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Max Guérout
http://books.openedition.org
Édition imprimée
ISBN : 9782271086662
Nombre de pages : 278
Référence électronique
GUÉROUT, Max. Tromelin : Mémoire d'une île. Nouvelle édition [en ligne]. Paris : CNRS Éditions, 2015
(généré le 29 novembre 2019). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/editionscnrs/
27814>. ISBN : 9782271130426.
Max Guérout
Groupe de recherche
en archéologie navale
Laboratoire d’histoire et d’archéologie
maritime
(FED 4124 – Paris IV Sorbonne -
Musée de la Marine)
CNRS ÉDITIONS
Auteurs associés
Préambule .................................................................................................................................................................7
Première partie
Chapitre I. Découverte de l’île par la Diane (1722) ........................................................................................11
Chapitre II. L’île de Sable reste introuvable ......................................................................................................17
Chapitre III. Le naufrage de l’Utile (1761) ........................................................................................................21
Chapitre IV. Le récit du naufrage de l’Utile ......................................................................................................27
Chapitre V. Retour de l’équipage de l’Utile à Madagascar puis à l’île de France ......................................31
Chapitre VI. Echos littéraires du naufrage de l’Utile ......................................................................................35
Chapitre VII. Trois plans de l’île ........................................................................................................................47
Chapitre VIII. L’île de Sable introuvable ? ........................................................................................................51
Chapitre IX. Sauvetage des survivants de l’Utile.....................................................................................55
Chapitre X. L’île enfin vue et hydrographiée ....................................................................................................63
Chapitre XI. L’île à nouveau visitée ....................................................................................................................69
Chapitre XII. Le naufrage de l’Atieth Rahamon (1867) .................................................................................77
Chapitre XIII. Qui a donné le nom de Tromelin à l’île de Sable ? ..............................................................91
Chapitre XIV. L’épave du Sud (fin xixe – début xxe siècle) ......................................................................... 97
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Tromelin. Mémoire d’une île
Deuxième partie
Chapitre XV. Reconnaissance en vue de l’installation d’une station météo (1953) .............................. 109
Chapitre XVI. Installation de la station météo (avril-mai 1954) ...............................................................117
Chapitre XVII. Poursuite de l’installation de la station et cartographie de l’île (1954-1955) ............ 129
Chapitre XVIII. Tromelin habitée, la station météo reconstruite.
Chronique des événements survenus entre 1956 et 1972 ............................................................................ 137
Chapitre XIX. Tromelin habitée et active.
Chronique 1973-2005 .........................................................................................................................................157
Chapitre XX. Mission Esclaves oubliés 2006 .................................................................................................173
Chapitre XXI. Mission Esclaves oubliés 2008 .............................................................................................. 187
Chapitre XXII. Chronique 2009-2011 .......................................................................................................... 205
Chapitre XXIII. Mission Esclaves oubliés 2010 ............................................................................................211
Chapitre XXIV. Mission Esclaves oubliés 2013 ............................................................................................ 223
Annexes
Annexe 1. Le journal de bord de la Diane, une illustration des difficultés de la navigation au début du
xviiie siècle ........................................................................................................................................................... 239
Annexe 2. Biographie de Jacques Marie Boudin de Tromelin, seigneur de Lanuguy ........................... 245
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Préambule
Comment rendre compte de ce qui s’est passé sur cette île ignorée du
monde pendant des siècles ? Comment saisir l’inaperçu ?
Baptisée « île de Sable », elle figure sur les routiers de l’océan Indien,
sans pour autant qu’on y ait posé le pied. La première occasion de le
faire fut une double tragédie, celle du naufrage de l’Utile dans la nuit du
31 juillet 1761, puis deux mois plus tard celle de l’abandon des esclaves
malgaches qu’il transportait. Oubliés sur cet îlot presque désertique
devenu prison maritime, ces derniers y inscrivirent quinze ans durant le
récit muet de l’ignominie.
Presque deux siècles et demi plus tard, c’est la pelle à la main que nous
avons creusé le sable comme on creuse les mémoires et avons tenté de
faire entendre leur voix.
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Tromelin. Mémoire d’une île
Mais avant que celle-ci ne soit érigée, un troisième sinistre allait couvrir
le rivage de la côte sud des débris d’un grand trois-mâts inconnu. Une
recherche obstinée de plusieurs années n’est pas parvenue à percer le
mystère. Aucun nom, aucun témoignage ne s’y attache. Pourtant la mise
au jour lors des fouilles archéologiques d’un petit bâtiment construit
après le départ des naufragés de l’Utile et avant l’installation de la station
météorologique, laisse pressentir un autre drame et le séjour probable de
quelques naufragés dont le sort final reste une énigme.
A l’instar du phare dont les éclats trouent la nuit toutes les quatre
secondes, l’histoire de l’île est ainsi faite d’une multitude d’éclairages
successifs : ceux du séjour des techniciens et des aides météo, des ouvriers
venus construire les bâtiments ou entretenir les équipements, ceux du
passage des navires, des aéronefs, des visiteurs, ceux aussi des missions
scientifiques qui s’y succèdent pour observer les oiseaux, les tortues, les
insectes et la maigre végétation. Il va donc falloir renouer les fils de ces
témoignages, de ces fragments de vie, pour leur redonner cohérence et
tisser l’écheveau de la mémoire.
L’histoire ainsi reconstruite est celle d’un îlot minuscule d’à peine un
kilomètre carré, une poussière de corail perdue au milieu des flots. Et, à
bien y réfléchir, l’idée s’impose qu’il s’agit là, en définitive, d’un minus-
cule grain de mémoire, comme une particule élémentaire de matière
historique.
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Première partie
D’abord ignorée du monde puis enfin aperçue au
début du xviiie siècle, l’île va vivre en marge jusqu’au
xxe siècle. Grain de sable échappant aux regards, elle
sera à la fois difficile à trouver et se révélera à plusieurs
reprises un piège redoutable pour des navigateurs.
Chapitre I
Découverte de l’île
par la Diane (1722)
En 1739, l’île de Sable apparaît pour la première fois sur une carte
marine. Il s’agit de la « Carte réduite de l’Océan Oriental ou Mer des
Indes dressée au Dépôt des cartes, plans et journaux de la Marine1 ».
L’île y figure avec la mention : « Islot de Sable vu par la Diane 1723. »
Figure 1-1 – Détail de la carte de 1739 –
Contrairement à ce qu’indique la carte, c’est en 1722 que l’île fut décou-
« Islot de Sable vu par la Diane 1723. »
verte par la Diane, un vaisseau de la Compagnie française des Indes
Les Mascareignes orientales commandé par le capitaine Jean Marie Briand de la Feuillée.
Dans l'histoire des îles Mascareignes (La
Réunion, anc. île Bourbon ; Maurice,
anc. île de France ; Rodrigue et quelques
petites îles), la Diane et l’Atalante ont
joué un rôle important. Les deux navires
ont en effet transporté les premiers
colons destinés au peuplement de
l’île de France : une compagnie de
Suisses sous la direction de Beugnot,
comportant 210 hommes, 20 femmes et
30 enfants. Le voyage des deux navires
fut un très long calvaire de près de neuf
mois, au cours duquel, à bord de la
Diane seule, 52 personnes, équipage
ou passagers, trouvèrent la mort. Pour
essayer de conjurer les effets du scorbut,
dix-huit jours à l’île de Santiago du
Cap Vert puis une escale de près de La Diane avait appareillé de Lorient le 29 juin 1721 en compagnie de
deux mois à l’île Grande devant Rio
de Janeiro. Le 12 févr. 1722 naissait
l’Atalante commandée par Jacques La Salle. Le 9 avril 1722 elle jeta
à bord un bébé, baptisé Jean-Jacques, l’ancre dans le port sud-est de l’île de France. Après un aller et retour à
Gast d’Hauterive et de l’île Bourbon, la Diane fit de nouveau voile vers Saint-Paul (île Bourbon),
Renée Guillot sa femme, il ne devait d’où elle appareilla le 8 août 1722 à destination de Calicut (Côte de
vivre que six jours. A bord, se trouvait
Denis de Nyon, ayant reçu de Louis XV
Malabar).
une commission de « gouverneur et
d’ingénieur à l’Isle de France ». 1. BN, GE SH18E PF213 DIV3 P24.
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Tromelin. Mémoire d’une île
Du mercredi 12e aoust 1722. Les vents variables du Sud à ESE bon frais, bautan Figure 1-2 – Journal de la Diane.
nous avons singlé jusque sur les 1 heur après minuit que nous avons mis a panne
2. AN – Marine, 4 JJ 90.
3. 14 L : 14 lieues marines.
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Découverte de l’île par la Diane
jusque sur les 5 heur du matin que nous avons fait servir et singlé sur plusie( ?)
au NNO jusque midi que ayant pris hauteur je trouve que la routte ma vallu le
NO 2dg O 20 L 2/3
Lat observ 15° 37’
51° 33’ Longitude 74° 02’ »
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Tromelin. Mémoire d’une île
La seconde carte, publiée à Paris par le Père Coronelli, indique dans son
cartouche : « Route maritime de Brest à Siam et de Siam à Brest faites
en 1685 et 1686 selon les remarques de six Pères Jésuites, envoïez par le
ROY DE France en qualité de ses Mathématiciens dans les Indes, et la
Chine. Dressé par le Père Coronelli, Cosmographe de la République de
Venise. A Paris chez J.B. Nolin avec privilège du Roy. 1687. » Figure 1-4 – Carte de Coronelli (1687).
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Découverte de l’île par la Diane
Figure 1-5 – Détail de la carte de Pierre La troisième publiée en 1700 à Amsterdam est due à Pierre Mortier, elle
Mortier (1700). est intitulée : « Carte des Costes d’Afrique depuis le cap Lopo jusques
à l’isle Mazira. Levée par ordre expres des Roys de Portugal sous qui, on
en a fait la découverte. »
La latitude est proche de 15° 15’ Sud alors que curieusement la carte
ne comporte pas d’échelle de longitude. Il faut cependant replacer ces
indications dans le contexte de la navigation et de la cartographie du
début du xviiie siècle. Les erreurs très importantes commises par les
navigateurs dans le calcul de la longitude, au point par exemple que
les Cargados et l’île de Sable pourtant distantes de près de 240 milles
nautiques5 sont parfois confondues, posent un problème épineux aux
cartographes de l’époque.
5. Environ 450 km.
6. Le 11 avr. 1799, le both Les deux Frères, commandé par L. Gautier, et armé par Lousteau
fils appareille de Port-Louis (île de France) pour aller à la recherche des îles St. Jean de Lisboa.
Les deux Frères croisa jusqu’au 13 mai sans rien trouver, il revint bredouille à l'île de France
le 16 août.
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Chapitre II
La différence de 50’ de latitude entre les deux cartes du dépôt reste inex-
plicable. Une version de dimension réduite de cette carte (28,5 x 24 cm)
est insérée dans le tome III de l’Histoire générale des voyages, publié par
l’abbé Antoine François Prévost à Paris en 1746. Elle s’intitule « Carte
de toutes les îles connues à la coste de Zanguebar et de Madagascar que
l’on trouve dans la route de l’Inde tirée de la carte de l’océan oriental
publiée par ordre de Mgr. Le Comte de Maurepas en 1740 » et se
trouve, hors-texte, entre les pages 276 et 277.
1. BN, GE SH18 E PF 213 Div 3, p. 24 - Carte réduite de l’Océan – Oriental ou Mers des
Indes – Dressée au Dépôt des cartes, plans et journaux de la Marine - 1739. Elle indique :
« Islot de Sable vu par la Diane en 1723. »
2. AN – Cartes et Plans, 6 JJ 40 A – Pièce 18 – Carte réduite de l’Océan Oriental ou Mer des
Indes dressée au Dépôt des cartes, plans et journaux de le Marine par ordre de Mr le Comte
de Maurepas – 1740.
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Tromelin. Mémoire d’une île
La carte de l’hydrographe Jean Baptiste Nicolas Denis d’Après de Figure 2-4 – Carte de l’Histoire générale
Mannevillette, datée de 17533 , donne quant à elle la position suivante. des voyages, tome III.
Latitude 15° 55’ S
Longitude 52° 32’ E
18 |
L’île de Sable reste introuvable
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Chapitre III
Figure 3-1 – Plan de la flûte Normande, 1. Capitaine de brûlot : Brevet délivré « pour la campagne » donné aux officiers de la
une flûte de 800 tonneaux. Compagnie des Indes (Haudrère, 2005, p. 899).
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Tromelin. Mémoire d’une île
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Le naufrage de l’Utile
Mais l'essentiel tient dans les cartes utilisées. De toute évidence l’Utile
dispose de deux cartes dont les indications sont divergentes :
« Le 30 a Midy sur l’observation de 16deg 20m faite, un officier a le soir dit à
un autre que nous courrions un risque de nous perdre dans la nuit courant
cette bordée et qu’il ne dormiroit pas tranquille si on ne viroit de bord, on a
réellement mis dans l’autre bord à 6 heure du soir et le lendemain à la pointe
du jour nous avons reviré. On a observé à Midy depuis 16deg 8m à 16deg 18m et
on a continué à courir le cap jusqu’à l’Est au plus près du vent (très beau temps,
toutes voiles dehors filant environ 4 nœuds). La hauteur observée chaqu’un
l’a dit au Capitaine, et le premier pilote luy a dit qu’il venait de pointer la
carte qu’il ne se faisait qu’à 20 lieues des barres de Nazaret7 à quoi le Capne
a répondu que ce ne pouvoit être que sur la carte de Bayonne, qu’il étoit un
ignorant ; et nous avons continué à courir mais malheureusement le point du
pilote ne s’est trouvé que trop juste. »
– D’Après donne quant à lui des précisions sur les cartes se trouvant à
bord :
« L’île de Sable, située au nord de l’île Bourbon par 15° 52’ de latitude fut
découverte par le vaisseau la Diane en 1722. La flûte l’Utile y fit naufrage le 31
juillet 1761, pour avoir négligé de s’en rapporter à la situation que je lui ai
donnée sur ma carte de 17538, et avoir préféré celle d’une autre carte qui la
place de 25 minutes plus Sud9. Cette île est un plateau de sable d’environ 700
toises de longueur nord-nord-ouest et sud-sud-est, et de 350 de largeur, avec
un banc de sable qui le prolonge de 600 toises vers le sud-sud-est. L’équipage se
sauva sur une espèce de prame ou bateau plat, construit des débris du vaisseau,
et aborda à Foulpointe le 27 septembre. »
« M. Daprès en 1754 & M. de la Carrière en 1768, partirent donc tous les
deux de l’île Bourbon en s’élevant au Nord, dans l’intention de reconnaître
l’île de Sable. Cette Isle fut vue par la Diane en 172310 ; l’Utile s’y perdit en
1761, en revenant de Madagascar, sept ans après la tentative de M. Daprès, qui
n’ayant point vu cette Isle, a pu être la cause innocente de la perte du Vaisseau,
le capitaine s’étant figuré que cette Isle, qui d’ailleurs n’étoit pas marquée sur sa
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Tromelin. Mémoire d’une île
« Selon la Diane elle a 16 degrés de latitude ; mais dans le journal que j’ai de la
perte de l’Utile, je trouve que ce vaisseau, le jour qu’il se perdit, avoit observé à
midi la latitude depuis 16 degrés 8 minutes jusqu’à 16 degrés 18 minutes, ce qui
fait 10 minutes d’incertitude ; or, depuis midi on continua de courir la bordée
de l’Est au plus près du vent qui étoit au Sud-sud-est, petit frais à faire au plus
quatre nœuds ; & qu’à 10 heures 21 minutes du soir, le Vaisseau donna les
11. Le Gentil commet là une autre erreur, puisque comme nous l’avons vu, deux cartes fran-
çaises éditées avant 1760 indiquent l’île.
12. Carte réduite de l’Océan Indien Orientale (sic) qui contient la côte d’Afrique depuis le 9e
degré de latitude méridionale jusqu’au 30e, avec l’isle de Madagascar et les isles adjacentes dressée
par D’Après de Mannevillette, capitaine des vaisseaux de la Compagnie des indes, 1753.
13. Le Gentil de la Galaisière, Voyage dans les mers de l’Inde, fait par ordre du roi à l’occasion
du passage de Vénus sur le disque solaire, le 6 juin 1761 et le 3 du même mois de 1769, Paris,
Imprimerie royale, 1779/1781, tome I, p. 663-665.
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Le naufrage de l’Utile
Cependant il est clair que Le Gentil n’a pas pris la peine de retracer les
routes de l’Utile dans les heures qui ont précédé le naufrage. Si on se livre
à cet exercice en utilisant les données disponibles on se rend compte que
la latitude observée le 30 juillet à midi est entachée d’une grossière
erreur. Pour reconstituer les routes suivies, il faut partir du seul point
dont la position est sûre : la position actuelle de l’île (Latitude : 15° 53’
Sud), puis remonter de proche en proche l’itinéraire suivi. On arrive au
constat que l’erreur commise le 30 juillet est de 33 milles.
Figure 3-3 – Schéma des routes suivies.
A – Latitude observée le 30 juillet à 12 h 00 (mesure entachée d’une grosse erreur, la latitude réelle est celle du point B, soit 33
milles plus au nord).
B – Point où se trouvait réellement l’Utile le 30 juillet à midi (Latitude 15° 47’ Sud).
BCDEF – Route fond de l’Utile (qui tient compte de la variation et de la dérive due au vent et au courant).
E – Latitude observée le 31 juillet à midi (entre 16° 08 Sud et 16° 18’ Sud) la restitution donne une latitude à midi de 16° 14’ Sud.
T1 – Position de Tromelin sur la Carte du Dépôt des cartes de 1739.
T2 – Position de Tromelin sur la carte de d’Après de Mannevilette datée de 1753.
T3 – Position réelle de Tromelin.
Les branches BC’, CD’, DF’, représentent les routes surface au plus-près.
Les segments C’C, D’D, F’F représente la dérive due au courant sur chacun des tronçons (courant adopté : 1 nœud vers l’ouest).
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Tromelin. Mémoire d’une île
Le naufrage trouva donc des causes multiples. Il est dû, d’une part, à
l’utilisation d’une carte de l’océan Indien sur laquelle la position de l’île
de Sable était erronée et, d’autre part, à une grossière erreur d’observa-
tion qui a rendu inutiles les manœuvres des trente-six dernières heures.
On doit aussi ajouter à ces deux causes premières, le manque de prudence
du commandant qui, disposant de deux cartes donnant des indications
contradictoires, n’a pas pris de précautions particulières alors qu’il arri-
vait à proximité de l’île. En général, dans de telles circonstances, les
navires mettent en panne pendant la nuit, ou s’éloignent, ne remettant en
route qu’avec le jour lorsqu’ils ont la possibilité d’apercevoir l’île en effec-
tuant une veille attentive. Cette manœuvre qu’avait exécutée Morphey en
août 1756 lorsque, à la nuit tombante, il ne pouvait plus voir l’île de Sable.
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Chapitre IV
Le récit du naufrage
de l’Utile
Le texte manuscrit rédigé, selon nous, par Hilarion j’ai sauté en haut. Le Vau a talonné à nouveau très fort, Mr
Dubuisson de Keraudic, écrivain du bord, décrit de Castellan a paru sur le gaillard, les officiers de quart
le naufrage et narre le séjour des naufragés sur demandaient dans le moment, qu’est ce que c’est que cela,
l’île1.« Relation du naufrage de l’Utile sur l’Isle de Sable ou et tout le monde est resté comme interdit. On a cependant
pour mieux dire de Corail par 15deg 32m observé sur l’Isle. brassé à culer, croyant pouvoir peut-être parer. La mer nous
a pris alors en travers. Les horreurs d’un trépas violent et
Nous sommes partis de Foulpointe, côte de l’Isle de prochain occasionné par les lames les plus terribles, les
Madagascar, le 23 juillet 1761 environ les 4 heures après- secousses les plus affreuses et les plus réitérées, les roulis les
midi et avons été contrariés par les vents de la partie du S au plus grands et les plus vifs ont jeté la terreur dans presque
SE jusqu’à notre perte. tout le monde. On a délibéré sans rien résoudre à mettre les
Le 30 à midi sur l’observation de 16deg 20m faite, un officier bateaux à la mer que nos gens avoient chargés à couler bas,
a le soir dit à un autre que nous courrions un risque de nous définitivement ils ont restés à bord. Enfin on s’est déterminé
perdre dans la nuit courant cette bordée et qu’il ne dormirait à jeter la mâture à la mer et on l’a exécuté. Le grand mât a
pas tranquille si on ne virait de bord. On a réellement mis été jeté à tribord également que le mât d’artimon et celui
dans l’autre bord à 6 heures du soir et le lendemain à la de misaine à bâbord, cela a soulagé le Vau mais les coups de
pointe du jour nous avons reviré. On a observé à midi depuis roulis et les coups de talons ont continués, le Vau tombait
16deg 8m à 16deg 18m et on a continué à courir le cap jusqu’à surtout sur tribord (côté du large) à faire frémir. Il a eu
l’Est au plus près du vent (très beau temps, toutes voiles de si violents coups de talons que la barre du gouvernail a
dehors filant environ 4 nœuds). La hauteur observée chacun fait sauter le tillac de la chambre, malgré ses barreaux en
l’a dit au Capitaine, et le premier pilote lui a dit qu’il venait plusieurs endroits ; ce qui fit déterminer M. de Castellan à
de pointer la carte, qu’il ne se faisait qu’à 20 lieues des barres l’aller couper lui-même. Sans mâts et gouvernail en proie aux
de Nazaret à quoi le Capne a répondu que ce ne pouvait être brisants et à la mer la plus terrible faisant coffre [déferlant]
que sur la carte de Bayonne, qu’il était un ignorant ; et nous à plus de 5 pieds au-dessus du plus haut du vaisseau, il a été
avons continué à courir, mais malheureusement le point du une heure de plus sans faire eau et sans se partager, jusqu’à
pilote ne s’est trouvé que trop juste environ 2 heures après minuit. M. Castellan l’ayant bien
(en marge) 31 juillet 1761. Toute la journée quantité rôté (?) de tribord à bâbord et jeté et fait jeter les canons
d’oiseaux (dans la crainte de se perdre) Car descendant de tribord à la mer ; pendant tout ce temps les barreaux se
me coucher à 10h 20 et quelques minutes j’ay regardé où cassaient sous nos pieds et enfin le pont est tombé. L’avant
nous avions le cap. Il était droit à l’Est : descendant sur le s’est séparé de l’arrière, les côtés se sont détachés et le fond
champ, comme j’étais sur la dernière marche de la Ste Barbe, a quitté les hauts. Les bateaux se sont écrasés dans la cale.
le Vau a donné deux coups de talon sans être bien violent, Nous ignorions qu’il y eut rien de découvert proche de nous,
croyant être sur un haut fond seulement, chacun s’accrocha
1. SHD Lorient, 1 P 297 – liasse 14, pièce 85. Manuscrit anonyme. comme il pût aux débris, surtout à l’arrière étant le plus
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Tromelin. Mémoire d’une île
considérable toujours couverts de la mer qui faisait coffre à terre au lieu du travers et comme il y avait de distances
sur nous ; nous attendions et comptions être à notre dernier à autres des débris, ont établit des cordes tenantes d’un
moment. Chaque seconde nous faisait souffrir mille morts à débris à l’autre et environ les 8 à 9 heures du matin, tous
peine pouvions nous respirer, tant ces furieuses lames étaient nos Messieurs et notre équipage se sauvèrent, même Mr.
vivement répétées. C’est ainsi que nous avons étés jusqu’au de La Fargue qui était incommodé, notre perte n’a été que
jour, temps long et affreux ! Le jour a enfin parût et faisant de 20 hommes blancs. Monsieur le Chevalier de Castellan
un peu clair nous avons aperçu la terre, cela a été annoncé volontaire et Mr. Olivier Offier de Coste, passager, beaucoup
par un cri de joie, sortant du sein de la tristesse, de plus nous de noirs par avoir fermé ou cloué les écoutilles. &a
avons vu du monde s’y promenant. Nous avons pour bien 1er août 1761. Dès ce jour on a commencé à travailler avec
dire été ressuscités la croyant habitée, mais hélas ! c’étaient force à sauver des vivres et nos débris, plus à chercher à
de nos gens que les débris y avaient portés ayant étés jetés trouver de l’eau par le moyen d’un puit.
dehors la nuit et conduit à terre par ces furieuses lames. Le 2, même chose et récapitulation faite des vivres il s’est
Le jour et la vue de la terre qui avaient un peu diminués trouvé sauvé :
nos frayeurs, n’avaient en rien ôté à la mer de ses fureurs. 22 barils de farine
Plusieurs personnes se jetèrent à la mer avec une ligne 8 barriques de vin rouge
pour tâcher de gagner la terre et établir un va-et-vient, 2 pièces d’eau de vie
inutilement. Quelques-uns gagnèrent sans pouvoir rien 12 tierçons d’idem au moins
porter. Il fallait haler les autres sur les débris, où ils se seraient 1 idem de cidre assez mauvais
noyés ; enfin effrayé de ce que l’arrière sur le côté duquel 1 petit baril de beurre
nous étions s’ouvrait et fermait à chaque instant, qui a coupé Beaucoup de suif et graisse de Loupes (?)
en deux plusieurs. Joint à l’envie que j’avais de secourir les 200 L en plusieurs morceaux de lard et bœufs
autres, nageant bien, je me jetai le premier de l’Etat-major à 1 baril d’huile à peu de chose près.
la mer, et fut suivi d’un des seconds lieutenants. La lame qui Plusieurs bouteilles d’idem
venait de briser et qui s’en retournait au large m’y entraîna Idem de liqueurs.
derrière la poupe, à environ une encablure au large malgré Nous avons fait une grande tente avec la grande bonnette et
tous mes efforts. des pavois et nous y sommes mis avec toutes les provisions
Celui qui me suivit fut plus heureux, car il trouva la lame et mis l’équipage dans de petites tentes, nous commencions
roulant à terre et s’y rendit non sans beaucoup de peine et très fort à sentir le besoin d’eau, plusieurs noirs mourraient
blessures. Tous nos messieurs qui étaient sur la carcasse de ne leur donnant rien.
derrière me crurent noyé allant et venant dans ces furieuses L’équipage (à 15 ou 17 hommes près qui travaillent avec
lames (j’écris pour ma famille voilà pourquoi je mets au zèle) nous avoient volés 5 jambons aussi sauvés mais cela
long ce qui m’est arrivé) J’avais attrapé une grande planche n’a pas paru extraordinaire volant dans le naufrage même,
de sapin sur laquelle j’étais accroché. Il y avait quelque et ayant toujours continué jusqu’au dernier moment, le
temps, un noir esclave se noyant, voulut aussi s’en saisir mais maître leur servant d’exemple de fainéantise, d’impatience et
deux coups de pieds que je lui donnais finirent de lui ôter d’arrogance &a
ses forces. J’entendis en ce même instant une voix qui me Le 3. On continuait à ramasser tout ce qu’on trouvait a
demandait du secours, je me renversais et vit un matelot bord que ce que la lame portait à terre. A midi ayant été
tout sanglant qui nageait avec des forces bien abattues fait une ordonnance par laquelle tout voleur, soit de vivres
droit à moi. Je le devançais, il prit place sur un bout de ou boissons serait puni de mort et ce d’un consentement
ma planche et nous faisions nos efforts pour gagner terre. général, on prit sur le fait au même instant, deux hommes
Mais n’avançant pas, les lames m’écrasant et chargé de qui tirèrent aux dés pour être fusilier ayant sauvé quelques
nager presque pour deux, je lui abandonnais la planche en fusils. On allait en exécuter un, lorsqu’il décampa et se jeta à
plongeant à deux reprises à la vue d’une barrique de vin qui la mer dans les lames. Sur les 5h du soir comme on préparait
était dans la lame qui faisait coffre sur ma tête. Je me rendis le fusil, le Mtre Canonnier qui travaillait au puit arriva à la
enfin sur de longs récifs de corail où la lame me roula et me tente avec une bouteille d’eau douce passable et demanda
mît dans un état pitoyable, tombant dans un moment à deux qu’on fit grâce au condamné en faveur de la grâce que Dieu
brasses d’eau, dans d’autres à 6 pouces et moins. J’arrivais venait de nous faire d’avoir trouvé de l’eau potable sans
enfin sur la prétendue terre tout sanglant et prêt à rendre laquelle nous serions tous morts, ce qui fut accordé et nous
l’âme de fatigue et de blessures. Quelques minutes après partîmes en procession en chantant le Te Deum, pour voir
arriva aussi le matelot de la planche, il était dans un très triste ce miracle. L’eau n’y a jamais manqué n’y diminué et on
état. Pendant ce temps l’arrière du Vau s’étant allégé d’un peu l’avait à discrétion, quelques noirs très affaiblis par la soif
de bois de fer côtes et fonds, était venu a présenter le bout sont morts en chemin, les uns de débilité pour s’y rendre,
28
Le récit du naufrage de l’Utile
d’autres par en avoir trop bu. Ils ne sont pas exprimables Le 9. Idem au travail tant à terre qu’à la mer.
les secours que nous avonstirés depuis le premier moment Le 10. Sauvé une gueuse, 1 pince, du plomb et du fer
jusqu’au dernier de ces malheureux esclaves que nous avons beaucoup.
été obligés d’y abandonner à la honte de tous. Excepté une Le 11. Sauvé 6 gueuses.
vingtaine tant de l’état-major que de l’équipage qui ont Le 12. Commencé à calfater le bateau.
surpassé la force et le courage humain par leur travaux et Le 13 et 14. La mer grosse.
peines continuelles. Le 15. Belle mer, sauvé 17 gueuses.
Les 4 et 5 on continue à travailler aux débris et M. Castellan Le 18 et 19. Mauvaise mer.
à faire une embarcation en chaland de 32 pieds ½ sur 12 de Le 20. Belle mer.
large a son grand baud, plat dessous et a rien par les deux Le 21. Fait un très grand catamaran, présenté et mis les deux
bouts, ponté et de 5 pieds de haut. mâts au bateau.
Le 6. On a sauvé l’ancre à jet. Le 22. Mis de l’eau dans le bateau pour voir si le calfatage
Le 7. Travaillé aux débris et bateau. était bon.
Le 8. La mer grosse, on n’a pu aller à la carcasse. Le 23. Mer très grosse
Le 9. Idem. L’après-midi à deux heures, nous avons vu une Le 26. La mer belle Le bateau a été fini et on a mouillé un
embarcation à deux mâts sous le vent à nous. On a hissé grappin d’abordage marié avec une gueuse pour hâler au
plusieurs pavillons et brûlé deux barils de poudre que je large le grand catamaran. Bénit le bateau et nommé La
pense qu’ils n’ont pas aperçu mais bien l’Ile, ayant viré de Providence, mouillé après-midi l’ancre à jet par 18 brasses
bord et pris la route de l’Inde. fond de corail et coquillage brisé, a environ deux fortes
Le 10. Nous avons commencé à faire jouer une forge que encablures et demie de l’Ile sous le vent.
nous avons faite et un soufflet très bon, grosse mer. Le 27. Lancé le bateau avec beaucoup de travail et étant tous
Le 11. Toujours au travail sans que je le répète, grosse mer, on embarqués à 5 hre du soir au nombre de 122. Rangés comme
a pris une tortue de mer de 500L au moins au point du jour. des sardines, nous avons appareillé.
Le 12. Travaillé à bord, le bateau où sa construction allant (dans la marge) Il nous est mort a bord ce jour un Mot du
toujours. flux de sang. Le 1er 8 bre 1761 le matin
Le 13. Idem Le 1er 8bre à 9 hre du soir a Foulpointe après avoir de chemin
Le 14. Idem on a « décourbé » les porte-haubans ayant estimé 74 lieues. Nous avons trouvé à notre arrivée Mr. de
besoin pour le bateau. l’Eguille, Chef d’escadre avec 3 Vaux du Roy qui nous ont
Le 15. Idem et ayant fait un four, on y cuit du pain. donné de quoi nous changer et qui ont appareillé à la pointe
Le 16. On a tiré beaucoup de cordage et courbes. du jour le lendemain 2 8bre.
Le 17. Le tronçon du grand mât de hune pour faire des Comme nous avions sauvé la Chapelle nous avons eu la
bordages, sauvé un canon de 8 et monté sur l’île sur son messe tous les dimanches et fêtes et la prière régulièrement
affût, sauvé un perrier. soir et matin. Il aurait été trop long de détailler tout ce que
Le 24. Idem et on commence à cuire du biscuit pour le nous avons sauvé avec des peines inconcevables, nous avons
départ et choisir le place pour le chaland. eu surtout Mrs. de Castellan et Herga qui ont travaillés
Le 25. Les levées de bout, toujours travail du point du jour non comme deux hommes mais comme trente et sans me
jusqu’à la nuit. flatter je les ay bien secondé, nous avons une obligation
Le 26 et le 27. Idem. La mer très grosse. infinie au pauvre Castellan. Il a été le constructeur et le Mtre
Le 28. Idem La mer belle. Charpentier car celui que nous avions ne savait seulement
Le 29. Sauvé des morceaux de voiles qui étaient en étui. pas aligner une pièce de bois des autres. Je n’en dis mot
Le 30. Idem et le 31. Sauvé un rouleau de plomb, du cordage cependant Monnier de Nantes a aidé a Castellan, mais nos
et mit un petit catamaran a la mer (pièces de bois amarrées noirs abandonnés je voudrais n’en jamais finir, car ils ont fait
ensemble sur lesquelles on va à la mer) portant 3 hommes et tout ce qu’on aurait dû attendre d’un équipage qui aurait eu
nous avons pris 2 grandes sardes (poisson) de la bonne volonté et qui chercherait à sauver sa vie.
Le 1er 7bre. Belle mer, sauvé une hache, la moitié de la pierre à
meule. Le catamaran a été dehors et pris du poisson. Noms de l’Etat-Major
Le 2. Sauvé le grand cric &ca De La Fargue Capne
Le 3 et le 4. La mer mauvaise, la cuisson du biscuit finie. De Castellan 1er Lieunt
Le 5. Grosse mer, le 6 et 7 travaillé à sauver. De Benazé l’aisné 2d Lieunt
Le 8. On a défait la grande tente pour avoir le mât de De la Mure 2d Lieunt
pavillon pour faire notre mât de misaine et la bonnette nos Monier de Nantes 2d Lieunt
voiles. L’Epinay Enseig. »
29
Tromelin. Mémoire d’une île
D’un très grand intérêt, ce texte éclaire de nombreux aspects concernant Figure 4-1 – Récit de l’écrivain du bord.
l’île de Tromelin, le séjour des naufragés, et les rapports entre esclaves et
équipage.
L’ingénuité avec laquelle Keraudic narre cet évènement souligne l’en- Embarqué à Port-Louis (île de France) le
24 juin 1761 comme écrivain sur l’Utile,
racinement de ce préjugé dans les mœurs du temps. C’est pourtant le il remplace Pierre-François Triponet qui
même homme qui, quelques semaines plus tard, empruntant le langage avait fait la traversée de Bayonne à l’île
convenu de la charité, s’apitoiera sur le sort des esclaves que l’on s’ap- de France. Né en 1725, à Saint-Brieuc
prête à abandonner. Peut-être faut-il aussi interpréter cette apparente et résidant à Lorient, il a successivement
été embarqué en 1753 comme écrivain
incohérence comme le signe que les choses sont en train de changer : à bord du Dauphin qui effectuera un
directement concerné, on réagit viscéralement, les vieux réflexes jouent ; voyage en Chine, puis du Vengeur pour
lorsqu’on prend du recul, les idées nouvelles affleurent2? u o dc e ye
un voyage à Pondichery 758.
en 1758.
2. Passage repris de Guérout M., L’archéologie rend la parole aux esclaves oubliés de Tromelin,
dans Les Naufragés, Omnibus, 2014, p. 76.
30
Chapitre V
Retour de l’équipage
de l’Utile à Madagascar
puis à l’île de France
Séjour à Madagascar
A leur arrivée à Foulepointe (Madagascar), les naufragés trouvent la
division navale du capitaine de vaisseau Froger de l’Eguille, qui a les
fonctions de chef d’escadre.
31
Tromelin. Mémoire d’une île
à plus d’une portée de canon au large d’elle et sous le vent d’environ 30 toises en
quelques endroits sans qu’on puisse y aborder nulle part avec aucun bâtiment.
Ils ont remarqué que la pointe du N.O. de cette isle est d’un sable mouvant qui
s’allonge et se raccourcit fréquemment. Tous les récifs sont sur un fond de roche
et un peu au large de ceux de dessous le vent ils ont trouvé un bon fond de sable
fin où il y a 15 à 18 pieds d’eau dans un seul endroit, ils n’ont pu sonder ailleurs.
Dans le mauvais temps ou du moins dans les ouragans, ils pensent qu’elle est
couverte entièrement.
Le premier soin de ces infortunés a été de sauver le plus de vivres qu’ils ont pu et
de se procurer de l’eau douce à quoi ils ont réussi en creusant 15 à 16 pieds dans le
sable, ils en ont trouvé de passable mais je pense qu’elle étoit saumâtre car ils ont
été trop satisfaits de celle qu’ils ont bu à bord de mon vaisseau comme par délice.
Cette découverte sans laquelle ils étoient tous perdus leur a donné le courage de
sauver des quarts de farine, des salaisons, du vin, de l’eau de vie, de la poudre à canon,
des agrès et beaucoup de bois des débris du Vau que la mer a apporté à la plage.
Le Sr. Castellan du Vernet d’Aunat du diocèse d’Alais, jeune homme de bonne
santé et courageux, second du vaisseau, ne se laissant point abattre par l’infortune
de l’aveu du capitaine, les a tous sauvés du péril où ils étoient en encourageant
ses compagnons et leur servant d’exemple en prenant la hache lui-même pour
bastir des débris du Vau avec leur aide un espèce de bateau plat de 33 pieds de
long, qu’ils ont lancé à l’eau où ils sont embarqués 122 personnes avec le plus
d’eau et de provisions qu’ils ont pu. Ils sont partis le 27 septembre ont fait route
pour ce port où ils sont arrivés aujourd’hui au nombre de 121 ayant perdu un
homme dans la traversée. Ils ont laissé environ 60 noirs sur l’isle avec leurs tentes
et pour trois mois de vivres et provisions qu’ils pourront prolonger en vivant
d’oiseaux de mer et de leurs œufs dont il y a une grande abondance sur l’isle et
qu’on tue à coup de bâton. Ils en ont presque toujours vécu pendant qu’ils y ont
été pour économiser leurs provisions. Il y a aussi beaucoup de traces de tortues
dont cependant ils n’ont pris qu’une parce que ce n’était pas la saison où elles vont
pondre à terre. Pour consoler ces malheureux noirs, ils leur ont donné l’espérance
de les venir prendre le plus tôt qu’ils pourroient.
Ces messieurs m’ont dit avoir observé 15° 52’ de latitude Sud sur cette isle
qui serait 22 minutes plus Sud que 15° 30’ où la carte du dépôt de la Marine
de 1740 la place et qu’ayant estimé le chemin qu’ils ont fait revenant d’icy,
ils comptent qu’elle est à l’ENE 4 dgr Nord 92 lieues de Foulpointe, ce quy
differeroit de 46 lieues qui la feroit plus près de ce port sur la mesme carte.
Mais je ne sais si l’on peut bien compter sur l’estime qu’ils on faite dans un
pareil bâtiment d’autant que tous les vaisseaux qui vont de l’isle de France dans
l’Inde par la petite route vont tous prendre connaissance de la pointe Nord de
Madagascar sur laquelle ils se dirigent leur route en partant et si cette isle de
Sable estoit aussi ouest ils en auraient souvent connaissance, ce qui n’arrive pas.
Voici l’Etat-major du vaisseau :
– Mr. de La Fargue Capitaine avec brevet de Capitaine de brûlot pour la campagne.
– Castelan du Vernet d’Aunat dans le diocèse d’Alais
– Benazet du Temple de Dinan
– Namur de la Martinique
– Morin de Nantes
– Lespinay du Languedoc
– Le Moine de Rouen
– L’Aumonier
– Cadu l’écrivain
– Le chirurgien
32
Retour de l’équipage de l’Utile à Madagascar puis à l’île de France
Par ce quy est rapporté cy-devant, on voit que ces infortunés ont resté 58 jours
sur cette misérable Isle flottant entre les horreurs d’une mort prochaine et le
peu d’espérance qu’ils avoient de s’en tirer. Ils sont arrivés icy dépourvus de
tout n’ayant de hardes que ce qu’ils avoient sur le corps. Nous avons taché
de les consoler dans leur malheur en donnant un peu de linge aux officiers et
recommandant les équipages à Mr. Vally3, j’ay écrit à Mr. Delavalle de les venir
prendre en revenant de la Baye d’Antongil avec le Silhouette pour les ramener à
l’isle de France. »
« M. Castellan premier lieutenant sur ce vaisseau, officier d’une capacité peu
commune, a entrepris la construction d’une espèce de barque ou chaland
3. Il s’agit très probablement du chef de traite Valgny qui succéda à Gaillard nommé en 1756.
Il ira ensuite relever Glemet comme chef de traite à Fort-Dauphin. Un document manuscrit
rédigé par lui se trouve au British Museum (B. Museum, Add. Mss. 18130, f°79, Fragments
d’écrits de Valgny, vers 1755).
33
Tromelin. Mémoire d’une île
qu’il a bâtie sur l’Isle des sables avec les débris du vaisseau et ramené tout
l’équipage ainsi que le capitaine à Foulpointe où Mr. Delaval les a embarqués
sur le Silhouette pour les transporter ici. Mais le Sieur Lafargue est mort dans
cette traversée et a bien fait car ce n’est uniquement qu’à son entêtement et à sa
mauvaise conduite que l’on doit attribuer la perte de ce vaisseau…4. »
« 6 juillet 1761 - Arrivée à l’Ile de France du portugais Jesus Marie Joseph avec
210 noirs venant du Mozambique. Quoique cette nation n’eut aucun droit
d’apporter une pareille cargaison on avait cru néanmoins devoir prendre ces
noirs et on les avoit payés 55 piastres chacun. L’état de cette vente n’a point
été envoyé, ces noirs avoient été payés partie en matière d’argent et partie en
fournitures des magasins. »
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Chapitre VI
Echos littéraires du
naufrage de l’Utile
Parmi les auteurs qui font écho à l’histoire de l’Utile dans les années
1760-1770 – l’abbé Pingré, Bernardin de Saint-Pierre et l’auteur
anonyme du document de colportage –, aucun ne semble avoir été en
possession de l’ensemble des données concernant cet événement. Ils
n’imaginent pas non plus son épilogue en 1776, avec le sauvetage de huit
rescapés. Il faudra attendre l’année suivante et la publication d’un même
article dans plusieurs gazettes, puis plus tard la parution des œuvres de
Condorcet et de l’abbé Rochon pour que la fin de l’histoire soit connue
du public.
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Tromelin. Mémoire d’une île
en quelque sorte moins les forces de l’ennemi, que la famine qui pouvait être
occasionnée par l’investissement de l’île. Le départ de la marine du Roi laissait
une charge de moins, mais on doutait cependant s’il y avait assez de provisions
pour en entretenir les habitants durant deux mois. On avait fait partir
quelques vaisseaux pour faire des provisions de riz à Madagascar et, pour ne
pas multiplier les bouches inutiles, on défendit en même temps tout commerce
extérieur des esclaves. L’appât du gain faisait négliger la défense. On achetait
des Noirs à Madagascar ; on prenait pour revenir des routes détournées et
inconnues, soit pour cacher sa marche, soit pour déposer les Noirs en lieu sûr en
attendant qu’on pût les faire entrer commodément. C’est peut-être à ce manège
qu’on a dû la perte de quelques-uns de ces vaisseaux et de toute leur cargaison. »
36 |
Échos littéraires du naufrage de l’Utile
« Relation, des principales circonstances qui ont derrière : on fait partir le gouvernail ; le fond du Bâtiment
accompagné et suivi le naufrage de la frégate l’Utile, s’ouvre dans le même instant On se sauve des soutes ; les
Capitaine M. de Lafargue, sur le ressif de l’Isle de Sable ou malades sont noyés dans leurs cadres : on n’a plus devant les
du Corail, situé au 15e degré 52 minutes de latitude Sud, et yeux que la terreur ou la mort. On veut jetter le canot à la
au 52e degré de longitude à l’Orient de Paris2. » mer ; mais les chutes et rechutes du Vaisseau rendent tous
les efforts inutiles : tous les travailleurs sont précipités au
« Depuis que la Navigation est connue, il n’y a peut-être milieu des débris, tout est au comble du désespoir.
jamais eu de naufrage plus attendrissant que celui de la Vers les trois heures du matin, le mouvement du vaisseau
Frégate l’Utile. C’est par le coup le plus extraordinaire de paraît se ralentir ; nouvelles tentatives pour mettre le canot
la Providence, que ceux qui montaient ce Vaisseau ont eu à la mer, aussi infructueuses que les premières. Il survient
le bonheur de trouver le salut au sein même du désespoir tout-à-coup une lame qui par sa chute enfonce le pont ou le
et de la mort. L’Histoire, ni le Roman n’offrent point coffre, & entraîne tout dans la cale avec les hommes. Alors
d’événement plus capable d’intéresser des concitoyens le vaisseau se divise en six principales parties, sur chacune
& des hommes. Le récit en est dû à une Nation qui scait desquelles l’Equipage se trouve dispersé au hasard. Il n’est
penser et sentir, & surtout à un Gouvernement attentif à pas possible d’exprimer l’horreur de ces séparations, il faut
procurer, par l’émulation, des sujets capables & fidèles aux la sentir.
Souverains & à l’Etat, pour le service de la Marine. Voici ce On ne décrira point les cris lugubres & lamentables des
que portent de plus intéressant les pièces justificatives des Noirs ; les gémissements de tous ces infortunés qui voyant
faits qu’on a sous les yeux, & qui sont en état d’être mis sous fondre à chaque instant la mort sur eux avec les vagues, &
ceux du Ministre. qui se sont suspendus sur les abîmes que par les débris où
La Frégate l’Utile partit de Foul-Pointe le 22 juillet 1761, ils se tiennent avec peine enfin toutes ces saillies mortelles
pour aller à l’île de France. La nuit du dernier de ce mois au qui font frémir la Nature en de pareil cas, & qui doivent
premier Août suivant, au moment que la plus grande partie toucher l’humanité, plutôt que frapper l’imagination.
de l’Equipage étoit ensevelie dans le sommeil, le Vaisseau Au moment où chacun croyoit être englouti dans les flots,
fut tout-à-coup poussé & comme soulevé au milieu des une voix se fait entendre, qui crie terre à plusieurs reprises.
flots, par une secousse impétueuse. Il alla se précipiter sur Tous prennent d’abord ces cris pour des effets de leur
une chaîne de rochers couverts d’eau, & entrecoupés par étourdissement. La voix continue de percer les ténèbres où
des torrens. Dans le premier effroi du réveil, l’Equipage se l’on étoit encore enveloppé ; on s’enhardit à l’écouter ; on
croit perdu : le cri du désespoir est la seule voix qui se fait reconnoit celle du commis de la Frégate. Aussitôt ceux qui
d’abord entendre. scavent nager s’élancent dans les flots, vers l’asyle qui leur
La chute subite de la mâture soulage le Vaisseau, en le est annoncé : les Sieurs Audique & Monier sont les premiers
jettant au même instant dans un péril extrême, par une à donner aux autres un exemple qui devient funeste à la
secousse qui le porte tout-à-coup sur le côté droit. plupart.
Dans cette horrible extrémité l’Equipage ne voit plus que L’aurore commence à paroître ; le crépuscule offre une
la mort, & ce n’est que dans le désespoir que les Officiers espèce d’Isle le long du réssif ; l’espérance renaît sur les
trouvent l’intrépidité & l’activité qui leur sont nécessaires. différents débris : à mesure que le jour croît, l’Isle désirée se
Les prières & les menaces sont employées tour-à-tour : on découvre plus distinctement, mais elle ne fait voir encore
sauve ce qu’on peut dans la chambre la plus élevée ; on jette qu’un roc de corail ; elle laisse craindre à des malheureux
à la mer les canons de stribord, côté sur lequel le vaisseau épuisés de fatigues, de n’y trouver qu’un refuge où il faudra
était penché ; on essaye inutilement d’y jetter aussi ceux de peut-être expirer plus cruellement que dans les flots ; tout
bas-bord ; on attache des cordages, pour empêcher les baux ce qu’ils voyent n’est qu’un sinistre présage, & l’extrême
de s’écarter, & pour s’assurer des bateaux. Ce n’est qu’avec aridité de la côte, & l’air abattu de ceux qui s’y étoient
effort & qu’a l’aide de tout ce qu’on peut saisir, qu’on se sauvés à la nage, tout étouffe l’espoir dans les cœurs.
soutient parmi les secousses du Vaisseau, qui se redresse & Cependant on demande des nouvelles du Capitaine ; on
retombe à chaque moment, & qui est presque submergé par le croyoit péri : il se présente à la bouteille de bas-bord,
l’impétuosité des vagues & des lames : on demande au Ciel, qu’il fait briser pour l’en tirer. Il apperçoit avec joie la terre
par des cris lamentables, l’arrivée du jour. en sortant de ce réduit ; il cherche à rallier l’équipage ; on
Au milieu de ce tumulte & la nuit, le Vaisseau, qui délibère sur les moyens de gagner la terre ; on parvient à
souffroit la plus violente fatigue, menace de s’entrouvrir ; établir un cordage sur un débris peu distant de l’Isle : cet
le gouvernail casse la barre d’arcasse, & la barre les baux de expédient coûte bientôt la vie au jeune frère que le Sieur
2. Un autre document identique a été imprimé à Amsterdam et diffusé Castelan du Vernet, premier lieutenant de la Frégate, avoit
à Paris chez Knapen. eu la consolation de voir sauvé des périls de la nuit. Une
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Tromelin. Mémoire d’une île
lame furieuse renverse tout-à-coup le débris sur lequel découverte se jettent avidement sur tout ce qui peut calmer
il étoit, il s’y attache avec effort par dessous ; mais il est leur soif : ils sont bientôt suivis par d’autres : on ramasse
bientôt forcé de quitter prise par la violence des secousses. avec soin ces précieux restes, & l’on se hâte de les dérober à
En vain lutte-t-il contre les flots pour rejoindre le débris qui la mer.
lui est échappé ; en vain se porte-t-il vers son frère, qui lui Il y avoit dans l’Isle, pour tout habitant, une multitude
tend les bras ; le choc impétueux du torrent le repousse et d’oiseaux, qui d’abord étoient venus fondre précipitamment
le replonge dans le gouffre. Le Sieur Castellan du Vernet, sur les hommes de l’Equipage ; comme ils voltigeaient
tout hors de lui-même, oublie qu’il ne scait pas nager, & presque à terre, on les prend & on les abat sans peine ; on les
veut s’arracher des bras des matelots qui le retiennent, pour fait rôtir sur la cendre, en les arrosant d’un peu d’eau de vie ;
s’élancer vers son frère, & le sauver ou périr. Il a la douleur ce fut la nourriture principale de l’Equipage pendant son
de le voir emporter par la furie des vagues, sans pouvoir lui séjour dans l’île.
donner aucun secours. A l’approche de la nuit, qui amenoit avec elle un froid vif &
Le renversement du débris fait craindre que le cordage ne âpre, il fut question de se construire un abri avec quelques
vienne à se détacher ; on le saisit de nouveau & on l’étend débris & quelques lambeaux de voiles, on parvient à former
sur une partie des premières allonges de stribord, qui avoit une espèce de tente. Ce refuge se trouvant trop étroit pour
passé sous celle de bas-bord. On se tient au cordage ainsi contenir tout le monde ; la plupart se retirent dans les
tendu, & l’on parvient, avec beaucoup de périls & en cavités du corail, avec les pensées les plus sombres, & des
recevant les secousses les plus terribles, au débris voisins de réflexions d’autant plus accablantes, qu’ils venoient de voir
la terre, mais ce voisinage étoit bien dangereux ; il falloit, expirer plusieurs Officiers Mariniers.
pour passer du débris dans l’île, franchir un courant d’eau Le jour succède à une nuit affreuse. Depuis l’instant où
qui couvroit le corail, le roc & des précipices. Néanmoins, l’on étoit entré dans l’Isle, on avoit presqu’entièrement
dans l’impatience où l’on étoit d’arriver à terre, on attend perdu l’usage de marcher ; on se traînoit ou l’on n’allait
avec peine que la lame se soit retirée. Quelques-uns que d’une manière chancelante, comme dans une grande
s’élancent sur un plateau du Ressif, & ont le bonheur de yvresse. Le bloc de corail paroissoit aussi agité que les
prendre terre avant le retour de la lame ; mais d’autres débris mêmes qu’on avoit quittés ; la plupart s’imaginoient
secoués avec violence par le retour de la lame, sont en être sur une Isle flottante, & pensoient être entraînés
danger de périr, & ne se sauvent qu’en saisissant le corail qui à chaque instant au gré des vagues. Les mugissements
les blesse & les mutile. continuels de la mer causoient des étourdissements
Le Sieur Castellan du Vernet essuya le plus grand péril effroyables ; tous les objets ne s’offroient que sous
dans ce passage ; il y aurait été submergé, si le Sieur Herga, des aspects extraordinaires, comme dans un songe où
Chirurgien-Major du Vaisseau, qui étoit à terre, ne fut l’imagination s’épouvante d’elle-même.
promptement venu à son secours. Le Sieur Benagé dut Cependant chacun revoit avec une sorte de joie les
son salut à deux Noirs qui l’arracheront aux flots qui compagnons de son infortune ; on songe en même temps
l’emportaient ; le Sieur Monier fut sauvé par le moyen d’un à sauver ceux qui étoient demeurés sur les débris : quelques
cordage : enfin, c’est à travers de tant de danger que la plus coups d’eau de vie inspirent assez de courage à plusieurs
grande partie de l’Equipage arrive sur l’Isle désirée. Presque pour affronter de nouveau les abîmes d’où ils étoient sortis ;
tous sont meurtris, mutilés & couverts de contusions ; ce ils vont chercher un Officier Marinier dangereusement
sont plutôt des spectres que des hommes. blessé, ils le rapportent comme ils peuvent, & le mettent
Ces malheureux Insulaires ont encore la désolation de se entre les mains du Chirurgien, qui lui fait un appareil
voir sur un roc desséché par les ardeurs du Soleil, & qui douloureux avec des lambeaux de voile.
ne leur offre aucune pâture : ils se regardent les uns & D’autres cherchent des instruments pour percer le corail.
les autres d’un œil morne et abattu ; ils se disent par un On établit en même temps une police exacte & ferme pour
silence mortel, que c’est en vain qu’ils ont espéré se trouver économiser la farine & la boisson : on recommande à tous
un asyle ; leur sang se glace dans les veines, tandis que la l’activité du travail ; on reproche à quelques-uns leurs excès ;
chaleur excessive brûle au dehors ; ils tremblent, ils sont on propose à tous leur salut, pour prix de leurs efforts : tout
agités et enflés, comme dans les crises d’une fièvre violente ce que la prudence humaine, jointe à la confiance, peut
accompagnée d’hydropysie. fournir de ressources, est employé.
Cependant les plus intrépides sortent, par l’effet du La découverte qu’on fit d’une source d’eau, ou plutôt
désespoir, de leur abattement, se traînent vers les débris de d’une liqueur épaisse & blanche comme du lait, fut une
la Frégate, pour y chercher des vivres. espèce de miracle qui excita une joie universelle. On part
Ils ont le bonheur d’y trouver quelques barriques d’eau de en procession pour aller vers cette heureuse source ; le Ciel
vie & quelques barrils de farine. Les premiers qui font cette y est mille fois béni, mille actions de grâces font retentir
38 |
Échos littéraires du naufrage de l’Utile
les airs. Cependant cette eau étoit salée & se corrompoit Le Sieur castellan du Vernet va jusqu’à perfectionner ses
bientôt, plusieurs périrent en la buvant. inventions ; il fabrique un soufflet pour la forge avec de la
Ensuite l’idée de construire un Bâtiment pour sortir de basane, le dessus d’un coffre & deux panneaux de la grande
l’Isle, vint à quelques-uns, elle est bientôt saisie par tout le chambre lui servent à en faire la boiture. Il se transporte
monde ; mais la difficulté étoit de la réaliser. Il falloit un sur les débris pour y chercher tout ce qui peut servir à
plan & des matériaux, il falloit une exécution prompte & l’exécution de son plan ; il arrache des mains des Matelots
heureuse, le Charpentier ne pouvoit rien effectuer, ce qui des pièces d’argent que ces infortunés s’amusoient à
jetta tout le monde dans la consternation. ramasser au lieu de cloux, il les jette à la mer à leur yeux, &
Le sieur Castellan du Vernet, qui pour soulager le capitaine, les fait travailler à leur propre vie.
se portoit de tous côtés, & veilloit, en sa qualité de premier Cependant on n’étoit pas un moment sans alarmes.
Lieutenant, au maintien du bon ordre, déclara qu’il se Il survenait de temps en temps des agitations et des
chargeoit de travailler au plan du Bâtiment en question ; bouillonnements autour de l’Isle, qui faisoient frémir, & qui
& sans délibérer, il commença à le dessiner sur une plate- replongeoient les travailleurs, c’est à dire tout l’équipage ;
forme dressée avec des débris. A la vue des premiers traits de dans des consternations entrecoupées. On avoit découvert
l’épure d’un Bateau en forme de Prâme, l’espérance se relève presque au milieu de l’Isle des débris de vaisseaux, qui
dans tous les coeurs, & y ranime le courage. La suivante annonçaient qu’elle étoit souvent submergée par la mer. On
procure quelque repos. redoutoit sans cesse les ouragans et les tempêtes. L’heureux
Chaque jour inspire une nouvelle fermeté, une nouvelle Esquif étoit prêt à s’achever, lorsque les flots courroucés
vigueur, malgré la disette où l’on est, pour fournir des emportent pendant une nuit obscure un espace de l’Isle
travaux. Les officiers tantôt dirigent les opérations qui leur d’environ 125 toises. Cet évènement causa une terreur
sont distribuées, tantôt conduisent chacun leur peloton aux d’autant plus affreuse, qu’on touchoit au moment de
débris ; on démolit tout ce qui présente, & l’on travaille à pouvoir se sauver.
construire un four et une forge. Enfin, le Sieur Castelan du Vernet a la consolation de
Le point qui alarmoit le plus, c’est qu’on craignoit de mettre la dernière main à son ouvrage le 27 septembre, 56
manquer du bois nécessaire pour la construction du Bateau, jours après le naufrage. Tout l’Equipage alors éclate en cris
auquel il fallait donner au moins quarante-cinq pieds de d’allégresse ; on verse des larmes de joye sur ces planches
quille sur quinze de face, pour pouvoir transporter tout qui avoient été arrosées de pleurs si amers. Chacun appelle
l’Equipage. le Sieur Castelan son bienfaiteur & son père, chacun
Le Sieur Castellan du Vernet épuisé de fatigues & accablé le remercie de la vie qu’il tient de son activité & de son
d’incommodités, se traîne comme il peut sur la plate- industrie ; tous demandent pour lui les bénédictions du Ciel
forme, en tombant dans des évanouissements continuels. & les récompenses qu’il a méritées. Ce devoit être pour cet
Sa situation jettoit tout le monde dans l’accablement ; Officier une satisfaction bien touchante & bien digne d’un
on craignoit à chaque moment de le perdre, & chacun cœur sensible, de voir que des débris, ou plutôt des restes,
lui témoignoit ses terreurs, comme si l’on eut été sur le pour ainsi dire du tombeau de l’Equipage, il étoit parvenu à
point de faire une seconde fois naufrage. Parmi les cris faire un bâtiment capable de sauver la vie de cent vingt-deux
lamentables qu’on poussoit autour de lui, il recevoit Européens, tous Officiers ou Matelots expérimentés.
soudain & comme par saillie la connoissance ; il se hâtoit On bénit solennellement le Bâtiment, & pour lui donner un
de mettre à profit les momens où il étoit à lui, pour achever nom qui lui convienne, on l’appelle la Providence.
son travail, en montrant la plus grande confiance, afin On se prépare donc au départ sans délais pendant la nuit
d’en inspirer aux autres. Il étoit obligé d’être tout à la fois du 26 au 27 Septembre. Tous les bras s’employèrent avec le
Commandant, Ingénieur, Charpentier, Scieur-de-long, en plus grand empressement pour ratîner3 le Bateau, on vient à
un mot, de se multiplier suivant les divers besoins & les bout de le faire marcher sur des rouleaux, malgré plusieurs
différentes opérations. Déjà on a la satisfaction de voir des accidents & des terreurs continuelles ; enfin on le lance à
planches étendues sur une espèce de chantier, de voir le l’eau, en le retenant avec une ancre à jet qu’on avoit retirée
fourneau de la forge achevé, & le Bateau prendre une forme des débris.
régulière. Aussitôt le grand mât à bascule est dressé, les voiles sont
A ce spectacle que chaque jour rendoit plus intéressant, appareillées, la mer en courroux menace de les prendre de
ce n’étoit plus la consolation qui se montroit sur les flanc ; mais on a le bonheur de faire présenter la proue à
visages, c’étoit presque de la joye ; ces courageux Insulaires
3. Sans doute une déformation par consonance de « pour attiner »,
croyoient déjà voir leur Patrie combattre encore pour elle &
verbe correspondant au mot attinage, terme utilisé pour désigner
pour le Roi, & s’il falloit périr, périr du moins en vendant la mise en place des tins, ici destinés à faire glisser la quille de la
leur vie bien cher aux Ennemis. Providence lors de sa mise à l’eau.
| 39
Tromelin. Mémoire d’une île
la lame. Les cent vingt-deux Français s’embarquent ainsi débris de la Frégate l’Utile, qui avoit fait naufrage à l’Isle de
avec l’espérance, ils sont obligés de s’entrelasser les uns sable. Tout ce qu’on lui raconta touchant ce naufrage & ce
dans les autres pour pouvoir y être tous contenus avec qui l’avoit suivi, ainsi que sur le nombre d’hommes qu’on
quelques vivres. Les Noirs, qu’on était forcés de laisser sur lui dit qu’il y avoit dans le Bateau, lui parut incroyable.
l’Isle demeurèrent dans un silence accablant au moment Ce Général partit le lendemain pour l’Europe. Avant son
du départ. Le Sieur Castelan étoit désolé plus que jamais départ il donna au Sieur Lafargue, Capitaine, une lettre
de n’avoir pu donner que 33 pieds de quille au bateau, pour M. de Laval, commandant le Silhouette, qui étoit à
parce que le bois n’avoit pas suffi. Mais quel parti prendre l’Isle de Marotte dans la Baye d’Antongil, afin qu’il vint
dans une pareille extrémité ? Ce fut de laisser des vivres prendre l’équipage du Bateau à Foul-Pointe, & qu’il le
aux malheureux Noirs, en leur promettant de les envoyer transportât à l’Isle de France. Ce fut le Sieur de Castelan
chercher, & en leur laissant même un écrit par lequel leurs qui fut chargé de remettre cette lettre, & qui s’embarqua en
services étoient attestés, afin que si quelqu’un venoit à conséquence dans une petite pirogue ou nacelle.
passer, on les y recut sans difficulté. Le Silhouette mouilla à Foul-Pointe le 23 Octobre, & partit
le 26 pour l’Isle de France, où il arriva le 25 novembre.
A cet endroit
d du texte, un renvoi imprimé
d Pendant la route le Sieur de Lafargue mourut, le 12 de ce
dans la marge indique : « On a envoyé
dernier mois, à la vue de l’île Bourbon. On conçoit bien
un bâtiment de l’Isle de France, pour
prendre ces infortunés. », mais une que le récit du naufrage qu’on vient de décrire, & de toutes
note manuscrite ajoutée ultérieurement les circonstances qui l’on accompagné, & encore plus
précise : « On avait promis d’envoyer l’espèce de prodige avec lequel l’Equipage de la Frégate
et
e oon ne
e l’a
a pas fait jusqu’à
a jusqu àpprésent.
ése . »
l’Utile fut sauvé, causa le plus grand étonnement à ceux qui
furent comme les témoins de la vérité du fait, en voyant cet
Equipage & le Bateau construit par le Sieur Castelan du
Vernet4.
Pour témoigner leur reconnaissance à cet Officier, tous
ceux qui composoient l’Equipage le forcèrent d’agréer un
Certificat signé d’eux, & qui atteste les faits avancés sur son
compte dans cette relation. Le Sieur Castellan du Vernet
auroit constamment refusé une attestation d’ailleurs si
glorieuse pour lui, s’il lui avoit été permis de rejetter un
monument qui lui paroissoit nécessaire pour faire croire
des faits aussi extraordinaires & aussi peu vraisemblables, &
si sa sensibilité avoit pu répondre autrement à celle que lui
marquoient par-là les compagnons de son naufrage & de ses
travaux. Il se trouvoit trop heureux d’avoir soulagé la vie à
cent vingt hommes, tous estimables en leur genre, pour ne
pas accepter ce qui devoit lui rappeller à jamais à lui-même
le service qu’il leur avoit rendu, & le mettre en état de
certifier ce qui sera toujours sa consolation & sa gloire.
40 |
Échos littéraires du naufrage de l’Utile
L’An mil sept cent soixante-un, le vingt-neuvième jour de « Nous Sindics et Directeurs de la Compagnie des Indes
novembre, au Port de France : Nous Maître d’Equipage, certifions à tous qu’il appartiendra que le Sr. Castellan du
Officiers-Mariniers & Matelots de la Frégate l’Utile, Vernet premier lieutenant de la Marine de la Compagnie,
Capitaine de Lafargue : Certifions authentiquement s’est embarqué le dix-sept novembre mil sept cent soixante
qu’ayant naufragé à dix heures de nuit du dernier juillet au au Port du passage en qualité de second sur la frégatte
premier août de la susdite année, sur l’Isle de Sable, ou pour l’Utile commandée par le Sr.Lafargue pour le voyage de
mieux dire de Corail, sur laquelle nous avons resté jusqu’au l’Isle de France et de Bourbon ; que ce bâtiment a eu le
27 Septembre au soir, & que nous fîmes route pour Foul- malheur de faire naufrage le 31 juillet 1761 par un gros
Pointe sur un Bateau plat à trois quilles, dans le plan des temps pendant la nuit sur une chaîne de rescifs de l’Isle de
Prâmes, quoique en petit, puisque ledit Bateau n’avoit que Sable, coste de Madagascar ; que les violentes secousses de
trente-trois pieds de quille ; nous arrivâmes à Foul-Pointe la mer contre les roches ayant dégradé ce navire en très peu
cent-vingt-un hommes tout compris, le premier Octobre. de tems et mis l’Etat-major et l’équipage composé de cent
Il ne nous falloit rien moins qu’un Officier comme M. vingt hommes dans un danger imminent de périr tous sans
Castellan du Vernet notre premier Lieutenant, qui lui seul, ressources, le Sr.Castellan du Vernet et ceux de ses officiers
après notre triste naufrage, a ranimé le courage d’un chacun qui dans une si triste extrémité étaient en état d’agit ;
par la construction du susdit Bateau ; non seulement il en ramenèrent par leur fermeté le courage des équipages, à
leva les plans, mais même il l’exécuta en partie, & cela des l’effet d’employer tous les moyens possibles pour se sauver
débris qu’il falloit aller lever sur différentes parties des plus sur l’isle de Sable, qu’en effet après des travaux et des risques
grands débris, dont il fut le premier à donner l’exemple. infinis suivant les détail que cet officier en a rapporté à la
Nous pouvons publier qu’il trouvoit du remède à tous les Compagnie, et qui lui sont venus d’ailleurs par différentes
obstacles, qui n’étoient pas moindre, tout incommodé lettres, non seulement tous le monde a eu le bonheur de
qu’il fut, & affligé de la perte d’un frère qui promettoit se sauver sur cette isle, mais encore que cet équipage sous
beaucoup. Il ne décessoit jamais le travail depuis la pointe la conduite du Sr. Castellan du Vernet, qui s’en trouvait
du jour à la nuit close ; son industrie nous donna une le commandant, s’est rendu en quatre jours de traversée
Forge, car il fit un soufflet d’une basane qu’on sauva. Si à Madagascar sur un bateau qu’il a construit lui-même
nous tracions ce qu’il a fait jour par jour, le détail seroit sur cette isle déserte en cinquante-six jours de tems avec
trop long. Nous dirons avec vérité qu’après Dieu, nous les débris de la frégatte et sur les plans du Sr. Castellan du
devons notre sortie de cette Isle à lui seul, puisque c’est à Vernet qui n’a cessé de les encourager par ses conseils et par
la connaissance du plus simple de l’Equipage, que nous son exemple, ainsi que les gens de l’équipage l’on reconnu
n’agissions que par son conseil. & ses ordres au travail qui par le certificat qu’ils en ont donné à ce Commandant,
étoit indispensable pour parvenir au but où Dieu nous signé d’eux ; et qu’il nous a produit et sur le compte que
a fait la grace d’arriver. A peine fûmes-nous sortis de la la Compagnie a rendu à Mr. le Controlleur Général, le
susdite Isle, qu’il forma le projet de venir prendre les Noirs Ministre a obtenu du Roy une gratification de 900 livres
que nous y laissions, pourvu qu’à Foul-Pointe il eût pu pour le dit Sr. Castellan du Vernet, et pour donner à cet
trouver un rechange de voiles ; ce qu’il n’a pu exécuter par officier une marque de la satisfaction que nous avons du zèle
ce défaut. Nous supplions instamment le susdit Lieutenant et de la capacité qu’il a fait paroitre en cette occasion, nous
d’accepter notre reconnoissance par le présent exposé, luy avons délivré le présent certificat signé de nous pour
n’étant que la vérité. En foi de quoi avons signé le jour & an lui servir et valoir ce que de raison, et je lui fait apposer le
que dessus. Lange Stepons, Pierre Desdebes, Mandement, cachet des armes de la Compagnie et contre signer par le
Joseph Elissade, Bertrand Vergès, Jean-Louis Catalot, Vital secrétaire d’Icelle, fait à Paris en l’Hôtel de la Compagnie
Sarran, Taillefer, De Pierre Florimer, Martin Darlas, Jean des Indes, le dix-huit juin mil sept cent soixante-trois.
Deffaa, Jean Cazenave, Caubinot, Joseph Duval, Jean-Louis Paumier de St-Bal6, David7, Godheu8
Rossy, Pierre Balere, François Jourcin, François Le Quennet, Pour la compagnie
Ribert, David Lassale, François Lafitte, Jean Lafourcade, Boize9. »
Pierre Laems, Vincent S. André, Jean Bertrand, Pierre
Cruchet, Pierre Dembrun, Jean Fourquet. »
6. Annibal Pannier de Saint-Bal, Syndic de la Compagnie des Indes
Outre le certificat peu banal, délivré par l’équipage, et banquier.
Castellan du Vernet, deux ans plus tard, en obtiendra un 7. Antoine David, Directeur de la Compagnie des Indes de 1743 à
1764.
autre des Directeurs de la Compagnie des Indes5 :
8. Charles Robert Godeheu d’Igoville, Directeur de la Compagnie
5. AN – Colonies E 65 – (Aix en Provence) – Dossier Castellan du des Indes.
Vernet 9. Jean-Baptiste Boize, Premier secrétaire de la Compagnie des Indes.
| 41
Tromelin. Mémoire d’une île
« Le vaisseau l’Utile partant de Madagascar s’échoua sur une isle appelée
l’isle aux sables, presque à fleur d’eau, et sans eau ni herbe d’aucune espèce.
Ce vaisseau avait environ 160 nègres esclaves, le Cap. les fit descendre avec
son équipage et ce qu’on put sauver des provisions du vaisseau qui avait coulé,
ensuite on résolut de le démembrer pour en construire une barque qui put les
ramener à l’isle de France. Les noirs esclaves le servirent avec un grand zèle dans
ce travail. Quand la barque achevée et faites aussi grande qu’on l’avoit pu, le
capitaine s’aperçut avec chagrin qu’elle ne pouvait contenir que les gens de son
équipage, il les fit donc embarquer secrettement et ayant laissé tant soit peu
de provisions avec les noirs il leur promit de leur envoyer un vaisseau dès qu’il
serait arrivé à l’Isle de France, les malheureux, femmes et enfants, levèrent les
mains au ciel et leur souhaitèrent un bon voyage, cependant le Cap. étant arrivé
au bout de trois semaines à l’Isle de France rendit conte [sic] à l’administration
de son malheur et de la promptitude du secours qu’il fallait porter aux noirs
abandonnés au milieu de la mer11. D’autant qu’il ne fallait que quelques
jours de voyage pour aller à eux, les vents étant presque toujours favorables.
Mais les chefs de l’administration décidèrent qu’ils devoient être péris et on
les abandonna sur cette isle. Depuis on n’a pas même aperçu d’ossements, la
mer couvrant ce haut fond dans les équinoxes. Ils pouvaient avoir péri mais
l’administration était très coupable car enfin c’étaient des hommes qu’ils
livraient à la mort et la démarche qu’elle devoit faire, quoique inutile eut prouvé
qu’elle faisait quelques cas des hommes et qu’elle devoit, même de [manière]
inutile, à leur mémoire12. »
42 |
Échos littéraires du naufrage de l’Utile
Condorcet (1781)
Condorcet fait une première allusion à l’histoire en 1781 lorsqu’il
publie ses Réflexions sur l’esclavage des nègres. Il prend comme exemple
le naufrage de l’Utile et l’abandon des esclaves pour montrer « combien
les Européens sont éloignés en général de regarder les noirs comme
leurs semblables »17 ; on aurait pu imaginer contestation plus virulente.
Lorsqu’il fut admis le 8 avril 1788 à la Société des amis des Noirs, il
| 43
Tromelin. Mémoire d’une île
« Je suis fort content de savoir que le paquet secret que je vous ai adressé vous
soit parvenu ; je suis bien assuré que vous n’userez qu’avec circonspection
de son contenu et qu’autant qu’il vous sera nécessaire pour parvenir à la
connaissance de ce que l’on désire de savoir. J’ai écrit à notre ami Joannis de
vous faire part de tout ce qu’il a pu entrevoir dans les questions de M. le Mquis de
Condorcet18. »
44 |
Échos littéraires du naufrage de l’Utile
20. AN – Colonies, C5a 3, pièce 25 – Extrait des lettres et autres papiers du Sr. Glemet trouvés
après sa mort à Foulpointe, Isle de Madagascar.
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Chapitre VII
47
Tromelin. Mémoire d’une île
F la fontaine où pour mieux dire le puits, où (+ nous trouvâmes Figure 7-1 – Plan manuscrit des Archives
l’eau si tôt que nous fumes parvenus au niveau de la mer, à la profondeur nationales.
de 15 pieds)
C1 chemin où on a mis le batteau à la mer
C2 chemin pour aller du bateau à la tente
C3 chemin pour aller à la carcasse
R Réssif quy se découvre dans les grandes marées le fond est de
coraille et roche.
En bas figure une échelle de 1/8 de lieue. Une ancre est figurée dans le
nord-ouest de l’île avec une sonde de 48 pieds (15,58 m)3 .
3. Il faut noter que Keraudic indique que l’ancre à jet a été mouillée par 18 brasses, soit 90
pieds, il commet donc là une erreur, car l’ancre retrouvée en 2006 se trouve bien à une pro-
fondeur de 15,40 m
48
Trois plans de l’île
Figure 7-2 – Plan de la Bibliothèque 1772 4 . Les initiales qui suivent sont Go. et Gu., il est aussi possible que
nationale fo no 81. ces plans ne soient ni de la même main, ni n’aient été dessinés à la même
époque, avant d’être annexés au rapport de Castellan.
49
Tromelin. Mémoire d’une île
En bas à gauche une échelle de 800 toises. L’épave de la flûte est repré-
sentée d’une manière moins réaliste que sur le plan précédent mais le
dessin donne une meilleure idée encore du profil du bâtiment, la prame
Providence est également dessinée.
50
Chapitre VIII
L’énigme Le Gentil
Le Gentil de la Galaisière, astronome qui parcourt la région dans les
années 1760, est-il passé à la vue de l’île pendant le séjour des naufragés,
sans les voir ? Cette question troublante est posée indirectement par
Lislet Geoffroy qui sera en 1816, chef du Dépôt des cartes et journaux de
l’île Maurice (voir ci-après chapitre 13). Dans un mémoire daté de 1817
qui se trouve aux Archives nationales1, récapitulant la position des îles
de l’archipel des Mascareignes, ce dernier écrit :
Plus loin un tableau indique les positions des différents points de l’ar-
chipel, dont :
51
Tromelin. Mémoire d’une île
Nous savons que Le Gentil est arrivé dans l’océan Indien en 1760 avec
pour mission d’aller, comme l’abbé Pingré, observer à Pondichery le
transit de Vénus devant le soleil. N’ayant pas pu observer le phénomène,
il décide de rester dans l’océan Indien pour attendre le passage suivant
qui doit avoir lieu en 1769. Il y restera en définitive jusqu’en 1771. Il est
donc possible qu’il ait observé la position de l’île de Sable alors que les
naufragés y étaient présents.
3. Mémoire sur la nouvelle carte de l’archipel du Nord Est de Madagascar, par Lislet
Geoffroy, Au Port Louis Isle Maurice le 5 novembre 1817.
4. Le Gentil 1779.
52
L’île de Sable introuvable ?
Avant même le sauvetage des rescapés, d’Après avait publié en 1775 une
nouvelle carte et la seconde édition de son Neptune Oriental.
Pour la première fois un plan de l’île tiré des plans manuscrits établis
par les rescapés apparaît sur une carte marine8 .
5. C’est ce navire qui l’année précédente a ramenés les naufragés de l’Utile de Foulepointe à
l’île de France.
6. Le Floch de la Carrière commandant du Duc de Choiseul, cherche à apercevoir l’île au début
du mois d’août au cours d’un voyage de l’île Bourbon à Pondichéry.
7. Duc de Choiseul ou Petit Choiseul, frégate de 300 tonneaux, armée à Saint-Nazaire le 12
janv. 1763, arrivée à Lorient le 9 mars 1763 ; partie pour Juda et l’océan Indien le 25 oct. 1765
; désarmée à l’île de France le 31 mars 1767; réarmée pour le compte du roi ; partait pour l’Inde
en juillet 1768.
Figure 8-3 – Détail d’un cartouche de la 8. AN - Cartes et Plans, 6 JJ 40 B – Pièce 21 - Carte réduite de l’Océan Oriental depuis le Cap
carte de d’Après datée de 1775. de Bonne Espérance jusqu’au Japon, dédiée au Roi, par Mr d’Après de Mannevillette, 1775.
53
Chapitre IX
55
Tromelin. Mémoire d’une île
« un des bâtiments qu’il avait envoyé à cet effet, ayant eu son câble coupé,
dans le moment que deux hommes avaient été à terre sur un radeau ; fut obligé
d’appareiller. Le radeau ayant été brisé ; un des deux regagna le bâtiment à la
nage avec beaucoup de peine ; et l’autre qui n’en eut pas le courage ; resta parmi
les noirs7… »
De Ternay envoie alors successivement deux autres bâtiments pour
tenter le sauvetage, mais par deux fois l’état de la mer empêche tout
débarquement.
56
Sauvetage des survivants de l’Utile
La Dauphine de Port-Louis pour pêcher ; elle est mentionnée dans l’inventaire des
Corvette de 4 canons construite à l’île embarcations présentes dans le port en 17758 .
Bourbon mise en chantier en 1772 et
terminée en août 1773. Armement :
La Dauphine appareille de Port-Louis le 25 novembre 1776 et est en
de 4 à 8 canons. Achetée par la
marine royale pendant sa construction vue de l’île le 28 dans la soirée. Le 29 novembre, servi par des condi-
vers juin 1773, elle participe sous tions de vent et de mer favorables, de Tromelin met à l’eau la pirogue et
le commandement de Ferron avec une chaloupe sous la direction de Le Page, l’un de ses officiers, dont on
comme second Jacques Marie Boudin
retrouve le nom dans un rôle de la Dauphine9. Les derniers rescapés sont
de Lanuguy de Tromelin au troisième
voyage d’exploration d’Yves de récupérés et débarquent à l’île de France le 14 décembre.
Kerguelen-Tremarec pour les terres
australes. Ce dernier embarqué sur le Trois ans plus tard, Tromelin rend compte brièvement du sauvetage,
Roland est accompagné de le frégate
dans un document où il retrace les principaux évènements qui ont
l’Oiseau (capitaine de Saulx de
Rosnevet). Ils partent de l’île de France marqué son séjour dans l’océan Indien10 :
le 17 octobre 1773. Elle sera capturée
par trois corsaires anglais en juin 1780. « En 1776, M. le chevalier de Ternay voulut faire un nouvel effort pour sauver
les nauffragés qui s’étaient perdus en 1761 dans le vaisseau l’Utile sur un écueil
de la mer des Indes connu sur les cartes sous le nom de l’Isle de Sable.
Mrs. les administrateurs du Roi me chargèrent de cette mission honorable, dans
le tems où l’arrière-saison ne permettait pas que je pusse naviguer et servir à
l’approvisionnement de la colonie.
Tous ceux qui avoient tenté avant moi de sauver ces nauffragés y avaient
échoué : j’eus le bonheur de réussir complettement dans mon expédition, mais
il est de mon devoir d’annoncer publiquement que je dois une partie de mes
succès au S. Lepage officier sur ma corvette. Je le chargeai du commandement
de la chaloupe destinée à approcher de cet écueil. Cet officier prit si bien ses
mesures, que, sans perdre un seul homme il fit passer à la pirogue la Barre dans
l’endroit le moins dangereux, et sauva sept négresses et un enfant. Seul reste des
300 naufragés, qui depuis 15 ans vivaient sur ce danger ; de tortues, de poissons
et d’eau saumâtre, car on ne trouve sur cette Isle, que la mer couvre presqu’en
entier dans les gros tems, ni arbrisseaux, ni même d’herbe. »
57
Tromelin. Mémoire d’une île
On peut donc désormais savoir ce qu’il est advenu de ces 158 esclaves : 70
sont morts noyés au moment du naufrage, sans doute, pour nombre d’entre
eux, pris au piège dans des soutes. On en avait cloué les panneaux, nous
précise Keraudic. En effet, sur les plans de l’île dessinés au retour, à côté
des tentes les plus au nord il est indiqué : « campement des noirs : 88 » ce
qui indique le nombre esclaves rescapés. 80 esclaves malgaches étant aban-
donnés sur l’île deux mois après, 8 sont donc morts pendant cette courte
période, très probablement dans les premiers jours, de soif et de faim
comme l’indique sans trop insister Keraudic, car il semble bien que, devant
la pénurie de vivres et d’eau, on en ait privé d’abord les esclaves.
58
Sauvetage des survivants de l’Utile
On savait que le 31 juillet 1761, le vaisseau l’Utile15 avait naufragé sur l’Isle
de Sable. Quelques blancs de l’équipage échappés dans la chaloupe gagnèrent
Madagascar. On sut par eux dès lors tous les détails du naufrage et qu’ils
avaient laissé sur l’Ile un grand nombre de noirs Javas. La Compagnie des
Indes n’a pas envoyé chercher ces malheureux. Je n’ai pas ouï dire depuis la
prise de possession16 de ces îles qu’on y eut pensé. M. de Ternay et moi depuis
notre arrivée y avons envoyé quatre fois et les trois premières n’ont opéré
que la certitude qu’il y avait encore quelques personnes. On n’a pu mettre
à terre parce que le temps ne le permettait pas et même dans ces voyages un
matelot d’un bâtiment du roi resta à terre, la mer étant trop grosse et n’ayant
pu joindre la pirogue. Enfin nous avons envoyé la corvette du roi la Dauphine
commandée par M. Tomelin [pour Tromelin] le cadet, enseigne de vaisseau, qui
a eu le bonheur d’arriver par beau temps. Il y a ajouté l’intelligence et la bonne
manœuvre et en moins de 3 heures, 7 négresses et un négrillon de 8 mois, créole
de cette île aride, se sont embarqués dans la pirogue, ont gagné le bord de la
corvette et sont arrivés ici hier.
14. AN – Marine, G 222 – f°34 B – Lettre publiée par la Revue d’Histoire des Colonies
françaises, 1929, p. 296-297.
15. La corvette du Roi la Dauphine a sauvé 7 négresses et un négrillon. Les sept négresses
restes infortunés de noirs naufragés sur le vaisseau l’Utile à l’Isle de Sable le 31 juillet 1776 (sic).
16. C’est à dire depuis la remise de l’Ile de France et de Bourbon à l’autorité royale, le
changement d’administration explique un peu cette extraordinaire négligence.
59
Tromelin. Mémoire d’une île
Nous avons appris que le matelot blanc avec six noirs ou négresses avaient, il
y a environ quatre mois hasardé de se mettre à la mer sur un seul radeau fait
de débris espérant gagner Madagascar. Ils ont laissé sur l’île sept femmes et le
négrillon qui viennent d’arriver, mais nous n’espérons pas que le blanc et ses
compagnons d’infortune aient eu le bonheur d’atteindre Madagascar.
Nous avons considéré ces malheureuses femmes et l’enfant comme libres. Je les
ai sur le champ fait vêtir et placer à l’hôpital. Une d’entre elles est très vieille et
très infirme. Les autres sont encore jeunes et se portent bien. Dans le nombre
se sont trouvés une mère et sa fille. C’est à cette dernière qu’appartient le petit
enfant de 8 mois très bien portant, mais sa mère est très fatiguée.
Leur sort m’a si fort intéressé que j’ai offert à cette mère, sa fille et son enfant
l’asile de ma propre maison. Ils l’ont accepté avec joie et j’en ai une grande de
les faire soigner et de les rendre heureux. Je fais baptiser l’enfant, je lui donne
le surnom de Moyse et le nom de baptême sera Jacques qui est le mien et je le
ferai élever. M. le Chevalier de Ternay, Monseigneur, vous fera le détail de la
manière dont ces malheureux sur cette île de sable aride ont vécu, se sont logés
et se sont nourris. Il est à remarquer qu’ayant proposé à ces femmes de retourner
libres dans leur patrie (Madagascar) et croyant leur faire une proposition très
agréable, elles ont paru l’entendre avec froideur, elles y seraient esclaves des
autres noirs. »
60
Sauvetage des survivants de l’Utile
Ainsi la mère de l’enfant ne fut pas affranchie, mais déclarée libre, car
ayant été « traitée » en fraude, elle n’était pas considérée officiellement
comme esclave. Son nom malgache était Semiavou, « celle qui n’est
pas orgueilleuse », mais elle fut nommée d’office Ève et déclarée libre.
Bien curieuse manière de donner la liberté à un être humain que d’obli-
térer de la sorte son nom et de nier ses origines. Ainsi l’enfant est-il
baptisé et la mère « débaptisée » par le gouverneur avec la même bonne
conscience. Plus encore que les violences physiques subies par ailleurs
par les esclaves, la violence de cet « acte de charité » en dit long sur le
chemin qui restait à faire vers l’égalité.
18. AN – Ile Maurice – Série KA-Civil Status and population records, Registre KA 63 –
Extrait de Baptêmes, Mariages & Sépultures. Blancs, libres & Esclaves. 2 janvier-31 décembre
1776, f° 51 à 82 recto, f° 89 verso.
19. Lowson Geoffrey, Lieutenant, Royal Indian Navy, A little-known island of the Indian
Ocean, in Chambers’s Journal of Popular Literature, Science and Art, Seventh Series, 1911,
p. 604.
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Chapitre X
« … A minuit et demie la brise augmentant j’ai fait carguer la misaine pour ne
pas approcher la latitude de l’Isle de Sable de plus de 3 lieues avant le jour. A
2 heures du matin, cargué aussi la grand-voile et serré le grand foc. A 5 heures
nous avons fait servir sous toutes voiles et à 6 heures et demie nous avons la
connaissance de l’Isle de Sable du haut des mâts, que j’ay relevé aussitôt au
N 1/4 NO 5° Ouest du compas, j’ai laissé arriver afin d’en avoir une parfaite
connaissance d’en bas et l’ai doublée dans l’Est à la distance d’une demie lieue
tout au plus. C’est un platier de sable qui parait garni de gros corail et qui est
fort peu élevé sur l’eau. La mer est fort houleuse à terre et les courants serrent
avec force dessus. Ce qui fait que je n’essayerai jamais à la doubler au vent de
si près. J’ai remarqué aussi qu’il y a fort peu d’oiseaux sur cette isle et à son
approche puisqu’à peine en avons-nous vu deux ou trois.
A 8 heures du matin relevé le milieu de l’isle à l’Ouest du monde1 distance 2/3
de lieue et à 10 heures perdu la ditte isle de vue dans le SO du compas à 2 fortes
Le Diligent lieues de distance.
Brick de 100 tx, armé à Saint-Malo. A midy la route m’a vallu par ma hauteur le N NE 1° 50 Nord chemin 21 lieues.
Mentionné par Auguste Toussaint Latitude observée 15° 42’ S
(1967, p. 245 et 279), il arrive Latitude estimée 15° 38’ S
à l’Île de France en provenance
Longitude estimée 52° 38’ E
de Saint-Malo le 11 fév. 1777,
et également en provenance de 1. « Du monde » : manière d’indiquer que le relèvement est effectué par rapport au nord
Galle (Ceylan) le 15 nov. 1779. géographique et non par rapport au nord magnétique.
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Tromelin. Mémoire d’une île
Sandy Island
Sandy Island, or l’Isle de Sable, in latitude 15° 52’ S, longitude 54° 50’ E, is a flat
sandy spot about 15 feet above water, nearly ½ of a mile long from N.N.W. to
S.S.E and about ¼ of a mile broad, having a sand bank projecting ¾ of a mile
toward S.S.E.
It was discovered by the ship La Diane in 1722; and in 1761 the Flute l’Utile
was cast away there. Ships passing to the eastward of Madagascar, if not
certain of their longitude, should be careful in crossing the parallel of the low
and dangerous island. In Grenier’s chart, it is placed on the same meridian
as the east part of Bourbon, but on other charts, generally about 1° more
westward. »
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L’île enfin vue et hydrographiée
L’année suivante Lislet Geoffroy publie l’ouvrage dont nous avons parlé
plus haut.
Figure 10-3 – Le brick HMS Barracouta 6. Correard A., Savigny J.B.H., Naufrage de la frégate La Méduse, Paris, 1818.
effectuant le relevé hydrographique du 7. “Another run to Mauritius was made by the two vessels in company between the dates
port et de la baie de Mahé des Seychelles of June 3rd and 15th, and here the Albatross was found, having completed the survey of the
en 1825 par William John Huggins Cargados Garagos islands. Sailing again July 19th, after examining Tromelin islet, the Leven
(1781 – 1845) (London, Government Art touched at St. Mary,”
Collection). Dawson L.S, Commander R.N., Brief Biographies of the Principal Officers who have served in
E.M. Naval Surveying Service between the years 1750 and 1885, Part I – Years 1750 to 1830,
Eastbourne, 1830, p. 62.
Voir également : Owen W.F.W, Captain RN, Narrative of voyages to explore the shores of Africa,
Arabia and Madagascar performed by HMS Leven and Barracouta, Volume 2, London,1833,
p. 197. Owen y précise qu’il arrive le 26 juillet à Sainte-Marie.
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Tromelin. Mémoire d’une île
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L’île enfin vue et hydrographiée
La Favorite
Corvette à batterie barbette, armée
de 4 canons de 30 et 16 caronades,
100 hommes d’équipage. Construite à
Lorient, construite entre 1827 et mars
1829, elle appareille le 31 décembre
1829 de Toulon, sous le commandement
du capitaine de frégate Laplace pour
effectuer un voyage autour du monde.
« Le 6 mai, au lever du soleil, le temps était beau et clair, le vent du sud-est mais
faible ; nous laissâmes arriver, et à 9 heures nous aperçûmes la terre du haut des
mâts, à 11 heures la corvette n’en était plus éloignée que d’un mille, côtoyant la
partie est, et manœuvrant pour doubler la pointe nord… Les lames se
déroulaient d’une manière effrayante sur les récifs dont le rivage est entouré
comme d’un rempart contre les assauts de l’océan. La vue de ce dangereux écueil
nous faisait éprouver le sentiment d’une pénible et inquiète curiosité ; nos yeux
cherchaient, sur cette surface uniforme de sable, dont la blancheur brillait sous
les rayons d’un soleil brûlant, des vestiges qui annonçassent l’existence de
quelques malheureux naufragés. Sur le monticule qui forme le point le plus
élevé de l’île, était une perche à moitié renversée par le vent, et surmontée d’une
croix ; autour nous apercevions les restes de cabanes et de puits, faits sans doute
par l’équipage de l’Utile qui en 1767 découvrit l’île de Sable et s’y perdit
pendant la nuit. […] J’aurais désiré mettre à terre quelques hommes pour
l’explorer ; mais quoique la brise fut très modérée, la mer brisait avec une telle
violence sur les récifs, que toute communication était impossible. Je me bornais
Cyrille Pierre Théodore Laplace donc à en faire le tour d’assez près, pour que rien ne pût échapper à nos regards.
Né en mer le 7 novembre 1793 et Les coups de canon, que je fis tirer à des intervalles rapprochés, n’eurent d’autres
mort à Brest en 1875, Laplace est résultats que de faire lever une multitude d’oiseaux de mer, dont les cris
un explorateur maritime français. En
causaient un bruit assourdissant. A 4 heures du soir, après des observations
1830, devenu capitaine de frégate, il
entreprend une circumnavigation sur d’angles horaires nous leur laissâmes la tranquille possession de l’île, dont la
la corvette la Favorite. Parti de Toulon, position, qui venait d’être parfaitement déterminée, est bien différente que celle
son voyage le mène successivement en qui lui est assignée sur toutes les anciennes cartes : Latitude S 15° 53’ 8,
Inde, en Asie du Sud-Est, en Australie
Longitude E 52° 11’ 9. Avant le coucher du soleil, nous étions hors de vue du
et en Nouvelle-Zélande, au Chili et
Brésil. Promu capitaine de danger, d’autant plus redouté des marins, qu’à peine visible à deux lieues par un
vaisseau à son retour en 1834, il temps clair et beau, il est impossible de l’apercevoir assez à temps pendant la
renouvelle son périple entre 1837 et nuit, ou sous un ciel sombre et couvert8. »
1840 sur la frégate l’Artémise. Il est
nommé préfet de Rochefort en 1848 8. Laplace, Cyrille, Pierre, Théodore, Voyage autour du monde par les Mers de l’Inde et de la
et de Brest en 1855. Il termine sa Chine, exécuté par la corvette de l’Etat La Favorite pendant les années 1830, 1831 et 1832 sous le
carrière au grade de vice amiral.
vice-amiral. commandement de M. Laplace, Paris, Imprimerie royale, 1833, tome 1, p. 129-131.
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Tromelin. Mémoire d’une île
« … J’avais déjà la conviction que l’Isle de Sables qu’on dit avoir été vue en Le Bridgewater
1812 par le Bridgewater était le seul danger que j’avais quelque chance de Un navire anglais de 1276 tonnes de
rencontrer. Je prie de remarquer que l’expression on dit est employée par l’East India Company (EIC) porte ce
Horsburgh qui est le seul auteur qui ait parlé de cette rencontre du Bridgewater nom, lancé dans les chantiers Randall,
et son correctif annonce qu’il n’y croit pas beaucoup ». Brent & Gray de Londres le 5 octobre
1812. Commandé par Philip Hughes, il
appareille de Portsmouth le 29 janvier
Il nous livre aussi dans son rapport quelques considérations sur l’hydro- 1813 pour les Indes en compagnie
graphie de la zone : de l’Essex, de l’Atlas et de la Pricess
Amalia, du Baring, de la Rose, du
Marquis de Wellington. Il arrive au
« Quand on jette alternativement un coup d’œil sur la carte de d’Après de
1774 et celle de Daussy en 1838, donnant l’une et l’autre les positions des !"#$%*
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îles situées à l’Est et au Nord-Est de Madagascar, on peut juger des progrès Il n’est donc pas impossible qu’il ait
de l’hydrographie dans cet espace de temps. Les progrès ont été dus au pu observer l’île Tromelin, mais pas
avant le milieu de l’année 1813. Il
perfectionnement des instruments à réflexion et surtout à l’usage des montres se pourrait alors que Jehenne citant
marines pour la détermination de la longitude, découverte que je considère Horsburgh se trompe d une année.
d’une
comme la plus utile pour la Marine, parmi celles de la fin du siècle dernier.
Avant que ce moyen ne fût connu ; on opérait sur des distances lunaires, comme
rien n’empêche de le faire aujourd’hui avec l’immense avantage de posséder
de bons instruments, et de bonnes tables, choses dont étaient privés nos aïeux ;
mais comme les circonstances favorables pour ces sortes d’observations sont
assez rares à la mer, les navigateurs du siècle dernier, ou du moins jusqu’en
1775, concluaient ordinairement leur longitude de la déclinaison de l’aiguille,
ainsi que nous voyons le respectable d’Après leur en faire la recommandation
expresse. On conçoit facilement à quelles erreurs a dû entraîner une pareille
méthode ; et, si l’on ajoute à cela dans les parages dont nous nous occupons les
courants portant toute l’année à l’Ouest, avec une vitesse moyenne de 20 à 25
minutes par jour, sera-t-on surpris des erreurs des cartes de d’Après qui ont été
pendant longtemps ce que nous possédions de mieux ? »
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Chapitre XI
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Tromelin. Mémoire d’une île
« Il semblerait que le banc tracé sur le vieux plan2 à et quelques herbes grossières. Sur le point le plus élevé de
l’extrémité sud de l’île de Tromelin, s’est élevé et a crû l’extrémité nord de l’île se trouvent les restes d’une très
au-dessus du niveau de la mer, car à présent l’île est presque ancienne construction faite de blocs de corail, elle comporte
accore, à l’exception d’une interruption dans le coin cinq compartiments, et à proximité il y a deux autres ruines
sud-ouest, et un banc s’étendant à presque un mile et demi de carrées.
l’extrémité nord de l’île. Sur ce dernier à trois quarts de mille Dans le voisinage il y a plusieurs rangées de pierres
au large, des sondes de 7 à 12 brasses furent trouvées, sable et d’environ six pieds de long apparemment des tombes.
grandes roches de corail ; mais avec la mousson du sud-est, il J’essayais de creuser dans l’une d’elles avec un morceau de
est sous le vent de l’île. Lorsqu’on se tient au-dessus du banc bois, et trouvais quelques clous, mais ne disposant pas de
le fond est clairement visible. pelle, je ne pus creuser plus profond. Je ne trouvais aucun
Un puissant raz est formé par la rencontre de la marée reste humain, marques ou inscriptions dans les ruines ; je
descendante et du courant d’ouest au large de la pointe suppose que celles-ci sont si vieilles que de tels vestiges ont
nord de l’île, et déferle souvent d’une manière dangereuse été depuis longtemps effacés.
pour les embarcations à une distance d’un mile du rivage. Du côté ouest ou nord-ouest de l’île, se trouvent deux
L’île est entourée d’un récif ou au moins d’une plateforme de grandes ancres dans les déferlantes, et huit canons très
corail, s’étendant à 150 yards ou plus de la plage, sur lequel corrodés, toutes les marques effacées, certaines parties presque
la mer déferle puissamment. Le fond est partout rocheux et ovales et les tourillons comme des ailes de requin. Les ancres
très accidenté, aucune embarcation ne peut aborder sans être sont d’un modèle ancien, longue verge, et grand organeau,
presque certainement défoncée excepté au point marqué (a) et apparemment très lourdes, mais je fus incapable de m’en
près du côté est de la pointe nord. A cet endroit se trouve approcher compte tenu des déferlantes. Les canons (dont
une plage de sable escarpée, claire de toute roche sur une l’un avait été apparemment hissé depuis le récif au-dessus du
courte distance, et bien qu’étant au vent de l’île, si on attend niveau de la mer) sont des canons de 12 livres d’un modèle
une occasion favorable une chance d’aborder d’une manière ancien, de huit pieds six pouces de long et très lourds,
relativement douce peut être trouvée aux environs de la dépassant trente hundredweight [environ 1,5 tonne].
marée haute. Le long de la plage le courant qui porte au nord Quelques vestiges de ferrures, telle qu’une chaîne, était
est très fort, avec la marée descendante il transportera toute éparpillés et je ne pus découvrir aucun indice permettant
embarcation chavirée dans les déferlantes vers le raz, où ils d’identifier l’épave, qui je pense ne pouvait pas dater de plus
seront en grand danger. d’une cinquantaine d’années, et peut-être plus ancienne.
La moitié nord de l’île est la plus haute, et est couverte de L’île grouillait d’oiseaux venus se rassembler là pour la
buissons peu élevés pas plus haut que quatre à cinq pieds, saison de reproduction. »
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L’île à nouveau visitée
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Tromelin. Mémoire d’une île
citadin, comme étant une soupe de tortue dans sa boîte fusils et étendu nos vêtements superflus sur le sable pour
d’origine. Un vieux baleinier rampa jusqu’à la proue du les sécher, nous montâmes vers ce que nous identifiâmes au
canot et en tira un harpon étincelant, l’équipage du canot premier coup d’œil comme une habitation humaine.
rama sans bruit, l’officier responsable donna ses ordres Nous trouvâmes les ruines d’une hutte, qui avait compris
en murmurant, et nous nous glissâmes vers notre proie. trois pièces ; dans la plus grande se trouvait un espace carré
Dans nombre de têtes trottait la phrase “Ah! Vieille amie, entouré de pierres noircies, qui avait dans le passé servi
combien de bols de soupe vas-tu nous fournir? », et dans de foyer ; mais qui à présent contenait le nid de trois ou
au moins l’une d’entre elles « Quelle belle carapace pour le quatre noddis (Anous stolidus), qui insouciants de notre
Musée ». Regardez le harponneur, il se tient droit, un pied approche, becquetèrent nos mains quand nous essayâmes
sur le plat-bord, le harpon en équilibre, une demi-douzaine de prendre possession de leurs jolis œufs tachetés.
de coups d’avirons et il est – Non, pas du tout – Maîtresse Nous trouvâmes les nids de ces oiseaux dans chaque trou
tortue est complètement éveillée, et sans une vague, et recoin des ruines, ils avaient pris possession de chaque
l’énorme bol de soupe plonge et disparaît à notre vue. pierre et pendant que le mâle était perché au-dessus, la
Déçus par l’échec de notre première tentative pour attraper femelle couvrait son unique œuf sur le côté dans une
une tortue, nous prîmes la direction du rivage, ramant et dépression du sol recouverte d’algues. Les œufs étaient
évitant grâce à l’habilité des marins les énormes rouleaux magnifiquement tachetés de diverses nuances de violet
qui brisaient sur la plage dans une masse d’écume blanche. pâle sur un fond de couleur crème. Les œufs mesuraient
Nous courrons au-dessus d’une vague, scions et la laissons en moyenne deux pouces sur un pouce et demi ; mais on
déferler, puis nous ramons de nouveau. L’homme qui est trouvait rarement deux d’entre eux de la même taille ou
désigné pour hisser le canot sur la plage saute par-dessus colorés de la même façon ; cependant un œil exercé pouvait
bord, et à notre consternation, bien que se trouvant à les distinguer de ceux de Onychoprion fuliginosus4, que
seulement quelques mètres du dinghy notre compagnon nous trouvâmes nichant dans une autre partie de la même
ne trouve pas le fond. Avant qu’ils puissent sortir de la île, qui nous apparut couverte de buisson ayant environ la
confusion dans laquelle cet accident nous avait jeté, et hauteur d’un homme.
que les hommes aient repris leurs avirons, une énorme Jusqu’alors, les frégates étaient restées bien hors de portée,
déferlante se brisa au-dessus de nous, projetant deux mais à présent un bruissement se fit entendre au-dessus de
hommes par-dessus bord et prenant le canot par le travers. nous, comme la chute d’un corps lourd dans l’air, et jetant
Je me cramponnais aux fusils et au banc, prêt à sauter au un œil en l’air, je vis une frégate piquant comme pour nous
moment favorable, heureusement la vague suivante couru attaquer. Comme elle dégageait, je pointais mon fusil sur
jusqu’à la côte, et bien qu’elle nous ait emporté comme une elle, et tirais, elle culbuta, alors les fusils eurent beaucoup
coque de noix, elle nous porta sur des petits fonds. de travail, car les oiseaux dégringolèrent, et le sol fut
Les hommes encore agrippés au plat-bord prirent pieds –, bientôt jonché de morts et de mourants.
le reste de l’équipage sauta par-dessus bord et en un
moment nous nous trouvâmes en sécurité, quoique au prix
4. L’un des anciens noms binomial de la Sterne fuligineuse, encore
d’un bon plongeon et pour ma part au moins, ne sachant récemment nommée Sterna fuscata. Aujourd’hui le nom accepté par
pas nager, d’une bonne frayeur. Après avoir essuyé nos la plupart des autorités ornithologiques est Onychoprion fuscatus.
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L’île à nouveau visitée
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Tromelin. Mémoire d’une île
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L’île à nouveau visitée
Avançant à quelques mètres de cet endroit, nous A l’éclair brillant et à la détonation, la créature neigeuse
entrâmes dans le domaine d’une autre espèce de sternes répondit par une gracieuse inclination, comme une
(Onychoprion fuliginosus9), dont la présence nous fut demoiselle en mousseline blanche à une invitation à la
d’abord révélée par des oiseaux intrépides qui nous danse, et elle plana au-dessus de nos têtes, nous regardant
frappaient au visage avec leur bec acéré. bien en face avec ses grands yeux noirs.
De même que dans les autres endroits nous n’avions vu
aucun nid de ces espèces, nous ne trouvâmes pas non plus là J’étais frénétique, je bourrais rapidement une charge de
un seul nid de A. stolidus. poudre, mais hélas je n’avais plus de balles. Moi et mon
Le bruit de ce nombreux rassemblement était si grand fidus Achates11, « Ed » et « Jack le curieux » comme les
qu’à peine nous entendions les cris de nos voisins les plus marins nous avaient surnommés lui et moi, était retourné au
proches, et je fus heureux de m’échapper du haut talus de canot avec mon sac.
pierre et de gagner le calme du fracas des déferlantes. Mais de l’aide arrivait, le lieutenant - tireur d’élite du bord
C’était évidemment le côté tempétueux de l’île, et la - se hâtait vers la scène, attiré par mes cris et mes vaines
direction d’où soufflent les vents dominants. tentatives pour atteindre l’oiseau avec des pierres. Voyant un
Tout le rivage consistait en grosses pierres roulées ; aucune autre monstre étrange accourir, mon blanc ami se détourna,
n’avait un angle ; toutes étaient aussi lisses que des pierres et s’éloigna à tire-d’aile vers le large.
de cordonnier, elles faisaient irrésistiblement penser à des Oh ! angoisse ! Que connaît seul le naturaliste, qui voit une
centaines de joyeux cordonniers tapant activement semelles nouvelle espèce lui glisser entre les mains.
et trépointes. Dans mon for intérieur je résolus de ne jamais plus laisser
Nous trouvâmes là une autre épave – un arbre énorme ; filer mon arme hors de mes mains sur ces côtes inconnues.
depuis quel endroit avait-il dérivé ? Madagascar La blanche vision fait un autre tour, cette fois vers la terre
probablement, et c’était l’Arche avec lequel les fourmis « viens, viens oiseau inconnu ».
étaient venues ; ainsi ces points sur l’océan sont-ils peuplés. Viser de loin ! « Ah, ma beauté, l’aumônier ne tient plus
Nous écartant de la scène de nos spéculations, nous ce solide canon : un œil mortel mesure la distance que
portâmes nos pas vers nos embarcations le long d’un large vous allez parcourir, avant que le messager plombé ne vous
chemin, nettoyé de toute pierre et minutieusement aplani. atteigne. »
Pourquoi les pauvres naufragés avaient-ils construit ce Et maintenant, le tir précis ! Bruit sourd, l’oiseau infortuné
chemin? est tombé.
Peut-être leur commandant, un homme avisé, pensant que Le retentissement de la détonation atteint mes oreilles, je
dans une telle situation l’oisiveté favorisait les sombres me précipite et la prise est à moi ; quel beau plumage d’un
pensées, avait mis ses hommes au travail pour nettoyer blanc immaculé, sans une tâche, sauf quelques points roses
ce chemin, pour y transporter quoi ? Du bois à brûler sur la poitrine, d’où la vie s’écoule avec le sang, le bec bleu
provenant des charpentes de l’épave, des pierres jetées par brillant et les grands yeux sombres maintenant clos par la
les vagues pour construire leur maison, c’était comme un mort.
chemin carrossable qu’ils l’avaient certainement utilisé, car Et maintenant, quam mutatus ab illo12, sa peau séchée,
nous trouvâmes la roue brisée d’un affût de canon sur un tas ratatinée et son bec noirci, honorent les étagères du
de pierres. Museum, une caricature de la vie, une parodie du plus bel
Pendant que nous marchions, j’avais donné mon fusil oiseau que j’ai jamais vu, je le pense.
au chapelain, qui voulait s’essayer la main au tir. Il avait Lecteur, vous devez le voir répertorié Gygis Candida13.
tiré une fois sans succès sur un huîtrier (Haematopus) ; Les oeufs de Onychoprion fuliginosus sont relativement
et maintenant à mon grand dépit, je vis un nouvel oiseau plus grands que ceux de A. stolidus, ils ont environ 2 pouces
magnifique d’une blancheur de neige, ressemblant et 2 lignes de long, pour 1 pouce et 7 lignes de large, ils
beaucoup à une sterne, passant lentement près de lui. « Un sont plus densément tachetés de tâches plus petites sur
oiseau nouveau ! », criais-je ; « tirez, mon père, tirez ! » l’extrémité obtuse.
hélas, mon ami avait la main plus habile avec le livre des
11. Achates était le plus fidèle et le plus assidu des compagnons d’Enée.
Hébreux qu’avec une Westley Richards10, et ces éminents Aussi dit-on, le plus souvent en plaisantant, en latin : « fidus Achates »
tubes semeurs de mort individuelle furent pointés en vain ( fidèle Achates) pour désigner un ami très intime.
sur le bel étranger. 12. Ou Quantum mutatus ab illo : phrase prononcée par Enée dans
l’Enéide (II, 274) de Virgile, lorsqu’Hector lui apparait en rêve non
plus sous la forme d’un héros, mais couvert de plaies saignantes. Elle est
9. Pour Onychoprion fuscatus. généralement prononcée lorsqu’on se trouve en face de personnes ou de
10. Westley Richards est une célèbre armurerie anglaise fondée en choses qui ont changé d’aspect depuis la dernière fois qu’on les a vus.
1812 par William Westley Richards. 13. Patronyme de Gygis alba.
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Tromelin. Mémoire d’une île
ceux de ces dernières. Ils sont d’un blanc pur lorsqu’ils sont
fraîchement pondus ; mais deviennent tristement souillés
par la fiente dans laquelle ils reposent. Ils mesurent environ
2 pouces 7 lignes de long pour 1 pouce 9 lignes de large.
Comme nous commencions juste nos préparatifs pour la
nuit, la vieille frégate qui s’était rapprochée de l’île amena
soudainement ses huniers, hissa son pavillon de rappel et
tira un coup de fusil. Sautant dans le dinghy, je me rendis à
bord pour m’informer des raisons du changement de plan,
pendant que le canot était mis à l’eau et préparé pour le
retour, au cas où le rappel se révélerait être général.
« Quelle chasse ? » cria le Commodore, lorsque nous
fûmes à portée de voix.
Figure 44 – Gygis blanche, Gygis alba (M. Guérout,
« Splendide ! » fut ma réponse.
2013).
Le Gygis Alba qui avait disparu de l’île fut à nouveau « Avez-vous aperçu des tortues ? » fut la question suivante.
observé par l’équipe des archéologues du GRAN et « Très peu ! Pas de traces de ponte à terre. »
de l’INRAP, en septembre 2013. Une douzaine de ces Le petit dinghy cognait sous les hautes murailles du navire
oiseaux gracieux et attachants avait élu domicile sur
quand retentit un nouveau coup de fusil, et que la lanterne
des veloutiers situés dans le sud-ouest de l’île.
de rappel du canot fut hissée en tête de mât ; juste au
moment où l’obscurité complète tombait sur nous, le canot
accosta le long du bord et en un instant se balança sur ses
Ils sont généralement plus noirs, et peuvent être facilement bossoirs ; le vieux navire gonfla ses voiles, vira dans la brise
distingués par quiconque a déjà pris les deux. Je pense du soir et nous nous éloignâmes de l’île.
qu’une description écrite devrait suffire pour chaque espèce. « Je ne connais pas les courants par ici », dit le
Les œufs des frégates Attagen Ariel sont très semblables Commodore, comme je terminais la narration de nos
en taille et en forme à ceux des fous ; mais ont une texture aventures de l’après-midi.
plus lisse et plus fine, et ne comportent pas d’épaisses « Nous ne devons pas laisser les os du Castor près de ceux
incrustations calcaires qui distinguent immédiatement de l’Utile. »
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Chapitre XII
Le naufrage de l’Atieth
Rahamon (1867)
77
Tromelin. Mémoire d’une île
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Le naufrage de l’Atieth Rahamon
Le progrès colonial4
« Arrivals.
24 octobre – Ship Atiet Rahamon of 784 tons
S. C. Hodges master from Calcutta 26th augt.& Sandheads 1st septr. With rice
dholl gram etc.
Hadgee Suliman agent »
« On the 11th instant, the Pionnier arrived with the passengers and crew of
the late Atieth Rahoman that was wrecked in November last on Tromelin
Island. The Government sent two vessels for these people. The first one the
Str. Mauritius, which was obliged to return after being disabled in a cyclone.
The brig Vigilant was then chartered, but on her arrival at Tromelin island
found no one there. The Pionnier from this port on her way to Madagascar
having called there and relieved the people, 57 in number from their pain…
(?) position. The Pionnier proceeded to Tamatave, but not being able to land
the passengers there returned to Mauritius. We have no doubt the owners and
captain will be properly recompensed for their generous exertion and … in the
… of humanity. »
Captain Delaselle of the Pionnier, reports that he left Mauritius on the 17th
Dec. with fine weather, till he arrived at Tromelin Island on the 21st at 9 a.m.,
on which day the sea being very heavy, the Captain could take on board only
32 of the wrecked crew and passengers of the Atieth Rahoman, and all the
others (25 in number) the next day, amidst the greatest difficulties. The Captain
endeavoured to save their luggage too, but the boat having capsized 4 or 5 times
in the attempt, he gave up.
There being no proper anchorage, the Captain was obliged to keep under sail
during the whole time and left for Tamatave. He arrived at Tamatave on the 25th
at 3 p. m., and sailed for Mauritius on the 27th at 5 a.m.
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Tromelin. Mémoire d’une île
80
Le naufrage de l’Atieth Rahamon
le second maître à l’arrière et lui dit que je pensais que nous devions avoir
dépassé l’île à quelques distances au vent, parce que nous avions non seulement
parcouru plus que la distance depuis midi mais que nous avions aussi très bien
remonté au vent pendant la même période. Mais je dis au second maître de ne
faire aucune supposition, et de continuer à veiller attentivement à l’extérieur : et
comme la terre était très basse (selon Horsburgh) Je lui ordonnais expressément
que s’il voyait quelque chose, de ne pas attendre avant de m’appeler pour faire
évoluer le navire, puis de m’appeler ensuite. Je quittais ensuite le pont vers
10 h 35, et je n’étais pas en bas depuis 8 minutes lorsque je le vis se précipiter
en bas pour me dire que la terre était en vue. Je montais immédiatement sur le
pont et aperçut la terre assez distinctement droit devant, et un peu au vent de
la proue. Le navire étant en route au nord, vent ENE, je mis aussitôt la barre au
vent – fit brasser carré la grand vergue et la vergue sèche, ordonnais de passer
le foc au vent et fis amener la corne d’artimon. Il évolua rapidement jusqu’à
l’ouest en passant par le nord, puis s’échoua. Je me rendis compte aussitôt
qu’il s’agissait d’un récif de corail. Le maître d’équipage arrivant sur le pont
au même moment, j’ordonnais de masquer les vergues des voiles de l’avant,
celle de l’arrière étant déjà en ralingue, mais sans effet, le navire talonnant très
lourdement remonta à nouveau jusqu’au nord par Ouest ¼ Ouest. Je fis ensuite
mettre à l’eau les deux canots de l’arrière et demandais au Maître d’équipage
d’aller mouiller un ancre à l’extérieur dès que possible, mais le charpentier
vint rendre compte que nous avions 9 pieds d’eau dans la cale, et que le niveau
augmentait rapidement, et le Syrang rendit compte également que le sucre
se diluait très rapidement dans l’eau. J’annulais mon ordre d’aller mouiller
une ancre à l’extérieur et donnait l’ordre de mettre les trois embarcations à
l’eau pour être prêt à les envoyer aussi rapidement que possible afin de sauver
les vies, car j’avais peur que lorsque le sucre qui se trouvait dans la cale serait
complètement fondu, le navire ne chavire. Les embarcations furent affalées et
toutes les cinq amarrées le long du bord, prêtes à être utilisées en cas de besoin.
Un peu après minuit le navire talonnant très lourdement et roulant d’une
manière effrayante, le gouvernail fut perdu arrachant tout ce qui l’entourait.
Le bâtiment commença alors à faire eau plus rapidement. A deux heures du
matin notant que le navire travaillait beaucoup et pensant que nous allions
inévitablement bientôt chavirer, j’ordonnais que les femmes et les enfants
embarquent d’abord dans le premier canot, et que celui-ci se mette en sécurité
en s’écartant du bâtiment puis que l’équipage et les officiers embarquent
dans les autres embarcations. Puis je fis écarter les embarcations assez loin
du bâtiment pour éviter qu’il ne les écrase au cas où il chavirerait, et nous les
mouillâmes jusqu’au lever du jour.
A 5 heures le 27 nous vîmes que le bâtiment se trouvait à l’extérieur des
déferlantes et à seulement environ 500 yards de la côte, qui du côté où le navire
s’était échoué était très basse, et ne pouvait pas être vue même de jour à plus de
3 ou 4 miles de distance. Je fis le tour de l’île pour essayer d’y aborder, mais je
trouvais l’opération très dangereuse en raison des longues déferlantes et du récif
de corail qui entourait l’île, qui risquaient de faire chavirer les embarcations
à l’approche de la plage. Nous mîmes les femmes9 et les enfants à terre avec
l’embarcation des passagers, puis nous envoyâmes tout l’équipage à bord pour
sauver tout ce qui pouvait l’être, comme provisions, eau, &c, l’île ne pouvant
rien nous fournir. Nous réussîmes à sauver une petite quantité de provisions,
9. Parmi elles, la femme du capitaine Samuel Hodges (Annales du sauvetage 1868, p. 216).
81
Tromelin. Mémoire d’une île
trois ou quatre barriques d’eau et quelques petites voiles pour confectionner des
tentes.
28 novembre, j’envoyais tout l’équipage au navire, en ayant beaucoup de
difficultés pour mettre la chaloupe à la mer. Nous avons dévergué quelques
petites voiles, et les avons embarquées avec quelques sacs de riz et trois petits
barils d’eau, et le soir nous les avons ramenés à terre.
30 novembre – Au lever du jour en allant sur la plage pour voir notre navire,
nous nous aperçûmes qu’il avait chaviré et se trouvait à présent dans les
déferlantes. En trois heures il devint une véritable épave et fut totalement réduit
en morceaux. A 11 heures je fis partir l’Officier en second pour Maurice.
Il est évident qu’il y a dû avoir un très fort courant d’ouest au voisinage de
l’île, car au moment où le bâtiment s’est échoué, compte tenu de la distance
parcourue et de la route suivie depuis midi il aurait dû se trouver à au moins 4
ou 5 miles dans l’Est et aussi bien dans le Nord de l’île, et si mes ordres donnés
au deuxième lieutenant avant de laisser le pont à 10 h 35 du soir avaient été
strictement exécutés, c’est ma ferme conviction que le navire ne serait pas allé
à la côte, bien que j’aie été certain en moi même que nous l’avions largement
dépassée, et nous trouvions à l’abri de tout danger.
Mes raisons pour avoir mis la barre au vent plutôt que sous le vent, en arrivant
sur le pont sont les suivantes. Le premier coup d’œil que j’eus de la terre fut
qu’elle se trouvait légèrement au vent de l’étrave. Voyant cela je supposais que
le récif se prolongeait à partir du point observé, et me fit douter de l’utilité de
virer de bord sous le vent, car nous étions très près. Une autre raison qui me
détermina fut ma connaissance du navire : par vent faible, il ne virait en général
pas rapidement vent devant, et était enclin à être lent à virer et en même temps
par petit temps il virait généralement rapidement lof pour lof s’il était bien
manœuvré.
J’ai observé avec beaucoup d’attention et je ne pense pas, de ce que je vis lors
de l’apparition de la terre où le navire s’est échoué, qu’elle puisse être aperçue la
nuit à une distance de plus d’un quart de mile.
82
Le naufrage de l’Atieth Rahamon
sous le vent de l’île. Les tentes sous lesquelles nous vivions sont mises en pièces
par le vent et les petits arbustes dont l’île était partiellement couverte, sont
complètement arrachés au niveau des racines. Baromètre 29 90. Vent toujours
de SE.
11 h 30 du matin – Le baromètre commence à baisser rapidement 29 8010 et
le vent tourne au SSE. Partout un rugissement terrifiant et il est absolument
impossible à qui que ce soit de résister à la force du vent sans se tenir à quelque
chose, au risque d’être emporté et jeté à la mer.
3 P.M. Bar. 29 54 Vent S.S.E.
4 ,, 29 50 ,, ,,
4.30 ,, 29 46 ,, ,,
5.30 ,, 29 40 ,, ,,11
Puis le ciel s’obscurcit rapidement, nous n’avons plus le moindre abri, l’ouragan
est à son maximum, je n’ai plus la possibilité d’observer le baromètre, car nous
essayons autant que nous le pouvons de nous agripper à ce que nous pouvons
saisir, pour éviter d’être emportés par le vent.
15 décembre – Au lever du jour, vent de SO. La pluie a cessé, mais un fort coup
de vent souffle toujours. Bar. 29 45 remontant lentement. Le temps s’éclaircit.
Nous constatons que toutes nos embarcations, qui avaient été hissées bien
au-dessus du rivage et mises en sécurité au paravent, ont été emportées par le
vent vers le centre de l’île, mises en pièces et à moitié enfouies dans le sable.
De gros morceaux de l’épave qui avaient été hissés à terre hors de danger et de
grosses dalles de pierre, quelques-unes de 4 à 5 tonnes, qui étaient sur la plage
ont été emportées par le vent à 2 ou 300 mètres de là ; au plus fort du cyclone
la mer avait envahi la moitié de l’île, mettant gravement en danger nos vies à
tous. »
L’île de Tromelin a environ ¾ de mile de longueur, ¼ de mile de largeur et 20
pieds de haut, orientée NNO / SSE.
83
Tromelin. Mémoire d’une île
terre sain et sauf avec de grandes difficultés. Nous nous efforçâmes d’embarquer
autant d’effets personnels que possible, mais nous ne pûmes en prendre plus,
car chaque fois que nous mettions à la mer le canot il chavirait à nouveau, et se
retournait à plusieurs reprises avant d’être hors des déferlantes. Nous réussîmes
cependant à faire plusieurs voyages vers le brick (qui allait et venait, tantôt près
de la côte tantôt plus loin), bien qu’en mettant en danger la vie de l’équipage et
des passagers, et en défonçant les embarcations sur le corail dont la plage était
bordée.
A 6 h 30 de l’après-midi, lorsque l’obscurité s’établit, il fut impossible de
prendre plus de monde sur la plage, le reste de l’équipage ainsi que les femmes et
les enfants ayant été déjà embarqués.
Le capitaine se tint à une distance prudente de l’île pendant la nuit, et au
lever du jour le matin suivant il se rapprocha. Le Premier Maître et moi-même
retournâmes à terre avec les deux canots, mais décidâmes que la houle était trop
forte pour permettre d’aborder. Cependant nous fîmes le tour de la pointe vers
la partie NE de l’île, pour voir si nous pouvions y aborder, car du côté ouest
c’était totalement impossible. Après avoir chaviré plusieurs fois, nous réussîmes
en deux voyages, avec beaucoup de difficultés, à mettre en sécurité les hommes
restés sur l’île, au total 57 personnes étaient restées 23 jours sur l’île. A midi le
navire hissa les embarcations et fit route vers Tamatave.
Je n’ai pas de mots assez forts pour souligner l’énergie et la persévérance
dont le Capitaine Delaselle a fait preuve, et aussi le sens marin avec lequel il
a manœuvré son navire. A plusieurs reprises pendant qu’il attendait le retour
des embarcations, il se maintint presque à la limite des déferlantes, afin que les
embarcations n’aient pas à ramer trop longtemps. Je dois aussi parler dans les
termes les plus élogieux de Mr. Fornari (Premier maître) pour ses efforts pour
ramener les gens en sécurité. Bien que son canot eut chaviré souvent, et que
lui-même et son armement aient été sévèrement coupés par le corail, et saignant
en plusieurs endroits, il fut infatigable dans ses efforts
Nous arrivâmes le mercredi 25 décembre à Tamatave. Nous nous rendîmes
à terre le Capitaine Delaselle et moi-même pour faire notre compte rendu
au Consul d’Angleterre, mais il n’était pas là, étant parti pour Bourbon.
Nous allâmes voir le Consul de France et le Capitaine lui rendit compte
des circonstances qui nous avaient amenées à son bord, et comme il allait à
Manooro, il lui demanda conseil sur ce qu’il devait faire de nous ; mais c’est
tout juste si le Consul fit attention à lui, et eut au demeurant un comportement
très discourtois.
Finalement, il déclara qu’il y avait dans le port deux transports de bétail, qui
devaient partir pour l’île Maurice dans peu de jours et que nous pouvions y
embarquer. Le Capitaine Delaselle fut très contrarié des manières impolies et
du manque de courtoisie que le Consul de France avait montré à notre égard,
et décida de nous conduire lui-même à Maurice (bien qu’il eut un chargement
destiné à Manooro) car les deux autres navires ne seraient pas prêts avant
plusieurs jours. Il prit cependant de l’eau et des provisions pour nous à ses frais,
car le Consul ne lui fournit aucune aide. Il appareilla le lendemain pour Maurice
où nous arrivâmes le 11 janvier, après une traversée très longue et sinueuse
d’une durée de quinze jours durant laquelle nous nous trouvâmes dans le
quadrant nord-ouest d’un cyclone. C’est seulement l’habileté et la connaissance
approfondie des cyclones du Capitaine qui nous évitèrent d’entrer dans le
secteur dangereux de ce dernier ; ce qui aurait été très dangereux, si on considère
le nombre de personnes qui se trouvaient à bord d’un aussi petit navire.
84
Le naufrage de l’Atieth Rahamon
Le capitaine Delasselle Je ne peux pas terminer ce récit sans mentionner que pendant notre long
D’autres actes de courage du capitaine séjour à bord du Pionnier, moi-même, mon équipage et mes passagers avons
Delasselle sont révélés par le texte la été traités avec la plus constante gentillesse par le capitaine Delaselle et ses
loge bordelaise. Matelot sur la frégate la
officiers. Il semblait toujours soucieux de nous apporter tout le confort possible,
Belle-Poule, Delasselle se porte volontaire
pour réparer une avarie du gouvernail et j’espère ardemment que le Gouvernement Britannique ne manquera pas de
survenue pendant un coup de vent et montrer son appréciation de la bravoure et de l’humanité dont il a fait preuve
parvient à accomplir la réparation, pour sauver l’équipage naufragé par quelque marque d’estime.
tirant son navire d’un très mauvais pas ;
Je saisi aussi l’occasion de remercier publiquement Mr. Laroque, l’un des
en 1863, capitaine au long cours et
commandant du Bordelais, il sauve au propriétaires du Pionnier pour sa bonne volonté en acceptant la proposition du
large de Melbourne les 17 hommes capitaine d’aller à notre recherche.
de l’équipage d’un brick anglais, le
Triumph qui a chaviré sous voiles. La
Mauritius, 13 Janvier 1868
reine Victoria pour le récompenser
lui offrira un sextant d
d’honneur.
honneur. S.C. Hodges
Ex commandant du Atieth Rahamon »
« Le capitaine Delasselle… prit l’agrément de ses armateurs, et fit voile vers
l’île de Tromelin. La mer trop mauvaise et les nombreux récifs qui défendent
ces îlots l’empêchèrent de trop s’approcher ; mais il fit mettre son embarcation
à la mer, et, aidé par le dévouement de ses marins, que son exemple électrisait,
il tenta la chance d’un débarquement. Cinq fois chaviré, cinq fois il revint à la
charge, et fut assez heureux pour aborder dans l’île et ramener, avant la fin du
jour, quelques naufragés à son bord et faire passer des subsistances aux autres. Le
lendemain tout le monde était sauvé. »
Les deux capitaines découvrent alors qu’ils sont : « tous deux maçons, tous
deux frères doublement ! » Si bien que, spectacle peu banal, quand le Pionnier
rentre en rade de Maurice : « Au grand mât flottait le pavillon maçonnique ; à
l’arrière le drapeau national. »
85
Tromelin. Mémoire d’une île
Présents :
J. Morgan, Maître de Port & Président.
Geo. Davidson, Agent de la Llyod.
Hon’ble R. Stein, Président de la chambre de commerce
J.P. Ellis, Expert maritime
A.W. Barclay, Expert maritime
86
Le naufrage de l’Atieth Rahamon
87
Tromelin. Mémoire d’une île
88
Le naufrage de l’Atieth Rahamon
Signatures
J. Morgan,
Maître de Port & President.
Geo. Davidson,
Agent de la Llyod.
Hon’ble R. Stein,
Président de la chambre de commerce.
J.P. Ellis,
Expert maritime
A.W. Barclay,
Expert maritime
89
Chapitre XIII
91
Tromelin. Mémoire d’une île
Les Instructions nautiques françaises (édition de 1885)2 font allusion à ce Figure 13-2 – Relevé hydrographique
levé hydrographique : de Tromelin par le HMS Shearwater.
92
Qui a donné le nom de Tromelin à l’île de Sable ?
93
Tromelin. Mémoire d’une île
En 1817, Lislet Geoffroy3 , alors chef du Dépôt des cartes de l’île Maurice,
dans un mémoire manuscrit4 , imprimé en 18185 , mentionne la position
de l’« île de Sables », indiquant qu’elle a été observée par Le Gentil.
3. Nommé par le Gouvernement anglais, ingénieur hydrographe du Roi et sera chargé en 1816
du Dépôt des cartes et journaux de l’Ile Maurice.
4. AN– Marine, 3 JJ 358 f°26.
5. Memoir and notice explanatory of a chart of Madagascar and the North-East Archipelago
of Mauritius.
6. Instructions de d’Après, édition 1818.
7. UKHO, E 421 Africa 3.
94
Qui a donné le nom de Tromelin à l’île de Sable ?
95
Chapitre XIV
L’épave du Sud
(fin XIXe – début XXe siècle)
97
Tromelin. Mémoire d’une île
« En novembre 1953 et en avril/mai 1954, on avait remarqué sur la côte ouest, Figure 14-2.1 – Vestiges
à la pointe sud et la falaise de l’est, une grande quantité d’épaves, toutes en bois, de l’épave du Sud.
la plupart brisées et déchiquetées, paraissant fort anciennes. Un mât d’une
vingtaine de mètres de longueur et d’un diamètre de 80 cm à sa base, était
particulièrement reconnaissable. On avait également identifié ce qui semble être
les restes d’une superstructure de la poupe d’un gros voilier. C’est parmi des
épaves que je trouvai quelques clous paraissant bien dater de 150 ans. »
Figure 14-2.2 – Mât dans le sud de l’île.
98
L’épave du Sud
Figure 14-3 – Chouque. Figure 14-4 – Ancre. Figure 14-5 – Fragments de doublage. Figure 14-6 – Courbe de bau.
Treuil
Cette épave est maintenant matérialisée par la présence des vestiges
d’un treuil métallique se trouvant à une vingtaine de mètres du rivage.
La largeur hors tout est de 4,43 m, le diamètre des deux roues dentées
Figure 14-7 – Treuil. latérales est de 0,94 m et celui de la roue centrale de 0,68 cm.
99
Tromelin. Mémoire d’une île
Ce type de treuil est manœuvré à la main, des cordages fixés aux extré-
mités du levier de la bringuebale permettent à plusieurs personnes de
travailler ensemble, en général deux de chaque bord, il permet seule-
ment de virer le câble de l’ancre et non de le dévirer.
Avec la construction des clippers dans les années 1850, les équipements
des navires connaissent une évolution rapide, et de nouveaux treuils sont
conçus par divers constructeurs : Purchase, Allyn, Emerson, Perley aux
Etats-Unis et Brown en Angleterre3 . Un guindeau de ce type fabriqué
par Salette (Marseille) est décrit dans la Revue Maritime et coloniale de
18684 , l’auteur de la note précise : « Ce guindeau … paraît … approprié
aux besoins des navires marchands ou des bâtiments de servitude de la
marine impériale. »
3. Crothers W.L., American-Built Packets and Freighters of the 1850’s, 2012.
4. Revue Maritime et colonial, XXIV, 1868, p. 62. Et plus loin planches hors-texte.
100
L’épave du Sud
Quille
Selon les dires des météorologues qui ont pu nager dans ce secteur par
temps calme, il s’y trouve à une distance de 300 mètres environ du
Figure 14-11 – Epave de l’Ambassador
rivage une quille doublée de cuivre.
(Estancia San Gregorio).
Chouque de beaupré
Un chouque (ou chouquet) est la pièce d’assemblage entre un bas mât et
un mât de hune, ou entre le beaupré et le bout-dehors. Il est caractérisé
par la présence d’un orifice de section carrée qui s’adapte à l’extrémité
du bas mât et d’un orifice circulaire dans lequel s’adapte le mât supé-
rieur ou le bout-dehors.
5. Stammers Michael K., Iron knees in wooden vessels-an attempt at a typology, in The
International Journal of Nautical Archaeology (2001) 30.1: 11 5-121
6. http://mcjazz.f2s.com/ClipperShipPlans.htm
101
Tromelin. Mémoire d’une île
En effet au xviiie siècle, d’une manière générale les dimensions des mâts
(diamètre et longueur) étaient reliées par un coefficient multiplicateur à
la largeur au maître bau du bâtiment correspondant ; la largeur permet-
tant d’évaluer à son tour une valeur approchée du tonnage du bâtiment.
Par la suite ces règles ont dans l’ensemble perduré.
Plus loin10 , un navire de 1300 tonnes dont les plans ont été établis vers
1820 dans le chantier de Deptford en Angleterre, mesure 171 ft. de
longueur entre perpendiculaires et 42 ft. 9 in. de largeur au maître bau,
le diamètre du bâton de foc est de 12 ½ in. Le rapport diamètre du bâton
de foc / largeur au maître bau est ici de 1/41.
Si nous prenons cette valeur, qui est une moyenne entre les deux autres,
nous obtenons pour notre épave inconnue une largeur de 0,32 x 41
= 13,12 m de largeur, ce qui est très proche du second exemple cité,
puisque cette valeur correspond à 43 pieds anglais.
7. Bout-dehors de beaupré : Mât qui est en quelques sorte, le « mât de hune » du beaupré, et
qu’on établit en dehors de celui-ci, dont il est comme le prolongement ; il sert à l’installation
des voiles triangulaires ; on l’appelle quelquefois : « bâton de foc ». Bonnefoux et Paris,
Dictionnaire de la Marine à voile. Paris, 1994.
8. Boudriot Jean, Le navire marchand, Paris, 1991, p. 47.
9. Mac Gregor David, Merchant sailing ships – Sovereignty of sail 1775 -1815, London, 1995,
p. 113.
10. Ibid., p. 199.
102
L’épave du Sud
Briques imprimées
103
Tromelin. Mémoire d’une île
Des fragments d’assiette ont été trouvés hors des secteurs de fouille, au
milieu de l’île (latitude – 15° 53’,460 N ; longitude – 54° 31’,336 E).
Une autre bouteille a été trouvée dans le remblai recouvrant les vestiges
de l’habitat des esclaves. La bouteille PH5.348 est intacte. Elle est
moulée (moule en 3 parties), de couleur vert foncé. Il s’agit avec une
bonne probabilité d’une bouteille de bière anglaise d’une capacité d’une
pinte. Plusieurs spécialistes consultés optent pour une bouteille d’ori-
gine anglaise datée de la fin du xixe ou du début de xxe siècle. Cette
bouteille ne provient pas de l’épave de l’Utile, probablement pas, non
plus, de l’épave de l’Atieth Rohomon (1867), mais plus probablement de
l’épave du Sud.
Brique Atlas
Parmi les objets trouvés sur l’île, détenus chez un particulier, il y a une
brique portant la marque imprimée Atlas.
104
L’épave du Sud
Présence de rescapés
Les briques trouvées à terre près du site occupé par les naufragés de
l’Utile lors de l’installation de la station météo, pourraient indiquer la
présence de rescapés du naufrage, à moins que celles-ci aient été trouvées
sur le rivage par d’hypothétiques occupants de l’île dont nous n’aurions
pas connaissance (titulaires des concessions mauriciennes pour l’exploi-
tation du guano). Ces rescapés ont pu survivre et tenter sans y parvenir
de rejoindre Madagascar, ou son mort sur l’île.
Dans la période qui nous intéresse, même si le canal de Suez est ouvert
depuis 1869, les grandes routes maritimes empruntées sont encore celles
qui vont d’Europe en Australie (commerce de la laine et peuplement
de l’Australie) et d’Europe vers la Chine ou l’Indonésie (thé, opium,
épices). A ces grandes routes, il faut bien entendu ajouter celui des
échanges commerciaux avec les Mascareignes et Madagascar.
105
Deuxième partie
Avec l’installation d’une station météorologique
en 1954, l’île entre dans une ère nouvelle, celle des
enjeux géopolitiques de cette zone de l’océan Indien.
Elle le doit à l’importance que lui confère sa zone
économique exclusive, et en tant que réserve naturelle,
aux défis de la protection des espèces.
Reconnaissance en vue de
l’installation d’une station
météo (1953)
L’objet de ces concessions est curieux, car outre la superficie très réduite
de l’île, le guano produit par les oiseaux qui y nidifient est régulière-
ment lessivé par les fortes pluies et les vents violents qui accompagnent
109
Tromelin. Mémoire d’une île
Au demeurant, il semble que ces baux n’aient pas été mis à exécution, mais
la présence d’un bâtiment construit en bloc de corail édifié après le départ
des naufragés de l’Utile en 1776 et avant la construction de la station
météo en 1955 (voir chapitre 23), laisse encore planer un doute à ce sujet.
4. Lecarrieu, Jean, Réhabilitation de Tromelin, dans Revue de Madagascar, no 18, 1er trim.,
1954, p. 45.
5. Serge Frolow est né le 16 janvier 1903 à Saratow (Russie), sorti premier de l’école
d’agronomie coloniale de Nancy, il fera carrière dans la météorologie.
6. Service Historique de la Défense (Air), E 339 – Rapports de mission Océan Indien - Ordre
de Mission no 6439 du 18 novembre 1953.
7. SHD – Air, E 339 – Rapports de mission Océan Indien - Note 5597/AORF/3/OPS du
17 nov. 1953.
110
Reconnaissance en vue de l’installation d’une station météo
Raphaël Lombaert
Né le 27 mai 1920 à Maretz (Nord),
Raphaël Lombaert s’engage comme
volontaire en 1939. Elève pilote à
Angers puis affecté en Afrique du
Nord en 1941, il sort premier de sa
promotion. Il passe en Angleterre début
1944 où il prend les commandes d’un
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il rentre en France avec l’escadrille
des Cigognes et, après diverses
affectations, est envoyé à Madagascar
de 1952 à 1955. Entré à l’école de
guerre en 1958, il est promu colonel
en 1967, et quitte le service en 1971.
Le SHD (Air) a recueilli en septembre
1985 ses souvenirs, en particulier son
témoignage sur l’installation de la station
météorologique de Tromelin (SHD,
RI 8 Z 437). Il meurt le 8 mai 2003.
111
Tromelin. Mémoire d’une île
« Un conseil primaire peut être donné aux naufragés qui se trouveraient
en détresse sur un rocher corallien semblable à l’île des sables : il est vain de
chercher à creuser le sable dans l’espoir de trouver de l’eau douce (sous le sable
on trouve une dalle de corail très dure et très épaisse)9. »
« Les seuls oiseaux observés ont été des fous, des frégates et une bande de petits
chevaliers. Fous et frégates sont abondants et il semble que les premiers nichent
à peu près toute l’année. Les nids à terre comprenaient de un à trois œufs, le
plus souvent deux. »
9. Legeais Alain, Forces aériennes françaises, revue mensuelle de l’armée de l’Air, no 106, juil.
1955, p. 100.
10. Rapport de mission no 0400/A du 22 janvier 1954.
11. Lecarrieu Jean, Réhabilitation de Tromelin, dans Revue de Madagascar, no 18, 1er trim.,
1954, p. 44-49.
Paulian Renaud, Faune et flore d’un désert, dans Revue de Madagascar, no 18, 1er trim., 1954,
p. 50-54.
12. Paulian Renaud, Observations de la faune terrestre de l’île de Tromelin , dans Le Naturaliste
Malgache, tome VII, 1955, Fasc.1, p. 1-7.
13. La patate à Durand a disparu de l’île.
112
Reconnaissance en vue de l’installation d’une station météo
Joseph Raymond Mamet (1912–1996) On capture une tortue verte qui sera embarquée puis transportée par
Entomologiste français et mauricien, avion de Tamatave au zoo de Tananarive. On imagine mal le destin de
né à Rose Hill, il a dirigé le laboratoire cette voyageuse au long cours dans les limites confinées d’un zoo ! A son
d’entomologie du ministère de la Santé retour, Paulian confie pour étude les insectes qu’il a collectés à plusieurs
jusqu’à son départ à la retraite en 1967.
Auteur de nombreuses publications,
entomologistes. Il soumet à Joseph Raymond Mamet l’étude d’une
il a décrit 177 nouvelles espèces et espèce de cochenille (Coccoidea) observée pour la première fois à
45 nouveaux genres de cochenilles, Tromelin. Décrite dans la revue Le naturaliste malgache14, cette espèce
toutes
ou es eendémiques Mascareignes.
dé ques des Masca e g es. est baptisée Pulvinaria tromelini Mamet.
113
Tromelin. Mémoire d’une île
114
Reconnaissance en vue de l’installation d’une station météo
115
Tromelin. Mémoire d’une île
Lombaert a dessiné une carte peu précise. Il a surtout été intéressé par la
longueur de la piste d’aviation et l’on constate qu’il a un peu négligé la
mesure de la largeur de l’île. Dans ses mémoires orales, il indique qu’avec
l’aide de Lecarrieu, il avait mesuré la longueur de l’île avec un double
décamètre. Il note avec amusement que les rats intrigués par leur travail,
sortis de leur trou, avaient sans être effrayés suivi en groupe l’extrémité
du décamètre pendant toute la mesure.
116
Chapitre XVI
Installation de la station
météo (avril-mai 1954)
117
Tromelin. Mémoire d’une île
dix manœuvres malgaches et les deux ouvriers spécialisés. Les ouvriers Figure 16-1 – L’équipe des ouvriers
malgaches resteront eux aussi des « oubliés de Tromelin », dans la malgaches et l’adjoint technique
mesure où nous n’avons pu retrouver le nom d’aucun d’entre eux. Chedhomme (à gauche).
118
Installation de la station météo
119
Tromelin. Mémoire d’une île
Le 2 mai au premier voyage, c’est au tour de la vedette de s’échouer et il Figure 16-4 – Les ouvriers malgaches
ne faudra pas moins de vingt-trois hommes pour la soustraire aux défer- mettent au sec la vedette échouée.
lantes, au prix de nouveaux blessés légers. Mais il s’avère alors impossible
de remettre la vedette à l’eau. Dans l’après-midi le Marius Moutet profi-
tant d’une accalmie vient mouiller à environ 300 mètres du rivage et
fabriquant une bouée avec quelques fûts vides parvient à mettre à terre
un filin de 400 m de long et à tirer la vedette de son mauvais pas. Il faudra
cependant entièrement démonter le moteur pour le remettre en état. Le
débarquement du matériel est suspendu. L’eau venant à manquer sur
l’île, on décide de monter le distillateur3 et de le mettre en marche. Fort
heureusement avant que l’opération ne soit terminée, la pluie se met à
tomber.
120
Installation de la station météo
121
Tromelin. Mémoire d’une île
Alain Legeais
Né le 6 mai 1915 à Tuléar, devenu
médecin militaire, il entre dans la
résistance après l’invasion de la France
par l’armée Allemande, sans doute
dans l’organisation de résistance armée
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1943, il est déporté à Buchenwald
par un convoi parti de Compiègne le
17 janvier 1944 (matricule 39854).
Il est ensuite dirigé vers Flossenbürg
où il sera libéré le 23 avril 1945. Il
est mort en 2002 à l’âge de 87 ans
Les météorologistes permanents ont fouillé le sol en ce point; ils ont pu se
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rendre compte d’un fait important : ce que nous avions pris pour la structure Avec deux autres médecins : Jacques
Michelin et Michel Bommerlaer, il eut
de niveau de ces abris n’est en réalité que la partie supérieure des murs qui une conduite exemplaire dans le camp
prennent assise à 2 m 50 de profondeur. En dégageant ainsi les parois d’une case de Flossenburg. Leur action permettra
les explorateurs ont trouvé successivement les débris métalliques d’une toiture, de sauver plus de 2000 détenus des
de petites fenêtres, les traces d’un foyer et, au milieu d’un humus formé de « marches de la mort » organisées
par les SS peu avant la libération du
détritus décomposés, ils ont découvert une gamelle en cuivre ancien (rapiécée camp. Un livre intitulé En ces années-
en de multiples points), des aiguilles de métal comme on en voit encore entre les là>
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mains des couturière malgaches, de pauvres bijoux de pacotille et des amulettes de Michel retrace les heures de la
ou gri-gri. déportation des trois médecins.
A quelques mètres de cette fouille, sous une
plus faible couche de sable, il a été trouvé, en
bon ordre et intactes, des briques d’argile cuite
sur lesquelles on lit distinctement des
inscriptions en langue anglaise. »
5. Médecin commandant LegeaisAlain, Chef du service de santé de l’Air en A.O.F., Mission Figure 89 – Almanach du
à Tromelin, dans Médecine aéronautique, Volumes 9 à 10, 1954, p. 106-108. Pèlerin 1956, p. 102.
6. Forces aériennes françaises, revue mensuelle de l’armée de l’Air, no 106, juil. 1955, p. 89
à 109.
7. L’île Tromelin, une belle aventure sous le signe de la météorologie française, Almanach du
Pèlerin, 1956, p. 102-103.
122
Installation de la station météo
Le 23 juillet 1954, premier Un radiophare a été installé 8 et l’aménagement de la piste est terminé
vol vers Tromelin le 20 juin. Le premier vol prévu dès cette date est différé. Le 23 juillet,
Si cette date était mentionnée après deux essais infructueux officiellement en raison de la mauvaise visi-
précisément dans l’article rédigé par bilité9, mais probablement parce que l’île n’a pas été trouvée, le premier
le médecin commandant Legeais dès
avion AAC 1 Toucan10 n° 372 de la base aérienne 181 d’Ivato, immatri-
1955, on ne pouvait, compte tenu du
mauvais état de conservation du rapport culé F-SCLL, se pose sur l’île. Il est piloté par le capitaine André Poux,
de Frolow, lire que le chiffre 3. Ainsi son navigateur est l’adjudant-chef Espinet.
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mêmes (Guérout, Romon 2010, p. 28),
mentionnent par erreur soit la date du 9
juillet (Malick, 1976 ; Oraison 1987…),
soit celle du 8 juillet (Pénette 2005).
Ce dernier ouvrage indique p. 35 : « 8
juillet [1954], première liaison aérienne
Madagascar – Tromelin, la poste appose
un cachet spécial sur le courrier », ce
qui semble indiquer que la date du vol
a très probablement été déduite de celle
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Ce dernier est parfois apposé avant le
départ, comme le montre les quelques
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aussi ces enveloppes « Première liaison
aérienne Tromelin – Madagascar »
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des deux tentatives avortées dont nous
ne connaissons pas les dates exactes.
Legeais signale à propos du vol du
31 juillet : « En même temps 17 kg
de lettres faisaient le voyage aérien
entre Tananarive, Antalaha, Tromelin
et retour pour le plus grand plaisir
des p philatélistes
a é s es du monde
o de entier
e e »..
8. Il s’agit d’un radiophare américain du type B.C. 191 prêté par l’armée de l’air.
9. Ces deux essais infructueux sont mentionnés dans le rapport de mission de Serge Frolow,
Figure 16--11 – Le Toucan du 23 juillet f°202, l’un d’eux a probablement eu lieu le 9 juillet.
1954 sur le parking (Musée de l’air 10. Il s’agit de la version française du Junker 52 construit après la guerre par les usines Amiot
et de l’espace – réf. MA 36563). à Colombes (France) et baptisée AAC1 Toucan.
123
Tromelin. Mémoire d’une île
Ce n’est qu’en 2014 que nous avons retrouvé un article rédigé par le
médecin commandant Legeais13 , qui est illustré par les deux photo-
graphies ci-dessus. Elles sont accompagnées à la page 90 d’un montage
photo de vues verticales (voir chapitre 17) qui servira par la suite à l’éla-
boration de la carte du Père Cattala.
124
Installation de la station météo
125
Tromelin. Mémoire d’une île
126
Installation de la station météo
C’est ainsi que 178 ans après le sauvetage des sept femmes malgaches
et du bébé de l’une d’entre elles, sept ouvriers malgaches et un français
allaient à leur tour quitter l’île.
16. Série de 48 photographies prises entre le 1er mai et le 31 juillet 1954 se trouvant dans les
archives de Météo-France La Réunion.
127
Tromelin. Mémoire d’une île
128
Chapitre XVII
Poursuite de l’installation de
la station et cartographie
de l’île (1954-1955)
129
Tromelin. Mémoire d’une île
1. Brygoo E., Observations sur les oiseaux de Tromelin. Le naturaliste Malgache, VII Fascicule
2, 1955, p. 209-214.
2. Construit à Saint-Nazaire ce croiseur entre en service le 6 octobre 1931, il naviguera
jusqu’en 1964 et effectuera pas moins de 26 campagnes destinées à la formation des officiers
de Marine.
3. Rapport sans date de S.Frolow
130
Poursuite de l’installation de la station et cartographie de l’île
Figure 17-5 – Carnet de vol Un Junker 52 assure une liaison le 14/15 avril 1955
de l’adjudant Lucas.
131
Tromelin. Mémoire d’une île
A l’occasion d’une liaison aérienne assurée par l’armée de l’Air le 12 et Louis Cattala (1904-1963)
13 septembre 1955, le révérend père Louis Cattala effectue le calcul de Né à Bédarieux en 1904, il rentre
la position de l’île. dans la Compagnie de Jésus en
1922. Il sera assistant à l’observatoire
de Tananarive de 1925 à 1928.
Toutes les positions antérieures ayant été déterminées à la mer, il deve-
Chercheur au CNRS de 1946 à 1957,
nait nécessaire de faire des mesures à terre pour calculer une position puis à l’ORSTOM de 1958 à 1963,
précise afin de faciliter les atterrissages, qu’ils soient maritimes ou a ée où il meurt
année eu accidentellement.
acc de e e e .
aériens.
Cette position place l’île 11 kilomètres plus à l’Est et 2,5 kilomètres plus
au Sud que la position portée sur les cartes. Il effectue aussi, la mesure de
la déclinaison magnétique et de l’intensité de la pesanteur. Il remet son
rapport à la Météo, le 3 octobre 19554 , soulignant que, contrairement
aux doutes émis l’année précédente, la position donnée par les docu-
ments anciens était, à peu de chose près, correcte. Il publie ses résultats
132
Poursuite de l’installation de la station et cartographie de l’île
133
Tromelin. Mémoire d’une île
Deux nouvelles missions du Marius Moutet Figure 17-10 – Montage photo illustrant
l’article du médecin commandant
La première mission a lieu en novembre, le Marius Moutet appareille de Legeais. Lle nombre de photos montées
Tamatave le 17 au soir 7. Il doit assurer la relève du personnel. Le chef (environ 24) est plus grand que le
nombre indiqué sur le bordereau du 2
de station qui a passé six mois sur l’île est relevé par Luçay Alidor. Il
septembre 1954. Une mission photo
débarque également du matériel, en particulier les éléments du pylône ultérieure a sans doute été effectuée.
destiné à installer un phare dont la mise en place a été décidée. Le 31 mai
1955, le directeur général des Travaux publics s’était en effet ému d’un
accident évité par un heureux concours de circonstances :
134
Poursuite de l’installation de la station et cartographie de l’île
135
Tromelin. Mémoire d’une île
136
Chapitre XVIII
Tromelin habitée,
la station météo reconstruite
Chronique des événements survenus entre 1956
et 1972
137
Histoire de l’île Tromelin
Reconstruction de la station
Dès le mois d’avril le Marius Moutet effectue une mission vers Tromelin.
Parti de Tamatave le 17, il aperçoit l’île le 19 avril à 9 h 00. Le baliseur
mouille en face de la plage nord et établi un va-et-vient entre le bord et la
terre et commence à débarquer les 30 tonnes de ciment et de marchan-
dise diverses embarquées. En fin d’après midi un mouillage plus éloigné
est pris pour la nuit. Le va-et-vient est rétabli le lendemain matin. Le
matériel mis à terre, le Marius Moutet appareille pour Madagascar vers
20 h 30 2 .
138
Tromelin habitée, la station météo reconstruite
139
Histoire de l’île Tromelin
140
Tromelin habitée, la station météo reconstruite
La Grotte
C’est sans doute à cette période que les ouvriers malgaches qui partici-
paient à la construction de la station érigèrent à l’aide de blocs de corail,
un petit édifice à caractère religieux qui fut nommé la Grotte. Elle était
située entre le bâtiment administratif et le local hydrogène, en gros sur le
chemin qui mène actuellement de la case malgache à la station princi-
pale. Guy Petit de la Rhodière précise :
« Lorsque nous [l’équipe de relève] sommes arrivés sur l’île le 2 octobre 1962,
il y avait dans la grotte une petite Vierge et une rose artificielle. Lors de la venue
d’un DC3 début 1963, mon épouse m’a fait parvenir une statue du Sacré-Cœur
que j’ai placée dans la grotte. Elle a été détruite par des « inconscients » vers
1995. »
Figure 18-4 – La grotte.
141
Histoire de l’île Tromelin
Une figure représentant les trajectoires des cyclones, indique que les
précipitations ont atteint 273 mm le 3 mars à Tromelin. Dans la Revue
des deux mondes, Paul Mousset écrit : « Le 15 mars, un second cyclone
bouscule les braves météos de Tromelin6 . »
En 1960, le SHOM publie une nouvelle carte de l’île. Elle est réalisée à L'aviso hydrographe Lapérouse
partir d’un levé effectué en novembre 1959 par l’ingénieur hydrographe Cet aviso de 1re classe est construit
principal Puycouyoul, embarqué à bord du Lapérouse, l’aviso de la aux ateliers et chantiers de Penhoët à
mission hydrographique de Madagascar. Une carte au 1/10000 est Saint-Nazaire. Ses caractéristiques :
également réalisée à partir des photographies aériennes prise en juillet 1370 t, longueur 95 m, largeur,
11,46 m, armé de deux pièces de
1954 et de l’étude du père Cattala. 105 mm, deux de 40 mm et quatre
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saisi sur cale par les Allemands,
baptisé SG4 Merkur. Récupéré à la
Libération, baptisé Lapérouse, il est
transformé en bâtiment hydrographe,
mis en service le 23 avril 1947 et affecté
comme stationnaire à Diégo Suarez.
142
Tromelin habitée, la station météo reconstruite
8. Rendue possible en raison de l’amélioration de la desserte aérienne, cette solution était une
demande des syndicats (Zitte 2010, p. 94).
143
Histoire de l’île Tromelin
144
Tromelin habitée, la station météo reconstruite
Figure 18-10 – La vedette Licorne. engager la sécurité des vedettes apparaît avec acuité. A la première tenta-
tive, la vedette Licorne remorquant une portière chargée de la Jeep se
Figure 18-11 – Une portière assemblée à présente avec assez de vitesse pour que la portière larguée avant d’arriver
bord du Gallieni. sur les déferlantes puisse les franchir sur son erre. En même temps une
amarre est lancée au personnel à terre pour qu’il puisse la haler sur la
plage. La portière est soutenue par des boudins en caoutchouc qui
souffrent beaucoup des frottements sur le sable. Le retour est plus délicat
encore, au point que, pour lancer la remorque de la portière à la vedette,
il faut utiliser une fusée porte-amarre Schermully. Pour permettre à la
Jeep de circuler, un chemin de roulement en planche a été mis en place.
Mais les portières sont endommagées et seulement 25 tonnes de maté-
riel sont débarquées les deux premiers jours. Le 17, un va-et-vient est
installé entre une bouée solidement ancrée au-delà des déferlantes et un
point fi xe sur la plage. Mais 8 fûts d’essence à peine débarqués, il faut
interrompre l’opération car les déferlantes sont devenues dangereuses.
145
Histoire de l’île Tromelin
« Entre 196314 et 1974, je crois que j’ai passé mes plus belles années de pilote
pionnier. Je me rendais, tous les quinze jours, sur des îles où il n’y avait que trois
ou quatre habitants. Je ne disposais d’aucun moyen de radionavigation. Je n’avais
que le cap et la montre. Je faisais 600 km pour trouver un trait de 1800 m de long.
Une erreur d’un degré et je serais passé 10 km à côté sans voir ce bout de terre qui
culminait à 7 mètres au milieu de l’océan. On trouve ou on ne trouve pas… Trois
fois seulement, je n’ai pas trouvé15. »
14. Il faut en réalité lire 1964.
15. « Gérard Ethève, pionnier moderne de l’aviation réunionnaise », article publié par Gil
Roy sur le site aerobuzz.fr.
146
Tromelin habitée, la station météo reconstruite
147
Histoire de l’île Tromelin
d’une coursive centrale, quatre chambres et une salle d’eau. Une salle Figure 18-17 – Plan de restitution de la
de lecture avec une petite bibliothèque est également aménagée ainsi station en mai 1965.
qu’une cuisine de secours.
Le passage du navire soviétique Vityaz sera raconté deux ans plus tard
par Christian Zuber17, qui met le récit dans la bouche de Petit de la
Rhodière, l’un des chefs de station de Météo France.
« Le 10 novembre 1964, le Vitiaz est venu nous voir. C’est un bateau russe. Ils
ont mis une chaloupe à la mer. Et ils ont débarqué une douzaine de femmes ! Christian Zuber
Nous on était un peu surpris ! Elles aussi devant nos têtes de Robinson ! Il y
Né à Mulhouse en1930 et mort
en avait une qui voulait absolument embrasser le cuisinier. Comme c’était un
en 2005, Christian Zuber était un
timide on a bien ri ce jour-là. Ils nous ont apporté à boire et à manger. Comme journaliste, écrivain, producteur de
personne chez eux ne parlait ni l’anglais ni le français, on palabrait avec les
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mains. Le soir ils sont partis. Nous n’avions rien d’autre à leur donner que des connu pour son émission télévisée
Caméra au poing, réalisée dans les
renseignements météos. »
années 1970-1980. Défenseur des
animaux, il était administrateur de WWF
17. Zuber C., Le Grand Safari, Paris, 1966, p. 75. France et de la Fondation Bardot.
148
Tromelin habitée, la station météo reconstruite
18. Ces navires, parfois de simples navires de pêche, étaient désigné par l’OTAN sous le sigle
ELINT (pour electronic intelligence) ou COMINT (pour communication intelligence).
Figure 18-19 – Christian Zuber à 19. Le chef de station est alors Guy Petit de la Rhodière, son adjoint Jean-Claude Fontaine et
Tromelin. les aides Axo et Alexis Legros.
149
Histoire de l’île Tromelin
150
Tromelin habitée, la station météo reconstruite
151
Histoire de l’île Tromelin
Le 26 juin, les météos qui sont là depuis une vingtaine de jours attendent
le DC3 qui doit venir assurer leur relève. Mais la nouvelle tombe à la
radio : « relève retardée de huit jours ! ». Une semaine plus tard, il
pleut des cordes et la piste est impraticable, la relève est encore une fois
reportée, cette fois de dix jours. Ce délais écoulé, le ciel toujours couvert,
le DC3, tente le passage mais ne parvient pas à trouver l’île ; il doit faire
demi-tour. Finalement c’est encore une fois le Cessna de l’aéro-club
Marcel Goulette, équipé d’une radiosonde et piloté par G. Ethève qui
guidé depuis le sol parvient à récupérer les météos qui sont restés 43
jours sur l’île22 .
152
Tromelin habitée, la station météo reconstruite
153
Histoire de l’île Tromelin
« Dans les années 63 à 70, Météo-France a recruté des radios de l’armée sachant
transmettre en morse pour les envoyer dans les stations météos des Îles : Tromelin,
Glorieuses et Europa. Les données météorologiques étaient transmises en morse à
Figure 18-28 – Carte QSL de Jacques
Tananarive dans un premier temps puis directement à La Réunion.
Quillet, émission du 21 mars 1971.
Paul Ferrand, qui était déjà radioamateur à l’époque, a initié certains d’entre
nous pour nous permettre de passer un examen auprès de France Télécom
(anciennement P & T). Ce moyen de transmission était pour nous un passe-
temps, mais aussi une sécurité sur ces petites îles qui étaient peu accueillantes
dans le temps. Nous étions peu nombreux, environ une dizaine.
Après cet examen, s’il était réussi, France-Télécom nous délivrait un indicatif,
le mien pour La Réunion était FR5ZU et quand nous étions sur Tromelin on y
ajoutait une barre de fraction puis la lettre T pour Tromelin.
En 1965, le morse fut abandonné pour la phonie, lorsque les îles furent
dotées de nouveaux émetteurs/récepteurs Thomson utilisant la BLU (Bande
latérale unique).
Nous utilisions et utilisons toujours du matériel japonais ou américain… dont
l’achat était à notre charge.
Le radioamateur à des règles strictes à respecter (on ne parle que de technique).
Nous avons des bandes bien définies sur toutes les fréquences HF (de 1,5 à 29
MHZ) puis VHF et UHF.
Comment se passe un contact en phonie ? En fonction de la propagation du
lieu qui est souvent déterminé par l’heure donc par la position du soleil, on
choisit une fréquence et on lance un appel : « CQ CQ CQ de FR5ZU
FR5ZU ». On peut alors recevoir des réponses du monde entier. On prend un
correspondant, souvent celui qu’on reçoit le plus fort, on lui donne alors un
Figure 18-29 – Carte QSL de l’émission
rapport d’écoute et on peut alors discuter de notre matériel, de notre antenne,
d’avril 1996.
de notre lieu de transmission. Pour officialiser cette liaison, on échange par
courrier postal nos QSL qui sont des cartes portant notre indicatif. De
nombreux OM (Old Man), nom donné aux radioamateurs, font collection de
timbres, de cartes QSL… et surtout d’amis partout dans le monde, ce qui se
traduit par des voyages dans les deux sens (je suis allé plusieurs fois au Japon et
mes amis japonais sont aussi venus à la maison ). »
154
Tromelin habitée, la station météo reconstruite
155
Histoire de l’île Tromelin
Fort de ces certitudes, André Turcat écrivit un premier texte qui me fut
transmis par son cousin, l’amiral Jean-Noël Turcat, alors président du
Groupe de recherche en archéologie navale (GRAN). Il évoqua ensuite
son voyage à Tromelin dans un livre publié en 200934 , puis dans une
lettre qu’il adressa au président de l’INRAP en juillet 2012. Le chapitre
qu’il consacre dans son livre à cette anecdote est intitulé : « Fortune
du fou ». S’il est vrai qu’à cette occasion il a corrigé les erreurs histo-
riques qui se trouvaient dans le premier texte, il continue comme beau-
coup d’autres à faire du chevalier de Tromelin, un personnage hybride,
mélange de la vie des trois frères qui naviguaient à l’époque dans l’océan
Indien (voir en annexe la biographie de Jacques-Marie). Il conclut son
chapitre par ces mots : « Le bréchet du fou de Tromelin, fidèle entre mes
livres, fait partie de ma fortune de rêves. »
156
Chapitre XIX
L’intérêt scientifique pour les tortues vertes s’est concrétisé en 1973 par
les travaux de Batori1 sur Tromelin et de Servan sur Europa. L’intérêt de
l’ISTPM, devenu depuis IFREMER, pour ces recherches s’est renforcé
avec la création d’un élevage de tortues vertes à La Réunion. 880 jeunes
tortues prélevées à Tromelin et Europa furent mises en élevage à La
Réunion de novembre 1972 à fin décembre 19732 .
Ces études se sont ensuite étendues grâce aux travaux de Jean Yves Le
Gall3 qui fut le premier chercheur à évaluer la population de Tromelin.
Il estime que, chaque saison, 850 à 1100 tortues vertes pondent sur l’île,
« produisant » entre 0,15 et 0,3 million de nouveau-nés par an4 . Le
Gall a, entre autres, mis en place un suivi sur le long terme d’un indi-
cateur d’abondance du nombre de tortues, au moyen d’un comptage
journalier du nombre de traces5 . D’abord assuré par les aides météos,
un suivi est continué aujourd’hui encore par les agents des TAAF. Les
études récentes6 , concernant la saison 2009/2010, montrent que pour
les trois mois de ponte maximale, 999 tortues sont venues pondre, avec
un nombre estimé de jeunes tortues écloses de 180 069. Ces chiffres,
comparés à ceux de Le Gall, indiquent une relative stabilité.
157
Tromelin. Mémoire d’une île
En 1977, les premières petites tortues prélevées sur l’île d’Europa sont
arrivées dans les bassins de la ferme Corail à Saint-Leu (La Réunion). La
ferme Corail pratique alors l’élevage des tortues marines selon le principe
du « ranching » (collecte de juvéniles en milieu naturel et élevage jusqu’à
l’âge adulte en captivité), et fait commerce des produits de cet élevage.
158
Tromelin habitée et active
Figure 19-3 – Caractéristiques L’étude des tortues se poursuit en particulier en équipant ces dernières
des tortues vertes. de balises Argos, permettant de suivre en temps réel leur déplacement.
La carte ci-dessous indique le déplacement des Chelonia Mydas équipées
à Tromelin en 2011-2012. Elle met en lumière une étonnante migration
qui mène la plupart des tortues vertes vers Madagascar où elles se nour-
rissent, mais aussi des pérégrinations plus aventureuses vers les côtes
africaines.
159
Tromelin. Mémoire d’une île
Le bâtiment principal tient bien, mais la trappe d’accès à la terrasse, une Figure 19-5 – Trajectoire
fenêtre et des volets sont arrachés ; l’eau entre dans la salle d’observation du cyclone Lydie.
et détériore le tiroir haute fréquence de la radio BLU8 . La radio cesse de
fonctionner vers 10 h 20. Elle ne pourra reprendre à nouveau ses émis-
sions que le lendemain matin. Jean-Claude Fontaine, le chef de station
envoie alors un télégramme soulignant l’importance des dégâts.
« Les 250 premiers mètres à l’entrée Ouest sont inutilisables. Le sable a été
soufflé par endroits sur une épaisseur de 15 cm, laissant apparaître les blocs de
corail. A partir de l’autre extrémité et sur une longueur d’environ 600 m, la
piste a été inondée… En conclusion, la piste n’est praticable correctement que
sur 1000 m9. »
7. hpa : hectopascal.
8. Bande latérale unique.
9. Rapport sur les dégâts causés aux installations de l’île Tromelin par le passage du cyclone
Lydie daté du 12 mars 1973 (Archives de Météo-France La Réunion).
10. Un élément de pluviomètre a été retrouvé lors des fouilles archéologiques en 2010.
160
Tromelin habitée et active
Gérard Ethève reçoit le 7 mars 1975 l’agrément des autorités pour créer
sa compagnie aérienne « Réunion Air Service », afin de développer le
transport à la demande vers les îles. La compagnie voit son activité se
développer grâce à la desserte de Mayotte qui a voté son rattachement à
la France après l’indépendance des Comores. Les liaisons sont assurées
par un Piper PA 31 Navajo qui peut transporter 6 passagers, puis par un
Piper PA 31 Chieftain embarquant 9 passagers.
161
Tromelin. Mémoire d’une île
« Le 14 novembre 1976, j’obtiens un contact depuis Tromelin avec une station
jordanienne. Tout se passe bien et le QSO13 est chaleureux avec une bonne
propagation. Nous parlons de notre matériel, de la météo… puis il me dit qu’il
est le Roi de Jordanie. Surpris (je pensais à une blague), je lui rétorque sur le ton
de la plaisanterie que je suis la reine !
A mon retour à La Réunion, j’ai trouvé la carte QSL de JY1 Hussein, Roi de
Jordanie et sur la carte la mention : « On the occasion of the 41st birthday of
his Majesty King Hussein of Jordan. »
Nous avons fait d’autres QSO sur les autres iles et depuis La Réunion. Il m’a
même invité à venir le voir en Jordanie. Je ne suis pas allé et je le regrette; c’était
devenu un bon copain ! »
Figure 19-8 – le roi Hussein de
Jordanie en radio-amateur.
12. Oraison A., Radioscopie critique de la querelle franco mauricienne sur le récif de Tromelin,
(La succession d’Etats sur l’ancienne Isle de Sable)–Saint-Denis, 28 septembre 2011. Bien que
comportant sur le plan historique quelques lacunes, cette étude fait le tour de la question
juridique.
13. Contact.
162
Tromelin habitée et active
Gaston Zinzius
Né en 1935, il obtient son brevet de
pilote à l’age de 16 ans et trois mois.
A
Après cinq années passées dans
l’armée de l’air, il commence une
carrière de pilote dans l’aviation civile
et assurera pour Réunion Air Service,
les vols à destination de Tromelin entre
le 23 juillet 1979 et le 3 mai 1990.
163
Tromelin. Mémoire d’une île
Un arrêté datant du 06 août 1981 détaille les mesures à respecter, en Guy Clergue
matière de protection de la faune et de la flore, mais également ce qui Né le 28 juillet 1927 à Saint-Denis
concerne la gestion des déchets. Sous la pression des écologistes et en (La Réunion), diplômé de l’école de la
particulier de Guy Clergue, un ingénieur météorologue, militant météorologie de Saint-Cyr (Yvelines),
écologiste, les vols par HS 748 seront interrompus avant avril 1983. il connaît diverses affectations : en
*<=
>>
\
avec le grade de capitaine, en Alsace
1983-1984 : Installation d’éoliennes (1965-1969), il sera ensuite nommé
à Saint-Denis (La Réunion), section
Pour essayer de diminuer le transport par avion du carburant destiné Informatique (1969-1983), avant de
prendre sa retraite. Il fut membre,
aux groupes électrogènes alimentant l’île en électricité, des éoliennes comme conseiller technique, du Conseil
furent installées. Une première éolienne est installée et est opération- de la Culture, de l’Education et de
nelle en mai 1983. Une seconde éolienne est installée l’année suivante. l’Environnement (1985-1998). Militant
L’alizé soufflant en permanence, cette solution paraissait intéressante. écologiste, candidat à plusieurs élections
régionales et cantonales, il fonda la
Mais la violence des vents liés au passage des dépressions tropicales eut Société Réunionnaise pour l’Etude et la
raison avec le temps de cette solution, en effet à plusieurs reprises les Protection de l’Environnement (SREPEN)
pylônes support furent abattus. en 1971, après avoir créé en 1970 la
SPA, Société Protectrice des Animaux,
ainsi que Nature et Progrès Réunion
1986 : Erenista et Honorinina - Deux cyclones passent à (1980-1992). Il sera membre fondateur
proximité de l’île en 1981 puis président (1982-1995)
d’Ecologie Réunion. Il est décédé à
Le 4 février 1986, le cyclone Erenista passe à son tour à une quarantaine Saint-Denis le 17 octobre 2012.
de kilomètres dans le nord-ouest de Tromelin. Classé cyclone tropical
intense, la pression descend jusqu’à 937 hpa et les vents atteignent près
de 234 km/heure dévastant les paysages de l’île.
164
Tromelin habitée et active
Figure 19-11 – Trajectoire du On note à cette description que les effets d’Erenista sur la piste sont iden-
cyclone tropical Erenista. tiques à ceux qui avaient été observés lors du passage de Lydie en 1973.
165
Tromelin. Mémoire d’une île
« C’était fou. Je suis breton, et j’en ai vu des mers en furies. Mais ce n’était
rien comparé à cela. Il y avait des creux allant de 12 à 20 mètres, et les flots ont
totalement balayé l’île… Tous les petits des fous et des frégates sont morts, et la
population adulte a diminué de moitié. Même chose pour les tortues : tous les
nids ont été détruits…17. »
17. Journal de l’île de La Réunion du 10 février 1986 cité par Alain Hoarau (Hoarau 2002,
p. 180).
166
Tromelin habitée et active
Les lapins semble-t-il ont aussi payé leur tribut et il ne reste guère qu’une
femelle avec sa portée de lapereaux. Le dépeuplement de la colonie de
lapins, déjà présente en 1962, semble avoir été amorcé par les campagnes
de dératisation entreprises dès 1984. Ces derniers et leur mère ne résiste-
ront pas au passage d’un second cyclone : Honorinina un mois plus
tard18 .
1987 - Ballons-sondes :
\
\
Cette méthode que l’on utilise aussi sur les navires de la Marine natio-
nale pour gonfler les ballons météos est très exothermique. L’hydrogène
Figure 19-17 – Le cyclone
lui-même est inflammable, on se souvient de l’incendie du Zeppelin
Honorinina le 13 mars à 11 h 11
UTM (NOAA/MODIS (NASA).
Hindenburg près de New-York, le 6 mai 1937. C’est en utilisant cette
méthode que se produisit aux Glorieuses, en novembre 1987, l’explosion
d’un ballon, gonflé par le technicien météo Joël Fontaine. Ce dernier,
gravement brulé et évacué par Transall à La Réunion puis à l’Hopital
Cochin à Paris, devait mourir de ses blessures.
A la suite de cet accident, qui laissait une veuve et deux enfants, cette
méthode de fabrication sera abandonnée. Les ballons sonde furent alors
gonflés avec de l’hélium dont le transport en « rack » constitua désor-
mais une part importante du fret des avions de l’armée de l’air.
167
Tromelin. Mémoire d’une île
Une série d’études des oiseaux marins présents sur l’île débute en 1993
et continue jusqu’à maintenant sous l’égide du MNHN, du Centre
d’études biologiques de Chizé (CEBC), du CNRS, de l’université de
La Réunion (Laboratoire d’écologie marine : ECOMAR). Il s’agit de
recenser les oiseaux marins et d’étudier leur écologie : reproduction,
nidification, génétique, régime alimentaire et déplacements.
168
Tromelin habitée et active
169
Tromelin. Mémoire d’une île
20. Après une escale au mouillage à Bombay, suivie de manœuvre avec la marine indienne
en mer d’Oman, du 24 au 28 février, le Foch a poursuivi son tour du monde dans le cadre de
l’opération Myrrhe. Le Tourville et l’ Emeraude ont quitté le groupe de la Task Force 473 pour
rentrer à leur base.
170
Tromelin habitée et active
21. Le Koryo Maru 38, (indicatif JIBC), armé à Takaoka (Japon) propriétaire Ogino Gyogyo,
mesure 60 m de longueur, 9 m de large et 4 m de tirant d’eau pour un tonnage de 499 tonnes.
22. Journal officiel de la République française du 18 janvier 2005, p. 798.
171
Chapitre XX
173
Tromelin. Mémoire d’une île
et la fouille terrestre, pour laquelle le soutien de l’Institut national Figure 20-1 – L’équipe de fouille
de recherches archéologiques préventives (INRAP) fut demandé et et les météos présents sur l’île :
accordé. C’est donc une équipe composée à la fois d’archéologues sous- de gauche à droite : Cyril d’Andrea,
Eugène Baran, Jacques Morin, Sébastien
marins et d’archéologues terrestres qui a été mise en place.
Berthaut-Clarac, Arnaud Lafumas, Pascal
Cohu, Thomas Romon, Jean-François
Une convention-cadre concernant ce projet de fouille entre le GRAN et Rebeyrotte, Sudel Fuma, Max Guérout,
l’Etat, représenté par le préfet des TAAF, a été signée 16 août 2006. Le Joël Mouret, Patrick Ethève, Joe Guesnon.
financement de l’opération a été assuré par la fondation d’entreprise du
groupe Banque Populaire, le conseil régional de La Réunion, le conseil
général de La Réunion, la DRAC La Réunion. Les recherches histo-
riques initiales ont été financées par l’UNESCO entre 2003 et 2005.
174
Mission Esclaves oubliés 2006
Objectifs de la recherche2
La fouille de l’épave de l’Utile et de l’île de Tromelin offre une oppor-
tunité rare de mettre en relation un site sous-marin et un site terrestre.
2. Il faut souligner que certains des documents cités dans les chapitres précédents n’avaient
pas encore été trouvés en 2006, en particulier ceux qui nous ont permis de connaître le nombre
d’esclaves embarqués à Foulepointe.
3. Cette section « Objectifs de la recherche » reprend le texte du « Compte rendu des
recherches archéologiques sous-marines et terrestres effectuées sur l’île Tromelin (10 octobre–
9 novembre 2006) », rapport non publié.
175
Tromelin. Mémoire d’une île
Bien que située sous le vent dominant, l’alizé du sud-est, l’épave est diffi-
cilement accessible lorsque l’alizé souffle à une vitesse supérieure à 15
nœuds. Dans ce cas, la houle qui fait le tour de l’île devient trop forte
pour permettre les plongées sur le site.
Topographie du site
Figure 20-2 – Canons en bord de plage. Figure 20-3 – Plongeur dans un cañon.
176
Mission Esclaves oubliés 2006
Trois grandes ancres ont été localisées sur le site de naufrage de l’Utile
et une quatrième (une ancre à jet plus légère) qui ne se trouve pas sur le
site de naufrage de l’Utile, mais a été retrouvée reposant sur un fond de
15 mètres, à environ 400 m au large de la plage située au nord-ouest de
l’île. Il s’agit d’une ancre à jet utilisée par les naufragés pour maintenir
la Providence, leur embarcation de fortune, au moment de son appareil-
lage, afin de faciliter le gréement et l’établissement de sa voilure. Elle
figure sur les plans manuscrits.
Outre trois pièces d’artillerie tirées à terre par le passé, l’ensemble de l’ar-
tillerie présente sur l’Utile a été localisé et identifié par type. L’armement
embarqué était composé de vingt pièces de 85 , et huit pièces de 4 6 .
« Le 9. L’après midy a deux heures nous avons vu une embarquation à deux
mâts sous le vent à nous, on a hissé plusieurs pavillons et bruslé deux barils de
poudre que je pense qu’ils n’ont pas apperçu mais bien l’Isle, ayant viré de bord
et pris la route de l’Inde […]
Le 17. Le tronçon du grand mât de hune pour faire des bordages, sauvé un
canon de 8 et monté sur l’isle sur son affût, sauvé un perrier. »
Ce canon qui n’a pas séjourné longtemps dans l’eau de mer est resté
dans un état de conservation relativement bon. Trouvé dans le sable de
la plage, il est à présent en place devant la station météo. Deux autres
canons de 8 ont été tirés de l’eau en 1966, pour être mis en place devant
la station météorologique. Faute de mesures de conservation adéquates,
ils sont rapidement tombés en ruine et ont été jetés sur une décharge.
5. Artillerie dont le boulet pèse 8 livres soit 3,912 kg.
6. Artillerie dont le boulet pèse 4 livres soit 1,956 kg.
177
Tromelin. Mémoire d’une île
178
Mission Esclaves oubliés 2006
179
Tromelin. Mémoire d’une île
Mécanique du naufrage
Le naufrage nous est décrit par le document rédigé par l’écrivain du bord7.
Ces données sont confirmées par les deux plans manuscrits qui sont
parvenus jusqu’à nous. L’épave de l’Utile est représentée en position paral-
lèle au rivage, l’avant tourné vers le Sud, et son côté tribord vers le large.
Pour expliquer l’orientation prise par la coque après le choc initial, il faut
tenir compte de plusieurs paramètres, en premier lieu le cap du bâtiment
au moment du naufrage : un cap à l’est à moins d’un changement de cap de
dernière minute. Le navire naviguait au plus près (à environ 45 à50 degrés
du lit du vent de S.E.) tribord amure (le vent venant du côté tribord). Pour
se retrouver par la suite avec son côté tribord vers le large (comme le décrit
l’écrivain du bord), il faut alors que l’arrière du navire exécute une rota-
tion d’environ 45 degrés vers le nord. Cette rotation est très probablement
due aux effets du courant permanent qui longe la côte du sud vers le nord.
Ce courant correspond à l’écoulement des eaux de surface poussées par
l’alizé de sud-est qui induit dans cette zone de l’océan Indien un courant
permanent un peu inférieur à un nœud (20 milles en 24 heures). Dans
cette situation initiale, la coque de l’Utile semble avoir résisté environ
quatre heures trente avant de s’ouvrir vers trois heures du matin.
7. SHD –Lorient, 1 P 297, liasse 15 –pièce 85, Relation anonyme du naufrage (Voir chapitre 4).
180
Mission Esclaves oubliés 2006
181
Tromelin. Mémoire d’une île
La localisation, sur le point haut de l’île, du lieu de vie final est encore
peu précise. Les éléments de mur découverts ne sont pas suffisamment
importants pour que nous puissions en déduire l’emprise de la construc-
tion à laquelle ils appartenaient. De même nous ne pouvons pas les ratta-
cher aux observations faites par le Commander Parker qui décrivait, en
particulier, une construction avec cinq pièces dont l’une contenait un
foyer et deux autres constructions carrées à proximité.
182
Mission Esclaves oubliés 2006
Le puits creusé par les marins de l’Utile n’a pas été retrouvé, mais à l’évi-
dence il a assuré la survie des naufragés.
Cinq récipients en cuivre ont été retrouvés dans une couche de déblais
provenant très probablement du creusement des fondations des bâti-
ments de la station météorologique qui sont proches, ils sont semblables
à deux petits récipients retrouvés à la surface de la couche archéologique.
Mobilier archéologique
Figure 20-15 1 et 20-15 2 – Coq
de pâtissier ; à droite, croquis d’un Objets provenant de l’épave de l’Utile
coq avec sa roulette (T06.U.008).
0 1 cm
183
Tromelin. Mémoire d’une île
0 2 cm
0 5 cm
0 5 cm
0 5 cm
184
Mission Esclaves oubliés 2006
0 1 cm 0 1 cm
0 1 cm 0 2 cm
0 5 cm
0 5 cm
185
Tromelin. Mémoire d’une île
0 5 cm
186
Chapitre XXI
187
Tromelin. Mémoire d’une île
Le financement de l’opération a été assuré par la fondation d’entreprise Les membres de la mission 2008
du groupe Banque Populaire ; le conseil régional de La Réunion ; la Max Guérout (GRAN) - Chef de
Fondation du patrimoine ; la DRAC La Réunion. mission ;Thomas Romon (INRAP)
– Responsable du chantier terrestre ;
Nick Marriner - Géomorphologue
Les vols de transport du matériel prévus dans le cadre de la convention (CEREGE-Aix en Provence) ; Sudel Fuma
signée entre le GRAN et les FAZSOI ont eu lieu les 1er septembre, 27 (Université de La Réunion) ; Joe Guesnon
octobre transport de matériel restant et du personnel, 1er décembre (GRAN) ; Laurent Hoarau (CHAM) ;
retour du personnel et du matériel. Jean-François Rebeyrotte (GRAN) ;
Jean Boggio Pola – cameraman ;
Sylvain Savoia – dessinateur.
>
>>
rejointe par Yann Von Arnim, dans
Objectifs de recherche1
>
avec le gouvernement Mauricien.
>>>>
>
L’apport principal de la mission 2006 avait été la localisation de l’ha- de : Joël Mouret, Jean-Michel
bitat des esclaves. Le sondage du point haut de l’île avait mis en évidence Dalleau, Eugène Baran.
deux phases d’occupation séparées par un épisode de tempête, des
vestiges de constructions et du mobilier liés à la présence des naufragés
de l’Utile après le départ des Français. Il était maintenant nécessaire
d’élargir le secteur de fouille.
1. Compte rendu des recherches archéologiques sous-marines et terrestres effectuées sur l’île
Tromelin (27 octobre–1er décembre 2008), rapport non publié.
188
Mission Esclaves oubliés 2008
Tromelin est un récif de corail couvert de sable situé sur la cime d’un
point chaud volcanique qui jaillit des profondeurs de l’océan Indien.
Vue du ciel, les contours de l’île décrivent une forme ovoïde, une confi-
guration entièrement façonnée par la houle océanique créée par l’alizé
du sud-est. D’une superficie d’à peine 1 km2, soit 1750 m de long par
700 m de large, l’île est entourée d’un platier corallien qui émerge lors
des marées basses et qui fournit l’essentiel du sédiment présent sur
2. Marriner N., Guérout M., Romon T., The forgotten slaves of Tromelin (Indian Ocean): new
geoarchaeological data, in Journal of Archaeological Science, 37.
Marriner N., Guérout M., Romon T., Dussouillez, Ph., Géomorphologie de Tromelin (ocean
Indien), dans Comptes rendus géosciences, vol. 341, no 10, p. 766-777 (octobre 2010).
Marriner N., Pirazzoli P.A., Fontugne M., Guérout M., Guillaume M., Reyss J.L., A
geomorphological reconnaissance of Tromelin Island, Indian Ocean, in Journal of Coastal
Research: Volume 28, Issue 6, 2012, p. 1606 –1616.
3. Marriner N., Les paysages de Tromelin, dans Guérout Max, Romon Thomas, Tromelin l’île
aux esclaves oubliés, Paris, 2010, p. 28 –30.
189
Tromelin. Mémoire d’une île
l’île. L’énorme masse océanique qui entoure l’îlot limite toute varia-
tion brutale de température et d’humidité. Il n’y a donc pas de saisons
prononcées.
Cette unité paysagère se juxtapose aux plages nord, larges et plates, qui
sont formées d’un sable blanc d’origine corallienne remanié par l’action
des vagues. A l’extrémité nord, les accumulations de sable ont engendré
une pointe sableuse en forme de « queue de comète » dont la forme est
variable selon l’orientation des vents, et qui marque le terme des trans-
ferts sédimentaires du sud vers le nord.
190
Mission Esclaves oubliés 2008
191
Tromelin. Mémoire d’une île
192
Mission Esclaves oubliés 2008
*?
4
Tromelin se situe dans le bassin cyclonique du sud-ouest de l’océan
Indien, qui s’étend depuis les côtes africaines jusqu’au méridien 90°Est.
En moyenne, neuf perturbations tropicales naissent dans la région
chaque année, dont quatre atteindront le stade de cyclone tropical. Le
terme cyclone définit une perturbation météorologique caractérisée par
une zone centrale de basse pression. Naissant entre les 5e et 20e parallèles,
ces cyclones se forment généralement au cours de la saison estivale,
au-dessus des mers et océans tropicaux où la température s’élève à plus
de 27°C. Le gradient de pression entre le centre et l’extérieur engendre
une rotation de l’air autour du centre de basse pression, souvent appelé
œil cyclonique. Ces vents tournent dans le sens des aiguilles d’une
montre dans l’hémisphère sud. Ces perturbations sont accompagnées
de pluies torrentielles ainsi que d’une remontée du niveau relatif de la
mer et d’une houle cyclonique, dont la crête peut dépasser de plusieurs
mètres le niveau des plus hautes mers. La masse nuageuse cyclonique est
généralement d’un diamètre de 500 km mais peut parfois dépasser
1 000 km.
Figure 21-9 – Cyclone tropical
Huddah (2000).
4. Marriner N., Impact des tempêtes sur l’île de Tromelin, dans Guérout Max, Romon Thomas,
Tromelin l’île aux esclaves oubliés, Paris, 2010, p. 122-124.
193
Tromelin. Mémoire d’une île
194
Mission Esclaves oubliés 2008
^>\?^
Romon)5
Au cours de la mission précédente un mur de pierres sèches interrompu
par un bâtiment de la station météo a été dégagé, ainsi qu’une partie du
sol occupé par les naufragés. Cependant, le faible développement de ces
structures et le fait qu’elles étaient fortement perturbées par l’implanta-
tion de la station météorologique, n’avaient pas permis de comprendre
leur fonction.
Figure 21-11 - Emplacement de la fouille
autour du bâtiment météo détruit (rectangle
rouge).
Trois bâtiments complets ont été mis au jour. La base des murs repose
au-dessus d’un premier niveau d’occupation. Les murs ont donc été
construits après un temps d’occupation initial. Ils sont conservés sur un
5. Romon T., Guérout M., L’Utile, 1761.... « Esclaves oubliés », Archéopages – numéro
hors-série – Constructions de l’archéologie – Hommage à Jean-Paul Demoule, Paris, 2008,
p. 59-63.
Guérout M., Romon T., Tromelin (Océan Indien), Une archéologie de la détresse, dans Les
nouvelles de l’Archéologie, no 108-109, juillet 2007, p. 113-118.
Guérout M., Romon T., Tromelin l’île aux esclaves oubliés, Paris, 2010.
195
Tromelin. Mémoire d’une île
Le bâtiment 1
Il est situé au sud de la zone fouillée. Il est constitué d’une seule pièce
rectangulaire orientée est-ouest, son entrée est à l’ouest (sous le vent).
Ses dimensions intérieures sont de 2,3 par 1,5 m, soit 3,45 m2. Dans
l’angle sud-est 3 blocs posés de champs délimitent l’espace d’un foyer.
Au-dessus, dans le mur est fichée une barre de fer recourbée qui était
sans doute destinée à supporter un récipient pendant la cuisson. Des
ustensiles très nombreux et principalement liés à une fonction culinaire
étaient rangés dans cet espace. Ils permettent d’identifier ce bâtiment
comme étant une cuisine.
Le bâtiment 2
196
Mission Esclaves oubliés 2008
Le bâtiment 3
197
Tromelin. Mémoire d’une île
Le foyer extérieur
Des ossements humains ont été trouvés épars dans le niveau du sédi-
ment correspondant aux déblais liés à l’édification de la case météo,
construction qui a perturbé les niveaux et les constructions du xviiie
siècle. Il s’agit des ossements de deux individus rassemblés chacun en
un endroit : au-dessus de l’extrémité occidentale du bâtiment 1 pour le
premier et au-dessus du bâtiment 3 pour le second.
198
Mission Esclaves oubliés 2008
Figure 21-17 1 et 21-17 2 – Le squelette 1 est bien conservé, mais les os sont fragmentés. Il s’agit
Squelettes 1 et 2. des éléments d’un seul individu, un jeune adulte de 20-24 ans, dont le
crâne est fragmenté, la face détruite. Le squelette 2 est également bien
conservé ; les ossements sont épars sur une surface de 1,5 m2. Il s’agit
des éléments d’un seul individu, un jeune adulte (15-19 ans) robuste. Le
crâne est complet. Aucune trace de découpe ou cassure antemortem n’a
été observée sur ces deux squelettes.
Ils ont été trouvés dans les mêmes couches sédimentaires que les objets
provenant de l’Utile, dont certains portent des indices de transfor-
mation par les naufragés. Il est probable qu’il s’agit des restes de ces
naufragés. Ils ont été déplacés lors de la construction de la case météo et
rejetés parmi les déblais comme le reste du mobilier du xviiie siècle, sans
aucun traitement particulier.
199
Tromelin. Mémoire d’une île
Objets en fer
Quatre haches ont été trouvées dans le bâtiment 3. L’une d’entre elles Figure 21-18 – Penture
est une véritable hache, les trois autres sont des pentures de porte trans- transformée en hache.
formées en haches. Figure 21-19 – Hache (PH5.403).
0 5 cm 0 5 cm
0 5 cm 0 5 cm
Figure 21-20 – Trépied.
Objets en cuivre
Récipients
Seize récipients de formes diverses ont été mis au jour, douze d’entre
eux dans la « cuisine » et les autres à l’extérieur entre le foyer extérieur 0 5 cm
et l’entrée de la cuisine. Avec les six récipients trouvés en 2006, ce sont
donc 22 récipients en cuivre au total qui ont été mis au jour. Figure 21-21 1, 2, 3 – Hameçons.
Cuillères
Seize cuillères en cuivre ont été retrouvées entières, ainsi que plusieurs
fragments ou ébauches. L’ensemble de ces éléments apporte la preuve
que les cuillères ont bien été fabriquées sur place. Leur principe est ingé-
nieux, une amorce de manche solidaire de la partie creuse (le cuilleron)
comporte deux ailes qui repliées servent à enserrer un manche en bois.
200
Mission Esclaves oubliés 2008
0 5 cm
0 5 cm
0 5 cm
201
Tromelin. Mémoire d’une île
0 2 cm
0 2 cm
202
Mission Esclaves oubliés 2008
Objets en plomb
Figure 21-28 1 et 2 – Bassine en Trois grandes bassines en plomb et leurs couvercles du même métal ont
plomb et son couvercle (PH5.355). été mis au jour dans le bâtiment 1 et à l’entrée de celui-ci. Deux réci-
pients plus petits ont aussi été trouvés dans les bâtiments 1 et 3.
0 5 cm 0 5 cm
0 3 cm 0 5 cm
Objet en silex
203
Chapitre XXII
Chronique 2009-2011
L’un des objectifs de cette mission était l’enlèvement d’une partie des
déchets accumulés depuis cinquante-cinq ans sur l’île. Après un test
Figure 22-2 – Première rotation du effectué sur l’île d’Europa en 2007, la solution adoptée fut l’enlèvement
Marion Dufresne le 11 mai 2009. par hélicoptère. Les déchets doivent alors être conditionnés en lots n’ex-
cédant pas la capacité d’emport de l’hélicoptère, soit moins de 700 kg.
Stockés en soute à bord du Marion Dufresne, ils ont ensuite été débar-
qués à La Réunion pour être pris en charge par des sociétés de traite-
ment ou de recyclage.
205
Tromelin. Mémoire d’une île
206
Chronique 2009-2011
14 juin 2011
207
Tromelin. Mémoire d’une île
5. Paulian R., Faune et flore d’un désert, Revue de Madagascar, no 18, 1er trim., 1954, p. 50-54.
6. Legeais 1955, p. 100.
7. Decary R., Plantes introduites à Madagascar et toponymie locale, Journal d’agriculture
tropicale et botanique appliquée, vol. 10, no 10-5-7, 1963, p. 217.
208
Chronique 2009-2011
209
Tromelin. Mémoire d’une île
Cette analyse devra prendre en compte nombre de plantes qui ont été
introduites par les personnels de Météo-France. Ce sont en premier lieu
les cocotiers (cocos nucifera) apportés des Glorieuses, qui ont été plantés
autour de la station à la fois pour en agrémenter l’environnement et pour
créer un peu d’ombrage. Leur nombre atteint maintenant près d’une
centaine. Autre plantation réussie, celle de vacoas (Pandanus utilis).
8. http://ileseparses.cbnm.org/index.php/liste-taxons-tromelin.
210
Chapitre XXIII
Objectifs de fouille1
La mission continue son étude des bâtiments : phases de construction,
orientation dans l’espace, disposition relative, manière dont les murs
ont été construits et renforcés. De même, la connaissance des dimen-
sions de l’espace occupé à l’extérieur des bâtiments mis au jour n’étant
que partielle, un sondage au moins doit permettre d’avoir une meilleure
évaluation des zones occupées.
211
Tromelin. Mémoire d’une île
Secteur 9
212
Mission Esclaves oubliés 2010
Secteur 10 et 11
Secteur 12
213
Tromelin. Mémoire d’une île
Secteur 13
214
Mission Esclaves oubliés 2010
Figure 23-10 – Entrée du bâtiment 4 Figure 23-11 – Entrée du bâtiment 4 (vue de dessus).
depuis le nord (l’intérieur du bâtiment)
1) mur sud du bâtiment 4 ;
2) mur 3 (en partie démonté) ;
3) mur ouest du bâtiment 4.
4) probable pierre de seuil.
215
Tromelin. Mémoire d’une île
216
Mission Esclaves oubliés 2010
Secteur 14
217
Tromelin. Mémoire d’une île
espace délimité par des dalles de corail verticales placées sur champ. Ces Figure 23-14 – Vue générale
clous ont pu servir d’enclume. Sous une dalle de grès de sable du pare- depuis le nord : 1) secteur 15
ment du mur est qui a basculé, quelques objets ont été mis au jour : un (bâtiment 6) ; 2) secteur 12 ;
3) secteur 13 (bâtiment 4 avant
briquet en fer, une pierre à fusil et une balle d’espingole en plomb.
dégagement de son entrée) ;
4) secteur 14 (bâtiment 5).
Le bâtiment 5 est l’un des premiers bâtiments mis en place dans ce
secteur, tout au début de l’occupation de la zone. Il se présente sous la
forme d’une pièce unique, rectangulaire, de 2,3 x 2 m orientée dans
l’axe nord-sud. Son entrée est située au sud, dans l’ange sud-ouest du
bâtiment. Comme le bâtiment 4, il présente un décrochement dans son
angle nord-est qui a été ajouté par la suite.
Secteur 15
218
Mission Esclaves oubliés 2010
Ces sondages dont la localisation est indiquée sur la figure (23-7) ont
permis d’identifier l’amorce de plusieurs bâtiments : le bâtiment 9,
accoté au bâtiment 5, et dont l’accès est difficile en raison de la présence
d’une citerne semi-enterrée ; le bâtiment 10 dont les parements internes
de deux murs ont été dégagés. La fouille de ce nouveau bâtiment devra
faire l’objet d’une autre campagne de fouille.
\>
^>
Une série de neuf sondages d’un mètre carré ont été implantés de façon
à définir l’extension de l’occupation au xviiie siècle.
Mobilier archéologique
Objets en fer
219
Tromelin. Mémoire d’une île
220
Mission Esclaves oubliés 2010
Briquets
Ces deux anneaux ont été interprétés comme étant des briquets, consti-
tués d’un anneau de fer qui se passe autour d’un doigt et sert à frapper
Figure 23-21 – Utilisation d’un briquet. un silex afin de produire une étincelle.
0 1 cm 0 1 cm
221
Tromelin. Mémoire d’une île
0 1 cm
Outre ces nombreux débris, des fragments de cuillère, une sorte de grat-
toir, et un bouton d’uniforme ont été trouvés.
>
Silex
Avec ces trois silex vient la réponse aux questions posées depuis le
commencement des fouilles : d’une part, savoir si le feu avait été maintenu
allumé ou bien si les naufragés avaient les moyens de le rallumer et, d’autre
part, quel moyen était employé pour rallumer éventuellement le feu.
222
Chapitre XXIV
223
Tromelin. Mémoire d’une île
Prospection mécanique
224
Mission Esclaves oubliés 2013
Les sondages les plus proches du site (couleur vert foncé) ont livré les
niveaux d’occupations comportant des restes de faune consommée,
principalement des sternes, comparables à ce qui a été découvert dans
les fouilles du point haut. Ils permettent d’évaluer l’extension de l’aire
d’occupation à une quarantaine de mètres autour des habitats.
225
Tromelin. Mémoire d’une île
réalisées durant les prospections mécaniques, un nouveau secteur a été Figure 24-6 – Localisation des sondages
ouvert à l’est de la « case de gonflage »(Secteur 21). et fouilles manuelles de la mission 2013.
Les quatre secteurs 17, 19, 20 et 21 ouverts ont une surface de 145 m2.
Pour chacun d’eux des sondages à l’intérieur de la couche archéolo-
gique ont été réalisés. Le sédiment issu d’une partie de ces sondages a été
tamisé par unité stratigraphique. Ceci dans le but de poursuivre l’étude
de la faune consommée initialisée depuis 2006 et de réaliser un échan-
tillonnage du mobilier conservé dans ces niveaux. L’ensemble du mobi-
lier prélevé fait l’objet d’un inventaire détaillé. Les murs des bâtiments
ont fait l’objet d’un relevé photographique précis.
226
Mission Esclaves oubliés 2013
227
Tromelin. Mémoire d’une île
Le mur ouest est situé sous la case de gonflage, seul son parement inté-
rieur est visible. Son sommet correspond à la base de la dalle de béton
qui supporte la case de gonflage. Il correspond aussi au niveau du sol
dans les années 1950-1960. L’espace compris entre les extrémités orien-
tales des murs nord, est et sud se trouve constitué d’un empilement de
blocs de grès de plage et de corail. Il ne s’agit probablement pas d’un mur
qui ne présente aucun parement, mais plus probablement d’un amoncel-
lement dont l’origine est anthropique.
Mobilier archéologique
Parmi les objets mis au jour au cours de cette mission, les fragments
métalliques ont été très nombreux : 750 de fer, 300 de cuivre, 150 de
plomb.
Objets en fer
Figure 24-9 – Harpon PH5.1035.
Outre les habituels, clous, chevilles, pitons, lames de fer, on note la Figure 24-10 – Burin PH5.1444.
présence de gouges, burins, grattoirs, pointe de harpon, hameçon, Figure 24-11 – Gouge PH5.1296.
briquet qui témoignent des activités des naufragés. Figure 24-12 – Grattoir PH5.1077.
0 3 cm 0 3 cm
0 3 cm 0 3 cm
228
Mission Esclaves oubliés 2013
Objets en cuivre
0 5 cm
Figure 24-13 – Plaque de cuisson Six pointes formées d’une feuille de cuivre roulée en forme de cône
PH5.1458. allongé ont été trouvées. Il pourrait s’agir du renfort de l’extrémité d’un
Figure 24-14 – PH5.1030 avec bâton ou d’une baguette d’un diamètre de l’ordre de
son manche en cuivre. 15 à 20 mm.
0 1 cm
L’usage d’un bâton, dont la pointe a été
renforcée, évoque une
lance ou une flèche
qui pourraient alors
avoir été utilisées,
Figures 24-15 1 et 24-15 2 – Pointes par exemple, pour la
coniques PH6 010 et PH5.024. 0 1 cm capture des oiseaux.
229
Tromelin. Mémoire d’une île
0 1 cm 0 1 cm
Deux pièces de monnaie ont été trouvées, l’une est une pièce espagnole
de 4 maravedis frappée en Amérique, datée du règne de Philippe V
(1700 –1746) ; l’autre une pièce portugaise de dix reis frappée sous le
règne de Joao V, roi du Portugal (1706 à 1750) frappée en 1720 ou 1721.
0 1 cm
La pièce portugaise a sans doute été portée en tour du cou comme une
médaille et plus probablement sur un bracelet ce qui expliquerait les
deux perforations.
Objets en plomb
230
Mission Esclaves oubliés 2013
Minéraux
Sept silex dont le poids est compris entre 1 et 6 g ont été trouvés en des
endroits différents, ainsi qu’un cristal taillé en demi-taille.
Lieu de vie
231
Tromelin. Mémoire d’une île
Outre les deux bâtiments qui ont très probablement été recouverts par
la construction de la case météo (un abri semi-enterré construit en 1956
et détruit il y a seulement quelques années), des bâtiments peuvent se
trouver également sous la case gonflage, local utilisé pour le stockage
de l’hélium et le gonflage des ballons sonde. De plus, l’amorce d’un
ou deux autres bâtiments se prolongeant sous une citerne en dur a été
décelée. L’ensemble de l’habitat semble donc avoir été constitué d’une
douzaine de bâtiments, dont les deux tiers ont pu être étudiés.
Occupation de l’espace
Conservés sur une hauteur maximale de 1,5 m, les murs étaient plus
haut à l’origine. Les blocs de leur partie supérieure ont servi de matière
première pour la construction de la station météo. Les techniques de
construction des bâtiments, pour ce que nous avons pu en observer,
sont assez homogènes. Les murs sont caractérisés par la présence d’un
seul véritable parement, en général le parement interne. Il n’existe pas à
proprement parler de parement externe pour la plupart des bâtiments,
la face externe des murs des bâtiments n’est pas aménagée. Le parement
interne des murs est constitué, à la base, de plaques de grès de plage 4 de
taille assez importante, posées de chant. Sur ces dernières, des moel-
lons de corail plus petits sont agencés de manière à constituer une assise
horizontale, chaque bloc recouvrant au moins deux blocs du rang infé-
rieur, avec des joints secs croisés. Les parements internes de ces murs
rappellent les parements externes des tombeaux malgaches. Le reste
du mur est constitué d’un appareil mélangeant des moellons de toutes
dimensions, mais toujours imbriqués. Cette technique, parfaitement
maîtrisée par les naufragés, assure aux édifices une stabilité certaine,
tandis que l’épaisseur des murs, souvent supérieure à 1,5 m, leur confère
une grande robustesse, afin de résister aux vents et à la mer. Les maté-
riaux utilisés (blocs de corail et plaques de grès de plage) sont natu-
rellement présents sur l’île, mais à une distance comprise entre 150 et
1300 m de la zone de construction.
4. Beach-rock ou sandstone en anglais, une roche sédimentaire qui se forme dans une zone
littorale, par cimentation rapide du sable et de débris coralliens.
232
Mission Esclaves oubliés 2013
233
Tromelin. Mémoire d’une île
L’espace extérieur
Les volumes intérieurs des bâtiments mis au jour sont réduits, ils
n’offrent qu’un abri restreint. Une partie importante de la vie courante
devait donc se dérouler à l’extérieur. Les premières campagnes avaient
permis d’aborder l’espace extérieur situé sous le vent des bâtiments
(secteurs S1, S2 et S11). Ces secteurs présentaient un espace propre,
rangé et ordonné, avec du mobilier surtout lié aux repas, disposé le long
des murs. L’espace situé au nord des bâtiments (Secteurs S10 et S12) est
moins ordonné et comporte énormément de gros reste de faune (cara-
paces de tortues) ainsi que de clous et tiges en fer. Cet espace fait plus
penser à une zone de dépotoir ou de débitage des carcasses de tortue.
Le seul objet manufacturé notable, retrouvé en surface, est un marteau
constitué de pièces d’accastillages emboîtées. Il s’agit indiscutablement
d’un outil dont la fonction pourrait être liée au débitage des tortues. Il
semble donc que le lieu de vie privilégié ait été celui qui se trouvait sous
le vent de la cuisine (bâtiment 1) découvert en 2008.
234
Mission Esclaves oubliés 2013
Mobilier archéologique
La presque totalité des objets mis au jour a une fonction utilitaire, à l’ex-
ception de quelques modestes bijoux.
Les objets les plus remarquables ont été confiés au laboratoire LC2R 5
qui est chargé de leur traitement de conservation.
Alimentation
235
Tromelin. Mémoire d’une île
Les restes de poissons sont peu nombreux, mais ils représentent une
forte diversité ; au moins onze familles différentes sont documentées.
Les carangues dominent suivies par les balistes, les poissons-chirurgiens,
les vivaneaux, etc. Les poissons capturés sont de taille variable, et leurs
poids estimés sont compris entre 100 g et 10 kg. La plupart des espèces
identifiées peuvent avoir été capturées depuis le littoral, cependant les
plus grosses prises ont pu nécessiter une pêche à la ligne au-delà des
déferlantes.
L’eau
Le puits qui semble avoir été observé par les personnels de la station
météo dans les années 1960, n’a pas été retrouvé. L’eau devait être ache-
minée via un chemin aménagé observé par Layard8 et était sans doute
conservés dans les récipients en plomb munis de couvercles dont trois
exemplaires ont été mis au jour.
Le feu
L’usage du feu est attesté par la présence de cendre dans le sol jusqu’au
niveau du sol d’abandon, la découverte d’os d’oiseaux brûlés et de
coulures de plomb fondu. Les rescapées ont affirmé avoir gardé le feu
pendant quinze ans. Le bois de charpente disponible sur l’épave était
employé, son usage est attesté par la présence de nombreux clous de
charpente trouvés dans le sol, à tous les niveaux. Le bois mort de velou-
tier a sans doute aussi complété cette ressource. La découverte de frag-
ments de silex et de briquets en fer permet de préciser la manière dont le
feu était allumé et entretenu.
7. Journal historique et politique, imprimé à Genève, no 24 du 30 août 1777, p. 374 : « Des
plumes d’oiseau, tissées fort artistement, leur servoient de pagnes et de couvertures. »
8. Brooke, 1981.
236
Mission Esclaves oubliés 2013
Organisation matérielle
Organisation sociale
237
Tromelin. Mémoire d’une île
Les sépultures
Les sépultures des naufragés, qui semblent être attestées par le récit de
Parker en 1851, n’ont pas été trouvées. Rappelons la découverte en 2008,
dans une zone de déblais liée à la construction de la station météo, des
restes de deux squelettes déplacés par les ouvriers à l’occasion de ces
travaux. Ce sont les seules données matérielles à notre disposition. Nous
avons la conviction qu’il s’agit d’ossements des naufragés déplacés en
même temps que les autres éléments appartenant à l’Utile découverts
dans le même niveau. Leur présence à cet endroit, au sein de l’habitat,
reste difficile à expliquer.
238
Annexe 1
Le journal de bord de la
Diane, une illustration des
difficultés de la navigation
au début du XVIIIe siècle
Le journal de bord de la Diane
Ce journal est rédigé par Guillaume Le Housel, le pilote de la Diane.
« Du Dimanche 9e aoust 1722. Les vents variable d’ESE au SE bon petit frais
bautan [beau temps] nous avons singlé [cinglé : fait voile] au NNE jusque sur
les 6 heures du matin, la pointe la plus ouest au Sud, la pointe la plus à l’est au
SSE 14 L1, la Grande Coupée au S1/4 SE jusqu’à midi que ayant pris hauteur,
je observe 19 °49’
je arette [arrête] mond [si in se réfère à la copie ci-dessous il s’agit du
52°36’ point de départ] par la longitude de 75°05’
Du Lundi 10e aoust 1722. Les vents variable du SE àESE bon frais, bautant
nous avons singlé au NNE jusque a midi que ayant pris hauteur je trouve que la
route m’a vallu le Nord 4 deg Ouest 36 L
52°31’ Latt observée 18°02’
Longitude 75°00
Du mardi 11e aoust 1722. Les vents variables du Sud au SSE et SE bon petit
frais. Nous avons singlé au NNE jusque àmidi que ayant pris hauteur je trouve
que la routte ma vallu le Nord 4 dg Ouest 34 L
Latt observée 16°19’
52°22’ Longitude 74°51’
Sur les 5 heure ¼après midi nous avons eu connaissance de un illote base qui
este par Latt de 16 dg elle me reste le milieu au NNE distance de 2 L ½, la
pointe de l’est au NE1/4 N elle peut avoir environ 2 lieues de lon. Fesant valloir
la routte Le Nord de Bourbon vous alle droitte la charcher [chercher] de boute
au corré( ?)
239
Tromelin. Mémoire d’une île
Du mercredi 12e aoust 1722. Les vents variables du Sud à ESE bon frais, bautan
nous avons singlé jusque sur les 1 heur après minuit que nous avons mis a panne
jusque sur les 5 heur du matin que nous avons fait servir et singlé sur plusie( ?)
au NNO jusque midi que ayant pris hauteur je trouve que la routte ma vallu le
NO 2dg O 20 L 2/3
Lat observ 15°37’
51°33’ Longitude 74°02’
240
Annexe 1. Le journal de bord de la Diane, une illustration des difficultés de la navigation au début du XVIIIe siècle
3. La longitude exacte de l’île de Fer ne sera mesurée avec précision que plus tard, elle se
trouvera être supérieure d’environ 23’ à cette valeur.
4. Jonkers A.R.T., Parallel meridians: Diffusion and change in early-modern oceanic reckoning,
in Noord-Zuid in Oostindish perspectief, The Hague : Walburg, 2005, p. 17-42.
5. AN –Marine, 4JJ 46, Journal de bord de l’Oriflamme.
6. AN – Marine, 4 JJ 74, Journal de bord de l’Atalante.
241
Tromelin. Mémoire d’une île
242
Annexe 1. Le journal de bord de la Diane, une illustration des difficultés de la navigation au début du XVIIIe siècle
243
Tromelin. Mémoire d’une île
La dérive due au vent peut être considérée comme faible, car la Diane
navigue au largue par vent de SSE à l’ESE, une allure où la dérive est peu
importante. L’évaluation du courant est par contre beaucoup plus diffi-
cile, le courant permanent est presque toujours sous-estimé, il porte en
général à l’ouest et peut atteindre 20 milles par jours comme le souligne
le capitaine de corvette Jehenne (voir chapitre 10). On considère en
général que le courant permanent est d’environ 0,5 nœud.
244
Annexe 2
Biographie de Jacques
Marie Boudin de Tromelin,
seigneur de Lanuguy
~
>
{
D’innombrables erreurs ont été commises concernant l’identité du
sauveteur des naufragés de l’Utile abandonnés sur l’île de Sable. La
source principale de ces erreurs se trouve dans le Dictionnaire de biogra-
phie mauricienne1. Une seule notice rédigée par Auguste Toussaint, qui
se trouve aux pages 409 et 410, concerne le nom de Tromelin, celle de
« Maurice Jean Marie Boudin de Tromelin (1730-c.1800). » Cette
notice est le mélange malheureux de la biographie de trois frères : Bernard
Marie, Maurice Jean Marie et Jacques Marie, tous trois officiers dans la
marine royale et présents à la même époque dans l’océan Indien. A la
décharge d’un biographe pressé, il n’est pas toujours facile de distinguer
l’un de l’autre dans des pièces de correspondance où ils sont désignés par
le même nom, rarement par leur grade et assez souvent par l’appellation
« chevalier de Tromelin », distinction à laquelle ils furent tous les trois
élevés2 . Pour mieux brouiller les pistes, les aînés embarquèrent souvent
leurs frères cadets à bord des bâtiments qu’ils commandaient.
245
Tromelin. Mémoire d’une île
La famille Boudin est originaire de Normandie. En 1640, la branche
aînée s’installe à Morlaix. Bernard Boudin, sieur de Launay, écuyer,
épouse en 1699 Thérèse Coroller. Procureur syndic et juge-consul
de Morlaix4 , il est anobli par achat d’une charge de secrétaire du Roi
en 17015 . La famille acquiert de nombreuses propriétés autour de la
rivière de Morlaix et avec le mariage de Jacques Guillaume Boudin,
fi ls de Bernard, avec la fi lle de Nicolas le Diouguel de Penanru, elle
reçoit la terre de Tromelin en Plougasnou et ajoute ce nom à son patro-
nyme. Les membres de la famille Boudin deviennent ainsi seigneurs
de Launay, paroisse de Ploujean, de Longpré (en Normandie), de
Tromelin, de Kergreiz, paroisse de Plougasnou, de Lanuguy, paroisse de
Figure A2-1 – Sceau de
Saint-Martin-des-Champs. la Famille Tromelin.
|
Ecu de sable avec épée d’argent en pal, la pointe en haut accostée en
chef de deux étoiles d’or. La devise « Ad sidera tentat », que l’on peut
traduire par « Il tente d’atteindre les étoiles6 . »
1 - Nicolas Thérèse Bernard Boudin, seigneur de Tromelin qui fut Figure A2-2 - Armoiries.
cornette dans le Dauphin-cavalerie et vénérable de la loge « La noble
246
Annexe 2. Biographie de Jacques Marie Boudin de Tromelin, seigneur de Lanuguy
9. Il eut dix enfants dont un seul garçon, Jacques Jean Marie Boudin de Tromelin né le 22
août 1771, qui se maria en 1790 à Henriette Jollivet de Treuscoat, émigra, fut capturé avec
Sydney Smith devant Le Havre, emprisonné au Temple puis devint général d’empire. Il est
mort en mars 1842.
10. Laurent Marie fut prévôt du chapitre de l’église collégiale et royale de Notre-Dame-du-
Mur à Morlaix de 1760 à 1784. A ce titre il est le premier dignitaire ecclésiastique de la ville de
Morlaix. Il y reçoit un preciput de 150 livres par an. Il indique en 1771 à côté de sa signature
apposée en bas de l’acte de baptême de Jacques Jean Boudin de Tromelin : « Prévôt du Mur,
vicaire général ».
11. Bernard Marie s’oriente vers une carrière maritime après un court service dans l’armée où
il sert comme lieutenant dans le régiment du Limousin. Il participe au siège de Maastricht dans
l’armée commandée par le maréchal de Saxe en 1748. Il est particulièrement connu pour avoir
été chargé à l’île de France de l’exécution des travaux de curage du port Port-Louis de 1771
jusqu’en octobre 1783. Ayant conduit ces travaux en chef, il a conservé la direction du port
quoique ayant reçu plusieurs commandement à la mer dans l’océan Indien. Il commande en
particulier l’Annibal et une division de l’escadre de Suffren aux Indes. Il participe aux batailles
de Provédien (12 avril 1782), Negapatam (4 juillet 1782) et Trinquemalé (3 septembre 1782).
Son action au cours de la bataille de Trinquemalé est gravement mise en cause par Suffren :
« M. de Tromelin, soit par faiblesse, soit par jalousie, avait toujours compromis le succès de
nos armes, en restant spectateur bénévole du combat. » Il est désavoué et, à sa demande, quitte
son commandement. Il ne cessera, au moyen d’un mémoire apologétique, de demander à être
traduit devant un conseil de guerre afin que sa conduite soit jugée, ce qui lui sera refusé jusqu’à
la Révolution qui le nommera finalement vice-amiral en 1793. Il fut nommé chevalier de Saint-
Louis le 1er avril 1771.
12. Maurice Marie entre également dans la marine royale en 1756, il y effectuera une longue
carrière mouvementée de 44 ans. Chevalier de Saint-Louis en 1815, membre fondateur de la
société des Cincinnati pour sa participation comme premier lieutenant de l’Ardent à la bataille
du Cap Henry à l’entrée de la baie de la Chesapeake le 20 juin 1780. Membre de l’Académie de
Marine, il émigrera en Grande-Bretagne dans l’armée des Princes en 1792. Resté célibataire,
il terminera sa carrière comme contre-amiral.
13. AN – Marine, C7 40 - Dossier individuel de Boudin de Tromelin Chevalier de Kergreis
- Garde marine à Brest le 16 janvier 1758, noyé sur la barre d’Achem dans l’Indes, le canot du
vaisseau la Paix dans lequel il allait à terre ayant chaviré le 28 octobre 1767. Embarquements
successifs : Protée, 1758 ; Sauvage, 1759 ; Tonnant, 1759 ; Opale, 1760/1762 ; Union, 11 mai au
6 septembre 1764 ; Biche, 29 mars au 13 août 1766 ; Licorne, 12 mars au 31 août 1766 ; Paix,
de février au 28 octobre 1767. Haudrère (2005, p. 404), indique que Tromelin de Kergrize a
été embarqué en 1767 comme garde marine sur un navire de la Compagnie des Indes pour
recevoir une initiation à la navigation vers l’Asie (APL 2 P 41, II, 23). La Paix est effectivement
un navire de la Compagnie des Indes.
247
Tromelin. Mémoire d’une île
à Cadix le 14 septembre 176514 . Il est sans doute plus âgé que Jacques
Marie, ce dernier se voyant probablement transmettre la seigneurie de
Lanuguy à la mort de son frère.
7 - Jacques Marie Boudin, seigneur de Lanuguy, né à Ploujean le
31 mai 1751.
8 - Marie-Joseph Boudin de Tromelin, mariée au chevalier Jacques
Magdelein Gonery Artur, seigneur de Keralio (témoin du baptême de
Jacques Marie), mort en 1804 ; signataire de l’acte de partage des biens
de la famille datédu 6 décembre 1767, morte en 1808.
9 - Marie Thérèse de Tromelin, témoin du baptême de Jacques Marie.
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248
Annexe 2. Biographie de Jacques Marie Boudin de Tromelin, seigneur de Lanuguy
18. http://perso.wanadoo.fr/henri.maurel/ilemau.htm.
19. François de Souillac, (né en 1732 - mort en 1803) fut gouverneur de l’île Bourbon du 26
oct. 1776 jusqu’au 30 avril 1779, puis Gouverneur général des Mascareignes du 14 fév. 1782
au 3 juillet 1785. Il sera ensuite Gouverneur général de l’Inde française.
20. AN – Marine, C7 40, pièce 11.
21. AN – Marine, C7 40, pièce 12.
249
Tromelin. Mémoire d’une île
Il eut cinq enfants dont trois garçons. L’aîné Jacques Marie Boudin de
la Nuguy de Tromelin23 , né à Saint-Denis (île Bourbon) le 29 mai 1785,
fera lui aussi carrière dans la marine où il entre en 1803. Enseigne de
vaisseau le 18 juillet 1811, il prendra sa retraite le 1er juin 1822 et décè-
dera en 1825. Deux autres enfants (Alphonse Luc Marie et Marie
Thérèse Pierre Michelle née en 1787) sont mentionnés dans les « Etats
détaillés des liquidations » édités en 1828. Ce même état indique que
Marie-Charlotte-Julie s’est remariée avec Armand-Marie-Nicolas Le
Baillif de Mesnager dont elle a eu une fille.
Grades successifs
Embarquements successifs
250
Annexe 2. Biographie de Jacques Marie Boudin de Tromelin, seigneur de Lanuguy
La Sensible
La Sensible est commandée par du Chaffault. Resté malade à Saint-
Domingue Jacques Marie rentre à Brest à bord d’un navire marchand le
1/11/1768.
Le Lézard
Armé à Lorient le 29 septembre 1772 sous le commandement de
Maurice Jean Marie Boudin de Launay de Tromelin l’un de ses frères
aînés, il gagne l’océan Indien. Jacques Marie est premier lieutenant.
Le voyage est exceptionnel, il dure huit mois et demi dont sept mois
et quatorze jours sous voile, le Lézard est le « seul de trois bâtiments
partis en même temps à arriver à destination33 . » L’appareillage a lieu
après le 17 octobre 1772. On découvre à bord le 19 octobre un passager
clandestin (?) : Yves Tromelin, 16 ans de la paroisse de Glo évêché de
Quimperlé. On fait au moins une escale à Rodrigue à la mi-juin 1773 où
on embarque un malabar libre débarqué à l’île de France le 26 du même
mois. Cette campagne vaudra à Maurice Jean-Marie une gratification de
1 200 livres. Le bâtiment sera désarmé à l’île de France le 17 juin 1774
après avoir effectué avec la corvette Nécessaire le levé de la côté est de
Madagascar « depuis la Baye de Vohemare jusqu’au Cap d’Ambre ».
27. Pintade, flûte de 22 canons de 300 t. achetée en 8/1777 à Pondichery, vendue en 12/1779
à l’île de France.
28. Cet embarquement indiqué dans le répertoire abrégé manuscrit C7 40 ne figure pas dans
le dossier individuel et ne correspond pas aux dates d’embarquement sur la Dauphine et ensuite
sur l’Argus. Il faut remarquer que sur ce répertoire l’embarquement sur la Dauphine s’arrête
en novembre 1778, alors que les documents du dossier individuel indiquent que Tromelin
assure le commandement de la Dauphine du 28/12/1778 au 2/7/1779 pour un voyage de l’île
de France à Lorient. Le rapport de Jacques Marie de Tromelin sur son séjour dans l’océan
Indien (SHD – Marine - Brest, Ms 161 90) confirme l’embarquement sur la Pintade aux dates
indiquées dans le répertoire.
29. Sylphide, corvette, construite à Indret, mise sur cale 7/1762 ; mise à flot 7/1763. 190 t ; L. :
29,9 m ; l. : 8 m ; tirant d’eau : 3,7 m ; 12 canons de 4.
30. Subtile, corvette de 24 canons, construite à Rochefort, mise en chantier 5/1777, mise à
flot 7/9/1777. 320 tonnes ; L. : 35,7 m ; l. : 9,1 m ; tirant d’eau : 4,7 m.
31. Pourvoyeuse, frégate de 40 canons construite à Lorient, mise en chantier : 3/1772, mise à
flot : 10/11/1772. 840 tonnes ; L. : 50 m ; l. : 12,3 m ; tirant d’eau : 6,3 m ; 26 canons de 18 ;
12 canons de 8.
32. Saint-Michel, vaisseau de 64 canons, construit à Brest, commencé le 11/1738 et mis à flot
en 1/1741. Participe au combat de Gondelour le 20/6/1782.
33. Cette mention figure dans le dossier individuel de Maurice de Tromelin, mais les deux
autres bâtiments partis en même temps, la gabarre Sainte-Reine et le cotre la Sauterelle, destinés
à accompagner l’expédition de découverte de de Kerguelen, sont bien arrivés eux aussi. La
Sauterelle est désarmée à l’île de France à la même époque que le Lézard. La Sauterelle réarmée
effectuera en 1775 la première tentative de sauvetage des naufragés de l’Utile.
251
Tromelin. Mémoire d’une île
La Dauphine
Nommé enseigne de vaisseau (1er octobre 1773), Jacques Marie
embarque comme premier lieutenant à bord de la corvette la Dauphine,
qui vient d’être mise à flot (juin 1773) dans le chantier de construction
de l’île Bourbon. La Dauphine, commandée par Ferron du Quengo, fait
partie avec le vaisseau Roland (de Kerguelen), et la frégate l’Oiseau (de
Saulx de Rosnevet), de la troisième expédition d’Yves de Kerguelen-
Trémarec vers les terres australes. Les trois bâtiments appareillent le 19
octobre 1773. Le 14 décembre, la Dauphine reconnaît une terre au nord
des Kerguelen ; le 16 décembre, on découvre les îles Nuageuses ; le 6
janvier 1774, l’enseigne de vaisseau de Rochegude débarque au fond de
la baie de l’Oiseau et prend possession de l’île.
252
Annexe 2. Biographie de Jacques Marie Boudin de Tromelin, seigneur de Lanuguy
Figure A2-6 – Extrait du journal Voici quelques pièces de correspondance évoquant les activités de la
de bord de l'Oiseau. Dauphine.
« Je le dis et je le regrette encore si le cabotinage continue à être fait par les
officiers du Roy, j’y renonce. La Dauphine corvette de rien, commandée par un
enseigne34, me tourmente plus que toutes les escadres possibles, ces messieurs
sont d’un ton, d’une hauteur, d’une indiscrétion à faire mettre la clé sous la
porte35. »
« Je ferai partir la corvette du roi la Dauphine, sous huit jours. M. Maillard
enverra des habillements avec des effets de traite et autres provisions de
bouche. J’y ferai passer un millier de poudre pour le service de la troupe et
34. Le chevalier de Tromelin.
35. AN – Colonies, C 4 39 - Correspondances de Maillard Dumesle, Intendant des Isles de
France et Bourbon au Ministre de la Marine. 1775, f°463 datée du 6 juin 1775.
36. Cultru P., 1906, p. 101.
37. SHD – Marine (Brest), Ms 97 - Lettre de Maillard à de Sartine du 19/12/1775.
38. AN – Colonies, C5A 5 no 89, correspondance du 6/12/1775 : Facture des effets, vivres et
munitions chargés par ordre de Maillard Dumesle sur la corvette la Dauphine pour être remis
à Madagascar au baron de Benyowsky.
253
Tromelin. Mémoire d’une île
Fin 1776, Tromelin est envoyé à « l’île aux Sables » pour y récupérer les
naufragés de l’Utile
La Pintade
Tromelin reçoit le commandement de la Pintade, une flûte de 22 canons
achetée à Pondichery en août 1778. Le voyage de l’Isle de France vers
Lorient a lieu entre le 28 décembre 1778 et le 2 juillet 1779. Jacques-
Marie est chargé de paquets pour la cour. Cette traversée est marquée
par un combat contre un corsaire anglais 43 . Tromelin rend compte de ce
combat dans le rapport sur son séjour dans l’océan Indien :
254
Annexe 2. Biographie de Jacques Marie Boudin de Tromelin, seigneur de Lanuguy
En 1776, M. le chevalier de Ternay voulut faire un nouvel effort pour sauver les
nauffragés qui s’étaient perdus en 1761 dans le vaisseau l’Utile sur un écueil de
la mer des Indes connu sur les cartes sous le nom de l’Isle de Sable.
Mrs. les administrateurs du Roi me chargèrent de cette mission honorable, dans
le tems où l’arrière-saison ne permettait pas que je pusse naviguer et servir à
l’approvisionnement de la colonie.
Tous ceux qui avoient tenté avant moi de sauver ces nauffragés y avaient
échoué : j’eus le bonheur de réussir complettement dans mon expédition, mais
il est de mon devoir d’annoncer publiquement que je dois une partie de mes
succès au S. Lepage officier sur ma corvette. Je le chargeai du commandement
de la chaloupe destinée à approcher de cet écueil. Cet officier prit si bien ses
mesures, que, sans perdre un seul homme il fit passer à la pirogue la Barre dans
l’endroit le moins dangereux, et sauva sept négresses et un enfant. Seul reste des
300 naufragés, qui depuis 15 ans vivaient sur ce danger ; de tortues, de poissons
et d’eau saumâtre, car on ne trouve sur cette Isle, que la mer couvre presqu’en
entier dans les gros tems, ni arbrisseaux, ni même d’herbe.
C’est sans doute aux services rendus à la colonie, dont M. de Ternay a rendu
un compte si avantageux à Monseigneur et peut-être encore plus au succès
de mon expédition de l’Isle de Sable que je fus redevable du commandement
de la frégate du Roi la Pintade46, et d’une mission beaucoup plus flatteuse
encore, dont M. le Commandeur de La Brillane me chargea le 28 décembre. Ce
Gouverneur qui m’a honoré d’une confiance particulière, et a donné dans tous
les tems à mes services les éloges les plus distingués m’expédia pour apporter à
Monseigneur des nouvelles de l’Etat de cette colonie.
Je partis de l’Isle de France le 10 janvier 1779 et le 24 avril, je rencontrai à
la hauteur des Açores un cutter de 14 canons et de 4 pierriers d’une marche
supérieure, et ayant sur moi l’avantage du vent. Le combat s’engagea à 2 heures
après midi et fut très vif de part et d’autre jusqu’à 4 heures que l’Anglais tenta
l’abordage. Il eut lieu de se repentir de ce parti, car n’ayant que 12 pierriers,
dont l’effet ne pouvait lui être dommageable lorsqu’il combattait à la portée de
ses canons, il lui devint funeste, lorsqu’il s’approcha pour m’aborder.
L’anglais voyant que je lui présentais un abordage facile, évita subitement de
s’engager, ayant d’ailleurs une grande partie de son équipage blessé par le feu de
mes pierriers et de ma mousqueterie. La supériorité de la marche de ce cutter et
l’avantage du vent lui permirent de m’échapper et de continuer à me combattre
jusqu’à la nuit hors de portée de mes pierriers.
Ainsi, malgré l’inégalité de force qui devoit naturellement me rendre en un
instant la proie de ce batiment, la valeur de mon équipage et l’intrépidité de
mes officiers m’ont fait, non seulement échapper à de danger, mais encore forcer
l’ennemi à la retraite
Je crois après cet exposé succint de ce combat, pouvoir solliciter les bontés de
Monseigneur pour les officiers et une gratification pour mon équipage
Les Srs Morphy, Lepage et Stuart se sont tellement distingués, que ce seroit, en
les récompensant selon leurs désirs, rendre un bon service à la Marine que de les
y attacher par le Brevet de Lieutenant de frégate.
Permettés-moi, Monseigneur, de solliciter vivement cette grace, et de vous faire
une mention particulière du Sr. Lepage qui a toujours été embarqué avec moi,
et qui m’a si bien secondé dans ma mission à l’Isle de Sable. Cet officier qui est
sans fortune a été bien dangereusement blessé dans le combat ; il est exposé à
46. Jacques-Marie enjolive un peu, il ne s’agit pas d’une frégate mais d’une flûte.
255
Tromelin. Mémoire d’une île
La Pourvoyeuse
Le 23 février 1782, l’escadre commandée par Suffren est au mouillage
en rade de Pondichéry et Jacques Marie prend le commandement de la
frégate la Pourvoyeuse, qui fait partie de la division commandée par son
frère aîné Bernard qui a sa marque sur l’Annibal48 . Il participe le 12 avril
1782 à la bataille de Provédien.
256
Annexe 2. Biographie de Jacques Marie Boudin de Tromelin, seigneur de Lanuguy
Figure A2-7 - Plan de la bataille de Provédien. l’Asia, 816 t., capitaine Robert Maw, l’Essex, 794 t., capitaine Arthur
Morris, l’Osterley, 775 t., capitaine Samuel Rogers50 , accompagnés d’un
bâtiment local le Shah Byramgore. Avant de passer le détroit de Malacca,
le capitaine Lawson interroge un navire malais qu’il trouve au mouillage
près de la côte et apprend la présence de navires français au mouillage
à l’est de l’île Pulau Pisang51. L’engagement a lieu le 10 septembre, il
commence à 3 heures de l’après-midi et va durer quatre heures. Le vent
étant de sud-est, la Pourvoyeuse engage le combat avec les quatre bâti-
ments formés en ligne de file dans l’ordre : Osterley, Locko, Asia, Essex,
route à l’ENE. Le Shah Byramgore se trouve tout près, sous le vent du
Locko. La Pourvoyeuse qui a remonté la ligne, venant du sud, engage
successivement l’Asia, le Locko et l’Osterley, puis vire de bord lorsqu’il a
atteint la tête de la ligne et fait route vent arrière vers le nord. Elle essuie
deux nouvelles bordées du Locko qui vire de bord à son tour et entame la
poursuite accompagné de l’Osterley. Le capitaine du Locko, fait preuve à
cette occasion de beaucoup de combativité. La Pourvoyeuse s’échappe à
la faveur de la nuit après avoir fait un feu intermittent avec ses pièces de
retraite. La saison étant déjà avancée, Peter Lawson renonce finalement
à la poursuite pour ne pas compromettre l’issue de son voyage vers la
Chine (Bassett 1961, p. 26-31)52 .
Au cours de l’engagement, le Locko a eu l’itague (palan de hissage)
de la vergue de son grand hunier emportée par un boulet. Son maître
50. Samuel Rogers, avait commandé un bâtiment déjà nommé Osterley qui fut pris le
21 février 1779 par la Pourvoyeuse alors commandée par de Saint-Orens. Ayant accédé au
commandement d’un autre navire portant le même nom, dont son oncle William Dent était
propriétaire, il retrouve à nouveau la Pourvoyeuse sur son chemin. On assiste donc au deuxième
combat entre la Pourvoyeuse et un bâtiment de la « East India Company » portant le nom
d’Osterley. Par un autre détour de l’histoire, Jacques Marie Lanuguy de Tromelin, sera ensuite
nommé au commandement du premier Osterley (voir ci-après).
51. Ile de Pulau Pisang –Latitude : 01°28’N ; Longitude : 103°15’E.
52. British Library, L/MAR/B/400 H-I Journal de bord de l’Osterley et L/MAR/B/24 E
Journal de bord de l’Asia.
257
Tromelin. Mémoire d’une île
d’équipage et quatre marins ont été blessés, alors qu’à bord de l’Osterley,
plusieurs boulets ont frappé la coque, perforé les voiles, tué deux marins
et blessé un officier. L’Asia quant à lui s’en tire sans dommage.
Au retour, Jacques Marie est accueilli fraîchement par Suffren :
« Le 18 novembre (1782) la Pourvoyeuse arriva de Malac, apportant deux
bas mâts et des gaules de teck propres à faire des mâts de hune. Le général
reçut très mal M. de Lanuguy Tromelin, qui la commandait. Il était venu à sa
connaissance que le capitaine avait rencontré cinq bâtiments de commerce
armés de la Compagnie, qui avaient à bord plusieurs millions ; qu’au lieu de les
attaquer, il les avait laissés continuer leur route, après avoir échangé quelques
coups de canon à grande portée. Quelle ressource pour l’escadre, toujours dans
le besoin ! Quel coup eût reçu le commerce britannique ! Mais la Bailli de
Suffren, toujours mal secondé, devait encore avoir à déplorer la faute commise
par un de ses capitaines. M. de Lanuguy, dont la manoeuvre était l’objet de
plaisanteries des matelots, qui en ce genre n’ont pas la main légère, offrit son
journal à Mr. De Suffren ; et, quoiqu’on doive présumer qu’il eût cherché à
y atténuer sa faiblesse, le général discourant peu, louant en peu de mots et
blâmant de même, lui dit, en le lui remettant le lendemain : « Eh bien ! Mr. de
Lanuguy, eh bien ! Je persiste à dire que vous avez entaché le pavillon. » (Cunat
1852, p. 250)
53. « Le Brillant, le plus ancien des vaisseaux français dans l’Inde, et le Vengeur, ne tenaient
sur l’eau que par le jeu continuel des pompes, et les équipages étaient sur les dents. En donnant
une forte bande au premier de ces vaisseaux, ont parvint à étancher ses voies d’eau ; le Vengeur
après avoir été lardé avec des voiles, fut envoyé à Trinquemalay pour y caréner. » (Cunat, 1852,
p. 250).
258
Annexe 2. Biographie de Jacques Marie Boudin de Tromelin, seigneur de Lanuguy
259
Tromelin. Mémoire d’une île
« ….J’ai cinq enfants dont trois garçons, l’aîné à six ans. Si je veux sauver
les débris de ma fortune et donner une existence à mes enfants, j’ose donc
Monsieur vous supplier de m’accorder ma retraite et la liberté de vaquer à mes
affaires domestiques. »
>\
En 1792, il est arrêté sur dénonciation d’un prêtre constitutionnel de la
commune de Guerlesquin, procureur-syndic de cette localité en même
temps que curé. Il est incarcéré avec sa femme dans la prison des carmé-
lites de Morlaix. « L’abbé » Rochon, qu’il avait connu dans l’océan
Indien et qui avait acquis, par ses services, une certaine influence, usa
de tout son crédit auprès de Jean Bon-Saint-André, alors tout-puissant à
Morlaix, pour obtenir leur mise en liberté59.
La même année (1792), après avoir obtenu sa retraite, il demande à
passer à l’île de France pour régler ses affaires. Il émigre alors dans
l’armée des Princes60 .
Il rentre en France en 1797 pour quitter à nouveau son pays. Il embarque
à Copenhague sur un vaisseau danois de la Compagnie des Indes orien-
tales : le Norge.
|>
Il meurt en mer à bord du Norge le 4 décembre 1798. L’acte de décès
daté du 25 avril 1800, est établi par Hans Olsen Gottsche, notaire à
Copenhague61. Un extrait du registre de baptême et mariage du canton
59. Baudry 1905, p. 276. Rochon fait aussi libérer par la même occasion la veuve de Dominique
Gatien de Saint-Maurice, qu’elle avait épousé en 1781. Née Marie Michèle de Tromelin en
1759, s’était la sœur de Jacques Jean Marie Boudin de Tromelin (né en 1771 et mort en 1842),
fils de Nicolas Thérèse le frère aîné de Jacques Marie. Il fut écuyer, puis comte de Tromelin et
plus tard général d’Empire. Rochon épousa la veuve qu’il avait fait libérer.
60. En 1792, parfois pour défendre la cause royaliste, libérer la famille royale et rétablir la
monarchie absolue parfois pour échapper aux persécutions des révolutionnaires, de nombreux
nobles émigrent et gagnent les armées des coalisés qui ont déclaré la guerre à la République.
Parmi de nombreux corps militaires, trois armées principales se constituent regroupant
environ 20 000 émigrés, celle du Prince de Condé, celle du Prince de Bourbon, et celle des
Princes. Cette dernière se constitue à Trèves en Allemagne et participera à l’offensive aux
côtés de l’armée prussienne.
61. AN – Marine, C7 40, pièce 16.
260
Annexe 2. Biographie de Jacques Marie Boudin de Tromelin, seigneur de Lanuguy
261
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Sources
Sources manuscrites et imprimées
Armement de l’Utile
AN – Marine
B2/362, f°514 – Vente de l’Utile à la Compagnie des Indes, daté du 29/11/1759.
267
Tromelin. Mémoire d’une île
AN – Colonies
C4/13 – Correspondances des Directeurs.
– Lettre du 6 octobre 1760 : Attente de départ de l’Adour et l’Utile.
– Lettre du 20 octobre 1760 : Embarquement de numéraires.
– Lettre du 3 décembre 1760 : Appareillage de l’Adour et l’Utile.
- Extrait de la lettre du Conseil supérieur de l’Isle de France du 4 7bre 1761.
- arrivée de l’Utile et de l’Adour les 11 et 12 avril 1761.
- départ de l’Utile de l’île de France pour Foulpointe le 27 juin 1761.
- Journal de Desforges Boucher, Gouverneur de l’Ile de France, du 12 août 1761. au 31 août 1762.
- du 27 octobre 1761 : retard de l’Utile.
- du 25 novembre 1761 : arrivée des naufragés à bord du Silhouette.
C2 287 – Registre des délibérations et règlements concernant les armements de la Compagnie 1760. (Microfilm).
268
Sources
AN-Marine
G 222 f° 34
F°34A -Lettre datée de 1776 non signée : Récit des conditions de vie des naufragés sur l’île. (Publiée par la Revue d’Histoire des Colonies
françaises, 1929, p.298).
F°34B – Lettre de Maillard-Dumesle – Récit du sauvetage et de l’accueil des rescapés.
Intendant de l’Isle de France au Ministre de la Marine datée du 16 décembre 1776, identique à C4 40 p. 296/697 cité plus haut (publiée par
la Revue d’Histoire des Colonies françaises, 1929, p.296/297).
F°34C – Citation du registre de la paroisse de Saint-Louis à l’île de France pour l’année 1776 : Acte de baptême de Jacques Moïse (Publié par
la Revue d’Histoire des Colonies françaises, 1929, p.297).
269
Tromelin. Mémoire d’une île
AN – Marine
3 JJ, 358, f° 32 – Rapport pour rectifier sur la carte du dépôt de la Marine la situation de l’île de Sable (le document rédigé par Mr. d’Eguille,
chef d’escadre est presque identique à la lettre se trouvant dans le dossier Lafargue : Marine C7/157 cité plus haut.)
3 JJ, 358, f° 26 – Mémoire sur la nouvelle carte de l’archipel du NE de Madagascar signé de Lislet Geoffroy en 1817 : position de l’île de
Sables.
3 JJ, 358, f° 27 – Rapport de Mr Jehenne, capitaine de corvette, Commandant la Prévoyante, septembre 1841.
3 JJ, 330, f° 13 – Extrait de la lettre de Mr. de La Feuillée du 24 avril 1724, commandant le navire la Diane de la Compagnie des Indes.
3 JJ, 330, f° 22 – Routes du vaisseau la Diane en aoust 1722 depuis le relèvement de l’île Bourbon jusqu’à la vue de Madagascar.
3 JJ, 330, f° 22 – Routes proposée pour aller de l’Isle de France à Pondichery (non signée et datée de 1757).
4 JJ, 90 – Journal de bord de la Diane.
4 JJ, 87 – Journal de bord du Diligent (cap. La Villecolet).
3 JJ, 87 – Journal de bord du Cerf (cap. Morphey).
Archives privées – Collection of proclamations and Government’s notices – Published at Mauritius during the year 1968, no 25, p. 24.
Esclaves
AN de l’île Maurice
Série KA – Civil Status and population records.
Registre KA 63 – Extrait de baptêmes, mariages et Sépultures, Blancs, libres et esclaves du 2 janvier au 31 décembre 1776.
Baptême de Jacques Moïse, le petit garçon rescapé.
270
Sources
Equipage
Archives Départementales des Pyrénées Atlantiques
Archives notariales
3 E 4486 Pierre Dhiriart notaire à Bayonne.
Procuration de Pierre Desdebès du 17/4/1760.
Procuration de Vincans Lissague du 9/7/1760.
Procuration de François Filis du 23/7/1760.
3 E 3857 Jean Baptiste Lesseps notaire à Bayonne.
Procuration de Bernard Sanguinet du 3/11/1760.
3 E 4202 Menaud Lartigue notaire à Bayonne.
Cession de Jean Cazenave du 15/6/1760.
3 E 4662 Pierre Cassolet notaire à Saint Esprit.
Procuration de Pierre Darrieux du 15/4/1760.
Procuration de Jean Cazenave du 28/4/1760.
3 E 3415 Roger Labordette notaire à Bayonne.
Procuration de Louis Arnau du 26/4/1760.
Procuration de Louis Balour du 11/4/1760.
Procuration de Pierre Fauqueneau du 18/4/1760.
Procuration de Jean Laffont du 6/6/1760.
Procuration de Jean Fourquet du 15/4/1760.
Procuration de Mathurin Louis Geoffroy du 24/6/1760.
Acte de Médard Cunier contre le Sr Miressou du 21/10/1760.
Soldats
AN – Colonies
FM – D2a 28 – Engagement des soldats de la Compagnie du 24 juin 1758 au 11 avril 1759 (Aix-en-Provence).
Joseph Clément de Reims – Déserté le 26 avril 1760.
Jean Dantue de Paris.
Gilles Goyé de Bayeux.
Jean Noldin de Bruxelles.
AN Marine
C7 40 –Dossier individuel de Jacques Marie Boudin de la Nuguy de Tromelin.
Pièce 6 – Avance d’argent pour se rendre à la Cour.
Pièce 8 – Gratification de 1200 livres.
Pièce 9 – Attribution de la Croix de Saint-Louis.
Pièce 10 – Autorisation de mariage.
Pièce 11 – Demande d’admission à la retraite.
Pièce 12 – Contrat de mariage.
Pièce 15 – Extrait d’acte de naissance de Jacques Marie.
Pièce 16 – Acte de décès.
Pièce 20 – Liquidation des droits et reprises matrimoniales de sa veuve.
Pièce 27 – Lettre de réclamation de sa veuve.
271
Tromelin. Mémoire d’une île
AN – Colonies
C2 – Biographie sommaire de Jacques Marie Boudin de Tromelin.
C4 39 – Correspondances de Maillard Dumesle, Intendant des Isles de France et Bourbon au Ministre de la Marine. 1775, f° 463 du 6 juin
1775.
C5A 5 n°89, du 6/12/1775 – Facture des effets, vivres et munitions chargés par ordre de Maillard Dumesle sur la corvette La Dauphine pour
être remis à Madagascar au baron de Benyowszky.
C5A 6 n°27, du 7/1/1776 – Ordre du baron de Benyowszky au chevalier de Tromelin, de recevoir à son bord le Sr. Le Certain officier
volontaire de Benyowszky se rendant à l’île de France chargé des lettres destinées à la cours.
C5A 6 n°31, du 16/2/1776 – Arrivée à l’île de France de la Dauphine porteuse de la demande de fusils formulée par Benyowszky.
C5A 8 n°82, du 8/9/1777 – Passage de la Dauphine et de la Créole à Foulpointe.
C5A 8 n°86, du 1/10/1777 – Nouvelles de Madagascar apportées par la Dauphine (Révolte des volontaires à Foulpointe).
AN de l’île Maurice
OC 16 – Rôle d’équipage du cotre le Lézard, capitaine Tromelin, venant de Lorient (1773).
OC 13 – Rôle d’équipage de la frégate La Pourvoyeuse, Cap de Ruitter et Tromelin, en croisière dans la mer des Indes (1781/1783).
Castellan du Vernet
AN – Colonies
FM – E 65 (à Aix-en-Provence). Supplique au Ministre de la Marine, Mr. de Sartines, pour obtenir un grade, non datée.
Nomination du père de Barthelemy Castellan du Vernet, au commandement des certains cantons du Languedoc, daté de 1711.
Copie du certificat signé par l’équipage de l’Utile daté du 29 novembre 1761.
Copie du Certificat signé par les Directeurs de la Compagnie des Indes du 18 juin 1763.
AN – Marine
B4 118
f° 242 et 243 – Lettre de Castelan du Vernet à Mr de Boynes datée du 14 septembre 1772.
f° 243 – Réponse de de Boynes datée du 23 septembre à Versailles.
f° 241 – Lettre de Castelan du Vernet à Mr de Boynes datée du 29 septembre 1772.
Dubuisson de K’Audic
AN – Colonies
FM – E 142 (Aix-en-Provence)
Lettre de Dubuisson de Keraudic, datée du 16 octobre 1769, demandant un embarquement.
272
Index des noms
Actif 31–34 Favorite 67, 89, 95 Pourvoyeuse 251, 256, 257, 258, 259,
Adour 21 Foch 163, 170 261
Africain 250 Forbin 152 Prévoyante 22, 68, 95
Annibal 41, 247, 256 Gallieni 144, 145, 146 Prince de Conti 240
Ardent 247 Gros Ventre 252 Protet 161, 167
Argus 251, 256, 261 Illustre 31 Provençal 154, 155
Asia 257, 258 Jaureguiberry 152 Providence 29, 50, 177, 226, 237
Atalante 11, 12, 241, 243 Jeanne d’Arc 117, 130, 205 Rieuse 171
Atieth Rahamon 8, 77, 78, 80, 85, 86, Koryo Maru 38 171 Roland 252
87, 89, 93, 98, 103, 104, 194 La Bourdonnais 152 Saint-Benoît 19
HMS Barracouta 65, 66, 144 Lapérouse 142, 169 Sainte-Reine 251, 254
Bellone 256 HMS Leven 65 Saint-Michel 251
Berryer 52 Lézard 250, 251, 252, 254 Sauterelle 43, 56, 251, 254
Bridgewater 64, 68 Locko 256, 257 Seine 152
Brillant 258 Lys 53 Sensible 250, 251, 261
HMS Castor 71, 95 Marion Dufresne 205, 207, 223, 224 Shah Byramgore 257
Cerf 19, 89 Marius Moutet 111, 117, 118, 119, 120, HMS Shearwater 61, 78, 91, 92, 95
Chameau 55 129, 134, 135, 137, 138, 140 Shokyu Maru 38 171
Champlain 162 Mascareignes II 150, 151 Silhouette 33, 34, 40, 53
Chevalier Marin 23, 240 Minotaure 31 Sirenne 241
Clémenceau 152 Nécessaire 251 Sirius 95
Comte de Provence 55 Nivose 171 Subtile 251, 256
Coureur 254 Norge 245, 250, 260, 261 Sylphide 44, 52, 251, 256, 261
Créole 254 Normande 21 Terpsichore 247
Dauphine 8, 43, 44, 56, 57, 59, 60, 94, Oiseau 252 Vengeur 30, 258
250, 251, 252, 253, 254, 256, 261 Oriflamme 241 Vierge du Cap 121
Diane 7, 11, 12, 13, 14, 17, 19, 23, 24, Osterley 251, 257, 258, 259, 261 Vityaz 148, 149
25, 64, 71, 239, 241, 242, 243, 244 HMS Owen 144 Zodiaque 31
Diligent 63, 64, 270, 273 HMS Pantaloon 69, 95, 211
Essex 68, 257 Pintade 57, 58, 251, 254, 255
273
Tromelin. Mémoire d’une île
Charrié-Duhaut, Armelle 231 de Kerguelen-Trémarec, Yves 252 Paulian, Renaud 110, 112, 113, 116,
Chaunu, Jean-Paul 144 Lafumas, Arnaud 78, 174 153, 208
Chedhomme 114, 117, 118, 120, 121, de Lapelin Dumont, Able 109 père Cattala, Louis 142
123, 126, 127, 132 Laplace, Cyrille, Pierre, Théodore 65, Père Coronelli 14
Cohu, Pascal 174 67, 89, 95 Petit de la Rhodière, Guy 139, 144,
Connan, Jacques 231 Laroulandie, Véronique 4, 186, 224, 148, 149, 151, 152, 164
Dalleau, Jean-Michel 166, 174, 188, 231, 235 Pinaud, David 168
207, 208, 224 La Salle, Jacques 11 Abbé Pingré 35
Decary, Raymond 208 Lavoipierre, François 109 Poux, André 123, 124
Delasselle, O. 85, 89 Lawson, Peter 256, 257 Préjean 19
Desforges-Boucher, Antoine Marie Layard, Edgar Leopold 71, 72, 95, 186, Quillet, Jacques 78, 154, 162
22, 33, 34, 44 236 Ransan, Lauren 224
Dubuisson de Keraudic, Hilarion Lebreton, Louis 109 Rasoarifetra, Bako 211, 212, 224, 231
Pierre 22, 27 Lecarrieu, Jean 110, 111, 112, 115, 116 Ravet, Jacques 110
Dumont d’Urville 95 Le Corre, Matthieu 168 Rebeyrotte, Jean-François 78, 174, 188,
d’Epinay 56 Le Diouguel, Marie Françoise Jac- 211, 212, 224
Ethève, Gérard 145, 146, 149, 161 quette 246, 248 Robain, Philippe 111, 118
Ethève, Patrick 174, 207 Lefèvre, Christine 4, 222, 231, 235 Abbé Rochon 44
Faure, Gérard 176, 177 Le Floch de la Carrière 53 Rogers, Samuel 257, 259
Ferron du Quengo 252, 254 Le Gall, Jean Yves 157 Romon, Thomas 4, 33, 123, 174, 182,
Fontaine, Christian 210 Legeais, Alain 97, 111, 112, 117, 118, 188, 189, 193, 195, 211, 212, 213,
Fontaine, Jean-Claude 149, 160 119, 121, 122, 123, 124, 126, 130, 216, 224, 225, 226, 227, 235
Fontaine, Joël 167 133, 134, 173, 208 Royer, Aurélien 222
Froger de l’Eguille, Michel Joseph 22 Le Gentil de la Galaisière 19, 22, 24, Ruas, Marie-Pierre 210, 231
Frolow, Serge 110, 112, 115, 117, 118, 51, 52 de Saint-Georges 55
119, 123, 130, 140 Legoarant de Tromelin, François 246 De Saulx de Rosnevet 252
Fuma, Sudel 174, 188 Le Housel, Guillaume 12, 239, 241 Saussus, Lise 231
Gast d’Hauterive, Jacques 11 Le Page 57, 58 Savoia, Sylvain 188, 195, 219
Gérard, Marc 145, 146, 149, 151, 161 Levasseur, Olivier 110, 121 Seguy, Eugène 113
Géricault, Théodore 65 Lislet Geoffroy, Jean Baptiste 51, 52, Serrand, Nathalie 231
Gigord, Luc 210 65, 94, 95 Servais de la Villecollet, Jean-Baptiste
Girardin, Brigitte 171 Lombaert, Raphaël 110 Julien Nicolas 63, 64
Goos, Pieter 241, 242, 243 Lombard, Philippe 160 Staub, France 153, 208
Gottsche, Hans Olsen 260 Lormée, Hervé 168 Thomas, Nicolas 231
Guérout, Zineb 2, 211, 212, 223 Lucas, Auguste 131 Thornton, John 242
Guesnon, Joe 4, 174, 176, 188, 211, Magon de la Villebague 19 Tournois, Philippe 169, 211, 224
212, 224 Malick, Marcel 145 Toussaint, Auguste 63, 245
Guiran La Brillanne 56, 58 Mamet, Joseph Raymond 113 de Trehoüart de Beaulieu 55
Guttierez, Simon 224 Mansel, Fréderic 166 Trendel, Raymond 129
Herisson 15 Marriner, Nick 4, 188, 189, 190, 193 Trotter, Henry Dundas 71, 95
Hickey, William 258 de Maurepas 17, 18, 19 Turcat, André 155, 156
Hoarau, Laurent 188, 196 Mengaud de la Hage 56, 254 Turcat, Jean-Noël 156
Hoarau, Yoland 153 Morin, Jacques 158, 174 Van Keulen, Joannes 14, 19
Hoareau, Emile 147 Morphey, Corneille Nicolas 19, 26, Velleyen, Yoland 223
Hodges, Samuel 8, 79, 80, 81, 85, 86, 64, 89 Von Arnim, Yann 78, 188
88, 89, 98 Morris, Arthur 144, 257 Wharton, W.J.L. 91, 92
Horsburgh 64, 68, 71, 74, 81, 88, 94 Mortier, Pierre 15 Zinsius, Gaston 163
Hughes, Edward 68, 259 Mouret, Joël 99, 101, 173, 174, 188 Zitte, Guy 147, 155, 167
Jehenne, Aimable Constant 22, 64, 68, Nouschi, Marc 223 Zuber, Christian 148, 149, 150
94, 95, 244 Owen, W.F.W. 65, 94, 95, 144
Jouanny, Marc 117, 118, 121, 129, 130 Parker, Hyde 69
274
Index des noms de lieux
Angontsy 140
Calicut 11, 12
Fénerive 187
Foulpointe 23, 27, 29, 31, 32, 34, 45,
50, 254
Ivato 123, 143, 152, 161
Juan de Lisboa 15
Manakara 135
Rodrigue 11, 22, 35, 55, 71, 91, 251
Santa Apolonia 15
Seychelles 19, 65, 68, 162
Glossaire nautique
Accore – Escarpé, se dit d’une côte ou d’une roche qu’on peut approcher à petite distance.
Ancre à jet – Ancre de petite dimension, utilisée comme point fixe en mer pour faciliter une manœuvre de halage ou
d’évitage.
Azimut – En navigation, angle que fait dans le plan horizontal la direction d’un objet et le nord.
Barreau (pour barrot) – Pièce de charpente transversale soutenant les ponts.
Bonnette – Voile carrée s’adaptant à l’extérieur des voiles carrées principales pour en augmenter la surface.
Bout-dehors – Sorte de petite vergue qui s’adapte à l’extrémité d’une vergue pour en augmenter la longueur.
Brasser à culer – Brasser veut dire agir sur des cordages (bras) de manière à faire pivoter les vergues. Brasser à culer s’est
agir sur les vergues de manière que les voiles reçoivent le vent sur leur face arrière et fassent reculer (culer) le bâtiment.
Brick – Bâtiment gréé à deux mâts (grand-mât et mât de misaine).
Brûlot – Navire rempli de matière inflammable, destiné à incendier les navires ennemis en brûlant lui-même.
Calfatage – Action de calfater la coque d’un bâtiment. Il s’agit de boucher les joints entre les planches de la coque (les bor-
dages) du navire avec du chanvre et du goudron.
Carcasse – Epave.
Caronade – Pièce d’artillerie dont la chambre de culasse a un diamètre inférieur à celui du boulet qu’elle tire. Pièce légère,
moins encombrante qu’un canon, tirant à faible distance.
Chouque de beaupré – Forte pièce de bois, solidement fixée à l’extrémité du beaupré servant à adapter le bout-dehors.
Clipper – Bâtiment solide et très rapide construit en Angleterre au xixe siècle pour assurer le commerce du thé.
Corvette – Bâtiment de guerre à trois mâts, fin, léger et bien voilé, portant entre 20 et 30 bouches à feu.
Courbe de bau – Pièce de charpente courbe servant à relier les baux ou barrots à la muraille (coque).
Dalot – Trou garni de plomb pratiqué dans la muraille au niveau du pont pour permettre l’écoulement de l’eau (lavage,
pompes d’épuisement et paquets de mer) vers l’extérieur.
Droite de hauteur – Droite tracée sur la carte après observation de la hauteur au-dessus de l’horizon du soleil ou d’une
étoile. Cette droite est le lieu des points du globe terrestre où l’astre observé a la même hauteur.
Gabarre – Bâtiment de charge ou de transport pouvant comporter jusqu’à trois mâts.
Gaillard – Partie du navire se trouvant à une extrémité du pont supérieur : le gaillard d’arrière est en arrière du grand mât,
le gaillard d’avant est en avant du mât de misaine.
Goélette – Petit navire à deux mâts entre 50 et 100 tonneaux, gréé pour bien remonter au vent.
Flûte – Bâtiment de charge, destiné au transport de matériel, servant parfois dans la marine de guerre de navire hôpital.
Jack – Nom par lequel on désigne un matelot dans la marine anglaise.
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Tromelin. Mémoire d’une île
Kroomen – Les Kroomen, ou Krumen, appartiennent à un groupe ethnique vivant principalement sur les côtes du Libéria
et de la Côte d’Ivoire. Ils commencent dès le xviiie siècle à travailler sur les navires européens. Au xixe siècle ils sont
couramment embarqués sur les bâtiments naviguant le long des côtes.
Lascars – Vient du persan Lashka, au xixe siècle désigne un marin indien.
Lieue marine – Ancienne mesure de longueur valant le vingtième d’un degré d’un grand cercle de la terre soit 5 555 m.
Muraille – Tout ce qui constitue l’épaisseur de la coque (bordage et membrure) depuis la flottaison jusqu’au plat bord.
Palle – Navire en usage sur la côte de Malabar, ayant un faible tirant d’eau, il peut comporter suivant les cas jusqu’à trois mâts.
Pavois – Bordage cloué sur des supports plus élevés que le plat-bord.
Penture de gouvernail – Ferrures fixées sur l’étambot et sur le gouvernail assurant la rotation du gouvernail au moyen
d’une charnière.
Perrier – Petit canon monté sur une fourche solidaire d’un pivot introduit dans le plat-bord.
Scier – Agir sur les avirons d’une embarcation de manière à la faire reculer.
Sloop – Petit navire à voile à un mât gréé pour bien remonter au vent.
Syrang – Chef d’un équipage de lascar (voir ce mot).
Tillac – Pont.
Virer – Faire tourner la poupée d’un treuil ou un cabestan sur lequel un cordage est enroulé, de manière à l’amener à bord.
Dévirer : exécuter la manœuvre inverse.
Abréviations
276
Remerciements
C’est tout au long d’une dizaine d’années que les données contenues dans ce livre ont été glanées et rassemblées,
d’abord pour recueillir les informations concernant l’histoire de l’Utile, son naufrage et la survie des naufragés,
puis pour mieux connaître les évènements ayant pu laisser des traces sur le site des fouilles archéologiques :
naufrages, installation et vie de la station météorologique en particulier.
Je remercie vivement ceux qui m’ont guidé dans mes recherches ou m’ont aidé amicalement à rassembler les
documents d’archives dispersés en de nombreux endroits : Gilles Bancarel, Norbert Benoît, Sébastien Berthaut-
Clarac, Claude Clergue, Joe Guesnon, René Estienne, Bernard Harnie-Cousseau, Philippe Haudrère, Cyril
Hofstein, Anne Joyard, Stéphane Launay, Arnaud Lafumas, François Le Goarant de Tromelin, Gérard Nicolle,
Bako Rasoarifetra, Jean-François Rebeyrotte, Yann Von Arnim en particulier.
J’exprime aussi toute ma gratitude aux techniciens et aux aides de Météo-France qui m’ont décrit la vie sur l’île
et confié leurs souvenirs et leurs photographies : Gilles Boue, Jean-Michel Dalleau, Joël Mouret, Guy Petit de la
Rhodière, Christophe Perrier, Jacques Quillet.
Je remercie les pilotes qui m’ont permis de mieux comprendre comment ont été assurées les liaisons aériennes
avec l’île, ce qui n’a pas été une mince affaire à reconstituer : Michel Ego, Gérard Ethève, Gaston Zinzius,
Je suis reconnaissant envers les scientifiques qui m’ont fourni les données concernant leurs spécialités :
J. Bourgea, S. Ciccione, Luc Gigord, Bruno Le Corre ; ainsi que le service historique du service hydrographique
du Royaume-Uni (UKHO) qui nous a autorisé à utiliser gratuitement ses documents inédits.
Au-delà de la conception de ce livre, je tiens à nouveau à remercier l’UNESCO et le Comité national pour la
mémoire et l’histoire de l’esclavage qui nous ont accordé leur parrainage ; les institutions et les organismes qui
ont assuré le financement des recherches historiques et archéologiques du programme « Esclaves oubliés » :
l’UNESCO, la DRAC de l’océan Indien, le Conseil Régional de La Réunion, le Conseil Général de La
Réunion, la fondation d’entreprise Groupe Banque Populaire, la Fondation du Patrimoine, La Commission
de l’Océan Indien, l’INRAP ; les services de l’état et les organismes qui depuis le commencement de cette
aventure nous ont accordé leur support administratif et logistique : Forces armées dans la zone Sud de l’océan
Indien, les Terres Australes et Antarctiques Françaises, Météo-France La Réunion.
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Tromelin. Mémoire d’une île
Crédits
Chap. 1 : 1 : BNF, 2 : GRAN, 3 : GRAN, 4 : GRAN, 5 : Stanford University, 6 : GRAN. Chap. 2 : 1 : BNF/GRAN, 2 : GRAN, 3 :
GRAN, 4 : GRAN, 5 : AN/GRAN. Chap. 3 : 1 : Musée national de la Marine/GRAN, 2 : AN/GRAN, 3 : M. Guérout (MG)/GRAN.
Chap. 4 : 1 : SHD Lorient. Chap. 6 : 1 : AN/GRAN, 2 : AN/GRAN ; Chap. 7 : 1 : AN/GRAN, 2 : BNF, 3 : BNF, 4 : BNF, 5 : BNF.
Chap. 8 : 1 : AN/GRAN, 2 : GRAN, 3 : GRAN. Chap. 9 : 1 : AN Maurice/GRAN. Chap. 10 : 1 : GRAN, 2 : GRAN, 3 : Government
Art Collection London, 4: United Kingdom Hydrographic Office , 5: United Kingdom Hydrographic Office, 6 : Musée national de la
Marine. Chap. 11 : 1 : s. d., 2 : GRAN/MG, 3 : s. d., 4 : South African Museum, 5: G. Berger, 6 : G. Berger, 7: GRAN/MG, 8: GRAN/
MG, 9: GRAN/MG, 10: GRAN/MG, 11: GRAN/MG. Chap. 12 : 1 : GRAN/MG, 2 : GRAN/MG, 3 : J. Quillet, 4 : J. Mouret.
Chap. 13 : 1 : s. d., 2 : United Kingdom Hydrographic Office, 3 : GRAN, 4 : United Kingdom Hydrographic Office, 5 : GRAN, 6 :
GRAN. Chap. 14 : 1 : GRAN, 2 : A. Legeais, 3 : GRAN/MG, 4 : GRAN/MG, 5 : GRAN/MG, 6 : GRAN/MG, 7 : GRAN/MG, 8 :
GRAN/MG, 9 : Crothers, 10: GRAN/MG, 11: s. d. , 12: GRAN/MG, 13: GRAN/MG, 14: GRAN/MG, 15: GRAN/MG, 16: GRAN/
MG, 17: GRAN/MG. Chap. 15 : 1 : Archives Météo-France, 2 : MAMET, 3 : AN ; 4 : Archives Météo-France, 5 : AN, 6 : Revue de
Madagascar. Chap. 16 : 1 à 7 : Album Chedhomme, 8 : Almanach du Pèlerin, 9 : Chedhomme, 10 : Chedhomme, 11 : Musée de l’Air,
12 : TAAF, 13 : Armée de l’air, 14 : s. d., 15 ; s. d., 16 : Ph. Roulois, 17 : Ph. Roulois, 17 : Ph. Roulois, 18 : Chedhomme, 19 : TAAF,
20 : Elgache Y., 21: GRAN/MG. Chap. 17 : 1 : s. d., 2 : s. d., 3 : TAAF, 4: GRAN, 5: GRAN/MG, 6: GRAN/MG, 7 : Musée de l’air,
8 : Cattala /Archives Météo-France, 9 : Cattala/Archives Météo-France, 10 : A. Legeais, 11 : P. Platon, 12 : P. Platon, 13 : P. Platon, 14 :
GRAN/MG. Chap. 18 : 1 : G. Petit de la Rhodière, 2 : G. Petit de la Rhodière, 3 : GRAN/MG, 4 : G. Petit de la Rhodière, 5 : Marine
nationale, 6 : SHOM, 7 : G. Petit de la Rhodière, 8 : s. d., 9 : G. Petit de la Rhodière, 10 : Cdt. Petrelluzzi, 11 : Cdt. Petrelluzzi, 12 : G. Petit
de la Rhodière, 13 : Archives Météo-France, 14 : TAAF, 15 : G. Petit de la Rhodière, 16 : Archives Météo-France, 17 : GRAN/MG, 18 :
World Ocean Museum, 19: C. Zuber, 20: C. Zuber, 21: s. d., 22: GRAN/MG, 23: G. Petit de la Rhodière, 24 : G. Petit de la Rhodière,
25 : G. Petit de la Rhodière, 26 : Y. Hoarau, 27 : Y. Hoarau, 28 : J. Quillet, 29 : J. Quillet, 30 : MG, 31 : A. Turcat, 32 : A. Turcat, 33 :
D. Witherington. Chap. 19 : 1 : GRAN/MG, 2 : GRAN/J. Morin, 3 : GRAN/MG, 4 : Kelonia/IFREMER, 5 : Météo-France, 6 : Météo-
France, 7 : G. Petit de la Rhodière, 8 : s. d., 9 : Archives Météo-France, 10 : G. Zinzius, 11 : Météo-France, 12 : Archives Météo-France,
13 : Archives Météo-France, 14 : Archives Météo-France, 15 : Archives Météo-France, 16 : Météo-France, 17 : NOOA/MODIS (NASA),
18 : Marine nationale, 19 : GRAN/MG, 20 : Ph. Tournois, 21 : s. d., 22 : SHOM, 23 : TAAF, 24: GRAN/MG, 25: GRAN/J.-M. de
Bernardy. Chap. 20 : 1 : GRAN/J.-M. de Bernardy, 2 : GRAN/MG, 3 : GRAN/J. Morin, 4 : Bouchon, Faure, 5 : GRAN/J.-F. Rebeyrotte,
6 : GRAN/J.-F. Rebeyrotte, 7 : GRAN/MG, 8 : GRAN/MG, 9 : GRAN/A. Lafumas, 10: GRAN/A. Lafumas, 11 : GRAN/MG, 12:
T. Romon, 13 : T. Romon, 14 : GRAN/MG, 15 : GRAN, 16 : GRAN/MG, 17 : H.L. Blackmore, 18 : GRAN/J.-M. de Bernardy, 19 :
GRAN/J.-M. de Bernardy, 20 : GRAN/J.-M. de Bernardy, 21 : J. Boudriot, 22 : GRAN/MG, 23 : GRAN/MG, 24 : GRAN/MG, 25 :
GRAN/MG, 26 : GRAN/J.-M. de Bernardy, 27 : GRAN/J.-M. de Bernardy, 28 : GRAN/MG, 29 : GRAN/J.-M. de Bernardy, 31 :
GRAN/MG. Chap. 21 : 1 : Météo-France, 2 : GRAN, 3 : N. Marriner, 4: N. Marriner, 5: N. Marriner, 6 : Marine nationale, 7 : GRAN/
MG, 8 : N. Marriner, 9 : Météo-France, 10 : N. Marriner, 11 : Marine nationale, 12 : T. Romon et alii, 13 : J.-F. Rebeyrotte, 14 : L. Hoarau,
15 : J.-F. Rebeyrotte, 16 : J.-F. Rebeyrotte, 17-01 : L. Hoarau, 17-02 : L. Hoarau, 18 : L. Hoarau, 19 : L. Hoarau, 20 : L. Hoarau, 21-
01 : L. Hoarau, 21-02 : GRAN/MG, 21-03 : L. Hoarau, 22-01 : L. Hoarau, 22-02 : L. Hoarau, 22-03 : L. Hoarau, 23-01 : L. Hoarau,
23-02 : L. Hoarau, 23-03 : L. Hoarau, 24-01 : L. Hoarau, 24-02 : L. Hoarau, 25 : GRAN/MG, 26 : LC2R, 27 : GRAN/MG, 28-01 :
L. Hoarau, 28-02 : L. Hoarau, 29 : L. Hoarau, 30 : L. Hoarau, 31 : L. Hoarau. Chap. 22 : 1 : s. d., 2 : s. d., 3 : SHOM, 4 : SHOM, 5 :
SHOM, 6 : s. d., 7 : Gisembergh, 8 : GRAN, 9 : GRAN, 10: J.-F. Rebeyrotte, 11: GRAN/MG, 12: C. Fontaine/CBM ; Chap. 23 : 1 :
GRAN/J.-F. Rebeyrotte, 2 : GRAN/MG, 3 : GRAN/J.-F. Rebeyrotte, 4 : GRAN/MG, 5 : GRAN/MG, 6 : T. Romon, 7 : N. Marriner, 8 :
GRAN/MG, 9 : GRAN/J.-F. Rebeyrotte, 10 : GRAN/T. Romon, 11 : GRAN/T. Romon, 12: T. Romon, 13 : GRAN/J.-F. Rebeyrotte,
14 : GRAN/J.-F. Rebeyrotte, 15 : S. Savoia, 16 : GRAN/MG, 17 : GRAN/MG, 18 : GRAN/J.-F. Rebeyrotte, 19 : J. Boudriot, 20 :
J. Boudriot, 21 : GRAN/J.-F. Rebeyrotte, 22 : GRAN/MG, 23 : GRAN/J.F. Rebeyrotte, 24 : GRAN/MG, 25 : GRAN/J.-F. Rebeyrotte,
26 : GRAN/J.F. Rebeyrotte, 27 : GRAN/MG, 28 : GRAN/J.-F. Rebeyrotte. Chap. 24 : 1 : GRAN/MG, 2 : Nelly Gravier, 3 : s. d., 4 :
T. Romon, 5 : T. Romon, 6 : T. Romon, 07-01 : T. Romon, 07-02 : T. Romon, 8 : GRAN/J.-F. Rebeyrotte, 9 : GRAN/J.-F. Rebeyrotte,
10 : GRAN/J.-F. Rebeyrotte, 11 : GRAN/J.-F. Rebeyrotte, 12 : GRAN/J.-F. Rebeyrotte, 13 : GRAN/MG, 14 : GRAN/MG, 15-janv :
GRAN/MG, 15-févr : GRAN/J.-M. de Bernardy, 16 : GRAN/J.-F. Rebeyrotte, 17 : GRAN/J.-F. Rebeyrotte, 18-01 : GRAN/MG, 18-
02 : GRAN/MG, 19 : GRAN/MG, 20 : GRAN/MG ; Annexe 1 : 1 : GRAN, 2 : BNF ; Annexe 2 : 1 : GRAN, 2 : GRAN, 3 : AN, 4 :
GRAN, 5 : AN Maurice, 6 : AN, 7 : GRAN, 8 : D.K. Bassett, 9 : AN Maurice, 10 : AN.
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