Vous êtes sur la page 1sur 49

Communication et lobbying européens

Communication européenne N. HUBE

Action publique, communication et média en Europe

Table des matières


Introduction ...........................................................................................................................2
Bibliographie .........................................................................................................................3
Chapitre 1 : Légitimer l’Europe...............................................................................................4
I. Légitimer l’Europe I : Un (vieux) problème et ses enjeux (actuels) ........................................4
1.1. La communication dans les études européennes : un objet ignoré devenu central et pluriel ....... 4
1.2. Une politique de l’opinion marquée par son historicité............................................................... 6
1.3. Communication, identité et réserve du symbolique .................................................................... 7
II. Légitimer l’Europe II : le porte-parolat de la Commission et sa remise en cause ...................8
2.1. Acte 1 : le moment fondateur du monopole de l’exécutif (1950 – 1979) ..................................... 9
2.2. Acte 2 : du « déficit démocratique » à la critique de Bruxelles (1979-)....................................... 13
2.3. Acte 3 : Le choc Santer et la querelle des légitimités ................................................................. 14
2.4. Acte 4 : Du réveil de la querelle juridique et l’émergence d’un consensus participationniste ..... 16
2.5. Acte 5 : Une nouvelle division des rôles, ou un porte-parole partagé ........................................ 20

Chapitre 2 : Les professionnels de l’information européenne ..............................................21


I. Les professionnels de l’information européenne : les journalistes ......................................22
1.1. Journaliste international à Bruxelles : un métier en voie de normalisation ?.............................. 22
1.2. Les accrédités de Berlaymont ................................................................................................... 23
1.3. Pourquoi le Berlaymont ? Le système Olivi ............................................................................... 26
1.4. Economie de l’expertise en matière d’information européenne ................................................ 30
II. Les professionnels de l’information européenne : côté COM ..............................................34
2.1. La « DG des bras cassés » ................................................................................................................ 34
2.3. Le management paradoxal de l’information-communication communautaire .................................. 37
2.4. Le changement de la ligne de la COM Juncker : la centralisation (enfin ?)......................................... 39
Chapitre 3. L’opinion publique européenne en questions. ...................................................42
I. L’invention de l’OPE.............................................................................................................42
A. Questionner sociologiquement le questionnaire Eurobaromètre................................................... 42
II. Existe-t-il une identité européenne ?...................................................................................48
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
Introduction
Objet du cours : Considérer la communication comme une politique publique / action publique
comme une autre.
La communication européenne est un outil de légitimation d’une Europe politique (c’est
clairement dit par les institutions) et de nation building (comment on fait exister un projet qui
n’a pas de peuple1).
Exemple : A chaque élection, on retrouve le même problème : si les gens ne votent pas, c’est
que la communication ne fonctionne pas.

Ce qu’on ne fera pas : on ne réfléchira pas à ce qu’il faut faire pour mieux promouvoir l’Europe.

La question du cours : Pourquoi, à un moment donné, des acteurs se disent qu’il faut faire qqch
pour promouvoir l’Europe et qu’on a un problème de légitimation de l’UE ?
La préoccupation de Jean Monet n’était pas d’embarquer les masses à la base, même si on sort
de la guerre et de la propagande (et pas forcément totalitaire).

Le cours revient sur :


– La construction de l’UE comme communauté et comme ordre politique ;
– Ses dimensions communicationnelles, identitaires, culturelles et mémorielles : la
manière dont l’UE cherche à écrire et promouvoir ses valeurs, comment on les fait
exister dans les débats publics (cf. cours « institutions et la démocratie européennes ») ;
– Les politiques symboliques et communicationnelles européennes, les grands rôles
politiques européens et les modes d’interactions entre élites et masses au niveau de l’UE
(démocratie participative, représentation d’intérêt, action collective, médias), ainsi que
les instruments de suivi et de mesure de l’opinion publique européenne.

Comment faire exister l’ordre du discours ? Cf. Foucault, sa leçon inaugurale au Collège de
France. C’est ce pourquoi on se bat, et pour qu’on se batte sur l’ordre du discours, il faut aussi
des acteurs et des promoteurs, une matérialité de ce discours. La matérialité se définit par
des lignes budgétaires, des ministères, du droit… qui permettent de dire qu’on a le droit de
parler au nom des autres.

1
Pour aller un peu vite.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
Bibliographie
Aldrin P., Hubé N., Ollivier-Yaniv C., Utard J.-M., dirs., Les médiations de l’Europe politique,
Presses universitaires de Strasbourg, 2014 : comment différents acteurs et différentes politiques
publiques communiquaient.
Aldrin P., Hubé N., dir., « L’Etat participatif », Gouvernement et Action Publique, 2, 2016
Bartolini S., Restructuring Europe. Centre formation, system building and political structuring
between the nation state and the European Union, Oxford, Oxford University Press, 2005.
Best H., Lengyel G., Verzichelli L. (Ed.), The Europe of Elites. A Study into the Europeanness
of Europe's Economic and Political Elites, Oxford University Press, 2012.
Cerutti F., Lucarelli S. (eds.), The Search for A European Identity. Values, policies and
legitimacy of the European Union, London, Routledge, 2008.
Checkel J., Katzenstein P. (eds.), European Identity, Cambridge, Cambridge University Press,
2009.
Deutsch K., Nationalism and social communication, Cambridge MA, MIT Press, 1st edition
1953, 2nd. 1966.
Diez Medrano J., Framing Europe. Attitudes to European Integration in Germany, Spain and
the United Kingdom, Princeton, Princeton University Press, 2003
Fligstein N., Euroclash. The EU, European identity and the future of Europe, Oxford, Oxford
UP, 2008.
Foret F., Légitimer l’Europe. Pouvoir et symbolique à l’ère de la gouvernance, Paris, Presses
de Sciences Po, 2008
Foret F. (dir.), L’espace public européen à l’épreuve du religieux, Bruxelles, Editions de
l’Université de Bruxelles, 2007
Gaxie D., Hubé N., De Lassalle M., Rowell J., dirs. L'Europe des Européens. Enquête comparée
sur les perceptions de l'Europe, Paris, Economica, 2010 : à la suite des débats sur le TCE.
Kuhn T., Experiencing European Integration: Transnational Lives and European Identity,
Oxford, Oxford University Press, 2015.
Picard Robert, Ed., The Euro Crisis in the Media: Journalistic Coverage of Economic Crisis
and European Institutions, Reuters Challenges Serie, I.B. Taurus & Co Ltd, London/New-York,
2015.
Krankenhagen S., Kaiser W., Poehls K., Eds., Exhibiting Europe. Transnational Networks,
Collections, Narratives, and Representations. Oxford: Berghahn, 2014.
Risse T., A Community of Europeans?, Ithaca: Cornell University Press, 2010.
Schrag Sternberg Cl., The Struggle for EU legitimacy. Public Contestation 1950-2005, London,
Palgrave Macmillan, 2013.
Van Ingelgom C., Integrating Indifference. A Comparative, Qualitative and Quantitative
Approach to the Legitimacy of European Integration, London, ECPR Press, 2014.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
Chapitre 1 : Légitimer l’Europe
Ce chapitre est un chapitre historique : la communication européenne s’ancre dans une
historicité très longue et beaucoup de choses se jouent dès 1950. Il y a des chemins de
dépendance (path dependency) dans les politiques européennes qui se posent dès 1950.

En 1950, l’UE est à un état préhistorique. Il est tout à fait possible qu’elle n’aboutisse pas à ce
moment-là. Mais il y a déjà des acteurs, des enjeux et du budget pour la communication, à
un moment où, parallèlement, la France refuse de le faire pour elle-même (la communication
d’Etat patauge parce que l’on parle de propagande, que l’on est dans un régime parlementaire,
etc.). Or, si on donne à une institution les moyens de faire les choses, il est difficile de les lui
retirer par la suite.

I. Légitimer l’Europe I : Un (vieux) problème et ses enjeux


(actuels)
1.1. La communication dans les études européennes : un objet ignoré devenu
central et pluriel

A l’heure des séries très bien montées, la communication européenne semble, aux yeux
des analystes, plutôt digne d’une série B, tant on a des personnages moins bien montés (on a
l’impression que c’est une série peuplée de seconds rôles sur le retour). Pour autant, ce qui est
intéressant quand on s’y penche, c’est que l’UE a plutôt été en avance en matière de
communication.
Ainsi, quand Emmanuel Macron est élu en 2017, il lance l’idée des consultations
citoyennes sur l’Europe (mobiliser les citoyens pour l’UE)2. Mais à Bruxelles, ça a fait rire : la
Commission a déjà mis en place :
– Les ICE (initiatives citoyennes européennes) : « L’initiative citoyenne européenne
vous donne l’occasion unique de participer à la construction de l’Union européenne en
demandant à la Commission européenne de proposer de nouvelles législations. Dès
qu’une initiative atteint la barre du million de signatures, la Commission doit décider de
l'action à entreprendre » (source : UE)
– Les ECC (European citizens’ consultations) avaient lieu entre 2005 et 2007 : « Les 10
et 11 mars 2007 a eu lieu à Canach une délibération entre 45 citoyens résidant au
Luxembourg dans le cadre de la European Citizens’ Consultations. La European
Citizens’ Consultations était le premier débat paneuropéen impliquant simultanément
des citoyens des 27 États membres de l’Union européenne au-delà des frontières
linguistiques et géographiques. Ce projet de recherche est issu d’une convention avec la
Commission européenne dans le cadre du plan D (Démocratie, Dialogue et Débat) lancé
en octobre 2005. » (source : Luxembourg)
– Un programme de démocratie participative depuis 2017.

Voire, la Commission s’est rendu compte que ça ne servait pas à grand-chose.

2
Discours du 26 septembre 2017 sur l’Europe. En France, 1 082 consultations se sont déroulées entre le 17 avril
et le 31 octobre 2018. Portées par des associations, des écoles, des institutions ou des particuliers, elles ont
réuni près de 70 000 participants. Au total, 97 des 101 départements français ont participé aux consultations
citoyennes. 400 communes ont organisé une ou plusieurs consultations citoyennes. Source : vie publique.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE

De plus, quand le web


devenait un peu participatif
(avant les réseaux sociaux),
la Commission avait déjà
inventé un rapport
beaucoup plus direct avec
ses citoyens (avec Europe
Direct). Mais ces outils sont
assez peu visibles.

 En somme, ce qui était le génie de 2017 avait 10 ans de retard et aucun journaliste
politique ne l’a soulevé.

Il y a toujours cette tension entre :


– D’un côté, le problème permanent de légitimation de l’UE : les citoyens ne veulent
pas d’Europe et ne participent pas ;
– De l’autre côté, des formes d’innovation communicationnelle assez anciennes.

Cette tension est renforcée par un double discours/récit qui vient en permanence tamponner les
politiques publiques qui sont menées :
– D’un côté, une vision de l’UE comme la légitimation par les outputs (les résultats) :
l’Europe marche parce qu’elle garantit la paix, la prospérité… Mais c’est pas très
glamour sauf pour les européistes et ce n’est plus aussi facile / vrai aujourd’hui (difficile
de parler de prospérité économique quand on est en crise depuis 2008, ou de parler de
la success story de la politique agricole quand on voit les soucis chez les agriculteurs…).
L’Europe par les résultats est une trame de fond très forte dans la conduite des
politiques publiques mais peine à être expliquée et n’est pas très vendeur.
– De l’autre côté, à l’inverse, la recherche d’un soutien populaire qui serait la
légitimation par les inputs : comment des citoyens se mobilisent pour défendre un
projet commun de vie en société.

Quels sont les symboles, autour de quoi se raccrocher pour l’Europe ? Il est très difficile de se
mettre d’accord sur un drapeau (le drapeau vient du Conseil de l’Europe), idem pour l’hymne.
Ces symboles font toujours l’objet de discussions et de tensions (sur les racines judéo-
chrétiennes de l’Europe, sur les frontières, sur la devise…).

 C’est un problème consubstantiel à ce phénomène politique nouveau qu’est l’intégration


européenne.

Dans la théorie néofonctionnaliste : dans les grands travaux de la science politique de


l’époque, il y avait l’idée que les identités suivront les intérêts. Quand on aura compris
l’intérêt de l’UE, on se ralliera à l’UE. C’est une trame de fond dans le discours, dans la
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
compréhension du phénomène et dans la mise en place d’une communication européenne
qui va structurer l’intégration européenne depuis les 1950’s jusqu’aux 1980-1990’s et qu’on
continue de trouver dans le discours des institutions européennes. C’est bizarre que les gens ne
comprennent pas, donc il faut mieux expliquer. Une bonne communication, c’est expliquer
ce qu’on apporte : si les gens comprennent ce que l’UE leur apporte, ils vont comprendre
leur intérêt. Une manière de structurer la communication, qui vient d’une construction
intellectuelle de l’UE (cf. les European studies).

Dans la théorie intergouvernementale : Ces approches prêtent assez peu d’intérêt aux intérêts
des citoyens. Elles considèrent que c’est de la négociation entre EM, les allégeances
nationales restent et on n’a pas à chercher une allégeance supranationale. C’est
fondamental dans les communications nationales : le poids d’un Etat dans l’UE. Un grain de
sable dans l’équation avec lequel on est obligé de composer. Il y a une petite tension interne
aux institutions européennes : entre Commission/Parlement d’un côté (institutions
supranationales) et Conseil de l’UE/Conseil européen de l’autre (institutions
intergouvernementales).

Dans la théorie du néo-institutionnalisme sociologique : Les travaux prêtent attention aux


vecteurs de l’identité, le banal europeanism3, idée anthropologique selon laquelle il y a une
forme de nationalisme ordinaire.
En matière de communication européenne, les acteurs lisent énormément et discutent beaucoup
avec le pôle de la recherche, donc ils sont influencés par cette promotion et par l’usage des
eurobaromètres qui sont travaillés par les institutions académiques européennes. La
Commission est aussi influencée par ces discours. Les promoteurs de l’Eurobaromètre sont
Jacques-René Rabier (écrit dans le champ international) et Renald Inglehart (star de l’étude
d’opinion). Les Eurobaromètres sont cités par les grandes revues internationales et par la DG
COM.

A partir du moment où la littérature commence à écrire sur ces théories, les institutions
européennes s’y intéressent et y réfléchissent : c’est par ce biais qu’elles vont se dire, par
exemple, qu’il faut une maison d’histoire de l’Europe. Le nationalisme n’est pas qqch qui se
décide par en haut, mais aussi une communauté imaginée (cf. Benedict Anderson), il faut se
retrouver autour de symboles et d’une histoire. Ces approches théoriques ont donc des
répercussions dans les travaux menés par la Commission.

 Différents modèles et différentes approches du problème.

1.2. Une politique de l’opinion marquée par son historicité

Quand on parle de communication européenne, on parle aussi d’une politique de


l’opinion, avec cet enjeu d’embarquer avec soi cette opinion européenne, ces Européens. Cette
politique est marquée par l’histoire réelle ou supposée du soutien ou non de l’opinion à
l’égard de l’intégration européenne.
Tant qu’on pense que les opinions suivent parce que c’est un processus historique positif
(intergouvernemental et néofonctionnalisme), on va beaucoup moins travailler les convictions.
Mais on commence à se rendre compte qu’il y a une forme de désaffection européenne, qu’on
est passé d’un consensus permissif (permissive consensus : les citoyens sont permissifs,

3
Vient du « banal nationalism »
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
même s’ils ne voient pas l’intérêt de l’UE ils laissent faire. Traverse l’UE jusqu’aux 1980’s
et aux premières élections européennes (notamment 1994), aux débats autour de Maastricht :
on se rend compte que les gens ne votent plus, qu’en France, acteur historique de l’intégration,
le traité passe à quelques votes près… il y a un problème. Avec les premiers élargissements,
avec l’intégration du UK, il y avait déjà un premier sursaut sur le fait que l’opinion ne suit pas
naturellement) à un dissensus contraignant (l’intégration européenne ne va plus de soi).  Il
faut changer la conduite de l’UE en matière de communication européenne, d’action
publique et il faut changer le travail de conviction sur l’opinion.

Consensus permissif Dissensus contraignant


•Jusqu'à 1994 •L'intégration européenne ne va plus
•Les citoyens ne voient pas l'intérêt de soi.
de l'UE mais laissent faire. •Définition

L’opinion publique européenne n’est pas qqch de donné. Le travail de la


communication européenne est très dépendant à l’historicité de l’opinion.
Le résultat des élections de 2019 est un moment magique au sens de la pensée magique :
pour une fois, les résultats sont tellement là qu’on pense que tout va bien dans le meilleur des
mondes. Fin 2019, au Parlement européen, régnait l’idée que les Européens avaient retrouvé la
raison et que l’Union avait réussi sa politique de communication.
Mais la question de l’historicité de l’Union se pose aussi : il faut élaborer ce grand
récit de l’Union et trouver un discours plus fédérateur autour de l’idée d’un espace public
européen. Comment promouvoir l’écriture journaliste européenne ? Comment promouvoir
le commun de la communauté européenne ?
Quand l’Eurobaromètre est inventé en 1973, il devient un instrument de
gouvernement et de conduite de la communication européenne. Ce n’est pas uniquement
un instrument de mesure scientifique, mais aussi une aide à la décision pour les acteurs.

 Au début des 1970’s, la structuration de la Direction générale à la Presse et à


l’Information (« DG X ») et la création du programme Eurobaromètre en 1973 traduisent
la mise en instruments de cette politique. L’une comme l’autre suppose la formation
d’un réseau assez dense de partenaires extérieurs aux institutions communautaires
mais favorables au projet d’unification de l’Europe.

1.3. Communication, identité et réserve du symbolique


La communication comme reconstruction permanente des identités : comment on
fait exister un bloc. Toute la difficulté, c’est de faire exister ce bloc commun d’identités
communes alors même que c’est un processus (de 6 à 27 EM), qu’il y a des histoires nationales
différentes et des acteurs différents.
La communication comme réactivation périodique de significations latentes. La
construction identitaire d’une nation repose sur un stock de valeurs reconnaissables. Pour
l’Europe, la difficulté c’est qu’il y a très peu de signifiants identitaires et dès que l’on commence
à vouloir avancer sur ces signifiants, on bute sur la construction des Etats nations et du stock
identitaire national. Dès qu’on essaie d’introduire ces éléments dans les traités, ça ne fonctionne
pas. On essaie de réactiver ces éléments à chaque crise de la construction européenne.
Manuel franco-allemand sur l’histoire de la construction européenne mais qui est très peu
utilisé, ne sert qu’à certaines filières (les abibacs par exemple).
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
La mise en avant de la démocratie est latente = elle n’est pas explicite jusqu’au traité de 2007.
Il faut systématiquement rappeler que l’Europe, c’est la paix.

II. Légitimer l’Europe II : le porte-parolat de la Commission et sa


remise en cause

« L’Europe, quel numéro de téléphone ? » Cette question, fictive ou réelle que l’on prête à
Kissinger, s’est effectivement posée dans les institutions européennes, mais plutôt de la manière
suivante : sur quel bureau installer le téléphone ?
Si on veut mener une politique de communication, si on veut dire l’Europe, il faut savoir
qui a le droit de dire. C’est une question qui parait très théorique, mais ce sont des questions
que se sont posées les institutions européennes dès le départ. Qui peut parler au nom des
Européens ?
Quand on mène une politique, quelle qu’elle soit, on agit toujours au nom du peuple,
des intérêts supérieurs d’un pays, ou on conteste. Mais dans tous les cas, on engage un projet
commun et des identités. Mais se pose la question prosaïque : qui peut engager la chose ? Cf.
La sociologie des religions : qui a suffisamment de capital institutionnel pour ce faire ? 
Qui peut mener une politique et au nom de quels Européens (les EM, les électeurs, la protection
du marché européen) ? Cette question se pose dès le départ, même dans les 1950’s, parce qu’il
n’y a pas une seule institution : trois bureaucraties pour une politique. Comment faire tenir
tout ça ensemble ?

L’enjeu de légitimer l’Europe, de parler au nom des Européens, est un enjeu


précoce : c’est un tour de force de dire que l’Europe existe. Pour les fédéralistes : les EM sont
certes signataires de ces traités mais ont d’autres enjeux :
 l’enjeu pour la France à l’époque, ce sont les guerres coloniales et la reconstruction ;
 pour l’Allemagne c’est la reconstruction économique, la présence soviétique ;
 pour l’Italie c’est la reconstruction dans la fin du colonialisme, etc.
 Les enjeux nationaux + la Guerre froide : les enjeux débordent de l’Europe.
Ainsi, quand CDG dit « l’Europe, ce n’est rien », ce n’est pas totalement faux à l’époque
(si on regarde l’histoire en train de se faire et pas l’histoire comme on voudrait qu’elle se fasse) :
il y a la CECA, l’OECE (1948), l’UEP (paiement), le Conseil de l’Europe, l’OTAN, l’UEO,
l’AEME… Pas moins de 8 organisations dans les 1950’s qui se revendiquent toutes de
l’Europe. Elles sont basées à Paris, Strasbourg, Luxembourg, Genève et Bruxelles. Il est aussi
difficile de se mettre d’accord sur le point de départ de l’histoire de l’intégration européenne :
en 1949 avec le discours de Churchill à Strasbourg, en 1950 avec le discours de l’horloge, le
traité de 1957, le mouvement d’entre-deux-guerres avec Victor Hugo…

Cf. Martin Herzer, The Media, European Integration and the Rise of Euro-journalism, 1950s–
1970s (2019) : tout ne va pas de soi.
Cf. Les travaux d’Antoine Vauchez. Il a fallu faire un tour de force pour exister sur l’arène
européenne. Le problème de base : quand Jean Monet est président, est-il chef de
gouvernement ou chef d’organisation ? C’est une question très pratique du protocole
diplomatique.  Il fait comme s’il était un chef d’Etat et de gouvernement. Dès qu’il est
nommé, il fait le tour des capitales européennes et va aux USA pour se montrer comme
tel.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
 Comment faire exister ce centre européen, cette institution, autour d’un axe
Luxembourg / Strasbourg / Bruxelles, avec un pôle central qui est Luxembourg à
l’époque et comment s’y intéresser ?

Herzer montre qu’au départ, être journaliste à Bruxelles/Strasbourg/Luxembourg n’est pas très
intéressant : il est plus intéressant d’être à NY, à Genève, à Paris, d’essayer de suivre les grandes
conférences internationales, les négociations de paix… Qu’est-ce qui fait qu’une rédaction
accepte d’envoyer un journaliste dans l’une des 3 villes de l’UE ? Au départ, cet enjeu est de
constituer un travail de porte-parolat : on n’a pas seulement un corps administratif qui se
trouve à Bruxelles, mais on a aussi une espèce de corps politique.

 A la suite de l’analogie classique entre les pouvoirs religieux et politiques proposée par Max
Weber, une telle question conduit à porter le regard sur les modalités de la lutte qui travaille
toute institution de pouvoir autour du « monopole pour l’exercice légitime des biens de
salut ». Ce monopole est revendiqué et affirmé extérieurement à l’égard des « profanes »
mais aussi à l’intérieur de l’institution de pouvoir sous les formes d’une concurrence pour
la captation du « capital de grâce institutionnelle » (Bourdieu, 1971) conférant l’autorité
exclusive à parler au nom de l’institution.
 La question du porte-parolat constitue une entrée privilégiée pour comprendre les tensions,
faites de contraintes de coopération et de velléités concurrentielles, qui animent un espace
d’autorité organisé. Elle est liée aux chocs politiques, aux luttes inter- et intra-
institutionnelles et à la mise en instruments de cette politique de l’opinion.

C’est une histoire en 5 actes qui oppose l’exécutif européen (Haute Autorité puis Commission)
avec l’Assemblée parlementaire (puis Parlement). Le Conseil des ministres est plutôt de
seconde zone dans ce secteur. Au moment de la création et encore aujourd’hui, il y a les 2
institutions les plus intégrées et ce sont au départ deux institutions peuplées de défenseurs du
projet européen (cf. les travaux de D. Georgakakis).

2.1. Acte 1 : le moment fondateur du monopole de l’exécutif (1950 – 1979)


Exécutif VS Assemblée parlementaire
Au départ, c’est l’exécutif qui réussit à s’imposer aux autres acteurs (notamment
l’Assemblée parlementaire). Très tôt, les 3 exécutifs4 vont travailler ensemble alors même qu’il
n’y a pas encore la fusion des exécutifs. Dès 1957, on crée un service commun pour effectuer
le travail de communication.  Cette lutte passe par le droit et les traités. Une bataille par
le droit et pour le droit : comment l’exécutif réussit à centraliser les ressources ? Jusqu’à l’acte
3, le tour de force de l’exécutif est de dire qu’ils ont l’autorité/la légitimité politique et la
capacité opérationnelle : un argument politique + un argument bureaucratique.
Le Parlement perd la bataille, aussi parce qu’il n’a pas les capacités d’aller jusqu’au bout. Mais
cette défaite ne va pas de soi ! Dans les 1950’s, les 6 Etats fondateurs sont des régimes
parlementaires, ce qui signifie que l’ensemble des acteurs politiques qui font l’Europe ont été
socialisés dans un régime parlementaire. Dans un régime parlementaire, l’exécutif doit être
responsable devant le parlement. Le Parlement européen essaie de se dire qu’ils ont la légitimité
à incarner l’Europe parce qu’ils ont une légitimité démocratique élective. C’est eux qui
incarnent les 6 souverainetés nationales donc ils sont légitimes.
 Ca ne va pas de soi de les voir se déposséder de ce droit à parler au nom des autres. Il
faut penser qu’en France, c’est le moment de l’échec de la création du service

4
CECA, Euratom et la CEE qui fusionnent à partir de 1965.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
d’information du gouvernement (cf. Georgakakis ses travaux sur l’entre-deux-guerres).
Echec similaire en Italie, mais réussite en Allemagne.

Dès le départ, la Haute Autorité de la CECA essaie de remporter le morceau et tout est
mis en œuvre pour légitimer cette capacité à mener une politique de communication. Dès 1951,
la Haute autorité met en place un service de communication et d’information de la CECA
qui vise plutôt à toucher les leaders d’opinion (// Lazarsfeld). On peut essayer de convaincre
des millions d’Européens, ça ne marchera pas : il vaut mieux passer par les leaders d’opinion
(responsables syndicaux, les étudiants, les fédérations agricoles…), un biais plus efficace pour
convaincre.
Cf. Le film de communication européenne qui explique pourquoi l’Europe a un avenir radieux
(diffusé en France via le ministère de l’agriculture). La musique de fond est la symphonie du
nouveau monde. Symbolique : Le nouveau monde s’ouvre à nous et on va le créer. Le film
explique qu’il y a un Etat intégré, avec un Parlement, un gouvernement, une cour suprême (cf.
les travaux de Vauchez sur l’Europe par le droit qui montrent que ce n’est pas aussi simple que
ça).

L’Assemblée commune rend un rapport en 1955 dans lequel elle dit que le travail
parlementaire suscite le plus facilement l’intérêt de l’opinion publique et que la Haute
Autorité n’a aucune base légale pour le faire. La Haute Autorité se défend sur la base de
l’art. 8 du traité selon lequel la HA est la seule autorité compétente dans les relations
extérieures. L’argument est de dire que la Haute AUtorité informe à l’extérieur. Au nom des
relations extérieures : tout ce qui est à l’extérieur de Bruxelles ou de Luxembourg. Quand Jean
Monet fait le tour des capitales européennes, quand il En Allemagne, le gouvernement
va aux USA, quand il informe les citoyens via des Adenauer fait la même chose avec le
brochures d’information, ce sont des relations même argument juridique via Walter
extérieures. Hallstein, validé plus tard par la Cour
constitutionnelle. La RFA n’est pas un
e Etat, il y a une Allemagne avec une
Le 2 argument est le budget et le personnel.
RFA et une RDA, on n’est pas
L’Assemblée parlementaire fait des choses, c’est bien, nécessairement un Etat, mais on fait des
mais vous n’avez pas les moyens de le faire : la Haute relations extérieures, pas de la
Autorité a des lignes budgétaires dédiées. Elle s’est propagande/de la communication.
dotée dès le départ d’une administration. L’Assemblée L’argument juridique est une manière
parlementaire va essayer de contre-argumenter avec le de justifier qu’on a le droit de parler,
contrôle parlementaire au nom de certains articles du qu’on a le droit de le faire.
traité. Le Parlement est là pour contrôler le budget.
Très vite dans les archives, on trouve une attention particulière de la Haute Autorité à produire
des rapports et des budgets très détaillés, en faisant des longs rapports détaillés pour montrer
comment et pourquoi ça marche. Comment l’exécutif tord alors le bras du Parlement : les
rapports mettent en avant ce qu’ils font et le fait qu’ils le fassent bien et dans l’intérêt de
tous.

Le rapport Carboni en 1957 revient sur cette question pour justifier du rôle politique
de l’Assemblée parlementaire et continuer à contester le rôle de l’exécutif.

« Les membres de la commission [des Affaires politiques de l’Assemblée] ont mis en


doute que l’exécutif détienne le monopole de l’exécutif de l’information. […]
L’Assemblée commune a un rôle politique propre dans la Communauté, car elle est
l’organe désigné pour prendre position sur tous les problèmes ; il lui appartient donc de
déterminer elle-même sous quelle forme et de quelle manière elle désire porter ses avis
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
à la connaissance de l’opinion. Par conséquent, l’Assemblée ne peut remettre à d’autres
le soin de publier les informations concernant les tâches que lui assigne le Traité. »
(Rapport Carboni, 1957)

Là encore, la Haute autorité va contre argumenter avec la faiblesse des moyens de l’Assemblée
parlementaire (imprimerie, budget, bureaux…). C’est l’argument qui finit par l’emporter. 
Art. 6 du traité : on reconnait aux institutions le droit de représenter la communauté.

Assemblée
Exécutif
commune

 Cette querelle juridique est davantage acceptée que réellement étayée dans les traités.
Elle revient avec le traité de Lisbonne qui inscrit dans le marbre le fait que finalement,
en matière de démocratie €, les deux ont quand même raison (cf. acte 4). Les art. 10 et
11 reconnaissent le droit à la Commission et au Parlement de représenter les Européens.

Création d’un service commun de presse et d’information


Au départ, chaque institution décide de créer son propre service de communication. En 1962,
c’est le Parlement des communautés européennes qui va pousser à la fusion d’un service
commun de presse et d’information afin de mutualiser les ressources. La Commission de
la CEE, du côté de Hallstein, avait commencé à mettre en place un service de porte-parolat
dédié aux journalistes, alors que la CECA était davantage dans un rapport diffusionniste.
 Tout l’enjeu de la CECA d’un côté et du Parlement de l’autre est de ne pas laisser l’autre
prendre le dessus.

Le service de porte-parolat sera fusionné en 1965  2 services :


- Un service de porte-parolat : l’objectif est d’amener avec soi les opinions et les
opinions dites éclairées, notamment à travers le travail des journalistes. Ils ont pour but
de faire venir les journalistes à Bruxelles et les faire installer à Bruxelles  création
d’une « Brussels bubble », de créer un lieu institutionnel.
- Un service d’information, au sein de l’exécutif : service commun qui s’occupe de tout
le travail de communication institutionnelle, d’aller parler aux relais d’opinion, qui est
chargé de diffuser les brochures, de faire des visites dans les EM (bureaux nationaux)
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
et d’organiser des visites de Commissaires européens, de diffuser l’information et la
bonne parole de l’UE.

 Dès 1965, on a déjà pratiquement toute l’architecture que l’on connaît aujourd'hui.

Tous ceux qui travaillent au départ auprès de la Commission ou des exécutifs sont soit des
anciens journalistes (sur 20 journalistes affectés à Luxembourg, 6 sont affectés au service de
communication de la Haute autorité ; des journalistes britanniques pour la compétence
linguistique), soit des hauts fonctionnaires qu’on a débauché dans d’autres institutions.
 Cette politique de communication passe par des lieux, des actions et des personnes
qu’on installe.

Jusqu’au début des 1970’s, la politique de l’opinion de la Commission partage un


paradigme diffusionniste5. En matière de communication, ce paradigme structure
pratiquement jusqu’à aujourd'hui la pensée de la communication européenne.
Paradigme diffusionniste : Les opinions ont besoin d’un relai d’opinion, d’un leader
d’opinion : ce n’est pas nécessairement un grand chef, mais un responsable syndical par
exemple.  Travailler avec quelques personnes de qualité qui vont mieux relayer
l’information. C’est l’idée que le projet européen est bon, est compliqué donc il faut l’expliquer
donc il faut diffuser la bonne parole. Donc on s’intéresse à des groupes à forte valeur ajoutée et
aux étudiants qui sont l’avenir de l’Europe.
N.B : Ce paradigme est toujours d’actualité lorsque l’on regarde la campagne de 2019 du
Parlement européen, bien que s’exprimant dans un vocabulaire propre aux cabinets de
communication.
Cette diffusion de l’information passe par les Maisons de l’Europe, Centre d’information sur
l’Europe, les chambres de commerce.
Jusqu’à la fin des 1970’s, le Parlement européen passe son temps à faire son travail
de contrôle sans revendiquer le droit de parler et rédige quand même plusieurs rapports
(1962, 1972) : il faut que cette politique d’information soit cohérente dans ses propos et dans
ses résultats.
En 1972, il y a une inquiétude autour d’une baisse du budget de la communication. La
DG 10 (qui devient la DG COM) trouve un argument pour créer l’Eurobaromètre en 1973 :
le Parlement demande plus de rétroaction et de vérification. Le Parlement européen estime
que c’est lui le peuple et donc c’est à eux d’avoir cet outil. Mais tant qu’il n’est pas élu au
suffrage universel direct (légitimité politique) et qu’ils ne sont qu’une centaine, ils n’ont pas les
armes et les moyens pour le faire.

 La politique de communication européenne est très précoce, s’inscrit dans un jeu


parlement/Commission, dans un paradigme diffusionniste (du haut vers le bas, si on veut
faire rentrer l’Europe dans la tête des jeux il faut être proactif ; l’Europe est un beau projet
si les gens sont contre c’est qu’on leur a mal expliqué).
 Le paradigme diffusionniste structure encore aujourd'hui la conception en Europe,
même si la politique évolue (actes 3 et 4).
 Il y a une précocité de la pensée de l’UE à trouver sa légitimité. Les enjeux de légitimité
de l’UE ne sont pas des enjeux d’aujourd'hui. On retrouve des éléments déjà anciens. Si on

5
C’est un paradigme très systémique, c’est une mauvaise digestion de Lazarsfeld et du two step flow of
communication.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
veut comprendre les politiques de maintenant, il faut comprendre ça comme une
bureaucratie : qu’est-ce qui est politique et qu’est-ce qui est technique ?
 On ne bouge pas aussi facilement le poids de l’institué. Mais il y a un budget très fort et une
volonté très forte de conduire cette politique.

 Période de tensions et de batailles pour savoir qui a le droit de parler au nom de l’Europe
et qui paie la facture. Globalement, pcq ils ont les moyens humains et financiers, la
COM finit par l’emporter face au Parlement €. Le Parlement € accepte bon gré malgré
de partager ce qu’il pense être une partie de sa légitimité à parler au nom des Européens.

2.2. Acte 2 : du « déficit démocratique » à la critique de Bruxelles (1979-)

Un concept qui vient des Britanniques : « déficit démocratique ». Il faudrait donner une âme
démocratique à l’Europe.
1979 : publication d’un pamphlet parlementariste rédigé par David Marquand, Parliament
for Europe : il dénonce les raisons bureaucratiques et les Etats-nations qui freinent le
développement démocratique de l’Europe.
La critique du déficit démocratique est dans un premier temps tenu par les fédéralistes
qui veulent davantage ancrer l’Europe en tirant profit de l’élection au suffrage universel du P€.
Quoi de mieux qu’un Parlement pour faire exister politiquement un projet ?
Jacques Delors, président de la COM (1985-1995), essaie d’incarner un rôle quasi
présidentiel.
Du point de vue de la politique de communication de l’UE, il va progressivement transformer
l’Europe en une marque politique. Ce qui est important pour lui, c’est d’avoir un
programme d’information prioritaire :
- Mettre une priorité sur la communication européenne pour justement faire exister
l’Europe ;
- Définir des sujets communautaires prioritaires : il ne faut pas faire une
communication publique tous azimuts. Il faut également axer sa communication autour
de certains sujets, de certains principes que l’on veut pousser en avant. Il vaut mieux
communiquer sur moins de sujets mais plus fortement, de sorte à faire émerger une
marque Europe, une forme d’identité européenne.
On commence à organiser tout un ensemble de manifestations sportives et culturelles : une
course de l’Europe à la voile, le Tour de l’avenir de la communauté européenne, des
championnats européens sont subventionnés. Participation aux expositions internationales de
1988 et 1992 en finançant des pavillons européens.
 Mettre de l’Europe partout, montrer que c’est un espace intégré. Désormais le drapeau est
un véritable élément qui doit être partout, sur tous leurs outils de communication.
Cet esprit marketing est mesuré dans son succès par les Eurobaromètres. Non seulement
on veut mettre en avant des supports de communication plus forts, on met en avant l’Europe
comme une marque, et du côté de la production politique de la COM, on teste et on mesure à
travers l’Eurobaromètre si ça fonctionne ou non. On est dans une véritable entreprise marketing,
boite de communication.
Le Parlement n’est pas content  1986 : Rapport (Baget Bozzo) du Parlement €
déplorant l’invisibilité du P€ et l’absence de message dans la politique d’information de
la COM :
« Il existe une politique d’information sur les politiques communautaires mais elle ne
transmet pas un message, seulement des nouvelles. (…) Le Parlement est un symbole et
les symboles qui échouent sont toujours l’objet de sentiments négatifs. C’est pour cela
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
que le Parlement a l’obligation politique d’engager les Etats de la Communauté à une
politique de la communication européenne. (…) Une politique d’information conçue
sans une politique de communication est une politique sans raison d’être »

La politique d’information, ce sont les bureaux du P€ et de la COM dans les EM, la distribution
de brochures, avoir un pavillon, etc. Mais une politique de communication se doit d’être plus
offensive auprès des leaders d’opinion et doit aller chercher le travail du journaliste. Le
Parlement déplore de ne pas être associé à ce sujet-là.
Dans les 1980’s : début du marketing politique. La question du marketing est à la fois
surprenante mais en même temps pas tellement pour l’Europe.
A une répercussion du côté des recrutements : la DG Com recrute des profils qui sont plus
en lien avec la communication. Avec les concours de la FPE, ce sont plutôt des Eurocrates qui
sont recrutés, mais des concours spécifiques commencent à être organisés pour recruter des
personnes aux profils spécifiques, pour mener cette action.
A cette période, la communication est toujours assez active. On suit le flow politique
mais toujours dans l’idée de faire qqch pour exister.
Après les résultats mauvais de Maastricht, la COM va avoir 2 idées :
- Associer la société civile à sa politique de communication ;
- Commencer à travailler avec les autres institutions : création du groupe de travail
interinstitutionnel d’information (GII) en 1995.
Le GII : fonctionnaires de la COM et du P€ définissent ensemble et de concert les campagnes
prioritaires de l’UE dans les EM.
1993 : Rapport Declerck (?) sur lequel s’appuie le GII : il s’agit de mieux « vendre le produit
Europe ». Le P€ a également endossé cette idée de marketing européen.

2.3. Acte 3 : Le choc Santer et la querelle des légitimités

Le choc de la COM Santer : une victoire assez forte du P€, qui en sort grandi. Cette démission
va très largement remettre à plat la capacité et la légitimité de la COM ou du P€ à dire l’Europe.
Jusqu’à présent, il s’agissait essentiellement de faire de la pédagogie de l’Europe.
Désormais, double crise :
- Crise de la commission Santer ;
- Election de mars 1999 qui est catastrophique : la moyenne européenne est de 50%
d’abstention.
Il y a une urgence à agir. On change de paradigme d’analyse : on rentre progressivement le
constraint dissensus (dissensus contraignant). Il faut partir à l’assaut de cette conviction car
elle ne va plus de soi.
 La COM est affaiblie par cette idée.

Romano Prodi veut être plus offensif6. Pour lui, la « marque Europe » doit être tenue
par le président de la COM.  Le mandat média et communication au sein de la COM
revient au président de la COM. On supprime les intermédiaires.
Les Eurodéputés sont mécontents. On est à quelques mois de l’introduction de l’euro et à
quelques années des prochains élargissements. Le Parlement € est très actif sur cette
question, il produit quantité de rapports et appelle à une politique coopérative pour une
communication de la COM. Ils veulent être associés au travail de la COM.
La COM est obligée de rétropédaler et elle laisse plus de place au Parlement :

6
Il teste en 1999 qqch qui sera rendu possible par la COM Juncker 20 ans plus tard.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
- Elle autorise notamment beaucoup plus fortement les bureaux d’information du
Parlement dans les EM ;
- Elargissement du champ d’action du GII  politique concertée sur la
communication autour de l’élargissement, de l’euro et du débat sur l’avenir de l’Europe
(c’est le moment où l’on commence à créer la Convention européenne dans le but de
donner un nouveau traité à l’UE). L’idée est d’avoir une nouvelle culture de
communication basée sur le dialogue, le respect de la société civile.

 En matière de communication, ça va très largement changer. Ce n’est pas tant du côté


des produits finaux que ça va changer, mais dans la production de ces produits. On
associe les parlementaires, le CESE, les organisations et les représentations de la
société civile à ce travail de communication.
Exemples :
 On finance des produits associatifs. Si un média associatif comme Café Babel arrive
à se créer à ScPo Strasbourg et à se diffuser assez largement sur le sol européen,
c’est parce que derrière ils sont reconnus comme société civile et obtiennent des
financements par les institutions européennes pour faire vivre leur média associatif.
 Financement de radios associatives : Euradio Nantes par exemple. Une radio
associative pro-européenne qui s’est créée au tournant des 2000’s.

 Un ensemble de produits et programmes qui sont mis en place pour favoriser cette
communication par le dialogue. Ce n’est plus une communication par le haut, elle doit
être concertée et déclinée au grain le plus fin.

 Idée qu’on pilote à distance.

La COM apparaît moins franchement, elle laisse faire. On laisse faire là où il y a de la bonne
volonté, des projets eurocompatibles, qui défendent l’idée d’une intégration européenne.

« La Commission européenne est la seule responsable des activités de communication


et d'information relevant de son autorité exclusive, à savoir de son droit d'initiative,
de son rôle de gardienne du traité ou de l'exécution du budget sous le contrôle de
l'autorité budgétaire. Le Parlement européen, en sa qualité de législateur, d'autorité
budgétaire ou d'autorité de contrôle démocratique, doit jouir d'une indépendance
totale lorsqu'il s'agit de donner son opinion et ses membres doivent pouvoir
s'exprimer librement sur tout sujet de leur choix. » (Commission européenne, « Un
nouveau cadre de coopération pour les activités concernant la politique d’information et
de communication de l’Union européenne. » 2001, COM(2001)354 final. 7

On est dans ce moment de bascule. Tous les acteurs considèrent qu’il est important de
rentrer dans un projet coopératif et de discuter, mais sous le contrôle de la COM.

Effet d’innovation en termes de communication : on voit apparaître une plateforme en ligne,


totalement originale, à partir des 2000’s = Your Voice in Europe8. Une plateforme interactive
sur laquelle on peut poser des questions à la COM. C’est aussi un engagement très fort au cours
de ces périodes à créer la transparence via les sites Europarl ou Europa. C’est comme un

7
Communication de la COM du 27 juin 2001, “A new framework for co-operation on activities concerning the
information and communication policy of the european union”
8
Ce sont maintenant les consultations.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
espace politique où il y a une extrême transparence dans les modalités de communication
des décisions. Des quantités de documents sont rendus publics.
 C’est un ajout à la strate marketing : entrer à l’écoute des citoyens et dans la
transparence parce que l’outil marketing qui permet de mesurer la chose, les
Eurobaromètres, tendent à dire que l’Europe est trop obscure.
Limite des Eurobaromètres : on construit des réponses à partir des Eurobaromètres et on
regarde s’il y a de la variation. Si ça va dans le bon sens, on dit qu’on a bien travaillé.
Exemple : la campagne de 2019. Théorie du flocon de neige (diffusion en étoile autour
d’individus plutôt que d’avoir une communication descendante).
2000’s : Moment où l’on introduit les Eurobaromètres qualitatifs9 : il y a des limites
du côté des Eurobaromètres qui ne donnent que des chiffres. Il faut des matériaux pour entendre
la voix des Européens. Cette voix est mesurée par Eurobaromètres qualitatifs. Dure une dizaine
d’années. Souvent auprès de groupes d’intérêt déjà identifiés dans les 1950’s (syndicats
agricoles, étudiants, etc…). Les Eurobaromètres qualitatifs sont rarement faits avec des citoyens
ordinaires.
 Idée : Être à l’écoute, ce n’est plus seulement un %, mais voir ce qu’ils comprennent ou
ne comprennent pas.
Le taux d’abstention est l’indicateur le plus fiable. Si les citoyens participent, c’est qu’ils
voient un intérêt politique au projet européen. L’enjeu de la COM et du P€, même s’ils ne sont
pas d’accord, c’est d’accentuer cette participation. C’est la mère de tous les problèmes.

 Légitimité par les urnes VS légitimité par les sondages.

2.4. Acte 4 : Du réveil de la querelle juridique et l’émergence d’un consensus


participationniste

Echec référendaire de 2005 et le Livre Blanc sur la Communication (2006)


Le choc de 2004-2005 renforce cette idée d’une nécessité d’être offensif sur la communication.
En matière de communication, on a quand même une institution politique qui est extrêmement
préoccupée de sa légitimité et qui va réellement investir pour plus de communication.

Margot Wallström
Margot Wallström est nommée commissaire qui lance le plan D : démocratie, dialogue et
débat. Symboliquement, dans la commission Prodi, elle était n°18/20 dans l’ordre hiérarchique
des commissaires : dans la commission Barroso, en 2004, elle devient VP. Son mandat quasi
unique est la politique de communication.

Suite à tous ces échecs, la COM dit que la communication est la priorité : rentrer en dialogue
avec les citoyens et les convaincre pcq ils sont convaincus qu’il y a le feu au lac politiquement.
Projet Integrated and United EU (2005-2006) : comprendre pourquoi les citoyens ne
soutiennent pas nécessairement le projet européen. Quel est ce mystère qui fait que ce projet
conçu et perçu comme étant l’avenir de l’intégration, pour plein de raisons, rencontre autant
d’oppositions ?

9
Expérience qui n’a pas duré longtemps. Ils les ont resserrés sur les usual suspects (agriculteurs et
entrepreneurs). Innovation des 2000-2005. Dès 2008, il n’y en a presque plus. On peut les retrouver sur Internet.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
L’adhésion des citoyens est un problème que les Etats-nations n’ont plus (à part dans quelques
milieux très politisés et radicalisés). On reste sur une création sui generis de l’Europe. On crée
qqch nouveau, Ø fonction symbolique latente.
 Ca va un peu plus de soi dans les vieux EM : Europe et UE sont souvent prises pour
synonymes.
 UK : dans l’histoire et la construction discursive, dans sa construction symbolique, il y
a toujours une construction qui disait que c’étaient 2 choses séparées. Ø naturalisation
de l’Europe.
Cf. Concept de « Politisation par l’intégration »
 L’Europe a conscience que ce n’est pas naturel.

Ce qui est nouveau, c’est qu’il y a une nouvelle tension entre la COM et le Parlement.

COM : très fort investissement au cours du mandat de Margot Wallström. On passe de 71,9
millions € à 105 millions €. Augmentation annuelle de 16%, 9%, 5% et 1% du budget.

Quand Wallström a son mandat, elle a les moyens d’investir et elle tente d’investir dans une
approche fondamentalement nouvelle : elle met le paquet sur la participation. Elle organise
quantité d’événements en lien avec cette participation : des sondages délibératifs, des
consultations, les ECC (en 2006-2007, une plateforme collaborative = une innovation politique
où l’on laisse les citoyens s’exprimer), etc.

Le Parlement € aussi est convaincu par la nécessité de faire le travail. Il est réellement offensif.
En 2005, budget de 44 mio € (essentiellement des budgets à destination des bureaux nationaux
dans les EM) et en 2010 ils sont au-dessus des investissements de la COM.
 Ils passent de 44 à 108 millions €. Ils mettent souvent le paquet juste avant une élection
européenne.

 Investissement + fort dans la politique de communication à partir de 2004.


Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE

DG Com créée au P€, de la même façon qu’à la COM. Le P€ a obtenu le droit de faire des
Eurobaromètres, qu’on appelle désormais des Parlemètres, qui sont réalisés par la cellule
Eurobaromètre de la COM (construction en partenariat).
 Idée d’enrôlement des citoyens : « Vous êtes des ambassadeurs de l’Europe ». Idée très
lazarsfeldienne (2-step-flow of communication) : pour diffuser l’Europe, il faut les
meilleurs diffuseurs, qui resteront toujours les meilleurs citoyens.

Livre Blanc sur une politique de communication européenne (2006) :


« Les normes et principes communs qui devraient guider les activités d'information et
de communication relatives aux questions européennes pourraient être inscrits dans un
document-cadre – par exemple une charte européenne ou un code de conduite européen
sur la communication. L'objectif serait d'amener l'ensemble des acteurs (institutions de
l'UE, gouvernements nationaux, régionaux et locaux, organisations non
gouvernementales) à prendre l'engagement commun de respecter ces principes et de
veiller à ce que la politique de communication de l'UE serve les intérêts des citoyens.
(…)
« Les institutions de l’UE devraient examiner avec un large éventail d’acteurs du secteur
des médias la manière d’améliorer la fourniture aux médias (paneuropéens, nationaux
et locaux) de données qui les intéressent, afin d’adapter les informations aux besoins
des différents pays et segments de population. »

 Idée dialogique, coopération = il faut tous y aller, on n’a plus les armes pour le faire tout
seul. Il faut embarquer les citoyens.
 Mais ce faisant, la COM garde son leadership. Mais les institutions se battent.

Réponse du CESE :
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
« Le Comité, fervent partisan d'une approche décentralisée, demande instamment à la
Commission de poursuivre sa réflexion sur la façon dont de véritables synergies et une
coopération interinstitutionnelle tangible peuvent être facilitées à un échelon
décentralisé. (…) Le Comité exprime sa préoccupation quant à ce type de formulation
(…) et estime que l'approche potentielle que, semble-t-il, la Commission pourrait
proposer, comporte des risques ».
Comité économique et social européen, « Avis du Comité économique et social
européen sur le Livre blanc pour une politique de communication européenne », 16
décembre 2006, JOUE 2006/C 309/24, p.1 et 2.
 Le CESE veut reprendre des droits.

La réponse du P€ est beaucoup plus brutale :


« Base juridique de la politique de communication − Articles 21, 195, 211 et 308 du
traité CE. Articles 11, 41, 42 et 44 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union
européenne. Le traité de Rome et le traité d'Amsterdam ne contiennent aucun chapitre
ni article spécifique au sujet de la politique de communication. À l'heure actuelle, la
politique de communication de l'UE repose sur les articles de la Charte des droits
fondamentaux : l'article 11 (droit à l'information et à la liberté d'expression, ainsi que la
liberté des médias et leur pluralisme), l'article 41 (le droit d'être entendu et droit d'accès
de toute personne au dossier qui la concerne), l'article 42 (droit d'accès aux documents
des institutions européennes) et l'article 44 (droit de pétition). Les actions ne disposant
pas d'une base juridique dans le traité CE nécessitent un renvoi à son article 308
(« disposition sur l'élargissement des compétences»). »

On sort les couteaux pcq la COM veut sortir un code de conduite de la communication.
Ce qui explique que le P€ s’engage dans une véritable politique de communication, c’est que
la politique de communication doit être acceptée comme étant plurielle.

 Ensemble de dispositifs nouveaux : le renforcement du GII, le Parlement crée sa propre


DG Com, se donne les moyens pour le faire, etc.

Les baisses de budget : la communication pour l’Euro n’a pas été pilotée par la DG Com de
la COM mais par la DG Affaires financières et au passage à l’Euro. Ce qui faisait achopper
cette politique de communication, c’est qu’elle n’est pas nécessairement coordonnée. Si la
COM Prodi puis Wallström dit qu’il y a un vrai problème de centralisation, cette centralisation
est aussi et essentiellement interne. Depuis le 2e mandat Juncker, cette question est à peu
près réglée : le mandat est aux mains de la présidence. Le SPP est plus centralisé, même si
ce n’est pas encore abouti.

Les enjeux de lutte contre les fake news : enjeu important pour la COM. Très vite, la COM
s’en empare. Mais elle considère que c’est la menace russe, qui a une réalité algorithmique, le
service en charge de cette question c’est le SEAE, donc ce n’est pas la COM et encore moins
la DG COM.
ISTRATCOM s’occupe de la lutte contre les fakes news d’un point de vue géopolitique.
 Mais avec le Brexit, etc., le fake news ce ne sont pas seulement les Russes, mais aussi un
ensemble de discours tenus au niveau national. Un vrai enjeu de communication de l’UE :
comment faire face à ça ? La DG Com a les outils pour le faire mais ne veut pas rouvrir les
luttes avec le SEAE.
Le P€ dit aussi avoir les compétences, a commencé à créer une cellule de veille sur ces
questions, mais butte sur le fait que les EM sont souverains en relations extérieures.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
 La COM et le P€ sont frileux sur cette question : ce ne sont pas eux qui vont lutter contre
les fakes news, pcq les Etats et les parlements nationaux pourraient critiquer une ingérence
extérieure.
Loi fake news // loi 1981 sur la liberté expression, art. 26 : lutter contre les fausses nouvelles
qui viendraient pervertir le débat d’une campagne électorale.
En France, réseau d’ONG/Ministère des affaires étrangères/médias pour mettre en place des
cellules de fact checking. En Pologne par exemple, Orban est moins frileux pour crier à
l’ingérence extérieure.

 Le P€ investit énormément : ça passe aussi par des prix (prix du journalisme européen, prix
Lux, prix Sakharoff ( ?) pour la liberté de pensée)… Une partie des investissements du P€
est dans le nation-building.
 Les EM freinent parfois (investissements des villes, histoires nationales, etc.)
 Ø récit paneuropéen.

2.5. Acte 5 : Une nouvelle division des rôles, ou un porte-parole partagé

Livre Blanc « Communiquer l’Europe en partenariat » (2008) : communication


partenariale à hiérarchie relativement plate. C’est au nom du traité que le P€ peut dire qu’il
représente la démocratie représentative, donc c’est son travail de faire ce travail de
communication auprès des citoyens, alors que la COM obtient d’autres compétences en
matière de démocratie participative (les ECC).

Difficulté à faire exister le référent symbolique de l’Europe.


Exemple : le prix Charlemagne. On oscille entre des personnalités nationales, voire
internationales, on a du mal à incarner, à travers ce prix, des grandes représentations
paneuropéennes. Par exemple, les associations de la société civile (ex : les jeunes fédéralistes)
n’ont pas eu ce prix.
Cf. Foucault, L’ordre du discours (leçon inaugurale au Collège de France)
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
Chapitre 2 : Les professionnels de l’information
européenne
Les « professionnels de l’information » ≠ les journalistes européens : l’information
européenne est complexe et duale. Quand on pense « information », on pense « information du
grand public ». Or, il y a une information plus stratégique, qu’on appelle information, celle
dont ont besoin les acteurs de la Brussels bubble.
Il est plus heuristique de penser les professionnels de l’information européenne = ensemble
des acteurs en charge de la production de l’information européenne, qu’elle soit à
destination du grand ou moyen public ou à destination des habitants de la Brussels bubble.
 Dans les deux cas, on a qqch qui sert à informer le public de l’Europe.
Ø espace européen = des espaces publics nationaux qui peuvent être plus ou moins
européanisés. L’information peut être tordue.

Exemple : l’arrêt de la Cour constitutionnel polonaise.


- Dans l’espace public FR = dire, c’est faire = arrêt de la Cour  déclaration du PM pour
Polexit.
- Dans l’espace public € = ce ne sont que des déclarations mais il n’y a rien de concret.

Double espace public :


- Un espace public européen, bruxellois (là où se font les affaires publiques
européennes) ;
- Des espaces publics nationaux, grand public.
Au milieu, il y a ce qu’on pourrait appeler des formes d’intermittents de l’Europe, des
passeurs, des gens qui sont à la fois à Bruxelles et dans les Etats, des traducteurs des questions
européennes. Ils sont toujours dans un entre-deux. Ils ne sont pas totalement eurocrates et ne
sont pas totalement nationaux.
Exemple : l’agence AGRA = l’équivalent de l’AFP pour les questions de la PAC. Quand ils
sont à Bruxelles ils sont obligés de parler l’eurospeak, mais quand ils parlent aux agriculteurs,
ils doivent parler une autre langue. Ils sont tiraillés.

En privilégiant toujours une perspective historique, nous chercherons ensuite à replacer les
activités d’information-commmunication au coeur des tensions institutionnelles et politiques
d’une Europe en construction, en insistant cette fois davantage sur les conflits de compétences,
les enjeux hiérarchiques et l’hétéronomie politique qui s’exercent sur la fabrication de
l’information européenne. Enfin, nous étudierons les transformations plus contemporaines
de ce monde à travers l’évolution de la division du travail, la réallocation des ressources et
la recomposition des relations entre fonctionnaires, journalistes, consultants et experts.
Tout au long de notre analyse, nous ferons travailler des couples d’oppositions tels que
administratif-politique, indépendance-interdépendance, autonomie-hétéronomie,
permanence-intermittence ou hiérarchie-fragmentation, non pour séparer des types de
producteurs d’information mais, au contraire, pour mettre au jour les tensions et les logiques
qui les font appartenir à un même monde, celui de l’information européenne dont la
morphologie actuelle est à la fois l’héritière d’un système institutionnalisé de coproduction
et le terrain d’une managérialisation croissante des affaires européennes.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
I. Les professionnels de l’information européenne : les
journalistes

Tenue pour étanche en théorie, la division du travail entre, d’une part, les personnels
spécialisés des institutions publiques (porte-parole, attachés de presse, services de
communication) et, d’autre part, les journalistes politiques fait généralement place dans la
pratique à des rapports plus interpénétrés. Outre ces effets attendus de socialité générés par les
rapports transactionnels de l’activité professionnelle, l'examen des carrières dans le « monde de
l’information européenne » (Bastin, 2003) révèle également l’extrême porosité du périmètre
politico-administratif des institutions communautaires.

1.1. Journaliste international à Bruxelles : un métier en voie de normalisation ?

Grâce à la mise en place d'un système d'accréditation original et sophistiqué, cogéré avec les
journalistes accrédités (voir encadré ci-après), la Commission a très tôt créé les conditions
d'existence d'un corps de presse européen présent à Bruxelles capable de rendre compte au jour
le jour de l'activité des institutions communautaires.

La préoccupation de la COM a été très tôt d’enrôler les citoyens et le travail d’information.
Très tôt aussi, le travail a été d’enrôler les journalistes. L’Europe n’intéresse pas grand
monde au début.
Des personnes comme Paul Collowald (ancien correspondant du Monde à Strasbourg, alsacien,
fédéraliste) et François Duchêne (ancien correspondant du Manchester Guardian) sont
débauchées par Jean Monet qui les fait venir dans son cabinet.
 Une véritable forme de débauchage des journalistes pour les faire promouvoir l’Europe.

L’Agence Europe : une des premières agences d’information sur les questions européennes,
créée par l’italien Emmanuel Gazzo, lui aussi dépêché à Strasbourg par l’ANSA (agence de
presse italienne). Forme l’agence internationale Europe, appelée Agence Europe. Gazzo est
fédéraliste. La création de son agence est soutenue par la COM, qui achète des abonnements
(soutien indirect)10 et en retour l’agence envoie un journaliste sur place.

Très vite s’est mis en place un système d’accréditation original, où le but était d’installer
des journalistes à Bruxelles. C’est leur faciliter le travail, de sorte qu’ils aient juste à travailler.
Il faut faire en sorte que les rédactions n’aient aucun frein. La politique de la COM est le
système Olivi (Italien membre de la DG Com et du service de porte-parolat) : faciliter
l’installation des journalistes sur place, au sens matériel du terme. C’est aussi trouver une salle
de presse et organiser le briefing de midi quotidien. Tout un personnel est dédié à ce briefing.

 Encore aujourd’hui, on a tout un système d’aides extrêmement efficace.

Bino Olivi est en charge du groupe de porte-parolat de la COM de 1962 à 1967, négocie
avec l’association de la presse internationale (API) pour favoriser cette installation des
journalistes. Par exemple, il se félicite d’avoir installé 80 casiers (à courrier) pour les
journalistes dans les couloirs de la COM. Maintenant, il y a plus de demandes que de casiers.
10
L’AFP a fonctionné de la même manière : les ministères avaient des abonnements à l’AFP pour faire vivre
l’agence.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE

1.2. Les accrédités de Berlaymont

Des associations encadrant le groupe


Sites internet :
Association de la Presse Internationale : http://www.api-ipa.org
Association des Journalistes Européens : http://www.aej.org/
European Press Prize : http://www.europeanpressprize.com/
Journalistes @your service : http://www.brusselsreporter.eu/

L’API, quand elle est créée, dont font partie des journalistes très europhiles, a pour objectif de
défendre les intérêts professionnels des journalistes couvrant les informations
européennes. Le but est de leur faciliter l’accès à l’information, leur accréditation, leur
installation à Bruxelles. Très concrètement, c’est aussi les aider à obtenir une carte de presse
belge, un permis de séjour à Bruxelles, à négocier avec les journalistes belges 11. L’API aide à
négocier l’accès au Berlaymont, à faciliter les déplacements quand il y a des sommets européens
qui ne se déroulent pas à Bruxelles 12(pas un financement, mais négociations de tarifs
préférentiels, préparation de leur arrivée dans les salles de conférence, etc.  organisation
logistique).
Ils éditent un livre Journalist at your service : une sorte de vadémécum, à la fois guide du
routard et conseils pratiques de l’installation du journaliste à Bruxelles.
Pour travailler/être reconnu par l’API, il faut être reconnu comme journaliste + intérêt pour les
questions européennes.
 C’est un univers collectif. Les journalistes font groupe.
Un autre groupe, une autre association essaie d’organiser le travail des journalistes européens :
l’association des journalistes européens. Une autre forme : on peut avoir des journalistes qui
sont des promoteurs de l’information européenne, mais qui peuvent travailler depuis
Paris.
AJE France : les journalistes travaillent pour beaucoup dans les rédactions nationales. Ils vont
faire des formations au journalisme européen dans les écoles de journalisme.

La tendance des journalistes accrédités à Bruxelles n’augmente pas, voire elle a tendance
à baisser.

11
Même s’il est aujourd'hui facile de travailler dans un autre pays de l’UE, ça n’a pas toujours été le cas.
12
NB : il est + difficile d’être accrédité pour les sommets du Conseil européen. Accréditation par le Conseil.
Travail avec la DGSE belge pour garantir la protection des chefs d’Etat et de gouvernement. Donc moins de
latitude.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE

En 2005 : effet mécanique des élargissements. Mais cet effet n’est pas aussi fort que ça
numériquement : dès 2007-2008, relative chute du nombre de journalistes.
Pic en 2013 mais qu’on explique difficilement : plusieurs explications possible :
- On est au cœur de la crise de l’Euro, du Grexit, de la crise économique et financière
grecque  il y aurait un intérêt à cette question.
- La COM en comptant, s’est trompée : ou elle a inclus dans le corps des journalistes des
techniciens.
En 2017, à peu près le même niveau qu’en 2002 du nombre de journalistes sur place.
Néanmoins, le nombre de médias présents continue de baisser.
Explication optimiste : concentration dans les grands groupes de médias.
Explication pessimiste : la précarité de l’emploi.
Exemple : TF1 n’a pas de correspondant officiel, mais beaucoup de journalistes travaillent pour
TF1. Désintérêt stratégique / crise des médias sur place.

En comparaison :
D’un point de vue communication, on dit que l’Europe est aussi importante que Berlin = la
Bundespressekonferenz compte 950 journalistes allemands accrédités auprès des
institutions fédérales allemandes. Mais on oublie de dire qu’il faut rajouter environ 350
journalistes accrédités par l’association de la presse étrangère.
Washington = environ 1000 journalistes.

 Oui, mais dans les 2 cas, on oublie de dire que ce n’est pas un espace public national
mais on s’adresse au moins à 27 EM.

Ce qu’on observe surtout, c’est que concrètement sur place, les journalistes travaillent
d’abord par groupes nationaux dans la salle de presse du Berlaymont. Même s’ils se
reconnaissent, ils se regroupent par groupes nationaux.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
Conclusion :
Pointer la baisse de journalistes numériquement parlant et la baisse plus importante des types
de médias accrédités.  Plus forte précarisation. Les journalistes sur place peuvent être
accrédités pour plusieurs journaux et couvrir pour plusieurs médias.

Origine géographique des journalistes accrédités (par nationalité) en 2017

Etats Membres de l‘UE N= Etats Membres de l‘UE N=

Allemagne 102 Estonie 3


Royaume-Uni 101 Lettonie 3
Belgique 129 Chypre 1
France 83 Malte 0
Espagne 65 Lituanie 0
Italie 65 Total UE 763
Pays-Bas 32
Pologne 21 Autres Etats

Grèce 21 Autres membres du Conseil de l'Europe 38

Danemark 18 Chine 23

Autriche 17 Etats-Unis d´Amérique 21

Hongrie 17 Japon 9
Irlande 14 Russie (Fédération de) 8
Suède 13 Inde 3
Portugal 10 Canada 2
Bulgarie 10 Asie 11
Finlande 8 Maghreb 7
Roumanie 7 Moyen-Orient 4
Croatie 6 Amérique Latine 3
Slovénie 5 Afrique Sub-Saharienne 2
République tchèque 4 Océanie 1
Luxembourg 4
Slovaquie 4 Total 895

Source : Commission Européenne, service du Porte-Parolat, 2017

Quand on regarde les nationalités des journalistes : l’Allemagne et le UK sont les 2 groupes
dominants. Malgré le Brexit, les Britanniques (dont le Financial Times, seul média
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
paneuropéen en Europe) continuent d’être présents. Le paradoxe étant aussi que si l’on
regarde le contenu des journaux allemands, il n’y a pas beaucoup plus de sujets européens
dans les journaux. Mais il peut y avoir des contenus plus longs. Et surtout, tout l’audiovisuel,
notamment public, beaucoup plus présent.

En 2013 : 70 journalistes belges. Comment passe-t-on à 129 journalistes belges en 2019 ? Ce


sont des journalistes qui sont enregistrés en Belgique, ont un bureau en Belgique, pour travailler
pour d’autres médias. Il y a quelque part une augmentation technique du nombre de
journalistes dits belges tout simplement parce qu’ils ont carte de presse en Belgique pour
exercer en Belgique.
2
/3 sont des techniciens = ils produisent du contenu visuel. Ils sont plus systématiquement
belges.

Les journalistes des pays d’élargissement de 2014 et 2017 sont relativement peu présents.
On retrouve le pattern montré par A. SOBOTOVA. Ce qui explique qu’il y a des réticences
dans l’espace public des pays de l’Est.
Au début de l’élargissement, envoi de journalistes mais désintérêt des rédactions sur les
questions européennes, c’est compliqué et ça coûte cher. Les journalistes qui y vont y vont
dans une optique de carrière (être des correspondants étrangers pour Londres, Washington,
etc.). Elle pointe dans sa thèse la logique de la femme du diplomate : ce sont plutôt les époux
des femmes. Beaucoup de journalistes des pays de l’Est qui vont à Bruxelles sont des époux
de femmes qui ont réussi les concours européens.  Déplacement en famille. Le surcoût
d’aller à Bruxelles par rapport au coût de la vie dans les pays de l’Est est compensé par le salaire
de la fonctionnaire européenne. Il n’y a pas une politique éditoriale des rédactions d’aller
systématiquement sur place, mais plutôt bonne volonté du journaliste qui va négocier avec
sa rédaction, d’y aller quasiment à perte, en maintenant son salaire ou en le négociant, mais
ça va dépendre de la trajectoire de Madame.  Intéressant pour les questions de genre.

En 2013, Malte et Chypre avaient des journalistes. La Lettonie et l’Estonie en avaient 1 et 2.

 Les évolutions des chiffres sont liées à ces flux de personnes. Ce groupe peine à se
constituer comme un groupe de journalistes sur place.
 Par ailleurs, Ø groupe de journalistes des pays de l’Est.

L’UE n’attire pas beaucoup de journalistes extra-communautaires. Présence chinoise et


américaine sur place, notamment avec Politico, mais sinon on a relativement peu de
correspondants extra-communautaires présents sur place. Une petite centaine de journalistes.
Sans doute aussi pcq quand un sujet européen est traité et qu’il concerne le pays, ce pays envoie
leurs correspondants les plus proches (Paris/Londres/Berlin) et sont plutôt détachés pour
le cas d’un sujet et beaucoup moins présents sur place.

 Malgré tous les efforts de l’UE d’essayer de faire venir à eux les journalistes sur place.

1.3. Pourquoi le Berlaymont ? Le système Olivi

Système Olivi, selon Bino Olivi : comme il le dit lui-même dans une enquête de Gilles
BASTIN, « pour donner le maximum aux journalistes, pour les tenir, les contrôler un peu,
sinon ils s’éparpilleraient dans la maison, avec les bruits de couloir, les fuites, c’était une façon
de servir les journalistes ».
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE

Bino Olivi est le premier directeur du service du porte-parolat à Bruxelles. Il est italien. Il avait
compris 2 choses : l’UE n’intéresse pas et si on veut renforcer la présence européenne, il fallait
créer un système où tout serait facilité du côté des journalistes. Les coûts doivent être les moins
importants possibles pour les rédactions.
Dans les 1950’s-1960’s, c’était encore plus vrai : cf. HERZER : la France était préoccupée
par la décolonisation, l’Allemagne avait la reconstruction du pays, tout ensemble d’enjeux
diplomatiques, la décolonisation concernait aussi d’autres pays. Seuls quelques journalistes
passionnés et europhiles étaient présents.

Très tôt, ce système passait par la mise à disposition de BAL pour les journalistes, l’organisation
d’un briefing quotidien (midday briefing), tous les jours à 12H dans la salle de presse du
Berlaymont, une salle à part réservée aux journalistes.

Sert aussi pour la légitimation en interne : il faut des porte-paroles dans les services.

 C’est un système voulu pour ordonner et contenir les choses.


Montrer que l’Europe est transparente, n’a rien à cacher, communique vis-à-vis des journalistes
et que les questions peuvent être posées dans les mêmes conditions qu’au Parlement par
exemple. Permettre à chacun de s’exprimer, de leur donner des facilités, y compris en
équipement.
Progressivement, on a équipé et fait en sorte que la salle puisse être adaptée aux contraintes
techniques de l’audiovisuel.
Complété par d’autres éléments : système EBS (Europe by Satellite) : le service
d’information télévisé de l’UE. C’est un service gratuit avec des images libres de droit. Ca
n’incite pas les journalistes de l’audiovisuel à s’installer à Bruxelles parce qu’ils peuvent
trouver des images de bonne qualité via EBS.

Possibilité de louer 2 studios télés et un studio radio + des techniciens. Ce sont des studios
suréquipés.

Possibilité aussi de demander qu’un caméraman puisse prendre les images d’une
conférence de presse parce que notre journaliste ne peut pas s’y rendre.

 L’idée derrière est de pratiquer une forme de pacification par coalescence : comme
on se croise tout le temps sur place, on va moins chercher la critique. Ca permet de
maintenir les journalistes dans le monde de la Brussels bubble.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE

Carte de BAISNEE (2007) : les rédactions sont autour du triangle institutionnel. Les
rédactions sont dans les mêmes bâtiments que les lobbyistes. Les enfants vont dans les mêmes
lycées internationaux.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
NB : Ce n’est pas voulu par la COM, c’est une forme d’effet « bubble ».

La question a un peu bougé, notamment avec la crise de la COM Santer. Avec l’affaire de la
COM Santer, il y a eu de très fortes tensions. Pour la première fois, accord établi en 1995 entre
l’API et le groupe du porte-parole qui est mis à l’épreuve en 1999. Pour la première fois,
on dit qu’il faut réguler le système de « off the record » :
- On the record : tout peut être dit et enregistré.
- Off the record : on peut les attribuer aux sources proches de la COM.
- Background : une information qui ne doit pas sortir.
 Techniquement, quand on est dans off the record et background, on éteint les micros.

Cette règle mise à l’épreuve : en 1999, les journalistes sur place vont commencer à enquêter
sur des pratiques de la COM, et c’est la première fois.
Politico vend les coulisses mais dans le but de vendre des informations aux groupes
d’intérêt. Le but de Politico aujourd'hui est de raconter les coulisses pour les groupes
d’intérêt, pour le public de l’espace public européen qui existe réellement, càd l’espace
bruxellois.

Il n’y a Ø doute sur le fait qu’il n’y a pas d’espace public européen au sens d’un espace public
paneuropéen, càd qu’il n’y a pas de circulation des informations à l’équivalent d’un espace
public national. Il y a des espaces publics nationaux qui peuvent couvrir les questions
européennes. Mais les questions européennes sont encore pour l’essentiel vues d’un prisme
national. Sauf pour l’espace public bruxellois. Paul MAGNETTE dit que l’espace public
européen est orléaniste, bourgeois : contrairement à ce que peut dire Habermas, l’espace
public est orléaniste au sens de 1830, càd c’est un espace public d’élites qui sont
particulièrement informées des questions européennes. Il se concentre sur des personnes
qui sont déjà impliquées dans les questions européennes.

La salle de presse du Berlaymont : à part quelques grandes agences (AFP, Reuter) qui vont
fournir des informations pour l’ensemble du public, la salle du Berlaymont est très organisé
nationalement. Y compris dans cette salle de presse, on peut avoir la question des Allemands,
des Français…

Cette question est encore plus prégnante au cours des sommets européens, notamment des
réunions des Conseils européens : la summitisation of the European coverage. La couverture
de l’Europe par les sommets. Il y a des pics à ces moments-là qui correspondent également à la
venue à Bruxelles ou dans les lieux où se déroulent les sommets. Quand il y a des Conseils
européens à Bruxelles, arrivée de journalistes français, italiens… qui viennent couvrir la
présence des chefs d’Etat et de gouvernement sur place. Il y a des correspondants politiques,
en France, ce sont des spécialistes de l’Elysée, qui accompagnent Macron/Hollande/Sarkozy/…
et qui viennent à Bruxelles pour voir comment ils défendent les intérêts français.

Les journalistes sur place, à Bruxelles, l’API, sont pris entre deux feux : ils sont souvent des
traducteurs des enjeux et vont presque former les journalistes politiques qui viennent
uniquement pour savoir ce que Macron va faire face à Merkel…  Doublement du nombre
de journalistes dans ces moments-là.

Cf. Florent TIXIER : observation de l’intérieur des Conseils européens. Dans la salle de
presse du Conseil, il y a des tables pour les Français, avec des rituels sur le placement des
journalistes en fonction de leur média d’origine. Les journalistes qui couvrent
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
habituellement les questions européennes sont là mais pas tout le temps car ils ont des
informations de la COM, ils peuvent rentrer chez eux dormir parce qu’ils savent qu’il ne va
pas se passer grand-chose, etc. Il y a ensuite tout un jeu pour placer la conférence de presse
nationale. Certaines sont souvent tenus en parallèle. Les journalistes ne peuvent pas être
présents à toutes les conférences de presse.

Florian TIXIER va voir la conférence de presse espagnole.


Premier constat : elles ne sont pas traduites. Un journaliste du Financial Times pose une
question en anglais et le PM espagnol répond qu’il faut parler en espagnol et qu’il refuse de
répondre en anglais.
Second constat : dans toutes ces conférences de presse des sommets européens, à la fin de la
conférence de presse, quand on va chercher le off, il y a des nuées de journalistes qui tombent
sur, d’un côté, les conseillers politiques par les journalistes politiques, et d’un autre côté, les
journalistes européens qui s’intéressent davantage au conseiller Europe.
 Deux groupes de journalistes qui ont deux intérêts différents.
Les journalistes européens sont dans un rythme plus lent : ce qui va leur rapporter, ce sont
les ficelles de la négociation, ce qu’il reste à mettre en place. Les journalistes politiques
s’intéressent à savoir qui a craqué quand et comment.

 Double couverture dans les sommets européens qui concrétisent très clairement
l’absence d’espace public européen :
- L’espace public bruxellois pour les journalistes qui s’intéressent à l’Europe ;
- Un journalisme qui reste l’Europe vu sous le prisme national.

SCHUMAN/VAILLANT sur la presse agricole : forme d’expertise qui se développe sur une
question assez technique (la PAC). Leur hypothèse est de dire que les journalistes européens
couvrant les questions agricoles accompagnent plutôt la PAC, ils en sont des traducteurs pour
leur audience nationale, beaucoup plus qu’un journalisme politique plus classique.

1.4. Economie de l’expertise en matière d’information européenne


On voit apparaître une économie de l’information européenne qui est de plus en plus une
information européenne à forte valeur ajoutée pour les questions européennes et pour le
monde de l’information européenne au sens de BECKER dans les mondes de l’art : on n’est
pas dans un champ structuré de positions, pcq si c’était le cas, il y aurait des cursus honorum
très clairs.
 Il y a plutôt un monde de l’information européenne.
Etre journaliste européen : les JEE sont des associations nationales, on est journaliste européen
depuis Paris ou Bruxelles. Il y a un espace du journalisme national avec des permanents des
questions bruxelloises (entre ceux qui sont à Bruxelles et ceux qui circulent entre Bruxelles et
la capitale).
 Circulations relativement fluides.
Le but est d’apporter de l’information à un public particulier : les praticiens des questions
européennes.
Ce journalisme fonctionne un peu sur le mode de la presse professionnelle. La presse agricole
est une presse qui a un taux de pénétration dans son public qui est très fort pcq c’est un public
qui est particulièrement intéressé par les informations agricoles et les informations agricoles
européennes. L’agence de presse AGRA est une agence de presse dédiée aux questions
agricoles. Il y a un public très faible d’agriculteurs dans les 27 Etats mais il y a une agence de
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
presse dédiée, pcq public captif, pcq la PAC est une politique centrale de l’UE, et besoin
d’informations techniques sur ces questions.

De la même façon va se développer un marché de l’information européenne pour des


personnes qui vont négocier des nouvelles directives, qui ont intérêt à savoir quelles sont les
directives en cours, ce qui est en train de se faire, sur la réglementation environnementale,
chimique, sur les transpositions de directives…

Du coup, on a un marché des carrières de l’information européenne qui sont elles-mêmes


intéressantes : ce sont des journalistes mais des journalistes qui vont ensuite circuler dans
des think tanks et dans des groupes d’intérêt. Ils créent des médias d’information un peu
particuliers : ce ne sont pas des médias grand public.

Cf. TIXIER : les réseaux sociaux numériques et la manière dont des personnes investissent
ces médias numériques. Au départ, intérêt pour les cafés Babbel et autre. Progressivement,
ceux qui rentrent dans ce type de journalisme, sont happés par la carrière européenne et vont
faire un journalisme à destination de gens qui connaissent l’Europe.

Peut-on développer un journalisme critique via ce biais ? On informe seulement des


dysfonctionnements de l’UE, et déjà ça, c’est se faire violence. On reste convaincu de
l’intérêt des questions européennes donc il faut promouvoir l’Europe.

Centre for European Policy Studies, European Policy Centre : cabinets fondés par des
journalistes avec des hauts fonctionnaires européens dont le but est d’expliquer et d’apporter
des papiers de fond sur le fonctionnement européen.
Europolitics.info.fr : racheté par le think tank Contexte.
 Des médias se créent, sont harponnés.
Euractiv : dissidence et création de Contexte pour avoir un média d’information de presse
professionnelle très technique sur les questions européennes.

Euractiv est presque un cas d’école : fondé en 1988 par un ancien haut fonctionnaire de la
COM, un ancien Eurodéputé, mais avant tout ça, il avait été journaliste à Bruxelles. Il décide
de faire un média en ligne qui produit relativement peu de contenus propres, qui relaie parfois
des communiqués de la COM, qui relaie beaucoup de dossiers et qui va être pour partie financé
par les abonnements que prennent la COM et les grands cabinets à son média. La fonction
d’Euractiv est de fournir des informations sur ce qui est en train de se faire : interview avec
des hauts fonctionnaires… Information à très haute plus-value. Quand un commissaire parle
à Euractiv, c’est pour parler de technicité européenne et ces interviews sont relativement
suivies.
Comitologie bruxelloise : réussir à décrypter tout un ensemble de choses.

Ce marché est concurrencé par Contexte et Politico. On le retrouve dans les carrières. Les
journalistes qui vont bosser à Contexte sont plutôt des personnes qui sortent du master
journalisme européen de Paris 3 ou de l’école de journalisme de Sciences Po. Ce sont des
spécialistes des questions européennes.

Julien MAYENCE : les journalistes d’AGRA sont des diplômés de master de journalisme
européen, facilité à comprendre le fonctionnement des institutions européennes. Mais quand on
maîtrise le langage techno-européen, on s’éloigne du grand public.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
La fabrique de l’Euro-speak (BASTIN, 2005) : il essaie de retracer le cheminement du
communiqué de presse et la manière dont celui-ci sera repris par la presse. Quand il est repris
par Euractiv, il est quasiment repris à l’identique.
Margott Walström : comme c’est une DG avec relativement peu de pouvoir, on est dans les
2000’s donc pas d’intérêt pour les questions environnementales.

Le plus intéressant, c’est en s’intéressant aux trajectoires de Julie et d’Antoine. Dans le monde
de l’information européenne, très forte circularité entre le monde technique européen et le
monde journaliste dédié aux questions européennes. Ils peuvent être une fois journaliste,
une fois communiquant, une fois payés en consultance par la COM… Mais ce monde a besoin
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
de type de carrières pour produire de l’information pour certains publics (cabinets, lobbys…).
Dans le champ de l’Eurocratie, besoin de ce type de journalisme.

 La valeur forte de cette information c’est le fait qu’elle s’adresse à des publics
particuliers.

Arte a cette difficulté : les journalistes français et allemands n’arrivent pas toujours à se
mettre d’accord sur la couverture. Plein d’informations ne passent pas parce qu’ils n’arrivent
pas à se mettre d’accord.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
II. Les professionnels de l’information européenne : côté COM

Du point de vue de l’institution européenne. Dans le monde du journalisme : un monde de très


forte circularité. Mais qu’est-ce qui se passe du côté de la DG COMM ?

Du point de vue de l’institution européenne elle-même, on est dans une situation un peu
paradoxale de verre à moitié vide/plein : on va très tôt constituer un corps de
communiquants, de producteurs de l’information européenne, de fonctionnaires européens en
charge de l’opinion et de l’information. C’est un groupe un peu particulier, un peu maltraité,
qui n’échappe pas aux stigmates.

Dès le départ, il y a des promoteurs du projet européen : ce sont soit des fédéralistes, soit des
personnes très engagées pour le dépassement de l’Etat-nation. On retrouve parmi les premiers
porte-parole des militants régionalistes pro-européens. Mythologie autour des premiers
promoteurs de l’Europe qui sont des européistes convaincus, quasiment des pionniers de
l’Europe et que l’on retrouve quasiment à tous les étages de l’UE.
Cf. Les travaux de Vauchez et Georgakakis, mais également Herzer (étude du corps des
journalistes présents à Bruxelles).

2.1. La « DG des bras cassés »


En revanche, ce qui est intéressant à constater, c’est que malgré cet enjeu stratégique, ils vont
assez rapidement souffrir d’un stigmate : le stigmate d’être des formes de saltimbanque, de
poètes, de bras cassés.

Les « gens d’information » dans l’ordre symbolique des postes de fonctionnaires


« Les fonctionnaires du service de communication passent toujours pour des babas-cools
inconséquents. Dans la maison, on a cette réputation d’être un peu la Dg des bras-
cassés… C’est en partie vrai… même s’il arrive rarement qu’on ait les deux bras-
cassés… Pas tous, en tout cas [rire]. C’est en partie vrai, surtout parce que les autres Dg
ont pris l’habitude de ne pas nous prendre au sérieux. Du coup, ça a des effets. Les
jeunes loups et les fonctionnaires brillantissimes cherchent plutôt à être recrutés au
Secrétariat général ou à la Dg Concurrence, et pas chez nous. »

Agent ayant effectué ses dix années de carrière au sein de la Dg-Comm (d’abord à
Bruxelles et maintenant dans la représentation de la Commission dans un Etat membre).
Extrait d’entretien avec Philippe Aldrin (février 2008).

Fonction stratégique pas très importante ou sérieuse. C’est une réputation courante des gens
de la communication. Cette image se retrouve dans d’autres universels professionnels. Dans le
cursus honorum, c’est toujours un cran en-dessous.
Représentation féminine forte face à une sous-représentation dans les conseillers.

Du côté de la COM, ça ne donne pas un capital politique ou communautaire très important aux
gens qui passent dans ces fonctions.
 C’était pendant longtemps une fonction stratégique mais éclatée au sein de la COM.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
Colonne de gauche : les mandats des commissaires européens.
Colonne de droite : les directeurs généraux de la DG COMM.

En général, on est dans des fonctions très élevées : le commissaire nomme son DG. Ici, on
constate qu’on est dans des fonctions où l’on est en poste plus longtemps que le
commissaire. Le commissaire ne fait pas de cette DG une priorité absolue.

Wallström (2005) : un des rares moments où la COM prend à bras le corps la question.

Ø centralisation des fonctions = fait partie du stigmate.

3 communautés européennes dès 1957 (CEE, CECA, Euratom). Services communs : le droit,
le soutien administratif, information. Comme l’information et la communication sont très
importantes, il faut en faire qqch de commun.

La DG COMM disparaît de l’organigramme de la COM entre 1999 et 2001. Elle change en


permanence de dénomination : DG X (c’est la dernière), DG XIII, DG COMM.

 C’est une DG qui a beaucoup changé d’ancrage institutionnel.

On sépare assez fortement entre le service de presse et d’information et le service du porte-


parolat. Une des raisons qui explique l’ancrage compliqué des services de communication et
d’information de la COM, c’est que, non seulement on veut en faire qqch de prioritaire, mais il
y a aussi 2 batailles :
- Une bataille intrainstitutionnelle : entre le service du porte-parolat et le service de
presse et d’information ;
- Une bataille interinstitutionnelle : entre la CEE et la CECA.
Dès le départ, division entre :
- D’un côté, le bon travail politique, stratégique, important qui est le service du porte-
parolat avec Bino Olivi, ceux qui parlent aux journalistes,
- De l’autre côté, ceux qui font des brochures, de la communication, des études
d’opinion, et dont le travail est beaucoup plus bureaucratique.
Le paradoxe, c’est que quand on ouvre les archives, pour Jean Monnet, les fondateurs de la
CECA, c’est le travail de communication qui est plus important. Engagement très précoce des
fonctionnaires européens pour la presse et l’information alors que du point de vue
politique, des commissaires, ce qui est plus important c’est de dialoguer avec les
journalistes. Le SPI s’est presque tiré une balle dans le pied dès le début en plaçant sa priorité
là où les commissaires qui viennent du monde politique ne voulaient pas l’avoir.

Règlement très tôt de cette question.


Giuseppe Caron est en charge de ces questions en 1961. Il explique comment doit fonctionner
la division des tâches entre le SPI et le SPP. On est bien dans un service commun, pcq il y a les
3 présidents des institutions.
LA DIVISION DU TRAVAIL D’INFORMATION AU SEIN DE LA
COMMISSION
Dans une mise au point comminatoire, Giuseppe Caron, vice-président de la
Commission en charge de l’information, rappelle les tâches respectives du Groupe du
porte-parole et du Service commun de presse et information.
« A la suite d’un accord intervenu entre les Présidents des trois Exécutifs le 1er mars
1960, et des décisions relatives prises par chacun des Exécutifs, les Groupe du Porte-
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
parole seront rattachés à tout point de vue, à partir di 1er janvier 1961, non plus au
service comme de Presse et d’Information, mais à l’Exécutif dont ils dépendent. La
Commission a par ailleurs approuvé, lors de sa 114e réunion du 27 juillet 1960, une
définition des tâches ainsi que la structure de son propre Groupe du Porte-parole, telles
qu’elles sont indiquées ci-après :
A. Groupe du Porte-parole de la Commission
Le Porte-parole doit essentiellement suivre dans les détails quotidiens l’activité de la
Commission et en interpréter à tout moment la politique. Son action d’information est
donc une action à court terme, rapide et officielle. Le Groupe du Porte-parole a une
tâche d’information générale, et non une tâche d’information technique […]
B. Service commun de Presse et d’information des Communautés européennes Le
Service commun de Presse et d’information est commun aux Exécutifs des trois
Communautés européennes. […] La tâche du Service commun est d’assurer
l’information à longue échéance […].
En conclusion, je demande aux services de la Commission que, conformément aux
décisions de celle-ci, ils n’organisent leurs rapports avec la presse que par
l’intermédiaire du Groupe du Porte-parole ».

Extraits de « Tâches et fonctions du Groupe du Porte-parole de la Commission et


coordination de ses activités avec celles du Service commun Presse et information des
Communautés européennes », Communication interne de G. Caron aux hauts
fonctionnaires, février 1961, CEAB 2 / 2930.

C’est là qu’on aura les journalistes les plus aguerris qu’on débauche et qui mènent un travail
pro-actif sur les questions de l’information. Ils se perçoivent comme ceux qui font l’Europe au
quotidien, ceux qui expliquent aux journalistes.
Tandis que de l’autre côté, le SPI est commun aux exécutifs. C’est une information un peu plus
plan-plan et un des enjeux stratégiques du SPI est de produire le rapport annuel. C’est un
document très stratégique pcq il faut justifier le Conseil des ministres, les avancées de la CECA
et de la CEE, à un moment où l’Europe est embryonnaire. Mais ce n’est pas une fonction
totalement politique. Or, c’est bien le moment où les présidents de la COM essaient de
s’installer sur l’arène internationale, d’acquérir le rang de chef d’Etat et de gouvernement.

 Le SPP est plus important.

Une division des tâches qui est reconnue entre tâches nobles et tâches un peu plus ingrates. Ces
dernières sont éclatées entre les représentations nationales. Le SPI fait aussi ce travail
d’information vis-à-vis des opinions publiques nationales. Ils sont plus éloignés du cœur du
réacteur de la COM.
D’un côté, une DG et de l’autre côté, un service qui coordonne les porte-paroles des
commissaires européens. Le SPP est un service coordonné mais chaque commissaire a son
porte-parole.

2.3. Le management paradoxal de l’information-communication communautaire


L’institutionnalisation de la fragmentation
En 1965 (et jusqu’en 1967), fusion des 3 exécutifs. Une COM pour les 3 organisations. Le SPI
devient à ce moment-là la DG X. Parallèlement, le SPP est créé mais n’est pas installé dans la
DG X. Dans la division du travail, le SPP s’occupe de la presse accréditée alors que la DG
X s’intéresse à la presse non accréditée ou aux espaces publics nationaux, aux journalistes
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
dans les EM, à la presse régionale… càd les journalistes qui n’ont pas le plus fort capital
symbolique.

Il n’y a qu’à 3 reprises, jusqu’à la COM Juncker II (un changement important, cf. infra), que
le chef du SPP est aussi DG X.
- Entre 1977 et 1982 ;
- En 2001, pendant une petite année pendant la transition Prodi ;
- Entre novembre 2004 et novembre 2005 le temps d’installer la COM Barroso.
Pendant toute cette histoire, les deux services ne sont pas dirigés par les mêmes personnes.
C’est une manière de montrer qu’il y a des fonctions nobles (SPP, système Olivi) et d’autres
moins nobles (toutes les autres tâches).

Autre indicateur des différences entre les services : les porte-paroles ( Johanna ??? 2002, sur
la COM) sont recrutés directement par les commissaires européens.
L’idée étant que le commissaire a son porte-parole pour gérer sa communication alors que
les fonctionnaires de la DG X sont des fonctionnaires européens, rentrés par concours et qui
ont un passage très long dans cette DG. Y compris au sein de l’appareil de la COM, ce ne sont
pas les fonctionnaires qui circulent le plus dans la machinerie de la COM.

Les gens d’information, dans ce monde de l’information européenne :


- Un monde du côté du porte-parolat, plutôt proche du pôle journalistique qui vont
circuler dans ce monde de l’information beaucoup plus systématiquement (ils
suivent bien les dossiers, ils ont les contacts, ils maîtrisent bien le journalisme et
l’Europe. Exemple : Lemaître : journaliste au Monde, COM puis cabinet de conseil).
- Les fonctionnaires européens circulent dans une trajectoire plutôt interne à la DG
COMM, ils vont être au service Eurobaromètre, passer dans le bureau de la COM dans
les capitales, et revenir à la DG X pour s’occuper des secteurs d’activité. Il y a
éventuellement eu un moment, une fenêtre d’opportunité quand le service de la DG
COMM du P€ s’est créé. Mais la DG COMM du P€ reprenait à leur compte les
arguments et ce stigmate de la DG des bras cassés.

La centralité relative des services centraux


La DG COMM est très diluée et concurrencée par d’autres services à l’intérieur de la COM.
Quantitativement, quand on regarde la DG COMM :
- Ils sont nombreux (environ 1000 fonctionnaires (// les autres DG : environ 600).
- A Bruxelles, ils ne sont plus que 400-500 pcq les autres sont dans les représentations de
la COM dans les EM.
- 1/5e sont des porte-paroles.
S’ajoute à cela le fait que les grandes DG ont leur propre service de communication : unité
R4 communication de la DG ECOFIN par exemple. Chaque DG a entre 20 et 30 personnes
en charge de la communication. Le personnel de communication doit être à peu près être aussi
nombreux dans les autres DG que dans la DG COMM.

 Tout le monde a compris les enjeux de communication.


 Création de tensions assez fortes entre DG.
Le lancement de l’Euro a été initié et piloté par les services de communication (unité R4)
de la DG ECOFIN et non pas la DG COMM. Avec un budget propre de 200 millions € /
an.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
Une communication diluée et vampirisée par d’autres. Elle a toujours été reléguée dans cette
fonction. Information sur les sujets technos. Mais dès qu’il y a véritablement une fonction
stratégique, c’est pris en charge par le SPP ou par la DG qui est en charge du dossier.

La segmentation fait qu’il est difficile de faire une communication globale. La DG COMM
n’a pas la force politique pour le faire. Elle est toujours reléguée au Xe rang, alors que la DG
ECOFIN est la DG la plus importante.

Depuis la COM Juncker II, les choses sont en train de bouger. Organigramme plus simplifié et
reprise en main de la communication autour de la présidence de la COM. Mais
présidentialisation de la COM pour pouvoir arriver à ça. Un des effets du système des
Spitzenkandidaten.

En France, Ø service de communication du gouvernement français. Il y a un SIG mais encore


plus bras cassés que la DG COMM. Un service de veille du PM. Le porte-parole du
gouvernement a une fonction relativement faible, il a gagné en visibilité avec la crise COVID
mais les ministres sont plus importants dans leur communication. La communication publique
est très segmentée. Mais ça ne pose pas le même problème, parce qu’à l’inverse de l’Europe, il
n’y a pas l’idée qu’il faut faire une communication forte pour ancrer la République dans la tête
des gens. Cf. Les premiers travaux de GEORGAKAKIS sur la communication d’Etat.

En Allemagne, Bundespressamt. Beaucoup d’importations allemandes dans le système de la


DG COMM à Bruxelles. Ce qui se passe au Berlaymont est très similaire à ce qui se passe à
Bonn à ce moment-là. A plein d’étages, présence de communicants allemands.

 Il y a une vraie politique de communication au sein de la COM, avec la volonté de faire


de la communication pour asseoir l’Europe, mais en même temps, c’est une
politique qui n’en a pas totalement les moyens.

C’est aussi ce qu’on observe avec la cellule ISTRATCOM. Cette histoire semble réglée avec la
COM Juncker, mais pas totalement. Quand il y a des nouveaux enjeux (Cambridge Analytica,
les fake news, l’ingérence russe…), la cellule de lutte contre les fake news échappe à la DG
COMM de la COM et du P€ et est prise en charge par le SEAE. Alors qu’on centralise toute
la communication dans une DG, on externalise à nouveau un des aspects de la
communication sur un aspect de relations extérieures. Aujourd'hui, il y a cette concurrence
à nouveau entre la cellule ISTRATCOM et une cellule veille/réseaux sociaux au sein de la DG
COMM qui n’ont pas la main pour gérer la lutte contre les fake news. On continue de retrouver
ces éléments encore aujourd'hui.

2.4. Le changement de la ligne de la COM Juncker : la centralisation (enfin ?)


Juncker réussit pour la première fois de son histoire et c’est une réussite parce que ça perdure
sous la COM Von der Leyen.

Dès le 11 novembre 2014, très tôt après sa réélection, Juncker dit que « ommunication can only
be successful if the Commission speaks with one voice. » Il faut parler d’une seule voix et
cette voix doit respecter le principe de la collégialité. Politiquement, il dit bien qu’il respecte
la collégialité du gouvernement (si on raisonne par métonymie avec un système parlementaire).
On parle d’une seule voix mais cette voix doit refléter la collégialité et les modes de
fonctionnement de notre gouvernement.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
La DG COMM est centralisée.

C’est une organisation relativement durable. Les porte-paroles sont reliés au chef du porte-
parolat qui est lié au DG. Le vrai changement, c’est que durablement, les porte-paroles
sont rattachés à la DG COMM et ne sont pas dédiés à un commissaire mais ce sont des
porte-paroles avec différents portefeuilles. On a affaibli le porte-parole pour le mettre
dans la DG COMM.

 Changement de l’ordre symbolique du briefing du midi. Avant, porte-parole des


commissaires et les journalistes pouvaient poser des questions directement aux DG. Celui qui
montait la tribune était le porte-parole du commissaire en charge de la DG interpelée.
Désormais, le briefing du midi est animé par Margaritis SCHINAS (responsable du SPP
(aujourd'hui un VP, il est grec)).
Quand un journaliste disait qu’il avait une question pour une DG, c’est lui qui rappelait d’abord
la position de la COM sur ce sujet, et ensuite il demandait au porte-parole en charge du dossier
précis de venir à la tribune pour rapporter des éléments plus techniques.
On a modifié dans la centralisation de la communication. On voit apparaître cette logique de
centralisation. On parle d’une seule voix.
On n’est pas dupe et il ne faut pas oublier les luttes entre les différentes DG.

 Juncker impose que c’est à la COM et au président de la COM à donner des


priorities of the political guidelines. Il faut assumer ce changement.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE

C’est un document intéressant de reprise en main de la communication. On est dans la crise


migratoire et du Brexit. La situation de crise a véritablement rendu possible cette
recentralisation autour d’une seule voix parce qu’il faut agir vite, il y a l’idée qu’on ne peut
pas diviser la chose.

Ce qu’on retrouve chez les journalistes (cf. Tixier) : les journalistes voient qu’ils peuvent
critiquer, il ne faut pas hésiter à porter le fer contre la COM et en retour la COM de dire qu’ils
doivent être en mesure de répondre.

Il faut véritablement être un service exécutif et apporter au collège de la COM un outil plus
combatif pour cette communication.
Un outil exécutif = faire remonter les informations. C’est là où les bureaux dans la DG
COMM ont gagné un rôle plus important pour faire remonter les infos auprès de l’opinion
nationale auprès de la COM.
C’est aussi un outil corporate, on n’oublie pas la logique de Delors de faire la marque Europe.
C’est une marque beaucoup plus centralisée. C’est la COM et le président de la COM qui
assument cette marque.

C’est toujours dans cette vieille orientation de faire rentrer l’Europe dans la tête des gens, la
DG COMM est maintenue dans ses vieilles fonctions, mais agrémentée dans une fonction
doublement politique :
- parler aux journalistes
- faire une communication politique de premier rang.
Ne pas hésiter à utiliser les réseaux sociaux pour marteler et mener des engagements politiques
plus forts, ce qui était presque impossible auparavant. Une fois qu’on est d’accord sur les EDL
de la COM, on peut être beaucoup plus offensifs. Passe par une augmentation des moyens
de la DG COMM. A partir du moment où on centralise les moyens éclatés dans d’autres DG,
les moyens de la DG COMM augmentent relativement.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
Chapitre 3. L’opinion publique européenne en questions.
L’opinion publique européenne et l’espace européen.
2 temps :
- Retour sur une critique de l’outil Eurobaromètre
- Espace public européen et médiatisation de l’enjeu européen, notamment au travers
la crise de l’Euro, un révélateur des enjeux de médiatisation.

I. L’invention de l’OPE

Bibliographie :
ALDRIN (Philippe), « L'invention de l'opinion publique européenne », Politix 1/2010 (n° 89),
p. 79-101.
ALDRIN (Philippe), « Les Eurobaromètres, entre science et politique. Retour sur la fabrique
officielle de l’"opinion publique européenne".» in GAXIE D. et al., dir., L’Europe des
Européens. Enquête comparative sur les perceptions de l’Europe, Paris, Economica, 2010

Outil le plus performatif.


L’Europe n’a pas de peuple, au sens de la démocratie participative, ou très peu. Quand il en a
un, à partir de 1979, ça patauge. Faible taux de participation aux élections européennes.
 Remet en cause la légitimité des institutions.

Un des rares domaines où il y a un sondage d’Etat qui fait foi.


En France, Ø instance claire qui va dire ce que pensent les Français de manière récurrente et
qui fait foi de ce que pensent les Français. Au niveau européen, il y a un outil de communication
assez fort : c’est quasiment un instrument de politique publique = c’est un outil de pilotage
de l’action publique fondé sur la science, les mesures, l’expertise. Les eurobaromètres
servent d’outil et d’instrument de légitimation des institutions européennes pour mener
l’action publique. Si on mène telle politique, c’est parce que les Européens nous soutiennent.
Ou, si on change la politique publique, par ex le tournant participatif, c’est parce que les
Européens sont pour. Ceux qui sont contre, c’est parce qu’ils n’ont pas compris et il faut bien
leur expliquer.

Pour les institutions européennes, et en particulier la COM, se doter d’un outil de pilotage
d’orientation sur l’action publique, sentir les fenêtres d’opportunité et réussir discursivement à
unifier les Européens en tant qu’un peuple, alors même que la citoyenneté européenne arrive
de manière indirecte avec le traité d’Amsterdam au milieu des 1990’s.

Quels sont les tours de passe-passe argumentatifs ?


Critique habituelle des outils de sondage.

L’ensemble de la communauté scientifique, pour l’essentiel, utilise cet outil et crée une
unité des Européens à partir de ce chiffre.

A. Questionner sociologiquement le questionnaire Eurobaromètre

L’EB est créé en 1973. C’est un outil régulier. Ce qui fait sa force démonstrative, c’est qu’il y
a des questions régulières, de trend (des questions posées régulièrement, tous les 6 mois, qui
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
servent de baromètre de l’OPE) comme : « D’une façon générale, pensez-vous que le fait pour
(notre pays) de faire partie de l’Union européenne est une bonne chose – une mauvaise chose –
une chose ni bonne ni mauvaise ? ». Cette question est constante depuis des années et obtient
des réponses favorables.

 Confère une légitimité européenne aux institutions européennes qui est une
légitimité populaire, en plus de sa légitimité juridique.

Autre exemple de question récurrente : « Faites-vous confiance aux institutions ? »


Mais répondre à la question en comprenant le sens de la question, ça signifie que nonobstant la
composition du P€, et le jeu de la démocratie représentative, même si la majorité ne me convient
pas, je considère que le fonctionnement du P€ est suffisamment à même de prendre une décision
éclairée.

Autres questions : « Est-ce que vous vous identifiez comme Français uniquement – Français-
européen – Européen uniquement ? »
« Est-ce qu’il faut renforcer le rôle de la COM ? »
« Combien de fois lisez-vous les journaux ? »

Ce qui change, c’est que les DG peuvent poser des questions plus spécifiques. On peut avoir
des EB plus spécifiques par rapport à des domaines de politiques publiques (ex : sur la politique
économique, gestion des frontières…). On peut avoir des EB, par exemple quand la France a
voté contre le TECE. C’était un EB destiné aux Français pour savoir pourquoi ils ont voté
contre. Dans un tour de passe-passe symbolique énorme, le rapport dit que 75% dit que l’UE
est une bonne chose et les Français restent convaincus de l’intégration européenne = alors même
qu’ils viennent de voter contre au Référendum.

Ce n'est pas inintéressant sociologiquement : on peut séparer les 2, on peut refuser un texte en
étant pour l’intégration européenne. Mais là, le but était de renégocier ce qui est devenu le
traité de Lisbonne. 75% des personnes à qui on a posé la question ont répondu qu’une
constitution est indispensable pour la poursuite de l’intégration européenne. Mais on se garde
bien de garder de poser des questions sur le contenu de cette constitution = ce serait faire de
la politique politicienne, or la COM n’a pas mandat pour poser ce genre de questions.

On concatène les blocs moyennement favorable/favorable/très favorables en disant « 75%


sont favorables », en enlevant les nuances. Ca change le pilotage de la réponse. C’est poser une
gradation, une échelle. Les tours de passe-passe rhétoriques peuvent être utilisés.

On n’aura jamais des questions politiciennes : par exemple, des noms de dirigeants européens.
Equilibre des positions = il ne faut pas se fâcher avec le Conseil ou avec le P€.

Dans les EB du P€ = des questions générales, qui ne doivent pas intéresser seulement un
groupe politique. Un instrument de mesure qui sert à donner des arguments pour dire
pourquoi il faut continuer l’intégration européenne. Mais c’est quand on regarde les EB, on
voit que ça va globalement toujours dans ce type de question.

Cf. ALDRIN (2010) : il montre comment, progressivement, on va stabiliser les questions de


sorte à enlever un certain nombre de questions qui sont parfois un peu gênantes. Dès 1975, on
se rend compte dans l’EB 4 que 61% des répondants trouvent qu’il n’y a Ø intérêt à s’intéresser
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
à l’Europe.  Réécriture des questions, voire suppression des questions, qui iraient dans un
aspect plus négatif. Il ne s’agit pas de dire qu’il y a une manipulation / influence de l’OPE.

Le paradoxe : tout est toujours fait dans la transparence. Il suffit de regarder les données pour
voir quelles sont les questions qu’on enlève, y compris les questions problématiques.

 La question est de savoir qui va utiliser cet outil et qui va en faire un instrument d’AP.

Il ne s’agit pas de regarder les sondages en tant que tel. Cf. Virginie van INGLEGOM (voir
Démocratie européenne). Si on veut faire une analyse critique, il faut regarder les questions
qui n’apparaissent jamais et qui ne sont jamais abordées.
Communication pour convaincre les réticents. Dans les rapports : qu’est-ce qui fait que les gens
sont contre et comment peut-on faire pour améliorer ?  Paradigme diffusionniste de la COM.
Ca sert à légitimer les institutions.

Une des questions qui a été très tôt enlevée mais posée dans l’EB 3 en 1975 : si le UK venait
quitter le marché unique, est-ce que vous seriez triste/content/indifférent ?
 Poids important du UK.
 Question trop sensible : pourrait donner des arguments politiques à certaines personnes
alors qu’on ne veut pas, parce que c’est à l’encontre de l’intégration européenne, donc
dangereux pour l’institution (le marché commun), donc on retire tout de suite la question.

Dans les domaines plus techniques, on s’appuie moins sur les EB. Il peut y avoir des EB
spécifiques dédiés à des groupes sociaux spécifiques : tester toute une batterie de questions
auprès des entrepreneurs, des agriculteurs, etc.  C’est là où on voit l’effet d’instrument de
conduite de l’action publique.

Aller voir le site de l’Eurobaromètre pour voir la liste des EB et se rendre compte qu’on peut
aussi orienter l’AP en fonction de l’OP générale soit en fonction des leaders d’opinion.

Les rapports : on voit bien l’idée du 2-step-flow of communication. On touche les Européens,
on explique à quel point c’est génial, ou on spécifie sur des groupes sociaux particuliers qui
doivent faire advenir l’intégration européenne.

Les EB sont des instruments dont les questions sont toujours complexes.

Exemple de question (EB10, 1978) qui demande au citoyen de se positionner en tant que
dirigeant politique. Cette question est très compliquée parce qu’elle suppose un degré de
technicité et de connaissance de l’UE assez élevé.
“Which one of these opinions comes closest to your own on the future elections to the European
Parliament?
1) It is an event with important consequences which is certain to make Europe more
politically unified.  64.2%
2) It is an unimportant event because the national governments will not be bound by the
votes in the European Parliament.”

 Suppose une importante connaissance du fonctionnement institutionnel européen.


 Les deux positions proposées n’ont rien à voir l’une avec l’autre. Ces deux réponses ne
correspondent pas à la même question.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
Mais on peut dire que c’est bien pour l’unification politique européenne mais qu’on regrette
que les gouvernements nationaux ne soient pas liés par les votes du P€.

Parfois, les EB demandent de prendre des décisions en matière de politique publique


européenne : quelles sont les actions de l’UE qui devraient être poursuivies de manière
prioritaire ? Puis liste de questions. C’est qqch qu’on va aussi retrouver du côté des EB
qualitatifs. Ils se rendent bien compte que les questions sont parfois problématiques.

On enregistre surtout, des aveux d’ignorance de processus perçus comme complexes et


difficiles à comprendre […] Les jugements, qu’on sollicitait des interviewés, sur le
fonctionnement de l’Union, sont donc très rarement étayés par des faits connus. […]
Les participants de plusieurs groupes se déclarent d’ailleurs d’emblée incapables
d’émettre une opinion fondée. […] Sans être beaucoup plus affirmatifs, les interviewés
de tel groupe ont beaucoup plus que d’autres groupes des impressions plutôt négatives,
avec l’idée de complexité, d’opacité, de lenteur des processus ou de faible efficacité.

(EB - Etude qualitative, Les citoyens européens et l’avenir de l’Europe, mai 2006)

 Eclair de lucidité de la cellule EB. Quand elle fait des entretiens qualitatifs avec des focus
groups, elle se rend compte des problèmes de l’outil et en reconnaît les limites.

 L’intégration européenne est transparente.

Introduction de questions de connaissance dans les Eurobaromètres.  S’ajuster à ce que


les Européens savent ou ne savent pas.
Exemples :
 L’UE est actuellement composé de 15 EM. Vrai / Faux.
o En 2007, 20% disent vrai.
o 57% disent faux.
o 20% ne se prononcent pas.
 1 sondé sur 5 dit qu’il n’a pas d’avis sur la question.
 Les députés européens sont directement élus par les citoyens européens. Vrai / Faux.
o 45% des sondés répondent vrai.
o 35% faux.
o 15% ne se prononcent pas.

Idée de mobilisation cognitive : l’Europe sera là quand elle sera bien expliquée. C’est à
l’appui de ces connaissances que développement d’outils/de tests/de jeux, qu’on légitime la
création de la Maison de l’Europe, le renforcement de certaines politiques éducatives, certains
programmes d’éducation, permet de justifier pourquoi on dépense de l’argent auprès des EM
pour maintenir des bureaux de la COM.

Suite à ces EB, rapport de toute l’Europe en France qui porte sur cette question de ce que savent
les Français sur l’intégration européenne et quelles sont les pistes pour renforcer cette
connaissance.

 Politique du gouvernement pour renforcer les connaissances sur l’Europe.


Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
En 2008, le Parlement européen, via la commission aux affaires culturelles, rend le rapport
Lockehaard ( ?) = si on veut promouvoir un espace public européen, il faut renforcer les
politiques d’information européennes.

 C’est un instrument assez fort. A défaut d’avoir un effet immédiat sur les politiques
publiques, il légitime certains groupes d’acteurs pour pousser leurs positions en matière
de communication.

A l’origine, l’EB est soutenu par le P€ mais très largement critiqué parce que le P€, à
l’époque Assemblée commune qui n’est pas encore Parlement mais qui s’affiche comme
Parlement (il devient Parlement dans les textes en 1986), dit qu’il faut comprendre ce que
pensent les Européens. Il faut un instrument parce que l’Europe c’est compliqué, les citoyens
ne comprennent rien et on est sur plusieurs Etats.

Le P€ dit qu’il a la légitimité élective et démocratique, donc c’est à eux d’avoir la main
sur cet instrument.

Il obtient l’EB en 2007, art. 10 et 11 = pouvoirs de représentation de la démocratie, d’un côté


au P€ et de l’autre à la COM. Le P€ a désormais son propre EB. Dès le début, cet EB va dire la
même chose que l’EB de la COM :
« les Européens n'en savent que “très peu” sur le fonctionnement de l'UE et de ses
institutions. Ils sont plus d'un tiers à ne pas pouvoir citer trois institutions européennes
qu'ils connaissent. Dans ce contexte de méconnaissance, on notera cependant que le
Parlement européen est l'institution la plus citée par les répondants. […] A ce résultat
s'ajoute le fait que plus de la majorité absolue des Européens considère que le Parlement
européen est l'institution qui "représente le mieux l'Union européenne” » (EB/PE 77-4,
2012, p. 3)

Le P€ fait un tour de passe-passe habile :


Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE

« Dans ce contexte de méconnaissance, on notera cependant que le Parlement


européen est l'institution la plus citée par les répondants. En effet, plus de la moitié
d'entre eux cite avant tout le Parlement européen, près d'un tiers la Banque centrale
européenne et un quart la Commission européenne.
A ce résultat s'ajoute le fait que plus de la majorité absolue des Européens considère
que le Parlement européen est l'institution qui "représente le mieux l'Union
européenne.
Enfin, plus des deux tiers considèrent toujours que le Parlement européen joue un
rôle important dans le fonctionnement de l'UE, bien qu'en légère diminution depuis un
An ».
Les Européens à deux ans des élections européennes de 2014 - Eurobaromètre du
Parlement européen (EB/PE 77.4)

Un tiers des répondants déclare ne connaître Ø institution.

Quand on dit que 53% des répondants disent qu’ils connaissent le P€ c’est 53% de 66%
puisque 33% des répondants n’en connaissent aucune. Ca ne change pas l’ordre d’arrivée :
le P€ reste l’instrument le plus connu. Mais en ordre d’arrivée, on a le P€ en premier et en
deuxième Ø.

 C’est un moyen pour le P€ de dire qu’ils représentent mieux l’UE.


Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
En 2014, ce n’est pas surprenant que les 3 institutions les plus connues soient le P€, la COM et
la BCE = crise de l’Euro. Ce sont les institutions dont on parle le plus souvent.

Mais difficile de faire le tri entre le Conseil européen, le Conseil de l’UE, la Cour des comptes
européenne ou le CoR, …

Cette question se retrouve assez peu dans les Parlemetres. Les réponses sont plus fluctuantes.
C’est lié à la composition du bureau du P€ et des enjeux du P€. L’EB est lié à la DG comm du
Parlement. C’est à ce titre qu’ils ont élaboré les politiques de communication pour les futures
élections européennes.

 Autour de cet outil, on a un outil de la conduite des politiques publiques européennes,


un instrument de mesure, qui est assez unique parce que certes en France ou dans
d’autres pays, le SIG et ses homologues étrangers, récupèrent un ensemble de sondage
qui sont produits par d’autres, peuvent commander des sondages, mais ces sondages
sont très opaques (cf. l’affaire des sondages de l’Elysée). Les marchés publics ne sont
pas très clairs et les données ne sont pas rendues publiques. Ici, on a bien un instrument
de l’équivalent des données d’Eurostat, qui sont totalement transparentes mais qui
servent aussi à la conduite de l’AP€, et qui en matière de communication servent à la
conduite des politiques.
 On ne se sépare jamais de l’idée que l’Europe est mal connue donc il faut renforcer
la communication. Les gens sont contre : comment faire en sorte que ça rentre dans la
tête des gens ? Par des actions locales de communication, par des campagnes spécifiques
(les jeunes, certains groupes spécifiques, certaines professions…).
 C’est un outil pour lequel on a un ensemble de travaux scientifiques qui vont mesurer
ce qu’est cette OPE et qui vont essayer de comprendre les réticences à l’intégration
européenne. C’est un formidable instrument de mesure attesté par les travaux
scientifique. Dans les laboratoires, c’est plus simple de récupérer les bases de données
dans lesquelles on a 28 pays que passer ses propres questionnaires avec des moyens
limités.

II. Existe-t-il une identité européenne ?

Dans les EB, il y a une question qui était pendant longtemps l’identité européenne serait
une identité supranationale. Il y aurait une gradation. On est de plus en plus Européen si on
s’affirme uniquement Européen.
« Je me sens uniquement (national) – national et européen – Européen et national –
uniquement Européen. »

Cette question posait plein de problèmes. De savoir si je suis national et européen ou européen
et national est trop complexe. Meli-melo de réponses au milieu qui ne répondaient pas aux
enjeux nationaux. On a désormais fusionné les 2 modalités, donc maintenant 3 modalités de
réponse.

Que faire des Etats en phase de régionalisation ? En Espagne, est-ce que je me sens Catalan
et Européen, donc est-ce qu’il faut rajouter une réponse « régional et européen / régional
uniquement », donc cette question est rapidement devenue complexe, sans compte que
politiquement, personne ne se met d’accord sur ce que serait l’identité européenne.
Communication et lobbying européens
Communication européenne N. HUBE
Un certain nombre de travaux s’intéresse à la politique symbolique de l’UE // Anderson :
passer par la revendication de symboles forts (une cartographie, une langue, un support…).
 Justifiait de devoir mettre des drapeaux partout = le marketing de l’UE.
Ces travaux montrent que quand on pose cette question, on est dans une identification
(« comme ») = l’intégration européenne n’est pas suffisamment avancée, peu de gens se
sentent « comme » des Européens.

2e degré : s’identifier comme un support à l’intégration européenne (« je suis favorable à


l’intégration européenne »). Mais problème dans l’abstention.

Depuis une 15N d’années, les institutions et les travaux scientifiques s’intéressent au banal
nationalism = des formes d’identification avec l’intégration européenne. J’arrive à
m’identifier avec certains éléments de l’intégration européenne. Idée contingente qui
justifie la création de tout un ensemble de politiques de communication qui vont être les musées
de l’intégration européenne.

Vous aimerez peut-être aussi