, personne ne s’était
donné la peine de disséquer un renard, de comparer sa structure crânienne
avec celle d’autres carnivores, de voir en quoi son cœur, son foie ou ses
intestins différaient ou non de ceux d’une vache, d’une oie ou d’un être
humain. Les pères de la révolution scientifique ont porté un cran plus haut
l’esprit aristotélicien de l’observation directe. Ils ne se sont plus contentés de
regarder le monde et de réfléchir à son propos – ils l’ont démonté, jusqu’à ses
plus petites parties.
En plus d’être considérablement utile, cette façon entièrement nouvelle de
considérer le monde était également profondément honnête. Respectez la
réalité du monde physique, nous dit cette approche. Ne vous perdez pas dans
des systèmes religieux dogmatiques imaginaires qui calquent leurs
significations imaginaires sur le monde et ce qu’il contient. Sortez et
examinez le monde par vous-mêmes, et découvrez ce qu’il est vraiment.
Et tout ceci était formidable. Mais nous savons ce qui s’est produit ensuite.
Nous sommes allés trop loin. Tout en progressant dans la science moderne –
en étant capables d’étudier un animal comme un renard et de le concevoir
d’une façon vraiment complexe et sophistiquée –, nous en sommes venus à
considérer le monde et tout ce qu’il contient comme n’étant rien d’autre qu’un
objet à capturer, tuer, disséquer, et par-dessus tout, utiliser. Bien vite, les
renards – et tout le reste – ont été vus pour leur valeur matérielle et
uniquement elle. Le renard est devenu un prédateur de poules ou d’autres
animaux d’élevage, portant une fourrure de valeur en tant que vêtement, un
animal utile – en nombre restreint – en tant qu’objet de sport… et pas grand-
chose d’autre.
Mais un renard est bien plus que cela. C’est une créature
multidimensionnelle, dont la forme actuelle est physique mais dont la vraie
nature est spirituelle.
Tout comme nous.

« Après la mort, un homme n’en reste pas moins un homme. »


Emanuel Swedenborg.
Retrouver cette vision multidimensionnelle – cette capacité à voir les
renards, nous-mêmes et tout le reste sur terre dans le contexte de l’univers
spirituel – est l’essence de la nouvelle vision, ce mariage de la science et de
l’esprit qui est enfin en cours de réalisation. C’est une vision du monde qui
n’est pas religieuse dans le sens ancien, pesant et dogmatique du mot, ni
scientifique dans le sens réducteur, matérialiste et objectivant du mot. C’est
une façon de voir le monde qui est capable de prendre sa mesure et de
l’étudier scientifiquement, mais sans se perdre dans la terrible
unidimensionnalité d’une vision purement matérialiste.
Même avant notre époque actuelle, il s’est trouvé des scientifiques qui ont
compris que le rationalisme avait besoin d’être réinventé si l’on voulait qu’il
soit vraiment utile. L’écrivain du XVIIIe siècle Johann Wolfgang von Goethe,
qui fut un grand poète et également l’un des pères de la science moderne,
avait probablement à l’esprit les religions à mystères antiques quand il écrivit
ces lignes célèbres : « Aussi longtemps que tu ne connais pas ce secret, mourir
et devenir, tu ne seras qu’un voyageur obscur sur cette terre sombre3. »
Aujourd’hui aussi dans notre monde scientifique moderne, ainsi que Goethe
l’a souligné à travers ces mots, nous devons être initiés. Sans initiation à la
connaissance de notre véritable identité et du lieu d’où nous venons, nous
sommes perdus. Pour ceux qui sont aveuglés par ce manque de connaissance,
le monde devient en effet un endroit très sombre.
Lorsque le grand scientifique et mathématicien Blaise Pascal est mort en
1662, cette note fut découverte, cousue dans sa veste :

« L’an de grâce 1654
Lundi, 23 novembre, jour de saint Clément, pape et martyr et autres au
martyrologe, Veille de saint Chrysogone, martyr, et autres.
Depuis environ 10 heures et demie du soir jusques environ minuit et demi,
Feu.
« Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob » non des philosophes et
des savants.
Certitude. Certitude. Sentiment. Joie. Paix.
[…]
Oubli du monde et de tout, hormis Dieu.
[…]
Père juste, le monde ne t’a point connu, mais je t’ai connu.
Joie, joie, joie, pleurs de joie4. »

Gustav Fechner était un physicien respecté du XIXe siècle et l’un des pères
de la psychologie expérimentale moderne. Dans son livre The Religion of a
Scientist5, il a écrit ceci :

« Un matin de printemps, je sortis de bonne heure. Les champs verdoyaient,
les oiseaux chantaient, la rosée scintillait… Il tombait sur toute chose une
lumière transfigurante ; ce n’était qu’une petite fraction de la Terre,
seulement un court moment de son existence et cependant, alors que j’en
étreignais davantage dans mon champ de vision, cela me semblait non
seulement si beau mais également si vrai, et tellement évident que c’est un
ange, si riche, si frais et épanoui, et en même temps si stable et unifié, qui se
meut dans les cieux, tournant pleinement vers le ciel son visage animé et
m’entraînant avec lui vers ce même paradis – si beau et si vrai que je me
demandais comment les notions humaines pouvaient être tant perverties pour
ne voir en la Terre qu’une motte froide et chercher les anges en dehors de la
terre et des étoiles, ou au-dessus d’elles dans le ciel vide, et ne jamais les
trouver. »

Cher Dr Alexander,

J’ai lu votre livre (reçu en cadeau d’un ami très intuitif et
intelligent) avec intérêt, car j’ai vécu une expérience inexplicable il y
a un quart de siècle environ, et dont je me souviens encore
aujourd’hui. Ce n’était pas une EMI car je n’étais pas malade ni
frappé d’incapacité en aucune façon. Je revenais du tribunal (je suis
toujours juriste) et me dirigeais vers ma voiture. Je me rappelle
précisément avoir mis le pied sur une fissure du trottoir (sans
avertissement ni explication) et avoir soudain pris conscience que
tout était absolument parfait. Quand je dis « tout », je veux dire tout
en un sens aussi large que l’on puisse imaginer – y compris (comme
les juristes aiment à dire) sans limitations au précédent, au passé, au
présent, au futur, à l’Univers, au cosmos, à toutes les actions, à tous
les événements, à toutes les circonstances qui ont été, sont ou seront
jamais. Quand vous parlez d’« ultra-réalité » dans votre livre, je peux
comprendre ce que vous voulez dire. Le sentiment que tout dans
l’Univers était parfait – exactement comme cela devait être – était
plus vrai, plus réel, plus direct que toute expérience que j’ai jamais
eue. Étant avocat, je suis formé (et enclin naturellement de surcroît) à
discuter ou débattre de toutes sortes de choses, mais ce sentiment
transcendait toute possibilité de discussion, de débat ou de doute.
Alors que je conduisais pour rentrer à mon bureau, ce sentiment a
disparu après environ cinq minutes, et il n’est jamais revenu.

Kenneth P.

Goethe, Pascal et Fechner ne possédaient pas le savoir scientifique dont


nous disposons aujourd’hui, mais tous trois appartenaient au monde moderne,
et chacun était, en son temps, un géant scientifique sur les épaules duquel
nous nous tenons aujourd’hui. On peut dire la même chose du scientifique du
XVIIe siècle Emanuel Swedenborg. Swedenborg a passé l’essentiel de sa vie en
tant qu’inspecteur des mines en Suède, un métier qui demandait des
connaissances considérables en ingénierie, physique et application pratique
des nouvelles techniques hydrauliques d’extraction du charbon et d’autres
minerais qui venaient d’entrer en usage en Europe à cette époque.
Swedenborg était également un géomètre, un chimiste et un anatomiste
accompli, ainsi que la première personne à formuler une esquisse d’idée à
propos du rôle du cervelet, cette partie du cerveau largement responsable de la
coordination motrice. Il était, à tous points de vue, un génie.
Swedenborg s’intéressait tout particulièrement au cerveau et il a passé de
nombreuses années à tenter d’isoler le siège de la conscience – la localisation
physique de ce que l’on appelait encore à son époque « l’âme ». Puis, au
milieu de sa vie, il a constaté – comme le dit le psychologue et spécialiste de
Swedenborg Wilson van Dusen – qu’il avait « cherché au mauvais endroit ».
Swedenborg a alors traversé une crise spirituelle. Une série de rêves
terriblement intenses l’a finalement conduit à une expérience au cours de
laquelle les cieux eux-mêmes ont semblé s’ouvrir. L’ancien monde de
Swedenborg s’est fendu, déformé, puis écroulé. Un nouveau monde l’a
remplacé.
Swedenborg a consacré le reste de sa vie à étudier et cataloguer les mondes
spirituels qu’il avait découverts, avec la même rigueur qu’il avait
précédemment employée pour étudier le monde physique. Il a été le premier
scientifique moderne à traiter le paradis comme un endroit réel et à le
cartographier.
Cultivant un style « d’observation intérieure » par lequel il entrait dans une
sorte de transe méditative, Swedenborg a catalogué un vaste ensemble de
mondes sur lesquels il a fourni de nombreux détails. Ces écrits, souvent très
exotiques, l’ont mis en difficulté avec ses collègues scientifiques, ainsi
qu’avec les défenseurs d’un christianisme doctrinaire. Les mondes que
Swedenborg a explorés comportent des habitants, des arbres et des maisons. Il
a parlé avec des anges et des démons. Il a décrit, avec la précision d’un
météorologiste contemporain décrivant un front froid, les climats spirituels
des différents mondes qu’il a visités.
Chacun de ces mondes est déterminé par un facteur prédominant : la
quantité d’amour ou de haine présente en eux. Si vous êtes une personne
définie par l’amour, dit Swedenborg, vous parvenez dans l’une des
innombrables régions spirituelles qui forment ce qu’il comprend comme le
paradis. Si vous êtes définis par la haine, vous arrivez en enfer.
Swedenborg croyait à l’idée antique du microcosme – le fait que chacun de
nous est une sorte d’univers en miniature. Si nous regardons en nous de la
bonne manière, dit-il, nous ne trouverons pas seulement une carte du paradis,
mais le paradis lui-même. Toutes nos idées concernant ce qui est « externe »,
donc réel, et « interne », donc imaginaire, sont basées sur nos expériences
dans le domaine matériel, où la conscience passe par l’interface du cerveau, et
dans lequel nous nous déplaçons avec un corps physique dont nous avons fini
par croire qu’il représente notre identité complète. En réalité, ce que nous
éprouvons comme notre être « intérieur » n’est pas « à l’intérieur » de nous, et
quand quelqu’un comme Swedenborg déclare qu’il existe des mondes entiers
« en nous », il ne parle pas de notre capacité à imaginer des endroits irréels. Il
dit que l’Univers est un lieu spirituel plutôt que physique et que l’Univers
spirituel contient de nombreux mondes – « de nombreuses demeures »,
comme l’a dit Jésus – et ces mondes sont exactement cela : des mondes, avec
des nuages, des brises, des climats et des êtres. « Plus un homme s’abandonne
à Dieu, écrit la spécialiste de Swedenborg Ursula Groll, et déploie ce
“paradis” en lui, plus il s’approche de Dieu et plus il devient un homme, car il
détient une plus grande part de la conscience cosmique ou du tout
universel6. » En d’autres termes, cartographier le paradis était pour
Swedenborg non seulement une science légitime, mais c’était encore quelque
chose que nous devons faire afin d’être pleinement humains.

Le paradis n’est pas le « ciel extérieur visible », a écrit le mystique persan
Najmoddin Kobra, utilisant un langage merveilleux par son audacieuse
justesse. Il y a, disait-il, « d’autres cieux, plus profonds, plus subtils, plus
bleus, plus purs, plus brillants, innombrables et sans limites ». D’autres cieux,
vraiment ? Oui. Kobra le pense ainsi. Il ne parle pas de façon métaphorique.
Cependant ces lieux ne peuvent être pénétrés que par des personnes qui sont
accordées spirituellement à eux. Dans les univers au-delà du physique, on ne
peut pas simplement arpenter de nouveaux territoires et les conquérir. Nous
devons, au contraire, nous accorder à eux, nous harmoniser avec eux, sans
quoi ils nous resteront fermés. « Plus vous devenez purs à l’intérieur, a écrit
Kobra, plus pur et somptueux est le Ciel qui vous apparaît, jusqu’à ce que
vous marchiez finalement dans la divine pureté. Mais la pureté divine est
également sans limite. Ne croyez donc jamais qu’il n’y a rien au-delà de ce
que vous avez atteint, ni plus haut7. »
Je sais que les mystiques comme Kobra et les scientifiques mystiques
comme Swedenborg ont raison. Le paradis n’est pas une abstraction ; ce n’est
pas un paysage de rêve bâti à partir d’une pensée vide ou magique. C’est un
endroit aussi réel que la pièce, l’avion, la plage ou la bibliothèque où vous êtes
maintenant. Il contient des objets. Des arbres, des champs, des êtres, des
animaux… et même – si l’on se base sur l’Apocalypse, sur le visionnaire
persan du XIIe siècle Suhrawardi ou encore sur le philosophe arabe du
XIIe siècle Ibn’Arabi – de véritables cités. Mais les règles de fonctionnement
de ce lieu – les lois de la physique du paradis, si l’on veut – sont différentes
des nôtres. Toutefois, la règle essentielle dont nous devons nous souvenir tant
que nous sommes ici est que nous parvenons, au bout du compte, là où nous
devons aller, et que nous y sommes entraînés par la quantité d’amour que nous
avons en nous, car l’amour est l’essence même du paradis. C’est ce dont il est
fait. Il y est « monnaie courante ».

Nous ferions bien d’appliquer également ce principe dans nos vies terrestres
– de nous aimer vraiment nous-mêmes comme les êtres spirituels divins et
éternels que nous sommes, et de transmettre cet amour à nos semblables et à
toute la création. En servant de canal à l’amour inconditionnel du créateur
pour la création, en témoignant de la compassion et du pardon, nous apportons
une énergie guérisseuse de capacité infinie à tous les niveaux du domaine
matériel.
C’est aussi pourquoi la qualité principale qui nous est demandée, si nous
voulons avoir un aperçu de cet endroit pendant que nous sommes vivants sur
terre, ce n’est pas un grand intellect, ni beaucoup de malice, aussi utiles que
soient ces qualités. Ce qui nous est demandé, c’est l’honnêteté. La vérité peut
être approchée de milliers de façons. Mais parce que le semblable attire le
semblable, comme Platon l’a dit lui-même, ce dont nous avons besoin par-
dessus tout afin d’appréhender la vérité est d’être authentiques avec nous-
mêmes, et honnêtes quant à la bonté et la détermination qui sont à l’œuvre en
nous. Sur ce point, des voix aussi disparates que celles de Bouddha, Jésus ou
Einstein sont unanimes. Le semblable comprend le semblable. L’Univers est
basé sur l’amour, mais si nous n’avons pas d’amour en nous, l’Univers se
coupera de nous. Nous passerons nos vies à déclarer triomphalement que le
monde spirituel n’existe pas parce que nous aurons échoué à éveiller l’amour
en nous qui, à lui seul, peut nous rendre visible cette idée. Nul ne vient à la
vérité de façon malhonnête. On ne peut pas y venir en se racontant des
mensonges à soi-même ou aux autres. On ne peut pas y venir en donnant
seulement un éclat superficiel de soi-même, alors que son soi plus grand et
plus profond est laissé derrière. Si l’on veut tout voir du paradis, il faut y venir
tout entier, ou bien rester chez soi.

1 Lawrence LeShan, A New Science of the Paranormal (« Une nouvelle science du paranormal »,
non traduit en français).
2 Id.
3 Johann Wolfgang von Goethe, Le Serpent vert.
4 Blaise Pascal, Mémorial.
5 Gustav Fechner, The Religion of a Scientist (« La religion d’un scientifique », non traduit en
français).
6 Ursula Groll, Swedenborg and New Paradigm Science.
7 Cité par Henry Corbin, dans L’Homme de lumière dans le soufisme iranien.
4

Le Don de la Force

« Un jour, une tigresse attaqua un troupeau de chèvres. Alors qu’elle bondissait sur sa proie, elle
donna naissance à un petit et mourut. Le petit grandit en compagnie des chèvres. Les chèvres
mangeaient de l’herbe et le petit suivait leur exemple. Elles bêlaient, le petit bêlait aussi. Petit à
petit, il grandit jusqu’à devenir un tigre. Un jour, un autre tigre attaqua le même troupeau. Il fut
surpris de voir le tigre qui se nourrissait d’herbe. Courant après lui, le tigre sauvage finit par
l’attraper, et là-dessus le tigre qui mangeait de l’herbe se mit à bêler. Le tigre sauvage le traîna
jusqu’à l’eau et lui dit : “Regarde ton visage dans l’eau. Il est exactement comme le mien. Voici
un petit morceau de viande. Mange-le.” En disant cela, il lui enfonça de la viande dans la gueule.
Mais le tigre qui mangeait de l’herbe ne voulait pas l’avaler et il recommença à bêler. Cependant,
petit à petit, il prit goût au sang et en vint à savourer la viande. Le tigre sauvage lui dit alors :
“Tu vois maintenant, il n’y a aucune différence entre toi et moi.
Viens et suis-moi dans la forêt.” »
Sri Ramakrishna, sage hindou du XIXe siècle.

Quand j’étais enfant, j’adorais Superman – en particulier la série télévisée


en noir et blanc des années 1950 avec George Reeves. Comme beaucoup
d’enfants avec leur super-héros favori, je ne faisais pas qu’admirer le
Superman de Reeves, je m’identifiais à lui. À l’âge de 6 ou 7 ans, si j’entrais
dans une pièce, avec une serviette en guise de cape rentrée dans le col de mon
pyjama, où mes sœurs étaient occupées à autre chose et ne me remarquaient
pas immédiatement, je riais intérieurement. Ne comprenaient-elles pas qui
était là, parmi elles ?
Mais ce n’était pas seulement la force de Superman, sa capacité à voler ou
sa vision aux rayons X qui me plaisaient, même si c’était plutôt chouette.
C’était le fait que Superman venait d’ailleurs. Bien qu’il donnât correctement
le change en ayant l’air d’être comme le reste de l’humanité, Superman ne
venait pas de la Terre. Comme le tigre dans la parabole du sage hindou
Ramakrishna citée plus haut, il vivait dans un monde où il se devait d’être une
personne en particulier, alors qu’en réalité, il était tout autre chose.
Certes, je n’étais pas le seul gamin au monde à aimer Superman. J’avais
beaucoup d’amis à l’école qui étaient fans d’autres super-héros. Spiderman,
Iron Man, Hulk. Quand j’y repense cependant – et je note la résurgence de la
popularité de ces héros aujourd’hui –, je me rends compte que pratiquement
tous ces personnages avaient une identité secrète. Le monde pensait qu’ils
étaient une personne, alors qu’ils en étaient une autre.
« L’homme est un dieu en ruines », selon la formule célèbre de Ralph
Waldo Emerson dans son essai La Nature, et bien que cela résonne
négativement, il voulait dire exactement ce que dit la parabole de
Ramakrishna qui ouvre ce chapitre : nous sommes quelque chose de très grand
qui en est venu à croire par erreur qu’il était très petit. Quand nous
apprendrons à nous réévaluer de cette façon, nous deviendrons plus forts. Je
veux dire beaucoup plus forts.
Les psychologues de la fin du XIXe siècle ont fait une découverte très
intéressante : lorsque nous réprimons la vérité, nous en souffrons. Si nous
croyons profondément qu’une chose est réelle mais que nous agissons en
prétendant qu’elle ne l’est pas, cela crée un conflit ; et ce conflit, à son tour,
empêche les différentes parties de nous-mêmes de communiquer efficacement
entre elles. Certaines parties sont alors isolées, voire ignorées. Et plus elles
sont ignorées, plus nous sommes en colère – et frustrés. Un homme ne peut
pas servir deux maîtres, a dit Jésus, et une maison divisée ne tient pas. En
disant cela, Jésus n’a pas seulement déclaré l’une des plus grandes vérités
spirituelles, mais aussi l’un des plus grands principes psychologiques.
« Le croyant n’est pas seulement un homme qui voit, qui sait des choses que
l’incroyant ignore, a écrit le sociologue français Émile Durkheim : c’est un
homme qui peut davantage. Il sent en lui plus de force, soit pour supporter les
difficultés de l’existence, soit pour les conquérir. Comme s’il était élevé au-
dessus des misères du monde, car il est élevé au-dessus de sa simple condition
d’homme1. »

La foi déplace les montagnes. Mais on nous dit aujourd’hui que si la foi est
certainement utile d’un point de vue pragmatique, elle procède aussi d’une
certaine naïveté. Pourtant il nous faut réprimer notre côté réaliste,
aristotélicien, et favoriser notre côté intérieur, rêveur, platonicien. En résumé,
nous devons nous tromper nous-mêmes. La « science » a rendu impossible un
véritable optimisme quant à ce que nous sommes et l’endroit où nous allons.
C’est l’une des raisons pour lesquelles tant de lecteurs ayant une formation
scientifique ont été à ce point déconcertés par le titre La Preuve du Paradis.
« Vous ne pouvez tout simplement pas prouver une telle chose », ont-ils dit.
De façon intéressante, de nombreux lecteurs plutôt religieux étaient
d’accord avec ce point de vue. La foi, expliquent-ils, et les sujets de la foi – le
paradis, Dieu-amour – ne sont pas des thèmes que l’on peut prouver
expérimentalement. Le fait de considérer une question spirituelle et de tenter
de la démontrer par des méthodes seulement applicables à des situations
physiques – réduire des questions spirituelles élevées au statut d’un projet de
chimie – est prétentieux à l’extrême. Je suis d’accord. Les questions
spirituelles ne pourront jamais être prouvées ou réfutées en utilisant
l’approche scientifique classique, agressive, celle qui est née au XVIe siècle.
Mais qu’en est-il si nous abordons ces questions avec une autre approche
scientifique ? Une approche fondée non plus sur le fait de saisir mais
d’interroger ? Une approche que des scientifiques comme Pascal, Fechner,
Goethe ou Swedenborg auraient pu approuver ?
Je trouve intéressant de constater, comme pour ces scientifiques, que si
nous regardons la vie et les enseignements de la plupart des grands maîtres
spirituels, la connaissance et la foi ne sont jamais très éloignées. Il se trouve
que la foi est bien plus liée à la preuve qu’on ne le croit souvent. L’Épître aux
Hébreux, dans la formulation la plus simple et la plus signifiante de la foi de
toute la littérature, dit qu’elle est « l’assurance des choses qu’on espère, la
conviction de celles qu’on ne voit pas2 ».
Assurance, conviction3. Ces mots ont une curieuse résonance scientifique.
Le fait est que la science et la foi, les deux façons de connaître le monde qui
ont défini notre culture, sont bien plus liées que nous le pensons. Le concept
de la « foi » qui serait d’un côté et celui de la « science » qui serait de l’autre
est un fantasme. La connaissance humaine ne chemine pas selon des lignes
aussi nettes et distinctes, quoi qu’en disent les personnes à l’esprit net et
distinct. « Pour connaître, vous devez d’abord croire », a écrit saint Anselme
de Canterbury au XIe siècle. Il faisait écho à saint Augustin qui, près d’un
millénaire plus tôt, a déclaré : « Crois afin de comprendre. » Sans une foi
initiale dans le fait qu’il existe un ordre du monde que nous pouvons
connaître, la science ne peut découvrir la moindre chose sur la vraie nature de
l’Univers. La connaissance requiert donc bien la croyance, comme l’a suggéré
saint Anselme – une croyance fondée sur l’intégrité essentielle de l’ordre que
nous rencontrons « là-bas » dans l’Univers et « ici », en nous-mêmes. Pour
comprendre le monde, nous devons croire que le monde a du sens et qu’il est
ouvert à la possibilité d’être compris. Il s’agit là d’une composante de foi
inhérente à toute science.
C’est l’un des nombreux aspects intéressants de l’époque étrange et
enthousiasmante que nous vivons actuellement. Les progrès scientifiques – en
particulier en physique mais aussi dans des domaines comme celui de la
vision à distance, de la télépathie et de l’ordre supra-physique dont des
biologistes comme Rupert Sheldrake ont démontré qu’il était à l’œuvre
derrière la croissance et le comportement de plantes et d’organismes
animaux – ainsi que les éléments de preuves sans cesse croissants de la réalité
des expériences de mort imminente rapprochent toujours davantage la science
et les « choses non vues » dont parlait saint Paul.
À la base de tout cela se trouve la compréhension grandissante du fait
qu’aussi nombreuses que soient les façons d’approcher la vérité, il n’y en a
qu’une seule et non plusieurs. Et il s’agit de la vérité de l’ancien monde
spirituel avec laquelle nous étions en si bons termes avant que les controverses
dogmatiques de la religion et de la science ne viennent l’obscurcir. Le fait est
que nous pouvons prouver que le paradis existe. Le monde spirituel est réel et
les gens le rencontrent chaque jour. Vous l’avez certainement fait vous-même.
Et vous savez cela au plus profond de vous. Mais on vous a dit que ce dont
vous avez fait l’expérience n’est pas vraiment réel. C’est là l’héritage
controversé de génies tels que Newton et les autres pères de la révolution
scientifique. Mais ce qu’il y a de bon avec la science – la vraie science –, c’est
que lorsque quelque chose cloche, quand une théorie ne tient plus, la science
s’adapte ou l’abandonne. Que la science matérialiste l’apprécie ou non, c’est
ce qui en train de se produire maintenant.
Cher Dr Alexander,

En 1952, à l’âge de 8 ans, on m’a diagnostiqué un abcès cérébral.
Une opération a été réalisée et je suis ensuite restée dans le coma
pendant deux semaines. Au cours de cette période, je pense que j’ai
vécu une expérience de mort imminente. Quand je me suis réveillée,
ma mère était à mes côtés et je lui ai demandé pourquoi elle avait
l’air inquiète. Elle m’a expliqué à quel point j’avais été malade et je
lui ai dit qu’elle n’avait pas besoin de s’inquiéter car j’étais avec ma
tante Julie. Cette grand-tante était décédée récemment. Je me
rappelle très nettement m’être assise sur ses genoux et avoir été
réconfortée par elle. Oui, c’était peut-être un rêve mais je ne le pense
pas. Après tant d’années, c’est toujours aussi clair dans mon esprit.
J’ai pleinement récupéré et j’ai eu une bonne vie. Votre livre, La
Preuve du Paradis, m’a tellement rappelé mon histoire. Je devais vous
le dire.

Jane-Ann Rowley

Socrate, le maître de Platon, a fait preuve de courage – le courage qui vient


quand nous disons vraiment « oui » au paradis face aux hommes – lorsqu’il a
été condamné à mort par empoisonnement pour avoir corrompu la jeunesse
d’Athènes. Avec celle de Jésus, la mort de Socrate est l’une des plus
importantes dans l’histoire de l’Occident. La description par Platon de la
tranquillité héroïque – en fait surhumaine – avec laquelle Socrate a bu la ciguë
que lui ont administrée ses geôliers athéniens fait partie des scènes les plus
puissantes de la littérature. On ne peut mourir de cette façon, Platon le savait,
en vertu de sa seule force de caractère – bien que Socrate en fût certainement
doté. La suprême acceptation de Socrate face à la mort était le résultat de sa
connaissance de ce qu’était vraiment la mort : non pas une fin, mais un retour
en notre véritable demeure.
Au cœur de toutes les croyances spirituelles se trouve l’intuition que nous
ne sommes pas ce que nous pensons être. Que nous ne sommes pas
simplement des êtres faits de terre, destinés à aller et venir pendant un certain
temps, puis à disparaître. C’est à cette intuition, enfouie mais toujours prête à
être réactivée, que les traditions spirituelles du monde – et en particulier les
composantes initiatiques de ces traditions – cherchent inlassablement à nous
éveiller. Vous avez raison, disent les traditions spirituelles à travers leur riche
cortège de mythes et de scénarios initiatiques fabuleux. Vous n’êtes pas ce que
vous croyez être. Vous êtes quelque chose de bien plus grand. Mais afin de
devenir cet être plus grand, vous devrez mourir à la personne uniquement
terrestre que vous êtes maintenant. Vous devez également devenir une
personne céleste. Ces traditions nous demandent ce que mon instructeur m’a
demandé lors de mon tout premier saut en parachute.
Êtes-vous prêt ?

1 Émile Durkheim, Les Formes élémentaires de la vie religieuse.


2 Ou « démonstration intérieure », selon les versions (NdT).
3 Dans le Nouveau Testament, en anglais, evidence : « preuve » (NdT).
5

Le Don de l’Appartenance

« Je crois pour ma part que la preuve de Dieu réside avant tout dans les expériences personnelles
intérieures. »
William James.

Dans les années 1960, un biologiste marin britannique nommé Alister


Hardy, qui était alors principalement connu pour son travail sur la biologie du
Gulf Stream, a créé un centre pour étudier la composante « intérieure » des
êtres humains. Hardy considérait que cette composante n’avait pas été
correctement expliquée par la science du cerveau. Il pensait que l’esprit était
bien plus que le cerveau et il voulait savoir ce que les personnes ordinaires
pourraient avoir à dire à ce sujet.
Hardy et son équipe ont envoyé une série de questionnaires et récupéré plus
de trois mille récits de personnes qui avaient été en contact direct avec cette
dimension intérieure. Hardy était prêt à entendre quiconque avait une histoire
légitime à raconter, sa seule réserve étant qu’il s’intéressait à des gens
ordinaires ayant vécu une expérience réelle, et non à des sermons, des
discours ou des tentatives de les convaincre, lui et ses associés, de telle ou
telle vérité religieuse dogmatique. Hardy s’intéressait aux données et non à la
propagande. C’était un vrai scientifique, un chercheur de vérité. Il a
simplement choisi de la chercher là où la plupart de ses collègues scientifiques
pensaient qu’on ne pouvait pas la trouver.
Hardy n’a pas prétendu que le travail qu’il effectuait était scientifique en
termes de standards de laboratoire. Il savait que les récits qu’il recevrait ne
contiendraient rien qu’il ne puisse isoler dans un bécher ou mesurer sur une
échelle graduée. Mais selon Hardy, c’était sans importance. Cela pouvait tout
de même être réel. En osant se comporter ainsi, il suivait directement les pas
du philosophe et psychologue américain William James (1842-1910), le frère
du romancier Henry James. William James avait révolutionné l’exploration
scientifique des phénomènes spirituels avec son livre Les Formes multiples de
l’expérience religieuse publié en 1902. Dans cet ouvrage et dans d’autres,
James avait fait le premier la suggestion que bien qu’il soit impossible d’isoler
les expériences spirituelles pour les examiner en laboratoire, cela ne voulait
pas dire qu’elles n’étaient pas réelles.
Sans surprise puisqu’il était psychologue, James s’intéressait à ce que les
gens qui avaient vécu des expériences psychologiques inhabituelles avaient à
dire, et il entendait les prendre au sérieux. Non pas aveuglément et sans esprit
critique, non pas borné par un dogme religieux catégorique, mais en tant que
pièces du puzzle qui illustrent ce que nous sommes réellement. Son livre est
rempli de descriptions à la première personne d’expériences vécues aussi bien
par les plus grands mystiques – sainte Thérèse d’Avila, saint Jean de la
Croix – que par des gens ordinaires. James fut quasiment le seul à l’époque à
identifier que ces individus très différents avaient eu des expériences de la
dimension spirituelle étonnamment semblables, à la fois dans leurs contenus
et dans les effets qu’elles avaient produits sur eux. Contrairement aux autres
psychologues de son temps, James a vu dans ces expériences
psychologiques/spirituelles inhabituelles non pas des pathologies qu’il fallait
soigner, mais les évocations d’une vision plus large des possibilités humaines :
des suggestions de ce que les humains pourraient devenir. Le « mouvement du
potentiel humain », qui fut lancé sérieusement dans les années 1960, lui doit
son existence pour une grande part.
James a eu de nombreux détracteurs mais il n’en fut pas moins une figure
majeure de son temps. Toutefois, avec l’arrivée du XXe siècle et le tournant
agressif pris en faveur d’une psychologie empirique pure et dure – études de
rats dans des labyrinthes, dissections de cerveaux et autres quêtes à l’emporte-
pièce –, le genre d’exploration subtile dont James avait été le pionnier est
tombé en disgrâce. Qui pouvait s’intéresser à ce que des névrosés agités
avaient à raconter à propos de cieux qui s’ouvraient devant eux ou d’échanges
avec des esprits ? Tout cela relevait clairement de divagations.
Hardy a fait partie de la demi-douzaine d’esprits scientifiques courageux
qui, au milieu du XXe siècle, ont senti que la perspective ouverte par James
représentait le véritable futur de la psychologie et que ce serait une erreur
désastreuse de la perdre de vue. Hardy s’est particulièrement intéressé aux
expériences d’un visionnaire hollandais, Jakob Boehme (15751624). Un jour
qu’il regardait fixement un rayon du soleil se reflétant sur un plat en étain,
Boehme a eu une vision de la structure profonde du monde. Une expérience
du même type mais plus intense s’est produite quelques années plus tard, que
Boehme a décrite ainsi : « La porte s’est ouverte devant moi de sorte que j’ai
pu voir et apprendre en un quart d’heure plus que si j’avais fréquenté
l’université pendant de nombreuses années1. »

Boehme n’était pas un mystique rêveur reclus dans un monastère. Il était
cordonnier. Il n’y a guère plus terre à terre que de fabriquer des chaussures.
Comment un individu ancré dans la matérialité comme lui pouvait-il prétendre
en apprendre plus en quinze minutes qu’en plusieurs années à l’université ?
Il n’est certainement pas surprenant d’apprendre que les représentants
locaux de l’autorité religieuse ne furent guère enthousiastes quand Boehme a
commencé à écrire sur ce qui lui avait été révélé au cours de cette vision. La
religion dogmatique n’est pas très ouverte aux personnes qui ont un accès
direct aux mondes supérieurs. Mais il y a toujours eu des courants dans les
religions du monde qui sont ouverts à cette possibilité, ainsi que des courants
au sein de la science elle-même. Hardy avait noté que la vie d’une personne
moyenne, ordinaire, contient souvent ce genre de moment extraordinaire, mais
que ces personnes n’en parlent pas car elles pensent qu’elles ne seront pas
prises au sérieux. Il voulait aller au cœur de ce que sont ces domaines et il
était prêt à prendre au mot les personnes qui en avaient fait l’expérience. Ce
monde n’était pas vague et abstrait mais incroyablement puissant. Hardy a
écrit :
« À certains moments de leur vie, de nombreuses personnes ont eu des
expériences particulières, transcendantes, ressenties au plus profond de leur
être, qui les ont toutes rendues conscientes de la présence de cette puissance.
Lorsqu’elle survient, l’expérience est totalement différente de toute autre
expérience déjà vécue. Elles ne parlent pas nécessairement d’un sentiment
religieux, et l’expérience n’est pas seulement vécue par des personnes
appartenant à une institution religieuse ou qui se livrent à des pratiques
cultuelles. Elle est fréquemment vécue par des enfants, des athées et
agnostiques, et elle conduit généralement la personne à la conviction que le
monde dont nous faisons l’expérience au quotidien ne représente pas toute la
réalité : qu’il y a une autre dimension à la vie2. »

Des récits de ces expériences d’illumination – de même que toutes sortes
d’autres – ont afflué dans le bureau de Hardy. C’était comme si non seulement
de nombreuses personnes les avaient vécues mais qu’en plus, elles attendaient
qu’un interlocuteur de l’envergure de Hardy leur demande de les raconter.
Elles étaient à la fois soulagées et enchantées qu’un authentique scientifique
exprime enfin son intérêt envers ce qui leur était arrivé. Beaucoup d’entre
elles ont dit à Hardy ce que tant d’autres m’ont dit également : « Je n’ai jamais
raconté cela à personne auparavant. »

Cher Dr Alexander,

J’ai lu votre livre samedi en quatre heures. Une fois que je l’ai
commencé, je n’ai pas pu le reposer. Après avoir vécu cinquante ans
sans connaître l’expérience de la mort d’un proche, j’ai entamé une
période de deux ans au cours de laquelle j’ai perdu sept personnes
extrêmement proches de moi. Je me suis longtemps interrogée à
propos d’un événement qui s’est produit au cours du premier de ces
décès, celui de mon ex-belle-mère, Ann. Mon ex-mari se trouvait en
Afghanistan et tentait désespérément de rentrer pour être à ses côtés.
Il lui fallait quatre jours pour rentrer aux États-Unis. Puisqu’il n’y
avait pas d’autres membres de la famille – hormis mes filles mais
elles étaient encore jeunes –, nous avons décidé que j’irais près d’elle
au cas où elle décéderait avant son arrivée, et je me suis
immédiatement rendue à son chevet.
Elle était en train de mourir d’un emphysème et son esprit était
parfaitement clair malgré ses 82 ans. Elle ne pouvait parler que très
doucement et devait murmurer à mon oreille pour communiquer. Elle
m’a raconté beaucoup de choses à propos d’événements survenus de
nombreuses années auparavant.
Elle connaissait les prénoms de ses petites-filles. Elle savait que
son fils venait et elle savait qui j’étais. Nous avons passé le premier
jour à « renouer des liens », car dix années avaient passé depuis la
dernière fois où je l’avais vue. Elle m’a remercié d’être « la
personne » qui était présente à ses côtés à ce moment-là. Elle était
très préoccupée par ses cheveux et son apparence. Elle portait un
chapeau rouge quand je suis arrivée et même quand elle avait l’air de
dormir, elle le touchait pour s’assurer qu’il était bien en place sur sa
tête. Elle a fait cela au moins dix à quinze fois par jour tout le temps
que j’étais là. Par ailleurs, il semble qu’elle ait suivi ce que je sais
maintenant être le cours normal d’une mort se produisant en maison
de retraite. Elle avait cessé de manger, ensuite de boire, puis elle a eu
un dernier épisode hyperactif, etc.
Le jour de son décès, en milieu de matinée, elle m’a demandé
quand son fils arrivait. Je lui ai dit qu’il lui fallait encore deux jours
et il y a eu pendant un instant une expression d’angoisse sur son
visage. Cette expression disait qu’elle ne pourrait pas attendre aussi
longtemps. Elle m’a attirée près d’elle et m’a dit que sa mère et son
frère allaient l’emmener – ils étaient tous deux décédés – et qu’ils
voulaient qu’elle vienne. Sans savoir d’où venaient les mots que je
prononçais, je me suis penchée plus près et je lui ai murmuré que
s’ils voulaient l’emmener, elle devait y aller car tout comme elle
reverrait sa mère et son frère, elle allait aussi revoir son fils. Elle a eu
le sourire le plus paisible que j’aie jamais vu… Son sourire disait tant
de choses à la fois.
Mes filles sont venues cet après-midi-là et ont rempli sa chambre
de décorations de Noël ! Elle a eu ce même sourire en voyant le petit
sapin, le bonhomme de neige et les éclairages qu’elles avaient
apportés. Elles sont parties au bout d’un certain temps et je suis de
nouveau restée seule avec elle. Elle s’est endormie un moment et j’ai
fait de même. Je me suis réveillée vers 23 heures et je l’ai vue en train
de parler à quelqu’un au pied de son lit. J’étais assise à côté d’elle, à
hauteur de sa poitrine. Et il n’y avait personne. Elle a pris son
chapeau rouge comme si elle le tendait à quelqu’un, puis l’a ramené
vers elle comme à regret, et l’a tendu à nouveau et l’a lâché, de sorte
qu’il est tombé sur ses genoux. Elle a eu de nouveau ce même sourire,
s’est adossée et s’est endormie, alors j’ai fait de même en laissant le
chapeau sur ses genoux.
Je me suis réveillée de nouveau à 1 heure du matin et la première
chose que j’ai remarquée était que ses pieds étaient près de moi. Elle
était décédée et s’était retournée d’un côté à l’autre du lit. Son visage
avait une expression très « tourmentée ». Le chapeau avait disparu.
J’ai appelé une infirmière. Les infirmières ont immédiatement
commencé leur protocole et ont retiré ses vêtements, ses draps, etc.,
puis elles l’ont enveloppée dans un drap et remise sur le lit. Elles
m’ont donné des grands sacs plastique et m’ont dit de commencer à y
mettre ses affaires. C’est ce que j’ai fait, avec leur aide.
À 2 heures du matin, mon ex-mari a appelé. Je lui ai parlé pendant
quarante-cinq minutes. Nous avons décidé d’attendre et de prévenir
nos filles dans la matinée. Après avoir raccroché, je me suis retrouvée
dans le couloir avec les sacs remplis de ses affaires et j’ai vu qu’il
neigeait intensément. Vivant à trente minutes de là et en altitude, je ne
voulais pas tenter de rentrer à la maison. Mon mari était absent et je
ne voulais pas appeler une de mes filles car je ne voulais pas qu’elles
conduisent dans ces conditions non plus, alors je restai dans le
couloir en me sentant très seule, toujours un peu choquée et
engourdie, et me demandant quoi faire.
Le matin suivant, j’ai rassemblé les effets personnels de ma belle-
mère à la demande de son fils. Le chapeau rouge était introuvable.
J’ai pensé qu’il avait peut-être été enroulé dans les draps, alors j’ai
appelé les responsables de la résidence qui ont immédiatement
prévenu la lingerie car tout le monde connaissait l’existence du
chapeau rouge. Elle le portait tous les jours et même quand elle
dormait. Il n’a jamais été retrouvé.
J’ai continué à perdre des proches. L’un de mes plus chers amis est
mort dans un accident de moto peu de temps après. Puis mon père est
tombé malade. J’étais là quand il était en train de mourir. Nous
étions assis, lui et moi, devant sa maison quelques jours avant son
décès, et il m’a regardée très calmement et m’a dit : « Est-ce que tu
l’as vue ? » J’ai demandé : « Qui ça, papa ? » Et il m’a décrit une
femme qui venait juste de « passer » et m’a détaillé son apparence et
la façon dont elle était habillée ; j’ai su alors qu’il parlait de sa sœur
Natalie qui était morte quand il était jeune. Je l’avais vue en photo et
je savais qu’il parlait d’elle.
Alors j’ai demandé s’il avait vu son visage en espérant qu’il me
dirait son nom, mais au lieu de cela, il m’a regardée très
tranquillement en indiquant la porte d’entrée et a dit : « Non, mais
elle est entrée si tu veux y aller et la voir. » Ce soir-là, après que je
fus partie pour aller dormir, il a dit à ma mère que Natalie était là et
qu’elle reviendrait le lendemain « pour [l]’amener à l’église ». Il est
mort le jour suivant. Au cours des jours qui ont précédé son décès, il
regardait sans cesse le plafond et tendait les bras en disant :
« Waouh ! » comme s’il regardait la plus belle chose qu’il avait
jamais vue.
Ensuite, mon oncle Tony est mort. Puis ma belle-mère de l’époque.
Je n’étais pas présente dans les deux cas. Ensuite, ma tante Jane, qui
était comme une mère pour moi, est également décédée. Sa fille et
moi sommes restées près d’elle pratiquement chaque jour pendant
plusieurs semaines. Elle avait la maladie d’Alzheimer, de Parkinson
et deux types de cancer. Elle ne savait plus qui j’étais. Elle n’avait
pas reconnu son fils ni sa fille depuis près d’un an avant sa mort. Elle
ne se souvenait plus qu’elle était mariée à mon oncle Joe.
Le jour qui a précédé sa mort, sa fille et moi sommes venues la voir
dans sa chambre. Nous avons eu la surprise de la trouver habillée,
assise dans une chaise et souriante. Dès que nous sommes entrées
dans la chambre, elle a commencé à parler. Elle nous a dit que Mario
(mon père) et Tony (mon oncle) étaient venus et qu’ils allaient revenir
pour elle le lendemain. Les jours précédents, elle était incapable de
nous dire qui ils étaient lorsque nous lui montrions leurs photos. Puis
elle a passé les trois heures suivantes à parler sans s’arrêter. Elle
n’avait pas parlé autant depuis son arrivée plusieurs mois
auparavant. Elle avait l’esprit clair et nous a raconté des histoires de
sa vie qui étaient sensées. Elle nous a parlé de son mari Joe, dont elle
se souvenait de nouveau. Vers la fin de ces trois heures, elle nous a
laissées avec un message concernant nos futurs. Elle nous a dit que
nous serions toutes deux « OK », puis elle a demandé à aller se
coucher. Presque immédiatement, elle est redevenue brumeuse.
Finalement, nous sommes rentrées à la maison et nous avons discuté
de ce qui avait probablement été son « chant du cygne ».
Le matin suivant, nous avons été appelées juste après le réveil pour
nous dire de « venir immédiatement », et elle est décédée avant notre
arrivée. Quand je suis entrée dans la pièce, elle avait une telle
expression de paix sur le visage qu’on aurait presque dit qu’elle
souriait. Si différente de l’expression que j’avais vue chez ma belle-
mère.
Depuis que toutes ces morts sont survenues, des choses
« étranges » se produisent autour de moi. Certaines personnes
appellent cela des « signes » je ne sais pas comment les interpréter et
je n’en ai parlé à personne de peur qu’on pense que j’ai perdu
l’esprit. Plusieurs de ces signes m’ont, disons, « hantée ». Samedi
dernier, je suis entrée dans une boutique avec ma cousine pour
acheter une carte d’anniversaire. Alors qu’elle a tourné sur la droite
pour aller voir les cartes, j’ai continué tout droit et ne me suis pas
arrêtée jusqu’à ce que je tombe devant le rayon qui présentait votre
livre. Je ne sais pas pourquoi je suis allée là. J’ai pris votre livre et
celui d’à côté, Waking Up in Heaven, et j’ai lu les deux de bout en
bout. Je ne pense plus être folle. En lisant, j’étais emplie d’une paix
que je n’avais pas connue depuis longtemps. Tout prenait sens.
Je sais que c’est une très longue histoire et je vous demande de
m’excuser pour avoir pris autant de votre temps. Il fallait que je vous
dise que cette histoire a changé ma vie de bien des façons. Je ne sais
pas pourquoi je n’ai pas exploré plus tôt toutes ces choses
lorsqu’elles se produisaient ; je ne l’ai simplement pas fait. Je
craignais que les gens pensent que j’étais folle et j’ai tout gardé pour
moi. C’est différent de votre histoire, mais en lisant l’expérience de
votre amie médecin avec son père, j’ai trouvé une correspondance
avec la mienne. Je pense vraiment que quelque chose (ou quelqu’un)
m’a attirée vers votre histoire et continuera à le faire. Merci de la
partager et d’expliquer scientifiquement que ces choses peuvent se
produire et se produisent bel et bien. Que Dieu continue à vous bénir,
Eben Alexander ; vous resterez pour toujours dans mes prières.

Dans des lettres comme celle-ci – emplies d’une telle franchise –, j’entends
les personnes me raconter ce que tant de gens ont raconté à Hardy et à James
avant lui. De telles expériences sont difficiles à décrire, pas seulement parce
que la personne s’inquiète de ce que les autres vont penser, mais aussi parce
qu’elles sont difficiles à mettre en mots. Aussi ardu que cela soit, ces
personnes ont tout de même trouvé les mots et les ont écrits. Beaucoup ont
précisé à Hardy – tout comme elles me l’ont dit – qu’elles devaient
absolument le faire. Une personne a ainsi expliqué à Hardy :

« J’ai décidé d’écrire après avoir gardé mon expérience pour moi pendant
quarante ans. J’avais 16 ans et j’appréciais les promenades solitaires autour
de mon village. Un soir, je suis sortie seule comme d’habitude pour me
promener sur un chemin en direction du bois. Je ne me sentais pas
particulièrement heureuse ni triste, juste ordinaire. Je ne « cherchais »
certainement rien en particulier, juste à faire une promenade pour être
tranquille. C’était au mois d’août je pense, car le maïs était mûr et je ne
portais qu’une robe d’été et des sandales. J’étais presque arrivée au bois
quand je me suis arrêtée, je me suis tournée vers le champ de maïs et j’ai
avancé de deux ou trois pas pour pouvoir toucher les épis et les regarder se
balancer dans la brise légère. J’ai regardé au bout du champ – il y avait alors
une haie – puis au-delà, vers des petits arbres en direction du village. Le
soleil était haut sur ma gauche ; je ne l’avais pas dans les yeux.
Alors… Il a dû y avoir un blanc. Je ne saurai jamais pendant combien de
temps car je ne redevins consciente et ne retrouvai toutes mes facultés qu’une
fois sortie de cet état. Tout autour de moi était dans une lumière blanche,
brillante, comme le soleil sur la neige glacée, comme des millions de
diamants, et il n’y avait plus de champ de maïs, plus d’arbres, plus de ciel,
cette lumière était partout ; mes yeux physiques étaient ouverts, mais je ne
voyais plus à travers eux. Je pense que ça n’a duré qu’un instant, sans quoi je
me serais évanouie. Le sentiment était indescriptible mais je n’ai rien ressenti
dans les années qui ont suivi qui puisse être comparé à ce glorieux moment ;
c’était un moment merveilleux, édifiant, j’étais totalement béate.
Alors la cime des arbres est devenue visible à nouveau, puis un morceau de
ciel, et peu à peu cette lumière s’est dissipée, et le champ de maïs s’étendait
devant moi. Je suis restée là pendant longtemps, essayant de faire revenir
cette sensation, et j’ai essayé à de nombreuses reprises depuis, mais ça n’est
arrivé qu’une seule fois ; je sais cependant dans mon cœur que c’est toujours
là – et ici – et partout autour de nous. J’ai eu cette expérience merveilleuse
qui m’a apporté du bonheur au-delà de toute comparaison. Nous voyons Dieu
dans le miracle de la vie, dans les arbres, les fleurs et les oiseaux – je souris
quand j’entends parler de Dieu comme d’un homme, courroucé ou ce genre de
choses. Je sais que j’ai vu et senti, et suis humblement reconnaissante pour ce
rocher intérieur auquel je m’agrippe.
Je l’ai écrit, mais je ne l’ai jamais raconté à personne3. »
De nombreuses et tout aussi fugaces expériences rapportées à Hardy eurent
toutefois le même pouvoir transformateur. Une autre femme a écrit :

« Mon mari est décédé le 6 septembre 1968, et pendant l’année qui a suivi
j’étais extrêmement déprimée et rien, absolument rien, ne pouvait me
consoler. Un matin, alors que j’étais dans mon bain, trop déprimée pour
penser à quoi que ce soit, est apparue tout à coup dans mon esprit une forme
dorée brillante, comme je n’en avais jamais vue, et à sa base se trouvait un
petit point noir de la taille d’une tête d’épingle. Pendant quelques secondes
j’ai eu très peur, jusqu’à ce que je comprenne que c’était mon mari. J’ai crié
pour l’appeler et immédiatement la forme dorée brillante a commencé à
disparaître lentement et je ne l’ai jamais revue. C’est tout ce qui s’est produit,
mais cela m’a laissée dans un état de grande paix d’esprit et avec la
conviction que tout est bien. Je pense également que ma foi est devenue bien
plus forte à la suite de cette expérience4. »

Une fois que vous avez eu un aperçu des mondes supérieurs, ainsi que le
sens de l’appartenance profonde qu’ils inspirent et que tant de choses dans la
vie nous amènent à oublier, toutes sortes d’expériences peuvent vous remettre
en contact avec ce ressenti. Le fait est que de nombreuses choses que nous
aimons faire, sans être capables d’expliquer précisément pourquoi nous les
aimons, nous amènent à nous sentir bien justement parce qu’elles nous relient
à ce monde. Je ne pratique pas le surf, contrairement à mes deux fils. J’ai vu
des gens surfer et entendu des surfeurs parler, et je sais qu’une part de la
magie de ce sport vient de ce qu’il nous reconnecte puissamment aux mondes
au-delà de celui-ci : un domaine dans lequel il y a tellement plus de
mouvement, tellement plus de vie et de sensations disponibles. J’adore skier,
et si vous avez déjà skié, vous connaissez cette sensation que l’on ressent
lorsque l’on attaque une pente raide. Une part très profonde de vous se
réveille. C’est physique, mais c’est plus que physique.
Inutile de dire que cela s’applique encore bien davantage à ce que je
ressentais en pratiquant la chute libre. Je vois désormais ma passion de
jeunesse pour ce sport comme le meilleur indicateur de mon envie de paradis,
même si à l’époque, je ne l’aurais certainement pas qualifiée ainsi. Il y a un
mot qu’utilisent les athlètes – et, ce n’est pas un hasard, les usagers de
drogues – qui est très signifiant dans ce contexte : la « montée » (rush).
En tant que médecin, je sais que lorsque le corps est stimulé naturellement
ou artificiellement, des choses très particulières se produisent dans le cerveau.
Toute expérience du plaisir dans le corps est visible à travers l’activité
neuronale du cerveau, et la « montée » que l’on ressent lorsque l’on se jette
d’un avion ou que l’on prend une drogue puissante agit essentiellement sur les
mêmes centres dans le cerveau.
L’erreur serait ici de considérer cette activité neuronale et de chercher à
expliquer l’ensemble de notre expérience consciente à travers elle. Nous
faisons l’expérience de la vie à travers le cerveau tant que nous sommes dans
notre corps. Le cerveau est le centre de commutation entre « ici » – le corps –
et « là » – les vastes mondes au-delà du corps. Mais cela ne signifie pas que le
cerveau est la cause de l’expérience consciente. Ce qui se passe est bien plus
complexe. Un va-et-vient constant se produit entre notre cerveau et notre
conscience, et le cerveau tente vaillamment de nous garder en vie et hors de
danger en conservant le contrôle total, sans se laisser distraire par l’apport de
données bien réel qui provient d’au-delà le monde physique. Lorsqu’une
personne cherche à se sentir bien en consommant une drogue, elle atteint un
certain degré de relâchement du contrôle que le cerveau, obsédé par les
données relatives à notre survie, exerce sur nous. La montée que ressent cette
personne et celle ressentie par un surfeur ou un parachutiste sont toutes deux
des échappées, hors de l’étreinte du corps. Le problème avec l’usager de
stupéfiants est que cette façon d’obtenir ce relâchement est une forme de
tricherie. Le cerveau est forcé d’abandonner son contrôle sur la conscience, et
lorsque la drogue cesse de produire son effet, la personne retombe plus
profondément dans l’incarnation. Elle heurte violemment le sol, et à chaque
nouveau départ et retour qu’elle effectue de cette façon, elle abîme à la fois
son âme et son corps – en plus d’affaiblir ses chances d’être éventuellement
capable d’atteindre ce relâchement naturellement. Toutes les montées prennent
fin, ici, sur Terre. Mais ce n’est pas le cas « là-haut ». Là-haut, le ressenti est
constant. Une montée constante sur Terre se transformerait vite en cauchemar.
Dès lors, imaginer ce type de ressenti depuis notre perspective est, de
nouveau, quasi impossible. Mais cela ne veut pas dire que ce n’est pas réel.
De nombreux récits rassemblés par Hardy étaient des souvenirs
d’expériences qui s’étaient produites dans l’enfance – parfois six ou sept
décennies plus tôt. Mais pour les témoins, ce souvenir était aussi frais que si
l’expérience s’était produite quelques jours auparavant.
Ceci en soi est très suggestif. Enfants, beaucoup d’entre nous étaient
parfaitement à l’aise avec l’idée qu’il existe une réalité invisible. Nous nous
déplacions parmi des choses invisibles, tout en négociant avec le monde le
plus souvent beaucoup moins intéressant de la réalité des adultes. Mais nous
n’étions pas dupes. Tout comme moi avec ma cape de Superman, nous savions
fort bien quel monde était le plus important. Puis, pour beaucoup de gens, de
façon intéressante, autour de l’âge de 7 ou 8 ans, le lien s’est rompu, et dès
lors, jour après jour, les règles du monde « adulte » ont pris le dessus. Le
poète écossais Edwin Muir (1887-1959) a écrit :

« Un enfant a une image de l’existence humaine qui lui est propre et dont il
ne souvient probablement jamais une fois qu’il l’a perdue : la vision originelle
du monde. Je pense à cette image ou vision comme celle d’un état dans lequel
la Terre, les maisons sur la Terre et la vie de tout être humain sont reliées au
ciel qui les surplombe ; comme si le ciel était encastré dans la Terre et la
Terre dans le ciel. Certains rêves me convainquent qu’un enfant a cette vision,
dans laquelle il existe une harmonie de toutes les choses entre elles plus
complète qu’il ne la connaîtra plus jamais5. »

L’enfance est un temps où la Terre et le ciel sont encore essentiellement
unifiés. Plus tard, à mesure que nous grandissons, ils se séparent – un peu,
voire beaucoup. Toutefois il nous reste des évocations, des suggestions – et
parfois plus – que le ciel est réellement toujours à portée de main.
« C’était comme si quelque chose m’avait dit : “Ne t’autorise jamais à
remettre cela en question”, rapporte Edward Robinson, associé de Hardy,
citant un témoin qui décrivait un moment d’éveil spirituel pendant l’enfance.
Et je savais que je ne le devais pas ; je savais que c’était la chose la plus
réelle qui me soit jamais arrivée6. »

Robinson cite une autre personne dans son livre sur les expériences
spirituelles survenues dans l’enfance, qui déclare : « Si c’était une
hallucination, pourquoi est-ce que je m’en souviens comme l’expérience la
plus réelle et la plus vivante que j’aie jamais eue ? C’était comme toucher un
fil sous tension en cherchant à tâtons une allumette7. »

Ainsi que l’ont suggéré des auteurs comme le psychologue William James,
le chercheur Frederic W. H. Myers à la fin du XIXe siècle et l’écrivain Aldous
Huxley au milieu du XXe siècle, il existe de fortes présomptions du fait que le
cerveau agit comme une sorte de « valve de réduction » pour la conscience.
C’est-à-dire que nous en savons plus quand nous sommes « hors » du cerveau
que quand nous sommes « dedans ». Un autre témoin a rapporté à Hardy :

« Je pense que depuis mon enfance, j’ai toujours eu le sentiment que la
vraie réalité ne se trouve pas dans le monde, tel que l’individu moyen le voit.
Il semble qu’il y ait une force continue à l’œuvre à l’intérieur qui essaie de
trouver son passage jusqu’à la surface de la conscience. L’esprit tente
constamment de créer un symbole suffisamment vaste pour la contenir, mais
cela finit toujours par échouer. Il y a des moments de pure joie accompagnés
d’une conscience élargie de son environnement, comme si une grande vérité
avait traversé… On a parfois le sentiment que le cerveau n’est pas assez
grand pour la laisser passer8. »

À ceux qui sont toujours séduits par la notion simpliste selon laquelle « le
cerveau crée la conscience » – ceux qui peuvent être gênés quand je raconte
que la destruction de mon néocortex a largement agrandi ma conscience –, je
voudrais rappeler deux phénomènes cliniques fréquemment observés, qui
défient ce modèle simpliste du cerveau-qui-crée-la conscience : 1) la lucidité
terminale, au cours de laquelle des patients âgés atteints de démence et en fin
de vie manifestent souvent de surprenants oasis de cognition, mémoire,
discernement et réflexion alors qu’ils approchent de la mort, souvent lors de
périodes où ils sont pleinement conscients de la présence d’âmes désincarnées
qui sont là pour les escorter jusqu’au domaine spirituel ; et 2) le syndrome
savant acquis, dans lequel certaines formes de dommages cérébraux – par
exemple dans des cas d’autisme, de traumatisme crânien ou d’accident
vasculaire – permettent des capacités mentales surhumaines comme le calcul
prodige, l’intuition, le talent musical spontané ou bien la parfaite mémoire des
nombres, des noms, des dates ou des scènes visuelles. Il n’existe aucune
explication dans le cadre de nos considérations neuroscientifiques simplistes
du cerveau pour rendre compte de telles observations extraordinaires.
En examinant plus en profondeur le mystère de mon voyage, j’en suis venu
à me rendre compte que notre propre conscience est la seule chose dont
chacun de nous connaît réellement l’existence. Les neurosciences que j’ai
étudiées pendant des décennies nous rappellent que tout ce dont nous avons
fait l’expérience, depuis même avant notre naissance, n’est rien de plus que
l’activité électrochimique – la fréquence, la vibration – d’une centaine de
milliards de neurones qui interagissent dans une masse gélatineuse ultra-
complexe de 1,5 kg que nous connaissons en tant que cerveau humain.
Aujourd’hui, le centre nerveux de la recherche scientifique sur la
conscience est la Division of Peceptual Studies ou DOPS (Division des
recherches perceptuelles) de l’université de Virginie, où les chercheurs Ed
Kelly et Emily Williams Kelly, Bruce Greyson et d’autres œuvrent à remettre
au jour le travail colossal effectué par des érudits comme Myers et James au
tournant du XIXe siècle, afin de le rendre à nouveau accessible au public. Je
vous suggère, si une chose dans ce modeste livre vous interpelle et que vous
désirez aller plus loin, de vous pencher sur leur étude massive mais
transformatrice, intitulée Irreducible Mind. Toward a Psychology for the
Twenty-First Century9. C’est un livre épais et dense car le groupe DOPS est
composé de scientifiques qui ont voulu répondre en détail aux objections
classiques à l’idée que la conscience pourrait survivre à la mort du cerveau.
En tant qu’êtres humains, nous avons un potentiel qui dépasse
l’imagination. Nous commençons à peine à comprendre qui et ce que nous
sommes réellement. Notre corps renferme d’innombrables indices de la nature
véritable des êtres cosmiques que nous sommes à l’état naissant. Quand tout
fonctionne en harmonie, le corps n’est pas uniquement une ancre qui obscurcit
nos réalités spirituelles, il est aussi un outil pour exprimer ces capacités dans
notre réalité terrestre. C’est aussi le cas du cerveau, comme nous le voyons
avec les histoires d’enfants prodiges et de génies. Ne vous y trompez pas : il y
a une raison pour laquelle nous sommes des êtres spirituels qui font une
expérience terrestre. Nous sommes ici pour apprendre, mais nous apportons
avec nous pour accomplir cet apprentissage des outils bien plus grands que
nous le pensons habituellement. Notre odyssée dans la matière n’est pas
simplement un test et ce n’est certainement pas une punition. Elle est plutôt
comme un chapitre dans le déploiement, l’évolution du cosmos lui-même : car
nous sommes l’une des plus grandes expériences de Dieu et nous portons les
espoirs de la divinité à un degré qui se situe infiniment au-delà de notre
capacité à l’imaginer.
Les personnes qui ont répondu à Hardy il y a trente ans et celles que je
rencontre et à qui je parle tous les jours disent la même chose. C’est cette
même histoire vraie qui lutte pour revenir vers nous. La réalité du paradis, et
notre place en son sein, est en train de briser les murs du déni que nous avons
construits au cours des derniers siècles, et nous entendons à nouveau son
message : nous sommes aimés. Nous sommes considérés. Nous sommes
reliés.

« Il y avait cet autre sentiment qui me submergeait, que je ne peux pas
qualifier aujourd’hui autrement qu’en parlant d’une sorte d’inspiration. Dans
le même temps, je me souviens seulement de ce sentiment comme d’une réalité
et d’une connaissance intenses, une impression de voir et de savoir réellement
comment sont les choses derrière les apparences. Dans ces moments de
connaissance, je ne voyais pas de couleurs vibrantes, je ne me sentais pas
démesurément grand et n’entendais pas de bourdonnements intérieurs ; je
voyais plutôt le monde ordinaire très clairement et de façon infiniment
détaillée, et je savais que tout était relié10. »

Le témoin qui a écrit cette description pour Hardy n’était probablement pas
un scientifique. Mais ce dont parle cette personne est très proche de ce dont
parlent les scientifiques contemporains lorsqu’ils nous disent qu’au plan
physique il n’y a pas de séparation ultime entre quoi que ce soit. La
séparation, au niveau fondamental, n’existe pas dans l’Univers, et c’est le cas
selon que l’on envisage les choses avec une perspective scientifique ou
psychologique, ou les deux. L’expérience de cette connexion, lorsqu’elle
survient, est surpuissante. Mais elle se brise facilement. Un autre témoin a
écrit à Hardy :

« En grandissant, j’étais de plus en plus perplexe à mesure que je me
rendais compte que beaucoup de gens vivaient dans un monde très différent
du mien. Ils pouvaient tuer des êtres sans ciller, ils pouvaient dormir sans
rêver, ou rêver sans couleurs. Ils étaient apparemment toujours capables de se
sentir à l’intérieur de leur peau, et les choses qu’ils voyaient, entendaient et
sentaient semblaient relever de réalités séparées et distinctes d’eux-mêmes. Le
monde objectif semblait réel à la plupart des gens, et le monde subjectif irréel
ou inexistant11. »

Les cérémonies initiatiques de nombreux peuples traditionnels
interviennent autour de la période où le temps de « l’innocence » de l’enfance,
temps de liaison simple et directe avec le monde spirituel, prend fin. Lorsque
nous perdons ce lien originel avec l’enfance, cette intuition de l’appartenance,
la religion a pour rôle de nous aider à le retrouver et à le conserver. Les
sociétés traditionnelles, conscientes de la proximité forte que les enfants ont
avec le versant spirituel de l’Univers, savaient précisément quand procéder
afin d’aider l’adulte en devenir à codifier la connaissance du ciel qu’il ou elle
avait naturellement eue dans l’enfance, et à ne jamais la perdre.

« Lorsqu’il est demandé de caractériser la vie de la religion dans le sens le plus large et selon les
termes les plus généraux possibles, on pourrait dire qu’elle consiste en la croyance qu’il existe un
ordre invisible et que notre bien suprême réside dans le fait de s’ajuster harmonieusement à celui-
ci. »
William James, Les Formes multiples de l’expérience religieuse.

Bien évidemment, c’est ce que les religions devraient aujourd’hui faire


également. Pourtant, il est à la fois triste et fascinant de constater qu’un enfant
d’une tribu de la forêt amazonienne vivant il y a six cents ans disposait des
outils dont il avait besoin pour naviguer dans le monde matériel tout en restant
relié au monde spirituel, alors que nos enfants n’en disposent le plus souvent
pas. Il ne s’agit aucunement de dénigrer le christianisme ou les autres
traditions religieuses. Il s’agit de dire que ces approches doivent se rejoindre
et rejoindre la science pour créer une nouvelle vision, qui englobera la science
et la religion, et qui enseignera à nos enfants les voies justes pour rester en
contact avec le monde spirituel. Il nous faut devenir une culture qui, comme
tant de celles qui nous ont précédés, montre à tous ses membres comment ne
pas lâcher le fil d’or tout au long de sa vie12.
Thomas Traherne, un homme d’Église du XVIIe siècle dont les écrits ont été
découverts par hasard à la fin du XIXe siècle, a déclaré « Vous n’appréciez
jamais pleinement le monde tant que la mer elle-même ne coule dans vos
veines ; tant que vous n’êtes vêtus des cieux et couronnés des étoiles ; et ne
vous percevez vous-mêmes comme l’héritier unique du monde entier, et plus
encore, car tous les hommes qui y vivent sont ses héritiers uniques comme
vous l’êtes. » Héritiers : le mot parfait. Selon une perspective matérielle,
comme nous l’avons déjà noté, nous sommes des êtres cosmiques. L’océan
coule littéralement dans nos veines, car le sang est pratiquement identique à
l’eau salée à partir de laquelle nos corps d’animaux se sont développés.
De même, les atomes de calcium qui composent nos os et les atomes de
carbone qui constituent 18 % de notre corps ont été forgés il y a des milliards
d’années dans le cœur des anciennes étoiles ; des étoiles qui, en s’effondrant
en naines blanches puis en explosant en supernovas, ont répandu ces atomes
dans notre Univers, où ils se sont finalement conjugués avec d’autres éléments
complexes pour former des planètes comme la nôtre, de même que le corps de
tous les être vivants qui vivent et se déplacent sur notre planète. Mais nous
sommes aussi des êtres spirituels : les héritiers du paradis. Notre héritage
matériel et notre héritage spirituel ne sont pas séparés mais tressés ensemble,
comme les serpents jumeaux enroulés autour du caducée. D’un point de vue
« extérieur », aristotélicien, nous sommes « faits » de la terre. Mais d’un point
de vue intérieur, platonicien et initiatique, nous sommes faits de la glaise
céleste – de ce que les mystiques persans du XIIe siècle appelaient « la terre du
ciel ». Nous appartenons aux deux mondes.
1 Cité dans Richard Bucke, La Conscience cosmique.
2 Alister Hardy, The Spiritual Nature of Man (« La nature spirituelle de l’homme », non traduit en
français).
3 Cité dans Meg Maxwell et Verena Tschudin, Seeing the Invisible (« Voir l’invisible », non
traduit en français).
4 Cité par Alister Hardy, dans The Spiritual Nature of Man.
5 Cité par Edward Robinson, dans The Original Vision.
6 Id.
7 Id.
8 Id.
9 Irreducible Mind. Toward a Psychology for the Twenty-First Century (« Esprit irréductible. Vers
une psychologie pour le XXIe siècle », non traduit en français).
10 Cité par Edward Robinson, dans The Original Vision.
11 Id.
12 C’est l’une des raisons pour lesquelles je me suis tant attaché, en particulier via mon travail
avec Sacred Acoustics, à développer des formes d’exercices spirituels que tout le monde aujourd’hui
peut pratiquer, et peut-être en particulier les plus jeunes. Voir l’appendice.
6

Le Don de la Joie

« C’est dans les moments de grandes joies que notre être véritable est le plus visible. »
Medhananda, mystique hindou allemand du XXe siècle.

Les mondes au-delà de celui-ci sont remplis d’émotion, d’une chaleur qui
est plus qu’uniquement physique, et d’autres qualités qui sont au-delà de ma
capacité à les décrire. Mais je peux vous dire ceci : j’étais prêt pour eux. Bien
qu’ils m’aient frappé de leur éblouissante nouveauté et originalité, ils
m’étaient aussi, paradoxalement, familiers. Je les avais connus auparavant.
Non pas en tant qu’Eben Alexander, mais en tant que l’être spirituel que
j’étais bien avant que cet être incarné particulier ne survienne et que je
redeviendrai quand les éléments terrestres qui composent actuellement mon
corps physique auront suivi leur chemin respectif.
Les mondes de l’au-delà ne sont pas abscons ou vagues. Ils sont
profondément et âprement vivants, et aussi abstraits qu’un cornet de poulet
frit, un éclat de lumière sur le capot d’une voiture de course ou votre premier
amour. C’est pourquoi les descriptions du paradis rapportées par des
personnes comme Swedenborg peuvent sembler insensées. Je sais
pertinemment combien mon propre récit peut sembler fou et je compatis avec
ceux qui ont du mal à l’accepter. Comme beaucoup de choses dans la vie, cela
peut sembler nébuleux jusqu’à ce que vous le voyiez vous-même.
Il y a des arbres dans les mondes au-delà de celui-ci. Il y a des champs, des
animaux et des gens. Il y a de l’eau aussi, et en abondance. Elle coule en
rivières et tombe en pluie. Des brumes s’élèvent au-dessus de la surface
vibrante de ces étendues d’eau, dans lesquelles nagent des poissons. De vrais
poissons. Aussi réels que tous ceux que vous avez vus, et même bien plus
encore. Les étendues d’eau sont comme l’eau sur Terre. Et cependant ce n’est
pas de l’eau terrestre. Pour le dire d’une façon dont je sais qu’elle échoue à
rendre compte de sa vraie nature, c’est davantage que de l’eau terrestre. C’est
une eau qui est plus proche de sa source, tout comme l’eau en amont d’une
rivière sinueuse est plus proche de la source dont elle émerge. C’est une eau
qui est profondément familière – de sorte qu’en la voyant vous prenez
conscience que les plus belles étendues d’eau que vous avez vues sur Terre
vous semblaient belles justement parce qu’elles vous rappelaient cette « eau
de là ». C’est une eau vivante, à la façon dont tout vit là-haut, et elle vous
attire au point que votre regard veut y voyager, de plus en plus profondément,
encore et encore, pour toujours. En comparaison, toutes les étendues d’eau
terrestres que j’ai pu voir, des plages de Caroline aux rivières de l’Ouest,
étaient comme des versions inférieures, comme des petites sœurs de ce que je
savais au plus profond de moi être l’eau véritable.
Je ne dénigre pas les océans, les rivières, les lacs, les orages et toute autre
forme d’eau que j’ai vue et appréciée sur cette Terre. Je veux seulement dire
que je vois ces eaux selon une nouvelle perspective, tout comme je vois les
beautés naturelles de la Terre d’un œil nouveau. En résumé, lorsque nous nous
élevons, tout est toujours là. Mais tout est simplement plus réel. Moins dense
et cependant plus intense – plus présent. Les objets, les paysages, les
personnes et animaux sont éclatants de vie et de couleur. Le monde de l’au-
delà est vaste, bigarré, rempli d’habitants et infiniment plus différent d’un
endroit à l’autre que celui-ci. Dans cette grande variété cependant, il n’existe
pas le sens de l’altérité qui caractérise notre monde, et selon lequel chaque
chose est seulement elle-même et n’a pas de relation directe avec ce qui
l’entoure. Rien n’y est isolé. Rien n’est étranger. Rien n’est déconnecté. Tout
fait un, sans que cette unité ne suggère en aucune façon l’homogénéité, c’est-
à-dire l’écrasement de toute chose. L’écrivain C. S. Lewis a exprimé cette idée
de façon merveilleuse en disant que l’unité de Dieu ne devrait pas évoquer
dans notre esprit « une sorte de gros pudding au tapioca insipide ». Il ne s’agit
pas de ce genre d’unité.
Voir ce monde ne serait-ce qu’un instant, c’est avoir le cœur brisé par le
souvenir intrusif de sa réalité. Mais c’est aussi avoir le cœur guéri par le
souvenir de l’endroit d’où nous venons, de ce que nous sommes et de l’endroit
où nous retournerons un jour. Vous avez entraperçu le monde hors de la
caverne et tout a changé, pour toujours.
Le concept d’ultraréalité, fréquemment mentionné dans les descriptions
d’EMI, est ici central. Comme je l’ai raconté à mon fils aîné Eben IV, alors
étudiant en neurosciences, lorsque je suis sorti de l’hôpital : « Tout était bien
plus réel que la réalité ! » Sachant qu’à chaque fois que l’on convoque un
souvenir, on risque de le modifier, il m’avait recommandé d’écrire tout ce
dont je pouvais me rappeler à propos de l’odyssée de mon coma avant de lire
quoi que ce soit sur les expériences de mort imminente, la physique ou la
cosmologie. Quelque huit semaines plus tard, après avoir écrit plus de deux
mille mots, je me suis plongé dans la littérature sur les EMI. Je fus stupéfait
de constater que plus de la moitié des témoins rapportent que le monde dont
ils ont fait l’expérience est bien plus réel que celui-ci. C’est une idée difficile à
faire passer auprès des matérialistes sceptiques qui ont enfoui profondément
leurs souvenirs de ce monde, mais elle est très facile à partager avec ceux qui
sont allés là – la discussion transcende souvent les mots même, qui peuvent
être si restrictifs dans nos échanges sur ces domaines non terrestres compte
tenu des limites mêmes de notre langage.
Une propriété curieuse des souvenirs de ces EMI transcendantes profondes,
en plus de leur nature remarquablement ultra-réelle, est d’être durable et
transformatrice. Ces souvenirs ne s’évanouissent pas comme ceux qui
dépendent du cerveau. Certaines personnes sont venues me voir après des
conférences et m’ont raconté en détail des EMI qu’elles avaient vécues plus
de sept décennies auparavant, comme si c’était arrivé la veille. D’autres
lectures, non seulement sur les EMI mais aussi sur l’après-vie, ainsi que des
écrits de mystiques et de prophètes remontant à des milliers d’années ont
éclairé les profondes similarités qui existent entre toutes ces expériences. Tant
de personnes essaient de décrire la même présence stupéfiante, infiniment
aimante, qui se trouve au cœur de tout être. Certains sceptiques ne voient pas
la forêt derrière l’arbre – ils se perdent dans les détails et passent beaucoup de
temps à comparer les différences afin de réfuter tout cela, échouant à voir la
vérité plus profonde qui réside dans les traits communs à travers les cultures,
les croyances, les continents et les millénaires.
Ce domaine est bien plus réel que notre monde matériel obscur et quasi
onirique. Le voile qui selon moi se trouve entre les deux est judicieusement
conçu par une intelligence infiniment plus grande que la nôtre, et il est là pour
une bonne raison. Je pense que ce domaine terrestre est l’endroit où nous
devons apprendre les leçons de l’amour inconditionnel, de la compassion, du
pardon et de l’acceptation. La connaissance de notre nature spirituelle
éternelle n’est pas censée être aussi claire pour nous que la Lune s’élevant la
nuit dans le ciel. Notre capacité à pleinement comprendre les leçons les plus
importantes de la vie dépend du fait que notre être reste partiellement éloigné
de ce savoir plus complet – et cependant fini – que possède notre âme.
Comment cela est-il possible ? Comment peut-il exister d’autres mondes,
dans lesquels nous rencontrerions effectivement des choses, des situations et
des êtres semblables à ceux de ce monde ? Pour comprendre cela, le plus
simple est de prendre le schéma du monde utilisé dans de nombreuses
traditions antiques, et en particulier par les mystiques de la Perse antique. Ce
schéma, ou cette carte, représente l’Univers comme un chapeau large à sa base
et pointu à son sommet – comme un chapeau de magicien. Imaginez un tel
chapeau posé au sol. Sa base, le cercle plat élargi, représente le domaine
terrestre. Imaginez maintenant que ce chapeau possède une série de niveaux
ou d’étages à l’intérieur, qui deviennent de plus en plus étroits à mesure que
l’on s’élève. Nous avons là une façon claire – bien que très simplifiée – de
décrire ce qui se produit lorsque l’âme s’élève dans les mondes spirituels. Ces
mondes ne deviennent pas plus étroits à mesure que nous montons. C’est en
fait le contraire. Ils deviennent plus vastes, de plus en plus difficiles à décrire
de là où nous sommes. Mais en un sens spatial, ils deviennent en effet plus
petits, car l’espace n’existe plus comme il existe ici. L’espace devient moins
important, car sa nature ultimement illusoire devient plus apparente. Dans ces
domaines supérieurs, nous faisons directement l’expérience de ce que nous dit
de façon bien plus abstraite le théorème de Bell, selon lequel deux particules
situées en des endroits éloignés de l’Univers peuvent interagir sans aucun
délai. L’Univers est Un.
Les domaines au-delà de celui-ci sont remplis de vastes espaces, de vues
incomparables aux plus grandioses et inspirantes que nous puissions trouver
sur Terre. Ces espaces sont remplis d’objets et d’êtres que nous reconnaissons
appartenir à la vie terrestre. Ils sont réels. Mais l’espace qu’ils habitent est un
espace supérieur au nôtre, de sorte que rien ne fonctionne comme ici et que
l’on se heurte à des difficultés dès l’instant où l’on cherche à le décrire. Il est
réel mais – tout comme la matière lorsque l’on descend à l’échelle quantique –
il ne se comporte pas de la façon à laquelle nous sommes habitués.
La sagesse traditionnelle nous dit qu’au sommet du chapeau, toute
extension disparaît. Ce point – le pic du chapeau du magicien – est l’endroit
où nos catégories terrestres d’espace, de temps et de mouvement, qui sont de
plus en plus « spiritualisées » à mesure que l’on s’élève, s’évanouissent. Au-
delà, il n’y a ni espace ni temps… Aucun des marqueurs auxquels nous
sommes habitués ici-bas.
Mais la chose que nous connaissons sur Terre et qui demeure au-delà de ce
point est l’amour. Dieu est amour, tout comme nous sommes amour, au plus
profond de nous-mêmes. Ce n’est pas un amour abstrait. Une telle chose
n’existe pas. Cet amour est plus dur que le roc, plus fort qu’un grand
orchestre, plus vital qu’un orage, aussi fragile et émouvant que la plus faible
et la plus innocente des créatures, et aussi puissant qu’un millier de soleils.
Nous ne pouvons pas conceptualiser cette vérité de façon adéquate, mais nous
en ferons toutes et tous l’expérience.

« Les barrières commençaient à tomber et un voile après l’autre s’écartait
dans mon esprit. Partant d’un bonheur autocentré, je voulais maintenant le
partager avec les autres, d’abord ceux près de moi, puis plus largement,
jusqu’à ce que tout le monde et toute chose soient inclus. Je sentais que je
pouvais maintenant aider toutes ces personnes, qu’il n’y avait rien au-delà de
mon pouvoir – je me sentais omnipotent. L’extase s’est approfondie et
intensifiée. J’ai commencé à crier. Je savais que tout était bien, que le
fondement de toute chose était la bonté, que toutes les religions et toutes les
sciences étaient des chemins vers cette vérité ultime1. »

Comme ce témoin cité par Hardy, après mon EMI, lorsque j’ai réappris à
parler, lorsque mon corps et mon cerveau ont fonctionné de nouveau
pleinement, ce que j’ai eu principalement à offrir dans mes tentatives de
décrire ces mondes spirituels était un enthousiasme joyeux : il prenait la forme
d’une longue suite de superlatifs, et plus je répétais ces adjectifs et moins on
comprenait ce que j’essayais de dire. Magnifique. Féerique. Merveilleux.
Splendide.
Un jour, alors que Ptolemy et moi travaillions sur le texte en essayant
d’affiner le récit de mon voyage afin d’amener le lecteur à le ressentir au plus
près, il m’a dit : « Eben, je t’interdis d’utiliser le mot magnifique une fois de
plus. Cela n’apporte rien. »
J’ai parfaitement compris – bien que quiconque ayant assisté à mes
conférences sache que je récidive en permanence. Je revenais d’un monde qui
non seulement ruinait toute tentative de description mais anéantissait les
catégories de description que nous utilisons pour parler des réalités terrestres.
Il existe infiniment plus de façons de sentir, de ressentir et de communiquer
dans les mondes au-delà de celui-ci, et quand je suis revenu avec le souvenir
de ce programme bien plus grand de perceptions et de sentiments, c’était
comme essayer de décrire quelque chose en trois dimensions à quelqu’un qui
vivrait en seulement deux dimensions. Cette même idée a été développée par
le théologien et mathématicien Edwin Abbott dans son roman de 1884
Flatland, dans lequel le voyageur d’un territoire en trois dimensions ressent
cette frustration lorsqu’il retourne dans son monde en deux dimensions et
tente de raconter son expérience à ses amis.
Mais aussi difficile soit-il de rapporter des informations de ces mondes
supérieurs, il est absolument crucial que ceux qui ont vécu ces voyages tentent
de le faire malgré tout. Ces descriptions sont la nourriture dont nous avons
besoin aujourd’hui. Le fait de cartographier ces mondes de l’au-delà d’une
façon humble et non agressive représente une partie importante de la guérison
à apporter à la fois à nous-mêmes et au monde. Nous savons tous combien le
doute et le désespoir sont à l’œuvre dans le monde actuellement. Si vous avez
foi en une religion, vous vous en sortez probablement mieux que celui qui n’a
pas cette chance. Mais si vous en venez à considérer, comme je l’ai fait, la
religion, la spiritualité et la science comme des partenaires pour montrer le
monde tel qu’il est vraiment, je pense que vous pouvez devenir encore plus
forts.

Goethe, Fechner, Pascal, Swedenborg et nombre d’esprits scientifiques ont
trouvé cette force lorsqu’ils se sont autorisés à devenir aussi des esprits
spirituels. Chez ces individus pionniers, le soi terrestre/externe et le soi
céleste/interne ont rejeté leurs conflits apparents et sont devenus alliés.
Lorsque cela se produit, nous comprenons que l’Univers est un lieu
profondément ordonné, à la fois physiquement et spirituellement. L’ordre et le
sens que nous sentons à l’œuvre dans nos esprits sont le même ordre et le
même sens dont nous saisissons des bribes dans le monde extérieur. Et une
bribe de cet ordre suffit à transformer l’émotion dominante de peine qui
gouverne nos journées en un sentiment de joie.
Natalie Sudman, auteur de Application of Impossible Things2, un livre
remarquable à propos d’une EMI qu’elle a vécue pendant la guerre d’Irak
quand le Humvee (blindé) dans lequel elle se trouvait a explosé, dit cela fort
bien :

« Les bouddhistes ont dit : “La douleur est inévitable ; la souffrance est une
option.” En comprenant que j’ai conçu mes expériences du début à la fin et en
étant assurée à travers mes expériences hors du corps que ma vie telle qu’elle
est a du sens et de la valeur, la souffrance est impossible. Même en reprenant
conscience dans un camion carbonisé maculé de sang, ou en étant allongée
dans un lit d’hôpital en position fœtale dans des douleurs atroces, ou en
vomissant mes tripes après une anesthésie (le pire !), ou en contemplant
cinquante ans de vie en double vision, on m’a rappelé cette joie fondamentale
d’être, dont j’ai fait l’expérience de façon si éclatante hors du corps. Ce n’est
pas du bonheur, qui me semble être davantage une réponse à l’environnement
et aux circonstances qu’un état intérieur constant. Je peux être déprimée,
craintive, inquiète, en colère – en d’autres termes, malheureuse – face aux
circonstances ou à mon environnement, tout en me sentant intéressée, curieuse
et même enthousiasmée par ces circonstances ou l’environnement, par ma
propre création des deux, et par mes propres actions et émotions alors que je
m’y trouve plongée. Je n’apprécie pas continuellement le fait d’être dans ce
monde, ni de me trouver dans telle circonstance particulière, mais je ressens
toujours la joie fondamentale d’être une personnalité consciente, créative,
expansive, qui explore l’expérience et apprécie l’humour inhérent à celle-ci. »

Cette joie est venue à Natalie à travers sa découverte de la réalité des
mondes de l’au-delà. C’est le même genre de découverte que le poète William
Butler Yeats (1865-1939) a faite, lors de l’expérience qu’il décrit dans ces
lignes : « Je sais maintenant que la révélation vient du soi, mais de ce soi fort
ancien, riche de souvenirs, qui forme la fine coquille du mollusque et l’enfant
dans les entrailles, qui enseigne aux oiseaux à faire leur nid ; et que le génie
est une crise qui unit à certains moments ce soi enseveli à notre esprit
insignifiant de chaque jour3. »

Yeats n’était nullement étranger à ces moments de soudaine illumination :
des moments au cours desquels il a vu la Terre à la lumière du paradis et
compris que le « céleste » n’était pas seulement au-delà – non seulement là-
haut, quelque part, mais bien ici et maintenant, tissé dans l’étoffe même de ce
qui ressemble trop souvent à une existence morne et ordinaire.

« Ma cinquantième année avait passé,


J’étais assis, solitaire comme je suis,
Dans un salon de thé encombré à Londres.
Un livre ouvert, une tasse vide
Sur la tablette de marbre.
Et comme je regardais la salle, la rue,
D’un coup mon corps s’embrasa,
Et pendant vingt minutes, à peu près,
Il me parut, si grand fut mon bonheur,
Que j’étais béni et pouvais bénir4. »


Nous avançons dans un monde obscur. Puis quelque chose se produit – cela
peut être un acte de gentillesse inattendu, un éclat de lumière sur un vase ou
bien une EMI profonde au cours de laquelle nous voyageons dans un autre
monde. Et soudain, le monde s’ouvre. Nous voyons ce qui se trouve là,
derrière. Nous voyons ce qui a toujours été là mais à quoi, dans notre monde,
nous sommes aveugles, car nous avons oublié les outils pour l’approcher et le
garder à l’esprit.

Depuis que je suis adolescente, j’ai toujours eu des doutes sur


l’existence de Dieu, au sens chrétien traditionnel. J’ai eu d’énormes
difficultés à m’identifier à une religion quelconque, et cependant je
me suis toujours sentie poussée à embrasser quelque chose « au-
delà ». L’athéisme était un engagement que j’étais peu disposée à
prendre, alors j’ai adopté l’étiquette « agnostique » depuis mon
adolescence.
Et pourtant, je me sentais poussée à croire en quelque chose. Au
point que j’étais troublée de ne pouvoir verbaliser mes croyances. Je
me sentais perdue.
J’ai lu le livre du Dr Alexander et lorsqu’il a parlé de Dieu comme
d’une lumière dans les ténèbres, j’ai ressenti une émotion si forte que
j’ai fondu en larmes. En fait, je ressens cette émotion en écrivant ceci,
en m’en souvenant. Je ne me suis sentie ainsi que trois autres fois, en
donnant naissance à mes enfants. J’ai simplement éprouvé une
certitude que ce que je lisais était vrai, était réel, et soudain j’ai
ressenti qu’on m’ôtait un poids et que ce n’était pas un problème
pour moi de ne pas avoir de religion, de ne pas avoir d’étiquette, et
que je pouvais simplement ressentir ce que je ressentais.
Il y a eu des moments depuis où je me suis sentie accablée par la
vie, et avant cela je n’avais pas de mécanisme de survie autre que les
benzodiazépines pour me calmer. Le plus grand impact de la lecture
du livre a été de me permettre de me sentir vraiment heureuse, et
quand les choses commencent à devenir folles ou trop insupportables,
je ressens un calme soudain et je suis capable de mettre ma vie en
perspective, alors mes inquiétudes et mon stress deviennent soudain
plus faciles à contrôler. Tout ce que le Dr Alexander a écrit sonne
simplement si vrai.
J’ai toujours été bouleversée en pensant combien les gens peuvent
être horribles les uns avec les autres. Les enfants abusés, la torture,
la guerre, toutes ces choses terribles sur la planète, que nous nous
faisons les uns aux autres. Savoir que ce n’est pas tout ce qui existe
me rend incroyablement heureuse.
Mon mari a lui aussi lu ce livre et a abandonné son étiquette
d’athée pour adopter une forme de croyance plus universelle, dans
laquelle Dieu est une entité semblable à une force d’énergie dans
notre Univers. Je me sens plus proche de lui depuis que nous avons
tous deux lu ce livre.
Merci d’avoir pris le temps de lire ceci,

Christine
Pourquoi y a-t-il tant de douleur sur terre ? Voici deux réponses avec
lesquelles je ne suis pas d’accord. Il s’agit en fait des versions orientale et
occidentale de la même idée – profondément fausse :
1. C’est votre karma. Réjouissez-vous du fait que les souffrances que vous
endurez maintenant sont le prix que vous payez pour les erreurs que vous avez
commises dans une vie antérieure.
2. La souffrance vous rend forts. Puisque nous sommes des créatures qui
ont « chuté », Dieu nous met à l’épreuve pour nous aider à dépasser notre
nature pécheresse.

J’ai vu trop de douleur au cours de ma vie – à la fois chez des patients en
souffrance et parmi leurs familles et proches – et trop de joie dans les mondes
de l’au-delà pour accepter l’une ou l’autre de ces explications. Je pense que
l’être que j’appelle Dieu/Om nous aime infiniment : il ne souhaite pas nous
« punir », ni nous « donner une leçon » pour nos méfaits. La véritable
« explication » de la douleur et de l’absurdité dont nous faisons si souvent
l’expérience sur Terre est, je le crois, à la fois beaucoup plus profonde et
beaucoup plus simple.
Notre monde – ce monde matériel – est le lieu où le sens est caché, et il est
facile de le perdre de vue. Toute la réalité matérielle est faite d’atomes et de
molécules, et ces molécules et ces atomes sont eux-mêmes constitués de
particules subatomiques qui entrent et sortent constamment de l’existence. Où
« va » un électron lorsqu’il passe de l’orbite interne à l’orbite externe d’un
atome, ou vice versa ? Nous l’ignorons. Ce que nous savons, c’est que la
matière n’existe pas de façon constante. Elle effectue des va-et-vient. Mais
bien qu’elle fasse cela, elle n’est jamais vraiment hors du champ de la réalité –
jamais complètement absente. Nous savons – même si nous ignorons où elle
va quand elle est partie – qu’elle va revenir.
Si vous avez déjà fait du théâtre étant enfant, vous avez peut-être vécu ces
moments étranges où, après vous être complètement fondu dans votre
personnage, vous vous êtes soudain rappelé où vous étiez. Vous avez bougé
votre pied et les planches ont craqué, alors vous vous êtes souvenu que là-bas,
au-delà des lumières, il y avait un terrain d’école avec un public rempli de
personnes que vous connaissiez et qui vous soutenaient.
Nos vies ici, sur Terre, sont un peu comme cela. Il y a des instants – des
moments comme ceux décrits par tant de personnes dans ce livre – au cours
desquels nous entrevoyons où nous sommes et qui nous sommes vraiment.
Que devrions-nous faire dans de tels moments ? Nous immobiliser, oublier
notre texte et ne pas aller au bout de la pièce ? Bien sûr que non. Mais pour
nous tous qui jouons dans cette pièce, dans la tragi-comédie de l’existence
terrestre, ce moment où les planches craquent peut être inestimable.
Nous devons réapprendre à voir ce monde à la lumière du paradis. Nous
devons tout autoriser autour de nous à briller de cette pleine individualité,
singularité et valeur que possèdent chaque moineau, chaque brin d’herbe et
chaque personne que nous connaissons, car chacun d’eux est un être cosmique
multidimensionnel qui se manifeste ici et maintenant en tant qu’être physique.
Nous sommes au milieu du saut le plus important de la compréhension
humaine dans l’histoire. Dans deux cents ans, la vision du monde qui est la
nôtre actuellement semblera aussi limitée et naïve à nos descendants que celle
d’un paysan du Moyen Âge pour nous aujourd’hui.
Nous sommes sur le point de redécouvrir l’autre côté de la vie : un côté
qu’une part enfouie en nous n’a en fait jamais oublié, mais que la plupart
d’entre nous cachent à eux-mêmes car notre culture nous a dit de le faire.
Le monde de la physique subatomique n’est pas le monde de la spiritualité.
Mais comme le dit la Table d’émeraude, cet antique document hermétique :
« Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas. » Les différents éléments de
notre cosmos s’harmonisent les uns avec les autres. Ce que nous trouvons
« ici-bas », nous le trouvons sous une forme différente « là-haut ». La façon
dont la matière entre et sort littéralement de l’existence est comparable,
étrangement, à la façon dont le sens semble disparaître entièrement de notre
monde, pour y revenir ensuite. Et lorsque nous savons cela – lorsque nous
savons que le sens est présent même quand il semble le plus absent –, alors la
joie, celle dont parle Natalie Sudman, peut devenir un arrière-plan constant à
nos vies, quoi qu’il arrive.

Cher Dr Alexander,

Ma fille Heather est née en 1969 avec une grave paralysie
cérébrale. Elle n’a jamais pu s’asseoir ou parler, bien qu’elle
montrât de l’attention pour tout ce qui l’entourait. Elle riait souvent,
oh, comme elle riait ! Les médecins nous avaient dit qu’elle ne vivrait
pas au-delà de 12 ans, et elle est décédée à l’âge de 20 ans, en 1989.
Le lendemain de sa mort, alors que je tondais la pelouse pour penser
à autre chose, j’ai été littéralement entouré de papillons monarques
qui sont arrivés de nulle part. Un signe de vie spirituelle ? Je ne sais
pas.
Avance rapide jusqu’en 1995. Alors que j’étais couché le soir et
toujours pleinement réveillé, j’ai demandé : « Comment peut-il
exister un Dieu qui laisse de telles choses se produire ? »
Instantanément, une forme toute blanche et rayonnante est apparue
du côté gauche de la pièce. C’était ma fille. Elle m’a désigné et a dit
fermement : « Non, papa, tu as tort ! » « Regarde ! » a-t-elle ajouté
en indiquant le côté droit de la pièce. Un nuage de lumière blanche
brillante a envahi la pièce. J’ai instantanément compris certaines
choses sans qu’aucun mot ne soit prononcé. Il est difficile de décrire
le sentiment d’euphorie qui m’a gagné. Je savais qu’elle était bien et
qu’elle était un ange de Dieu. Je savais que tout irait bien pour nous
tous après la mort. Je savais combien nous sommes petits comparés à
notre créateur, et que notre intelligence est si réduite que c’en est
risible. Je savais que c’était réel, et quand quelqu’un me demande :
« Croyez-vous en Dieu ? » Je réponds : « Non, je ne crois pas
seulement, je le sais sans aucun doute. »

« Je ne crois pas ; je sais. »


Carl Jung, lorsqu’on lui a demandé,
vers la fin de sa vie, s’il croyait en Dieu.

« Toutes choses, quelles qu’elles soient, finiront bien », a écrit la mystique


du XIVe siècle Julienne de Norwich. Mais « tout finira bien » n’est pas la
même chose que « tout est génial ». Cela ne veut pas dire que le monde est
sans terreur ni souffrance. Cela signifie que nous pouvons naviguer dans ce
monde si nous nous souvenons d’une chose : sous son apparente absurdité, il
existe un monde de sens qui est d’une richesse au-delà de toute imagination.
Un sens qui inclut entièrement la souffrance que nous voyons autour de nous
et qui, quand nous retournerons dans ce monde de l’au-delà, la submergera.
Jung avait accroché au-dessus de la porte de sa maison cette citation du
théologien hollandais du XVe siècle Desiderius Erasmus : « Invité ou non, Dieu
est présent. » Dans les dimensions au-delà du temps et de l’espace tels que
nous les éprouvons ici, tous les maux, les agonies et les troubles de cette vie
ont déjà été guéris. Il est difficile de comprendre cela. Vous ne le pouvez pas.
Pas entièrement. Pas depuis ce niveau. Mais vous pouvez en avoir un aperçu.
Et en fait, nous en avons des aperçus constamment. Nous devons seulement
nous souvenir que nous sommes autorisés à nous ouvrir à eux – à savoir ce
que, à un niveau plus profond, nous savions de toute façon.

« Ma fille Joan a été tuée par une voiture lorsqu’elle avait 7 ans. Elle et
moi étions très proches et j’étais accablée de douleur. Elle était allongée dans
son cercueil dans sa chambre. Je suis tombée à genoux à côté du lit. Soudain,
j’ai senti comme si quelque chose derrière moi était tellement rempli de pitié
que cela se consolidait. Alors j’ai senti un contact sur mon épaule, qui n’a
duré qu’un instant, et j’ai su qu’il y avait un autre monde5. »

Le sens est présent, toujours. Mais il est facile, peut-être encore plus là où
nous sommes que partout ailleurs dans l’Univers, de perdre de vue cette idée.
Parfois, souvent lorsque les choses sont les plus noires, le monde de l’au-delà
va nous parler, en utilisant le langage, les symboles de ce monde : parfois
aussi puissamment qu’un éclair, parfois aussi délicatement que le choc d’un
scarabée sur une fenêtre. Et ainsi, notre joie et notre confiance dans la vie
reviennent – une joie qui peut être là en nous, comme le dit Natalie Sudman,
en dépit de la douleur du monde, et non en lieu et place de celle-ci.

1 Cité par Alister Hardy, dans The Spiritual Nature of Man.


2 Natalie Sudman, Application of Impossible Things (« Application de choses impossibles », non
traduit en français).
3 William Butler Yeats, The Collected Works, Vol. III : « Autobiographies ».
4 William Butler Yeats, « Vacillation ».
5 Mark Fox, Spiritual Encounters with Unusual Light Phenomena. Lightforms.
7

Le Don de l’Espérance

« Le monde intérieur a ses nuages et ses pluies, mais d’une autre sorte. Ces cieux et ces soleils
sont d’une autre sorte.
Cela n’apparaît qu’aux êtres raffinés : ceux qui ne sont pas trompés par l’apparente complétude
du monde ordinaire. »
Jalal al-din Rumi, mystique persan du XIIe siècle.

En tant qu’êtres humains, nous sommes des créatures du temps. Nous


vivons dans le temps comme les poissons vivent dans l’eau, tellement
immergés à l’intérieur que nous le remarquons à peine, excepté aux niveaux
les plus superficiels où nous sommes, bien sûr, ses esclaves. Oui, nous savons
que nous sommes en retard pour un rendez-vous, mais nous ne savons pas, ou
bien devons nous arrêter pour le saisir pleinement, que la pensée elle-même ne
peut pas se déployer sans un élément temporel. Ni la parole, ni les relations
humaines, ni quoi que ce soit. Le monde tel que nous en faisons l’expérience
maintenant est construit à partir du temps, en combinaison avec l’espace.
Cette vérité n’est pas amoindrie par le fait que, selon la perspective des
dimensions supérieures à celle-ci, le temps linéaire se révèle être une illusion,
tout comme l’espace euclidien du quotidien.
Puisque nous vivons et agissons sur Terre dans le cadre d’un temps linéaire,
un monde sans un futur vers lequel se projeter semble affreux. Souvenez-vous
quand vous étiez adolescent(e) – lors de ces années où il vous semblait que les
nouvelles expériences ne cesseraient jamais. Si vous êtes comme la plupart
des gens, vous avez sans doute remarqué qu’à un moment donné, ces
expériences ont cessé de se produire à un rythme aussi rapide et effréné. Vous
avez alors peut-être pensé que l’époque d’une croissance et d’un changement
véritables était terminée. Avant mon EMI, j’avais également ce genre de
réflexion. Le frisson de la vie n’avait pas pour autant disparu. J’aimais ma
famille et mon travail, et il y avait certainement de nombreux défis et
aventures qui m’attendaient et auxquels j’aspirais. Mais en même temps,
quelque chose – une sorte de sentiment intérieur d’expansion, d’authentique
nouveauté jaillissant vers moi – avait cessé. Il y aurait de nouvelles
expériences, mais elles ne seraient pas inédites – à la fois surprenantes et
électrisantes – comme elles l’avaient été autrefois. Je connaissais les limites
du monde. Je n’allais jamais plus franchir la porte ouverte d’un avion à
2 500 mètres d’altitude pour la première fois. Plus jamais ressentir la
nouveauté bondir vers moi de cette façon. J’avais, en résumé, perdu l’espoir,
car c’est cela, l’espoir : le sens que quelque chose d’authentiquement bon et
nouveau va se produire, maintenant.
Alors quelque chose de nouveau s’est produit.
On pourrait dire que ma vie a refleuri. D’innombrables poèmes nous disent
que nous sommes comme des fleurs dans la vie, qui éclosent, mais qui se
fanent et meurent aussi comme elles. Nous croissons et nous nous
épanouissons dans l’enfance, brillons pendant un bref moment de la perfection
de la beauté, de la jeunesse et de la vie… puis nous nous détériorons et
mourons.
Vraiment ? Tout comme les fleurs symbolisent l’apparente tragédie et le
caractère éphémère de la vie, elles symbolisent aussi ce qui se trouve derrière
cette apparente fugacité. Tout dans la vie comporte une composante céleste,
mais certaines choses ont un caractère plus paradisiaque que d’autres, et selon
ce critère, la fleur est bien au sommet. Dante a clos sa Divine Comédie par une
description de l’Empyrée, le paradis le plus élevé de sa cosmologie, sous la
forme d’une rose blanche. Le Bouddha a lié la conscience au lotus, une fleur
d’eau qui s’élève à partir de la boue et de l’obscurité du fond d’une mare pour
éclore à la surface de l’eau, miraculeusement propre et blanche. Dans son
sermon le plus célèbre, le Bouddha n’a rien dit ; il tenait simplement une fleur
dans la main.
Depuis les profondeurs de la préhistoire, les êtres humains ont utilisé les
fleurs pour marquer les grands moments de l’humanité. Les fleurs sont
présentes au commencement – à l’occasion des naissances, des diplômes, des
mariages – comme à la fin – lors des funérailles. Nous les utilisons lors de ces
étapes de « ponctuation » car, par le passé, les gens savaient que la chose la
plus importante à retenir lors de tels moments est la réalité des mondes de
l’au-delà. Comme nous, les fleurs sont enracinées dans la terre. Mais elles se
rappellent d’où elles sont venues en suivant chaque jour le soleil dans le ciel.
Et par-dessus tout, les fleurs s’épanouissent à la floraison. Cet épanouissement
est peut-être le plus parfait symbole terrestre de la complétude à laquelle nous
aspirons tous, qui parvient à sa pleine existence seulement dans les
dimensions qui se trouvent au-delà de la nôtre.

Cher Dr Alexander,

En octobre 2007, on a diagnostiqué chez mon fils Ben âgé de
18 ans un gliome épendymome. Il est mort cinq mois plus tard. La
raison de ma lettre est qu’au cours de ses trois derniers jours parmi
nous… il est tombé dans le coma. En tant que mère, voir son fils
mourir est bien sûr l’expérience la plus douloureuse de toute ma
vie… Ben était revenu à la maison et son lit médicalisé était dans
notre plus grande chambre… Il y avait toujours quelqu’un près de lui
pour l’étreindre, même avant qu’il ne tombe dans le coma ; c’était un
accord entre nous. Il ne devait jamais être seul ; ainsi, mon frère et
ma sœur biologiques, ma fille, mon mari et moi-même nous relayions
toute la nuit, et l’un de nous était toujours allongé à ses côtés, le
serrant dans nos bras.
Au cours de cette première nuit j’ai fait un rêve – très clair, c’était
plus une expérience qu’un état de rêve. Avant de m’assoupir, j’étais
en train d’enlacer Ben et d’implorer Dieu tellement j’étais
désespérée, en colère et perdue. Eh bien, dans ce rêve ou plutôt cette
expérience, j’ai été emportée vers le haut rapidement dans une sorte
de paradis sombre mais léger, où tout était paisible, et je ne ressentais
que de l’amour. C’était à la fois frais et limpide, très réel. Je savais
que j’étais avec Dieu… J’ai regardé autour de moi et j’ai vu des
morceaux de terre, comme des petits fragments de terre qui tombaient
autour de moi et j’ai demandé : « Quel est le sens ? » Et j’ai entendu
ou su dans mon esprit que c’était ce qui arrivait à Ben à cet instant
alors que son corps terrestre s’étiolait… En un instant, je me suis
retrouvée assise sur le lit, et j’ai su qu’il était déjà dans le domaine
céleste. Il est mort deux jours plus tard.

Ce problème humain essentiel – cette perte de la nouveauté et de l’espoir –


a été résolu pour moi dans les mondes au-delà de celui-ci. Des mondes qui,
dans les premiers niveaux, sont remplis de choses terrestres familières, mais
transformées de façon plus riche et étrange : étrangement nouvelles. Alors que
j’admirais les fleurs que je découvrais dans ce monde, elles semblaient
s’ouvrir encore et encore. Comment des fleurs qui, dans notre réalité,
fleurissent puis se fanent peuvent-elles être en floraison constante ? Elles ne le
peuvent pas à notre niveau, car nous sommes immergés dans un temps
directement linéaire, ou en tout cas dans l’illusion d’un tel temps. Ici-bas, les
fleurs s’épanouissent et meurent, tout comme les personnes naissent,
vieillissent et meurent. Voilà pourquoi nous avons des bibliothèques remplies
de romans et de poèmes sur la tristesse de la vie – la tragédie d’une existence
qui commence par la jeunesse, la force et la fraîcheur, se poursuit par
l’apprentissage éventuel de leçons, puis se termine par la mort, avant que nous
ayons pu faire si peu de chose, si ce n’est transmettre à nos enfants quelques
conseils afin qu’ils traversent eux aussi le même processus.
Quelle tragédie !
Et en effet c’en est une, si nous maintenons notre vision confinée à ce
monde et croyons que la croissance et le changement dont nous faisons
l’expérience ne sont pas ce qu’ils sont en réalité, c’est-à-dire un chapitre d’une
bien plus grande histoire. Notre culture est obsédée par la jeunesse car nous
avons perdu l’ancien savoir qui veut que la croissance ne cesse jamais. Nous
ne sommes pas des erreurs furtives et momentanées dans le cosmos – des
curiosités de l’évolution qui se dressent comme des éphémères, prolifèrent
pour une journée, puis disparaissent. Nous sommes des acteurs, qui sont là
pour perdurer, et l’Univers a été conçu en tenant compte de notre existence.
Nous le reflétons par notre amour le plus profond et nos aspirations les plus
élevées, tout comme il nous reflète. « Ce qui est en haut est comme ce qui est
en bas. »
Lorsque nous retournons dans ces mondes de l’au-delà à la fin d’une vie,
quelque chose de très intéressant se produit – quelque chose que l’on retrouve
constamment dans la littérature sur les EMI. Les gens parlent de ceux qui les
accueillent, ceux qu’ils ont connus dans la vie et qui sont là pour eux. C’est
toujours la même histoire, encore et encore. « Papa était là, mais il n’était pas
comme quand il était malade. Il était de nouveau jeune et bien portant. » « J’ai
vu grand-mère, mais elle était jeune. »
Comment cela est-il possible ? Lorsque nous abandonnons ce corps dans
lequel nous avons vécu et appris, nous ne disparaissons pas directement dans
ces régions élevées dont nous ne pouvons même pas commencer à parler tant
que nous sommes ici. Nous allons là où je suis allé lors de ma propre EMI.
C’est un « lieu » – pas un lieu dans l’univers physique, mais nous sommes
habitués aux paradoxes à ce stade – où nous assumons de nouveau la vie que
nous avons vécue linéairement ici-bas, en une seule fois. Et ce que cela
produit lorsque quelqu’un d’autre, une autre âme, le voit, c’est une personne
absolument rayonnante. Si une personne a vécu longtemps, elle peut
apparaître physiquement dans le plein éclat de sa beauté de jeune homme ou
de jeune femme, mais elle manifestera en même temps la sagesse de ses
dernières années. Les personnes que nous sommes dans le monde au-delà de
celui-ci sont des êtres multidimensionnels : des êtres qui renferment le
meilleur de ce qu’ils étaient ici sur Terre et le manifestent tout à la fois.
Pensez à tous les êtres différents que votre enfant devenu grand a été au fil des
années : le bébé qui a ouvert les yeux pour la première fois à l’hôpital, l’enfant
de 5 ans qui a fait ses premiers mètres tout seul sur son nouveau vélo,
l’adolescent révélant soudain une réflexion et une profondeur que vous
n’aviez jamais vues auparavant.
Lequel est votre véritable enfant ? Vous connaissez bien sûr la réponse.
Tous le sont.
La vie en temps linéaire – le temps terrestre – permet la croissance
précisément parce qu’elle prend des détours et rencontre des obstacles. Le
temps du paradis – la dimension temporelle dans laquelle nous entrons lorsque
nous quittons notre corps – permet la pleine expression de ces personnalités
que nous avons travaillé si durement à développer via ces détours et ces
obstacles dans le cadre limité de la temporalité linéaire. Non pas en
« souffrant parce que c’est bon pour nous », ou en payant un karma du passé,
mais en collaborant avec l’opacité exaspérante et les limitations qui
définissent ce monde. L’une des connaissances les plus centrales des
croyances religieuses est qu’aucune souffrance n’intervient dans le monde
sans que Dieu y soit pleinement impliqué et qu’Il souffre en fait infiniment
plus que nous, car Il désire notre réalisation et notre accomplissement. Dès
lors, la souffrance est, d’une façon mystérieuse, une sorte de produit dérivé de
ce stupéfiant accomplissement futur. Les « lignes non vécues » que le poète
Rainer Maria Rilke disait avoir vues sur les visages des gens qu’il croisait
dans la rue – ces lignes de possibilités, de croissance, qui sont horriblement
bloquées et brisées ici-bas – auront toutes une chance d’être accomplies dans
le monde au-delà de celui-ci.
L’une des plus anciennes plaisanteries sur la vie éternelle est qu’il doit être
ennuyeux de vivre pour toujours. Le cliché évoqué est celui d’un groupe de
personnes blasées, assises sur un nuage et n’ayant rien à faire. Au fin fond de
l’enfer, s’imagine-t-on, au moins, les démons doivent s’amuser un peu.
J’aime cette image car elle établit précisément ce que les mondes au-delà de
celui-ci ne sont pas. S’il y a un mot qui puisse décrire ces mondes, c’est le
mot mouvement. Rien ne reste immobile pour un instant. Sur Terre, nous
sommes soit en route, soit immobiles. Dans les mondes de l’au-delà, le
mouvement et l’arrivée se trouvent reliés. La joie du voyage et la joie de
l’arrivée se rencontrent et s’entremêlent.
Ce n’est pas aussi extravagant que ça en a l’air, si vous vous souvenez que
la physique a démontré au-delà de tout doute raisonnable que ce monde
physique, solide, que vous et moi habitons, est en fait largement un espace
vide, et que la plus petite quantité de matière n’est en elle-même qu’une
configuration particulièrement dense de cordes d’énergie qui vibrent dans un
espace-temps de dimensions supérieures. Mais cela reste difficile à imaginer
car le sens se cache ici-bas. Il se cache de moins en moins à mesure que nous
nous élevons dans ces mondes au-delà de celui-ci. Les choses deviennent alors
toutes sortes de choses différentes, si bien que lorsque nous utilisons le
langage terrestre univoque pour les décrire, nous risquons immédiatement de
verser dans le non-sens.
C’est ainsi que lorsque j’ai regardé en bas, alors que j’étais sur l’aile de ce
papillon qui était symbolique et cependant réel, accompagné de cette jeune
femme tout aussi symbolique et pourtant réelle, j’ai vu non seulement des
fleurs qui s’ouvraient encore et encore, mais aussi des personnes. Et elles
faisaient quelque chose qui était analogue à ce que faisaient ces fleurs en
floraison permanente.
Elles dansaient.
Tout comme la musique, la danse est une activité dont les origines
remontent aux tout débuts de la vie humaine sur cette planète. Et comme toute
activité humaine originelle, elle reflète la réalité cosmique originelle – celle
des mondes de l’au-delà d’où nous venons. Lorsque les gens dansent, ils
agissent depuis cette partie d’eux-mêmes qui sait et se souvient d’où elle vient
et où elle va. Qui sait que ce monde n’est pas la fin. Voilà pourquoi les gens
dansent à l’occasion d’un mariage – cette cérémonie terrestre au cours de
laquelle l’union de deux personnes évoque l’union plus vaste du ciel et de la
Terre. Si la fleur est peut-être l’objet le plus céleste que nous ayons ici sur
Terre, la danse est peut-être l’activité la plus céleste. Et toutes deux pointent
en direction de la même vérité : la vie plus grandiose que nous espérons est
réelle.
La danse, comme le chant, comme la musique, est temporelle. Ni la danse,
ni la musique ne peuvent se concevoir sans temps. Dans le monde où je suis
entré pendant mes journées de coma, il y avait de la musique et des danses.
Donc, à nouveau, il y avait du temps – ou plutôt, le temps profond de ces
mondes. C’était une sorte de temps plus riche, plus étendu que celui que nous
connaissons ici, sur Terre.
Le philosophe chrétien Thomas d’Aquin avait un mot pour ce temps-au-
delà-du-temps que j’ai connu. Il l’appelait « æternitas » – le temps des anges.
Il ne pensait pas qu’il s’agissait d’un état abstrait, mais au contraire d’un état
bien réel et très actif. C’est une sorte de temps dans lequel les fleurs s’ouvrent
et s’ouvrent encore. Et où la musique et la danse ne s’arrêtent jamais.
Les mythes et les légendes des peuples indigènes à travers le monde, des
terres intérieures d’Australie aux forêts équatoriales du Brésil, décrivent des
territoires au-delà de la mort où la danse ainsi que d’autres activités que nous
connaissons ici sur Terre se poursuivent éternellement. Les Aborigènes
d’Australie appellent cet endroit « le temps du rêve » et ils affirment que c’est
le lieu d’où sont venus les humains et où ils retourneront après la mort. Ces
endroits, je le devine, sont tous un seul et même endroit. Les chamans le
visitent depuis au moins trente mille ans, tout comme les voyageurs des EMI
et des expériences hors du corps le visitent aujourd’hui. C’est l’endroit d’où
nous venons tous et où nous retournons de façon intermittente lorsque le
séjour de notre vie s’achève, et où nous retournerons de façon permanente
lorsque le cycle de création actuel prendra fin.
Si toutefois cela prend fin. Car les Hindous pensent que les mondes se
créent et disparaissent indéfiniment, chaque nouveau cycle de création étant
une respiration de Brahma, ou Dieu. Lorsque Brahma expire, un nouveau
cycle s’engage. Lorsque Brahma inspire, tout retourne à l’endroit d’où il était
venu. Pour ceux qui croient en la réincarnation – les preuves scientifiques de
souvenirs de vies passées chez les enfants sont considérables –, ce processus
peut être perçu comme se poursuivant au-delà d’une seule vie. Dans ce
scénario, tous les « vous » que contient votre vie présente – enfant, adolescent,
adulte – deviennent un sous-ensemble de ce « vous » encore plus grand qui va
de vie en vie, s’incarnant encore et encore, croissant et évoluant de pair avec
l’Univers. Ce « vous », à la fin du cycle des réincarnations, contient toutes les
identités que vous avez occupées sur Terre et toutes les identités que vous
avez eues depuis la nuit des temps. Ainsi que le psychologue Christopher
Bache l’a écrit dans son livre Dark Night, Early Daw1 : « Nous voyons
maintenant que notre seule façon d’expérimenter la vie, notre individualité
singulière, a émergé d’un océan de temps si vaste qu’il en est presque
incommensurable et qu’il peut continuer à se développer pendant aussi
longtemps encore. La mort n’est qu’une pause qui ponctue les saisons de
notre vie, rien de plus. Cette connaissance nous amène au seuil d’une
nouvelle compréhension de l’existence humaine. »
Tout comme notre vie est un voyage qui englobe toutes les personnes que
nous devenons en passant de la jeunesse à l’âge adulte puis à un âge avancé, il
existe un voyage cosmique, plus vaste, dans lequel chacun de nous est engagé,
dans lequel nous croissons et changeons bien plus radicalement que nous ne le
faisons dans cette vie terrestre. Et pourtant, au cœur de ce grand voyage, il n’y
a qu’un seul être qui, à la fin de ce cycle cosmique, sera capable de se rappeler
toutes les apparences, toutes les joies et les peines, toutes les aventures
stupéfiantes qu’il a traversées en allant de vie en vie. Cet état est si loin au-
dessus, si loin devant et si loin au-delà de tout ce que nous pouvons saisir de
là où nous sommes que je me sens presque illégitime à essayer même de le
décrire. Il était bien assez difficile de décrire ce que peut être le paradis dans
ses niveaux les plus proches.
Mais il est suffisant d’avoir la conception, fût-elle la plus ténue ou la plus
pâle, de ce futur qui est loin au bout du chemin et cependant aussi là, avec
nous, maintenant. Sachant aujourd’hui qu’il existe d’autres sources, d’autres
cieux, qu’il y a des paysages semblables à ceux de la Terre dans des
dimensions au-dessus de celle-ci, avec leurs prairies fleuries, leurs chutes
d’eau vrombissantes ou leurs pâturages paisibles, vivants et peuplés
d’animaux et de personnes, et que chacun de ces mondes est plus splendide,
subtil et diaphane que le précédent, j’aime et j’apprécie d’autant plus leurs
équivalents terrestres. Pourquoi ? Parce que je vois maintenant d’où viennent
ces phénomènes terrestres – la réalité supérieure à laquelle ils se rattachent
aisément et naturellement – de la façon « en haut comme en bas » dont toutes
les manifestations des mondes supérieurs se rapportent à celui-ci. Et
particulièrement parce que je sais que ce qui unit tous ces mondes, ce fil d’or
qui nous garde reliés aussi loin que nous allions, est l’amour.

« De temps en temps, j’ai de nouveau fait l’expérience de ces merveilleuses
extases, toujours à des moments complètement inattendus, parfois en faisant
la vaisselle ou en m’occupant d’autres tâches ménagères. Il y a toujours cette
même émotion, qui m’amène à pleurer d’une grande joie, accompagnée d’un
sentiment profond de révérence, d’adoration et d’amour. Je pense qu’on peut
la décrire au mieux comme une sorte de mal du pays, une “nostalgie pour un
ailleurs”, presque comme si j’avais connu une existence d’une beauté telle et
d’un bonheur à ce point indescriptible que j’ai l’ardent désir et la nostalgie de
la retrouver… Même quand tout semble s’être effondré, que les difficultés
s’accumulent et que j’ai pensé que le doute était la seule certitude, le fond du
désespoir, comme il en va de tout le monde ; alors même là ce désir pour
quelque chose que j’ai connu quelque part me soutient et me transporte. Cela
pourrait-il être une sorte de vérité qui va de soi ? On ne peut avoir de
nostalgie pour quelque chose que l’on n’a jamais connu2. »
À mesure que l’on franchit les niveaux des mondes au-delà de celui-ci, les
paysages deviennent moins habités, moins peuplés de choses familières et
cependant ils sont de plus en plus familiers. Mais on ressent une autre sorte de
familiarité dans ces mondes supérieurs – une familiarité plus exigeante, car les
réalités avec lesquelles nous reprenons contact ont été éloignées de nous
depuis plus longtemps que celles des premiers niveaux. Et cependant, ces
réalités supérieures nous touchent de façon plus pénétrante, car plus nous nous
élevons dans ces mondes, plus ils font appel à une part profonde de nous-
mêmes. Au plus intime de nous-mêmes, bien en deçà de la personnalité de
surface que nous avons construite au cours de cette vie, il existe une part de
nous qui est à ce point centrale, hors du temps et fondamentale que les
mystiques discutent depuis des siècles pour savoir s’il s’agit de l’endroit où
nous rencontrons Dieu ou si c’est Dieu lui-même. Ma conviction est que les
religions orientales assimilent cette part plus profonde et centrale de nous-
mêmes directement au divin, alors que les religions occidentales tendent à
conserver une distinction entre l’âme individuelle, ou le soi, et Dieu. Une
chose dont je suis sûr est que nous devrions respecter ce que les praticiens les
plus expérimentés de toutes les traditions ont à nous dire, et nous rappeler que
lorsque nous parlons dans le langage ordinaire, quotidien, de ces réalités que
nous essayons ici de décrire et de comprendre, nous sommes toujours à un
degré ou un autre comme des enfants qui parlent de choses qu’ils sont trop
jeunes pour appréhender.
Mais une chose que nous pouvons comprendre depuis notre perspective,
que ce soit de façon abstraite ou directe, est que plus nous nous élevons dans
les mondes spirituels, plus nous entrons profondément dans notre être, de
sorte qu’au bout du compte nous découvrons que nous sommes non seulement
bien plus étendus que nous ne l’aurions jamais imaginé, mais aussi qu’il en va
de même pour l’Univers auquel nous sommes complètement,
merveilleusement et inextricablement reliés.
Lorsque les mystiques disent que les objets terrestres ne sont pas « réels »,
qu’ils ne possèdent aucune substantialité fondamentale, ils ne dénigrent pas du
tout ces objets, mais d’une certaine façon les vénèrent en montrant d’où ils
viennent réellement. La matière physique est l’enfant des domaines spirituels ;
toute la réalité que contient ce monde, elle le doit aux mondes au-delà. Mais
puisque tous les mondes se représentent et se connectent entre eux, les objets
autour de nous – même les plus transitoires et les plus éphémères – ont bien
une prétention à la réalité, car ce monde, aussi bas soit-il, n’en est pas moins
raccordé aux mondes supérieurs. Ainsi, rien de ce qui se trouve ici – et
certainement pas les êtres vivants – n’est orphelin. Rien n’est entièrement
égaré pour toujours.
Lao Tseu, le fondateur de la religion chinoise du taoïsme, a dit que le Tao
est comme un ventre immense qui produit la totalité et cependant ne contient
rien. Le Bouddha a décrit la réalité essentielle en tant que vacuité : une vacuité
qui n’est pas vide, mais pleine au-delà de toute compréhension. Ces hommes
décrivaient les régions supérieures des mondes célestes ; c’est pourquoi le
degré de contradiction de leurs déclarations est au plus haut, car plus nous
nous élevons, plus la réalité devient paradoxale.
Aussi difficile soit-il de saisir ces concepts de là où nous sommes, et aussi
différentes puissent parfois sembler les représentations des domaines spirituels
établies par les religions du monde, j’en viens à comprendre qu’à leur plus
haut degré, toutes ces traditions s’accordent entre elles. En tant que
scientifique qui a eu un aperçu du monde de l’esprit, je crois qu’elles doivent
simplement le faire, car comme une montagne dont le sommet est atteint par
mille voies différentes, tous les mondes viennent et s’achèvent en un seul
endroit : le centre des centres, le sommet des sommets et le cœur des cœurs
que j’appelle, sachant que le mot ne lui rend pas justice, le divin.

Cher Dr Alexander,

J’ai fait l’expérience de quelque chose dont je n’ai jamais entendu
parler ni avant ni après. Pour donner quelques éléments de
contexte… Mon père, un ancien prisonnier de guerre pendant la
guerre de Corée, était en train de mourir d’une embolie pulmonaire
massive dans un hôpital pour vétérans. Alors que nous pensions que
c’était la fin, il a commencé à respirer profondément, délibérément et
bruyamment, et il a continué ainsi pendant vingt-quatre heures. Les
infirmières nous ont dit que les vétérans de guerre vivaient une
expérience de la mort différente des autres du fait de leur
entraînement au combat et de la façon dont ils sont programmés pour
ne jamais abandonner.
Nous étions très proches. Eh bien, à un certain point, j’ai
simplement su que c’était la fin, et j’ai automatiquement pris sa main
gauche puis placé ma main droite sur lui de sorte que je ressentais
son artère carotide et sa poitrine pour savoir quand son cœur et sa
respiration cesseraient. J’ai fermé les yeux pour prier, quand, très
soudainement, j’ai été projetée dans ce que je peux seulement décrire
comme un croisement entre un film et un rêve, bien que ce fût
extrêmement net. Je planais au-dessus de lui comme un cameraman –
présente mais sans participer.
Il luttait pour s’accrocher à des rochers sur le bord d’un torrent
très puissant et il était clairement épuisé et terrifié. Soudain, notre
attention à tous les deux a été attirée par une forme brillante jaune
clair qui se trouvait au-dessus du milieu du torrent et qui illuminait
un canoë blanc avec une pagaie rouge, immobile sur l’eau agitée.
Poussant une sorte de cri, mon père a lâché le rocher et a nagé
rapidement jusqu’au canoë, puis il a sauté dedans comme l’homme
agile qu’il était dans ses jeunes années. Je me suis rapprochée de lui
et suis arrivée juste derrière sa tête. Il a commencé à pagayer
vigoureusement et a regardé juste une fois dans ma direction avec ce
que je ne peux décrire que comme de la joie sur son visage. C’était
tellement au-delà de ce que je peux décrire que sa puissance et son
rayonnement me submergent encore.
Cela n’a duré qu’un instant. Puis il s’est retourné et s’est remis à
pagayer avec enthousiasme. Il a tourné avec le torrent puis a disparu
derrière des arbres, et je suis restée en arrière. Alors j’ai pensé :
« C’est terminé. » Mais soudain, comme si j’étais attachée à un
élastique, j’ai été catapultée au sommet d’un arbre sur ma gauche, un
peu en arrière. Là, en dessous, sur une espèce de ponton en forme de
« U », se trouvait une foule de personnes qui ne me voyaient pas. Les
visages étaient flous, mais je reconnaissais à leurs corps des membres
de la famille et d’anciens amis à lui.
Mon père est arrivé en pagayant depuis la droite et, aussitôt qu’ils
l’ont vu, ces gens ont commencé à crier son nom et à l’encourager
pour l’accueillir. Il semblait transporté de joie, souriant et presque un
peu stupéfait au début. Il a alors sauté hors du canoë avec sa pagaie
dressée comme en signe de victoire et il a disparu dans les étreintes et
les congratulations de la foule…
Boum – j’étais revenue à côté de lui sur le lit. Juste au moment où
je commençais à ouvrir les yeux, j’ai ressenti le dernier battement de
son cœur et son dernier souffle. C’est toujours aussi clair dans mon
esprit que lorsque cela s’est produit il y a près de quatre ans. Je peux
me rappeler chaque détail de cette vision, depuis les vêtements qu’il
portait jusqu’aux types d’arbres et aux noms des personnes qui
l’attendaient. Et je peux toujours voir à la fois l’épuisement et la peur
sur son visage alors qu’il s’accrochait, puis la façon dont celui-ci
s’est illuminé avec ce dernier sourire qu’il m’a adressé. J’ai senti
qu’il m’avait autorisée à l’accompagner en partie vers son après-vie.
Bien que je n’aie été qu’observatrice et non participante, cette
expérience a néanmoins été transformatrice et a constitué un cadeau
de mon père, que je ne pourrai jamais lui rendre. Je peux réellement
me sentir moi-même briller et je suis toujours émue quand je raconte
cette histoire.
De nouveau, je n’ai jamais entendu d’histoire comme celle-là, mais
bien sûr cela ne change rien pour moi. C’est la chose la plus
incroyable et la plus inattendue dont j’aie jamais fait l’expérience, de
même que l’un des plus beaux cadeaux que j’aie jamais reçus.

« Devance toute séparation. »


Rainer Maria Rilke.

Les personnes que nous sommes au cours de toutes nos vies seront un jour
rassemblées en un seul être qui combinera tous les êtres que nous avons été à
travers ce cycle cosmique, et cet être continuera à grandir et grandir jusqu’à ce
qu’il devienne l’être divin que chacun de nous est destiné à devenir. Parvenus
à cette extrémité, nous serons tous au « ciel », qui est le sens véritable du mot
paradis, en tant que partie du corps de Dieu.
Ainsi, ces fleurs que j’ai vues en perpétuelle floraison – ces fleurs écloses
qui étaient tout entières mouvement mais simultanément immobilité – m’ont
donné l’aperçu le plus puissant de ce que nous sommes nous-mêmes alors que
nous avançons vers ce point de perfection incalculable qui se trouve
« devant », selon une certaine perspective, mais également, de façon
éminemment paradoxale, ici et maintenant.
Voici le récit, écrit par son épouse, des derniers jours du critique
cinématographique Roger Ebert avant qu’il ne succombe à un cancer.

« Le 4 avril, il était de nouveau assez fort pour que je le ramène à la
maison. Ma fille et moi sommes allées le chercher. Lorsque nous sommes
arrivées, les infirmières l’aidaient à s’habiller. Il était assis sur son lit, et il
avait l’air vraiment heureux de rentrer à la maison. Il souriait. Il était assis un
peu comme Bouddha, et puis il a juste baissé la tête. Nous pensions qu’il était
en train de penser, peut-être de réfléchir à ses expériences, content de rentrer
à la maison. Je ne me souviens plus qui l’a remarqué en premier, qui a pris
son pouls… Dans un premier temps, bien sûr, j’étais complètement paniquée.
Il y a eu une histoire de code, puis on a apporté des machines. J’étais
stupéfaite. Mais quand nous avons compris qu’il était en train de passer de ce
monde à l’autre, tout, et tout le monde, est devenu calme. On a éteint les
machines et la chambre est devenue paisible. J’ai mis une musique qu’il
aimait, Dave Brubeck. Je me suis assise sur le lit avec lui et j’ai murmuré à
son oreille. Je ne voulais pas le laisser. Je suis restée avec lui pendant des
heures, juste à tenir sa main.
Roger était beau. Il était vraiment beau. Je ne sais pas comment le décrire,
mais il avait l’air paisible et il semblait jeune.
Une chose pourrait surprendre les gens : Roger disait qu’il ne savait pas
s’il pouvait croire en Dieu. Il avait des doutes. Mais vers la fin, quelque chose
de vraiment intéressant s’était produit. Durant la semaine qui a précédé le
décès de Roger, j’allais le voir et il me disait qu’il avait visité un autre endroit.
Je pensais qu’il avait des hallucinations. Je croyais qu’on lui donnait trop de
médicaments. Mais la veille de sa mort, il m’a écrit un mot : “Tout cela n’est
qu’un canular élaboré.” Je lui ai demandé : “Qu’est-ce qui est un canular ?”
Et il parlait de notre monde, de cet endroit. Il disait que c’était une illusion. Je
pensais qu’il était désorienté. Mais ce n’était pas le cas. Il ne visitait pas le
paradis, en tout cas pas selon l’idée que nous en avons. Il le décrivait comme
une immensité que l’on ne peut même pas imaginer. C’était un endroit où le
passé, le présent et le futur se produisaient simultanément.
C’est difficile à mettre en mots. Je l’aimais, tout simplement. Je l’aimais
tellement que je pense que je le croyais invincible. Pour vous dire la vérité, je
continue d’attendre que des choses se passent. J’ai ce sentiment que nous n’en
avons pas terminé. Roger n’est pas terminé. Pour moi, Roger était magique, il
était simplement magique. Et je ressens toujours cette magie. Je lui parle, et il
me répond3. »

Il est fascinant, et toujours profondément émouvant pour moi, de constater
combien les personnes sur le point de quitter ce monde – souvent après de
longues et terribles souffrances – peuvent saisir un aperçu de l’endroit où elles
vont et de celui où elles se trouvaient tout le temps qu’elles étaient ici. Ebert,
un homme qui avait vécu de son écriture, a offert à sa femme quelques mots
lui proposant, j’en suis sûr, ce qu’il pensait être le cadeau le plus précieux
qu’il pouvait lui laisser : la vérité sur ce monde.

Ebert a raison. Ce monde est une illusion – un canular. Il n’est pas réel. Et
bien sûr, en même temps, il est réel, merveilleux, et mérite notre amour le plus
profond ainsi que notre attention. Nous devons simplement nous rappeler qu’il
n’est pas tout ce qui existe.

« Le monde est une scène, et tous les hommes et les femmes ne sont que des acteurs. »
William Shakespeare.

Aldous Huxley, un écrivain décédé en 1963 après un long et douloureux


combat contre le cancer, a dicté son dernier essai – un texte sur Shakespeare
commandé par un magazine – à sa femme quelques jours avant de mourir.
Dans cet essai, Huxley a dit quelque chose de remarquablement similaire à ce
qu’Ebert a écrit à son épouse.
« Le monde est une illusion, a-t-il dit. Mais c’est une illusion que nous
devons prendre au sérieux, car elle est réelle dans les limites de son extension.
Nous devons trouver une façon d’être dans ce monde tout en n’y étant pas »,
ajoutait-il. Car en vérité nous ne sommes jamais pleinement, complètement ici
en premier lieu. Nous venons d’ailleurs et sommes destinés à y retourner.
Lorsque nous pensons que nous sommes notre cerveau et notre corps, et rien
de plus, nous perdons la capacité à être de véritables protagonistes – de vrais
héros. Et ainsi que Joseph Campbell n’a cessé de le souligner, nous sommes
tous des héros. Le mot « protagoniste » vient en partie du mot grec agon, qui
signifie « concours ». Le mot « agonie » en provient également, et on ne peut
nier que la vie est une lutte douloureuse – en anglais, agonizing – pour
quelques personnes la plupart du temps, et pour la plupart des personnes une
partie du temps. Mais c’est une lutte qui conduit quelque part. Une fois le
concours, l’agon, de cette vie terrestre achevé, Huxley est parti, tout comme
Ebert, en laissant derrière lui cette information dont nous devons nous
souvenir. Ce monde n’est pas tout ce qui existe. Il en existe un plus vaste, dont
le monde terrestre en apparence complet n’en est qu’une infime partie. Ce
monde plus vaste est régi par l’amour et nous sommes tous en chemin vers
cette demeure, aussi, nous ne devrions jamais désespérer.
Parce que nous pouvons retrouver ce que nous avons perdu.
La fin de notre voyage, le lieu où nous nous rendons, n’est pas un lieu qui
peut être décrit par des mots, en tout cas pas pleinement. « Le contraire d’une
affirmation juste est une affirmation fausse, a écrit le physicien Niels Bohr. Le
contraire d’une vérité profonde peut être une autre vérité profonde. » Bohr
nous dit que lorsque nous regardons suffisamment en profondeur, les choses
ne fonctionnent plus selon le principe d’ordre : soit ceci, soit cela. Elles
fonctionnent selon un principe à la fois ceci et cela. Une particule est un
corpuscule et une onde. Une chose est vraie, et son contraire est vrai
également. Nous sommes intégralement un avec notre créateur et nous
sommes des êtres individués. Le temps avance et il est immobile. Une
particule est sur une face de l’Univers… et cependant, exactement au même
moment, elle est aussi sur l’autre face. Mais parce que les mondes ne forment
tous en vérité qu’un seul monde, nous pouvons utiliser les mots et les
symboles de cette Terre pour essayer de les décrire. Alors nous disons que ce
sera quelque chose comme une danse, quelque chose comme un mariage,
quelque chose comme une fleur, quelque chose comme le son de l’eau qui
s’écoule et quelque chose comme l’éclat de l’or.
Je ne peux guère le décrire mieux, mais je sais que c’est là. Et je sais que
c’est notre travail, en tant que culture, d’aider chacun, du plus jeune au plus
âgé, à se rappeler ce fait. De garder vivante à chaque instant la connaissance
de la réalité des mondes au-delà de celui-ci. Je veux que cette femme dans sa
résidence pour personnes âgées, qui regardait dans la profonde et aveuglante
obscurité des yeux de son mari fraîchement épousé il y a si longtemps, sache
que son mari vit toujours et qu’elle et lui, ainsi que toutes les personnes et les
animaux qu’elle a aimés, seront de nouveau réunis dans ce monde de l’au-
delà.
Dans l’un de ses livres, Henry Corbin, spécialiste du mysticisme musulman,
évoque un échange qui s’est produit dans les années 1950 lors d’une
conférence de chercheurs en histoire des religions. C’était au cours d’un
déjeuner et Corbin et une autre personne discutaient avec Daisetz T. Suzuki, le
grand spécialiste du bouddhisme zen. Corbin lui a demandé comment s’était
produite sa rencontre avec la spiritualité occidentale. À sa grande surprise,
Suzuki lui répondit que plusieurs années auparavant, il avait traduit en
japonais quatre livres d’Emanuel Swedenborg.
Corbin et son ami étaient très surpris : un spécialiste du bouddhisme zen qui
non seulement lisait le travail d’un scientifique et visionnaire chrétien du
XVIIe siècle, mais qui en plus entreprenait de le traduire en japonais ! Ils lui ont
demandé quelles étaient les similitudes qu’il avait trouvées entre Swedenborg
et le Zen. Corbin écrit : « Je peux encore voir Suzuki brandir soudain sa
cuillère et dire en souriant : “Cette cuillère en ce moment même existe au
paradis. Nous sommes maintenant au paradis.”4 »

J’aime beaucoup cette histoire. Un érudit et mystique de l’Est célèbre un
érudit et mystique de l’Ouest en utilisant l’objet le plus ordinaire et banal que
l’on puisse imaginer.
Où que vous soyez, vous êtes au paradis maintenant, de même que tout
objet, personne ou créature autour de vous, aussi humbles et insignifiants
soient-ils en apparence. Non pas d’une façon vague, difficile à comprendre ou
théorique, mais de la façon la plus tangible et la plus réelle qui soit. Aussi
réelle, comme ce témoin l’avait raconté à Alister Hardy, que le fait de toucher
un câble électrique. Tout objet que vous voyez autour de vous dans le monde
existe au sein d’une hiérarchie de mondes et il en est ainsi à chaque seconde.
Cela inclut le bec de la pompe à essence que vous avez utilisé la dernière fois
que vous avez fait le plein et le gobelet de café écrasé, que vous avez
vaguement regardé pendant que le réservoir de votre voiture se remplissait. Le
paradis est là. Mais nous nous sommes habitués à ne pas le voir, et c’est
pourquoi une part grandissante de notre monde commence à ressembler à
l’enfer.
Pourquoi, lorsque je faisais du parachutisme, mes amis et moi sautions-nous
d’avion plusieurs kilomètres au-dessus du sol, coordonnant nos chutes libres
pour nous rejoindre pendant quelques glorieuses secondes et former des
étoiles, des flocons de neige ou d’autres figures dans le ciel ?
Eh bien, c’était amusant. Mais il y avait également autre chose à l’œuvre –
une sorte de sensation de « perfection » que j’éprouvais lorsque j’étendais les
bras et que, pendant un instant, nous réussissions ensemble à créer une
formation dans le ciel. Pendant les secondes où nous nous rejoignions en
chute libre, nous formions un rassemblement complet et harmonieux au-
dessus du sol. Il est amusant – et en même temps pas du tout amusant – de
constater qu’à cette époque où mes amis et moi sautions de ces avions pour
former ces brefs regroupements dans le ciel, ceux-ci étaient très souvent de
forme circulaire. Le cercle, comme le savait Platon, est le symbole de l’unité –
du ciel et de la Terre réunis, comme ils l’étaient autrefois et le seront un jour
de nouveau. Et d’une certaine façon, alors que nous foncions à travers le ciel
et manœuvrions pour nous rassembler au sein de ces grandes formations
pendant quelques instants fabuleux, nous savions cela. Nous savions, mes
amis et moi, en formant ces cercles dans le ciel, qui étaient des symboles si
parfaits de notre destinée cosmique, exactement ce que nous faisions. À un
niveau profond, nous savons tous exactement ce que nous faisons à chaque
instant. Mais cette connaissance va et vient, s’en va et revient de nouveau.
C’est la raison pour laquelle nous devons travailler dur – plus dur aujourd’hui
que jamais – pour nous souvenir. Nous n’en avons jamais été aussi éloignés.
Mais le voyage aller se termine et le voyage retour commence. C’est
pourquoi, quand je repense à ces sauts, je repense toujours également au
premier saut que j’ai effectué – le saut qui m’a initié au sein de cette fraternité
céleste – et à la question que mon instructeur m’a posée alors que je me tenais
au bord de la porte, me préparant à me jeter dans le vide. Je pense à cette
question en trois mots qu’il m’a posée et que l’on a posée à tant d’autres
initiés à travers l’histoire, et longtemps avant. Trois mots qui sont posés à
notre culture, maintenant, par les mondes de l’au-delà, alors que nous nous
préparons à entrer dans ce qui sera le plus exigeant et le plus merveilleux
chapitre de notre histoire.
Êtes-vous prêt ?
1 Christopher Bache, Dark Night, Early Dawn (« Nuit noire, aube précoce », non traduit en
français).
2 Cité par Alister Hardy, The Spiritual Nature of Man.
3 Raconté au journaliste Chris Jones dans Esquire, décembre 2013.
4 Henry Corbin, L’Imagination créatrice dans le soufisme d’Ibn’Arabi.
Appendice

La réponse réside en nous tous

« Celui qui connaît le secret du son connaît le mystère de tout l’univers. »


Hazrat Inayat Khan (1882-1927).

Qui sommes-nous ?
D’où venons-nous ?
Où allons-nous ?

Mon voyage m’a appris qu’un véritable chercheur doit aller loin dans sa
propre conscience pour s’approcher de la connaissance de la vérité de
l’existence. Lire ou écouter simplement les expériences et les points de vue
d’autres personnes ne suffit pas. Comme nous l’avons vu, les dogmes
scientifiques et religieux ne sont pas toujours justes et il est important de
développer un niveau élevé de confiance dans notre propre système de
guidance intérieure plutôt que de suivre aveuglément de soi-disant experts.
Il n’est pas indispensable de vivre une EMI ou un autre type d’événement
extérieur pour accéder à cette connaissance – elle peut être cultivée
intentionnellement. Les méditants expérimentés et les mystiques l’ont
démontré depuis des millénaires. Cela m’a pris quelques années après mon
coma, mais j’ai finalement compris que je devais m’engager dans une pratique
régulière de la méditation pour élargir ma relation au domaine spirituel. J’ai
découvert que je pouvais revisiter certains des domaines supra-physiques les
plus éloignés rencontrés lors de mon voyage dans le coma grâce aux
méditations basées sur le son qui ont été pour moi une forme de prière centrée.
Ces méditations m’ont aidé non seulement à retrouver des éléments de mon
voyage, mais aussi à atteindre des niveaux profonds de conscience. Tout
comme le son avait facilité dans mon voyage les transitions jusqu’à des
domaines plus profonds et plus étendus, le son peut jouer un rôle important
pour nous tous, ici et maintenant.
À l’époque où je suis tombé dans le coma (novembre 2008), je travaillais
pour la Fondation de chirurgie par ultrasons dirigés (Focused Ultrasound
Surgery Foundation) depuis plus d’un an. Mon rôle principal était de
coordonner la recherche médicale globale à l’aide de cette technologie
puissante et innovante que j’avais découverte alors que je travaillais sur un
projet d’imagerie par résonance magnétique intra-opératoire à l’école de
médecine d’Harvard au début des années 1990. Dans ce cadre, je découvris le
large spectre d’interactions bénéfiques que le son peut avoir avec la matière.
Je vis en particulier comment les effets thermiques et mécaniques des
ultrasons – le son d’une fréquence au-delà de 20 000 cycles par secondes, ou
hertz (Hz), limite supérieure de l’audition humaine – pouvaient être guidés à
l’aide de techniques avancées d’imagerie par résonance magnétique (IRM) et
révolutionner la médecine à travers de nombreuses applications. Il se trouve
que mon travail ne faisait alors qu’effleurer la surface de la façon dont le son
peut influencer le monde matériel.
Comme le savent les lecteurs de La Preuve du Paradis, la musique, le son
et les vibrations ont constitué une clé pour me permettre d’accéder à la totalité
des domaines spirituels au cours de mon EMI – de la Mélodie tournoyante de
pure lumière blanche qui m’a sorti du Monde vu du ver-de-terre, servant de
portail vers la vallée ultra-réelle du Passage, aux chœurs angéliques dont les
chants et les hymnes ont accéléré mon ascension au-delà de cette vallée
paradisiaque idyllique à travers les dimensions supérieures, jusqu’à atteindre
le Cœur, bien au-delà de l’espace et du temps. C’est dans le Cœur que j’ai
ressenti l’enchantement tonitruant du Om, ce son que j’ai associé à l’Être
infiniment puissant, connaissant et aimant, cette Déité au-delà de tout nom et
de toute description – Dieu.
L’une des questions que l’on me pose le plus souvent à l’issue de mes
conférences est de savoir si je me souviens de la musique, en particulier la
Mélodie tournoyante. La réponse est que j’ai perdu le souvenir de ces sons
magiques. Mais j’ai travaillé avec plusieurs personnes pour essayer de les
retrouver à ce niveau terrestre. Saskia Moore, qui vit à Londres, a trouvé des
corrélations entre des éléments que j’ai identifiés de la musique de mon EMI
et des musiques semblables rapportées par d’autres témoins dans le cadre de
son projet « Dead Symphony1 ».

Une expérience extraordinaire avec le son et la méditation est survenue lors
d’une session que j’ai faite avec Alexandre Tannous, un ethnomusicologue et
chercheur qui a étudié et pratiqué la thérapie par le son. J’ai rencontré
Alexandre pour la première fois lors d’une conférence au Forum de bioéthique
à Madison (Wisconsin) sur la mort et son processus. Il a captivé l’ensemble du
public grâce à son enchanteresse méditation sonore, utilisant des gongs, des
carillons et d’anciens bols tibétains.
Quelques semaines plus tard, je l’ai rencontré pour une session privée dans
son studio de New York. Il m’a proposé un voyage sonore qui a produit une
expérience totalement hors de cet Univers. J’ai été frappé par la réalité du
monde où j’ai pénétré à travers les sons qu’il produisait – un monde aux lois
physiques entièrement différentes. J’ai vu des herbes ondulant doucement près
d’une rivière et observé la rotation d’une proche galaxie dans le ciel nocturne.
Mon expérience du temps était renversée : j’ai eu l’impression que c’était un
voyage qui durait des heures alors que ça n’a réellement duré qu’une fraction
de ce temps. Ma description peut sembler évoquer une expérience sous drogue
psychédélique, mais ce voyage extraordinaire a seulement été produit par le
son.
La raison en est que tout est vibration. Nos systèmes sensoriels, en
particulier nos yeux et nos oreilles, traitent l’information à travers les
fréquences d’ondes vibrantes, qu’il s’agisse des radiations électromagnétiques
– la lumière visible par l’œil humain – ou des ondes sonores dans l’air qui
viennent frapper le tympan. De même, le modèle neuroscientifique actuel des
fonctions cérébrales repose sur le fait que le traitement d’information résulte
globalement de vibrations – provenant des motifs spatio-temporels de
décharge neuronale au sein du réseau extrêmement riche de neurones dans le
cerveau humain. Les neurosciences diraient que tout ce dont vous avez jamais
fait l’expérience n’est rien d’autre que ces vibrations électrochimiques dans le
cerveau – un modèle de la réalité, et non la réalité elle-même.
Avant mon coma, j’en savais très peu sur l’importance du son dans
certaines traditions méditatives et religieuses. Depuis lors, j’ai appris
énormément de choses sur la signification du son Om en particulier, et
notamment dans la tradition hindoue où il constitue le son primordial utilisé
dans le chant de mantras. Om a été décrit comme la vibration primordiale qui
a donné naissance à la matière présente dans notre monde aujourd’hui. Mon
expérience dans le Cœur m’a montré qu’Om est en effet à l’origine de toute
existence.
Nombre de mes recherches actuelles impliquent donc l’utilisation du son –
musique ou autres manipulations des différentes fréquences du son – pour
induire des états de conscience profondément transcendantaux. À travers cette
recherche, j’ai essayé de mettre mon cerveau physique « hors circuit », de
neutraliser le traitement d’information de mon néocortex – de libérer mon
attention. J’ai cherché à reproduire le vaste élargissement d’attention
consciente que j’avais connu pour la première fois du fait de ma méningite –
et l’attaque de mon néocortex qu’elle avait provoquée –, lorsque j’ai suivi la
lumière blanche (la Mélodie tournoyante) depuis le Monde vu du ver-de-terre
jusqu’à l’ultra-réalité éclatante de la vallée du Passage. Les chœurs angéliques
ont alors ouvert un autre portail conduisant aux dimensions supérieures du
Cœur. J’ai présumé que je pourrais utiliser le son pour revisiter les domaines
de mon odyssée dans le coma profond et que je pourrais le faire en
synchronisant mes ondes cérébrales à l’aide de fréquences spécifiques.
De la façon la plus simple, cela implique l’utilisation de tonalités de
fréquences très légèrement différentes envoyées par des écouteurs dans
chaque oreille. Par exemple, envoyer un signal de 100 Hz dans une oreille et
de 104 Hz dans l’autre engendre la sensation d’un son ondulatoire de 4 Hz, un
« rythme binaural », issu de la différence entre les deux signaux. Le son de ce
« rythme » n’existe pas en tant que tel à l’extérieur du cerveau – ce n’est pas
un « son » que d’autres pourraient entendre.
Le circuit neuronal du tronc cérébral inférieur qui génère le rythme binaural
est adjacent à un circuit primitif qui, selon le point de vue moderne des
neurosciences sur la conscience, est responsable du mécanisme temporel
fondamental qui permet de réunir les informations provenant de plusieurs
modules neuronaux séparés en une seule perception conscience « unifiée ».
Ma théorie est que cela permet à la fréquence de ce rythme de conduire ou
d’« entraîner » l’activité électrique dominante du néocortex, et donc de
moduler sa fonction générale.
C’est dans ce contexte que j’ai rencontré Karen Newell en novembre 2011.
Karen avait une vaste connaissance, mais aussi une sagesse et une expérience
qui complétaient mon propre voyage par bien des aspects. Elle et le
compositeur/ ingénieur audio Kevin Kossi, tous deux cofondateurs de Sacred
Acoustics, travaillaient ensemble depuis près d’un an sur l’utilisation de ces
différents types de fréquences synchronisées afin d’atteindre régulièrement
des états modifiés d’attention. Je me suis rendu compte que leurs techniques
pouvaient avoir un énorme potentiel pour m’aider à accéder à ces domaines
spirituels extraordinaires que je voulais revisiter. En écoutant pour la première
fois leurs enregistrements, je fus stupéfait par leur capacité à libérer ma
conscience des limites imposées par mon cerveau. Une partie de leur
technique comprend l’utilisation de fréquences et d’harmoniques que l’on
retrouve dans la nature, et ils se sont également inspirés de sons trouvés dans
d’anciennes cultures sacrées.
Nos lointains ancêtres connaissaient l’importance du son en tant qu’outil
pour accéder aux domaines spirituels. Les chercheurs du laboratoire Princeton
Engineering Anomalies Research (PEAR), créé en 1979, ont passé plusieurs
décennies à étudier le rôle de la conscience dans la réalité physique, y compris
par l’étude de l’archéo-acoustique (l’étude des propriétés acoustiques
d’anciens sites rituels). Une étude de PEAR en Grande-Bretagne a impliqué la
mesure de la résonance acoustique de structures anciennes fabriquées par
l’homme2.

Malgré les différentes formes et tailles d’enceintes variées, il apparaît que
beaucoup d’entre elles résonnent à une fréquence comprise entre 95 et
120 Hz. Cet écart est semblable à celui de la gamme vocale humaine. Certains
ont spéculé sur le fait que des chants humains ont été utilisés dans ces
endroits, amplifiés par la résonance, afin d’accéder à des états de conscience
non locale.
Selon les recherches en acoustique menées dans la grande pyramide de
Khéops en Égypte, les bâtisseurs ont délibérément inclus des caractéristiques
qui créent une résonance dans les basses fréquences (1-8 Hz), associée à la
méditation transcendantale et aux états oniriques. Des visiteurs modernes
ayant passé du temps dans la chambre du roi à l’intérieur de la grande
pyramide ont fait mention d’expériences mystiques produites par des chants et
d’autres sons. Un grand nombre des magnifiques cathédrales médiévales à
travers le monde sont également connues pour leurs qualités acoustiques, qui
permettent à la musique des orgues et des chorales de résonner dans la
structure du bâtiment, induisant une expérience spirituelle d’élévation chez les
participants. Cela est particulièrement flagrant dans la cathédrale Notre-Dame
de Chartres en France. Comme la grande pyramide, la cathédrale de Chartres a
été construite pour amplifier certaines harmonies. Les chants grégoriens sont
particulièrement puissants dans ce cadre. L’objectif était d’aider à la fois les
auditeurs et les chanteurs à se relier plus personnellement au divin.
En tant que neurochirurgien, je savais depuis des décennies que seule une
minuscule portion du néocortex est en fait dévolue à la génération et la
compréhension de la parole ainsi qu’à la production de pensées conscientes.
Les expériences de Benjamin Libet et d’autres, qui ont commencé au début
des années 1980, ont révélé que la petite voix dans notre tête, le « cerveau
linguistique », n’est pas le preneur de décision de notre conscience. Ce
cerveau linguistique, étroitement lié à l’ego et aux notions de soi, n’est qu’un
spectateur – il est informé de décisions conscientes 100 à 150 millisecondes
après qu’une telle décision a été prise. L’origine de ces choix est donc un
mystère bien plus profond. Le Dr Wilder Penfield, l’un des neurochirurgiens
les plus renommés du XXe siècle, a déclaré dans son livre de 1975 The Mystery
of Mind3 que la conscience n’était pas créée par le cerveau physique. Il savait,
après plusieurs décennies de travail sur des stimulations électriques du
cerveau de patients éveillés, que ce que nous appelons le libre arbitre, la
conscience ou l’esprit semble influencer le cerveau physique « de l’extérieur »
et n’est pas créé par lui.
La vraie profondeur de la conscience accessible n’était pas très claire pour
moi avant mon coma et elle est devenue bien plus évidente depuis que j’ai
commencé à travailler avec Sacred Acoustics. Ces méditations générées par le
son m’ont aidé à éteindre la petite voix dans ma tête, ce flot constant de
pensées – qui n’est pas notre conscience –, et à me relier à l’observateur
intérieur de ces pensées, amenant mon attention plus près de mon être
véritable profond. En faisant taire momentanément le bavardage du cerveau
linguistique – ego/moi –, très associé à la peur et à l’anxiété, et en cultivant
notre conscience à travers la méditation, nous commençons à accéder à la
vraie nature de la conscience et de l’existence.
Comme différents expérimentateurs d’EMI, chaque individu fera
l’expérience de cette conscience de différentes façons. À travers mes
méditations, j’ai pu retourner dans ces domaines que j’ai découverts au plus
profond de mon coma. J’ai également été capable de ressentir et de
communiquer avec l’âme de mon père, si intensément absent de mon EMI.
D’autres ont rapporté une capacité accrue de concentration, des inspirations
créatives remarquables, le retour de souvenirs perdus de l’enfance, une
attention et une intuition augmentées, et même la connexion directe avec les
domaines non physiques et avec l’Unité grandiose de la conscience
universelle. Chacun de nos voyages est unique – les possibilités sont
illimitées. Le don de l’attention nous apporte le potentiel d’explorer pour
nous-mêmes la vraie nature de la conscience et notre lien personnel à tout ce
qui existe.
À mesure que chacun de nous s’éveille au fait que notre conscience
individuelle fait partie d’une conscience universelle bien plus vaste,
l’humanité va entrer dans la période la plus importante de toute son histoire,
au cours de laquelle nous atteindrons une compréhension plus profonde de la
nature fondamentale de toute l’existence. Celle-ci inclura la consolidation des
sagesses plurimillénaires, la coalescence de la science et de la spiritualité, et la
convergence des plus grands concepts sur la nature de notre existence. Les
réponses résident en nous tous.
Êtes-vous prêt ?

1 Voir http://saskiamoore.tumblr.com/deadsymphony.
2 www.princeton.edu/~pear/pdfs/1995-acoustical-resonances-ancient-structures.pdf.
3 Dr Wilder Penfield, The Mystery of Mind (« Le mystère de l’esprit », non traduit en français).
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