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Gynécol Obstét Fertil 2001 ; 29 : 583-93

© 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés


S1297958901001965/SSU
FAITS ET ARGUMENTS

Infertilité masculine d’origine génétique


et assistance médicale à la procréation
P. May-Panloup1, 2*, M.C. Malinge3, L. Larget-Piet3, M.F. Chrétien1, 2
1
Laboratoire d’histologie-embryologie-cytologie, CHU Angers, 4, rue Larrey, 49033 Angers cedex 1, France ;
2
laboratoire de fécondation in vitro, CHU d’Angers, 4, rue Larrey, 49033 Angers cedex 1, France ; 3service de
génétique, CHU d’Angers, 4, rue Larrey 49033 Angers cedex 1, France

Résumé
L’infertilité du couple n’est plus l’apanage de la femme, et l’homme se trouve impliqué dans la moitié des cas. Les hypo-
fertilités masculines sont d’étiologies variables et encore bien souvent inconnues. Dans 30 % des cas, on estime qu’elles
seraient reliées à un trouble génétique. Les désordres génétiques peuvent correspondre à des anomalies de formation
des gonades, du tractus uro-génital ou de l’axe hypothalamohypophysaire, avoir un effet direct sur la production et la
maturation des cellules germinales ou conduire à l’obtention de spermatozoïdes non fonctionnels. Ils peuvent être, soit
de nature chromosomique et se présenter sous forme d’anomalie caryotypique ou évoquer une mosaïque germinale,
soit géniques et concerner de nombreux gènes situés sur différents chromosomes et notamment le chromosome Y. Il
est important de connaître l’origine de ces infertilités, en particulier en raison d’une possible transmission du facteur
génétique causal à la descendance. Cette question est au centre des préoccupations des professionnels de l’assistance
médicale à la procréation, particulièrement depuis l’avènement de la micro-injection. Le problème se pose en effet d’être
en mesure de fournir, en l’état actuel de nos connaissances, l’information la plus juste et la plus précise possible afin de
permettre aux patients de réaliser un « choix éclairé » parmi les différentes solutions qui s’offrent à eux (micro-injection
intraconjugale, don de sperme, adoption). Les progrès de l’assistance médicale à la procréation d’une part, et l’essor de
la génétique médicale d’autre part, ont créé de nouvelles situations souvent difficiles à aborder sur le versant éthique.
© 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

AMP / génétique / infertilité masculine

Summary – Genetic male infertility and assisted reproductive technology (ART).


About half the cases of infertility have their origin in the male partner. Infertility due to males has several possible aeti-
ologies. In about 30 % of cases, genetic disorders are suspected of being the main cause. They could interfere with the
development of the male gonads, the urogenital tract or the hypothalamo-hypophyseal axes. Such disorders could also
stop germ cell generation and maturation or lead to the production of non-functional spermatozoa. Genetic disorders of
chromosomal origin could give rise to abnormal karyotypes or germinal mosic figure. They could involve gene abnor-
malities affecting numerous genes localized on several chromosomes, in particular the Y chromosome. The physio-
pathologic identification of male infertility is interesting because of the risk of the genetic factors involved being trans-
mitted to the offspring. The subject is of importance, specially because of the increasing use of intracytoplasmic sperm
injections. Couples should therefore be precisely counselled to enable them to make a well-informed choice among
various solutions, e.g. ART, with or without sperm donation, or adoption… © 2001 Éditions scientifiques et médicales
Elsevier SAS

ART / genetic / male infertility

*Correspondance et tirés à part.


Adresse e-mail : PaMayPanloup@chu-angers.fr (P. May-Panloup).
584 P. May-Panloup

La prévalence de l’infertilité est estimée à 15 % des cou- Anomalies cytogénétiques chez l’homme infertile
ples en âge de procréer et dans environ la moitié des cas,
l’homme est impliqué [1]. Les causes d’infertilité mas- Fréquence des anomalies cytogénétiques
culine reconnues sont nombreuses mais n’expliquent Différentes études portant sur des populations d’hom-
que 30 à 60 % des cas [2]. Il reste donc une vaste place mes infertiles ont montré que le pourcentage d’anoma-
pour des étiologies encore mal définies. Les cas d’infer- lies décelées sur caryotypes sanguins (2 à 10 %) était plus
tilité masculine d’origine génétique ont été estimés à élevé que dans une population d’hommes témoins fer-
30 % [3]. Néanmoins, la place de cette étiologie semble tiles (0,7 à 1 %) [2-4]. On observe 5 fois plus d’anoma-
devoir croître en raison de nos connaissances encore lies au niveau des autosomes et 27 fois plus au niveau
limitées des mécanismes de contrôle de la spermatoge- des chromosomes sexuels [1]. La prévalence des anoma-
nèse et du fonctionnement du testicule. La connaissance lies chromosomiques semble corrélée à la sévérité de
des causes génétiques de l’infertilité est importante en l’atteinte spermatique de la population étudiée. En effet,
soi, mais aussi en raison d’une possible transmission du le taux d’anomalies chromosomiques dans une popula-
facteur génétique causal à la descendance. Ceci est tion d’hommes infertiles est plus important chez les
d’autant plus vrai, en raison du progrès des techniques patients oligospermiques (5 à 11 % selon les études), et
d’assistance médicale à la procréation (AMP) qui per- encore plus chez les patients azoospermiques (14 à
mettent aujourd’hui de passer outre l’anomalie limitant 17 %) [2, 4]. Par ailleurs, dans le cadre des oligosper-
la fécondation. mies, on observe plus d’anomalies au niveau des auto-
somes, alors qu’il s’agit surtout d’anomalies des chromo-
somes sexuels en cas d’azoospermie [2]. Enfin, aucune
ANOMALIES GÉNÉTIQUES EN CAUSE ET AMP correspondance exacte n’a cependant pu être mise en
évidence entre les différents types d’altérations du sper-
mogramme et les anomalies cytogénétiques retrouvées.
La liste est longue, des causes génétiques d’infertilité
Seules quelques relations entre morphologie spermati-
masculine liées à des anomalies du développement du
que et contenu génétique du spermatozoïde ont parfois
tractus génital masculin, de la spermatogenèse ou de la été décrites (diploïdie des spermatozoïdes avec
régulation hormonale. Les facteurs génétiques de l’infer- macrocéphalie et flagelles multiples [4, 5].
tilité masculine peuvent être chromosomiques ou géni- Parmi les hommes infertiles à caryotype constitutionnel
ques, autosomiques ou gonosomiques, à effet pléiotro- normal, on retrouve plus d’anomalies cytogénétiques au
pique ou limités à la lignée germinale. niveau des spermatozoïdes (dont les noyaux ont été étu-
La prise en charge des infertilités masculines nécessite diés par fécondation hétérospécifique ou plus récem-
le plus souvent, le recours à différentes techniques ment par fluorescence in situ hybridization (FISH) que
d’AMP. Parmi celles-ci, l’intracytoplasmic sperm injec- chez les volontaires à spermogramme normal. Les ano-
tion (ICSI) a révolutionné le traitement des stérilités malies ont été décrites pour plusieurs autosomes (1, 12,
masculines. Outre la prise en charge des oligo-asthéno- 13, 18 et 21 notamment) mais surtout pour les gonoso-
tératospermies (OATS) extrêmes, elle permet des fécon- mes [2, 4, 6-8]. L’existence de mosaïques germinales
dations chez des patients souffrant d’azoospermie et chez ces patients a été évoquée par certains auteurs [9].
dont les spermatozoïdes sont obtenus par ponction épi- Pour d’autres, il pourrait s’agir d’une instabilité mitoti-
didymaire ou par biopsie testiculaire. Appliquée que globale qui augmenterait le risque d’aneuploïdie des
d’emblée à l’espèce humaine, sans expérimentation ani- cellules se divisant par mitose comme les spermato-
male préalable, l’ICSI a soulevé de multiples craintes gonies A et B [10].
quant à la santé des enfants qui en sont issus. Et ce, plus
particulièrement en ce qui concerne les risques de mal- Mécanismes à l’origine de l’infertilité
formations et d’anomalies génétiques. Outre les phéno- Les liens entre anomalie chromosomique et infertilité ne
mènes inhérents à la technique elle-même (risque de sont pas encore très clairs puisque dans une même
lésion du fuseau méiotique, ou d’introduction de corps famille, deux sujets atteints peuvent présenter des alté-
étrangers par exemple), l’ICSI pourrait conduire à la rations très variables de leur spermatogenèse [11]. Les
transmission à l’enfant d’une stérilité masculine relevant remaniements chromosomiques observés pourraient
d’une affection génétique (reconnue ou non). soit supprimer un ou plusieurs gènes intervenant dans
Infertilité masculine et génétique 585

la spermatogenèse, soit empêcher le bon appariement nombre touchant les gonosomes. Le caryotype met en
des chromosomes et déclencher un arrêt de méiose. évidence une formule à 47, XXY parfois en mosaïque
Dans le cadre d’anomalies autosomiques, le caractère (généralement 46, XY ; 47, XXY). L’anomalie chromo-
aléatoire des points de cassure observés sur les chromo- somique aurait le plus souvent pour origine une non dis-
somes, plaide plus en faveur d’une anomalie méiotique jonction (maternelle dans deux tiers des cas), ou une
liée à ces translocations que de l’inactivation éventuelle erreur mitotique postzygotique dans 3 % des cas [12].
d’un gène impliqué. En effet, au stade pachytène, cha- Les changements pathologiques caractéristiques au
que chromosome anormal, résultant de la translocation, niveau testiculaire apparaissent à la puberté : il s’agit
a tendance à s’apparier avec les segments homologues d’un processus de fibrose et de hyalinisation des tubules
des deux chromosomes normaux respectifs, aboutissant séminifères. Les sujets présentent une azoospermie et
par exemple à la formation d’un trivalent (en cas de plus rarement une oligospermie souvent sévère. La pré-
translocation robertsonienne) ou d’un tétravalent (en valence de la maladie est de 11 % parmi les patients
cas de translocation réciproque). Le synapsis débute dis- azoospermiques et de 0,7 % parmi ceux qui présentent
talement pour se diriger vers le centromère, mais la por- une oligo-asthénotératospermie (OATS) [13]. La
tion hétérologue peut demeurer non appariée. De plus conservation de foyers de spermatogenèse chez des
à ce stade de la méiose, toute région seule a tendance à patients présentant un caryotype 47, XXY homogène
s’apparier avec n’importe quel candidat disponible qu’il pourraient être le fait d’une mosaïque germinale ou plus
soit homologue ou non. Or, les régions les plus souvent vraisemblablement refléter la possibilité pour les sper-
disponibles sont les régions non homologues des chro- matogonies XXY, de mener à terme leur méiose avec un
mosomes sexuels, ce qui explique l’interaction entre possible phénomène de régulation en cours de
l’autosome du trivalent (ou du tétravalent), siège de la méiose [13]. Les risques théoriques pour la descendance
translocation et la vésicule sexuelle. Une telle association de ces patients seraient de 50 % 47, XXY ou 47, XXX,
aboutirait soit à un défaut d’inactivation des gonosomes et 50 % 46, XY ou 46, XX. Cependant, plusieurs études
avec, notamment, l’absence d’extension du produit du ont étudié la constitution génétique des spermatozoïdes
gène X inactivation specific transcrips (XIST), soit au éjaculés ou recueillis par ponction testiculaire chez ces
contraire à une inactivation des segments autosomiques patients : les hyperhaploïdies gonosomiques ont été esti-
transloqués. Le déséquilibre génique entraînerait alors mées entre 0,92 % et 5 % dans les cas de mosaïques, et
un blocage méiotique au stade pachytène et selon le entre 1,36 % et 25 % chez les patients 47, XXY homo-
pourcentage de cellules germinales dans lequel cette gène, alors que la fréquence chez les patients à spermo-
association surviendrait, l’homme porteur du remanie- gramme normal est de 0,3 % à 2,95 % [13-15]. Ces
ment pourrait développer une infertilité de sévérité hyperhaploïdies correspondaient essentiellement à des
variable [4, 11].
spermatozoïdes 24, XY [15]. Ce qui signifie, d’une part,
Dans le cadre d’anomalies caryotypiques impliquant
que les risques réels d’anomalies gonosomiques pour la
le chromosome Y, les anomalies observées le plus souvent
descendance sont inférieurs aux risques théoriques
chez des hommes infertiles (cf ci-après), ont en commun
(environ 80 % des spermatozoïdes semblent être
la perte d’une partie plus ou moins importante de la
exempts d’anomalies chromosomiques), et d’autre part,
région euchromatique du bras long. Il s’agirait de pertes
que le risque majeur est la naissance d’un garçon atteint
concernant la région AZF contenant les facteurs de
contrôle de la spermatogenèse. du même syndrome que son père. Une douzaine
d’enfants sont nés de père Klinefelter par ICSI [15-17],
Différentes anomalies cytogénétiques retrouvées tous (hormis un cas de réduction embryonnaire de fœtus
47, XXY sur grossesse triple [18]) présentent à ce jour,
Anomalies gonosomiques un caryotype et un développement normal. Ces résul-
tats doivent néanmoins être tempérés. En effet, certains
• Anomalies de nombreElles sont les plus fréquentes auteurs ont souligné la possibilité d’une augmentation
des anomalies gonosomiques. des anomalies autosomiques [15] qui pourraient être
Syndrome de Klinefelter liées à l’anomalie de la vésicule sexuelle au cours de la
Le syndrome de Klinefelter [2, 4, 12, 13] touche environ méiose. Des études récentes faisant appel au diagnostic
1 homme sur 500, c’est l’anomalie la plus fréquente préimplantatoire (DPI) ont mis en évidence un nombre
puisqu’elle représente plus de 60 % des anomalies de élevé de mosaïques chaotiques mettant ainsi l’accent sur
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un possible trouble des divisions cellulaires. Ainsi, si le hétérochromatinienne, les hommes restent fertiles. Si
risque pour ces patients de concevoir un enfant porteur elle se produit dans l’euchromatine (perte ou altération
d’un syndrome de Klinefelter justifie difficilement la des gènes de la spermatogenèse), les hommes devien-
mise en œuvre systématique d’un diagnostic prénatal draient alors infertiles. Il existe néanmoins des cas où
(DPN) ou d’un DPI, le risque inter-chromosomique cette règle n’est pas respectée. Une translocation du
(s’il est confirmé) indique la réalisation d’un DPN, voir chromosome Y avec le chromosome 6 a par exemple, été
d’un DPI suivi d’un DPN de confirmation [14, 15]. décrite, qui s’accompagnait d’une infertilité sévère sans
Syndrome 47, XYY que les gènes le plus souvent impliqués dans la fertilité
Le syndrome 47, XYY touche un à quatre hommes sur masculine, ne soient délétés. Le mécanisme de l’inferti-
1 000. La fertilité peut être normale, mais des lésions his- lité ne serait ici pas lié à l’altération de gène clé de la sper-
tologiques de la gonade ont été décrites, pouvant entraî- matogenèse, mais à des anomalies de la méiose, secon-
ner une altération de la spermatogenèse [9]. daires à la translocation [4].
Syndrome des hommes 46, XX
Le syndrome des hommes 46, XX est rare et concerne Anomalies autosomiques
environ un individu sur 20 000. La présentation clini-
que varie depuis une complète masculinisation, à des • Translocations robertsonniennesLes translocations
hommes avec ambiguïté génitale [2, 4]. Dans la grande robertsonniennes sont une fusion de deux chromosomes
majorité des cas (90 %), il s’agit d’une recombinaison acrocentriques). Celles-ci sont souvent responsables de
méïotique entre les chromosomes X et Y paternels avec fausses couches spontanées (FCS) par anomalie des pre-
passage du gène sex determining region Y chromosome mières divisions de l’embryon, même si par ailleurs elles
(SRY) sur le chromosome X. Néanmoins, dans de rares correspondent aux anomalies les plus fréquentes, pré-
cas les patients n’ont pas le gène SRY, ce qui sous-entend sentes chez une naissance sur 1 000, notamment (13,
l’implication d’autres gènes (notamment autosomiques) 14). Les anomalies de la spermatogenèse sont habituel-
dans la différentiation sexuelle [19]. les mais non constantes, la variabilité phénotypique pou-
vant s’observer au sein d’une même famille. La préva-
• Anomalies de structureElles sont qualitativement lence de ces translocations, plus élevée dans les
nombreuses, quelques-unes des plus fréquentes sont populations d’hommes infertiles, l’est en particulier chez
citées ci-après. Les individus porteurs d’isochromosomes les patients oligospermiques (1,8 % des cas contre 0,1 %
Y, sont décrits avec des phénotypes variables d’inferti- chez les patients azoospermiques et 0,05 % dans la
lité. Les manifestations cliniques vont d’un phénotype population générale) [1, 2, 4].
féminin type Turner, à un phénotype masculin avec
azoospermie et ambiguïté sexuelle. L’azoospermie • Autres anomalies autosomiques structuralesElles
s’accompagne ou non d’une délétion de la zone Azoos- sont responsables d’azoospermies, d’oligospermies mais
permia factor (AZF) (voir ci-après). Les hommes stéri- aussi de fausses-couches spontanées (FCS) ultra-
les porteurs de chromosome Y en anneau ont un phéno- précoces. Elles peuvent toucher tous les chromosomes
type normal (souvent mosaïcisme 46, XY). 90 % ont de façon plus ou moins exceptionnelle, mais il s’agit le
une cassure au niveau du Y proche de la région AZF. Les plus fréquemment des chromosomes 9, 15 et 22. Il peut
délétions terminales du chromosome Y : sont aussi respon- s’agir de translocations réciproques (échange de seg-
sables d’infertilité dans la mesure où elles concernent la ments entre des chromosomes non homologues),
région AZ [2, 4]. d’inversions péricentriques ou paracentriques, de mar-
queurs chromosomiques [4].
Translocations Y-autosomes ou X-Y
Les translocations Y-autosomes ou X-Y sont des trans- • Anomalies autosomiques et prise en charge en AMP
locations équilibrées entre le chromosome Y et un auto- Le risque pour la descendance est spécifique pour cha-
some ou le chromosome X. Elles constituent un groupe que anomalie autosomique. Il est globalement plus
hétérogène et sont observées chez des hommes fertiles lourd dans ces cas d’anomalies autosomiques que dans
ou stériles. Elles apparaissant généralement de novo. les anomalies impliquant les chromosomes sexuels [11].
Plusieurs mécanismes physiopathologiques peuvent être La descendance d’un sujet porteur d’une translocation
mis en jeu. En effet, si la cassure se produit dans la partie équilibrée peut hériter de la translocation à l’état désé-
distale du bras long du chromosome Y dans la région quilibré [4, 20, 21]. Cependant la viabilité des embryons
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porteurs d’une telle translocation varie d’une transloca- impliqués soient décrits (notamment sur le chromoso-
tion à l’autre et il est possible de prédire cette viabilité me Y), l’origine exacte des infertilités masculines reste
avec une plus ou moins grande fiabilité. Pour les trans- le plus souvent inconnue.
locations robertsoniennes, le risque de translocation désé Nous aborderons les anomalies géniques pour lesquel-
quilibrée viable est variable : faible pour la translocation les l’infertilité constitue le symptôme majeur, voire le
(13, 14) quel que soit le sexe du parent (1 à 2 %), mais symptôme unique, et qui de ce fait, sont souvent mises
plus important quand le chromosome 21 est impliqué en évidence à l’occasion d’un bilan d’infertilité.
(14, 21) ou (21, 22). En ce qui concerne les transloca-
tions réciproques, l’évaluation du risque doit tenir compte Gène CFTR et agénésie bilatérale des déférents
des points de cassure et du sexe du parent porteur. Sché-
matiquement on reconnaît trois situations : L’agénésie bilatérale des canaux déférents (ABCD) est
– risque faible (<1 %) : ces translocations représentent une affection congénitale de transmission essentielle-
2,5 % des cas ; il n’a pas été observé de déséquilibre via- ment autosomique récessive retrouvée chez environ un
ble ; l’ICSI peut être proposée sans problème ; la ques- homme sur 1 000. Elle représente 6 à 8 % des cas
tion se posant de la réalisation d’un DPN ; d’azoospermie excrétoire, et 2 % des infertilités mascu-
– risque moyen (entre 5 et 45 % : le plus souvent moins lines [1, 2]. Elle est aussi présente chez 90 % des hom-
de 10 %) : ces translocations sont les plus fréquentes mes atteints de mucoviscidose. Et dès 1971, l’hypothèse
(95 %). Une ICSI peut être envisagée sous couvert d’un d’une relation entre mucoviscidose et ABCD était éta-
DPN voire d’un DPI ; blie. Ces manifestations cliniques sont causées par des
– risque élevé (> 45 %) : ces translocations ne représen- mutations du gène cystic fibrosis transmembrane conduc-
tent que 2,5 % des cas. Le DPI semble être l’élément de tance regulator (CFTR) codant pour une protéine de
choix afin d’éviter l’exposition du couple à des interrup- 1480 aa, qui règle le passage des ions chlorures à travers
tions médicales de grossesse (IMG) à répétition ; les membranes des cellules épithéliales. Le gène, qui
Un élément important est de plus à prendre en consi- contient 27 exons, est localisé en 7q31. La mutation plus
dération : les enfants issus d’ICSI réalisées chez des fréquemment retrouvée dans la mucoviscidose est la
patients sans anomalie caryotypique montrent un taux délétion d’une phénylalanine en position 508 (∆F 508),
d’anomalies chromosomiques de novo plus élevé mais on a pu mettre à ce jour en évidence, plus de 900
(1,66 % contre 0,3 % attendu pour des mères de 32 ans) mutations et de nombreux polymorphismes dans le gène
et ce notamment au niveau des gonosomes (0,83 % soit CFTR. L’analyse fine de ce gène a de plus montré le rôle
quatre fois plus que dans la population générale) [22]. d’une séquence nucléotidique polypyrimidique poly-
Ceci pourrait être le fait d’une augmentation des ano- morphe situé dans l’intron 8, juste en amont de l’exon 9,
malies chromosomiques dans les spermatozoïdes et qui peut être constituée de cinq, sept ou neuf thymi-
d’hommes infertiles, secondaire ou non à la présence dines. Il a été démontré une relation inverse entre la lon-
d’une mosaïque germinale [4, 6, 22, 23]. gueur de ce motif poly-pyrimidique et la quantité de
transcrit CFTR délété de l’exon 9 (donnant lieu à une
Anomalies géniques chez l’homme infertile protéine CFTR non fonctionnelle), suggérant que le
variant 5T pourrait se comporter comme une mutation
Les causes géniques d’infertilité masculine sont nom- délétère dans certaines circonstances. Il semblerait en
breuses, mais beaucoup s’inscrivent au sein d’un tableau effet que l’implication de l’allèle 5T dans la pathogenèse
clinique invalidant qui fait que l’infertilité passe souvent de l’ABCD, se fasse lorsque son effet sur le transcrit
au second plan. Ces infertilités peuvent être liées à des CFTR est combiné à celui d’une autre mutation [4].
anomalies de formation des gonades, du tractus uro- Globalement on retient que dans la population ABCD :
génital ou de l’axe hypothalamohypophysaire, avoir un – 20 % des patients sont porteurs d’une mutation dans
effet direct sur la production et la maturation des cellu- les deux gènes CFTR (souvent hétérozygotes composi-
les germinales ou conduire à la production de sperma- tes pour deux mutations légères ou une sévère et une
tozoïdes non fonctionnels [2]. légère) ;
La méconnaissance actuelle des mécanismes de – 30 % sont hétérozygotes pour une mutation et pré-
contrôle de la spermatogenèse et du mécanisme de fonc- sentent l’allèle 5T en trans ;
tionnement précis du testicule, explique qu’aujourd’hui – 20 % sont hétérozygotes pour une mutation et 7 %
dans l’espèce humaine, bien que de nombreux gènes présentent l’allèle 5T seulement. Ce qui n’a, dans ces cas,
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pas de réelle valeur étiologique dans la mesure où ces ano- avec une anomalie du gène CFTR, et que le conseil géné-
malies sont aussi retrouvées dans la population générale ; tique se complique parfois d’une pénétrance incomplète
– 23 % ne présentent ni l’allèle 5T, ni aucune muta- de certaines mutations, le diagnostic des mutations de
tion. Diverses hypothèses sont alors envisageables : ce gène doit être proposé à tout patient atteint de ce type
• une partie de ces patients atteints d’ABCD présente de pathologie. Si une AMP est envisagée en intraconju-
en outre, des malformations du tractus urinaire. Il gal, une recherche identique doit être effectuée chez la
s’agirait dans ce cas, d’une anomalie embryologique conjointe.
sans rapport avec le gène CFTR ; Par ailleurs, en raison du possible rôle de certaines
• il pourrait exister des anomalies géniques non mises mutations dans les OATS, et de leur grande fréquence
en évidence (régions difficiles à étudier : introns, dans la population générale (1/25), une étude du gène
régions promotrices et régulatrices) et peut être à péné- semblerait utile avant la mise en œuvre de toute AMP.
trance partielle ;
• il y aurait implication de gènes modulateurs inter- Gènes de la spermatogenèse et chromosome Y
agissant avec le gène CFTR . Cette dernière hypothèse Plusieurs régions chromosomiques sont actuellement
est confortée par l’observation de discordances entre candidates pour la fertilité masculine, et particulière-
les données phénotypiques et génotypiques dans les ment sur le chromosome Y [2, 4]. Ce dernier représente
fratries où l’un des hommes présente une stérilité mas- 2 à 3 % du génome et comprend trois régions détermi-
culine par agénésie des déférents. nées par cytogénétique : la région pseudo-autosomique
Le gène CFTR a parfois été lié à certaines OATS [24], (correspondant aux régions qui s’apparient au chromo-
mais sa grande fréquence dans la population générale ne some X durant la méiose) et les régions spécifiques du
permet pas de le mettre directement en cause dans ces chromosome Y contenant d’une part l’hétérochroma-
infertilités. tine supposée génétiquement inerte qui contient des
Dans le cadre d’une AMP, l’ABCD liée à une muta- séquences hautement répétées, et d’autre part l’euchro-
tion du gène CFTR pose non seulement le problème de matine portant des gènes impliqués dans le détermi-
la transmission à la descendance d’une azoospermie nisme du sexe, le contrôle de la taille, la spermatoge-
excrétoire, mais surtout du risque de mucoviscidose chez nèse [4, 25]. On détermine sur ce chromosome des
l’enfant à naître. Comme pour la mucoviscidose, tout régions ayant des fonctions spécifiquement masculines :
repose sur le statut de la femme et les interrogations sont Le gène sex determining region Y chromosome (SRY)
encore plus grandes sur le conseil à donner si elle est situé sur le bras court à proximité de la région pseudo-
reconnue hétérozygote. Si le patient est hétérozygote com- autosomique et impliqué dans le déterminisme sexuel
posite pour deux mutations retrouvées chez les patients masculin.
mucoviscidosiques (CF), l’enfant a un risque sur deux Les gènes de la région azoospermia factor (AZF). L’uti-
d’être homozygote ou hétérozygote composite c’est à lisation de sondes moléculaires a permis de subdiviser le
dire malade. S’il n’est retrouvé porteur que d’une seule chromosome Y en sept intervalles et l’observation de
mutation CF, le risque est de un sur quatre d’avoir un patients présentant différentes délétions du bras long a
enfant malade. Dans les deux cas, une concertation entre permis d’assigner à la région Yq11 dénommée région
parents et praticiens doit tenter de définir la conduite à AZF un rôle majeur dans le maintien de la spermatoge-
tenir quant au choix entre une FIV suivie d’un DPN et nèse. Selon les patients infertiles observés, les délétions
une insémination avec donneur. Si outre une mutation pouvaient ne pas être chevauchantes, ce qui a conduit à
CF, le père est porteur de l’allèle 5T, le risque de muco- subdiviser cette région en trois loci différents AZFa,
viscidose se complique d’un risque d’ABCD et pose le AZFb, AZFc [11, 25, 26] (figure 1). L’incidence des
problème d’un DPN pour un fœtus masculin ayant microdélétions du chromosome Y dans les populations
hérité de l’allèlle 5T du père associé à la mutation CF d’hommes infertiles a été estimée entre 5 et 25 % en
maternelle. Si le père n’est retrouvé que porteur de l’allèle fonction de l’atteinte spermatique prise en compte et du
5T, quels sont les arguments permettant d’indiquer un caractère idiopathique ou non de celle-ci (association à
DPN ? Si on trouve chez l’un des deux conjoints une muta- d’autres pathologies affectant la spermatogenèse,
tion non décrite dans les mucoviscidoses authentiques, com- comme une varicocèle ou des antécédents de cryptor-
ment évaluer le risque pour le couple ? Même si toutes chidie). Certaines variations dans la fréquence des
les agénésies des canaux déférents ne sont pas en rapport microdélétions pourraient par ailleurs traduire des dif-
Infertilité masculine et génétique 589

férences ethniques ou géographiques. Les délétions


moléculaires de la région Yq11 sont constamment asso-
ciées à une infertilité masculine, puisqu’elles ne sont
jamais retrouvées dans des populations témoins d’hom-
mes fertiles. En revanche, la gravité de l’atteinte testicu
laire varie selon les cas [11, 25, 27]. Histologiquement,
les délétions intéressant la zone AZFa induisent une
azoospermie par absence totale de cellules germinales
dans les tubes séminifères (syndrome SCO : Sertoli Cell
Only). L’anomalie primaire surviendrait à un stade pré-
méiotique, avant ou pendant la multiplication sperma-
togoniale, et serait responsable d’un arrêt de la sperma-
togenèse en phase prépubertaire. Chez les hommes
porteurs de délétions d’AZFb, on retrouve des sperma-
togonies et des spermatocytes primaires, sans cellules
germinales post-méiotiques. Ceci implique un arrêt de
maturation, avant ou en cours de méiose, au moment Figure 1. Schéma du chromosome Y.
de la puberté. Enfin, les délétions d’AZFc sont associées
à des phénotypes variables : azoospermie ou oligosper- une stérilité mais aussi de localiser le niveau de l’atteinte
mie sévère. Dans ce cas, l’histologie testiculaire peut dans la spermatogenèse par l’étude histologique du tes-
montrer d’importantes variations d’un tube séminifère ticule. Il est ainsi possible de différencier les gènes agis-
à un autre avec un aspect de SCO sur certaines sections sant sur la multiplication des spermatogonies, la méiose
de tube et une spermatogenèse plus ou moins conservée et les mécanismes des réparations de l’ADN ou encore
sur d’autres. Un certain nombre d’éléments paraissent la maturation des spermatides et des spermatozoïdes.
de plus relativement constants. La probabilité de trou- Une corrélation avec la pathologie humaine peut ensuite
ver une délétion de l’Y est plus importante chez les être établie.
patients azoospermiques que chez les patients oligosper- Les patients porteurs d’une anomalie du chromosome
miques et cela d’autant plus que l’infertilité est idiopa- Y ont un phénotype d’infertilité très variable. Certains
thique. Plus que le lieu de la délétion, la taille des délé- patients peuvent obtenir des grossesses spontanées,
tions semble importante puisque les délétions étendues d’autres avoir recours à la FIV classique (fécondance du
sont généralement associées à des anomalies plus mar- sperme correcte) et d’autres relèvent de l’ICSI. En ce qui
quées de la spermatogenèse. Les délétions d’AZFc et concerne les azoospermies, il semble que la nature même
d’AZFb+ c sont les plus courantes et induisent des phé- de la délétion permette de préciser la probabilité de trou-
notypes variables. Les délétions de la région AZFa sont ver des cellules germinales matures dans le tissu testicu-
moins fréquentes (1 à 5 %) mais associées à des défauts laire. Ce qui présente un intérêt majeur avant la mise en
spermatogénétiques plus graves. Différents gènes situés route d’une ICSI avec biopsie testiculaire. Les grandes
sur les trois loci AZF ont été proposés comme candidats délétions emportant la région AZFb+ c ou la région
responsables de la fertilité masculine. Leur liste (qui n’est AZFa+ b+ c sont associées à une absence de spermato-
pas exhaustive) figure dans le tableau I. Néanmoins, il zoïdes testiculaires. Celles concernant AZFb unique-
n’est pas encore possible de préciser si le chromosome Y ment sont de mauvais pronostic, bien qu’il semble fal-
contient des gènes fonctionnels impliqués directement loir faire la distinction entre différentes délétions
dans le processus spermatogénétique ou indirectement d’AZFb (complètes ou partielles) [27]. En revanche, des
comme par exemple des gènes de régulation transcrip- spermatozoïdes ont été retrouvés chez 50 % des patients
tionnelle ou post-transcriptionnelle. L’étude des modè- azoospermiques présentant une délétion d’AZFc. Un
les animaux, montre que l’inactivation d’un grand nom- autre facteur susceptible de modifier le phénotype asso-
bre de gènes, gonosomiques ou autosomiques, ou leur cié à une microdélétion est l’âge du patient puisqu’il a
surexpression aboutit à un phénotype d’infertilité pu être montré une aggravation de l’atteinte testiculaire
(tableau II). Ces modèles permettent non seulement de au cours des années chez certains hommes délétés [27].
déterminer la responsabilité d’un gène particulier dans Le conseil génétique et la prise en charge thérapeutique
590
Tableau I. Gènes candidats pour la fertilité masculine.
Région Gène Transcrit Homologue Expression Rôle
AZFa DFFRY protéine de désubiquination USP9Y en Xq11-4 ubiquitaire gamétogenèse
Région proximale Yq (1-3 Mb) Drosophila fats facets related Y délétion→ SCO
DBY ARN hélicase sur le chromosome X ubiquitaire
Dead box Y
UTY sur le chromosome X ubiquitaire médiation d’interaction protéine-
Ubiquitous tetratricopeptide protéine
repeat motif Y
Tβ4Y isoforme de Tymosin B4 sur le chromosome X ubiquitaire séquestration de l’actine
Thymosin β4-Y isoform
AZFb RBMY RBMYA1 et A2 codent pour En Xq26 et en 6p12 spermatogonies développement de la lignée germinale :
1 à 3 Mb RNA binding motif des RNA binding protein et spermatocytesI delétion→ azoospermie ou OATS sévère
PY6H spermatocytes I spermatogenèse
CDY protéine liant l’ADN avec un sur le chromosome 6 testicule adulte compaction durant la spermatogenèse
Chromodomaine Y chromodomaine
eIF-1AY facteur d’initiation de la traduc- sur le chromosome X différents tissus
eukaryotic translation- tion
initiation factor 1A Y isoform

P. May-Panloup
SMCY antigène mâle spécifique de
Selected mouse cDNA-Y l’histocompatibilité
AZFc DAZ protéine de liaison à l’ARN : 3p24 spermatogonies étapes précoces de la spermatogenèse ou
Proximité hétérochromatine Deleted in azoospermia métabolisme des ARNm (stoc- maintien de la population des cellules
1,4 Mb kage, transport) souches germinales
délétion→ phénotype variable
SPGY protéine de liaison à l’ARN testicule délétion→ stérilité
Spermatogenesis gene on the Y
PRY tyrosine phosphatase testicule
PTP-BL-related Y
BPY sur le chromosome X testicule
Basic proteine Y
TTY2 testicule
Testis transcrip Y2
Copies de RBM et CDY
Autres gènes de Y RPS4Y protéine ribosomale sur le chromosome X ubiquitaire
Ribosomal protein S4
Yp11
ZFY Y facteur de transcription sur le chromosome X ubiquitaire
encoded zinc finger protein
Yp11
TSPY
Testis specific protein on Y
Yq11
proto-oncogènes
prolifération des cellules
SET et NAP1
souches
(assemblage des nucléosomes)
Infertilité masculine et génétique 591

Tableau II. Modèles animaux.


Gène Fonction Si anomalie Localisation/homme
Anomalies fonctionnelles et malformations
Dynéïne et tubuline protéines flagellaires akinétospermie
Acrosine protéase de l’acrosome tératospermie 22q13
Anomalies de l’environnement
RXRB (retinoïd X recepteur B) récepteur du rétinoïde X Anomalie sertolienne 6q21
MEA (male enhanced antigen) différenciation et fonction testiculaire 6p23-q12
Tyro3, Ax1, Mer récepteurs avec activité tyrosine kinase Anomalie de maturation et du sup-
port
Défaut de prolifération et dégénérescence des cellules germinales
STK3 (serine thréonine protéine kinase) ségrégation chromosomique 19q13-3
BAX (Bcl2 associated X protein) apoptose azoospermie 19q13.3-13.4
TEGT (testis enhanced gene transcript) apoptose 12q12
Hsp 70-2 (heat shock protein) associée au complexe synaptonémal des dégénérescence des spermatocytes 14q24
spermatocytes
Anomalies de structure de l’ADN
Mlh1 (mutl homolog) réparation de l’ADN arrêt de la méiose 3q21
PRM1 et 2 (protamines) protamines anomalie condensation ADN 16p13
Tnp1 et Tnp2 (transition protein) protéines de structure de la chromatine anomalie chromatinienne 2q35 / 16p13
Anomalies de la méiose
Basigin interaction cellule germinale/Sertoli azoospermie ? (souris)
Sting mort des spermatocytes ? (drosophile)
c-myc proto-oncogène dégénérescence des spermatocytes ? (rat)
OTT (ovary testis transcripted) spécifique de la méiose ?
TESK1 (testis specific protein kinase) serine–threonine kinase spécifique des sper- anomalie méiose et spermiogenèse 9p
matocytes et spermatides
Anomalies de maturation
CREM (cAMP responsiv element modula- facteur de transcription indispensable à la absence de maturation et apoptose 10p12
tor) spermatogenèse

de tels patients soulèvent donc diverses questions. D’une Grossesses multiples et risque génétique
part, il faut garder présent à l’esprit qu’en dépit de la
transmission obligatoire de l’Y délété d’un père à son Les grossesses multiples posent un problème supplé-
fils [28], le phénotype du fils peut varier considérable- mentaire qui est celui de l’accroissement du risque de
ment et l’étendue de l’infertilité peut ne pas être com transmission de l’anomalie génétique à la descendance.
plètement prévisible. D’autre part, la possible aggrava- En effet, en cas de maladie génétique, la probabilité
tion phénotypique au cours du temps, pose le problème d’avoir au moins un enfant atteint dépend du nombre
de la mise en œuvre d’une autoconservation systémati- d’enfants attendus et donc du nombre d’embryons
que chez certains patients porteurs de délétions, d’AZFc transférés [4]. Or, un des écueils majeurs des techniques
notamment [27]. Enfin, certains auteurs soulignent la d’AMP est le risque de grossesses multiples, et bien que
possible instabilité du chromosome Y délété. Ce qui le nombre moyen d’embryons replacés ait considérable-
conduit, chez des patients porteurs de délétions, à la pro- ment diminué depuis le début de l’AMP, la proportion
duction d’une importante proportion de spermatozoï- de grossesses multiples reste d’environ 25 %. En cas de
des nullosomiques pour les gonosomes, avec risque en maladie récessive autosomique (hétérozygotie chez les
cas de fécondation par de tels spermatozoïdes, d’obten- deux parents), la probabilité théorique de 25 % passe à
tion d’embryons 45, X0 [29]. 43.8 % pour une grossesse gémellaire et à 57.8 % pour
592 P. May-Panloup

une grossesse triple. En cas de maladie dominante auto- bable grande hétérogénéité génétique. Mieux cerner les
somique, le risque est respectivement de 50 % (grossesse causes de ces infertilités, permettrait un dépistage spéci-
unique), 75 % (grossesse gémellaire) et 87.5 % (gros- fique en fonction du phénotype observé, et donc, d’éva-
sesse triple). Enfin concernant les anomalies chromoso- luer plus précisément les risques de traitement par AMP
miques transmissibles, les risques peuvent, en cas de gros- pour chaque couple pris en charge (en particulier lors de
sesse gémellaire, passer de 10 % à 19 % et de 15 % à l’utilisation de techniques telles que l’ICSI). Les anoma-
27,8 % pour une translocation à faible risque de désé- lies caryotypiques et géniques, plus fréquentes dans les
quilibre viable. Si à l’inverse, le risque d’anomalie chro- populations d’hommes infertiles, indiquent la réalisa-
mosomique déséquilibrée viable est très élevé (80 %), la tion d’un caryotype sanguin associé à une recherche de
probabilité d’avoir au moins un enfant atteint en cas de mutations sur le chromosome Y et dans certains cas du
grossesse multiple avoisine 100 %. gène CFTR semble souhaitable avant la réalisation d’une
Par ailleurs, pour ces grossesses multiples et dans le ICSI. Par ailleurs, le risque de transmission à la descen-
cadre d’un éventuel diagnostic pré-natal (DPN), le ris- dance de ces anomalies génétiques est très élevé et par-
que de fausse-couche secondaire à des ponctions amnio- fois même systématique. La décision de mise en place
tiques multiples, se trouve considérablement majoré. d’une AMP ne peut se faire qu’au cas par cas, sur déci-
En cas de risque génétique, il semble donc préférable sion pluridisciplinaire et surtout avec consentement
(plus que jamais) d’éviter la survenue de grossesses mul- éclairé du couple après information sur les risques
tiples, ce qui doit conduire à limiter le nombre encourus, les possibilités de diagnostic prénatal et
d’embryons replacés, notamment en cas d’ICSI (fem- d’interruption médicale de grossesse (IMG) ou éven-
mes à fécondité souvent normale). La culture embryon- tuellement de diagnostic préimplantatoire. Néanmoins,
naire prolongée avec transfert de blastocyste pourrait même si l’AMP est à considérer au même titre que la pro-
être indiquée, ici. Cette technique a pour avantage de création naturelle, la situation est souvent épineuse, en
permettre le replacement d’un nombre réduit particulier lorsque la pathologie peut entraîner de lourds
d’embryons, tout en n’altérant pas les chances de gros- handicaps après la naissance, lorsque aucun DPN fiable
sesse (taux d’implantation par blastocyste d’environ ne peut être envisagé ou lorsque réalisable, le couple
30 %, contre 15 % pour un embryon à j2). Par ailleurs, n’envisage en aucun cas une IMG. La position de
cette technique permettrait dans une certaine mesure l’équipe médicale est alors délicate qui doit choisir entre
d’écarter les embryons à caryotype anormal. En effet, si le traitement de la stérilité et l’orientation du couple vers
la majorité des anomalies chromosomiques semblent une IAD ou une adoption. L’essor considérable de la
persister jusqu’au stade de blastocyste et même après génétique médicale et de l’AMP n’est pas sans soulever
(mosaïques, trisomies), d’autres (embryons chaotiques de complexes problèmes éthiques…
et monosomies) conduiraient à des arrêts de développe-
ment ultra-précoces en culture in vitro [30]. Dans RÉFÉRENCES
l’attente de pouvoir réaliser un diagnostic préimplanta-
toire (DPI) valide et efficace, et afin d’éviter une aug- 1 Van Steirteghem A, Liebaers I, Camus M. Infertilités masculines
mentation des réductions embryonnaires sélectives, le d’origine génétique. Rev Prat 1999 ; 49 : 1309-13.
2 Seifer I, Fellous M, Bignon YJ. Causes génétiques de l’infertilité mas-
transfert d’un seul embryon (et à fortiori un blastocyste) culine. Ann Biol Clin 1999 ; 57 : 301-8.
pourrait être la solution de moindre souffrance. 3 Küpker W, Schwinger E, Hiort O, Ludwig M, Nikolettos N,
Schlegel P, Diedrich K. Genetics of male subfertility : consequences
for the clinical work-up. Human Reprod 1999 ; 14 (Suppl 1) : 24-37.
CONCLUSION 4 Bienvenu T, Bergère M, Selva J, Briard ML. Génétique et infertilité
masculine. Les traitements actuels de la stérilité masculine. Mont-
Les causes génétiques d’infertilité masculine sont mul- rouge : Éditions John Libbey ; 1998. p. 143-97.
5 Viville S, Mollard R, Bach ML, Falquet C, Gerlinger P, Warter S.
tiples. Elles peuvent être d’origine chromosomique ou Do morphological anomalies reflect chromosomal aneuploidies ?
génique. Les progrès dans la compréhension des méca- Human Reprod 2000 ; 15 (12) : 2563-6.
nismes de contrôle de la spermatogenèse ont permis 6 Pang MG, Hoegerman SF, Cuticchia AJ, Moon SY, Doncel GC,
Acosta AA, Kearns WG. Detection of aneuploidy for chromosomes
l’identification d’un certain nombre de régions et de 4, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 17, 18, 21, X and Y by fluoresence in-situ
gènes candidats. La liste actuelle n’est néanmoins pas hybridization in spermatozoa from nine patients with oligoastheno-
exhaustive et de nouveaux gènes sont régulièrement teratospermia undergoing intracytoplasmic sperm injection. Human
Reprod 1999 ; 14 (5) : 1266-73.
découverts. La recherche de mutations dans certains 7 Aran B, Blanco J, Vidal, Vendrell JM, Egozcue S, Barri PN, et al.
d’entre eux a été initiée, mais se complique d’une pro- Screening for abnormalities of chromosomes X, Y and 18 and for
Infertilité masculine et génétique 593

diploidy in spermatozoa from infertile men participating in an 19 Berta P, de Santa Barbara P, Boizet B, Bonneaud N, Moniot B, Pou-
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til Steril 1999 ; 7 (4) : 696-701. Contracep Fertil Sex 1999 ; 27 (6) : 423-33.
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