Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Ce qu’on ne fera pas : on ne réfléchira pas à ce qu’il faut faire pour mieux promouvoir l’Europe.
La question du cours : Pourquoi, à un moment donné, des acteurs se disent qu’il faut faire qqch
pour promouvoir l’Europe et qu’on a un problème de légitimation de l’UE ?
La préoccupation de Jean Monet n’était pas d’embarquer les masses à la base, même si on sort
de la guerre et de la propagande (et pas forcément totalitaire).
Comment faire exister l’ordre du discours ? Cf. Foucault, sa leçon inaugurale au Collège de
France. C’est ce pourquoi on se bat, et pour qu’on se batte sur l’ordre du discours, il faut aussi
des acteurs et des promoteurs, une matérialité de ce discours. La matérialité se définit par
des lignes budgétaires, des ministères, du droit… qui permettent de dire qu’on a le droit de
parler au nom des autres.
1
Pour aller un peu vite.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
Bibliographie
Aldrin P., Hubé N., Ollivier-Yaniv C., Utard J.-M., dirs., Les médiations de l’Europe politique,
Presses universitaires de Strasbourg, 2014 : comment différents acteurs et différentes politiques
publiques communiquaient.
Aldrin P., Hubé N., dir., « L’Etat participatif », Gouvernement et Action Publique, 2, 2016
Bartolini S., Restructuring Europe. Centre formation, system building and political structuring
between the nation state and the European Union, Oxford, Oxford University Press, 2005.
Best H., Lengyel G., Verzichelli L. (Ed.), The Europe of Elites. A Study into the Europeanness
of Europe's Economic and Political Elites, Oxford University Press, 2012.
Cerutti F., Lucarelli S. (eds.), The Search for A European Identity. Values, policies and
legitimacy of the European Union, London, Routledge, 2008.
Checkel J., Katzenstein P. (eds.), European Identity, Cambridge, Cambridge University Press,
2009.
Deutsch K., Nationalism and social communication, Cambridge MA, MIT Press, 1st edition
1953, 2nd. 1966.
Diez Medrano J., Framing Europe. Attitudes to European Integration in Germany, Spain and
the United Kingdom, Princeton, Princeton University Press, 2003
Fligstein N., Euroclash. The EU, European identity and the future of Europe, Oxford, Oxford
UP, 2008.
Foret F., Légitimer l’Europe. Pouvoir et symbolique à l’ère de la gouvernance, Paris, Presses
de Sciences Po, 2008
Foret F. (dir.), L’espace public européen à l’épreuve du religieux, Bruxelles, Editions de
l’Université de Bruxelles, 2007
Gaxie D., Hubé N., De Lassalle M., Rowell J., dirs. L'Europe des Européens. Enquête comparée
sur les perceptions de l'Europe, Paris, Economica, 2010 : à la suite des débats sur le TCE.
Kuhn T., Experiencing European Integration: Transnational Lives and European Identity,
Oxford, Oxford University Press, 2015.
Picard Robert, Ed., The Euro Crisis in the Media: Journalistic Coverage of Economic Crisis
and European Institutions, Reuters Challenges Serie, I.B. Taurus & Co Ltd, London/New-York,
2015.
Krankenhagen S., Kaiser W., Poehls K., Eds., Exhibiting Europe. Transnational Networks,
Collections, Narratives, and Representations. Oxford: Berghahn, 2014.
Risse T., A Community of Europeans?, Ithaca: Cornell University Press, 2010.
Schrag Sternberg Cl., The Struggle for EU legitimacy. Public Contestation 1950-2005, London,
Palgrave Macmillan, 2013.
Van Ingelgom C., Integrating Indifference. A Comparative, Qualitative and Quantitative
Approach to the Legitimacy of European Integration, London, ECPR Press, 2014.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
Chapitre 1 : Légitimer l’Europe
Ce chapitre est un chapitre historique : la communication européenne s’ancre dans une
historicité très longue et beaucoup de choses se jouent dès 1950. Il y a des chemins de
dépendance (path dependency) dans les politiques européennes qui se posent dès 1950.
En 1950, l’UE est à un état préhistorique. Il est tout à fait possible qu’elle n’aboutisse pas à ce
moment-là. Mais il y a déjà des acteurs, des enjeux et du budget pour la communication, à
un moment où, parallèlement, la France refuse de le faire pour elle-même (la communication
d’Etat patauge parce que l’on parle de propagande, que l’on est dans un régime parlementaire,
etc.). Or, si on donne à une institution les moyens de faire les choses, il est difficile de les lui
retirer par la suite.
A l’heure des séries très bien montées, la communication européenne semble, aux yeux
des analystes, plutôt digne d’une série B, tant on a des personnages moins bien montés (on a
l’impression que c’est une série peuplée de seconds rôles sur le retour). Pour autant, ce qui est
intéressant quand on s’y penche, c’est que l’UE a plutôt été en avance en matière de
communication.
Ainsi, quand Emmanuel Macron est élu en 2017, il lance l’idée des consultations
citoyennes sur l’Europe (mobiliser les citoyens pour l’UE)2. Mais à Bruxelles, ça a fait rire : la
Commission a déjà mis en place :
– Les ICE (initiatives citoyennes européennes) : « L’initiative citoyenne européenne
vous donne l’occasion unique de participer à la construction de l’Union européenne en
demandant à la Commission européenne de proposer de nouvelles législations. Dès
qu’une initiative atteint la barre du million de signatures, la Commission doit décider de
l'action à entreprendre » (source : UE)
– Les ECC (European citizens’ consultations) avaient lieu entre 2005 et 2007 : « Les 10
et 11 mars 2007 a eu lieu à Canach une délibération entre 45 citoyens résidant au
Luxembourg dans le cadre de la European Citizens’ Consultations. La European
Citizens’ Consultations était le premier débat paneuropéen impliquant simultanément
des citoyens des 27 États membres de l’Union européenne au-delà des frontières
linguistiques et géographiques. Ce projet de recherche est issu d’une convention avec la
Commission européenne dans le cadre du plan D (Démocratie, Dialogue et Débat) lancé
en octobre 2005. » (source : Luxembourg)
– Un programme de démocratie participative depuis 2017.
2
Discours du 26 septembre 2017 sur l’Europe. En France, 1 082 consultations se sont déroulées entre le 17 avril
et le 31 octobre 2018. Portées par des associations, des écoles, des institutions ou des particuliers, elles ont
réuni près de 70 000 participants. Au total, 97 des 101 départements français ont participé aux consultations
citoyennes. 400 communes ont organisé une ou plusieurs consultations citoyennes. Source : vie publique.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
En somme, ce qui était le génie de 2017 avait 10 ans de retard et aucun journaliste
politique ne l’a soulevé.
Cette tension est renforcée par un double discours/récit qui vient en permanence tamponner les
politiques publiques qui sont menées :
– D’un côté, une vision de l’UE comme la légitimation par les outputs (les résultats) :
l’Europe marche parce qu’elle garantit la paix, la prospérité… Mais c’est pas très
glamour sauf pour les européistes et ce n’est plus aussi facile / vrai aujourd’hui (difficile
de parler de prospérité économique quand on est en crise depuis 2008, ou de parler de
la success story de la politique agricole quand on voit les soucis chez les agriculteurs…).
L’Europe par les résultats est une trame de fond très forte dans la conduite des
politiques publiques mais peine à être expliquée et n’est pas très vendeur.
– De l’autre côté, à l’inverse, la recherche d’un soutien populaire qui serait la
légitimation par les inputs : comment des citoyens se mobilisent pour défendre un
projet commun de vie en société.
Quels sont les symboles, autour de quoi se raccrocher pour l’Europe ? Il est très difficile de se
mettre d’accord sur un drapeau (le drapeau vient du Conseil de l’Europe), idem pour l’hymne.
Ces symboles font toujours l’objet de discussions et de tensions (sur les racines judéo-
chrétiennes de l’Europe, sur les frontières, sur la devise…).
Dans la théorie intergouvernementale : Ces approches prêtent assez peu d’intérêt aux intérêts
des citoyens. Elles considèrent que c’est de la négociation entre EM, les allégeances
nationales restent et on n’a pas à chercher une allégeance supranationale. C’est
fondamental dans les communications nationales : le poids d’un Etat dans l’UE. Un grain de
sable dans l’équation avec lequel on est obligé de composer. Il y a une petite tension interne
aux institutions européennes : entre Commission/Parlement d’un côté (institutions
supranationales) et Conseil de l’UE/Conseil européen de l’autre (institutions
intergouvernementales).
A partir du moment où la littérature commence à écrire sur ces théories, les institutions
européennes s’y intéressent et y réfléchissent : c’est par ce biais qu’elles vont se dire, par
exemple, qu’il faut une maison d’histoire de l’Europe. Le nationalisme n’est pas qqch qui se
décide par en haut, mais aussi une communauté imaginée (cf. Benedict Anderson), il faut se
retrouver autour de symboles et d’une histoire. Ces approches théoriques ont donc des
répercussions dans les travaux menés par la Commission.
3
Vient du « banal nationalism »
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
même s’ils ne voient pas l’intérêt de l’UE ils laissent faire. Traverse l’UE jusqu’aux 1980’s
et aux premières élections européennes (notamment 1994), aux débats autour de Maastricht :
on se rend compte que les gens ne votent plus, qu’en France, acteur historique de l’intégration,
le traité passe à quelques votes près… il y a un problème. Avec les premiers élargissements,
avec l’intégration du UK, il y avait déjà un premier sursaut sur le fait que l’opinion ne suit pas
naturellement) à un dissensus contraignant (l’intégration européenne ne va plus de soi). Il
faut changer la conduite de l’UE en matière de communication européenne, d’action
publique et il faut changer le travail de conviction sur l’opinion.
« L’Europe, quel numéro de téléphone ? » Cette question, fictive ou réelle que l’on prête à
Kissinger, s’est effectivement posée dans les institutions européennes, mais plutôt de la manière
suivante : sur quel bureau installer le téléphone ?
Si on veut mener une politique de communication, si on veut dire l’Europe, il faut savoir
qui a le droit de dire. C’est une question qui parait très théorique, mais ce sont des questions
que se sont posées les institutions européennes dès le départ. Qui peut parler au nom des
Européens ?
Quand on mène une politique, quelle qu’elle soit, on agit toujours au nom du peuple,
des intérêts supérieurs d’un pays, ou on conteste. Mais dans tous les cas, on engage un projet
commun et des identités. Mais se pose la question prosaïque : qui peut engager la chose ? Cf.
La sociologie des religions : qui a suffisamment de capital institutionnel pour ce faire ?
Qui peut mener une politique et au nom de quels Européens (les EM, les électeurs, la protection
du marché européen) ? Cette question se pose dès le départ, même dans les 1950’s, parce qu’il
n’y a pas une seule institution : trois bureaucraties pour une politique. Comment faire tenir
tout ça ensemble ?
Cf. Martin Herzer, The Media, European Integration and the Rise of Euro-journalism, 1950s–
1970s (2019) : tout ne va pas de soi.
Cf. Les travaux d’Antoine Vauchez. Il a fallu faire un tour de force pour exister sur l’arène
européenne. Le problème de base : quand Jean Monet est président, est-il chef de
gouvernement ou chef d’organisation ? C’est une question très pratique du protocole
diplomatique. Il fait comme s’il était un chef d’Etat et de gouvernement. Dès qu’il est
nommé, il fait le tour des capitales européennes et va aux USA pour se montrer comme
tel.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
Comment faire exister ce centre européen, cette institution, autour d’un axe
Luxembourg / Strasbourg / Bruxelles, avec un pôle central qui est Luxembourg à
l’époque et comment s’y intéresser ?
Herzer montre qu’au départ, être journaliste à Bruxelles/Strasbourg/Luxembourg n’est pas très
intéressant : il est plus intéressant d’être à NY, à Genève, à Paris, d’essayer de suivre les grandes
conférences internationales, les négociations de paix… Qu’est-ce qui fait qu’une rédaction
accepte d’envoyer un journaliste dans l’une des 3 villes de l’UE ? Au départ, cet enjeu est de
constituer un travail de porte-parolat : on n’a pas seulement un corps administratif qui se
trouve à Bruxelles, mais on a aussi une espèce de corps politique.
A la suite de l’analogie classique entre les pouvoirs religieux et politiques proposée par Max
Weber, une telle question conduit à porter le regard sur les modalités de la lutte qui travaille
toute institution de pouvoir autour du « monopole pour l’exercice légitime des biens de
salut ». Ce monopole est revendiqué et affirmé extérieurement à l’égard des « profanes »
mais aussi à l’intérieur de l’institution de pouvoir sous les formes d’une concurrence pour
la captation du « capital de grâce institutionnelle » (Bourdieu, 1971) conférant l’autorité
exclusive à parler au nom de l’institution.
La question du porte-parolat constitue une entrée privilégiée pour comprendre les tensions,
faites de contraintes de coopération et de velléités concurrentielles, qui animent un espace
d’autorité organisé. Elle est liée aux chocs politiques, aux luttes inter- et intra-
institutionnelles et à la mise en instruments de cette politique de l’opinion.
C’est une histoire en 5 actes qui oppose l’exécutif européen (Haute Autorité puis Commission)
avec l’Assemblée parlementaire (puis Parlement). Le Conseil des ministres est plutôt de
seconde zone dans ce secteur. Au moment de la création et encore aujourd’hui, il y a les 2
institutions les plus intégrées et ce sont au départ deux institutions peuplées de défenseurs du
projet européen (cf. les travaux de D. Georgakakis).
4
CECA, Euratom et la CEE qui fusionnent à partir de 1965.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
d’information du gouvernement (cf. Georgakakis ses travaux sur l’entre-deux-guerres).
Echec similaire en Italie, mais réussite en Allemagne.
Dès le départ, la Haute Autorité de la CECA essaie de remporter le morceau et tout est
mis en œuvre pour légitimer cette capacité à mener une politique de communication. Dès 1951,
la Haute autorité met en place un service de communication et d’information de la CECA
qui vise plutôt à toucher les leaders d’opinion (// Lazarsfeld). On peut essayer de convaincre
des millions d’Européens, ça ne marchera pas : il vaut mieux passer par les leaders d’opinion
(responsables syndicaux, les étudiants, les fédérations agricoles…), un biais plus efficace pour
convaincre.
Cf. Le film de communication européenne qui explique pourquoi l’Europe a un avenir radieux
(diffusé en France via le ministère de l’agriculture). La musique de fond est la symphonie du
nouveau monde. Symbolique : Le nouveau monde s’ouvre à nous et on va le créer. Le film
explique qu’il y a un Etat intégré, avec un Parlement, un gouvernement, une cour suprême (cf.
les travaux de Vauchez sur l’Europe par le droit qui montrent que ce n’est pas aussi simple que
ça).
L’Assemblée commune rend un rapport en 1955 dans lequel elle dit que le travail
parlementaire suscite le plus facilement l’intérêt de l’opinion publique et que la Haute
Autorité n’a aucune base légale pour le faire. La Haute Autorité se défend sur la base de
l’art. 8 du traité selon lequel la HA est la seule autorité compétente dans les relations
extérieures. L’argument est de dire que la Haute AUtorité informe à l’extérieur. Au nom des
relations extérieures : tout ce qui est à l’extérieur de Bruxelles ou de Luxembourg. Quand Jean
Monet fait le tour des capitales européennes, quand il En Allemagne, le gouvernement
va aux USA, quand il informe les citoyens via des Adenauer fait la même chose avec le
brochures d’information, ce sont des relations même argument juridique via Walter
extérieures. Hallstein, validé plus tard par la Cour
constitutionnelle. La RFA n’est pas un
e Etat, il y a une Allemagne avec une
Le 2 argument est le budget et le personnel.
RFA et une RDA, on n’est pas
L’Assemblée parlementaire fait des choses, c’est bien, nécessairement un Etat, mais on fait des
mais vous n’avez pas les moyens de le faire : la Haute relations extérieures, pas de la
Autorité a des lignes budgétaires dédiées. Elle s’est propagande/de la communication.
dotée dès le départ d’une administration. L’Assemblée L’argument juridique est une manière
parlementaire va essayer de contre-argumenter avec le de justifier qu’on a le droit de parler,
contrôle parlementaire au nom de certains articles du qu’on a le droit de le faire.
traité. Le Parlement est là pour contrôler le budget.
Très vite dans les archives, on trouve une attention particulière de la Haute Autorité à produire
des rapports et des budgets très détaillés, en faisant des longs rapports détaillés pour montrer
comment et pourquoi ça marche. Comment l’exécutif tord alors le bras du Parlement : les
rapports mettent en avant ce qu’ils font et le fait qu’ils le fassent bien et dans l’intérêt de
tous.
Le rapport Carboni en 1957 revient sur cette question pour justifier du rôle politique
de l’Assemblée parlementaire et continuer à contester le rôle de l’exécutif.
Là encore, la Haute autorité va contre argumenter avec la faiblesse des moyens de l’Assemblée
parlementaire (imprimerie, budget, bureaux…). C’est l’argument qui finit par l’emporter.
Art. 6 du traité : on reconnait aux institutions le droit de représenter la communauté.
Assemblée
Exécutif
commune
Cette querelle juridique est davantage acceptée que réellement étayée dans les traités.
Elle revient avec le traité de Lisbonne qui inscrit dans le marbre le fait que finalement,
en matière de démocratie €, les deux ont quand même raison (cf. acte 4). Les art. 10 et
11 reconnaissent le droit à la Commission et au Parlement de représenter les Européens.
Dès 1965, on a déjà pratiquement toute l’architecture que l’on connaît aujourd'hui.
Tous ceux qui travaillent au départ auprès de la Commission ou des exécutifs sont soit des
anciens journalistes (sur 20 journalistes affectés à Luxembourg, 6 sont affectés au service de
communication de la Haute autorité ; des journalistes britanniques pour la compétence
linguistique), soit des hauts fonctionnaires qu’on a débauché dans d’autres institutions.
Cette politique de communication passe par des lieux, des actions et des personnes
qu’on installe.
5
C’est un paradigme très systémique, c’est une mauvaise digestion de Lazarsfeld et du two step flow of
communication.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
veut comprendre les politiques de maintenant, il faut comprendre ça comme une
bureaucratie : qu’est-ce qui est politique et qu’est-ce qui est technique ?
On ne bouge pas aussi facilement le poids de l’institué. Mais il y a un budget très fort et une
volonté très forte de conduire cette politique.
Période de tensions et de batailles pour savoir qui a le droit de parler au nom de l’Europe
et qui paie la facture. Globalement, pcq ils ont les moyens humains et financiers, la
COM finit par l’emporter face au Parlement €. Le Parlement € accepte bon gré malgré
de partager ce qu’il pense être une partie de sa légitimité à parler au nom des Européens.
Un concept qui vient des Britanniques : « déficit démocratique ». Il faudrait donner une âme
démocratique à l’Europe.
1979 : publication d’un pamphlet parlementariste rédigé par David Marquand, Parliament
for Europe : il dénonce les raisons bureaucratiques et les Etats-nations qui freinent le
développement démocratique de l’Europe.
La critique du déficit démocratique est dans un premier temps tenu par les fédéralistes
qui veulent davantage ancrer l’Europe en tirant profit de l’élection au suffrage universel du P€.
Quoi de mieux qu’un Parlement pour faire exister politiquement un projet ?
Jacques Delors, président de la COM (1985-1995), essaie d’incarner un rôle quasi
présidentiel.
Du point de vue de la politique de communication de l’UE, il va progressivement transformer
l’Europe en une marque politique. Ce qui est important pour lui, c’est d’avoir un
programme d’information prioritaire :
- Mettre une priorité sur la communication européenne pour justement faire exister
l’Europe ;
- Définir des sujets communautaires prioritaires : il ne faut pas faire une
communication publique tous azimuts. Il faut également axer sa communication autour
de certains sujets, de certains principes que l’on veut pousser en avant. Il vaut mieux
communiquer sur moins de sujets mais plus fortement, de sorte à faire émerger une
marque Europe, une forme d’identité européenne.
On commence à organiser tout un ensemble de manifestations sportives et culturelles : une
course de l’Europe à la voile, le Tour de l’avenir de la communauté européenne, des
championnats européens sont subventionnés. Participation aux expositions internationales de
1988 et 1992 en finançant des pavillons européens.
Mettre de l’Europe partout, montrer que c’est un espace intégré. Désormais le drapeau est
un véritable élément qui doit être partout, sur tous leurs outils de communication.
Cet esprit marketing est mesuré dans son succès par les Eurobaromètres. Non seulement
on veut mettre en avant des supports de communication plus forts, on met en avant l’Europe
comme une marque, et du côté de la production politique de la COM, on teste et on mesure à
travers l’Eurobaromètre si ça fonctionne ou non. On est dans une véritable entreprise marketing,
boite de communication.
Le Parlement n’est pas content 1986 : Rapport (Baget Bozzo) du Parlement €
déplorant l’invisibilité du P€ et l’absence de message dans la politique d’information de
la COM :
« Il existe une politique d’information sur les politiques communautaires mais elle ne
transmet pas un message, seulement des nouvelles. (…) Le Parlement est un symbole et
les symboles qui échouent sont toujours l’objet de sentiments négatifs. C’est pour cela
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
que le Parlement a l’obligation politique d’engager les Etats de la Communauté à une
politique de la communication européenne. (…) Une politique d’information conçue
sans une politique de communication est une politique sans raison d’être »
La politique d’information, ce sont les bureaux du P€ et de la COM dans les EM, la distribution
de brochures, avoir un pavillon, etc. Mais une politique de communication se doit d’être plus
offensive auprès des leaders d’opinion et doit aller chercher le travail du journaliste. Le
Parlement déplore de ne pas être associé à ce sujet-là.
Dans les 1980’s : début du marketing politique. La question du marketing est à la fois
surprenante mais en même temps pas tellement pour l’Europe.
A une répercussion du côté des recrutements : la DG Com recrute des profils qui sont plus
en lien avec la communication. Avec les concours de la FPE, ce sont plutôt des Eurocrates qui
sont recrutés, mais des concours spécifiques commencent à être organisés pour recruter des
personnes aux profils spécifiques, pour mener cette action.
A cette période, la communication est toujours assez active. On suit le flow politique
mais toujours dans l’idée de faire qqch pour exister.
Après les résultats mauvais de Maastricht, la COM va avoir 2 idées :
- Associer la société civile à sa politique de communication ;
- Commencer à travailler avec les autres institutions : création du groupe de travail
interinstitutionnel d’information (GII) en 1995.
Le GII : fonctionnaires de la COM et du P€ définissent ensemble et de concert les campagnes
prioritaires de l’UE dans les EM.
1993 : Rapport Declerck (?) sur lequel s’appuie le GII : il s’agit de mieux « vendre le produit
Europe ». Le P€ a également endossé cette idée de marketing européen.
Le choc de la COM Santer : une victoire assez forte du P€, qui en sort grandi. Cette démission
va très largement remettre à plat la capacité et la légitimité de la COM ou du P€ à dire l’Europe.
Jusqu’à présent, il s’agissait essentiellement de faire de la pédagogie de l’Europe.
Désormais, double crise :
- Crise de la commission Santer ;
- Election de mars 1999 qui est catastrophique : la moyenne européenne est de 50%
d’abstention.
Il y a une urgence à agir. On change de paradigme d’analyse : on rentre progressivement le
constraint dissensus (dissensus contraignant). Il faut partir à l’assaut de cette conviction car
elle ne va plus de soi.
La COM est affaiblie par cette idée.
Romano Prodi veut être plus offensif6. Pour lui, la « marque Europe » doit être tenue
par le président de la COM. Le mandat média et communication au sein de la COM
revient au président de la COM. On supprime les intermédiaires.
Les Eurodéputés sont mécontents. On est à quelques mois de l’introduction de l’euro et à
quelques années des prochains élargissements. Le Parlement € est très actif sur cette
question, il produit quantité de rapports et appelle à une politique coopérative pour une
communication de la COM. Ils veulent être associés au travail de la COM.
La COM est obligée de rétropédaler et elle laisse plus de place au Parlement :
6
Il teste en 1999 qqch qui sera rendu possible par la COM Juncker 20 ans plus tard.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
- Elle autorise notamment beaucoup plus fortement les bureaux d’information du
Parlement dans les EM ;
- Elargissement du champ d’action du GII politique concertée sur la
communication autour de l’élargissement, de l’euro et du débat sur l’avenir de l’Europe
(c’est le moment où l’on commence à créer la Convention européenne dans le but de
donner un nouveau traité à l’UE). L’idée est d’avoir une nouvelle culture de
communication basée sur le dialogue, le respect de la société civile.
Un ensemble de produits et programmes qui sont mis en place pour favoriser cette
communication par le dialogue. Ce n’est plus une communication par le haut, elle doit
être concertée et déclinée au grain le plus fin.
La COM apparaît moins franchement, elle laisse faire. On laisse faire là où il y a de la bonne
volonté, des projets eurocompatibles, qui défendent l’idée d’une intégration européenne.
On est dans ce moment de bascule. Tous les acteurs considèrent qu’il est important de
rentrer dans un projet coopératif et de discuter, mais sous le contrôle de la COM.
7
Communication de la COM du 27 juin 2001, “A new framework for co-operation on activities concerning the
information and communication policy of the european union”
8
Ce sont maintenant les consultations.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
espace politique où il y a une extrême transparence dans les modalités de communication
des décisions. Des quantités de documents sont rendus publics.
C’est un ajout à la strate marketing : entrer à l’écoute des citoyens et dans la
transparence parce que l’outil marketing qui permet de mesurer la chose, les
Eurobaromètres, tendent à dire que l’Europe est trop obscure.
Limite des Eurobaromètres : on construit des réponses à partir des Eurobaromètres et on
regarde s’il y a de la variation. Si ça va dans le bon sens, on dit qu’on a bien travaillé.
Exemple : la campagne de 2019. Théorie du flocon de neige (diffusion en étoile autour
d’individus plutôt que d’avoir une communication descendante).
2000’s : Moment où l’on introduit les Eurobaromètres qualitatifs9 : il y a des limites
du côté des Eurobaromètres qui ne donnent que des chiffres. Il faut des matériaux pour entendre
la voix des Européens. Cette voix est mesurée par Eurobaromètres qualitatifs. Dure une dizaine
d’années. Souvent auprès de groupes d’intérêt déjà identifiés dans les 1950’s (syndicats
agricoles, étudiants, etc…). Les Eurobaromètres qualitatifs sont rarement faits avec des citoyens
ordinaires.
Idée : Être à l’écoute, ce n’est plus seulement un %, mais voir ce qu’ils comprennent ou
ne comprennent pas.
Le taux d’abstention est l’indicateur le plus fiable. Si les citoyens participent, c’est qu’ils
voient un intérêt politique au projet européen. L’enjeu de la COM et du P€, même s’ils ne sont
pas d’accord, c’est d’accentuer cette participation. C’est la mère de tous les problèmes.
Margot Wallström
Margot Wallström est nommée commissaire qui lance le plan D : démocratie, dialogue et
débat. Symboliquement, dans la commission Prodi, elle était n°18/20 dans l’ordre hiérarchique
des commissaires : dans la commission Barroso, en 2004, elle devient VP. Son mandat quasi
unique est la politique de communication.
Suite à tous ces échecs, la COM dit que la communication est la priorité : rentrer en dialogue
avec les citoyens et les convaincre pcq ils sont convaincus qu’il y a le feu au lac politiquement.
Projet Integrated and United EU (2005-2006) : comprendre pourquoi les citoyens ne
soutiennent pas nécessairement le projet européen. Quel est ce mystère qui fait que ce projet
conçu et perçu comme étant l’avenir de l’intégration, pour plein de raisons, rencontre autant
d’oppositions ?
9
Expérience qui n’a pas duré longtemps. Ils les ont resserrés sur les usual suspects (agriculteurs et
entrepreneurs). Innovation des 2000-2005. Dès 2008, il n’y en a presque plus. On peut les retrouver sur Internet.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
L’adhésion des citoyens est un problème que les Etats-nations n’ont plus (à part dans quelques
milieux très politisés et radicalisés). On reste sur une création sui generis de l’Europe. On crée
qqch nouveau, Ø fonction symbolique latente.
Ca va un peu plus de soi dans les vieux EM : Europe et UE sont souvent prises pour
synonymes.
UK : dans l’histoire et la construction discursive, dans sa construction symbolique, il y
a toujours une construction qui disait que c’étaient 2 choses séparées. Ø naturalisation
de l’Europe.
Cf. Concept de « Politisation par l’intégration »
L’Europe a conscience que ce n’est pas naturel.
Ce qui est nouveau, c’est qu’il y a une nouvelle tension entre la COM et le Parlement.
COM : très fort investissement au cours du mandat de Margot Wallström. On passe de 71,9
millions € à 105 millions €. Augmentation annuelle de 16%, 9%, 5% et 1% du budget.
Quand Wallström a son mandat, elle a les moyens d’investir et elle tente d’investir dans une
approche fondamentalement nouvelle : elle met le paquet sur la participation. Elle organise
quantité d’événements en lien avec cette participation : des sondages délibératifs, des
consultations, les ECC (en 2006-2007, une plateforme collaborative = une innovation politique
où l’on laisse les citoyens s’exprimer), etc.
Le Parlement € aussi est convaincu par la nécessité de faire le travail. Il est réellement offensif.
En 2005, budget de 44 mio € (essentiellement des budgets à destination des bureaux nationaux
dans les EM) et en 2010 ils sont au-dessus des investissements de la COM.
Ils passent de 44 à 108 millions €. Ils mettent souvent le paquet juste avant une élection
européenne.
DG Com créée au P€, de la même façon qu’à la COM. Le P€ a obtenu le droit de faire des
Eurobaromètres, qu’on appelle désormais des Parlemètres, qui sont réalisés par la cellule
Eurobaromètre de la COM (construction en partenariat).
Idée d’enrôlement des citoyens : « Vous êtes des ambassadeurs de l’Europe ». Idée très
lazarsfeldienne (2-step-flow of communication) : pour diffuser l’Europe, il faut les
meilleurs diffuseurs, qui resteront toujours les meilleurs citoyens.
Idée dialogique, coopération = il faut tous y aller, on n’a plus les armes pour le faire tout
seul. Il faut embarquer les citoyens.
Mais ce faisant, la COM garde son leadership. Mais les institutions se battent.
Réponse du CESE :
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
« Le Comité, fervent partisan d'une approche décentralisée, demande instamment à la
Commission de poursuivre sa réflexion sur la façon dont de véritables synergies et une
coopération interinstitutionnelle tangible peuvent être facilitées à un échelon
décentralisé. (…) Le Comité exprime sa préoccupation quant à ce type de formulation
(…) et estime que l'approche potentielle que, semble-t-il, la Commission pourrait
proposer, comporte des risques ».
Comité économique et social européen, « Avis du Comité économique et social
européen sur le Livre blanc pour une politique de communication européenne », 16
décembre 2006, JOUE 2006/C 309/24, p.1 et 2.
Le CESE veut reprendre des droits.
On sort les couteaux pcq la COM veut sortir un code de conduite de la communication.
Ce qui explique que le P€ s’engage dans une véritable politique de communication, c’est que
la politique de communication doit être acceptée comme étant plurielle.
Les baisses de budget : la communication pour l’Euro n’a pas été pilotée par la DG Com de
la COM mais par la DG Affaires financières et au passage à l’Euro. Ce qui faisait achopper
cette politique de communication, c’est qu’elle n’est pas nécessairement coordonnée. Si la
COM Prodi puis Wallström dit qu’il y a un vrai problème de centralisation, cette centralisation
est aussi et essentiellement interne. Depuis le 2e mandat Juncker, cette question est à peu
près réglée : le mandat est aux mains de la présidence. Le SPP est plus centralisé, même si
ce n’est pas encore abouti.
Les enjeux de lutte contre les fake news : enjeu important pour la COM. Très vite, la COM
s’en empare. Mais elle considère que c’est la menace russe, qui a une réalité algorithmique, le
service en charge de cette question c’est le SEAE, donc ce n’est pas la COM et encore moins
la DG COM.
ISTRATCOM s’occupe de la lutte contre les fakes news d’un point de vue géopolitique.
Mais avec le Brexit, etc., le fake news ce ne sont pas seulement les Russes, mais aussi un
ensemble de discours tenus au niveau national. Un vrai enjeu de communication de l’UE :
comment faire face à ça ? La DG Com a les outils pour le faire mais ne veut pas rouvrir les
luttes avec le SEAE.
Le P€ dit aussi avoir les compétences, a commencé à créer une cellule de veille sur ces
questions, mais butte sur le fait que les EM sont souverains en relations extérieures.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
La COM et le P€ sont frileux sur cette question : ce ne sont pas eux qui vont lutter contre
les fakes news, pcq les Etats et les parlements nationaux pourraient critiquer une ingérence
extérieure.
Loi fake news // loi 1981 sur la liberté expression, art. 26 : lutter contre les fausses nouvelles
qui viendraient pervertir le débat d’une campagne électorale.
En France, réseau d’ONG/Ministère des affaires étrangères/médias pour mettre en place des
cellules de fact checking. En Pologne par exemple, Orban est moins frileux pour crier à
l’ingérence extérieure.
Le P€ investit énormément : ça passe aussi par des prix (prix du journalisme européen, prix
Lux, prix Sakharoff ( ?) pour la liberté de pensée)… Une partie des investissements du P€
est dans le nation-building.
Les EM freinent parfois (investissements des villes, histoires nationales, etc.)
Ø récit paneuropéen.
En privilégiant toujours une perspective historique, nous chercherons ensuite à replacer les
activités d’information-commmunication au coeur des tensions institutionnelles et politiques
d’une Europe en construction, en insistant cette fois davantage sur les conflits de compétences,
les enjeux hiérarchiques et l’hétéronomie politique qui s’exercent sur la fabrication de
l’information européenne. Enfin, nous étudierons les transformations plus contemporaines
de ce monde à travers l’évolution de la division du travail, la réallocation des ressources et
la recomposition des relations entre fonctionnaires, journalistes, consultants et experts.
Tout au long de notre analyse, nous ferons travailler des couples d’oppositions tels que
administratif-politique, indépendance-interdépendance, autonomie-hétéronomie,
permanence-intermittence ou hiérarchie-fragmentation, non pour séparer des types de
producteurs d’information mais, au contraire, pour mettre au jour les tensions et les logiques
qui les font appartenir à un même monde, celui de l’information européenne dont la
morphologie actuelle est à la fois l’héritière d’un système institutionnalisé de coproduction
et le terrain d’une managérialisation croissante des affaires européennes.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
I. Les professionnels de l’information européenne : les
journalistes
Tenue pour étanche en théorie, la division du travail entre, d’une part, les personnels
spécialisés des institutions publiques (porte-parole, attachés de presse, services de
communication) et, d’autre part, les journalistes politiques fait généralement place dans la
pratique à des rapports plus interpénétrés. Outre ces effets attendus de socialité générés par les
rapports transactionnels de l’activité professionnelle, l'examen des carrières dans le « monde de
l’information européenne » (Bastin, 2003) révèle également l’extrême porosité du périmètre
politico-administratif des institutions communautaires.
Grâce à la mise en place d'un système d'accréditation original et sophistiqué, cogéré avec les
journalistes accrédités (voir encadré ci-après), la Commission a très tôt créé les conditions
d'existence d'un corps de presse européen présent à Bruxelles capable de rendre compte au jour
le jour de l'activité des institutions communautaires.
La préoccupation de la COM a été très tôt d’enrôler les citoyens et le travail d’information.
Très tôt aussi, le travail a été d’enrôler les journalistes. L’Europe n’intéresse pas grand
monde au début.
Des personnes comme Paul Collowald (ancien correspondant du Monde à Strasbourg, alsacien,
fédéraliste) et François Duchêne (ancien correspondant du Manchester Guardian) sont
débauchées par Jean Monet qui les fait venir dans son cabinet.
Une véritable forme de débauchage des journalistes pour les faire promouvoir l’Europe.
L’Agence Europe : une des premières agences d’information sur les questions européennes,
créée par l’italien Emmanuel Gazzo, lui aussi dépêché à Strasbourg par l’ANSA (agence de
presse italienne). Forme l’agence internationale Europe, appelée Agence Europe. Gazzo est
fédéraliste. La création de son agence est soutenue par la COM, qui achète des abonnements
(soutien indirect)10 et en retour l’agence envoie un journaliste sur place.
Très vite s’est mis en place un système d’accréditation original, où le but était d’installer
des journalistes à Bruxelles. C’est leur faciliter le travail, de sorte qu’ils aient juste à travailler.
Il faut faire en sorte que les rédactions n’aient aucun frein. La politique de la COM est le
système Olivi (Italien membre de la DG Com et du service de porte-parolat) : faciliter
l’installation des journalistes sur place, au sens matériel du terme. C’est aussi trouver une salle
de presse et organiser le briefing de midi quotidien. Tout un personnel est dédié à ce briefing.
Bino Olivi est en charge du groupe de porte-parolat de la COM de 1962 à 1967, négocie
avec l’association de la presse internationale (API) pour favoriser cette installation des
journalistes. Par exemple, il se félicite d’avoir installé 80 casiers (à courrier) pour les
journalistes dans les couloirs de la COM. Maintenant, il y a plus de demandes que de casiers.
10
L’AFP a fonctionné de la même manière : les ministères avaient des abonnements à l’AFP pour faire vivre
l’agence.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
L’API, quand elle est créée, dont font partie des journalistes très europhiles, a pour objectif de
défendre les intérêts professionnels des journalistes couvrant les informations
européennes. Le but est de leur faciliter l’accès à l’information, leur accréditation, leur
installation à Bruxelles. Très concrètement, c’est aussi les aider à obtenir une carte de presse
belge, un permis de séjour à Bruxelles, à négocier avec les journalistes belges 11. L’API aide à
négocier l’accès au Berlaymont, à faciliter les déplacements quand il y a des sommets européens
qui ne se déroulent pas à Bruxelles 12(pas un financement, mais négociations de tarifs
préférentiels, préparation de leur arrivée dans les salles de conférence, etc. organisation
logistique).
Ils éditent un livre Journalist at your service : une sorte de vadémécum, à la fois guide du
routard et conseils pratiques de l’installation du journaliste à Bruxelles.
Pour travailler/être reconnu par l’API, il faut être reconnu comme journaliste + intérêt pour les
questions européennes.
C’est un univers collectif. Les journalistes font groupe.
Un autre groupe, une autre association essaie d’organiser le travail des journalistes européens :
l’association des journalistes européens. Une autre forme : on peut avoir des journalistes qui
sont des promoteurs de l’information européenne, mais qui peuvent travailler depuis
Paris.
AJE France : les journalistes travaillent pour beaucoup dans les rédactions nationales. Ils vont
faire des formations au journalisme européen dans les écoles de journalisme.
La tendance des journalistes accrédités à Bruxelles n’augmente pas, voire elle a tendance
à baisser.
11
Même s’il est aujourd'hui facile de travailler dans un autre pays de l’UE, ça n’a pas toujours été le cas.
12
NB : il est + difficile d’être accrédité pour les sommets du Conseil européen. Accréditation par le Conseil.
Travail avec la DGSE belge pour garantir la protection des chefs d’Etat et de gouvernement. Donc moins de
latitude.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
En 2005 : effet mécanique des élargissements. Mais cet effet n’est pas aussi fort que ça
numériquement : dès 2007-2008, relative chute du nombre de journalistes.
Pic en 2013 mais qu’on explique difficilement : plusieurs explications possible :
- On est au cœur de la crise de l’Euro, du Grexit, de la crise économique et financière
grecque il y aurait un intérêt à cette question.
- La COM en comptant, s’est trompée : ou elle a inclus dans le corps des journalistes des
techniciens.
En 2017, à peu près le même niveau qu’en 2002 du nombre de journalistes sur place.
Néanmoins, le nombre de médias présents continue de baisser.
Explication optimiste : concentration dans les grands groupes de médias.
Explication pessimiste : la précarité de l’emploi.
Exemple : TF1 n’a pas de correspondant officiel, mais beaucoup de journalistes travaillent pour
TF1. Désintérêt stratégique / crise des médias sur place.
En comparaison :
D’un point de vue communication, on dit que l’Europe est aussi importante que Berlin = la
Bundespressekonferenz compte 950 journalistes allemands accrédités auprès des
institutions fédérales allemandes. Mais on oublie de dire qu’il faut rajouter environ 350
journalistes accrédités par l’association de la presse étrangère.
Washington = environ 1000 journalistes.
Oui, mais dans les 2 cas, on oublie de dire que ce n’est pas un espace public national
mais on s’adresse au moins à 27 EM.
Ce qu’on observe surtout, c’est que concrètement sur place, les journalistes travaillent
d’abord par groupes nationaux dans la salle de presse du Berlaymont. Même s’ils se
reconnaissent, ils se regroupent par groupes nationaux.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
Conclusion :
Pointer la baisse de journalistes numériquement parlant et la baisse plus importante des types
de médias accrédités. Plus forte précarisation. Les journalistes sur place peuvent être
accrédités pour plusieurs journaux et couvrir pour plusieurs médias.
Danemark 18 Chine 23
Hongrie 17 Japon 9
Irlande 14 Russie (Fédération de) 8
Suède 13 Inde 3
Portugal 10 Canada 2
Bulgarie 10 Asie 11
Finlande 8 Maghreb 7
Roumanie 7 Moyen-Orient 4
Croatie 6 Amérique Latine 3
Slovénie 5 Afrique Sub-Saharienne 2
République tchèque 4 Océanie 1
Luxembourg 4
Slovaquie 4 Total 895
Quand on regarde les nationalités des journalistes : l’Allemagne et le UK sont les 2 groupes
dominants. Malgré le Brexit, les Britanniques (dont le Financial Times, seul média
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
paneuropéen en Europe) continuent d’être présents. Le paradoxe étant aussi que si l’on
regarde le contenu des journaux allemands, il n’y a pas beaucoup plus de sujets européens
dans les journaux. Mais il peut y avoir des contenus plus longs. Et surtout, tout l’audiovisuel,
notamment public, beaucoup plus présent.
Les journalistes des pays d’élargissement de 2014 et 2017 sont relativement peu présents.
On retrouve le pattern montré par A. SOBOTOVA. Ce qui explique qu’il y a des réticences
dans l’espace public des pays de l’Est.
Au début de l’élargissement, envoi de journalistes mais désintérêt des rédactions sur les
questions européennes, c’est compliqué et ça coûte cher. Les journalistes qui y vont y vont
dans une optique de carrière (être des correspondants étrangers pour Londres, Washington,
etc.). Elle pointe dans sa thèse la logique de la femme du diplomate : ce sont plutôt les époux
des femmes. Beaucoup de journalistes des pays de l’Est qui vont à Bruxelles sont des époux
de femmes qui ont réussi les concours européens. Déplacement en famille. Le surcoût
d’aller à Bruxelles par rapport au coût de la vie dans les pays de l’Est est compensé par le salaire
de la fonctionnaire européenne. Il n’y a pas une politique éditoriale des rédactions d’aller
systématiquement sur place, mais plutôt bonne volonté du journaliste qui va négocier avec
sa rédaction, d’y aller quasiment à perte, en maintenant son salaire ou en le négociant, mais
ça va dépendre de la trajectoire de Madame. Intéressant pour les questions de genre.
Les évolutions des chiffres sont liées à ces flux de personnes. Ce groupe peine à se
constituer comme un groupe de journalistes sur place.
Par ailleurs, Ø groupe de journalistes des pays de l’Est.
Malgré tous les efforts de l’UE d’essayer de faire venir à eux les journalistes sur place.
Système Olivi, selon Bino Olivi : comme il le dit lui-même dans une enquête de Gilles
BASTIN, « pour donner le maximum aux journalistes, pour les tenir, les contrôler un peu,
sinon ils s’éparpilleraient dans la maison, avec les bruits de couloir, les fuites, c’était une façon
de servir les journalistes ».
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
Bino Olivi est le premier directeur du service du porte-parolat à Bruxelles. Il est italien. Il avait
compris 2 choses : l’UE n’intéresse pas et si on veut renforcer la présence européenne, il fallait
créer un système où tout serait facilité du côté des journalistes. Les coûts doivent être les moins
importants possibles pour les rédactions.
Dans les 1950’s-1960’s, c’était encore plus vrai : cf. HERZER : la France était préoccupée
par la décolonisation, l’Allemagne avait la reconstruction du pays, tout ensemble d’enjeux
diplomatiques, la décolonisation concernait aussi d’autres pays. Seuls quelques journalistes
passionnés et europhiles étaient présents.
Très tôt, ce système passait par la mise à disposition de BAL pour les journalistes, l’organisation
d’un briefing quotidien (midday briefing), tous les jours à 12H dans la salle de presse du
Berlaymont, une salle à part réservée aux journalistes.
Sert aussi pour la légitimation en interne : il faut des porte-paroles dans les services.
Possibilité de louer 2 studios télés et un studio radio + des techniciens. Ce sont des studios
suréquipés.
Possibilité aussi de demander qu’un caméraman puisse prendre les images d’une
conférence de presse parce que notre journaliste ne peut pas s’y rendre.
L’idée derrière est de pratiquer une forme de pacification par coalescence : comme
on se croise tout le temps sur place, on va moins chercher la critique. Ca permet de
maintenir les journalistes dans le monde de la Brussels bubble.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
Carte de BAISNEE (2007) : les rédactions sont autour du triangle institutionnel. Les
rédactions sont dans les mêmes bâtiments que les lobbyistes. Les enfants vont dans les mêmes
lycées internationaux.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
NB : Ce n’est pas voulu par la COM, c’est une forme d’effet « bubble ».
La question a un peu bougé, notamment avec la crise de la COM Santer. Avec l’affaire de la
COM Santer, il y a eu de très fortes tensions. Pour la première fois, accord établi en 1995 entre
l’API et le groupe du porte-parole qui est mis à l’épreuve en 1999. Pour la première fois,
on dit qu’il faut réguler le système de « off the record » :
- On the record : tout peut être dit et enregistré.
- Off the record : on peut les attribuer aux sources proches de la COM.
- Background : une information qui ne doit pas sortir.
Techniquement, quand on est dans off the record et background, on éteint les micros.
Cette règle mise à l’épreuve : en 1999, les journalistes sur place vont commencer à enquêter
sur des pratiques de la COM, et c’est la première fois.
Politico vend les coulisses mais dans le but de vendre des informations aux groupes
d’intérêt. Le but de Politico aujourd'hui est de raconter les coulisses pour les groupes
d’intérêt, pour le public de l’espace public européen qui existe réellement, càd l’espace
bruxellois.
Il n’y a Ø doute sur le fait qu’il n’y a pas d’espace public européen au sens d’un espace public
paneuropéen, càd qu’il n’y a pas de circulation des informations à l’équivalent d’un espace
public national. Il y a des espaces publics nationaux qui peuvent couvrir les questions
européennes. Mais les questions européennes sont encore pour l’essentiel vues d’un prisme
national. Sauf pour l’espace public bruxellois. Paul MAGNETTE dit que l’espace public
européen est orléaniste, bourgeois : contrairement à ce que peut dire Habermas, l’espace
public est orléaniste au sens de 1830, càd c’est un espace public d’élites qui sont
particulièrement informées des questions européennes. Il se concentre sur des personnes
qui sont déjà impliquées dans les questions européennes.
La salle de presse du Berlaymont : à part quelques grandes agences (AFP, Reuter) qui vont
fournir des informations pour l’ensemble du public, la salle du Berlaymont est très organisé
nationalement. Y compris dans cette salle de presse, on peut avoir la question des Allemands,
des Français…
Cette question est encore plus prégnante au cours des sommets européens, notamment des
réunions des Conseils européens : la summitisation of the European coverage. La couverture
de l’Europe par les sommets. Il y a des pics à ces moments-là qui correspondent également à la
venue à Bruxelles ou dans les lieux où se déroulent les sommets. Quand il y a des Conseils
européens à Bruxelles, arrivée de journalistes français, italiens… qui viennent couvrir la
présence des chefs d’Etat et de gouvernement sur place. Il y a des correspondants politiques,
en France, ce sont des spécialistes de l’Elysée, qui accompagnent Macron/Hollande/Sarkozy/…
et qui viennent à Bruxelles pour voir comment ils défendent les intérêts français.
Les journalistes sur place, à Bruxelles, l’API, sont pris entre deux feux : ils sont souvent des
traducteurs des enjeux et vont presque former les journalistes politiques qui viennent
uniquement pour savoir ce que Macron va faire face à Merkel… Doublement du nombre
de journalistes dans ces moments-là.
Cf. Florent TIXIER : observation de l’intérieur des Conseils européens. Dans la salle de
presse du Conseil, il y a des tables pour les Français, avec des rituels sur le placement des
journalistes en fonction de leur média d’origine. Les journalistes qui couvrent
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
habituellement les questions européennes sont là mais pas tout le temps car ils ont des
informations de la COM, ils peuvent rentrer chez eux dormir parce qu’ils savent qu’il ne va
pas se passer grand-chose, etc. Il y a ensuite tout un jeu pour placer la conférence de presse
nationale. Certaines sont souvent tenus en parallèle. Les journalistes ne peuvent pas être
présents à toutes les conférences de presse.
Double couverture dans les sommets européens qui concrétisent très clairement
l’absence d’espace public européen :
- L’espace public bruxellois pour les journalistes qui s’intéressent à l’Europe ;
- Un journalisme qui reste l’Europe vu sous le prisme national.
SCHUMAN/VAILLANT sur la presse agricole : forme d’expertise qui se développe sur une
question assez technique (la PAC). Leur hypothèse est de dire que les journalistes européens
couvrant les questions agricoles accompagnent plutôt la PAC, ils en sont des traducteurs pour
leur audience nationale, beaucoup plus qu’un journalisme politique plus classique.
Cf. TIXIER : les réseaux sociaux numériques et la manière dont des personnes investissent
ces médias numériques. Au départ, intérêt pour les cafés Babbel et autre. Progressivement,
ceux qui rentrent dans ce type de journalisme, sont happés par la carrière européenne et vont
faire un journalisme à destination de gens qui connaissent l’Europe.
Centre for European Policy Studies, European Policy Centre : cabinets fondés par des
journalistes avec des hauts fonctionnaires européens dont le but est d’expliquer et d’apporter
des papiers de fond sur le fonctionnement européen.
Europolitics.info.fr : racheté par le think tank Contexte.
Des médias se créent, sont harponnés.
Euractiv : dissidence et création de Contexte pour avoir un média d’information de presse
professionnelle très technique sur les questions européennes.
Euractiv est presque un cas d’école : fondé en 1988 par un ancien haut fonctionnaire de la
COM, un ancien Eurodéputé, mais avant tout ça, il avait été journaliste à Bruxelles. Il décide
de faire un média en ligne qui produit relativement peu de contenus propres, qui relaie parfois
des communiqués de la COM, qui relaie beaucoup de dossiers et qui va être pour partie financé
par les abonnements que prennent la COM et les grands cabinets à son média. La fonction
d’Euractiv est de fournir des informations sur ce qui est en train de se faire : interview avec
des hauts fonctionnaires… Information à très haute plus-value. Quand un commissaire parle
à Euractiv, c’est pour parler de technicité européenne et ces interviews sont relativement
suivies.
Comitologie bruxelloise : réussir à décrypter tout un ensemble de choses.
Ce marché est concurrencé par Contexte et Politico. On le retrouve dans les carrières. Les
journalistes qui vont bosser à Contexte sont plutôt des personnes qui sortent du master
journalisme européen de Paris 3 ou de l’école de journalisme de Sciences Po. Ce sont des
spécialistes des questions européennes.
Julien MAYENCE : les journalistes d’AGRA sont des diplômés de master de journalisme
européen, facilité à comprendre le fonctionnement des institutions européennes. Mais quand on
maîtrise le langage techno-européen, on s’éloigne du grand public.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
La fabrique de l’Euro-speak (BASTIN, 2005) : il essaie de retracer le cheminement du
communiqué de presse et la manière dont celui-ci sera repris par la presse. Quand il est repris
par Euractiv, il est quasiment repris à l’identique.
Margott Walström : comme c’est une DG avec relativement peu de pouvoir, on est dans les
2000’s donc pas d’intérêt pour les questions environnementales.
Le plus intéressant, c’est en s’intéressant aux trajectoires de Julie et d’Antoine. Dans le monde
de l’information européenne, très forte circularité entre le monde technique européen et le
monde journaliste dédié aux questions européennes. Ils peuvent être une fois journaliste,
une fois communiquant, une fois payés en consultance par la COM… Mais ce monde a besoin
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
de type de carrières pour produire de l’information pour certains publics (cabinets, lobbys…).
Dans le champ de l’Eurocratie, besoin de ce type de journalisme.
La valeur forte de cette information c’est le fait qu’elle s’adresse à des publics
particuliers.
Arte a cette difficulté : les journalistes français et allemands n’arrivent pas toujours à se
mettre d’accord sur la couverture. Plein d’informations ne passent pas parce qu’ils n’arrivent
pas à se mettre d’accord.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
II. Les professionnels de l’information européenne : côté COM
Du point de vue de l’institution européenne elle-même, on est dans une situation un peu
paradoxale de verre à moitié vide/plein : on va très tôt constituer un corps de
communiquants, de producteurs de l’information européenne, de fonctionnaires européens en
charge de l’opinion et de l’information. C’est un groupe un peu particulier, un peu maltraité,
qui n’échappe pas aux stigmates.
Dès le départ, il y a des promoteurs du projet européen : ce sont soit des fédéralistes, soit des
personnes très engagées pour le dépassement de l’Etat-nation. On retrouve parmi les premiers
porte-parole des militants régionalistes pro-européens. Mythologie autour des premiers
promoteurs de l’Europe qui sont des européistes convaincus, quasiment des pionniers de
l’Europe et que l’on retrouve quasiment à tous les étages de l’UE.
Cf. Les travaux de Vauchez et Georgakakis, mais également Herzer (étude du corps des
journalistes présents à Bruxelles).
Agent ayant effectué ses dix années de carrière au sein de la Dg-Comm (d’abord à
Bruxelles et maintenant dans la représentation de la Commission dans un Etat membre).
Extrait d’entretien avec Philippe Aldrin (février 2008).
Fonction stratégique pas très importante ou sérieuse. C’est une réputation courante des gens
de la communication. Cette image se retrouve dans d’autres universels professionnels. Dans le
cursus honorum, c’est toujours un cran en-dessous.
Représentation féminine forte face à une sous-représentation dans les conseillers.
Du côté de la COM, ça ne donne pas un capital politique ou communautaire très important aux
gens qui passent dans ces fonctions.
C’était pendant longtemps une fonction stratégique mais éclatée au sein de la COM.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
Colonne de gauche : les mandats des commissaires européens.
Colonne de droite : les directeurs généraux de la DG COMM.
En général, on est dans des fonctions très élevées : le commissaire nomme son DG. Ici, on
constate qu’on est dans des fonctions où l’on est en poste plus longtemps que le
commissaire. Le commissaire ne fait pas de cette DG une priorité absolue.
Wallström (2005) : un des rares moments où la COM prend à bras le corps la question.
3 communautés européennes dès 1957 (CEE, CECA, Euratom). Services communs : le droit,
le soutien administratif, information. Comme l’information et la communication sont très
importantes, il faut en faire qqch de commun.
C’est là qu’on aura les journalistes les plus aguerris qu’on débauche et qui mènent un travail
pro-actif sur les questions de l’information. Ils se perçoivent comme ceux qui font l’Europe au
quotidien, ceux qui expliquent aux journalistes.
Tandis que de l’autre côté, le SPI est commun aux exécutifs. C’est une information un peu plus
plan-plan et un des enjeux stratégiques du SPI est de produire le rapport annuel. C’est un
document très stratégique pcq il faut justifier le Conseil des ministres, les avancées de la CECA
et de la CEE, à un moment où l’Europe est embryonnaire. Mais ce n’est pas une fonction
totalement politique. Or, c’est bien le moment où les présidents de la COM essaient de
s’installer sur l’arène internationale, d’acquérir le rang de chef d’Etat et de gouvernement.
Une division des tâches qui est reconnue entre tâches nobles et tâches un peu plus ingrates. Ces
dernières sont éclatées entre les représentations nationales. Le SPI fait aussi ce travail
d’information vis-à-vis des opinions publiques nationales. Ils sont plus éloignés du cœur du
réacteur de la COM.
D’un côté, une DG et de l’autre côté, un service qui coordonne les porte-paroles des
commissaires européens. Le SPP est un service coordonné mais chaque commissaire a son
porte-parole.
Il n’y a qu’à 3 reprises, jusqu’à la COM Juncker II (un changement important, cf. infra), que
le chef du SPP est aussi DG X.
- Entre 1977 et 1982 ;
- En 2001, pendant une petite année pendant la transition Prodi ;
- Entre novembre 2004 et novembre 2005 le temps d’installer la COM Barroso.
Pendant toute cette histoire, les deux services ne sont pas dirigés par les mêmes personnes.
C’est une manière de montrer qu’il y a des fonctions nobles (SPP, système Olivi) et d’autres
moins nobles (toutes les autres tâches).
Autre indicateur des différences entre les services : les porte-paroles ( Johanna ??? 2002, sur
la COM) sont recrutés directement par les commissaires européens.
L’idée étant que le commissaire a son porte-parole pour gérer sa communication alors que
les fonctionnaires de la DG X sont des fonctionnaires européens, rentrés par concours et qui
ont un passage très long dans cette DG. Y compris au sein de l’appareil de la COM, ce ne sont
pas les fonctionnaires qui circulent le plus dans la machinerie de la COM.
La segmentation fait qu’il est difficile de faire une communication globale. La DG COMM
n’a pas la force politique pour le faire. Elle est toujours reléguée au Xe rang, alors que la DG
ECOFIN est la DG la plus importante.
Depuis la COM Juncker II, les choses sont en train de bouger. Organigramme plus simplifié et
reprise en main de la communication autour de la présidence de la COM. Mais
présidentialisation de la COM pour pouvoir arriver à ça. Un des effets du système des
Spitzenkandidaten.
C’est aussi ce qu’on observe avec la cellule ISTRATCOM. Cette histoire semble réglée avec la
COM Juncker, mais pas totalement. Quand il y a des nouveaux enjeux (Cambridge Analytica,
les fake news, l’ingérence russe…), la cellule de lutte contre les fake news échappe à la DG
COMM de la COM et du P€ et est prise en charge par le SEAE. Alors qu’on centralise toute
la communication dans une DG, on externalise à nouveau un des aspects de la
communication sur un aspect de relations extérieures. Aujourd'hui, il y a cette concurrence
à nouveau entre la cellule ISTRATCOM et une cellule veille/réseaux sociaux au sein de la DG
COMM qui n’ont pas la main pour gérer la lutte contre les fake news. On continue de retrouver
ces éléments encore aujourd'hui.
Dès le 11 novembre 2014, très tôt après sa réélection, Juncker dit que « ommunication can only
be successful if the Commission speaks with one voice. » Il faut parler d’une seule voix et
cette voix doit respecter le principe de la collégialité. Politiquement, il dit bien qu’il respecte
la collégialité du gouvernement (si on raisonne par métonymie avec un système parlementaire).
On parle d’une seule voix mais cette voix doit refléter la collégialité et les modes de
fonctionnement de notre gouvernement.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
La DG COMM est centralisée.
C’est une organisation relativement durable. Les porte-paroles sont reliés au chef du porte-
parolat qui est lié au DG. Le vrai changement, c’est que durablement, les porte-paroles
sont rattachés à la DG COMM et ne sont pas dédiés à un commissaire mais ce sont des
porte-paroles avec différents portefeuilles. On a affaibli le porte-parole pour le mettre
dans la DG COMM.
Ce qu’on retrouve chez les journalistes (cf. Tixier) : les journalistes voient qu’ils peuvent
critiquer, il ne faut pas hésiter à porter le fer contre la COM et en retour la COM de dire qu’ils
doivent être en mesure de répondre.
Il faut véritablement être un service exécutif et apporter au collège de la COM un outil plus
combatif pour cette communication.
Un outil exécutif = faire remonter les informations. C’est là où les bureaux dans la DG
COMM ont gagné un rôle plus important pour faire remonter les infos auprès de l’opinion
nationale auprès de la COM.
C’est aussi un outil corporate, on n’oublie pas la logique de Delors de faire la marque Europe.
C’est une marque beaucoup plus centralisée. C’est la COM et le président de la COM qui
assument cette marque.
C’est toujours dans cette vieille orientation de faire rentrer l’Europe dans la tête des gens, la
DG COMM est maintenue dans ses vieilles fonctions, mais agrémentée dans une fonction
doublement politique :
- parler aux journalistes
- faire une communication politique de premier rang.
Ne pas hésiter à utiliser les réseaux sociaux pour marteler et mener des engagements politiques
plus forts, ce qui était presque impossible auparavant. Une fois qu’on est d’accord sur les EDL
de la COM, on peut être beaucoup plus offensifs. Passe par une augmentation des moyens
de la DG COMM. A partir du moment où on centralise les moyens éclatés dans d’autres DG,
les moyens de la DG COMM augmentent relativement.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
Chapitre 3. L’opinion publique européenne en questions.
L’opinion publique européenne et l’espace européen.
2 temps :
- Retour sur une critique de l’outil Eurobaromètre
- Espace public européen et médiatisation de l’enjeu européen, notamment au travers
la crise de l’Euro, un révélateur des enjeux de médiatisation.
I. L’invention de l’OPE
Bibliographie :
ALDRIN (Philippe), « L'invention de l'opinion publique européenne », Politix 1/2010 (n° 89),
p. 79-101.
ALDRIN (Philippe), « Les Eurobaromètres, entre science et politique. Retour sur la fabrique
officielle de l’"opinion publique européenne".» in GAXIE D. et al., dir., L’Europe des
Européens. Enquête comparative sur les perceptions de l’Europe, Paris, Economica, 2010
Pour les institutions européennes, et en particulier la COM, se doter d’un outil de pilotage
d’orientation sur l’action publique, sentir les fenêtres d’opportunité et réussir discursivement à
unifier les Européens en tant qu’un peuple, alors même que la citoyenneté européenne arrive
de manière indirecte avec le traité d’Amsterdam au milieu des 1990’s.
L’ensemble de la communauté scientifique, pour l’essentiel, utilise cet outil et crée une
unité des Européens à partir de ce chiffre.
L’EB est créé en 1973. C’est un outil régulier. Ce qui fait sa force démonstrative, c’est qu’il y
a des questions régulières, de trend (des questions posées régulièrement, tous les 6 mois, qui
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
servent de baromètre de l’OPE) comme : « D’une façon générale, pensez-vous que le fait pour
(notre pays) de faire partie de l’Union européenne est une bonne chose – une mauvaise chose –
une chose ni bonne ni mauvaise ? ». Cette question est constante depuis des années et obtient
des réponses favorables.
Confère une légitimité européenne aux institutions européennes qui est une
légitimité populaire, en plus de sa légitimité juridique.
Autres questions : « Est-ce que vous vous identifiez comme Français uniquement – Français-
européen – Européen uniquement ? »
« Est-ce qu’il faut renforcer le rôle de la COM ? »
« Combien de fois lisez-vous les journaux ? »
Ce qui change, c’est que les DG peuvent poser des questions plus spécifiques. On peut avoir
des EB plus spécifiques par rapport à des domaines de politiques publiques (ex : sur la politique
économique, gestion des frontières…). On peut avoir des EB, par exemple quand la France a
voté contre le TECE. C’était un EB destiné aux Français pour savoir pourquoi ils ont voté
contre. Dans un tour de passe-passe symbolique énorme, le rapport dit que 75% dit que l’UE
est une bonne chose et les Français restent convaincus de l’intégration européenne = alors même
qu’ils viennent de voter contre au Référendum.
Ce n'est pas inintéressant sociologiquement : on peut séparer les 2, on peut refuser un texte en
étant pour l’intégration européenne. Mais là, le but était de renégocier ce qui est devenu le
traité de Lisbonne. 75% des personnes à qui on a posé la question ont répondu qu’une
constitution est indispensable pour la poursuite de l’intégration européenne. Mais on se garde
bien de garder de poser des questions sur le contenu de cette constitution = ce serait faire de
la politique politicienne, or la COM n’a pas mandat pour poser ce genre de questions.
On n’aura jamais des questions politiciennes : par exemple, des noms de dirigeants européens.
Equilibre des positions = il ne faut pas se fâcher avec le Conseil ou avec le P€.
Dans les EB du P€ = des questions générales, qui ne doivent pas intéresser seulement un
groupe politique. Un instrument de mesure qui sert à donner des arguments pour dire
pourquoi il faut continuer l’intégration européenne. Mais c’est quand on regarde les EB, on
voit que ça va globalement toujours dans ce type de question.
Le paradoxe : tout est toujours fait dans la transparence. Il suffit de regarder les données pour
voir quelles sont les questions qu’on enlève, y compris les questions problématiques.
La question est de savoir qui va utiliser cet outil et qui va en faire un instrument d’AP.
Il ne s’agit pas de regarder les sondages en tant que tel. Cf. Virginie van INGLEGOM (voir
Démocratie européenne). Si on veut faire une analyse critique, il faut regarder les questions
qui n’apparaissent jamais et qui ne sont jamais abordées.
Communication pour convaincre les réticents. Dans les rapports : qu’est-ce qui fait que les gens
sont contre et comment peut-on faire pour améliorer ? Paradigme diffusionniste de la COM.
Ca sert à légitimer les institutions.
Une des questions qui a été très tôt enlevée mais posée dans l’EB 3 en 1975 : si le UK venait
quitter le marché unique, est-ce que vous seriez triste/content/indifférent ?
Poids important du UK.
Question trop sensible : pourrait donner des arguments politiques à certaines personnes
alors qu’on ne veut pas, parce que c’est à l’encontre de l’intégration européenne, donc
dangereux pour l’institution (le marché commun), donc on retire tout de suite la question.
Dans les domaines plus techniques, on s’appuie moins sur les EB. Il peut y avoir des EB
spécifiques dédiés à des groupes sociaux spécifiques : tester toute une batterie de questions
auprès des entrepreneurs, des agriculteurs, etc. C’est là où on voit l’effet d’instrument de
conduite de l’action publique.
Aller voir le site de l’Eurobaromètre pour voir la liste des EB et se rendre compte qu’on peut
aussi orienter l’AP en fonction de l’OP générale soit en fonction des leaders d’opinion.
Les rapports : on voit bien l’idée du 2-step-flow of communication. On touche les Européens,
on explique à quel point c’est génial, ou on spécifie sur des groupes sociaux particuliers qui
doivent faire advenir l’intégration européenne.
Les EB sont des instruments dont les questions sont toujours complexes.
Exemple de question (EB10, 1978) qui demande au citoyen de se positionner en tant que
dirigeant politique. Cette question est très compliquée parce qu’elle suppose un degré de
technicité et de connaissance de l’UE assez élevé.
“Which one of these opinions comes closest to your own on the future elections to the European
Parliament?
1) It is an event with important consequences which is certain to make Europe more
politically unified. 64.2%
2) It is an unimportant event because the national governments will not be bound by the
votes in the European Parliament.”
(EB - Etude qualitative, Les citoyens européens et l’avenir de l’Europe, mai 2006)
Eclair de lucidité de la cellule EB. Quand elle fait des entretiens qualitatifs avec des focus
groups, elle se rend compte des problèmes de l’outil et en reconnaît les limites.
Idée de mobilisation cognitive : l’Europe sera là quand elle sera bien expliquée. C’est à
l’appui de ces connaissances que développement d’outils/de tests/de jeux, qu’on légitime la
création de la Maison de l’Europe, le renforcement de certaines politiques éducatives, certains
programmes d’éducation, permet de justifier pourquoi on dépense de l’argent auprès des EM
pour maintenir des bureaux de la COM.
Suite à ces EB, rapport de toute l’Europe en France qui porte sur cette question de ce que savent
les Français sur l’intégration européenne et quelles sont les pistes pour renforcer cette
connaissance.
C’est un instrument assez fort. A défaut d’avoir un effet immédiat sur les politiques
publiques, il légitime certains groupes d’acteurs pour pousser leurs positions en matière
de communication.
A l’origine, l’EB est soutenu par le P€ mais très largement critiqué parce que le P€, à
l’époque Assemblée commune qui n’est pas encore Parlement mais qui s’affiche comme
Parlement (il devient Parlement dans les textes en 1986), dit qu’il faut comprendre ce que
pensent les Européens. Il faut un instrument parce que l’Europe c’est compliqué, les citoyens
ne comprennent rien et on est sur plusieurs Etats.
Le P€ dit qu’il a la légitimité élective et démocratique, donc c’est à eux d’avoir la main
sur cet instrument.
Quand on dit que 53% des répondants disent qu’ils connaissent le P€ c’est 53% de 66%
puisque 33% des répondants n’en connaissent aucune. Ca ne change pas l’ordre d’arrivée :
le P€ reste l’instrument le plus connu. Mais en ordre d’arrivée, on a le P€ en premier et en
deuxième Ø.
Mais difficile de faire le tri entre le Conseil européen, le Conseil de l’UE, la Cour des comptes
européenne ou le CoR, …
Cette question se retrouve assez peu dans les Parlemetres. Les réponses sont plus fluctuantes.
C’est lié à la composition du bureau du P€ et des enjeux du P€. L’EB est lié à la DG comm du
Parlement. C’est à ce titre qu’ils ont élaboré les politiques de communication pour les futures
élections européennes.
Dans les EB, il y a une question qui était pendant longtemps l’identité européenne serait
une identité supranationale. Il y aurait une gradation. On est de plus en plus Européen si on
s’affirme uniquement Européen.
« Je me sens uniquement (national) – national et européen – Européen et national –
uniquement Européen. »
Cette question posait plein de problèmes. De savoir si je suis national et européen ou européen
et national est trop complexe. Meli-melo de réponses au milieu qui ne répondaient pas aux
enjeux nationaux. On a désormais fusionné les 2 modalités, donc maintenant 3 modalités de
réponse.
Que faire des Etats en phase de régionalisation ? En Espagne, est-ce que je me sens Catalan
et Européen, donc est-ce qu’il faut rajouter une réponse « régional et européen / régional
uniquement », donc cette question est rapidement devenue complexe, sans compte que
politiquement, personne ne se met d’accord sur ce que serait l’identité européenne.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
Un certain nombre de travaux s’intéresse à la politique symbolique de l’UE // Anderson :
passer par la revendication de symboles forts (une cartographie, une langue, un support…).
Justifiait de devoir mettre des drapeaux partout = le marketing de l’UE.
Ces travaux montrent que quand on pose cette question, on est dans une identification
(« comme ») = l’intégration européenne n’est pas suffisamment avancée, peu de gens se
sentent « comme » des Européens.
Depuis une 15N d’années, les institutions et les travaux scientifiques s’intéressent au banal
nationalism = des formes d’identification avec l’intégration européenne. J’arrive à
m’identifier avec certains éléments de l’intégration européenne. Idée contingente qui
justifie la création de tout un ensemble de politiques de communication qui vont être les musées
de l’intégration européenne.